HAFF Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON PROCEDURE AND HOUSE AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 1er mai 2001
Le président (M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)): La séance est ouverte, chers collègues. Nous continuons notre examen d'un renvoi de la Chambre se rapportant à une question de privilège et au ministère de la Justice.
Nous sommes ravis de recevoir comme témoins le greffier de la Chambre, William Corbett, et la sous-greffière, Audrey O'Brien. Bienvenue à vous deux. Merci pour votre aide.
• 1105
Comme vous le savez, nous avons déjà reçu les témoignages de
M. Toews, le député qui a soulevé la question au départ, et de la
ministre de la Justice, à notre dernière séance. On semble s'être
raisonnablement bien concentré sur les faits qui ont donné lieu à
l'incident. Nous avons maintenant certaines questions à résoudre.
Nous espérons que vous avez en tête les réponses dont nous avons
besoin et qui se rapportent à la procédure et aux lois qui sous-
tendent les procédures à la Chambre.
Je présume que vous n'avez pas d'exposé à présenter pour commencer. Si vous en avez un, n'hésitez pas. Non? Nous passons donc aux questions des membres du comité.
Chers collègues, des questions ont été préparées en collaboration par les attachés de recherche et le greffier pour nous aider à cerner les éléments essentiels. Je vais maintenant donner la parole aux membres du comité.
Monsieur Saada, allez-y.
[Français]
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Merci, monsieur le président.
Comme tout le monde, j'ai observé que, quand un projet de loi est déposé, il ne porte pas encore de numéro et il porte toujours la mention «secret» en haut. Est-ce qu'on pourrait m'expliquer comment ça fonctionne? Qui décide cela? Comment est-ce que ça se présente? Quelles sont les règles applicables?
M. William Corbett (greffier de la Chambre des communes): Merci, monsieur le président.
J'essaie de donner la réponse demandée par M. Saada. Quand les projets de loi ou les avant-projets de loi sont présentés à la Chambre, ils sont imprimés par le ministère de la Justice. C'est le ministère qui contrôle la production des avant-projets de loi. Ils sont produits par le ministère de la Justice et il n'y a aucune action de la Chambre des communes. À cause du fait qu'ils sont considérés comme une confidence du Conseil privé, ils sont protégés par l'article 69 de la Loi sur l'accès à l'information et par l'article 39
[Traduction]
de la Loi sur la preuve au Canada. Le ministère de la Justice imprime un nombre limité de ces projets de loi. Le Conseil privé envoie un seul original signé par le ministre, par l'intermédiaire du bureau du leader à la Chambre, au secrétariat de la Direction des journaux, lorsque l'avis du projet de loi est donné, et ce document est envoyé à mon bureau, où il est gardé sous clé.
Le ministère de la Justice envoie aussi, encore une fois par l'intermédiaire du bureau du leader à la Chambre, une caisse du projet de loi avec la mention «secret».
[Français]
Ces projets de loi ne sont pas numérotés, et cette boîte est gardée sous clé au secrétariat de la Direction des Journaux jusqu'à la date de la présentation du projet de loi en Chambre. Une fois que le projet de loi est présenté pendant les Affaires courantes, la boîte des copies est sortie du secrétariat de la Direction des Journaux et apportée en Chambre. Les pages, derrière les rideaux, biffent le mot «secret» avec une plume et ajoutent le numéro du projet de loi, selon l'ordre.
• 1110
Ces copies sont disponibles le jour même de
la présentation du projet de loi, mais une fois que le
projet de loi est lu une première fois en Chambre, la
Chambre et le Bureau du légiste et conseiller
parlementaire, avec la
collaboration de la Direction des publications
parlementaires, en deviennent propriétaires et on fait une
réimpression pour les fins de la Chambre avec le
numéro, sans le mot «secret».
Tel est le processus normal.
M. Jacques Saada: Quand un projet de loi n'est pas encore déposé en Chambre et n'est donc pas encore passé en première lecture, il porte la mention «secret». Vous avez fait allusion à des articles de deux lois, la Loi sur la preuve au Canada et la Loi sur l'accès à l'information. Que signifie concrètement «secret» dans le cadre de ces articles? Qui y a accès et qui n'y a pas accès dans ce cadre-là?
Mme Audrey O'Brien (sous-greffière de la Chambre des communes): Je pense que Mme Fitzgerald, du Bureau du Conseil privé, serait mieux placée pour répondre à cette question, puisque c'est le Conseil privé qui décide de désigner «secret» un projet de loi en se basant sur le fait, comme le disait le greffier, que le projet de loi, avant d'être présenté en Chambre, est considéré comme une confidence du Conseil privé. C'est le Conseil privé qui décide qui y a accès et qui n'y a pas accès. Ce n'est pas la Chambre.
Ce que M. Corbett vient de décrire, c'est le processus qui est entamé une fois que le Conseil privé décide qu'il va présenter ou qu'un ministre va présenter un projet de loi en Chambre.
M. Jacques Saada: Est-ce que vous me permettez de pousser la logique jusqu'au bout?
[Traduction]
J'aimerais comprendre plus exactement la procédure: lorsqu'on dit «secret» et que le texte appartient au Conseil privé, et que la définition de ce secret présume que le texte appartient au Conseil privé, comme vous le disiez, le ou la ministre aurait-il, à titre de membre du Conseil privé, son mot à dire quant à la définition de ce qui est associé à la mention «secret» ou est-ce que cela ne lui appartient pas, mais plutôt au Conseil privé, comme groupe ou organisation?
M. William Corbett: Encore une fois, monsieur Saada, je crois qu'il faudrait plutôt poser ces questions à Mme Fitzgerald, du Conseil privé. Ce n'est pas notre domaine de spécialité. Nous avons dans nos dossiers des documents sur ce régime du secret et sur la façon dont on traite des projets de loi au sein de la fonction publique, avant leur dépôt à la Chambre.
Tout ce que je peux vous dire, c'est que ces documents que nous avons en main ont été préparés par le Conseil privé et le ministère de la Justice. Je peux les lire, mais non les expliquer. Il y a toute une série de considérations relatives à...
[Français]
lignes directrices établies par le ministère de la Justice et le Conseil privé à l'intention des fonctionnaires qui entament un processus de consultation avec le grand public et les groupes d'intérêt à l'étape de la création d'un projet de loi ou de la consultation du public, une fois qu'un projet de loi est rédigé. Ce n'est pas nous. Nous n'avons pas compétence pour dire comment ils seront gérés par le gouvernement, par le Conseil privé.
M. Jacques Saada: Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président: Merci.
Chers collègues, si vous n'avez pas d'objection, ces questions sont assez précises et je voulais en poser une autre, dans la même veine.
Monsieur Corbett, vous avez parlé de mettre sous clé les projets de loi dont l'avis a été donné par le gouvernement. Dois-je présumer que vous n'employez pas la même procédure pour les projets de loi émanant des députés? Autrement dit, vous ne les mettez pas sous clé, n'est-ce pas?
M. William Corbett: Essentiellement, monsieur Lee, pour les projets de loi émanant des députés, je crois qu'il n'y a que trois copies qui sont préparées, pour dépôt à la Chambre: une pour donner l'avis, une pour les députés et la troisième...
Mme Audrey O'Brien: Nous donnons deux copies...
M. William Corbett: Nous donnons deux copies au député: une pour le dépôt et une qu'il conservera, puis une autre va au secrétariat.
Le président: Ce que je voulais savoir...
M. William Corbett: Nous avons fait quelques recherches pour retrouver l'origine de la mention «secret» sur la première page des projets de loi émanant des députés. Le conseiller législatif nous a répondu qu'il s'agissait d'une question de confiance entre le rédacteur et le député. Il s'agit de respecter...en utilisant sans doute simplement la présentation originale du ministère de la Justice, pour les projets de loi du gouvernement.
Le président: Bien, vous ne mettez donc pas sous clé les projets de loi émanant des députés dont avis a été donné, mais vous le faites pour ceux du gouvernement. Le cas échéant, je présume que la Chambre a par tradition accepté la mention secret du Conseil privé et la procédure de mise sous clé, pour protéger la confidentialité des projets de loi émanant du gouvernement, avant qu'ils soient déposés, n'est-ce pas?
M. William Corbett: Oui, je crois que vous avez raison.
Le président: Bien.
M. William Corbett: Mais aussi, monsieur Lee, pour respecter le principe selon lequel la Chambre doit être la première a recevoir un projet de loi déposé, la première à avoir accès à l'information, avant quiconque. Nous mettons donc le projet de loi sous clé quand il nous est confié, afin d'éviter toute erreur qui en ferait connaître la teneur à quelqu'un d'autre que les députés.
Le président: Bien.
Mme Audrey O'Brien: Monsieur le président, une précision au sujet de la confidentialité et du cas des projets de loi émanant des députés. Nous utilisons le terme «mettre sous clé» pour les projets de loi du gouvernement que le bureau du leader du gouvernement en Chambre nous envoie, parce que déjà bon nombre de copies sont prêtes pour le dépôt. Il est aussi important de faire remarquer que nous préservons absolument la confidentialité de la copie du projet de loi qui est donnée au secrétariat, dans le cas d'un projet de loi émanant d'un député. Il revient à chaque député de décider de ce qu'il en fera.
Ainsi, beaucoup de projets de loi ont été rédigés, mais n'ont pas été déposés à la Chambre, ni fait l'objet d'une première lecture, parce que le député pourrait par exemple vouloir s'en servir pour mener des consultations publiques ou auprès de groupes d'intérêt. Nous respectons la relation de confiance entre le conseiller législatif et le député. Nous nommons peut-être la chose un peu différemment.
Le président: Bien. Je peux presque voir les questions surgirent dans les esprits.
Monsieur MacKay, à vous.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président. Bienvenue aux témoins. Je sais que vous connaissez très bien cet endroit.
Ma question est dans la même veine que celle du président. Qui a la responsabilité de veiller à cette confidentialité et de faire un suivi? Quelles sont les sanctions possibles, s'il y en a? Sont-elles les mêmes pour les projets de loi du gouvernement et ceux qui sont d'initiative parlementaire?
M. William Corbett: Je ne crois pas avoir bien compris la nature de la question, monsieur MacKay.
M. Peter MacKay: Si la confidentialité n'est pas respectée.
M. William Corbett: Si la confidentialité n'est pas respectée, mais par quelqu'un d'autre, nous sommes essentiellement responsables de la garde des copies qui nous sont confiées, mais que je sache, nous ne sommes pas responsables des autres copies qui ont circulé, entre les mains du gouvernement avant que le projet de loi soit déposé et reçu en première lecture à la Chambre.
• 1120
Je suis à la Chambre depuis 21 ans et que je sache, jamais un
projet de loi qui nous avait été confié a fait l'objet d'une fuite
avant son dépôt en Chambre. Le texte du projet de loi peut avoir
fait l'objet d'une fuite, d'autres façons, mais je ne pense pas que
des copies qui nous ont été envoyées pour dépôt à la Chambre aient
jamais fait l'objet d'une fuite, et qu'on ait prétendu que la faute
en revenait au personnel de la Chambre.
M. Peter MacKay: Je comprends votre réponse, mais ce que je veux savoir, c'est qui a la responsabilité de réagir ou, essentiellement, d'imposer des sanctions, peu importe la source de la fuite—les sources sont habituellement difficiles à déterminer. Existe-t-il des sanctions pour les atteintes à la confidentialité? Le ministère en est-il responsable? La Chambre des communes? Un comité de la Chambre des communes? Je veux savoir à qui incombe cette responsabilité, pour l'avenir. Au bout du compte, qui peut dire: «C'est interdit et voilà ce qu'il en coûte de passer outre»?
M. William Corbett: Je présume que c'est la Chambre elle-même, si la Chambre estime que cette fuite est un outrage.
M. Peter MacKay: Ce serait donc par l'intermédiaire d'un comité ou la responsabilité directe de la Chambre. Nous avons vu la décision du Président de la Chambre, mais qui impose les sanctions quand on constate une fuite?
M. William Corbett: La Chambre renvoie la question, par motion, à votre comité.
Mme Audrey O'Brien: Vous avez mis le doigt sur une chose qui a causé bien des frustrations jusqu'ici: il est difficile d'attribuer la responsabilité d'une fuite, c'est à peu près impossible. D'une certaine façon, c'est ce qui a rendu les sanctions difficiles à imposer pour tout comité.
Pour ce qui est de notre pratique et de nos précédents, il n'y a pas de sanctions prévues pour censurer qui que ce soit, par exemple, si on constate qu'un membre de comité a causé la fuite d'un rapport. Il y aurait un blâme et cette personne serait tenue de présenter des excuses. Mais cela mis à part...
M. William Corbett: En gros, il n'y a pas de tableau des sanctions.
M. Peter MacKay: Donc, à part la responsabilité ministérielle et la réponse du ministre au comité ou à l'ensemble du Parlement, il n'y a pas... Je ne m'attendais pas à un tableau des sanctions, mais ce que je me demande, c'est ce qu'on fait maintenant, si l'on veut désigner un responsable? Dans ce cas-ci, nous ne pouvons plus rien faire, mais à l'avenir, quelle devrait être la procédure pour imposer des sanctions, si possible? Vous avez parlé de blâme. Y en a-t-il d'autres?
Mme Audrey O'Brien: À part de faire rapport de la responsabilité de cette personne, de la tenir responsable de ses actes, de la fuite, de la blâmer et de lui reprocher d'avoir manqué à ses devoirs envers le Parlement, je ne vois rien.
M. Peter MacKay: C'est donc le ministre qui est responsable et je présume que le premier ministre a le pouvoir de réagir en conséquence, ne pensez-vous pas?
M. William Corbett: Je ne sais pas où vous voulez en venir avec vos questions, mais au bout du compte, si après enquête votre comité peut démontrer le déroulement des faits, vous avez le pouvoir de faire une recommandation à la Chambre. Votre comité peut faire toutes les recommandations qu'il veut, dans un rapport à la Chambre, mais il reviendra ensuite à la Chambre de l'accepter ou de le rejeter.
M. Peter MacKay: Bien.
M. William Corbett: Mais nous n'avons pas de précédent clair en la matière.
M. Peter MacKay: Il n'y a donc pas de précédent clair et bien défini.
• 1125
Voilà où je veux en venir. Mes questions peuvent sembler
tendancieuses, mais c'est essentiellement ce que j'essaie de
savoir. Il n'y a donc pas de procédure formelle, outre que le
premier ministre tienne son ministre responsable. À une certaine
époque, les ministres pouvaient perdre leur poste à cause de fuites
ou d'autres problèmes dans leur ministère.
Voici ma dernière question: Vous êtes greffier ou avez travaillé sur la Colline depuis de nombreuses années et vous connaissez bien les annales de la Chambre. Ne diriez-vous pas qu'à une certaine époque, les ministres avaient pour habitude de faire des déclarations d'importance, des déclarations se rapportant aux projets de loi, uniquement à la Chambre? Peut-on dire raisonnablement que par le passé, c'est à la Chambre que se faisait le dépôt de tout projet de loi significatif, ou l'annonce de toute politique d'importance? Diriez-vous le contraire?
M. William Corbett: Il est très difficile au greffier de la Chambre de répondre à cette question, puisque qu'il m'incombe de savoir ce qui se passe à la Chambre, mais je ne sais pas nécessairement constamment ce qui se passe à l'extérieur de la Chambre et il ne m'incombe pas de le savoir.
Au fil des ans, on a adopté une procédure de plus en plus ouverte pour la procédure législative, de l'idée d'un projet de loi au produit final, accepté par le Cabinet pour dépôt à la Chambre. C'est vrai. La procédure est plus ouverte qu'autrefois. Je ne sais pas si c'est là où vous vouliez en venir, monsieur MacKay, mais je ne peux formuler d'autres commentaires.
M. Peter MacKay: Je ne veux pas être partisan ni blâmer quelque gouvernement que ce soit.
Ce que je vous demande, à vous qui observez la Chambre de près depuis de nombreuses années, c'est si la culture a changé. Est-ce qu'on ne sous-exploite pas la Chambre comme endroit de présentation première d'un projet de loi, comme tribune où les ministres font des annonces et déposent leurs projets de loi? Je crois que cette question touche à tout ce qui s'est produit dans le cas qui nous intéresse. Les ministres ne croient plus qu'il leur incombe de s'adresser d'abord à la Chambre des communes pour présenter quelque chose aux autres députés, à leur propre caucus ou au Cabinet même. Il semble y avoir un glissement. Comme vous observez la Chambre depuis longtemps, je vous demande si c'est ce que vous avez constaté aussi.
M. William Corbett: À titre d'observateur du processus, je pourrais probablement faire cette constatation.
M. Peter MacKay: Merci.
Le président: Madame Gallant, vous avez la parole.
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, AC): Vous avez dit qu'un projet de loi est la propriété du Conseil privé jusqu'à son dépôt, et que la Chambre doit être la première à le recevoir. Dans le cas du projet de loi C-15, le Conseil privé n'a donné aucune autorisation pour qu'il soit divulgué avant son dépôt en Chambre, n'est-ce pas?
M. William Corbett: Je ne peux formuler d'observation à ce sujet, monsieur le président. Cela ne relève pas de moi. Ce que le Conseil privé fait ou ne fait pas ne regarde pas nécessairement le greffier de la Chambre des communes.
Il serait préférable de poser ce genre de question aux représentants du Conseil privé, lorsqu'ils témoigneront.
Mme Cheryl Gallant: Croyez-vous que les députés, y compris les porte-parole de l'opposition, devraient avoir accès aux projets de loi avant leur dépôt à la Chambre?
M. William Corbett: Je ne crois pas qu'il soit juste qu'on me pose cette question; je ne suis pas en mesure d'y répondre.
Le principe qu'on veut établir, c'est que le projet de loi ne se retrouve pas entre les mains de tiers, avant son dépôt à la Chambre. Que ce soit ou non une pratique souhaitable, je sais qu'à l'occasion, les ministres feront part aux porte-parole de l'opposition du contenu des projets de loi, avant leur dépôt. Je sais aussi qu'en pratique, avant de faire une déclaration ministérielle, les ministres les transmettent souvent aux porte- parole de l'opposition, afin qu'ils puissent y répondre adéquatement. C'est l'une de ces courtoisies qui facilitent le fonctionnement du Parlement. Mais il revient aux députés, aux porte-parole et aux ministres de décider.
Le président: Monsieur Harris, vous avez la parole.
M. Richard Harris (Prince George—Bulkley Valley, AC): Merci, monsieur le président.
Monsieur Corbett, je ne crois pas avoir entendu de réponse à la question de M. MacKay au sujet d'une fuite éventuelle commise par un employé du bureau du greffier. En pareil cas, qui aurait la responsabilité de s'en occuper? Est-ce vous-même? Est-ce qu'on s'en remettrait à notre comité, qui aurait à formuler une recommandation? Est-ce que cette recommandation serait faite au gouvernement, puis s'adresserait à vous? Quelle est la chaîne de commandement? Qui dira à cette personne qu'elle a commis un acte très grave et qu'elle en subira les conséquences? Je ne crois pas avoir compris votre réponse à cette question.
M. William Corbett: Je n'avais pas compris que c'est de cette façon que M. MacKay avait formulé sa question.
Vous l'avez précisé en parlant de fuite au bureau du greffier. Évidemment, une telle fuite serait pour nous une chose extrêmement grave. Selon sa nature, nous pourrions considérer qu'il s'agit d'un manquement grave au serment que prononcent les employés de la Chambre des communes. Ce serait le cas, par exemple, s'ils causaient une fuite d'un avant-projet de loi en notre possession. Cela donnerait lieu à des mesures disciplinaires. Selon la nature du délit et le dossier de l'employé, la direction de la Chambre pourrait appliquer toute une gamme de mesures disciplinaires. Il nous incomberait sûrement de nous en occuper.
M. Richard Harris: Dans la même veine, les employés de la Chambre prononcent donc un serment semblable à celui des fonctionnaires au sujet du secret?
M. William Corbett: Oui.
M. Richard Harris: La Chambre peut-elle appliquer l'expression «secret jusqu'au dépôt en Chambre» à ce qu'elle veut? Le conseil des ministres et la bureaucratie sont-ils tenus à la définition qui en est donnée? Une désobéissance ou le fait de ne pas en tenir compte constituerait-il un outrage à la Chambre?
M. William Corbett: C'est une question difficile car on mélange un peu les notions. Si le gouvernement indique qu'un avant-projet de loi est «secret», cela signifie qu'il veut protéger les documents confidentiels du Cabinet. Ces choses-là sont régies par une loi. Peu importe que le projet de loi ait déjà été présenté ou non à la Chambre. En cas de fuite, le gouvernement peut considérer qu'il s'agit de la diffusion d'un document confidentiel du Cabinet d'après la loi. C'est à la Chambre qu'il revient de décider comment elle traiterait un tel cas et ce qui constitue un outrage à la Chambre. Il n'existe pas d'ensemble fixe de sanctions. Si la Chambre estime qu'une fuite d'un avant-projet de loi représente un outrage à la Chambre, elle peut recommander les mesures de son choix.
M. Richard Harris: Merci, monsieur Corbett.
Le président: Je vais essayer de récapituler afin que nous comprenions tous. Pour revenir à ce terme «secret», vous avez expliqué, monsieur Corbett, que ce terme est initialement utilisé par le Conseil privé lorsque les projets de loi du gouvernement sont imprimés au ministère de la Justice. Ce mot est inscrit sur le document. On peut supposer que le Conseil privé accorde à ce mot le même sens que la classification de sécurité «secret», par opposition à «confidentiel» et «très secret», ou à toute autre classification. Si on écrit «secret», cela signifie que le document est secret.
Vous avez dit également que la Chambre imprime le mot «secret» sur les projets de loi émanant des députés. Je comprends donc que la Chambre a adopté une convention quelconque pour utiliser aussi ce mot «secret» sans lui donner nécessairement le même sens que le Conseil privé ou que la classification de sécurité. La Chambre pourrait tout autant utiliser le mot «confidentiel» sur les projets de loi émanant des députés, et cela aurait le même effet. Cette convention continue de s'appliquer lorsque le projet de loi vous est envoyé et lorsqu'il est présenté en Chambre. Cela peut représenter deux jours ou encore une semaine. Dans le cas des projets de loi émanant des députés, cela peut être à tout jamais, durant toute la législature, si le projet de loi n'est pas présenté. Est-ce un bon résumé?
M. William Corbett: C'est un bon résumé de ce que nous avons dit à ce sujet, monsieur le président.
Le président: Cela signifie qu'en théorie, si un projet de loi émanant du Conseil privé faisait l'objet d'une fuite évidente, il pourrait y avoir infraction à la politique de sécurité du gouvernement ou à l'une des lois que vous avez mentionnées précédemment. Si c'était un projet de loi émanant d'un député qui faisait l'objet de la fuite, cette question ne toucherait que la Chambre, qui pourrait examiner la question sur le parquet.
Dans ce cas-ci, il s'agit d'un projet de loi du gouvernement. Je lance des hypothèses et les députés décideront eux-mêmes ce qui s'est produit ou non. Même si le mot «secret» sur ce projet de loi avait le sens que lui donne le Conseil privé, il ne s'agit pas ici d'appliquer la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada ou la Loi sur l'accès à l'information. Nous examinons la question dans une perspective parlementaire, comme nous le ferions dans le cas d'un projet de loi émanant d'un député.
Le personnel de la ministre a peut-être une opinion différente à ce sujet, et peut-être aussi la ministre elle-même. Mais nous appliquons les règles de la Chambre, selon lesquelles le projet de loi est confidentiel jusqu'à son dépôt.
J'espère que cela vous est utile. Cela m'a été utile à moi.
Avez-vous d'autres questions pour le greffier ou Mme O'Brien? Dans ce cas, nous laisserons nos témoins partir.
Nous allons suspendre la réunion pendant deux minutes, le temps que nos autres témoins prennent place.
Le président: Chers collègues, nous allons reprendre notre séance.
Notre témoin suivant est Mme Oonagh Fitzgerald, secrétaire adjointe, Secrétariat de la législation et de planification parlementaire.
Bienvenue, madame Fitzgerald. Nous continuons notre examen du secret ou du caractère confidentiel des projets de loi du gouvernement avant leur dépôt à la Chambre.
Avez-vous un exposé liminaire?
Mme Oonagh Fitzgerald (secrétaire adjointe, Secrétariat de la législation et de planification parlementaire, Bureau du Conseil privé): Oui.
Le président: Très bien. Allez-y.
Mme Oonagh Fitzgerald: J'ai pensé qu'il serait utile que je procède de cette façon, puis je répondrai à vos questions.
Le président: Très bien.
Mme Oonagh Fitzgerald: Si j'ai bien compris, je suis ici pour répondre à certaines questions qui ont été posées à Morris Rosenberg, du ministère de la Justice. Ce sont des questions qui touchent le Bureau du Conseil privé, et c'est pourquoi on a jugé bon de m'inviter à faire quelques observations.
Je vais vous parler un peu de l'élaboration des lois jusqu'au moment de leur dépôt à la Chambre ou au Sénat, puis je vous expliquerai ce que signifie «secret jusqu'au dépôt au Parlement» lorsque ces mots sont écrits sur un projet de loi. Je parlerai ensuite très brièvement de l'opinion du Bureau du Conseil privé sur toute cette question des séances d'information avant dépôt.
Premièrement, le Cabinet a publié une directive sur le processus législatif en mars 1999. Il s'agit d'un document public. En fait, on peut le consulter sur le site Web du Bureau du Conseil privé. Ce document est un cadre général décrivant la façon dont les ministères doivent procéder lorsqu'ils préparent un projet de mesure législative.
La première étape consiste à rédiger un mémoire au Cabinet afin de demander l'approbation de la politique et l'autorisation, pour la Division de la législation du ministère de la Justice, de rédiger le projet de loi. Si le Cabinet approuve la politique et les directives de rédaction, le projet de loi est alors rédigé dans les deux langues officielles par la Division de la législation du ministère de la Justice.
Une fois que les rédacteurs sont satisfaits du projet de loi, ils en envoient des exemplaires à mon groupe, c'est-à-dire le Secrétariat de la législation et de planification parlementaire, au Bureau du Conseil privé. À cette étape, le leader du gouvernement à la Chambre des communes examine le projet de loi afin de vérifier s'il est conforme à la décision qu'a prise le Conseil des ministres sur la politique générale.
Permettez-moi de mentionner un élément technique. La section de la législation du ministère de la Justice se compose de trois groupes. Il y a d'abord le groupe de la rédaction, qui est celui de la section de la législation; le second groupe est le service de révision et de publication des lois, qui vérifie la concordance entre les versions française et anglaise, apporte les corrections typographiques, etc. Il y a également le groupe des services automatisés, qui est directement lié au Parlement pour la transmission des documents. En fait, les documents sont transmis à l'imprimerie St. Joseph, qui imprime les documents.
Lorsque le leader du gouvernement a terminé son examen du projet de loi et qu'il en est satisfait, il en fait rapport au Cabinet et il demande le pouvoir délégué de préparer le dépôt du projet de loi, soit à la Chambre des communes, soit au Sénat. Une fois qu'il a l'approbation du Cabinet, le projet de loi est imprimé et transmis au Secrétariat de la législation et de planification parlementaire. Il est ensuite présenté soit au premier ministre, soit au leader du gouvernement à la Chambre des communes, pour être signé. S'il s'agit d'un projet de loi de crédits, il doit également être accompagné d'une recommandation royale.
Un projet de loi est généralement présenté par le ministre qui les parraine. C'est le Cabinet, ou dans le cas d'une délégation de pouvoir, le leader du gouvernement à la Chambre qui décide quand et où le projet de loi sera déposé.
• 1145
C'est moi qui suis chargée de donner avis au greffier de la
Chambre du dépôt du projet de loi à la Chambre des communes, une
fois que le leader du gouvernement à la Chambre m'en a donné
instruction. Un exemplaire signé du projet de loi est ensuit envoyé
au greffier de la Chambre avec un avis. Il arrive que l'avis de
dépôt à la Chambre ne soit indiqué que dans le titre. Il y a donc
deux façons de procéder.
Que signifie l'expression «secret jusqu'au dépôt au Parlement», qu'on peut lire sur les avant-projets de loi? Ces mots sont écrits sur le projet de loi par le groupe des services automatisés des services législatifs, au ministère de la Justice.
Je n'ai pas entendu tout le témoignage de celui qui m'a précédé ici, mais j'ai l'impression qu'il a mentionné les trois lois du Parlement qui protègent les documents confidentiels du Cabinet.
Il s'agit de l'alinéa 39(2)f) de la Loi sur la preuve, de l'alinéa 69(1)f) de la Loi sur l'accès à l'information et de l'alinéa 79(1)f) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Toutes ces dispositions portent sur les documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada et prévoient des mécanismes de protection très particuliers pour ces documents. Je n'entrerai pas dans les détails à ce sujet, car certains éléments de tout cela ne sont pas pertinents. Il vaut mieux limiter notre examen à la Loi sur la preuve, aux fins de la présente discussion.
On peut lire à l'article 39 que le tribunal, l'organisme ou la personne qui ont le pouvoir de contraindre la production de renseignements sont, dans les cas où un ministre ou le greffier du Conseil privé s'opposent à la divulgation de renseignements, tenus d'en refuser la divulgation, sans l'examiner ni tenir d'audition à son sujet, si le ministre ou le greffier attestent par écrit que le renseignement constitue un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada.
C'est une disposition très spéciale en droit. Elle signifie que si, dans une procédure judiciaire, quelqu'un essaie de présenter des documents confidentiels du Cabinet, le greffier peut attester de ce que ces documents constituent des renseignements confidentiels. De cette façon, les renseignements ne peuvent être présentés au tribunal. Cela interdit également à un témoin de discuter de ces renseignements.
Les renseignements confidentiels du Cabinet sont également expressément exclus des régimes d'accès de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il s'agit donc d'exemptions différentes des exemptions que l'on trouve habituellement dans la Loi sur l'accès à l'information. Ces renseignements sont directement exclus de l'application de la loi. Il n'existe qu'une exception: les renseignements confidentiels du Cabinet qui datent de 20 ans. On peut donc voir que ces trois lois confèrent une très vaste protection.
Elles interdisent la divulgation de renseignements confidentiels du Cabinet hors du cercle de l'exécutif et de ceux qui soutiennent l'exécutif—c'est-à-dire le Bureau du Conseil privé et les fonctionnaires qui travaillent directement, par exemple, à la rédaction d'un projet de loi ou à l'élaboration de politiques pour ce projet de loi. Évidemment, tous ces fonctionnaires ont fait l'objet des vérifications de sécurité qui s'imposent pour qu'ils puissent avoir accès à ce genre de documents.
Le caractère confidentiel des renseignements du Cabinet est un principe fondamental du régime de gouvernement constitutionnel canadien. On reconnaît que même la Chambre des communes n'a pas accès aux renseignements confidentiels du Cabinet. Cela a été confirmé par un ancien président de la Chambre des communes, l'honorable Roland Mitchener, le 6 novembre 1957:
-
[...] la décision du gouvernement est une et indivisible. La
Chambre n'est pas autorisée à demander comment le gouvernement en
est arrivé à cette décision et, plus particulièrement, à demander
comment le Conseil des ministres a procédé.
Le président: Pardonnez-moi de vous interrompre. Je conteste fortement la déclaration que vous citez.
Mme Oonagh Fitzgerald: Je viens de terminer la citation.
Le président: Très bien.
À mon avis, il s'agit d'une mauvaise interprétation de la loi par un président qui n'a peut-être pas profité d'un débat complet. De toute façon, cela décrit les circonstances qui existaient à cette époque et je ne suis pas certain que la Chambre ou les députés qui sont ici soient liés par cette déclaration. Mais continuez, je vous en pris.
Mme Oonagh Fitzgerald: D'accord, merci.
Au sujet du caractère secret du budget—et il s'agit là encore d'un document confidentiel du Cabinet, c'est l'un des principes qui est énoncé—, les présidents de la Chambre ont prétendu que le secret est une question de convention parlementaire plutôt qu'une question de privilège. Je crois que c'est ce qu'a dit également le témoin précédent. Par conséquent, on a considéré que le président n'avait pas de décision à rendre au sujet des réunions d'information à huis clos avant que le budget soit rendu public. Cette règle est tirée de Marleau et Montpetit. Cette question a donc évidemment été soulevée.
• 1150
Le Président de la Chambre des communes, l'honorable
Peter Milliken, a rendu une décision le 19 mars cette année: les
séances d'information offertes aux médias sous embargo ou les
séances d'information non officielles à l'intention des députés ne
constituent pas une violation de privilège tant que des mesures
sont prises pour protéger le caractère secret du projet de loi.
La protection qui s'applique aux renseignements confidentiels du Cabinet est conforme au principe constitutionnel de la division des pouvoirs, selon lequel chacune des trois branches doit respecter le champ légitime d'activité des autres.
Les tribunaux ont récemment été saisis de diverses affaires à ce sujet. Il y a eu entre autres l'affaire Singh contre Canada, devant la Cour d'appel fédérale. Il y a eu également l'affaire de la New Brunswick Broadcasting Company et de la Nouvelle-Écosse, qui mettait en cause le Président de l'Assemblée législative de cette province et qui a été instruite par la Cour suprême.
Le caractère confidentiel des renseignements est également un élément fondamental du régime canadien de démocratie parlementaire axé sur la primauté du droit et la responsabilité gouvernementale.
Permettez-moi de vous expliquer la question de la responsabilité. Les ministres ont une double responsabilité: ils sont individuellement responsables de ce qui a trait à leur portefeuille et ils sont collectivement responsables des décisions du Conseil des ministres. Si les renseignements du Cabinet sont confidentiels, c'est que pour avoir un gouvernement efficace, le Cabinet doit être solidaire et il faut donc que ses discussions puissent être confidentielles.
Les avant-projets de loi font l'objet de plusieurs versions. Ils sont expressément mentionnés dans ces trois lois, selon lesquelles ils sont protégés à titre de documents confidentiels du Cabinet. Cela s'explique par le fait qu'il existe des différences entre les diverses versions et que la solidarité du Cabinet pourrait être réduite à néant si différentes personnes faisaient la promotion de différentes ébauches.
Le Cabinet est maître de ces renseignements confidentiels et peut, dans certains cas, renoncer à cette protection. La directive du Cabinet sur la législation, dont j'ai parlé il y a quelques instants, prévoit expressément qu'on peut tenir des consultations sur les avant-projets de loi, dans l'intérêt de la transparence et de la consultation.
Les directives indiquent que ces consultations ne doivent pas nuire au travail du Parlement dans l'adoption des lois et ne doivent pas non plus conférer un avantage indu, comme par exemple l'avantage économique, à qui que ce soit. Il est prévu que si un avant-projet de loi donnera lieu à des consultations avant son dépôt au Parlement, cette intention doit être indiquée dans le mémoire au Cabinet et on doit demander l'autorisation du Cabinet, qui acceptera ce genre de dérogation. Mais d'une façon générale, les avant-projets sont secrets jusqu'à leur dépôt.
C'est pour cette raison qu'on inscrit cette mention sur le projet de loi, à titre d'avertissement. Une fois que le projet de loi est déposé, il cesse bien sûr de relever de l'élaboration des politiques de l'exécutif et il tombe sous la compétence du législatif.
J'ai parlé un peu plus tôt des politiques du Conseil du Trésor en matière de sécurité. Ces politiques sont pertinentes car la classification «secret» est issue de ces politiques. Cette classification s'applique à tout ce qui pourrait nuire gravement à l'intérêt national. C'est ce qu'on entend par cette notion de secret. On essaie de rassembler les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels, de la Loi sur l'accès à l'information, les notions d'information confidentielle du Cabinet et la politique de sécurité.
Enfin, j'ai quelques observations à faire au sujet des séances d'information avant dépôt. Généralement, au gouvernement, on impose un embargo sur les avant-projets de loi jusqu'au dépôt du projet de loi. Si on décide de fournir à l'avance des renseignements aux médias, ces renseignements devraient également être fournis aux députés et aux sénateurs.
La façon la plus simple de régler ce problème est de ne tenir de séance d'information qu'après le dépôt du projet de loi, car alors on fait une démarcation claire entre l'activité de l'exécutif et le rôle du Parlement. Ce n'est pas toujours la solution la plus souhaitable, selon les circonstances, et on peut également s'assurer de tenir une séance d'information sous embargo pour les médias et les parlementaires. C'est une bonne façon de traiter cette question des séances avant dépôt. À mon avis, cela fonctionnerait très bien.
Voilà pour les observations que j'avais préparées sur ce sujet. Je suis maintenant prête à répondre à vos questions. Merci.
Le président: Merci beaucoup. Vos remarques nous sont très utiles.
M. MacKay et M. Saada ont indiqué qu'ils avaient des questions à poser. Commençons par M. MacKay. Pardon, notre greffier me dit que Mme Gallant est la première sur notre liste. Nous entendrons donc Mme Gallant, puis M. Saada et M. MacKay, selon la liste du greffier.
Mme Cheryl Gallant: Merci, monsieur le président.
Ma question vise davantage à trouver une solution qu'à définir ce qu'est le secret, mais elle porte aussi sur votre étude et la question du secret. À la dernière réunion, M. Toews a parlé d'une résolution adoptée au Royaume-Uni au sujet de la responsabilité ministérielle. Il a fait renvoi à la page 63 de la 22e édition de Erskine May. Comme il ne l'a pas lue, j'aimerais le faire. Ce n'est pas très long:
-
De l'avis de la Chambre, la conduite des ministres de la Couronne
envers le Parlement devrait être régie par les principes suivants:
les ministres ont le devoir de rendre des comptes au Parlement et
d'être tenus responsables des politiques, des décisions et des
actes de leur ministère et des organismes connexes; il est
primordial que les ministres fournissent au Parlement des
renseignements exacts et véridiques, et qu'ils corrigent le plus
tôt possible toutes les erreurs qui peuvent se produire par
inadvertance. Tout ministre qui induit sciemment le Parlement en
erreur doit présenter sa démission au premier ministre. Ils doivent
faire preuve d'une aussi grande transparence que possible envers le
Parlement et ne refuser de fournir des renseignements que lorsque
leur divulgation irait à l'encontre de l'intérêt public. Cette
décision doit être prise en application de lois pertinentes et des
dispositions du Code de pratique sur l'accès à l'information
gouvernementale du gouvernement (deuxième édition, janvier 1997).
De même, les ministres doivent demander aux fonctionnaires qui
témoignent devant le comité parlementaire en leur nom et sous leur
direction de fournir des renseignements aussi exacts, aussi
véridiques et aussi complets que possible, conformément aux
obligations et au devoir des fonctionnaires, tels qu'ils sont
énoncés dans le Code de la fonction publique (janvier 1996).
Ce passage a été cité comme exemple de directives que la Chambre devrait donner aux ministres. M. Toews a fait remarquer que le Conseil privé donne des directives aux ministres, mais qu'il est étonnant que la Chambre, à qui les ministres doivent rendre des comptes, demeure muette à ce sujet.
Si la Chambre devait adopter une motion semblable à ce que je viens de lire et ajouter quelques autres détails pour régler le problème dont nous discutons aujourd'hui, en allant plus loin peut- être et en ajoutant par exemple que «les ministres doivent faire preuve de respect envers la Chambre lorsqu'ils font des annonces», comment le Conseil privé réagirait-il à une telle résolution?
Le président: Madame Gallant, je ne sais pas si Mme Fitzgerald peut parler au nom du Conseil privé. Je soupçonne que non. Et si vous demandez son avis, elle va probablement éviter la question. Elle pourrait toutefois avoir un commentaire d'ordre général à formuler sur le sujet qui vous intéresse. Voudriez-vous répondre à la question, d'une façon ou d'une autre?
Mme Oonagh Fitzgerald: Le seul commentaire que je puisse faire, c'est qu'en cas d'adoption d'une telle résolution, les ministres voudraient en délibérer. Ce qui est essentiel, pour l'instant, c'est qu'ils doivent se conformer à la loi, que c'est le cadre dans lequel ils travaillent, la loi relative aux secrets du Cabinet. Tant qu'ils n'enfreignent pas ses règles, je ne vois pas quels problèmes il pourrait y avoir.
Mme Cheryl Gallant: Merci, madame Fitzgerald.
Le président: La parole est à M. Saada, puis à M. MacKay.
[Français]
M. Jacques Saada: Je ne me prononcerai pas sur le fait qu'il soit souhaitable ou non de remettre des notes de breffage aux médias avant que le projet de loi soit déposé; ce n'est pas l'objet de mon propos. Vous avez fait allusion à plusieurs reprises, au moins deux fois en vous adressant à M. Milliken, au fait qu'on ne peut diffuser sous embargo qu'à condition de prendre les mesures nécessaires pour assurer l'embargo. Ma question est simple. Pourriez-vous me donner des exemples de mesures qu'on pourrait adopter pour assurer l'embargo auprès des médias.
Mme Oonagh Fitzgerald: L'exemple que j'ai vu, dans le contexte de la protection du budget, c'est d'avoir une séance de breffage à huis-clos. On invite aussi les députés à assister à cette séance.
M. Jacques Saada: Quant à cette séance de breffage sur le budget, il faut que je me renseigne pour voir s'il y a des parallèles. À cette séance de breffage sur le budget, en dehors des représentants des médias, est-ce qu'il y a d'autres personnes? Par exemple, je présume que l'opposition, les députés sont invités aussi à y assister.
Est-ce qu'un projet de loi et un budget, à vos yeux à vous, nécessitent le même degré, couvrent les mêmes éléments que ce qu'on appelle «secret»? Est-ce que c'est la même chose? Est-ce que l'application du terme secret dans le cas du budget, par exemple, et l'application du terme secret dans le cas d'un projet de loi, c'est la même chose?
Mme Oonagh Fitzgerald: Ça dépend... La réponse simple, c'est oui, parce que les deux concernent les débats confidentiels du Cabinet. Alors, la règle est la même et la loi qui s'applique est la même. Ça veut dire que la Loi sur la preuve au Canada et la Loi sur l'accès à l'information donnent la même protection.
Peut-être y a-t-il aussi un autre aspect. Ça dépend de la nature d'un projet de loi. Est-ce que le tort causé peut être différent dans chaque cas? Je ne sais pas. Le préjudice concernant les propos confidentiels du Cabinet est le même dans les deux cas.
Le président: Est-ce que vous avez fini?
[Traduction]
Vous avez la parole, monsieur MacKay.
M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président, et merci à vous, madame Fitzgerald, d'être venue nous présenter le point de vue du Conseil privé sur cette question.
Je suis content que le président ait au moins exprimé publiquement ses objections, puisque le rôle du Président de la Chambre dans tout cela, c'est vraiment de rendre des décisions sur des rappels au Règlement et des questions de privilège. Il n'a pas le pouvoir de rendre des décisions sur des questions de droit, quels que soient les commentaires ou les intentions énoncés en 1957. Le Président de la Chambre n'est pas un juge.
Vous avez toutefois cité le droit écrit et l'interprétation qui en est faite, ou la façon dont on le voit, au BCP. Ce qui m'intéresse dans ce cas-ci, c'est la responsabilité envers le Parlement, qui existe aussi pour le Conseil privé. C'est en grande partie une question de règles implicites, ou de culture. Voici ma question: dans ces séances d'information qui ont lieu, dans le cadre de l'élaboration d'un projet de loi—vous en avez décrit la procédure—qui parlera au nom du Parlement, à un moment ou à un autre? Qui dira au ministre: «non, monsieur ou madame le ministre, sauf votre respect, vous devriez d'abord en parler au Parlement»? Cela se produit-il? Qui fait les vérifications? Est-ce écrit quelque part? Au BCP, quelqu'un parle-t-il au nom du Parlement? Est-ce pris en compte, à un moment donné?
Mme Oonagh Fitzgerald: Cette question compte de nombreuses facettes. Si l'une d'entre elles porte sur les stratégies de communication au sujet d'un projet de loi donné, je ne peux pas vous répondre puisque je ne suis pas spécialiste en communication.
Dans le rôle que j'ai à jouer, au service du leader du gouvernement à la Chambre, nous sommes toujours très préoccupés par l'incidence des décisions sur le bon fonctionnement du Parlement. Une partie inhérente de notre rôle, c'est de s'assurer que le Parlement est traité avec courtoisie et respect.
Je ne m'occupe toutefois pas des détails des plans de communication.
M. Peter MacKay: Sauf le respect que je vous dois et malgré votre réponse, je dois dire que ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Je ne parle pas de communications ni de stratégies d'information du public. La question est toute simple: quelqu'un au BCP tient-il compte du fait que c'est le Parlement qui doit voir un projet de loi en premier? Il me semble que c'est ce qu'on perd de vue, en voulant raffiner suffisamment les choses pour présenter le projet de loi avant que quiconque ait pu voir le projet de loi, de manière à transmettre le message que nous voulons aux médias, et éviter les dissensions.
• 1205
Est-ce que quelqu'un au BCP dit au ministre, de manière plus
ou moins subtile, qu'il faut d'abord présenter le projet de loi à
la Chambre, avant d'échafauder une stratégie de communication et de
diffusion? Y a-t-il quelqu'un pour cela?
Mme Oonagh Fitzgerald: Je ne peux pas parler pour l'ensemble du Bureau du Conseil privé.
M. Peter MacKay: Vous pourriez peut-être nous dire simplement si dans votre poste, vous avez vu quelque chose, écrit ou non. Est- ce que quelqu'un a déjà dit, en votre présence: «Monsieur le ministre, présentons d'abord la chose à la Chambre, puis on s'occupera ensuite des interventions auprès des médias»?
Vous dites?
Le président: Je chuchotais quelque chose à l'un de nos collègues, là-bas.
M. Peter MacKay: Que je faisais une digression?
Le président: Non, permettez-moi de m'expliquer...
M. Peter MacKay: C'est très respectueux, monsieur le président. Merci.
Nous pourrions peut-être maintenant laisser le témoin répondre à la question.
Mme Oonagh Fitzgerald: Je ne peux répondre à la question parce que le scénario que vous venez de présenter n'a pas de rapport avec mon travail. Je ne peux répondre à la question que vous avez posée, mais je peux peut-être vous renseigner, je l'espère.
Dans la ligne directrice du Cabinet sur la préparation des lois, il y a une chose sur laquelle on insiste...je vais essayer d'interpréter cette ligne directrice. On essayait de donner plus d'importance à des consultations accrues et à une ouverture dans l'élaboration des politiques. Les lois sont très strictes, comme je viens de vous les décrire, et il est par conséquent assez difficile d'être plus ouvert, quand on a toutes ces règles relatives aux secrets du Cabinet. Il faut en tenir compte, tout en rendant les politiques mieux adaptées à ce que souhaitent les Canadiens. Par conséquent, on a essayé de donner davantage d'importance aux consultations plus tôt dans le processus, afin d'améliorer la qualité des projets de loi.
Même en faisant cela, et même si on n'avait pas à tenir compte de la confidentialité de ce qui se fait au Cabinet, pour permettre ce genre de consultation, on a bien insisté sur le fait qu'il fallait respecter le rôle du Parlement, qui est d'adopter des projets de loi. On ne veut pas diminuer le rôle du Parlement, qui commence au dépôt d'un projet de loi. Il y a d'autres rôles, comme ceux des groupes de pression et de bien d'autres personnes qui peuvent avoir participé au processus auparavant, mais le rôle du Parlement commence vraiment au moment du dépôt, pour l'examen approfondi, par les élus, de la législation.
M. Peter MacKay: En gros, votre réponse, c'est qu'on veut vraiment présenter le projet de loi d'abord au Parlement, mais qu'intervient aussi, toute cette culture des moyens de transmettre le message. Je comprends cela, mais est-ce que quelqu'un, à une étape de ce processus, par écrit ou verbalement, affirme la nécessité d'envoyer le projet de loi d'abord à la Chambre, avant qu'il soit rendu public?
Mme Oonagh Fitzgerald: Encore une fois, je peux vous présenter une réponse simple. Nous parlons des renseignements confidentiels du Cabinet, et par conséquent, rendre public inopinément un avant- projet de loi, pourrait causer des problèmes. Ce n'est pas censé se produire. Les documents du Cabinet sont assez clairement définis pour les fonctionnaires, ainsi que la protection qu'il faut leur accorder.
La question dont a traité le président de la Chambre il y a quelques semaines se rapportait aux situations où, juste avant le dépôt d'un projet de loi, certains précédents ont eu lieu, et certaines pratiques ont été instaurées, en vue de préparer les gens. La situation du budget en est un exemple: il y a un huis clos où on vous informe à l'avance, mais les journalistes ne peuvent sortir. Tous les députés devraient avoir accès à ces renseignements. Il y a une sorte de zone grise, mais au-delà de cette zone grise et de la teneur des lignes directrices du Cabinet, on n'est pas censé divulguer les documents confidentiels du Cabinet. Rien ne le permet et si cela se produisait, des mesures disciplinaires pourraient être imposées.
M. Peter MacKay: Pouvez-vous nous fournir cette ligne directrice ou est-ce que...
Mme Oonagh Fitzgerald: Oui, c'est public. J'en ai une copie ici. Ma copie est-elle complète? Oui.
M. Peter MacKay: Merci.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
Monsieur MacKay, le commentaire que j'ai formulé et que vous avez entendu parce que le microphone était allumé se rapportait au fait que vos questions traitaient du dépôt de projets de loi, des énoncés de principe, des annonces de politiques et des questions plus larges relatives aux annonces gouvernementales. Notre mandat, d'après le renvoi de la Chambre, ne se rapporte qu'au dépôt de projets de loi...
M. Peter MacKay: Vous avez dit que je divaguais, monsieur le président, et je trouve cela offensant.
Le président: Ce n'est pas le mot que j'ai utilisé, monsieur MacKay.
M. Peter MacKay: C'est ce que j'ai entendu: «Il divague».
M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Peter, vous avez dit «digresser»; vous n'avez pas dit «divaguer».
Le président: Monsieur MacKay, vous êtes toujours libre de digresser.
M. Geoff Regan: Vous avez répété ce qu'il a dit—à moins que j'aie mal compris. Je n'ai pas entendu le mot «divaguer».
Le président: Est-ce qu'on a tiré les choses au clair une fois pour toute?
M. Peter MacKay: En ce qui me concerne, oui. Merci, monsieur le président.
Le président: Très bien.
Madame Catterall, allez-y.
Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): Pourriez- vous me dire clairement et simplement quelle est à l'heure actuelle la politique du Bureau du Conseil privé en ce qui concerne la communication de la teneur d'un projet de loi?
Mme Oonagh Fitzgerald: Vous voulez dire au moment de son dépôt?
Mme Marlene Catterall: Oui. La ministre de la Justice nous a décrit très clairement en quoi consiste la nouvelle politique de son ministère. Quelle est la politique du Bureau du Conseil privé qui s'applique à tous les ministères?
Mme Oonagh Fitzgerald: Comme je l'ai indiqué à la fin, il existe en fait deux options. La plus simple et la plus sûre...
Mme Marlene Catterall: Non, il n'existe pas d'options. Quelle est la politique du BCP?
Mme Oonagh Fitzgerald: C'est ce que je suis en train de dire. Dans certaines circonstances, il est préférable d'éviter tout communiqué, toute séance d'information à huis clos avant le dépôt du projet de loi. Il est préférable de simplement déposer le projet de loi et il devient alors le projet de loi du Parlement.
La solution de rechange est de tenir une séance d'information préalable sous embargo peu de temps avant le moment du dépôt du projet de loi, séance à laquelle on invite les députés.
Mme Marlene Catterall: Les ministères peuvent choisir entre ces deux politiques, n'est-ce pas?
Mme Oonagh Fitzgerald: Oui. Cela dépend. Ils peuvent utiliser l'une ou l'autre de ces politiques car elles respectent toutes deux le rôle du Parlement et la directive du Cabinet.
Tout ce que je dirais à propos de l'embargo, c'est qu'il faut être vigilant. Il faut s'assurer d'obtenir l'approbation du Cabinet dans le cas de séances d'information préalables au dépôt. Mais il est essentiel...
Mme Marlene Catterall: Cela fait-il partie de la politique? En quoi consiste la politique?
Mme Oonagh Fitzgerald: Selon la directive du Cabinet, il faut demander l'approbation du Cabinet si on veut fournir de l'information avant le dépôt du projet de loi. Je crois que cela s'appliquerait clairement dans le cadre d'un long processus d'élaboration de politiques où il est nécessaire de consulter divers intéressés. Il faudrait en faire clairement la demande dans le mémoire au Cabinet.
Je ne suis pas vraiment sûre s'il faudrait le faire une demi-heure avant le dépôt du projet de loi, mais je crois qu'il serait prudent de demander l'approbation du Cabinet.
Mme Marlene Catterall: Vous avez bien dit que ce type de séance d'information sous embargo devrait être ouvert à tous les députés. Est-ce bien ce que vous venez de dire?
Mme Oonagh Fitzgerald: Oui. Il me semble que s'il s'agit d'une question de courtoisie envers les parlementaires, l'embargo est la mesure toute indiquée.
Mme Marlene Catterall: Je ne demande pas si ce pourrait être ou non le cas. Je demande une réponse claire quant à ce qui est prévu par la politique. La politique prévoit-elle que toute séance d'information sous embargo soit ouverte aux parlementaires, à tous les parlementaires?
Mme Oonagh Fitzgerald: Oui. Si on me posait la question, c'est exactement ce que je leur dirais.
Mme Marlene Catterall: Mais est-ce la politique du BCP?
Mme Oonagh Fitzgerald: C'est simplement que lorsque vous me demandez s'il s'agit de la politique, j'essaie de voir s'il existe un document, comme une politique du Conseil du Trésor, où cette politique est énoncée. À ma connaissance, il n'existe pas de document de ce genre.
Mme Marlene Catterall: Donc, à l'heure actuelle il n'existe pas de politique du BCP qui indique...
Mme Oonagh Fitzgerald: Il n'existe pas de document écrit, mais de toute évidence d'après les renseignements que je vous ai fournis ce matin, il n'y a qu'un certain nombre de choses que l'on peut faire. Ou bien on ne fournit aucun renseignement et on se conforme à la directive du Cabinet pour les consultations, ou bien, arrivé à la version finale du projet de loi et étant sur le point de le déposer à la Chambre, on tient une séance d'information préalable, et on le met aussi à la disposition des parlementaires. Cette séance d'information ne peut pas s'adresser uniquement aux médias. Sinon, le moyen le plus simple est de ne rien dire jusqu'au moment du dépôt du projet de loi.
Mme Marlene Catterall: Que se passe-t-il si un ministère, un haut fonctionnaire, un ministre ou qui que ce soit ne se conforme pas à ces lignes directrices et à ces principes? Comment l'obliger à rendre compte? Je crois que c'est en partie là où M. MacKay voulait en venir lors d'une question précédente.
Mme Oonagh Fitzgerald: Je crois que la Chambre oblige assez efficacement à rendre des comptes. Tout dépend des circonstances. Celles-ci sont déterminantes.
Si vous parlez de fuite de renseignements confidentiels du Cabinet dans diverses circonstances, cela devient une question de discipline. Cela pourrait être une infraction. Mais si vous parlez simplement de la question telle qu'elle a été présentée, je pense que le processus qui a suivi... c'est une question qui intéresse la Chambre.
Mme Marlene Catterall: Et enfin, à votre avis, existe-t-il une différence entre la communication d'un projet de loi, qui est clairement interdite, et la communication de la teneur du projet de loi?
Mme Oonagh Fitzgerald: Je crois que dans les deux cas, il est préférable de s'assurer d'avoir l'appui du Cabinet, conformément à la directive du Cabinet.
Mme Marlene Catterall: Serait-il raisonnable d'envisager que le Bureau du Conseil privé ou le Cabinet adopte une politique semblable à celle que le ministère de la Justice vient d'adopter, qui s'appliquerait à tous les ministres? Et selon vous cette politique devrait-elle être la même ou une version modifiée de cette politique?
Mme Oonagh Fitzgerald: Je crois que leur approche est raisonnable et prudente, donc je ne vois pas de problème à ce que d'autres ministères adoptent la même politique.
Mme Marlene Catterall: Serait-il souhaitable que le Bureau du Conseil privé adopte une politique qui s'applique à tous les ministères? C'était la question que j'ai posée.
Mme Oonagh Fitzgerald: Dans la mesure où le Conseil privé peut le faire, oui, je conviens que ce serait une bonne chose, de s'assurer que tous comprennent le problème qui s'est posé.
Mme Marlene Catterall: Je vous remercie.
Le président: La parole est à M. Jordan puis à M. Richardson.
M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Madame Fitzgerald, pour revenir aux deux options dont disposent les ministères, selon la première, personne ne reçoit aucune information jusqu'à ce que le projet de loi soit déposé à la Chambre. En ce qui concerne l'autre option, toutefois, je crois que nous devons définir certains des termes qui ont été employés. Ce que je veux dire, c'est que les embargos et les séances d'information sous embargo et à huis clos, c'est une chose, mais une séance sous embargo où les participants s'engagent sur leur honneur et sont ensuite libres d'aller et de venir avant le dépôt du projet de loi à la Chambre est une mesure hybride que le ministère de la Justice semble avoir développé.
Nous allons finir par discuter de ce que nous voulons faire, mais il me semble que le fait que la séance d'information n'était pas à huis clos, c'est ce qui a causé le problème dans ce cas en particulier. Et la troisième option ne devrait probablement pas être retenue car elle pose de nombreux problèmes.
Je n'ai absolument aucune objection à ce que les porte-parole de l'opposition—j'ignore quels sont les délais—obtiennent le projet de loi, parce qu'ils sont responsables devant la Chambre. Nous avons la possibilité de leur imposer des sanctions en cas d'infraction. Mais lorsqu'il s'agit de la presse, il existe peut- être des recours juridiques, mais dans la pratique, nous n'avons aucun moyen de contrôler ces agissements.
Donc, lorsque vous utilisez l'expression «séance d'information sous embargo», s'agit-il selon vous automatiquement d'une séance à huis clos aussi ou non? Ou s'agit-il de deux types distincts de séances pour l'instant?
Mme Oonagh Fitzgerald: Je suis portée à convenir avec vous que la séance à huis clos est la méthode la plus sûre à utiliser, compte tenu de la façon dont les choses se sont déroulées dans ce cas en particulier.
Je m'en tiendrai à cela.
M. Joe Jordan: Il me semble qu'il s'agirait d'une politique d'autosurveillance. Je suppose que la question ici c'est que le ministère de la Justice avait l'impression—et c'est une hypothèse de ma part—que ce projet de loi n'était pas suffisamment important pour que la presse accepte de participer à une séance à huis clos de trois heures. Si tel est le cas, elle peut alors attendre jusqu'à ce que le projet de loi soit déposé à la Chambre, parce que de toute évidence il n'est pas d'une grande importance.
Je pourrais accepter les deux options. C'est cette troisième option, sans séance à huis clos et sans embargo, qui pose problème. C'est peut-être l'option que nous devrions éliminer. Voilà mes réflexions. Il n'est pas nécessaire que vous les commentiez.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Très bien.
Pour sa part, votre président considère que même si la séance d'information à l'intention des journalistes est à huis clos, le fait de ne pas offrir une même séance préalable au dépôt d'un projet de loi aux parlementaires, risque quand même de créer des remous à la Chambre des communes. Donc, je ne suis pas si sûr que la présence ou l'absence de huis clos soit le seul problème auquel nous avons affaire ici. Il s'agit de façon plus générale de respecter le Parlement et le processus législatif.
Mme Oonagh Fitzgerald: Je devrais peut-être simplement préciser que je laissais entendre que dans le cas de la séance d'information à huis clos, il faudrait que cette séance soit accessible aux parlementaires.
Le président: Je vous remercie.
La parole est à vous, monsieur Richardson, puis madame Gallant.
M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je crois qu'il y a environ deux ans, dans une séance d'information semblable à celle-ci, le greffier, qui nous a renseignés plus tôt, avait mentionné que parfois le projet de loi serait enfermé à clé dans le coffre-fort de son bureau et qu'il y resterait jusqu'à ce qu'on lui ordonne de l'en sortir. C'est l'une des choses dont nous avions parlé il y a environ deux ans et demi. Il avait indiqué à cette occasion qu'il était important de garder le projet de loi en lieu sûr et qu'aucun renseignement ne serait communiqué jusqu'à ce que le Cabinet lui demande le projet de loi.
Le président: Très bien. Je vous remercie.
Madame Gallant, allez-y.
Mme Cheryl Gallant: Ma question fait suite à la question posée par Mme Catterall, qui enchaînait en fait sur ce que M. MacKay avait dit à propos du mécanisme de reddition de comptes.
Votre réponse, madame Fitzgerald, c'est qu'il appartenait vraiment à la Chambre ou au Cabinet de décider si des sanctions seraient imposées advenant la communication d'un document avant son dépôt. Donc, en réalité, dans la situation dans laquelle nous nous trouvons à l'heure actuelle, où nous avons affaire à un gouvernement majoritaire, c'est le Cabinet, ou en fait le premier ministre, selon son humeur, qui décidera si on tiendra quelqu'un responsable de la communication préalable des documents. Est-ce une description exacte de la situation qui existe à l'heure actuelle?
Mme Oonagh Fitzgerald: Je ne crois pas pouvoir répondre à cette question. Je suis désolée.
Le président: Cette question présente une difficulté en ce sens que le processus dans lequel nous nous trouvons est une réaction de la Chambre à la communication d'information préalablement au dépôt d'un projet de loi. La Chambre est en train de réagir, et vous venez de demander à un représentant du Conseil privé si c'est simplement le Conseil privé qui est responsable de discipliner ses membres ou ses employés. Le témoin n'est pas sûr d'avoir bien compris... C'est une question qu'elle peut trouver difficile.
Je crois qu'elle répondrait que le Conseil privé s'occupe de ses propres affaires, de ses employés et de ses ministres et que de son côté la Chambre s'occupe de ses affaires. Le premier ministre a bel et bien une voix à la Chambre. Il fait partie des 300 députés qui peuvent voter.
J'ignore si cette explication vous est utile, mais je comprends pourquoi le témoin a de la difficulté à répondre.
Vous avez peut-être une autre question.
Mme Cheryl Gallant: Non, pas pour l'instant.
Le président: Très bien.
Monsieur MacKay, allez-y.
M. Peter MacKay: Madame Fitzgerald, simplement pour que nous sachions plus à quoi nous en tenir, je crois qu'en réponse aux questions de Mme Catterall, vous avez indiqué qu'il existe des directives. Il existe ce que j'appellerais une marche à suivre. Ma question est la suivante: compte tenu de ce qui s'est passé dans ce cas précis, le ministère de la Justice a-t-il enfreint la directive ou la marche à suivre?
Mme Oonagh Fitzgerald: Il n'existe pas de directive en tant que tel. C'est l'une des choses que j'ai dites. Il n'existe pas de document écrit. La loi prévoit des exigences visant à protéger les documents confidentiels du Cabinet. Il existe des lignes directrices du Conseil du Trésor sur la sécurité des documents. Tous ces éléments signifient que les fonctionnaires sont au courant des contraintes auxquelles ils sont assujettis en ce qui concerne les projets de loi. Les projets de loi font l'objet d'une protection absolue jusqu'au moment de leur dépôt et c'est pourquoi cette mention figure sur les projets de loi.
• 1225
L'initiative a été portée à l'attention du président de la
Chambre, compte tenu de la manière dont ce projet de loi précis a
été géré et du fait que le présumé embargo n'a pas fonctionné. Je
crois que ce cas a illustré les risques réels qui existent lorsque
nous avons un embargo qui n'est pas absolu ni parfait, et montre
qu'il est prudent de se pencher à nouveau sur cette question. Comme
je l'ai déjà dit, les deux options sont les suivantes: nous pouvons
créer un milieu très contrôlé pour une séance d'information avant
le dépôt à la Chambre, et nous pouvons obtenir l'appui du Cabinet
pour une telle séance. Si les parlementaires sont invités eux aussi
à cette séance d'information préalable, une telle façon de procéder
devient envisageable. Si le Cabinet ne donne pas son appui, la
chose convient tout simplement d'attendre que le projet de loi soit
déposé avant de le rendre public.
M. Peter MacKay: Je crois que vous avez concédé à Mme Catterall ou à M. Jordan qu'il serait utile d'avoir un énoncé de politique clair s'il n'y en a pas déjà un. Et il semble qu'il n'y en ait pas, puisque nous avons cette zone grise. À cette fin, si nous voulons que nos travaux produisent des résultats concrets, c'est peut-être là le meilleur résultat que nous puissions espérer—c'est-à-dire une politique claire énonçant la marche à suivre de manière à empêcher qu'il y ait fuite d'information portant atteinte au rôle des parlementaires. Car il me semble—et je ne veux pas dire que vous êtes réfractaire à dessein—que les réponses tardent à venir aux questions que l'on se pose à savoir si le Bureau du Conseil privé se soucie du rôle du Parlement hormis le rôle du gouvernement et de l'exécutif dans la présentation des textes de loi.
Mme Oonagh Fitzgerald: Je vous remercie de votre suggestion. Je crois qu'elle mérite certainement d'être examinée.
Le président: J'aimerais poursuivre dans même veine que M. MacKay. Dans les faits qui ont mené à cet incident, je présume, d'après ce que vous nous avez dit des procédures du Conseil privé, que le ministre, ou dans ce cas-ci le ministère de la Justice, aurait demandé et obtenu l'approbation pour une séance d'information aux médias précédant le dépôt, sans donner une telle séance d'information aux députés. Je ne sais pas si le Cabinet a fait référence à cela, mais c'est à peu près cela qui se serait produit. À tout le moins, le Cabinet aurait accédé à la demande du ministre de présenter une telle séance d'information, si le ministre en avait demandé la permission—et nous ne le savons pas non plus. Peut-être n'est-il pas nécessaire que nous le sachions, parce que les règles du Cabinet sont ainsi faites.
Ma suggestion est la suivante: La politique du Conseil privé sur ces questions pourrait peut-être inclure une annotation ou une référence au fait que si le ministre est en voie de présenter un texte de loi, en aucune circonstance une séance d'information devrait-elle être donnée à des tierces parties avant que les députés et la Chambre n'aient fait l'objet de la courtoisie appropriée.
Je vous fais cette proposition tout simplement parce que le Conseil privé souhaiterait peut-être revoir ses recommandations à ce sujet. S'il ne le fait pas, il pourrait se heurter à un autre problème avec la Chambre. Cela vous paraît-il raisonnable?
Mme Oonagh Fitzgerald: Je vous remercie de votre suggestion.
Le président: D'accord.
À présent, pour clarifier les choses davantage, considérons les choses de manière un peu plus hypothétique. Vous avez essayé de renforcer la protection des renseignements confidentiels du Cabinet, mais vous nous avez dit qu'il y a des lois qui portent sur la protection des renseignements confidentiels du Cabinet, des lois d'intérêt public. Mais parmi les textes de loi que vous avez mentionnés, il n'y a rien qui permettrait au Conseil privé d'imposer son secret et de protéger les renseignements confidentiels du Conseil privé au Parlement. Ces mesures ne seraient pas contraignantes pour le Parlement à moins de stipulation précise à cet effet.
• 1230
Voici une situation hypothétique: Disons que le greffier de la
Chambre—pas le nôtre, jamais il ne ferait une chose
semblable—mais disons un greffier de la Chambre quelconque, qui
décide que dès que le projet de loi est inscrit au Feuilleton des
avis, avant son dépôt, il envoie un exemplaire du projet de loi à
tous les députés. Cela enfreindrait les règles du Cabinet, les
règles du Conseil privé, et peut-être même l'usage à la Chambre.
Mais si la Chambre avait demandé au greffier de faire la
distribution du projet de loi, il ne se trouverait pas à enfreindre
un règlement de la Chambre; il ne ferait que donner suite à la
volonté de cette dernière.
Comment le Conseil privé pourrait-il faire appliquer cela? À mon avis, il ne pourrait pas le faire; il n'aurait pas ce pouvoir. Aucune loi ne fournirait cette protection. Et le Conseil privé ne pourrait pas l'appliquer au Parlement.
Est-ce que j'ai raison? En ce qui concerne le maintien du secret et de la confidentialité des débats du Cabinet, la compétence du Conseil privé est limitée à ses propres ministres, elle ne s'étend pas aux autres députés ni aux employés de la Chambre.
Mme Oonagh Fitzgerald: Je ne sais pas si je peux vous donner une réponse complète à votre question. Si cela était et devenait l'usage à la Chambre, l'exécutif prendrait sans doute des mesures pour modifier ses propres pratiques. On s'attendrait à ce que le Conseil privé accepte moins facilement de donner accès aux projets de loi avant qu'ils ne soient déposés. Il n'en divulguerait que le titre, par crainte d'une atteinte à la confidentialité.
La raison réelle de la mention inscrite sur le projet de loi, c'est que des modifications y étaient apportées souvent jusqu'à la toute dernière minute. On veut préserver la possibilité de faire des modifications au projet de loi jusqu'à ce qu'il devienne la propriété du Parlement.
Le président: C'est un point bien intéressant, et que vous avez bien expliqué.
Madame Catterall, aviez-vous une courte question?
Mme Marlene Catterall: Je crois que certains d'entre nous, y compris moi-même, vous ont demandé d'aller un peu trop loin dans la définition de la responsabilité de la fonction publique et la responsabilité ministérielle. Si j'en suis coupable, je m'en excuse.
Mais cela m'amène à la question suivante. Si le comité, pour revenir à la suggestion de M. MacKay, devait examiner ou recommander une politique à adopter, je présume que ce devrait être une politique du Conseil des ministres et non du Bureau du Conseil privé. C'est bien cela?
Mme Oonagh Fitzgerald: Vous voulez dire que si le comité devait faire une recommandation, elle devrait viser une révision de la directive par le Conseil des ministres?
Mme Marlene Catterall: Je vous demande si cela serait pertinent. Il va sans dire que le gouvernement pourrait accepter ou rejeter la recommandation. Mais devrait-il s'agir d'une politique du Conseil des ministres ou d'une politique du BCP?
Mme Oonagh Fitzgerald: Je crois qu'il y a des éléments des deux ici. Un des éléments dépend très certainement du Conseil des ministres, et c'est quelque chose sur lequel les ministres auraient à se pencher. Il y aussi un élément connexe, c'est-à-dire l'appui fourni aux ministres par les fonctionnaires, qui doivent s'assurer qu'ils sont au courant des événements récents et qu'ils donnent des conseils appropriés aux ministres. Pour trouver une solution efficace, il faudrait sans doute s'attaquer au problème sur les deux plans.
Mme Marlene Catterall: De là viennent mes propos liminaires ce tour-ci. Comme le greffier du Conseil privé est aussi le responsable de la fonction publique, j'imagine que son rôle pourrait être de conseiller le Cabinet, mais surtout de donner des orientations à la fonction publique.
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S'il y avait une politique claire du BCP, elle guiderait la
fonction publique dans la conception de ses propres politiques.
Mme Oonagh Fitzgerald: C'est juste.
Mme Marlene Catterall: À l'heure actuelle, il n'existe même pas de politique pour guider les sous-ministres dans les conseils qu'ils doivent fournir à leurs ministres.
Mme Oonagh Fitzgerald: Encore une fois, il n'existe aucune politique précise là-dessus, mais il y a une compréhension très précise de leurs obligations en ce qui concerne les cotes de sécurité nécessaires pour les documents auxquels ils ont accès. Les gens sont bien au courant de la situation, et ils comprennent bien l'importance de ces documents.
Mme Marlene Catterall: D'accord. Merci.
M. Jacques Saada: Vous avez très bien posé votre question.
Le président: Merci. Cela met fin à nos questions, et je voudrais remercier le témoin. On l'a questionné sur un domaine important et potentiellement problématique des relations entre l'exécutif du gouvernement, c'est-à-dire le Conseil privé, et le Parlement. Nous semblons avoir évité les écueils, et je crois que nous avons fait un bon travail. Merci beaucoup, madame Fitzgerald.
Collègues, la séance est levée et nous nous réunirons à nouveau jeudi matin.