37e LÉGISLATURE,
1re SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 1 mai 2002
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La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)) |
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Mme Theresa McClenaghan (conseillère juridique, Association canadienne du droit de l'environnement) |
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La présidente |
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Mme Angela Rickman (directrice adjointe, Club Sierra du Canada) |
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La présidente |
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Mme Sarah Dover (conseillère en matière de questions politiques, Fonds mondial pour la nature au Canada) |
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La présidente |
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M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne) |
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Mme Sarah Dover |
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M. Rob Merrifield |
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Mme Sarah Dover |
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M. Rob Merrifield |
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Mme Theresa McClenaghan |
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M. Rob Merrifield |
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Mme Theresa McClenaghan |
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M. Rob Merrifield |
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Mme Angela Rickman |
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M. Rob Merrifield |
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Mme Theresa McClenaghan |
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Mme Sarah Dover |
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M. Rob Merrifield |
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Mme Theresa McClenaghan |
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M. Rob Merrifield |
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La présidente |
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M. Bernard Bigras (Rosemont--Petite-Patrie, BQ) |
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Mme Theresa McClenaghan |
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M. Bernard Bigras |
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Mme Theresa McClenaghan |
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M. Bernard Bigras |
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Mme Theresa McClenaghan |
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M. Bernard Bigras |
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La présidente |
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M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.) |
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Mme Theresa McClenaghan |
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M. Bob Speller |
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Mme Theresa McClenaghan |
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M. Bob Speller |
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Mme Theresa McClenaghan |
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M. Bob Speller |
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Mme Sarah Dover |
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M. Bob Speller |
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Mme Sarah Dover |
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M. Bob Speller |
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Mme Sarah Dover |
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La présidente |
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Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD) |
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Mme Theresa McClenaghan |
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Mme Sarah Dover |
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La présidente |
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M. André Bachand (Richmond--Arthabaska, PC) |
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Mme Theresa McClenaghan |
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M. André Bachand |
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Mme Theresa McClenaghan |
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M. André Bachand |
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Mme Theresa McClenaghan |
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Mme Angela Rickman |
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M. André Bachand |
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Mme Sarah Dover |
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Mme Angela Rickman |
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M. André Bachand |
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La présidente |
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M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Alliance canadienne) |
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Mme Sarah Dover |
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M. Howard Hilstrom |
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Mme Sarah Dover |
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M. Howard Hilstrom |
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Mme Theresa McClenaghan |
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M. Howard Hilstrom |
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Mme Theresa McClenaghan |
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M. Howard Hilstrom |
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Mme Theresa McClenaghan |
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M. Howard Hilstrom |
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Mme Theresa McClenaghan |
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La présidente |
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Mme Sarah Dover |
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M. Howard Hilstrom |
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Mme Sarah Dover |
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M. Howard Hilstrom |
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Mme Sarah Dover |
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La présidente |
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M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.) |
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Mme Theresa McClenaghan |
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M. Reg Alcock |
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Mme Angela Rickman |
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M. Reg Alcock |
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Mme Theresa McClenaghan |
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La présidente |
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Mme Judy Wasylycia-Leis |
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Mme Angela Rickman |
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Mme Judy Wasylycia-Leis |
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Mme Theresa McClenaghan |
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Mme Angela Rickman |
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M. Reg Alcock |
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La présidente |
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M. Reg Alcock |
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Mme Angela Rickman |
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M. Reg Alcock |
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Mme Angela Rickman |
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La présidente |
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Mme Judy Wasylycia-Leis |
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Mme Sarah Dover |
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La présidente |
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Mme Sarah Dover |
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La présidente |
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La présidente |
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Charles Caccia (témoignage à titre personnel) |
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La présidente |
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M. Rob Merrifield |
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M. Charles Caccia |
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M. Rob Merrifield |
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M. Charles Caccia |
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La présidente |
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M. Rob Merrifield |
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M. Charles Caccia |
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M. Rob Merrifield |
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Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.) |
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M. Charles Caccia |
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Mme Yolande Thibeault |
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La présidente |
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Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.) |
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M. Charles Caccia |
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Mme Hélène Scherrer |
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M. Charles Caccia |
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Mme Hélène Scherrer |
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La présidente |
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M. Reg Alcock |
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M. Bob Speller |
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La présidente |
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M. Bob Speller |
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La présidente |
CANADA
Comité permanent de la santé
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 1 mai 2002
[Enregistrement électronique]
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(1540)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)):
Bonjour, mesdames et messieurs. J'ai l'honneur d'ouvrir notre séance relative à l'examen du projet de loi C-53.
Nous recevons aujourd'hui des représentants de l'Association canadienne du droit de l'environnement, du Club Sierra du Canada et du Fonds mondial pour la nature dont nous allons entendre le témoignage jusqu'à 17 heures.
Nous allons commencer par un exposé de Theresa McClenaghan, conseillère juridique auprès de l'Association canadienne du droit de l'environnement. Mme McClenaghan.
Mme Theresa McClenaghan (conseillère juridique, Association canadienne du droit de l'environnement):
Merci.
L'Association canadienne du droit de l'environnement (ACDE) est heureuse d'avoir la possibilité de présenter au Comité permanent de la santé ses idées au sujet du projet de loi C-53. Nous nous réjouissons de la décision de la ministre de la Santé de déposer le projet de loi C-53, geste qui, à notre avis, était attendu depuis longtemps.
En l'an 2000, l'ACDE a publié un rapport étoffé sur la santé des enfants et l'établissement de normes au Canada. Parmi nos principales préoccupations, nous voulions savoir si le processus d'établissement des normes au Canada protège les enfants, nous nous sommes intéressés de près au droit relatif aux pesticides, dans le cadre d'une étude de cas rattachés à ce rapport. Essentiellement, notre étude concluait que le processus d'établissement des normes environnementales n'assurait pas la protection de l'enfant, en particulier la loi régissant l'établissement de normes relatives aux pesticides.
Nous avons également constaté que, dans les cas où les intentions sont bonnes et qu'il est incorporé au processus des mesures visant à protéger les enfants, il s'ensuit souvent des normes qui n'assurent pas la protection des enfants. Cette absence de protection des enfants découle des compromis engendrés par le fait qu'aucune démarche globale n'est adoptée, démarche fondée sur la précaution; par ailleurs, l'exercice de gestion des risques finit par diluer ou éliminer les mesures visant à protéger les enfants.
À notre avis, le projet de loi C-53 contient des dispositions qui imposeraient par voie légale une certaine protection pour les enfants dans le cadre de l'évaluation des pesticides, notamment la période limitée pour l'homologation des produits antiparasitaires, et des dispositions relatives à des examens spéciaux et à des exigences en matière de réévaluation périodique. Le projet de loi exigerait également la réévaluation de tous les produits antiparasitaires déjà homologués dans un délai donné.
Un avantage majeur du projet de loi C-53, c'est l'obligation imposée au demandeur de prouver l'innocuité des produits antiparasitaires qu'il propose d'homologuer et nous appuyons inconditionnellement cette disposition. Cependant, nous proposons des définitions pour les expressions «risque acceptable», «risque inacceptable» et «préjudice», dans notre analyse du projet de loi, car nous croyons qu'elles définissent mieux les critères en fonction desquelles les décisions doivent être prises.
L'ACDE fait valoir au comité qu'il est possible d'améliorer encore considérablement le projet de loi C-53. Nous concentrerons notre propos sur trois aspects qui méritent qu'on s'y intéresse et qu'on y apporte des modifications, avant l'adoption du projet de loi. Il s'agit, en résumé, premièrement, de l'incorporation du principe de précaution à toutes les décisions prises sous le régime de la loi; deuxièmement, du mandat législatif et des dispositions préconisant la réduction des risques posés par les produits antiparasitaires homologués au Canada; troisièmement, l'amélioration des dispositions relatives à la participation du public, au droit de savoir et à l'accès à l'information.
Nous présentons nos recommandations sous la forme d'un tableau annexé à notre mémoire.
En ce qui concerne le principe de précaution, nous notons son absence dans le préambule et remarquons qu'il ne fait pas partie des décisions qui seront prises sous le régime de la loi. Il est essentiel d'opérer un changement de philosophie en vue d'intégrer le principe de précaution à la prise de décision relative aux produits antiparasitaires, afin de mieux protéger la santé des personnes et l'environnement. En vertu des changements que nous recommandons, il faudra appliquer le principe de précaution aux décisions relatives aux nouveaux produits antiparasitaires et à chaque examen spécial ou à chaque réexamen. Nous fournissons également une définition du principe de précaution qui correspond à la définition donnée dans le rapport du Comité permanent de l'environnement et du développement durable.
J'aimerais également indiquer que l'ACDE a préparé un document approfondi sur le principe de précaution en particulier, en réponse au document du gouvernement du Canada portant sur le sujet. Bien qu'il ne soit pas distribué aujourd'hui, je peux le déposer auprès du greffier.
Nous préconisons dans ce document de meilleures formulations du principe de précaution, en raison de la progression du droit international et des pratiques de ces dernières années. Par exemple, je préconiserais la reformulation du principe par le Lowell Center, récemment présentée à la conférence Wingspread.
En ce qui concerne la réduction des risques liés aux pesticides au Canada, nous suggérons d'ajouter à la partie sur la mission un passage qui prévoirait explicitement de réduire la dépendance aux produits antiparasitaires et, partant, d'atténuer les risques qu'ils présentent. Nous proposons de modifier divers articles afin de pouvoir remplir cette mission, notamment ajouter une définition de «ingrédients inertes», indiquer dans les définitions de «produits antiparasitaires» qu'ils renferment des ingrédients inertes, et exiger, quand il existe des solutions de remplacement efficaces, de n'homologuer que les produits antiparasitaires qui présentent un risque de préjudice moindre que les produits de remplacement efficaces.
Nous proposons à cet égard des modifications correspondantes aux articles sur les nouvelles demandes, les examens spéciaux et les réévaluations.
Nous proposons également de réduire et éventuellement d'éliminer les utilisations non essentielles de produits antiparasitaires, qui servent uniquement à embellir l'environnement. C'est pourquoi nous proposons d'ajouter des articles prévoyant des règles spéciales d'homologation pour les pesticides pour pelouses et jardins d'ici 2004, et un moratoire sur les homologations de nouveaux produits pour pelouses et jardins après le 1er janvier 2004, à moins qu'ils ne soient destinés à protéger la santé publique ou qu'ils servent à des fins agricoles. Nous proposons des mesures similaires pour les pesticides destinés à des utilisations ludiques, notamment dans les parcs, les terrains de golf et les terrains de sport.
En outre, en ce qui concerne les enfants, nous proposons de modifier le projet de loi de manière que le ministre soit raisonnablement certain que l'exposition totale aux produits antiparasitaires ne posera pas de préjudice aux nourrissons et aux enfants. Dans une autre mesure, inspirée de la U.S. Food Quality Protection Act, nous proposons qu'il soit requis d'effectuer des études exhaustives sur le régime alimentaire des nourrissons et des enfants, lesquelles donneraient lieu à de meilleures méthodes de contrôle. Nous proposons ces mesures et d'autres dispositions destinées à protéger les enfants afin que le projet de loi C-53 contienne des mesures de protection des enfants qui vont au-delà de celles qui ne visent que l'utilisation des pesticides dans les maisons et les écoles. Les mesures de protection des enfants doivent être élargies de manière à englober l'exposition professionnelle des parents, le régime alimentaire, etc.
La participation du public, le droit de savoir et l'accès à l'information sont des éléments cruciaux du projet de loi. Nous avons des suggestions destinées à améliorer ces aspects. Par exemple, nous proposons de modifier le projet de loi afin qu'il soit clair que le nom et le contenu des principes actifs, des ingrédients inertes et des contaminants, ainsi que les résultats des tests effectués pour déterminer l'efficacité et l'innocuité d'un produit ne soient pas considérés comme des renseignements commerciaux confidentiels, et qu'ils soient donc disponibles pour examen public par le truchement du registre public proposé.
Nous proposons également d'intégrer à la loi, plutôt qu'à la réglementation, des dispositions relatives à l'étiquetage minimal, en raison de la prépondérance de certaines informations dont les données sur la composition, l'usage des poisons et le traitement, ainsi que plusieurs autres sujets. Ces dispositions d'étiquetage viseraient à favoriser la protection de la santé et de la sécurité, à garantir aux consommateurs des informations essentielles pour faire des choix éclairés et améliorer les possibilités d'employer le produit conformément aux usages prévus.
Nous proposons également d'ajouter au projet de loi C-53 des dispositions visant à constituer une base de données nationale sur les ventes de pesticides ainsi qu'une base de données sur les effets nocifs, afin d'améliorer la collecte de données et l'étude de l'utilisation et des effets des pesticides.
En conclusion, nous voulons souligner que l'ACDE collabore avec le Fonds mondial pour la nature depuis plus de deux ans à propos de dispositions pertinentes pour une nouvelle loi sur les produits antiparasitaires et bien des propositions que nous faisons vous paraîtront peut-être semblables à celles des représentants du Fonds mondial pour la nature. Nous avons choisi aujourd'hui de mettre l'accent sur le principe de précaution, la réduction du risque, l'examen accéléré pour la réduction du risque, la participation du public et la santé des enfants.
Nous appuyons également le mémoire du Fonds mondial pour la nature, d'autant plus qu'il y est davantage question de définitions supplémentaires, relatives notamment au préjudice acceptable et à la valeur.
Nous vous remercions de votre attention.
(1545)
La présidente:
Merci beaucoup, madame McClenaghan.
Nous passons maintenant au Club Sierra du Canada, représenté par Angela Rickman, directrice exécutive.
Mme Angela Rickman (directrice adjointe, Club Sierra du Canada):
Je ne suis en fait que directrice adjointe.
Merci de nous permettre de témoigner devant vous aujourd'hui. Le Club Sierra du Canada est une organisation environnementale nationale qui s'intéresse aux menaces qui pèsent sur la santé, ainsi qu' à la préservation de nos systèmes naturels et de toutes les formes de vie qui en dépendent. Par le truchement de programmes d'éducation du public et d'efforts déployés en collaboration avec des éducateurs d'autres organisations non-gouvernementales, avec l'industrie et des législateurs, nous cherchons à sensibiliser davantage le public à la dégradation anthropique de l'environnement, dans le but ultime de contrecarrer les effets des activités non-durables.
Nous menons plusieurs campagnes, notamment sur le changement climatique, la biodiversité, les forêts, la biotechnologie, le commerce et l'environnement et, en dernier lieu mais non des moindres, les pesticides et les produits toxiques. Les pesticides et les produits toxiques ont fait l'objet de l'une de nos premières campagnes nationales qui, de notre point de vue, continue d'être la plus importante. Nous sommes également l'un des membres fondateurs d'une coalition appelée la Campaign for pesticide reduction. Le Fonds mondial pour la nature, l'Association canadienne du droit de l'environnement, le Congrès du travail du Canada, l'Association canadienne des médecins pour l'environnement et Citizens for Alternatives to Pesticides au Québec sont tous membres du comité directeur de cette coalition. Nous comptons plus de 180 membres dans tout le pays, dont des activistes et d'autres organisations qui s'intéressent aux questions relatives aux pesticides.
En règle générale, nous sommes satisfaits que le projet de loi C-53 soit déposé, car nous préconisons depuis longtemps des modifications à la Loi sur les produits antiparasitaires; nous sommes donc très heureux de voir que certaines de celles que nous souhaitions sont enfin présentées. Toutefois, nous croyons que des améliorations s'imposent pour rendre le projet de loi valable.
Nous disons tous plus ou moins la même chose, si bien que certains de mes propos reprennent ceux de Theresa—et je suis sûre ceux d'autres témoins—mais je vous demanderais de bien vouloir m'écouter.
Nous aimerions tout d'abord recommander un processus accéléré d'approbation des solutions de rechange moins dangereuses. Il faut prévoir un examen adéquat de la législation. À l'heure actuelle, compte tenu du manque de temps dont dispose votre comité pour entendre des témoins—le délai étant très court—nous sommes un peu inquiets et aimerions que soit prévue une disposition relative à un examen quinquennal pour que nous n'ayons pas à attendre encore 33 ans avant que des modifications ne soient apportées.
Nous aimerions que le principe de précaution soit inscrit en tant que principe directeur et force opérante. Au lieu de mettre l'accent uniquement sur l'homologation des produits dans la Loi sur les produits antiparasitaires, nous aimerions le mettre aussi sur des solutions de rechange ainsi que sur des processus de lutte antiparasitaire. Selon nous, ce projet de loi est trop axé sur les produits.
Bien sûr, l'interdiction relative à l'embellissement de l'environnement est un point sur lequel nous travaillons sans relâche depuis longtemps, et il nous tient à coeur. La ministre a indiqué que cela ne relevait pas de sa compétence, mais ce n'est pas vrai. L'ARLA peut décider ce qui doit figurer sur l'étiquette. Modifier les instructions qui se trouvent sur l'étiquette peut diminuer certaines utilisations des produits et l'interdiction relative à l'embellissement permettrait de protéger les enfants.
Il faut prévoir un principe de remplacement. Il faudrait envisager un retrait accéléré de l'homologation dans le cas des solutions de rechange plus toxiques, assorti d'un processus accéléré d'approbation pour les produits moins toxiques. S'il existe une substance plus toxique et qu'une solution de rechange moins toxique est homologuée, il faudrait prévoir un processus qui permettrait de retirer rapidement l'homologation du produit plus toxique.
Les renseignements sur l'exposition totale et sur les effets cumulatifs devraient être exigés dans le cas de toutes les homologations et réévaluations, et non seulement lorsqu'ils sont disponibles, comme le prévoit actuellement la loi. Un mandat conféré par la loi devrait être confié à l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire; il ne faudrait donc pas simplement parler de délégation de responsabilités ou d'obligations par le ministre de la Santé.
Les renseignements commerciaux confidentiels ne sont pas actuellement clairement définis et nous aimerions que des délais soient imposés dans le cas des réévaluations. Pour la petite histoire, je pourrais vous donner l'exemple du produit 2,4-D qui fait l'objet d'une réévaluation et ce, depuis maintenant près de 20 ans. Nous savons actuellement que certains produits homologués perturbent l'appareil endocrinien humain et animal. Ces produits chimiques imitent les hormones naturelles qui déclenchent et arrêtent le développement. Il suffit qu'un foetus soit exposé de façon infime à ces substances à un point critique de son développement pour qu'il subisse un préjudice irréparable.
(1550)
Parmi les symptômes des perturbateurs endocriniens, citons les anomalies génésiques dont, entre autres, une faible numération séminale, une diminution de la taille du pénis, ainsi de suite. Parmi d'autres effets, on peut parler d'anomalies de comportement, comme une agressivité plus marquée. Nos connaissances de l'action endocrinienne de certains produits chimiques se développent depuis 15 ans seulement, mais compte tenu des effets dévastateurs potentiels de l'exposition à des perturbateurs endocriniens comme le 2,4-D, une décision relative à l'annulation de l'homologation serait suffisamment justifiée.
Santé Canada vient juste de publier une étude révélant la présence de 2,4-D dans l'urine et le sperme de ceux qui font l'épandage de pesticides. Quels sont les effets de la présence d'un perturbateur endocrinien dans de tels liquides corporels? Je ne le sais pas, et plus effrayant encore, le ministère qui se penche sur l'homologation de ce produit ne le sait pas non plus. Le lobby industriel va essayer de vous persuader que le 2,4-D est inoffensif puisqu'il ne cause pas le cancer. Eh bien, la question n'est pas encore tranchée, bien que l'on fasse un rapprochement entre l'utilisation d'herbicides à base de chlorophénoxamine comme le 2,4-D et le lymphome non hodgkinien; nous savons également qu'il cause d'autres problèmes de santé.
Nous sommes maintenant exposés aux pluies acides et les pluies qui contiennent du 2,4-D, qui est un herbicide courant, tombent sur les gens, la faune, les jardins et les fermes dans le sud de l'Alberta. D'après Agriculture Canada, une étude réalisée dans la région de Lethbridge en 1998 a fait état de quantités élevées et inacceptables de 2,4-D dans les pluies. On a retrouvé cet herbicide dans les 150 échantillons de pluie prélevés entre le 30 mai et le 17 août en 1998 dans huit secteurs de la région de Lethbridge, y compris la cour arrière de trois résidences en ville, un terrain de golf rural et une ferme. La quantité la plus élevée s'est retrouvée dans un terrain de golf; il s'agissait de 5,1 parties par milliard d'herbicide. La quantité la plus faible s'est retrouvée dans les pluies prélevées dans une cour arrière d'une résidence: 1,6 partie par milliard. Pour la faune aquatique, le maximum autorisé est de 4 parties par milliard. Par conséquent, les quantités décrites ci-dessus lui sont supérieures.
L'industrie du tabac a pendant des années prétendu que ses produits étaient inoffensifs et il a fallu énormément de temps avant que les législateurs n'interviennent pour protéger la santé humaine des intérêts de ce puissant lobby. Il est facile de se cacher derrière les années qui s'écoulent entre la cause et l'effet, dans ce cas-là, entre l'exposition et la maladie. Il est possible de ne pas fumer ou de ne pas fréquenter des bars enfumés pour se protéger des effets nocifs de la fumée de cigarette. Il n'est toutefois pas possible de se protéger de l'exposition aux pesticides, si le voisin décide de s'en servir sur sa pelouse, si la municipalité s'en sert dans les parcs, si le personnel de la cafétéria du restaurant parlementaire s'en sert dans la cuisine ou si ces pesticides apparaissent à la garderie ou au camp d'été des enfants. Dans la plupart des cas, on n'est même pas prévenu et il est possible d'être exposé une certaine de fois par jour sans même le savoir.
Il faut également parler des ingrédients inertes. Actuellement, 4 789 ingrédients sont légalement autorisés dans la formulation de pesticides sans pour autant qu'ils n'apparaissent obligatoirement sur l'étiquette. Non seulement ces ingrédients ne sont-ils pas inertes, car souvent ils renferment d'autres pesticides actifs, du benzène, du formaldéhyde et d'autres produits chimiques toxiques, mais en plus, ils sont invisibles, protégés par les renseignements commerciaux confidentiels. Ce projet de loi ne change rien à cet égard.
Nous avons plusieurs autres inquiétudes qui sont énumérées dans le mémoire que nous allons faire traduire; toutefois, pour gagner du temps, je vais conclure là dessus. J'aimerais remercier le comité de s'intéresser à cette question et aussi de m'avoir permis de présenter notre point de vue.
(1555)
La présidente:
Merci, madame Rickman.
Nous passons maintenant à la représentante du Fonds mondial pour la nature au Canada, Sara Dover, conseillère en matière de questions politiques. Madame Dover.
Mme Sarah Dover (conseillère en matière de questions politiques, Fonds mondial pour la nature au Canada):
Madame la présidente et membres du comité, j'aimerais vous remercier d'avoir invité le Fonds mondial pour la nature à comparaître au sujet du projet de loi C-53.
Je vous demande de bien vouloir m'excuser d'avoir apporté des copies de notre mémoire en anglais seulement. Je l'ai transmis à la présidente qui a indiqué que des copies seront distribuées dans les deux langues officielles, dans les prochains jours.
Beaucoup d'entre vous savez bien que le Fonds mondial pour la nature travaille sur cette question depuis des années et nous nous efforçons d'apporter des améliorations au système de réglementation des pesticides. Nos efforts cadrent avec notre mission, qui consiste à protéger la faune, et avec nos programmes relatifs à des pratiques culturales écologiques.
Le Fonds mondial pour la nature est sensible à l'effort du gouvernement en vue de la mise à jour de la Loi sur les produits antiparasitaires qui date de 33 ans. Certains éléments de ce projet de loi témoignent d'une détermination claire de la part du gouvernement d'améliorer le système de l'homologation des pesticides; toutefois, quelques amendements clés s'imposent pour assurer l'efficacité du projet de loi.
Les cinq domaines clés d'amélioration sont également énumérés dans le mémoire du Fonds mondial pour la nature et il s'agit, entre autres, de suggestions quant au libellé de certains articles. Nous travaillons également en coopération avec l'Association canadienne du droit de l'environnement et d'autres organisations, et nous appuyons beaucoup de leurs amendements législatifs, sinon tous, notamment dans le cas où elles font des propositions que nous aurions voulu faire mais que nous n'avons pas eu le temps d'exprimer.
Parmi ces cinq domaines clés, citons le fait que toutes les décisions relatives aux pesticides doivent être prises en fonction du principe de précaution. Ce principe est reconnu en droit international et le Canada s'est engagé à le respecter dans ses lois nationales ainsi que dans des protocoles internationaux, à de nombreuses occasions.
Plus frappant encore, le principe de précaution est la pierre angulaire de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la LCPE. Dans cette loi, le principe de précaution apparaît dans le préambule comme principe directeur pour l'application de la loi et il apparaît de nouveau dans les articles opérants de cette loi. Par contraste, le principe de précaution n'apparaît qu'une seule fois, par déduction, dans le projet de loi C-53, et même dans ce cas-là, il ne doit être appliqué qu'à la discrétion du ministre en cas d'annulation ou de modification d'une homologation.
Cela équivaut à l'existence d'un système judiciaire plus clément pour les contrevenants les plus dangereux. Il est évident que tous les produits chimiques, des pesticides aux produits chimiques industriels, doivent être réglementés selon le même principe de précaution. Nous devrions au moins avoir la même norme en matière de prise de décision relative aux pesticides comme le sel de voirie. Toutes les substances devraient être assujetties au même principe de précaution.
Par ailleurs, le principe de précaution est nécessaire si l'on veut protéger les enfants et les jeunes de toute espèce animale. Le fait de reconnaître que nous sommes exposés à de nombreux pesticides provenant de nombreuses sources remet en question la réglementation conventionnelle des pesticides. Il est peu probable que nous connaîtrons un jour tous les effets de tous les pesticides, de toutes les combinaisons, de toutes les expositions. Par conséquent, il est crucial d'adopter une approche de précaution pour assurer la protection de la santé des Canadiens et de l'environnement.
L'homologation doit favoriser les produits les moins dangereux et diminuer la dépendance à l'égard des pesticides en règle générale. Des mesures de contrôle plus strictes au sujet des pesticides s'imposent et sont absolument essentielles si l'on veut diminuer les effets toxiques des pesticides sur la santé et l'environnement. Toutefois, mettre un frein aux pesticides dangereux n'est qu'un seul membre de l'équation. Il est tout aussi important et absolument essentiel d'accélérer l'introduction de produits moins dangereux, qui sont à la fois moins nocifs et moins dangereux pour la santé et l'environnement.
Le projet de loi C-53 doit prévoir un processus transparent et rigoureux d'homologation et de nouvelles homologations. Ce système doit prévoir la participation du public, protéger efficacement la santé humaine et l'environnement et utiliser le principe de précaution, tout en offrant une prise de décision prévisible et opportune aux demandeurs d'homologation.
Seul l'examen accéléré des produits moins dangereux devrait entraîner leur homologation par le truchement d'un processus de rechange. Il est important que le terme «accéléré» signifie en fait «rapide». C'est la raison pour laquelle nous recommandons un délai de 12 mois pour la prise de décision.
L'examen accéléré des produits moins dangereux est véritablement ce qui permettra d'atténuer certaines des pressions qui s'exercent sur les agriculteurs canadiens; en effet, ils souhaitent devenir plus compétitifs sur les marchés mondiaux, ils ont besoin de diminuer leurs coûts d'intrants et de mettre sur le marché des produits acceptables aux yeux des consommateurs soucieux de leur santé et ils cherchent à protéger la santé de leur famille ainsi qu'à protéger l'environnement dont ils dépendent. En d'autres termes, si ce projet de loi ne convient pas aux agriculteurs, il ne conviendra à personne.
(1600)
Le fait d'inclure dans le projet de loi C-53 un processus d'homologation accéléré pour des solutions de rechange moins dangereuses a reçu l'appui, comme vous l'avez entendu, du milieu de la santé, de l'industrie, de l'environnement, de l'agriculture et des groupes de producteurs. Les examens prévus par le projet de loi C-53 doivent porter sur un éventail suffisamment vaste d'impacts sanitaires et environnementaux des pesticides. Le projet de loi C-53 s'est inspiré, bien que de manière sélective, de la FQPA américaine—la Food Quality Production Act—pour régler certaines des nouvelles questions et approches sanitaires en matière de réglementation des pesticides, y compris l'exposition totale et les effets cumulatifs, ainsi que les effets de seuil. Toutefois, les exigences du projet de loi C-53 qui visent à protéger les nourrissons et les enfants sont faibles par rapport à celles de la FQPA et il faut les renforcer si l'on veut que le Canada arrive à la hauteur des États-Unis et des progrès qu'ils accomplissent depuis six ans, soit depuis la mise en oeuvre de la FQPA. Non seulement est-ce sensé pour la santé des Canadiens, mais encore est-ce très utile dans le contexte de l'harmonisation ALENA.
Une participation et une rétroaction actives du public, ainsi que l'accès à l'information sont essentiels et les dispositions du projet de loi C-53 doivent le prévoir. En outre, des mécanismes doivent être prévus pour assurer la participation du public au processus de prise de décision relatif aux homologations et réévaluations de pesticides. Pour ce faire, il faut transmettre l'information voulue et préciser les moments où le public pourra faire des observations sur les décisions proposées, prendre l'initiative de décisions ou les contester.
Enfin, des mécanismes de responsabilité doivent faire partie intégrante de la loi. Parmi les amendements visant à améliorer la responsabilité, il faudrait mieux préciser la fonction et la composition du comité consultatif public.
Par ailleurs, comme dans le cas de la LCPE, la Loi sur les pesticides devrait inclure l'obligation légale d'examens législatifs périodiques. Par exemple, au bout de cinq années, il est possible de faire des progrès mesurables si de nouvelles mesures permettent de répondre à ces exigences imposées par la loi pour diminuer les risques que posent les pesticides ainsi que la dépendance à leur égard, tout en protégeant la santé humaine et l'environnement.
Enfin, je vous encourage, avant la fin de votre examen, de vous assurer d'entendre des représentants des Premières nations, notamment des groupes autochtones qui se trouvent dans le Nord et qui sont touchés par cette loi.
Nous remercions sincèrement le comité de nous avoir donné l'occasion de lui faire part de nos inquiétudes, de nos idées ainsi que de lui présenter les amendements que nous proposons.
Merci.
La présidente:
Merci, madame Dover.
Nous passons maintenant à la deuxième partie de la séance où les députés posent des questions aux témoins.
Nous allons commencer par M. Merrifield.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne):
J'aimerais vous remercier pour vos exposés très instructifs et je crois que certains points valent la peine d'être notés.
J'ai remarqué que tous nos témoins soulignent l'importance des délais en matière d'approbation de meilleurs produits ou de réévaluation des produits. Je crois que c'est Mme Dover qui a parlé d'un objectif de 12 mois. Pouvez-vous me dire comment cela cadre avec l'harmonisation avec les États-Unis? Savez-vous ce qui se passe là-bas et y aurait-il harmonisation entre nous et leurs évaluations et délais?
Mme Sarah Dover:
La question de l'harmonisation et des délais est délicate puisqu'elle va au coeur du rapport complexe qui existe entre politique et législation. Par conséquent, le Fonds mondial pour la nature préconise des délais précis à propos des examens conjoints--et je crois que c'est ce que vous voulez savoir; je peux vous expliquer comment il en est arrivé à un délai de 12 mois pour les examens accélérés. D'après notre analyse, il faut environ de 14 à 17 mois à l'ARLA pour terminer des examens semblables, si bien que nous proposons ce délai ambitieux de 12 mois.
(1605)
M. Rob Merrifield:
Vous ne savez pas comment cela se compare avec les États-Unis? Vous n'avez jamais examiné la façon dont cela se compare avec nos partenaires du sud?
Mme Sarah Dover:
Les autres membres du Fonds mondial pour la nature se sont peut-être penchés sur ce point particulier et sur la question du délai. Si vous le désirez, je me ferais un plaisir de vous transmettre un peu plus tard les renseignements que vous souhaitez.
M. Rob Merrifield:
Non, ce n'est pas la peine. Je crois que nous avons les réponses dans d'autres témoignages. Les autres témoins proposent un délai du même ordre et je me demande si ce délai de 12 mois est ce que vous prévoyez également, ou bien si vous avez d'autres suggestions?
Mme Theresa McClenaghan:
Pour ce qui est du mémoire de l'ACDE, je ne sais pas vraiment si vous avez également l'annexe renfermant les propositions que nous faisons au sujet des divers articles. Si oui, vous voyez que nous avons proposé un nouvel article 8.1 qui traite précisément de l'homologation accélérée des pesticides moins dangereux. Il s'agit du risque moins prononcé. Le libellé de l'article que nous proposons s'inspire de la
Food Quality Protection Act américaine, où la même mesure s'applique dans le cas des pesticides moins dangereux.
Si je dis «s'inspire» au lieu de «reproduit», c'est parce que cette loi traite essentiellement des aliments—il s'agit de la
Food Quality Protection Act—tandis que notre loi traite de toute une gamme de pesticides. Nous l'avons modifiée en conséquence.
M. Rob Merrifield:
Vous dites en fait que vous avez intégré certains des termes de la loi américaine dans cette loi.
Mme Theresa McClenaghan:
Oui, et c'est un exemple de la quasi-similitude entre les deux. Je vous renvoie à l'article 250 de la
Food Quality Protection Act américaine pour en faciliter la comparaison avec celui-ci. Tout ce qui est indiqué au sujet du délai dans cet article particulier, que j'ai reproduit ici, c'est que dans l'année qui suit la mise en vigueur de l'article, le ministre établit des procédures pour l'examen accéléré. L'ACDE ne propose pas de délai précis pour les examens accélérés, mais appuie le Fonds mondial pour la nature à ce sujet—puisque pour réduire le risque, il faut prévoir un processus plus rapide que le processus normal actuel.
Mme Angela Rickman: Je suis d'accord.
M. Rob Merrifield:
D'accord, si je comprends bien, vous dites tous la même chose.
Vous avez également parlé de l'information du public et des changements que l'on retrouve dans ce projet de loi à propos de l'ARLA qui reçoit des renseignements sur les nouveaux pesticides qui arrivent sur le marché. Est-ce satisfaisant dans le projet de loi? D'après vous, est-ce suffisant ou faudrait-il apporter des changements?
Mme Angela Rickman:
Nous n'avons toujours pas la définition de «renseignements commerciaux confidentiels», si bien que ce n'est pas tout à fait clair. Dans certains endroits, c'est mieux, car actuellement la quantité de pesticides vendus est l'un des points considérés comme faisant partie des renseignements commerciaux confidentiels. Par exemple, je n'ai pas pu savoir combien de pentachlorophénol était vendu au Canada, car cette donnée est considérée comme un renseignement commercial confidentiel, ce qui ne serait plus le cas en raison des nouvelles déclarations obligatoires sur les ventes. Toutefois, tant que nous n'aurons pas de définition de «renseignements commerciaux confidentiels», ce n'est pas tout à fait clair.
M. Rob Merrifield:
Avez-vous d'autres commentaires là-dessus? Le projet de loi modifie cet élément de façon significative.
Mme Theresa McClenaghan:
C'est une chose. Le projet de loi donne une définition de «renseignements commerciaux confidentiels». Il indique qu'il s'agit des renseignements dont on peut refuser l'accès en vertu de la
Loi sur l'accès à l'information et—il y a un «et»—qui répondent aux exigences des paragraphes 43(4) et 43(5). D'après mon interprétation du paragraphe 43(4), il faut que le demandeur les ait désignés comme tels et que ces renseignements doivent porter sur l'un des trois points: renseignements sur les procédés de fabrication, etc.
Le mémoire de l'ACDE indique que nous étions satisfaits de cette définition de «renseignements commerciaux confidentiels» au départ, mais nous avons proposé de supprimer le paragraphe 43(5) du projet de loi pour le remplacer par celui-ci: «Pour plus de certitude, ne sont pas assimilés aux renseignements commerciaux confidentiels le nom et le contenu des principes actifs, le nom et le contenu des formules...» etc., «...notamment le résultat de tests visant à prouver l'efficacité et l'innocuité».
En effet, nous ne sommes pas mécontents du fait qu'une protection soit prévue à l'égard des demandeurs en ce qui concerne les renseignements relatifs aux procédés de fabrication et aux méthode de contrôle de la qualité, aux méthodes qui déterminent la composition ou la valeur pécunière des ventes qu'ils doivent founir au ministre. Nous disons que nous ne sommes pas mécontents à cet égard, mais nous voulons nous assurer que la disposition de confidentialité se limite à ces trois facteurs. C'est la façon dont j'interprète la loi actuellement, même si je crains que le paragraphe 43(5) sous son libellé actuel, ne brouille les pistes. Je préférerais le remplacer par l'une des deux formulations que nous proposons, ou les deux.
(1610)
Mme Sarah Dover:
À mon avis, les «renseignements commerciaux confidentiels» sont une question clé, mais ce n'est pas la seule lorsque l'on pense à l'accès à l'information dont le public aura besoin pour participer au débat de manière significative. Permettez-moi de dire que, dans un sens non technique, ce dont nous avons besoin en ce qui concerne les «renseignements commerciaux confidentiels», ce sont les renseignements que les demandeurs peuvent nous donner sans compromettre les éléments clés qui leur sont nécessaires pour faire leur travail.
Nous croyons que les définitions et le traitement des renseignements commerciaux confidentiels que l'on retrouve actuellement dans la loi sont si vastes qu'ils limitent le genre de renseignements que les demandeurs pourront donner pour faciliter le processus de participation du public. Il ne faut pas oublier que des protections sont déjà prévues pour la propriété intellectuelle et les secrets commerciaux dans la Loi sur l'accès à l'information et rien dans cette loi n'empêcherait l'élaboration d'un règlement pour la protection de la propriété intellectuelle sous le régime des règles de l'ALÉNA ou de l'OMC.
J'aimerais également attirer votre attention sur le registre public, car les renseignements commerciaux confidentiels ne devraient pas être donnés au public dans leur intégralité. Il faut contrôler les renseignements et signaler les effets nocifs de manière que le public puisse les digérer. Il faut également que les procédures prévues par la loi à propos de la participation du public dépassent le cadre d'un simple processus de diffusion de l'information.
M. Rob Merrifield:
Theresa, vous avez également indiqué que vous recommandez un changement dans l'étiquetage. Êtes-vous en train de dire que l'étiquetage des pesticides ménagers ne convient pas aux pesticides commerciaux, ou aux deux? J'imagine que vous parlez davantage des pesticides utilisés à des fins esthétiques, mais pouvez-vous préciser?
Mme Theresa McClenaghan:
C'est exact, car nous abordons la question sous l'angle de l'enfant. En effet, nous examinons bien des dispositions en fonction de la protection des enfants et du consommateur. Nous ne voulons pas dire qu'il y a un problème--en règle générale--lorsque les usagers commerciaux suivent les instructions indiquées sur les étiquettes, ni à propos de l'utilisation prévue. Nous ne pensons pas que cela pose véritablement un problème, mais par contre, c'est un problème au niveau du consommateur. Souvent, l'utilisation qui en est faite en milieu urbain notamment, ne correspond pas à la désignation du produit. C'est donc une raison du changement proposé.
L'autre raison, c'est que certains de ces renseignements sont nécessaires pour que les gens puissent décider s'ils veulent utiliser le produit ou non, si le contenu et le principe actif ne les dérangent pas. À l'heure actuelle, le fabricant n'est pas tenu de les indiquer sur les étiquettes. D'autres aspects de cette liste se trouvent sur les étiquettes. Par exemple, l'information au sujet du traitement, par règlement, est censée figurer sur l'étiquette, mais nous voudrions que ces exigences soient conférées par la loi.
Nous ne disons pas que tout ce qui se trouve sur cette liste n'est pas déjà prévu par règlement. Il y a d'autres choses ici, comme la liste des ingrédients qui, selon nous, devrait être obligatoire en vertu de la loi, à cause de l'importance des ingrédients pour les consommateurs en matière de consentement éclairé, d'utilisation appropriée et de réduction des risques.
M. Rob Merrifield:
Merci.
La présidente:
Monsieur Bigras.
[Français]
M. Bernard Bigras (Rosemont--Petite-Patrie, BQ):
Merci, madame la présidente. D'abord, bienvenue à vous.
Il y a trois éléments sur lesquels j'aimerais revenir et sur lesquels je suis assez en accord par rapport à vos propositions. Tout d'abord, il y a toute la question de la réévaluation des pesticides et de sa lenteur. Il y a aussi la lenteur du processus d'homologation des solutions de rechange qui est assez inquiétante. Je pense en autres aux biopesticides. De plus, il y a le fait que le principe de précaution est quasi inexistant, sauf dans un seul article du projet de loi, alors que le principe devrait se retrouver, à plusieurs égards, dans plusieurs articles du projet de loi. Je suis d'accord avec vous là-dessus.
Ma question s'adresse surtout à l'Association canadienne du droit de l'environnement. D'après ce que j'ai compris, la répartition des compétences fédérales et provinciales est la suivante. La loi fédérale est responsable du contrôle de l'homologation, de la mise en marché et des normes d'étiquetage. Ça, c'est ce que je comprends par l'entremise de l'ARLA. Ce que je comprends aussi, c'est que la responsabilité provinciale touche la vente, l'usage et la distribution des produits.
Premièrement, je voudrais que vous me disiez où le fédéral devrait commencer à intervenir, où il devrait arrêter de le faire et où les provinces devraient commencer à intervenir.
Deuxièmement, je voudrais savoir ce que vous entendez par l'établissement de normes relatives aux pesticides que vous souhaiteriez voir à l'intérieur du projet de loi. Ce sont mes deux premières questions.
(1615)
[Traduction]
Mme Theresa McClenaghan:
L'Association canadienne du droit de l'environnement propose de respecter le partage actuel des compétences entre les gouvernements fédéral et provinciaux, en ce qui a trait à l'approche législative. Toutes nos suggestions portent sur l'homologation des pesticides, qui est du domaine fédéral et le reste en vertu de ce projet de loi.
Lorsque nous proposons, par exemple, d'éliminer progressivement les nouvelles homologations de produits visant à embellir l'environnement ou utilisés pour les pelouses et les jardins en 2004, il s'agit d'une décision d'homologation de la part du gouvernement fédéral. C'est une décision qu'il doit prendre. Nous appuyons, comme dans de nombreuses instances, la participation appropriée de chaque palier de gouvernement—fédéral, provincial et municipal—dans les questions environnementales et à cet égard. Toutefois, le gouvernement fédéral a compétence en matière de décision d'homologation, si bien que c'est la question que nous avons abordée ici.
[Français]
M. Bernard Bigras:
Souvent les batailles juridiques font en sorte que c'est la protection de la santé publique qui en souffre plus qu'autre chose. Je pense que la bataille juridique de la Ville d'Hudson en est un exemple flagrant. En 1991, la ville adoptait un règlement et il n'y a pas eu de décision finale juridique de la part de la Cour suprême avant juin 2001. Donc, 10 ans plus tard, il y avait une décision de la part de la Cour suprême.
Ne croyez-vous pas qu'en ce qui a trait à la question relative aux pesticides, le meilleur modèle que nous pourrions développer serait, dans un premier temps, une amélioration de la réévaluation des pesticides existants, une amélioration de leur mise en marché, tout en faisant en sorte que les provinces se dotent de codes de gestion des pesticides, un peu comme le suggérait la conclusion d'un groupe de réflexion du Québec au mois d'octobre dernier, qui viendraient, au fond, établir des normes d'établissement en matière de vente, d'usage et de distribution? Donc, il y aurait une complémentarité, une plus grande efficacité sur le plan fédéral aux niveaux de l'homologation et des solutions de rechange, avec un code de gestion et des normes provinciales plus rigoureuses en matière de vente et d'usage.
[Traduction]
Mme Theresa McClenaghan:
Nous en convenons, mais nous préconisons également une protection plus marquée de la part des provinces dans les domaines où elles sont toujours intervenues. Bien sûr, il faut une certaine cohérence entre les divers paliers, même s'ils agissent dans des domaines légèrement différents.
[Français]
M. Bernard Bigras:
J'aimerais connaître votre interprétation de la décision de juin 2001 de la Cour suprême qui donnait à la Ville d'Hudson toute la possibilité de passer une réglementation sur la base de la
Loi provinciale sur les cités et villes.
Donc, reconnaissez-vous que l'usage des pesticides relève, bien sûr, des municipalités, qui, au fond, sont une créature du gouvernement provincial? Donc, cela demande inévitablement aux provinces d'agir. Elles ont pleinement la responsabilité en la matière, et c'est une reconnaissance que la Cour suprême a donnée aux provinces sur le plan juridique quant à leur possibilité d'agir, étant donné que les municipalités sont des créatures du gouvernement provincial.
[Traduction]
Mme Theresa McClenaghan:
Nous étions l'une des parties en cause dans cette affaire puisque nous avons représenté 11 intervenants dans le cadre du règlement municipal de la ville de Hudson, au Québec. J'espère que vous ne verrez aucun inconvénient à ce que j'invite les membres de ce comité à prendre connaissance du document versé sur notre site Web, dans lequel j'exprime mon point de vue sur la possibilité, pour les municipalités ontariennes, d'adopter des règlements sur l'emploi de pesticides en vertu de la toute nouvelle loi municipale passée il y a déjà deux ou trois mois et qui entrera en vigueur en janvier.
Nous sommes intervenus auprès de la Cour suprême au nom de ces 11 appelants pour dire que la Loi sur les cités et les villes du Québec, dans l'article pertinent portant sur la protection du bien-être général, était très semblable à d'autres mesures législatives prises ailleurs au pays. Leur interprétation confirme donc la capacité d'agir des municipalités d'autres provinces.
À mon avis, le tribunal a été d'accord avec nous puisqu'il a cité des articles de plusieurs règlements municipaux de ces provinces pour dire qu'il comprenait les choses de la même manière. De mon point de vue, cette décision du tribunal est extrêmement pertinente pour déterminer le rôle des municipalités. Et nous pensons vraiment que les municipalités ont un rôle à jouer en la matière.
Par ailleurs, je suis d'accord pour qu'elles soient soumises aux lois habilitantes des provinces; c'est une considération importante. Dans les propositions que nous avons faites, nous ne demandons pas que cet aspect soit modifié de quelque façon que ce soit.
(1620)
[Français]
M. Bernard Bigras:
Merci.
[Traduction]
La présidente:
Je vous remercie, monsieur Bigras.
Monsieur Speller.
M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.):
Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Je tiens également à remercier les témoins pour leurs exposés. Même si vous avez dû livrer votre message en seulement cinq minutes, nous pourrons nous référer aux documents que vous nous avez remis pour de plus amples détails.
Theresa, dans votre rapport, sous l'article 8 qui porte sur l'homologation de pesticides destinés à des fins esthétiques non essentielles, vous parlez de l'utilisation normale de ces produits dans l'agriculture.
Vous dites que, sans limiter la portée générale de ce qui précède, les produits non essentiels sont ceux qui ne visent pas à protéger la santé publique ou qui ne sont pas utilisés normalement dans l'agriculture.
Pourriez-vous nous fournir quelques explications? Cela s'applique-t-il uniquement aux agriculteurs ou bien aussi aux personnes qui utilisent ces pesticides dans leur jardin? Que voulez-vous dire exactement?
Mme Theresa McClenaghan:
Non, nous ne voulons pas parler de l'utilisation de ces pesticides dans les jardins. Un peu plus haut, nous mentionnons l'emploi de ces produits sur les pelouses ou dans les jardins. Nous donnons un sens courant à ces termes. Nous n'avons pas donné de définition particulière à «pelouse» et à «jardin» puisque nous ne disons pas qu'il n'est jamais approprié d'utiliser des pesticides dans l'agriculture, par exemple, ou pour protéger la santé.
Ce que nous faisons valoir, par le biais d'un certain nombre d'autres recommandations, c'est qu'il faut s'attaquer à la réduction des risques liés à l'utilisation de ces produits et qu'il convient d'accorder une plus grande attention à certaines choses, comme le principe de précaution et l'utilisation de produits de substitution moins dangereux, lorsqu'ils existent. Cela s'appliquerait à tout, mais nous considérons que les pelouses et les jardins, les aires de loisirs, les parcs et les terrains de jeux sont un peu à part en raison de l'exposition des enfants aux risques que présentent les produits utilisés à ces endroits, et aussi, en partie, parce qu'ils ne sont pas nécessaires. On les emploie pour des raisons esthétiques. Nous avons décidé que nous ne voulions pas certaines plantes sur nos pelouses et dans nos jardins, mais pas parce qu'elles présentent un danger pour la santé, ni pour des raisons alimentaires. Voilà donc l'idée qui se cache derrière cela.
En outre, il se pourrait bien qu'il faille définir plus précisément ce qu'on entend par «agriculture» et par «agriculture normale».
M. Bob Speller:
Bien sûr. Mais nous ne voulons pas que cela s'applique à l'agriculture normale...
Mme Theresa McClenaghan: C'est exact.
M. Bob Speller: ...parce qu'il y a différents types d'agriculture, évidemment, et différents niveaux.
Mme Theresa McClenaghan:
Oui, c'est exact. Nous proposons que soit graduellement abandonnée l'utilisation et l'homologation de ces produits pour les pelouses, les jardins, les terrains de jeux et les parcs.
M. Bob Speller:
D'accord.
Maintenant, en ce qui concerne le registre des ventes, que devra-t-on consigner dans ce registre, les sommes dépensées ou les quantités achetées?
Mme Theresa McClenaghan:
Nous avons pensé qu'il pourrait renfermer les données par produit et par municipalité. Dans un précédent article —je n'ai pas son numéro sous la main—, on exige que les demandeurs communiquent au ministre les données sur les ventes, mais il n'y a rien qui oblige le ministre à compiler toute l'information reçue et à la rendre publique.
Par exemple, nous avons fait référence à la CCE, ainsi qu'à la coopération environnementale entre le Canada, les États-Unis et le Mexique dans le cadre de l'ALÉNA. Il arrive qu'on élabore des plans d'action pour ces trois pays. Ainsi, s'il existait un plan d'action pour un pesticide en particulier et qu'on voulait savoir ce qui se fait ici, eh bien, actuellement, il n'y a aucune donnée nous permettant de dire si le produit en question est moins vendu au Canada ou moins utilisé dans certaines régions.
C'est l'une des raisons pour lesquelles nous voulons avoir accès à ces données. C'est aussi à des fins d'évaluation sanitaire et pour prévenir l'exposition à ces produits. Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles ce serait extrêmement utile.
Par conséquent, nous n'essayons pas de violer la confidentialité des données des entreprises, puisque nous ne demandons pas que celles-ci soient associées à chacune des informations fournies. Ce que nous voulons, ce sont des données globales pouvant servir à ceux qui s'intéressent à la question.
M. Bob Speller:
Madame Dover, j'ai aimé l'expression que vous avez employée concernant les produits présentant moins de risques. Il est certain que beaucoup d'agriculteurs seront d'accord avec vous sur ce point.
Je me demandais si vous vous étiez associés à des groupes comme la Fédération canadienne de l'agriculture pour faire front commun sur cette question ou bien s'il s'agit simplement d'une action menée en parallèle? Par ailleurs, j'aimerais savoir jusqu'à quel point vous approuvez ou désapprouvez la position adoptée par ces groupes en la matière?
Mme Sarah Dover:
Le Fonds mondial pour la nature sait très bien ce que nous défendons et qui cela affecte, et il est tout à fait disposé à entendre le point de vue de ces organisations. Pendant longtemps, nous avons eu des discussions informelles avec plusieurs associations, dans le cadre de l'examen de la
Loi sur les produits antiparasitaires, dont certaines, et pas des moindres, sont des partenaires avec lesquels nous travaillons, dans le domaine agricole, pour établir des protocoles de lutte intégrée.
En dehors de ces discussions informelles, nous n'avons pas eu le temps de parler de l'amendement étant donné l'examen accéléré du projet de loi par ce comité, ni pu préparer un texte sur la question. J'ai du mal à imaginer en quoi le libellé pourrait être tellement différent, étant donné que la plupart d'entre nous avons copié la FQPA, pour être francs. La seule distinction par rapport à cette loi concerne l'ajout d'un échéancier, et je ne sais pas si cela pourrait susciter beaucoup de controverse au sein des associations concernées.
(1625)
M. Bob Speller:
Vous parlez d'un échéancier?
Mme Sarah Dover:
Je parle d'un échéancier pour la réalisation des évaluations. Plus il y aura d'homogénéité et de transparence, pour la planification des cycles de vie des produits, plus il sera facile pour les entreprises de prévoir le lancement sur le marché de pesticides moins dangereux.
Nous serions prêts à envisager ce type d'échéancier pour toutes sortes de décisions, mais c'est une question beaucoup plus compliquée, alors nous avons pensé que...
M. Bob Speller:
Voudriez-vous que cet échéancier soit imposé par la loi ou qu'il soit inclus dans la réglementation?
Mme Sarah Dover:
Pour toutes les décisions?
M. Bob Speller: Oui.
Mme Sarah Dover: Nous voudrions que toutes les décisions soient assorties d'un échéancier. Si nous n'avons pas fait cette recommandation, c'est en partie pour des raisons de délai et aussi parce qu'il faudrait—et c'est un bon argument—que la politique de gestion mise en place par l'ARLA en la matière soit reconnue au même titre que la politique de gestion des substances toxiques.
M. Bob Speller: Je vous remercie beaucoup.
La présidente:
Madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD):
Je vous remercie, madame la présidente.
Je tiens également à remercier les trois témoins pour leur excellente présentation.
Il me semble, d'après ce que vous avez dit aujourd'hui et aussi, je pense, d'après certaines déclarations faites antérieurement, que si notre comité devait prendre position en faveur d'un changement, ce serait pour inclure le principe de précaution.
Vous allez trouver ma question purement formelle, mais j'aimerais quand même vous la poser. Pourquoi sommes-nous en train de débattre d'une question aussi fondamentale, alors que la Loi canadienne sur la protection de l'environnement y a répondu voilà déjà plusieurs années? Pourquoi butons-nous toujours sur les mêmes questions? Je pensais qu'il s'agissait d'une étape décisive et qu'ensuite ce serait un principe directeur pour tout texte législatif semblable. Est-ce une méprise, à votre avis, ou le signe d'un changement d'orientation? Le fait qu'il y ait actuellement un processus de consultation sur le principe de précaution n'est-il pas une indication de ce type de changement?
Si vous aviez été ici en 1999, pour la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, qu'auriez-vous fait pour rendre les choses possibles et que pouvez-vous faire maintenant? C'est ma première question.
Ma deuxième question concerne la santé des enfants, dont vous avez parlé aujourd'hui. S'il y a une chose qu'a dite la ministre quand elle a proposé le projet de loi C-53, c'est bien qu'il visait à protéger les enfants. Ces derniers seraient au centre des préoccupations dans les évaluations des risques que présentent les pesticides.
Je vous ai entendu dire, particulièrement vous, Theresa, que ce projet de loi était en fait un leurre. Les dispositions de ce projet de loi sont minimes de ce point de vue et pratiquement inexistantes en matière de protection des enfants et de considération du risque global.
J'aimerais que chacun de vous me donne son avis sur ces deux points, ce serait très apprécié.
(1630)
Mme Theresa McClenaghan:
Je répondrai à la deuxième question en premier. Malheureusement, je dois être d'accord avec vous sur le fait que l'aspect relatif à la protection des enfants est très peu couvert. Même si c'est un grand progrès que de parler de protection des enfants dans le projet de loi, on s'aperçoit, à la lecture du texte, que les moyens d'action sont assez limités. Même si on le compare au
Food Quality Protection Act des États-Unis—lequel n'est pas parfait et est en vigueur depuis six ans déjà—, le projet de loi proposé est beaucoup moins étoffé que la loi américaine.
C'est la raison pour laquelle nous avons fait quelques suggestions très ciblées pour accroître la protection des enfants, notamment en demandant l'utilisation de produits de substitution moins dangereux et l'inclusion du principe de précaution dont je parlerai dans un instant, entre autres. On dirait qu'il y a beaucoup de propositions, mais, en fait, nous ne faisons que les réitérer—évaluation initiale, nouvelle homologation, et réévaluation—toutes les fois que cela revient dans le document.
Si nous voulons pouvoir dire à nos enfants que nous avons fait passer une nouvelle loi sur les produits antiparasitaires qui accroît sensiblement leur protection, nous devons modifier ce projet de loi. En tant qu'avocate ayant procédé à son examen, je ne pense pas que je pourrai assurer mes enfants d'un avenir meilleur quand le projet de loi sera adopté.
Quant à la question relative au principe de précaution, je considère—et je suis peut-être la seule—qu'étant donné qu'un document de consultation a été distribué, on est prudent au sujet de l'intégration du principe de précaution dans le nouveau texte de loi. La seule fois qu'on mentionne le principe de précaution dans le projet de loi, c'est pour reprendre la formulation utilisée dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement ou dans le protocole de Rio. Malheureusement, c'est hors contexte. Ce n'est pas véritablement pertinent pour les décisions prises dans le cadre de la Loi sur les produits antiparasitaires.
Le comité de M. Caccia avait trouvé un contexte qui s'appliquait aux produits antiparasitaires. Nous en parlons dans notre tableau. J'ai également fait état des consultations que nous avons menées. Je vous demanderais de vous référer aux pages 8 et 9 de ce document—que je remettrai au greffier si vous ne l'avez pas déjà—, dans lequel nous passons en revue différentes formulations du principe de précaution dans plusieurs instruments internationaux. J'en citerai deux, même s'il y a beaucoup d'exemples excellents tout à fait adaptés au projet de loi proposé.
Par exemple, le Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques dit:
«L'absence de certitude scientifique due à l'insuffisance des informations...n'empêche pas cette partie de prendre comme il convient une décision concernant l'importation de l'organisme vivant modifié en question...pour éviter ou réduire au minimum ces effets défavorables potentiels.»
Donc, c'est tout à fait lié à la décision concernant l'impact. Dans la déclaration de Bergen, qui remonte à 1990, on dit que les mesures environnementales doivent anticiper, prévenir et attaquer les causes de la dégradation de l'environnement.
Par conséquent, nous disons qu'il y a de bien meilleurs exemples dans les traités internationaux, y compris dans ceux signés par le Canada, dont nous pourrions nous inspirer pour ce projet de loi.
Mme Sarah Dover:
Si vous le permettez, madame la présidente, j'aimerais faire trois commentaires rapides sur ce qui vient d'être dit.
La question de savoir si nous devons choisir un amendement clé me fait un peu penser aux Choix de Sophie, car il est bien sûr essentiel que nous parlions du principe de précaution, mais je suis aussi attachée à l'idée de procéder à un examen accéléré pour la diminution des risques compte tenu des liens solides que nous entretenons avec les agriculteurs et de notre engagement dans les protocoles de lutte intégrée. Le Fond mondial pour la nature a besoin de cela pour réussir.
Pour ce qui est du principe de précaution, ce que le comité doit retenir, c'est qu'on s'était déjà fait une idée sur la question quand on a examiné la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Nous avons besoin de normes cohérentes pour tous les produits chimiques toxiques, au lieu d'établir des normes différentes selon les contextes. Par conséquent, s'il existe un schéma d'itération sur la façon d'appliquer le principe de précaution aux produits chimiques toxiques, nous devrions l'appliquer aux produits chimiques mortels plutôt qu'aux produits dont on n'est même pas sûrs qu'ils sont toxiques.
Il faut savoir que la loi n'est pas figée. Elle évolue. Imaginez, par exemple, ce qui arriverait à notre processus législatif si nous attendions la conclusion des négociations des traités avec les Premières nations.
Quant à savoir pourquoi le principe de précaution est si boiteux dans le projet de loi C-53, il faut dire que ce texte a beaucoup retenu l'attention du MAECI et que c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons attendu si longtemps. L'un des arguments que j'ai entendu dans les cercles publics est qu'on craint que l'inclusion du principe de précaution dans les lois environnementales nationales soit vue comme une barrière non tarifaire.
Tout d'abord, j'aimerais dire que s'il s'agissait d'une barrière non tarifaire sur les produits chimiques mortels, le même argument s'appliquerait à tous les autres produits chimiques industriels, comme le stipule déjà la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Deuxièmement, imaginez un instant quelle serait véritablement l'obligation de réparer, étant donné qu'on a déjà déposé 100 millions de dollars devant la porte du gouvernement fédéral dans l'affaire Crompton, quand celui-ci essayait d'appliquer des mesures discrétionnaires. Donc, il s'agit de la présence d'autorités discrétionnaires par rapport à une norme unique—c'est-à-dire, certainement, l'assurance que tous les produits seront traités également. En fait, c'est la discrétion qui a ouvert la porte à l'obligation de réparer, plutôt que la certitude.
(1635)
La présidente:
Je vous remercie, madame Wasylycia-Leis.
Monsieur Bachand.
[Français]
M. André Bachand (Richmond--Arthabaska, PC):
Merci, madame la présidente.
Il y a plusieurs définitions du principe de prudence, mais en 2000, le Comité de l'environnement avait demandé que le principe de prudence soit inscrit dans la loi, avec une définition. Est-ce que vous l'avez? Essentiellement, ça dit que:
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Le principe de prudence implique que des mesures appropriées doivent être prises quand il y a lieu de croire qu'un produit antiparasitaire peut causer des dommages, même s'il n'existe pas de preuves concluantes d'une relation causale entre le produit antiparasitaire et ses effets. |
Malheureusement, vous n'en avez pas une copie devant vous, mais est-ce que, essentiellement, cela va quand même chercher ce que vous proposez?
[Traduction]
Mme Theresa McClenaghan:
En fait, la définition qui apparaît sur le document et que nous défendons est tirée du rapport de M. Caccia. Tout ce que nous avons fait aujourd'hui, c'est dire que la terre continue de tourner depuis l'an 2000. Il existe d'autres formulations. Il y a le document de consultation du gouvernement fédéral. D'ailleurs, celui-ci nous a vraiment beaucoup satisfait.
[Français]
M. André Bachand:
Donc, celle-ci ferait votre affaire, finalement. Ce serait une bonne base pour le principe de prudence.
[Traduction]
Mme Theresa McClenaghan:
Ce serait nettement mieux que ce qui est proposé dans le projet de loi C-53, même à l'unique endroit où il en est fait mention.
[Français]
M. André Bachand:
J'ai une autre question. Pourquoi ne pas immédiatement suggérer le bannissement de l'usage des pesticides à des fins esthétiques? Quelle est la retenue? Pourquoi une retenue?
[Traduction]
Mme Theresa McClenaghan:
Ce serait bien.
Je pense que c'est surtout parce qu'il faut procéder à des évaluations, élaborer des définitions et obtenir l'accord du public, plusieurs choses qui doivent arriver.
Malgré le changement radical de l'attitude du public à l'égard des pesticides, nous avons observé, au sein de notre organisation, même depuis que nous avons réalisé des études sur la santé des enfants, que les opinions diffèrent selon les endroits quant à l'utilisation des pesticides à des fins esthétiques. De plus, cela donnerait aux gens le temps de commencer à comprendre comment ils peuvent entretenir leurs pelouses et leurs jardins.
Nous faisons une distinction en disant que les nouveaux produits doivent être approuvés uniquement s'ils permettent de réduire les risques, au-delà de ce que nous disons pour le reste des pesticides. Par conséquent, nous les distinguons de deux manières. L'approbation immédiate de normes encore restrictives et l'abandon graduel d'ici deux ans.
Mme Angela Rickman:
Je tiens à dire publiquement que nous sommes contre le fait d'attendre. Nous préférerions bannir immédiatement ces produits.
[Français]
M. André Bachand:
J'ai une dernière question. Plus tôt, Mme Dover a parlé de la question des barrières non tarifaires. Est-ce que vous savez si ce serait selon les règles de l'OMC ou selon les règles de l'Accord de libre-échange nord américain entre le Canada, le Mexique et les États-Unis? Est-ce que cette crainte d'une barrière non tarifaire vient de l'OMC, ou si elle vient plutôt des ententes bipartites et tripartites que nous avons avec d'autres pays?
(1640)
[Traduction]
Mme Sarah Dover:
Je ne crains pas que le principe de précaution soit interprété comme une barrière non tarifaire. Je ne suis pas la meilleure personne pour traduire adéquatement cette préoccupation en termes flatteurs. D'après ce que j'ai compris en écoutant les personnes qui sont favorables à cette idée, les deux entités compétentes en la matière seraient l'ALENA et l'OMC.
Mme Angela Rickman:
Le problème avec le chapitre 11, ce n'est pas tant son contenu que son effet paralysant. Au lieu de se faire une idée de la situation ou de prendre des mesures pour lesquelles ils devront payer le prix plus tard, les gouvernements vont adopter des lois qui ne sont pas controversées.
[Français]
M. André Bachand:
J'ai juste un commentaire à faire là-dessus. Effectivement, il y a une différence entre les traités bipartites et tripartites, et il y a une différence avec l'OMC. Au niveau de l'OMC, je ne pense pas que nous devions avoir peur du principe de prudence parce qu'il y a des décisions qui ont été rendues, entre autres entre le Canada et l'Europe, sur certains produits que je connais très bien, et le principe de prudence a même été accepté en appel par l'OMC dans un conflit sur l'amiante opposant la France et le Canada. Mais où on peut se poser des questions, effectivement, c'est au niveau de l'Accord de libre-échange nord-américain entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Effectivement, on peut avoir des problèmes de barrières non tarifaires.
Alors, je vous invite, bien sûr, à pousser très fort, mais si une municipalité peut bannir l'usage d'un produit à des fins esthétiques et que c'est reconnu par la Cour suprême du Canada, je ne vois pas pourquoi le Canada ne pourrait pas faire de même et ensuite dire aux autres pays que c'est un principe de prudence qu'il a établi pour les gens qu'il représente.
Merci, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente:
Merci, monsieur Bachand.
Monsieur Hilstrom.
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Alliance canadienne):
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je voudrais savoir si vous réclamez une interdiction totale ou non. Je ne sais si pas le FMN a eu l'occasion de répondre à cette question. Est-ce que vous prônez une interdiction totale, ou quelque chose qui va dans le sens de ce que propose l'Association du droit?
Mme Sarah Dover:
Je vous le direz volontiers, si je ne suis pas obligée de répondre par un oui ou par un non.
M. Howard Hilstrom:
Vous pouvez dire que vous êtes pour ou contre l'interdiction, si vous voulez.
Mme Sarah Dover:
Si je vous réponds avec insolence, c'est parce que nous estimons qu'aucun risque pesant sur la santé de nos enfants ou sur l'environnement ne saurait être jugé acceptable à des fins esthétiques. Toutefois, ce qui intéresse surtout le Fonds mondial pour la nature, c'est l'utilisation agricole des produits. Si nous voulons prendre des mesures vigoureuses afin de nous attaquer au fond du problème, nous devons tenir compte du contexte agricole, des besoins des agriculteurs. Si nous voulons prendre des mesures vigoureuses en vue de réduire l'utilisation de pesticides, nous devons axer nos efforts sur le secteur agricole. Bien que nous soyons en faveur d'une interdiction, nous ne voulons pas intervenir directement dans le débat ou être perçus comme étant des ardents défenseurs de celle-ci.
M. Howard Hilstrom:
Si une interdiction totale était décrétée, l'Association canadienne du droit de l'environnement... En fait, une interdiction totale a été décrétée dans certaines municipalités. Or, il se peut que seuls quelques pouces séparent deux municipalités. La frontière existe, mais si l'une des deux utilise des pesticides, est-ce que l'autre pourra entreprendre une action en responsabilité délictuelle, par exemple, au motif que les produits utilisés contaminent son territoire? Je ne veux pas une longue réponse.
(1645)
Mme Theresa McClenaghan:
Si une personne utilise une substance ou un pesticide qui cause du tort à son voisin, celui-ci peut intenter une action en responsabilité délictuelle, sauf que ce n'est pas la solution que nous préconisons. Toutefois, comme les pesticides ne tiennent pas compte des frontières...
M. Howard Hilstrom:
C'est pour cela que je me demande ce qui arrive quand une municipalité en interdit l'utilisation et que l'autre ne le fait. Mais laissons tomber le sujet, car la discussion pourrait être très longue.
J'aimerais parler du principe de précaution, que vous définissez à la première page de votre document. Vous dites que ce principe englobe l'adoption de mesures préventives adéquates. Qu'est-ce que vous entendez par là?
Mme Theresa McClenaghan:
Comme nous l'avons indiqué dans le document de travail que nous avons remis au gouvernement fédéral, le principe de précaution n'est pas une formule, mais une façon nouvelle d'aborder le processus décisionnel. L'adoption de mesures préventives ne veut pas dire que l'homologation des produits sera toujours refusée. Il sera peut-être nécessaire de le faire dans certains cas, quand les craintes entourant les risques sont trop grandes. Il sera toutefois nécessaire, dans d'autres cas, de prendre des mesures pour éliminer la substance qui est à l'origine de cette incertitude ou qui présente un risque pour les enfants.
M. Howard Hilstrom:
Je m'excuse de vous interrompre, mais je n'ai pas beaucoup de temps et vos réponses sont assez détaillées.
Passons à un autre sujet, soit le 2,4-D, qui est considéré, si je ne m'abuse, comme un perturbateur endocrinien. Comment le principe de précaution s'appliquerait-il dans ce cas-ci? C'est un pesticide qu'on utilise beaucoup. Comme il s'agit d'un perturbateur endocrinien—ce qui semble assez grave, et je connais un peu le sujet—est-ce que son utilisation, si le principe de précaution était inclus dans le projet de loi, serait immédiatement interdite au Canada?
Mme Theresa McClenaghan:
Supposons que, et je vais répondre brièvement, d'après les données scientifiques, on ne sache pas vraiment si ce produit est un perturbateur endocrinien. Je ne sais pas s'il l'est ou non, puisque je ne suis pas une scientifique, mais supposons que les données à ce sujet soient incertaines. La réponse la plus prudente serait soit d'en interdire l'utilisation dans les cas où l'exposition au produit et les risques seraient plus grands, soit d'en interdire carrément l'utilisation, si le produit n'est pas vraiment utile. Cela fait partie du processus décisionnel. Voilà pourquoi je dis que si le produit sert essentiellement à des fins esthétiques, qu'on en retrouve dans la charge corporelle, les fluides ou les tissus, et que les scientifiques pensent qu'il pourrait constituer un perturbateur endocrinien, alors il faudrait en cesser l'utilisation.
M. Howard Hilstrom:
Nous savons que les pesticides sont utiles dans une certaine mesure, sinon, on ne les utiliserait pas. Est que le principe de précaution, s'il était appliqué, obligerait un ministre à tenir compte du ratio coûts-avantages? Par exemple, si le 2,4-D permet d'accroître la production ou d'empêcher la destruction de x pour cent de la récolte dans un champ donné, si 40 p. 100 du grain dans tel champ a été cultivé à l'aide de 2,4-D, est-ce qu'un ministre serait en mesure de dire qu'il est beaucoup plus acceptable, pour la société, de composer avec un risque d'un décès par million, que de composer avec un risque de cinq décès par million parce qu'il n'y a pas de nourriture? Comment un ministre trancherait-il?
Mme Theresa McClenaghan:
Deux choses. D'abord, la loi précise que le ministre peut tenir compte de la valeur d'un produit. Ensuite, l'analyse coûts-avantages fait partie du système traditionnel d'évaluation des risques. Nous essayons d'améliorer le système actuel en ajoutant des facteurs comme la réduction des risques, les produits de remplacement et le principe de précaution, pour éviter de prendre des décisions qui n'auront pas un effet de protection. Nous ne pouvons pas partir du principe que, si nous ne sommes pas certains de la réponse, nous n'autoriserons pas l'utilisation du produit. Il faudrait plutôt faire l'inverse.
Pour ce qui de l'utilisation agricole, nous ne sommes pas contre l'idée d'introduire cette notion dans le projet de loi. Toutefois, nous voulons réduire les risques que présente l'utilisation des pesticides à des fins agricoles.
La présidente:
Mme Dover aimerait dire quelque chose.
Mme Sarah Dover:
Je pense que le 2,4-D est un bon exemple, en ce sens que la réévaluation qui a été ordonnée en 1980 n'est toujours pas terminée. Le fait que le public ne connaisse toujours pas la position du gouvernement à l'égard de ce produit ne sert l'intérêt de personne, y compris le titulaire. Mais je pense que cela soulève une question importante pour ce qui est des mesures que le gouvernement compte prendre pour aider les agriculteurs à opérer la transition. Avoir recours aux lois pour décrire les programmes d'aide généraux n'est pas tellement judicieux, sur le plan des relations publiques.
Nous avons soumis un mémoire détaillé au comité fédéral-provincial-territorial chargé d'examiner le secteur agricole, et nous avons aussi témoigné devant le comité de M. Speller. Dans les deux cas, nous avons réclamé la mise sur pied d'un ambitieux programme de transition en faveur d'une utilisation réduite des pesticides, pour protéger la santé et l'environnement, mais surtout parce que les marchés l'exigent. Le Canada se trouve actuellement dans une situation où il est dominé par de vieux pesticides, des pesticides qui sont sur le marché depuis très longtemps. La majorité des pesticides utilisés ont été homologués dans les années 1960.
Nous devons trouver des moyens d'aider les agriculteurs à moderniser leurs pratiques, à devenir compétitifs. Nous devons, entre autres, mettre sur pied des programmes, mais aussi, par le biais de la loi, éliminer l'utilisation de produits chimiques...
(1650)
M. Howard Hilstrom:
Y a-t-il un autre produit qu'on pourrait utiliser à la place du 2,4-D?
M. Howard Hilstrom:
Il y en a un?
Mme Sarah Dover: Oui.
M. Howard Hilstrom: Comment s'appelle-t-il?
Mme Sarah Dover:
Ce n'est pas... L'analogie est la suivante. Si je suis un moniteur d'éducation physique et que vous me dites: «Je prends un produit amaigrissant. Que proposez-vous comme alternative?» Je répondrais: «Faites-vous de l'exercice? Que mangez-vous?» On discuterait ensuite du produit que vous pourriez acheter.
Vous avez eu l'occasion de rencontrer Rod MacRae, qui s'occupe d'agriculture écologique. Si vous voulez en savoir plus sur ce produit et les solutions de rechange qui existent, je peux lui demander de communiquer avec vous.
M. Howard Hilstrom: Merci, madame la présidente.
La présidente:
Merci, monsieur Hilstrom.
Il nous reste environ neuf minutes. Nous allons entendre M. Alcock, Mme Wasylycia-Leis et M. Bigras.
Monsieur Alcock, vous avez environ trois minutes.
M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.):
D'accord. Je vais faire vite.
Il y a une question qui me préoccupe. Je ne suis pas avocat, et il y a des nuances qui m'échappent. Je fais allusion au principe de précaution. S'il était inclus dans les règlements sur les permis de conduire, est-ce qu'il y a des gens qui obtiendraient un permis, compte tenu du nombre de personnes qui provoquent des accidents? Ou s'il était inclus dans la Loi électorale, est-ce que M. Hilstrom pourrait être candidat?
Pour moi, c'est dans la logique des choses. Quand vous utilisez un produit dangereux, vous êtes plus prudent.
Ce principe ne représente-t-il pas tout simplement, en droit, un critère additionnel? Ma question s'adresse aux avocats. J'ai l'impression que l'interdiction n'est pas vraiment absolue. On semble vous dire de prendre un peu plus de temps, de faire un peu plus attention, de réfléchir avant d'utiliser le produit.
Mme Theresa McClenaghan:
Vous avez tout à fait raison. La loi applique souvent le critère de la personne raisonnable. On ne peut pas donner de réponse absolue tant qu'on n'a pas examiné les circonstances particulières.
M. Reg Alcock:
Mais l'adoption de ce projet de loi n'entraînerait pas, le jour après sa promulgation, le retrait de tous ces produits du marché. Il aviserait tout simplement le ministre et les responsables du ministère qui s'occupent de la question de... J'ose espérer que c'est ce qui va se passer, mais cela leur impose un fardeau additionnel puisqu'ils doivent faire très attention quand ils prennent ces décisions. Ils doivent faire preuve de prudence.
Mme Angela Rickman:
C'est exact. À notre avis, l'absence de données scientifiques fiables ne devrait pas nous empêcher d'intervenir. Il ne faudrait pas attendre d'avoir la certitude absolue que X cause Y avant de prendre une décision.
M. Reg Alcock:
Il y a un autre problème, et j'ai posé la même question hier, même si le groupe était un peu plus subjectif—j'apprécie l'approche équilibrée que vous avez adoptée dans vos exposés—et c'est celui des avis scientifiques. Nous avons eu tendance à discréditer pendant longtemps les arguments avancés par les scientifiques dans bon nombre de ces domaines. Il est donc presque impossible de trouver des avis scientifiques publiquement acceptables sur des questions aussi controversées. De plus, la certitude absolue n'existe pas dans un cas comme celui-ci.
Mme Theresa McClenaghan:
Puis-je répondre brièvement?
Joel Tickner, de Massachusetts, l'a très bien expliqué. Il a dit que les décisions prises sous le régime du principe de précaution devaient reposer sur des données scientifiques éprouvées. C'est ce que nous avons dit. Nous avons proposé une définition. Nous avons proposé que l'expression «données scientifiques éprouvées» s'applique au principe de précaution. Vous devez tenir compte du poids de la preuve, des données scientifiques, du principe de précaution.
La présidente:
Merci, monsieur Alcock.
Madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis:
Merci, madame la présidente.
J'aimerais poser à Angela Rickman la question que j'ai posée à tout le monde, à savoir s'il y a un facteur en particulier—et je n'aime pas cette manière restrictive de voir les choses—un principe qui doit nous servir de guide pour ce qui est des changements à apporter au projet de loi?
Et cette question-ci s'adresse à Angela, puisque c'est le Sierra Club qui a suivi l'évolution du dossier, aux États-Unis, concernant le produit Dursban, et qui a demandé au ministre d'interdire l'utilisation de ce produit au Canada. Il a sûrement crié victoire il y a deux ans, ou il y a presque deux ans de cela, quand le ministre de la Santé a effectivement annoncé l'interdiction du produit. Que s'est-il passé, et pourquoi ce produit se trouve-t-il toujours sur le marché?
La question suivante s'adresse à tout le monde. Vous avez sans doute suivi les discussions du comité et constaté que nous avons de la difficulté à obtenir des renseignements précis de l'ARLA au sujet des 400 ou 500 pesticides qui ont, ou non, fait l'objet d'une évaluation. Nous ne pouvons pas obtenir de réponse. Quelle question devrait-on lui poser pour obtenir des renseignements sur les évaluations qu'elle effectue?
(1655)
Mme Angela Rickman:
Je suppose qu'on pourrait tous mentionner un facteur, comme cela, on en aurait trois. Le principe de précaution est important, mais je pense que la procédure d'approbation accélérée pour les produits de rechange moins toxiques, de même que la révocation de l'homologation de produits plus toxiques, le sont aussi.
Je pense que nous avons déjà expliqué pourquoi le principe de précaution ne figure pas dans la loi. Essentiellement, c'est la crainte que suscite le chapitre 11 de l'ALENA, surtout chez ceux qui ne sont pas nécessairement des experts en matière de santé ou d'environnement, mais qui connaissent bien les questions commerciales. À mon avis, il ne faut pas laisser aux bureaucrates spécialisés dans les questions commerciales le soin de rédiger des règlements sur l'environnement et la santé.
Pour ce qui est du produit Dursban, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire n'interdit pas les produits de façon générale. Elle laisse peut-être passer des choses au niveau de l'homologation, ou procède à des retraits volontaires, comme dans le cas de CCA. Le produit Dursban n'a pas été interdit; il a été retiré volontairement par le fabricant, qui a eu droit à un certain délai pour le faire. Je pense que celui-ci était fixé au 31 décembre 2001. Toutefois, les municipalités qui en avaient en stock ont été autorisées à utiliser le produit jusqu'à épuisement. Donc, c'est la vente, et non l'utilisation, qui a été stoppée.
Mme Judy Wasylycia-Leis:
Et la question qu'il faudrait poser?
Mme Theresa McClenaghan:
Pour ce qui est de savoir combien de produits chimiques ont été évalués ou pourquoi ils ne le sont pas plus rapidement, je ne sais pas exactement quelle question il faudrait leur poser. Pour ce qui est d'accélérer la procédure d'examen, il faudrait voir si les ressources de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire sont adéquates et s'il existe une volonté politique de fixer des délais. Je pense que l'Agence n'a pas les ressources nécessaires pour évaluer toutes ces substances, dans les délais prescrits.
Mme Angela Rickman:
Puis-je revenir à ce qu'a dit M. Alcock au sujet des scientifiques qui sont discrédités? Je ne pense pas que ce soit vrai.
M. Reg Alcock:
Ce n'est pas vous que je visais.
La présidente:
Il parlait de la société en général.
M. Reg Alcock:
Nous avons tenu beaucoup de débats sur les cellules souches, les OGM, ainsi de suite. Le problème, c'est que les données scientifiques sont perçues comme un facteur objectif dans bon nombre des décisions que nous prenons. Nous avons de plus en plus de difficulté à valider ces données, en raison de toutes les valeurs qui entourent ces questions. Je me demande si nous ne sommes pas en train de détruire la confiance que mérite cet acteur légitime de la société. Quoi qu'il en soit, c'est un raisonnement abstrait.
Mme Angela Rickman:
D'accord, parce que j'allais dire que, tout comme dans le cas de la
Loi sur les espèces en péril, les scientifiques sont mieux placés que les politiciens pour prendre de telles décisions.
M. Reg Alcock:
Je ne vous visais pas. Je tiens à ce que cela soit bien clair.
Mme Angela Rickman:
D'accord.
La présidente:
Je tiens à vous remercier d'être venus aujourd'hui et de nous avoir présenté un exposé si détaillé...
Mme Judy Wasylycia-Leis:
Sarah voudrait faire un bref commentaire.
Mme Sarah Dover:
Merci beaucoup.
La présidente:
Je vous en prie.
Mme Sarah Dover:
J'appuie le fait que les responsabilités législatives découlent de l'administration et du financement interne de l'ARLA. Par ailleurs, je vous invite à prendre en considération les modifications que nous proposons sur l'accès à l'information, parce que si le registre public nous permettra de savoir combien de pesticides sont homologués chaque année, il ne nous informera toujours pas de l'ensemble de leurs effets de façon significative. Ce que propose le projet de loi C-53 se compare à un vieil annuaire qu'on tendrait à une personne cherchant un parent qu'il n'a pas vu depuis longtemps. Les renseignements doivent nous être fournis de façon détaillée et faire l'objet de tribunes et de mécanismes auxquels nous pourrions participer de façon significative.
Avant de terminer, j'aimerais vous remercier sincèrement d'effectuer cet examen et de nous recevoir aujourd'hui. J'aimerais beaucoup revenir ici dans cinq ans pour réexaminer la question. Cela vaudrait vraiment la peine
(1700)
La présidente:
Au nom du Comité, je vous remercie beaucoup toutes les trois.
Nous ferons une courte pause pour laisser M. Caccia s'avancer.
(1700)
(1705)
La présidente:
Mesdames et messieurs, nous reprenons nos travaux. J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre invité, M. Caccia, que tous les membres du comité connaissent bien et qui a des opinions très éclairées et bien arrêtées sur l'environnement et le rôle des pesticides dans notre société.
Monsieur Caccia, vous avez la parole.
Charles Caccia (témoignage à titre personnel):
C'est un grand honneur pour moi, madame la présidente et chers collègues de tous les partis, de comparaître devant votre distingué comité aujourd'hui. Je vous en remercie.
Sans plus tarder, j'aimerais entrer au coeur du sujet en commençant par souligner les aspects constructifs du projet de loi. En premier lieu, il reconnaît la santé humaine et environnementale comme principes directeurs de la future loi. En second lieu, il prévoit que pour évaluer les risques qu'un produit présente pour la santé et l'environnement, le ministre devra désormais appliquer les marges de sécurité qui conviennent à l'égard de certains membres de la population ainsi qu'une marge de sécurité dix fois supérieure à la marge normale lorsque le produit doit être utilisé près des maisons ou des écoles.
De plus, pour fixer les limites maximales de résidus dans les aliments, la loi exigera l'application d'un facteur de sécurité additionnel de dix, ce qui constitue une amélioration phénoménale. Parmi les autres éléments constructifs, notons l'application de marges de sécurité qui conviennent à l'égard de certains membres de la population, l'application de la politique gouvernementale à la gestion des produits toxiques, soit des fameuses substances inscrites à la liste de l'annexe 1 de la LCPE, et enfin l'application de ces politiques à certaines dispositions de la LCPE.
Il y a aussi l'application du SIMDUT, des exigences du SIMDUT, grâce aux pressions intensives de certains de mes collègues qui ne sont pas ici aujourd'hui, mais qui ont comparu devant le comité de l'environnement pour l'étude du rapport sur les pesticides, je pense en particulier aux députés d'Ottawa-Ouest. Je dois aussi féliciter l'application du principe de prudence, ne fût-ce que de façon très étroite, prévu à l'article 20, et la réévaluation des produits antiparasitaires déjà sur le marché. Le projet de loi prévoit que ces produits devront faire l'objet d'un examen tous les 15 ans.
Autre disposition intéressante: il prévoit que lorsqu'un pays membre de l'OCDE interdit l'utilisation d'un pesticide, celui-ci sera soumis à un examen spécial obligatoire au Canada, ce qui représente un grand pas. C'est un progrès à tous les égards, qui ne peut être accueilli qu'avec enthousiasme.
À la lumière de mon expérience et des recommandations de notre comité, j'aimerais toutefois souligner quelques éléments à améliorer. Je suis heureux de constater la présence de Mme Kraft Sloan, vice-présidente du comité de l'environnement, qui a travaillé avec assiduité avec tous les autres membres à l'élaboration de notre rapport. Divers éléments sont énumérés ici: en voici les grandes lignes.
Pour commencer, nous déplorons vivement que le texte législatif ne confie aucun mandat législatif à l'ARLA, soit à l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. En effet, l'Agence ne semble devoir rendre de comptes à personne, sauf au ministère dont elle relève. Cela nous semble insuffisant.
De plus, le principe de substitution ne figure pas dans le projet de loi; par conséquent, il n'est pas obligatoire de retirer l'homologation des anciens produits antiparasitaires lorsque de nouveaux sont homologués.
Comme je l'ai déjà dit, l'application du principe de prudence est très étroite. Il faudrait en élargir l'application, du moins dans le préambule.
(1710)
De plus, le projet de loi ne définit pas ce que sont le risque acceptable et le risque inacceptable, qui ont pourtant fait l'objet d'un examen approfondi à notre comité. Il n'est pas obligatoire de tenir compte de l'exposition cumulative ou combinée à un produit. Le projet de loi ne laisse pas de place aux constatations scientifiques indépendantes. Les dispositions à l'égard des renseignements commerciaux confidentiels demeurent identiques à celles de la loi de 1969. Le projet de loi met l'accent uniquement sur le principe actif du produit, au détriment de toutes les autres composantes qui risquent de menacer la santé humaine. Enfin, nous avons besoin de statistiques sur les produits antiparasitaires. Je dois toutefois reconnaître le premier que cela ne doit peut-être pas faire l'objet d'une mesure législative.
Je me permets, madame la présidente et chers députés, de vous proposer quelques amendements possibles, à commencer par le rôle de l'ARLA. Chacun d'eux est présenté en détail dans le mémoire que je vous ai remis. Vous pourriez les envisager pour accroître le degré de responsabilité de l'agence envers le Parlement, par exemple, ou d'une façon plus satisfaisante que ce que propose actuellement le projet de loi.
En ce qui concerne les principes de la nouvelle loi, je suis heureux de constater que le projet de loi donne la priorité absolue à la protection de la santé humaine et qu'il reconnaît la nécessité d'insister sur le développement de produits antiparasitaires plus sûrs.
Il omet toutefois de promouvoir le recours à des stratégies de lutte antiparasitaire visant à réduire l'usage de pesticides et la dépendance envers eux et de souligner le besoin d'informer le public au sujet des pesticides et des risques qui y sont associés. Le projet de loi C-53 n'insiste pas assez sur la nécessité de réduire l'utilisation des pesticides ni ne dicte directement de sensibiliser le public. Je ne peux que vous recommander d'accorder une attention particulière à ces lacunes.
On pourrait aussi vous recommander de modifier l'article 4 du projet de loi de façon à prescrire des stratégies de lutte antiparasitaire visant à réduire l'usage et le risque des pesticides ainsi que la dépendance envers eux et à souligner la nécessité de mettre en oeuvre des programmes éducatifs sur les produits antiparasitaires.
J'en arrive au principe de prudence, un principe fondamental. En gros, ce principe nous exhorte à ne pas attendre qu'il soit trop tard pour prendre des mesures qui semblent souhaitables malgré l'absence de preuves scientifiques concluantes et suprêmes. Beaucoup d'encre a coulé sur le sujet dans les années 1970. De nombreux pays européens appliquent ce principe d'origine philosophique dans leurs lois et règlements. Cependant, c'est une notion que le secteur des affaires lorgne avec méfiance. Le projet de loi l'admet à l'article 20. Quoiqu'il en soit, son application devrait être plus étendue.
(1715)
À ce chapitre, j'aimerais vous rappeler notre expérience du plomb dans l'essence. L'interdiction du plomb dans l'essence remonte aux années 80, bien qu'elle ait été proposée dès le début des années 30, lorsque l'industrie des véhicules motorisés a commencé à prendre de l'expansion. À l'époque, il n'y avait pas suffisamment de preuves scientifiques des effets néfastes du plomb. Si le principe de prudence avait été appliqué, le plomb, dont on connaît maintenant les effets néfastes sur le développement infantile, aurait été interdit dans l'essence bien avant les années 80. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres où le principe de prudence aurait été un outil juridique utile à bien des égards.
J'aimerais également souligner l'importance du principe de substitution, dont le projet de loi ne fait aucune mention et qu'il serait bon d'inclure au libellé. J'ai pris la liberté de proposer un amendement à l'article 2 en ce sens.
Pour ce qui est de l'étiquetage, le projet de loi ne vise que les ingrédients actifs, comme je l'ai dit plus tôt, et pas les autres ingrédients susceptibles de menacer la santé humaine. Je propose donc, à la page 8 de mon mémoire, une modification à l'article 6, qui pourrait remédier à la situation.
J'en arrive aux ventes et à la tenue de répertoires. Là encore, l'article 4 laisse amplement place à des modifications utiles.
J'aimerais souligner l'importance de prendre conscience que selon une enquête de l'OCDE, seul le Canada et la Slovaquie ne recueillent pas de données sur les ventes de pesticides ni ne tiennent de répertoire de leurs utilisations contrairement aux 22 autres pays ayant participé à l'enquête. Vous vous rappelez peut-être qu'en 1999, je crois, le Commissaire à l'environnement et au développement durable a consacré un chapitre entier de son rapport aux pesticides, où il indiquait que le Canada n'était pas à même de mesurer la quantité de pesticides utilisés et rejetés dans l'environnement.
Dans son rapport, le commissaire ajoutait que ces données sont nécessaires pour surveiller les risques sur les plans de la santé, de la sécurité et de l'environnement et pour évaluer dans quelle mesure on adopte des pesticides à risque plus faible et d'autres solutions. Selon nous, la nouvelle loi devrait obliger les titulaires d'homologation à fournir en continu à l'Agence leurs données de ventes et exiger que le répertoire des ventes de pesticides soit rendu public dans le registre électronique public d'information.
Le comité de l'environnement recommande également que la nouvelle loi exige la création d'un répertoire national des utilisations de pesticides pour assurer un suivi des utilisations de pesticides désignés. Nous recommandons que le Conseil consultatif de la lutte antiparasitaire soit chargé de choisir les pesticides qui feront l'objet d'une déclaration obligatoire à ce répertoire—ce conseil se compose de gens de divers horizons. Enfin, nous recommandons que le répertoire des utilisations de pesticides soit rendu public dans le registre électronique public d'information.
Vous vous demandez pourquoi nous mettons tellement l'accent sur les données? La réponse est simple: ces données, celles sur l'utilisation de pesticides en particulier, pourraient servir à établir des liens entre l'exposition à des produits et les dommages causés à la santé humaine et à l'environnement.
(1720)
Maintenant j'aimerais attirer votre attention sur les renseignements commerciaux confidentiels. Permettez-moi de vous reporter à ce qu'on me dit être un excelent rapport de Mme Hébert, qui mérite d'être mentionné et d'être signalé à votre attention, surtout la conclusion où elle recommande de donner suite aux recommandations du comité de l'environnement concernant les renseignements commerciaux confidentiels et les résultats d'essais et d'analyses.
«En règle générale, la divulgation de renseignements commerciaux et de résultats d'essais confidentiels serait fortement restreinte aux termes de la nouvelle loi et la nature des renseignements qui seraient traités comme confidentiels correspondrait largement à la nature des renseignements actuellement visés par la Loi sur l'accès à l'information.»
Je peux vous dire que le comité a discuté fort longuement de la question, étant donné la délicatesse du sujet, bien sûr, mais ce qu'a surtout fait valoir le comité c'est que dans certains cas l'intérêt général doit prévaloir sur les intérêts personnels. À cet égard, j'estime que Mme Hébert a rendu un très grand service en faisant ressortir les problèmes et en arrivant à des conclusions utiles.
Ce projet de loi est porteur d'un grand potentiel et représente très certainement une amélioration par rapport à la législation de 1969. J'aurais toutefois tendance à dire qu'il pourrait reposer sur une prise de position ferme, de manière à assurer aux Canadiens un environnement sain et sécuritaire— meilleur qu'il ne l'est à l'heure actuelle, parce qu'il insiste trop sur la protection du produit alors qu'il devrait plutôt promouvoir et encourager la réduction de l'utilisation, de la dépendance et des risques qui y sont associés. J'espère sincèrement que les membres du comité seront en mesure de corriger ces lacunes et que les arguments que j'ai avancés aujourd'hui seront utiles.
Pourquoi accorder tant d'importance aux propositions d'amendement? La raison en est qu'on risque d'attendre peut-être encore 30 ans avant que nos successeuur aient l'occasion de modifier de nouveau la loi. Il vaut mieux apporter des amendements lorsque nous repérons les lacunes plutôt que de s'en remettre à une génération future de parlementaires. Nous avons là une occasion rêvée qu'il nous faut saisir.
La deuxième raison pour laquelle j'insiste tant là-dessus—et je terminerai là-dessus, madame la présidente—c'est qu'il n'y a pas seulement notre rapport qui traite de ce sujet. En effet, il en a été question dans un livre bleu et un livre mauve et, en 1999, comme je l'ai déjà dit, le Commissaire à l'environnement et au développement durable a examiné et analysé la question et fait des recommandations . Vous pouvez donc vous appuyer sur cet incroyable capital intellectuel avant même d'amorcer ce processus. Je crois qu'il vaut la peine de consacrer de prendre le temps et de faire l'effort d'examiner la possibilité d'apporter des amendements afin de donner aux Canadiens le meilleur projet de loi possible.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de me faire entendre.
La présidente:
Merci beaucoup, monsieur Caccia.
Nous vous sommes particulièrement reconnaissants d'avoir pris la peine d'examiner ce projet de loi, compte tenu de la vaste expérience que vous avez de questions concernant l'environnement et de l'étude sur les pesticides effectuée par votre comité. Je vous remercie plus particulièrement de ne pas vous être limité à exprimer vos pensées dans une belle prose, mais d'avoir proposé des libellés d'amendements. Cela nous est très utile. Merci beaucoup.
M. Merrifield désire vous poser une question.
M. Rob Merrifield:
Je tiens également à vous remercier.
Plus particulièrement, nous convenons tout à fait avec vous que la loi est en place depuis 33 ans et que nous devrions être prêts à apporter les amendements qui s'imposent pour bien faire les choses, le mieux possible avec la base de connaissances que nous avons. Je vous remercie de nous avoir proposé certains amendements. Nous allons nous aussi nous pencher sur certains amendements. Je crois que cette mesure législative suscite beaucoup d'intérêt parce que c'est à espérer que 33 autres années ne s'écouleront pas avant que nous examinions de nouveau la mesure législative étant donné l'évolution rapide de la technologie.
Voici ma question. Un témoin après l'autre nous a dit qu'un des plus gros problèmes e l'ARLA constitue l'un des plus gros problèmes qui se pose à l'heure actuelle c'est l'ARLA de même que son manque d'efficacité et son incapacité à s'occuper des pesticides qui sont ou seront mis sur le marché. Pourquoi est-ce si difficile de s'attaquer au manque d'efficacité et aux problèmes—je m'adresse à vous en tant que membre d'un organisme dirigeant qui est directement responsable de cela? Pouvez-vous me dire où se situe le problème et comment vous vous y prendriez pour le régler?
(1725)
M. Charles Caccia:
Si je le pouvais, je ne serais probablement pas ici.
Nous avons entendu la même plainte, bien sûr. Nous n'avons pu cerner le problème si ce n'est qu'on nous a dit que les réductions budgétaires, à l'égard de crédits qui avaient été attribuées à l'origine pour donner suite aux recommandations du livre mauve de 1994, ont été à ce point draconiennes que l'agence est devenue moins efficace, moins en mesure de remplir son mandat. On a signalé que la faiblesse de l'agence était attribuable à un financement inadéquat.
Comme vous le savez, nous avons entrepris tout un exercice de réduction du déficit et le ministère a également perdu une partie de sa capacité de fonctionnement. C'est probablement la raison pour laquelle l'agence n'a pas été en mesure de s'acquitter de ses obligations au cours des six ou sept dernières années.
M. Rob Merrifield:
Vous jetez donc le blâme sur le ministre?
M. Charles Caccia:
Non. Je blâme, si vous voulez, le gouvernement d'avoir réduit le déficit—geste que vous avez appuyé si ardemment.
M. Rob Merrifield: Pour un ministre des Finances, il y a plus d'une façon de réduire cela.
La présidente:
En 1993 c'était l'élément principal de leur programme.
M. Rob Merrifield:
Vous dites que cela est attribuable à l'insuffisance des crédits consentis au ministère.
M. Charles Caccia:
Oui ,c'est ce que j'ai dit, parce que le livre mauve exigeait—si ma mémoire est bonne—une allocation de quelque 36 millions de dollars et ce montant a été amputé des deux tiers. L'agence savait qu'elle avait certaines choses à faire. Le mandat lui avait été confié mais elle n'a pu s'en acquitter comme elle aurait dû le faire faute de fonds suffisants. C'est ce dont je me souviens.
Vous voudrez peut-être convoquer des représentants de l'ARLA pour examiner cette question.
M. Rob Merrifield:
Nous pouvons nous lancer dans toute une discussion sur l'utilisation responsable des dollars: nous pouvons parler de jets ou du projet de loi sur le contrôle des armes à feu. Mais nous ne nous donnerons pas la d'embrouiller le sujet.
Je vous remercie.
[Français]
Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.):
Monsieur le président, j'ai une courte question. Les pesticides pour usage cosmétique ne sont pas mentionnés dans le projet de loi. J'aimerais savoir si vous pensez que, justement, ils devraient être inclus dans la loi.
M. Charles Caccia:
Je suis entièrement d'accord. Comme vous le savez, notre collègue Marlene Jennings a présenté un projet de loi qui a été adopté à l'unanimité lors du dernier congrès du Parti libéral, avec un grand succès. La question de l'usage à des fins cosmétiques est probablement la question la plus proche de la population canadienne, naturellement.
Vous savez quelle a été la réponse du ministre quand il y a eu le débat à l'étape de la deuxième lecture. Il a dit que c'est la responsabilité des municipalité d'en décider, mais il me semble que c'est une responsabilité du gouvernement fédéral aussi, parce que c'est l'agence du gouvernement fédéral qui peut décider si elle permet un usage ou non, si elle permet qu'une substance entre sur le marché ou non. Cela veut dire que c'est une responsabilité partagée, et non pas seulement une responsabilité des municipalité. Mais cela veut dire que vous, comme comité, devriez décider s'il faut adopter un amendement à ce sujet. C'est le sujet le plus chaud de toute la question des pesticides.
(1730)
Mme Yolande Thibeault:
Je vous remercie.
[Traduction]
La présidente:
Madame Scherrer.
[Français]
Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.):
Merci.
Monsieur Caccia, vous avez parlé tout à l'heure de la cueillette de données. Vous avez dit qu'elle était très importante, tant au niveau de Statistique Canada et de la vente des produits antiparasitaires qu'au niveau des effets pervers qu'on pourrait noter, par exemple chez les gens qui auraient été en contact avec des produits antiparasitaires. Je trouve que c'est une excellente idée, parce que tant qu'on n'aura pas ces éléments-là, on ne sera jamais capable de démontrer qu'il y a effectivement un problème. Certains témoins sont toutefois venus nous dire que c'est difficile de recueillir ces données. Peut-être le Dr Castonguay ira-t-il dans le même sens aussi.
Qu'est-ce qu'on demande au médecin? Comment le demande-t-on au médecin? Quels sont les éléments que l'on note? Est-ce que c'est une toux, des problèmes pulmonaires, des problèmes cutanés? On ne le sait pas trop. De quelle façon croyez-vous que cela pourrait s'articuler pour que nous puissions avoir une banque de données qui nous démontrerait que l'usage ou la proximité de produits antiparasitaires a fait en sorte que des gens ont eu des problèmes?
M. Charles Caccia:
C'est une question très difficile, mais importante. Madame la présidente, je peux seulement dire que pour répondre à cette question, on devrait appeler comme témoin le Dr Fellegi, le statisticien en chef, pour déterminer comment on doit procéder afin d'obtenir de telles informations. Je voudrais porter à votre attention le fait que le Dr Fellegi est très intéressé à développer une banque d'informations sur les pesticides et d'autres substances, mais que c'est une question d'argent, une question de budget. On peut le faire, mais c'est une question trop technique pour que je puisse y répondre.
Mme Hélène Scherrer:
J'ai une autre question plus facile. Lorsque vous dites qu'il est nécessaire d'informer le public, effectivement, je pense qu'il est nécessaire d'informer le public, de le sensibiliser à l'utilisation de pesticides biologiques plutôt que chimiques.
Ne devrait-on pas faire une campagne de sensibilisation auprès du public en lui faisant carrément peur ou en lui expliquant que les pesticides sont nocifs pour la santé? Je suis persuadée que, ne serait-ce que dans ma rue ou dans ma municipalité, je vois ces camions-là se promener régulièrement. On les laisse se promener et il y a même pratiquement une campagne pour apprivoiser les gens et leur dire que ce n'est pas si terrible, que ce n'est pas si épouvantable. Pour que les gens décident d'utiliser autre chose ou pensent à utiliser autre chose, il faudrait qu'il y ait une campagne similaire à celle contre tabagisme ou encore à celle contre l'alcool au volant. Il faudrait vraiment une campagne choc. Actuellement, on ne voit pas cela. Il ne semble pas y avoir une volonté d'expliquer aux gens que c'est vraiment dangereux, qu'il y a vraiment des effets nocifs.
Est-ce que c'est parce qu'on n'a pas de données réelles et que, à ce moment-là, on risque d'être accusé de donner de mauvaises informations?
M. Charles Caccia:
Non. Il y a des municipalités qui ont fait preuve d'un leadership très fort à ce sujet: la ville de Toronto, la municipalité d'Hudson, au Québec, la municipalité d'Old Chelsea. Il y a des municipalités qui ont un programme d'information publique dans les journaux et qui ont pris le risque de prendre position sur ce sujet, mais vous avez raison, il n'y a pas d'obstacles, pour le gouvernement du Canada et le ministère de la Santé, à l'adoption d'un programme d'éducation pareil.
(1735)
Mme Hélène Scherrer:
Il faudrait peut-être commencer.
Merci, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente:
Comme je ne vois personne d'autre qui veut poser des questions, il me revient de remercier...
Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]
La présidente: Eh bien, nous ne devrions vraiment pas poursuivre étant donné l'absence de membres de l'opposition. Nous ne sommes pas censés entendre des témoins dans ce cas. Depuis à peu près six minutes je pousse en quelque sorte les règles à la limite. Je ne crois donc pas que nous devrions...
M. Reg Alcock:
Je peux m'opposer pendant un certain temps.
La présidente: Non, je veux dire de véritables membres de l'opposition pas des gens qui prétendent en être.
M. Reg Alcock: Je serais meilleur qu'eux.
La présidente: Le greffier m'a rappelé à 17 h 30 que nous avions perdu notre... Premièrement, notre réunion est censée être terminée; deuxièmement, nous n'avons plus le droit d'entendre des témoins. J'ai simplement prolongé l'interrogatoire de quelques minutes.
M. Bob Speller:
Je contesterais cela, madame la présidente.
La présidente:
Voulez-vous rester plus longtemps, monsieur Speller?
M. Bob Speller:
Non, je dis simplement que si les membres de l'opposition quittent la salle cela ne veut pas dire que nous ne pouvons entendre de témoins.
La présidente:
Au nom du comité, j'aimerais remercier M. Caccia de sa comparution et de nous avoir présenté un si bon mémoire que nous utiliserons.
La séance est levée.