NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
TÉMOIGNAGES • FASCICULE 039
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 17 janvier 2002
À | 1005 |
Le coprésident (M. David Pratt) |
M. Harvard |
Le coprésident (M. David Pratt) |
M. Eggleton |
À | 1010 |
À | 1015 |
À | 1020 |
M. David Pratt |
Gén Raymond Henault |
À | 1025 |
M. David Pratt |
M. Benoit |
M. Eggleton |
M. Leon Benoit |
M. Eggleton |
À | 1030 |
M. Leon Benoit |
M. Eggleton |
Gén Raymond Henault |
M. Benoit |
Le coprésident (M. David Pratt) |
M. Bachand (Saint-Jean) |
À | 1035 |
M. Eggleton |
À | 1040 |
Le coprésident (M. David Pratt) |
Mrs. Jennings |
M. Eggleton |
Gén Raymond Henault |
Mme Marlene Jennings |
À | 1045 |
Gén Raymond Henault |
Mme Marlene Jennings |
Gen Henault, CMM, CD |
Mrs. Jennings |
Gén Raymond Henault |
Mme Marlene Jennings |
Gén Raymond Henault |
Mme Marlene Jennings |
Gén Raymond Henault |
M. David Pratt |
Mme McDonough |
À | 1050 |
M. Eggleton |
À | 1055 |
M. Pratt |
M. Eggleton |
Le coprésident (M. David Pratt) |
Mme Wayne |
M. Eggleton |
Gén Raymond Henault |
Á | 1100 |
Mme Elsie Wayne |
Gén Raymond Henault |
Mme Elsie Wayne |
Gén Raymond Henault |
Mrs. Wayne |
Gén Raymond Henault |
Mme Elsie Wayne |
Gén Raymond Henault |
Mme Elsie Wayne |
Gén Raymond Henault |
Mrs. Wayne |
M. David Pratt |
Mrs. Wayne |
Á | 1105 |
Mr. Pratt |
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Alliance canadienne) |
Gén Raymond Henault |
M. Rob Anders |
M. Eggleton |
M. Rob Anders |
Le coprésident (M. David Pratt) |
M. Rob Anders |
M. Eggleton |
M. Rob Anders |
M. Eggleton |
M. David Pratt) |
M. Bachand (Saint-Jean) |
Á | 1110 |
M. Eggleton |
Gén Raymond Henault |
M. David Pratt |
Mr. Price |
M. Eggleton |
Á | 1115 |
M. David Price |
M. Eggleton |
M. David Price |
M. Eggleton |
Mr. Price |
Le coprésident (M. David Pratt) |
Mme McDonough |
Á | 1120 |
M. Eggleton |
Mme McDonough |
M. Eggleton |
Mme McDonough |
M. Eggleton |
Mme McDonough |
M. Eggleton |
Mme McDonough |
M. Eggleton |
Le coprésident (M. David Pratt) |
M. Casey |
M. Eggleton |
M. Casey |
Á | 1125 |
M. Eggleton |
M. Casey |
M. Eggleton |
M. Casey |
M. Eggleton |
M. Casey |
M. Eggleton |
Mrs. Wayne |
Le coprésident (M. David Pratt) |
M. Patry |
M. Eggleton |
Le coprésident (M. David Pratt) |
M. Godfrey |
Á | 1130 |
M. Eggleton |
M. Godfrey |
M. Eggleton |
Mr. Godfrey |
Le coprésident (M. David Pratt) |
CANADA
Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants |
|
l |
|
l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 17 janvier 2002
À (1005)
[Traduction]
Le coprésident ((M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance conjointe du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants et du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les députés réunis ici aujourd'hui pour la première réunion de 2002 d'un comité parlementaire. Je tiens également à vous souhaiter, avec un peu de retard, une bonne et heureuse année.
Je suis accompagné de mon collègue, M. John Harvard, député membre du Comité des affaires étrangères, qui va coprésider la réunion aujourd'hui. Je pense que M. Harvard a quelques mots à nous dire au sujet de l'absence du président habituel du comité.
Monsieur Harvard.
Le coprésident suppléant (M. John Harvard (Charleswood St. James--Assiniboia, Lib.)): Merci, David.
J'ai l'honneur de remplacer le président du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, notre collègue, Bill Graham. Comme chacun le sait, M. Graham a été nommé ministre des Affaires étrangères. Au nom de tous les membres du comité réunis autour de cette table, je tiens à saisir l'occasion de féliciter sincèrement M. Graham. Celui-ci ne pourra être des nôtres aujourd'hui. Comme vous le savez, suite à sa nomination, il est plutôt occupé, mais il tenait à ce que je vous dise, en son nom, qu'il comparaîtra devant le Comité des affaires étrangères le plus tôt possible. Connaissant Bill, je suis persuadé que ce sera très bientôt.
Cela dit, je redonne la parole à David qui va présider la séance de ce matin. David.
Le coprésident (M. David Pratt): Merci, John.
Comme l'a mentionné John, je vais présider ce matin. John présidera cet après-midi. Si... [Note de la rédaction : Difficultés techniques]... constituera un grand défi pour toute la communauté internationale au cours des semaines et des mois à venir.
Ce matin, nous allons nous en tenir à la procédure habituelle du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants pour ce qui est d'interroger les témoins. Cet après-midi, nous suivrons la procédure du Comité des affaires étrangères et du commerce international.
J'aimerais également profiter de l'occasion pour vous rappeler que dans une décision, la Chambre a proposé que nos deux comités se réunissent périodiquement et conjointement afin de faire le point sur la situation en Afghanistan. Quand il a été annoncé récemment que les membres du 3e bataillon du Princess Patricia's Canadian Light Infantry allaient être envoyés en Afghanistan, il a été jugé approprié que nous nous réunissions conjointement le plus rapidement possible, ce qui explique la réunion d'aujourd'hui.
Sans plus tarder, j'aimerais souhaiter la bienvenue à l'honorable Art Eggleton, ministre de la Défense nationale, et au chef d'état-major de la Défense, le général Ray Henault. Je crois savoir que le général Henault a dû surmonter certains obstacles pour venir ici ce matin de Toronto, vu la neige qui est tombée. Nous sommes donc très heureux de vous compter parmi nous aujourd'hui, monsieur le général et vous, monsieur le ministre. Je suis persuadé que les membres du comité auront de nombreuses questions à vous poser et si vous avez des déclarations à nous faire, je vous en prie, vous avez la parole.
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale): Merci beaucoup, monsieur le président et monsieur le coprésident, mesdames et messieurs du comité, et bonne et heureuse année. C'est la première occasion que nous avons de nous voir cette année, et je vous suis reconnaissant de la possibilité de discuter de cette question avec vous.
[Français]
Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour vous informer sur la toute dernière contribution des Forces canadiennes à la campagne internationale contre le terrorisme.
[Traduction]
Plus particulièrement, je veux aborder trois questions ce matin: d'abord, notre contribution militaire jusqu'à aujourd'hui; deuxièmement, la nature de nos activités à Kandahar; et troisièmement, les questions de commandement et de contrôle.
Comme vous le savez, c'est à la mi-octobre qu'a commencé la réaction militaire multinationale aux actes terroristes du 11 septembre. Le Canada prend des initiatives militaires en vertu de l'article 51 de la Charte des Nations Unies et il y a eu, de fait, les trois résolutions du Conseil de sécurité à l'appui de l'application de cet article dans cette affaire. Cet article de la Charte des Nations Unies permet aux États d'exercer le droit de se défendre à titre individuel et collectif. À l'origine, cette campagne a été lancée après que l'OTAN ait invoqué l'article 5 du Traité de Washington qui applique à tous les États membres de l'OTAN le droit à l'autodéfense lorsqu'un pays membre est attaqué.
En octobre, le gouvernement du Canada a signifié clairement aux États-Unis qu'il était disposé à participer à une campagne militaire internationale visant à éliminer le terrorisme mondial. À l'époque, le gouvernement avait offert une gamme de forces canadiennes terrestre, aérienne et maritime. Plusieurs autres gouvernements ont également fait des offres semblables d'aide et le gouvernement américain, chef de la Coalition, en a accepté nombre d'entre elles, y compris certaines du Canada.
Prenons un instant pour faire le point sur la situation des forces qui ont été déployées. Après avoir été en mer pendant cinq mois, le NCSM Halifax quitte la mer d'Oman et devrait être de retour au Canada à la mi-février. Le NCSM Toronto a quitté les forces navales permanentes de l'OTAN dans la Méditerranée est et remplacera le NCSM Halifax; il participera aux opérations avec d'autres forces de la Coalition dans la mer d'Oman. Le NCSM Vancouver, le NCSM Iroquois, le NCSM Preserver et le NCSM Charlottetown poursuivent leur mission, y compris les opérations d'interdiction et l'appui aux autres partenaires de la Coalition. Il y a actuellement six navires qui participent à cette mission dans la mer d'Oman ou dans les environs.
Par ailleurs, notre Airbus continue à navetter du personnel et de l'équipement dans la région. L'aéronef a transporté plus de 2 millions de livres d'équipement et de produits à l'appui de l'effort militaire. Nous avons deux avions de patrouille maritime Aurora qui effectuent des missions de surveillance au-dessus de la mer d'Oman. Évidemment, il y a également les membres de la FOI2. Ils sont sur le terrain en Afghanistan, et ce depuis un mois. Dans quelques semaines, nous nous attendons à avoir également trois avions de transport Hercules dans la région pour aider au transport du personnel et des approvisionnements de la Coalition.
Tout compte fait, il y a presque 3 000 membres des Forces armées canadiennes qui participent à cette campagne en Afghanistan. Au niveau de la participation des pays à cette campagne, nous venons au quatrième rang, après les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. Les opérations sont placées sous le commandement du commandant canadien du groupe de travail, le commodore Jean-Pierre Thiffaut. De concert avec un personnel de quelque 50 personnes, il travaille à Tampa au quartier général du commandement américain qui est responsable de la conduite des opérations.
En octobre, les États-Unis ont également décidé de ne pas accepter d'autres offres d'aide des Forces canadiennes, y compris un groupe-bataillon d'infanterie. Évidemment, nous avons envoyé tout particulièrement les forces maritimes et certains éléments des forces aériennes à ce moment-là. À l'époque, la situation sur le terrain en Afghanistan ne pouvait pas être plus changeante et en dernière analyse, la campagne militaire a évolué beaucoup plus rapidement que prévu. Dans ces conditions, les États-Unis sont revenus au début novembre et nous ont demandé d'être prêts à déployer notre bataillon d'infanterie. Nous avons par conséquent mis le bataillon sur un pied d'alerte élevé, comme vous vous en rappellerez, passant d'un avis de sept jours à un avis de 48 heures. Avec l'évolution très rapide des plans de campagne, nous avons décidé de mettre fin à cette alerte pour le bataillon tant que les choses n'étaient pas plus précises et tant que nous ne savions pas plus précisément quelle serait la mission et quand elle aurait lieu.
À (1010)
Parallèlement à ces événements, les Nations Unies ont entrepris des négociations à Bonn, en Allemagne, avec les principales parties afghanes afin de tenter de mettre en place une administration intérimaire pour le pays. Ces négociations visaient également l'éventuel déploiement en Afghanistan d'une force militaire multinationale afin d'aider à assurer la sécurité de ce nouveau gouvernement.
Le défi d'organiser cette force a été assumé par le Royaume-Uni qui a rapidement recommencé à demander d'éventuelles contributions de forces armées des autres gouvernements, y compris le Canada, en vue d'une mission qui se déroulerait dans la capitale, Kaboul, et qui comprendrait, au total, environ 4 500 militaires.
À l'époque, j'avais mentionné au ministre de la Défense du Royaume-Uni que nous avions le bataillon d'infanterie que nous avions offert en octobre, qui était toujours disponible pour ce genre de mission. Il m'a répondu qu'il préférait que nous songions à envoyer 200 ingénieurs maintenant pour peut-être envisager plus tard, c'est-à-dire dans trois mois, l'envoi du bataillon d'infanterie, lorsque les forces britanniques prévoyaient se retirer de la mission à Kaboul. C'est à ce moment-là que nous serions allés les remplacer, non pas pour assumer le commandement—ils l'assumeraient encore— mais pour remplacer leur bataillon d'infanterie.
Au même moment, les États-Unis nous ont demandé des troupes terrestres pour leur mission à Kandahar. Suite à des analyses par nos planificateurs militaires, nous avons conclu que la contribution la plus efficace du Canada serait de participer à la mission à Kandahar avec les États-Unis. C'était tout simplement un meilleur mariage vu les troupes que nous étions disposés à offrir, tout en répondant à nos conditions que le mandat soit clair, que la mission soit définie et que l'on fasse appel à une unité déjà constituée. Les Britanniques ont accepté notre décision.
En ce qui concerne la FIAS à Kaboul, le ministre de la Défense du Royaume-Uni a dit qu'ils n'avaient pas rejeté l'offre du Canada, mais qu'ils n'étaient pas en mesure de l'accepter complètement au départ. Évidemment, la demande de 200 ingénieurs à l'époque signifiait qu'il aurait fallu réunir des ingénieurs de nombreuses unités différentes, y compris du 3e bataillon du PPCLI, ce qui aurait diminué l'efficacité des autres forces puisque l'on démembrerait ainsi des équipes d'une grande cohésion privant celles-ci des services nécessaires des ingénieurs.
Permettez-moi de dire que cette mission où nous envoyons nos troupes, et celles dirigées par le Royaume-Uni à Kaboul, sont complémentaires. Ces missions doivent s'appuyer l'une l'autre et aider à la reconstruction et à la remise en état de l'Afghanistan, un Afghanistan qui ne sera plus jamais un havre pour les terroristes.
Passons maintenant à la nature de notre mission à Kandahar. Ce n'est pas une mission de maintien de la paix. La campagne militaire en Afghanistan n'est pas encore terminée. Nos troupes vont effectuer toute une gamme de tâches et même dans certains cas des opérations de combat. Plus précisément, ces tâches incluent: un, l'exploration de sites dangereux tels que les camps talibans et al-Qaïda ainsi que leurs installations de formation; deuxièmement, des opérations visant à détruire ce qu'il reste des forces des talibans et d'al-Qaïda; troisièmement, des opérations de déminage militaire; quatrièmement, le maintien de la sécurité dans la région de Kandahar; et cinquièmement, un appui à l'aide humanitaire à l'aéroport de Kandahar.
À (1015)
[Français]
Le fait est que cette mission n'est pas sans risques. Il y a toujours des membres de Al-Qaïda et des talibans dans cette région. Les mines et les munitions non explosées représentent également de réelles menaces.
[Traduction]
Mais ce sont des risques acceptables, compte tenu de l'importance de la mission; ce sont des risques gérables. Nos troupes sont bien entraînées, bien équipées, et prêtes à assumer ces tâches, étant particulièrement formées aux interventions dans un contexte hivernal et aux missions de reconnaissance.
C'est bien pour cela que les États-Unis nous ont demandé des troupes. Certains ont demandé, je le sais, si c'était une demande américaine ou une proposition canadienne. On peut dire que c'est à la fois l'une et l'autre.
Au départ, début octobre, nous avions proposé des troupes sans donner de précision, mais les Américains ont spécifiquement demandé notre aide, en mentionnant en particulier notre escadrille de reconnaissance Coyote.
Je signale d'ailleurs que notre intervention aux côtés des Américains à Kandahar ne constitue pas une dérogation à nos opérations militaires ordinaires.
Depuis des années, nous participons à des missions multinationales des Nations Unies et de l'OTAN, ainsi qu'à des coalitions de partenaires pour une même cause, comme au Timor-Oriental. Ces missions multinationales ont des compositions et des mandats différents, et cette dernière mission s'inscrit dans un ensemble de partenariats qui caractérisent nos déploiements internationaux.
Je voudrais ajouter un dernier élément quant à la nature de cette mission-ci.
Ce déploiement est prévu pour durer au maximum six mois. Avant de décider d'envoyer des troupes, nos planificateurs militaires ont soigneusement étudié la situation stratégique d'ensemble des Forces canadiennes et se sont assurés que nous pouvions assumer cette opération en plus de nos autres interventions internationales. Et surtout, ils se sont assurés que nous pouvions répondre efficacement à toute demande d'intervention qui pourrait survenir au Canada. Cette mission ne place pas les Forces armées canadiennes dans l'impossibilité d'honorer leurs engagements de défense.
[Français]
Je me pencherai maintenant sur la question du commandement et du contrôle.
À (1020)
[Traduction]
Dans toute coalition, que ce soit dans le cadre des Nations Unies, de l'OTAN ou d'une coalition de partenaire pour une même cause, le contingent multinational est placé sous le contrôle opérationnel d'un commandant de coalition qui provient d'un des principaux pays participants. Bien que les opérations quotidiennes soient placées sous ses ordres, toutes les tâches et les missions que peuvent entreprendre les unités participantes sont convenues au départ par les gouvernements en cause et par les autorités militaires des partenaires de la coalition.
Dans le cas présent, les Forces canadiennes à Kandahar ne seront appelées à réaliser que les opérations qui ont été approuvées à l'avance par le commodore Jean-Pierre Thiffault ou par l'un de ses supérieurs, par exemple le chef d'état-major de la Défense. Si le commandant américain veut affecter nos militaires à autre chose que les tâches convenues, il devra obtenir l'autorisation du commodore Thiffault, qui relève directement du chef d'état-major de la Défense.
J'insiste sur ce point. Pendant cette mission comme pendant toutes les autres, le chef d'état-major de la Défense assume intégralement et en permanence le commandement de tous les membres des Forces armées canadiennes. L'organisation du commandement de cette mission ne diffère pas de celle des autres missions auxquelles nous avons participé. Nous avons d'ailleurs de nombreux exemples où des officiers canadiens ont exercé le contrôle opérationnel de troupes étrangères. En ce moment précis, le major général canadien Robert Meating commande une force multinationale et des observateurs en Égypte, parmi lesquels figurent 1 800 militaires venus de 11 pays, et notamment un bataillon d'infanteries américain. Le major général Rick Hillier vient de terminer une affectation de commandement d'un an au sein de la division multinationale sud-ouest dans le cadre de nos activités pour la force de stabilisation en Bosnie. Il commandait un contingent de plus de 4 000 militaires venus non seulement du Canada, mais aussi de pays comme le Royaume-Uni, la République tchèque et les Pays-Bas. Et il existe plusieurs autres exemples semblables.
En ce qui concerne la mission à Kandahar, l'essentiel est ceci: la chaîne de commandements est bien définie. Les Forces armées canadiennes ne peuvent en aucun cas exécuter des tâches autres que celles qui a autorisé le chef d'état-major de la Défense, et dont il a lui-même reçu l'autorisation du gouvernement par mon intermédiaire.
Pour résumer, je dirais que nous savions dès le départ que cette campagne serait longue et complexe, mais depuis lors, notre détermination est restée immuable. Cette dernière contribution en apporte la preuve. Les hommes et les femmes du groupement tactique 3PPCLI abordent indiscutablement une mission difficile, mais comme les autres membres des Forces armées canadiennes qui apportent déjà une contribution majeure à cette campagne, ils s'acquitteront de leurs tâches avec professionnalisme et courage.
Demain, monsieur le président, je serai à Edmonton pour assister au départ des membres de ce groupement tactique, dont le groupe de reconnaissance tactique et le commandant sont déjà en Afghanistan, et nous prévoyons que le reste du contingent va les rejoindre d'ici quelques semaines. Je sais, chers collègues, que vous vous joignez à moi, comme tous les Canadiens, pour assurer nos militaires de notre soutien indéfectible, pour leur souhaiter un bon retour et pour apporter toute notre aide à leurs familles.
Merci.
Le coprésident (M. David Pratt): Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Général Henault, avez-vous une déclaration à faire?
Gén Raymond Henault (chef d'état-major de la Défense, ministère de la Défense nationale): Monsieur le président, je n'ai pas préparé d'exposé. Je voudrais simplement reprendre les propos du ministre pour y ajouter que j'ai rendu visite à nos militaires dans la région. Le ministre et moi-même étions du reste en Asie du Sud-Ouest juste avant et juste après Noël.
Je me suis également rendu en Bosnie et dans d'autres régions, comme à Geilenkirchen, où nos troupes sont déployées et où elles font un excellent travail. Les hommes et les femmes des Forces armées canadiennes, de l'armée régulière et de la réserve, qui sont déployés à l'étranger, font un travail extraordinaire au nom de notre pays. J'ai constaté les plus hauts degrés de motivation, d'enthousiasme et d'engagement, quelle que soit la région où nos troupes interviennent.
Les commandants des opérations multinationales dans la région m'ont également adressé un message très fort en exprimant l'excellente opinion qu'ils ont des Forces armées canadiennes pour ce qu'elles font, pour leur professionnalisme et pour la capacité qu'elles apportent aux opérations de la coalition, notamment en Bosnie et dans le cadre de nos engagements au sein de l'OTAN, de même qu'en Asie du Sud-Ouest.
Je peux donc vous assurer que nous voyons là l'effet de l'entraînement, de l'équipement et de la capacité que nos militaires mettent toujours de l'avant dans ces opérations, et nous pouvons tous être très fiers de ce qu'ils font.
Merci.
À (1025)
Le coprésident (M. David Pratt): Merci beaucoup, général.
Nous allons passer immédiatement aux questions, avec sept minutes par intervention, en commençant par M. Benoit.
M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour à vous, monsieur le ministre, ainsi qu'à vous, général. Je suis très heureux de vous accueillir ici ce matin. J'espère que vous pourrez répondre aux questions très importantes que se posent les Canadiens et que nous allons vous poser en leur nom.
Bien des questions se posent en effet en ce qui concerne la façon dont nos troupes vont se rendre dans la région, le type d'équipement dont elles vont disposer, ce qui va faire défaut, comme le transport stratégique; voilà autant de questions d'une extrême importance.
On s'interroge aussi sur la façon dont le Canada pourra assurer le support de cette mission si elle se poursuit plus de six mois tout en respectant ses engagements, notamment dans les Balkans et ses autres engagements en Afghanistan. Par ailleurs, comment seront traités les éventuels prisonniers? Seront-ils considérés comme des prisonniers de guerre au sens de la Convention de Genève? Seront-ils traités comme des criminels? Quel sera leur sort?
Voilà des questions importantes, mais nous sommes ici au Comité de la défense. Nous avons devant nous le ministre de la Défense et le chef d'état-major, et j'aimerais donc leur poser des questions spécifiquement militaires.
Ma première question, monsieur le ministre, fait suite à ce que vous avez dit aujourd'hui ici même. Vous avez dit que nos troupes sont bien entraînées, bien équipées et prêtes à contribuer... ou quelque chose d'approchant. Je suis d'accord. Nos troupes sont parmi les meilleures au monde, cela ne fait aucun doute. Ce n'est pas de cela qu'il est question ici. Elles sont certainement bien entraînées au plan personnel et au niveau des petits groupes; l'entraînement est-il suffisant au niveau plus élevé? La plupart des gens diraient que non. Nos troupes sont équipées, c'est exact, mais sont-elles bien équipées? La plupart diraient que non.
J'aimerais donc vous poser une question à ce sujet, monsieur le ministre. Je voudrais vous lire une note de service du commandant du premier Groupe-brigade mécanisé du Canada en 1999, le colonel Leslie, quand 800 de nos militaires étaient déployés au Kosovo, et vous allez voir la pertinence de son propos, monsieur le ministre. Le colonel écrivait ceci:
... Je suis toujours inquiet de voir qu'on écarte toujours la question de la protection de nos forces en supposant que nous pouvons nous en remettre aux troupes britanniques pour assurer cette protection. Si notre contingent actuel devait se consacrer à assurer sa propre protection, quitte à délaisser sa mission première, nous risquons fort de constituer un obstacle plutôt qu'autre chose au sein de la coalition. |
Et c'est vers une situation tout à fait semblable que nous nous dirigeons.
J'aimerais savoir, monsieur le ministre, pour quelle raison un tel commentaire ne s'appliquerait pas à notre situation actuelle en Afghanistan.
M. Art Eggleton: Je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites, dans votre préambule, que la plupart des gens considèrent que nos troupes ne sont pas suffisamment entraînées ni équipées, ou quelque chose du genre.
Ce gouvernement n'enverra jamais ses militaires dans une opération sans s'être assuré qu'ils sont correctement entraînés et équipés, et capables de faire face aux circonstances qu'ils peuvent rencontrer dans ce théâtre d'opérations; et il s'en est parfaitement assuré dans le cas présent.
Dans tous les cas, nous assurons à nos militaires le même genre de soutien et de ressources. C'est la règle pour ce gouvernement, et c'est une question qui n'est jamais écartée dans la phase de planification qui précède chaque mission. Vous ne pouvez pas prendre une déclaration faite il y a plusieurs années dans un contexte tout à fait différent du nôtre... Ces soldats sont préparés pour leur mission. Ils sont bien entraînés et bien équipés.
M. Leon Benoit: Je vous pose donc une question précise. Ne craignez-vous pas que notre contingent soit trop dépendant du soutien américain dans l'éventualité de combats sérieux?
M. Art Eggleton: Toutes les forces armées en présence sont interdépendantes. Les nôtres font partie d'une équipe. Nous allons représenter un tiers des forces présentes à Kandahar avec l'équipe de combat de la 187e brigade, qui fait partie de la 101e Division aéroportée.
Ensemble, nous allons fournir à cette équipe tout ce dont elle a besoin pour intervenir en tant qu'unité complète. Nous veillerons à nous munir de tout ce dont nos soldats ont besoin. Les Américains feront la même chose pour leurs soldats. Il y a des choses que nous allons partager, et d'autres qui vont se compléter pour répondre aux besoins des uns et des autres. C'est tout à fait normal.
À (1030)
M. Leon Benoit: Monsieur le ministre, se pourrait-il que des militaires aient exprimé des réserves concernant l'envoi d'un petit contingent de 750 soldats qui, de ce fait, dépendra de façon excessive du soutien américain?
M. Art Eggleton: Personne ne m'a fait part d'une telle crainte. Il y a des milliers de militaires dans les Forces armées canadiennes. Ce qu'on m'a dit, c'est que tous ceux qui participent à cette mission ont le sentiment d'être prêts à partir et à s'en acquitter.
J'aimerais demander au chef d'état-major de la Défense s'il y a quelque chose à ajouter.
Gén Raymond Henault: Je vous remercie, monsieur le ministre.
Le ministre a tout à fait raison. Le déploiement de ce groupement tactique vise à appuyer le groupe-brigade de combat déjà en place à Kandahar, soit le 187e groupe-brigade de combat des États-Unis.
L'une des raisons pour lesquelles ce groupement tactique s'intègre si bien à son homologue américain, c'est que leur équipement, leurs armes, leur formation, leur doctrine, leurs capacités et leur leadership sont complémentaires. Les soldats canadiens et les soldats américains assureront un mécanisme de protection de la force qui leur permettra de mener à bien leurs activités sur le théâtre d'opérations.
En outre, les véhicules de reconnaissance Coyote déployés à Kandahar, qui renforcent leur capacité de surveillance notamment au moyen de l'imagerie thermique, augmentent leur protection tant de jour que de nuit. Ces capacités supplémentaires assureront une protection accrue non seulement à nos troupes, mais aussi aux troupes américaines. Nos troupes sont également équipées des armes légères et des armes d'autodéfense requises pour mener ce genre d'opérations dans cette partie du monde.
Le commandant de l'armée a dit avoir pleine confiance dans la capacité de l'unité à exécuter la tâche qui lui a été confiée avec l'équipement, la formation, les armes et le leadership dont elle dispose. C'est également le point de vue qui nous a été transmis par nos homologues américains.
M. Leon Benoit: Je vous remercie, général.
Le coprésident (M. David Pratt): Je vous remercie beaucoup, monsieur Benoit.
La parole est maintenant à M. Bachand.
[Français]
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Merci, monsieur le président.
Je voudrais d'abord dire que je suis revenu de Bosnie à la fin du mois de novembre après avoir passé 10 jours là-bas avec les troupes canadiennes et après m'être entraîné cet été à Valcartier. Je dois avouer que les gens qui servent actuellement en Bosnie ainsi qu'en Afghanistan sont des gens extrêmement dévoués et extrêmement professionnels. Je pense que quand on leur demande de faire une tâche, ils la font avec dévouement et professionnalisme. Cependant, qu'il s'agisse d'officiers ou de simples soldats, ce ne sont pas des gens qui ont l'occasion de rencontrer le ministre ou le chef de la Défense nationale à tous les jours. Ils n'ont pas non plus la capacité de poser des questions aussi directement que nous pouvons le faire dans un régime parlementaire. Je pense que c'est le rôle de l'opposition que de poser des questions. Le rôle du gouvernement est de dire que tout va bien et que tout est sous contrôle, alors que le nôtre est d'essayer de voir si c'est vrai ou si le gouvernement a tendance à être un peu trop optimiste. Je pense que c'est notre rôle que de le faire.
En ce qui concerne l'Afghanistan, je veux poser une question sur le commandement et le contrôle. Je veux surtout savoir pourquoi il y a 750 personnes. J'imagine que c'est une décision politique du gouvernement canadien. Il faudrait que vous nous disiez qui l'a prise, monsieur le ministre. Ce ne sont pas les députés de la Chambre qui ont décidé cela. Pour l'envoi des troupes en Afghanistan ou en Bosnie, on a peut-être été consultés et on a peut-être fait des discussions, mais à ma connaissance, on n'a certainement pas voté là-dessus.
Alors, qui décide, au niveau politique, que c'est 750? Expliquez-nous comment se fait la négociation avec la coalition. Et pourquoi se retrouve-t-on sous l'égide du commandement américain? Je comprends qu'une fois que la décision est prise et que la mission est tracée dans le théâtre d'opérations... Vous avez nommé plus tôt cinq missions à Kandahar. Qui négocie cela? Est-ce le chef d'état-major ou le gouvernement? Si jamais on voulait que nos troupes en fassent plus, ce serait au chef d'état-major de décider, dites-vous. Vous avez aussi dit, monsieur le ministre, que vous l'avez autorisé à faire les cinq missions à Kandahar que vous nous avez décrites. Si les Américains veulent en faire plus, on va aller voir le commandant, le lieutenant-colonel Thiffault, qui, lui, va aller voir le chef d'état-major. Est-ce que ce dernier va aller vous voir pour avoir une autorisation?
Ma dernière question est très importante. De votre côté, allez-vous consulter les députés de la Chambre des communes afin qu'au nom du peuple qu'on représente, on puisse avoir un mot à dire? On est quand même des élus.
Expliquez-nous comment se passe la négociation et pourquoi vous ne voulez pas que les députés de la Chambre des communes puissent prendre une part active dans la décision, c'est-à-dire voter à la Chambre des communes, le lieu de la démocratie canadienne.
À (1035)
[Traduction]
M. Art Eggleton: Merci beaucoup.
Je remercie le député d'avoir pris le temps et d'avoir fait l'effort d'aller voir nos troupes et de participer à des exercices d'entraînement. Je l'ai vu portant le nouvel uniforme de combat. Je recommande à tous les députés de faire comme lui pour mieux comprendre les questions militaires. Je le remercie aussi d'avoir souligné le professionnalisme et le dévouement du personnel des forces armées.
J'aimerais maintenant lui expliquer comment se prend la décision de déployer des militaires dans un théâtre d'opérations, c'est-à-dire 750 militaires en l'occurrence. La demande provient d'abord du quartier général du commandement central à Tampa, en Floride, où sont affectés 50 militaires canadiens sous la direction du commodore Thiffault. Elle est ensuite transmise au SCEMD, soit le sous-chef d'état-major de la Défense, et au chef d'état-major de la Défense qui communique ensuite avec moi. Je discute ensuite de la question avec le ministre des Affaires étrangères et le premier ministre. Cette procédure a été suivie de façon assez fréquente au cours des derniers mois, c'est-à-dire depuis le début de cette campagne.
Pour ce qui est des consultations menées auprès des députés, j'aimerais vous signaler que la Chambre a consacré plus de 50 heures de débat à la campagne de lutte contre le terrorisme en Afghanistan, notamment à ses aspects militaires. J'ai fait savoir à la Chambre au cours de ces débats que ce groupe, le bataillon d'infanterie d'Edmonton, était prêt à participer à cette campagne. Nous ne connaissions évidemment pas à ce moment la nature précise de cette mission ni le nombre de militaires qui y participeraient.
Comment sommes-nous arrivés à ce chiffre? Un bataillon d'infanterie et tous ses services de soutien comptent un millier de personnes environ. Trois compagnies de carabiniers appartiennent à ce bataillon d'infanterie. On nous a demandé que deux compagnies participent à la campagne. On nous demandera peut-être la participation de la troisième compagnie, mais jusqu'ici on nous a demandé seulement la participation de deux d'entre elles ainsi que celle d'un escadron de véhicules Coyote et d'autres éléments d'appui. Cela fait environ 750 personnes. Ce chiffre n'a pas été établi au hasard. Il s'agit du nombre de militaires nécessaire pour constituer une équipe et une unité cohérente en mesure d'exécuter la mission qui lui a été confiée. Voilà donc la demande qui nous a été faite.
Il a été question à plusieurs reprises à la Chambre de cette campagne et des décisions s'y rapportant. Le gouvernement consulte chaque fois qu'il le peut les députés sur ce genre de décisions lorsque la Chambre siège—et nous l'avons fait à de nombreuses reprises,—mais la décision ultime appartient au gouvernement.
La période des fêtes vient de s'achever et nous avons vu pourquoi le gouvernement doit pouvoir agir rapidement même lorsque la Chambre ne siège pas. Il appartient au gouvernement de prendre ce genre de décision. Avant d'annoncer que 750 membres des forces armées participeraient à l'opération, j'ai discuté de la question avec les chefs des quatre partis d'opposition. J'ai aussi offert de comparaître devant les députés lors d'une séance conjointe des deux comités comme je le fais maintenant.
À (1040)
Le coprésident (M. Je vous remercie, monsieur Bachand.
Madame Jennings.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce--Lachine, Lib.): Je vous remercie beaucoup. Bonne année à vous deux. Je vous remercie de comparaître devant le comité.
J'aimerais vous poser deux ou trois questions. La première découle de l'observation qu'a faite M. Benoit après avoir lu une note de service ou un rapport datant de 1999 et dans lequel un officier exprime des inquiétudes au sujet de la capacité des troupes canadiennes déployées dans le théâtre d'opérations du Kosovo. J'aimerais d'abord savoir si les craintes ou les préoccupations exprimées dans cette note se sont matérialisées.
J'aimerais aussi vous poser une question sur le mandat des troupes canadiennes à Kandahar qui a été accepté par notre gouvernement et le gouvernement américain. Vous avez expliqué quelle était la filière hiérarchique à suivre si les Américains demandaient à nos troupes de faire quelque chose qui irait au-delà du mandat qui a été convenu.
Je présume que le même type d'accord ou de mandat a été négocié avant l'envoi de nos troupes au Kosovo. Au cours de cette mission, le gouvernement a-t-il reçu des demandes qui allaient au-delà du mandat initial qui avait été convenu? Si c'est le cas, quelles étaient ces demandes, y avons-nous acquiescé et pourquoi?
Ma troisième question porte sur la question de savoir quel sera le sort réservé aux prisonniers qui seront capturés par les troupes canadiennes dans le théâtre d'opérations à Kandahar. La presse fait grand cas du fait que les États-Unis ne semblent pas vouloir appliquer la Convention de Genève en ce qui touche le traitement des prisonniers de guerre.
Je présume que cette question a fait l'objet de discussions lors de l'établissement du mandat de nos troupes et j'aimerais donc savoir quelle position le Canada a pris sur le traitement des prisonniers qui pourraient être capturés au cours de notre mandat de six mois dans le théâtre d'opérations de Kandahar. Appliquerons-nous la Convention de Genève? Si nous ne comptons pas l'appliquer et accorder à ces prisonniers le statut de prisonniers de guerre, à quel cadre législatif comptons-nous nous reporter?
Voilà pour l'instant toutes les questions que je voulais vous poser. S'il me reste du temps lorsque vous y aurez répondu, je vous en poserai d'autres.
M. Art Eggleton: Je demanderai au chef d'état-major de répondre à la question portant sur les problèmes soulevés dans la note de service ainsi qu'à celle qui porte sur les règles d'engagement et les modifications qui pourraient y être apportées. Je voudrais peut-être ensuite ajouter quelque chose. Je répondrai ensuite à la question portant sur les prisonniers.
Gén Raymond Henault: Je connais le colonel Leslie. C'est un jeune officier très talentueux. Il est de fait maintenant général. Il était à l'époque commandant de brigade dans le Secteur de l'Ouest de la force terrestre.
Je ne connais pas précisément quelles étaient ses préoccupations en matière de protection. Je ne peux que présumer qu'elles avaient trait à la participation de nos troupes aux activités en Bosnie ou en Kosovo. Je participe aux opérations depuis trois ans et demi ou presque quatre à titre de sous-chef et maintenant de chef d'état-major. Au cours de toutes les opérations auxquelles j'ai participé, aucun problème ne s'est posé en ce qui touche la protection de nos forces. Si certaines préoccupations à cet égard ont été exprimées par les commandants, elles ont été prises en compte. Je ne suis donc pas au courant de problèmes qui se seraient posés à cet égard.
Chaque fois que des préoccupations relatives à la sécurité des troupes sont exprimées, nous en tenons évidemment compte parce que nous attachons la plus haute importance à la protection et à la sécurité des hommes et des femmes qui sont déployés dans le théâtre d'opérations. Nous prenons toutes les mesures voulues pour répondre à leurs besoins en matière de sécurité, de services médicaux et de logistique.
Mme Marlene Jennings: Nous pouvons donc présumer qu'on fera la même chose pour nos opérations à Kandahar. Merci.
À (1045)
Gén Raymond Henault: Nous nous assurons que nos forces ont l'équipement, la formation, les capacités et les ordres, y compris les règles d'engagement, leur permettant de remplir efficacement leurs missions et de se protéger en conséquence.
Pour ce qui est du commandement et du contrôle, le commandant de notre contingent—dans ce cas-ci le commandant de la force opérationnelle, le commodore Thiffault, dont nous avons parlé—fait la liaison en mon nom et au nom du gouvernement du Canada avec le chef de la coalition qui est, en l'occurrence, le commandement central des États-Unis. On nous propose des missions et des tâches. Nous les étudions et nous formulons des recommandations à leur égard au ministre et au gouvernement en fonction de la capacité de nos forces. Nous formulons donc des recommandations au gouvernement sur le type de missions et de tâches que nous pouvons accomplir.
Mme Marlene Jennings: Et c'est ce que vous avez fait pour la mission à Kandahar.
Gén Raymond Henault: Oui.
Mme Marlene Jennings: Nos forces ont maintenant reçu un mandat précis comme on avait fait pour l'opération en Bosnie et au Kosovo. A-t-on modifié le mandat initial confié à nos troupes en Bosnie et au Kosovo? Comment cela a-t-il été fait? Quel a été le nouveau mandat qu'on leur a confié? Cela pourrait nous donner une indication de ce qui risque de se produire à Kandahar.
Gén Raymond Henault: C'est une bonne question. Lorsqu'il est question de modifier les missions et les tâches confiées à nos troupes, une demande en ce sens est transmise par la chaîne de commandement au moyen du mécanisme en place. Nous étudions à fond ces demandes en fonction des capacités de nos troupes et nous formulons des recommandations aux autorités supérieures.
Mme Marlene Jennings: Ce qui n'est pas ce qui a été fait dans le cas de la Bosnie ou du Kosovo.
Gén Raymond Henault: Non. Au Kosovo et en Bosnie, des changements aux régions de déploiement nous sont parfois proposés par l'entremise de la chaîne de commandement de l'OTAN de même que par nos propres commandants. De telles demandes nous sont présentées à l'occasion et nous les étudions en tenant compte de toutes nos responsabilités dans le cadre de l'OTAN et nous formulons des recommandations au gouvernement à leur égard.
À titre d'exemple, on nous demande habituellement de remplir certaines tâches à l'intérieur de notre division multinationale et parfois même à l'extérieur de celle-ci. Ces tâches visent habituellement à appuyer d'autres commandants de division et sont habituellement de courte durée. Ainsi, on nous a demandé l'an dernier de déployer notre escadron de reconnaissance dans l'ancienne république yougoslave de Macédoine. Il s'agissait d'un déploiement au Kosovo d'une unité constituée à qui on a demandé de remplir une tâche dans un autre secteur de responsabilité que celui qui lui avait été attribué afin d'appuyer une opération de l'OTAN alors jugée prioritaire.
Voilà donc un exemple de cas où on nous a demandé de changer le mandat de nos troupes.
Mme Marlene Jennings: Oui.
Gén Raymond Henault: Nous avons fait des recommandations au gouvernement, qu'il a approuvées, et nous avons effectué une mission de trente jours.
La même chose s'est produite au Kosovo lorsque nous étions là. On nous a demandé de prendre en considération une demande de reconnaissance et de surveillance dans une zone de responsabilité différente de celle où nous avions été déployés avec nos homologues britanniques. Ici encore, cette proposition a été présentée au gouvernement, soumise à toutes les étapes de la chaîne de commandement et nous l'avons approuvée.
Donc le mécanisme est très solide. C'est un mécanisme qui permet de consulter tous les interlocuteurs appropriés et évidemment les décideurs
Le coprésident (M. David Pratt): Madame Jennings, je vais devoir vous interrompre. Votre temps est écoulé. Même s'il s'agit d'une question très importante, il faudra y revenir au prochain tour.
Je cède la parole à Mme McDonough.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Je vous remercie, monsieur le président, et je vous remercie, monsieur le ministre, ainsi que le général Henault, de comparaître devant le comité ce matin.
Je tiens simplement à dire dès le départ que pas plus que mes collègues ni même les députés, je ne mets en doute le professionnalisme, le courage et la compétence du personnel des Forces canadiennes. Mais l'aspect sur lequel s'interroge le Nouveau Parti démocratique, c'est la nature du déploiement dans le cadre duquel 750 militaires sont sur le point de se déployer à Kandahar sous le commandement américain et non pas de façon formelle sous l'égide des Nations Unies.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez beaucoup insisté sur le fait qu'il s'agit d'une mission qui ne diffère pas de nombreuses autres opérations semblables. J'aimerais que vous m'indiquiez alors, monsieur, pourquoi votre prédécesseur, Lloyd Axworthy, aurait dit que cette décision est non seulement extrêmement inquiétante et vraiment sans précédent mais en fait—et je le cite directement—compromet gravement la souveraineté canadienne. C'est ma première question.
Deuxièmement, monsieur le ministre, je vous ai entendu dire à propos de la mission à Kandahar à laquelle les Canadiens vont participer dans des rôles de combat, qu'il s'agit d'une mission très complémentaire à la mission de Kaboul. Et pourtant, comme vous le savez très bien, la mission de Kaboul est autorisée expressément par les Nations Unies dans une résolution du Conseil de sécurité, dans le contexte de l'accord de Bonn qui établit une force internationale de sécurité. Cette résolution traite de façon très précise de l'objet et du caractère de cet engagement—et je cite—d'aider l'Autorité intérimaire afghane à maintenir la sécurité à Kaboul et dans les environs, afin que l'Autorité intérimaire afghane ainsi que le personnel des Nations Unies puissent agir en toute sécurité.
J'aimerais que vous m'indiquiez, monsieur le ministre, l'autorisation précise qui existe pour cette soi-disant mission complémentaire à Kandahar. Et je ne veux pas dire de façon vague et générale qu'un pays a le droit de se défendre quand il est attaqué, car à mon avis personne ne croit que ce serait une raison suffisante pour autoriser ce que le Canada s'est engagé à faire à Kandahar.
Troisièmement, de façon beaucoup plus précise, sachant que nous relevons du commandement américain ici dans le cadre d'une mission unilatérale des États-Unis, j'aimerais savoir si les troupes canadiennes ont reçu comme instruction d'agir exclusivement en fonction des conditions de la Convention de Genève en ce qui concerne le traitement des prisonniers et, si ce n'est pas le cas, si elles ont reçu comme instruction de se retirer.
De plus, vont-elles refuser particulièrement de participer de quelque façon que ce soit à l'envoi de prisonniers capturés à un camp de prisonniers américain où ils risquent en fait d'être jugés par un tribunal militaire? De telles instructions leur ont-elles été données, et le Canada retirera-t-il sa participation à cette opération particulière à Kandahar si de telles pratiques se poursuivent?
À (1050)
M. Art Eggleton: En ce qui concerne l'égide sous laquelle cette mission se déroule, j'ai indiqué très clairement dans mes remarques qu'elle se déroule en vertu de l'article 51 de la Charte des Nations Unies. En fait, toutes les troupes qui ont été envoyées, à l'exception de la mission de Kaboul, le sont en vertu de cette disposition. Les forces navales et les forces aériennes de tous les pays qui ont participé à cette mission, la FOI2, et les autres forces des opérations spéciales qui se trouvent en Afghanistan sont toutes là en vertu de l'article 51 de la Charte des Nations Unies qui prévoit le droit de légitime défense. Cet article a été renforcé par trois résolutions adoptées par le Conseil de sécurité depuis les attaques terroristes du 11 septembre. Il s'agit des résolutions 1368, 1373 et 1378.
Le mandat de la mission de Kaboul est différent et plus précis, mais l'opération à laquelle nous allons participer est déjà en cours. Le corps de marines des États-Unis est là depuis plusieurs semaines et plusieurs mois. Le corps de marines des États-Unis sera remplacé par la 101e division aéroportée, en particulier la 187e équipe de combat de brigade, à laquelle nous allons nous joindre. Cela se fera, ici encore, selon la même disposition originale, à savoir en vertu de l'article 51, renforcée par les résolutions du Conseil de sécurité que j'ai mentionnées.
En ce qui concerne les commentaires de M. Axworthy qualifiant cette mission d'initiative sans précédent, j'ignore le contexte dans lequel il a fait une telle déclaration. Le fait que les membres de la force de coalition relèvent du commandant d'un autre pays ne constitue pas un précédent. J'ai donné de nombreux exemples de situations où nous, les Canadiens, avons assuré le commandement et les Américains ont relevé de nous, ou les Britanniques ou les Hollandais, ou l'inverse, dans de nombreux théâtres d'opérations.
Nous avons relevé du commandement des Américains, du général Short, qui était responsable de la campagne aérienne à l'époque des bombardements sur la Yougoslavie, à laquelle nous avons participé. Nous avons relevé de commandants américains à l'époque de la guerre du Golfe. Il y a de nombreuses autres occasions où nous avons relevé d'autres commandants principaux de coalition. Cela n'a rien d'inhabituel.
Je tiens à préciser que les décisions concernant les opérations auxquelles nous allons participer continuent de relever du commandement du Canada. Je vais vous donner le déminage à titre d'exemple. Nous avons déterminé que c'est l'une des opérations auxquelles nous allons participer. Les Américains, de façon quotidienne, peuvent indiquer qu'aujourd'hui ils aimeraient que les Canadiens aillent déminer telle région. L'autorisation initiale pour une telle opération continue de provenir du Canada. Elle continue de relever du contrôle du Canada. Le Canada peut se retirer s'il le souhaite, mais le contrôle opérationnel quotidien serait exercé par les Américains dans le présent cas, ou par une autre force de coalition dans un autre cas. Ils ne s'adressent pas à des troupes particulières, à un caporal ou à un simple soldat pour leur demander de se rendre à tel endroit pour accomplir telle opération. Bien entendu, ils demandent au commandant de la force qui est présent sur le terrain de mener telle opération, tel jour. Cela est conforme aux conditions approuvées par le chef d'état-major de la Défense. C'est la façon dont se déroule le processus.
En ce qui concerne la Convention de Genève...
À (1055)
Le coprésident (M. David Pratt): Monsieur le ministre, je vais devoir vous arrêter.
M. Art Eggleton: Vous allez m'interrompre à nouveau. C'est la deuxième fois.
Le coprésident (M. David Pratt): En toute justice pour les députés présents, je demanderais aux députés tout d'abord de parler directement dans les micros et de poser leurs questions de façon très succincte afin que le ministre ait l'occasion d'y répondre.
Madame Wayne, vous avez la parole.
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC/RD): Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le ministre, je veux traiter des règles d'engagement. La Commission d'enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie a conclu que certains des principaux problèmes avec lesquels cette mission a été aux prises avaient trait aux règles d'engagement.
Les règles d'engagement pour nos Forces canadiennes diffèrent-elles d'une façon quelconque de celles que les Américains ont adoptées? Leur formulation est-elle identique? Convenez-vous que si nos forces sont soumises à des règles d'engagement différentes, il est possible que dans certaines circonstances, l'élément américain de la force ouvrirait le feu, ce que ne feraient pas nos troupes? Vous savez et je sais, monsieur le ministre, que si une telle situation se produit et qu'il y a un échange de tirs, ils n'ont pas le temps de retourner à Tampa en Floride pour déterminer au juste ce qu'ils doivent faire.
En d'autres mots, si l'officier supérieur américain donne à nos troupes l'ordre d'ouvrir le feu et que cet ordre va à l'encontre des règles d'engagement canadiennes, que vous attendez-vous à ce que fassent nos troupes? Refuseraient-elles l'ordre ou enfreindraient-elles les règles d'engagement qui leur sont communiquées par notre gouvernement? Quelles sont les règles d'engagement entre nous et les Américains?
M. Art Eggleton: On est en train de mettre la dernière main aux règles d'engagement, et elles seront approuvées avant le début de la mission; donc ce genre de problème ne se produira pas. Je vous ai dit en quoi consiste la mission de nos troupes canadiennes, et les règles d'engagement leur permettront d'accomplir la mission qui leur est confiée.
La mission comporte la possibilité de combat, ce qui comprend les défenses et l'utilisation d'armes à feu, et elles s'en serviront au besoin pour exécuter la mission. Comme je l'ai dit, en ce qui concerne les détails, le commandant américain sur le terrain indiquera au commandant canadien une mission ou un projet particulier à exécuter. Ce n'est pas aussi détaillé que ce à quoi vous vous attendez, mais je laisserai le chef d'état-major de la Défense préciser la suite.
Gén Raymond Henault: J'ajouterai à ce que le ministre vient de dire que lorsque nous travaillons selon les règles d'engagement, qui sont clairement des ordres à l'intention des Forces canadiennes—ce ne sont pas des instructions, ce sont des ordres qui doivent être suivis—ces règles d'engagement sont des ordres qui viennent directement de moi, en tant que délégué du gouvernement, et ces règles sont conçues en fonction du droit canadien. Les règles d'engagement s'inspirent de toute évidence des règles d'engagement élaborées dans le cas d'une coalition. Évidemment, dans le contexte de l'OTAN ou dans un contexte de coalition, on a besoin de règles d'engagement semblables, mais il y a toujours des amplifications de ces règles d'engagement qui tiennent compte du droit canadien.
Ces règles d'engagement sont extrêmement précises. Il est absolument obligatoire que les troupes apprennent les règles d'engagement avant de participer à des opérations, et il faut qu'elles se familiarisent avec ces règles. En fait, non seulement les troupes reçoivent-elles une formation à cet égard, mais elles subissent aussi des tests en fonction d'un entraînement basé sur des mises en situation, afin de déterminer leur connaissance des règles d'engagement. Pendant leur déploiement, les troupes mettent continuellement à jour ces règles et reçoivent une formation à cet égard, habituellement de façon mensuelle et parfois plus souvent. Elles ont aussi ce que l'on appelle les cartes du soldat—pour les aviateurs, ce sont les cartes de l'aviateur et ainsi de suite—, qui leur servent d'aide-mémoire, ce qui permet de s'assurer qu'ils sont constamment au courant de leurs responsabilités légales.
Je dirais que les règles d'engagement nous servent de mécanisme de contrôle qui nous permet de nous assurer que les troupes n'acceptent pas d'ordres qui sont contraires à la loi ou qui vont à l'encontre du droit canadien, et cela revêt beaucoup d'importance pour nous. Mais la seule règle d'engagement qui n'est pas une règle d'engagement, c'est le droit de légitime défense, et par conséquent nous n'incluons pas la légitime défense dans les règles d'engagement, étant donné qu'il s'agit d'un droit inhérent pour chacun de se protéger de la façon nécessaire pour sauver sa vie.
Nous avons une grande confiance dans l'élaboration des règles d'engagement. Nous procédons de façon très détaillée pour nous assurer qu'elles sont correctes avant de les signer, et nous les mettons constamment à jour au cours d'une mission. Donc je peux vous garantir que ces règles d'engagement représentent sans doute l'un des plus importants documents que nous fournissons à nos forces lorsqu'elles se déploient.
Á (1100)
Mme Elsie Wayne: Mais s'agit-il des mêmes règles d'engagement que celles qui sont en vigueur chez les Américains à l'heure actuelle? Le ministre vient de dire que vous allez à Edmonton pour saluer nos troupes avant leur départ et leur transmettre vos voeux, donc il faut que nous sachions si nos règles d'engagement sont les mêmes que celles qui s'appliquent aux troupes américaines.
Gén Raymond Henault: Les règles sont essentiellement les mêmes. La différence, c'est qu'elles ont été étoffées pour prendre en compte les restrictions qui peuvent s'appliquer en vertu du droit canadien et tout ce que cela implique du point de vue canadien. Ces étoffements sont exprimés en détail dans nos règles d'engagement, et font l'objet d'une formation, de sorte que tout le personnel sans exception en est bien imprégné.
Je peux vous dire que, lorsque j'étais à bord d'un de nos navires dans la mer d'Arabie, je me suis entretenu avec un jeune matelot de première classe qui a recours à ces règles d'engagement continuellement—il fait partie d'une équipe d'abordage. Il a été formé à ces règles d'engagement avant son déploiement et a pris part à de nombreux abordages; et ce matelot de première classe utilise sa petite carte du soldat—ou carte de la marine, si vous préférez—pour se remémorer les règles d'engagement. Ces dernières sont très semblables à celles qu'appliquent les autres membres de la coalition. Elles comportent des ajouts propres aux Forces canadiennes. Ce marin est non seulement confiant, mais il est entièrement à l'aise dans le maniement de ces règles et il sait ce qu'il peut et ne peut pas faire.
Mme Elsie Wayne: Je voulais le savoir, et je m'en suis tenue à un préambule très bref pour être sûre de pouvoir poser mes questions et d'obtenir des réponses. D'accord.
Enfin, on a constaté que, en Somalie, il y avait de nombreuses versions, comportant des incohérences, de ces cartes du soldat qui expliquent les règles d'engagement. Combien de versions ont été rédigées cette fois-ci, ou est-ce la même pour tous les soldats?
Gén Raymond Henault: Aujourd'hui, nous avons largement dépassé la Somalie.
Mme Elsie Wayne: Je sais.
Gén Raymond Henault: Nous avons tiré de nombreuses leçons de la Somalie, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous nous efforçons d'avoir des règles d'engagement au point, parce qu'il s'agit d'un document d'une importance capitale. On ne distribue qu'une seule carte du soldat par unité. Cette carte peut différer quelque peu de celle du contingent de l'OTAN, elle pourrait être légèrement différente de celle qui s'applique au volet aérien, dans le contexte d'une campagne de bombardement, par exemple, mais je puis vous assurer que la même carte du soldat est distribuée à tous nos militaires déployés sur le terrain.
Mme Elsie Wayne: Les membres du Comité des affaires étrangères et du Comité de la défense nationale pourraient-ils obtenir copie de cette carte?
Gén Raymond Henault: Les règles d'engagement sont classées secrètes, je ne peux donc vous en fournir une copie sans une autorisation précise.
Mme Elsie Wayne: Eh bien, si nos hommes et femmes en uniforme se retrouvent au combat—je parle des femmes et des hommes qui seront déployés demain—, nous voulons être certains qu'ils disposent des outils nécessaires pour faire le travail et se protéger. Pouvez-vous nous donner la certitude que c'est bien le cas?
Gén Raymond Henault: C'est bien le cas.
Mme Elsie Wayne: C'est bien le cas.
Le coprésident (M. David Pratt): Merci, madame Wayne.
Mme Elsie Wayne: Merci.
Á (1105)
Le coprésident (M. David Pratt): Monsieur Anders, vous avez la parole pour cinq minutes.
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, vous parliez « d'interdépendance ». Franchement, je trouve cela amusant. Voici une citation:
Un groupement tactique équipé de véhicules de type Coyote était jugé comme étant probablement adapté au maintien de la paix, pas nécessairement aux opérations de rétablissement de la paix. |
Cela provient du rapport du vérificateur général, et vous envoyez essentiellement nos troupes dans un théâtre d'opérations sans véhicules blindés.
En ce qui concerne le transport par hélicoptère, nous disposons d'un Sea King. Je me demande comment un Sea King et un véhicule blindé léger de type Coyote—si on le compare à un véhicule de transport blindé—peuvent servir de contrepartie dans une relation d'interdépendance. En quoi les Américains dépendent-ils de ces véhicules?
Gén Raymond Henault: L'équipement que nous déployons est propre à la mission de nos troupes.
Il faut se rappeler qu'il s'agit d'un bataillon léger. Ce qui caractérise le bataillon léger, c'est sa mobilité. C'est ce qui lui permet de se déplacer rapidement d'un endroit à un autre.
Les déplacements de nos troupes dans le théâtre seront faits de concert avec d'autres éléments de l'équipe de combat de la brigade. Le principal moyen de déplacement en Afghanistan sera l'hélicoptère ou d'autres véhicules qui nous seront fournis par nos partenaires. Les Sea King ne seront pas employés au-dessus de la terre. La mission des Sea King se fait à partir des frégates canadiennes, des destroyers et des navires ravitailleurs. Nous n'avons absolument pas l'intention de déployer les Sea King au-dessus de Kandahar ou ailleurs en Afghanistan de quelque façon que ce soit.
L'équipement et l'armement employés par nos troupes—armes légères aussi bien qu'armes antichar et autres—sont tout à fait indiqués pour ce genre de mission.
M. Rob Anders: Ce que j'essaie de dire, c'est que j'ai voyagé à bord d'un Sea King: on m'a donné toutes les directives pour m'échapper si les choses tournaient mal. Ce sont des situations effrayantes. Les équipages décrivent même la durée de flottaison d'un Sea King et ainsi de suite, tout simplement pour préparer les passagers à un écrasement éventuel. En fait, si c'est le genre d'équipement que nous envoyons, l'idée d'une «interdépendance» avec nos alliés est, ma foi, ridicule.
En fait, ce que j'essaie de faire ressortir, c'est que nous ne sommes pas envoyés en mission avec l'équipement approprié, et ce sont là deux illustrations de ce fait. De plus, nos troupes ne reçoivent pas les ressources et les fonds qu'elles méritent vraiment.
Monsieur le ministre, je vais vous poser une question dans la même veine. Le premier ministre a déclaré que les coulisses du Parlement étaient envahies par un cortège d'agents politiques qui représentent les vendeurs d'armes. Il a dit que ces agents politiques prétendent qu'ils bonifieront leurs offres s'ils ont davantage de contrats. C'est l'homme qui vous a remis en poste qui a déclaré cela, le premier ministre. Je regarde autour de moi et je vois des membres de la Conférence des associations de la défense et de la revue Esprit de Corps, et des représentants de la Légion royale canadienne, par exemple, avec qui j'ai eu des discussions pendant bon nombre d'années. Ces gens représentent-ils tous des vendeurs d'armes? Sont-ils tous des agents politiques de l'industrie de l'armement?
M. Art Eggleton: Les observations faites par le premier ministre dont vous parlez sont une indication du genre de frustration que vivent de nombreux représentants du gouvernement lorsqu'il est question de l'état de préparation, de l'équipement et de l'appui que le gouvernement consent aux troupes qu'il envoie à l'étranger. Cette frustration est le résultat d'un manque de reconnaissance de nos actions positives. Si le verre est à moitié plein, vous préférez dire qu'il est à moitié vide. Je crois que vos propos, en somme, sont souvent ridicules.
Laissez-moi vous parler du Sea King. Le breffage de sécurité que vous avez reçu en montant à bord d'un Sea King, je l'ai aussi reçu. Tout le monde le reçoit, comme on reçoit un breffage pour tout vol, qu'il soit militaire ou commercial. Chaque fois que vous montez à bord d'un vol d'Air Canada, on vous parle de mesures de sécurité. C'est une pratique courante.
Laissez-moi vous parler du Sea King par contre. Nous avons investi beaucoup d'argent pour l'améliorer, et sa performance dans le théâtre des opérations en fait foi. Je suis monté à bord d'un de ces hélicoptères pour me rendre sur un de nos navires. On les emploie quotidiennement dans le cadre de nos missions. Leur performance avec nos frégates et nos destroyers dans la région est irréprochable.
M. Rob Anders: Monsieur le ministre, très brièvement...
Le coprésident (M. David Pratt): Très rapidement, monsieur Anders. En trente secondes.
M. Rob Anders: Très bien. Pour ce qui est d'être ridicule, je terminerai sur ceci: vous prétendez que vous êtes à mettre la dernière main aux règles d'engagement—c'est ce que vous avez dit—, certaines de vos troupes ne sont-elles pas déjà sur le terrain?
M. Art Eggleton: Les troupes qui sont déjà sur le terrain font partie du groupe de reconnaissance qui vient à peine d'arriver à Kandahar, et une partie de leurs tâches consiste à évaluer la situation de sorte que nous puissions mettre la dernière main aux dispositions ou aux règles d'engagement avant que le détachement précurseur ou le gros des troupes ne s'y rendent. C'est la pratique normale.
M. Rob Anders: Vous les avez donc envoyés dans un théâtre sans que les règles soient finalisées. Vous l'admettez.
M. Art Eggleton: Ils ne sont pas engagés dans... ils ne font pas partie de la mission qui doit se dérouler. N'essayez pas de travestir les faits.
Le coprésident (M. David Pratt): Monsieur Bachand, la parole est à vous.
[Français]
M. Claude Bachand: Merci, monsieur le président.
Il y a beaucoup de gens qui disent qu'avec tous les engagements actuels de l'armée canadienne, les capacités de cette armée sont étirées à leur limite. On a déjà à peu près 2 000 soldats en Bosnie. Il y en a 2 000 qui sont sur les navires qui ont été envoyés en Afghanistan et il s'en ajoute maintenant 750 autres. Beaucoup de contribuables me demandent instamment de poser cette question. Est-ce que l'armée canadienne, au moment où on se parle, est en mesure de répondre à tous les besoins internes? Je m'explique.
Il y a plusieurs exemples. Il y a celui du grand verglas qu'il y a eu chez nous, alors que le PPCLI est venu aider la population. Les militaires sont aussi allés aider la population lors des désastres de la rivière Rouge et du Lac-Saint-Jean. Il y a plusieurs exemples de cela.
Le contribuable est quand même fier de ce que fait l'armée canadienne. Il voit les soldats partir sur des bateaux et sur des avions pour aller dans des théâtres d'opération. Mais le contribuable se demande si l'armée canadienne serait en mesure de l'aider si jamais il y avait chez lui une inondation ou un autre désastre. Je ne parle pas seulement de l'armée de terre. Du côté maritime, peut-on dire que nos côtes sont encore aussi bien protégées alors qu'on a envoyé environ le tiers de la flotte de l'autre côté de l'océan? Peut-on dire qu'on a encore la même protection aérienne du territoire alors qu'on a envoyé certains de nos avions là-bas et que nos responsabilités au NORAD ont été augmentées à la demande des Américains?
Donc, le contribuable voit actuellement que l'armée canadienne est impliquée sur des théâtres étrangers et se demande ce qui se passera si ces opérations se poursuivent longuement. Si la capacité de l'armée reste étirée au maximum, est-ce que l'armée sera en mesure de nous aider s'il se passe quelque chose à l'interne? C'est une question légitime que les contribuables me demandent de poser.
Á (1110)
[Traduction]
M. Art Eggleton: Il ne fait pas l'ombre d'un doute que nous avons beaucoup de personnel à l'étranger, aux quatre coins du monde. Nous n'enverrons toutefois pas de forces pour un travail qu'elles ne peuvent accomplir et nous n'enverrons pas de forces si elles ont des missions en cours ici au Canada. Vous avez parlé de la tempête de verglas. À l'époque, plus de 3 000 soldats canadiens étaient en mission de soutien de la paix à l'étranger, nous avons pourtant réussi à déployer 16 000 militaires dans les rues et de nos villes et municipalités du Canada central. Même commentaire pour les exigences intérieures. Nous avons respecté ces exigences.
Ma réponse à votre question est donc oui, nous pouvons honorer nos engagements et nous le ferons.
Gén Raymond Henault: Je voudrais ajouter que bien que nous ayons un nombre important de forces déployées à l'étranger... je voudrais soulever deux choses. D'abord, la défense du Canada et la sécurité des Canadiens sont prioritaires pour le ministère et les Forces canadiennes.
[Français]
Je dirais qu'il est très important de se rappeler que nous amenons notre capacité de combat à la source pour protéger les Canadiens ici, au pays. Donc, nous faisons un double effort dans ce contexte-là.
[Traduction]
Notre capacité de combat ici au Canada demeure adéquate, et d'ailleurs, la surveillance du ciel canadien se fait de façon plus serrée depuis le 11 septembre. Nous n'avons pas déployé un seul chasseur dans un théâtre d'opérations et nous continuons donc de respecter nos engagements en vertu de l'Accord sur la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord.
Je puis donc vous assurer que notre capacité ne s'est d'aucune façon effritée. Nous avons toujours un nombre considérable de soldats sur les deux côtes ainsi que dans la force régulière et la réserve pour réagir aux événements imprévus ici au Canada.
Le coprésident (M. David Pratt): Merci monsieur Bachand.
Monsieur Price.
M. David Price (Compton--Stanstead, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai plusieurs questions, mais je serai bref.
D'abord, monsieur le ministre, vous nous avez dit que la mission durerait six mois. Avez-vous prévu une stratégie de sortie?
La première question que je voudrais poser pour faire suite à l'intervention de mon collègue parce que je crois que c'est une question importante à laquelle vous n'avez pas eu la chance de répondre. Elle a rapport aux prisonniers faits captifs, à la prison américaine, au tribunal américain ou à cette éventualité. Pourriez-vous nous en dire plus? J'y reviendrai si le temps le permet.
M. Art Eggleton: Pour ce qui est des six mois, oui, c'est la limite que nous avons fixée, et nous prévoyons quitter la région lorsqu'elle aura expiré. Nous réévaluerons cette limite pour savoir s'il faut la prolonger à ce moment-là. Le cas échéant, nous procéderons à une rotation. À l'heure actuelle, nous ne l'envisageons pas, et à ma connaissance, les Américains non plus. Nous voulons accomplir cette mission dans le délai prescrit. Par contre, nous verrons comment les choses se dérouleront.
Les Britanniques comptent terminer leur mission à Kaboul après trois mois. Vous parlez de nations qui ont étiré leur capacité à la limite; voilà un pays qui se retire après trois mois de mission. Nous arriverons à y rester pendant six mois et peut-être même les six mois suivants, mais nous déterminerons cela en temps et lieu.
Pour ce qui est des prisonniers, les troupes canadiennes ont reçu l'ordre de respecter le droit canadien et le droit international. La troisième Convention de Genève détermine, dans le cadre du droit international, ce qui s'applique aux prisonniers de guerre. La question du statut de ces prisonniers de guerre, à savoir s'ils sont de véritables prisonniers de guerre ou des combattants illégaux. La terminologie varie. Dans tous les cas, nous traiterions les gens en fonction de la Convention de Genève.
La détermination du statut de combattant devrait venir d' un tribunal compétent; c'est-à-dire savoir si cette personne est un prisonnier de guerre ou si elle est un combattant illégal. La raison de cette distinction est la suivante: les prisonniers de guerre sont généralement considérés comme des militaires, des gens qui portent un uniforme, qui font partie d'une force armée, ou d'une milice. D'autres combattants pourraient ne pas faire partie d'une de ces catégories. Toutefois, il existe des moyens légaux de traiter de ces questions par l'entremise d'un tribunal compétent.
Le Canada ne fournira pas de quartiers pénitentiaires pour les prisonniers. Les dispositions de la Convention de Genève nous permettent de remettre des prisonniers à des alliés de la coalition qui respectent aussi la Convention de Genève. Les États-Unis ont déclaré qu'ils la respectaient. Bien sûr, le Comité international de la Croix-Rouge s'assure que la Convention est respectée. Il semble que le comité a été envoyé à Guantanamo Bay, à Cuba, pour accomplir cette mission de surveillance.
Voilà où en sont les choses. Nous respecterons le droit international et le droit canadien. Permettez-moi d'ajouter qu'on me dit qu'un représentant du ministère des Affaires étrangères sera présent cet après-midi avec des avocats du ministère de la Justice qui pourront vous en dire plus long sur le plan juridique.
Á (1115)
M. David Price: Ce n'est peut-être qu'un détail, monsieur le ministre. Nous parlons d'un Canadien qui fait un prisonnier, et ce prisonnier est un prisonnier de guerre en vertu de la Convention de Genève. Voilà le point de départ. Vous avez toutefois dit qu'il pourrait être déclaré autre chose qu'un prisonnier de guerre.
M. Art Eggleton: Le traitement que nous leur réserverions serait le même. Pour ce qui est de leur traitement, nous ne ferions pas de différence selon leur statut.
M. David Price: On ne détermine leur statut que par la suite?
M. Art Eggleton: Oui. Un tribunal compétent déterminerait alors à quelle catégorie le prisonnier appartient.
M. David Price: Ai-je encore un peu de temps?
Le coprésident (M. David Pratt): Malheureusement, monsieur Price, votre temps est écoulé.
Madame McDonough, vous avez cinq minutes.
Mme Alexa McDonough: Merci, monsieur le président.
J'aimerais m'attaquer directement à la question relative à la Convention de Genève et aux prisonniers de guerre. Le ministre sait très bien que la communauté internationale s'inquiète de plus en plus du traitement réservé par les États-Unis aux prisonniers de guerre en Afghanistan et se demande si la Convention de Genève n'est pas déjà violée.
Monsieur le ministre, vous avez dit que les États-Unis considèrent qu'ils observent la Convention de Genève. Je crois que les Canadiens ont le droit de savoir si en tant que ministre de la Défense du Canada, vous êtes complètement d'accord avec les Américains qui affirment pour l'instant qu'ils respectent la Convention de Genève.
Nous ne parlons pas dans l'abstrait; en effet, nous avons envoyé des forces spéciales, des commandos en Afghanistan il y a déjà plus d'un mois. J'aimerais savoir précisément combien de prisonniers les Forces canadiennes ont capturés au cours du mois où elles ont joué ce rôle de commandos en Afghanistan et à qui elles ont remis ces prisonniers.
Á (1120)
M. Art Eggleton: Je vais répondre à la dernière question en premier lieu, car la réponse est: aucun. Nous n'avons pas capturé de prisonniers dans le cadre de nos missions. Je crois que vous faites particulièrement mention de la FOI2 qui a participé à une mission où des prisonniers ont été capturés. Elle n'a pas elle-même fait de prisonniers. N'oubliez pas qu'elle fait partie d'une force multinationale, une force opérationnelle spéciale présente dans ce secteur.
Pour ce qui est des commissions militaires, aucune n'a encore été créée par les États-Unis. Bien sûr, nous voulons savoir comment cela va se faire, le cas échéant; en tant que gouvernement, nous voulons savoir comment la question serait réglée. La Convention de Genève renferme une disposition relative aux tribunaux militaires dont le plus connu bien sûr est celui créé à la fin de la Deuxième Guerre mondiale pour juger les criminels de guerre nazis dans le cadre des procès de Nuremberg.
Je crois avoir ainsi répondu à votre question ou ai-je manqué quelque chose?
Mme Alexa McDonough: En ce qui a trait à la question concernant...
M. Art Eggleton: Est-ce que je crois qu'ils respectent la convention de Genève? Oui. Je n'ai aucune raison de croire le contraire. Nous voulons tous, y compris les États-Unis, prendre connaissance des renseignements que fournira le Comité international de la Croix-Rouge après son inspection.
Mme Alexa McDonough: Puis-je revenir à ma question antérieure? Si, à la suite de l'inspection, on constate que la convention de Genève n'est pas respectée, allez-vous retirer les troupes canadiennes de l'opération dirigée par les États-Unis à Kandahar?
M. Art Eggleton: Je ne m'attends pas à ce que le problème se pose. C'est une question hypothétique. Je vous ai dit que nous allions respecter le droit international et le droit canadien. J'ai dit aussi que les Américains entendent appliquer les mêmes lois, celles de la convention de Genève.
Mme Alexa McDonough: Mais si les observateurs, les vérificateurs, constatent qu'ils ne le font pas, allez-vous retirer les troupes canadiennes?
M. Art Eggleton: Je ne m'attends pas à ce que cela soit le cas.
Mme Alexa McDonough: Vous ne voulez pas répondre à la question.
M. Art Eggleton: Je ne m'attends pas à ce que cela soit le cas. Si nous constatons qu'il n'y a pas respect intégral de la convention, les Étast-Unis auront l'occasion de corriger la situation.
Le coprésident (M. David Pratt): Merci, madame McDonough et monsieur le ministre.
Monsieur Casey.
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC/ RD): Merci beaucoup.
J'étais en train de lire quelques articles de journaux alors que vous parliez. Il y en a un qui dit que même le premier ministre Tony Blair a invité les États-Unis à se conformer à la Convention de Genève. Or, la Maison-Blanche insiste pour dire que les détenus sont des combattants illégaux et non pas des prisonniers de guerre, et qu'ils ne sont pas visés par les accords de Genève. Le secrétaire américain de la Défense a déclaré hier soir, au réseau anglais de la SRC, que, en principe, les combattants illégaux n'ont aucun droit en vertu de la Convention de Genève.
Je ne comprends pas. Qu'est-ce qu'un combattant illégal? Sur quelles règles les Américains se fondent-ils pour remplir des avions de citoyens afghans en vue de les amener à Cuba?
M. Art Eggleton: Comme je vous l'ai dit un peu plus tôt, les combattants illégaux sont ceux qui prennent part aux hostilités sans respecter le droit des conflits armés, contrairement à ceux qui, en général, font partie des forces armées régulières ou des milices, qui portent habituellement l'uniforme, mais pas toujours. Je crois que lorsque vous recevrez les avocats—et je ne suis pas avocat...
M. Bill Casey: Moi non plus.
Á (1125)
M. Art Eggleton: ... les avocats du ministère de la Justice, un peu plus tard cet après-midi, ils pourront mieux vous informer au sujet de ce genre de détails. Je dois vous dire toutefois que toutes ces questions doivent être pleinement comprises et réglées avant que nous ne nous retrouvions dans le théâtre des opérations.
M. Bill Casey: Un peu plus tôt, le chef d'état-major a déclaré que nos soldats ont des responsabilités juridiques, mais il a également fait mention des ramifications à la loi canadienne et du fait que nous devons la respecter. Quelle loi permet à un autre pays de déplacer des gens vers un pays tiers? Cela veut-il dire que n'importe quel pays, dans la mesure où il considère que des gens prennent part à des conflits armés, peut intervenir et envoyer des avions pleins de ces personnes vers un pays tiers? Sur quelle loi nous appuyons-nous ici? S'agit-il du droit international? Il ne s'agit pas de la Convention de Genève; de quoi s'agit-il?
M. Art Eggleton: Rien dans la loi canadienne ne nous empêche de remettre un prisonnier à un pays allié et, à ce moment-là, c'est le droit international qui l'emporte. La classification de ces prisonniers pourrait faire l'objet de discussions, s'agit-il de combattants illégaux ou de prisonniers de guerre; cela serait décidé par un tribunal compétent.
M. Bill Casey: J'ai une dernière question. S'ils ne sont pas des prisonniers de guerre, il faut suivre un processus d'extradition. Or, il n'y a aucun processus dans le cas qui nous intéresse; ils ne font que déplacer des gens. Je dois simplement poser la question suivante: s'il y avait des combattants illégaux armés au Canada, est-ce qu'un autre pays pourrait intervenir, s'en saisir et les déplacer vers un pays tiers sans aucun processus administratif ou processus d'extradition?
M. Art Eggleton: Non.
M. Bill Casey: Comment peuvent-ils alors le faire dans ce cas-là?
M. Art Eggleton: Je vous demanderais de nouveau de poser ces questions aux avocats qui doivent venir cet après-midi. Ils se feront un plaisir de vous répondre de manière précise.
Mme Elsie Wayne: Me reste-t-il une minute? J'ai partagé une partie de mon temps.
Le coprésident (M. David Pratt): Madame Wayne, l'opposition a pratiquement disposé de 50 minutes pour poser ses questions, le gouvernement de 12 minutes seulement. J'aimerais donc passer au gouvernement, si vous me le permettez.
Monsieur Patry, vous avez la parole.
[Français]
M. Bernard Patry (Pierrefonds--Dollard, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Avec votre permission, je serai très rapide afin que mon collègue puisse aussi poser une question.
[Traduction]
Monsieur le ministre, vous avez dit que les États-Unis respectent la Convention de Genève. Le font-ils véritablement dans le cas de chaque prisonnier? En effet, dans certains pays, ils disposent d'une base où ces gens-là ne sont pas appelés prisonniers de guerre, mais simplement prisonniers, parce que les États-Unis veulent se soustraire à la Convention de Genève.
[Français]
Comme vous l'avez dit, ceux qui seront faits prisonniers sous l'autorité canadienne seront remis d'office aux autorités américaines. Ne croyez-vous que le Canada crée ainsi un très important précédent dans sa politique? Dans les faits, en remettant les prisonniers aux Américains alors qu'il sait que ces prisonniers-là ne seront pas des prisonniers de guerre, le Canada se trouve à se soustraire indirectement aux Conventions de Genève.
[Traduction]
M. Art Eggleton: Il y a deux points à considérer : le droit, c'est-à-dire le droit international et le droit canadien, et les questions de politique. Je vous ai dit quelle était la situation en ce qui concerne le droit international et le droit canadien. Je vous ai dit ce que nous comptions faire avec les prisonniers, puisque le Canada n'aura pas de centre de détention. Toutefois, nous avons toujours des obligations à respecter en vertu du droit international. Pour ce qui est des autres questions de politique, elles sont toujours à l'étude. Elles seront réglées sous peu.
Il ne faut pas oublier que le Comité international de la Croix- Rouge a reçu le mandat d'examiner les conditions de détention des prisonniers, de poser des questions au sujet des procédures suivies, de leur statut.
Par ailleurs, si nous participons à cette campagne, c'est en raison des gestes horribles qu'ont posés les terroristes, le réseau al-Qaïda, les talibans, leurs partisans. Nous voulons faire en sorte qu'ils soient traduits en justice. Nous voulons aussi faire en sorte qu'ils soient traités de façon équitable, conformément au droit international. Ce sont les principes que nous appliquons.
Le coprésident (M. David Pratt): Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Plus je vous écoute parler, plus je suis inquiet.
Ma question est la suivante : qu'arrivera-t-il si nous prenons part à une opération conjointe au cours de laquelle notre partenaire agit d'une manière que nous trouvons inacceptable? À quel point compromettons-nous notre souveraineté, notre système de valeurs, notre moralité, en disant : « Eh bien, c'est ainsi qu'ils traitent les prisonniers »?
Je ne crois pas que ce soit une question triviale, administrative ou de classification. Je crois plutôt qu'il s'agit de savoir qui nous sommes et comment nous nous comportons. La façon dont nous agissons sur la scène internationale est une expression de ce que nous sommes.
Quand je vois ces prisonniers cagoulés placés à bord d'avions pour Cuba, je me demande: accepterions-nous cela si c'étaient des troupes canadiennes qui étaient ainsi capturées? Le manque de respect pour la personne humaine... Je ne peux pas croire que les États-Unis n'ont pas déjà violé l'une ou l'autre des lois internationales en traitant ces personnes de cette façon. Tant que nous n'aurons pas réglé... Il est question ici non seulement des règles d'engagement, mais de notre participation à une mission qui nous tient à coeur. On ne peut pas tout simplement inventer une classification pour les combattants non armés. Ce sont des êtres humains. Nous devons régler cette question avant de nous engager, avant d'approuver quoi que ce soit.
Á (1130)
M. Art Eggleton: Comme je l'ai mentionné, peu importe la classification retenue, les prisonniers capturés par les Canadiens seront traités de façon acceptable, conformément à la Convention de Genève. Nous nous attendons à ce que nos alliés fassent de même. Or, si nous constatons, à un moment donné, que ce n'est pas le cas, nous avons toujours le pouvoir, en tant que pays souverain, de revoir notre participation à toute mission. Nous exerçons un contrôle total sur notre participation, et ce, en tout temps.
M. John Godfrey: Si, au bout du compte, nous n'étions pas satisfaits de la façon dont les choses se déroulent, nous nous retirerions?
M. Art Eggleton: Il s'agit là d'une question hypothétique. J'ai dit que nous exerçons un contrôle total sur l'utilisation des troupes qui participent à cette mission.
M. John Godfrey: Merci.
Le coprésident (M. David Pratt): Monsieur le ministre et général, au nom des membres du comité mixte, je tiens à vous remercier d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.
Le comité mixte spécial se réunira cet après-midi, à 13 h 30. La séance est levée.