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HAFF Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON PROCEDURE AND HOUSE AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 26 avril 2001

• 1107

[Traduction]

Le président (M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)): Chers collègues, la séance est ouverte.

Nous examinons aujourd'hui un renvoi de la Chambre au sujet d'un prétendu outrage à cette dernière. La question a été soulevée pour la première fois à la Chambre le 14 mars, et notre Président a rendu sa décision le 19 mars, concluant qu'il y avait matière à question de privilège. Notre comité en a été saisi pour étudier la question et faire rapport à la Chambre, s'il y a lieu.

Notre témoin d'aujourd'hui est M. Vic Toews, député de Provencher. C'est lui qui a soulevé la question la première fois à la Chambre des communes. Nous allons lui donner la parole sous peu. Il est prévu qu'il ne reste parmi nous que pendant une demi-heure. Après lui, la ministre de la Justice comparaîtra pour parler de la même question.

Je tiens à vous expliquer d'emblée comment nous allons procéder, puisque nous ne faisons pas souvent ce genre de choses. Je le répète, le 19 mars dernier, la Chambre des communes a adopté la motion suivante:

    Que la question de privilège soulevée le 14 mars 2001 par le député de Provencher concernant le fait que le ministère de la Justice ait tenu une séance d'information pour les médias, excluant les parlementaires, au sujet du projet de loi C-15, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois, avant même que ce dernier ne soit déposé à la Chambre des communes, soit soumise au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

Pour faciliter l'étude de cette question par le comité, j'ai jugé utile d'énoncer la nature de la prétendue atteinte au privilège parlementaire dans les paramètres de notre étude.

En rendant sa décision, le Président a stipulé clairement qu'il s'agit là d'un prétendu outrage au Parlement, comme Marleau et Montpetit l'expliquent aux pages 66 et 67:

    Tout acte tenant du mépris ou constituant une attaque contre les droits, pouvoirs et immunités de la Chambre et de ses membres [...] est considéré comme une «atteinte au privilège» et est punissable par la Chambre. Il existe toutefois d'autres affronts contre la dignité et l'autorité du Parlement qui peuvent ne pas constituer une atteinte au privilège comme telle. Ainsi, la Chambre revendique le droit de punir au même titre que l'outrage tout acte qui, sans porter atteinte à un privilège précis, nuit ou fait obstacle à la Chambre, à un député ou à un haut fonctionnaire de la Chambre dans l'exercice de ses fonctions, ou transgresse l'autorité ou la dignité de la Chambre.

• 1110

Il convient de signaler que

    À la différence des «privilèges», les cas d'outrage ne peuvent être dénombrés ni classés.

Et c'est précisément cette question, chers collègues, sur laquelle nous nous penchons aujourd'hui. Il s'agit bien d'un outrage, d'où notre incapacité à préciser clairement les paramètres de notre étude au moment où nous l'entreprenons.

Le Président a signalé qu'il existe une convention de la confidentialité des projets de loi inscrits au Feuilleton. Cela est nécessaire en raison du rôle prépondérant que joue et doit jouer la Chambre dans les affaires législatives de la nation, et pour permettre aux députés d'être bien informés. La question essentielle, de l'avis du Président, en l'occurrence, était le fait de refuser aux députés l'information dont ils ont besoin pour s'acquitter de leurs fonctions. Comme il l'a déclaré:

    Ne pas fournir aux députés des informations sur une affaire dont la Chambre doit être saisie, tout en les fournissant à des journalistes qui les interrogeront vraisemblablement sur cette question, est une situation que la Présidence ne saurait tolérer.

Le Président a conclu que le fait de n'avoir pas fourni de l'information aux députés et de leur avoir refusé l'accès à une séance d'information à laquelle assistaient les journalistes constituait à première vue un outrage à la Chambre des communes et à ses membres de la part du ministère de la Justice. Ainsi, la Chambre des communes a prépondérance en ce qui a trait aux initiatives législatives. Il faut établir ici une distinction avec les initiatives politiques, où les déclarations ministérielles se font souvent en dehors de la Chambre.

Une fois que l'avis de dépôt d'un projet de loi a été donné, le fait de communiquer le projet de loi ou son contenu à des non- parlementaires avant sa présentation constituerait donc un outrage au Parlement. La Chambre, toutefois, n'a pas insisté sur sa prépondérance lorsqu'on prend des mesures pour limiter la divulgation du document pas encore proposé. Par exemple, le Président a signalé que l'embargo visant les médias ainsi que le huis clos font depuis longtemps partie de la façon de mener les travaux parlementaires. On peut citer en exemple la séance à huit clos avant l'exposé budgétaire et celle qui précède le dépôt des rapports du vérificateur général à la Chambre. Ces documents ne sont évidemment pas des projets de loi, mais il existe une procédure d'embargo avant leur dépôt, sans doute pour la même raison que nous n'anticipons pas le dépôt d'un projet de loi en publiant le texte à l'avance.

Les questions qui se posent en l'espèce, par conséquent, concernant les procédures et les mesures qui ont précédé le dépôt du projet de loi C-15 à la Chambre le 14 mars 2001. Une séance d'information technique a apparemment été organisée à l'intention des journalistes. Toutefois, on a interdit l'accès à cette séance aux députés et aux membres de leur personnel, même si les porte-parole des partis de l'opposition ont reçu des exemplaires du projet de loi à titre gracieux lorsqu'ils sont arrivés à la Chambre pour la période des questions ce jour-là. Avant le dépôt du projet de loi, des journalistes ont communiqué avec les députés pour leur demander ce qu'ils en pensaient. Les députés ont été manifestement désavantagés. Toutefois, il convient de signaler que même si le ministère avait offert une séance d'information aux députés, ces derniers n'auraient quand même rien pu dire au sujet du projet de loi en attendant son dépôt sans commettre eux-mêmes un outrage au Parlement.

J'espère donc, chers collègues, qu'après avoir pu confirmer les faits qui nous permettront d'établir s'il y a eu outrage—et cette décision revient aux membres du comité—de façon à pouvoir en faire rapport à la Chambre, si nous estimons devoir le faire, nous pourrons finalement jouer un rôle utile dans le but d'empêcher d'autres incidents de ce genre de se produire et d'orienter les ministères et autres organismes quant à la façon de traiter le Parlement à l'avenir.

• 1115

Il faut espérer que, à la fin de cette étude, nous aurons des suggestions utiles à faire à la Chambre et, par son entremise, aux ministères et organismes fédéraux.

Je m'en tiendrai là pour le moment. Mme Parrish aimerait soulever une question dont elle a donné avis lors de la dernière séance. Nous pouvons l'écouter maintenant ou le faire à la fin du témoignage de M. Toews.

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Centre, Lib.): Je suis prête à intervenir, en fait, monsieur le président.

Le président: Très bien. Je regrette de ne pas vous avoir donné la parole plus tôt.

Mme Carolyn Parrish: C'est très bien.

Le président: Allons-y donc. C'est une question d'ordre administratif. Chers collègues, le sous-comité qui examine les affaires émanant des députés devait présenter son rapport d'ici au 16 avril. Cela lui a paru difficile et il demande une prolongation jusqu'au 31 mai. Je vais lire la motion, que voici:

    Que le délai dont le Sous-comité sur les affaires émanant des députés dispose pour faire au Comité permanent son rapport sur le paragraphe 87(6) du Règlement et qui a été fixé au 16 avril 2001 soit prolongé au 31 mai 2001.

La motion est proposée par Mme Parrish, appuyée par M. Regan.

«La motion est adoptée»

Le président: Revenons-en maintenant à M. Toews. Veuillez nous excuser, monsieur Toews, d'avoir réglé cette question administrative en premier.

Monsieur Toews, vous avez peut-être une déclaration à faire. Comme je vous l'ai expliqué avant la réunion, nous sommes ici pour vous demander d'expliquer les faits qui nous permettront d'en arriver à une conclusion sur cet incident. Il s'agit donc de se concentrer sur les faits, mais comme vous êtes député, nous vous laissons toute la latitude voulue pour nous aider à examiner cette question. Vous avez la parole.

M. Vic Toews (député de Provencher, AC): Merci, monsieur le président. Je vous remercie de vos observations préliminaires, ainsi que de ce que vous venez de dire.

Je suis accompagné aujourd'hui d'une de mes employés, Tara Katrusiak, qui est personnellement au courant de la question. Je crois comprendre que votre comité est un peu comme un tribunal, mais que les règles de la preuve ne sont pas aussi strictes que pour un vrai tribunal. Je vais essayer d'être aussi exact que possible en fonction des renseignements dont je dispose. Si quelque chose dans mon témoignage laisse à désirer, mon adjointe pourra peut-être m'aider ou vous pourrez lui poser des questions directement. Je n'en vois pas l'utilité pour le moment, mais je tenais à le déclarer publiquement.

Je voudrais dire également en guise d'introduction que je souhaite avant tout que le comité prenne position au sujet de la responsabilité ministérielle, car, même si de nombreux documents ont été rédigés par le Bureau du Conseil privé et des universitaires, la Chambre n'a jamais fait de déclaration qui lui soit propre à ce sujet. Ce qui m'intéresse en l'occurrence, compte tenu du fait que l'étude de cette question représente quelque chose de relativement nouveau pour la Chambre, n'est pas de conclure à un outrage précis de la part d'un ministre. Je souhaite plutôt que l'on trouve une solution pour aider la Chambre à l'avenir. C'est le seul objectif que je poursuis dans cette affaire. Si d'autres députés veulent entreprendre une vendetta plus personnelle à l'égard d'un ministre ou autre, je ne veux pas être mêlé à cela et je ne ferai aucune recommandation à cet égard.

Je tiens simplement à vous présenter les faits, monsieur le président, tels que je les comprends.

Le ministère de la Justice a diffusé un bulletin d'information pour les médias afin d'avertir les journalistes qu'il y aurait une séance d'information technique le mercredi 14 mars à 11 h 45; cette séance devait porter sur un projet de loi omnibus concernant le Code criminel, le C-15, que la ministre de la Justice devait déposer à la Chambre l'après-midi même. J'ai demandé à quelqu'un de mon personnel—parce que j'ai appris un peu trop tard que la séance d'information avait lieu—d'y assister pour moi. En fait, j'ai demandé à deux de mes employés de s'y rendre. Il y avait d'une part Mme Katrusiak, et d'autre part un avocat et attaché de recherche du bureau de notre chef, un dénommé Greg Yost, que je connais depuis des années. Il a travaillé comme avocat au ministère de la Justice du Manitoba, et c'est un homme extrêmement compétent, qui a été directeur des politiques au sein du gouvernement manitobain et qui connaît sûrement très bien toutes les questions liées au Code criminel.

• 1120

Lorsque ces deux personnes ont voulu accéder à la salle où avait lieu la séance d'information, on leur a fait clairement comprendre qu'elles n'étaient pas autorisées à entrer. D'autres personnes étaient là auxquelles on a également interdit l'accès. On leur a dit que les seules personnes admises à la séance d'information étaient les journalistes. Toutefois, j'ai appris que des adjoints de députés libéraux ont été admis à la séance d'information, et il était donc illogique que nos adjoints se voient refuser l'accès tandis que ceux des députés libéraux étaient admis. Je ne sais rien personnellement sur cet état de choses et je ne ferai donc aucune autre remarque à ce sujet.

J'ai reçu le texte du projet de loi de 78 pages en arrivant pour la période des questions ce jour-là. En fait, je suis entré à la Chambre—je ne sais pas si les députés savent comment cela s'est fait—et il y avait un paquet qui m'attendait sur mon pupitre.

Chacun d'entre vous comprend évidemment qu'un député de l'opposition a des responsabilités pendant la période des questions. Je ne peux pas me concentrer sur l'étude d'un projet de loi de 78 pages quand il m'incombe peut-être certaines responsabilités au cours de la période des questions. Il va sans dire que, même si le député—je veux parler de moi—ne prend pas la parole pendant cette période, il est tenu de suivre les délibérations de la Chambre et d'être au courant de la situation. C'est essentiel à l'exercice de mes fonctions et tous les députés présents en conviendront. J'étais donc dans la situation impossible de devoir faire deux choses à la fois.

J'ai reçu un exemplaire du projet de loi une heure et quart avant son dépôt à la Chambre par la ministre de la Justice. Sauf erreur, c'était vers 15 h 15, puisque je suis sans doute arrivé à la Chambre peu après 14 heures. Les journalistes, bien entendu, avaient participé à une séance d'information avant cette heure-là et s'étaient fait expliquer le projet de loi par des gens qui en connaissaient les moindres détails. On s'attendait simplement à ce que je lise le projet de loi. Je vous rappelle qu'un projet de loi propose des modifications. Étant donné qu'on ne cite pas au complet les articles modifiés, sur quoi puis-je me fonder pour comprendre pleinement l'incidence de ces mesures?

Je suis donc là pendant la période des questions, en train de me demander ce que je vais dire aux journalistes—les mêmes journalistes qui avaient appelé mon bureau dès 10 heures du matin pour me demander de participer à une entrevue ou de donner mon avis sur le projet de loi. Tout de suite après la période des questions, des journalistes m'ont demandé ce que je pensais des dispositions du projet de loi. Il m'était bien évidemment impossible de dire quoi que ce soit puisque je ne l'avais pas lu.

Je vous rappelle, chers collègues, que je suis un nouveau député. Je pensais avoir peut-être été coupable d'un oubli ou d'une négligence. J'étais gêné à l'idée d'être confronté aux journalistes, car on pouvait s'attendre à ce que ces derniers déclarent que le porte-parole de son parti pour la justice se présentait à la Chambre sans connaître les dispositions du projet de loi. C'est ce qui m'inquiétait. Je suis donc gêné. Ai-je fait quelque chose de mal? Ai-je laissé tomber mes électeurs? Ai-je trahi mon parti de quelque façon?

Vous comprendrez, je pense, l'énorme embarras professionnel dans lequel cette situation m'a mis. Il va sans dire que le fait d'avoir participé à la période des questions en tant que député m'a empêché d'examiner et de comprendre de bout en bout le document que j'avais sous les yeux.

• 1125

Ce n'est pas un petit projet de loi et je pense que vous l'admettrez tous. C'est une mesure de fond à laquelle on nous a refusé l'accès, à nous, députés. S'il s'agissait d'une mesure de procédure, d'un projet de loi d'ordre administratif, j'aurais laissé passer, mais les journalistes ne me poseraient pas de questions si c'était le cas. Ce qui les intéresse, ce sont les questions de fond.

Nous n'avions donc pas le temps. En tant que députés, nous n'avons pas eu droit à la même politesse que les journalistes. Cette situation a créé un embarras non seulement pour moi et les autres députés de l'opposition, mais également pour la Chambre, pour tous les députés qui se trouvent dans la même situation. Je ne crois pas exagérer en disant que c'est également un embarras pour les Canadiens qui m'ont élu pour les représenter à la Chambre et pour réagir.

J'ai lu une coupure de presse sur l'entrevue que j'ai donnée en sortant de la Chambre—et je vous rappelle que j'ai quitté la Chambre à 15 h 15 sans avoir la moindre idée du contenu du projet de loi, du moins sur le fond. Je me souviens d'avoir jeté un coup d'oeil à cette coupure le soir, et on voyait que Vic Toews était extrêmement fâché. Les journalistes n'ont même pas expliqué exactement pourquoi j'étais fâché. Je n'étais pas fâché à cause de la mesure déposée par la ministre, mais plutôt en raison de la situation dans laquelle je me trouvais, et parce que les journalistes s'attendaient à ce que je puisse faire des commentaires à ce sujet.

Certains de mes électeurs m'ont dit qu'ils comprennent qu'il s'agit d'un système accusatoire, mais ils m'ont demandé pourquoi cela m'avait fâché. En général, je ne me fâche pas facilement. Certains d'entre vous m'ont vu à l'oeuvre à la Chambre ou face aux journalistes. Je prends parfois très à coeur certaines questions, mais je pense agir de façon professionnelle et tout à fait respectable.

Je me suis trouvé dans l'embarras, et c'était également embarrassant pour la Chambre, pour la population canadienne, à laquelle on a mal expliqué quel était le problème.

C'est pourquoi je pense, mesdames et messieurs, qu'il y a là outrage au Parlement, puisque cet incident a remis en cause l'autorité et la dignité de la Chambre. En me mettant dans cette situation, on a tourné en ridicule notre processus législatif, à mon avis.

Lorsque j'ai soulevé la question de privilège à ce sujet, les députés de tous les partis d'opposition ont abondé dans mon sens. Parmi eux se trouvaient le député de Berthier—Montcalm, M. Bellehumeur, du Bloc québécois, le député de Winnipeg—Transcona, M. Blaikie, le député de Pictou—Antigonish—Guysborough, M. MacKay, du Parti progressiste-conservateur, le député de Yorkton—Melville, M. Breitkreuz, de mon propre parti et le leader de l'opposition à la Chambre à l'époque, M. Strahl. Tous ont exprimé des préoccupations semblables, et j'ai cru déceler chez eux un véritable désir que nous nous penchions sur ce problème. Je n'ai décelé aucune animosité personnelle à l'égard de la ministre. S'il y a eu des antagonismes de la part de certaines personnes, c'était vraiment dans le feu de l'action.

Il y a quelques autres éléments qu'il faut présenter. Je sais que je dois me hâter de terminer, mais au haut du projet de loi, il était mentionné que son contenu était secret jusqu'à sa présentation au Parlement. Il semble que la consigne du secret se soit appliquée seulement à ceux qui siègent effectivement au Parlement. On a maintenu la consigne du secret à notre endroit, mais pas à l'endroit des médias. Les membres des médias n'ont peut-être pas eu accès au projet de loi en entier, mais ils ont au moins eu accès à la teneur du projet de loi.

• 1130

Je ne veux pas commencer à parler des autres choses. J'ai résumé mes préoccupations et les faits tels que je les comprends.

Le président: Bien, je vous remercie.

Je rappelle aux membres du comité que le principal but de M. Toews est de nous fournir les faits, à partir de son point de vue comme député, au moment où l'affaire est survenue. Il a accompli une tâche raisonnable. Il reste peut-être quand même une ou deux questions qui nécessitent une explication.

Il m'a semblé, monsieur Toews—je suis désolé si je devance les questions des membres du comité—que jusqu'au moment du dépôt du projet de loi, la rubrique «secret» devait s'appliquer, même quand la période des questions a commencé. Il y aura peut-être quelques questions de procédure à ce sujet.

Deuxièmement, si le ministère avait respecté toutes les règles à la lettre et n'avait donné à personne une séance d'information, et si le projet de loi avait fait l'objet d'un avis, on peut penser que les gens auraient été au courant de son dépôt prochain—et n'importe lequel d'entre nous aurait pu se faire poser des questions au sujet du projet de loi à ce moment-là, bien que nous n'ayons pas pris connaissance du projet de loi, et le ministère n'aurait absolument rien fait de mal... Le projet de loi devait être présenté, les médias savaient qu'il serait présenté, nous savions qu'il serait présenté, mais nous ne connaissions rien de son contenu—et vous auriez pu être placé dans une position désavantageuse si l'on vous avait demandé un commentaire informé sur un projet de loi que vous n'aviez jamais vu, même si le ministère n'avait pas commis d'erreur.

Est-ce juste... Je voulais seulement embrouiller encore les choses, pour montrer que nous avons encore beaucoup à faire pour résoudre certaines de ces questions.

M. Vic Toews: C'est une bonne question, monsieur le président.

Au moins, je ne me serais pas trouvé dans une position désavantageuse parce que le journaliste avait pris connaissance des dispositions substantielles du projet de loi avant moi. Nous aurions pu nous dévisager l'un l'autre, ni l'un ni l'autre ne sachant rien et nous demandant tous les deux ce qu'il en était de ce projet de loi. J'aurais pu alors donner une réponse à caractère politique, plutôt qu'une réponse significative à caractère juridique. Je ne dis pas que les réponses à caractère politique sont moins que significatives, j'établis seulement une distinction entre les deux, les réponses à caractère politique et les réponses à caractère juridique. Nous nous serions trouvés alors dans la même position.

Je ne dis pas que la pratique qui consiste à organiser des séances d'information préalables est mauvaise, mais il faut qu'elle soit régie par certaines règles. Avant la présentation du projet de loi, j'ai reçu les textes d'un reportage où il était question des dispositions essentielles de la mesure, et je les ai remis au Président de la Chambre. Il voulait des preuves. Je n'en avais qu'un exemplaire. Je l'ai remis au Président. Il devrait l'avoir encore. On essayait de faire valoir à ce moment-là que si quelqu'un devait être dans une position désavantageuse, il devait en être ainsi pour tous.

Le président: Bien.

Est-ce qu'il y a des membres du comité qui voudraient poser des questions, en mettant l'accent sur les faits, autant que possible? Quelqu'un m'avait signalé son intention de le faire, et je veux parler de M. Regan. Y a-t-il quelqu'un d'autre?

Vous avez la parole, monsieur Regan, et ce sera ensuite au tour de M. MacKay.

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Monsieur le président, je vais commencer, mais il semble que la plupart des membres du comité présents aujourd'hui préfèrent poser des questions aux témoins suivants. C'est difficile de les comparer avec vous, monsieur Toews.

Les députés de ce côté-ci de la salle peuvent certainement envisager, en théorie, comment ce serait que de se trouver de l'autre côté et quel problème cette situation créerait. Nous devons, à titre de députés, être tous préoccupés par un événement de cette nature et faire tout ce que nous pouvons pour nous assurer que cela ne se reproduira pas. Il est probablement impossible de faire en sorte que cela ne se reproduise jamais, mais nous devons faire ce que nous pouvons pour prendre les mesures qui s'imposent après avoir examiné la question.

Vous avez parlé de la question de lignes directrices ou de règles. Vous avez dit il y a un instant qu'il ne semble pas exister de règles claires concernant la façon dont les ministères devraient organiser ces séances d'information préalables. Est-ce bien cela?

Pensez-vous que cela représente une partie de la solution? La question est en réalité... vous avez manifestement réfléchi à la question, ces derniers temps, et je suis curieux de connaître votre opinion quant à ce que nous devrions faire en tant que comité et quelles règles ou lignes directrices il faudrait établir.

M. Vic Toews: Merci, monsieur Regan. Je vous remercie de me donner la possibilité d'en parler.

• 1135

Je tiens à dire publiquement que par la suite, dans le cas du projet de loi sur le crime organisé, la ministre de la Justice ou le solliciteur général, ou les deux, qui en étaient responsables, ont fait un pas dans la bonne direction en organisant une séance d'information simultanée, ou du moins relativement simultanée, pour les représentants des médias et les députés.

J'ai quand même encore eu des problèmes. Il y a eu des conférences de presse immédiatement, même avant la présentation du projet de loi à la Chambre, et j'ai alors dû répondre à des questions. Je n'irais donc pas jusqu'à dire que ce processus était parfait.

Mais je me permets de signaler aux membres du comité que dans la Resolution of the United Kingdom Regarding Ministerial Accountability, qu'on trouve à la page 63 de la 22e édition de Erskine May, on trouve un énoncé de la responsabilité ministérielle en ce qui concerne des questions de cette nature. Je n'ai pas l'intention de lire toute la citation, mais cet incident devrait certainement nous inciter à ajouter un commentaire dans le cadre de notre propre processus de réforme parlementaire au comité spécial sur la modernisation du Parlement. Notre approche à des projets de loi de cette nature doit être examinée par un comité, et il faudrait peut-être que ce soit le comité spécial sur la modernisation du Parlement.

Je ne prétends pas connaître la solution qui convient, étant donné que je suis un novice ici. Je peux faire des recommandations, et chacun d'entre vous pourrait avoir une dizaine de raisons pour dire que l'une de mes recommandations est peut-être moins que satisfaisante. Je m'en remets aux nombreux parlementaires ici présents qui s'y connaissent beaucoup mieux que moi. Je veux seulement une certaine forme d'équité, afin que tous les députés soient traités sur un pied d'égalité, et certainement sur le même pied que les membres de la presse.

Le président: Merci, monsieur Toews.

Je donne maintenant la parole à M. MacKay. Je demande à mes collègues d'essayer de s'en tenir aux faits pour l'instant. Nous discuterons plus tard de la façon de résoudre cette question et nous pourrons alors faire des échanges à ce sujet. Je suis persuadé que M. Toews serait heureux de revenir, si nous avions besoin de lui.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président, et je vous remercie également, monsieur Toews, d'avoir soulevé cette affaire. Vos commentaires sont très utiles.

J'ai été préoccupé d'apprendre que les membres du personnel des députés libéraux ont eu la permission d'être présents au comité, alors qu'on a refusé la même chose aux membres du personnel des députés de l'opposition. Ce nouveau renseignement aggrave encore la situation. N'oublions pas, monsieur le président, que l'essentiel dans cette affaire est manifestement une question de contrôle de l'information et du rôle du Parlement dans l'étude des projets de loi.

Le président: Monsieur MacKay, vous abordez encore là des questions plus générales.

J'avais espéré que nous profiterions de la présence de M. Toews pour obtenir des faits. Il a déjà dit qu'il avait cru comprendre, ou du moins qu'on l'avait informé, qu'il y avait à la séance d'information ce qu'il appelle des membres du personnel des députés libéraux, nous ignorons de quels députés, mais nous pourrions peut-être arriver à le déterminer plus tard. J'aimerais que les questions soient axées sur les faits. Quand nous aurons pu établir les faits pertinents, nous pourrons alors discuter des questions plus ésotériques et essayer d'obtenir des résultats.

M. Peter MacKay: Qui seront très bons, monsieur le président.

Le président: Je ne cherche pas à diminuer votre...

M. Peter MacKay: Merci.

Monsieur Toews, vous pourriez peut-être fournir au comité les renseignements que vous avez au sujet de la présence de membres du personnel qui, d'après ce que vous croyez, travailleraient pour des députés libéraux.

M. Vic Toews: Encore une fois, il ne s'agit là que de commentaires que j'ai entendus. C'est pourquoi j'ai été très prudent lorsque j'en ai parlé. Seuls ceux qui étaient présents à la réunion connaissent vraiment les faits. Un autre député a dit à mon employée qu'il avait vu des employés du Parti libéral entrer dans la salle. Si on ne peut pas le prouver, je suis prêt à retirer cette accusation. C'est une chose qui me préoccupe, et la ministre qui était présente, ou les autres qui étaient là, sauraient qui sont ces employés. Je ne veux pas nommer qui que ce soit pour l'instant...

• 1140

M. Peter MacKay: Merci.

M. Vic Toews: ...parce que je ne peux le faire.

M. Peter MacKay: C'est tout.

Le président: Merci. Merci beaucoup, monsieur Toews. Oh, je m'excuse, M. Harris veut poser une question.

Allez-y, monsieur Harris.

M. Richard Harris (Prince George—Bulkley Valley, AC): Merci, monsieur le président.

Avant que l'on ne discute de la façon de régler le problème, j'aimerais que vous nous disiez certaines choses qui pourraient nous être utiles lors de nos discussions sur la solution au problème, certaines des mesures que nous pourrions prendre. Je comprends que vous ne vouliez pas en faire un problème personnel, mais vous avez soulevé le principe de la responsabilité ministérielle, demandant à la ministre de rendre des comptes si en fait elle respecte ce principe. La ministre responsable, ainsi que les mesures qu'elle prendrait, doivent faire partie de la solution au problème.

À tout le moins, ne convenez-vous pas qu'elle devrait présenter des excuses à la Chambre, réaffirmer la responsabilité ministérielle et sa propre responsabilité envers la Chambre?

M. Vic Toews: Je vous remercie de ces questions.

Comme je l'ai déjà dit, j'ai mes doutes quant aux excuses forcées. Je ne pense pas qu'un comité demanderait des excuses. Les députés s'excusent volontiers lorsqu'ils ont commis certaines indiscrétions. Personnellement, pour que les excuses d'une personne soient acceptables, cette dernière doit les présenter de son propre gré. Je ne veux pas d'excuses de quelqu'un qui ne voit pas pourquoi il devrait présenter des excuses. C'est pourquoi je crois que cette discussion ne mène à rien. C'est une question de conviction personnelle.

Libre au comité de procéder autrement s'il le désire. C'est mon opinion parce que, à bien des égards, il s'agit d'un précédent. S'il s'agissait d'une situation pour laquelle la Chambre avait déjà prévu des lignes directrices et qu'un ministre n'avait pas respecté ces lignes directrices, la Chambre, ou le comité, ou peu importe, pourrait prévoir un recours personnel. Je vous ai fait part de mon opinion à titre de député, et je reconnais que mes connaissances sont limitées, mais je ne crois pas que cette affaire mérite ce genre d'intervention.

Le président: Très bien, merci beaucoup, monsieur Toews.

Nous prendrons une pause de quelques minutes. Nous arrêterons l'enregistrement de nos délibérations pendant deux minutes pour laisser à nos prochains témoins le temps de prendre place à la table.

• 1143




• 1145

Le président: Nous reprenons nos travaux.

Chers collègues, nous poursuivons notre étude d'une question de privilège qui a été renvoyée à notre comité.

Nous accueillons la ministre de la Justice, l'honorable Anne McLellan, accompagnée de M. Morris Rosenberg, sous-ministre et sous-procureur général du Canada.

Bienvenue, madame la ministre, monsieur Rosenberg.

Voici où nous en sommes. Les membres du comité essaient de bien comprendre les faits et les circonstances entourant cette affaire. Je suis convaincu qu'un certain nombre de députés voudront vous poser des questions pour savoir ce qui se passait à ce moment-là, qui faisait quoi, qui, où, quand, quoi, pourquoi, comment. Je vous remercie donc d'être venus aujourd'hui pour nous aider à régler cette affaire.

Nous ne vous avions pas demandé d'être ici à 11 heures; nous avons déjà entendu une déclaration liminaire qui visait à présenter la situation. Malheureusement, vous n'aurez pas le plaisir d'entendre les merveilleux commentaires qu'a faits le président. Je suis convaincu que vous voulez faire une déclaration liminaire. Nous passerons par la suite aux questions, en procédant de la façon habituelle.

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de m'avoir invitée ce matin à venir vous parler. Je crois, comme vous l'avez signalé, monsieur le président, qu'il importe que nous ayons tous l'occasion de discuter des questions entourant le dépôt du projet de loi C-15 le 14 mars dernier.

Comme vous l'avez déjà signalé, je suis accompagnée aujourd'hui de mon sous-ministre, Morris Rosenberg, du ministère de la Justice.

J'aimerais d'abord vous donner un aperçu des faits tels que je les comprends. Permettez-moi tout d'abord de vous dire qu'en aucun moment je n'ai voulu manquer de respect au Parlement ou miner les droits de la Chambre et des députés. Je m'excuse si mes actions ont suscité quelque préoccupation que ce soit.

J'aimerais maintenant passer aux événements qui ont entouré le dépôt du projet de loi C-15. Le 12 mars 2001, à 18 heures, il a été donné avis du dépôt du projet de loi, lequel a été publié dans le Feuilleton du 13 mars, document qui était disponible le matin du 13 mars.

Le 13 mars 2001, à 13 h 30, un avis aux médias a été envoyé au Cercle national des journalistes et aux bureaux des médias nationaux. L'avis précisait qu'une séance d'information technique serait offerte par les fonctionnaires du ministère de la Justice et que les renseignements communiqués lors de cette séance d'information seraient frappés d'embargo jusqu'au dépôt du projet de loi. J'ai des copies de cet avis pour les députés, s'ils désirent le lire.

• 1150

Le 14 mars 2001—le mercredi—à 11 h 45, la séance d'information aux médias a commencé par la présentation du groupe d'experts. Le modérateur a clairement indiqué au début et à la fin de la séance d'information que ces renseignements étaient frappés d'embargo jusqu'au dépôt du projet de loi à la Chambre. Le modérateur a également indiqué qu'aucun document ne serait distribué lors de cette séance d'information et en fait, il n'y en avait d'aucune sorte à la réunion. Cette séance d'information a pris fin à 13 h 30. Mon secrétaire parlementaire, M. John Maloney, qui est ici aujourd'hui, a participé à cette séance d'information. À 13 h 56 des exemplaires du projet de loi ont été livrés par messager aux porte-parole de l'opposition. Aucun communiqué n'a été distribué, même aux médias, avant le dépôt du projet de loi à la Chambre.

À la suite de la période des questions, le projet de loi a été déposé à la Chambre. Des trousses d'information ont immédiatement été mises à la disposition des gens dans l'antichambre du gouvernement. Mon bureau a essayé, par l'entremise d'un page, de livrer des exemplaires du projet de loi et des trousses à l'antichambre de l'opposition. Cependant, ces documents ont été renvoyés sous prétexte qu'ils ne pouvaient être distribués. C'est à ce moment-là que les médias ont reçu des trousses sur le projet de loi ainsi qu'un communiqué. Nous avons également des exemplaires de ces documents, si vous ne les avez pas encore reçus et que vous désirez les obtenir.

Le 19 mars 2001, le Président a conclu que cela constituait à première vue un outrage à la Chambre. Cette décision explique clairement la réunion de ce matin.

Le Président, dans ses commentaires, a reconnu le rôle des séances d'information destinées aux médias et a convenu que le gouvernement doit essayer de concilier ce rôle avec les demandes provenant d'autres sources. Il a précisé dans sa décision le 19 mars:

    La Chambre reconnaît qu'il est très utile d'informer les journalistes d'avance lorsque des documents complexes ou techniques doivent être déposés à la Chambre. Ainsi, l'information qui est communiquée au public au sujet des travaux de la Chambre est à la fois exacte et d'actualité.

Comme le leader du gouvernement à la Chambre l'a indiqué dans son intervention lors du débat qui a suivi la décision du Président, des séances d'information sans documents frappées d'embargo ont été organisées par le passé sur divers sujets.

Je crois que nous pouvons tous reconnaître que l'information des médias est devenue chose courante, car l'objectif est de renseigner de façon exacte le public. Les séances d'information aux médias prennent plusieurs formes, comme par exemple, le huis clos. Les huis clos sont décrits comme suit par Marleau et Montpetit: «Un huis clos est une séance d'information qui a lieu immédiatement avant la présentation d'un document important». Tous les ministères ont recours au huis clos pour toutes sortes de projets de loi, de politiques et d'initiatives. Les embargos ont été par le passé un moyen utile de protéger les droits des députés tout en permettant la participation d'autres intervenants dans notre processus démocratique.

Qu'on me comprenne bien. Le ministère de la Justice a essayé de bonne foi de respecter les pratiques établies à l'égard des embargos. L'avis aux médias établissait clairement que la séance était sous embargo. En fait, cette condition a été répétée au début et à la fin de la séance. J'aimerais également signaler au comité qu'aucun exemplaire du projet de loi ou d'autres documents n'a été distribué à quiconque, sauf aux porte-parole des partis de l'opposition avant le dépôt du projet de loi à la Chambre. Comme je l'ai déjà signalé, les porte-parole des partis de l'opposition ont reçu, par mesure de courtoisie, copie du projet de loi à 13 h 56.

Par conséquent, je crois que le ministère a tenté de bonne foi de protéger le privilège de la Chambre. Cependant, monsieur le président, il est clair que ces efforts n'ont pas suffi, et je m'en excuse encore une fois. Nous travaillons tous dans un milieu où il y a beaucoup d'intérêts contradictoires. Les rôles des députés, des ministères et des médias ne sont pas toujours faciles à concilier. Les députés ont un intérêt légitime à évaluer et à critiquer les initiatives du gouvernement. Le ministère a un objectif légitime de s'assurer que le public est bien informé en ce qui a trait aux initiatives législatives. Le défi consiste à savoir comment respecter les intérêts contradictoires inhérents dans une démocratie parlementaire en cette ère de l'information instantanée.

Je désire également signaler qu'après avoir entendu la décision du président de la Chambre, j'ai demandé à mon personnel et à mes fonctionnaires de suivre les propositions formulées par le Président lors des prochaines séances frappées d'embargo.

• 1155

Encore une fois, monsieur le président, messieurs et mesdames les députés, je m'excuse auprès du comité de tout outrage perçu au Parlement, et je crois qu'il existe dorénavant à mon ministère un système efficace qui permettra de faire en sorte que les droits et les privilèges de la Chambre soient respectés. Cependant, j'ai hâte de suivre les délibérations de votre comité et d'entendre ce que vous avez à proposer pour l'avenir.

Encore une fois, je vous remercie de votre patience et de m'avoir permis de vous exposer les faits. J'ai hâte de répondre à vos questions.

Le président: Merci, madame la ministre. Vos commentaires ont été fort utiles.

Chers collègues, vous noterez que notre attaché de recherche a préparé un document où des questions sont suggérées. Si on répondait à toutes, cela serait très utile à notre avis, et nous permettrait de mieux étudier la question plus tard.

Cela dit, nous passerons maintenant à M. Harris qui dispose de sept minutes.

M. Richard Harris: Merci, monsieur le président.

Madame la ministre, merci d'être venue. J'espère que vous pourrez répondre à une question qui a été soulevée; en effet, certains disent que des membres du personnel gouvernemental étaient présents lors de la séance d'information des médias...

M. Geoff Regan: Des membres du personnel des députés libéraux.

M. Richard Harris: C'est exact, que des membres du personnel des députés libéraux étaient présents lors de la séance d'information destinée aux médias. Cependant, on nous a également dit que les membres du personnel des députés de l'opposition n'ont pas été autorisés à participer à cette séance d'information. Est-ce que vous ou votre ministère êtes au courant de cette situation?

Mme Anne McLellan: J'ai cru comprendre que le seul député du parti ministériel qui a participé à cette séance d'information était mon secrétaire parlementaire, M. Maloney, et il était là parce qu'il était mon représentant. Je crois qu'il était le seul député sur les lieux—M. Maloney est ici dans la salle. Je crois qu'il était accompagné d'un stagiaire parlementaire. Évidemment, ce serait une circonstance unique. La personne l'a accompagné dans le cadre de sa formation, mais ce stagiaire ne fait pas partie du personnel d'un député. Ainsi la seule personne, outre les journalistes... Il s'agissait d'une séance d'information destinée aux médias, et elle n'était en fait offerte à ma connaissance qu'aux journalistes, sauf évidemment pour mon secrétaire parlementaire, qui était mon représentant lors de cette réunion, et évidemment les fonctionnaires qui donnaient la séance.

M. Richard Harris: Merci. Vous venez de dire que vous avez mis sur pied à votre ministère un système qui permettra de protéger les droits et privilèges des députés. Pouvez-vous nous en dire un petit peu plus long là-dessus?

Mme Anne McLellan: C'est le système que nous avons utilisé dans le cas du projet de loi C-24, qui porte sur le crime organisé. Bien entendu, nous avons indiqué notre intention de présenter une mesure législative, nous en avons donné avis. Nous n'avons toutefois pas tenu de séances d'information et nous n'avons pas remis non plus de documents ni de textes du projet de loi à qui que ce soit avant le dépôt du projet de loi C-24.

Aussitôt après qu'il a été déposé, nous avons organisé des séances d'information à l'intention des députés de l'opposition et du gouvernement. J'ai tenu une conférence de presse, à laquelle participait aussi mon collègue le solliciteur général. C'est seulement après son dépôt du projet de loi qu'on a pu en obtenir copie, que ce soit chez les ministériels, chez les députés de l'opposition, chez les porte-parole ou chez les médias. C'est seulement après le dépôt qu'on a pu obtenir le texte du projet de loi de même que les documents d'information et d'autres documents, notamment un communiqué de presse venant du solliciteur général et de moi-même.

À la lumière de ce qui s'était produit dans le cas du projet de loi C-15 et pour faire en sorte que les droits et privilèges de chacun soient respectés et notamment que les députés, tant du gouvernement que de l'opposition, soient traités équitablement et sur un pied d'égalité, nous estimons simplement que la meilleure ligne de conduite à suivre, jusqu'à nouvel ordre, consiste à ne pas remettre copie du projet de loi à qui que ce soit, y compris aux porte-parole des partis d'opposition, contrairement à ce qui se faisait par le passé. Nous ne tiendrons pas de séances d'information sur les projets de loi tant qu'ils n'auront pas été déposés. C'est seulement après leur dépôt à la Chambre que nous en rendrons le texte public et que nous informerons les médias.

• 1200

M. Richard Harris: Très bien.

Le président: Monsieur Blaikie, vous avez sept minutes.

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): J'allais justement faire une remarque, monsieur le président, qui va, je crois, dans le sens de ce qu'a dit la ministre, à savoir que je n'ai jamais compris pourquoi on voulait mettre les gens au courant avant que la chose ne soit révélée à la Chambre. C'est à la Chambre que la chose doit être rendue publique. Rien ne presse. Ce n'est pas comme si le projet de loi devait être adopté le soir même—il ne s'agissait quand même pas du projet de loi sur la clarté. Nous avons amplement le temps après pour les séances d'information sur le contenu et sur les aspects politiques des projets de loi. C'est donc là la solution, à mon avis, c'est-à-dire que cela se fasse après le dépôt à la Chambre. C'est ce que tous les ministères du gouvernement devraient se donner comme règle. Les propos de la ministre ont en quelque sorte devancé les observations que j'allais faire.

J'ai toujours pensé que c'est au Parlement qu'il faudrait d'abord présenter les choses et que les explications devraient venir après. C'est justement ce à quoi sert le débat en deuxième lecture. Idéalement, ce serait à l'occasion du débat sur le projet de loi en question que les membres du public pourraient venir dans la tribune pour en connaître le contenu, n'est-ce pas? Il est plutôt idéaliste de penser que les choses puissent se passer ainsi; autrement, il serait alors possible de tenir des séances d'information et de remettre les documents après le dépôt à la Chambre.

Le président: Madame McLellan.

Mme Anne McLellan: Je suis entièrement d'accord avec vous sur le principe. Je dirai toutefois—et ce n'est peut-être pas à moi de le dire—que les exceptions à la règle sont le rapport du vérificateur général et le budget, pour lesquels on a recours aux huis clos...

M. Bill Blaikie: Ce n'est pas la même chose.

Mme Anne McLellan: ...et que vous les acceptez sans doute. Je tenais à apporter cette précision, mais sinon j'accepte la sagesse du principe que vous avez énoncé.

M. Bill Blaikie: C'est en partie parce que nous sommes prisonniers de la culture des médias, monsieur le président, que tout doit se faire aussitôt après que quelque chose est rendu public. Dès le lendemain, c'est autre chose qui retient l'attention, à moins qu'il s'agisse de certaines questions comme celle qui nous préoccupe ici et qui acquièrent une certaine pérennité. En règle générale, les questions de fond ne retiennent l'attention que l'espace de 24 heures.

Le président: Que de sagesse dans ce commentaire de 30 secondes!

Je cède la parole à M. MacKay, pour sept minutes.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président. Je remercie la ministre ainsi que M. Rosenberg de leur présence ici aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de cette récapitulation des faits, de nous avoir dit comment les choses se sont passées.

Ce qui était assez choquant dans tout cela, à mon avis, c'est que les députés de l'opposition, notamment, se sont retrouvés dans une situation difficile du fait qu'ils ont dû faire face aux journalistes aussitôt après la période des questions. Le projet de loi leur a été remis, d'après ce que vous avez indiqué, quatre minutes avant la période des questions. Vous savez comme la période des questions est exigeante pour nous tous, y compris pour vous. Ce n'est sans doute pas ce que vous avez voulu laisser entendre, mais il est pratiquement impossible d'assimiler un projet de loi technique qui fait 78 pages quand on est tranquille chez soi le soir, et il est encore moins possible de le faire dans l'arène qu'est la période des questions. Voilà donc, à mon avis, ce qui a surtout fait problème.

Je sais que vous respectez le rôle que jouent les députés de l'opposition, qui sont là pour critiquer, et parfois aussi louer, les mesures législatives présentées par le gouvernement, mais il est inacceptable d'invoquer comme excuse la distinction entre le fait de rendre le document comme tel public et le fait de rendre public le contenu du projet de loi. Votre ministère a tenu une séance d'information très complète et détaillée à l'intention des médias, mais il n'en a pas fait autant pour les députés de l'opposition. Voilà le préjudice que nous avons subi aux mains de votre ministère qui a pourtant pour symbole la balance de la justice. Cela n'était ni juste ni équitable.

J'ajouterais également qu'il y a eu une fuite préalable à la fuite délibérée. Dès la veille, on m'avait posé des questions très détaillées sur le projet de loi qui m'ont donné à penser que certains journalistes avaient été très bien informés au sujet du projet de loi. Des fuites, il y en a toujours.

• 1205

Voici la question que je vous adresse, à vous ou à votre sous- ministre: qui parle au nom du Parlement quand des décisions sont prises au sujet de la divulgation d'information? Qui, au ministère ou dans la fonction publique, décide que le Parlement doit être exclu? C'est bien ce qui s'est passé dans ce cas-ci. Il faut faire un effort conscient pour s'assurer que le Parlement ait un rôle prépondérant. Voilà ce qui ressort essentiellement de la décision rendue par le président de la Chambre.

J'ai pris la peine de consulter le code de conduite des ministres au Royaume-Uni. On y déclare d'entrée de jeu que:

    Les ministres ont l'obligation de rendre compte au Parlement des politiques et des décisions des ministères et organismes qui relèvent de leur portefeuille ainsi que des mesures qu'ils prennent;

On poursuit on disant:

    ... Les ministres devraient exiger des fonctionnaires qui viennent témoigner devant des comités parlementaires en leur nom et selon les paramètres fixés par eux d'être aussi utiles que possible à ces comités en leur donnant des renseignements exacts et complets conformément aux obligations et responsabilités que leur impose le Code de la fonction publique...

Je reconnais l'importance de la course où chacun essaie d'occuper le haut du pavé. C'est toutefois le Parlement qui est perdant dans des moments comme ceux-là. C'est tout le processus qui s'en trouve déconsidéré et qui subit un préjudice, il me semble. Je trouve encourageant d'apprendre qu'il y a maintenant une politique claire qui est en place, mais j'aimerais aussi avoir l'assurance que, dans les décisions qui sont prises—pas seulement par le ministère de la Justice, mais par tous les ministères—on fera un effort conscient pour veiller à respecter le Parlement et à l'inclure dans tout ce processus de divulgation.

Mme Anne McLellan: Naturellement, je ne peux parler que pour mon ministère. Comme je l'ai indiqué, nous avons mis en place une politique qui, je crois, fait exactement ce que vous demandez. Comme je l'ai précisé, je ne peux pas parler au nom des autres ministères, mais il me semble que tous mes collègues ministres et tous les ministères ont les mêmes objectifs, à savoir respecter le Parlement et respecter les droits et les privilèges des députés du gouvernement et de l'opposition.

Par le passé—et je parle ici du ministère de la Justice—les décisions étaient prises au cas par cas. Nous n'avions pas de politique générale, car, comme nous le savons bien, l'intérêt que suscitent les divers projets de loi chez le public varie énormément. Le projet de loi C-15 traite, bien sûr, de plusieurs questions importantes—et je présume que nous allons en débattre ensemble, sans doute à compter de la semaine prochaine. Il y a par contre d'autres projets de loi qui, très franchement, suscitent très peu d'intérêt parce qu'ils sont d'ordre technique ou parce qu'il s'agit de mesures correctives comme celles que nous déposons chaque année. Ces projets de loi suscitent très peu d'intérêt et il n'y a personne, même parmi les députés, qui souhaite avoir une séance d'information sur le contenu de la mesure.

Nous n'avions donc pas de politique en tant que telle. Nous en avons toutefois une maintenant au ministère de la Justice à cause de ce qui s'est passé relativement au projet de loi C-15. Je crois qu'elle nous simplifiera la vie à tous, pour ce qui est de respecter les droits et privilèges des députés. Je le répète, je ne saurais me prononcer sur le cas des autres ministères, mais je suis sûre qu'ils ont exactement le même objectif que nous, à savoir assurer un traitement équitable pour tous.

Vous avez parlé d'une fuite préalable. Je veux que nous en parlions, parce que mon personnel m'a appris que vous auriez été abordé par un journaliste. Comme le Président de la Chambre le fait remarquer avec raison, cela n'atténue en rien le problème qui s'est posé, mais n'oubliez pas que ce que vous voyez dans le projet de loi C-15 figurait déjà en grande partie dans un projet qui avait été déposé et qui était mort au Feuilleton en juin. La majeure partie de ses dispositions n'avait donc rien de surprenant.

N'oubliez pas non plus que, pendant la campagne électorale et même avant, j'avais fait savoir que nous allions sévir contre le leurre par Internet et j'avais aussi fait savoir, quand la décision Sharpe a été rendue, que nous allions moderniser le code relativement à divers aspects de la pornographie infantile, pour nous assurer de ne rien laisser échapper. L'intention du gouvernement à cet égard était donc de notoriété publique. Ce n'était toutefois pas le cas du libellé comme tel du projet de loi, bien sûr.

• 1210

M. Peter MacKay: Excusez-moi de vous interrompre, madame la ministre, mais vous n'avez pas bien saisi ce dont il est question ici. Le Président de la Chambre a lui-même dit que le fait que le projet de loi ait été présenté sous une autre forme...

Mme Anne McLellan: Non, je reconnais...

M. Peter MacKay: ...à une autre législature, n'avait aucune importance...

Mme Anne McLellan: J'en conviens.

M. Peter MacKay: ...et que le projet de loi était considéré comme quelque chose de nouveau.

Mme Anne McLellan: C'est ce que je viens de dire. Je le reconnais.

M. Peter MacKay: Le fait qu'on en ait discuté auparavant ou même qu'il en ait été question pendant la campagne électorale—vous aviez indiqué que la mesure était...

Mme Anne McLellan: Non, mais c'est ce qui expliquerait peut-être que vous n'auriez pas dû être surpris qu'un journaliste vous aborde, sachant que le projet de loi C-15 allait être déposé, car la majeure partie de ce qu'on trouve dans le projet de loi C-15 était de notoriété publique et reprenait simplement un projet de loi antérieur. Voilà...

M. Peter MacKay: Le journaliste m'a toutefois posé des questions très précises qui confirmaient qu'il avait des informations dont le public n'était pas au courant.

Mme Anne McLellan: À ma connaissance, ces informations ne sont pas venues de mon personnel ni du ministère.

M. Peter MacKay: Vous reconnaissez toutefois qu'il y a une différence entre le fait qu'un projet de loi porte la mention «confidentiel» ou «sous embargo» et le fait qu'un projet de loi portant cette mention se retrouve entre les mains d'un député. Plusieurs heures auparavant, on avait donné aux médias, sinon un texte papier, du moins des informations détaillées...

Mme Anne McLellan: Non, on ne leur a remis aucun document...

M. Peter MacKay: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit...

Mme Anne McLellan: Aucun journaliste n'a vu quelque document que ce soit.

M. Peter MacKay: Ce n'est pas ce que j'ai dit cependant. On leur a donné les...

Mme Anne McLellan: Rien.

M. Peter MacKay: ...faits intellectuels.

Mme Anne McLellan: On les a informés du contenu, et les informations étaient sous embargo. Nous nous attendions—et j'y comptais bien—à ce que les médias respectent l'embargo. Je serais la première à dire que cela m'a servi de leçon, et c'est pourquoi nous avons mis en place ce nouveau processus.

M. Peter MacKay: Il n'en reste pas moins que les députés méritent d'avoir la primeur.

Mme Anne McLellan: Je suis d'accord avec vous.

M. Peter MacKay: Que cela se fasse à la Chambre des communes, comme il se devrait selon moi...

Mme Anne McLellan: Je suis d'accord avec vous.

M. Peter MacKay: ...ou à l'occasion de séances d'information, c'est nous qui devrions avoir la primeur.

Mme Anne McLellan: Je suis d'accord avec vous, et c'est pour cette raison que nous avons mis en place le processus dont je vous ai parlé.

M. Peter MacKay: Je tiens à signaler pour les fins du compte rendu que la chose n'avait rien d'exceptionnel. Il est arrivé souvent que des séances d'information soient données à l'intention des médias, que des séances aient lieu à l'extérieur du Parlement, avant les séances d'information destinées aux députés.

Mme Anne McLellan: Non, pas à ma connaissance, mais...

Le président: M. MacKay parle peut-être d'annonces d'un autre type qui sont liées à la politique gouvernementale.

M. Peter MacKay: En effet.

Le président: Il arrive souvent, dans la conduite des affaires du pays, que des annonces soient faites à l'extérieur du Parlement, et aucun de nous ne saurait être au courant de toutes ces annonces. Nous savons toutefois qu'il y en a.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur MacKay.

Chers collègues, j'avais espéré que nous pourrions faire le tour de la question rapidement afin de dégager les faits essentiels. Je voudrais poser deux ou trois questions.

Monsieur Jordan, avez-vous une question, ou vouliez-vous...

M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Madame la ministre, si vous aviez entendu le témoignage de M. Toew, je crois que vous auriez été impressionnée de constater que son objectif en se présentant ici, était que nous nous entendions sur des paramètres qui empêcheraient que pareille chose ne se reproduise. J'ai été frappé par ses propos.

Vous semblez nous avoir mis sur la piste pour ce qui est de trouver une solution, la solution serait de ne rien divulguer à qui que ce soit et sous quelque forme que ce soit jusqu'au dépôt à la Chambre. Exception faite des rapports du vérificateur général et des budgets—puisqu'il ne s'agit pas en fait de projets de loi—pourrait-il y avoir d'après vous des projets de loi qu'il faudrait exempter de cette règle pour une raison quelconque? Ou la solution est-elle-il..., m'apparaît de plus en plus clair...

Mme Anne McLellan: Je ne puis que parler au nom du ministère de la Justice. Je ne pense pas qu'il y ait quelque raison que ce soit d'exempter un projet de loi de la politique que nous avons adoptée et mise en pratique dans le cas du projet de loi C-24. J'estime que cette politique permet d'assurer que tous les députés soient respectés et traités équitablement.

M. Joe Jordan: Merci.

Le président: J'ai deux ou trois petites questions. À propos de cette politique ministérielle dont vous nous avez fait part, existe-t-elle sous une forme écrite dont vous pourriez nous faire tenir copie?

Mme Anne McLellan: Non, mais il est très clair au ministère que c'est la politique qui doit dorénavant nous guider. Je laisserai toutefois au sous-ministre le soin de répondre à la question, l'idée étant de mettre la politique par écrit.

Le président: Voyez-vous, si elle n'existe pas encore sous forme écrite, nous allons devoir nous mettre à la tâche et arriver à formuler quelque chose. Si vous aviez déjà quelque chose qui pourrait nous être utile, nous en tiendrions certainement compte.

Monsieur Rosenberg.

M. Morris Rosenberg (sous-ministre de la Justice et sous-procureur général du Canada, ministère de la Justice Canada): Non, nous ne l'avons pas encore mise par écrit, mais je crois qu'il serait certainement dans notre intérêt de nous assurer que le ministère ait des règles claires. Le mieux serait sans doute d'essayer de mettre la politique par écrit. C'est ce que nous allons essayer de faire.

• 1215

Le président: Madame la ministre ou monsieur Roserberg, êtes-vous au courant de l'existence de lignes directrices du Conseil privé régissant les séances d'information antérieures au dépôt de projets de loi?

Mme Anne McLellan: Je ne le suis pas pour ma part, mais je vais m'en remettre au sous-ministre, puisqu'il a eu des discussions à ce sujet, si je ne m'abuse.

M. Morris Rosenberg: J'ai soulevé la question avec des représentants du Bureau du Conseil privé, parce que je prends la chose très au sérieux, tout comme le comité. Je vais en discuter avec le Conseil privé en vue d'en arriver à une politique qui permettrait de préciser les règles à cet égard.

Le président: Dans cette politique, faites-vous une distinction entre les mesures législatives et les autres mesures politiques qui pourraient être annoncées? Devriez-vous faire cette distinction?

Mme Anne McLellan: Selon moi, il faut effectivement faire cette distinction. Bien entendu, quand nous donnons avis d'un projet de loi, je crois qu'il devient très important—comme nous l'avons entendu dire ici ce matin—de faire en sorte que les députés soient traités avec équité et respect pour ce qui est de leur donner l'occasion de se familiariser avec le contenu du projet de loi et d'avoir droit, s'ils le souhaitent, à des informations détaillées, notamment à des séances d'information, après son dépôt.

Toutefois—c'est vrai pour tout ministère, et le mien ne fait pas exception—nous avons différents types d'annonces de programmes. Par exemple, pour un programme portant sur la prévention du crime, nous annonçons régulièrement que nos comités mixtes du gouvernement fédéral et des provinces se sont entendus sur une série de projets de financement. Ils sont annoncés par communiqués, lesquels sont accessibles à tous.

Je dirais, bien sûr, que les ministres des régions concernées sont informés du fait qu'une annonce concernant leur province ou leur région sera faite. Je leur laisse le soin de décider à qui ils souhaitent en faire part. Il y a un communiqué, et une fois publié, celui-ci est accessible à tous, notamment aux médias, simultanément.

Ce ne sont pas des questions qui nécessitent l'intervention de la Chambre ou qui concernent son fonctionnement, soit la présentation et l'adoption de mesures législatives. Par conséquent, du moins je l'estime, il y a une distinction claire entre ce qu'est le travail de la Chambre, là où l'on présente, débat et adopte des mesures législatives, et une grande variété d'autres annonces et initiatives qui portent sur la politique et que nous pouvons présenter à l'occasion. En somme, donc, je pense que l'ouverture et la diffusion d'information sur ce que nous faisons en tant que gouvernement, tant à l'intention de la population canadienne que de tous ceux que ces questions intéressent, sont une bonne chose et une chose importante.

Le président: J'aimerais passer aux détails techniques. À propos du projet de loi qui a été déposé ce jour-là, le projet de loi C-15, j'ai cru comprendre qu'il aurait été inscrit sur la première page qu'il était secret jusqu'à son dépôt à la Chambre. J'ose espérer que vous ou M. Rosenberg saurez nous dire ce que signifie cette mention «secret», qui la fait apposer, et pourquoi? Je ne crois pas que nous connaissions la réponse à cette question. J'espère que vous le savez.

Quand un projet de loi est imprimé en vue de son dépôt, je suppose que c'est votre ministère qui décide qu'on y apposera la mention secret, et c'est pourquoi je vous demande ce que cela veut dire quand on considère un projet de loi comme secret. Est-ce une marque de courtoisie? Cela dépend-il de la Loi sur les secrets officiels? Est-ce une convention de la Chambre des communes? Pourquoi cette mention? Que signifie-t-elle?

Mme Anne McLellan: Je vais laisser le sous-ministre répondre, et nous verrons ensuite.

• 1220

M. Morris Rosenberg: Je vous dirai tout d'abord que je ne crois pas être en mesure de vous fournir la réponse spécifique et détaillée que vous attendez parce que cela ne relève pas de mon champ de compétence.

Je crois savoir que c'est ce qui se fait dans le cas de toutes les mesures législatives qu'on s'apprête à déposer au Parlement. Mais je dirais que les délibérations du comité aujourd'hui portent en fait sur la portée de cette mention, étant donné qu'il y a sans doute deux interprétations possibles. D'abord une interprétation étroite du mot «secret», c'est-à-dire que jusqu'au dépôt de la mesure législative à la Chambre, celle-ci ne peut être soumise à qui que ce soit d'autre. L'autre interprétation qui, je crois, peut être conforme à la pratique que nous avons tenté d'établir par ce projet de loi et qui peut-on dire est conforme à la règle concernant les huis clos, c'est que la mention «secret» signifie que le document ne peut être publié mais qu'on peut dans une certaine mesure le rendre accessible au-delà de l'exécutif.

Je ne vais pas prendre parti pour une interprétation plutôt que l'autre. Compte tenu de ce que nous avons appris depuis cet incident, nous avons modifié notre pratique de telle sorte que nous sommes plutôt maintenant des tenants d'une interprétation plus stricte du mot «secret». C'est l'effet de la pratique que la ministre a proposée. Mais il y a d'autres pratiques, les huis clos, par exemple, qui correspondent à une interprétation plus large de ce mot.

Le président: Et vous ne savez pas qui décide d'apposer cette mention «secret» sur le projet de loi. Moi je ne le sais pas, et je ne pense pas que les membres du comité le sachent non plus. C'est un mystère. Nous essayons de savoir ce qu'il en est, et si vous pouviez nous éclairer, nous en serions ravis.

M. Morris Rosenberg: Je n'en sais pas davantage à ce sujet. Je pourrais me charger de faire des recherches et de vous fournir des renseignements là-dessus, et je vais le faire.

Le président: Étant donné que vous êtes au ministère de la Justice, vous pourriez être très bien placé pour nous fournir ce type de renseignement. Nous pourrions peut-être aussi trouver la réponse à notre question auprès du greffier de la Chambre des communes, parce que nous ne savons pas très bien qui imprime le projet de loi et pourquoi la mention «secret» y est apposée. Nous savons qu'il est imprimé dans le cadre des activités d'impression de la Chambre des communes, mais quant à son origine précise, nous ne sommes pas certains. En conséquence, si vous pouviez trouver une réponse à cette question, nous vous en serions très reconnaissants.

M. Morris Rosenberg: J'ai pris note de votre demande, et je m'engage à faire de mon mieux.

Le président: Merci.

Derrière tout ça se cachent des événements impliquant une fuite probable du projet de loi. Nous ne savons pas qui est à l'origine de la fuite ni ne savons où elle a eu lieu, mais dans les journaux, le jour du dépôt de ce projet de loi, j'ai cru comprendre qu'il y a eu des articles d'un libellé assez précis au sujet du projet de loi. Si le journaliste a été en mesure de publier le jour même du dépôt du projet de loi un article à ce sujet, c'est qu'il devait avoir quelque chose lui permettant de rédiger ce genre d'article. Je présume donc que des éléments de projet de loi ont été divulgués avant la séance d'information. Ce qui est paru dans les médias le jour même ne provenait pas de la séance sous embargo; cela venait de quelque chose d'autre.

La ministre a déjà souligné que la quasi-totalité du projet de loi C-15 était constituée d'un texte qui avait déjà été présenté à la Chambre des communes. Peut-être que cela aurait été un jeu d'enfants pour un journaliste de rédiger un article sur le sujet, mais je me demande si votre ministère a eu connaissance d'une fuite qui aurait donné lieu aux articles publiés le jour même, ou si vous aviez des inquiétudes à ce sujet.

Mme Anne McLellan: Non. Ni mon ministère ni mon personnel n'est au courant d'une fuite en ce qui concerne ce projet de loi. En fait, je crois qu'on a parlé en particulier d'un article. Il avait été rédigé par une journaliste du Ottawa Citizen, en date du mercredi 14 mars. J'ai demandé à mon personnel de dépouiller l'article en comparant ce qu'on y affirmait avec ce qui figurerait dans le projet de loi, et pratiquement tout se retrouvait dans le texte de loi précédent.

• 1225

En janvier, j'avais déjà annoncé publiquement que j'allais présenter à nouveau le projet de loi. La forme en serait peut-être différente—à savoir qu'il s'agirait d'un projet de loi omnibus—mais j'ai laissé savoir que j'allais présenter à nouveau le texte devant la Chambre sans modifications importantes.

Il y a eu certains ajouts au projet de loi. Que je sache, il n'a été question d'aucun d'entre eux sauf de ceux que nous avions déjà annoncés. Sur la question du leurre par Internet, à la sortie de la réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres de la Justice en septembre à Iqaluit, j'avais annoncé que je donnerais suite à la demande de mes collègues des provinces et des territoires. Pendant la campagne électorale, notre parti a fait savoir que nous allions modifier le Code criminel de façon à inclure le leurre par Internet, et en janvier je n'ai pas caché le fait que cet élément serait inclus dans le projet de loi omnibus.

J'ai aussi annoncé clairement, après l'affaire Sharpe, que nous allions moderniser le Code criminel au sujet de la pornographie juvénile de façon à nous assurer qu'il n'y ait pas de failles dans le Code quant à la capacité des services policiers d'enquêter sur la pornographie juvénile.

En fait, la journaliste en question s'est tout simplement trompée dans un des éléments qu'elle a avancés. L'un des éléments qui, d'après elle, allait figurer au texte de loi, était un élément dont nous avions déjà traité, et dont vous, au Comité de la justice, aviez déjà traité et qui avait été adopté par la Chambre le printemps précédent.

J'ai demandé à mon personnel de dépouiller cet article et, d'après ce que j'ai pu constater, on n'y retrouve rien qui n'était pas déjà connu du public en janvier 2001. En fait, la quasi-totalité de son contenu avait constitué la base du texte de loi présenté à la Chambre le printemps précédent.

Le président: Très bien, merci.

Je vais faire un commentaire, et vous inviter à répondre. D'après vous, en vertu de votre nouvelle politique, rien ne sera divulgué à personne avant que...

Mme Anne McLellan: Avant d'être déposé.

Le président: C'est ça. Personne ne reçoit absolument rien. Mais cela peut être un désavantage pour certains députés à la Chambre. En tant que ministre, vous savez bien sûr ce que contient le projet de loi. Vous connaissez très bien le projet de loi. Votre secrétaire parlementaire le connaît peut-être un peu moins bien que vous, ou peut-être un peu mieux que vous.

Mme Anne McLellan: Parfois mieux que moi.

Le président: Donc, le ministère est prêt à y aller dès que le projet de loi est déposé. Mais les députés de l'opposition et le président du comité qui devra l'étudier n'auront aucune information.

D'après moi, la pratique qu'on a suivie dans ce cas-ci est assez raisonnable. On a donné un exemplaire aux porte-parole de l'opposition à peu près une heure avant le dépôt du projet de loi. J'en aurais aussi donné un au président du comité permanent en cause, dans votre cas le Comité de la justice. C'est une pratique assez raisonnable, même si les nouvelles lignes directrices sont d'une simplicité remarquable. C'est simplement quelque chose que je vous propose.

Mme Anne McLellan: Je demanderai au comité de me conseiller là-dessus. À présent, nous avons établi une politique qui sera, je l'espère, efficace et même élégante dans sa simplicité. Mais je comprends bien ce que vous voulez dire. Comme vous le savez d'ailleurs, nous avons donné un exemplaire du projet de loi aux porte-parole de l'opposition à peu près une heure et quinze minutes avant que le projet de loi ne soit déposé. Nous avons fait cela par courtoisie, mais nous ne le faisons plus à cause des événements entourant le projet de loi C-15, et de l'importance que nous accordons aux préoccupations soulevées par le porte-parole de l'opposition, M. Toews, et d'autres.

Si le comité considère qu'il serait utile de continuer d'offrir ces exemplaires à l'avance, sous embargo bien sûr, j'attendrai vos conseils.

Le président: Bon, c'est bien.

Y a-t-il d'autres questions, chers collègues?

M. MacKay, avec une autre question.

M. Peter MacKay: J'apprécie bien cette assurance que vous nous donnez, madame la ministre. Vous avez fait preuve de beaucoup de franchise au sujet de votre changement de politique, mais d'après moi il faut changer les attitudes aussi, et cela inclut aussi l'opposition. Si nous voulons renouveler et revitaliser le Parlement, ce qu'on essaie de faire en général, et ce qu'on essaie de faire au sein d'un autre comité, qui étudie des changements à la procédure, il faut qu'on revoie nos attitudes. Ces attitudes doivent aussi englober les députés, les ministères, les ministres, et la fonction publique.

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Si l'on insiste pour que tout projet de loi et tout document important de politique publique soit d'abord déposé au Parlement avant d'entamer la discussion, la promotion, le jeu politique, qu'il en soit ainsi. Je suis très encouragé d'entendre que la politique de votre ministère va dans le même sens. Nous espérons que d'autres ministères vont suivre votre exemple. C'est quelque chose qui pourra évoluer seulement si les ministères donnent l'exemple. Le reste suivra.

Mme Anne McLellan: Merci.

Le président: Merci, monsieur MacKay.

J'estime que nous avons fait beaucoup de progrès. Je ne pense pas que nous ayons besoin de poser d'autres questions.

Monsieur Rosenberg, nous allons demander à quelqu'un de la Chambre des communes de nous expliquer le secret entourant la production et l'impression des projets de loi. Mais nous aimerions cependant aussi connaître votre point de vue en tant que membre de l'organisation du gouvernement. Donc, n'oubliez pas de nous en faire part.

Enfin, madame la ministre, nous aimerions avoir des copies des deux documents mentionnés dans vos remarques.

Mme Anne McLellan: Nous les avons pour vous.

Le président: Ils sembleraient être déjà ici. C'est bien le cas?

Mme Anne McLellan: Je pense que oui.

Le président: C'est allé très vite. Merci beaucoup.

Mme Anne McLellan: Merci beaucoup. C'était un plaisir de vous rencontrer aujourd'hui, et je vous sais gré de votre patience. Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de vous expliquer ce qui s'est passé, et pourquoi ça s'est passé. Nous espérons que ça ne se reproduira plus. Merci.

Le président: Merci, madame la ministre.

La séance est levée.

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