JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la justice et des droits de la personne
Témoignages du comité
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 19 février 2002
¿ | 0935 |
Le président (M.Andy Scott (Fredericton, Lib.)) |
M. Richard Elliott (directeur, Politiques et recherches, Réseau juridique canadien VIH/sida) |
¿ | 0940 |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Dale Kinnear (directeur, Relations de travail, Association canadienne des policiers et policières) |
¿ | 0950 |
¿ | 0955 |
À | 1000 |
Le président |
Mme Elizabeth White (présidente, Association canadienne de justice pénale) |
À | 1005 |
À | 1010 |
Le président |
M. Fitzpatrick |
M. Dale Kinnear |
À | 1015 |
M. Fitzpatrick |
M. Dale Kinnear |
Constable Isobel Anderson (policière, Service de police d'Ottawa-Carleton; Association canadienne des policiers et policières) |
Le président |
M. Richard Elliott |
M. Fitzpatrick |
M. Richard Elliott |
À | 1020 |
Le président |
M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ) |
M. Dale Kinnear |
M. Bellehumeur |
M. Dale Kinnear |
M. Michel Bellehumeur |
M. Dale Kinnear |
À | 1025 |
Le président |
M. Richard Elliott |
Le président |
M. Michel Bellehumeur |
M. Dale Kinnear |
Le président |
M. Strahl |
Const. Isobel Anderson |
À | 1030 |
Mr. Strahl |
Const. Isobel Anderson |
M. Strahl |
Const. Isobel Anderson |
M. Strahl |
À | 1035 |
Le président |
M. John Maloney (Erie--Lincoln, Lib.) |
M. Richard Elliott |
M. John Maloney |
M. Dale Kinnear |
À | 1040 |
Mme Elizabeth White |
Le président |
M. John Maloney |
M. Dale Kinnear |
Le président |
M. Richard Elliott |
Le président |
M. Fitzpatrick |
À | 1045 |
Le président |
M. Richard Elliott |
Mme Elizabeth White |
Le président |
M. Michel Bellehumeur |
Le président |
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.) |
Le président |
M. Peter MacKay (Pictou--Antigonish--Guysborough, PC/RD) |
À | 1050 |
Le président |
Mr. MacKay |
Mme Elizabeth White |
M. Peter MacKay |
Le président |
M. Richard Elliott |
Mr. MacKay |
Le président |
M. John McKay |
À | 1055 |
M. Richard Elliott |
Le président |
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne) |
Mme Elizabeth White |
M. Chuck Cadman |
Mme Elizabeth White |
M. Chuck Cadman |
Mme Elizabeth White |
Le président |
M. Dale Kinnear |
Á | 1100 |
Le président |
Le président |
Á | 1110 |
M. Andrew Hoglund (témoignage à titre personnel) |
Mme Val Hoglund (témoignage à titre personnel) |
Á | 1115 |
M. Andrew Hoglund |
Le président |
M. Paul Morneau (président, Association canadienne des travailleurs paramédicaux) |
Á | 1120 |
Á | 1125 |
Le président |
M. Glen Hillson (président, British Columbia Persons with AIDS Society) |
Á | 1130 |
Á | 1135 |
Le président |
M. Fitzpatrick |
Á | 1140 |
M. Paul Morneau |
Le président |
M. Glen Hillson |
Le président |
M. Andrew Hoglund |
Á | 1145 |
Le président |
M. Paul Morneau |
Le président |
M. Michel Bellehumeur |
Á | 1150 |
Le président |
M. Andrew Hoglund |
Le président |
M. Andrew Hoglund |
Le président |
M. Paul Morneau |
Le président |
Mr. Strahl |
Á | 1155 |
Le président |
M. Glen Hillson |
M. Strahl |
M. Paul Morneau |
 | 1200 |
M. Strahl |
M. Paul Morneau |
M. Strahl |
Le président |
M. Paul Morneau |
Le président |
M. Glen Hillson |
 | 1205 |
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.) |
Le président |
M. Glen Hillson |
M. Ivan Grose |
Le président |
M. Glen Hillson |
Le président |
M. Andrew Hoglund |
 | 1210 |
Le président |
M. Chuck Cadman |
Le président |
M. John McKay |
Le président |
M. Glen Hillson |
 | 1215 |
M. John McKay |
Le président |
M. Glen Hillson |
Le président |
M. Bellehumeur |
Le président |
M. Peter MacKay |
 | 1220 |
Le président |
Mr. MacKay |
Le président |
M. Glen Hillson |
Le président |
M. John Maloney |
Le président |
M. Glen Hillson |
Le président |
M. Andrew Hoglund |
M. John Maloney |
M. Andrew Hoglund |
 | 1225 |
Le président |
M. Glenn Hillson |
Le président |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Andrew Hoglund |
 | 1230 |
Le président |
M. Paul Morneau |
Le président |
M. Glen Hillson |
Le président |
Mr. Strahl |
 | 1235 |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la justice et des droits de la personne |
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l |
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l |
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Témoignages du comité
Le mardi 19 février 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0935)
[Traduction]
Le président (M.Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Bonjour tout le monde. Je déclare ouverte cette 62e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Aujourd'hui, nous entendrons des témoignages sur le projet de loi C-217, Loi permettant le prélèvement d'échantillons de sang au profit des personnes chargées de l'application et de l'exécution de la loi et des bons samaritains et modifiant le Code criminel.
De 9 h 30 à 11 heures ce matin, nous accueillerons un groupe de représentants de trois organisations: le Réseau juridique canadien VIH/sida représenté par Richard Elliott; l'Association canadienne des policiers et policières représentée par Dale Kinnear et Isobel Anderson, ainsi que l'Association canadienne de justice pénale représentée par la présidente, Elizabeth White.
Je crois que vous n'en êtes pas à votre première comparution devant notre comité. D'ailleurs, je crois que certains d'entre vous ont témoigné sur ce sujet précisément. Vous savez donc que nous vous demandons de limiter vos remarques liminaires à 10 minutes afin que nous ayons le plus de temps possible pour la période de questions.
J'ignore si vous avez déterminé entre vous qui commencera. Sinon, nous allons tout simplement suivre l'ordre de l'avis de convocation. Je cède donc la parole à M. Elliott, du Réseau juridique canadien VIH/sida pour 10 minutes.
M. Richard Elliott (directeur, Politiques et recherches, Réseau juridique canadien VIH/sida): Merci, monsieur le président. Je suis avocat et je travaille dans le domaine du VIH/sida depuis environ dix ans. Je suis ici aujourd'hui pour vous faire part des faits saillants du mémoire que nous avons remis à votre comité et qui sera distribué bientôt, dès qu'il sera traduit. Dans l'intérim, je renvoie les membres du comité au document d'information à couverture bleue, en anglais et en français, qui a été distribué avec des documents donnant des détails sur les expositions professionnelles au VIH et au virus de l'hépatite B et C.
Ce que j'aimerais d'abord dire aux membres du comité aujourd'hui, et ce que bon nombre d'entre eux ont déjà entendu, c'est que lorsqu'on envisage d'autoriser, par la loi, des tests obligatoires de dépistage de ces virus, on doit garder à l'esprit les risques d'exposition. Prenons l'exemple du VIH: toutes les preuves disponibles nous indiquent que, en moyenne, une simple exposition percutanée à du sang porteur du VIH—c'est-à-dire une exposition au tissu se trouvant sous la peau, l'exposition la plus sérieuse—entraîne un risque de transmission du VIH à la personne exposée d'environ 0,3 p. 100, soit un sur 300. Cela signifie que 99,7 p. 100 de ces cas n'entraînent pas la transmission du VIH.
Les risques sont encore moindres si le genre d'exposition est moins grave ou si la personne à la source du sang contaminé au VIH est sous médication anti-rétrovirale, car ces médicaments abaissent de façon importante la présence du virus dans le sang. Il faut donc se rappeler qu'il s'agit d'un risque minime. À preuve, un seul cas bien défini et documenté de transmission professionnelle du VIH a été signalé au Canada jusqu'à présent. Il y a eu deux autres cas probables qui se sont produits en laboratoire ou en milieu de recherche. Le seul cas certain s'est produit lorsqu'un travailleur de la santé a été piqué par une seringue portant le sang d'une personne à un stade avancé du sida, auquel cas le niveau de VIH dans le sang était très élevé. De plus, la personne exposée n'a pas suivi la thérapie anti-rétrovirale post-exposition, car l'exposition s'est produite à une époque où le VIH n'avait pas encore été bien identifié et où de tels médicaments n'étaient pas disponibles.
La situation a bien changé depuis, et il faut aussi tenir compte du fait que le traitement post-exposition peut réduire considérablement les possibilités d'infection au VIH.
Il faut aussi garder à l'esprit les avantages possibles d'une loi comme le projet de loi C-217. À mon avis, ces avantages sont relativement restreints. Il faut d'abord se demander si le projet de loi C-217 serait nécessaire dans de nombreux cas. Toutes les preuves disponibles nous indiquent que, lors d'expositions professionnelles, la grande majorité des personnes à la source du sang ou d'un autre liquide corporel pouvant être contaminés consentent à subir le test.
Ainsi, une étude canadienne a démontré que, dans les cas de blessures avec seringue chez les travailleurs de la santé, 83 p. 100 des personnes sources ont accepté de se soumettre à un test de dépistage. Dans une étude menée auprès de policiers américains, on a constaté que, dans les cas d'exposition professionnelle, 94 p. 100 des personnes sources ont consenti à donner un échantillon de sang. Votre comité a entendu le témoignage d'un médecin de l'Alberta spécialiste des maladies infectieuses sur le projet de loi C-244—l'incarnation précédente de cette mesure législative—qui a déclaré que, d'après son expérience des expositions professionnelles dans les hôpitaux, environ 99 p. 100 des patients consentent à subir le test.
Ce n'est donc que dans un très, très petit nombre de cas qu'il pourrait être nécessaire d'obliger une personne à donner un échantillon de son sang à des fins de dépistage, et ce, dans des situations où le risque de transmission est déjà presque négligeable. Ces deux facteurs ensemble nous amènent à conclure que le nombre de fois où une telle loi pourrait offrir un avantage important est minime.
¿ (0940)
Le test obligatoire aurait, selon certains, divers avantages. Le premier serait de permettre à la personne exposée de prendre une décision mieux éclairée sur le traitement éventuel. J'estime qu'il faut se rappeler que, à tout le moins dans le cas du VIH, si la personne exposée veut entreprendre un traitement post-exposition en vue de prévenir la contamination au VIH, les données disponibles indiquent que ce traitement devrait commencer dans les quelques heures qui suivent l'exposition. Il est difficile d'envisager de nombreux cas où la procédure établie par le projet de loi C-217 pour l'obtention d'un mandat, le prélèvement d'un échantillon de sang et le test comme tel pourrait se faire en si peu de temps. J'estime donc que l'idée selon laquelle le test obligatoire sera très avantageux pour les personnes exposées qui doivent décider de commencer la prophylaxie post-exposition est quelque peu inconsidérée.
Connaître les résultats de ce test pourrait être avantageux pour la personne exposée qui envisage de mettre fin au traitement. En général, le traitement suivant l'exposition au VIH dure environ quatre semaines et s'accompagne de graves effets secondaires. On peut atténuer certains de ces effets secondaires en prenant des médicaments contre la nausée ou la diarrhée, mais il est entendu que certains de ces effets secondaires ne peuvent parfois pas être atténués, et il faut en tenir compte.
Voici où je veux en venir: les avantages possibles pour la prise d'une décision concernant le traitement sont très limités. Dans le cas de l'hépatite C et de l'hépatite B, rien dans le traitement ne justifie l'imposition d'un test obligatoire. En ce qui concerne l'hépatite B, il existe des vaccins très efficaces et tous les travailleurs qui, dans l'exercice de leur fonction, courent un risque d'infection devraient se faire offrir ce vaccin dans le cadre de la santé et de la sécurité au travail. Pour les personnes vaccinées, le risque de contracter l'hépatite B après une exposition professionnelle est infime. Quoi qu'il en soit, s'il y a exposition et que la personne n'a pas été vaccinée, le vaccin de l'hépatite B et la gamma globuline de l'hépatite B comportent très peu d'effets nocifs.
En ce qui a trait à l'hépatite C, malheureusement, il n'y a pas de vaccin ni de traitement post-exposition efficace. En l'absence de ces options, je vois mal comment l'imposition d'un test donnerait des informations qui seraient utiles au moment de décider de commencer la prophylaxie post-exposition, puisque cette option n'existe tout simplement pas.
On a aussi dit que le fait de savoir permettrait d'apaiser les inquiétudes des personnes qui ont été exposées à ces virus, dans le cadre de leurs fonctions ou autrement. Nous sommes d'accord pour dire que, à cet égard, le test obligatoire présente un certain avantage.
Cela dit, il faut comprendre que cet avantage est limité. Il est certain que si le résultat du test de la personne source est séronégatif et négatif pour l'hépatite B et C, la personne exposée pourrait être rassurée dans une certaine mesure puisque le risque d'infection devient statistiquement beaucoup moindre. Il n'en reste pas moins que, compte tenu de la période qui s'écoule entre le moment où la personne est infectée et celui où se fait la séroconversion, c'est-à-dire celui où elle obtiendra un test positif, la personne affectée aura un résultat négatif pendant cette période, même si elle a déjà été infectée. Le résultat n'est donc pas entièrement concluant.
De plus, dans les cas où la personne source s'est récemment adonnée à des activités dans le cadre desquelles elle risquait d'être infectée à l'un de ces virus, la fiabilité du résultat négatif du test est quelque peu compromise. Donnons l'exemple évident de l'agent de police qui se pique sur une seringue en arrêtant une personne dont on sait ou l'on soupçonne qu'elle s'injecte des drogues. Il existe une probabilité importante que cette personne se soit récemment adonnée à des pratiques risquées d'injection. Il ne serait peut-être pas sage de se fier à un résultat négatif dans de telles circonstances.
Enfin, l'autorisation du test obligatoire soulève bien d'autres préoccupations. Premièrement, cela irait à l'encontre de la doctrine éthique et juridique du consentement éclairé à toute procédure médicale qui, comme l'a répété la Cour suprême, constitue une valeur importante du Canada.
Par ailleurs, toutes lois autorisant un test obligatoire violent la Charte, plus particulièrement l'article 7 garantissant la sécurité de la personne si la loi en question prévoit l'emprisonnement de ceux qui refusent de respecter l'ordonnance de la cour. Il est aussi manifeste que cela viole le droit à la liberté.
¿ (0945)
Enfin, la question de la vie privée—du droit à la protection de l'intimité physique psychologique et des renseignements personnels est extrêmement importante, surtout pour ceux qui vivent avec le VIH et le sida au Canada, qui continuent de subir une stigmatisation et une discrimination considérable. Le projet de loi C-217 ne garantit pas suffisamment la confidentialité des résultats des tests. Aucune disposition ne permet à la personne qu'on oblige à donner un échantillon de liquide corporel de refuser de recevoir le résultat du test, même s'il était transmis à la personne exposée; on lui refuse ainsi le droit de choisir de subir le test ou non.
Toutes nos lois indiquent que le prélèvement d'un échantillon de substance corporelle sans le consentement de l'intéressé constitue l'exception et non pas la règle. Le Code criminel ne le prévoit que dans deux cas bien précis. Le premier est celui du test de dépistage de l'alcool dans le sang ou l'haleine lorsqu'on a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise. Le second est celui du test d'ADN, encore une fois aux fins de poursuites dans le cas de certaines infractions graves. Dans ces circonstances, lorsqu'on a déjà fait la preuve prima facie d'un délit criminel, les tribunaux peuvent imposer le test en l'absence du consentement de l'intéressé. Le projet de loi C-217 permettrait le test sans consentement, mais ce, sans que lien ait été établi.
Je terminerai en vous disant simplement que les personnes séropositives s'inquiètent beaucoup des conséquences que pourrait avoir la divulgation de leur séropositivité, divulgation qui peut mener à la discrimination sur toutes sortes de tribunes, la stigmatisation et l'ostracisme de la collectivité, de la famille et des amis.
Merci.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
J'accorde maintenant la parole à M. Kinnear et Mme Anderson de l'Association canadienne des policiers et policières.
M. Dale Kinnear (directeur, Relations de travail, Association canadienne des policiers et policières): Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Vous avez 10 minutes.
M. Dale Kinnear: Mesdames et messieurs, je m'appelle Dale Kinnear. Je comparais aujourd'hui au nom des 30 000 membres de l'Association canadienne des policiers et policières. Je tiens à remercier le comité de nous donner l'occasion de comparaître devant lui pour lui faire part de notre position sur le projet de loi C-217.
Nous comparaissons devant vous aujourd'hui pour solliciter votre concours en vous demandant d'appuyer le projet de loi C-217 ou toute législation d'intention similaire. Nous sommes persuadés que l'intention et le but d'une telle législation jouissent d'un appui certain auprès des députés et du public.
Dans l'éventualité d'une exposition importante à du sang ou d'autres liquides organiques, advenant un contact de sang à sang, la personne exposée, en l'absence de meilleures preuves médicales, n'a d'autre choix que de se soumettre à une prophylaxie post-exposition qualifiée, par la profession médicale, de traitement excessif. L'incidence de VIH, d'hépatite B et d'hépatite C au Canada continue de grimper et nos membres envisagent de plus en plus la possibilité d'être exposés et de devoir se soumettre contre leur gré à un traitement susceptible de s'avérer inutile.
Aucune source de données uniques ne peut nous indiquer combien d'expositions à risques élevés sont survenues dans le monde chez les intervenants d'urgence. Nous ne pouvons citer de chiffres fiables sur le nombre de personnes qui ont refusé de subir des tests sur demande. Toutefois, d'après nos communications avec nos clients, nous pouvons affirmer sans contredit que les personnes sources arrêtées par la police n'ont pas la réputation de coopérer avec les policiers ou de se plier à une mesure quelconque à moins d'y être forcées.
Le comité entendra le témoignage de vive voix de policiers et d'autres intervenants d'urgence ayant subi le traitement PPE. Ces témoignages en direct vous feront mieux comprendre ce que cela signifie exactement de devoir se faire traiter à l'aveuglette en l'absence d'informations médicales fiables.
Grâce à des procédés rapides mis au point récemment pour effectuer les tests, la médecine moderne nous donne les moyens de déterminer avec certitude si une personne source est porteuse ou non d'un virus ou d'un pathogène potentiellement néfaste. Les précautions universelles, l'éducation, la formation, les protocoles post-exposition et les tests volontaires chez la personne source n'offrent pas de protection adéquate pour les intervenants d'urgence. L'exposition ne peut être évitée.
Nos membres ont besoin de la protection que leur assurerait une loi de ce genre, afin de se sentir en sécurité tout en essayant de rendre la société sécuritaire pour tous leurs concitoyens. Nous savons que la population en général appuie ce genre de protection pour les policiers, les pompiers et le personnel médical d'urgence qui s'exposent régulièrement au danger dans l'exercice de leurs fonctions. Le Code criminel du Canada, ainsi que d'autres lois fédérales et provinciales, assurent la protection et le soutien aux policiers et aux autres agents de la paix.
L'intention d'une mesure législative telle que le projet de loi C-217 est de garantir une protection spécifique contre un risque spécifique que courent ces travailleurs en assumant leur tâche réglementée par la loi: assurer la sécurité publique.
Au-delà des attentes du public et de son soutien pour ce genre de législation agissante, nous croyons qu'une obligation juridique et morale oblige le gouvernement à assumer et à remplir le devoir de prudence et la norme de prudence mandatés par la loi à tout employeur, tant en vertu du droit législatif qu'en vertu de la common law.
Les arrêts rendus par les tribunaux civils ont créé une jurisprudence importante touchant le devoir de prudence des employeurs. Les tribunaux, la législation en matière de santé et sécurité du travail, ainsi que les décisions des commissions du travail, se sont penchés sur cette obligation à bien des reprises. Il s'agit d'une obligation que la plupart des employeurs de policiers ne sont pas en mesure de remplir lorsque survient une exposition à risque élevé à des pathogènes transmissibles par le sang.
Je vous rappellerai que le gouvernement est réputé comme l'employeur des fonctionnaires et agents publics, et que la législation fédérale et provinciale relative à la sécurité et à la santé a force exécutoire en raison de ce lien. L'évaluation de ce risque et l'établissement de la norme de prudence incombent au gouvernement fédéral, à titre d'employeur de la GRC et de centaines d'autres agents de la paix travaillant dans les prisons et les organismes de réglementation.
La législation fédérale et provinciale relative à la santé et sécurité reconnaît le danger inhérent à notre travail et le droit de refus est modifié en raison de ce danger inhérent. Des arbitres de commission du travail ou d'autres tribunaux en matière de santé et sécurité ont imposé de telles conditions et obligations en se basant sur le fait que les droits réduits des employés de refuser un travail dangereux doivent être assortis de mesures de protection accrues de la part de l'employeur pour compenser la restriction des droits de l'employé de refuser un travail dangereux.
Nous croyons que cette obligation justifie les mesures correctives que nous sollicitons par le biais d'une législation tel que le projet de loi C-217 comme elle a justifié d'autres solutions à des situations à haut risque dans le milieu du travail.
¿ (0950)
Nous pouvons accepter les restrictions au droit des policiers de refuser un travail dangereux, en raison de la nature de notre métier et des devoirs qui y sont associés. Cependant, nous ne pouvons accepter que les législateurs refusent d'en mitiger l'impact dans des situations comme l'exposition à des pathogènes qui mettent notre vie en danger.
Entendons-nous parfaitement sur ce point: le projet de loi C-217 a besoin d'être modifié. On doit se pencher sur une foule de questions.
Il est nécessaire de prévoir une disposition de non-divulgation, comprenant une pénalité pour la divulgation non prescrite par toute personne ou tout moyen, de toute information obtenue sur la personne source.
La législation devrait inclure une interdiction de publication dans les médias, ordonnée par un juge.
Il faut clairement définir que la détermination de motifs pour ordonner l'administration des tests ne peut être fondée que sur une évaluation effectuée par un médecin agréé détenant un permis en vertu d'un règlement fédéral ou provincial, ou bien reconnu par l'ordre professionnel compétent, lui permettant de prescrire un traitement ou des médicaments d'ordonnance. L'administration des tests doit être ordonnée par un magistrat ou un juge sur la recommandation d'un médecin agréé. Les tribunaux, par souci de protection contre des demandes de divulgation de la part des médias, devraient sceller toutes les demandes, ordonnances, documents et informations connexes. Tout médecin agréé doit être en mesure de refuser d'administrer personnellement les tests.
Il faut clairement définir que la possibilité d'infection doit être réelle: il doit y avoir eu contact de sang à sang ou des circonstances semblables. Par exemple, l'exposition à la peau intacte ne répondrait pas aux critères.
Depuis notre dernière comparution au sujet du projet de loi C-244, une loi d'intention et de portée comparable a été adoptée par une instance provinciale. En effet, l'Assemblée législative de l'Ontario a promulgué une loi le 14 décembre 2001, prévoyant que des tests seraient effectués chez la personne source. Il s'agit d'une loi exhaustive qui offre, grâce aux tests effectués chez la personne source, un niveau de protection et un respect du devoir de prudence dont ne jouissent pas d'autres travailleurs également à risque à la grandeur du Canada. Cette protection s'étend également aux victimes d'actes criminels et aux bons samaritains. Nous sommes d'avis que cette même protection devrait être prévue dans la législation fédérale. Nous sommes persuadés que cette loi provinciale devrait servir de modèle à la législation fédérale qui offrirait une protection comparable à tous les travailleurs et à d'autres particuliers désignés au Canada. Un exemplaire du projet de loi 105 est joint à notre mémoire.
Nous sommes convaincus que le genre de législation agissante que nous sollicitons conviendrait le mieux au Code criminel du Canada ou à un autre texte législatif fédéral, de sorte que les questions relatives à la Charte et à la Loi sur la protection de la vie privée puissent être réglées à la satisfaction de ceux qui s'opposent à l'adoption d'une telle loi en invoquant ces textes législatifs et que les sauvegardes nécessaires à l'égard de la non-divulgation et les sanctions appropriées soient prévues, advenant que ces dispositions ne soient pas respectées.
Plusieurs États américains disposent de lois relatives à la santé publique et d'autres législations d'État prévoyant les tests à effectuer chez toute personne source lorsque des intervenants d'urgence ou du personnel médical, voire des victimes d'actes criminels dans certaines juridictions, subissent une exposition.
Une loi fédérale (Ryan White Comprehensive AIDS Resources Emergency Act), prévoit également la notification du personnel des services d'urgence dans des circonstances restreintes lorsqu'on détermine qu'une personne traitée dans l'établissement est porteuse d'une maladie transmissible qui risque d'entraîner la mort. Cette loi n'offre pas la protection à toutes les personnes à risque dans toutes les circonstances. Une telle loi, bien qu'elle soit utile et préférable à l'absence totale de loi, ne porte pas sur le caractère immédiat de la situation. Ces dispositions législatives n'ont pas été conçues en tenant compte des méthodologies et des protocoles des tests rapides à la fine pointe de la technologie.
La science médicale a évolué et continue à évoluer à un tel point que ces lois ne répondent plus aux critères permettant de livrer les meilleures informations médicales possibles de la façon la plus expéditive possible. Les résultats des tests rapides effectués chez la personne source fourniront de l'information en temps réel au médecins, et qui les dispensera d'avoir à prescrire un traitement à doses massives au travailleur victime d'une exposition, et leur permettra d'interrompre la prophylaxie post-exposition le plus rapidement possible.
Afin de vous aider à comprendre les mesures prises aux États-Unis pour régler ce problème, nous avons consacré une partie de notre Mémoire à un aperçu de la législation américaine et à de nombreux autres rapports émanant d'organismes médicaux et d'organisations de victimes d'actes criminels aux États-Unis. Ces documents expliquent comment les lois maintenant en vigueur aux États-Unis ont été adoptées.
¿ (0955)
Nous sommes désolés que cette information ne soit pas disponible dans les deux langues officielles du Canada. Nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour permettre la traduction de toute la documentation afférente. Nous nous rendons compte qu'une large part de l'information provient d'organismes américains, et nous nous en excusons auprès de Santé Canada et du contribuable canadien. Notre but était de vous fournir l'information la plus complète possible. Nous avons estimé que le rapport du Center for Desease Control d'Atlanta était le document abordant tous les aspects de ce dossier.
La plupart d'entre vous savent qu'au cours des derniers mois, les ambulanciers et les techniciens médicaux ont tenu des manifestations dans plusieurs régions du pays pour protester contre la politique obligeant les intervenants d'urgence à être immunisés contre la grippe et d'autres infections virales. Vous êtes sans doute au courant de l'avertissement d'une grippe pandémique dans un avenir prochain, émis par le personnel de planification d'urgence et de santé publique. En guise de mesure préventive, en réaction à la saison des grippes d'hiver en 2001-2002, les employeurs forcèrent leur personnel médical et leurs intervenants d'urgence à se soumettre à l'immunisation. Tout refus entraînait une réprimande ou une suspension susceptible d'aboutir à un congédiement justifié.
Selon nos conseillers juridiques, l'immunisation pourrait être considérée une exigence professionnelle de bonne foi pour ces travailleurs et toute contestation en vertu du droit du travail aurait été futile, puisque cette exigence aurait été considérée comme un droit patronal susceptible d'être imposé. À notre avis, il est ironique que dans ces circonstances, un travailleur puisse être obligé de se soumettre à l'injection d'un vaccin afin de protéger les gens avec qui il risquait d'entrer en contact alors qu'il leur portait un secours médical. Et pourtant, un travailleur exposé à un risque médical susceptible de s'avérer mortel ou d'altérer la santé du travailleur victime de l'exposition bien davantage que la grippe, ne peut obliger la personne source à se soumettre à un acte médical beaucoup moins intrusif.
Vous trouverez également dans le présent mémoire considérablement d'informations émanant de l'un des principaux adversaires de ce genre de législation, le Réseau juridique canadien VIH/sida. Nous n'essayons pas d'esquiver ce que défend le Réseau. Nous avons participé aux recherches dans le cadre de son rapport documentaire intitulé: «L'administration de tests aux personnes que l'on croit être la source d'une exposition professionnelle...». Nous acceptons les préoccupations du Réseau relativement à la divulgation d'informations et nous espérons qu'il peut accepter nos préoccupations tout aussi pertinentes, relativement à la sécurité des intervenants d'urgence, des victimes d'actes criminels et des bons samaritains.
À la lecture du rapport du Réseau, il semble que les deux phrases suivantes tirées du rapport, résument leurs protestations:
La personne qui est obligée de subir un test subit des préjudices à son intégrité corporelle et psychologique, une atteinte à sa vie privée et une perte de confidentialité. Si les résultats des tests sont positifs, la personne peut subir d'autres préjudices qui, dans le cas de l'infection au VIH, peuvent comprendre un sentiment de stigmatisation, une appréhension de cette stigmatisation, la peur de l'évolution de la maladie, la peur d'infecter autrui, la peur de quitter les personnes chères et des pensées suicidaires. |
Nous prétendons respectueusement que cette même angoisse et des effets semblables sont ressentis par la victime d'une exposition. Cette réalité, ainsi que l'obligation de la société et du gouvernement envers ceux qui doivent s'exposer au danger, apporter du secours médical ou être victimes d'actes criminels, prime sur le raisonnement des adversaires des tests.
Nous admettons que le prélèvement d'échantillons de substances biologiques soulève d'importantes questions constitutionnelles. Nous admettons que le projet de loi C-217 suscite d'importantes préoccupations ayant trait à la protection de la vie privée et aux droits à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne et à la protection contre les fouilles et les saisies déraisonnables, tels que garantis en vertu des articles 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. Nous sommes persuadés qu'une loi bien conçue peut respecter l'équilibre délicat qui s'impose pour régler les problèmes de risques et de torts éventuels que nos membres veulent voir résolus, tout en protégeant les droits fondamentaux des personnes soumises aux tests. Nous croyons que les tribunaux établiraient que cette législation constitue une restriction justifiable des libertés et droits fondamentaux.
Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de nous prononcer sur cette question très sérieuse au nom de nos membres et d'autres personnes qui bénéficieraient de cette législation. Au nom des policiers et policières d'un bout à l'autre du Canada, nous vous prions de bien vouloir accorder la protection législative dont nous avons besoin pour assurer notre sécurité lorsque nous remplissons notre devoir en assurant la sécurité d'autrui.
Je vous remercie.
À (1000)
Le président: Merci beaucoup.
La parole est à Elizabeth White, de l'Association canadienne de justice pénale.
Mme Elizabeth White (présidente, Association canadienne de justice pénale): Bonjour. Je m'appelle Elizabeth White. Je suis heureuse de comparaître devant vous ce matin au nom de l'Association canadienne de justice pénale.
Nous vous remercions de nous avoir invités à participer au débat sur cette question car bien des gens ont à coeur la protection des innocents. Les personnes qui travaillent dans les domaines désignés dans le projet de loi ou qui se comportent en bons samaritains méritent nos éloges les plus sincères, et pourtant ces deux groupes n'hésitent pas à prendre des risques. Ce risque étant une question de choix, comment la société doit-elle tenir compte de la façon la plus satisfaisante possible des dangers éventuels découlant des actes de ce travailleur désigné ou de ce bon samaritain? Nous félicitons l'auteur de ce projet de loi de s'être attaqué à ce problème très grave, mais nous ne pouvons pas appuyer la méthode proposée, et ce, pour quatre raisons.
Tout d'abord, nous sommes d'avis que la pénalisation est injustifiée et inefficace. En second lieu, nous estimons qu'une telle approche ira à l'encontre de la Charte. Troisièmement, et c'est sans doute le plus important, les résultats du processus proprement dit ne résoudront pas le coeur du problème, à savoir être informé, en vue de prendre les mesures voulues, des risques liés à l'exposition aux maladies désignées. Enfin, les coûts, tant sur le plan financier qu'humain, ne justifieront pas les résultats, selon nous.
S'agissant de la pénalisation, les mesures relatives à la justice pénale prévue dans ce projet de loi sont très lourdes. Rien dans le projet de loi ne nous permet de croire que les situations qui donneront lieu à une demande de mandat seront le fruit d'une activité criminelle réelle ou prétendue. Pourtant, le refus de se conformer à la loi doit être sanctionné par des mesures d'ordre pénal, et pas les moindres. Jusqu'à six mois d'emprisonnement. Nous posons donc la question suivante: dans quel but?
Est-ce parce que la menace d'emprisonnement obligera les gens à respecter la loi? Le châtiment ne résoudra pas le présumé préjudice dû au manque d'information. Il aura toutefois pour effet de marginaliser ceux qui refusent. Le fait d'être porteur du virus de l'hépatite ou du VIH/sida n'est pas un crime, et il existe déjà des recours possibles en cas de transmission de maladies faites de propos délibérés.
Dans ce projet de loi, il n'est jamais dit que le contact avec certains liquides organiques est le fruit d'un acte délibéré de la part d'une personne, et l'intention n'est pas non plus un critère. En un mot, il s'agit de cas d'exposition accidentelle. Reste à savoir jusqu'où l'État doit aller pour réagir à ce genre d'incidents.
Voilà donc les deux principaux arguments relatifs à la pénalisation. Tout d'abord, les personnes visées par les mandats n'ont commis aucun acte criminel; deuxièmement, le fait de les pénaliser à cause de leur refus n'empêchera personne de contracter une maladie désignée, et ne l'aidera pas non plus à se faire soigner.
Pour en venir aux répercussions relatives à la Charte, les tribunaux ont approuvé le prélèvement et l'analyse d'échantillons de sang auprès des conducteurs aux facultés affaiblies, et les dispositions de ce projet de loi sont très comparables à celles qui existent déjà. Toutefois, les tribunaux ont fixé une limite précise en disant que la personne doit donner son consentement, ou que son état doit l'empêcher de le faire, qu'il s'agisse d'une intoxication ou un autre empêchement découlant de l'accident.
Le projet de loi actuel fait fi de cette question en autorisant la délivrance d'un mandat, sans obtenir le consentement préalable. Est-ce justifiable? Pas à notre avis. Il s'agit d'un prolongement très important de l'ingérence de l'État.
Les causes relatives à la Charte révèlent que des prélèvements équivalents d'échantillons de liquides organiques sont justifiés s'ils répondent à un objectif valable du droit pénal. Ce projet de loi essaie de se conformer à cette exception grâce aux interdictions énumérées aux articles 14 à 17.
À notre avis, les interdictions prévues ne sont pas suffisantes pour justifier ce projet de loi. Il existe une jurisprudence claire établissant un lien entre l'intégrité corporelle et l'article 7 de la Charte. Comme l'a déclaré le juge en chef d'alors, M. Dickson, dans l'affaire Morgenthaler:
...l'atteinte que l'État porte à l'intégrité corporelle et la tension psychologique grave causée par l'État, du moins dans le contexte du droit criminel, constituent une atteinte à la sécurité de la personne. |
Le projet de loi à l'étude répond sans l'ombre d'un doute aux deux conditions de l'atteinte portée par l'État et de la tension psychologique grave causée par l'État, et en invoquant des sanctions criminelles et en prévoyant ces dispositions dans le Code criminel, il appartient au contexte du droit criminel.
Étant donné les conséquences désastreuses de ces maladies désignées, il faut se poser la question suivante: ce projet de loi constitue-t-il une restriction raisonnable du droit à la sécurité de la personne? À notre avis, il n'en existe aucune preuve évidente, et ce, pour deux raisons. Même si l'on ne connaît pas de façon certaine le nombre de cas d'infection, d'après les données dont nous disposons, on suppose qu'il n'y en a peu.
À (1005)
Il va sans dire que si l'on ne connaît pas le nombre exact d'incidents, c'est parce que certaines personnes préfèrent ne pas faire état de leur infection à cause des préjugés dont fait preuve notre société à l'égard des maladies désignées et de l'ostracisme dont peuvent être victimes ceux qui sont infectés. Néanmoins, rien ne nous permet de dire que le genre d'incident visé par ce projet de loi est répandu ou fréquent. Cette limite visant les droits de la personne n'est donc pas justifiée en raison d'un important problème d'ordre social dont la solution exige des méthodes intrusives.
Techniquement, on pourrait invoquer les dispositions de ce projet de loi dans tous les cas où il y a eu échange de liquides organiques. Le critère du caractère raisonnable qui est énoncé—il n'est pas fait mention du caractère raisonnable et probable, ce qui correspond aux critères habituels dans ce genre de situation—invoque la question de savoir comment on appliquera ce genre de critère. Autrement dit, qu'est-ce qu'on considérera comme des motifs raisonnables de croire qu'il peut y avoir eu infection par un virus désigné? Aucune des dispositions du projet de loi ne nous aide à établir les motifs, ni obligation d'obtenir un avis médical, ni cadre. C'est très dangereux, à notre avis.
Nous craignons que certains groupes ne soient ciblés, soit en raison de la situation où ils se trouvent—détenus, sans-abri—ou de par leur profession—commerce sexuel—ce qui aurait pour effet de marginaliser et de pénaliser des gens non pas en raison de ce qu'ils ont fait, mais de qui ils sont. Nous nous engageons là sur une pente très glissante. Allons-nous proposer par la suite de rendre l'itinérance illégale à Toronto et d'emprisonner des gens pour le simple fait qu'ils sont des sans-abri? À notre avis, une contestation en vertu de la Charte obtiendrait gain de cause.
En troisième lieu, nous estimons que les résultats du processus proprement dit ne résoudront pas le coeur du problème. Comme le signale le projet de loi, le requérant risque de ne pas présenter de symptôme de la maladie désignée pendant une longue période après le contact. Il en va de même pour la personne qui subit l'analyse. Il est très facile d'être porteur d'une maladie au moment de l'incident mais que l'échantillon recueilli ne révèle aucune infection. On a déjà signalé que le traitement, en cas d'infection au VIH, doit commencer sur-le-champ. Le processus prévu ici sera trop long.
Quant au coût d'ordre humain et financier, il ne justifie pas ces résultats. Malheureusement, le projet de loi ne sera pas rentable à cet égard. Invoquer le droit pénal pour résoudre un problème d'ordre médical se révélera un processus fastidieux, lequel fera perdre inutilement trop de temps aux personnes infectées qui ont été mises en contact avec les maladies. Cela constituera une atteinte à la vie privée sans avantages évidents. Au lieu de dépenser notre argent à invoquer des sanctions d'ordre pénal, il vaudrait mieux, selon nous, poursuivre la recherche afin de trouver des remèdes et des traitements efficaces pour tous ceux qui ont contracté ces maladies.
En adoptant des lois qui passent outre aux voies de droit régulières, nous ne faisons rien pour améliorer notre système de justice pénale ni même de justice sociale. Aux termes de l'article 9 du projet de loi, on ne prévoit aucun motif pour contester l'établissement de motifs raisonnables aux termes de l'article 3. Ce texte de loi est bancal.
En un mot, la justification du prélèvement d'échantillon, ce qui constitue l'objet même de ce projet de loi, est la période d'incubation prolongée des maladies désignées. En nous fondant sur cet argument, il vaudrait peut-être mieux prévoir une procédure de fouille, perquisition et saisie si la situation exigeait une intervention aussi radicale. Toutefois, le projet de loi ne va pas jusque là. En vertu de cette mesure, une personne peut décider de rester six mois en prison, ce qui ne résoudra pas le coeur du problème. La détresse, le stress et l'inquiétude de la personne qui a été mise en contact avec ces liquides organiques seront énormes, dans ce cas-là. La procédure pénale prendra trop de temps et, pour d'excellentes raisons, elle prévoit énormément de protection. En l'occurrence, ce processus ne va pas aider la personne qui s'inquiète de sa santé future.
Une dernière chose. Le fait de mettre dans le même panier les bons samaritains et les professionnels désignés nous paraît on ne peut plus incongru. Les professionnels sont censés être conscients des risques qu'ils courent lors de leurs interventions et de connaître les précautions à prendre, grâce à la formation reçue. C'est la moindre des choses et nous sommes en droit de nous attendre à cela.
En revanche, le bon samaritain, n'écoutant que son coeur, est simplement venu en aide à une personne qu'il estimait être dans le besoin, n'ayant aucune obligation d'agir ainsi. Notre société a beaucoup à gagner de tels actes de gentillesse, mais il est difficile de les réglementer. Tout comme rien n'oblige qui que ce soit à agir en bon samaritain, la personne qui reçoit cette aide ne devrait pas être assujettie à la perte de dignité et de vie privée que représente le prélèvement d'échantillon.
Nous conviendrons tous, je pense, que dans la plupart des cas de contact avec une personne affectée, la procédure du mandat sera inutile car la personne acceptera volontiers de fournir un échantillon.
À (1010)
Il pourrait cependant y avoir des raisons impérieuses pour lesquelles une personne refuse l'échantillon: en l'absence d'un lien avec un acte criminel; le fait que cette procédure constitue une intrusion extrême et pourrait être appliquée de façon inégale; la possibilité du non-respect de la vie privée et le tort concomitant qui en résulterait; et, ce qui est encore plus important, le manque d'efficacité qu'accordent les dispositions au droit de tort éventuel.
À notre avis, ce projet de loi ne devrait pas être adopté.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Je vais maintenant donner la parole à M. Fitzpatrick qui a sept minutes.
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): L'un des arguments que l'on semble présenter ici concerne une disposition de la Charte qui a trait à la sécurité de la personne. Je m'y perds un peu ici, car il me semble que la sécurité de la personne devrait également s'appliquer à la personne à risque et qu'on devrait lui accorder la même protection. Il me semble que ce soit quelque chose que l'on ait vraiment oublié ici.
On semble craindre énormément que la prise d'un échantillon de sang constitue une procédure extrêmement intrusive qui viole en fait la sécurité de la personne. Je ne suis certainement pas un expert médical, mais j'ai subi suffisamment de prélèvements sanguins et je vous assure que ce n'est pas quelque chose qui m'inquièterait outre mesure. Je voulais tout simplement faire cette observation.
Une chose qui m'est venue à l'esprit au cours de ce débat concerne l'hépatite C. Si j'ai bien compris, il n'existe pas vraiment de traitement efficace de l'hépatite C. Je me suis dit que pour la personne qui était à risque, étant donné les effets dévastateurs qu'aurait l'hépatite C sur sa capacité de gagner un revenu et de maintenir la qualité de vie à laquelle cette personne est habituée, dans une poursuite civile il serait peut-être important de déterminer si elle a ou non contracté hépatite C de cette personne. Je suppose que le projet de loi ne fournit pas à cette personne ce genre de preuve dans une poursuite civile, n'est-ce pas?
M. Dale Kinnear: Je devrais laisser un des avocats répondre à cette question.
Pour ce qui est de la preuve médicale dont vous parlez, je pense qu'on en parle longuement dans le rapport des Centers for Disease Control and Prevention d'Atlanta. On parle de certaines de ces questions et des faits relativement à l'hépatite B et C. D'autres pourraient vous expliquer cela mieux que moi également.
Nous croyons comprendre que le comité invitera des experts médicaux à témoigner, plus particulièrement un expert en dépistage rapide de l'hôpital de l'Université de Calgary. Je laisserai donc le soin à cet expert de vous expliquer tout cela.
À (1015)
M. Brian Fitzpatrick: C'est ce que je ferai moi aussi. Si ce projet de loi n'aide pas la personne en question à prouver qu'elle a contracté l'hépatite C dans cette situation, on pourrait refuser à cette personne et à sa famille la preuve même dont elle aurait besoin pour obtenir une indemnisation adéquate de cette personne. Ce n'est qu'un élément, mais cela pourrait être un élément important pour la personne qui se retrouve dans cette situation.
M. Dale Kinnear: Il y a plusieurs questions juridiques qui entrent en jeu ici. Nous cherchons protection et assistance pour nos membres qui ont été exposés. En ce qui concerne les poursuites civiles, nous ne nous préoccupons pas de ce genre de détails. Nous cherchons une protection législative de façon à pouvoir exiger ce dépistage et pouvoir prendre des décisions médicales éclairées en cas d'exposition.
Constable Isobel Anderson (policière, Service de police d'Ottawa-Carleton; Association canadienne des policiers et policières): Lorsqu'un policier est exposé à une maladie infectieuse, une partie de notre protocole consiste à procéder à des examens hématologiques de base à l'égard de cette personne. Les résultats indiqueront si l'agent a ou non la maladie. La raison pour laquelle nous faisons cela, c'est que plus tard nous pouvons dire qu'à tel moment donné, cette personne n'avait pas le VIH, l'hépatite C ou l'hépatite B. Cela serait la preuve qu'à ce moment-là la personne n'avait pas contracté quelque infection que ce soit.
Le président: Monsieur Elliott.
M. Richard Elliott: En réponse à votre question, je devrais souligner que le projet de loi stipule que le certificat contenant les résultats des tests pour la personne source n'est pas admissible dans une procédure civile. Il s'agit cependant en quelque sorte d'un avantage illusoire, car une fois que la personne source connaît le résultat de ses tests, si elle était partie à une poursuite civile, il est fort possible qu'elle serait obligée de divulguer cette information, par exemple lors des procédures de communication et d'interrogatoire préalables. Donc, en un sens, on ne dit pas que le certificat comme tel, le document, n'est pas disponible comme preuve. Il est toujours possible que cette information soit fournie ailleurs.
M. Brian Fitzpatrick: J'ai une autre question.
Je voudrais revenir à la sécurité de la personne, car on semble mettre l'accent sur la personne qui a donné l'échantillon de liquide ou de sang, sur le droit de cette personne à la vie privée, sur ses droits à la sécurité, etc. Une chose qui me semble être évidente, c'est que si on est une personne à risque, le simple fait de savoir que l'on a ou non été exposé peut faire toute une différence psychologiquement, en ce qui a trait au stress et à ce genre de choses. Cela pourrait inquiéter une personne pendant très longtemps. En ce qui concerne la santé au travail, nombreux sont les cas qui indiquent que cela peut avoir des conséquences psychologiques très importantes pour les gens. Il me semble donc que si un simple dépistage pouvait tirer les choses au clair et rassurer la personne en démontrant qu'elle n'est pas à risque, cela contribuerait considérablement à dissiper ce genre de préoccupation.
Je songe donc à la sécurité de la personne, que ce soit d'un policier, d'un ambulancier ou de toute autre personne à risque, afin de la rassurer pour qu'elle puisse vivre tranquille. Il me semble que M. Kinnear soit le seul vraiment à voir les choses de ce point de vue.
M. Richard Elliott: Eh bien, nous ne pouvons certainement pas nier que cela pourrait atténuer l'anxiété de la personne exposée lorsqu'elle apprend que la personne source a eu des résultats négatifs pour l'un de ces virus. C'est cependant sous réserve de l'importante mise en garde que j'ai mentionnée tout à l'heure au sujet de la fenêtre sérologique, qui pourrait être particulièrement pertinente si on parle d'une personne qui a pris part à des activités à risque élevé et pour qui les possibilités sont plus élevées qu'un résultat de dépistage négatif soit en fait erroné.
L'autre réserve dont je voudrais parler au sujet de la possibilité que le résultat du dépistage atténue ou intensifie l'angoisse, c'est que, dans l'éventualité où la personne source a des résultats positifs, par exemple, je ne vois pas comment cela pourrait en fait aider à atténuer l'angoisse de la personne qui a été exposée. Cela va plutôt l'accroître. Si le dépistage de la personne source révèle qu'elle a le VIH ou l'hépatite C et que vous estimez que vous y avez été exposé de façon importante, je ne vois pas comment le fait de connaître cette information pourrait faire quoi que ce soit d'autre que de vous inquiéter davantage, et ce, avec raison. Cela va donc dans les deux sens, et je pense que nous devons en être conscients.
Pour ce qui est de la sécurité de la personne, je suis d'accord avec vous que le fait de prendre un échantillon en soi ne constitue peut-être pas l'aspect important de tout cela, bien qu'à mon avis ce soit important, question de principe. Nous devrions nous inquiéter du fait qu'une loi autorise l'État à soumettre les gens à des procédures médicales sans leur consentement. Ce qui est encore peut-être plus important, les conséquences éventuelles qui découlent alors de ces renseignements, ajoutées à l'absence de toute confidentialité réelle de ces renseignements, constituent les ramifications les plus importantes pour les gens dont les résultats sont positifs.
À (1020)
Le président: Monsieur Bellehumeur, vous avez sept minutes.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ): Je m'adresse aux policiers. À combien estimez-vous le nombre de gestes que les policiers posent au cours d'une journée, qu'il s'agisse d'émission de contraventions, de perquisitions ou d'arrestations, par exemple? Combien de gestes professionnels les policiers posent-ils chaque jour? Un policier dans son automobile en pose-t-il 10, 15, 25? Est-ce que vous avez déjà déterminé cela?
[Traduction]
M. Dale Kinnear: Il y a des milliers d'interactions entre la police et le public tous les jours au Canada, que ce soit lors d'accidents de la circulation, d'arrestations, ou de situations de violence familiale. On compte 57 000 policiers au Canada, alors il y a donc des milliers d'interactions avec les gens.
Si vous voulez savoir exactement combien d'expositions il y a, d'incidents au cours desquels la personne est à risque...
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Selon vous, combien de policiers et de policières ont été dans la situation qu'on vise: un prévenu leur a planté une seringue dans un bras ou ils ont été en contact avec une matière liquide corporelle? Combien avez-vous répertorié de situations semblables parmi ces milliers d'interventions quotidiennes?
[Traduction]
M. Dale Kinnear: J'aimerais bien pouvoir vous dire que Santé Canada ou l'un des organismes de santé provinciaux, que ce soit au Québec ou à l'île-du-Prince-Édouard, recueille ce genre d'information. J'aimerais pouvoir vous dire que je peux aller à la Commission des accidents du travail au Québec ou en Colombie-Britannique et obtenir exactement tel renseignement. Malheureusement, ce n'est pas possible. L'employeur ne peut divulguer ces renseignements. Les bureaux d'indemnisation des accidents du travail ne peuvent pas divulguer ces renseignements.
Selon les rapports et l'information anecdotique présentés à l'Association canadienne des policiers et policières au cours des quatre ou cinq dernières années, nous savons que des centaines de nos membres ont été exposés. Nous savons, pour ce qui est du nombre de piqûres accidentelles dans les centres médicaux, qu'il y a un grand nombre d'incidents du genre tous les jours. Nous savons donc que ce type d'exposition existe. Cela est tout aussi réel, à certains égards, je suppose, que toute autre chose qui se produit en droit criminel ou en common law.
Nous savons que cela se produit. Vous entendrez des témoignages à cet effet. Pour cette table ronde-ci, il y a ici un policier qui a été exposé. Vous entendrez d'autres témoignages pour dire que cela arrive tous les jours aux intervenants d'urgence, aux policiers, aux pompiers. Et la question que je poserais est la suivante: combien d'expositions faut-il pour déclencher ce type de projet de loi?
Je vous renverrais la question en vous disant donnez-nous un chiffre. Dites-nous combien il en faut. Combien de ce type d'expositions faut-il avoir?
[Français]
M. Michel Bellehumeur: C'est moi qui pose les questions. À tous les quatre ans, on a la possibilité de se faire élire afin de pouvoir poser des questions aux témoins.
Je crois comprendre qu'il y a une centaine de vos membres qui peuvent avoir été affectés par ce qu'on vise dans le projet de loi qui nous concerne et qui pourraient être touchés par ça. Selon vous, dans combien de cas la personne source s'est-elle prêtée volontairement à une prise d'échantillon? Est-ce la moitié? Est-ce 100 p. 100? Est-ce qu'aucune de ces personnes n'a voulu se prêter à une prise d'échantillon, selon l'information que vous avez?
[Traduction]
M. Dale Kinnear: Encore une fois, monsieur Bellehumeur, j'aimerais bien avoir une source de données à laquelle je pourrais m'adresser pour vous dire exactement combien de personnes n'ont pas voulu se prêter à une prise d'échantillon. Je sais que le niveau de consentement est élevé—sans doute plus élevé que dans le cas des médecins praticiens que dans le cas des policiers.
Nous savons d'après notre expérience et d'après ce que nous entendons dire à ce sujet que dans les établissements de santé et dans les centres médicaux, ces renseignements sont maintenant transmis. Ils ne sont pas transmis légalement. Ils ne sont pas transmis de façon illicite. Mais ils sont transmis dans ces installations, et je pense que c'est pour cette raison que les représentants des associations médicales et des établissements de santé ne sont pas ici aujourd'hui, car ils protègent leurs intérêts.
Nous n'avons rien pour nous protéger dans ces circonstances. Nous savons qu'il y a beaucoup de refus. Les gens ne coopèrent pas nécessairement avec la police comme ils le font avec d'autres professionnels. J'aimerais bien que ce ne soit pas le cas. J'aimerais bien que dans tous les cas il suffise de le demander.
On nous a dit ici aujourd'hui qu'aux États-Unis, le taux de consentement était assez élevé. Je rappelle aux membres du comité que dans la moitié de ces États, la loi les y oblige. Je dirais qu'une personne qui sait qu'elle est obligée de se soumettre au dépistage va sans doute le faire.
J'aimerais bien pouvoir vous donner des détails exacts. Je ne peux pas, car ils ne sont pas disponibles. Ces renseignements sont en partie protégés par la Loi sur la protection des renseignements personnels.
À (1025)
Le président: M. Elliott voulait faire une observation.
M. Richard Elliott: Je voudrais tout simplement ajouter qu'effectivement ce sont les travailleurs de la santé qui sont le plus à risque et chez qui la fréquence d'exposition professionnelle à certaines maladies transmises par le sang est la plus élevée. Pourtant, de grandes organisations médicales nationales au Canada n'appuient pas le dépistage obligatoire. L'Association des infirmières et infirmiers du Canada dit que ce n'est pas justifié. L'Association médicale canadienne, après avoir obtenu deux avis juridiques et après une étude épidémiologique, a dit que ce n'était pas justifié. L'Association des infirmières et infirmiers du Canada n'appuie pas le dépistage obligatoire dans le traitement du sida. Et les syndicats qui représentent les travailleurs de la santé, notamment le SCFP et le Syndicat des employés et employées de la Fonction publique de l'Ontario, n'appuient pas le dépistage obligatoire. Et c'est pour ces travailleurs que le risque d'exposition et d'infection est le plus élevé.
Le président: Monsieur Bellehumeur, vous avez une minute, si vous voulez.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Que pourrait-il arriver si aucun médecin ou technicien qualifié n'acceptait de se plier au mandat qui pourrait être émis par la cour? J'ai vérifié auprès de certaines associations, et aucune d'elle n'embarque dans cela pour toutes sortes de raisons.
Par exemple, si on obtient un mandat en vertu des dispositions du projet de loi, que les policiers se présentent avec le prévenu ou avec la personne source et qu'aucun technicien ou médecin ne veut se plier à ce mandat, qu'est-ce qui peut arriver?
[Traduction]
M. Dale Kinnear: À mon avis, le médecin devrait pouvoir refuser.
Le président: Monsieur Strahl, vous avez sept minutes.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, PC/RD): Merci.
Je remercie le Réseau juridique canadien VIH/sida d'avoir rédigé ce document. Il est excellent et très complet. Je prends particulièrement note des préoccupations concernant le caractère confidentiel des résultats des analyses et de tout ce qu'ils peuvent signifier. Ces préoccupations rejoignent tout à fait celles qu'a présentées l'Association canadienne des policiers et policières. Je pense effectivement que le projet de loi aurait besoin d'être modifié. En le rédigeant, j'ai tâché d'en tenir compte en décrivant ce qui devrait advenir de l'échantillon de sang, mais comme on l'a justement signalé, nous devrons renforcer les dispositions portant sur ce qu'on a fait des résultats des analyses, ce qui est , bien sûr, autre chose que l'échantillon sanguin lui-même, et en réalité quelles mesures nous devons mettre en place pour protéger les renseignements personnels une fois les résultats connus.
Je pense toutefois que nous courrons le risque, dans une discussion technique de ce genre, d'oublier sur le plan purement humain les conséquences que peut avoir sur la personne possiblement infectée le fait de ne pas savoir si elle est porteuse ou non d'une maladie infectieuse. Nous n'avons pas entendu Mme Anderson aujourd'hui, mais j'ai été frappée par la conclusion qu'a tirée Mme White, à savoir qu'on risque de stigmatiser ceux qui refusent de donner des échantillons de sang. Ma parole, il ne faudrait pas oublier pour autant l'énorme stigmatisation de ceux qui pourraient être infectés. Comme on l'a déjà dit, c'est vrai dans les deux cas.
Je me demande, madame Anderson, si vous pourriez nous dire ce qui s'est passé quand vous vous êtes sentie menacée et peut-être infectée par une maladie, et quel effet cela a eu sur vous sur le plan personnel et le plan professionnel.
Const. Isobel Anderson: D'abord, hier je me dirigeais à pied vers le palais de justice et l'un des avocats m'a abordée et m'a demandé si j'allais bien. J'ai répondu, oui, je vais bien, et vous. Il m'a demandé si tout était clair. J'ai dit, je ne comprends pas. Ce qu'il demandait, c'était si j'étais séropositive ou porteuse du virus de l'hépatite C. J'ai souvent été abordée par des gens dans cette ville, en raison de toute la couverture médiatique. Je suis marquée en raison de ce qui m'est arrivé il y a quatre ans.
Quand je suis rentrée chez moi ce jour-là pour parler à ma famille, pour dire à mes enfants et à mon mari que je les exposais peut-être à une maladie mortelle, sans savoir si j'avais ou non contracté le VIH ou le virus de l'hépatite C, je ne peux pas vous dire exactement le choc émotif que j'ai subi. Mon mariage a été brisé à cause de cela. Ce sont les risques du métier, mais je peux vous dire que le jour où j'ai reçu les résultats de cet individu et que j'ai appris qu'il était séronégatif, même si je savais que subsistait la possibilité qu'il s'agisse d' un faux négatif, pour ma part, je me suis sentie très soulagée. Quelques jours après on m'a dit qu'il était atteint du virus de l'hépatite C. Je savais que j'avais peut-être contracté le virus de l'hépatite C, et cela voulait dire pour moi que je devais dès lors prendre les mesures nécessaires pour ne pas infecter des membres de ma famille. Je devais aussi veiller à ne pas infecter mes camarades de travail. Chaque fois que je répondais à un appel après cela et que je risquais d'exposer à la maladie quelqu'un que j'arrêtais ou encore un de mes camarades de travail, il m'appartenait de leur dire que j'avais été exposée au VIH et à l'hépatite C et qu'il se pouvait que je les y expose aussi. Je dois le faire, parce que j'ai prêté serment de sauver des vies. Si je ne le disais pas à la personne que j'arrête ou que j'aide ou à l'agent avec qui je travaille, je trahirais le serment que j'ai prêté.
À (1030)
M. Chuck Strahl: Nous avons tous tenté de trouver des données statistiques sur la fréquence d'exposition des agents de police et d'autres à ces risques, mais il semble s'agir toujours de cas isolés. Il est difficile de se faire une idée, parce que les gens qui prodiguent des soins, les responsables de l'indemnisation des accidentés du travail et d'autres ne tiennent pas de statistiques distinctes sur ces cas.
Madame Anderson, d'après votre expérience, quelle serait la fréquence d'exposition à des risques graves? Ces interactions vous exposent quotidiennement, mais qu'est-ce qui serait considéré comme une exposition grave, par exemple une blessure due à une aiguille? Des agents de police m'ont dit que dans un accident de voiture, quand on essaie d'extraire un passager d'un véhicule dont les vitres ont été fracassées, par exemple, on peut se couper et il y a alors un risque de contamination sanguine. À quelle fréquence les agents de police seraient-ils exposés à ces risques graves? Êtes-vous au courant d'autres cas que le vôtre?
Const. Isobel Anderson: Je suis devenue malgré moi une spécialiste de ces questions. On m'appelle parfois à deux ou trois heures du matin parce qu'un agent est hospitalisé et a pu être exposé à ces risques de maladie, sans compter le fait que la police d'Ottawa elle-même, nos membres, connaît chaque année au moins 40 cas sérieux d'exposition à ces maladies.
Pour rappeler ce que disait tout à l'heure M. Elliott, soit que les professionnels de la santé, les médecins et les infirmiers et les infirmières ne font pas de représentation à ce sujet et qu'ils ne croient pas qu'il soit approprié de le faire, je dirais que dans leur cas le risque est contrôlé, mais pas pour nous. Nous n'avons pas la possibilité de dire: attention, attendez un instant, je vais enfiler une combinaison pour pouvoir vous traiter. Il nous arrive souvent d'arriver à l'hôpital avec quelqu'un qui est hors de contrôle. Nous devons réduire les risques au minimum. Nous devons nous assurer de supprimer les risques pour tous ceux qui sont autour de nous. Alors, malheureusement...
M. Chuck Strahl: Parmi ces 40 cas qui peuvent se présenter, dans quelle proportion les gens sont-ils disposés à fournir un échantillon de sang? Je sais que dans votre cas, naturellement, les journaux ont abondamment rapporté le fait qu'un sans-abri avait donné un échantillon de sang en échange d'un hamburger, ce qui est assez triste...
En réalité, ce n'est pas le seul cas dont nous ayons entendu parler. On peut troquer un cheeseburger contre un échantillon de sang, ce qui est finalement assez sordide quand la survie d'un être humain en dépend.
Mais sur ces 40 cas, à votre avis, combien accepteraient de donner un échantillon de sang?
Const. Isobel Anderson: Je ne pourrais pas vous le dire comme ça. Je sais que beaucoup de gens acceptent effectivement de le faire quand on le leur demande pour de simples raisons humanitaires. Mais une bonne proportion refuse aussi.
M. Chuck Strahl: Très bien.
Il me semble bien, d'après les statistiques que vous avez présentées, monsieur Elliott, que la plupart des gens acceptent de se soumettre à des tests—naturellement, surtout à l'hôpital, parce que les gens sont là pour recevoir des soins; ils sont là pour des raisons de santé plutôt que, disons, des raisons de justice pénale. Une des critiques qu'on formule au sujet du projet de loi n'est pas qu'il constituerait un moyen disproportionné ni qu'il engorgerait les tribunaux vu le nombre de gens qui ont refusé de donner un échantillon de sang, mais qu'il serait très rarement invoqué. Sur ces 40 cas, peut-être, si les statistiques sont exactes, 80 p. 100 des gens fourniront volontairement un échantillon. Si vous aviez une loi en place, probablement que la moitié des autres, ou peu importe le pourcentage restant, se diraient, eh bien, s'il le faut, je vais le faire, ils s'y soumettraient. Il ne resterait plus que très peu de cas de refus.
Pour les agents de police ou d'autres, c'est peut-être très peu de cas, mais cela demeure un risque pour la vie et pas simplement un problème psychologique. Les cas isolés qu'on rapporte ressemblent tout à fait à celui de Mme Anderson. On parle de mariages brisés, de perte d'intimité avec le conjoint, de crainte de ce qu'ils pourraient faire, de l'incapacité de continuer à exercer leurs fonctions. À propos de tout cela, on parle de «stigmatisation», mais il me semble quant à moi que dans ces très rares cas, cette loi serait rassurante et aiderait les intéressés. Je ne pense pas qu'ils se comptent en grand nombre, mais ma foi, le quelques-uns qu'on aidera ainsi auront leur importance.
Même dans le mémoire que vous avez remis, l'organisation, à propos des résultats des tests, disait que c'était un avantage appréciable, à propos de la disparition de l'anxiété et des mesures de prophylaxie post-exposition. On dit:
C'est un avantage certain dans le cas de l'exposition au VIH parce que, quoique la prophylaxie post-exposition soit accessible et efficace dans la prévention de la transmission, elle s'accompagne aussi d'effets secondaires débilitants et d'autres risques. |
Autrement dit, c'est un important avantage que de connaître cette information, parce qu'elle influe sur la façon dont les gens envisagent le traitement de prophylaxie.
À (1035)
Le président: Merci, monsieur Strahl. Nous avons pris deux ou trois minutes de trop.
La parole est à M. Maloney.
M. John Maloney (Erie--Lincoln, Lib.): Nous n'avons toujours pas parlé du partage des compétences aux termes de la Constitution, entre le gouvernement fédéral et les provinces. L'un ou l'autre des témoins pourraient-ils me donner son avis sur la question de savoir si cette loi s'en tient au pouvoir qu'a le gouvernement fédéral en matière de droit pénal ou s'il s'agit plutôt d'une question de santé qui relève de la compétence des provinces?
M. Richard Elliott: Je peux répondre. Il est bien certain qu'à notre avis cette question ne relève pas du pouvoir qu'a le gouvernement fédéral en matière de droit pénal. La partie qui concerne le bon samaritain, par exemple, ne se rattache vraiment à rien. Elle n'a manifestement aucun lien avec le droit pénal, et pour ce qui est de la partie où l'on propose effectivement de modifier le Code criminel, je pense qu'il faudrait évidemment trouver un projet de loi portant sur l'exercice du pouvoir conféré en matière de droit pénal pour la simple raison qu'il propose de modifier le Code criminel. C'est mettre la charrue devant les boeufs.
Ce qu'on a dit aujourd'hui ici et ailleurs, notamment ce qui a été dit aux Communes par M. Kinnear, ce sont des propos sur la santé et la sécurité en milieu de travail, et c'est vraiment ce dont nous parlons, de ce qu'il faut faire dans les cas d'exposition des travailleurs. Nous parlons des risques professionnels, tandis que, comme Mme White l'a souligné, il n'y a pas nécessairement de lien avec un quelconque acte criminel; il n'est pas nécessaire d'apporter des preuves prima facie relatives à un acte criminel qu'aurait commis la personne qui va être soumise à un test obligatoire et emprisonnée si elle refuse de s'y soumettre.
Il me semble donc qu'on pousse un peu fort quand on affirme que cette question relève du pouvoir conféré en droit pénal, et d'ailleurs il avait été question au comité quand il étudiait le projet de loi C-244, le projet de loi antérieur à celui-ci, qui est identique, que la décision qu'allait rendre la Cour suprême à propos du contrôle des armes à feu traiterait peut-être des paramètres du pouvoir qu'a le gouvernement fédéral en matière de droit pénal.
En l'occurrence, la cour a confirmé le droit du gouvernement fédéral de légiférer en matière de contrôle des armes à feu, mais à mon avis elle n'apporte aucun nouvel appui à l'idée que ce genre de mesure législative constitue un exercice valide du pouvoir conféré en droit pénal parce qu'il n'y a pas de lien approprié au droit pénal, et dans cette affaire, ce dont était saisie la cour, c'était la réglementation d'objets essentiellement dangereux pour la sécurité publique. C'est une tout autre affaire que de traiter de cas individuels précis, et, comme nous l'avons entendu dire, il existe relativement peu de cas où un travailleur fait face à un danger dans le cadre de son mandat.
M. John Maloney: Monsieur Kennear.
M. Dale Kinnear: Si vous me permettez de répondre à cette question également, je crois qu'il ne fait aucun doute qu'en ce qui concerne la répartition des pouvoirs, en tant que question relative à la santé elle relève directement des provinces. Cependant, l'aspect qui nous préoccupe à cet égard c'est que si nous en confions la responsabilité aux provinces, nous risquons d'avoir dix textes de loi différents portant sur cette question.
Je crois que si cet aspect est abordé dans le Code criminel, cela permettra de mieux traiter de questions comme la communication de renseignements et ce genre de choses. D'ailleurs je crois—et je m'en remettrai à M. MacKay et à ceux qui interprètent la loi—qu'il existe de nombreux cas prévus par le Code criminel où le gouvernement fédéral a assumé la responsabilité d'une certaine question, et j'utiliserai la conduite avec facultés affaiblies à titre d'exemple. L'immatriculation des véhicules automobiles et toutes les questions concernant les véhicules automobiles relèvent de la responsabilité des provinces, mais elles ont considéré que la question de la conduite avec facultés affaiblies relevait de la loi fédérale, du Code criminel, et je crois que l'on peut faire valoir le même argument pour certains aspects de cette question.
Je vais peut-être paraître égoïste, mais dans la plupart des cas où il y a intervention policière, il y aura un lien avec le droit pénal, qu'il s'agisse d'une personne qui refuse d'être arrêtée ou qui résiste à une arrestation ou qui agresse un policier. Donc, je crois que ce lien existera. Il ne fait aucun doute qu'en ce qui concerne les victimes de crimes, ce lien avec le droit pénal existe, et nous considérons simplement que cette question doit nettement relever du droit pénal si nous voulons donner suite à ces questions très délicates concernant la Charte et ces préoccupations en matière de protection de la vie privée.
Ne vous y trompez pas: l'Association canadienne des policiers ne veut pas d'une loi qui lui permet de cibler certains membres de la collectivité ou de prélever des échantillons de sang dans toutes les circonstances, ni dans toutes les situations. Ce n'est pas ce que nous recherchons ici et en raison de toutes les préoccupations exprimées par les autres membres du groupe, elle relève nettement de la compétence fédérale.
À (1040)
Mme Elizabeth White: J'aimerais faire une dernière observation à ce sujet. Que la loi cible ou non certains groupes de gens, notre vaste expérience des dispositions du Code criminel nous a appris qu'en fait elle cible les marginaux, que c'est le genre de personnes avec qui nous avons tendance à traiter, et que le citoyen moyen en règle générale n'est pas visé par les dispositions du Code.
Je répéterais ce que M. Elliott a dit, à savoir qu'il s'agit d'une question de compétence provinciale et qu'il n'y a aucun problème à avoir dix ou douze textes de loi différents. Ils peuvent être d'une portée très semblable. Les mesures qu'ils prévoient peuvent concorder d'une province à l'autre, tout comme d'autres aspects des lois provinciales ont tendance à concorder un peu partout au pays, à moins qu'il existe des raisons valables pour agir autrement.
À nos yeux, le plus grand danger est de continuer à élargir la portée et l'ampleur du droit pénal à des domaines qui n'en relèvent pas.
Le président: Merci beaucoup.
M. John Maloney: Quelqu'un voudrait-il commenter sur la constitutionnalité de ces dispositions? Relèvent-elles carrément de la compétence provinciale?
M. Dale Kinnear: Cette loi n'a reçu la sanction royale que peu de temps avant Noël. À ma connaissance, il n'y a pas eu de cas où les dispositions de la loi ont été appliquées. Je dirais qu'il est fort probable que la première fois que les tribunaux seront saisis d'un cas de ce genre, cette loi fera l'objet d'une contestation en vertu de la Charte et sera examinée par la Cour suprême qui se prononcera à cet égard.
Nous sommes convaincus qu'elle répondra au critère prévu par l'article 1 de la Charte. Certains tribunaux inférieurs ont rendu des décisions à propos de l'analyse de l'ADN, dont la portée a été en fait beaucoup plus vaste que l'intention précise prévue par la loi. Je crois qu'il s'agissait d'un tribunal de la Colombie-Britannique.
Le président: Monsieur Elliot.
M. Richard Elliott: Je crois que le projet de loi 105 en Ontario relève probablement beaucoup plus nettement de la compétence provinciale que le projet de loi C-217 relève de la compétence fédérale.
Cela dit, j'ajouterais qu'il ne fait aucun doute que le médecin hygiéniste en chef de l'Ontario a indiqué à l'Assemblée législative de l'Ontario qu'à son avis le projet de loi 105 n'était pas une bonne politique gouvernementale, qu'il s'agissait d'une mesure non appropriée dans une perspective de santé publique. Il a signalé d'autres moyens plus viables de traiter les expositions professionnelles qui permettent de répondre adéquatement à l'objectif que nous considérons tous importants, à savoir fournir une aide appropriée aux travailleurs qui ont été exposés à des maladies infectieuses.
Donc j'ajouterais la mise en garde qu'effectivement il est possible d'invoquer la constitutionnalité de la répartition des pouvoirs, mais cela n'élimine pas pour autant les autres préoccupations qui ont été exprimées.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Fitzpatrick, vous avez trois minutes.
M. Brian Fitzpatrick: M. MacKay est probablement le meilleur expert en droit constitutionnel ici, mais je me permettrais de faire la supposition que le droit de propriété et les droits civils relèvent de la compétence provinciale. Lorsque l'on fait intervenir des dispositions criminelles en matière de vol, on se trouve à empiéter sur ces domaines.
Le Code criminel renferme une foule d'exemples où nous avons légiféré dans des domaines où vous pouvez soutenir qu'ils relèvent de la compétence provinciale bien que les tribunaux aient constamment maintenu le pouvoir du gouvernement fédéral de les assujettir au droit pénal. C'est assurément le genre d'argument que l'on a fait valoir pour ce qui est de l'enregistrement des armes à feu. Donc je ne crois pas qu'il existe de raison vraiment solide pour s'opposer à ce projet de loi.
On a aussi dit que nous faisons du refus de se prêter à ce prélèvement une infraction criminelle. Le Code criminel renferme une foule de dispositions de ce genre, comme le refus de se soumettre à l'ivressomètre, le refus de fouille et de perquisition, etc. Si l'on suit un certain processus, la personne doit se conformer à ces demandes, témoigner devant un tribunal. Vous regardez peut-être beaucoup d'émissions américaines, mais essentiellement, sauf dans les cas d'auto-incrimination ou du secret professionnel, vous êtes tenu de témoigner devant les tribunaux. Si vous ne le faites pas, vous allez avoir des ennuis. Donc, à mon avis, c'est un argument qui ne tient pas.
Un argument ici que je trouve tout à fait incroyable, c'est l'idée selon laquelle les policiers vont s'exposer délibérément à ces liquides organiques simplement pour pouvoir cibler et marginaliser les gens. Je trouve que c'est un argument incroyable. Je ne peux tout simplement pas m'imaginer que des policiers voudraient s'exposer délibérément à ce genre de risque pour pouvoir faire ce genre de chose.
Quant au rapport avec l'itinérance, c'est une tout autre question. Je ne crois pas qu'elle ait un rapport quelconque avec ce dont nous traitons aujourd'hui, et je ne suis même pas sûr pourquoi on a même soulevé cette question.
Ce sont les trois observations que je voulais faire. S'il y en a qui veulent y répondre, ils le peuvent.
À (1045)
Le président: J'ai l'impression que certains aimeraient y répondre.
Monsieur Elliot.
M. Richard Elliott: Sauf tout le respect que je vous dois, monsieur Fitzpatrick, je ne crois pas que qui que ce soit ait laissé entendre que les policiers s'exposeront délibérément au risque d'infection pour pouvoir cibler des personnes marginales. Personne n'a insinué une telle chose.
Pour ce qui est de savoir s'il y a ou non un lien avec le droit pénal, comme nous le disions, il y aura très peu de situations où les tests obligatoires présenteraient un avantage; cependant, compte tenu du libellé du projet de loi, c'est beaucoup plus vaste. C'est, je pense, Mme White qui le faisait valoir plus tôt, il s'applique à toutes sortes de situations qui n'ont aucun lien véritable avec une disposition quelconque du droit pénal.
Selon le libellé actuel du projet de loi C-217, la personne qui est victime d'un accident de la route et qui reçoit de l'aide pourrait se voir obligée de se soumettre à des tests et être assujettie aux risques concomitants de perte de confidentialité, etc. Dans un tel cas, rien ne laisse entrevoir un acte criminel, et pourtant c'est ce que prévoit le projet de loi C-217. Un patient qui reçoit des soins de santé pourrait, selon la situation, se trouver dans l'obligation de se soumettre à des tests. Cette situation n'a aucun lien avec le droit pénal. Donc, je veux tout simplement faire valoir qu'il n'y a pas beaucoup de situations auxquelles le projet de loi C-217 s'applique en réalité qui peuvent être visées par cela.
Mme Elizabeth White: Comme on vient de le dire, je tiens simplement à répéter que l'on ne veut pas insinuer que les employés désignés s'exposeraient délibérément à des liquides organiques.
Cependant, j'estime important de faire valoir que même s'il existe des dispositions dans le code qui obligent les gens à fournir des preuves et parfois des preuves matérielles, on se trouve ici à élargir la portée de ces dispositions, ce qui à notre avis est inutile sans compter qu'il s'agit de mesures trop intrusives. Cela ne veut pas dire que ces dispositions n'existent pas dans le code; elles s'y trouvent. Mais le projet de loi en élargit inutilement la portée.
Le président: Monsieur Bellehumeur, vous avez trois minutes.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Mes autres préoccupations sont au niveau constitutionnel et au niveau de la responsabilité fédérale ou provinciale dans le cadre d'une telle loi. On a déjà posé des questions là-dessus et cela me suffit amplement, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Est-ce que nous passons à notre spécialiste de la Constitution?
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Je crois que nous pouvons dire sans nous tromper que nous ne sommes ni l'un ni l'autre spécialistes de la Constitution.
Le président: Monsieur MacKay.
M. Peter MacKay (Pictou--Antigonish--Guysborough, PC/RD): Je tiens à remercier chacun d'entre vous pour vos témoignages extrêmement intéressants. J'ai l'impression qu'il s'agit vraiment d'une question de moderniser la loi, de tenir compte de l'évolution des circonstances où, par exemple, les maladies infectieuses semblent malheureusement plus répandues. Par le passé, la loi a évolué aussi pour d'autres raisons—le prélèvement d'échantillons d'ADN, l'exemple de la Loi sur les armes à feu, les échantillons de sang et l'alcootest et leur utilisation dans le système pénal. Même la communication d'éléments de preuve par les avocats de la Couronne a évolué ces dernières années. Il semble que nous sommes aux prises avec les problèmes suivants. Comment améliorons-nous ce système, et comment instaurons-nous des mécanismes de protection suffisants pour faire en sorte que l'on protège aussi la vie privée?
Les connaissances limitées en matière constitutionnelle que je possède me portent à croire que lorsque le critère énoncé dans l'arrêt Oakes serait invoqué, et quand on commence à examiner la question de la proportionnalité et de la protection des membres d'une profession, ou même de bons samaritains, lorsqu'ils sont appelés à intervenir pour sauver une vie, la perte de la confidentialité par rapport à... Mme Anderson nous a présenté une situation très humaine où une personne ne peut pas profiter de la vie, perd son emploi, tout cela parce qu'elle ignore si elle a été infectée ou non. Il y a aussi le simple message que cela transmet aux simples citoyens, de même qu'aux membres de toute profession, que s'ils prennent le risque, s'ils choisissent de prendre le risque, comme Mme White l'a exprimé, ils risquent en fait de signer leur arrêt de mort.
Je crois que si cette loi était adoptée, elle finirait certainement par se retrouver devant la Cour suprême du Canada. Si cela se produit, je serais très étonné si madame la juge McLaughlin et les juges de la Cour suprême, devant les conséquences pour une personne dans cette circonstance, comme cela a été le cas pour Mme Anderson, en ce qui concerne la protection de la vie privée d'une personne et la confidentialité, non pas pour déprécier ce droit... que l'argument de l'article 7 en vertu du critère énoncé dans l'arrêt Oakes serait justifié.
Il me semble qu'il s'agit davantage d'une question de logique et de rédiger simplement une loi qui répondra aux normes, qui améliorera ce critère.
L'Association canadienne des policiers et policières a fourni quelques...
À (1050)
Le président: Si vous voulez bien conclure votre intervention.
M. Peter MacKay: Très bien, monsieur le président.
On pourrait resserrer les dispositions relatives à la non-communication. On pourrait certainement resserrer la loi pour inclure l'interdiction de la publication de l'identité de la personne. Quant aux juges, je suis sûr que nous pouvons améliorer les critères, et la norme pourrait être appliquée dans le cas d'un mandat. J'aimerais particulièrement connaître l'opinion de M. Elliott et de Mme White quant à la façon dont, dans toutes circonstances, on pourrait rédiger une loi qui prévoirait les mécanismes de protection qui les intéressent.
Mme Elizabeth White: Pour répondre très brièvement, c'est peu probable. Peu importe la façon dont vous remaniez cette loi, cela ne modifiera en rien l'arrêt de mort que peut représenter l'exposition à ces maladies. C'est malheureusement la réalité dans toute son horreur.
M. Peter MacKay: Et cela ne vaut pas la peine d'essayer.
Le président: Il faudra limiter les échanges, sinon on n'en finira jamais. M. Elliot veut aussi intervenir sur ce point.
M. Richard Elliott: Certes, on essaie de trouver le juste équilibre, mais jusqu'à présent on n'a pas suffisamment tenu compte des préjudices graves que représente la perte de confidentialité pour les porteurs du VIH. Il est facile de ne pas porter attention à ces trois mots. Mais il faut y regarder de plus près et voir ce que cela signifie pour les gens.
Ceux qui subissent un test de dépistage du VIH ne pourront sans doute jamais acheter une assurance-vie ou une assurance-maladie. Ils pourraient ne jamais obtenir la résidence permanente au Canada. À cause de cette loi, les victimes d'agression au foyer risquent de subir un teste de dépistage du VIH et les services de santé publique pourraient être placés dans l'obligation d'informer le conjoint violent du fait qu'il est devenu porteur du VIH. Le projet de loi C-217 comporte quantité de cas, et d'importantes conséquences pour les porteurs du VIH si la confidentialité n'est pas maintenue. On ne saurait trop insister là-dessus, ce qui n'enlève rien à la gravité de ce qu'a connu Mme Anderson et d'autres.
M. Peter MacKay: Qu'en est-il du préjudice subi par les personnes contaminées?
Le président: Le président donne la parole à John McKay.
M. John McKay: Je voudrais revenir sur la dernière question de M. Maloney. Entre le projet de loi C-244 de M. Strahl et la mouture actuelle du projet de loi C-217, et la loi 105 adoptée par l'Assemblée législative de l'Ontario... et je retiens ici vos arguments d'ordre constitutionnel.
Au fait, est-ce que l'un d'entre vous a comparu devant le Comité permanent de l'Assemblée législative de l'Ontario? Lui avez-vous donné un avis constitutionnel? Vous êtes-vous fait une idée du cadre législatif en cause ici, lorsque quelqu'un fait une demande à un médecin qui examine une série de critères pour déterminer s'il y a lieu de faire un prélèvement? Pour moi, ce régime ne comporte pas les garanties constitutionnelles qui vous tiennent à coeur.
J'aimerais donc savoir si vous avez comparu et quel avis vous avez formulé à propos de la constitutionnalité du texte, sans égards à son efficacité ou s'il s'agit d'une bonne ou d'une mauvaise idée. Cela, c'est à nous de le décider. J'aimerais connaître votre réponse.
À (1055)
M. Richard Elliott: Le Réseau juridique canadien VIH-sida a effectivement demandé à être entendu devant le comité de l'Ontario. Malheureusement, le gouvernement ontarien a décidé de ne pas entendre de témoins, à l'exception du médecin hygiéniste en chef, dans le très petit laps de temps qui a précédé l'adoption de la loi. Comme je l'ai dit, le médecin hygiéniste en chef a déclaré que c'était une mauvaise politique de santé publique et un travestissement du rôle des médecins hygiénistes. C'est tout ce que le gouvernement a reçu comme avis à l'occasion des audiences du comité. Nous avons effectivement évoqué ces préoccupations d'ordre constitutionnel auprès du gouvernement à l'époque, mais nous n'avons pas eu l'occasion de les lui communiquer directement.
Le président: Nous allons passer à M. Cadman, pour trois minutes.
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir sur cette question du ciblage parce que cela semble être un argument contre le projet de loi. J'ai du mal à comprendre comment certains éléments de la société ou certains individus vont être ciblés par ce texte. J'aimerais que vous me donniez des exemples de la façon dont quelqu'un pourrait se sentir ciblé ou visé expressément par ce projet de loi.
Mme Elizabeth White: La façon dont le texte est rédigé, la demande d'un mandat pour obtenir un échantillon de liquide organique peut être présentée quelle que soit la situation, n'est-ce pas? Nous disons que cela va aboutir à du ciblage parce qu'il y a de nombreux cas où les travailleurs désignés auront des contacts sans toutefois demander un prélèvement sanguin. En son for intérieur, chacun fait un tri dans les situations de ce genre. On estime en effet qu'un itinérant risque davantage d'être porteur d'une maladie infectieuse. C'est là que se fera le ciblage.
M. Chuck Cadman: Est-ce forcément quelque chose de mauvais? Ne s'agit-il pas ici de caractérisation plutôt que de ciblage?
Mme Elizabeth White: Parlez de «caractérisation» si vous préférez, cela ne changera rien à la réalité. C'est à ces gens-là que sera appliquée la loi et cela se soldera souvent pour eux par la criminalisation.
M. Chuck Cadman: Vous dites donc que dans les cas d'une victime d'un accident de la route, quel qu'il soit, le secouriste qui se retrouve éclaboussé par du sang ou des liquides organiques se dira: «C'est une Porsche et non une Volkswagen, je ne vais donc pas me donner la peine de demander qu'on fasse sur lui un prélèvement». C'est ce que vous êtes en train de dire?
Mme Elizabeth White: Je ne sais pas si la Porsche suffirait à l'écarter, mais je dis que nous faisons beaucoup de ciblage et de caractérisation dans notre système pénal.
Le président: Monsieur Kinnear.
M. Dale Kinnear: Je m'inscris en faux contre ce qui a été dit à propos de la caractérisation. Je ne pense pas que ce soit le terme à employer ici.
Ceux qui vont subir le test sont ceux qui auront été exposés. On ne parle pas de gens qu'on a frôlé dans la rue. On parle d'un policier ou d'un secouriste qui prête assistance à une prostituée agressée, par exemple, et qui, en apportant des soins ou en essayant d'arrêter un utilisateur de drogues injectables en plein bad trip est piqué par une seringue ou reçoit un coup de couteau.
Voilà les circonstances auxquelles on songe. On est loin de la caractérisation ou du ciblage. Il ne faut pas brouiller les choses en disant que c'est de la caractérisation. Cela se fera par suite de ce contact qu'a eu le policier ou le secouriste qui a essayé d'apporter de l'aide ou de faire respecter la loi. C'est ce qui va donner lieu à ces situations. Je ne vois pas comment, comme l'a dit un autre membre du comité—ni même pourquoi—on voudrait s'en prendre expressément à quelqu'un dans un cas comme celui-là.
Mme White a parlé tout à l'heure de ce que ces policiers se diront lorsqu'ils se trouveront en face de ces gens-là. Moi, je vous dis que cela se fait de toutes façons, parce qu'on nous dit que nous devons prendre des précautions universelles lorsque nous traitons avec des gens qui appartiennent à un groupe où la fréquence du VIH est élevée. Les gens qui m'accompagnent vous l'ont dit, on nous rappelle constamment les précautions à prendre.
On procède ainsi aujourd'hui lorsque l'on traite avec les utilisateurs de drogues injectables des quartiers malfamés de Vancouver. Je suis certain que beaucoup d'entre eux sont mécontents de nous voir arriver en train d'enfiler nos gants de caoutchouc, mais on procède déjà ainsi à cause de la réalité avec laquelle nous composons dans la rue, où le risque d'exposition existe.
Á (1100)
Le président Je tiens à remercier les membres du comité ainsi que les témoins du Réseau juridique canadien VIH-sida, l'Association canadienne des policiers et policières ainsi que de l'Association canadienne de justice pénale de l'aide qu'ils nous ont apportée dans de nos délibérations.
Je vais suspendre la séance pendant quelques instants pour permettre aux témoins de laisser la place au groupe suivant.
Á (1109)
Le président: Je déclare réouverte la 62ème séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes censés entendre le deuxième groupe de 11 heures à 12 h 30. Nous avons cinq minutes de retard, j'imagine, et nous verrons ce qu'il en est à 12 h 30.
Comparaissent en leur nom personnel Andrew et Val Hoglund.
Représentant l'Association canadienne des travailleurs paramédicaux, nous recevons M. Paul Morneau et de la British Columbia Persons With AIDS Society, M. Glen Hillson, président.
Vous étiez ici pour les exposés qui ont précédé, je crois. Essayez de faire vos exposés en moins de 10 minutes. Je vous indiquerai lorsqu'il vous restera une minute. Je ne suis pas vraiment inflexible mais je veux que chacun puisse poser des questions et que nous ayons de bons échanges, comme cela a été le cas pour le groupe précédent.
Je donne maintenant la parole aux témoins qui comparaissent à titre personnel, Val et Andrew Hoglund.
Á (1110)
M. Andrew Hoglund (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président. Bonjour.
Comme vous le voyez, Val et moi sommes mariés. Nous appartenons tous les deux à la police d'Edmonton. Nous sommes venus ici aujourd'hui pour apporter notre appui au projet de loi. Nous sommes aussi venus vous faire part de ce qui nous est arrivé comme couple. C'est Val qui va vous faire le récit.
Mme Val Hoglund (témoignage à titre personnel): En octobre 2000, en réponse à un appel, je suis allée prêter main-forte au service de sécurité de notre métro léger, à la station Coliseum. Deux hommes étaient en état d'arrestation; ils étaient menottés, ivres, décidés à ne pas coopérer et les agents se battaient avec eux. Lorsque j'ai pris le relais, j'ai effectué une fouille superficielle d'un des deux hommes à la recherche d'armes ou de pièce d'identité. Quand j'ai fouillé la poche droite avant de son jeans, je portais des gants en latex; quand j'ai soigneusement ouvert le dessus de la poche, j'ai trouvé une seringue préutilisée, tordue et décapuchonnée qui m'a transpercé le pouce. Quand il s'est mis à saigner, j'ai été prise de panique parce que je savais ce qui allait m'arriver dans les instants qui allaient suivre.
J'ai dû appeler d'autres agents pour me remplacer et mon coéquipier m'a amené à l'hôpital. Jamais je n'ai reçu de service aussi rapide d'un personnel médical. Un médecin était en face de moi, sur le rebord de sa chaise, à me regarder droit dans les yeux et à me dire ce qui allait se passer. Elle m'a dit que j'allais devoir faire face à des dilemmes très épineux à propos de ma santé pour le reste de mes jours. Elle m'a dit qu'il se pourrait que je doive suivre un traitement prophylactique pour empêcher mon organisme d'être contaminé par les pathogènes à diffusion hématogène que pouvait avoir l'individu que j'avais arrêté. J'avais peur—en fait j'étais terrifiée—et j'ai téléphoné à mon mari à la maison pour le prévenir. Il m'a dit qu'il fallait absolument que cet individu accepte qu'on lui fasse un prélèvement de sang pour que je sache s'il était porteur du VIH, surtout, et de toute maladie infectieuse.
J'ai donc communiqué avec le policier qui le maintenait en état d'arrestation et je lui ai expliqué qu'il fallait obtenir son consentement pour prélèvement et qu'il devait lui aussi venir à l'hôpital. L'hôpital où nous étions pouvait effectuer un test rapide de dépistage du VIH en 30 minutes pour nous dire s'il était séropositif ou non. J'espérais désespérément qu'il était entre bonnes mains en compagnie de cet autre agent et qu'il me donnerait son consentement. Entre-temps, le reste de ma vie a défilé sous mes yeux. Comme je venais de me marier, je tenais énormément à avoir des enfants mais on m'a dit que les effets secondaires pourraient rendre la grossesse plus difficile. Il se trouve que l'individu en question a refusé qu'on lui fasse un prélèvement tant que l'on n'amènerait pas à un restaurant McDonald's! Il allait accepter le prélèvement si on lui donnait un Big Mac. C'était hallucinant.
Il se trouve que je n'ai pas eu à suivre le traitement et n'ai donc pas connu les effets secondaires dont on m'avait parlé. On m'a informée sur-le-champ qu'il n'était pas porteur du VIH, mais le lendemain on m'a dit qu'il était porteur du virus de l'hépatite C. J'en appris davantage sur son compte. J'ai su qu'il était consommateur de drogues injectables et le reste à l'avenant. J'étais choquée que cela m'arrive, après 12 ans de service et une formation sérieuse. Pendant cette fouille, je pensais avoir tout fait comme il faut. Pourtant, j'ai été exposée. Je ne m'attendais pas à ce qu'il m'arrive ce qui m'est arrivé.
J'ai peine à m'imaginer ce qu'aurait été le reste de ma vie si j'avais dû prendre les médicaments dont on sous-estime à ce point les effets. Je me suis sentie démunie. Toute ma vie, j'ai été forte, mais j'avais le sentiment à ce moment-là que l'arme à mon côté, le gaz poivré et les menottes n'allaient m'être d'aucune utilité. Je n'arrive pas à croire que les policiers n'ont aucune protection dans une situation comme celle-là.
Á (1115)
Donc, en fait, mon gilet pare-balles ne me protégeait pas autant que je le pensais.
M. Andrew Hoglund: Je vais vous donner maintenant mon point de vue. Même si nous sommes tous les deux agents de police, c'est sans doute un peu différent. En général, c'est l'homme qui est l'agent de police et sa femme qui attend le coup de téléphone au milieu de la nuit. Dans notre cas, ce fut l'inverse. Les rôles étaient inversés et je dormais à la maison. Val m'a appelé et m'a raconté ce qui s'était passé.
Comme elle vous l'a dit, nous étions mariés depuis peu de temps et nous essayions depuis trois mois de faire un enfant. Je ne sais pas très bien en quoi consistait l'AZT et quels effets il pouvait entraîner. Val me les a expliqués. Je me suis alors demandé si Val risquait d'avoir contracté le VIH et si nous pouvions continuer à essayer d'avoir un enfant ou si même nous pourrions jamais en avoir un. Tout cela a duré environ trois heures, mais cela m'a paru sept jours. Je connaissais personnellement l'agent qui avait effectué l'arrestation et je l'ai appelé, j'ai parlé à Val. L'essentiel était de savoir quelle maladie infectieuse ce gars-là avait. Je lui ai dit que nous ferions tout ce que nous pourrions, que nous laisserions tomber les accusations, que nous ferions tout le nécessaire. Finalement, tout s'est réglé autour d'un Big Mac chez MacDonald's et les tests ont révélé qu'il n'était pas porteur du VIH, comme l'a dit Val.
Ce qui comptait le plus pour nous, c'est que Val n'a pas été obligée de suivre un traitement à l'AZT. Depuis, je suis un partisan convaincu de cette procédure, et je suis une personne de référence au service de police d'Edmonton pour les informations sur cette question. Bien que cette affaire remonte à un an et demi, je suis toujours profondément engagé. Ç'aurait été dramatique pour Val de prendre de l'AZT et de faire subir des choses pareilles à son organisme simplement par mesure de prudence, comme n'importe qui l'aurait fait j'en suis certain. C'est bien évident qu'on veut jouer la carte de la prudence et qu'on va prendre cet AZT. Mais pourquoi devoir faire subir une chose pareille à son organisme quand on ne connaît pas tous les effets secondaires?
J'ai entendu soulever plusieurs fois la question des droits de la personne et j'ai une position très catégorique là-dessus. Cet individu a accepté de sacrifier son droit individuel pour un simple Big Mac. Même si je reconnais qu'il s'agit de son droit personnel, je considère que Val a aussi des droits humains et je sais tout ce que cela entraîne pour notre famille. Essayez d'en parler à vos parents. Moi, j'ai essayé d'expliquer à nos parents et à notre famille ce qui se passait. Ensuite, il y a les gens qui vous regardent au poste de police quand vous arrivez au travail, et tout le stress que cela a entraîné pour notre mariage.
Si nous n'avions pas pu faire cette prise de sang, nous aurions dû choisir le traitement à l'AZT. Nous en avons parlé pendant des heures, et je n'ose pas imaginer où nous en serions maintenant. Finalement, nous avons maintenant un bébé d'un mois, et tout s'est bien passé pour nous. Mais c'est quelque chose que je ne souhaite à personne d'autre, dans le cas où il ne serait pas possible de faire la même chose. C'est pourquoi nous sommes si fortement en faveur de cette procédure.
Le président: Merci beaucoup de nous avoir parlé de votre expérience personnelle aujourd'hui.
Je donne maintenant la parole à M. Morneau.
M. Paul Morneau (président, Association canadienne des travailleurs paramédicaux): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
Je m'appelle Paul Morneau. Je suis président de l'Association canadienne des travailleurs paramédicaux, une association professionnelle représentant environ 12 000 travailleurs paramédicaux au Canada. J'exerce dans ce domaine en milieu urbain aussi bien que rural depuis 12 ans. Avant de devenir professionnel, j'ai fait du bénévolat pendant sept ans comme intervenant médical d'urgence auprès de plusieurs groupes.
Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui de cette loi sur les prélèvements d'échantillons de sang. Je voudrais essayer de vous faire comprendre les situations problématiques auxquelles sont confrontés chaque jour les intervenants paramédicaux de première ligne. Lorsqu'ils interviennent auprès de personnes malades ou blessées pour leur sauver la vie, ces intervenants mettent souvent leur propre santé et leur propre sécurité en jeu. De par la nature même de notre travail, nous devons intervenir régulièrement dans des situations violentes ou sanglantes.
Quand nous essayons de sauver la vie de quelqu'un, nous sommes souvent aspergés de sang ou d'autres liquides organiques. Quand nous rampons pour pénétrer dans un véhicule retourné pour essayer de sauver la vie des personnes emprisonnées à l'intérieur, nous nous coupons sur des morceaux de vitre ou de métal déchiré. Quand l'intervenant paramédical est agressé par un patient violent ou quand il se rend compte que les blessures qu'il a sur les bras ont été en contact direct avec le sang du patient, il devient soudain la victime et non plus le sauveteur.
Nous sommes alors plongés dans l'angoisse d'avoir peut-être contracté une maladie mortelle ou débilitante. Si le patient refuse de donner un échantillon de son sang pour qu'on puisse faire des contrôles de VIH, d'hépatite C et d'hépatite B, l'intervenant paramédical se voit obligé de prendre un cocktail de médicaments souvent débilitants dans l'espoir d'éradiquer une éventuelle infection virale. D'après ce que je crois savoir, l'efficacité de ce traitement est loin d'être garantie.
Quand vous avez terminé votre poste de 12 heures, vous vous rendez compte que votre travail ne vous a pas quitté. Vous vous demandez si vous allez ramener une maladie à votre épouse et à votre enfant, si vous pouvez faire l'amour avec votre femme, si vous allez mourir.
Je sais qu'il y a des gens qui se demandent pourquoi nous faisons ce que nous faisons, pourquoi nous prenons de tels risques. C'est parce que nous sommes heureux de pouvoir faire la différence dans la vie de quelqu'un. C'est notre travail de sauver la vie de vos amis et de vos parents.
La semaine dernière, avec mes collègues, nous sommes intervenus sur une femme qui avait été victime d'un arrêt cardiaque et nous avons réussi à faire repartir son coeur. Son fils m'a regardé avec un air de profonde gratitude et m'a dit: «Merci infiniment». Il m'a remercié d'avoir sauvé la vie de sa mère. C'est pour cela que nous faisons ce travail, c'est pour cela que nous prenons ces risques.
Nous faisons ce travail pour aider les autres personnes, nous prenons ces risques pour aider la société. Nous avons le devoir de répondre aux appels au secours. Il n'est pas question de faire le tri dans ces appels. C'est pourquoi la société devrait en échange nous permettre d'avoir rapidement accès à des informations grâce auxquelles nous pourrons prendre les bonnes décisions sur notre santé et notre sécurité ainsi que celles de nos amis et de nos parents. C'est ce que prévoit ce projet de loi.
Ces dernières années, j'ai transmis des milliers de pétitions et de témoignages de travailleurs paramédicaux à l'honorable Anne McLellan. Voici quelques exemples de situations auxquelles ont été confrontés quelques-uns de ces travailleurs.
Le 9 août 2001, Wendy L. McKnight, travailleuse paramédicale du Nouveau-Brunswick, déclarait:
Je suis en faveur du projet de loi C-217. Il est essentiel que nous ayons le droit de savoir. Les travailleurs paramédicaux se dévouent sans cesse, de manière totalement altruiste, sur le plan mental et affectif, à des étrangers. Il est inacceptable que nous risquions de contracter l'hépatite B ou C ou un virus d'immunodéficience humaine à notre insu et y exposer ensuite nos proches. Quand on diagnostique la présence d'une telle maladie chez un patient, on prévient le personnel hospitalier, et c'est inscrit sur leurs fiches. Pourquoi n'aurions-nous pas droit à cet élément d'information essentiel? Nous avons le droit de savoir. Notre vie et la vie des personnes que nous aimons en dépendent. |
Le 10 janvier 2002, un travailleur paramédical de l'Alberta écrivait:
J'écris cette note pour appuyer la démarche de l'Association canadienne des travailleurs paramédicaux et le mouvement de soutien au projet de loi C-217. Je suis encore bouleversé en rédigeant ce témoignage. Pendant mon service récemment, j'ai répondu avec mon partenaire à un appel d'un hôpital rural confronté à un individu suspecté d'avoir absorbé une surdose de drogue. Alors qu'on l'emmenait vers la civière de l'ambulance, le patient est devenu agressif, verbalement et physiquement, et a constitué une véritable menace pour pas moins de cinq professionnels de la santé. J'ai eu personnellement la chance d'éviter ses coups de poing et de ne pas être sérieusement blessé, mais le patient a réussi à s'arracher son intraveineuse en m'accrochant le visage. J'ai subi à cette occasion plusieurs petites lacérations faciales. |
Je suis certain qu'il y a eu échange de liquides organiques. J'ai été bouleversé d'apprendre qu'on ne pouvait faire des tests de présence de l'hépatite C ou B ou du VIH qu'avec le consentement du patient. Bonne chance. Il n'était pas rationnel et il était sous l'influence d'encore plus de médicaments. C'est alors que j'ai pris conscience de la froide réalité. Est-ce que je pouvais embrasser mes enfants de cinq et neuf ans au moment où ils allaient partir pour l'école? Pouvais-je reprendre sans danger mes relations avec mon épouse sans précautions, alors que cela n'a jamais été nécessaire en 14 ans de mariage? Vais-je devoir prendre des médicaments prophylactiques pendant les quatre prochaines semaines? N'importe qui doit pouvoir comprendre que ce sont des angoisses qui bouleversent l'existence des soignants de première ligne. |
Á (1120)
Le 3 octobre 2001, Craig McCleary, travailleur paramédical de l'Ontario, écrivait:
Je suis en faveur de la Loi sur le prélèvement d'échantillons de sang. Ma femme et moi-même sommes travailleurs médicaux en Ontario. L'année dernière, mon épouse a été piquée par une aiguille lors d'une intervention auprès d'un patient qui était un drogué notoire. Il s'est écoulé quatre jours avant que l'hôpital obtienne la permission de faire des tests sanguins sur cette personne. Pendant ce temps, elle a dû subir un traitement prophylactique. Je ne sais pas si vous connaissez ce traitement et sinon, je vous invite à vous familiariser avec les retombées graves et parfois très dangereuses de ce traitement sur la personne concernée. Le stress lié à l'incertitude a été effroyable pour nous. Imaginez la personne que vous aimez, la mère de vos enfants de deux et quatre ans, menacée par une condamnation à mort sur un coup de dés. Imaginez ce que vous éprouveriez. Je vous supplie de prendre les mesures nécessaires pour que ce projet de loi soit adopté. Nous qui sommes les protecteurs de votre sécurité et de votre santé, nous le méritons. Merci. |
Et voici un dernier exemple en date du 31 décembre 2001. C'est Barnet Wexler, un travailleur paramédical du Québec, qui écrit:
Un jour où j'étais de service, j'ai été attaqué par une femme sans-abri que j'aidais. Après l'avoir emmenée à l'hôpital, j'ai demandé au médecin s'il pouvait faire des tests pour s'assurer qu'elle n'avait pas l'hépatite ou le VIH. On m'a dit qu'il fallait qu'elle donne son consentement pour cela et que l'information serait alors confidentielle, et que là encore les médecins ne pourraient me donner le résultat qu'avec son autorisation. À ce moment-là, elle n'était pas lucide (elle était droguée) et elle ne pouvait pas donner cette autorisation. J'ai été obligé de prendre tout un cocktail de médicaments pour me protéger du risque d'infection par le VIH ou le sida. Ces médicaments ont des effets secondaires extrêmement violents et peuvent endommager certains organes internes. Si cette femme avait été obligée par la loi de consentir au test, j'aurais su qu'elle n'était pas porteuse de ces maladies et j'aurais évité de mettre ma propre santé en danger. J'ai été déprimé pendant plusieurs mois parce que je ne savais pas si je ne risquais pas ma vie en aidant quelqu'un d'autre. J'ai rompu avec mon amie, alors que nous envisagions de nous marier. J'ai perdu beaucoup de choses ce jour-là. Est-ce que je devrais y réfléchir à deux fois avant de me placer de nouveau dans une situation aussi risquée? Merci de votre attention. |
Le projet de loi C-217, Loi sur le prélèvement d'échantillons de sang, établit clairement que les travailleurs paramédicaux travaillent pour le bien de la société et vise à nous protéger en échange. Les travailleurs paramédicaux de tout le Canada félicitent M. Strahl de s'efforcer d'arrache-pied à faire avancer ce projet de loi au Parlement.
En tant que professionnels de la santé, nous sommes déjà tenus par un devoir de confidentialité. Le projet de loi C-217 apporte une protection supplémentaire au patient puisque les résultats du prélèvement de sang doivent servir uniquement à protéger les sauveteurs. En outre, un juge doit au préalable déterminer la validité de la demande de prélèvement de sang et l'approuver. Toutes ces garanties permettront de conserver la confidentialité et de justifier la prise de sang. Nous sommes d'accord avec toute autre mesure qui pourrait contribuer à renforcer encore la confidentialité des renseignements.
Il est aussi important de comprendre que ce projet de loi permettra d'éviter la propagation d'une maladie. Si le test est positif, nous prendrons de toute évidence toutes les précautions nécessaires.
Enfin, les travailleurs paramédicaux canadiens vous demandent d'appuyer ce projet de loi. Je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions.
Á (1125)
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Hillson, vous avez dix minutes.
M. Glen Hillson (président, British Columbia Persons with AIDS Society): Je remercie le comité de m'avoir offert la possibilité de lui parler aujourd'hui. Je suis Glen Hillson. Je suis séropositif depuis 21 ans et j'ai un sida avéré depuis neuf ans. Je souffre aussi d'hépatite C chronique avancée.
La British Colombia Persons with AIDS Society est une société de bienfaisance enregistrée, dirigée par et pour des personnes vivant avec le VIH et le sida. D'après son énoncé de mission, la Société existe pour aider les personnes vivant avec le syndrome d'immunodéficience acquise et le virus d'immunodéficience humaine à prendre le contrôle grâce à un appui mutuel et à une action collective
La BCPWA est le plus gros organisme d'aide aux sidéens du Canada, comptant plus de 3 600 membres séropositifs avec plein droit de vote. Unique parmi les grandes organisations de VIH/sida au Canada, la BCPWA possède un conseil d'administration entièrement composé de membres séropositifs, et ses programmes sont réalisés par des comités placés sous la direction de personnes séropositives.
La BCPWA exhorte le Comité permanent de la justice et des droits de la personne à recommander à la Chambre des communes de ne pas procéder à la troisième lecture de la Loi sur le prélèvement d'échantillons de sang. La loi ne protégera pas les travailleurs de l'exposition professionnelle au virus de l'hépatite B, de l'hépatite C, ni de l'immunodéficience humaine. Au contraire, elle entretiendra chez eux un sentiment de fausse sécurité, risquant ainsi de faire augmenter les risques d'infection.
À la BCPWA, nous vivons avec la maladie et travaillons aux premières lignes pour dispenser à la communauté des mesures de prévention, des soins et du soutien. À la lumière de notre expérience, nous savons que la loi ne constitue pas un progrès dans la lutte contre le VIH/sida. Pour être efficace, les stratégies visant à contrer la transmission du VHB, du VHC et du VIH en milieu de travail doivent se fonder sur des protocoles de prévention universels aux lieux d'emploi, ainsi que sur l'éducation permanente et d'autres appuis aux travailleurs. Traîner des gens devant les tribunaux pour les forcer à donner un échantillon de sang nous éloigne des vrais problèmes. Outre les nombreuses réserves que nous inspire la loi, nous voulons faire savoir que la mesure est fondamentalement défectueuse parce qu'elle se fonde sur l'émotion et l'idéologie plutôt que sur la science. C'est un défaut rédhibitoire.
Premièrement, le bien-fondé de la loi est douteux. La grande majorité des personnes à qui on réclame un échantillon de sang répondent par l'affirmative: elles n'ont pas besoin d'être forcées. De multiples études révèlent que, lorsque les travailleurs sont exposés à du sang ou à des liquides organiques, les patients acceptent de fournir des échantillons sanguins. Au St. Paul's Hospital de Vancouver, siège du Centre d'excellence en VIH/sida de la Colombie-Britannique, sur une période de dix ans, on a consigné quelques 1 700 expositions professionnelles accidentelles et seulement deux patients ont refusé les tests. L'imposition de dispositions sévères qui forcent les gens à donner un échantillon de sang pourrait nuire aux pratiques établies d'obtention d'un consentement volontaire et victimiser les individus en les traitant comme des criminels.
Deuxièmement, la transmission par exposition professionnelle est très faible. Au Canada, il n'y a qu'un cas confirmé de transmission du VIH à un travailleur et deux cas possibles. L'une des raisons de cet état de fait, c'est qu'aucun des trois virus visés par le projet de loi C-217 ne se transmet facilement. On obtiendrait un meilleur rendement pour les dollars investis dans la prévention en généralisant l'application des protocoles médicaux universels, assortie d'un engagement renforcé à l'égard de l'éducation des travailleurs et des membres de la communauté.
Troisièmement, la procédure pour obtenir un échantillon de sang, telle que la définit la loi, n'encouragera pas un travailleur à entreprendre un traitement contre le VIH. Pour être le plus efficace, la prophylaxie contre le VIH doit être administrée dans les deux heures du contact. La période propice au traitement sera depuis longtemps passée si l'on additionne le temps écoulé après le contact initial, le temps nécessaire à une audience devant les tribunaux et le temps voulu pour un prélèvement forcé.
Quatrièmement, même si le test, imposé ou volontaire, s'effectue dans un bref délai, les résultats négatifs restent incertains. Étant donné la nature du VIH, du VHB et du VHC, il existe au début de l'infection une fenêtre sérologique dans laquelle le virus ou ses anticorps peuvent être indétectables. Le travailleur ne doit pas se fier à un test négatif. Si l'individu avec lequel il a un contact fait partie d'un groupe à risque élevé concernant l'un ou l'autre de ces virus, il est préférable d'entreprendre un traitement préventif. Par ailleurs, si le test est positif, le travailleur devrait également commencer un traitement. Tout compte fait, le test n'a aucune utilité pour ce qui est d'aider le travailleur à décider d'entreprendre un traitement. Forcer une personne à donner un échantillon sanguin peut, si le test est négatif, conférer au travailleur une certaine tranquillité d'esprit, mais cela équivaut à un faux sentiment de sécurité.
Á (1130)
La seule façon de s'assurer qu'il n'y a pas d'infection, c'est de procéder à des tests périodiques pendant un an.
La loi cible ceux qui vivent avec le VIH. Il est inutile d'imposer des prises de sang pour détecter une infection au VHB et au VHC. Tous les travailleurs qui risquent d'être exposés devraient être immunisés contre le VHB. Grâce à la vaccination, la probabilité d'une infection au VHB après exposition est extrêmement faible. Chez ceux qui ne sont pas immunisés, il faut administrer en deçà de 24 heures le traitement prophylactique pour qu'il soit le plus efficace. Ici encore, nous doutons de l'opportunité d'un mandat donnant lieu à des résultats incertains.
Pour ce qui est du VHC, comme il n'y a pas de protocole de traitement préventif, un prélèvement sanguin imposé n'aiderait en rien la prise de décision. Le travailleur doit prendre les mesures appropriées pour éviter de transmettre le virus jusqu'à ce que le test sanguin confirme l'absence d'infection.
Nous craignons que la loi n'encourage la diffamation des personnes vivant avec le VIH. Si l'on peut immuniser les travailleurs contre le VHB et qu'il n'y a aucun traitement contre le VHC, qui sera forcé à subir des tests sanguins? Les membres de groupes à risque élevé pour le VIH: les utilisateurs de drogues injectables, les travailleurs du sexe et les hommes gays.
Les protocoles universels et l'éducation permanente sont les meilleurs moyens de combattre l'exposition en milieu de travail. Il est rétrograde d'essayer de protéger les travailleurs au moyen d'une loi qui promet de déterminer s'ils courent des risques d'infection après exposition. Ce qu'il faut faire, c'est assurer la sécurité des travailleurs et empêcher l'exposition. On doit prendre dans le milieu de travail tous les moyens nécessaires pour que des protocoles de prévention universels, appropriés et efficaces soient en place et que les travailleurs reçoivent continuellement de l'information sur la façon de se protéger.
L'autonomie des individus sera violée. Nous nous inquiétons de la violation du droit de l'individu à l'autonomie personnelle et à la protection de sa vie privée et, à cet égard, nous appuyons les arguments présentés au comité par le Réseau juridique canadien HIV/sida.
À ce sujet, comme en ont discuté les témoins précédents, parce que nous avons travaillé sur les premières lignes du VIH/sida et que nous sommes infectés, nous pouvons dire qu'il y a toutes sortes de stigmatisations. L'été dernier, par exemple, pendant la grève des transports en commun, un homme a révélé à la télévision qu'il avait le VIH et qu'il avait du mal à se rendre à ses rendez-vous médicaux. Le lendemain, il a été expulsé de sa maison de chambre, à Surrey.
Dans la base de données PharmaNet, on peut trouver tous les médicaments prescrits en Colombie-Britannique. Les médicaments antirétroviraux pour le traitement du VIH ne figurent pas dans cette base de données et la sécurité de la base de données a fait l'objet de nombre de discussions. Des tentatives d'accès à la base de données ont fait l'objet d'une couverture médiatique nationale en 1998 et l'an dernier, aussi.
La protection des renseignements personnels est une préoccupation primordiale, surtout pour les personnes qui vivent dans de petites collectivités ou des régions rurales. Dès qu'une personne est au courant, il est probable que tout le milieu social saura que quelqu'un a le VIH.
La stigmatisation varie selon les communautés culturelles et ethniques. Je pense en particulier aux communautés autochtones et asiatiques.
Les facteurs qui rendent les gens vulnérables à l'infection au VIH, comme l'homophobie et la pauvreté, sont aussi à la source de ces stigmatisations. Les gens craignent d'être immédiatement considérés comme homosexuels ou des consommateurs de drogues injectables si l'on apprend qu'ils sont infectés.
En conclusion, la mesure proposée va à l'encontre des objectifs qu'elle vise et elle ajoute à l'opprobre dont souffrent déjà énormément certains des membres les plus vulnérables de notre société.
les expositions accidentelles au VHB, au VHC et VIH représentent une très petite partie des nouvelles infections. Les personnes sources qui peuvent être d'involontaires vecteurs d'une transmission accidentelle hésitent rarement à fournir des échantillons sanguins. La criminalisation de l'infection aura sans doute pour effet de réduire la solide coopération qui existe actuellement en favorisant un climat de méfiance et de crainte. Par contre, les mesures proactives de soutien des travailleurs et d'autres membres de la société produiraient une population en meilleure santé et de meilleurs effets sur la santé.
Merci.
Á (1135)
Le président: Merci beaucoup.
Nous donnons maintenant la parole à M. Fitzpatrick, pour sept minutes.
M. Brian Fitzpatrick: Je ne crois pas que la charte confère déjà le droit d'accès à l'information, mais il semble ressortir de notre discussion. Quiconque a déjà vu un membre de sa famille aller chez le médecin, atteint d'une maladie grave, sait de quoi nous parlons. Si on diagnostique une maladie mortelle, on a tout de même le droit d'être mis au courant. Personne ne semble s'attacher à cette idée.
J'entends des arguments selon lesquels on ne doit pas s'en faire avec l'hépatite C, puisqu'il n'y a pas de traitement efficace contre cette maladie. Cet argument me semble douteux. Si j'ai l'hépatite C, je veux qu'on me le dise; je ne veux pas qu'on me dise que de toute façon, on ne peut rien faire. Cet argument semble dépourvu de compassion.
Il y a une autre chose qui me dérange beaucoup, c'est la question de la négociation qui se fait. Beaucoup d'entre nous se souviennent des affaires Bernardo et Homolka, et de toutes les négociations qui ont lieu dans le système judiciaire. Ajoutons-nous un autre élément de négociation? On a parlé de Big Macs, mais je crains que des avocats de la défense commencent à négocier des réductions de chefs d'accusation, en contrepartie d'échantillons de sang. Ce serait une très mauvaise décision du point de vue des politiques publiques et une pente dangereuse.
Les droits, les droits, on parle constamment de droits, mais il n'y a rien en ce monde qu'on peut appeler un droit absolu, noir sur blanc. Nous n'avons pas de droits comme ceux-là. Les droits sont toujours le résultat d'un équilibre. Si j'abuse de mon droit d'un côté, j'enfreins les droits de quelqu'un d'autre. C'est ainsi que va la vie, et nous devons en tenir compte.
Et il y a aussi l'autre argument à soupeser, celui de l'intérêt public. Cette question des droits nous détourne souvent de nos objectifs, nous empêche de réfléchir à ce que doivent être nos politiques publiques. C'est mon avis personnel.
Mais j'ai des questions à poser. La prévention en milieu de travail, comme solution, est un argument qu'on nous a servi ici et qui me dérange beaucoup. J'ai bien du mal à voir quels genres de mesures préventives nous pouvons conseiller aux travailleurs paramédicaux et aux policiers, pour éliminer ce risque. Je ne pense pas que les policiers et les travailleurs paramédicaux aient vraiment le choix, dans la plupart des situations où ils se retrouvent. Ce n'est pas comme pour les travailleurs d'usine, ou d'autres, qui peuvent prendre des mesures préventives.
J'aimerais demander aux témoins quelles autres mesures préventives peuvent être prises, pour ne pas être exposé à ces risques. Vous êtes aux premières lignes. Je sais que M. Hillson, de la Colombie-Britannique, en a parlé. Vous êtes aux premières lignes, vous êtes confrontés à cette situation. Quelles suggestions pouvez-vous faire, pour les autres mesures préventives qui peuvent être prises dans ces cas-là?
Á (1140)
M. Paul Morneau: C'est une bonne question et bien entendu... ah, je suis désolé.
Le président: Nous donnons d'abord la parole à M. Hillson, puis à M. Hoglund, puis à M. Morneau. Vous devez prendre un numéro.
Monsieur Hillson, allez-y.
M. Glen Hillson: Merci, monsieur le président.
J'ai consigné trois questions que j'ai tirées de vos remarques, et je m'efforcerai de répondre aux trois.
Pour ce qui est du droit de savoir, le fait d'apprendre qu'on a peut-être été exposé à un virus très grave, mortel, est certainement un événement traumatisant. Je pense que personne d'entre nous ne manquera de sympathie pour quiconque connaîtra de telles circonstances. À mon avis cependant, la question est de savoir si les dispositions du projet de loi C-217 feront quoi que ce soit de sérieux pour atténuer ce genre de circonstances. J'estime que non, parce que les renseignements que nous pouvons obtenir au moyen d'analyses dans des circonstances douteuses pendant la période où l'infection est indétectable ne vont pas rassurer les gens, ni leur permettre de savoir s'ils doivent limiter le risque pour les autres ou entreprendre un traitement pour eux-mêmes.
Maintenant au sujet de l'hépatite C, un témoin du groupe précédent nous a dit qu'après avoir découvert que la personne source de l'hépatite C était positive, elle a dû prendre certaines précautions pour empêcher la transmission du virus à sa famille. J'estime toutefois qu'en de telles circonstances, c'est-à-dire où l'on a jugé qu'il fallait faire une analyse sanguine pour vérifier la présence de l'hépatite C chez la personne source, elle aurait dû prendre une telle décision auparavant. Il faut prendre de telles précautions pour empêcher la transmission du virus à sa famille.
Enfin en ce qui a trait à la prophylaxie en milieu de travail, il existe des protocoles de prévention universels destinés aux gens qui travaillent dans les services de santé et d'autres services d'urgence. Ils figurent dans la documentation du réseau juridique, et je vous demanderai donc de vous y reporter. Seules deux provinces canadiennes ont adopté ces protocoles; nous estimons que tous les gouvernements de notre pays devraient le faire.
Le président: Merci, monsieur Hillson.
Monsieur Hoglund, la parole est à vous.
M. Andrew Hoglund: Je pense aussi pouvoir répondre à certaines de vos questions. Vous avez affirmé que peu importe qu'il y ait des médicaments disponibles ou non. Le fait de savoir dès le lendemain que Val avait contracté l'hépatite C nous a au moins fait comprendre qu'il fallait avoir des relations sexuelles avec mesures prophylactiques pendant six mois. Cela empêche la maladie de progresser. C'est simple à comprendre, cela tombe sous le sens. La connaissance est tout à fait essentielle. La peur du crime et les taux de criminalité réels sont deux réalités tout à fait distinctes. C'est la même situation ici.
Maintenant, au sujet de votre question sur la façon dont les choses sont en train de changer pour la police et les services médicaux, ces deux dernières années à Edmonton, dans les services policiers, l'évolution a été tout à fait radicale. Nous portons maintenant des lunettes de protection. Nous portons des gants de latex et non plus seulement des gants pour nous protéger la peau. On nous recommande même d'en superposer deux paires. Nous portons aussi des masques. Je peux aussi vous dire que je prends davantage mon temps. Lorsque nous avons affaire à quelqu'un qui saigne ou qui crache, je recule, tandis qu'auparavant, j'aurais fait un pas en avant. Je retourne à ma voiture de police pour me préparer.
De plus, nous comptons maintenant une infirmière à plein temps au sein de nos services policiers, qui est chargée de nous aider dans ce genre de situation. Si nous avons été exposés, nous communiquons avec elle, quelle que soit l'heure, même en pleine nuit, et elle nous aide avec la marche à suivre, à fournir les réponses et tout le reste. On a donc créé un nouveau poste pour notre seul service de police.
Nous avons aussi modifié nos méthodes lorsque nous sommes en auto-patrouille. Jusqu'à il y a deux ans, nous passions le plus clair de notre temps dans la voiture, nous étions donc disponibles. Ainsi par exemple, nous y rédigions nos rapports et nous y faisions aussi tout le reste. Maintenant, nous ne mangeons plus dans les voitures de police. Nous avons aussi adopté une procédure de nettoyage que nous devons suivre avant de commencer notre quart, afin d'avoir un volant et un habitacle propres, et de prévenir les possibilités de contagion pour quiconque s'assoira aussi dans notre auto-patrouille. Les choses ont donc radicalement changé, et je ne sais même pas où nous en serons dans un an.
Á (1145)
Le président: M. Morneau.
M. Paul Morneau: Les précautions universelles couvrent justement tout; on les prend par rapport à tout le monde, sans cibler qui que ce soit. Si je vous fais monter en voiture ou si je ramasse un sans-abri, je prends des précautions universelles dans les deux cas. Je mettrai mes gants de latex, porterai mes lunettes et aurai aussi un masque à portée de la main.
Les précautions universelles sont une très bonne chose, et nous encourageons le personnel paramédical à y recourir et aussi quiconque peut être dans une situation de risque. Les précautions universelles donnent d'excellents résultats dans des milieux contrôlés, comme les hôpitaux. Toutefois, lorsque les circonstances ne sont pas maîtrisables, comme celles que nous connaissons, les accidents de voiture où il y a des tessons de verre, des débris de métal, des flammes, ce genre de prophylaxie ne donne pas toujours d'aussi bons résultats ou n'est pas pertinente.
Je ne sais combien de fois je me suis rendu sur les lieux d'un accident, pour me rendre compte que malgré les précautions universelles que j'avais prises, inévitablement à un moment ou l'autre pendant le sauvetage, je me suis rendu compte que j'avais du sang sur moi et que mes gants étaient déchirés. Ça se produit tout le temps. Nous travaillons dans des milieux non contrôlés. C'est d'ailleurs là la principale caractéristique de notre travail.
Pour ce qui est de savoir si on peut invoquer des droits, je pense à cet égard qu'il faut équilibrer les responsabilités. Dans mon milieu, j'ai été élevé avec la conviction que nous devions être vaccinés contre l'hépatite B. Nous le sommes, et d'ailleurs la loi rend cela obligatoire. Cela me paraît être une limite raisonnable. Aux yeux de la société, je dois me soumettre à cette obligation à votre profit, pour aider à vous protéger et à protéger tous les autres y compris moi-même. Dans ce cas, n'est-il pas raisonnable d'équilibrer les choses en demandant à celui ou celle pour lequel ou laquelle je risque ma vie d'accepter de donner un échantillon de sang?
Maintenant au sujet des conditions dans lesquelles travaille le personnel paramédical, vous savez sans doute que la plupart de nos malades aboutissent à l'hôpital, où il est courant de prélever des échantillons de sang. Presque tous ceux que nous amenons à l'urgence font l'objet d'examens hématologiques. Si l'on veut que les analyses sanguines aient lieu, on procède très simplement: on remplit un formulaire de demande et on coche les cases appropriées. C'est aussi simple que cela. Dans bien des cas, les échantillons ont déjà été prélevés. C'est d'ailleurs un facteur important qu'on doit prendre en compte.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Morneau.
Monsieur Bellehumeur, vous avez sept minutes.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Merci beaucoup.
Mes premiers commentaires s'adresseront à Val et Andrew Hoglund. Je vous félicite d'être venus nous expliquer ce que vous avez vécu. Ce ne sont pas des choses nécessairement faciles à faire. Vous l'avez fait correctement et le plus objectivement possible, si on peut le faire dans des situations semblables.
Je comprends ce que vous avez vécu et ce que d'autres personnes ont vécu également, mais mon rôle à moi est d'essayer de faire en sorte qu'on adopte une loi nécessaire, une loi qui soit efficace, une loi qui respecte les compétences des paliers de gouvernement, provincial ou fédéral, et qui soit constitutionnelle également. Il y a différents paramètres. Bien qu'à première vue, je sois contre ce projet de loi, je vous comprends et j'ai beaucoup de compassion pour vous étant donné ce que vous avez vécu. Cependant, j'ai d'autres critères et d'autres règles à examiner, qui me font pencher du côté négatif. Donc, je ne peux pas appuyer un projet de loi semblable pour toutes sortes de raisons, entre autres les statistiques.
Je m'adresse maintenant à M. Paul Morneau. Les policiers nous ont dit plus tôt qu'on n'avait pas vraiment de statistiques. M. Hillson nous a donné des statistiques d'un hôpital en Colombie-Britannique: il y a eu 17 cas d'infection professionnelle et deux ou quatre refus. Cela existe quelque part. Vous êtes président de l'Association canadienne des travailleurs paramédicaux. J'imagine que si certains de vos membres ont été infectés de la façon dont on parle depuis ce matin, c'est répertorié quelque part. Avez-vous des statistiques? Combien y a-t-il de vos membres qui ont été affectés par une personne source dans le cadre de leur travail? Dans combien de ces cas la personne source a-t-elle refusé de donner un échantillon? Et dans les cas où les personnes sources ont refusé, combien de vos membres ont contracté le VHB, le VHC ou le VIH?
Á (1150)
[Traduction]
Le président: Monsieur Hoglund, la parole est à vous.
M. Andrew Hoglund: J'ai effectivement obtenu des statistiques de notre infirmière qui travaille au sein de la Police d'Edmonton. En l'an 2000, on a recensé 30 expositions significatives. J'ai ces données, et j'ignore si je peux les fournir à tout le monde car elles sont en anglais seulement, mais j'en ai suffisamment de copies pour tout le monde.
Onze agents ont eu la peau exposée au sang, 12 ont reçu des crachats; quatre ont été piqués avec des aiguilles; un agent a été mordu; un autre s'est coupé la main sur les dents de la personne interpellée; un autre a été piqué accidentellement par un couteau ensanglanté. Dans cinq de ces 30 cas d'exposition, les agents prenaient des médicaments contre le VIH en 2000.
Je n'ai pas ici les statistiques sur les consentements pour l'an 2000. J'ignore d'ailleurs si elles sont disponibles, car souvent, ce genre de chose se passe dans une pièce close entre l'agent de police et... Dans le cas de Val, il s'agissait d'un agent de police et du suspect; on s'était entendu là-dessus. Il serait donc très difficile de savoir combien de personnes consentent d'emblée à cela.
En 2001, on a dénombré huit expositions significatives. Ces chiffres me ramènent à ce que j'avance: à l'interne, si les chiffres sont à la baisse, nous sommes quand même beaucoup plus efficaces dans la façon dont nous effectuons notre travail. Aucun de nos agents ne prenait de médicaments contre le VIH en 2001. En 2002, un de nos agents s'est déjà blessé à la main. Il a été mordu par un suspect, et il prend actuellement des médicaments contre le VIH. Le suspect en question a consenti. Cela s'est passé il y a à peine une semaine. Je n'y ai pas été mêlé; je suis tout simplement au courant. Il a consenti et il était séropositif. L'agent de police a donc commencé à prendre des médicaments contre le VIH.
Je pourrais vous raconter plusieurs histoires personnelles car les voir fait partie de mon travail. Je suis sur les lieux et je suis donc un témoin de première main de ce genre d'incident. Je pourrais amener tout le monde à Edmonton, et nous pourrions alors passer deux jours à faire cela.
Le président: Je ne pense pas qu'on le permettrait.
M. Andrew Hoglund: J'ai été mêlé personnellement à deux cas. Je suis connu pour ma participation à ce genre de choses à présent à Edmonton. Quoi qu'il en soit, le premier cas est un vol à main armée qui s'est passé dans une station-service. Je travaillais, je me suis donc rendu sur les lieux par après. Le suspect s'était rendu à la station-service pour commettre un vol au moyen d'une seringue remplie de sang. Elle a dit : «Donnez-moi l'argent». Le caissier ne l'a pas fait et le suspect a donc fait gicler le sang dans son visage.
La personne, une femme, a été arrêtée plus tard. On lui a demandé de fournir un échantillon de sang mais elle a refusé. J'ai joins la caissière, aussi une femme, à la station-service et lui ai dit que par précaution, elle devrait probablement envisager de suivre un traitement à l'AZT, car la suspecte était peut-être une utilisatrice de drogues injectables. Elle a refusé, alléguant connaître les effets secondaires de ce médicament qu'elle ne voulait pas prendre à cause de cela.
Je suis retourné voir la personne arrêtée et lui ai parlé longuement. Je lui ai acheté, à mes propres frais, une cartouche de cigarettes, parce que c'est ce qu'elle voulait. Je lui ai offert de quoi manger mais elle ne voulait pas. Elle a plutôt accepté une cartouche de cigarettes.
Nous sommes allés à l'hôpital, et elle a alors imposé ses conditions. Elle m'a dit qu'aucune infirmière n'allait prélever l'échantillon de son sang. Elle allait faire cela elle-même, ce qui est contraire à de nombreuses règles hospitalières. Cependant, j'en ai parlé à l'infirmière, et on lui a donné l'aiguille dont elle avait besoin pour prélever un échantillon de son propre sang.
Après les analyses, on s'est rendu compte qu'elle était séropositive, et la caissière a alors accepté de suivre le traitement à l'AZT. Cela nous a énormément rapprochés... Cette femme communique encore avec moi, et elle me remercie car elle estime devoir sa vie à cet échantillon de sang.
Le président: Je ne veux pas oublier M. Morneau, car je crois qu'il voulait répondre lui aussi.
M. Paul Morneau: Nous connaissons les mêmes problèmes que l'Association canadienne des policiers et la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail lorsqu'il s'agit d'obtenir des renseignements de toutes les provinces, et nous faisons également face à des questions liées au respect de la confidentialité. Je n'ai donc pas en main des chiffres exacts sur le nombre d'effectifs paramédicaux qui ont été exposés.
Je puis vous dire cependant que j'ai reçu des centaines de témoignages, et vous dire aussi que j'ai connu des amis et des collègues qui sont passés par ce genre de situation. J'aimerais bien avoir facilement accès à ce genre de données, mais ce n'est malheureusement pas le cas. C'est tout ce que j'ai à dire.
Le président: Je vous remercie, monsieur Morneau.
Monsieur Strahl, la parole est à vous.
M. Chuck Strahl: Je tiens à remercier nos témoins d'être venus nous rencontrer ce matin. J'aimerais de plus remercier M. Hillson d'être venu nous présenter son opinion sur la question.
Entre autres choses ce projet de loi m'a rendu plus sensible à la souffrance que vivent ceux qui sont atteints du VIH et du sida, les traitements qu'ils doivent endurer, la difficulté qu'ils ont à avoir accès aux traitements et les impacts à long terme de ce traitement sur leur santé. Il est clair qu'il est nécessaire d'avoir ces traitements, mais cela m'a sensibilisé de façon marquée à ce que vivent ceux qui souffrent du VIH ou du sida. Toute la recherche qui a été effectuée sur le domaine sert vraiment à sensibiliser le public.
La question qui se pose n'est pas à savoir si les gens devraient commencer le traitement prophylactique ou s'il serait possible d'obtenir la décision du juge à temps pour décider de commencer le traitement. L'exemple d'Isobel Anderson est éloquent à cet égard. Elle a entamé le traitement immédiatement parce que le traitement est plus efficace si on commence le plus tôt possible après l'exposition. Ce qui importe cependant c'est la durée du traitement. On peut commencer le traitement le soir même. Si dans les 24 heures on reçoit les résultats de l'analyse d'un échantillon sanguin, il pourrait indiquer, et d'après les témoins qu'on a entendus sur la dernière version du projet de loi ce serait sans aucun doute le cas, si on doit poursuivre le traitement. À mon avis, c'est là une distinction importante. Donc ce n'est pas vraiment le taux d'infection qui compte ici mais ce qu'il faut savoir pour se faire soigner.
Monsieur Hillson, pourriez-vous nous dire combien de temps une personne doit se faire soigner si elle veut obtenir tout le traitement prophylactique? Quel est le pronostic à long terme?
Á (1155)
Le président: Monsieur Hillson, allez-y.
M. Glen Hillson: Lorsqu'il y a des dangers d'exposition on procède habituellement à une évaluation du risque. Selon les résultats de cette évaluation, la période de traitement prophylactique pour l'infection au VIH peut durer jusqu'à quatre semaines. Si l'on détermine que le risque est négligeable, ce traitement pourrait durer une semaine seulement. Dans certains cas aucune prophylaxie post-exposition n'est offerte lorsque l'on juge qu'il ne s'agissait pas d'une exposition percutanée. Cependant, ça ne règle pas le problème. Je reconnais qu'il s'agit là d'un secteur où il serait bon d'aider ceux qui décident d'arrêter le traitement, mais même à ça les choses sont un peu vagues, parce que pendant la période où la séroconversion se produit chez la personne, celle-ci crée des anticorps pour lutter contre l'infection après avoir été exposée au virus. Lorsqu'on procède à ces tests ce sont les anticorps qui sont analysés. Dans le cas du VIH, cette période peut durer jusqu'à six mois. De faux résultats négatifs sont possibles lors des tests de dépistage jusqu'à six mois après l'exposition. Ainsi si tous les autres paramètres indiquent qu'il y a un élément de risque important associé à l'exposition, il vaudrait mieux par mesure de sécurité continuer le traitement prophylactique pendant quatre semaines.
M. Chuck Strahl: Je sais que tout ça est vrai au point de vue statistique, mais dans pratiquement tous les cas les gens cessent le traitement dès qu'ils ont un résultat négatif, parce que les dangers d'infection sont tout à fait négligeables. Nous avons déjà discuté de la question. Le fait d'être piqué par une aiguille ne représente pas une sentence de mort. On peut s'inquiéter—il aurait pu y avoir transmission du virus—, mais le taux d'infection est négligeable. Si vous ajoutez cela à des résultats négatifs d'analyse des échantillons sanguins, la plupart des gens—pas tout le monde—diront, c'est à moi qu'il appartient de me prononcer sur l'utilité d'avoir un traitement. Il faut peser les dangers présentés par l'exposition et les dangers associés à l'utilisation de l'AZT. À ce moment-là les gens décident de ne pas suivre le traitement prophylactique.
J'aimerais maintenant passer aux commentaires qu'a faits M. Morneau. On nous a dit que des gens pourraient être ciblés simplement parce qu'ils sont sans abri, qu'ils présentent des risques élevés et ainsi de suite. Changez-vous alors vos protocoles universels de protection ou de prévention? Lorsqu'il y a un accident de la route, dites-vous simplement, je ne pense pas que cette personne soit porteuse d'un virus, ou dites-vous le contraire? Est-ce que les protocoles universels sont vraiment universels?
M. Paul Morneau: Certainement. On parle de précautions universelles parce que nous prenons toujours ces précautions. Vous les prenez avec tous, pour limiter le risque, que vous vous rendiez dans une belle maison, que vous alliez aider quelqu'un qui est étendu sur le trottoir, ou la victime d'un accident de la route. Vous portez toujours vos gants et vous prenez d'autres précautions, selon les circonstances. C'est pourquoi on parle d'un protocole universel, on s'en sert toujours.
 (1200)
M. Chuck Strahl: Si vous étiez sur les lieux d'un accident d'automobile--et vous avez parlé des dangers présentés par des pièces de métal dentelées disant que peu importe combien de paires de gants vous portez--il existe des dangers--, supposons que l'automobile est en feu ou qu'il y a d'autres dangers et que vous cherchez à tirer quelqu'un de l'automobile pour sauver sa vie. Vous vous coupez et il y a du sang partout. Vous ne savez pas d'où provient le sang. Croyez-vous que le travailleur paramédical dira, comme on l'a dit plus tôt, ce type est à bord d'une Porsche, il n'a probablement pas de maladies. Quant à ce type-ci, dont la voiture à 10 ans, je crois qu'il faudrait obtenir un échantillon. Est-ce que vous seriez préoccupé tout autant de la situation dans les deux cas?
M. Paul Morneau: Oui. Comme je l'ai dit, peu importe qui est la victime, s'il existe un danger d'exposition élevé, je veux qu'il y ait échantillon. Je ne me fierais pas à ce que disent les autres. Je ne vais pas assumer ce risque pour moi ou pour ma famille, peu importe qui est la victime de l'accident. C'est regrettable que certains jugent être ciblés, parce que ce n'est pas le cas. Comme vous l'avez dit, peu importe qui est la victime, si la blessure que j'ai reçue présente des risques élevés, que la victime soit à bord d'une Porsche ou couchée le long de la rue, je vais m'assurer que les mesures appropriées sont prises, que les échantillons sont prélevés, et que je prends les précautions appropriées. Certainement.
M. Chuck Strahl: Enfin, les policiers et tout particulièrement d'ailleurs les travailleurs paramédicaux m'ont dit qu'ils sont souvent en contact avec des gens qui ont des attaques ou des crises dues aux drogues ou des choses de ce genre--et c'est certainement une situation très tendue. Vous tentez de procéder à une perfusion intraveineuse peut-être pour sauver la vie du patient, vous l'avez peut-être déjà réanimé, et lors de ces contacts assez violents à l'arrière de l'ambulance, on ne sait plus où vont les aiguilles, dans le patient, dans votre corps, parce que vous essayez d'aider cette personne qui a des convulsions et vous essayez de procéder à une perfusion intraveineuse, par exemple.
Arrive-t-il que des travailleurs paramédicaux abandonnent simplement? Certains m'ont dit que ça se produit si souvent, qu'ils sont si souvent exposés à ce genre de problèmes, particulièrement dans certaines régions du pays, peut-être le quartier est de Vancouver est-il un exemple, qu'ils disent simplement, écoutez je me suis fait piquer par une aiguille hier soir et j'abandonne, parce que si je panique à chaque fois, je ne survivrai pas.
Le président: Merci, monsieur Strahl.
M. Morneau, suivi de M. Hillson.
M. Paul Morneau: Nous sommes là pour sauver des vies et nous continuerons à essayer de sauver votre vie en route vers l'hôpital ou sur les lieux de l'accident; nous ferons tout ce que nous pouvons pour vous aider. C'est vrai, votre exemple est juste, le patient qui a une attaque et qui tremble sans pouvoir s'arrêter, et vous essayez d'administrer une perfusion intraveineuse pour que vous puissiez lui donner un peu de Valium pour essayer de l'aider. Il s'agit d'un patient en état de traumatisme que vous amenez le plus rapidement possible à l'hôpital, vous êtes à l'arrière de l'ambulance qui se déplace. Encore une fois, il y a une distinction entre l'application de précautions universelles dans un environnement contrôlé et dans un environnement sur lequel vous n'exercez aucun contrôle.
La chaussée est cahoteuse; installer une perfusion intraveineuse est une chose très délicate, vous cherchez à atteindre une toute petite veine pour y insérer un cathéter et lorsque vous vous déplacez à 100 kilomètres/heure sur une route plutôt accidentée, c'est tout un défi; vous tenez l'aiguille à proximité de vos propres mains quand vous essayez de l'insérer dans le bras du patient.
Oui, c'est vrai, c'est une préoccupation qui ne disparaît jamais, et évidemment les travailleurs paramédicaux sont là pour sauver des vies et nous continuerons à essayer peu importe l'environnement où nous travaillons. C'est pourquoi nous faisons ce travail. Nous assumerons ces risques. Nous voudrions simplement que des mesures législatives comme le projet de loi C-217 nous garantissent que nous recevrons une aide lorsque nécessaire.
Le président: M. Hillson, puis ce sera au tour de M. Grose.
M. Glen Hillson: On a parlé des effets toxiques du traitement même lorsque le traitement dure pendant une période relativement courte, soit quatre semaines. D'après moi, tout d'abord, très peu de gens au pays en connaissent plus sur les effets toxiques du traitement pendant une longue période que moi-même. Je crois cependant qu'il importe de se rappeler qu'il n'est pas juste de dire que les traitements sont aussi mauvais ou même pires que la maladie. En fait, il n'y a pas de preuve que la prophylaxie post-exposition a des effets défavorables à long terme. Les effets secondaires dont nous parlons prennent habituellement fin une fois que la prophylaxie prend fin. Il existe sur le marché plusieurs catégories de médicaments visant à lutter contre le VIH. Dans l'ensemble, ceux qui ont le plus d'impact sur le patient, comme les inhibiteurs de protéase, ne sont pas utilisés lors de la prophylaxie post-exposition.
J'aimerais faire un bref commentaire sur la stigmatisation et le fait que ceux qui appuient ce projet de loi ne cherchent pas à stigmatiser les gens. Un tiers des personnes séropositives de la province de la Colombie-Britannique vivent dans la pauvreté. Elles reçoivent des prestations du bien-être social. En fait, le tiers d'entre elles reçoivent des prestations de bien-être social et nombre d'autres vivent dans la pauvreté. Un grand nombre de ces personnes ont d'autres dépendances et d'autres maladies.
J'ai entendu parler aujourd'hui de gens prêts à donner un échantillon de sang en échange d'un hamburger ou d'une cartouche de cigarettes. À mon avis, de tels commentaires n'ont rien à voir avec la décision que doit prendre le comité et ne font que renforcer la notion de stigmatisation.
 (1205)
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Tout d'abord j'aimerais remercier et féliciter M. et Mme Hoglund. Vous faites ce que bien d'autres ne font pas. Je sais que nous avons tous entendu des gens nous dire «nous n'avons jamais voix au chapitre quand le gouvernement prend des décisions, vous faites simplement ce que vous voulez et vous n'écoutez personne d'autre». Bien, vous nous avez clairement forcés à écouter, et nous l'avons fait. Vous êtes passés de la parole aux gestes. Cela a tout changé pour moi, parce que j'ai beaucoup entendu les gens parler de choses théoriques. Ce n'est pas votre cas.
Monsieur Morneau, je me suis souvent demandé pourquoi ceux qui font votre métier le font. Vous nous avez donné de très bonnes explications. Merci.
Monsieur Hillson, je crois que dans une société civilisée, on cède certains droits—habituellement des droits moins importants—pour le bien-être d'autrui. Je crois que c'est ce dont nous parlons ici. Si j'étais victime d'un accident et que M. Morneau venait, fort heureusement, m'aider, et que j'étais toujours en vie, et qu'il y avait du sang partout, je m'attendrais à ce que l'on prélève un échantillon. Je ne m'y opposerais absolument pas. Peut-être que je n'ai pas bien entendu votre message, mais je ne vois pas pourquoi vous vous opposez à cette proposition.
Le président: Monsieur Hillson, vous avez la parole.
M. Glen Hillson: En fait, dans mon exposé, j'ai signalé, comme l'a fait M. Elliott, qu'il arrive très rarement que les gens qui sont identifiés comme source possible d'infection, comme on les décrit dans la mesure législative, refusent de fournir un échantillon. Si vous y voyez là une valeur canadienne ou une valeur culturelle, on ne peux guère vous contredire, à mon avis.
Ce que je maintiens dans mon exposé, c'est que le projet de loi C-217 ne fournira pas à ceux qui sont peut-être à risque les renseignements qui leur permettront de prendre une décision éclairée quant au traitement ou quant aux précautions pour empêcher toute transmission.
M. Ivan Grose: Vous avez dit «peut-être» et c'est de cela que je veux parler. Je ne pense pas que M. ou Mme Hoglund ou M. Morneau devrait être obligé de prendre un risque parce que c'est seulement une possibilité. J'ai peut-être l'air acceptable, même si je n'ai pas de Porsche, parce que je ne suis pas non plus à la rue. Je ne vois cependant pas pourquoi vous vous opposez au prélèvement d'un échantillon s'il y a une si petite proportion de personnes qui voudraient ou pourraient refuser de fournir cet échantillon sanguin. Je peux comprendre que vous pensiez que nous allons cibler certaines personnes ou certains groupes, mais je ne pense pas que ce soit possible.
Le président: Monsieur Hillson, à vous.
M. Glen Hillson: Ce qui m'inquiète, c'est que le projet de loi ne crée une culture et une atmosphère de méfiance en criminalisant l'infection par le VIH. Cela risque d'aggraver la situation puisqu'il est très rarement difficile d'obtenir le consentement de quelqu'un pour prélever un échantillon sanguin et les gens auraient peut-être davantage tendance à protéger leurs libertés civiles.
Je signale aussi que quelqu'un qui conduit une Porsche est beaucoup mieux placé pour retenir les services d'un avocat et prolonger le processus assez longtemps pour qu'un mandat ne serve plus à rien. Cela stigmatise aussi les pauvres.
Le président: M. Hoglund veut aussi répondre.
M. Andrew Hoglund: Vous avez dit certaines choses. Sur le plan personnel, il faut voir quels sont les chiffres et tout le reste. Mais je voudrais bien rencontrer la personne qui, si on lui dit qu'elle a peut-être contracté le VIH, ne fera rien, parce que ce serait très difficile.
Le fait d'être placé dans une telle situation change votre attitude complètement. Vous parlez de confidentialité, du fait qu'on cible des groupes et le fait que les personnes séropositives se sentiront encore plus marginalisées. D'après moi, il n'y a pas de problème relié à confidentialité. Il y a toujours des occasions où la confidentialité est en jeu, par exemple dans les rapports avec le personnel médical et avec les policiers, mais je ne crois pas que cela donne lieu à des abus, par exemple parce que le suspect avait une prostituée dans son véhicule ou parce qu'un résultat s'avère positif à la suite d'un prélèvement. Pour nous, l'important consiste à prendre la meilleure décision possible pour la société pour aider le plus de gens possible.
Quant à ce que le projet de loi permettra de faire, je peux dire qu'il permettra aux gens de prendre des décisions en toute connaissance de cause. Val et moi avons décidé de ne pas suivre de traitement à l'AZT, alors que nous aurions pu le faire. Une fois que nous avons eu les résultats des analyses sanguines, nous avons décidé de ne pas le faire. Pourquoi? Parce que nous voulions avoir des enfants. Tant qu'on n'aura pas fait tous les tests possibles sur l'AZT, j'ignore quels effets secondaires ce médicament peut avoir. Nous avons simplement pris une décision en toute connaissance de cause. À l'heure actuelle, il faut obtenir le consentement de quelqu'un. Surtout dans notre profession, les gens ne veulent pas donner leur consentement; ils ne veulent pas accepter; ils ne veulent pas nous aider. Nous devons donc trouver d'autres solutions.
 (1210)
Le président: Merci, monsieur Hoglund.
Monsieur Cadman, vous avez trois minutes.
M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président. Je veux plutôt faire une observation que poser une question à propos de la possibilité de cibler et de stigmatiser certaines personnes.
Je pense que M. Hillson a soulevé des choses qui devraient entrer en ligne de compte. Je voudrais signaler qu'il existe un service important d'échange de seringues dans ma circonscription et que, d'après ce qu'on m'a dit, la très grande majorité de ceux qui ont recours à ce service ne sont pas des personnes que l'on penserait être des toxicomanes. La grande majorité des usagers de ce service d'échange pourraient être nos voisins, ce sont des gens qui ont des emplois à temps plein, mais qui ont aussi de graves problèmes de toxicomanie.
Je pense donc qu'un travailleur paramédical ou un policier aurait tort de supposer que quelqu'un ne pose pas de problème parce qu'il n'a pas l'air d'un toxicomane de rue stéréotypé.
C'est simplement une observation. Peut-être que quelqu'un voudra ajouter quelque chose à cela.
Le président: Comme personne ne semble vouloir intervenir, je vais donner la parole à M. McKay.
M. John McKay: Merci, monsieur le président.
Il me semble que nous avons affaire à deux univers distincts et c'est un peu difficile de faire le rapprochement entre les deux.
Monsieur Hillson, je voudrais examiner vos arguments un par un, si vous me le permettez. Selon votre premier argument, il est préférable d'avoir recours à des campagnes d'éducation et à des protocoles, mais même si les gens sont de mieux en mieux renseignés et malgré les changements apportés aux protocoles utilisés par la police, il y aura toujours des incidents de ce genre. Peu importe si les gens sont mieux renseignés et peu importe le nombre de protocoles des policiers, il y aura toujours des incidents.
Deuxièmement, vous dites que les chiffres sont vraiment très faibles. Par ailleurs, diverses personnes ont donné des chiffres, mais je ne sais pas vraiment ce qu'ils signifient. C'est un peu mystérieux. Sauf tout le respect que je dois à M. Hoglund, il nous a donné toutes sortes de chiffres, mais je ne sais pas vraiment ce qu'ils signifient en termes relatifs en partie à cause du facteur de confidentialité.
Le troisième argument portait sur le fait que les résultats de l'échantillon sanguin peuvent être trompeurs. Je trouve cet argument un peu curieux parce qu'il me semble qu'on doit préférer connaître les résultats du test. Par ailleurs, si vous ne pouvez pas prélever d'échantillon sanguin, vous serez dans l'ignorance complète au lieu d'être peut-être dans l'ignorance partielle, même trompeuse.
Je ne vois pas comment on peut se fonder sur un tel argument pour se prononcer sur ce projet de loi. J'ai d'autres réserves au sujet de cette mesure et j'en ai parlé à l'autre témoin, mais les arguments que vous invoquez me semblent quelque peu légers pour déterminer si l'on doit appuyer ou non le projet de loi.
Le président: Cette observation est adressée à M. Hillson?
M. John McKay: Oui.
M. Glen Hillson: Votre première question portait sur les protocoles. Comme je l'ai dit, les groupes médicaux et universitaires ont entériné ces protocoles universels, mais ces protocoles n'ont pas été appliqués de façon uniforme ou même générale d'un bout à l'autre du pays.
La principale tâche consiste à empêcher la transmission du VIH et il me semble que l'on n'aurait pas appuyé ou instauré ces protocoles si l'on ne jugeait pas qu'ils sont utiles. Si vous laissez entendre que vous n'êtes pas d'accord avec la notion voulant que les travailleurs respectent ces protocoles ou utilisent d'autres méthodes de prévention, je ne comprends pas où...
M. John McKay: J'espère que je n'ai pas... [Note de la rédaction : Inaudible]
M. Glen Hillson: Je n'arrive pas à comprendre où vous voulez en venir. On considère que ces protocoles sont utiles. On pourrait apporter certains changements de nature technique à ces protocoles, et cela s'applique davantage aux travailleurs de soins de santé qu'aux travailleurs d'urgence, par exemple des aiguilles qui ne restent pas plantées, des gants qui résistent à la perforation, et ainsi de suite. Apparemment, on est en train de mettre au point pour les prochains Jeux olympiques des habits de patinage de vitesse qui ne pourront pas êtres coupés par une lame de patin
Je pense donc qu'on pourrait faire toutes sortes de choses utiles sur le plan technique si l'on s'en occupait en toute priorité.
 (1215)
M. John McKay: Mais nous parlons ici d'un cas assez particulier, c'est-à-dire d'une personne qui refuse catégoriquement de fournir un échantillon sanguin. Tous les progrès techniques, tous les protocoles, toutes les campagnes de sensibilisation et toutes les découvertes ne permettront pas de savoir si une personne avec qui un travailleur a été en contact était infectée si cette personne refuse de le dire.
Le président: C'est la dernière question.
Monsieur Hillson, allez-y.
M. Glen Hillson: Je ne pense pas que la préoccupation dominante soit le besoin de savoir. Je pense que la préoccupation dominante, c'est le besoin de limiter la transmission de ce virus. Comme je l'ai dit bien des fois, l'information fournie par un test n'aidera pas à guider la personne qui pourrait avoir à prendre une décision dans cette situation.
J'allais répondre à votre question sur l'autonomie personnelle, mais j'ai oublié ce que je voulais dire, et je vais donc m'arrêter là.
Le président: Monsieur Bellehumeur, vous avez trois minutes.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Je n'ai pas de questions.
[Traduction]
Le président: Monsieur MacKay, vous avez trois minutes.
M. Peter MacKay: Je voudrais revenir sur la dernière observation de M. Hillson.
Le risque que cela arrive est peut-être très faible, et nous espérons de plus en plus que c'est le cas, grâce à la mise en place d'un protocole universel. Mais il y a un vieux dicton juridique que tout un chacun a entendu et qui veut que l'on prenne ses victimes où on peut les trouver.
J'ai énormément de sympathie pour la position que vous défendez, en particulier pour ce qui est de la stigmatisation et tout cela. Je sais que vous avez déjà vécu tout cela et je vous demande donc de ne pas vous offusquer de ce que je vais dire. Les véritables conséquences, dans le cas d'une personne qui, comme John McKay l'a signalé, refuse carrément de donner l'échantillon, pour quelque raison que ce soit, peut-être par désir de mal faire ou peut-être par psychose, c'est qu'une personne qui est porteuse de l'une de ces maladies se trouve à répandre le mauvais sort qui l'accable. Cette personne fait vivre à d'autres sa situation épouvantable, et il est très clair qu'elle en fait des victimes. Les conséquences de cela sont très lourdes, tout comme le stress affectif qui en découle, sans même parler des problèmes d'ordre physique.
Je pense que vous avez soulevé un point important au sujet de la technologie. La technologie progresse beaucoup dans ce domaine. Je pense que ce que j'ai entendu de plus remarquable ici aujourd'hui venait de Val Hoglund, qui nous a appris que l'on peut maintenant obtenir le résultat d'un test en une demi-heure.
Je vous renvoie au rapport de l'Association canadienne des policiers, où l'on trouve le document intitulé Morbidity and Mortality Weekly Report, daté du 29 juin 2001, qui est lui-même un rapport du Département de la santé et des services à la population des États-Unis. À la page 19 de ce rapport, on lit ceci: «Des tests pour déterminer la présence ou l'absence du VIH, du VHB et du VHC chez une personne qui est une source d'exposition doivent être effectués dans les plus brefs délais». On ajoute plus loin: «Cependant, des données limitées indiquent que la thérapie antivirale pourraient être bénéfique si elle est administrée dès le début d'une infection au VHC». Cela se trouve à l'onglet C du rapport de l'Association canadienne des policiers, aux pages 19 et 23.
Je conclus de tout cela que si nous pouvons faire tout ce que nous pouvons pour que les tests soient effectués et que l'on fasse appel à la technologie de pointe, alors, comme M. Grose l'a dit, il semble que ce soit le choix du simple bon sens pour assurer la protection des personnes. Et, très franchement, on parle ici de personnes qui sont les plus braves d'entre les braves. Ces gens-là se précipitent, quelles que soient les circonstances, mais c'est de moins en moins vrai, et je pense donc que si nous ne leur offrons pas une plus grande protection, ce sera à notre propre péril, parce que cela semblerait encourager un sentiment de malveillance. Nous découragerions les gens d'être de bons citoyens. Nous décourageons les agents de police et le personnel paramédical de prendre ce risque.
J'ai entendu Andrew Hoglund dire qu'il lui arrive parfois d'hésiter, qu'il recule devant une situation. À mesure que cette question deviendra de plus en plus connue, il y aura un effet psychologique, et il me semble donc qu'il faut tenir compte du bien commun dans notre décision de légiférer ou non pour imposer le test obligatoire.
 (1220)
Le président: Merci, monsieur MacKay. Votre question s'adresse-t-elle à M. Hillson?
M. Peter MacKay: Oui.
Le président: Monsieur Hillson, je vous en prie.
M. Glen Hillson: Je vous remercie de votre question, parce que vous m'avez justement rappelé ce que j'allais dire à l'autre M. McKay.
Quant aux personnes qui refusent carrément de se soumettre à un test, leur nombre va probablement augmenter si ce projet de loi est adopté, à cause de la criminalisation. Je pense que cela risque d'instaurer chez nous une culture dans laquelle les gens seront moins coopératifs en pareil cas.
Quant au traitement de l'infection à l'hépatite C et au passage que vous avez cité, j'écris beaucoup d'articles pour les journaux communautaires sur le traitement de ces maladies. À ma connaissance, il n'existe qu'une seule étude, publiée l'année dernière par un groupe allemand, qui montre que les gens traités pour l'hépatite C au tout début, durant les premiers mois d'infection, ont de très bonnes chances de guérison. À l'heure actuelle, aux termes des protocoles de traitement de l'hépatite C, on offre des traitements seulement aux gens qui souffrent d'une forme relativement avancée de la maladie, et cette situation s'explique en partie par le fait que les traitements sont très toxiques et que la maladie est loin d'être aussi pathogène que le VIH. Bien des gens infectés par le virus de l'hépatite C ne tombent jamais malades, mais je pense que les gens le savent généralement.
Aucune donnée n'a été recueillie, que ce soit dans un milieu contrôlé ou dans tout autre milieu, sur le traitement des gens au cours des premières heures ou des premiers jours suivant l'infection à l'hépatite C, et je soutiens donc que cette déclaration n'est que pure conjecture.
Le président: Monsieur Maloney, vous avez trois minutes.
M. John Maloney: M. Hillson a dit que le traitement n'avait aucun effet toxique à long terme. En réponse à la vive préoccupation de M. Hoglund au sujet de la capacité de concevoir, est-ce que l'un ou l'autre d'entre vous peut me donner des précisions là-dessus?
Le président: Monsieur Hillson.
M. Glen Hillson: Les autres témoins ont exprimé des craintes quant aux effets possibles de l'AZT chez une femme enceinte. C'est toujours une préoccupation dans le cas de tout nouveau médicament; cependant, aucune donnée, absolument rien n'indique que le fait de prendre de l'AZT pendant une semaine ou quatre semaines peut causer à l'avenir des problèmes pour un enfant à naître.
Le président: Monsieur Hoglund.
M. Andrew Hoglund: À l'époque, on nous a dit que les effets étaient inconnus. Comme effet secondaire possible, une femme pourrait avoir de la difficulté à tomber enceinte; quant à l'homme, il pourrait devenir impotent ou avoir du mal à donner du sperme actif. Je ne connais pas toute la terminologie médicale, mais ils ont essentiellement dit que l'un des effets secondaires possibles serait qu'une femme ne pourrait pas tomber enceinte.
M. John Maloney: On nous a dit que le créneau pour le traitement, entre l'incident et le traitement proprement dit, est d'environ deux heures. Il faut tenir compte de l'aspect pratique, c'est-à-dire du temps qu'il faut pour obtenir un mandat. Souvent, cela arrive au milieu de la nuit et il n'y a pas toujours un juge de paix disponible à proximité. Il faut ensuite le temps d'administrer le test et d'en obtenir les résultats, et puis le temps de commencer l'administration du médicament. Pouvez-vous me dire si, à votre avis, dans une situation réelle, il est possible de faire tout cela en deux heures, ou bien si c'est se faire des illusions, du point de vue pratique?
M. Andrew Hoglund: Il y a des années, il aurait fallu un certain temps pour obtenir un mandat, et encore, seulement à certaines heures. Nous avons maintenant les télé-mandats que nous obtenons par téléphone. S'il n'y a pas de juge de paix disponible, il suffit de prendre le téléphone et d'en appeler un. Je l'ai fait au moins huit fois et on peut obtenir un télé-mandat en 20 minutes. Nous avons un formulaire tout prêt et, à l'autre bout du fil, le juge de paix a le même formulaire et nous le passons en revue. On donne les réponses aux questions et il l'approuve ou le refuse. Cela se fait donc très vite.
 (1225)
Le président: Monsieur Hillson.
M. Glenn Hillson: J'ai juste deux points très rapides. Je crois qu'on les a déjà soulevés, mais je voudrais quand même les rappeler.
Pour quelqu'un qui a les moyens de recourir à un avocat, si le juge de paix n'a pas de ligne directrice pour l'aider à décider s'il y a eu des chances raisonnables d'exposition, etc., il serait très facile de retarder le processus en s'appuyant sur ce qui n'est pas explicite dans le projet de loi.
On a déjà discuté ici du fait qu'on ne fait pas allusion dans le projet de loi à la question de counseling avant ou après les tests, mais ce serait très troublant d'aller de l'avant avec ces tests sans avoir prévu ce genre de counseling.
Le président: Merci beaucoup.
Le suivant est M. Sorenson qui dispose de trois minutes.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Merci, et je remercie tous les témoins. De toute évidence, monsieur Hillson, je suis heureux de vous voir ici. Comme M. Strahl l'a déjà mentionné, vous avez exprimé certaines des préoccupations de ceux qui sont atteints du VIH ou de ceux que vous représentez.
En réalité, cependant, est-ce que ce que vous faites là ne va pas à l'encontre de la société que vous représentez? Si je décidais de rédiger un article, comme le font des députés à l'occasion, pour expliquer la situation, je m'imagine les protestations des gens qui diraient: «Écoutez, nous discutons des droits de ceux qui sont susceptibles de souffrir d'une infection à l'hépatite ou à une autre maladie.» On parle des droits, mais n'y a-t-il pas une responsabilité associée avec ces droits? S'il existe une possibilité que quelqu'un qui porte secours soit victime d'une infection à une maladie horrible, n'y aurait-il pas une responsabilité sur laquelle la population insisterait? Est-ce que cette responsabilité ne semblerait pas assez évidente?
Je crois que la réponse de mes lecteurs serait qu'il serait tout à fait inacceptable de permettre à un certain groupe ou à une certaine société de décliner toute responsabilité en ce qui concerne la communication de la maladie. De quel type de responsabilité s'agit-il? Est-ce que nous nous soucions davantage de ceux qui ne veulent pas donner leur consentement que de celui qui est incapable de donner le sien?
J'ai manqué une partie des exposés parce que j'assistais à une autre réunion, non pas de ce groupe-ci mais de l'autre. Existe-t-il des circonstances dans lesquelles M. Morneau ou les membres de l'Association des travailleurs paramédicaux amèneraient à l'hôpital quelqu'un à qui on prélèverait des échantillons de sang ou à qui on ferait des vérifications sanguines—mettons que la personne est sans connaissance ou incapable de donner un consentement écrit—et dans lesquelles on ne pourrait pas prendre cette mesure supplémentaire pour vérifier si la personne est porteuse du VIH? Est-ce que c'est la préoccupation ici, ce consentement supplémentaire? On n'a pas besoin d'un consentement pour prélever du sang ou pour faire des vérifications sanguines, mais il en faudrait pour un test VIH. Je me demande donc si ce que vous dites va à l'encontre de votre cause et de vos responsabilités.
L'autre préoccupation que j'ai à l'égard de votre témoignage, c'est la négociation des plaidoyers. Certaines questions ont déjà été posées ici là-dessus. Est-ce qu'on craint que les policiers disent : «Qu'est-ce que cela prendra? Un hamburger? Une cartouche de cigarettes? Qu'est-ce qu'il faut faire pour que je sache si mon partenaire ou ma femme ou quelqu'un d'autre a été infecté?» C'est tout simplement une question de pouvoir de négociation. Pour moi c'est évident. Le gros bon sens nous dit que cette responsabilité existe.
C'est donc ma réaction à ces aspects-là. J'ai une autre petite question.
Le président: Je crois que nous avons de beaucoup dépassé les trois minutes, et nous voulons écouter les réponses. Nous allons vous permettre une question rapide au prochain groupe de témoins.
Tout le monde veut intervenir. C'est évident. M. Hoglund d'abord.
M. Andrew Hoglund: En ce qui concerne la négociation des plaidoyers, je voulais moi aussi en parler brièvement. Vous avez soulevé la question et je vais y répondre. Je ne vais pas impliquer la police d'Edmonton, mais je voudrais en parler. Je suis déjà allé devant les tribunaux. Ça, c'est une autre question, mais enfin je blague. On ne sauve pas de vies en cour et on n'en fait pas non plus.
Je peux vous citer un autre exemple: on a injecté à une fille qui travaillait dans un magasin de vêtements une seringue pleine de sang. Je ne travaillais pas à ce moment-là, et je n'en savais rien. Elle a commencé à prendre de l'AZT, et elle était très malade. Quand je suis retourné au travail, j'ai lu un résumé de l'incident et j'ai constaté qu'il y avait eu une blessure causée par une seringue. Je ne connaissais pas la victime, mais c'était un incident très grave à mes yeux. Je suis allé la voir chez elle. Elle a commencé à prendre de l'AZT parce qu'elle avait peur. Ses médecins lui avaient dit qu'il y avait des effets secondaires possibles. Elle a décidé de prendre de l'AZT parce que son assaillant ne donnait pas son consentement.
J'ai trouvé l'individu. J'avais parlé auparavant avec le procureur de la Couronne. J'ai dit que je voulais que cette jeune femme puisse avoir l'esprit tranquille, et qu'il fallait prendre tous les moyens possibles. Nous avons fini par retirer les accusations avant le procès, afin de convaincre l'individu de fournir un échantillon de sang. En fin de compte, il n'avait pas le VIH, et la jeune femme a pu cesser de prendre de l'AZT.
Ce n'est pas correct, mais je suis prêt à faire cela pour assurer la sécurité de quelqu'un. Dans les tribunaux, en ce qui me concerne, on ne s'occupe pas tant de l'élément humain que de la personne qui consomme de la drogue. J'ai déjà vécu cela, et ceux qui ne l'ont pas vécu ne se rendent pas compte à quel point c'est important sur le plan psychologique comparativement à la sentence que recevra en cour l'individu concerné. À mes yeux, cet aspect-là n'est pas important. Je veux protéger le bien-être psychologique de la victime, et s'il faut pour cela retirer les accusations, je suis prêt à le faire. Ce n'est pas juste, mais jusqu'à ce que cette loi entre en vigueur, il nous faut prendre ces mesures.
 (1230)
Le président: Monsieur Morneau.
M. Paul Morneau: Nous nous concentrons sur les faux négatifs. Parfois, un test revient positif. Dans ces cas-là, nous allons faire ce que nous pouvons pour limiter l'étendue de cette terrible et malheureuse maladie. Nous allons prendre les précautions supplémentaires que vous avez indiquées, et c'est tout le monde qui en bénéficiera, y compris les gens du groupe de M. Hillson.
Pour ce qui est du cas du médecin qui n'aura qu'à cocher une case supplémentaire, à l'heure actuelle, il pourrait avoir à justifier pourquoi il doit contrôler si ces maladies sont présentes quand il examine un accidenté, par exemple. Le projet de loi lui permettrait de justifier son acte.
Y a-t-il des patients qui seraient raisonnables, et nous permettraient de prélever un échantillon de sang parce qu'ils reconnaissent ce que nous avons fait pour eux et ils sont prêts à faire quelque chose pour nous? Oui, absolument. Mais malheureusement, parfois ces gens-là sont inconscients, comme vous l'étiez après votre accident. Parfois c'est nous qui les rendons inconscients. Nous leur donnons des médicaments pour les rendre inconscients, pour les aider, ils sont donc incapables de donner leur consentement à la prise de ces échantillons supplémentaires. Le médecin peut certainement demander les tests normaux requis pour le traitement. Mais il se peut qu'il ait à justifier sa demande pour des tests pour l'hépatite B ou C, ou le VIH. Ces dispositions législatives seraient donc très utiles.
Le président: M. Hillson, et ensuite M. Strahl, pour le dernier mot.
Monsieur Hillson.
M. Glen Hillson: Vous avez indiqué que vous n'étiez pas présent pendant tout le témoignage. Je ne sais pas quand vous êtes arrivé et il se peut donc que vous n'ayez pas entendu ma présentation.
Les objectifs de l'agence à laquelle je suis affilié sont de prévenir la propagation du VIH et de fournir des soins et du soutien aux gens infectés.
Vous avez demandé si les recommandations que je formule ici vont à l'encontre de ces objectifs. J'ai dit que non, et j'ai expliqué pourquoi. J'estime que les dispositions législatives proposées n'auront pas l'effet désiré. Elles auront même l'effet contraire.
Pour ce qui est de la responsabilité personnelle, le droit du public de s'attendre à ce que les gens assument une responsabilité personnelle—recommandons-nous que les gens puissent décliner cette responsabilité? Absolument pas. Au niveau émotionnel, cela serait peut-être séduisant pour certains citoyens. Mais c'est seulement parce qu'ils n'en savent pas assez sur ces maladies. Le rôle de ceux d'entre nous qui comparaissent comme témoins aujourd'hui, et le rôle du comité, c'est de formuler une politique publique éclairée. Et j'estime qu'une politique publique éclairée serait celle qui permettrait de réaliser les vrais objectifs de limiter la propagation du VIH au lieu de la promouvoir. J'estime que le projet de loi C-217 aura pour effet d'augmenter le nombre de nouvelles infections parce qu'il y aura plus de risques posés par l'exposition professionnelle.
Le président: Monsieur Strahl, une dernière intervention.
M. Chuck Strahl: J'exhorte tous les membres du comité à revoir les témoignages de juin 2000. Je sais que les documents ont été distribués. Par exemple, dans son témoignage, le Dr Stephen Shafran—de la Division des maladies infectieuses de l'Université de l'Alberta—a dit que les malades dans les hôpitaux qui se portent volontaires pour ces tests ne reçoivent pas de mesures prophylactiques après l'exposition si les résultats sont négatifs.
En d'autres mots, je vous encourage à revoir ce témoignage. La dernière fois c'est un groupe différent d'experts qui a comparu, mais certains témoignages étaient très bons. Il y a eu des commentaires sur la constitutionnalité du projet de loi et sur les effets du traitement. Certains témoignages étaient très forts et très révélateurs, et il était question de l'appui accordé au projet de loi pour les raisons déjà notées par les agents de police et par d'autres. En conclusion, je veux simplement dire que j'encourage tout le monde à revoir ces témoignages parce qu'on y trouve beaucoup de choses intéressantes.
Il faut aussi ne pas oublier que personne ne veut criminaliser le VIH. Je compatis au sort des gens atteints du VIH, et cette compassion est tout à fait sincère— les dépenses, le fait que beaucoup de gens atteints du VIH sont poussés dans la pauvreté, et toutes les implications sociales entourant la question. Je ne veux rien à voir à faire avec la criminalisation du VIH. C'est pour ça que j'ai essayé d'inclure une disposition stipulant que l'échantillon de sang et les résultats ne pourraient être utilisés que pour déterminer un traitement pour les personnes très exposées.
Si nous devons renforcer cette partie du projet de loi pour satisfaire les gens qui s'inquiètent qu'elle puisse porter atteinte à la vie privée ou stigmatiser certaines personnes, alors renforçons-la. Mais si nous renforçons cette partie-là, nous entendrons beaucoup d'histoires comme celles que nous avons entendues aujourd'hui. Et j'ai moi-même entendu des centaines d'histoires de personnes qui disent qu'elles ne veulent pas de mal à ceux qui leur donnent un échantillon. Tout ce qu'elles veulent, c'est savoir quel traitement il leur faut.
Je peux vous donner l'exemple du jeune homme qui a déclenché toute cette question pour moi, un jeune de 18 ans qui était couvert de sang. Le Centre de traitement VIH à Vancouver a recommandé qu'on lui donne le cocktail, parce que le type ne voulait pas donner d'échantillon de sang. Il a dû prendre ces médicaments pendant des semaines, et on lui a dit la même chose—ces médicaments pourraient affecter sa fertilité. Il n'avait que 18 ans, et ça l'a détruit.
 (1235)
Le président: Merci, monsieur Strahl.
Je veux remercier tous les témoins de nous avoir donné leurs points de vue sur cet important travail du comité. Nous vous remercions tous énormément.
Pour ce qui est des membres du comité, j'estime que nous avons un groupe de personnes tout à fait en mesure de discuter de ces sujets importants.
De temps en temps, je saisis l'occasion de remercier notre personnel, qui appuie nos travaux. Je sais que notre personnel a été appelé à faire du travail supplémentaire pour ce projet de loi.
Un peu plus tôt dans cet exercice, je pense qu'on a mentionné l'enfant de un mois des Hoglunds qui a été exposé à Ottawa. J'espère que votre enfant survit à cette exposition. Merci beaucoup d'avoir voulu être des nôtres, et je remercie le personnel d'avoir contribué à rendre cela possible.
Encore une fois, je vous remercie tous beaucoup.
La séance est levée.