HAFF Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON PROCEDURE AND HOUSE AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 20 mars 2001
Le président (M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)): Chers collègues, la séance est ouverte.
Nous sommes saisis d'un ordre de renvoi de la Chambre concernant le projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi électorale du Canada.
Nous avons la chance d'avoir parmi nous—et c'est exceptionnel, car ils n'ont eu qu'un préavis très court—des témoins représentant trois partis politiques. Je ne préciserai pas s'il s'agit de partis inscrits. Quoi qu'il en soit, ces partis ont une existence réelle, qu'elle soit ou non conforme aux définitions qui figurent dans notre législation, dans nos règlements et dans nos traditions.
• 1110
Je voudrais les signaler pour le compte rendu: le Parti de
l'héritage chrétien, représenté par M. Gray, le Parti communiste du
Canada, représenté par M. Miguel Figueroa, et le Parti Vert du
Canada, représenté par M. Chris Bradshaw.
Les témoins doivent avoir un énoncé de point de vue ou un exposé. S'il n'y a pas d'objection, je les inviterais à présenter un exposé. Chaque exposé devrait durer environ 5 minutes, mais si un témoin a besoin d'une prolongation, je suis sûr que mes collègues la lui accorderont. Dans les circonstances, les témoins ne devraient pas avoir besoin de dépasser 10 minutes. Vous êtes trois aujourd'hui. Après vos exposés, on vous posera des questions.
Je signale qu'à cause des autres activités de la Chambre, nous devrons lever la séance vers 12 h 25. Les leaders à la Chambre nous empêcheraient de rester plus longtemps dans cette salle. Commençons donc dès maintenant.
Je vais suivre l'ordre qui figure sur l'avis de convocation, qui est d'ailleurs l'ordre alphabétique. Ce n'est pas l'ordre des priorités. Nous allons commencer par M. Gray, du Parti de l'héritage chrétien, puis nous écouterons M. Figueroa, du Parti communiste, et enfin M. Bradshaw, du Parti Vert. Monsieur Gray.
M. Ron Gray (chef national, Parti de l'héritage chrétien du Canada): Je remercie le président et les membres du comité. Je suis heureux d'avoir ici l'occasion de présenter le point de vue de mon parti.
J'ai rédigé un exposé et j'en ai plusieurs exemplaires, mais vous m'excuserez, car je n'ai pas eu le temps de le faire traduire. Pour les députés qui souhaiteraient avoir une copie de ce que je vais lire, M. Sabourin en a apporté quelques exemplaires. Il pourra vous les distribuer si vous le souhaitez.
Le président: Ce comité ne reçoit pas officiellement les documents qui ne sont présentés que dans une langue. Cependant, les membres ici présents auront le loisir de prendre ce document et de le lire, de même que les témoins ont le loisir de dire et de distribuer ce qu'ils veulent. C'est donc à vous d'en décider. Mais le greffier du comité ne participera pas à l'opération.
M. Ron Gray: Merci. Je vais demander à M. Sabourin de distribuer les exemplaires disponibles pendant que je donne lecture du texte.
Je voulais vous signaler que nos préoccupations concernent pour l'essentiel la loi électorale adoptée en 1974, qui nous a orientés dans la mauvaise direction parce qu'elle n'était pas centrée sur l'essentiel. Cette loi et la révision adoptée l'année dernière sont faussées parce qu'elles sont conçues essentiellement en fonction des intérêts des partis en place, alors qu'elles auraient dû être conçues, à notre avis, en fonction des intérêts d'un électorat éclairé.
La 37e législature a la chance d'être en début de mandat et de pouvoir intervenir pour remédier à ces imperfections. Voici quelques recommandations précises que nous aimerions voir apparaître dans le projet de loi C-9.
L'article 2 de ce projet de loi, par exemple, modifie l'article 18 de la loi pour permettre au directeur général des élections d'étudier d'autres méthodes de scrutin, notamment le scrutin électronique. Je dirais, entre parenthèses, que je ne suis pas emballé par le scrutin électronique parce qu'après tout, les électrons peuvent être manipulés dans des petites boîtes noires et le risque de fraude est alors encore plus grand qu'avec le papier.
Comme on avait beaucoup entendu parler de la forme des confettis des bulletins de vote américains, les Canadiens considéraient en novembre dernier que notre système uniforme de scrutin était relativement fiable. Ils seraient peut-être moins confiants envers un système électronique, car si les pirates électroniques peuvent pénétrer les systèmes de Microsoft, c'est qu'à mon avis, l'informatique n'est pas encore en sécurité.
Nous aimerions que l'article 2 de la loi autorise le directeur général des élections à étudier la représentation proportionnelle afin de mettre en oeuvre une forme de scrutin proportionnel au Canada. Le Canada et les États-Unis sont les seuls pays du G-7 qui ne se soient pas orientés vers la représentation proportionnelle. Au Royaume-Uni, l'assemblée d'Irlande du Nord et l'assemblée d'Écosse sont élues selon la représentation proportionnelle et le premier ministre Blair a dit qu'au cours de son prochain mandat, il avait l'intention de faire entrer la représentation proportionnelle au Parlement britannique.
• 1115
Élections Canada a déployé des efforts considérables pour
essayer d'enrayer le déclin de la participation électorale au
Canada, qui a atteint, vous vous en souviendrez, son pire niveau
lors des dernières élections—un résultat qui, dans le concret, est
aussi mauvais que celui des Américains, car ils mesurent en
fonction des titulaires du droit de vote, tandis que nous le
mesurons en fonction des électeurs inscrits. Par ailleurs, le
système canadien du scrutin majoritaire uninominal accentue les
disparités régionales. Sur les cartes présentées le soir des
élections, l'Ouest canadien était bleu sarcelle, l'Ontario était
rouge, le Québec était bleu et blanc tandis que le Canada
atlantique était bleu conservateur. Pourtant, il y avait un certain
nombre d'autres partis représentés dans toutes ces régions, et la
représentation proportionnelle donnerait à ces électeurs cachés le
sentiment que leur voix a été prise en compte.
Mon parti est en faveur d'une formule mixte de représentation proportionnelle, c'est-à-dire la formule utilisée en Allemagne et qu'on pourrait très facilement adapter à la réalité géographique canadienne et à la diversité linguistique du pays. Nous demandons que l'on commence immédiatement à travailler sur une modification de la loi en ce sens.
Au Parti de l'héritage chrétien, nous avons eu le triste et unique privilège de perdre notre statut de parti inscrit en plein milieu de la campagne électorale. Aux élections de novembre dernier, il nous a manqué quatre candidats pour atteindre le seuil des 50 candidats obligatoires. Nous ne sommes pas d'accord avec le Parti communiste pour considérer que deux candidats suffiraient à former un parti. Nous considérons qu'il faut un niveau de qualification plus élevé que cela, mais nous estimons que l'actuel seuil de 50 candidats est trop élevé.
Dans mon document, je fais une analyse de la situation sur laquelle M. Figueroa sera en mesure de revenir, notamment parce qu'il a réussi à contester victorieusement l'ancienne loi électorale. Sa contestation a ultérieurement été annulée par l'adoption du projet de loi C-2 l'année dernière, et je crois qu'il a intenté une nouvelle action. J'estime qu'il y a là matière à invoquer la Charte, mais si le seuil était fixé à 12 candidats, conformément à ce qui est proposé dans ce projet de loi, le gouvernement pourrait au moins prétendre que le Parlement ne fait pas preuve d'arbitraire mais qu'au contraire, il applique au processus électoral la même norme que la Chambre des communes.
Nous admettons que le fait de ne pas atteindre le seuil minimal de candidats, quel qu'en soit le niveau, puisse priver un parti des avantages financiers prévus dans la loi, notamment du droit de produire des reçus utilisables à des fins fiscales, mais il existe d'autres avantages qui, à notre avis, ne devraient pas leur être supprimés, et c'est surtout le cas d'après notre expérience, de la suppression du nom du parti sur le bulletin de vote. C'est une information qui pourrait être utile à l'électeur, et je considère que le projet de loi est résolument sur la bonne voie dans la mesure où il rendrait de nouveau cette information disponible à l'électeur.
Je voudrais vous soumettre une anecdote qui, à mon sens, illustre bien mon propos. Lors des élections de novembre dernier, où notre parti n'a pas atteint le seuil des 50 candidats, le nom du parti n'apparaissait pas sur les bulletins de vote à côté du nom de notre candidat. Après l'élection, j'ai fait un sondage téléphonique auprès des membres de notre parti pour avoir leur avis sur la façon de faire face à cette particularité. J'ai ainsi communiqué avec une adhérente du sud-ouest de l'Ontario qui m'a dit que lorsqu'elle était allée voter, elle avait reconnu le nom de notre candidat sur le bulletin de vote, mais comme le nom du parti n'apparaissait pas en vis-à-vis, elle a pensé que ce candidat nous avait abandonnés. Elle s'est dit: «Je ne voterai certainement pas pour un vire-capot», et elle a gaspillé son bulletin de vote.
Ce que je veux dire, c'est que ce que l'électrice avait besoin de savoir à propos du candidat pour lequel elle votait, c'était le nom du parti que représentait encore le candidat. Priver l'électrice de cette information ne lui a pas permis de voter en toute connaissance de cause. Ça l'a desservie.
• 1120
Pour cette même raison, nous aimerions que l'article 12 de ce
projet de loi soit amendé par suppression de l'alinéa 117(2)d).
De la même manière, l'article 11 du projet de loi limite inutilement l'accès des candidats des partis non inscrits aux listes d'électeurs. Ces listes contiennent de l'information essentielle à la formation et à la croissance de nouveaux partis, comme les trois qui comparaissent aujourd'hui. La croissance de ces nouveaux partis est une manifestation de la vitalité de notre régime démocratique, et je ne vois aucune raison de restreindre leur accès à cette information. Nous recommanderions que l'article 11 du projet de loi, le paragraphe 109(3) de la loi, soit amendé comme suit: «À la demande d'un parti ou d'un membre mentionné au paragraphe (2)...». Permettons l'accès à tous les partis, pas simplement aux partis inscrits, pas seulement aux partis admissibles.
De même, les articles 17 et 18 de ce projet de loi continuent à tort de mettre l'accent sur les intérêts des partis politiques plutôt que de faire valoir qu'il est dans l'intérêt national d'avoir des électeurs bien informés. Le temps d'antenne n'aurait jamais dû être réparti de manière à donner la préférence aux partis représentés par la Chambre ou de donner la préférence aux partis en fonction du nombre de sièges qu'ils détiennent à la Chambre. Au lieu de cela, le temps d'antenne devrait être réparti pour répondre au besoin des électeurs d'être informés sur tous les choix qui s'offrent à eux.
Voici la formule de répartition du temps d'antenne que nous proposons: Sur les chaînes ou les réseaux nationaux de radiodiffusion, le temps devrait être également réparti entre tous les partis qui présentent des candidats dans la majorité des provinces et des territoires; pour ce qui est des médias locaux, le temps devrait être accordé proportionnellement au nombre de candidats qui se présentent dans la zone desservie par la station de tel ou tel radiodiffuseur.
Encore là, on devrait mettre l'accent sur l'accès que doivent avoir les électeurs à l'information dont ils ont besoin pour voter en toute connaissance de cause. Malheureusement, les dispositions des lois de 1974 et de 2000 donnent tout à fait l'impression que les partis à la Chambre, une fois installés, tentent de brûler les ponts derrière eux. Répartir le temps d'antenne en fonction des résultats obtenus aux élections précédentes sert essentiellement les intérêts des partis élus, ou des partis qui ont le mieux réussis, et non les intérêts des électeurs.
Cette tendance soulève deux autres questions dont on ne traite ni dans la loi ni dans ce projet de loi mais qui sont pourtant critiques, à notre avis, si l'on veut que les électeurs aient confiance dans le régime et si l'on veut accroître la participation des électeurs. Ces deux questions ont trait au financement des campagnes électorales.
Le président: Excusez-moi, monsieur Gray, je vous rappelle que le temps file. Vous avez pris 10 ou 11 minutes. Si nous ne nous montrons pas stricts sur le respect du temps de parole, nous risquons de passer à côté de l'objectif de la séance.
Vous aviez préparé un mémoire, unilingue—et je comprends qu'étant donné le peu de temps vous n'avez pas pou le faire traduire. Je vous prierais d'en présenter seulement les grandes lignes afin que vous puissiez bientôt conclure votre exposé.
M. Ron Gray: D'accord.
Le président: Dans l'intérêt de tous. Merci.
M. Ron Gray: Pour conclure, je dirai simplement que d'affecter des fonds publics aux campagnes électorales en vertu de la loi, sans modification par le projet de loi C-9, c'est ne pas respecter les droits démocratiques et en fait je pense que cela pourrait même être contesté en vertu de la Charte, et ce le sera probablement si on n'y apporte pas un correctif, en raison du principe sur lequel je vais conclure, soit une citation de Thomas Jefferson: «Il est tyrannique d'obliger quelqu'un à payer pour la promulgation d'idées auxquelles il ne croit pas.»
L'attribution des deniers publics en fonction des résultats obtenus au cours d'une élection contraint les gens à appuyer, en tant que contribuables, des partis dont les politiques peuvent paraître inacceptables à certains contribuables. Dans le présent document, je propose une formule, que je ne vous lirai pas en détail, mais qui permettrait aux contribuables de financer chaque année par leurs impôts le parti de leur choix. Si vous voulez obtenir des détails au cours de la période des questions, je me ferai un plaisir de vous en fournir.
• 1125
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Gray.
Nous allons maintenant entendre M. Figueroa.
M. Miguel Figueroa (chef, Parti communiste du Canada): Monsieur le président, mesdames et messieurs, d'abord je vous remercie de nous accorder l'occasion d'exposer nos vues sur le projet de loi C-9.
Je dirai tout d'abord que dans le mémoire sur le projet de loi C-2 que nous avons présenté au comité à la dernière session, nous avons exposé notre position sur diverses questions générales, dont la représentation proportionnelle, la durée de la période électorale et la question des droits de radiodiffusion. Je n'en parlerai donc pas en détail ce matin.
Comme vous le savez, le projet de loi à l'étude fait suite essentiellement au jugement du 16 août 2000 de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Figueroa. Ce jugement a confirmé, en partie, un jugement antérieur de la Cour de l'Ontario rendu le 10 mars 1999 par le juge Anne Malloy, qui supprimait le seuil de 50 candidats à respecter pour inscrire le nom d'un parti sur le bulletin de vote. Ce jugement a aussi annulé d'autres dispositions de la Loi électorale du Canada qui étaient en vigueur, et dont on a conclu qu'elles allaient à l'encontre de la Charte.
Pour ce qui est du projet de loi dont le Parlement est maintenant saisi, notre parti tient à faire valoir deux choses, concernant d'abord le processus qui a donné lieu à ce projet de loi, puis, les conditions relatives à la proposition d'un nouveau seuil pour l'inscription du nom d'un parti sur le bulletin de vote. Permettez-moi d'abord toutefois de rappeler certains faits.
Le projet de loi que nous étudions—et du reste plusieurs autres importants changements qui ont été apportés à l'ancien projet de loi C-2 au cours de la dernière session de la législature précédente—est le résultat d'une lutte politique et juridique que le Parti communiste a entreprise il y a près de huit ans.
Vous vous souviendrez qu'à la fin du règne du gouvernement Mulroney, d'importants changements à la Loi électorale du Canada de l'époque avaient été apportés avec le consentement de tous les partis. Ces changements ont eu un effet cumulatif qui a constitué en réalité une attaque tout à fait non démocratique et même virulente contre les droits démocratiques de notre parti et de tous les petits partis présents sur la scène fédérale. Le pire de ces changements réactionnaires incluait la saisie des éléments d'actif des partis désinscrits, et une augmentation de 400 p. 100 du dépôt exigé des candidats—dont 50 p. 100 non remboursable si le candidat n'obtenait pas plus de 15 p. 100 du total des voix exprimées dans un comté donné.
Le fait que ces changements constituaient une violation des règles de la démocratie, étaient contraires à la Constitution et ne visaient qu'à limiter la participation des petits partis au processus électoral a été dénoncé non seulement par notre parti et d'autres petits partis mais par d'innombrables constitutionnalistes et par les comités de rédaction de la plupart des grands quotidiens canadiens. C'était aussi l'avis d'un bon nombre sinon de la plupart des candidats du principal parti d'opposition au cours de l'élection de 1993—y compris des candidats du parti actuellement au pouvoir, le Parti libéral du Canada.
Hélas, cependant, les promesses de bon nombre des membres du nouveau gouvernement libéral d'en modifier la loi, pour supprimer ces dispositions odieuses n'ont pas été respectées. Notre parti n'avait d'autre choix que de se tourner vers les tribunaux.
Cette contestation a abouti au jugement du juge Malloy, qui a annulé plusieurs des pires dispositions de l'ancienne loi: la saisie des éléments d'actif d'un parti; le caractère non remboursable des dépôts des candidats; et le seuil de 50 candidats pour l'inscription d'un parti.
Aux termes du jugement du juge Malloy, le seuil requis pour l'inscription des partis politiques passé de 50 candidats à deux. Comme vous le savez, c'est ce dernier jugement qui a fait l'objet d'un appel, appel qui a entraîné le jugement de la Cour d'appel de l'Ontario selon laquelle la question de l'identification du parti doit être distinguée des autres avantages accordés aux partis inscrits, et que le seuil doit être réduit par le Parlement.
Le jugement de la Cour d'appel a entraîné le renvoi de l'affaire devant le Parlement en vertu du principe selon lequel les tribunaux ne devraient pas—tout au moins en l'occurrence—tenter de reformuler la loi. Comme on l'a dit dans l'arrêt Schachter c. Canada: «C'est le devoir du pouvoir législatif, et non pas des tribunaux».
• 1130
De façon générale, notre parti partage ce point de vue. La loi
devrait être rédigée et adoptée par des entités démocratiquement
élues, et non pas par des gens qui sont nommés. Toutefois, pour ce
qui est précisément de la loi électorale, une contradiction
manifeste surgit: à savoir que les partis qui détiennent
actuellement le pouvoir au Parlement sont appelés à exercer ce
pouvoir, c'est-à-dire d'établir les règles en vertu desquelles se
déroulent les élections et qui régissent et limitent la
participation de tous les autres partis, qui pourraient, à un
moment donné, venir contester ce pouvoir, cette hégémonie
politique. Bref, on risque toujours de voir ceux qui ont le pouvoir
de fixer les règles électorales agir de manière à protéger ce
pouvoir.
Voici ce qu'a déclaré le juge Malloy à ce propos dans son jugement:
-
Dans l'affaire dont je suis saisie, rien ne prouve que la réforme
gouvernementale du système électoral progresse de manière à faire
profiter davantage de citoyens des avantages de l'inscription des
partis. Les réformes électorales des années 70 qui ont d'abord
permis la reconnaissance des partis politiques et l'octroi
d'avantages financiers liés au statut de parti inscrit n'ont pas
été suivies d'autres mesures visant à accorder des avantages aux
petits partis. Bien au contraire, les amendements de 1993 ont
aggravé la situation des petits partis...
Ce n'est pas un cas où il convient de remettre à plus tard une présumée réforme gouvernementale; au contraire, la conclusion que tire Yacobucci écrivant au nom de la majorité dans l'arrêt Vriend me semble tout à fait pertinente. Il écrit:
-
Si l'on permet de continuer de violer les droits et libertés de ces
groupes alors même que les gouvernements ne font pas diligence pour
assurer l'égalité, alors les garanties de la Charte ne seront rien
d'autres que de vaines paroles.
C'est en tenant compte de cela que le juge Malloy a estimé nécessaire que le tribunal fixe ce chiffre à deux candidats.
Comme nous l'avons indiqué au cours d'une précédente intervention au comité, et comme l'a d'ailleurs dit M. Gray, la population est de plus en plus désabusée face à l'ensemble du processus électoral, attitude qui se traduit par un appui grandissant à une certaine forme de représentation proportionnelle. La seule véritable solution démocratique consiste donc pour le Parlement à soumettre l'actuel système électoral à un vaste et véritable examen public et à procéder à une réforme en conséquence.
Pour ce qui est à proprement parler du projet de loi C-9, nous aimerions faire valoir deux points.
D'abord, le projet de loi, à notre avis, créerait en réalité deux différentes catégories de partis fédéraux inscrits, une catégorie qui respecterait les exigences d'inscription au seul titre de l'impression du nom du parti sur le bulletin de vote, et une seconde catégorie devant respecter un seuil plus strict pour l'obtention des autres avantages liés au statut de parti inscrit. Il n'y a rien de fondamentalement répréhensible dans cette idée d'établir des seuils différents pour bénéficier d'avantages différents. Par exemple, notre parti serait d'accord pour que des droits de radiodiffusion soient payés en fonction d'un seuil supérieur à celui qui est exigé pour la simple inscription. Quant à la façon dont le temps d'antenne est réparti, c'est naturellement une tout autre affaire. Mais l'idée d'un seuil plus élevé pour les droits de radiodiffusion nous semble tout à fait raisonnable.
Nous estimons toutefois que certains droits et privilèges fondamentaux devraient être garantis à tous les partis inscrits et cela en fonction d'un seuil nettement inférieur à celui qu'impose la règle des 50 candidats. Il s'agit, selon le jugement du juge Malloy, de la disposition concernant le nom du parti sur le bulletin de vote, les dispositions concernant la remise de reçus à des fins d'impôt, la possibilité pour un candidat de céder les fonds non dépensés à son parti plutôt que de les verser au gouvernement ainsi que le droit d'obtenir la liste définitive des électeurs.
Il n'y a à notre avis aucune raison légitime justifiant que tous ces droits fondamentaux ne soient pas reconnus à tous les partis politiques qui respectent le seuil inférieur et qui satisfont à toutes les autres exigences de la loi. Nous demandons donc instamment au comité d'amender le projet de loi C-9 en conséquence.
Le second point a trait au seuil proposé de 12 candidats. Bien que 12 soit un seuil nettement inférieur à 50 pour permettre que le nom du parti figure sur le bulletin de vote, notre parti reconnaît à l'instar du juge Malloy que:
-
[...] La question ne consiste pas à établir combien de candidats un
parti doit présenter [...] mais plutôt, s'il y a lieu d'établir un
tel nombre.
Soit dit en passant, cela nous ramène à la question de l'information du public et cet argument a été retenu par la Cour d'appel.
Un parti est une organisation qui présente une liste de candidats, de sorte qu'il faudrait qu'il y ait au moins deux candidats. Dès qu'il y a plus d'un candidat, on a une liste. Nous demanderions donc instamment au comité d'amender le projet de loi C-9 pour faire passer le seuil de 12 à deux pour que figure le nom du parti sur le bulletin de vote.
• 1135
Enfin, nous aimerions informer le comité, quoique je ne pense
pas que ce soit vraiment nécessaire, que l'autorisation d'en
appeler du jugement de la Cour d'appel de l'Ontario nous a été
accordée par la Cour suprême du Canada, où la question
constitutionnelle de l'inscription des partis sera finalement
tranchée. Le fait que la Cour suprême ait accepté d'entendre cet
appel confirme le caractère substantiel des arguments
constitutionnels que nous avons présentés en vue de l'abaissement
du seuil requis pour l'inscription des partis. Selon le jugement
que rendra la Cour, il faudra peut-être apporter d'autres
changements à la Loi électorale du Canada.
Merci de votre attention.
Le président: Merci.
Monsieur Bradshaw.
M. Chris Bradshaw (Parti Vert du Canada): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
Je dois vous dire que je ne suis le chef du Parti Vert, le chef par intérim dois-je préciser, que depuis hier. Il se passe des choses intéressantes en politique. Notre chef précédent, Joan Russow, qui a dirigé notre parti pendant trois ou quatre ans, je crois, a démissionné au début de mars et j'ai été désigné par notre conseil national pour la remplacer, conformément à la Loi électorale du Canada, jusqu'à ce que nous menions à bien le processus démocratique avec la pleine participation des membres et une campagne en bonne et due forme, ce qui aura lieu dans le courant de l'année.
Notre parti a été entendu au cours d'une séance d'un comité sénatorial sur cette question en l'an 2000, séance à laquelle Mme Russow a participé, et nous avons aussi témoigné devant votre comité en 1999 par l'intermédiaire de M. Julian West. M. West, soit dit en passant, participera à l'événement qui aura lieu sur la colline du Parlement en collaboration avec Fair Vote Canada dans neuf ou dix jours. Je prendrai la parole au nom du parti à un événement qu'organise sur la même question l'Institut de recherches en politiques publiques, qui se tiendra aussi lieu sur la Colline du Parlement au début de mai.
Pour votre information, la dernière fois que j'ai comparu devant un comité, puisque je m'occupe essentiellement de politique locale, c'était à propos de la liberté d'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels quand j'ai collaboré avec le comité qui a travaillé avec le regretté Ged Baldwin sur cette question. Je suis très heureux de voir les résultats positifs obtenus, même si bon nombre de mes collègues estiment qu'avec le temps un certain cynisme semble se manifester à l'égard de cette question dans les antichambres du pouvoir au niveau national.
Je veux aussi dire que je reconnais M. Joe Jordan, qui a largement appuyé une mesure que préconise notre parti, soit la Loi sur la mesure du bien-être. Je sais que c'est un projet de loi d'initiative parlementaire et nous lui souhaitons les meilleures chances possibles à la Chambre.
Comme je suis chef depuis peu et vu le très bref préavis que j'ai reçu, grâce au député de Lanark—Carleton, qui nous en a informés par l'intermédiaire de notre candidat qui s'était présenté deux fois dans ce comté—et j'en remercie M. Reid—nous nous en tiendrons essentiellement à la législation, quoique je tienne à dire bien clairement que le parti a toujours défendu des causes semblables soulevées par les chefs des deux partis, ainsi que par des partis non parlementaires, à ma droite.
Nous pensons que nous avons un rôle spécial étant donné que nous sommes celui des six partis parlementaires qui a le plus grand nombre de membres...
M. Miguel Figueroa: Géographiquement à votre droite.
M. Chris Bradshaw: C'est juste. Je suppose que si on avait voulu nous disposer autour de cette table suivant la représentation géographique, nous serions situés plus vers le centre par rapport aux deux autres personnes ici présentes.
Je pense que les députés ici présents savent que notre parti a présenté 111 candidats lors des dernières élections et que nous avons obtenu en moyenne 1 000 voix par candidat. Nous pensons que cela témoigne du fait que nous—et je ne vais pas parler au nom des autres partis—sommes de petits partis, dans bien des cas, de jeunes partis, et que nous n'avons pas nécessairement obtenu la cote auprès du public à bien des égards, alors que d'autres partis sont à l'oeuvre depuis bien plus longtemps. Vous le savez, nous appartenons à un mouvement politique international. Pour l'instant, je n'ai pas besoin d'ajouter quoi que ce soit.
Soit dit en passant, j'habite à Ottawa et cela m'a facilité les choses pour la réunion d'aujourd'hui.
• 1140
La principale question sur laquelle le comité doit se
prononcer est, si je ne m'abuse, celle d'une modification du seuil,
dont M. Figueroa a parlé au nom de son parti—et, je l'en remercie,
au nom de nous tous, petits partis au Canada—c'est-à-dire au nom
des partis qui présentent de 50 à 12 candidats. Je signale que
notre parti appuie cette modification, ce qui ne veut pas dire que
nous ayons trouvé quoi que ce soit dans les textes qui montre que
ce chiffre est spécialement fantastique. Nous souhaiterions
vivement qu'il soit revu en temps utile et nous pensons que c'est
une modification d'importance et qu'elle ne tourne absolument pas
en dérision le processus d'examen par les tribunaux. C'est une
modification d'importance et nous pensons que c'est un pas dans la
bonne direction.
Toutefois, je voudrais revenir à une question soulevée par un de mes collègues: cela crée-t-il deux classes de parti? Quelle est la logique de seuils multiples? J'ai consulté un petit peu les membres de notre parti grâce à Internet et nous pensons que des seuils multiples sont une mesure positive, car elle tient compte du développement de l'homme, de la jeunesse à l'âge adulte. On ne peut pas définir ponctuellement le moment où quelqu'un sort de sa chrysalide, pour ainsi dire, et entre dans la vie adulte. Pendant notre croissance, il y a bien des moments où on nous octroie des privilèges supplémentaires assortis de responsabilités supplémentaires. Nous pensons que ce principe méritera d'être examiné de nouveau à long terme, pour adapter les dispositions législatives en conséquence.
Pour illustrer mon propos, je citerai notre difficulté, en tant que petit parti, à avoir accès aux affaires sur la Colline, comme en témoigne en partie le fait que nous ayons dû parlementer cinq minutes à la porte d'entrée ici. Par exemple, notre chef a eu du mal—et en fait on lui a refusé l'entrée du huis clos—à accéder à la salle où le dernier budget était rendu public sur la Colline, et par conséquent, a dû rencontrer les médias sans avoir eu l'occasion de prendre connaissance des détails nécessaires. Nous pensons que nous jouons un rôle important dans la vie politique des Canadiens, et dans celle de nos membres et que nous devrions disposer de ce genre d'accès.
Il y a autre chose. C'est-à-dire qu'une présence accentuée sur la Colline nous aiderait à être plus efficaces au moment où nos membres seront élus, car nous croyons fermement que nous finirons par faire élire des candidats.
Avant de conclure, je voudrais soulever une dernière chose. Je pense que l'accès à la liste électorale définitive est sans doute l'élément qui justifie qu'on réexamine un seuil autre que 12—mais je pense que le seuil de 50 est maintenu à cet égard. Nous reconnaissons que les petits partis ont moins de ressources leur permettant d'utiliser au maximum cette liste mais nous pensons que la nouvelle technologie permet de réduire les coûts, et puisque l'essentiel des coûts découle de la préparation de la liste, il est beaucoup moins coûteux de produire plus d'exemplaires. C'est la même technologie qui nous donne la possibilité de mieux utiliser la liste pour contacter les gens dans nos diverses circonscriptions.
En outre, un de mes collègues a soulevé un point concernant le temps d'antenne: il s'agit de l'idée que les médias soient considérés du point de vue du besoin d'information de la part des électeurs, du point de vue de la part de marché incombant à l'organisation médiatique et du point de vue de l'activité du parti, du nombre de candidats, et ce plutôt que d'établir des normes nationales. Procéder ainsi serait une autre mesure positive.
J'espère avoir l'occasion d'aborder nombre de ces questions quand je prendrai la parole au colloque de l'Institut de recherches en politiques publiques au mois de mai, et j'invite les membres du comité à participer à ce colloque, qui se tiendra ici.
Je vous remercie de m'avoir écouté. Je ferai de mon mieux pour répondre à vos questions. Merci.
Le président: Merci à tous nos témoins. Vous avez respecté le temps imparti pour vos exposés et vous avez soulevé un certain nombre de questions.
En général, je le rappelle à mes collègues, sans vouloir être trop sévère, les questions posées ici ont strictement trait à la Loi électorale. Nos témoins ont soulevé des questions qui ne sont pas directement liées à cette mesure législative, même si elles sont intéressantes du point de vue de l'intérêt public. Nous disposons de 35 à 40 minutes. Il n'est pas nécessaire de se montrer trop sévère à moins que la discussion n'aille dans tous les sens. Rappelez-vous, chers collègues, que nous étudions ici le projet de loi C-9, qui propose certaines modifications à la Loi électorale et que les questions devraient, de préférence, porter sur cette mesure législative.
• 1145
Nous allons commencer avec M. Reid, pour l'opposition
officielle. Mme Davies a exprimé le souhait de parler et si
d'autres collègues souhaitent également parler, qu'ils se
manifestent.
Monsieur Reid.
M. Scott Reid (Lanark—Carleton, AC): Merci.
Monsieur le président, je propose que le mémoire de M. Gray soit déposé et traduit, pour être ensuite distribué afin que les membres du comité puissent s'y reporter à notre prochaine séance, afin que nous ayons le texte dans les deux langues officielles. Est-ce possible?
Le président: Je n'y vois pas d'inconvénient. Nos collègues voient-ils un inconvénient à ce que le mémoire écrit de M. Gray soit traduit et distribué aux membres du comité?
M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Monsieur le président, si nous décidons de procéder ainsi, il faudrait donner à nos autres témoins, la même possibilité, s'ils ont un texte écrit...
Le président: D'accord. Absolument. Si les autres témoins ont des textes écrits qu'ils n'ont pas déposés ou qui ne sont pas traduits, qu'ils les remettent au greffier, qui fera le nécessaire pour les faire traduire et distribuer. Merci. Merci, monsieur Reid.
Monsieur Guimond.
[Français]
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Excusez-moi, monsieur Reid.
Monsieur le président, j'aimerais que vous ajoutiez un point à un ordre du jour ultérieur. Avant l'audition des témoins, j'aimerais que l'on parle de la façon de faire distribuer des documents par des témoins.
Ma mère m'a toujours dit d'être poli quand on avait de la visite. Étant donné qu'on a des visiteurs, je ne veux pas faire le débat immédiatement, mais j'aurais des choses à vous dire là-dessus parce qu'il ne faut pas faire indirectement ce qu'on ne doit pas faire directement. C'est complètement éludé. Je veux garder mes commentaires et je suis persuadé que mes collègues ici autour de la table me comprendront. C'est légitime. J'aimerais que ce soit ajouté à l'ordre du jour d'une prochaine réunion.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Guimond. Votre mère avait raison et nous vous comprenons. Nous allons reprendre cette question à une autre réunion.
Sur la même question, madame Parrish?
Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Centre, Lib.): Moi aussi je vais être polie, mais je vais appuyer M. Guimond. J'espère que ce que nous faisons maintenant n'établira pas un précédent. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que ce document soit traduit mais je peux concevoir que tôt ou tard, nous pourrions devoir traduire des milliers de pages. Quand les gens veulent que leur texte soit traduit, ils devraient se donner le mal de le faire traduire eux-mêmes. Sinon, nos services de traduction vont devenir gigantesques si tous nos témoins procèdent ainsi. Dans ce cas-ci, j'en conviens, qu'on fasse traduire ce texte mais je ne voudrais pas que cela constitue un précédent—je suis d'accord avec M. Guimond.
Le président: Merci.
Monsieur Figueroa, sur la même question. De ce fait, vous devenez membre d'office du comité.
M. Miguel Figueroa: Nous avons reçu une invitation à comparaître, comme je l'ai dit, il y a très peu de temps. Nous vous prions de nous excuser si ce texte n'est pas traduit. Notre parti est tout à fait prêt toutefois à fournir une traduction aux membres du comité.
Le président: Je voudrais dire à nos témoins que toutes leurs observations verbales—les exposés qu'ils nous ont présentés ici aujourd'hui—seront traduites et versées au compte rendu. Donc, si vous avez quoi que ce soit en plus de ce que vous nous avez présenté ici aujourd'hui, notre collègue M. Reid a laissé entendre que vous voulez peut-être le présenter et le faire traduire. Si cela ne crée pas un précédent, alors le président n'est pas contre cette suggestion.
Nous allons donc passer maintenant à M. Reid.
M. Scott Reid: Très bien. Merci, monsieur le président.
Dans ses commentaires, M. Gray a dit entre autres que les partis aux Communes semblaient tentés de brûler les ponts derrière eux. Je tiens à assurer tous nos témoins ici aujourd'hui que l'Alliance canadienne ne tente certainement pas de faire cela, et je ne tente pas de faire cela—bien au contraire. J'aimerais voir les ponts rester en place et que le champ de bataille électoral soit équitable pour tous.
Je peux dire que dans ma propre circonscription lors des dernières élections, où il y avait huit candidats, y compris un candidat indépendant, j'ai trouvé que la présence de candidats de petits partis était salutaire. Ils ont à mon avis considérablement stimulé le débat général des candidats et ils y ont été présentés sur un pied d'égalité. Je pense que cela devrait se refléter dans d'autres aspects de notre processus électoral, qu'ils soient formels ou informels.
Si vous me le permettez, j'aimerais donner un exemple. Étant donné que M. Bradshaw a soulevé la question du parrainage du projet de loi par Joe Jordan, en ce qui concerne d'autres mesures de bien-être, je voudrais souligner que ce projet de loi a résultat d'un débat entre M. Jordan et le candidat du Parti Vert dans sa propre circonscription au cours de l'élection de 1997, je crois. Cela montre donc combien il est avantageux d'avoir de petits partis qui fonctionnent selon des règles du jeu équitables et qui ont un accès égal à l'attention du public.
• 1150
Je voudrais ajouter également que j'ai appuyé ce projet de loi
lorsqu'il a été réintroduit au Parlement, de sorte qu'il est lancé.
Il a reçu de plus en plus d'appuis de tous les partis aux Communes,
du fait que le Parti Vert ait pu participer.
Cela étant dit, j'aimerais poser une question à M. Figueroa, puis une autre à tous les témoins, si cela est possible. Je voudrais commencer par ma question à M. Figueroa.
Si on regarde l'histoire législative depuis 1993, j'ai l'impression que le gouvernement donne le moins possible, le plus lentement possible et à contrecoeur, lorsqu'il s'agit de permettre une participation libre et équitable. Par exemple, le projet de loi à l'étude a été présenté le tout dernier jour ou l'avant-dernier jour d'un délai de six mois accordé par la Cour d'appel de l'Ontario sur la question de l'identification du parti politique. Par ailleurs, le projet de loi n'aborde que l'une des questions qui avaient été portées devant le tribunal malgré le fait que, de toute évidence, la question puisse être contestée avec succès devant la Cour suprême.
Il me semble que ce projet de loi a en fait comme objectif de protéger ceux qui sont déjà en fonction, un peu comme ce que nous voyons aux États-Unis, où on s'est assuré un taux aux élections de 98 p. 100 grâce à toutes sortes de mesures extraordinaires qui ont empêché les candidats des tiers partis de contester selon des règles du jeu équitables. Je me demande si vous avez également cette impression.
Pour tous les candidats, en ce qui concerne la question qui n'a pas été abordée, celle de la règle des 50 candidats... Je dis qu'elle n'a pas été abordée parce que le projet de loi à l'étude n'en parle pas du tout; en fait, elle a été renforcée par des mesures correctives au projet de loi C-2 qui ont été apportées dans le projet de loi à l'étude. Accepteriez-vous que la règle des 12 candidats soit utilisée notamment pour l'émission de reçus d'impôt, la remise aux partis des fonds non dépensés, et l'accès à la liste définitive des électeurs; ou, en fait—si vous me permettez d'aller un peu plus loin—serait-il à votre avis raisonnable que les candidats individuels, indépendants, qui se présentent dans une seule circonscription, aient au moins accès à la liste définitive des électeurs afin qu'ils puissent rivaliser avec leurs adversaires selon des règles du jeu équitables?
Je songe ici à la façon dont le projet de loi à l'étude aurait permis à John Nunziata, en tant qu'indépendant, d'avoir accès à la liste définitive des électeurs lors des dernières élections. Maintenant que son siège est occupé par un libéral, s'il tentait de le contester à nouveau, il ne serait pas en mesure d'obtenir cette liste définitive des électeurs. Je me demande si vous pensez qu'il ne devrait y avoir aucune restriction au niveau des partis en ce qui concerne l'accès à cette liste.
Une voix: Bonnes questions.
Le président: La question s'adresse-t-elle à M. Figueroa?
M. Scott Reid: Non, la deuxième question s'adresse à tous les témoins. La première question qui s'adressait à M. Figueroa portait sur la direction générale qu'a prise le gouvernement.
M. Miguel Figueroa: Comme nous l'avons dit, aujourd'hui et lors de nos observations précédentes devant votre comité, la raison pour laquelle nous avons entamé des poursuites judiciaires au départ découlait du fait que les changements qui ont été apportés à la loi en 1993 ont eu pour conséquence de maintenir un champ politique étroit et d'ériger certains obstacles qui font en sorte qu'il est pratiquement impossible pour les nouveaux partis, les plus petits partis, et plus particulièrement les partis qui n'ont pas beaucoup de ressources et qui ne sont pas financés par des sociétés, de participer selon des règles du jeu équitables.
Je pense que tous les membres du comité sont entièrement conscients du fait que même les propositions les plus modestes qui ont été faites par les plus petits partis ne créeraient pas vraiment des règles du jeu équitables. Les partis parlementaires, de par leur présence même au Parlement avec toute la crédibilité et la légitimité qui s'y rattachent, ont clairement une position dominante qui fait en sorte qu'il est très difficile pour d'autres partis de percer.
Mais cela permettrait tout au moins d'éliminer certains de ces obstacles. Nous avons soulevé ces questions en 1993. En fait, notre parti et d'autres ont fait campagne pendant de nombreuses années sur la question de la représentation proportionnelle, sur la question du droit de rappel et sur toute une série d'autres réformes démocratiques qui devraient être apportées au processus électoral.
• 1155
Nous avons certainement soulevé ces questions après 1993, mais
aucun changement n'a été apporté. Nous étions très déçus, en fait,
que le gouvernement de l'époque ait tardé à apporter même ces
changements modestes et qu'il ait dans une large mesure été obligé
de le faire à la suite des jugements qui ont été rendus par le
tribunal.
Or, seul un aspect du jugement Malloy a été porté en appel. Cela étant dit, même en ce qui concerne la saisie des actifs qui, vous vous souviendrez, était la grande question en 1993... le gouvernement saisissait les actifs des partis qui n'étaient plus inscrits, ce qui les obligeait essentiellement à cesser leurs activités. Il n'interdisait pas officiellement ces partis, mais à toutes fins utiles, nous étions obligés de vendre nos téléphones, nos télécopieurs, nos photocopieurs. Nous devions liquider tous nos actifs et recommencer à zéro. En réalité, cela équivalait essentiellement à interdire des partis politiques pour la seule raison qu'ils n'avaient pas atteint le seuil des 50 candidats. C'était une mesure draconienne, et qui était généralement reconnue comme telle, et pourtant le gouvernement n'a pas agi rapidement pour la changer.
Ce n'est qu'après le jugement Malloy que le gouvernement a agi et dans le projet de loi C-2, comme nous l'avons souligné précédemment, cela n'a pas vraiment changé considérablement. Le projet de loi prévoit un sursis, de sorte que si un parti n'a pas 50 candidats à présenter, comme c'est arrivé lors des dernières élections pour le Parti de l'héritage chrétien du Canada, grâce au projet de loi C-2, il ne verra pas ses actifs saisis, mais si au cours des prochaines élections, le parti ne réussit pas à présenter 50 candidats, ils le seront alors. Il est donc toujours question de saisie, sauf qu'on a un certain répit avant d'être envoyé à la potence.
En ce qui a trait à la question du seuil, c'est certainement seulement en raison du jugement de la Cour d'appel que le projet de loi à l'étude est introduit à la toute dernière minute. Naturellement, cela est profondément décevant, et cela montre le manque de bonne foi de la part du parti au pouvoir et du Parlement en général, qui n'ont pas fait preuve de leadership afin d'assurer un processus électoral plus englobant, plus démocratique et plus participatif.
Le président: Monsieur Gray.
M. Ron Gray: Tout d'abord, en ce qui concerne la question du seuil pour l'émission des reçus d'impôt, comme je l'ai dit, le seuil de douze est acceptable pour nous, et je pense que cela est justifiable car cela reflète la norme qui est utilisée aux Communes.
Pour ce qui est de la saisie des actifs d'un parti politique par le gouvernement, je ne crois pas que cela soit justifiable de quelque façon que ce soit, pour quelque raison que ce soit, à quelque moment que ce soit. Ce sont là des ressources et des fonds que les contribuables ont donnés à un groupe de gens qui représentent un point de vue qu'ils aimeraient faire valoir. Aussi longtemps que le parti demeure une entité légale—c'est-à-dire qu'il a un conseil d'administration et qu'il tient des réunions afin de décider comment utiliser ces ressources—ces ressources doivent être utilisées aux fins pour lesquelles elles ont été données. Il n'y a aucune raison pour que le gouvernement les saisisse.
De la même façon, il n'y a aucune raison pour que le gouvernement limite l'accès des candidats à la liste des électeurs.
Les députés ont dit que le fait que d'autres personnes puissent soulever d'autres questions constitue un atout pour le processus politique. Il y a une nette différence entre notre régime politique et celui de nos voisins du Sud. Nous n'avons pas un régime politique à deux partis. Nous avons un régime politique multipartite qui permet à un plus grand nombre de voix de se faire entendre. Eh bien, si on leur permet de se faire entendre, cela veut dire que nous leur permettons d'avoir accès à l'information dont ils ont besoin pour rester en communication avec les électeurs.
Donc, je dirais oui au seuil de douze pour ce qui est des crédits d'impôt, mais pour ce qui est de la saisie et de la liste des électeurs, il n'y a aucune raison pour imposer une limite.
Le président: Monsieur Bradshaw.
M. Chris Bradshaw: Je pense que j'ai déjà donné notre position en ce qui concerne la liste électorale. Personnellement—et je n'ai pas consulté le parti sur la question—il me semblerait tout à fait raisonnable qu'il n'y ait aucun seuil, que même les candidats indépendants puissent l'avoir, comme le suggère un député. Je pense que cela correspond tout à fait aux observations que j'ai faites précédemment relativement à la technologie pour avoir accès à ce genre de renseignements.
Je ne crois pas que ce soit une question de confidentialité. Je crois que cette information devrait être publique. Lorsque j'ai reçu la liste initiale, je ne croyais pas qu'il y avait des restrictions quant à la façon dont je devais l'utiliser. Nous n'avions aucunement l'intention de l'utiliser, si ce n'est que pour communiquer avec les gens et savoir où les gens habitent.
• 1200
Pour ce qui est de la saisie des actifs du parti, il est vrai
que les fonds qui sont recueillis proviennent en grande partie des
contribuables canadiens. Ces fonds sont pour des fins électorales.
Il me semble suffisant que la loi, dans ses autres dispositions,
prévoie que cet argent soit en fait utilisé de cette façon. Il
n'est pas nécessaire d'avoir une pénalité additionnelle.
La vie politique comporte ses hauts et ses bas et je pense que nous avons pu le constater de façon radicale avec les partis qui sont représentés aux Communes à l'heure actuelle. Bien qu'ils ne se soient pas retrouvés en dessous du seuil dont nous parlons aujourd'hui, cela est très important pour d'autres partis qu'il en soit ainsi. Je pense que cela aurait pour conséquence que les partis auraient tendance à dépenser leur argent très rapidement et ne pourraient pas en disposer de façon continue. Je pense que la loi permet aux partis de mettre de l'argent de côté pour l'avenir et il me semble que cette loi aurait pour conséquence de refuser aux plus petits partis cette possibilité qui s'offre à d'autres partis.
Voilà donc ce que j'en pense. Merci.
Le président: Merci, monsieur Reid.
M. Miguel Figueroa: Monsieur le président, je répondais à la première question, mais je voulais tout simplement faire une brève observation concernant la deuxième question relativement aux contributions financières et à l'émission de reçus d'impôt. Naturellement, il s'agit là de la question la plus importante. Les autres questions sont importantes, aussi—par exemple, la capacité des candidats à transférer des fonds à leur parti s'ils ont un surplus après une élection—mais la question principale ici, et c'était l'argument même dans le jugement de la Cour d'appel—c'est de savoir ce qu'un seuil différent a à voir avec la question de l'émission des reçus d'impôt.
Je voudrais tout simplement faire part au comité de ce que le juge Malloy avait à dire à ce sujet. Nous sommes d'avis que son jugement est solide et qu'il sera maintenu par la Cour suprême, soit dit en passant.
Le président: Puis-je intervenir?
M. Miguel Figueroa: Oui.
Le président: Le jugement du juge Malloy est du domaine public. Si je ne me trompe pas, cette question en particulier est toujours en appel devant la Cour suprême du Canada. Je sais qu'on a abordé la question ici, mais je ne vois pas la nécessité de lire le jugement de la cour de première instance. Il a été porté en appel une fois, et il est porté en appel une deuxième fois.
M. Miguel Figueroa: Eh bien, c'était ma façon de répondre à la question. Nous avons souligné qu'à notre avis, le seuil devrait être abaissé pour cela également, et qu'il devrait y avoir un seuil plus bas.
Tout le concept du reçu d'impôt a été introduit en 1973, je pense, aux termes de la loi initiale. L'objectif principal n'est pas de faire en sorte que les Canadiens puissent aider directement les partis politiques—bien qu'il s'agissait là certainement d'un aspect important de la question—mais plutôt de les encourager à participer davantage au processus politique en général. C'est la raison pour laquelle on a introduit ce concept. Pourtant, aujourd'hui, bon nombre de Canadiens qui veulent appuyer le processus politique et le parti politique qu'ils ont choisi sont pénalisés si ce parti n'atteint pas le seuil des 50 candidats lors d'une élection donnée. Ils doivent donner deux fois plus en dollars réels pour appuyer ce parti par rapport à ceux qui appuient un parti politique inscrit. Nous estimons qu'il s'agit là d'une mesure discriminatoire et que ce seuil devrait être abaissé.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant passer à Mme Davies.
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci.
Tout d'abord, j'aimerais remercier les témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui, car je crois qu'il est vraiment important d'entendre le point de vue des plus petits partis.
Tout d'abord, en ce qui concerne la question de la contestation judiciaire, monsieur Figueroa, vous avez dit qu'il a fallu sept ans devant les tribunaux pour en arriver au point où nous en sommes aujourd'hui. Je suis certainement d'accord avec vous lorsque vous dites que les changements qui ont été apportés en 1993 à toute vitesse à la fin de la législature étaient une grosse erreur.
Ce qui me préoccupe maintenant—et je pense que cela préoccupe également votre parti—c'est que même lors des dernières élections, on a constaté une tendance croissante de la part des grands partis politiques à dominer le débat d'une façon qui envoie aux Canadiens un message selon lequel ils ont seulement le choix entre le parti A ou le parti B, un point c'est tout. Je pense qu'on se demande vraiment si nous n'allons pas nous retrouver avec un environnement et une culture politique semblables à ce qui existe aux États-Unis, où les gens n'ont pratiquement pas de choix. Je pense que cela revient à la question des changements qui ont été apportés en 1993.
• 1205
Il est très intéressant de constater que même lors de notre
campagne locale, les règles établies par le Parlement ont commencé
à jouer au niveau de la communauté. Je sais que toutes sortes de
groupes communautaires ont eu beaucoup de mal à décider de la façon
d'organiser une réunion et si les plus petits partis devraient ou
non participer au débat, que ce soit le Parti Vert, le Parti de la
marijuana, ou le Parti communiste. Ils pouvaient faire référence au
Parlement et dire que le gouvernement avait décidé que ce sont les
principaux partis qui sont identifiés. Cela a donc des
répercussions sur le processus électoral comme tel.
Je crois que la question que vous soulevez, monsieur Figueroa, est sans doute la question la plus importante: qui doit établir les règles? Je crois que dans ce cas-ci, le gouvernement a décidé, à la suite de la contestation judiciaire, de faire le moins possible. Il a essentiellement fait un changement et laissé tout le reste de côté. Il défend en quelque sorte ses propres intérêts.
Par conséquent, si nous vivons dans une société pluraliste, qui offre des choix démocratiques à la population, quelle réponse pouvez-vous offrir? Vous avez parlé d'autres changements, mais quant à savoir qui fixera ces règles, si ce n'est pas le Parlement, alors qui? Vous avez dû vous adresser aux tribunaux pour qu'on traite de cette question. Est-ce qu'un autre organisme devrait s'en occuper, pour s'assurer que les règles soient les mêmes pour tous et que la démocratie soit maintenue bien vivante, dans notre pays? Il me semble que ce n'est pas ce que nous avons actuellement.
Les trois témoins voudront peut-être répondre.
M. Ron Gray: Le directeur général des élections a déclaré à ceux d'entre nous qui siègent au comité consultatif qu'il ne veut pas rédiger de loi. Je ne suis pas d'accord avec lui là-dessus. Tant que le texte est soumis au Parlement pour que les représentants du peuple puissent se prononcer, il serait probablement bon que les lois électorales soient rédigées à l'extérieur du cercle où il est tout à fait naturel que les intérêts des partis sont en lice. Cela fait partie du quotidien de la Chambre. C'est presque impossible à éviter.
Je crois qu'il serait bon qu'un organisme indépendant comme Élections Canada propose des mesures législatives, au lieu que ces propositions émanent des personnes même dont les intérêts sont en jeu. Je pense qu'il serait bon de confier cette rédaction à Élections Canada, tout en prévoyant que la Chambre ratifiera le texte.
Le fait qu'on se concentre ici sur l'intérêt des partis plutôt que sur celui des électeurs, comme je le disais plus tôt, est presque inévitable pour les députés, du simple fait de leur travail quotidien. Je crois qu'il serait bon de les libérer de la responsabilité de la rédaction de lois électorales.
M. Chris Bradshaw: Comme j'ai participé activement à la fusion des municipalités de cette collectivité, j'ai réfléchi au fait qu'aucune des douze municipalités n'avait déployé d'efforts pour inviter la participation des citoyens. Chacun essayait de parer les coups. Comme la Constitution donne la suprématie au Parlement, comme elle en fait le maître des règles du jeu, il n'y a pas, comme dans le cas des municipalités, un organisme supérieur qui peut intervenir, comme l'a fait la province. En passant, comme vous savez, la fusion des municipalités a été mieux accueillie à Ottawa qu'à Toronto.
Je dirais que toutes les démocraties libérales savent que certaines règles ne doivent pas être fixées en fonction de la majorité simple. Nous protégeons les pauvres, les minorités, les personnes handicapées, grâce à des règles spéciales. La Charte des droits et libertés, qui a été très utile dans le cas de cet appel, de toute évidence, pourrait très bien s'appliquer en l'occurrence lorsque les intérêts des gens au pouvoir pourraient nuire à leur capacité d'envisager l'ensemble de l'écologie politique du pays. En tant que nation, nous avons besoin de comprendre la valeur des nouvelles idées politiques qui viennent de la base, comme notre mesure—qui n'est pas si commune—pour obliger les députés du parti au pouvoir à s'occuper personnellement d'une mesure qui a été présentée.
• 1210
En passant, nous ne nous opposons pas à ce qu'on nous «vole»
nos idées. C'est le plus beau compliment qu'on puisse nous faire.
Dans l'intérêt du pays, il importe à mon avis de distinguer entre ce qui est dans l'intérêt de la culture politique du pays et ce qui est dans l'intérêt des élus, soit la protection des intérêts de leurs partis.
Au départ, je serais plutôt en faveur de l'idée d'une participation accrue à une tribune représentant des intérêts plus larges, avec peut-être d'anciens parlementaires, des juristes, et nous-mêmes, non pas comme membres, mais comme participants au processus d'examen de la loi. Au début, j'ai dit que certaines nouvelles réformes s'imposent pour arriver à un juste équilibre, sans pour autant permettre à quiconque de dire qu'il constitue un parti. Nous ne voulons pas non plus l'autre extrême.
Le président: Je sais bien que mes collègues comme les témoins sont au courant, mais pour votre gouverne, je signale que la soi- disant réforme du système électoral a découlé en majeure partie des recommandations de la Commission royale sur les élections au Canada. On pourrait reprendre ce genre de procédure à l'avenir. Plus tard ce printemps, le directeur général des élections présentera encore un rapport sur les questions se rapportant à la loi électorale du Canada. Le rapport sera présenté au Parlement et je présume qu'il sera renvoyé à notre comité. Il y a donc d'autres façons d'aider le Parlement à s'acquitter de son obligation constitutionnelle d'adopter des lois, ce que ne font pas les tribunaux, bien entendu. Les cours règlent les litiges et donnent des conseils.
Passons à une autre question. Monsieur Jordan.
M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Je veux moi aussi remercier les témoins d'être venus.
Notre problème tient en partie au fait que les choses sont interreliées. Je suis un ardent adepte de la représentation proportionnelle. Si l'on agissait dans ce sens-là, d'autres problèmes seraient aussi éliminés. Et le genre de décisions que nous prendrions devraient l'être dans le contexte qui convient. J'imagine que tout dépend de la bataille que vous livrez, à ce moment-là.
Je veux aborder l'idée selon laquelle les partis établis dressent des obstacles. Je crois qu'il faut garder une certaine objectivité car deux des partis actuels, le Bloc et l'Alliance, anciennement le Parti réformiste, sont devenus l'Opposition officielle en une dizaine d'années. Les règles actuelles permettent donc à de nouveaux partis de réussir. Mais je crois tout de même qu'il y a des changements qui seraient avantageux pour nous tous.
Je veux parler, plus précisément, de l'accès à la liste des électeurs. Actuellement, tous les candidats la reçoivent après l'émission des brefs. Vous parlez plutôt de l'accès à la liste, le reste de l'année. Je ne crois pas que le projet de loi C—9 nous donne la possibilité d'y changer quoi que ce soit, même si c'est à mes yeux une question très importante qu'il faut garder en mémoire pour les prochaines étapes de la réforme, si je peux dire.
Les mêmes problèmes de confidentialité s'y appliqueraient qu'à l'annuaire du téléphone, par exemple. Mais si la liste des électeurs figurait sur l'Internet, par comté, je pense qu'on éliminerait les problèmes découlant du fait que les gens s'aperçoivent deux semaines après le début d'une campagne électorale que leurs noms n'y figurent pas. Il conviendrait aussi certainement que nous puissions la garder à jour. Comme vous le disiez, la technologie permet de réduire les coûts et, à part la question monétaire, je ne vois pas d'autre obstacle à ce que cette information soit disponible toute l'année. Même si on ne peut pas régler ce problème dans le cadre du projet de loi C-9, il faut y penser pour plus tard.
Monsieur le président, c'était peut-être là plutôt une observation qu'une question.
Le président: Je vous donnerai la parole dans un instant, M. Regan. M. Gray avait une réponse pour M. Jordan.
M. Ron Gray: Monsieur le président, M. Jordan a soulevé notamment la question de la représentation proportionnelle, et de ce que le projet de loi C-9 peut faire.
Monsieur le président, vous et les autres membres du comité savaient mieux que moi la marge de manoeuvre dont vous disposez. Mais il me semble que la Chambre vous a renvoyé ce projet de loi pour que vous remédiez à ces lacunes. Si, parmi ces lacunes, il y a le fait qu'on n'a pas traité de questions comme l'accès aux listes d'électeurs, ou des démarches en vue d'examiner la question de la représentation proportionnelle, je pense que c'est exactement là le rôle du comité.
Le temps file, et si vous ne déclenchez rien dans votre rapport à la Chambre, nous allons perdre du temps précieux pour corriger les lacunes. On est préoccupé, voire alarmé, par l'apathie des électeurs qui découle en partie du fait que ces questions, particulièrement celles de la représentation proportionnelle, ne sont pas nullement en voie d'être réglées, actuellement.
Le président: Bien. Très brièvement, monsieur Bradshaw, car je veux donner la parole à M. Regan.
M. Chris Bradshaw: M. Jordan a pris l'exemple des deux nouveaux partis qui se sont formés au Canada; nous le reconnaissons parfaitement. Comme il existe différentes espèces de plantes qui jouent des rôles différents dans l'environnement naturel, il existe différentes sortes de partis. À mon avis, même si on peut me reprocher de les qualifier de cette façon, les deux partis que vous avez cités sont des partis régionaux. Les règles actuelles ont tendance à favoriser ce genre de nouveaux partis par rapport à des partis qui s'adressent à une frange plus vaste de la population; il faut reprendre les choses à la base et réévaluer la nature même du parti politique ainsi que sa relation avec l'électorat. Je tenais à faire brièvement cette distinction.
Le président: Merci.
Monsieur Regan.
M. Geoff Regan: Monsieur le président, je voudrais faire un commentaire sur la présentation de la liste des électeurs sur l'Internet, pour vous signaler que cette formule pose un problème de protection des renseignements personnels. J'estime que certaines personnes peuvent souhaiter que leurs numéros de téléphone restent confidentiels et n'apparaissent pas dans l'annuaire, tout en exigeant d'avoir le droit de voter. Il ne faut pas négliger le fait que certaines personnes se préoccupent de la protection des renseignements personnels, ne veulent pas que les renseignements les concernant soient divulgués ou qu'ils le soient le moins possible, tout en se réservant le droit de voter et de participer à des élections libres et équitables. C'est un point dont il faut tenir compte dans le débat. Je tenais à le rappeler.
Le président: Merci.
Y a-t-il d'autres interventions? Madame Davies.
Mme Libby Davies: J'aimerais revenir sur le niveau des prises de décisions. Je reconnais avec M. Jordan qu'une certaine forme de représentation proportionnelle permettrait de résoudre bon nombre de ces questions d'une façon ou d'une autre. C'est un système qui est plus conforme aux véritables votes exprimés que le système majoritaire à un tour. Le paradoxe affreux, c'est que pour obtenir cela, il faille revenir à l'endroit même où les premiers changements ont été apportés, ce qui a rétréci la définition et les choix qui s'offrent à l'électeur.
En ce qui concerne précisément les questions que vous soulevez, monsieur Figueroa, à savoir l'affiliation au parti, les reçus aux fins d'impôt, le transfert des fonds non employés et l'obtention de la liste des électeurs, je ne sais pas si ces questions peuvent être abordées directement dans ce projet de loi, mais il me semble important d'avoir un organisme indépendant et différent du directeur général des élections pour traiter ces questions de démocratie fondamentale. Autrement, on va continuer à tourner en rond et obliger le gouvernement à passer par les tribunaux pour obtenir des changements très limités. Nous n'abordons même pas les questions de fond que vous soulevez ici aujourd'hui. Nous ne traitons que d'un élément très étroit d'un ensemble qui concerne, en fait, la démocratie fondamentale.
J'aimerais savoir, monsieur Figueroa, ce que vous pensez de la formule d'un organisme indépendant qui pourrait régler ces questions.
M. Miguel Figueroa: C'est le véritable problème. Évidemment, les tribunaux ont un rôle à jouer pour appliquer et interpréter la Charte des droits et libertés et pour vérifier la constitutionnalité des lois. C'est un aspect de la question.
De son côté, le Parlement, notamment la Chambre élue, a la responsabilité de proposer et d'approuver des mesures législatives, y compris dans le domaine électoral. Mais ce n'est pas suffisant. On ne peut pas non plus se contenter de s'en remettre à une personne, fut-elle aussi brillante que le directeur général des élections, pour conférer de tels pouvoirs à un individu ou à un organisme indépendant.
La population canadienne, dans son ensemble, est l'entité indépendante la plus importante. Je crois que même la Commission Lortie, qui a probablement été la forme la plus exhaustive de consultations de la population canadienne, n'a pu que se livrer à un exercice limité, puisqu'elle n'était composée que de représentants des partis élus au Parlement.
• 1220
Deuxièmement, nombre des recommandations de la Commission
Lortie incorporées à la loi de 1993 ne l'ont été que de manière
très sélective. C'était précisément le but de l'opération. Le
gouvernement sortant, le gouvernement Mulroney, n'a choisi que les
éléments de cette commission qui lui agréaient et a rejeté les
autres.
Donc, même les commissions royales sont limitées. Je crois qu'il nous faut mettre en place un processus démocratique très large sur une base régulière, pas tous les ans ni tous les cinq ans, mais peut-être toutes les décennies, pour permettre à l'ensemble de la population canadienne d'examiner de manière approfondie toute la procédure électorale et d'exprimer ses préoccupations. Cela créerait la pression morale et politique suffisante pour que le parti au pouvoir, quel qu'il soit, se sente obligé de réagir.
Par exemple, si nous engagions aujourd'hui la population canadienne dans une discussion, un examen, un débat véritablement sincère et ouvert sur la question de la représentation proportionnelle, je pense que cette Chambre et ce Parlement seraient soumis à une telle pression morale qu'ils ne pourraient l'éluder. C'est peut-être la raison pour laquelle un tel processus n'existe pas. Encore une fois, c'est l'histoire de l'oeuf et de la poule.
Le président: Madame Parrish.
Mme Carolyn Parrish: La baisse du taux de participation des électeurs dont nous avons parlé m'inquiète beaucoup, et je suis donc d'accord avec M. Regan. Si la liste des électeurs était publiée sur l'Internet... Le tiers de mes électeurs ont des numéros de téléphone confidentiels. Si vous leur disiez que désormais leur nom figurera sur la liste des électeurs sur l'Internet avec leur adresse, leur sexe, leur âge, avec tous les renseignements appropriés, je crois que beaucoup vous répondraient, «il n'en est pas question, je préfère ne pas voter». Ce n'est pas la peine de me dire ce que vous en pensez.
Quant à la représentation proportionnelle, j'aimerais rappeler pour mémoire à tout le monde qu'au cours des dernières élections, les libéraux sont arrivés en première ou en deuxième place dans 277 circonscriptions sur 301. Arrêtons de grincer des dents, de se lamenter et de dire que les libéraux ont volé les élections. En fait, si tous les électeurs avaient eu un premier et un deuxième choix, nous nous serions retrouvés avec 277 sièges. Je crois que nous avons assez bien représenté les souhaits de la population lors des dernières élections.
Il reste que tout comme M. Regan, je m'inquiète de la protection des renseignements personnels avec la publication de cette liste électorale. Je sais que M. Nunziata veut se représenter; dès qu'il aura déposé ses papiers de candidature, il aura accès à la liste électorale. Je sais qu'après la mise à jour annuelle, nous serons régis par des règles très strictes quant à son utilisation. Elle nous est uniquement destinée.
D'ailleurs, je ne suis même pas d'accord sur cette possibilité d'accès. Je suis tout à fait en faveur de la protection des renseignements personnels, et il nous faut encourager la population à voter en facilitant sa participation mais certainement pas en l'inquiétant avec ces histoires d'accès à cette liste d'électeurs.
Le président: Très bien. Je tiens à vous rappeler qu'il ne nous reste que deux ou trois minutes puisqu'il nous faut très bientôt libérer la salle.
M. Reid a indiqué qu'il souhaitait faire un commentaire ou poser une question. Je vais vous permettre de le faire maintenant, monsieur Reid, et les témoins voudront peut-être vous répondre ainsi qu'à Mme Parrish.
M. Scott Reid: C'est une question et elle sera très brève.
Dans ses commentaires, la semaine dernière, le directeur général des élections nous a indiqué qu'il était certainement possible d'enregistrer les partis au moyen d'une simple pétition sans restrictions géographiques, alors qu'en réalité, quand vous présentez 50 candidats, il faut une pétition de 5 000 noms avec 100 noms correspondant à chacune des 50 circonscriptions différentes.
Au Manitoba, il suffit d'une pétition de 5 000 noms, quelle que soit l'origine géographique de ces noms, pour constituer un parti. En Ontario, il faut 10 000 noms pour enregistrer un parti. Je me demandais si, selon vous, ce ne pourrait pas être au niveau fédéral une autre solution valable pour la méthode actuelle d'enregistrement des partis.
Le président: Quelqu'un? Monsieur Bradshaw.
M. Chris Bradshaw: Je ne savais pas qu'il y avait cette différence entre les règles au niveau fédéral dont le seul critère est le nombre de candidats et les règles au niveau provincial que vous venez de mentionner. Je crois qu'en fait... étant donné que je défend le sort des petits partis dont la base est plus clairsemée ou dont le message est moins universel; ma réaction initiale est de penser que ce pourrait être une solution intéressante pour remplacer la méthode actuellement utilisée au niveau fédéral, oui.
Le président: Monsieur Gray.
M. Ron Gray: Je pense aussi que ce pourrait être une solution envisageable, bien que je sois plus enclin à m'aligner sur le point de vue de M. Figueroa, à savoir qu'il suffit de pouvoir présenter des candidats pour devenir virtuellement un parti. En fait c'est le point de vue défendu par Malloy. Mais un minimum de 12 circonscriptions ne me semble pas déraisonnable.
À mon avis, la question de la protection des renseignements personnels a aussi une incidence. Je crois que requérir de ceux et celles à qui vous communiquez la liste des électeurs qu'ils s'engagent à respecter et à protéger les renseignements qu'elle contient serait encore plus important que le niveau de participation par circonscription ou le nombre de signatures sur une pétition. Ne pas respecter cet engagement justifierait bien davantage la perte d'enregistrement que tous les autres critères qui ont été proposés. Il suffirait de dire qu'à partir du moment où vous avez accès à cette liste d'électeurs vous ne devez l'utiliser qu'à une seule fin et si vous l'utilisez à d'autres vous perdez votre enregistrement. Cela me semble logique.
Le président: Merci. Nous allons mettre un terme à notre réunion sur ce point. Je remercie les témoins.
Point purement administratif, j'aimerais informer mes collègues que nous serons de retour dans cette même salle jeudi pour poursuivre notre étude du projet de loi C-9. Je crois savoir que notre témoin sera de nouveau M. Boudria. Si vous avez des amendements à proposer, je vous suggère de vous en occuper dès maintenant. Il est possible que nous passions à l'étude article par article dès jeudi après la comparution de M. Boudria.
M. Scott Reid: Vous voulez dire maintenant?
Le président: Non. Si vous avez des amendements, il faudrait penser à les envoyer à la greffière, etc.
M. Scott Reid: Monsieur le président, est-ce que je peux vous demander quelque chose d'autre? Quand envisagez-vous de renvoyer ce projet de loi à la Chambre?
Le président: Dès que nous aurons fini.
M. Scott Reid: Qu'est-ce que cela veut dire—jeudi après-midi, vendredi?
Le président: Oh, non. Si nous passons à l'étude article par article jeudi, le projet de loi sera renvoyé à la Chambre vendredi ou lundi et sera inscrit pour l'étape suivante en fonction des priorités du gouvernement. Mais je ne pense pas qu'il sera inscrit au programme de la Chambre avant mardi ou mercredi voire même plus tard. C'est au gouvernement de décider.
M. Scott Reid: Très bien. Merci.
Le président: Monsieur Bergeron.
[Français]
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): À l'égard de cela, monsieur le président, j'ai une question pour vous.
Lorsque nous avons discuté, mardi de la semaine dernière, de la suite des choses, j'ai cru comprendre que vous espériez peut-être, dès jeudi dernier, après la comparution du ministre et du directeur général des élections, entreprendre l'étude article par article. J'ai eu l'agréable surprise ce matin, à toutes fins utiles, de constater que nous avions quelques témoins. Je sais que nous n'avons pas eu entre-temps de réunion du comité directeur sur les travaux futurs du comité. J'ai donc appris aujourd'hui que des témoins allaient comparaître ce matin. Je les remercie d'ailleurs de leur présence et de leur témoignage.
Ma question, à toutes fins utiles, monsieur le président, est la suivante. Compte tenu du fait que nous n'avons pas eu de réunion du comité directeur, quelle est la perspective de la présidence, parce qu'il s'agit uniquement de la perspective de la présidence, quant à la suite des choses pour ce comité?
Est-ce que, outre les témoins que nous avons eus ce matin, d'autres témoins ont été invités à comparaître devant le comité par la présidence? Si oui, lesquels? Avons-nous eu des réponses négatives de la part de certains témoins qui ont été invités? Y a-t-il lieu d'envisager la possibilité d'inviter d'autres témoins dans le cadre de l'étude de ce projet de loi?
La présidence pourrait peut-être faire appel—parce qu'on fait quand même partie de ce comité—aux membres du comité afin d'obtenir des suggestions quant à d'éventuels témoins qui pourraient comparaître devant ce comité afin de nous éclairer dans notre réflexion sur ce projet de loi, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Vous avez posé beaucoup de questions, monsieur Bergeron. Je crois que la meilleure réponse à vous donner est qu'il est peut-être grand temps de réunir à nouveau le comité directeur.
• 1230
J'en avais discuté au moins avec un membre du comité juste
avant la réunion, et la date de lundi prochain à la même heure que
celle retenue pour la réunion du sous-comité sur le calendrier a
été proposée. Quoi qu'il en soit, comme d'habitude nous chercherons
un créneau pour le comité directeur et pour ce qui est du projet de
loi, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, nous entendrons
M. Boudria et nous passerons vraisemblablement à l'étude article
par article jeudi.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Par contre, si nous avons d'autres...
[Traduction]
Le président: Nous pourrions poursuivre cette discussion après avoir levé la séance.
Très bien. La séance est levée jusqu'à jeudi matin 11 heures.