HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE
COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 27 novembre 2001
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent du patrimoine canadien.
[Français]
Le Comité permanent du patrimoine canadien se réunit aujourd'hui pour poursuivre son étude de l'état du système de radiodiffusion canadien,
[Traduction]
pour poursuivre son étude de l'état du système de radiodiffusion canadien.
Pour que les choses soient claires, nous allons regrouper les témoins prévus à l'ordre du jour en trois groupes. Le premier sera composé du Fonds canadien de télévision, du Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants et de l'Initiative de programmation pour enfants de Shaw. Le second groupe sera composé de l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists, de la Guilde Canadienne des médias et la Guilde des employés de journaux Canada. Le troisième groupe se composera de l'Association canadienne de production de film et télévision et du Canadian Independent Film Caucus.
Nous allons commencer par le premier groupe.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): À titre d'information, pour que nous soyons tous bien au courant de nos règles de fonctionnement, avez-vous l'intention au cours de cette période de deux heures de donner environ 40 minutes à chacun des groupes?
Le président: C'est trois heures.
M. Jim Abbott: Excusez-moi. Alors une heure chacun.
Le président: Nous avons trois heures, donc nous aurons une heure pour le premier groupe, y compris les questions, et nous allons répartir notre temps comme cela.
Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le président, je voudrais vous demander quelque chose.
Le président: Oui.
Mme Christiane Gagnon: Vous avez reçu une lettre de moi cette semaine dans laquelle je demandais qu'un groupe soit entendu le plus tôt possible. J'aimerais vous demander pourquoi on entend seulement des groupes du Canada anglais et pourquoi les groupes francophones ne seront reçus qu'après le mois de mai.
Le président: Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une question d'anglophones et de francophones. Dans plusieurs de ces groupes, il y a des francophones. Mme Baillargeon, qui est ici aujourd'hui, n'est pas plus anglophone que francophone.
Mme Christiane Gagnon: Oui, mais je veux parler de groupes qui sont représentatifs.
Le président: On avait prévu établir un calendrier en communiquant avec tous ces groupes. On a communiqué avec tous ces groupes. C'est sûr qu'on peut demander aux recherchistes d'être plus flexibles, de communiquer avec les groupes, mais il n'y avait aucune intention de mettre les groupes anglophones d'une façon... On a communiqué avec tous les groupes et plusieurs ne voulaient pas être ici au début.
Mme Christiane Gagnon: Est-ce qu'on pourra avoir un aménagement qui nous permettra d'entendre le groupe que j'ai demandé que l'on reçoive?
Le président: Les recherchistes me disent que ce groupe était tout à fait satisfait de venir ici en mai. Si ces gens nous font eux-mêmes la demande de comparaître plus tôt, on fera des changements avec plaisir. Plusieurs de ces groupes qui étaient prévus au début se sont désistés à la fin parce qu'ils ne voulaient pas comparaître; ils n'étaient pas prêts. À la fin, cela cause tout un problème pour établir le calendrier. Mais s'ils nous font eux-mêmes la demande de comparaître plus tôt, nous les recevrons avec plaisir.
Mme Christiane Gagnon: Je l'ai fait par l'entremise d'une lettre qui doit vous être acheminée.
Le président: Ah, bon. Par eux?
Mme Christiane Gagnon: Oui.
Le président: D'accord. Aussitôt que cela va arriver, on fera le nécessaire.
[Traduction]
Le président: S'il n'y a pas d'autres questions, nous allons donner la parole aux représentants du Fonds canadien de télévision, M. Richard Stursberg, président du conseil d'administration et Mme Louise Baillargeon, vice-présidente, puis à Mme Robin Jackson, directrice exécutive du Fonds canadien du Film et de la vidéo indépendants, et enfin au représentant de l'Initiative de programmation pour enfants de Shaw, M. Alex Park, vice-président, Programmation et services éducatifs.
Monsieur Stursberg, vous voulez commencer? Comme il y a trois groupes, pourriez-vous respecter l'horaire pour que nous ayons assez de temps pour les questions?
M. Richard Stursberg (président du conseil d'administration, Fonds canadien de télévision): Merci, monsieur le président.
[Français]
J'aimerais vous présenter les gens qui m'accompagnent ce matin. Louise Baillargeon est la présidente intérimaire du fonds et responsable des opérations. Il y a aussi Janet Yale, qui est la vice-présidente du conseil d'administration et certainement la plus importante représentante du secteur privé en ce qui concerne le partenariat public-privé qui dirige le fonds.
[Traduction]
J'ai l'intention de faire mon exposé en anglais, si vous voulez bien, mais nous serons heureux de répondre en français aux questions qui seront posées en français.
Nous avons un petit texte à distribuer, et j'espère que tout le monde l'a reçu. J'ai donné mon discours au greffier. Je n'ai pas l'intention de vous le lire, ce serait trop fastidieux. J'aimerais simplement essayer de vous expliquer en gros en quoi consiste le Fonds, ce qu'il fait et pourquoi.
Disons à titre d'introduction que ce fonds est extrêmement vaste. Il consacre 230 millions de dollars par an au financement d'émissions canadiennes de télévision de toutes sortes: dramatiques, émissions jeunesse, documentaires, et arts de la scène et variétés. C'est de très loin le fonds le plus important au Canada et la source la plus importante de subventions pour les émissions de télévision canadienne.
À la première page de notre exposé, nous voyons qu'il est très important de bien comprendre ce que l'on entend par émission canadienne de télévision. Traditionnellement, on a toujours défini la télévision canadienne d'après un système de points. C'est ainsi que procède le CRTC et c'est aussi ce que fait le BCPAC, c'est-à-dire le Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens, pour certifier les émissions en rapport avec les crédits d'impôt. C'est un système en 10 points, et vous avez ici la description de chacun des points pour que vous compreniez comment le système fonctionne. Il y a de légères différences entre BCPAC et le CRTC, mais vous avez là l'essentiel. Pour être reconnue comme émission canadienne dans ce contexte, une émission doit avoir un minimum de six points. Ce n'est pas ainsi que nous procédons au Fonds. Chez nous, pour être admissible à un financement, il faut avoir la totalité des 10 points, et de plus satisfaire aux trois autres exigences dites fondamentales.
• 0915
Premièrement, le projet doit s'adresser aux Canadiens et
refléter des thèmes et des sujets canadiens. Deuxièmement, il doit
être tourné et situé principalement au Canada. Et troisièmement, il
faut que les droits originaux soient développés par des Canadiens
de façon significative et fondamentale. Tout cela constitue ce que
nous appelons les exigences fondamentales parce que nous estimons
que si l'on veut être financé par le Fonds, il faut être
distinctement Canadien. Il est clair que si l'on avait simplement
six des 10 points, il serait possible de faire des émissions qui ne
traitent pas du Canada, mais qui sont faites par des Canadiens. En
fait, les deux tiers environ de toutes les émissions du Canada
anglais sont faites de cette façon-là et on a tendance à les
appeler émissions canadiennes industrielles, par opposition aux
émissions véritablement canadiennes.
Les émissions canadiennes industrielles sont extrêmement importantes. Ce sont elles en fait qui constituent les deux tiers du total, et elles sont essentielles pour permettre aux acteurs, aux auteurs, aux cameramen et aux metteurs en scène de continuer à travailler et pour asssurer le fonctionnement de toute l'infrastructure du système. Mais le tiers qui reste, les émissions distinctement canadiennes, sont celles qui sont importantes au plan culturel, en ce sens que ce sont des émissions faites par et pour des Canadiens, au sujet des Canadiens. Je tiens donc à faire d'emblée cette distinction.
À la page suivante, la question est de savoir pourquoi nous subventionnons la production canadienne de télévision. Pour comprendre la réponse, il faut bien examiner l'économie fondamentale de la production télévisée. La situation est particulièrement évidente sur les marchés de langue anglaise, où le défi est le plus difficile. Le marché de langue française est très différent, mais je voudrais me concentrer quelques instants sur les marchés de langue anglaise.
Lorsque l'on fait—et nous ne parlons que de dramatiques pour l'instant—les plus belles émissions aux États-Unis, des émissions comme The West Wing ou ER, elles coûtent environ 2,2 millions de dollars de l'heure. Un diffuseur canadien de langue anglaise peut les acheter pour environ 100 000 $ l'épisode. Bien sûr si les Américains peuvent dépenser de telles sommes, c'est parce qu'ils ont une base de population beaucoup plus grande que le Canada anglais, de sorte que les coûts peuvent être répartis sur une base très large. Mais comme toutes les émissions sont disponibles au Canada, qu'elles soient importées par des radiodiffuseurs canadiens ou diffusées directement, les émissions canadiennes sont en concurrence avec elles. Ainsi, les émissions canadiennes doivent être au moins à peu près de la même qualité.
Généralement les émissions canadiennes rapportent de 65 000 $ à 90 000 $ pour une heure de dramatique, et comme elles sont particulières, elles se vendent très peu à l'étranger. Si c'est tout l'argent que l'on peut récolter, il n'est pas possible de faire des émissions susceptibles de concurrencer en qualité les émissions à 2,2 millions de dollars de l'heure. C'est pour cette raison que c'est subventionné. Nous subventionnons cette production jusqu'à concurrence d'environ 1 million de dollars de l'heure, et les radiodiffuseurs privés canadiens paient plus que ce qu'ils gagnent sur les émissions canadiennes anglaises. Mais il est évident que si nous ne faisions pas cela, aucune dramatique ou autre émission canadienne anglaise ne serait faite, étant donné les facteurs économiques en jeu.
• 0920
Maintenant, comment dépensons-nous l'argent? Passez à la page
3. L'année dernière, comme je l'ai dit, nous avions environ 210
millions de dollars, et cette année nous aurons à peu près 230
millions de dollars. Nous prenons 1 p. 100 de l'argent pour les
émissions en langues autochtones, et ensuite, ce qui reste est
divisé à raison d'un tiers, deux tiers, entre français et anglais.
Ceci ne reflète pas la population, c'est un peu plus favorable au
côté français. Les fonds vont uniquement à quatre genres
d'émissions. Nous ne dépensons rien pour les émissions d'actualité,
ou pour les sports, nous consacrons l'argent aux dramatiques, aux
émissions pour enfants, documentaires et aux émissions de variétés.
La petite case en dessous vous montre quels sont les pourcentages
accordés aux différents genres. Nous avons un peu changé la formule
pour l'année qui vient. Il y avait une très grande prédominance des
dramatiques, et c'est toujours le cas, mais nous avons réduit les
pourcentages alloués aux dramatiques afin de refléter les
changements survenus sur le marché. Nous avons augmenté un peu les
sommes allant aux documentaires et aux émissions enfantines.
Comment choisissons-nous les émissions qui vont être financées? Eh bien, chaque année, les producteurs présentent des demandes de fonds. Pour que ces demandes soient examinées, il doit y avoir déjà une entente avec un réseau de télévision qui accepte de diffuser la production, et il faut satisfaire aux exigences dites fondamentales, qui sont celles que j'ai mentionnées tout à l'heure, c'est-à-dire que l'émission doit être distinctement canadienne, il faut avoir 10 points sur 10, l'émission doit être filmée et située au Canada, les thèmes et les sujets doivent être canadiens. Si l'on satisfait à ces exigences et que l'on franchit ce seuil, on peut être admissible, et il y a deux programmes. Un programme intitulé le Programme de participation au capital à Téléfilm Canada, et un Programme de droits de diffusion qui simplement complète les droits de diffusion. Ils fonctionnent un peu différemment mais fondamentalement, il y a trois ou quatre éléments qui sont pris en considération, une fois passée la porte.
Premièrement, quelles sont les sommes investies par le secteur privé? Quel est le montant des droits de diffusion payés par un diffuseur? Plus le droit de diffusion est élevé, plus il y a de chance que l'émission soit subventionnée. En effet, nous voulons répartir les fonds publics au maximum, et de plus, nous voudrions des émissions aussi populaires que possible.
Deuxième critère: Est-ce une émission encore plus canadienne? Il y a une série d'autres éléments que nous appelons les éléments canadiens visibles et qui ajoutent des points.
Troisième critère: Est-ce fait par une PME, est-ce fait ailleurs qu'à Toronto et Montréal? Si c'est le cas, l'émission obtient encore des points supplémentaires.
Enfin, du côté de Téléfim, on cherche à voir dans quelle mesure il existe des éléments créatifs importants et dans quelle mesure il y a des chances de récupérer l'argent en rendant de l'argent au gouvernement grâce à des ventes à l'étranger.
Je vous fais maintenant passer à la page suivante. Quelle va être l'orientation du Fonds? Ces derniers temps—et je suis sûr que le comité va encore beaucoup entendre parler de cela—il y a eu des changements importants dans la nature du système de radiodiffusion. La nature de la demande change. Récemment, encore 40 canaux spécialisés ont été lancés au Canada anglais. Au cours des 10 dernières années, il y a eu de plus en plus de canaux spécialisés, de sorte que nous assistons au fond à une modification de la nature de la demande pour des types d'émissions particuliers. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la demande est plus grande pour les documentaires, pour les émissions consacrées aux jeunes et aux enfants, de sorte que nous avons modifié la répartition entre les gens pour correspondre à la demande.
Deuxièmement, il y a eu des regroupements importants au sein de l'industrie, que l'on appelle souvent des convergences. Les radiodiffuseurs, voulant se lancer dans la production et dans la distribution, ont acheté des compagnies de production. Des câblodistributeurs ont acheté des entreprises spécialisées, des sociétés de téléphone ont acheté des radiodiffuseurs, etc. Dans ce contexte, nous avons deux soucis. D'une part, nous voulons que le système évolue avec la nature de ces stratégies industrielles, donc nous avons changé un peu cette année pour permettre aux télédiffuseurs, pour la première fois, de distribuer des émissions de télévision. Mais en même temps, nous voulons être sûrs que les producteurs et les distributeurs de petite et moyenne importance ne soient pas perdus. Nous voulons maintenir une certaine structure industrielle dont l'écologie serait telle qu'il n'y aurait pas uniquement de gros animaux, mais toute une gamme d'animaux de taille différente, parce que nous pensons que la créativité et l'imagination du système exigent cette diversité dans les types d'animaux. Nous avons donc récemment adopté de nouvelles mesures pour aider davantage les petits producteurs et les petits distributeurs.
• 0925
Voilà donc ce que nous sommes et ce que nous faisons. Vous
voyez à la dernière page comment nous sommes structurés. C'est tout
à fait unique. Cela vous montre d'où vient l'argent. C'est-à-dire
qu'il vient essentiellement du gouvernement et des
câblodistributeurs et des entreprises de distribution par
satellite, surtout des câblodistributeurs, parce que le secteur de
distribution par satellite est encore limité. Il s'agit
principalement d'un système de taxe. Ils sont taxés à raison
d'environ 3 p. 100 par an pour le Fonds, et le montant a
considérablement augmenté au cours des dernières années. Lorsque
j'ai commencé comme président du Fonds il y a quatre ans, le
chiffre était d'environ 55 millions de dollars, il a maintenant
presque doublé. Le reste de l'argent vient du gouvernement, soit
par le biais de Téléfilm Canada, soit directement du ministère du
Patrimoine.
Le conseil qui dirige et contrôle le Fonds est unique en son genre dans le secteur culturel. C'est un conseil à la fois public et privé. Vous avez ici la composition du conseil. Les télédiffuseurs privés ont droit à quatre sièges, dont les détenteurs sont choisis par l'Association canadienne des radiodiffuseurs, les câblodistributeurs ont droit à trois sièges, etc. Le conseil dirige toutes les activités, il engage et renvoie le directeur général, et il élit son président. C'est un vrai conseil en ce sens que c'est lui qui contrôle véritablement la société. Je crois que l'on peut dire que c'est un cas pratiquement unique d'associations des secteurs public et privé, et ça a été, je pense qu'il faut aussi le dire, un succès remarquable.
Je vous remercie de votre attention.
Le président: Merci, monsieur Stursberg.
Je voudrais maintenant donner la parole à Mme Jackson.
[Français]
Mme Robin Jackson (directrice exécutive, Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants): Bonjour. Je m'appelle Robin Jackson et je suis la directrice exécutive du Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants,
[Traduction]
le Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants qui est à l'autre extrême par rapport au Fonds canadien de télévision. Notre budget annuel est de 2,1 millions de dollars par an, et de nombreux projets ne sont pas admissibles pour la télévision.
Le Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants a été incorporé en août 1991. Il se consacre à l'appui du développement de l'industrie non commerciale par la création de films, de vidéos et de projets dans le secteur des nouveaux médias favorisant l'apprentissage continu et produits par des producteurs canadiens indépendants. Le Fonds fournit un appui financier aux documentaires, films éducatifs et d'information, vidéos et projets dans le secteur des nouveaux médias ainsi qu'à des productions de formation. Ce sont des émissions destinées à la télévision didactique, à l'enseignement, de la maternelle à l'université, aux services de santé, aux bibliothèques, aux groupes communautaires, aux services culturels et sociaux, à la vidéo domestique et aux marchés des nouveaux médias.
Nous sommes financés à la fois par des fonds publics qui nous viennent de Patrimoine Canada, auquel nous sommes très reconnaissants, et par des fonds de Star Choice Communications, la compagnie de satellite de radiodiffusion directe à domicile, à laquelle nous sommes aussi extrêmement reconnaissants. Notre conseil d'administration se compose de représentants du secteur public et du secteur privé. Le ministère du Patrimoine canadien et Téléfilm sont représentés à notre conseil d'administration. Nous avons aussi un mélange intéressant de réalisateurs, de réalisateurs indépendants, de distributeurs de productions canadiennes non théâtrales et d'utilisateurs finaux, c'est-à-dire que nous avons des bibliothécaires et certains enseignants dans notre conseil.
• 0930
En 10 ans d'existence, nous avons financé 484 projets pour un
total de 9 millions de dollars. Nous avons traité 2 800 demandes.
Nous avons une gamme de productions très variée et assez
éclectique, de l'art de créer un folioscope pour enfants à des
projets sur l'esclavage des temps modernes, en passant par le Coran
et le Kosovo. La durée des projets s'est échelonnée de séquences de
six minutes à des documentaires de la longueur d'un film de
fiction. Nous avons prêté notre concours à des projets qui ont
remporté des prix prestigieux, de In the Gutter and Other Good
Places, qui a remporté le Génie du meilleur documentaire en 1994
à Made in China, qui a reçu le Prix Canada et le Prix Gémeaux en
octobre cette année en passant par À la recherche de Louis
Archambault, qui a gagné le Jutra du meilleur documentaire en
2001. L'un de nos anciens réalisateurs-producteurs, Zacharias
Kunuk, s'est mérité la Caméra d'or du Festival de Cannes de 2001.
Environ les deux tiers du financement du FCFVI sont consacrés à des projets de langue anglaise, et un tiers sert à appuyer des projets en français. Nous essayons de cibler notre financement de manière à ce qu'un cinquième de notre enveloppe pour l'anglais soit consacré à chacune des régions, la Colombie-Britannique, les Prairies, l'Ontario, le Québec et les Maritimes, incluant le Nord.
D'après une enquête réalisée par le Fonds du film et de la vidéo indépendants cet été, le profil de notre clientèle est le suivant: le facteur le plus important à souligner est que 70 p. 100 des compagnies sondées avaient des recettes de moins de 1 million de dollars. Vingt pour cent des compagnies ont des recettes de 1 à 2 millions de dollars. Vingt pour cent ont un seul employé, 22 p. 100 en ont deux et 12 p. 100 en ont trois.
Toutes les entreprises ont dit qu'elles avaient du mal à obtenir un financement pour leurs projets, et que la concurrence était féroce pour obtenir ce financement. Chacune des sociétés interrogées a parlé de difficultés de trésorerie constantes au niveau de l'entreprise elle-même aussi bien que de la réalisation de projets particuliers. La majorité des propriétaires de sociétés estimaient qu'ils consacraient une grande partie de leur temps à régler des questions administratives plutôt qu'à s'occuper du contenu créatif. Plusieurs propriétaires se sont plaint de devoir consacrer 75 p. 100 de leur temps à des questions d'administration et de financement et seulement 25 p. 100 à la création.
Les entreprises ont décrit les diverses stratégies qu'elles utilisent pour survivre. Elles ont un effectif restreint, elles engagent des pigistes en fonction des besoins, elles ont des locaux peu coûteux ou même des bureaux à la maison. La plupart du temps, elles sont propriétaires du matériel de tournage et de montage. Bien que les sociétés de films et de vidéos ne participent pas activement à la réalisation de nouveaux médias actuellement, elles se rendent compte qu'il est important de détenir les droits de leurs projets afin de pouvoir, au bon moment, modifier l'objet de leur matériel vidéo pour l'adapter aux nouveaux médias. Plusieurs réalisateurs francophones ont dit qu'ils produisaient en anglais pour élargir leur marché potentiel.
Tous les répondants ont souligné la valeur et la nécessité du capital-relations. Dans l'économie de l'Internet, le succès d'une société dépend de moins en moins des ressources internes dont elle dispose et de plus en plus des liens qu'elle établit avec ses fournisseurs et ses clients. Parmi les devises les plus importantes dont disposent les sociétés de production de toute taille figurent les liens qu'elles doivent élaborer et maintenir avec les organismes de financement, les autres réalisateurs, les banques, les distributeurs et surtout les radiodiffuseurs.
Nos clients réalisent des émissions pour des créneaux bien précis, par exemple les nouveaux canaux numériques spécialisés. Ils recherchent un financement auprès des sources non traditionnelles et ils sont prêts à combiner un vaste éventail de sources de financement pour pouvoir réaliser leurs projets. Ils recherchent les coentreprises et les coproductions pour réaliser leurs projets.
Ces producteurs ont aussi des caractéristiques personnelles particulières qui les aident à mener à bien leurs stratégies de survie, une curiosité intellectuelle tournée sur le monde, la passion de raconter des histoires, des histoires canadiennes, et dans bien des cas le désir d'améliorer le monde.
Les réalisateurs qui constituent notre clientèle sont les nouveaux réalisateurs qui vont assurer le renouveau de l'industrie canadienne du film et de la télévision. Compte tenu du contexte financier précaire dans lequel ils évoluent, il est impérieux que les programmes et l'aide du gouvernement soient maintenus, notamment le régime de contingentement du contenu canadien, le système de points et un financement de la réalisation d'émissions canadiennes.
Dans un contexte de mondialisation croissante des communications, il est essentiel au minimum de maintenir, et surtout pas d'abandonner, l'appui gouvernemental à la création d'émissions typiquement canadiennes. Ce sont ces réalisateurs qui raconteront des histoires canadiennes en y intégrant leur vision de la diversité culturelle. Grâce à ces histoires, racontées de cette manière, la trame culturelle du Canada mentionnée dans la Loi sur la radiodiffusion sera préservée.
Merci beaucoup de m'avoir consacré votre temps.
Le président: Merci beaucoup pour votre exposé.
Puis-je maintenant passer à M. Park?
M. Alex Park (vice-président, Programmation et services éducatifs, Initiative de programmation pour enfants de Shaw (SCPI)): Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Au nom du conseil d'administration de l'Initiative de programmation pour enfants Shaw et de Shaw Communications, nous vous remercions sincèrement de cette occasion que vous nous donnez ce matin de comparaître devant vous.
Depuis sa création, en avril 1994, l'Initiative de programmation pour enfants de Shaw (SCPI) a consacré des sommes importantes au développement, à la production, à l'adaptation multimédia et au contrôle des versions des meilleures émissions de jeunesse au Canada, aux fins de télédiffusion sur les réseaux privés ou publics et sur les ondes de la télévision spécialisée et payante. Des bourses pour projets spéciaux, à l'intention des projets de développement professionnel, ont aussi fourni un appui précieux à nos ressources créatrices. En tant que partenaire majeur au sein du système de radiodiffusion canadien, Shaw accepte avec plaisir la responsabilité d'assurer que nos enfants aient accès à des émissions canadiennes qui leur offrent du divertissement tout en stimulant leur créativité, leur imagination et leur capacité d'apprentissage.
Le soutien offert par Shaw à la production d'émissions pour enfants comporte trois volets principaux. Le premier est le Fonds Shaw, établi en 1994. Cet engagement de bien public de l'ordre de 10 millions de dollars visait les émissions destinées aux jeunes de 7 à 12 ans. Soixante-dix projets ont été financés par l'entremise d'une participation au revenu et 50 autres groupes se sont partagé plus de 430 000 $ sous forme de subventions et de bourses. Cet engagement s'est achevé à la fin de l'exercice 1999.
Le deuxième volet du soutien de Shaw est celui du Fonds de télévision du Dr Geoffery R. Conway. Mis en place en 1996, cet engagement de bien public de l'ordre de 17,5 millions de dollars porte sur la production d'émissions de qualité pour les enfants âgés de six ans et moins. Le financement est octroyé aux projets pour le développement, la production, les projets spéciaux, la gestion des versions en diverses langues et la gestion multimédia. Les fonds sont distribués par l'entremise d'un conseil d'administration.
En combinant les investissements consacrés par ces deux fonds, soit un engagement total de 27,5 millions de dollars, on constate que plus de 23 millions de dollars ont été engagés jusqu'à présent, répartis de la façon suivante.
Quatre-vingt-dix pour cent de ce montant a été consacré au financement par capitaux propres, 7 p. 100 sont allés aux projets spéciaux et 3 p. 100 ont été utilisés pour les prêts au développement et le contrôle des versions. Cet investissement a permis de produire 2 431 émissions d'une demi-heure diffusées sur les ondes des réseaux de télévision canadiens. Environ 4 millions de dollars restent à pourvoir dans le cadre de ce fonds de bien public.
Le troisième volet de l'engagement de Shaw dans le domaine des émissions jeunesse a été la création du Fonds de télédiffusion Shaw. Créé en 1998 sous forme de fonds de production indépendant certifié, il fournit le financement par capitaux propres nécessaire à la production d'émissions destinées aux enfants, aux adolescents et aux familles. Au cours des trois dernières années, le fonds a consacré directement 15.9 millions de dollars à la production d'émissions de télévision canadienne, ce qui représente 91 projets et plus 1 170 émissions d'une demi-heure. Jusqu'à présent, la valeur totale des budgets de production d'émissions au sein du système de radiodiffusion canadien dépasse les 300 millions de dollars. Le fonds est une entreprise sans but lucratif exploitée par un conseil d'administration indépendant.
Un coup d'oeil rapide au financement montre qu'il a été réparti jusqu'à présent de la façon suivante: 89 p. 100 des fonds ont été consacrés aux émissions dramatiques, 5 p. 100 aux émissions de variétés, 4 p. 100 aux documentaires et 2 p. 100 à des émissions de format magazine. Le financement de ce fonds priorise les projets qui promeuvent des comportements positifs, font une représentation interculturelle contemporaine, combinent l'anglais, le français ou les langues autochtones et fournissent le sous-titrage et la vidéo descriptive.
• 0940
Au cours des huit dernières années, tous les fonds appuyés par
Shaw ont consacré plus de 39 millions de dollars au financement par
capitaux et ont fourni une aide financière à plus de 380 projets.
À l'heure actuelle, dans le domaine des émissions pour enfants,
Shaw fournit jusqu'à 25 p. 100 du financement de la production par
l'entremise de ces fonds. Le Fonds de télédiffusion Shaw consacre
actuellement plus de 5 millions de dollars par année au financement
des producteurs canadiens, par le biais des ressources combinées de
Shaw Cable Systems, Star Choice Communications et EastLink
Communications.
Prenons quelques minutes pour observer de plus près trois projets spécifiques qui ont rapporté un franc succès aux producteurs canadiens. Le premier,Big Comfy Couch, entame sa neuvième saison au réseau YTV et Treehouse, et sa sixième saison à PBS aux États-Unis. Cette merveilleuse émission pour enfants figure actuellement en deuxième place parmi les émissions préscolaires diffusées par YTV/Treehouse et en quatrième place parmi les émissions préscolaires aux États-Unis. Cette réussite commerciale démontre clairement qu'il est possible, pour les producteurs canadiens, d'exporter avec succès les scénarios canadiens à d'autres marchés. Plus de 2,25 millions de jouets, 1,25 million de cassettes vidéo et 850 000 livres ont été vendus aux États-Unis en l'espace de quatre ans, ce qui a généré des ventes au détail de l'ordre de 100 millions de dollars et plus.
Un autre projet, Incredible Story Studios, s'est mérité le titre de meilleure émission jeunesse dans le cadre des Prix Gémeaux; il a aussi remporté la médaille d'argent lors du Festival international des enfants à New York et compte un auditoire de plus de 125 millions de foyers dans plus de 30 pays. Cette émission est d'ailleurs reconnue comme étant la série jeunesse la plus populaire sur le marché international. Ce sont des histoires à 100 p. 100 canadiennes réalisées par nos enfants canadiens.
Le château magique, récemment passé au réseau PBS aux États-Unis, vient tout juste de lancer un nouveau site Web interactif. Cette émission s'est classée troisième parmi toutes les émissions diffusées par Treehouse.
Les jeunes téléspectateurs canadiens sont notre grande priorité. La télévision, lorsqu'elle s'allie à l'éducation et à l'initiation aux médias, peut s'avérer une expérience à la fois positive et enrichissante. Grâce au financement des projets spéciaux du Fonds Shaw, et à la collaboration des annonceurs responsables en publicité pour enfants et de TV and Me, il a été possible d'offrir un atelier complet d'initiation aux médias et de compétences pratiques à plus de 800 éducateurs de l'Alberta, ce qui a eu des retombées sur la vie de 74 000 étudiants. Jury of Peers, présenté par le Banff Television Festival, permet de réunir des juges étudiants provenant de partout dans le monde pour évaluer et choisir les lauréats des prix du festival. Le Réseau éducation-média, quant à lui, se consacre à l'Internet et à l'éducation en matière de nouveaux médias.
Nous sommes fiers de prendre une part active au financement des émissions pour enfants et, plus particulièrement, d'apporter notre appui aux meilleures émissions d'éducation et de divertissement offertes à nos jeunes téléspectateurs. Si nous voulons susciter un intérêt pour nos scénarios et expériences canadiens, nous devons d'abord produire des émissions pour enfants de qualité qui, ultimement, permettront au système de radiodiffusion canadien de réaliser ses objectifs. Lorsque nous aurons su capter la loyauté, l'enthousiasme et l'imagination de nos jeunes téléspectateurs, nous pourrons alors compter sur leur soutien à l'égard de la télévision canadienne pour les années à venir.
Au nom des directeurs du Fonds Shaw et de Shaw Communications, je tiens à vous remercier de nous avoir donné cette occasion de nous adresser à vous ce matin.
Le président: Merci, monsieur Park.
Nous avons commencé à 9 h 10 et nous avons donc 25 minutes pour les questions à poser à ce groupe de témoins. J'espère que nous allons donc pouvoir nous en tenir à une question chacun.
Je vais commencer par Mme Hinton.
Mme Betty Hinton (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Je voudrais tout d'abord m'adresser à M. Park. Vous venez de nous lire une litanie très impressionnante. En fait, j'ai eu le plaisir de regarder Big Comfy Couch une fois avec un petit neveu, et il adore ça. Vous semblez être très indépendants, de sorte que vous ne voulez qu'un financement partiel du secteur public, le reste venant du secteur de la télévision lui-même—c'est très louable.
Mon autre commentaire s'adresse à M. Stursberg. Votre mémoire est sans doute l'un des meilleurs que j'aie jamais vus, il est très facile à lire, et je suis sûre que je vais y faire très souvent allusion au cours des prochains mois. J'aime beaucoup la présentation en particulier. Mais j'ai des questions à propos de certaines des observations qui s'y trouvent.
Vous parlez des émissions autochtones. Combien de dialectes cela comprend-il? Il y a certainement plus d'une langue autochtone.
Deuxièmement, est-ce que les membres du conseil d'administration sont rémunérés? J'aimerais savoir combien ils sont et quel est leur salaire annuel, s'ils sont payés.
Et ensuite, je passe à Robin Jackson—je vais être vraiment très brève. À moins que j'aie mal compris ce qui est dit ici, il me semble que certaines des sociétés soutenues par ce Fonds se composent d'une seule personne ou n'ont qu'un ou deux employés. Est-ce que c'est un peu un groupe d'amateurs que vous avez là?
Mme Robin Jackson: Non.
Mme Betty Hinton: Non, ce sont des producteurs. D'accord.
J'en resterai là, et je voudrais simplement avoir vos réponses, si c'est possible.
Le président: Monsieur Stursberg, voulez-vous commencer, s'il vous plaît?
M. Richard Stursberg: Bien sûr, merci beaucoup. Merci aussi du compliment.
Je serai franc avec vous, je ne sais pas combien d'émissions en différentes langues autochtones nous avons financées ou combien de langues nous avons financées, mais nous allons nous renseigner et j'enverrai une note au greffier à ce sujet.
En ce qui a trait au conseil d'administration, il y a 18 membres du conseil, qui sont sélectionnés selon la structure que j'ai expliquée tout à l'heure. Aucun d'entre eux n'est rémunéré et, comme je l'ai dit, c'est le conseil qui contrôle ses propres affaires, élit son président, son vice-président, les dirigeants de la société, et qui est responsable du choix, de l'embauche et éventuellement du renvoi du directeur général.
Le président: Madame Jackson.
Mme Robin Jackson: Pour répondre à votre question, les chiffres que j'ai cités correspondent à des personnes qui travaillent à plein temps. Parfois, elles doivent trouver un autre emploi, mais pour la plupart, ce sont des personnes qui veulent faire de la production indépendante et qui essaient de gagner leur vie à plein temps grâce aux projets qu'elles produisent.
Le président: Très bien, nous reviendrons à vous.
Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Merci, monsieur le président.
Cela nous fait plaisir de vous accueillir aujourd'hui. J'ai beaucoup de questions, mais je vais me limiter à quelques-unes.
J'aimerais avoir quelques précisions quant au Fonds canadien de télévision. Comment l'argent du FCT est-il réparti? Plus précisément, quel montant est dépensé en fonction des différentes langues: autochtone, anglaise et française? Quand on regarde les résultats quant aux types d'émissions qui sont présentées à la télévision anglaise et française, on voit que, selon le type d'émissions, dramatiques et autres, la cote d'écoute pour la télévision anglaise est de 4 p. 100. On écoute plus les séries américaines. Quant vous faites la répartition des enveloppes, est-ce que cela fait aussi partie de vos critères d'évaluation? On sait que la télévision française affiche beaucoup plus d'heures d'écoute, qu'elle est plus rentable. Il y a aussi d'autres aspects positifs, mais je ne les mentionnerai pas tous. J'aimerais que vous m'expliquiez le partage qui se fait et les critères qui sont utilisés.
M. Richard Stursberg: Je vais commencer à vous répondre, et Louise ajoutera probablement quelques remarques par la suite.
En ce qui concerne la répartition du fonds entre le Canada français et le Canada anglais, un tiers du fonds est attribué au Canada français et les deux tiers, au Canada anglais. C'est la répartition traditionnelle que nous utilisons depuis déjà longtemps, depuis la création du fonds. Il me semble qu'on utilise normalement plus ou moins les mêmes proportions pour les industries culturelles et les fonds de subventions du gouvernement fédéral.
• 0950
En ce qui concerne les marchés, comme je l'ai dit
auparavant, ce sont des marchés absolument distincts.
La nature du marché francophone est totalement
différente parce qu'il y a peu de concurrence
entre le marché francophone et celui des États-Unis.
Au Canada anglais, le problème
est plus important parce qu'il n'y a pas de barrière
linguistique qui protège le marché.
La répartition, selon le genre, du tiers de l'argent réservé au marché francophone se fait un peu différemment de la répartition qui est faite du côté anglophone. Cela reflète à la fois la situation historique et les différences entre les marchés.
Est-ce que tu voudrais ajouter quelques remarques à ce sujet, Louise?
Mme Louise Baillargeon (vice-présidente, Fonds canadien de télévision): Je n'ai pas grand-chose à ajouter. La répartition varie légèrement selon les années, selon la réflexion du marché. En général, la répartition entre les différents genres est, à quelques points de pourcentage près, à peu près la même.
Mme Christiane Gagnon: Est-il exact qu'une production du réseau anglais coûte plus cher qu'une production du réseau français? Si c'est bien le cas, pourquoi en est-il ainsi? Il me semble que les coûts de la technologie et ceux de la main-d'oeuvre sont pratiquement les mêmes. Qu'est-ce qui fait en sorte que ça coûte plus cher de tourner au Canada anglais que de tourner en français au Québec?
Mme Louise Baillargeon: On n'a pas dit que ça coûtait plus cher de tourner au Canada anglais que de tourner au Québec. On a dit que le marché anglophone connaissait une concurrence beaucoup plus importante compte tenu de sa proximité avec le plus grand marché au monde.
Mme Christiane Gagnon: Je pense qu'il s'agit de l'originalité du contenu. Si, au Québec, on avait eu le même comportement face à notre production, on n'aurait pas pris l'habitude de regarder nos téléséries. La problématique réside peut-être dans la façon de produire le contenu. Si le contenu était plus intéressant ou plus pertinent, on pourrait aller chercher une certaine clientèle. À ce moment-là, la concurrence, non seulement avec le réseau américain, mais même à l'intérieur du pays... Si on n'écoute pas ses propres émissions à la télévision, c'est peut-être parce que le produit ne correspond pas aux attentes.
Mme Louise Baillargeon: Le but du Fonds canadien de télévision est d'aider l'industrie à produire des émissions canadiennes qui ressemblent aux Canadiens et dans lesquelles les Canadiens peuvent se reconnaître. Je pense que du côté anglophone, il y a eu une progression très intéressante des cotes d'écoute par rapport aux émissions véritablement canadiennes en langue anglaise depuis le début du fonds.
M. Richard Stursberg: J'aimerais ajouter quelque chose si c'est possible.
Je veux simplement dire que, mis à part les coûts liés aux téléromans, les coûts sont plus ou moins les mêmes dans les deux marchés. Le problème est le même pour les deux marchés: il faut recouvrer les coûts. C'est difficile à faire parce que les marchés sont tellement petits. Le marché francophone est plus petit que le marché anglophone. Étant donné la petitesse des deux marchés, nous devons subventionner la production dans les deux marchés pour garantir un certain niveau de qualité à la télévision.
[Traduction]
Le président: Monsieur Mills.
M. Dennis Mills (Toronto—Danforth, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Lorsque j'ai commencé il y a 13 ans...
M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Ça fait si longtemps?
M. Dennis Mills: ...j'avais dans ma circonscription un millier de familles employées dans le secteur du cinéma. Aujourd'hui, j'ai plus de 5 000 familles qui travaillent dans cette industrie. Par conséquent les témoins qui sont là aujourd'hui ont une importance toute particulière pour moi, et j'aimerais avoir le temps d'être avec eux, de les écouter, et de faire tout ce que nous pouvons faire, à titre de comité, pour les aider à poursuivre ce magnifique essor.
• 0955
J'ai une question pour M. Stursberg. À la page 4, où vous
parlez des premiers critères, vous analysez entre autres le montant
versé par le secteur privé pour financer un projet particulier.
Comme vous le savez, actuellement, le ministère des Finances de
cette ville envisage activement de supprimer le mécanisme d'abri
fiscal qui aide ce secteur d'activité dans le prochain budget. Si
c'est le cas, je crains que cela n'ait des répercussions terribles
pour cette industrie. D'après ce que je comprends, et il faudrait
que vous me précisiez cela, une partie de la somme qui entre dans
l'équation et vous permet de donner le feu vert à un projet
provient de ce mécanisme d'abri fiscal. Est-ce exact?
M. Stursberg: Oui, c'est tout à fait juste.
M. Dennis Mills: Donc, si c'est juste, et si cette possibilité disparaissait, l'effet pourrait être désastreux sur les entreprises de production canadiennes.
M. Richard Stursberg: Oui, absolument. C'est juste.
M. Dennis Mills: J'aimerais donc que vous me disiez, monsieur Stursberg, puisque vous contrôlez un fonds de 250 millions de dollars—et vous ne seriez pas le seul touché, Mme Jackson et M. Park le seraient aussi—si vous ne croyez pas qu'il serait prudent que notre comité prenne position en disant que le ministère des Finances ne doit en aucun cas prendre dans le prochain budget une décision qui aurait des répercussions négatives sur la croissance de cette industrie?
M. Richard Stursberg: Je peux vous dire avec la plus grande certitude que...
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): C'est une question essentielle.
M. Richard Stursberg: Pour votre circonscription au Canada anglais, le Fonds finance environ un tiers des productions totales réalisées, et sur ce tiers, le Fonds est une composante importante, de même que les crédits d'impôt qui sont extrêmement importants. Pour les deux tiers restants, où le Fonds ne joue pas, les crédits d'impôt sont peut-être encore plus essentiels.
M. Dennis Mills: Exactement.
M. Richard Stursberg: Donc je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que s'il y avait une diminution importante de la valeur des crédits d'impôt, ou même s'ils disparaissaient complètement dans ce domaine, ce serait très mauvais pour la production.
M. Dennis Mills: Merci, monsieur le président.
Le président: C'est ce que vous appelez une question objective, monsieur Mills.
Des voix: Oh, oh!
Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte: Merci beaucoup, monsieur le président, et je voudrais aussi remercier tous les témoins d'être venus. Je regrette d'avoir si peu de temps pour poser des questions.
Je vais commencer par vous, monsieur Stursberg. Comme vous le savez probablement, le Comité permanent des finances a annoncé ses recommandations hier, et il recommande entre autres que le Fonds soit renouvelé sur une base permanente. Mais j'ai entendu dire que le ministre des Finances, et même le ministère des Finances, s'inquiétaient quelque peu dans la mesure où à l'origine, le Fonds était censé être temporaire, le secteur privé devrait continuer à l'alimenter, et le Fonds allait probablement disparaître. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi ce fonds devrait être permanent ou continu? C'est ma première question.
Je vois que vous ne permettez pas aux télédiffuseurs d'être des distributeurs admissibles, et je sais que cela a suscité quelques inquiétudes chez les producteurs indépendants. Est-ce que c'est cela qu'ils qualifiaient d'opérations intéressées?
Pour la troisième question, vous avez sûrement appris que la Screen Actors Guild aux États-Unis estimait qu'en fait notre Fonds aidait les productions extérieures à prospérer ici dans ce pays. Je voudrais que vous répondiez à cela pour le compte rendu.
M. Richard Stursberg: Le Fonds contribue à financer uniquement les émissions distinctement canadiennes, de sorte qu'il ne finance aucune production américaine. Elles ne satisferaient pas au premier test. En fait, comme je l'ai dit tout à l'heure, il est très difficile de vendre des émissions distinctement canadiennes à l'étranger, et c'est l'un des gros obstacles pour le financement, contrairement aux émissions industrielles, où l'on peut avoir des préventes étrangères.
Deuxièmement, pour ce qui est des radiodiffuseurs-distributeurs, certains ont craint qu'il n'y ait des opérations intéressées. Nous nous sommes donc entendus entre les producteurs et les télédiffuseurs sur une série de mesures de sauvegarde qui ont été énumérées et qui font partie intégrante des dispositions permettant aux télédiffuseurs d'agir en tant que distributeurs, afin d'être certains que toutes les opérations sont sans lien de dépendance et qu'il ne peut y avoir d'opérations intéressées.
• 1000
Par ailleurs, comme les télédiffuseurs appartiennent en
général à de grands groupes, ils disposent de ressources
financières plus vastes, et par conséquent, pour veiller à ce que
les petits distributeurs non affiliés puissent encore faire des
offres sur des projets et des biens, nous avons mis de côté 3
millions de dollars cette année et 3 millions de dollars l'année
prochaine pour mettre sur pied un programme qui leur permettra de
le faire, ce qui revient à subventionner ces offres pour garantir
que les petits distributeurs continueront à fonctionner.
Enfin, en ce qui concerne le Fonds, même si cela était l'intention initiale, je voudrais faire trois remarques.
Premièrement, le nombre total de télédiffuseurs dans le système a considérablement augmenté depuis la création du Fonds. Comme je le disais tout à l'heure, peu après la création du Fonds, on a lancé la troisième série de canaux au Canada anglais, et plus récemment, il y a deux mois à peine, nous avons vu le lancement de 40 autres canaux, et il y a eu des lancements parallèles de nouveaux canaux au Canada français.
Deuxièmement, il est vrai de dire que les coûts ont considérablement augmenté, en tout cas pour les émissions dramatiques. En fait, au Fonds, nous avons augmenté le maximum d'argent pouvant être consacré à une production dramatique afin de refléter les changements dans la structure de coûts, de sorte que les émissions canadiennes puissent avoir au moins une petite chance d'avoir le même niveau de qualité à l'écran.
Enfin, nous avons, durant l'établissement de ce Fonds, augmenté énormément la demande, les télédiffuseurs et le public demandant tous davantage de produits.
Ainsi, pour ces trois raisons, je trouve qu'il ne serait vraiment pas judicieux de retirer maintenant le financement gouvernemental. On peut dire que celui-ci a été extrêmement important pour accomplir justement ce qui était décrit tout à l'heure, c'est-à-dire pour réaliser les objectifs culturels aussi bien qu'industriels.
Le président: Madame Lill, et ensuite monsieur McNally.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci d'être venus.
Notre objectif est de garantir la création d'émissions canadiennes pour renforcer l'identité nationale, grâce à un système de radiodiffusion à la fois public, privé et communautaire. Je suis absolument favorable au soutien public des arts et vous voyez donc que ma position est claire.
Je m'inquiète beaucoup de certains chiffres donnés par la Writers Guild of Canada, qui représente ceux qui créent les émissions canadiennes dans notre pays. Apparemment, il y a eu au cours des trois dernières années un déclin dans les séries dramatiques locales, aussi bien d'une heure que d'une demi-heure, et les chiffres ne sont pas plus hauts même en 1999. Il y a eu 12 heures de dramatiques canadiennes en 1999, et cette année il y en a cinq heures.
Avec le système des six points sur 10 utilisé par le CRTC et le BCPAC, les projets peuvent satisfaire aux exigences de contenu canadien en faisant appel à des réalisateurs canadiens qui sont libres de faire appel à des auteurs non canadiens comme scénaristes. Vingt pour cent des contrats portant sur l'écriture des scénarios des séries d'exportation sont allés à des citoyens canadiens résidant au Canada, le reste part à l'étranger, car il s'agit d'auteurs américains. C'est quelque chose qui me décourage. Nous consacrons des sommes énormes—vous parlez de 200 millions de dollars au FCT—mais ce ne sont pas les scénaristes canadiens qui écrivent les dramatiques. Nous ne voyons pas le contenu canadien dont Sheila Copps parle tout le temps, je crois. Elle dit que nous devons raconter nos propres histoires. Eh bien, où sont les auteurs qui racontent les histoires?
Voici une dernière remarque que j'ai eue de la Writers Guild concerne le Centre canadien du film. C'est notre première école de cinéma, elle forme des scénaristes, mais d'après ce qu'ils disent, il n'y a pas de travail. C'est ce que dit l'organisation qui représente les scénaristes. Les scénaristes américains font six émissions canadiennes sur 10. Nous avons donc là un gros problème que nous tenons à résoudre et nous voulons être sûrs de l'aborder dans notre étude. J'aimerais avoir votre avis sur ce point.
M. Richard Stursberg: Avec plaisir. Je pense que cela remonte à une question que j'ai abordée au début de mon exposé. Quand les gens parlent d'émissions canadiennes, ils peuvent parler de deux choses différentes. Ils peuvent parler des émissions canadiennes qui répondent aux critères du CRTC et du BCPAC, c'est-à-dire un minimum de six points sur 10. Vous avez cela sur la première page du texte. Comme vous le voyez, les scénaristes n'ont que deux points, donc on peut facilement faire une émission canadienne sans scénariste canadien en respectant quand même les critères du CRTC et du BCPAC.
• 1005
Dans le cas du Fonds, ça ne peut pas arriver. Pour que le
Fonds finance quelque chose, il faut que le scénario soit canadien.
En fait, nous sommes allés un peu plus loin récemment à cet égard.
Nous donnions auparavant des points supplémentaires si l'histoire
s'inspirait d'un roman ou d'un livre canadien, et maintenant si
c'est un scénario canadien original rédigé par un scénariste
canadien, ils ont aussi des points supplémentaires.
Je pense qu'il y a une question plus importante. Il y a un décalage, car nous avons d'un côté le CRTC avec un système, et de l'autre le Fonds canadien de télévision avec un autre. Récemment, il y a environ deux ans, le Conseil a modifié les règles et nous nous sommes demandés si cela ne risquait pas d'affaiblir la demande d'émissions dramatiques, notamment au Canada anglais, pas au Canada français. Les conditions économiques de ces nouvelles règles étaient telles qu'il valait mieux s'abstenir dans la plupart des circonstances de réaliser des dramatiques comme on le faisait auparavant, sans parler de réaliser des dramatiques typiquement canadiennes. En fait, on peut dire que l'on a constaté un certain recul de la demande de dramatiques en anglais au cours des deux dernières années. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous avons réorienté les enveloppes de manière à diminuer la quantité d'argent consacrée aux dramatiques et à augmenter le financement des documentaires et des émissions pour enfants, comme je vous l'expliquais tout à l'heure.
Il est absolument essentiel pour nous de bien synchroniser ces deux aspects. Comprenez-moi bien. Je pense qu'il est extrêmement important de réaliser des émissions canadiennes industrielles, et qu'il faut le faire. Les émissions typiquement canadiennes sont aussi extrêmement importantes, mais tout le problème est de trouver le bon équilibre entre les règles du Conseil et les règles du Fonds tant sur le plan culturel que sur le plan industriel.
Le président: Monsieur McNally.
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, PC/RD): Merci, monsieur le président.
Monsieur Park, je vais devoir vous avouer que je ne connais pas très bien les émissions. Je vous félicite de votre succès. Pouvez-vous me dire si les émissions qui réussissent aussi bien dans les pays étrangers sont des histoires canadiennes?
M. Alex Park: Oui, tout à fait, surtout dans le cas de Incredible Story Studios. C'est un projet très intéressant où les histoires rédigées et créées viennent en fait des discussions des réalisateurs avec des élèves des écoles à travers tout le pays. Ils vont les rencontrer et nous finançons des ateliers où les scénaristes et les réalisateurs rencontrent des élèves dans les écoles. Les histoires qui en résultent viennent en fait directement de ces élèves. C'est donc vraiment un projet qui touche la base.
M. Grant McNally: Donc, nous réussissons bien à vendre des histoires canadiennes avec un minimum de subventions et un maximum de succès à l'étranger, ce qui à mon avis contredit totalement l'argument de M. Stursberg selon lequel nous aurions besoin de plus de subventions pour concurrencer les dramatiques américaines. Au fond, ma question est de savoir comment nous pourrions reprendre ce même modèle dans le contexte des dramatiques canadiennes pour avoir de meilleurs résultats sur les marchés internationaux.
M. Richard Stursberg: En fait, ce sont de genres très distincts. Dans bien des cas, les émissions pour enfants, surtout pour les tout petits enfants, se situent dans un contexte non spécifique qui est très facile à exporter. On peut dire effectivement que les réalisateurs canadiens d'émissions pour enfants réussissent très bien sur le plan international.
Ce n'est pas le cas pour les dramatiques canadiennes car le Fonds exige qu'elles soient typiquement canadiennes. Naturellement, si elles sont typiquement canadiennes, il n'est pas étonnant que les étrangers s'y intéressent moins. Mais cela n'est vrai que pour le tiers des dramatiques canadiennes réalisées grâce au financement du Fonds, comme je vous l'ai expliqué. Une bonne partie des deux autres tiers, les productions à caractère industriel, s'exportent très bien et se vendent à l'étranger, et d'ailleurs elles sont souvent financées grâce aux préventes à l'étranger. Ce sont les six points sur 10 dont je vous parlais tout à l'heure. Les productions industrielles marchent bien, et elles sont conçues comme cela.
• 1010
Pour ce qui est des productions typiquement canadiennes, il y
a vraiment une certaine tension. Si vous dites que vous voulez
absolument refléter le Canada, vous dites automatiquement que vous
réduisez les possibilités de vente à l'étranger. Et à l'inverse, si
vous voulez maximiser les possibilités de vente à l'étranger, vous
rendez forcément votre produit plus anodin.
M. Grant McNally: J'ai une dernière question, monsieur le président, car je voudrais remettre en question ce postulat selon lequel, dans ce...
Mme Louise Baillargeon: Puis-je répondre...?
M. Grant McNally: Non, je vais d'abord poser ma question et ensuite vous pourrez répondre.
Mme Louise Baillargeon: Mais, c'est simplement à propos de...
M. Grant McNally: Juste une question, et ensuite vous pourrez répondre.
Je voudrais contester quelque peu ce postulat car je pense qu'il y a, plus que jamais auparavant peut-être, des spectateurs sur le marché international qui regardent des émissions de haute qualité. Vous n'êtes pas d'accord avec moi. Si nous devons continuer à financer massivement une émission qui a du mal à concurrencer des émissions américaines qui bénéficient d'un appui énorme, je vous demanderais de nous donner de bonnes raisons de le faire.
M. Richard Stursberg: Je vais commencer, et Louise pourra ajouter ses commentaires.
Premièrement, je pense que c'est un malentendu de croire que les Américains importent beaucoup de produits culturels étrangers. C'est faux. Peu importe que l'on parle d'émissions françaises, italiennes, grecques, canadiennes ou turques, ils ne regardent pas d'émissions télévisées étrangères, ils ne regardent pas de films étrangers. Le marché américain est le marché le plus important et le plus naturel pour les produits en langue anglaise en provenance du Canada, parce que nous parlons une langue semblable. Disons que le marché américain a une vision assez nombriliste de ses produits de commercialisation de masse. C'est pourquoi, si vous voulez pénétrer ce marché, vous devez souvent réaliser des émissions à caractère plus industriel qui ont l'air d'être situées aux États-Unis ou dans un espace de science fiction totalement chimérique. C'est un premier point.
La deuxième chose, c'est qu'on voit les ventes internationales d'émissions dramatiques s'effondrer depuis deux ans en dehors du marché américain. Il y a plusieurs raisons à cela, mais il est de plus en plus difficile de vendre ces émissions à l'étranger.
Louise, vous voulez ajouter quelque chose?
Mme Louise Baillargeon: Je voudrais simplement dire que comme la plupart des émissions sont financées par Shaw, nous sommes très heureux de participer aussi au montage financier des émissions. Shaw n'est pas la seule entreprise à s'occuper de financement d'émissions pour les enfants, nous sommes là aussi.
M. Richard Stursberg: Je crois que nous participons à peu près à toutes, n'est-ce pas, Alex?
M. Alex Park: Oui, et je pense aussi que 90 à 95 p. 100 des projets reçoivent un financement quelconque du FCT.
J'aimerais ajouter une autre remarque à propos des émissions pour enfants, car c'est un genre bien particulier et il y a des choses qui se passent dans ces émissions pour enfants et dans la façon dont on les programme qui permettent de les vendre de façon beaucoup plus efficace sur les marchés internationaux. Par exemple, prenez la quantité d'émissions d'animation que nous réalisons actuellement au Canada. Nous sommes une des meilleures industries de réalisations de films d'animation au monde. C'est un produit qui circule très bien à l'échelle internationale car il est assez facile à doubler et les histoires s'exportent très bien. Donc, ce succès s'explique simplement par le contenu et le type de production. Et c'est un secteur qui progresse énormément, toutes ces émissions d'animation pour les enfants.
Le président: Je vais terminer avec quelques brèves questions de M. Harvard et M. Bonwick.
M. John Harvard: Je n'ai qu'une question à poser, à M. Park.
Monsieur Park, vous avez dit dans votre exposé que le financement de votre fonds priorisait les projets qui promeuvent des comportements positifs et font une représentation interculturelle contemporaine. J'aimerais savoir comment vous mesurez votre succès. Autrement dit, sommes-nous en train d'élever une génération totalement différente d'enfants grâce à vos émissions?
M. Alex Park: Deux des principaux critères des deux fonds, le Fonds de télédiffusion Shaw et le Fonds de télévision du Dr Geoffrey R. Conway, sont très clairement exposés dans nos directives de financement des projets. Nous disons clairement que nous ne financerons pas de projets dont les personnages ou l'histoire ne sont pas des modèles de comportement positif. Je vous le répète, notre conseil d'administration indépendant examine de très près des choses aussi simples que les motivations qui poussent un protagoniste dans une histoire à faire telle ou telle chose. Quelles sont ses motivations, et sont-elles pertinentes? Sont-elles acceptables du point de vue des stéréotypes sexuels ou de la violence?
• 1015
Nous sommes convaincus que les deux principaux fonds Shaw se
concentrent actuellement sur des émissions qui touchent d'une
manière très particulière les enfants et les familles du Canada, et
notre conseil d'administration prend grand soin de sélectionner des
scénarios ou des productions qui vont clairement porter ces valeurs
à l'écran.
M. John Harvard: Monsieur le président, peut-être pourrais-je poser une question assez semblable à M. Stursberg. Je ne veux pas être négatif, mais en entendant M. Park, j'ai l'impression qu'on évalue ce résultat avant même que l'émission soit diffusée. J'aimerais bien avoir une idée des retombées sur les enfants après qu'ils aient regardé ces émissions pendant plusieurs années. Que dites-vous de cela, monsieur Stursberg?
M. Richard Stursberg: Nous ne nous occupons pas de ce genre de décisions ou de mesures. En gros, c'est le radiodiffuseur qui déclenche l'intervention du Fonds. Un réalisateur a un projet et le soumet au radiodiffuseur; celui-ci lui répond oui, j'accepte ce projet, je paie les droits de licence pour vous; et ensuite il s'adresse au Fonds. Donc nous ne portons pas de jugement sur le contenu de ces produits, nous laissons cela au radiodiffuseur.
Le président: Monsieur Bonwick.
M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): J'ai une question pour M. Stursberg, et ensuite je reviendrai à M. Park.
Monsieur Stursberg, est-ce que dans ce secteur on vous demande de modifier la structure de votre formule de financement pour mieux répondre aux désirs du secteur, par exemple d'accepter des formes de service en nature plutôt que de l'argent, des choses qui passeraient mieux dans le secteur privé?
Monsieur Park, j'ai bien apprécié votre exposé et je tiens à vous remercier de l'engagement que manifeste votre organisation. Votre formule de financement comporte-t-elle des conditions, c'est-à-dire est-ce que vous imposez que Shaw ou une de ses filiales soit utilisée comme mécanisme de présentation de ses émissions pour enfants?
Enfin, madame Jackson, contrôlez-vous le succès de votre financement, par exemple quand vous parlez d'entreprises qui n'emploient qu'une ou deux personnes? Avez-vous un moyen de savoir si ces entreprises ont un certain succès financier ou même une expansion sur le plan de leurs effectifs, si elles se développent?
M. Richard Stursberg: On nous demande sans arrêt d'intégrer des éléments accessoires dans le montage financier, et notre réponse est non. Ce doit être uniquement de l'argent.
Deuxièmement, nous essayons, comme je vous l'ai dit au début, de structurer nos décisions de façon à attirer au maximum des fonds privés pour chaque production. Nous cherchons à le faire pour plusieurs raisons, notamment nous pensons que c'est un bon critère d'évaluation du marché, une façon de voir si les gens y croient vraiment.
M. Paul Bonwick: Vous n'avez peut-être pas bien compris ma question. Je ne parlais pas d'éléments accessoires.
M. Richard Stursberg: Bon.
M. Paul Bonwick: J'ai simplement voulu prendre un exemple. Ce que je voulais savoir, c'est si dans ce secteur on vous adresse beaucoup de demandes ou suggestions de modification de votre formule de financement.
M. Richard Stursberg: Oui, bien sûr. Nous recevons constamment des millions de demandes.
M. Paul Bonwick: Y en a-t-il une qui pourrait nous être utile?
M. Richard Stursberg: Oui, certainement. On nous demande souvent de modifier les structures d'un type d'émission. Les producteurs de documentaires souhaitent avoir plus d'argent pour leurs documentaires que les producteurs d'émissions dramatiques. Nous avons eu des discussions sur le traitement de l'interactivité et nous avons aussi fait certaines modifications pour permettre à des personnes d'inclure un site Web dans une production, à condition que ce ne soit pas uniquement à des fins de promotion, mais que ce soit intégré à l'histoire. On nous fait des suggestions sur notre structure financière, sur tous les aspects de cette structure, notre façon de l'envisager ou de la calculer. On nous propose de modifier la définition des types d'émissions.
Nous sommes constamment noyés de ce genre de propositions, et nous y répondons en refaisant chaque année les lignes directrices du fonctionnement du Fonds. Nous essayons de faire deux choses. D'une part, nous faisons le bilan de ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné l'année précédente, et d'autre part nous faisons le point de ce que nous ont dit les représentants du secteur. À partir de là, nous essayons d'apporter des modifications raisonnables en fonction des circonstances.
Le président: Madame Jackson, je crois qu'on vous a posé une question.
Mme Robin Jackson: Notre contrat stipule que pendant deux ans après la fin d'une émission, le producteur doit nous présenter un rapport indiquant les recettes de distribution et le nombre de copies distribuées, ainsi que les prix gagnés, parce que c'est toujours un facteur très significatif.
Pour ce qui est de la croissance des entreprises, non; on en est à 50 p. 100 du personnel maintenant, et c'est très difficile. Nous avons fait cet été une enquête sur les tendances de croissance, que nous vous avons communiquée, mais nous ne pouvons pas le faire de façon régulière. Je sais que vous ne voulez pas entrer dans ces détails, mais il est difficile pour les petites entreprises de faire le saut vers un autre domaine. C'est tout un autre sujet de discussion. Essayer de passer de petit à un peu moins petit, c'est très difficile.
Le président: Monsieur Park, rapidement.
M. Alex Park: Je voulais simplement répondre à la question.
Lorsque l'on regard le Fonds du Dr Geoffrey R. Conway, on voit qu'il s'agit essentiellement d'émissions pour les enfants d'âge préscolaire. Donc il est clair que nous finançons des projets avec tous les télédiffuseurs qui font de la production et de la distribution d'émissions pour enfants dans ce genre particulier. Si on regarde le système de radiodiffusion canadien, dans de nombreux cas, cela est limité simplement par le nombre de stations de télévision autorisées à diffuser ce genre d'émissions. Je ne dirai pas que c'est une majorité, mais un certain nombre des programmes que nous finançons passent sur différents canaux. Dans de nombreux cas, c'est YTV et Treehouse, parce qu'ils ont la licence voulue pour diffuser, produire et distribuer des émissions pour enfants.
Pour ce qui est du Fonds de télédiffusion Shaw, nous finançons des émissions et des projets pour toutes les licences de radiodiffusion et les spécialités canadiennes. Notre seul désir serait d'être inondés de demandes de financement pour la production d'émissions pour enfants dans ce pays. Elles pourraient venir de n'importe quel segment de l'industrie de la télédiffusion canadienne, nous les accueillerions avec plaisir.
M. Dennis Mills: Monsieur le président, un rappel au Règlement; je me demande si à la lumière du témoignage que nous avons entendu ce matin, nous pourrions présenter une motion suggérant que vous écriviez une lettre au ministre des Finances pour lui demander instamment de maintenir le statu quo pour tous les instruments qui touchent ce secteur tant que notre étude n'est pas terminée. Je me demande si quelqu'un aurait une objection à cela.
Le président: Monsieur Mills, il nous faut le consentement unanime maintenant pour étudier cette motion aujourd'hui. Est-ce ce que vous demandez?
M. Dennis Mills: Eh bien, si nous n'avons pas le consentement unanime, je vais donner le préavis de 48 heures, et nous pourrons l'étudier ensuite.
Le président: Très bien.
Avons-nous un consentement unanime pour étudier cette question aujourd'hui, ou les membres préfèrent-ils avoir le temps habituel?
M. Dennis Mills: Nous n'avons plus beaucoup de temps.
Le président: Monsieur Bonwick.
M. Paul Bonwick: Sauf votre respect, monsieur le président, je crois que nous ne respectons pas notre ordre du jour maintenant. La proposition de M. Mills peut faire l'objet d'un long débat. Nous demandons que le ministre veuille bien ne rien toucher à ce qui touche le patrimoine parce que le comité s'est chargé d'une certaine responsabilité. Eh bien, tous les comités pourraient faire de même et l'empêcher de faire quoi que ce soit. Je pense qu'il faudrait un long débat pour savoir si ce serait l'orientation à suivre. Personnellement, je ne pourrais pas appuyer cette proposition, avec un préavis de 30 secondes.
Le président: Les choses sont claires.
M. Dennis Mills: Monsieur le président, pour préciser la situation, les membres du comité devraient savoir que le ministère des Finances menace actuellement de supprimer les abris fiscaux dont bénéficient 80 p. 100 de l'industrie cinématographique au Canada. Je trouve que nous devrions savoir que si nous ne prenons pas position clairement pour défendre les droits de ce secteur, il risque de beaucoup souffrir. Nous pouvons en discuter à un autre moment, mais tout le monde devrait savoir que le 10 décembre, si cela se produit, nous allons avoir un choc terrible.
Merci.
Le président: Madame Lill—nous ne voulons pas avoir de long débat maintenant.
Mme Wendy Lill: Non.
Le président: Nous avons...
Mme Wendy Lill: En fait, il s'agit d'une autre question. Je suis désolée. Je voudrais que le député puisse finir, et je dirai quelque chose ensuite.
Le président: Eh bien, je crois qu'il a terminé.
Mme Wendy Lill: C'est une demande que je voudrais présenter au FCT. Je m'inquiète de voir qu'il y a un recul des dramatiques canadiennes. J'aimerais voir s'il est possible de suivre cela. J'aimerais que vous nous donniez des chiffres indiquant la part de votre fonds de 200 millions de dollars qui est consacrée à ces heures de dramatiques canadiennes et que vous nous disiez pourquoi nous n'avons pas plus que cinq heures de dramatiques canadiennes cette année.
M. Richard Stursberg: Je peux vous donner le montant exact.
Le président: Nous n'avons pas le temps maintenant. Vous pourriez simplement donner les chiffres au comité par l'entremise du greffier. Est-ce possible?
M. Richard Stursberg: Bien sûr.
Le président: Parce que nous n'avons pas le temps maintenant. Donc si par hasard...
M. Richard Stursberg: J'allais dire que c'est ici même à la page 3.
Le président: Est-ce que ça vous convient, madame Lill?
M. Richard Stursberg: Je rédigerai des explications et nous enverrons ces précisions au greffier.
Le président: Oui, très bien.
En ce qui a trait à la motion que M. Mills voulait proposer, avons-nous le consentement unanime pour examiner cette motion tout de suite, ou les membres du comité préféreraient-ils avoir les 48 heures habituelles avant d'en débattre? Quelle est votre préférence? Continuons. Avons-nous le consentement unanime?
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Non, monsieur le président. On revient cet après-midi et on pourrait peut-être en discuter.
Le président: On ne pourra pas en discuter cet après-midi parce que la réunion est consacrée aux prévisions budgétaires.
Mme Christiane Gagnon: Quand la majorité présente une motion ici, elle est automatiquement adoptée.
Le président: Non, non, madame Gagnon. J'expliquais que vous avez le droit de demander qu'on respecte le délai de 48 heures. Si vous ne donnez pas votre consentement, il y aura un délai de 48 heures.
Mme Christiane Gagnon: D'accord, je préfère avoir un délai de 48 heures.
Le président: D'accord.
[Traduction]
Monsieur Mills, ce sera débattu.
Je voudrais remercier le panel d'avoir comparu. Vous nous avez été extrêmement utile. Merci.
J'appelle maintenant les représentants de l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists (ACTRA), la Guilde canadienne des médias, et la Guilde des employés de journaux du Canada. M. Gary Neil est conseiller en politique pour l'ACTRA.
[Français]
Mme Lise Lareau est la présidente du Canadian Media Guild et M. Arnold Amber est le directeur du Newspaper Guild of Canada.
[Traduction]
Monsieur Neil, la parole est à vous.
M. Gary Neil (conseiller en politique, Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists): Merci beaucoup, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres de ce comité.
Je suis très heureux d'être ici au nom de l'ACTRA. L'ACTRA est un syndicat qui représente les artistes professionnels, 18 000 membres qui travaillent dans le cinéma, la télévision, les enregistrements sonores, et d'autres émissions qui distraient, éduquent et informent les Canadiens et le public international. Les membres d'ACTRA se trouvent dans toutes les provinces du pays, dans toutes les régions et travaillent essentiellement en langue anglaise.
Nous sommes enchantés d'être ici aujourd'hui, et nous savons que le comité a choisi un bon moment pour effectuer ce travail, mais nous partageons certaines inquiétudes quant à l'urgence des décisions qui s'imposent, parce que de nouvelles tendances apparaissent dans cette industrie qui sont très inquiétantes, et que je vais décrire dans un instant, et je crois qu'il est bon que le comité entreprenne rapidement son examen du système de télédiffusion.
• 1030
Nous voyons que vous devez examiner un grand nombre de
questions: la technologie, la convergence, les types de propriété,
les règles et règlements du CRTC, la Loi sur la radiodiffusion,
etc. L'ACTRA est bien sûre prête à travailler avec vous sur toutes
ces questions mais aujourd'hui je voudrais faire trois
observations, si vous me le permettez. Tout d'abord, je veux parler
des tendances dans la production. Je remercie M. Stursberg d'avoir
soulevé avec beaucoup de délicatesse certaines des questions sur
lesquelles je vais revenir moi-même d'une façon peut-être plus
directe.
La production étrangère au Canada en anglais entre 1999 et 2000 a augmenté d'environ 35 p. 100. L'augmentation annuelle moyenne de cette production a été de plus de 8 p. 100 pratiquement pendant les 10 dernières années. La production d'émissions ayant un contenu canadien en anglais a baissé de près de 11 p. 100 entre 1999 et 2000 et la chute continue. En termes absolus, les émissions faites à l'étranger représentaient approximativement 1,5 milliard de dollars pour l'exercice se terminant le 31 mars 2000. Les émissions à forte teneur canadienne en anglais n'étaient qu'à 1,2 milliard de dollars. Bien sûr—et c'est aussi ce que disait M. Stursberg—certaines des productions qu'on présente comme ayant une forte teneur canadienne, une partie de ces oeuvres représentant 1,2 milliard de dollars, sont en fait des émissions faites ailleurs et déguisées en émissions canadiennes. Avec le système exigeant six points sur 10, certaines productions peuvent facilement atteindre ce niveau et donc se qualifier comme émissions canadiennes pour obtenir les avantages nécessaires et la reconnaissance du CRTC, mais en fait, tous ceux qui connaissent bien l'industrie savent qu'elles viennent du sud de la frontière aussi bien au plan créatif que financier. Donc les véritables chiffres et le véritable équilibre entre les oeuvres authentiquement canadiennes d'une part et les oeuvres faites ailleurs de l'autre sont en fait très différents de ce que l'on pourrait penser à première vue.
Mais ce qui est plus inquiétant, c'est la ligne de tendances—et c'est de ce point de vue que l'observation de Mme Lill me paraît très importante. Nos collègues de la Writers Guild of Canada se comparent aux canaris dans les mines, parce que leur travail d'aujourd'hui correspond à ce que sera celui des membres de l'ACTRA l'année prochaine ou l'année d'après. Leurs membres travaillent actuellement sur un nombre beaucoup plus limité de productions dramatiques qu'il y a deux ans. Donc le déclin de la production que nous constatons déjà ne fait que se poursuivre.
Maintenant je voudrais dire quelques mots au sujet des dramatiques. Les dramatiques sont les émissions les plus importantes au plan culturel. Ce sont les émissions de télévision les plus regardées, la forme la plus significative culturellement de la télévision, et c'est un domaine d'une importance vitale pour les membres de l'ACTRA, même si ceux-ci travaillent dans tous les genres de production. Donc lorsque Richard Stursberg explique comment le Fonds a réduit ses engagements à l'égard de la production dramatique à la suite des changements du marché, c'est une déclaration très significative, qui souligne bien le déclin manifeste de la production dramatique.
Alors, que faisons-nous pour remédier à cela? Pour l'ACTRA, il y a deux éléments. Tout d'abord, il faut une aide publique continue pour la production à teneur canadienne. Deuxièmement, nous pensons qu'il est temps de passer à un système dans lequel nous redéfinissons ce que l'on entend par émission canadienne pour dire que ce sont des émissions qui ont été produites, créées, écrites, jouées et dirigées par des Canadiens. D'après l'ACTRA, le thème ne doit pas être nécessairement canadien—les Canadiens devraient pouvoir raconter les histoires qu'ils ont envie de raconter—mais il faut que ce soit créé, joué et dirigé par des Canadiens. Le Fonds canadien de télévision le fait déjà. L'ACTRA estime qu'il est temps d'orienter les autres mesures de soutien de la même façon au fil des années, pas demain, mais graduellement.
Je voudrais aussi parler rapidement de l'Organisation mondiale du commerce—et je remercie M. Stursberg d'avoir souligné ce que j'appelle le dilemme culturel canadien. L'un des membres du comité a demandé pourquoi le FCT devait être permanent. Eh bien, naturellement, c'est en raison du déséquilibre permanent dans l'industrie canadienne face à notre voisin du Sud. Il a souligné que le coût d'un épisode de The West Wing était de 2,2 millions de dollars, et que les Canadiens ont néanmoins accès à cette émission. Nous sommes le marché le plus ouvert du monde pour les produits culturels des autres. Si nous devons concurrencer ce genre de chose, il faut absolument mettre tout le monde sur un pied d'égalité, et commencer à s'approcher des valeurs de production que l'on trouve dans les productions américaines à très grand budget.
• 1035
Dans le secteur du long métrage—je sais que nous parlons de
télédiffusion, mais les films sont une composante très
importante—un seul film américain à grand succès a un budget plus
gros que tous les films en langue anglaise à teneur canadienne
produits au Canada. Le budget de promotion, imaginez-vous, du film
Harry Potter et la pierre philosophale est proche du budget total
de tous les films en anglais au Canada. C'est pourquoi il faut que
ce soit permanent. C'est ce que j'appelle le dilemme culturel
canadien. Ce n'est pas uniquement dans la télédiffusion, ou
uniquement dans les films, c'est dans toutes les industries
culturelles. Le même argument est valable pour le secteur de
l'édition de livres, pour le secteur des revues, ou pour celui des
enregistrements sonores.
Nous avons donc besoin de programmes publics, mais, nous devons tous l'admettre, notre capacité dans ce domaine a été mise en doute dans le cadre des accords commerciaux que le Canada a conclus au fil des années. Nous avons perdu notre cause concernant les magazines devant l'Organisation mondiale du commerce il y a quelques années. Nous avions la cause de Country Music Television et de New Country Network, où les Américains nous ont pratiquement forcés à reculer par rapport aux règles et règlements du CRTC à cause de nos accords bilatéraux.
Ce qui s'est passé il y a deux semaines à Doha, au Qatar, m'inquiète beaucoup. J'y étais. L'OMC a décidé de lancer une nouvelle série de négociations commerciales et il s'agit d'un programme très vaste qui aura des répercussions négatives sur le maintien de notre capacité à élaborer, mettre en oeuvre et conserver des programmes et des politiques culturels. Nous savons que ce que l'on appelle le programme incorporé du cycle d'Uruguay prévoyait de nouvelles discussions dans le cadre de l'Accord général sur le commerce des services, de nouvelles discussions dans le cadre des accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, l'accord sur les ADPIC, et il y a là des éléments qui touchent la communauté culturelle. Mais ce qui est plus grave, l'OMC lance de nouvelles négociations sur les investissements et les politiques de concurrence, et je voudrais parler très rapidement des investissements.
Beaucoup d'entre vous se souviennent sans doute des inquiétudes qu'éprouvait la communauté culturelle entre autres à l'égard de ce que l'on appelait l'AMI, l'Accord multilatéral sur les investissements qui était négocié en 1998-1999 à l'OCDE. Avec la décision de l'OMC intervenue il y a deux semaines, nous voyons réapparaître l'Accord multilatéral sur les investissements. Il a simplement été déplacé à l'OMC. L'OMC lance de nouvelles négociations sur les investissements. Si l'Accord multilatéral sur les investissements qui a été publié en 1999 avait été mis en oeuvre, il aurait eu des conséquences dévastatrices sur notre capacité à soutenir la politique culturelle. Franchement, votre travail ne servirait à rien si cet accord avait été adopté. Il n'existe aucun paramètre pour le lancement des négociations sur les investissements. Nous pourrions très bien voir tous les éléments du traité proposé passer au niveau de l'OMC. Je pense que tous ceux qui font partie du secteur culturel—y compris ce comité—doivent être conscients de cette possibilité, commencer à faire des recherches et des études, afin de pouvoir essayer d'injecter les préoccupations culturelles dans les négociations.
Après ces trois observations, monsieur le président, je vous remercie, et je suis bien sûr prêt à répondre à toutes les questions que vous aurez à poser.
Le président: Madame Lareau.
Mme Lise Lareau (présidente, Guilde canadienne des médias): Comme Gary, je suis ici au nom d'un syndicat, un syndicat de producteurs et de journalistes, principalement à la Société Radio-Canada, certains à TVOntario, le télédiffuseur provincial public en Ontario. Pratiquement toutes les émissions que vous voyez et que vous entendez sur CBC et sur TVO, sont créées par nos membres. Nous représentons des personnes dévouées à la radiodiffusion publique au Canada.
• 1040
Nous avons présenté avant le début des audiences un mémoire
intitulé La radiodiffusion publique à l'ère de la privatisation.
Je suppose que vous l'avez vu. Nous avons parrainé un forum
national sur ce sujet en janvier pour voir de quelle façon la
radiodiffusion publique devrait se comporter à la lumière de tous
les changements que vous allez examiner pendant les 18 mois à
venir.
À ma droite se trouve Arnold Amber, qui est le chef de La Guilde des employés de journaux-Canada, syndicat auquel nous sommes affiliés. Nous avons fait le mémoire ensemble. Nous sommes ici ensemble pour vous montrer de nouvelles façons de concevoir la radiodiffusion publique dans ce milieu que vous étudiez, et franchement, en même temps, pour vous montrer comment le Fonds dont vous avez entendu le témoignage devrait être ajusté pour mieux servir les Canadiens, d'après nous, et fournir davantage d'émissions canadiennes. Et nous allons y venir.
Le fait est que tandis que les grandes entreprises privées fusionnent et convergent—et vous entendez beaucoup parler de cela au comité et dans les médias—et tandis que les canaux spécialisés arrivent par dizaines—et vous entendez aussi beaucoup parler de cela—il est facile de perdre de vue la radiodiffusion publique dans cet environnement. Mais nous sommes là pour vous dire qu'elle est de retour. Elle se renouvelle dans le monde entier. À notre forum au début de l'année, nous avons entendu les consultants en gestion de McKinsey, une firme internationale d'experts-conseils, qui a effectué une étude sur les radiodiffuseurs publics dans le monde. Les auteurs de l'étude ont conclu qu'à l'échelle internationale, il y avait deux façons de promouvoir le contenu culturel dont parlait Gary Neil et qui vous occupe tous ici.
Il y a deux façons de promouvoir le contenu culturel dans un pays comme celui-ci. On peut tout d'abord réglementer le secteur privé, ce que nous avons déjà vu. Deuxième possibilité, financer et promouvoir un radiodiffuseur public fort, sain et efficace. McKinsey a conclu qu'il y avait une corrélation entre la force de la radiodiffusion publique et la qualité de la radiodiffusion dans l'ensemble du système dans chacun des pays examinés. Elle a examiné des dizaines de pays d'Europe de l'Ouest et des pays du monde entier. D'ailleurs vous trouverez ses conclusions dans notre mémoire.
Je voudrais ajouter que dans cet environnement, avec tous ces nouveaux canaux, il est deux fois plus important d'avoir une radiodiffusion publique que lors de la fondation de la radiodiffusion publique au Canada. Avec tout le tapage qu'on fait au sujet des canaux, le radiodiffuseur public est le seul refuge pour créer des émissions non parce qu'elles sont rentables, non parce qu'elles font vendre plus de messages publicitaires, mais parce qu'elles répondent à un besoin culturel, parce qu'elles proposent un lieu de rencontre culturelle, parce que c'est dans l'intérêt public. Il doit y avoir un seul endroit—nous dirions que le seul endroit devrait avoir plusieurs plates-formes, mais c'est un peu en dehors de cette discussion. Il faut qu'il y ait en fait plusieurs endroits qui soient au service des Canadiens et non des publicitaires et des bilans d'entreprises, où l'on puisse élaborer de nouvelles tendances en matière d'émissions et travailler dans l'intérêt des Canadiens.
J'ajouterais aussi que c'est encore plus important maintenant, à cause des fusions auxquelles on a assisté dans les médias. Actuellement au Canada, nous sommes dominés par trois familles d'entreprise qui ont un contrôle total sur les points de vue dans les médias d'actualité. Il nous faut maintenant un service qui soit national, qui soit indépendant des intérêts particuliers, et ce qui est encore plus important, qui soit un endroit où l'on puisse entendre la voix de la diversité dans le domaine culturel, et non le domaine commercial.
D'après ce que McKinsey et d'autres ont pu voir dans le monde, la plupart des cultures, lorsqu'elles se sont trouvées devant le déferlement d'émissions dont nous avons entendu parler ce matin, ont investi lourdement dans leur radiodiffusion publique afin de donner une voix à leur population et de protéger leur propre culture, de faire directement tout cela. Mon collègue Arnold Amber vous dira qu'au Canada au cours des 10 dernières années, le financement ou toutes les règles dont nous avons parlé aujourd'hui n'ont pas été concentrés sur la radiodiffusion publique et nous pensons que ceci a nui à l'ensemble de la programmation.
• 1045
Sur ce, je vais donner la parole à mon collègue Arnold Amber.
M. Arnold Amber (directeur, Guilde des employés de journaux - Canada): Merci beaucoup.
L'un des avantages quand on vieillit, c'est que l'on ne doit pas étudier l'histoire, on l'a vécue. Avec la télévision au Canada, j'ai tout vu. Je me souviens très bien du tout début de la télévision à Montréal, où on se collait le nez à une vitrine, le son sortant du magasin dans la rue, pour voir de petites images grises. Bien sûr, à l'époque on avait Radio-Canada ou CBC à Montréal, et pendant des années, il était évident qu'il s'agissait de «radiodiffusion publique», même si l'une des tâches principales de cette radiodiffusion publique était de diffuser des émissions américaines.
Au fil des années, les choses ont changé. Avec l'étude du comité, je me souviens, là encore parce que je l'ai vécu, de la Commission Fowler dans les années 60. Je me souviens—et je paraphrase—que l'une des conclusions de la Commission Fowler était que la politique de radiodiffusion devait porter uniquement sur les émissions, le reste n'étant que des choses administratives. J'aimerais qu'il soit là aujourd'hui pour voir qu'en fait il ne s'agit que de cette administration, d'argent, d'ententes, de fonds, et que l'on ne discute guère de la radiodiffusion.
Mon collègue a dit que nous nous intéressions à la radiodiffusion publique. Je produis des émissions de télévision à CBC depuis longtemps. De plus, je suis président du Comité sur la radiodiffusion publique de la Fédération internationale des journalistes, association qui regroupe 450 000 personnes dans le monde. Donc, pour moi, la radiodiffusion publique est au centre de tout ce qui est diffusion, télévision et radio.
D'après moi, la question sur laquelle votre comité doit se pencher, est celle du radiodiffuseur public national. Notre problème maintenant, c'est que le pendule est allé trop loin depuis ces premiers jours que j'ai vécus à Montréal. Si nous envisageons de rédiger à nouveau une Loi sur la radiodiffusion qui nous serve bien pendant cette génération et pendant ce siècle, l'une de nos recommandations, parmi les trois recommandations fondamentales que nous avons formulées dans notre mémoire—et j'aimerais attirer votre attention sur ce point—c'est que la loi doit indiquer que la CBC/SRC doit conserver une présence fondamentale et significative au fil de l'évolution du système de radiodiffusion canadien. Nous tenons beaucoup à ce que dans la masse des autres joueurs, que ce soit des producteurs indépendants ou des géants de la radiodiffusion, même si ce ne sont pas vraiment des radiodiffuseurs, comme Bell Canada, qui est maintenant propriétaire de CTV, il y ait au centre une institution qui se consacre exclusivement au développement de la culture de ce pays. Dans la galaxie de canaux actuels, c'est très important.
Deuxièmement, nous recommandons que tous les mécanismes de financement, puisque l'aspect affaires a tellement d'importance maintenant dans ce genre d'activités, soient révisés, revus et analysés par ce comité afin de déterminer s'ils constituent la meilleure utilisation des fonds publics pour l'objectif recherché. J'ai été étonné et contrarié hier lorsque j'ai lu le National Post. Il y avait un article au sujet du changement récent intervenu chez l'un de nos grands producteurs, Alliance Atlantis. Comme vous le savez, il y a deux semaines, je crois, ou peut-être la semaine dernière, Alliance a décidé de réduire les dépenses consacrées aux dramatiques.
Le président: Puis-je vous interrompre un instant, monsieur Amber, pour signaler aux membres du comité qu'il y a un appel au vote. C'est une cloche de 30 minutes, ce qui veut dire qu'il y aura un vote dans 30 minutes. Ce sera à environ 11 h 20, et donc nous devrons quitter la salle vers 11 h 15.
Malheureusement, je dois dire au dernier groupe que nous allons vraisemblablement devoir être en Chambre pour le vote jusqu'à la fin à midi et donc nous serons contraints de vous faire revenir comparaître à une autre date. J'en suis désolé, mais ce sont des choses que nous ne pouvons pas prévoir—cela arrive dans la vie parlementaire.
• 1050
Monsieur Amber, vous pouvez reprendre maintenant.
M. Arnold Amber: Si je puis faire un commentaire, pendant des années j'ai été le producteur de bulletins spéciaux de CBC, et pendant que vous regardiez votre joute de hockey ou autre chose du même genre, on disait tout d'un coup, nous interrompons cette émission pour un bulletin spécial—c'était moi qui faisais ça. Donc il est normal qu'alors que je suis au milieu de mon discours, tout d'un coup, je sois interrompu par les événements.
Comme je le disais, il faut revoir les mécanismes de financement. Hier, il y avait un article dans le National Post qui faisait suite à l'article sur les réductions touchant les émissions dramatiques à Alliance Atlantis. Je trouve que ceci est au coeur du problème de la radiodiffusion publique et des fonds publics qui sont consacrés à des intérêts privés. On disait à chaque fois dans l'article du National Post, que l'entreprise changeait d'objectif, qu'elle choisissait d'autres façons d'obtenir des licences et se lancer dans la diffusion directe, plutôt que de produire des dramatiques.
Actuellement, dans la situation actuelle, la CBC/SRC, à titre de radiodiffuseur public national, compte exclusivement sur les producteurs privés indépendants pour réaliser les émissions dramatiques et de variétés, ainsi que certaines émissions pour enfants. Nous pensons qu'il incombe à ce comité et aux législateurs de se repencher sur la meilleure façon d'utiliser l'argent pour atteindre l'objectif culturel. Je pense qu'il doit y avoir une distinction entre les objectifs culturels et les objectifs industriels des Canadiens.
Troisièmement, j'aimerais souligner qu'il y a une chose dont on ne parle jamais, c'est la radio de la CBC/SRC. Il est surprenant que la Loi sur la radiodiffusion ne mentionne pas ou ne souligne pas explicitement le rôle particulier de la radio de la CBC/SRC. De même que Dennis Mills souhaite qu'on soumette immédiatement une motion au ministre des Finances, de même je pense qu'il y a d'excellentes raisons de penser qu'on pourrait avoir un accord unanime pour dire que la Loi doit prévoir une place particulière pour ce rôle spécial de CBC Radio et de Radio-Canada dans notre pays.
Enfin, compte tenu de l'histoire récente du CRTC, il faut que la Loi stipule que la CBC/Radio-Canada doit être autorisée à se développer parallèlement à l'éventail complet des émissions au Canada. C'était une chose, à l'époque où il y avait très peu de télédiffuseurs, des télédiffuseurs qui ne passaient qu'à la CBC/SRC, d'avoir un seul réseau. On vous a parlé de 40 canaux numériques, vous savez qu'il y en a 30 spécialisés en plus. Actuellement, la position du CRTC est que globalement, CBC/Radio-Canada n'a pas le droit et n'aura pas l'autorisation de grandir. Or, je peux vous garantir, mesdames et messieurs, que dans le monde entier, tous les grands radiodiffuseurs nationaux sont autorisés à se développer parallèlement à l'ensemble du secteur. Par conséquent, là où il y a des chaînes spécialisées câblodiffusées, le diffuseur public national est autorisé à être présent. S'il y a des canaux numériques, il peut en faire partie. J'ai l'impression que c'est une autre question sur laquelle nous devons pouvoir intervenir si la Canadian Broadcasting Corporation/Société Radio-Canada, notre radiodiffuseur public national, doit conserver son rôle fondamental.
Je passe maintenant à la question du financement. Comme vous l'ont dit les personnes qui distribuent actuellement l'argent, le Fonds est régi par de multiples règles et règlements. Ces règles et règlements ne cessent de changer. Nous estimons que si CBC/Radio-Canada doivent continuer à faire partie intégrante du réseau de radiodiffusion et demeurer des jalons fondamentaux de notre système de radiodiffusion, ces sociétés ne doivent pas être seulement des véhicules, des distributeurs d'émissions, elles doivent aussi pouvoir réaliser leurs propres émissions. À l'heure actuelle, les conditions du Fonds limitent le champ d'action de la CBC/SRC à bien des égards. Je vais vous en donner un exemple.
• 1055
Que faites-vous quand Alliance Atlantis décide de faire moins
de dramatiques? Si vous n'avez pas la capacité de réaliser à
l'interne vos propres émissions dramatiques, que faites-vous?
Comment allez-vous pouvoir respecter votre mandat si vous comptez
uniquement sur des sources extérieures pour réaliser les émissions
que vous voulez? Par exemple, une de nos réalisations les plus
réussies aussi bien en anglais qu'en français, à Radio-Canada et
sur CBC, a été le grand projet historique réalisé récemment. Nous
l'avons fait avec des fonds internes, parce que personne d'autre ne
voulait prendre ce risque. Toutes les études réalisées sur les
radiodiffuseurs publics du monde entier montrent qu'un des rôles
des radiodiffuseurs publics, du fait qu'il n'est pas motivé par le
chiffre de la ligne du bas de la page, est de prendre le risque de
diffuser, le risque de réaliser des émissions qu'il est convaincu
que les gens souhaitent voir et vont regarder.
Nous avons eu énormément de chance depuis des années que CBC/Radio-Canada, malgré toutes les restrictions économiques qui leur ont été imposées, ait «canadianisé» le plus possible leur programme. Le problème, c'est que les règles actuelles de financement restreignent la capacité de la CBC/Radio-Canada de faire ce genre de choses désormais, parce qu'elles sont obligées d'aller chercher des personnes pour réaliser le genre d'émissions qu'elles veulent avoir à leur programme.
Il y a une autre question tout à fait fondamentale pour les sociétés, c'est le fait que vu la façon dont les fonds sont actuellement organisés, elles n'ont ni l'argent ni la capacité de rétablir les productions maison, de réaliser leurs propres productions. Je pense qu'il faudrait qu'il y ait un financement adéquat pour cela. Ceci m'amène à mon point suivant.
Il faut que le financement de la CBC/Radio-Canada soit précisé dans la Loi. Il faut que la Loi dise que le financement de la CBC/Radio-Canada doit correspondre à son mandat. De tous les radiodiffuseurs du Canada, c'est la CBC/Radio-Canada qui a le mandat le plus vaste, mais il est totalement inutile de rédiger un mandat si on ne prévoit pas les fonds nécessaires pour l'accomplir. Il faut faire quelque chose à cet égard.
Enfin, j'aimerais parler de la question de la gouvernance. M. Stursberg, quand il est venu ici ce matin, a parlé du fonctionnement remarquable de son conseil d'administration. Vous remarquerez qu'il a dit que les membres du conseil se réunissaient, choisissaient leur exécutif, choisissaient leur PDG; il a même dit que le conseil recrutait et renvoyait le PDG. De même que Fowler avait peut-être raison dans les années 60 de dire qu'il s'agissait de radiodiffusion et que le reste n'était que de l'administration interne, et de même que j'ai raison maintenant de dire que non, il s'agit en fait de radiodiffusion, de gestion interne et d'argent, de même je crois qu'il est temps de mettre fin au processus en vertu duquel le gouverneur en conseil, le gouvernement nomme un PDG à la tête de cette société, et de mettre fin à un mode de sélection des membres du CRTC assez nébuleux—en tout cas ce n'est certainement pas une méthode de sélection ouverte.
Si l'on parle d'une industrie qui emploie 5 000 personnes dans la circonscription de Dennis Mills, une industrie qui représente des milliards de dollars, il faut que l'organe de réglementation, le CRTC soit choisi de manière ouverte. Je vous recommande de lire notre mémoire. Nous discutons en profondeur de gouvernance, de la façon dont la gouvernance devrait s'appliquer au CRTC et de la façon dont les règles de gouvernance devraient être établies pour la CBC/Radio-Canada. La moindre des choses que nous devions faire pour nos concitoyens, c'est de leur dire que pour défendre leur culture et leur pays, ils doivent avoir un organe de réglementation choisi en vertu d'une méthode ouverte. Nous nous devons aussi de leur dire que dans ce pays, les personnes qui établissent et régissent la politique du radiodiffuseur public national seront choisies elles aussi suivant un processus ouvert.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Amber.
Je précise aux membres du comité que les représentants des deux organisations du dernier groupe de témoins sont venus de Toronto. Nous avons cette salle jusqu'à 13 heures et pour rendre justice aux témoins qui sont venus de loin et leur éviter de revenir, je me demandais si les membres du comité seraient d'accord pour revenir après le vote afin que nous puissions entendre le groupe.
M. Dennis Mills: Monsieur le président, certains d'entre nous ont déjà d'autres réunions prévues, et il faudrait aussi les annuler. Serait-il possible d'entendre maintenant les témoins pour que leurs témoignages soient au compte rendu et de leur poser des questions par écrit?
Le président: Comme il leur reste à peine 15 minutes, ce ne serait pas juste.
Madame Lill.
Mme Wendy Lill: Pour que les choses soient encore un peu plus compliquées, nous avons ici les représentants des plus grands créateurs d'émissions canadiennes au pays. Nous voulons donc avoir le temps de leur poser des questions, de les écouter, et d'absorber ce qu'ils ont à dire, et on ne peut pas le faire tandis que les cloches sonnent—nous avons 15 minutes. Ce qui revient à dire que nous avons maintenant deux choses à faire. Nous devons décider d'un autre moment pour poursuivre, et nous devons voir comment nous pouvons aussi entendre l'autre groupe.
Le président: Il y a deux options. Nous pouvons revenir à 13 heures, et je sais que les membres du comité ont des engagements et qu'ils ne seront pas assez nombreux pour revenir. Si nous voulons changer de date, il faut voir si ce serait possible un autre jour de la semaine. Il faudra le faire. L'horaire est tellement chargé qu'il faudra que ce soit un mercredi, ou quelque chose comme ça, nous n'avons pas le choix.
Mme Wendy Lill: Je veux bien revenir après le vote.
Le président: Je pense qu'il y en a malheureusement beaucoup qui ne peuvent pas revenir après les votes.
Nous avons 15 minutes maintenant et nous pouvons juste commencer les questions de ces députés.
Nous allons commencer par M. Abbott, et nous lèverons la séance à 13 h 15 précises.
M. Jim Abbott: Je voudrais avant tout remercier les témoins d'être venus aujourd'hui et je voudrais dire tout d'abord que je vois deux points sur lesquels nous sommes d'accord.
Premièrement, je suis d'accord avec M. Amber à propos de ce qu'il disait sur la question de la gouvernance. Je pense que c'est un sujet très important pour le comité et, d'après ce que j'ai compris de votre intervention, je pense être d'accord avec vous.
Deuxièmement, je voudrais aussi prendre note de deux commentaires à propos de la radio de Radio-Canada, en français et en anglais, les services préférés, suivant la page 25 de votre mémoire. L'Alliance canadienne appuie l'idée d'un financement public continu à 100 p. 100 de la radio de Radio-Canada. Nous pensons particulièrement à la première chaîne radio de CBC/SRC, nous voulons examiner la deuxième chaîne, mais nous pensons aussi à Radio-Canada International. Il y a d'après nous certains problèmes dans la gouvernance de Radio-Canada International qui doivent absolument être examinés de plus près.
Cela étant dit, je voudrais passer aux questions sur lesquelles nous avons certaines divergences. Plus de 900 millions de dollars venant des poches des contribuables canadiens servent à financer Radio-Canada. Si nous déduisons environ 250 millions de dollars pour la radio de Radio-Canada, cela veut dire qu'environ 700 millions de dollars venant des contribuables vont actuellement à la télévision de Radio-Canada. N'est-il pas vrai que les gens peuvent choisir ce qu'ils veulent regarder? Quel est le service fourni par Radio-Canada qui n'est pas fourni dans l'univers multicanaux que nous avons par Bravo, Showcase, le History Channel, Discovery Channel? Que faites-vous qui ne soit pas déjà couvert dans la vaste gamme d'émissions offertes au public, surtout si l'on tient compte du fait que les gens choisissent?
Mme Lise Lareau: Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est entre autre parce que Radio-Canada ne peut pratiquement rien faire. Je ne sais pas si Arnold a eu le temps d'en parler à cause des cloches et de tout le reste, mais pour avoir accès au Fonds canadien de télévision, qui est la première source de financement d'émissions au pays, Radio-Canada doit passer par un producteur indépendant. Déjà là, on perd un peu le contrôle de son projet. On produit l'émission avec le producteur indépendant en question, et peut-être aussi une multitude d'autres clients et partenaires, afin de réunir assez d'argent pour monter quelque chose qui plaise au public canadien, étant donné que nous sommes saturés de télévision de style américain. On fait cela et en fin de compte, selon les règles du FCT, Radio-Canada n'a pas les droits d'auteur sur cette émission. C'est-à-dire que Radio-Canada ne peut pas la revendre, elle ne peut pas profiter des ventes à l'étranger.
C'est un petit exemple de la façon dont les règles ont joué contre le radiodiffuseur public, comme l'a mentionné Arnold. Les règles sur l'utilisation des fonds publics désavantagent le radiodiffuseur public. Donc de ce point de vue-là, vous avez raison.
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Qu'est-ce qui est au programme? Eh bien voilà longtemps que la
Société est handicapée et les Canadiens en parlent. Mais je dirais
que c'est encore le seul endroit où le programme des heures de
grande écoute soit canadien. De 7 heures à 11 heures tous les
soirs, c'est canadien, et ce n'est pas le cas sur les autres
canaux. J'espère que l'un des objectifs de ce comité est
d'encourager cela.
M. Jim Abbott: Mais il se trouve que je suis d'accord avec la majorité des Canadiens qui pensent que 700 millions de dollars, c'est beaucoup d'argent, et d'après ce que j'ai compris des propos de M. Amber, il voudrait en avoir davantage. Je ne suis même pas sûr que les Canadiens tiennent vraiment à continuer à payer ces 700 millions de dollars, encore moins à en donner davantage.
M. Arnold Amber: Eh bien, premièrement, je voudrais vous répondre en ce qui a trait à Bravo, Showcase, History, les canaux que vous avez mentionnés. Prenez n'importe quel soir de la semaine pendant les heures de grande écoute, faites l'addition, et vous devrez multiplier par trois ou quatre pour voir combien de personnes regardent l'émission de CBC à ce moment-là, et avec Radio-Canada, vous pouvez ajouter encore quelque 200 000 personnes. Les chiffres réels pour les canaux spécialisés sont très bas. Parfois, ils n'arrivent même pas au minimum. Le nouveau monde numérique est encore pire.
Mais la question que vous soulevez est aussi fondamentale. Lorsque je disais qu'il faut être sûr qu'il y ait assez d'argent, je pensais qu'il fallait en même temps revoir la situation pour savoir exactement où vont ces fonds publics. M. Mills a parlé des crédits d'impôt—voilà une partie des fonds publics. Et c'est une partie importante. Beaucoup de gens viennent ici pour parler des divers fonds créés par les câblodistributeurs. C'est pour cela que je reçois chaque année en décembre un avis me disant que le prix de mon câble va augmenter. Après tout, c'est quelque chose de statique. Ils ne viennent pas installer un nouveau câble chaque semaine. C'est le même câble, enterré dans le même terrain, branché à ma maison, mais le prix monte chaque année, et bien sûr, c'est une forme de taxe. En fait, M. Stursberg l'a même dit: «Il y a une taxe imposée aux compagnies de câblodistribution pour son fonds.» Eh bien, j'ai des nouvelles pour vous, cette taxe va jusqu'à la personne qui est assise à l'autre bout du câble.
Permettez-moi de continuer. Nous avons dit, et nous en sommes convaincus, qu'il faudrait examiner la façon dont les fonds publics sont utilisés que ce soit pour Radio-Canada ou pour l'ensemble du financement de la télévision au Canada. Nous ne voulons pas que l'on injecte plus d'argent dans le système, nous demandons peut-être une ou deux choses: que Radio-Canada se voit garantir, comme c'était le cas auparavant, un certain pourcentage de l'argent du fonds de M. Stursberg, ou que les fonds réservés pour Radio-Canada lui permettent de refaire de la production, pas seulement de la production d'émissions «distinctement canadiennes», mais d'autres types d'émissions canadiennes.
Premièrement, il y a celles que l'on ne devra pas se soucier de vendre à l'étranger. Elles seront financées par quelqu'un, parce que que ce soit en français pour les francophones ou en anglais pour les anglophones, il s'agit de leur histoire, de leurs variétés, de leur vie au Canada. C'est une chose.
Par ailleurs, il est tout à fait possible que si Radio-Canada recommençait à faire de la production, elle referait ce qu'elle a fait par le passé, c'est-à-dire mettre la barre beaucoup plus haut, fixer des critères, comme le font les radiodiffuseurs publics dans le monde entier—le plus célèbre étant bien sûr la BBC. Suivant le rapport McKinsey dont Lise parlait tout à l'heure, l'une des fonctions importantes des radiodiffuseurs publics est de fixer les critères et les normes que vont devoir suivre les autres radiodiffuseurs du pays.
Nous avons fait le projet historique. Je peux vous dire qu'il y aura beaucoup de projets historiques...
Le président: Si je peux vous interrompre, je suis vraiment désolé, mais nous devons lever la séance pour un vote. Je pense que vous avez bien défendu votre point de vue.
Nous devons ajourner et malheureusement, nous devrons entendre les derniers participants un autre jour. Si vous voulez bien aussi revenir pour répondre aux questions des membres...
M. Dennis Mills: Je vous en prie.
Le président: ...je pense qu'il serait vraiment important de pouvoir continuer.
M. Dennis Mills: Oui.
Le président: Je regrette vraiment de ne pas pouvoir faire autrement, mais c'est inévitable.
M. Arnold Amber: Nous serons heureux de revenir, et nous espérons qu'il n'y aura pas de cloches.
Le président: C'est vrai.
Oui, madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte: Je sais que nous changeons d'horaire constamment, mais je pense que c'est parce que nous voulons en faire trop à chacune de ces réunions.
Le président: Oui, je suis d'accord.
Mme Sarmite Bulte: Même si cela veut dire que nous devons continuer encore pendant six mois, tant pis, parce que je trouve que ce n'est pas juste. Il faut diminuer le nombre de témoins. Ce n'est pas juste pour le comité, pas juste pour les personnes qui viennent, et il y a trop de choses.
Le président: Je suis d'accord.
Mme Sarmite Bulte: Prenons encore six mois pour terminer l'étude.
Le président: Madame Bulte, j'ai dit exactement la même chose aux recherchistes.
La séance est levée.