JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la justice et des droits de la personne
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 13 juin 2002
¿ | 0935 |
Mme Lisa Dillman (témoignage à titre personnel) |
¿ | 0940 |
¿ | 0945 |
Le président |
¿ | 0950 |
Le président |
M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne) |
¿ | 0955 |
Mme Karon Van Koughnett |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. Bob Mills |
Le président |
À | 1000 |
M. Bob Mills |
M. Bob Mills |
Mme Lisa Dillman |
M. Bob Mills |
Le président |
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ) |
À | 1005 |
Le président |
Mme Lisa Dillman |
Le président |
M. Robert Lanctôt |
Le président |
M. Robert Lanctôt |
Le président |
M. Robert Lanctôt |
À | 1010 |
Le président |
Mme Lisa Dillman |
À | 1015 |
M. Robert Lanctôt |
Le président |
M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.) |
Mme Lisa Dillman |
M. Paul Harold Macklin |
Mme Lisa Dillman |
M. Paul Harold Macklin |
Mme Lisa Dillman |
M. Paul Harold Macklin |
Mme Lisa Dillman |
À | 1020 |
M. Paul Harold Macklin |
Le président |
M. Robert Lanctôt |
Á | 1135 |
Le président |
Mme Karon Van Koughnett |
Le président |
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne) |
Á | 1140 |
Mme Karon Van Koughnett |
M. Chuck Cadman |
Mme Karon Van Koughnett |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. Chuck Cadman |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. Chuck Cadman |
Le président |
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC) |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. Peter MacKay |
Mme Karon Van Koughnett |
Á | 1145 |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. Peter MacKay |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. Peter MacKay |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. Peter MacKay |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. Peter MacKay |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
Mme Karon Van Koughnett |
M. Peter MacKay |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. Peter MacKay |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. Peter MacKay |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. Peter MacKay |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
Á | 1150 |
M. Peter MacKay |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. Peter MacKay |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
Le président |
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.) |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. John McKay |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. John McKay |
Mme Karon Van Koughnett |
M. John McKay |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. John McKay |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. John McKay |
Le président |
M. Paul Harold Macklin |
Á | 1155 |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. Paul Harold Macklin |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. Paul Harold Macklin |
Le président |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
Le président |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
 | 1200 |
Le président |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
Le président |
M. Chuck Cadman |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. Chuck Cadman |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
M. Chuck Cadman |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
 | 1205 |
M. John McKay |
Le président |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
Le président |
Mme Joyce Waddell-Townsend |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la justice et des droits de la personne |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 13 juin 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0935)
[Traduction]
Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Nous recevons aujourd'hui des témoignages concernant le projet de loi C- 400, Loi modifiant la Loi sur le divorce (restriction des droits d'accès des délinquants sexuels).
Nous avons tout d'abord Lisa Dillman, qui comparait à titre individuel. Nous avons également, de Kingston, la présidente de Children Visiting Prisons, Joyce Waddell-Townsend, ainsi qu'une conseillère de première ligne de Bridge House, Inc., Karon Van Koughnett. Mesdames, veuillez, si possible, limiter votre exposé préliminaire à environ dix minutes. Je vous ferai signe quand vous serez à 30 secondes de ce temps. Les membres du comité auront ainsi la possibilité de vous poser des questions.
La parole est à vous, madame Dillman, pour dix minutes.
Mme Lisa Dillman (témoignage à titre personnel): Mes deux dernières filles n'avaient respectivement que 13 et 20 mois quand ma fille aînée, alors âgée de 15 ans, m'a révélé les détails des abus sexuels auxquels l'avait soumise son beau-père, mon mari. Le 25 avril 1997, mon monde s'est écroulé quand ma fille m'a raconté ce qui lui était arrivé sous mon propre toit. J'étais anéantie. Je ne savais pas vers qui me tourner. Sans ma famille et mes amis, je ne suis pas sûre que j'aurais pu continuer.
Compte tenu de la gravité des crimes de mon mari, surtout contre un enfant, les services sociaux m'ont accordé provisoirement la garde de mes deux plus jeunes filles. Un juge du tribunal de la famille a accordé ensuite à l'accusé un droit de visite sous supervision tous les week-ends, de 9 à 17 heures le samedi et le dimanche, et tous les après-midi, le mercredi.
Cette décision a bouleversé toute ma famille. Ma plus jeune fille n'avait que 13 mois à ce moment, et je l'allaitais encore. Mon coeur se brisait chaque fois qu'il venait à la maison pour l'arracher littéralement à mes bras. Je me mettais à pleurer quand je voyais sa petite face se crisper lorsqu'il l'emmenait. Cette scène se renouvelait interminablement tandis que les mois passaient. Je suppliai les tribunaux de me permettre de garder mes filles au moins une fin de semaine sur deux.
Mon fils, alors âgé de 14 ans, était pensionnaire et ne revenait à la maison qu'à l'occasion, pendant le week-end. Il a tant perdu cette année-là. Quand il est rentré, il était pratiquement devenu un étranger pour ses petites soeurs.
J'avais l'impression que les tribunaux ne montraient aucune sympathie envers mes enfants et moi, se souciant bien plus des droits de l'accusé. Le généreux droit de visite qu'il avait obtenu en attendant son procès pour des accusations aussi graves était absolument ridicule. Chaque fois qu'il venait, j'étais obligée de regarder ce criminel qui avait drogué et violé mon enfant.
Les mots ne suffisent pas pour exprimer la peine que je devais endurer chaque fois qu'il me fallait regarder cet homme en face et lui remettre mes deux précieuses filles, tout en pensant aux crimes qu'il avait commis. J'ai dû supporter cette situation pendant deux ans tandis que nous attendions le procès, et le voir ainsi emporter mes filles sans savoir ce qui leur arriverait.
Mes enfants n'avaient jamais demandé ce bouleversement de leur vie. Comme mère, j'estime qu'il est de mon devoir de leur assurer une vie aussi normale que possible. Je veux qu'elles grandissent en sachant qu'elles sont aimées par ceux qui les entourent. Je suis le seul parent qu'elles aient connu de toute leur vie.
Je n'ai pas eu à expliquer à mes deux petites filles pourquoi leur père était en prison. Elles n'avaient respectivement que 4 et 5 ans lorsque cet homme m'a agressée en leur présence. Elles étaient terrifiées de voir leur mère le visage ensanglanté et les yeux pochés. Cette image restera à jamais gravée dans leur esprit. Elle ne l'oublierons jamais.
Pendant qu'elle préparait mes filles pour la visite en prison, la travailleuse sociale leur a demandé si elles savaient pourquoi il était incarcéré. Elles ont répondu toutes deux: «Oui, c'est parce qu'il a fait mal à maman.» Je suis attristée de penser qu'elles se souviennent si jeunes de ce violent épisode. Et je suis encore plus triste en me disant qu'il faudra dans quelques années qu'elles apprennent la vérité, qu'elles sachent que cet homme avait drogué et violé leur soeur.
Lorsque les tribunaux de la Saskatchewan m'ont permis de déménager en Alberta, j'étais folle de joie. C'était enfin une chance de recommencer à neuf pour mes enfants et moi.
J'ai donc été choquée quand mon avocat m'a annoncé en novembre 2000 que mon ex-mari allait demander aux tribunaux de la Saskatchewan de maintenir son droit de visite pour qu'il puisse voir mes filles en prison. Je ne pouvais pas m'arrêter de pleurer. Comment pouvait-il en être ainsi? Chacun essayait de me consoler en me disant que cela était impossible. J'essayais d'assurer à mes enfants un foyer sûr. Aucun tribunal du pays ne pourrait me forcer à emmener mes filles rendre visite en prison à un homme qui avait violé leur soeur. Hélas, je me trompais du tout au tout.
Je restai incrédule quand mon avocat m'a envoyé un message électronique de la Saskatchewan pour me dire que j'avais perdu, que mes filles devaient aller rendre visite à cet homme en prison. Dans mon désespoir, j'ai téléphoné à Bob Mills, député de Red Deer, pour demander s'il pouvait faire quelque chose.
Je ne remercierai jamais assez M. Mills pour ce qu'il a fait pour ma famille.
¿ (0940)
Le 27 mai 2001, j'ai connu l'une des journées les plus dures de ma vie. C'était la date de la première visite que nous devions effectuer en prison. Comme nous nous apprêtions à partir, une travailleuse sociale essayait de préparer mes filles à ce qui les attendait. Les deux étaient très silencieuses et s'accrochaient à moi de crainte que je ne les abandonne. À la prison, on nous a dit que le délinquant était assis dans le parloir et qu'il ne serait pas autorisé à quitter sa chaise. Tandis que nous nous approchions, les deux filles semblaient de plus en plus terrifiées: elles s'étaient accrochées à mes jambes, les mains crispées autour de moi, et avaient enfoui leur visage dans ma robe. Les deux m'ont demandé de ne pas les emmener là. Visiblement troublée par ce qu'elle voyait, la travailleuse sociale qui nous avait accompagnées a décidé d'interrompre la visite.
Dans les semaines qui ont suivi, mes filles n'ont pas passé une seule nuit entière dans leur propre lit. Toutes les nuits, elles venaient se glisser dans mon lit. Avant cette visite, elles avaient toujours eu un sommeil très paisible. Les deux voient encore régulièrement un psychiatre pour enfants, qui les aide à surmonter le traumatisme auquel elles ont été soumises. Ma fille de 7 ans a un sentiment constant d'insécurité. Je crains qu'elle n'ait des troubles psychologiques graves à l'avenir.
Depuis la visite manquée en prison, mon ex-mari a continué à me harceler à la maison et au travail. Des femmes, qu'il a réussi à recruter de l'intérieur de la prison, prennent contact avec moi. Je suis certaine que ces femmes sont bien intentionnées et qu'elles ont été trompées par ses manigances. Ces intrusions bouleversent ma vie privée et celle de ma famille. Apparemment, il a persuadé des agents de correction qu'il était un pédophile réformé, puisqu'il a réussi à obtenir une audience de libération conditionnelle un an avant la date prévue.
Comme mère, je suis terrifiée pour mes enfants. Je me sentirai toujours coupable parce que je n'ai pas réussi à protéger ma fille contre ce prédateur. De son côté, elle gardera à jamais les traces des abus que lui a fait subir un homme en qui elle avait confiance. Je ne permettrai pas à cet homme de nuire à mes autres filles.
Je m'adresse à vous aujourd'hui pour vous demander de modifier la loi et de tenter ainsi de protéger notre ressource la plus précieuse, nos enfants. Les mots ne suffisent pas pour exprimer toute la gratitude que je ressens parce qu'une mère de Red Deer peut se faire entendre par les dirigeants du pays. J'ai parfois l'impression de me battre seule contre un système judiciaire monstrueux, sans justice ni raison. Je ne cherche qu'à protéger mes filles contre un prédateur sexuel. Je ne vous demande que de faire passer les droits de mes enfants avant ceux d'un agresseur sexuel.
Je voudrais en outre préciser que je n'ai pas d'affiliation politique. Je me suis adressée à mon député, Bob Mills, et je lui suis très reconnaissante d'avoir accepté de défendre ma cause. Je sens renaître l'espoir en moi en voyant que des députés de différents partis peuvent reconnaître et appuyer une cause juste, indépendamment de l'affiliation politique du parrain du projet de loi.
Enfin, j'ai une autre grande faveur à vous demander. Je voudrais qu'on vous pensiez à ce qui arrive lorsque des prédateurs comme mon ex-mari sortent de prison. Mon cauchemar recommencera alors. Mes petites filles pourraient encore une fois être obligées, contre leur gré, à visiter le criminel qui a attaqué et violé leur soeur. Vous avez le pouvoir de m'aider et d'en aider d'autres qui se trouvent dans la même situation. Je vous supplie d'user de votre sagesse et de votre pouvoir pour nous protéger.
Je vous remercie.
¿ (0945)
Le président: Merci beaucoup.
Madame Joyce Waddell-Townsend, présidente de Children Visiting Prisons, de Kingston, vous avez la parole.
Mme Joyce Waddell-Townsend (présidente, Children Visiting Prisons, Kingston): Merci, Lisa. J'ai beaucoup appris en vous écoutant.
Fin mai, nous avons écrit au comité, qui a commencé ses audiences il y a deux semaines, pour exprimer notre appui à la plupart des dispositions du projet de loi. En même temps, nous voulons que les enfants en cause aient l'occasion de participer au processus de décision quand leur bien-être est en jeu. Si nous avons bien compris le projet de loi, l'enfant d'un parent incarcéré pour une infraction sexuelle, que l'enfant en ait été victime ou non, n'a pas la possibilité de dire s'il souhaite ou non rendre visite à son père ou à sa mère en prison. C'est l'autre parent qui prend la décision.
Bien sûr, si l'enfant a des contacts avec le parent incarcéré, toute visite devrait être surveillée de près. Même si beaucoup d'enfants de moins de 18 ans peuvent, dans cette situation, préférer éviter tout contact, la question est de veiller à ce que l'enfant participe à la décision, comme le prévoient les deux dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. À l'article 9, la Convention prévoit que l'enfant séparé de ses deux parents ou de l'un d'eux devrait pouvoir entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant. L'article 12 garantit à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération.
Le problème est que cette option n'est pas prévue dans cette modification de la Loi sur le divorce, qui donne un droit exclusif de décision au parent qui a la garde de l'enfant. C'est cependant une affaire très complexe. Dans certains cas, pas tous, il peut être de l'intérêt de l'enfant d'avoir accès à son parent incarcéré, selon la gravité de l'infraction qui lui est reprochée.
Je peux facilement comprendre l'inquiétude de Lisa, dans sa situation particulière. Toutefois, c'est une situation extrême. Je regrette vraiment que vous-même et votre famille ayez eu à affronter de tels événements. On peut cependant imaginer d'autres situations, qui ne sont pas aussi extrêmes, où le parent libre en veut vraiment à celui qui est détenu. Karon pourra vous en dire plus à ce sujet parce qu'elle est en contact avec beaucoup de familles qui visitent des détenus.
Je m'occupe personnellement de jeunes enfants. Pendant longtemps, je me suis souciée de la façon dont les enfants voient ce qui arrive à un parent, et notamment un père. Nous travaillons à Kingston, qui compte huit pénitenciers fédéraux. C'est la seule ville, à part Abbotsford, qui ait autant d'hommes incarcérés.
Ces enfants sont très jeunes. Pour eux, une personne qu'ils connaissent – et, souvent, qu'ils aiment – leur a été enlevée. D'abord, ces enfants ont l'impression que la personne a disparu ou qu'elle est morte. Ils se disent: si cette personne est partie, n'est-il pas possible aussi que leur autre parent disparaisse? Ils se demandent si c'est à cause de quelque chose qu'ils ont fait. En effet, les jeunes enfants ont l'impression qu'ils sont au centre de leur univers. Ils peuvent penser que leur parent est parti parce qu'ils ont donné un coup de pied à leur frère ou ont fait un autre geste répréhensible.
¿ (0950)
Notre objectif est de soutenir la famille si elle souhaite effectuer ces visites. Nous le faisons en collaborant avec le Service correctionnel pour aménager un local convenant aux enfants, avec des jouets et d'autres objets pouvant intéresser les enfants. Les visites ont une durée allant de 3 à 6 heures. Si les enfants n'ont rien à faire, ils vont s'ennuyer et se mettre à courir partout, causant toutes sortes d'ennuis aux autres visiteurs.
Également dans le cadre de notre travail, nous avons établi une liste de livres qui aident les parents à parler aux enfants de la situation du parent incarcéré. La plupart de ces livres servent à expliquer aux enfants ce qui se passe.
Voici une photo sur laquelle on voit un détenu qui est servi à la cantine. Il est visible qu'il a de la viande dans son assiette. Un petit de 5 ans qui était à Bridge House l'autre jour a regardé la photo et a dit: «Oh, je croyais que mon papa avait juste du pain sec et de l'eau.» Les enfants ont donc beaucoup de fausses idées qu'il est important de corriger.
Bref, nous voudrions voir ajouter quelques mots au projet de loi pour tenir compte de l'intérêt supérieur des enfants et de toutes les circonstances de chaque affaire.
Karon, voulez-vous ajouter quelques mots...
Mme Karon Van Koughnett (Front Line Counsellor, Bridge House Inc.): Je travaille à Bridge House. C'est un refuge pour les femmes et les enfants qui visitent des détenus dans les établissements fédéraux de la région de Kingston.
Dans certains cas, notamment les cas de violence sexuelle, comme celui de Lisa, je ne peux pas m'opposer à son point de vue. Je conviens avec elle que c'est une situation terrible. Il y a cependant des infractions sexuelles qui sont commises par des maris sous l'influence de l'alcool ou de la drogue, mais pas sur leurs propres enfants. Je crois donc que les enfants devraient avoir un mot à dire au sujet des visites à leur père. Souvent, les mères sont bouleversées par le crime, ou sont furieuses parce que leur mari a des relations avec une autre femme en prison. Elles peuvent alors décider d'empêcher les enfants d'aller rendre visite à leur père. Je ne crois pas que cela soit juste. J'estime donc que les enfants devraient pouvoir donner leur avis, selon la nature de l'infraction.
Je n'ai cependant rien à dire sur la situation de Lisa. Je trouve horrible ce qu'elle-même et ses enfants ont subi. Toutefois, dans le cas d'autres infractions sexuelles – qui demeurent très répréhensibles –, les enfants devraient avoir la possibilité de dire s'ils veulent ou non aller voir leur père ou leur mère en prison.
Mme Joyce Waddell-Townsend: J'ai ici des brochures sur ce que nous faisons. Je vais peut-être les distribuer moi-même parce qu'elles ne sont pas bilingues.
Le président: Il suffit de les laisser ici. Les membres du comité savent qu'elles sont là. Ils pourront se servir.
Mme Joyce Waddell-Townsend: Oh, ils peuvent les prendre eux-mêmes. Je vous remercie.
Le président: Monsieur Mills, vous avez sept minutes.
M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président. Je veux également remercier les témoins. Bien sûr, Lisa et moi avons parlé de cette affaire pendant plusieurs mois. Nous avons visité la prison ensemble le 27 mai, et c'est ainsi que le projet de loi C-400 a vu le jour. Après avoir écouté ces deux autres dames, je tiens à préciser l'objet du projet de loi, pour que vous puissiez tous le comprendre.
Les membres du comité m'ont déjà entendu parler à plusieurs reprises. Je suis tout à fait disposé à limiter la portée du projet de loi, mais je ne veux plus jamais voir un enfant, n'importe où au Canada, subir des situations comme celle dont j'ai été témoin le 27 mai. Ce n'est certainement pas bon psychologiquement et ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant. Je crois que vous en convenez avec moi dans ce cas.
Je veux parler des pédophiles. Je crois que les membres du comité ont entendu d'autres témoins dire que la portée du projet de loi est trop importante. Je crois qu'il est possible de la restreindre. Je serais très heureux de m'en remettre au comité pour aboutir à un projet de loi bien conçu.
Par-dessus tout, il faut protéger l'intérêt supérieur de l'enfant. Si l'enfant est assez grand, si le parent qui a la garde pense que la visite est dans son intérêt ou si un psychologue le recommande, le projet de loi ne s'appliquerait pas.
Deux juges ont dit que les lignes directrices existantes ne leur donnent pas des éléments suffisants pour empêcher de jeunes enfants de visiter un pédophile, un homme qui a violé leur demi-soeur. Je veux être sûr que vous comprenez les motifs du projet de loi. Je ne parle pas des enfants en général qui rendent visite à des parents en prison. Je suis convaincu que, pour les détenus, le fait de voir leurs enfants fait partie de la réadaptation. J'ai moi-même des enfants et des petits-enfants, et je sais combien il est important pour moi de les voir. Ce serait pour moi la pire punition si on m'empêchait de les voir. Par conséquent, ce n'est pas du tout ce que nous essayons de faire. Nous parlons d'enfants qu'on oblige à visiter des pédophiles.
Certaines questions ont été posées. Y a-t-il beaucoup de cas comme celui-ci? Est-ce que cela arrive souvent? Heureusement, cela n'est pas très fréquent, mais cela arrive. Chaque fois qu'on en parle en public, nous recevons plus d'appel et de lettres de gens qui disent qu'ils ont vécu des situations semblables à celle de Lisa. Il serait donc faux de dire que nous parlons uniquement de Lisa et de ses deux petites filles. D'autres personnes connaissent la même situation.
Tous les appels que j'ai reçus provenaient de femmes, de mères qui sont obligées à emmener des enfants rendre visite à un père pédophile, qui s'est parfois attaqué à ses propres enfants. En effet, une femme m'a récemment parlé d'une enfant qui était obligée à rendre visite à celui qui l'avait violée. Si les juges ne peuvent pas comprendre l'effet psychologique que cela peut avoir sur de jeunes enfants, alors il incombe au Comité de la justice de remédier à la situation pour que cela ne se reproduise plus.
Êtes-vous d'accord avec ce que je viens de dire? Je ne veux pas parler de détenus qui reçoivent la visite de leurs enfants. J'espère que cela est clair. J'aimerais connaître votre avis à ce sujet.
¿ (0955)
Mme Karon Van Koughnett: J'avais mal compris, je suppose. Je pensais à d'autres délinquants sexuels, qui ne sont pas pédophiles et qu'on empêcherait de voir leurs enfants. Je regrette, je suis entièrement d'accord avec vous.
Mme Joyce Waddell-Townsend: Vous avez eu raison de donner ces précisions. Dans sa version actuelle, le projet de loi ne dit rien de la pédophilie.
M. Bob Mills: C'est la raison pour laquelle les comités font appel à des témoins. C'est la raison pour laquelle j'ai consulté des avocats spécialisés en droit constitutionnel pour les inviter à exposer leur point de vue sur les arguments constitutionnels.
La Constitution dit clairement qu'on peut priver une personne de ses droits s'il est possible de le justifier. C'est essentiellement cela. On a suggéré – et j'aimerais avoir votre point de vue et celui de Lisa à ce sujet – que si le délinquant doit prouver que c'est dans l'intérêt supérieur de l'enfant, il lui incomberait d'en convaincre lui-même le juge.
Qu'en pensez-vous?
Le président: Madame Waddell-Townsend.
Mme Joyce Waddell-Townsend: Je crois que c'est difficile pour le père, même s'il est possible dans certains cas de tirer des ficelles de l'intérieur de la prison. Toutefois, beaucoup de détenus ne seraient pas en mesure de prouver que c'est dans l'intérêt supérieur de l'enfant.
C'est l'une des raisons pour lesquelles nous serions mal à l'aise si le conjoint avait le droit exclusif de prendre la décision. Nous voudrions que ce soit un peu plus vaste. Le juge lui-même peut avoir pris une mauvaise décision. Je sais qu'au cours des audiences sur la garde des enfants, des évaluations psychologiques sont produites, et les avocats en parlent aussi. L'approche est plus vaste. C'est ce que nous préférons, plutôt qu'une approche plus étroite. Si j'ai bien compris votre projet de loi, ce serait le conjoint ayant la garde qui aurait le dernier mot.
À (1000)
M. Bob Mills: Il est possible d'y apporter des modifications.
Mme Joyce Waddell-Townsend: La question est très complexe. Dans sa forme actuelle, le projet de loi présente une situation dans laquelle tout est blanc ou tout est noir. Il faudrait un peu plus de zones grises.
M. Bob Mills: Qu'en pensez-vous, Lisa?
Mme Lisa Dillman: Dans ma situation, sachant à quel point mon ex-mari peut être manipulateur, je suis sûre qu'il peut présenter un très bon rapport sur les raisons pour lesquelles les visites des enfants seraient dans leur propre intérêt.
Je ne peux parler que de mon expérience personnelle. Je sais, par exemple, comment il a réussi à faire croire à ma fille aînée qu'il était un homme bon, un père affectueux et aimant qui assistait aux parties de soccer et à différentes rencontres de sports. À l'époque, nous n'avions aucune idée de la double vie qu'il menait.
C'est une source de préoccupation. Seront-ils ou non capables de convaincre les tribunaux que c'est dans l'intérêt supérieur des enfants quand, en fait, ce n'est pas le cas? En ce qui me concerne, j'ai obtenu la garde exclusive de mes filles parce qu'elles étaient tellement jeunes. J'ai l'impression de bien savoir où se trouve leur intérêt.
M. Bob Mills: Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup. Vous aurez beaucoup d'autres occasions de répondre à ces questions.
Monsieur Lanctôt, vous avez sept minutes.
Mr. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Merci, monsieur le président.
On a déjà entendu d'autres témoins qui nous ont parlé de votre cas. J'appelle ça votre cas parce qu'on a l'impression que le projet de loi a été fait pour votre cas. Pour ma part, c'est un peu ce que je déplore, car c'est un cas d'exception. Je ne dis pas que c'est malheureux ou que ce n'est pas malheureux. C'est sûrement très malheureux pour vous et vos enfants, sauf qu'il s'agit d'un cas très particulier. On essaie de créer une loi, et les gens autour de la table sont très conscients de ce dont je vais vous parler.
Le projet de loi est conçu pour modifier la Loi sur le divorce. Il y a certains enfants qui sont nés de couples mariés et il y en a d'autres qui sont nés à la suite d'unions de fait. On fait marche arrière en essayant de faire une distinction entre les enfants issus de mariages, et qui tombent donc sous le coup de la Loi sur le divorce, et les enfants issus d'unions de fait. Il y aurait donc deux catégories. Cela n'existe plus.
Les enfants sont égaux en tout et partout. Il n'y a plus d'enfants légitimes ou illégitimes. Tous les enfants sont égaux. Il y a la Déclaration universelle des droits de l'homme ainsi que la Convention internationale des droits de l'enfant. Selon la Convention internationale des droits de l'enfant, chaque enfant a les mêmes droits. Vous êtes en train de créer un monstre. Je ne connais pas votre cas. Je suis avocat, et je suis aussi un expert en droit familial et matrimonial. Présentement, tout est dans la loi. Ceci a été confirmé par un constitutionnaliste ainsi que par l'Association du Barreau canadien, qu'on a vus la semaine dernière. Lorsqu'on parle de l'intérêt de l'enfant, il y a non seulement la convention internationale que le Canada a signée, mais aussi la Loi sur le divorce qui précisent que l'on doit tenir compte de l'intérêt de l'enfant. Tout est là. Vous avez même la possibilité de faire faire des évaluations et d'entendre des experts tels des psychologues et des travailleurs sociaux, entre autres, au cours d'un procès.
Je ne dis pas que dans votre cas, il y a eu une bonne décision. Je ne peux même pas vous dire si la décision a été mauvaise. En apparence, elleir, c'est un jugement ou des motifs de jugement. Je n'ai pas encore obtenu le motif. J'ai demandé à écouter cela.
Encore là, il y un problème. Peu importe la façon dont on voudra modifier la loi, cela va créer un problème. Il existe peut-être une situation où l'enfant devrait voir son père ou sa mère, c'est-à-dire le parent qui est détenu. Ce serait difficile d'amender ce projet de loi pour le rendre correct. La loi vous permet de faire immédiatement des affidavits et de demander un jugement intérimaire. Au Québec, en l'espace de quelques heures, on peut obtenir un jugement disant que vous avez la garde alors que le père a des droits d'accès.
Le cas dont on parle s'applique seulement à quelqu'un qui a la garde ou le droit d'accès en cas de divorce. C'est tout ce qu'on veut changer. Les autres ne changeront pas. Pourquoi faire cette distinction par le biais d'une loi? On précise de façon très particulière que ce sont juste les enfants de parents divorcés qui pourront en bénéficier. Au contraire, cela pourrait peut-être nuire à certains enfants. Je ne le sais pas.
Vous avez les éléments nécessaires. Je ne connais pas toutes les démarches que vous avez faites. J'ai su que vous n'aviez pas porté cette décision en appel. Vous n'avez pas utilisé les armes que vous aviez pour démontrer le bien-fondé possible de votre requête qui visait à interdire l'accès. Vous me dites que votre ex-conjoint aurait pu possiblement présenter quelque chose de très bien. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est vous. S'il est capable de démontrer et de convaincre un juge que c'est dans l'intérêt de ses enfants... Ce sont ses enfants. Je ne veux pas prendre sa part, mais les lois sont là. Jusqu'à maintenant, elles ont été bien utilisées, mais il peut y avoir des erreurs. S'agit-il d'une erreur judiciaire? Est-ce que le juge s'est trompé?
Votre député à Red Deer a bien fait son travail. Cela n'a rien à voir avec votre député. Il présente un projet de loi qui vise à améliorer la situation. Tout le monde autour de cette table veut améliorer les choses dans l'intérêt de l'enfant. Mais votre cas est particulier. Il ne faut pas faire des lois pour des cas particuliers, car cela peut nuire à d'autres cas. Votre cas est déplorable et c'est évident pour vous. Vous, votre avocat, le juge, vos enfants, votre ex-conjoint et son avocat le savez. Nous, autour de la table, on ne connaît pas les faits. Cela a été fait à huis clos. Il faut faire attention quand on veut modifier des lois, car on pourrait ainsi nuire à d'autres enfants.
J'aimerais vous entendre à ce sujet.
[Français]
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Merci, monsieur le président.
On a déjà entendu d'autres témoins qui nous ont parlé de votre cas. J'appelle ça votre cas parce qu'on a l'impression que le projet de loi a été fait pour votre cas. Pour ma part, c'est un peu ce que je déplore, car c'est un cas d'exception. Je ne dis pas que c'est malheureux ou que ce n'est pas malheureux. C'est sûrement très malheureux pour vous et vos enfants, sauf qu'il s'agit d'un cas très particulier. On essaie de créer une loi, et les gens autour de la table sont très conscients de ce dont je vais vous parler.
Le projet de loi est conçu pour modifier la Loi sur le divorce. Il y a certains enfants qui sont nés de couples mariés et il y en a d'autres qui sont nés à la suite d'unions de fait. On fait marche arrière en essayant de faire une distinction entre les enfants issus de mariages, et qui tombent donc sous le coup de la Loi sur le divorce, et les enfants issus d'unions de fait. Il y aurait donc deux catégories. Cela n'existe plus.
Les enfants sont égaux en tout et partout. Il n'y a plus d'enfants légitimes ou illégitimes. Tous les enfants sont égaux. Il y a la Déclaration universelle des droits de l'homme ainsi que la Convention internationale des droits de l'enfant. Selon la Convention internationale des droits de l'enfant, chaque enfant a les mêmes droits. Vous êtes en train de créer un monstre. Je ne connais pas votre cas. Je suis avocat, et je suis aussi un expert en droit familial et matrimonial. Présentement, tout est dans la loi. Ceci a été confirmé par un constitutionnaliste ainsi que par l'Association du Barreau canadien, qu'on a vus la semaine dernière. Lorsqu'on parle de l'intérêt de l'enfant, il y a non seulement la convention internationale que le Canada a signée, mais aussi la Loi sur le divorce qui précisent que l'on doit tenir compte de l'intérêt de l'enfant. Tout est là. Vous avez même la possibilité de faire faire des évaluations et d'entendre des experts tels des psychologues et des travailleurs sociaux, entre autres, au cours d'un procès.
Je ne dis pas que dans votre cas, il y a eu une bonne décision. Je ne peux même pas vous dire si la décision a été mauvaise. En apparence, elle semble mauvaise, mais il n'y a personne qui était là sauf vous, votre avocat, votre conjoint et vos enfants. Ce qui s'est passé s'est passé à huis clos. Tout ce qu'on pourrait obtenir, c'est un jugement ou des motifs de jugement. Je n'ai pas encore obtenu le motif. J'ai demandé à écouter cela.
Encore là, il y un problème. Peu importe la façon dont on voudra modifier la loi, cela va créer un problème. Il existe peut-être une situation où l'enfant devrait voir son père ou sa mère, c'est-à-dire le parent qui est détenu. Ce serait difficile d'amender ce projet de loi pour le rendre correct. La loi vous permet de faire immédiatement des affidavits et de demander un jugement intérimaire. Au Québec, en l'espace de quelques heures, on peut obtenir un jugement disant que vous avez la garde alors que le père a des droits d'accès.
Le cas dont on parle s'applique seulement à quelqu'un qui a la garde ou le droit d'accès en cas de divorce. C'est tout ce qu'on veut changer. Les autres ne changeront pas. Pourquoi faire cette distinction par le biais d'une loi? On précise de façon très particulière que ce sont juste les enfants de parents divorcés qui pourront en bénéficier. Au contraire, cela pourrait peut-être nuire à certains enfants. Je ne le sais pas.
Vous avez les éléments nécessaires. Je ne connais pas toutes les démarches que vous avez faites. J'ai su que vous n'aviez pas porté cette décision en appel. Vous n'avez pas utilisé les armes que vous aviez pour démontrer le bien-fondé possible de votre requête qui visait à interdire l'accès. Vous me dites que votre ex-conjoint aurait pu possiblement présenter quelque chose de très bien. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est vous. S'il est capable de démontrer et de convaincre un juge que c'est dans l'intérêt de ses enfants... Ce sont ses enfants. Je ne veux pas prendre sa part, mais les lois sont là. Jusqu'à maintenant, elles ont été bien utilisées, mais il peut y avoir des erreurs. S'agit-il d'une erreur judiciaire? Est-ce que le juge s'est trompé?
Votre député à Red Deer a bien fait son travail. Cela n'a rien à voir avec votre député. Il présente un projet de loi qui vise à améliorer la situation. Tout le monde autour de cette table veut améliorer les choses dans l'intérêt de l'enfant. Mais votre cas est particulier. Il ne faut pas faire des lois pour des cas particuliers, car cela peut nuire à d'autres cas. Votre cas est déplorable et c'est évident pour vous. Vous, votre avocat, le juge, vos enfants, votre ex-conjoint et son avocat le savez. Nous, autour de la table, on ne connaît pas les faits. Cela a été fait à huis clos. Il faut faire attention quand on veut modifier des lois, car on pourrait ainsi nuire à d'autres enfants.
J'aimerais vous entendre à ce sujet.
À (1005)
[Traduction]
Le président: Madame Dillman.
Mme Lisa Dillman: Je n'ai pas eu d'interprétation.
Le président: Allez-y, nous allons recommencer.
Est-ce que quelqu'un pourrait s'assurer que le système d'interprétation fonctionne? Il est probable que vous étiez tout simplement branchée sur le mauvais canal.
[Français]
M. Robert Lanctôt: Monsieur le président, c'est évident que je ne reprendrai pas les mêmes termes.
[Traduction]
Le président: Ce sera notre première période de 14 minutes.
[Français]
M. Robert Lanctôt: Je vais faire une synthèse.
[Traduction]
Le président: Monsieur Lanctôt, j'écoutais. Alors, pas de digressions.
[Français]
M. Robert Lanctôt: Je vais reprendre en vous disant que le projet de loi qui a été déposé pose un problème. Il faut que vous compreniez bien que le projet de loi qui est déposé est une modification à la Loi sur le divorce. Donc, ce projet de loi fait une distinction entre les enfants qui sont nés de parents mariés qui sont maintenant divorcés et les autres enfants. Le projet de loi ne prévoit pas tous les autres cas, comme celui des enfants qui sont issus d'une union de fait et dont les parents se sont séparés. Cette loi-là ne s'applique pas à eux. Elle ne s'applique pas non plus aux enfants de parents qui sont toujours mariés, donc qui ne sont pas divorcés, ou qui vivent en union de fait.
Le cas qui a inspiré la présente modification est très grave. Pour vous, c'est quelque chose de très particulier. Chaque dossier est vraiment particulier. On ne connaît pas les faits relatifs à votre dossier, puisqu'il y a eu une audition à huis clos. Tout ce que le comité pourra peut-être avoir, ce sont les motifs du jugement.
Le problème, c'est que vous êtes en train de créer ce que j'appelle un monstre. La Convention internationale des droits de l'enfant, que nous avons signée, et notre loi parlent déjà de l'intérêt de l'enfant. Vous êtes en train de faire des distinctions entre les enfants du Canada et du Québec et de dire qu'il y a des enfants légitimes et d'autres illégitimes. Ce genre de distinction n'existe plus.
On ne doit pas modifier une loi pour régler un cas exceptionnel, comme ça semble être votre cas. Est-ce que votre cas serait une erreur judiciaire ou une autre erreur provenant des demandes que vous pourriez avoir faites? Le député de Red Deer est venu nous dire que vous n'êtes même pas allée en appel de ce jugement. Vous n'avez pas utilisé toutes les armes à votre disposition. Vous savez très bien qu'il est possible de monter un dossier en ayant recours à des évaluations psychologiques et aux services de travailleurs sociaux. Je ne sais pas si vous l'avez fait ou pas.
Tout ce qu'on peut dire, c'est que présentement, la loi protège. C'est dans l'intérêt des enfants. On a même entendu des constitutionnalistes à ce sujet et je suis vraiment d'accord avec eux. Si on essaie de changer, on aura un problème en rapport avec l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. En effet, on aura un problème de discrimination entre des enfants nés d'un mariage et ceux qui sont nés d'une union de fait. Et plus encore, cela s'applique juste à ceux qui tombent présentement sous le coup de la Loi sur le divorce.
Comme vous le savez, il existe des jugements intérimaires, provisoires. Si dans le dossier, pour vous et pour tous les enfants, on peut faire des changements très rapides, en quelques heures, juste avec des jugements intérimaires qui permettent de garder le statu quo... Dans votre cas, vous avez déjà la garde. Je ne veux pas reprendre votre situation et le jugement, car je ne connais pas tous les faits, mais il est très dangereux de changer cette loi de la façon dont c'est présenté dans ce projet de loi-ci. Même si on nous dit qu'on veut apporter une précision qui concernerait uniquement les pédophiles, chaque personne a droit à une audience. Et lors de cette audience, les deux parties feront valoir leur point pour l'intérêt de l'enfant. Ce n'est pas quelque chose de nouveau, mais c'est quelque chose qui est indiqué et prévu dans la loi. C'est déjà prévu également dans la Convention internationale des droits de l'enfant, qui a été signée par le Canada. J'aimerais entendre vos commentaires sur ce que je viens de vous dire.
À (1010)
[Traduction]
Le président: Madame Dillman.
Mme Lisa Dillman: Je m'excuse pour le malentendu de tout à l'heure.
Si j'ai bien compris, vous me demandez, s'il s'agit bien de la Loi sur le divorce, pourquoi cette loi devrait être modifiée. Vous dites aussi que si un couple vit en union libre, sans être marié, et qu'il y a des enfants qui ont fait l'objet d'une agression ou d'abus sexuels, la loi devrait être la même que dans le cas d'un couple marié, c'est-à-dire que les enfants devraient bénéficier de la même protection.
Je me suis présentée devant les tribunaux tant de fois et à tant d'endroits différents. Chaque fois, on m'a claqué la porte au nez, même pour ce qui est du gel des biens. Quand tout cela s'est produit, je n'avais pas d'argent. Je ne pouvais même pas payer mon avocat. Je n'avais pas de quoi acheter à manger. Sans ma famille, je ne suis pas sûre que j'aurais pu m'en tirer.
De son côté, mon ex-mari a obtenu le consentement de la cour afin d'accéder à ses fonds de retraite pour payer son avocat. Il a perdu le droit de pratiquer la médecine. Il ne pouvait donc pas payer de pension alimentaire pour ses enfants puisqu'il ne travaillait plus. C'était peut-être, d'une certaine façon, un avantage pour moi car j'ai dû chercher un emploi pour gagner ma vie. C'est la raison pour laquelle les tribunaux ont finalement accepté de me laisser déménager en Alberta.
Quand un enfant fait l'objet d'abus sexuels, je ne vois pas de différence entre un couple marié et un couple vivant en union libre. Dans tous les cas, il faut protéger l'enfant.
Mon affaire se trouve encore devant les tribunaux. Comme le juge de la Saskatchewan avait rendu sa décision en se basant exclusivement sur les éléments de preuve que nous avions pu fournir, nous ne pouvions pas faire appel à moins d'avoir de nouvelles preuves importantes à présenter au tribunal. Nous avons maintenant ces preuves parce que mes filles voient un psychiatre depuis un peu plus d'un an. Nous pouvons donc maintenant revenir devant le tribunal avec cette information. Je ne sais pas si nous gagnerons ou non. C'est une bataille qui se poursuit.
À (1015)
[Français]
M. Robert Lanctôt: Je vous remercie.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Macklin, vous avez sept minutes.
M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie aussi les témoins.
Je crois que chacun d'entre nous a écouté d'une oreille très sympathique le récit de cette affaire. En même temps, M. Lanctôt a attiré notre attention sur certains aspects juridiques de ce cas qui nous inquiètent tous, à cause de la façon dont nous fonctionnons. Nous n'avons pas le pouvoir de faire toutes les choses qui, comme vous l'avez dit, devraient être faites pour assurer une certaine protection à toute personne qui pourrait se trouver dans une telle situation. Dans ce cas, nous parlons essentiellement de la Loi sur le divorce.
Lorsque j'ai parlé d'une oreille sympathique, je voulais savoir de vous... Vous avez dit que les tribunaux ne vous ont pas été sympathiques. J'aimerais savoir pourquoi vous êtes de cet avis. Avez-vous eu l'impression que le procès n'était pas équitable? Sur quoi vous fondez-vous pour dire que les tribunaux ne se sont pas montrés sympathiques à vos problèmes?
Mme Lisa Dillman: Au début, j'ai eu l'impression—parce qu'il était médecin, qu'il avait un statut particulier dans la collectivité et qu'il était considéré comme innocent jusqu'à preuve du contraire—qu'il n'était pas traité comme un autre... Il a eu le droit de voir mes filles chaque fin de semaine. Pendant deux ans, je n'ai pas pu passer un seul week-end avec elles. Il pouvait les avoir de 9 heures à 17 heures tous les samedis et tous les dimanches. Et cela, malgré les accusations qui pesaient contre lui. Il n'avait pas encore été inculpé, mais, compte tenu de ces accusations, je trouve incroyables les droits de visite qui lui ont été accordés dès le début.
Je vous ai parlé de mon fils qui était en pension et qui revenait de temps en temps à la maison en fin de semaine. Mes filles partaient à 9 heures du matin et ne rentraient pas avant 17 heures. Elles étaient fatiguées. Je devais leur faire à manger, puis les mettre au lit. Ensuite, elles devaient repartir le lendemain matin. Mon fils repartait le dimanche après-midi. Pendant un an, il ne les a presque pas vues. Je me suis de nouveau présentée devant les tribunaux pour expliquer la situation et les supplier de m'accorder une fin de semaine par mois. Même cela m'a été refusé.
J'ai dû me battre. Mais c'était une bataille très chargée d'émotion parce que je connaissais la vérité, même s'il n'avait pas encore été condamné par la justice. Je savais ce qu'il avait fait. L'obligation de continuer à voir cet homme trois fois par semaine était une terrible épreuve pour moi.
M. Paul Harold Macklin: Combien de temps y a-t-il eu avant que les tribunaux se prononcent?
Mme Lisa Dillman: Ma fille m'a révélé ce qui s'était passé le 25 avril 1997. Il a été condamné le 25 novembre 1999.
M. Paul Harold Macklin: Ainsi, environ deux années se sont écoulées.
Mme Lisa Dillman: Oui.
M. Paul Harold Macklin: Pendant ce temps, avez-vous noté une différence quelconque dans le comportement de vos enfants, puisqu'elles avaient passé beaucoup de temps avec lui pendant ces deux années?
Mme Lisa Dillman: Non, je n'ai noté aucune différence, à part le fait qu'elles ne voulaient vraiment pas y aller. Chaque samedi matin, elles devaient se lever tôt. Je devais leur faire à déjeuner puis les habiller. Souvent, elles pleuraient, elles étaient très irritables et ne voulaient pas partir. Mais je devais obéir à une ordonnance judiciaire. Je devais les envoyer. Oui, ce fut une période très pénible.
À (1020)
M. Paul Harold Macklin: Mais il n'y a pas eu d'incidents.
Le président: Excusez-moi. J'aimerais être sûr que Mme Dillman est tout à fait consciente de ses propres intérêts tandis qu'elle comparaît devant nous aujourd'hui. Si une procédure judiciaire est actuellement en cours, en qualité de témoin d'un comité parlementaire, vous bénéficiez du même privilège que nous-mêmes, de sorte que rien de ce que vous dites ici ne peut être retenu contre vous à l'extérieur. Toutefois, vous devez comprendre que tous les détails que vous donnez au sujet de votre affaire tombent dans le domaine public. D'autres personnes, pouvant avoir des intérêts différents, seraient ainsi au courant de ces détails.
Monsieur Lanctôt invoque le Règlement.
[Français]
M. Robert Lanctôt: Je vais vous expliquer pourquoi je veux faire appel au Règlement.
C'est vrai qu'elle sera protégée, mais le procès n'est pas terminé. Elle vient de dire que la décision est en appel. En matière familiale, c'est à huis clos que cela se déroule. Il ne s'agit pas juste du fait qu'on ne peut se servir de ce qu'elle dit contre elle parce qu'elle jouit du même privilège que nous. Ça peut aussi causer un dommage à la partie adverse et ça peut lui nuire.
Je viens de prendre conscience du fait que notre séance est publique. Ce qui m'a fait constater cela, c'est le fait que je vois plein de gens à l'arrière qui écrivent. Je ne sais pas si ce sont des journalistes. En tout cas, je suis très mal à l'aise. Je pensais qu'on siégeait à huis clos, mais ce n'est pas le cas. Je trouve ça très dangereux pour elle et même pour la partie adverse, qu'on ne connaît pas. On devrait siéger à huis clos.
[Note de la rédaction—La séance se poursuit à huis clos]
Á (1135)
[Traduction]
[Note de la rédaction—La séance publique reprend]
Le président: La 99e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne reprend. Je précise, pour que tout le monde comprenne, que nous ne siégeons plus à huis clos. Nous revenons à nos deux témoins, Joyce Waddell-Townsend, présidente de Children Visiting Prisons, de Kingston, et Karon Van Koughnett, conseillère de première ligne de Bridge House Inc., également de Kingston.
Comme cette façon de reprendre la séance est un peu inhabituelle, je vais vous demander de prendre une ou deux minutes pour résumer votre position. Je crois qu'il y aura quelques questions. Nous verrons au fur et à mesure.
Mme Joyce Waddell-Townsend: Eh bien, je crois que nous avons déjà expliqué notre position. Il y a probablement une foule de circonstances dans lesquelles il peut être avantageux pour les enfants de visiter leur parent incarcéré, même s'il est accusé d'une infraction sexuelle, mais peut-être pas contre eux. Même lorsqu'ils ne sont pas tout jeunes, il peut être utile pour eux de continuer à voir ce parent. Le projet de loi semble être trop limité pour s'appliquer à beaucoup de situations différentes. Voilà qui résume notre position de base. Nous voudrions donc que le projet de loi soit modifié.
M. Lanctôt a présenté quelques très bons arguments.
Le président: Karon, avez-vous quelque chose à ajouter à cela?
Mme Karon Van Koughnett: Non, Joyce a tout dit.
Le président: Je n'ai pas l'impression d'avoir à suivre un ordre particulier. Je vais donc inviter M. Cadman à commencer.
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Il n'y a pas d'ordre, monsieur le président.
Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
J'ai juste une petite question générale à vous poser au sujet des enfants qui font des visites à des parents en prison. Nous avons entendu dire que certains de ces délinquants, surtout dans le cas des pédophiles, peuvent se montrer très manipulateurs. Dans les cas où les enfants sont autorisés à voir leurs parents, ou plutôt leur père, savez-vous s'il y a des mécanismes en place pour veiller à ce que le délinquant ne cherche pas à manipuler un enfant? Autrement dit, quel genre de surveillance y a-t-il? Nous ne voulons pas empêcher tous les enfants de voir leur père, mais nous nous inquiétons de cette possibilité de manipulation. D'après votre expérience, y a-t-il une surveillance suffisante, au cours de ces visites, pour que quelqu'un intervienne s'il se rend compte que quelque chose ne va pas?
Á (1140)
Mme Karon Van Koughnett: Dans les établissements, il y a toujours deux ou trois gardiens qui surveillent le parloir. Il est donc peu probable que quelque chose puisse se passer là.
Je n'ai pas l'impression que ces délinquants peuvent obtenir une visite familiale privée. J'espère que non, parce qu'il n'y aurait pas de surveillance dans ce cas. Le père, la mère et les enfants seraient seuls pendant la visite.
Je sais cependant qu'il y a une surveillance au parloir. Certains établissements ont des programmes dans le cadre desquels des psychologues sont également là pour discuter avec les membres de la famille de leurs problèmes et de leurs sentiments.
M. Chuck Cadman: Je m'inquiète simplement de la possibilité de manipulations subtiles. Incomberait-il alors au parent en visite, par exemple, de s'en apercevoir et d'en parler à quelqu'un? Est-ce que ce serait sa responsabilité?
Mme Karon Van Koughnett: Oui, mais les gardiens surveillent bien ce qui se passe. Ils sont très attentifs et regardent les choses de près.
Mme Joyce Waddell-Townsend: Si les enfants accompagnent leur autre parent, c'est à celui-ci qu'il incombe de surveiller ce qui se passe. Toutefois, si ce parent n'est pas disposé à assister aux visites, comme c'est souvent le cas parce qu'il ne veut pas voir un ex-conjoint qu'il déteste, une autre personne s'occupe de la surveillance. Les enfants ne peuvent pas rester seuls avant l'âge de 18 ans. Ils doivent être accompagnés.
M. Chuck Cadman: La personne qui est là peut-elle écouter la conversation?
Mme Joyce Waddell-Townsend: Oui.
M. Chuck Cadman: Je vous remercie.
Le président: Peter MacKay.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Je vous remercie toutes deux d'être venues aujourd'hui et de vous être montrées aussi patientes.
Vous avez parlé d'accès et de la possibilité de participation d'un psychologue à la visite. C'est peut-être là l'une des principales préoccupations, moins à cause de la menace physique qui pourrait exister, que du traumatisme auquel est exposé un jeune enfant, sans parler du simple fait de se trouver dans un établissement pénitentiaire. Je sais que des efforts extraordinaires sont déployés pour que ce soit «convivial», si je peux m'exprimer ainsi.
Convenez-vous que l'impact psychologique, particulièrement dans le cas d'un enfant très sensible, peut parfois être énorme? Il est parfois très difficile de mesurer l'effet d'une visite en milieu carcéral, sans parler de la menace réelle ou perçue que l'enfant peut ressentir pendant cette rencontre.
Mme Joyce Waddell-Townsend: J'estime qu'il incombe au parent qui a la garde des enfants de les aider à parler de leur visite et de leur expliquer que, même si les lieux paraissent menaçants, ils ne le sont pas vraiment. Les gardiens ne sont que des gens qui font leur travail. On peut espérer qu'ils le font poliment et avec tact.
Les enfants ont besoin d'être préparés en vue de la visite, de ce qui arrivera, du fait qu'ils seront contrôlés, un peu comme lorsqu'ils embarquent à bord d'un avion. Il y a des moyens de réduire le niveau de stress, et nous espérons que c'est effectivement ce qui arrive. Nous avons probablement aidé des mères à le faire à l'occasion de leur visite en prison.
M. Peter MacKay: C'est une question pratique au sujet de certaines désignations en prison, par exemple les détenus jugés dangereux et ceux qui sont gardés en isolement. Est-ce qu'on tient compte de cela également? Dans le cas de ces détenus, le parloir, le lieu de visite est-il le même?
Mme Karon Van Koughnett: Dans le cas des détenus en isolement, il y a ordinairement une vitre qui les sépare de leurs visiteurs, de façon qu'il n'y ait aucun contact physique. Même dans ce cas, des gardiens assurent la surveillance. Ils ont un petit microphone qui leur permet d'écouter la conversation. Ils peuvent tout entendre.
Á (1145)
Mme Joyce Waddell-Townsend: Le pénitencier de Kingston a un grand parloir pour l'ensemble de la population carcérale, et un autre, plus petit, pour les détenus en isolement.
L'isolement signifie le plus souvent être gardé à l'écart de la population générale. Les détenus qui ont commis certains crimes particuliers risquent d'être attaqués par les autres détenus. Parmi les prisonniers, et même parmi les meurtriers, il y a des degrés de mal. Les agresseurs de petits enfants se situent au plus bas de l'échelle. Ils courent donc de grands risques. Ils sont souvent gardés en isolement pour leur propre sécurité.
M. Peter MacKay: Je suis heureux de vous entendre mentionner cela. Lorsqu'on regarde le texte du projet de loi, on voit bien que l'auteur vise des infractions particulières ayant entraîné la condamnation pour certaines formes d'agression sexuelle... C'est exactement l'intention de l'auteur. Il voudrait soit que les visites soient interdites soit, pour le moins, que le juge rende une décision tenant compte de l'infraction et précisant si le droit de visite est dans l'intérêt de l'enfant.
Tout d'abord, estimez-vous que ce soit là une désignation légitime, à cause du risque et des antécédents?
Mme Joyce Waddell-Townsend: Permettez-moi de dire en premier qu'il n'est pas clair, à la lecture du projet de loi, que c'est le juge qui prend la décision. J'avais l'impression que le projet de loi laissait la décision au parent ayant la garde. Si ce parent ne veut pas que l'enfant aille, la visite n'a pas lieu, parce que c'est lui qui a le dernier mot.
M. Peter MacKay: Ce parent aurait quand même à se présenter devant le juge pour défendre son point de vue.
Mme Joyce Waddell-Townsend: Pour moi, cela n'est pas du tout clair. C'est possible, mais ce n'est pas l'impression que j'ai eue en lisant le projet de loi.
Il y a en outre une autre disposition qu'on pourrait interpréter comme ciblant n'importe quel crime, pas seulement un crime sexuel.
M. Peter MacKay: Si l'enfant est la victime, oui.
Mme Joyce Waddell-Townsend: Tout crime dans lequel l'enfant est la victime. Je ne m'en n'étais pas aperçue au début.
Pour ce qui est de l'autre partie de votre question... Étiez-vous ici un peu plus tôt lorsque Karon a dit qu'une infraction sexuelle peut avoir lieu si, par exemple, un homme est ivre et attaque une femme dans un bar, ou quelque chose de semblable? En ce qui concerne l'enfant, un incident de ce genre se situe à l'extérieur de son domaine de conscience et n'influe pas vraiment sur sa relation avec son père. Bien sûr, l'incident a des répercussions sur les relations entre le père et la mère, qui pourrait vouloir interdire les visites à l'enfant. Personnellement, je ne vois pas comment l'enfant serait exposé à des risques dans ce cas. Étiez-vous ici quand Karen a abordé cette question?
M. Peter MacKay: Non, mais nous avons discuté de la possibilité d'une telle situation.
Mme Joyce Waddell-Townsend: Je pensais que le projet de loi visait particulièrement les pédophiles. Est-ce exact?
M. Peter MacKay: C'est bien l'intention, je crois.
Mme Karon Van Koughnett: Mais ce n'est pas clair dans le projet de loi.
M. Peter MacKay: C'est certainement l'intention.
Mme Joyce Waddell-Townsend: Que l'enfant ait été victime ou non, quand on parle de contacts sexuels, etc., tout cela peut s'appliquer à un autre adulte. Rien ne dit que cela touche un enfant.
M. Peter MacKay: Oui, c'est assez général. Vous avez raison, la définition est très générale, mais l'intention dans toutes les infractions énumérées cible clairement, comme vous l'avez dit, ceux qui ont des penchants pour la pédophilie.
Mme Joyce Waddell-Townsend: Je ne comprends pas. Ce n'est pas ainsi que je le vois, mais je ne suis pas avocate.
M. Peter MacKay: Non, ce n'est pas très clair.
Mme Joyce Waddell-Townsend: Non.
M. Peter MacKay: Si on avait mis cette précision...
Mme Joyce Waddell-Townsend: Si vous dites que les pédophiles sont ciblés, il faudrait le dire explicitement.
Á (1150)
M. Peter MacKay: Si on avait mis cette précision, est-ce que vous seriez plus à l'aise?
Mme Joyce Waddell-Townsend: Je continuerais à croire qu'il peut y avoir des circonstances dans lesquelles l'enfant... Après tout, ce sont des personnes qui peuvent avoir jusqu'à 18 ans et qui ne sont pas eux-mêmes ou elles-mêmes victimes. Nous parlons d'autres victimes de pédophiles. L'enfant est peut-être assez grand pour comprendre ce qui s'est passé et pour vouloir poursuivre ses relations avec son père, ce qui pourrait avoir du bon. Ces situations sont tellement complexes que je ne peux pas dire oui ou non a priori. J'aimerais que cela reste possible.
M. Peter MacKay: Chaque cas a des circonstances particulières. Vous êtes donc d'avis qu'on devrait examiner chaque cas selon ses propres circonstances.
Mme Joyce Waddell-Townsend: C'est exact.
M. Peter MacKay: Je vous remercie.
Le président: John ou Paul.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Je vais vous demander d'essayer d'oublier un instant le cas Dillman, puis de répondre à la question suivante: sur la base des observations que vous avez faites toutes deux en prison, croyez-vous que la loi a des failles dans les dispositions concernant le droit de visite des pédophiles, ou plutôt leur droit de recevoir la visite de leurs enfants?
Mme Joyce Waddell-Townsend: Je regrette, je ne suis au courant d'aucun cas. Je n'ai pas d'expérience dans ce domaine.
M. John McKay: Depuis combien de temps travaillez-vous dans ce domaine?
Mme Joyce Waddell-Townsend: Vingt ans.
M. John McKay: Et vous, Karon?
Mme Karon Van Koughnett: Douze ans.
M. John McKay: Vous avez collectivement 32 ans d'expérience. On peut supposer que vous avez eu des contacts avec toutes sortes de détenus, y compris des pédophiles.
Mme Joyce Waddell-Townsend: C'est possible, mais nous ne demandons jamais à un détenu les motifs de son incarcération.
M. John McKay: Non, mais il y en a certainement dans la population carcérale. Beaucoup de ces gens doivent avoir des enfants. Beaucoup d'entre eux doivent recevoir des visites. Pourtant, avec 32 ans d'expérience collective, vous n'avez jamais noté que la loi a des failles dans le cas de ces délinquants et de leurs relations avec leurs enfants.
Mme Joyce Waddell-Townsend: Non, parce que cela n'a jamais fait partie de notre rôle. Nous essayons de faciliter les visites, parce que la plupart des études dont nous avons pris connaissance disent que les détenus qui ont le plus de chances de réussir à leur sortie de prison sont ceux qui ont reçu le plus de visites, qui ont bénéficié de l'appui de leur famille ou qui ont des relations qui se sont maintenues. Il n'y a vraiment pas beaucoup de recherches sur la prévention de la récidive, mais cet élément est l'un des plus importants dans ce domaine. Notre rôle consiste donc à faciliter les relations, bien sûr quand l'épouse, mariée ou non, choisit d'emmener les enfants avec elle.
M. John McKay: Merci.
Je vais céder le reste de mon temps à Paul.
Le président: Laissez-m'en un peu, Paul.
M. Paul Harold Macklin: D'accord.
Je veux juste préciser quelques points. Avec tout le respect que je lui dois, je dois noter que je ne pense pas que Peter MacKay avait un exemplaire du projet de loi devant lui. Je cois cependant que votre interprétation est exacte. Dans la forme actuelle, c'est le parent ayant la garde qui a le dernier mot et sa décision est réputée faire partie de toute ordonnance rendue.
C'est un domaine très intéressant. Je ne pense pas que beaucoup d'entre nous comprennent bien ce que vous faites. J'ai trouvé très intéressant d'entendre M. MacKay vous poser des questions sur votre expérience et sur votre perception d'éventuelles failles de la loi.
Dans ce processus de recherche des failles de la loi, nous ne nous occupons pas nécessairement de la Loi sur le divorce. Nous avons d'autres champs d'intérêt, par exemple, les secteurs du Solliciteur général relatifs aux prisons et leur façon de fonctionner. D'après votre expérience, vous n'avez noté que des éléments positifs dans ce processus de visite et vous ne croyez pas qu'il y ait des lacunes à combler ou des problèmes à étudier dans n'importe quelle loi, y compris les mesures traitant de sujets aussi généraux que certaines réformes des prisons.
M. John McKay: Maintenant, vous l'avez vraiment mise en train.
Á (1155)
Mme Joyce Waddell-Townsend: Vous voulez vraiment aborder ce sujet?
M. Paul Harold Macklin: En bien, au sujet des visites...
Mme Joyce Waddell-Townsend: Non, pas particulièrement ce sujet, mais nous aimerions beaucoup réaliser, par exemple, des programmes d'amélioration des aptitudes parentales en milieu carcéral. Les programmes de ce genre qui sont actuellement financés font essentiellement partie de programmes de lutte contre la violence, qui s'adressent donc aux personnes qui courent le plus de risques comme parents. Nous croyons cependant qu'il y a beaucoup d'autres aspects, plus ordinaires, du rôle parental qu'il serait possible d'améliorer. On peut aider considérablement les détenus à élever leurs enfants grâce à des cours très simples axés sur la discipline, le développement de l'estime de soi et diverses autres choses, comme la façon d'affronter différents comportements. Nous croyons que les détenus qui ont des enfants pourraient en profiter. Toutefois, nos propositions ont suscité beaucoup de résistance, en partie pour des raisons financières et en partie par manque de compréhension. Nous continuons à travailler et à exercer des pressions, mais c'est un secteur dans lequel il faudrait en faire davantage.
M. Paul Harold Macklin: Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup. J'ai moi-même quelques questions à poser.
J'ai l'impression que nous pourrions être tous d'accord... Peut-être pas, mais je crois que, dans la situation actuelle de la législation, nous devons compter sur un juge pour prendre une décision.
Sans connaître les détails de l'affaire sur laquelle se base le projet de loi dont nous sommes saisis, nous savons au moins que, pour les auteurs du projet de loi, la décision du juge n'était peut-être pas conforme à l'intérêt supérieur des enfants. Ils demandent donc au Parlement de modifier la loi pour éviter qu'à l'avenir un juge ne commette la même erreur, s'il y a eu erreur. Je dis cela sous toutes réserves, parce qu'aucun d'entre nous ne connaît vraiment les détails de l'affaire. Quoi qu'il en soit, nous sommes maintenant invités à adopter un projet de loi pour empêcher que cette situation ne se reproduise.
Lorsque nous parlons de preuves et de recherches, lorsque vous cherchez à défendre les intérêts des détenus, de façon à réduire la récidive et ainsi de suite, nous comprenons que la loi, qu'on en soit satisfait ou non, est conçue non pour protéger les intérêts des détenus, mais bien pour protéger les intérêts des enfants. Voilà à quoi la Loi sur le divorce est censée servir: d'abord et avant tout protéger les intérêts des enfants.
Mme Joyce Waddell-Townsend: C'est aussi l'objet de notre travail. Nous travaillons surtout pour les enfants.
Le président: Y a-t-il un aspect quelconque des lacunes auxquelles ce projet de loi cherche à remédier... Après avoir entendu votre témoignage, je crois que je peux dire, sans crainte de me tromper, que la portée du projet de loi est trop étendue. Si on resserrait cette portée, sera-t-elle jamais assez ciblée pour vous satisfaire, puisque vous êtes, dans cette salle, les personnes qui en savent le plus sur ce qui se passe en milieu carcéral? Y a-t-il un moyen quelconque de modifier le projet de loi pour répondre aux voeux de M. Mills sans pour autant, comme vous l'avez dit tout à l'heure, rendre une zone grise beaucoup trop blanche ou beaucoup trop noire?
Mme Joyce Waddell-Townsend: Nous avons toujours précisé ce que nous n'aimons pas. L'intérêt supérieur des enfants se trouve dans la Loi sur le divorce, dans les dispositions relatives à la garde. Le projet de loi va au-delà de ces dispositions, sans vraiment tenir compte de l'intérêt supérieur des enfants.
Pour revenir au cas particulier des deux petites filles dont la mère a obtenu la garde, on peut discuter de la question de savoir si c'était trop ou pas assez ainsi que de ce qui s'est passé là-bas. Rien ne prouve cependant que les enfants ont subi un préjudice à cause de ces deux années de visites. Elles ont établi des rapports avec leur père, des rapports qui ont été soudainement interrompus lorsqu'il a été condamné. Elles auront eu du mal à le comprendre. Pourquoi cette rupture? Je crois donc que la situation était inconfortable pour tous les intéressés.
De toute façon, je n'aimerais pas particulièrement que le projet de loi vise seulement la pédophilie.
Le président: Y a-t-il une liste? Si les dispositions actuelles sont trop étendues, serait-il possible de les resserrer suffisamment pour réduire la zone grise dont vous avez parlé, de façon à ne pas laisser le juge exercer son pouvoir discrétionnaire sur la base des circonstances? Est-il possible de dire que, dans ce cas, le juge n'a pas de pouvoirs discrétionnaires? Je suis simplement curieux de savoir s'il y a des cas où le projet de loi serait justifié. Voudriez-vous que le juge puisse toujours user de pouvoirs discrétionnaires?
Mme Joyce Waddell-Townsend: Oui.
 (1200)
Le président: Vous avez dit oui, c'est très bien.
On a beaucoup parlé de l'intérêt supérieur des enfants, et je suppose que chacun, à son niveau, croit savoir ce que cela signifie. Nous voudrons probablement examiner la question avec des spécialistes de la psychologie de l'enfant.
Pouvez-vous nous indiquer de la documentation ou nous donner le nom de personnes qui ont de l'expérience dans ce domaine et que nous pourrions inviter à témoigner à titre d'experts?
Mme Joyce Waddell-Townsend: Il se trouve que j'ai entendu hier le Dr Peter Jaffe, qui est de London, en Ontario. Il est psychiatre et directeur de l'établissement pour la justice et la famille, ou pour les familles ayant des démêlés avec la justice. Je n'ai pas sa carte sur moi, mais il a réalisé une étude spéciale sur ce genre de situations. Il serait sûrement intéressant de l'interroger.
L'étude que j'ai mentionnée a été réalisé par Holt et Miller en 1952. C'est vraiment une vieille étude sur le rapport entre le nombre de visites et la récidive. Cela devient assez délicat lorsqu'on parle de statistiques. Je verrai cependant ce que je peux faire. J'ai de la documentation à la maison.
Le président: Je vous invite à renseigner le comité, parce que nous sommes à la recherche d'experts pouvant témoigner sur ces questions.
Monsieur Cadman.
M. Chuck Cadman: Madame Waddell-Townsend, vous avez mentionné que les visites ont duré deux ans sans occasionner de problèmes, à votre connaissance. Ensuite, le contact a été soudainement interrompu. Vous trouvez que cela est malheureux parce que les enfants vont se demander pourquoi. Je peux comprendre cela.
À votre avis, faudrait-il dire aux enfants pourquoi le contact a été interrompu?
Mme Joyce Waddell-Townsend: Eh bien, il faudrait dire que papa a fait quelque chose de vraiment mal et qu'il doit donc s'absenter pendant quelque temps. Après tout, les petites filles n'avaient que 3 et 4 ans.
M. Chuck Cadman: Je comprends, mais c'est à cause de...
Mme Joyce Waddell-Townsend: Petit à petit, oui, les enfants devraient être mis au courant. Le fait que les petites filles étaient perturbées avant de partir et après leur retour ne signifie pas que quelque chose de mal s'était produit. C'est une réaction naturelle des enfants qui font une visite en prison. Au départ, il y a une certaine excitation parce qu'il arrive quelque chose de spécial. Elles peuvent donc être assez énervées. Ensuite, à leur retour, l'excitation tombe. De plus, l'impression à la maison est que cette visite était une mauvaise chose. Les enfants s'en rendent compte, ce qui peut influencer leur comportement ou la crainte qu'elles éprouvent au sujet de la visite.
Toutefois, une rupture brutale, sans explications, incite les enfants à se poser des questions sur ce qui s'est passé.
M. Chuck Cadman: Pensez-vous que ce qu'il convient de dire aux enfants dépend de leur âge?
Mme Joyce Waddell-Townsend: Exactement. Je prends d'habitude l'exemple de la façon dont les bébés naissent. Ce qu'on dit à ce sujet à un gamin de 3 ans n'est pas tout à fait semblable à ce qu'on dit à un jeune de 12 ans. Il est nécessaire de leur permettre de saisir, à leur niveau de compréhension. Nous avons tous eu cette expérience
M. Chuck Cadman: Merci beaucoup.
 (1205)
M. John McKay: J'ai cinq enfants.
Le président: Peter, avez-vous d'autres questions à poser?
Je vous remercie beaucoup toutes deux d'être venues et d'avoir été patientes. La séance a été quelque peu inhabituelle, mais chacun semble s'en être assez bien tiré.
Je vous invite encore une fois à nous envoyer vos suggestions. Madame Waddell-Townsend, vous avez, je crois, fait des études sur la petite enfance?
Mme Joyce Waddell-Townsend: C'est exact.
Le président: Peut-être pouvez-vous donc nous donner les coordonnées des personnes qui pourraient nous renseigner sur ces questions, et particulièrement sur l'intérêt supérieur des enfants, parce que c'est de cela que nous devons nous occuper.
Mme Joyce Waddell-Townsend: Pendant que je suis là, je voudrais profiter de l'occasion pour vous remercier tous. Vous avez renforcé ma foi dans le système. Je suis vraiment impressionnée de voir à quel point vous prenez à coeur cette question très compliquée.
Le président: Eh bien, si nous pouvions entendre 30 millions de Canadiens, nous serions probablement en mesure de régler le problème.
Merci beaucoup.
La séance est levée.