JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la justice et des droits de la personne
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 19 juin 2002
¹ | 1530 |
Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)) |
M. Dominique Goubau (professeur en droit de la famille, Faculté de droit, Université Laval; président, Comité sur le droit de la famille, Barreau du Québec) |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
Le président |
M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne) |
¹ | 1550 |
M. Dominique Goubau |
M. Bob Mills |
¹ | 1555 |
Le président |
M. Dominique Goubau |
Le président |
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ) |
º | 1600 |
M. Dominique Goubau |
M. Robert Lanctôt |
M. Dominique Goubau |
º | 1605 |
M. Robert Lanctôt |
M. Dominique Goubau |
Le président |
M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.) |
M. Dominique Goubau |
º | 1610 |
Le président |
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne) |
M. Dominique Goubau |
Le président |
M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.) |
º | 1615 |
M. Dominique Goubau |
M. John Maloney |
M. Dominique Goubau |
Le vice-président (M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.)) |
M. Robert Lanctôt |
º | 1620 |
M. Dominique Goubau |
Le vice-président (M. John McKay) |
M. Paul Harold Macklin |
M. Dominique Goubau |
M. Paul Harold Macklin |
º | 1625 |
M. Dominique Goubau |
Le vice-président (M. John McKay) |
M. Bob Mills |
º | 1630 |
M. Dominique Goubau |
Le vice-président (M. John McKay) |
M. Bob Mills |
Le vice-président (M. John McKay) |
M. Dominique Goubau |
º | 1635 |
Le vice-président (M. John McKay) |
CANADA
Comité permanent de la justice et des droits de la personne |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 19 juin 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1530)
[Traduction]
Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare ouverte la centième réunion du Comité permanent sur la justice et les droits de la personne. Je suis sûr que la raison pour laquelle nous ne nous réussissons pas demain est pour que nous puissions terminer la session parlementaire sur la centième réunion.
Aujourd'hui, nous examinons le projet de loi C-400, la Loi modifiant la Loi sur le divorce (restriction des droits d'accès des délinquants sexuels). Les témoins d'aujourd'hui nous viennent du Barreau du Québec, et ce sont Dominique Goubau, professeure de droit familial à l'Université Laval et membre du comité représentant le Barreau sur la Loi de la famille; et maître Julie Delaney.
Je suppose qu'on vous a déjà dit que vous auriez environ 10 minutes. Nous n'avons pas beaucoup de monde, alors je vous indiquerai lorsque votre période de dix minutes sera écoulée. Je vous laisse la parole.
[Français]
M. Dominique Goubau (professeur en droit de la famille, Faculté de droit, Université Laval; président, Comité sur le droit de la famille, Barreau du Québec): Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, honorables membres de ce comité, mon nom est Dominique Goubau. Je suis président du Comité permanent du Barreau du Québec sur le droit de la famille et je suis accompagné de Me Julie Delaney, qui est avocate au Service de recherche du Barreau du Québec et secrétaire par intérim de notre comité, en l'absence de Me Suzanne Vadboncoeur.
Un petit mot, d'abord, pour vous remercier de recevoir le Barreau du Québec à l'occasion de l'étude du projet de loi C-400 et pour vous dire aussi que, malheureusement, étant donné que nous n'avons été avisés de cette invitation que jeudi dernier, soit le 13 juin, c'est en toute hâte que j'ai rédigé, avec l'assentiment de membres de mon comité, un rapport que j'ai ici. Ce dernier est disponible en plusieurs exemplaires pour les membres de ce comité. Or, en raison du règlement de ce même comité, il n'a pu être traduit en langue anglaise, comme nous l'aurions souhaité.
En guise d'introduction, je vous dirai que le Barreau du Québec est un organisme qui, depuis de nombreuses années, intervient dans tous les grands débats concernant les réformes en droit de la famille ou en droit criminel; il s'agit d'un Barreau qui représente actuellement au-delà de 19 300 membres en règle. Je tenais à le préciser avant de commencer.
Le projet de loi C-400 nous semble tout à fait louable dans ses intentions. Son objectif évident est la protection des enfants, et je voudrais souligner à ce comité que la protection des enfants qui sont en situation de fragilité ou de danger a toujours été également l'objectif du Barreau du Québec.
Par conséquent, nous partageons les objectifs généraux de cette pièce législative. Cependant, nous insistons sur le fait qu'à notre avis, tel qu'il est rédigé à l'heure actuelle, ce projet de loi, tout aussi louables que soient ses intentions, en bout de ligne, va à l'encontre de l'intérêt des enfants et risque de ne pas protéger le droit des enfants au Canada. Je m'expliquerai plus en détail sur cette conclusion à laquelle le Barreau du Québec est arrivé.
D'abord, le nouveau paragraphe (9.1) de l'article 16 de la loi tel que proposé dans le projet de loi à l'étude qui est devant vous introduit, en définitive, une présomption selon laquelle il est, de façon systématique et automatique, contraire à l'intérêt de l'enfant de maintenir un droit d'accès aux parents qui purgeraient une peine de prison pour une infraction listée dans le projet de loi.
Deuxièmement, le projet introduit un nouveau principe en droit de la famille. Dans une situation où le parent non gardien purge une peine de prison, il donne au parent gardien le pouvoir unilatéral de faire obstacle au droit d'accès de l'enfant à son parent non gardien, en l'occurrence, celui qui est incarcéré.
Il détient ce pouvoir puisqu'il lui suffit de ne pas consentir au maintien des relations pour qu'automatiquement, selon l'effet de cette proposition de loi, le droit d'accès soit suspendu. Alors, avant d'arriver au coeur de la position du Barreau du Québec, je voudrais mentionner que la Cour suprême et tous les tribunaux au Canada, depuis plusieurs années maintenant, ont bien établi le principe selon lequel le droit d'accès, pas plus que l'autorité parentale, n'est un droit du parent; c'est un droit de l'enfant. La Cour suprême l'a affirmé dans un certain nombre de grandes décisions dans le courant des années 1990, et vous trouverez, dans le mémoire que je dépose aujourd'hui, la référence exacte à toutes ces décisions, notamment l'affaire Young c. Young, en 1993, et, plus proche de nous, l'arrêt [Note de la rédaction: Inaudible] en l'an 2000. Je pense qu'il est important de garder à l'esprit qu'il s'agit d'un droit de l'enfant.
La notion d'intérêt de l'enfant a toujours été critiquée par la doctrine pour être trop floue, mais en même temps défendue par la même doctrine et par les tribunaux pour la même raison. Le caractère flou de la notion d'intérêt de l'enfant est précisément sa raison d'être. C'est ce qui lui permet d'être utilisable devant les tribunaux puisque en utilisant cette notion large d'intérêt de l'enfant, les tribunaux peuvent l'appliquer au cas par cas, à la situation particulière de chaque enfant qu'ils ont devant eux et dont il faut traiter le cas.
¹ (1535)
Ce principe a été affirmé de façon non équivoque par les tribunaux au Canada depuis à peu près toujours. Il faut rappeler également que ce faisant, les tribunaux ont affirmé un autre principe. C'est un principe qui nous vient de la common law, mais qui existe également en droit civil. Selon ce principe, au Canada, ce sont les tribunaux qui sont les gardiens ultimes de l'intérêt de l'enfant. Lorsque les parents ou d'autres personnes ne peuvent s'entendre sur ce qu'est l'intérêt de l'enfant dans un cas particulier, ultimement, ce sont les tribunaux qui sont leur rempart afin que cet intérêt soit bien desservi.
Une des façons modernes, puisque ça date d'à peu près une dizaine d'années, est notamment d'entendre, le plus souvent possible, l'enfant lui-même lorsqu'il est en âge de s'exprimer et lorsqu'il a quelque chose à dire.
Depuis une dizaine d'années, la jurisprudence au Canada est à l'effet qu'au fond, l'enfant est lui-même un interprète privilégié de ce qu'est son intérêt et de ce que devraient être les décisions qui le concernent. Les tribunaux ont très bien compris ce message et entendent de plus en plus souvent les enfants, lorsque cela est nécessaire. Et ils le font particulièrement dans des dossiers concernant le droit d'accès et concernant l'organisation du droit de garde.
Je voudrais attirer également l'attention du comité sur le fait que dans sa réponse au rapport du Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants, le gouvernement canadien avait lui-même, et nous sommes d'accord là-dessus, insisté sur l'importance à l'avenir d'entendre les enfants lorsque cela est possible. Je cite dans mon mémoire un extrait de la réponse du gouvernement canadien au rapport du Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants. Dans sa réponse, le gouvernement canadien insiste beaucoup sur le fait qu'il faut entendre les enfants afin d'arriver à des décisions qui rencontrent effectivement leur intérêt.
Selon le Barreau du Québec, arriver une à présomption qui, par le simple fait que le parent non gardien est incarcéré pour un crime tel que listé dans le projet de loi, fait que ce caractère d'automaticité de l'effet du projet de loi est incompatible avec la notion même d'intérêt de l'enfant, et l'intérêt bien compris des enfants au cas par cas.
Bien sûr, lorsqu'un parent est condamné pour un crime aussi grave que ceux qui sont listés dans le projet de loi, il est évident que dans la pratique, bien souvent, les tribunaux vont suspendre le droit d'accès. C'est ce qui arrive et je mets dans mon mémoire un certain nombre de références jurisprudentielles de décisions des tribunaux qui, effectivement, dans un tel cas, ont suspendu ou, à tout le moins, aménagé le droit d'accès. Mais il y a d'autres cas, et j'en cite également, où des tribunaux, dans des cas bien particuliers, en sont arrivés à la conclusion contraire. Après avoir jaugé l'intérêt de l'enfant à la lumière d'expertises et de témoignages et également à la lumière du témoignage de l'enfant, lorsque cela est possible et nécessaire, les tribunaux parfois, rarement mais parfois, arrivent à la conclusion qu'il ne faut pas suspendre le droit d'accès, mais qu'il faut l'aménager.
Il est évident que l'incarcération du parent non gardien est une nouvelle situation et que dès lors, les tribunaux sont autorisés à revisiter la situation et à réaménager, voire souvent suspendre, parfois annuler pour un temps indéterminé le droit d'accès du parent. Mais il y a d'autres cas où l'intérêt de l'enfant lui-même dicte absolument le maintien de ce droit d'accès.
Je voudrais attirer l'attention du comité sur une autre chose.
Un vaste débat a eu lieu l'année passée au Canada, dans tout le pays, sur le réaménagement des responsabilités parentales dans le cadre de la Loi sur le divorce. Lors de ce débat, il a beaucoup été question de présomptions et de possibilité d'établir dans la Loi sur le divorce des présomptions à l'égard de la réorganisation des responsabilités parentales.
Or, quand on parle de réaménagement des responsabilités parentales, il faut comprendre que cela vise non seulement le droit de garde, mais aussi l'aménagement du droit d'accès. Le gouvernement du Canada, dans sa réponse au rapport du Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants, a souligné, et je cite:
Le gouvernement du Canada abonde dans le sens du Comité mixte spécial, lorsqu'il déclare qu'aucun modèle d'arrangement entre les parents après le divorce ne sera idéal pour tous les enfants et rejette le recours à toute présomption légale. |
Or, c'est exactement la position du Barreau du Québec.
¹ (1540)
Nous pensons qu'une telle présomption, cette fois-ci à l'égard du droit d'accès, est une présomption qui risque de jouer contre l'intérêt de certains enfants au Canada. Or, nous avons un système qui répond déjà adéquatement à cet intérêt.
Maintenant, j'ouvre une petite parenthèse pour vous signaler ceci. Il est vrai que dans le cadre de cette vaste consultation, il a été beaucoup question de ce qui suit: est-ce qu'il serait opportun d'inscrire dans la Loi sur le divorce un certain nombre de critères, un certain nombre d'exemples qui viendraient éclairer la notion d'intérêt de l'enfant, non pas de présomption, mais d'un certain nombre de points que les tribunaux, que les juges, que les décideurs devraient avoir à l'esprit lorsqu'il s'agit de prendre une décision dans le meilleur intérêt de l'enfant?
Il a été question beaucoup, à cette occasion-là, de la violence familiale et/ou conjugale. Il est vrai que certaines législations provinciales--pas au Québec, mais dans d'autres provinces--viennent définir la notion d'intérêt de l'enfant avec un certain nombre de critères. Cette idée de critères de définition de l'intérêt de l'enfant est intéressante, mais elle a été critiquée beaucoup, non seulement par la doctrine, mais également par de nombreuses associations qui se sont exprimées à l'occasion de la consultation fédérale-provinciale-territoriale qui a eu lieu en 2001, donc l'année passée. Pourquoi? Parce que lorsqu'on ajoute des critères comme la violence conjugale ou comme, par exemple, l'incarcération d'un parent non gardien ou peut-être aussi l'incarcération du parent gardien, on risque d'oublier d'autres choses. C'est la raison pour laquelle le Barreau du Québec a préféré s'exprimer contre l'idée de lister un certain nombre de critères au profit d'une définition de l'intérêt de l'enfant qui demeurerait large, parce que c'est précisément ce caractère large qui permet aux tribunaux d'y aller au cas par cas. C'est la raison pour laquelle alors non seulement le Barreau du Québec est totalement opposé à l'idée d'une présomption telle qu'elle est inscrite dans le projet de loi C-400, mais il est même opposé à l'idée d'une liste de critères qui reprendrait, par exemple, l'incarcération du parent.
Cela dit, comme je l'ai dit tout à l'heure, les tribunaux sont très conscients du problème pour les enfants et, généralement, suspendent le droit d'accès en cas d'incarcération pour quelque chose d'aussi grave que les crimes qui sont listés dans le projet de loi C-400.
Je ne vais pas lire, évidemment, le mémoire que je dépose ici. Pour ceux qui sont arrivés plus tard, je rappelle donc que j'ai ici un mémoire qui est en français, mais qui est à la disposition des membres de ce comité.
Il y a un deuxième point sur lequel je voudrais insister: celui du rôle du parent non gardien. En donnant, dans le projet de loi C-400, le pouvoir au parent gardien de consentir au maintien des relations personnelles entre l'enfant et le parent incarcéré, en réalité, ce projet de loi vient bouleverser l'économie générale et la philosophie générale du droit de la famille au Canada, au Québec et même dans les autres provinces, tel qu'on le connaît depuis des décennies. Pourquoi? Parce que, et particulièrement depuis les années 1980 et 1990--et je cite dans mon mémoire les décisions pertinentes de la Cour suprême pour appuyer ce que le Barreau du Québec avance--, il y a un principe bien clair. C'est qu'il ne devrait pas dans une famille y avoir de monopole décisionnel entre les mains d'un seul parent. Il a été question beaucoup, à l'occasion des discussions et de la consultation fédérale-provinciale-territoriale, du réaménagement des rôles parentaux, notamment en termes de décision à l'égard des enfants.
Une idée émerge partout au Canada, particulièrement au Québec, mais également dans la plupart des pays européens, dans la plupart des États américains également, en Australie, en Angleterre, en France, et c'est cette idée de coparentalité. Bien sûr, on pourrait nous dire que la coparentalité, quand un parent est incarcéré, ce n'est plus la même chose. C'est vrai, et c'est la raison pour laquelle cela prend toujours le contrôle du tribunal lorsqu'on est dans une situation aussi extraordinaire que l'incarcération pour des crimes aussi graves que ceux listés dans ce projet de loi. Cependant, nous pensons qu'il y a un réel danger, par ce petit projet de loi, par ce petit paragraphe qui serait modifié dans la Loi sur le divorce, de venir bouleverser l'économie générale de la Loi sur le divorce en venant dire que dans des cas particuliers, le pouvoir décisionnel appartient à un parent.
Déjà, en 1993, dans l'affaire Young c. Young, précisément dans un cas de limitation du droit d'accès du parent non gardien, la Cour suprême a affirmé haut et clair qu'il n'appartenait pas au parent gardien de limiter le droit d'accès du parent non gardien et qu'il n'y avait certainement ni présomption légale ni présomption jurisprudentielle en faveur d'une décision de restriction qui émanerait du parent gardien. Je pense que c'est une sage décision. C'est une décision qui a été comprise partout et c'est une décision qui commence à porter fruit en termes de réforme législative. C'est une décision qui était également au coeur de la réflexion pancanadienne sur la réorganisation des rôles parentaux. Je pense qu'il faut avoir cela à l'esprit, et le Barreau du Québec est fermement d'opinion que, au fond, lorsque les parents ne peuvent pas s'entendre sur l'aménagement des rôles parentaux, notamment sur le droit d'accès, alors, ultimement, en passant bien entendu par la médiation, par des services extrajudiciaires ou non judiciaires, etc., ultimement, le tribunal devrait pouvoir jouer le rôle qu'il exerce depuis toujours, c'est-à-dire le parens patriae, c'est-à-dire celui qui, ultimement, est le gardien de l'intérêt de l'enfant.
Il y a un autre élément à ce chapitre-là. Je pense qu'il ne faut pas minimiser non plus la situation de fragilité dans laquelle se trouvent beaucoup de femmes, qui sont généralement le parent gardien de l'enfant, lorsque le mari ou le père de l'enfant est incarcéré. Selon le projet de loi, il y aurait, s'il s'agit d'une incarcération à la suite d'un crime listé, suspension automatique, à moins que l'épouse ou la mère de l'enfant consente au maintien.
Le Barreau du Québec a de très grandes craintes à l'effet que les épouses en situation de fragilité pourraient faire l'objet d'un chantage émotif, particulièrement dans des situations de violence conjugale ou familiale et, par conséquent, consentir, sans contrôle judiciaire, à un maintien de relations personnelles entre l'enfant et le parent non gardien, alors que précisément, l'intérêt de l'enfant dicterait le contraire.
Voilà donc en gros, en résumé, les raisons importantes, je pense, pour lesquelles le Barreau du Québec applaudit les intentions du projet de loi, mais ne peut pas du tout être d'accord sur le contenu précis et la façon dont le projet de loi est formulé. Je vous remercie.
¹ (1545)
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Goubau.
Monsieur Mills.
M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne): Merci beaucoup.
J'ai écouté vos commentaires avec intérêt, et il y a une chose que je ne vous ai pas beaucoup entendu dire, c'est que ce parent détenu était un délinquant sexuel. Nous traitons ici de délinquants sexuels. Le fait intéressant est que vous ayez parlé de l'intérêt des enfants aussi, et je pense que nous sommes tous d'accord sur ce plan. Mais il s'agit d'enfants qui, en fait, sont trop jeunes pour comparaître devant un juge et donner leur avis.
Maintenant, chaque jour, nous recevons tellement de commentaires, de tout le Canada, et beaucoup du Québec, et je trouve de plus en plus intéressant de voir le nombre de dossiers en cour. Ils sont des centaines, ces gens qui vivent ce genre de chose.
Il s'agit ici d'une enfant de 11 ans qui a été violée par son père et qui s'est fait dire par le tribunal qu'elle doit aller en prison lui rendre visite, et elle a tenté de se suicider après cette visite. Il s'agit de deux garçons qui ont été sexuellement agressé par leur père et à qui le juge leur a qu'ils doivent aller voir leur père en prison. Ils ne voulaient pas y aller. Les résultats sont plutôt catastrophiques si on peut en croire tout ce qui nous a été présenté ici.
La question que j'ai à poser est la suivante: Ne serait-il pas mieux—parce que je comprends votre argument au sujet du parent qui a la garde—de demander aux deux parents de faire la preuve devant un juge qu'il est de l'intérêt de l'enfant qu'il visite ce parent agresseur en prison? Est-ce que cela ne réglera le problème dont vous avez parlé? Parce qu'alors, le juge entendrait les deux versions de l'histoire en ce qui concerne l'intérêt de l'enfant.
¹ (1550)
[Français]
M. Dominique Goubau: Évidemment, le Barreau du Québec est très sensible à ces situations. Il est évident que dans la grande majorité des cas aussi graves que ceux qui viennent d'être mentionnés, les tribunaux suspendent le droit d'accès. Est-ce que cela veut dire qu'il faut introduire dans la loi une présomption de suspension automatique dans tous ces cas? Le Barreau du Québec croit que non. Il en va de même en ce qui concerne le droit de garde. Il est évident que les tribunaux rendent tous les jours de nombreuses décisions: faut-il accorder la garde d'un enfant à son père ou à sa mère, ou peut-être aux deux?
Il est évident que dans le lot de décisions, il se peut qu'un juge se trompe et accorde la garde d'un enfant, voire même organise un droit d'accès à un parent qui, en réalité, ne devrait peut-être pas l'avoir. Est-ce que ces cas malheureux nous obligent à introduire dans la loi une présomption, que ce soit en matière de garde ou en matière d'accès? Le Barreau du Québec pense que non. Je pense que c'est aussi la position du gouvernement canadien lorsqu'il dit, dans sa réponse au Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la garde et le droit de visite des enfants, qu'il ne devrait pas y avoir de présomption légale parce que les présomptions jouent ultimement contre l'intérêt de l'enfant.
Cela dit, pour répondre plus précisément à votre question, je dirai qu'il convient sans doute d'aménager les modalités du débat judiciaire. Il convient également, et je pense que cela est ressorti très clairement des rapports de la consultation fédérale-provinciale-territoriale qui s'est tenue partout au Canada et au Québec également, de mettre en place des services extrajudiciaires pour venir en aide aux familles et pour répondre adéquatement à ces situations. Là se trouve la solution, et je pense que c'est la solution qui a été désignée par la très grande majorité des intervenants dans le cadre de la consultation fédérale-provinciale-territoriale.
La crainte du Barreau du Québec, c'est qu'en répondant à ces cas malheureux de façon automatique, par une présomption qui s'appliquerait à tous les cas, on occasionnerait bien des dommages dans d'autres dossiers et d'autres scénarios qu'on pourrait également invoquer ici. Par conséquent, au nom de cette subtilité, le Barreau du Québec pense qu'il faut continuer à s'asseoir pour prendre le temps de prendre des décisions concrètes et particulières, à la lumière de toutes les circonstances du cas particulier, pour aboutir à la meilleure solution. Je pense qu'il faut faire confiance aux tribunaux. Selon nous, il ne s'agit pas d'imposer une présomption légale de cette sorte.
[Traduction]
M. Bob Mills: Le problème que j'ai avec ceci, c'est que le système de justice, de toute évidence, manque à son devoir envers beaucoup de ces enfants. Je n'aurais pas autant d'exemples à présenter si nous n'échouions pas tant. Il n'y aurait pas eu tous ces appels téléphoniques, toute la fin de semaine. Maintenant, l'affaire a reçu tellement de publicité dans tout le pays, que ces appels viennent tant du Québec, que de Terre-Neuve ou de Victoria. Ils viennent de partout au pays, où il y a des juges qui disent par leur jugement qu'ils ne peuvent empêcher l'enfant de rendre visite à leur parent agresseur en prison. Ce sont des délinquants sexuels. Ils n'ont pas volé une banque; ils sont des délinquants sexuels. Il me semble que si un psychologue ou un parent pouvait démontrer que ce n'est pas de l'intérêt de l'enfant, on pourrait l'empêcher. Mais cela ne fonctionne pas.
Il va y avoir appel de l'une de ces décisions vendredi, à Toronto. Comme tout le monde, au comité, le sait, je ne savais pas si c'était un cas ou dix. Maintenant, je suis convaincu qu'il y en a beaucoup. Alors, c'est la preuve que cela ne fonctionne pas.
¹ (1555)
Le président: Monsieur Mills, j'aimerais vous signaler que n'importe laquelle des affaires dont vous avez parlé pourrait très bien être actuellement devant les tribunaux, alors je vous prie de faire très attention à ce que vous dites.
M. Bob Mills: Oui.
[Français]
M. Dominique Goubau: En réponse à cette question précise, je dirai que dans les cas que je connais--je ne reçois pas de téléphones le vendredi soir comme vous--, à l'étude de la jurisprudence en la matière et des échos que nous avons au Comité sur le droit de la famille du Barreau du Québec, lorsqu'un enfant est victime d'abus sexuels graves de la part de son père, le tribunal suspend quasi automatiquement le droit d'accès du père. J'irais même plus loin. Au Québec, ce sont des scénarios où le tribunal peut être saisi d'une demande de déchéance de l'autorité parentale, ce qui va évidemment beaucoup plus loin. À l'analyse des décisions rendues sur cette question au Québec, on remarque que la déchéance de l'autorité parentale est souvent prononcée dans des scénarios comme ceux-là.
Il existe aussi des cas où un parent gardien, lors de l'incarcération d'un parent pour l'un des délits qui sont décrits ici, voudrait que soit suspendu le droit d'accès, mais où, à la lumière des témoignages et des expertises indépendantes, parfois des expertises d'experts nommés par la cour, le tribunal peut arriver à la conclusion que, dans l'intérêt de cet enfant précis, on doit, non pas maintenir le droit d'accès, mais le réaménager pour que, minimalement, le lien, aussi ténu soit-il, soit maintenu entre l'enfant et son parent gardien. C'est rare, mais cela peut arriver.
Puisque cela peut arriver, on doit conclure qu'une présomption non contrôlée judiciairement, mais d'application automatique, par l'effet même de la loi, priverait certains enfants de tout contact avec le parent non gardien, sans même qu'on tienne compte des circonstances particulières du dossier.
Dans le rapport, j'ai cité un certain nombre de décisions où le tribunal était arrivé à cette conclusion parce qu'il considérait que c'était dans l'intérêt de l'enfant. Dans certains cas, la Cour d'appel a dû intervenir; dans d'autres cas, il n'y a pas eu d'appel parce que c'était sans doute dans le meilleur intérêt de l'enfant.
Je ne veux évidemment pas dire que c'est bien dans tel cas et que ce ne l'est pas dans tel autre cas. Tout ce que je veux dire, c'est qu'il faut sans doute beaucoup de nuances, beaucoup de débats et beaucoup de circonspection avant d'aboutir à une conclusion de rupture irrémédiable et automatique de toute relation entre l'enfant et le parent gardien, même si--c'est vrai et c'est bien--dans la majorité des cas, le droit d'accès sera effectivement suspendu, soit par les tribunaux, soit dans les faits tout simplement. Étant donné que le parent gardien est en prison, de facto, le droit d'accès ne peut plus être exercé tel qu'il avait été ordonné dans la première ordonnance.
Généralement, ces dossiers reviennent à la cour pour un réaménagement ou une suspension du droit d'accès.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Lanctôt, vous avez sept minutes.
[Français]
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Merci, monsieur le président.
Merci de votre présence. Je sais que M. Mills sait très bien ce que je pense du projet de loi. J'apprécie l'appui du Barreau du Québec aux remarques que j'ai faites. Cela représente exactement ce que je pense, et même plus, en ce sens qu'on parlait aussi des cas d'urgence. J'expliquais qu'il y avait des demandes intérimaires et des décisions provisoires et qu'on pouvait obtenir des jugements en quelques heures. Cela existe, et il est important qu'on le dise.
Il y a une autre chose dont vous avez parlé. On s'apprête à exercer une discrimination énorme entre les gens qui sont mariés et ceux qui ne le sont pas et qui ont eu des enfants hors mariage. On modifie la Loi sur le divorce et, ainsi, on ne fait pas en sorte qu'il n'y ait plus de différence entre les enfants légitimes et illégitimes. On crée donc quelque chose de très discriminatoire. Est-ce que cela ne pose pas un problème au niveau des articles 15 et suivants de la Chartre? Ne serait-il pas terrible de commencer à faire cette distinction au lieu de mettre l'intérêt de l'enfant au premier plan? J'aimerais vous entendre là-dessus.
º (1600)
M. Dominique Goubau: D'abord, sur la question de la constitutionnalité de la notion même d'intérêt de l'enfant, la Cour suprême a été très claire en 1993, dans l'affaire Young c. Young , où l'un des plaideurs avait plaidé que cette notion était tellement floue qu'elle en était devenue inconstitutionnelle, qu'elle n'était pas valide. La Cour suprême, unanimement sur cette question, a dit non. D'abord, la notion de l'intérêt de l'enfant est reconnue par l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant, à laquelle le Canada a adhéré, et c'est une notion qui doit demeurer large. C'est précisément sa raison d'être et c'est précisément parce qu'elle est large qu'elle est adaptable, qu'elle peut évoluer et s'appliquer au cas par cas. Donc, la question de la constitutionnalité de la notion d'intérêt de l'enfant n'est certainement plus en cause.
L'autre question c'est: est-ce que, en aménageant la Loi sur le divorce, donc en lui donnant des critères différents dans le cadre de la Loi sur le divorce, contrairement à tout ce qui se fait dans les lois provinciales...? Évidemment, c'est une question à 100 $, mais ce que je vous dirais là-dessus, c'est que déjà dans les années 1970, à l'occasion de la première Loi sur le divorce de 1968, la Cour suprême a clairement établi que le Parlement fédéral avait la compétence pour régler les accessoires au divorce, c'est-à-dire les pensions alimentaires entre époux, ce qui, normalement, relève du droit civil, du droit privé et est donc de compétence provinciale, de même que les pensions alimentaires des parents pour leurs enfants et également le droit de garde, le droit de visite. Je pense bien que la Cour suprême a clairement réglé cette question-là dans ces deux grands arrêts de 1970, donc il n'y a pas là un gros problème. Est-ce qu'il va y avoir un traitement différent? Peut-être, mais je ne pense pas qu'il se pose en termes de problème de compétence constitutionnelle.
Cela dit, je prends votre question au bon, parce que j'ai oublié de souligner un point dans mon exposé, soit l'incompatibilité, selon le Barreau du Québec, entre le projet de loi C-400 et l'article très important de la Loi sur le divorce, soit l'article 16, paragraphe 10, qui est le Friendly Parent Presumption et également la présomption du contact maximal entre l'enfant et le parent non gardien nécessaire dans le cas d'une ordonnance concernant l'accès au parent non gardien.
Bien entendu, en cas d'incarcération du parent, il y aura limitation, voire suspension ou annulation du droit d'accès, mais le débat judiciaire et l'analyse de la preuve devant le tribunal se feront à la lumière de cet important principe par lequel le Canada rejoint la plupart des législations modernes en la matière, c'est-à-dire l'affirmation du maintien de contacts lorsque, dit le paragraphe 16(10), cela est compatible avec l'intérêt de l'enfant, autrement dit, sous contrôle judiciaire. Voilà un principe fondamental de la Loi sur le divorce de 1985 et voilà, à notre avis, un principe qui irait directement à l'encontre de celui qui est véhiculé dans le paragraphe 16(9.1) tel que proposé dans le projet de loi C-400.
M. Robert Lanctôt: Des témoins nous on fait la suggestion de ne pas aller aussi loin que le projet de loi C-400, mais de penser à quelque chose comme à une suspension du droit d'accès obligatoire pendant un certain temps pour permettre au parent ou à l'enfant, si c'est un procureur de l'enfant, de faire les démarches.
Qu'est-ce que vous pensez de cette suggestion?
M. Dominique Goubau: Nous n'avons pas spécifiquement discuté de cette question-là, mais j'y ai personnellement pensé. Dans la logique de notre mémoire, évidemment, le Barreau du Québec ne serait pas d'accord sur une telle suspension automatique, pour les mêmes raisons que celles invoquées tout à l'heure. Mais, évidemment, ce serait un moindre mal, puisque cela voudrait dire qu'il y aurait tout de même, en bout de ligne, ce point auquel le Barreau du Québec tient beaucoup, soit ce rempart judiciaire. Donc, ce ne serait pas une position à laquelle le Barreau du Québec adhèrerait, mais ce serait certainement une position moins attaquable que celle que nous avons dans le projet de loi C-400.
º (1605)
M. Robert Lanctôt: Donc, ce serait une ouverture dangereuse.
M. Dominique Goubau: À notre avis, ce serait une ouverture dangereuse pour les mêmes raisons que celles que j'ai évoquées tout à l'heure à l'égard du caractère automatique de l'effet de l'incarcération. Par conséquent, à prime abord, le Barreau du Québec ne serait pas d'accord sur une telle solution, même si elle est beaucoup plus diluée que celle du projet de loi C-400. Sans doute, un projet de loi qui intégrerait le principe que vous venez d'énoncer verrait encore l'opposition du Barreau du Québec, mais avec moins de conviction que celle que j'essaie de vous transmettre.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Nous y reviendrons.
Monsieur Macklin.
M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.): Merci.
Je n'ai qu'une question à ce propos. Bien que vous ayez dit que, de façon générale, une série de critères pour déterminer ce qui est de l'intérêt de l'enfant ne serait pas opportune parce qu'elle pourrait exclure, d'après moi, on a déjà dit, à ce comité, que si ce n'est pas une série de critères, au moins un guide pourrait être inséré d'une manière ou d'une autre dans la loi pour indiquer qu'un juge devrait tenir compte de cette situation particulière—que ce soit défini comme de la pédophilie ou comme quelque chose du genre qui pourrait au moins avoir un caractère limitatif—et qui signalerait la question à son attention pour qu'il l'examine avant d'émettre une ordonnance ou de réévaluer une ordonnance existante relativement à l'accès. Est-ce que vous pourriez commenter cela, s'il vous plaît?
[Français]
M. Dominique Goubau: C'est une question très intéressante. Est-ce parce qu'il y a de plus en plus de femmes sur le banc, je ne sais pas, mais toujours est-il que le premier constat que l'on fait quand on regarde les nominations des juges des dix dernières années, c'est qu'ils sont manifestement de plus en plus conscients et sensibles à un certain nombre de situations auxquelles ils étaient beaucoup moins sensibles auparavant; je pense, en particulier, à la question de la violence conjugale.
On note dans le cadre de l'activité judiciaire une connaissance du phénomène beaucoup plus grande que celle qu'on observait il y a cinq, six ou sept ans. Je suis donc plutôt optimiste concernant la sensibilité des juges qui ont à traiter de ces questions. C'est un premier point.
Pour le deuxième, soit la pertinence d'établir une liste de critères, j'aurais plutôt tendance à m'exprimer en tant que professeur d'université. Cette façon de faire a été critiquée par de nombreux auteurs, notamment par le professeur Nicholas Bala de l'Université Queen's de Kingston, en Ontario, et par le professeur Mnookin de l'Université Berkeley, aux États-Unis. Leur critique, qui s'appuie en fait sur un constat de leur part, se fonde sur le fait que lorsqu'on donne une liste de critères auxquels le juge doit être attentif, on remarque souvent que dans les cas où ces listes sont utilisées, particulièrement dans des législations américaines, un juge qui a déjà son idée sur la solution à apporter va s'appuyer sur un des critères et trouver dans ce critère la légitimité législative pour sa propre opinion. Il va donc de cette manière trouver un appui solide dans la loi pour rendre une décision qui rejoint ses propres convictions personnelles. C'est la raison pour laquelle ces auteurs estiment qu'il ne faut fournir ni cette arme ni cette légitimité.
Par exemple, dans la liste des critères, il y aurait très certainement l'importance du maintien de contacts avec le parent, tel que décrit au paragraphe 10(16). Il pourrait y avoir aussi le critère concernant la violence conjugale ou la violence familiale. Il pourrait y avoir le critère visant à mettre en garde contre une incarcération pour tel ou tel motif. Mais dès lors que ces critères visent des objectifs contradictoires et tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas une hiérarchie dans ces critères, on se trouve finalement avec le même problème qu'aujourd'hui, soit celui de la notion d'intérêt de l'enfant.
En fin de compte, il faut prendre une décision à la lumière de chaque cas, en tenant compte d'une vaste foule d'éléments et de critères sans en privilégier un plus q'un autre. Sur le plan législatif, le fait d'en appuyer un, deux, trois, quatre, cinq ou dix permet-il aux tribunaux de mieux travailler? Certains diront que non, mais il est vrai, pour être juste, que certains auteurs ont également dit que cela a au moins l'avantage d'attirer l'attention du tribunal sur le fait que ce problème peut exister. Je préférerais quant à moi--et je ne parle plus au nom du comité, étant donné qu'on n'a pas encore discuté de ce point--, l'exemple de certaines législations américaines--il s'agit peut-être du Minnesota; je ne sais plus--, où il existe une liste de critères, mais où le tribunal est obligé, à la fin, d'expliquer la raison pour laquelle il retient ou il ne retient pas chacun des critères. Je ne suis pas certain que les tribunaux vont aimer ce genre de mesure législative.
º (1610)
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Cadman.
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, monsieur Goubau, d'être venu aujourd'hui. J'apprécie vos arguments. Je pense que vous avez touché assez juste, mais je ne suis pas encore tout à fait convaincu.
Vous avez fait un commentaire sur la nécessité de faire confiance aux tribunaux et que beaucoup ou la plupart de ces affaires aboutiraient à des suspensions. J'aimerais, moi aussi, faire confiance aux tribunaux, mais où repose la responsabilité lorsque quelque chose va de travers? Quelque chose est allée de travers, quelque part, ici, et plus M. Mills entend parler d'autres cas, plus il est évident qu'ils sont plus fréquents que nous l'avions pensé.
C'est presque comme si nous disions oups, nous avons fait une erreur. Malheureusement, lorsqu'il y a une erreur, un enfant en souffre, et c'est ce qui m'inquiète. Ce que nous nous efforçons de faire, c'est de trouver un moyen de prévenir ce genre de situation.
Quant à savoir si ce qui se trouve dans le projet de loi est le véhicule qu'il faut, je n'en sais rien. C'est ce que nous sommes ici pour déterminer. Je reviens à toute cette idée, dont a parlé M. Mills plus tôt, au sujet du déplacement du fardeau, de mettre le fardeau sur le parent qui est détenu, pour que ce soit à lui de démontrer que les visites sont de l'intérêt de l'enfant. Quelque chose ne va pas, et je crois que nous en sommes tous préoccupés.
[Français]
M. Dominique Goubau: Le Barreau du Québec est très sensible à cette question aussi, bien entendu. J'entends bien l'argument, mais je n'ai pas de statistiques. Il est évident que ce n'est pas un débat de statistiques ici.
Cela dit, les échos que nous entendons et la connaissance que nous avons du droit de la famille et de la pratique du droit de la famille démontrent qu'il y a bien des problèmes qui sont aussi et parfois même plus importants, par exemple le phénomène de la violence conjugale sans qu'il n'y ait aucune condamnation et sans qu'il n'y ait aucune peine de prison rattachée à la condamnation. Beaucoup d'enfants aujourd'hui au Canada et au Québec en souffrent parce qu'ils sont tenus dans un milieu familial où un des deux parents, généralement le père, est une personne violente, soit à l'égard de la mère de l'enfant, soit à l'égard des enfants. Faut-il pour cela essayer de définir ce qu'est la violence conjugale ou familiale et arriver avec un projet de loi qui dirait, dans un tel scénario, qu'il y a suspension automatique ou retrait de l'enfant? Là encore, et pour les mêmes raisons, le Barreau du Québec pense que ce qui est important, c'est que les décideurs, ici les tribunaux, mais aussi tout le parajudiciaire, soient très conscients de ce problème de violence conjugale ou d'abus sexuel et soient éduqués à cela. Il est nécessaire que des outils sociaux existent pour remédier à cela et y répondre efficacement. Mais le Barreau du Québec ne pense pas qu'une réponse sous forme d'une présomption légale en termes d'aménagement ou de suspension du droit d'accès serait la bonne réponse, parce que cela manque de nuances et ne permet pas d'étudier la situation particulière de chaque enfant concerné. En bout de ligne, et je me répète, cela risque de faire plus de dommages que de bien, aussi louable--et je le souligne encore--soit l'intention de ce projet de loi à laquelle, évidemment, le Barreau du Québec souscrit.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Maloney.
M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Le projet de loi traite des interdictions et des présomptions relativement au fait que le défendeur est le parent de la victime. Vous dites qu'en théorie, vous n'êtes pas contre cette façon de voir, mais seulement contre le libellé de la loi actuelle. Est-ce bien cela? Y a-t-il quelque chose que nous pourrions faire pour que ce texte paraisse tolérable au barreau?
º (1615)
[Français]
M. Dominique Goubau: Lorsque, au nom du Barreau du Québec, je dis « l'objectif », je vise évidemment l'objectif très large du projet de loi, c'est-à-dire la protection des enfants, mais je ne vise pas une intervention en termes de suspension ou de réaménagement automatique du droit d'accès en cas d'incarcération pour les crimes listés ici. Le Barreau du Québec est très fermement d'opinion que la meilleure solution réside, premièrement, dans l'utilisation du critère de l'intérêt de l'enfant, telle qu'on la connaît à l'heure actuelle dans la Loi sur le divorce et dans toutes les législations provinciales. Ça, c'est pour le côté législatif. Deuxièmement, je pense qu'il faut le rappeler, parce que c'est ce qui est ressorti aussi de la consultation fédérale-provinciale-territoriale récente partout, au Québec aussi, la solution réside dans la mise en place de services et de mécanismes d'éducation du judiciaire et du public aux problématiques soulevées par la violence conjugale et familiale et aux problématiques soulevées par l'abus sexuel et physique à l'endroit des enfants. De l'avis du Barreau du Québec, la solution réside là-dedans, et le judiciaire demeure le gardien ultime de cela dans un contexte où et le public et le judiciaire et le parajudiciaire seraient plus--ça rejoint la question de tout à l'heure--sensibles à ces questions-là et mieux éduqués à ces questions-là. Mais le Barreau du Québec pense que la notion d'intérêt de l'enfant, telle qu'elle se retrouve dans la Convention internationale des droits de l'enfant de 1989 qui a été ratifiée par le Canada en 1991, demeure l'outil le plus efficace en la matière.
[Traduction]
M. John Maloney: Dans un monde idéal, votre réponse a plein de bon sens, mais comme M. Mills vous a remis des lettres qui disent que ce monde idéal n'existe pas, et qu'il y a des situations où c'est arrivé, le temps n'est-il pas venu que nous sonnions le réveil du système judiciaire? De même, toute présomption peut être réfutée.
[Français]
M. Dominique Goubau: Permettez-moi de répondre à cela.
L'avis du Barreau du Québec, qui rejoint un petit peu ce que j'ai dit tout à l'heure, est qu'un travail doit être effectué en termes d'accès à ce débat judiciaire. Il faut que le débat judiciaire soit le forum de détermination de la notion d'intérêt de l'enfant.
Pas plus tard qu'il y a deux ans, la Cour suprême du Canada, à l'occasion d'un débat dans le cadre d'une loi sur la protection de la jeunesse au Nouveau-Brunswick, a établi qu'une mère qui risquait de se voir enlever ses enfants avait le droit constitutionnel d'avoir accès à l'aide juridique. Voilà une façon de favoriser ce débat qui doit se faire, mais il y a également le non-judiciaire, l'éducation et les services qui sont nécessaires pour sensibiliser tout le monde à cela. On n'est pas dans un monde idéal quand on pense qu'on peut avancer...
Quand on regarde où nous en sommes aujourd'hui en termes de réponse à la violence conjugale, que ce soit au plan législatif, au plan judiciaire ou au plan social de façon générale, et quand on regarde la situation d'il y a 10 ou 15 ans, on constate que de très grands pas ont été faits. Ce n'est pas dire qu'on est dans un monde idéal que de proposer que l'on continue à parfaire le principe de l'utilisation du critère du meilleur intérêt de l'enfant, comme la plupart des pays l'ont fait dans leurs lois, mais avec les bémols que j'ai indiqués en termes d'intervention judiciaire et d'accès à la justice.
Le vice-président (M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.)): Monsieur Lanctôt, trois minutes.
M. Robert Lanctôt: Merci.
Il y a une prémisse que je trouve fausse. M. Mills, qui est à l'origine du projet de loi, dit qu'il a reçu des avis de juristes et surtout de magistrats, selon lesquels il n'y avait rien dans la loi qui permettait de rendre un jugement pour protéger l'intérêt de l'enfant. Cela me dérange depuis le début. C'est pour cela que j'ai parlé d'un cas exceptionnel. Baser une loi sur des cas exceptionnels peut être très mauvais. C'est ce qui me dérange dans ce que j'ai entendu.
Monsieur Goubau, j'aimerais vous demander s'il est exact que les juges disent que la loi actuelle ne leur permet pas de rendre des jugements adéquats. Je ne parle pas de présomption. Si c'est ce qu'il voulait dire, ce n'est pas du tout la même chose. Si les gens comprennent cela, c'est vraiment dommage. Est-ce que la loi actuelle permet de rendre des jugements interdisant que des enfants voient un parent incarcéré?
º (1620)
M. Dominique Goubau: Non seulement il n'y a pas d'obstacles, mais je cite quelques exemples dans le rapport que vous avez. Les tribunaux rendent des décisions de suspension du droit d'accès au parent incarcéré, et même--là je parle pour le Québec--des décisions presque définitives de déchéance de l'autorité parentale en cas de crimes graves à l'endroit des enfants. Je ne dirais pas que la réponse judiciaire est automatique, mais encore faut-il arriver jusqu'au tribunal. Le Barreau du Québec pense que là réside le problème ou une partie du problème. C'est une question d'accès au débat judiciaire. Est-ce parce que certaines personnes sont mal informées de leurs droits qu'il convient de couper l'accès au débat et à la décision judiciaires en disant qu'on va aller au plus facile et qu'il y aura, dans tous les cas, rupture automatique à moins que le parent gardien ne soit d'accord pour maintenir l'accès? Nous pensons que ce serait une erreur que d'adopter des dispositions qui, à très court terme, iraient à l'encontre de l'intérêt de beaucoup d'enfants.
Pour répondre plus précisément à votre question, je dirai que la législation, tant fédérale que provinciale, dans toutes les provinces et tous les territoires, donne aujourd'hui aux tribunaux les outils nécessaires pour suspendre le droit d'accès pour une période indéterminée. Je m'empresse de dire, en m'appuyant sur les décisions qui sont publiées et sur les échos que nous avons des plaideurs, que c'est généralement ce que les tribunaux font.
Évidemment, il est normal que l'on fasse état de certains cas pathétiques et dramatiques. Il y en a et il y en aura toujours. Même avec une présomption, il va y en avoir. Je pense qu'il faut faire attention de ne pas généraliser cela. Il faut voir l'effet de l'affaire en particulier, et c'est précisément pour cela que les tribunaux sont là.
Voilà qui m'a permis de souligner encore une fois la position du Barreau du Québec là-dessus.
[Traduction]
Le vice-président (M. John McKay): Monsieur Macklin.
M. Paul Harold Macklin: Il y a l'autre question dont j'aimerais parler. Je ne sais pas si vous pouvez spécifiquement vous reporter aux situations dont a traité M. Mills. Je me demande si l'argument pourrait être soutenu que cela aurait quelque chose à voir avec le manque de ressources, le manque d'aide juridique ou, en fait, le manque d'avocats qui pourraient conseiller et représenter ces personnes. Ce pourrait être la raison de ces difficultés, pourquoi ces dossiers font surface, qui semblent signaler à M. Mills qu'il existe un problème.
Peut-être pourriez-vous commenter cette perspective?
[Français]
M. Dominique Goubau: Les commentaires que j'ai à formuler se basent sur l'important rapport de consultation fédérale-provinciale-territoriale, qui s'est beaucoup penché sur cette question du droit d'accès et des ressources. Le manque de ressources a été souligné dans tout le Canada. Par exemple, tout le monde est d'accord pour dire que les services de droit d'accès supervisé sont bons, essentiels et importants, mais tout le monde est aussi d'accord pour dire qu'il n'y en a pas assez. Je pense que c'est l'une des leçons que l'on doit tirer de ce rapport.
C'est un exemple, et je pourrais en donner d'autres. J'ai surtout l'écho de ce qui s'est passé au Québec, parce que j'ai présidé personnellement la consultation fédérale-provinciale pour le Québec, au nom du ministère de la Justice du Québec. Je peux vous dire que les représentants des maisons pour femmes violentées, pour personnes victimes de violence conjugale et familiale, ont décrit le manque de ressources à cet égard. Je pense que toutes ces choses sont très liées, en termes de réponse à des situations comme celle qui est soulevée dans le projet de loi d'aujourd'hui. Mais je continue à penser que le manque de ressources ne devrait pas être pallié par une présomption légale, pour laquelle on va avoir un retour de flamme pour d'autres enfants. Je pense qu'il faut éviter cela. Il y a là un sérieux danger que le Barreau du Québec voulait vraiment souligner. C'est la raison pour laquelle on a fait beaucoup d'efforts pour produire ce document et insisté pour pouvoir vous adresser la parole aujourd'hui.
[Traduction]
M. Paul Harold Macklin: Alors, selon votre expérience, vous n'avez aucune raison de croire que ce pourrait être parce que l'avocat ne fait pas son devoir en signalant au juge, comme il se doit... en obtenant du juge la réponse que M. Mills voudrait avoir. De toute évidence, si vous n'avez pas une présomption sur laquelle le juge peut reposer sa décision, je pense que vous comptez sur l'avocat pour soulever et soutenir des arguments pour démontrer que cette situation, cette détention doit être tenue en compte.
Alors voilà ce qui m'inquiète. Je regarde toutes les possibilités. Qu'y a-t-il? Est-ce que c'est parce qu'on ne porte pas ce problème à l'attention du juge, ou est-ce que c'est parce que le juge ne répond pas comme il se doit? Pour une raison ou une autre, M. Mills reçoit ces réponses et j'aimerais savoir quelles seraient les raisons sous-jacentes.
º (1625)
[Français]
M. Dominique Goubau: Sur cette question précise, je ne pense pas que ce soient les arguments des avocats qui amènent les juges à prendre des décisions de maintien du contact entre un enfant et un parent incarcéré pour cause de viol de son enfant. Il y a des faits objectifs qu'il appartient notamment aux avocats de présenter aux juges. Il y a des faits objectifs, et non pas une rhétorique de maintien ou de suspension des droits. Tout le monde est d'accord qu'il y a des faits horribles qui, pour la très grande majorité des juges, sont des éléments suffisants de réaménagement et généralement de suspension du droit d'accès, et même de déchéance de l'autorité parentale au Québec. Voilà la réalité.
Maintenant, est-ce que nous sommes dans un monde parfait? Bien sûr que non. Est-ce qu'il y a des avocats qui font mal leur travail? Je suis mal placé pour vous répondre affirmativement, puisque je représente le Barreau du Québec, mais il y a, bien sûr, des avocats qui ne donnent pas toujours les meilleurs conseils au monde. Je pense que, quelle que soit la loi, ce sera toujours le cas. Quelles que soient les présomptions, il y aura toujours des cas dramatiques qu'il va falloir régler d'une façon ou d'une autre. Je pense que c'est en peaufinant et en améliorant l'accès à la justice qu'on le fera.
Voici un exemple. Depuis 1995 ou 1996, donc depuis sept ou huit ans, on voit émerger partout, et particulièrement au Québec, une spécialisation en droit de l'enfance. Le Barreau du Québec a produit un mémoire très intéressant sur le rôle des avocats d'enfants. Partout au Canada, on voit proliférer des avocats qui se spécialisent en droit de l'enfant. Il y a une nouvelle culture du droit de la famille et du droit de l'enfance qui est en émergence, qui fait que le monde judiciaire est beaucoup plus sensible à toutes ces questions. Je crois pouvoir dire que les enfants sont aujourd'hui beaucoup mieux représentés qu'ils ne l'étaient il y a 10 ou 15 ans. Bien sûr, il faudrait encore améliorer les choses, mais j'ose croire qu'on va vers un mieux à cet égard.
Évidemment, je dis ceci avec grand égard pour les dérapages du système, pour les cas dramatiques qui existent et qui, à notre avis, existeront toujours, auxquels il faut répondre, si c'est nécessaire, par un débat judiciaire ultime le plus nuancé et le plus exact possible, avec des expertises lorsque c'est possible, et financé lorsque c'est possible, mais certainement pas par une présomption qui serait comme un couperet.
La présomption fonctionne très bien, par exemple, pour la fixation des pensions alimentaires. La Loi sur le divorce a été modifiée en 1997. Il y a eu des réticences, mais dans le fond, la majorité des gens trouvent que c'est une bonne chose, et c'est une présomption. Je souligne tout de même que les pensions alimentaires continuent d'être fixées par les tribunaux, malgré les présomptions et les modèles de fixation, et que le modèle fédéral de fixation des pensions alimentaires, comme tous les systèmes au Canada et au Québec, a des portes de sortie qui permettent de dire que dans tel cas précis, la présomption ne marche pas parce que monsieur est en difficulté excessive. Je pense que cet argument vaut également en matière de droit de garde et de droit d'accès. C'est précisément ce que le gouvernement fédéral a souligné dans sa réponse au Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants .
[Traduction]
Le vice-président (M. John McKay): Je demanderais aux témoins d'essayer de s'en tenir à la limite de trois minutes. J'ai été plutôt généreux parce qu'il n'y a pas d'autres groupes ici.
Monsieur Mills.
M. Bob Mills: Je vous remercie.
Je pense que là où je veux vraiment en venir, c'est aux victimes psychologiques que nous créons. Encore une fois, j'ai eu la chance, ou la malchance, de voir des petites filles de cinq et de six ans qui portaient des cicatrices émotionnelles qu'avait laissé ce qu'elles avaient subi. J'ai lu, ici, qu'il y a des gens qui sont maintenant des parents enfants et qui avaient eux-mêmes subi les agressions sexuelles de la part de leurs parents. Ce sont des victimes psychologiques.
Les deux juges, dans cette affaire—et je présume que nous avons fait des recherches pour en trouver d'autres—ont dit qu'il n'y avait pas assez de lignes directrices pour empêcher l'accès. Et ensuite, on entend dire—je ne suis pas avocat—par les juges de la Cour suprême «Eh bien, si les parlementaires voulaient qu'il en soit ainsi, ils auraient dû l'inscrire dans la loi». Le Parlement est censé donner des lignes directrices aux juges, en matière de position à afficher.
Lorsque j'entends un juge dire qu'il n'y a pas assez de lignes directrices dans la loi pour empêcher un père d'avoir accès à sa fille de 13 ans qu'il a violée, et qu'il faut plus de lignes directrices pour dire que des gamines de cinq et six ans ne devraient pas aller dans une prison voir cet agresseur que la plus jeune avait vu la dernière fois à l'âge d'un an et demi—elles ne le connaissent pas—alors je dirais que même s'il n'y a qu'une seule victime, et à mon avis, il y en a tout un tas, nous devrions essayer de faire quelque chose.
Maintenant, je ne sais pas exactement ce que nous devrions faire. Ce projet de loi a été rédigé avec l'aide de plusieurs avocats, mais j'ai aussi constaté que je pouvais m'adresser à différents avocats et obtenir différentes opinions. Je pense que tout le monde comprend les motifs, ici, alors ce que je demande, c'est est-ce que les juges veulent des lignes directrices ou non?
º (1630)
M. Dominique Goubau: Je ne connais pas cette affaire en particulier, mais peut-être ce juge avait-il été mal conseillé. Je ne sais pas.
[Français]
Cependant, comme je l'ai déjà dit à monsieur, je pense que les juges ont aujourd'hui entre les mains tous les éléments et tous les outils nécessaires pour prendre les bonnes décisions. Il y a même un guide judiciaire, ce que je n'ai pas encore mentionné. En 1995 ou 1996, la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Gordon c. Goertz et dans d'autres causes qui ont suivi, notamment D c. P en 1996 également, a dit unaniment ceci que s'il n'y a pas de présomption en faveur d'une décision du parent gardien, les tribunaux doivent néanmoins accorder un très grand respect à l'égard des décisions que prennent les parents gardiens, parce que le parent gardien est celui qui connaît le mieux l'enfant, qui est avec l'enfant quotidiennement. C'est la raison pour laquelle les juges doivent prêter une attention toute particulière à la position et à la décision du parent gardien.
C'est ce qu'a dit la Cour suprême, et la juge Claire L'Heureux-Dubé l'a souligné deux fois.
Je peux vous dire, à l'analyse des décisions partout au Canada qui ont suivi ces décisions de la Cour suprême, que les tribunaux accordent en général beaucoup d'importance aux décisions des parents gardiens, par exemple en matière de suspension du droit d'accès.
Si M. le président le permet...
[Traduction]
Le vice-président (M. John McKay): Je vous laisserai du temps pour la deuxième question. Nous vous reviendrons.
Terminons avec M. Mills et une dernière question. Est-ce que vous voulez poursuivre le dialogue que vous aviez entamé?
M. Bob Mills: Oui.
Je le répète, je ne vois que des victimes psychologiques. J'entends qu'il y en a de plus en plus. Je connais très bien cette affaire-là parce que j'y ai assisté, et j'ai observé le système judiciaire et ce qu'il faisait. À mon avis, il a échoué. Il a échoué, parce que nous avons maintenant deux victimes psychologiques.
Il y en a beaucoup d'autres dans le pays. Je n'ai pas vérifié toutes les provinces, mais je pense que chaque province a ses propres victimes. Ce n'est que depuis deux ou trois semaines que j'ai été submergé par tout cela. J'ai à peine le temps de tout lire.
Il y a des victimes. Et même s'il y en avait qu'une, il me semble que le Parlement devrait donner des lignes directrices aux juges.Une suggestion qui a été faite est que les deux parents doivent expliquer pourquoi c'est dans l'intérêt de l'enfant; faites ce que vous voulez, tant que le juge est conscient qu'il pourrait créer une victime. De toute évidence, dans cette affaire et dans d'autres, il n'en était pas conscient.
Le vice-président (M. John McKay): Est-ce qu'un de vous veut répondre?
[Français]
M. Dominique Goubau: Évidemment, c'est difficile à contrôler, mais il se pourrait que dans un cas particulier, un parent gardien soit très insatisfait du maintien du contact entre son enfant et le parent incarcéré, alors que le tribunal avait peut-être entre les mains, comme cela se voit dans la pratique, une expertise d'un expert désigné par la cour démontrant que dans ce cas particulier, un certain contact devait être maintenu. Je ne sais pas si c'est le cas.
Permettez-moi de mettre cela en parallèle avec les lois provinciales en matière de protection de la jeunesse. La protection de la jeunesse relève des provinces, et toutes les provinces ont une child protection law; le Québec en a aussi une.
Évidemment, les directeurs de la protection de la jeunesse partout au Canada font leur travail le mieux possible, mais ils se trompent parfois et négligent de retirer de son milieu un enfant qui est victime. Est-ce à dire que dans la Loi sur la protection de la jeunesse, il devrait y avoir une présomption faisant en sorte que, dès lors qu'il y a violence, les enfants sont tous automatiquement retirés de leur milieu? Bien sûr que non, et personne ne soutiendrait une telle position.
Par contre, est-ce que le travail d'intervention doit être amélioré dans des situations comme celle-là? Bien sûr que oui, et cela passe notamment par l'amélioration des services, par un meilleur accès aux tribunaux et par une éducation judiciaire.
º (1635)
[Traduction]
Le vice-président (M. John McKay): Merci. C'est la dernière question.
Je tiens à remercier les témoins au nom du comité pour leur aide à régler cette question. On n'aime pas beaucoup laisser le dernier mot à un professeur de droit, tout de même.
Des voix: Oh, oh!
Le vice-président (M. John McKay): Au nom de notre président, je vous souhaite à tous un bon été. Ceci est notre dernière réunion. C'est la centième réunion de notre comité, et je suppose que je vous verrai à l'automne. Bonnes vacances.
Merci encore.