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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 6 décembre 2001

• 1534

[Traduction]

Le président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): J'aimerais appeler les membres à la table afin que nous puissions commencer. Le quorum est maintenant atteint.

• 1535

J'ai maintenant le plaisir d'accueillir nos témoins, le colonel Allan Fenske, le colonel Dominic McAlea, et Jean Boisjoli.

Messieurs, bienvenue au Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants. Vous avez gracieusement accepté de vous joindre à nous afin de nous présenter un exposé sur le nouveau projet de loi déposé devant à la Chambre, le projet de loi C-42, la Loi sur la sécurité publique. Il s'agit d'un projet de loi qui sera présenté aux Comités du transport et de la justice, mais vous avez accepté de nous présenter les parties du projet de loi touchant la Défense nationale.

Messieurs, je vous cède maintenant la parole. Je suis convaincu que les membres auront de nombreuses questions à vous poser à la suite de vos présentations.

Le colonel Dominic McAlea (conseiller juridique adjoint (Militaire), Défense nationale et Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale): Merci beaucoup messieurs le président et membres du comité. Je suis le colonel Dominic McAlea et je suis le conseiller juridique adjoint, du Bureau du conseiller juridique du MDN et des Forces canadiennes. Mes collègues sont M. Jean Boisjoli, conseiller supérieur, également du Bureau du conseiller juridique, et le colonel Allan Fenske, le juge-avocat général adjoint—Ressources humaines, du Bureau du Juge-avocat général. Nous sommes ici pour vous expliquer la partie 10 du projet de loi C-42.

Le projet de loi C-42 est complémentaire au projet de loi C-36 et à ce qui est maintenant le projet de loi C-44, déposé devant la Chambre à la suite des événements du 11 septembre. Les modifications proposées dans la Loi sur la sécurité publique aideront le gouvernement du Canada ainsi que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes à accroître leur capacité à protéger les Canadiens du terrorisme et de ses conséquences, en leur offrant les outils juridiques leur permettant de faire efficacement leur travail.

La première disposition porte sur la définition d'«état d'urgence». La disposition de l'article 80 du projet de loi devrait permettre de moderniser la définition du terme «état d'urgence» en y ajoutant le terme «conflit armé» afin de refléter le nouvel environnement de sécurité dans lequel nous vivons désormais.

Différentes lois définissent différemment l'état d'urgence. Dans la Loi sur la défense nationale, il est nécessaire d'avoir une référence claire aux situations de conflit armé, qui surviennent avant une déclaration de guerre ouverte, parce que plusieurs pouvoirs prévus dans la Loi sur la défense nationale afin de rendre les Forces canadiennes plus aptes à contrer les menaces terroristes sont liés à l'existence d'un état d'urgence.

Le projet de loi actualisera également les dispositions de la Loi sur la défense nationale permettant de déclarer les Forces canadiennes en service actif. Il reconnaît également l'importance de l'Accord sur la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD) comme un élément clé de la défense du pays et du continent.

En ce qui concerne le Tableau des juges militaires de réserve, ces dispositions permettront de créer le tableau afin de donner au juge militaire en chef accès aux officiers de réserve qualifiés ayant une expérience préalable à titre de juge dans le système de justice militaire. En établissant ce mécanisme réglementaire permettant d'augmenter le corps judiciaire militaire, le projet de loi permet de réagir aux changements soudains du nombre de réservistes en service permanent à temps plein, aux changements de rythme opérationnel ou à la mobilisation des réservistes.

En plus de répondre aux besoins des Forces canadiennes en période d'engagements opérationnels accrus, cette disposition est aussi avantageuse lorsque des demandes concurrentielles ou des conflits restreignent de façon importante la disponibilité des juges militaires. Si la nomination de juges additionnels à temps plein est une solution possible en vertu de la Loi sur la Défense nationale, elle n'est pas pratique pour traiter les augmentations temporaires ou à court terme de la demande.

Les modifications à la Loi sur la défense nationale proposées dans le projet de loi C-42 donnent également le pouvoir de créer des zones de sécurité militaire temporaires afin de protéger les Forces canadiennes et les membres des forces étrangères présentes au pays ainsi que l'équipement situés à l'extérieur des établissements de la Défense. Des zones de sécurité militaires peuvent aussi être établies afin de protéger des biens, lieux et objets que les Forces canadiennes ont reçu instruction de protéger.

• 1540

Ce projet de loi établit clairement les restrictions auxquelles le ministre sera soumis au moment de créer une zone de sécurité militaire. La création d'une telle zone doit être, de l'opinion du ministre de la Défense nationale et sur la recommandation du chef d'état-major de la Défense, nécessaire pour la protection des relations internationales ou la défense ou de la sécurité nationales. Le but de la zone de sécurité militaire est d'assurer la sécurité d'une personne ou d'un objet à l'intérieur de la zone. De plus, les dimensions de la zone de sécurité ne doivent pas être plus grandes que ce qui est raisonnablement nécessaire pour assurer la sécurité de toute personne ou tout objet pour lesquels elle est crée. Enfin, la désignation de la zone de sécurité militaire ne doit pas être valide pour une période supérieure à un an, sauf si elle est renouvelée. Ces dispositions précisent les pouvoirs et les responsabilités qu'a le gouvernement fédéral de protéger les Canadiens et les intérêts canadiens.

La disposition suivante porte sur la protection des emplois. Le projet de loi comprend des mesures de protection des emplois civils pour les réservistes lorsque le gouvernement les rappelle obligatoirement en service permanent à temps plein durant une urgence, comme lors d'un conflit armé. La disposition établit un cadre en vertu duquel les employeurs civils des réservistes seront tenus de les réintégrer à la fin de la période de service obligatoire. Cette modification assure que les réservistes n'aient pas à choisir entre la perte possible de leur gagne-pain et une infraction à la loi qui exigent qu'ils servent lorsqu'ils sont appelés.

La disposition suivante porte sur la protection de la technologie de l'information. Les systèmes et les réseaux informatiques du ministère et des Forces canadiennes sont essentiels au commandement et au contrôle des Forces canadiennes. Les dispositions de ce projet de loi permettront au ministère et aux Forces canadiennes de gérer adéquatement leurs systèmes et leurs réseaux informatiques en les autorisant à s'assurer qu'ils ne sont pas utilisés d'une façon nuisible aux intérêts de la défense et qu'ils sont adéquatement protégés des intrusions et des attaques. C'est là un autre outil important pour les Forces canadiennes. Pour pouvoir assurer le commandement et le contrôle et travailler avec leurs alliés clés, les Forces canadiennes doivent avoir le pouvoir légal de protéger leurs systèmes et leurs réseaux.

La disposition suivante porte sur l'aide au pouvoir civil. Le projet de loi propose des modifications à la façon dont l'aide militaire est fournie à une province par suite d'une demande d'aide au pouvoir civil. En vertu des nouvelles dispositions, les procureurs généraux des provinces continueront de présenter leurs demandes directement au chef d'état-major de la Défense. Cependant, afin d'assurer que des demandes simultanées ou concurrentielles d'aide militaire soient gérées de façon optimale, le ministre de la Défense nationale sera autorisé à donner des instructions au chef d'état-major de la Défense. Cette disposition reconnaît la responsabilité du ministre de la Défense nationale en matière de défense nationale et exige que le ministre consulte les provinces visées.

Monsieur le président, membres du comité, cela conclut notre présentation des dispositions des modifications à la Loi de la défense nationale. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions sur la partie 10 du projet de loi C-42.

Le président: Merci beaucoup, colonel.

Monsieur Anders, avez-vous des questions?

M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Alliance canadienne): Oui. En ce qui concerne la protection des emplois prévue par ce projet de loi, j'aimerais vous demander si vous estimez... qu'il s'agisse d'employés de soutien ou de personnel ayant des responsabilités allant au-delà du soutien, selon vous—cela dépend comment on voit les choses—Je sais que certains domaines considérés comme faisant partie des Forces canadiennes sont syndiqués. Cela fera-t-il augmenter le nombre d'employés syndiqués relevant de la Défense nationale dans ce domaine général ou non?

Le colonel Allan Fenske (juge-avocat général adjoint/Ressources humaines, Bureau du juge-avocat général, ministère de la Défense nationale): Le projet de loi ne précise rien sur ce point. Le projet de loi vise la relation entre un employeur civil et un membre de la réserve lorsque celui-ci est appelé en service actif.

En ce qui concerne le lien potentiel avec une entente de syndicalisation, le projet de loi ne fait pas de distinction entre les types d'accord d'emploi qui existent entre un membre de la réserve et un employeur civil. Il couvre tous les types d'ententes. L'objectif est de fixer un plancher et d'établir certains principes de traitement minimal des réservistes qui sont—et j'insiste sur ce point—rappelés en service actif obligatoire—ce qui n'a pas été fait depuis très longtemps—et qui veulent par la suite reprendre leur travail.

M. Rob Anders: C'est bien.

• 1545

Les zones de sécurité militaire sont l'aspect le plus fascinant de ce projet de loi. Avez-vous des préoccupations quant à ces zones? Selon ce que j'ai compris, une zone peut être désignée pour une période d'un an et la désignation peut être renouvelée par la suite. Certaines personnes, entre autres des membres des médias, s'inquiètent du fait que cette disposition peut être utilisée largement par le gouvernement pour désigner certaines zones sous sa responsabilité et en faire ce qu'il veut. J'aimerais savoir si vous avez des préoccupations quant à l'abus potentiel de ce pouvoir.

Col Dominic McAlea: L'objectif des zones de sécurité militaire est de permettre aux Forces canadiennes de protéger des biens ou des personnes. Un des exemples que nous citons souvent est celui du USS Cole, le navire victime d'une attaque terroriste. Un bateau s'est approché du flanc du navire et les passagers ont fait exploser une lourde charge, causant des dommages importants au navire américain.

Nous demandons ce pouvoir afin que les Forces canadiennes puissent mieux défendre ces biens et personnes qu'elles doivent défendre en vertu de la loi. La création d'une zone tampon, dont l'accès est contrôlé, permet d'assurer une meilleure défense. C'est

J'estime que la désignation de larges surfaces ne risque pas de se produire, puisque les zones de sécurité militaires sont restreintes géographiquement. Elles ne doivent en effet pas être plus grandes que ce qui est raisonnablement nécessaire pour protéger l'objet ou la personne à protéger. Elles sont également limitées dans le temps. Elles doivent être établies afin de protéger les relations internationales ou la défense ou la sécurité nationales et ce, sur la recommandation du chef d'état-major de la Défense.

Les Forces canadiennes sont axées sur la mission. Pour cette raison, j'estime que les zones de sécurité militaire ne seront pas étendues, mais qu'elles ne couvriront que l'espace nécessaire pour l'accomplissement de la mission.

M. Rob Anders: J'ai une autre question pour vous. Supposons que le Québec vote pour la séparation. Croyez-vous que ces mesures vous permettront de patrouiller et de protéger les lignes hydroélectriques venant du nord du Québec que les Cris ont menacé de détruire en cas de séparation ou de protéger les fournitures militaires dans la province de Québec? Croyez-vous que la loi vous donne le pouvoir d'agir dans de tels cas? Si la loi ne donne pas ces pouvoirs aux Forces canadiennes, donne-t-elle au gouvernement le pouvoir de vous ordonner de protéger ces installations, même s'il ne s'agit pas réellement d'installations militaires?

Col Dominic McAlea: Je suis heureux que vous posiez cette question, puisqu'elle représente bien la perception erronée que les gens ont de la loi. La capacité de désigner une zone de sécurité militaire n'est pas accompagnée du pouvoir de déployer les Forces canadiennes. Le pouvoir de déployer les Forces canadiennes est donné par d'autres parties de la Loi sur la défense nationale, qui existent déjà depuis un certain temps. L'autorité d'aider les services de police provinciaux ou de répondre aux demandes d'aide des pouvoirs civils militaires existe depuis longtemps. Les zones de sécurité militaire sont neutres en ce qui concerne ces pouvoirs.

M. Rob Anders: Vous avez donné comme exemple le cas du USS Cole. Quelles autres situations dans l'histoire canadienne pourraient justifier le fait que le gouvernement utilise les Forces canadiennes d'une telle façon? S'agit-il d'un incident isolé, ou avez-vous d'autres exemples de situations s'étant produites au cours de notre histoire ou de situations qui pourraient potentiellement causer des problèmes?

Col Dominic McAlea: L'affaire du USS Cole et les événements du 11 septembre ont certainement été des éléments déclencheurs, mais la nature des opérations des Forces canadiennes est telle que nous devons avoir plus de souplesse. Il fut un temps où nous pouvions faire notre travail à partir des bases, mais nous devons parfois quitter ces bases. Lorsque cela se produit, l'équipement et le personnel qui nous accompagnent doivent jouir de protections juridiques clairement établies en ce qui concerne nos bases.

• 1550

Nous pourrions discuter longuement des scénarios potentiels et des objets qui doivent être protégés. Je serai heureux de le faire, si vous le voulez, mais en bref, les événements du 11 septembre nous ont forcés à examiner attentivement comment nous pouvons invoquer ces pouvoirs. C'est pourquoi nous avons demandé des éclaircissements, sous la forme du projet de loi C-42.

Le président: Merci monsieur Anders.

[Français]

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Je tiens d'abord à vous dire que, personnellement, votre présentation ne m'a rien apporté de nouveau. Il m'a semblé que vous aviez tout simplement incorporé des extraits de la loi dans votre document. Toutefois, je pense que vous êtes tous les trois des avocats. Alors, je vais surtout vous demander votre opinion juridique. Comme vous le devinez sans doute, j'ai plusieurs questions sur les zones militaires.

Dans l'article 260.1 proposé, il est dit dès le départ qu'on peut:

    ...pour assurer la sécurité de toute personne ou tout objet, créer une zone de sécurité militaire par désignation de tout ou partie d'un terrain, d'un plan d'eau,...»

Selon vous, la définition de «terrain» peut-elle légalement s'étendre, par exemple, à toute une région comme l'île de Montréal, à toute une province comme le Québec ou à tout un plan d'eau comme le fleuve Saint-Laurent? Est-ce que la notion de «terrain», qui n'est pas définie dans la loi, peut englober tout ce que je viens de vous énumérer? C'est ma première question.

Je passe à ma deuxième question. Au paragraphe (2) du même article, on lit:

    (2) Une zone de sécurité militaire peut être créée uniquement en rapport avec l'un des éléments suivants:

      a) les établissements de défense;

On ne peut contester cela. Mais une zone de sécurité militaire peut aussi être créée pour protéger:

      b) les matériels ou biens sous l'autorité de Sa Majesté du chef du Canada situés à l'extérieur d'un établissement de défense;

Selon une interprétation juridique, est-ce qu'on pourrait en arriver à étendre la zone militaire partout au Québec parce qu'il y a des boîtes à lettres du bureau de postes partout au Québec? Serait-il possible aussi de l'étendre à tout ce qui entoure les réserves autochtones puisque celles-ci sont sous l'autorité de Sa Majesté? J'ai besoin que cela soit défini plus précisément que ce ne l'est actuellement dans la loi.

La disposition se poursuit ainsi:

    c) les navires, aéronefs ou autres objets sous l'autorité de toute force étrangère légalement présente au Canada...

Je comprends cela.

Si, par exemple, George Bush vient à Kananaskis avec une escorte militaire pour assurer sa protection, est-ce que cela signifie que le ministre pourrait dire que cet endroit est maintenant une zone d'exclusion militaire, une zone de protection militaire et que tout ceux qui se trouvent dans un rayon raisonnable d'environ 10 kilomètres de cette zone militaire vont porter flan aux accusations qui sont parfaitement décrites dans la loi?

Ce sont mes trois premières questions. Je sais que mon temps est limité. Je sais qu'il y aura un deuxième et un troisième tour de questions, mais j'aurai d'autres questions portant précisément sur cette partie du problème, que je poserai à ce moment-là. J'espère que vous avez bien noté mes trois questions. J'aimerais avoir une réponse, s'il vous plaît.

Col Dominic McAlea: Merci bien, monsieur Bachand.

[Traduction]

Si je comprends bien, vous posez trois questions, à savoir si un endroit, comme une île entière, peut être désigné, si un objet comme une boîte aux lettres pourrait être désignée et si une conférence internationale, à laquelle participeraient Georges Bush et son entourage, pourrait être désignée. Je vais tenter de vous répondre, mais vous devez comprendre que ma réponse sera limitée, puisque nous ne connaissons pas tous les faits.

Nous devons tout d'abord identifier ce qui doit être protégé. S'il s'agit d'une personne, il est très difficile de voir comment une île ou une région entières pourraient être désignées zone de sécurité militaire, parce que cela sera contraire à l'exigence voulant que la zone ne soit pas plus grande que ce qu'il est raisonnablement nécessaire pour assurer la sécurité de la personne ou de l'objet à protéger.

De même, en ce qui concerne le second point, celui sur la boîte aux lettres, je ne vois pas comment nous pourrions désigner une boîte aux lettres de Postes Canada zone de sécurité militaire, parce que je ne vois pas comment un tel objet pourrait être lié à la protection des relations internationales, à la défense ou à la sécurité nationale.

• 1555

[Français]

M. Claude Bachand: Je veux apporter une précision, monsieur.

[Traduction]

Le président: Monsieur Bachand, laissez le colonel terminer son explication et vous pourrez ensuite faire vos commentaires, s'il reste du temps.

Col Dominic McAlea: Ce que j'aimerais que vous compreniez bien, c'est que ces zones ne sont pas désignées à la légère. Elles ne seront créées que lorsque le chef d'état-major de la Défense l'estimera nécessaire. Il demandera ensuite au ministre le pouvoir de créer ces zones. Le ministre insistera pour que le chef d'état- major prouve que la création de la zone est nécessaire, que la surface demandée est raisonnable, qu'il s'agit d'une demande pertinente et que la création de cette zone est nécessaire pour protéger les relations internationales, la défense ou la sécurité nationales et que la durée pour laquelle la zone doit être désignée est également raisonnable. En vous expliquant tout cela, je veux vous prouver qu'il est peu probable que des objets inanimés soient désignés zone de sécurité militaire.

En ce qui concerne l'entourage de M. Bush et M. Bush lui-même, la décision de désigner une zone de sécurité dépendra de l'évaluation de la sécurité. Si nos sources de renseignements nous précisent qu'il existe une menace réelle contre M. Bush et son entourage, il est fort possible qu'une zone de sécurité militaire soit désignée autour de lui. S'il n'existe pas de menace, les relations internationales, la sécurité et la défense nationales ne sont pas en danger et nous demanderons pas l'établissement d'une zone de sécurité militaire, ce qui ne nous serait pas accordé de toute façon.

[Français]

Le président: Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: Vous parlez d'une zone de sécurité militaire qui ne serait pas plus grande que ce qui serait raisonnablement nécessaire. Êtes-vous capable de me définir ce qui serait raisonnablement nécessaire? Ne convenez-vous pas avec moi que c'est au ministre, sur la recommandation du chef d'état-major de l'armée canadienne, que revient la tâche de déterminer ce qui est raisonnablement nécessaire? Une fois que le ministre a établi cette zone, dans quelle mesure le simple citoyen peut-il contester ce que le ministre a décidé? C'est quand même le ministre qui décide ce qui constitue une zone raisonnablement nécessaire. Une zone raisonnablement nécessaire, ça peut être très grand. Il n'est pas nécessaire que ce soit une attaque. Il ne s'agit pas simplement qu'on veuille atteindre...

[Traduction]

Le président: Monsieur Bachand, veuillez poser votre question; le temps qui vous est alloué est déjà écoulé.

[Français]

M. Claude Bachand: D'accord, monsieur le président. Ma question est donc la suivante. Selon vous, qu'est-ce qui est raisonnablement grand?

[Traduction]

Col Dominic McAlea: Cela dépend de la nature de la menace. Si la menace provient d'un État puissant ou d'un intervenant très puissant, autre qu'un État, la zone de sécurité militaire sera plus grande que s'il s'agit d'une menace mineure. Mais c'est le ministre qui fait la désignation, sur la recommandation du chef d'état-major de la Défense.

Je crois que les dimensions des zones seront limitées, parce que nous n'avons pas les ressources pour générer et protéger des zones plus grandes que nécessaire. De même, la taille d'une zone désignée peut être revue par les tribunaux. Un tribunal pourra examiner une désignation et déterminer si elle est raisonnable ou non. Bien entendu, le ministre est aussi responsable politiquement. Il y a donc trois entités distinctes qui ont intérêt à s'assurer que les zones ne sont pas plus grandes que ce qu'il est raisonnablement nécessaire.

Le président: Merci, colonel.

Monsieur Price, vous avez sept minutes.

M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.): J'aimerais vous remercier d'être venu ici aujourd'hui, parce que j'estime que c'est important. Il ne s'agit pas d'une procédure normale, puisque le projet de loi concerne les transports, mais comme il touche certains aspects de la Loi sur la défense nationale, il est important pour nous, le Comité de la défense, de l'examiner et de le connaître, afin que nous puissions demander des ajouts, des modifications, etc. C'est pourquoi nous voulions avoir la chance de vous en parler.

• 1600

D'abord, en ce qui concerne les articles ajoutés à ce projet de loi et les modifications qui ont été apportées, d'où viennent- ils? Qui a décidé que ces articles devaient être inclus dans le projet de loi? Cela a-t-il été fait directement par la Défense nationale? Je parle des différents articles dans...

Col Allan Fenske: Je vous répondrai simplement que le ministère, par suite des événements du 11 septembre, a fait une évaluation très détaillée du bien-fondé des assises législatives de la sécurité et des différentes mesures que nous anticipons devoir prendre. Nous devons nous assurer que les Forces canadiennes sont en position de répondre aux types de menaces que nous voyons maintenant dans ce nouvel environnement. C'est le type d'évaluation auquel on s'attend du ministère, qui, cette fois, a été fait par suite des événements du 11 septembre.

M. David Price: Donc, cela a été fait dans le contexte de...

J'ai quelques questions. Dans la disposition 80, le terme «conflit armé» est ajouté à la définition d'«état d'urgence». On dit plus précisément:

    «état d'urgence»: insurrection, émeute, invasion [...]

Vous avez ensuite ajouté le terme «conflit armé» entre cette phrase et les mots «ou guerre». Je me demande simplement pourquoi vous avez ajouté «conflit armé», parce que la définition me semblait déjà assez large.

Col Allan Fenske: Je suis content que vous posiez la question. Avez-vous le formulaire disposition par disposition?

M. David Price: Oui, je l'ai avec moi.

Col Allan Fenske: Bien, parce que tout y est pratiquement expliqué.

Notre définition d'«état d'urgence»—et j'insiste sur ce point—est la définition utilisée dans la Loi sur la défense nationale et utilisée uniquement pour l'exécution de celle-ci. Je peux vous expliquer les sept endroits où cette définition est utilisée dans la loi, mais la raison pour laquelle cette définition existe est qu'elle sert de déclencheur pour plusieurs pouvoirs dont nous disposons en matière de ressources humaines. Par exemple, l'«état d'urgence» est utilisé pour placer les Forces canadiennes en service actif. Dans nos règlements, vous trouverez par exemple le terme «état d'urgence» relativement à la capacité du ministre à appeler les forces de réserve.

Si vous examinez le continuum présenté dans la définition, il y a une lacune. La définition actuelle parle de guerre, mais si vous regardez les pratiques des États et les types de conflits qui sont survenus dans notre environnement de sécurité moderne, une guerre déclarée formelle ne se produit que très rarement. Dans le cas du World Trade Center, il y a eu une attaque causant d'importants dommages, mais aucune déclaration de guerre. En vertu de la définition actuelle, il est difficile de savoir comment utiliser les pouvoirs en matière de ressources humaines. En ajoutant le terme «conflit armé», nous voulons nous assurer que nous avons couvert, sans aucun doute, tous les points du continuum et que nous pouvons utiliser ces pouvoirs.

M. David Price: C'est bien. Si vous examinez le reste de la définition, on voit les termes «réels ou appréhendés»...

Col Allan Fenske: C'est bien ça.

M. David Price: ...cela couvre donc le continuum.

En ce qui concerne l'aide au pouvoir civil, je me demande comment les choses se passaient avant et quel était le rôle du ministre. Vous faites maintenant intervenir le ministre de la Défense nationale dans le processus, comme s'il n'y était pas auparavant. Est-ce que je comprends mal cette disposition?

Col Dominic McAlea: Non, vous avez très bien compris. Le ministre ne participait pas du tout au processus auparavant, ce que nous considérons comme un problème. Le ministre est responsable des questions de défense nationale et nous craignons une situation où des demandes simultanées et concurrentielles d'aide pourraient être présentées au chef d'état-major de la Défense. Il est important que le ministre participe au processus, parce qu'il y a des répercussions politiques lorsqu'on répond d'une façon qui pourrait causer de la controverse.

• 1605

Cette disposition vise à faire participer le ministre au besoin. Si des demandes concurrentielles d'aide au pouvoir civil sont présentées et que ces demandes risquent de nuire à la capacité des Forces canadiennes à prendre d'autres actions, où s'il y a des répercussions sur la défense nationale en général, nous voulons par cette disposition reconnaître les rôles et responsabilités du ministre de la Défense nationale. Nous voulons également exiger des consultations avec les procureurs généraux touchés.

Le président: Soyez bref monsieur Price.

M. David Price: Le seul problème est qu'il n'est pas définitivement part du processus, il y a uniquement une possibilité qu'il y participe. Pourquoi ne participe-t-il pas au processus?

Col Dominic McAlea: Je ne comprends pas votre question.

M. David Price: Vos notes précisent—«le ministre de la Défense nationale serait autorisé à donner des instructions»—il ne participait pas au processus auparavant, mais maintenant il peut y prendre part au besoin. Ou participe-t-il automatiquement au processus à chaque fois?

Col Dominic McAlea: Il prendra part au processus chaque fois maintenant.

Le président: Merci monsieur Price.

Monsieur Stoffer, vous avez sept minutes.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci beaucoup, messieurs pour votre présentation.

Messieurs, la disposition 80 du projet de loi C-42 définit l'«état d'urgence» ainsi:Insurrection, émeute, invasion, conflit armé ou guerre, réels ou appréhendés. Je suis un peu confus quant à la signification du terme «appréhendés» dans cette disposition.

Col Allan Fenske: Cela représente simplement ce qui est apparent ou réel. Parfois, il est impossible de faire la différence. Parfois, les indices que vous voyez et votre jugement vous disent que cela se prépare. Le terme «appréhendé» signifie une chose qui est sur le point d'arriver.

M. Peter Stoffer: Messieurs, plusieurs personnes à l'extérieur de la Chambre des communes, dont plusieurs experts du droit et du droit civil, sont préoccupés par le fait que les projets de loi qui nous ont été présentés risquent de ne pas survivre à une contestation devant la Cour suprême. Avez-vous eu la chance, ou prendrez-vous la chance, de présenter ce que vous croyez être les définitions légales de la loi à un expert extérieur afin de voir si elles sont adéquates?

Col Dominic McAlea: Nous avons discuté longuement avec nos collègues du ministère de la Justice et plus particulièrement, avec des membres responsables de la Charte pour ce ministère.

M. Peter Stoffer: Je suis désolé, je voulais dire avec des experts de l'extérieur de la Chambre des communes.

Col Dominic McAlea: Non, nous ne l'avons pas fait.

M. Peter Stoffer: Y a-t-il une raison pour cela?

Col Allan Fenske: Ce n'est pas une chose que nous faisons habituellement. Selon le sujet, les conseillers juridiques de la Couronne viennent du ministère de la Justice et du Bureau du juge- avocat général. Ils sont responsables de donner des conseils juridiques. C'est ainsi que les choses se passent normalement.

M. Peter Stoffer: C'est compréhensible, mais en raison de la situation exceptionnelle, où des projets de loi sont traités en accéléré par la Chambre des communes—souvent en jargon juridique—je dois avouer en toute honnêteté que bon nombre de membres du Parlement ne saisissent par vraiment ce que cela signifie à long terme. Afin de calmer la curiosité des Canadiens, ne serait-il pas plus prudent d'avoir au moins pris ces mesures? Je sais que ce n'est pas courant, mais ces projets de loi ne sont pas normaux n'est-ce-pas?

• 1610

Col Allan Fenske: Monsieur Stoffer, nous sommes ici pour expliquer le projet de loi. Si le ministre ou le gouvernement veulent d'autres mécanismes de consultation ou obtenir un avis extérieur, ce n'est pas une question à laquelle nous pouvons répondre aujourd'hui.

M. Peter Stoffer: Très bien, merci.

Vous avez parlé de ce que vous considérez comme des limites raisonnables. Vous avez utilisé cette expression plusieurs fois. Bien entendu, le ministre fera toujours face à des pressions politiques en ce qui concerne la zone visée par la définition. Mais en examinant ce projet de loi, je ne peux m'empêcher de penser que Burnt Church aurait pu techniquement être transformé en une telle zone d'exclusion militaire.

Quand vous examinez la situation dans la baie Miramichi, vous pourriez techniquement, dans des limites raisonnables... Le projet de loi parle de protéger une personne ou un objet. Si vous vouliez aller plus loin, vous pourriez dire que cet objet est un homard par exemple. Afin de protéger les stocks de homards, on avait recours à la GRC et à la garde côtière auparavant—ce qui donnait d'assez bons résultats, selon ce qu'on nous a expliqué. En vertu de cette loi, une telle situation pourrait-elle être considérée comme un motif raisonnable de protéger toute la baie Miramichi et l'industrie de la pêche au homard?

Col Dominic McAlea: C'est une très bonne question et vous avez raison, ce projet de loi est écrit en jargon juridique. C'est la nature de la bête et parfois, il est difficile de lire de tels documents. Mais en lisant le projet de loi au complet, vous découvrirez que la protection du homard ne met pas en danger les relations internationales, la défense ou la sécurité nationales et ne justifie donc pas la désignation d'une zone de sécurité militaire.

Avant que le ministre ne désigne une zone de sécurité militaire, petite ou grande, nous devons satisfaire à une série d'exigences. J'estime que la protection du homard n'est pas un motif justifiant la création d'une telle zone.

M. Peter Stoffer: Mais, n'est-il pas raisonnable de présumer que si, par exemple, les employés du hangar IMP à Halifax—IMP est un sous-contractant pour les Forces canadiennes—déclenchaient la grève et que les militaires avaient besoin des articles dans ce hangar pour faire leur travail... Si ces employés bloquaient l'accès à la route... Vous pourriez bien sûr obtenir une injonction pour limiter le nombre de grévistes, mais en vertu de ce projet de loi, ne pourriez-vous pas simplement déclarer l'endroit zone de sécurité militaire? Ne pourrait-on appeler cela... la compagnie pourrait se présenter devant le Procureur général de la Nouvelle- Écosse qui pourrait ensuite demander l'aide du ministre de la Défense nationale et recommander le recours à la loi. La loi ne pourrait-elle pas être utilisée dans ce genre de situation?

Col Dominic McAlea: Tout d'abord, le procureur général d'une province ne peut demander l'aide des Forces canadiennes au pouvoir municipal que si le problème dépasse la capacité de la province à le résoudre. Lorsque le procureur général d'une province demande cette aide, il doit s'agir d'un problème très grave. Des grèves sont déclenchées régulièrement et les autorités municipales et provinciales arrivent à traiter ces situations sans problème.

En ce qui concerne la zone de sécurité militaire, plusieurs compagnies du secteur privé offrent des services aux Forces canadiennes. Le but d'une zone de sécurité militaire est de protéger le personnel et l'équipement des Forces canadiennes, le personnel et l'équipement des forces étrangères en présence au Canada et les objets que les Forces canadiennes ont eu instruction de protéger. L'exemple que vous m'avez présenté ne satisfait pas à ces critères.

Le président: Monsieur Stoffer, votre temps de parole est malheureusement écoulé.

Monsieur Anders, vous avez cinq minutes.

M. Rob Anders: Merci beaucoup monsieur le président. Je vais commencer immédiatement, afin que nous puissions continuer. Cela vous va?

J'aimerais vous parler de la disposition 82, qui traite d'«une action entreprise par le Canada aux termes de la Charte des Nations Unies». Je me demande si ce document, avant les modifications, mentionnait précisément la Charte des Nations Unies. Ma question est d'ordre général.

Col Allan Fenske: Il s'agit en fait d'une modification de nature technique qui vise à clarifier le fait que nous parlons des assises juridiques. La section visée par cette disposition plaçait les Forces canadiennes en service actif. Cela peut être fait dans bon nombre de cas.

• 1615

La nouvelle formulation amalgame la Charte des Nations Unies et d'autres instruments—et j'insiste sur le mot autres—de défense collective. La Charte des Nations Unies est un instrument de défense individuelle et collective; nous nous assurons donc que sa nature particulière est reconnue.

La deuxième conséquence de cette section—puisque nous en parlons—comme vous l'a dit mon collègue colonel McAlea dans son exposé, est de donner une certaine visibilité à NORAD et à l'Accord sur la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord. Ce sont là les seules justifications et les seules répercussions de ces modifications.

M. Rob Anders: Je vais tenter de préciser. La Charte de l'ONU était généralement incluse dans la définition auparavant, mais maintenant, elle y est mentionnée en toutes lettres.

Col Allan Fenske: Nous avons fait une distinction entre la Charte des Nations Unies et les autres ententes.

M. Rob Anders: Je comprends.

L'alinéa 260.1(2)c) de la proposition se lit comme suit:

    les navires, aéronefs ou autres objets sous l'autorité de toute force étrangère légalement présente au Canada au titre de la Loi sur les forces étrangères présentes au Canada ou à tout autre titre [...]

Si lors de leur visite au Canada par exemple, le général Suharto et son entourage avaient été visés par la Loi sur les forces étrangères présentes au Canada, cela signifie-t-il que les Forces canadiennes auraient été en charge de la situation, plutôt que la GRC, si le gouvernement avait choisi de déclarer ce secteur zone de sécurité militaire?

Col Dominic McAlea: La Loi sur les forces étrangères présentes au Canada est un véhicule qui permet au Canada de se libérer de ses obligations internationales en ce qui concerne le personnel et l'équipement des forces étrangères présentes au pays. Cette loi est invoquée le plus souvent dans le cas de nos alliés de l'OTAN. Si un navire de l'OTAN demande permission de faire escale et qu'il obtient une autorisation diplomatique, il sera visé par la Loi sur les forces étrangères présentes au Canada. C'est le genre de situation que nous visons dans l'alinéa c). Nous parlons habituellement de forces étrangères avec lesquelles nous collaborons ou qui sont nos alliées. Le groupe le plus important est l'OTAN, mais le Canada peut aussi aider plusieurs pays en développement avec des programmes militaires. Ceux-ci se retrouveront donc sur cette liste. Nous parlons donc de forces militaires alliées.

M. Rob Anders: Vous avez formulé votre réponse très précisément d'un point de vue légal. Si je comprends bien, si sa visite était pacifique, il serait visé par cette définition.

Col Dominic McAlea: C'est bien ça, mais uniquement pour les navires, avions et autres équipement sous le contrôle d'une force étrangère présente au Canada. Cet article ne vise pas les chefs d'État.

M. Rob Anders: Je comprends.

La disposition 84 et le paragraphe 260.1(10) traitent de la rémunération. Le paragraphe se lit ainsi:

    Tous dommages, pertes ou blessures subis en raison de l'exercice d'un des pouvoirs conférés par le présent article sont indemnisés sur le Trésor.

Existe-t-il une définition de l'«indemnisation»? S'agit-il d'une indemnisation selon la juste valeur marchande? Qui détermine le montant de l'indemnisation? En d'autres termes, l'indemnisation pourrait-elle couvrir uniquement une partie des coûts ou y a-t-il reconnaissance du droit de propriété, c'est-à-dire que l'indemnité couvrira la juste valeur marchande? Comment déterminez-vous le montant de l'indemnisation?

Col Dominic McAlea: La juste valeur marchande est une bonne description de l'indemnisation. L'article 257 de la Loi sur la défense nationale prévoit un processus d'indemnisation similaire pour les dommages résultant de manoeuvres des Forces canadiennes. Nous pouvons ainsi régler rapidement et efficacement les demandes d'indemnisation. Nous avons eu souvent recours à ce processus en Allemagne. Nous n'avons pas à aller devant les tribunaux et afin d'éviter les longs procès, nous réglons les demandes rapidement et efficacement d'une façon similaire au traitement des demandes d'indemnisation des accidentés du travail.

• 1620

Le président: Merci monsieur Anders.

Monsieur Bachand, vous avez je crois alloué une partie de votre temps à...

M. Claude Bachand: Non, je ne lui ai pas alloué mon temps. Je vous demande de lui donner la parole avant moi, mais je conserve mon temps de parole.

Le président: Monsieur Stoffer, comme vous devez partir bientôt, je vous donne donc la parole.

M. Peter Stoffer: Merci monsieur le président.

Je n'ai qu'une seule question. Corrigez-moi si je me trompe, mais j'ai l'impression que le ministre de la Défense nationale peut désigner n'importe quel secteur du pays zone de sécurité militaire. Je présume que si les Forces estiment que le ministre le désire, elles doivent

    protéger les biens, les endroits ou les objets qu'elles ont reçu instruction de protéger...

Le ministre peut donc lui-même envoyer les forces militaires dans un certain secteur du pays afin d'y créer une zone de sécurité militaire. Rien dans cette loi ne restreint ce pouvoir. Selon moi, c'est donner beaucoup trop de pouvoirs au ministre et c'est la raison pour laquelle j'ai présenté les exemples de Burnt Church et des employés du hangar. Si le ministre se lève un matin et décide de créer une zone de sécurité militaire dans un secteur donné, rien dans la loi ne l'en empêche.

Col Dominic McAlea: C'est une très bonne question. Je suis content que vous l'ayez posée, puisqu'il semble exister une certaine confusion sur ce point.

Les Forces canadiennes ne sont pas déployées en vertu de la désignation d'une zone de sécurité militaire. Ces zones ne sont qu'un autre outil dans l'arsenal des Forces canadiennes leur permettant d'assurer la sécurité.

Les Forces canadiennes ne sont déployées que lorsqu'une province en fait la demande, parce que le service de police provincial a demandé son aide, ou parce qu'un autre organisme ou ministère fédéral a demandé son aide. Mais ces pouvoirs sont tous traités séparément dans la Loi sur la défense nationale. Les zones de sécurité militaire n'entrent en jeu que lorsque les Forces canadiennes ont déjà été déployées. C'est un des outils qui nous permettent d'accomplir la mission qui nous a été confiée. Par exemple, nous pourrions établir une zone de sécurité militaire autour d'une centrale nucléaire afin d'empêcher des terroristes d'y entrer.

Il ne faut pas voir les zones de sécurité militaire comme un moyen de déployer les Forces canadiennes. Ce n'est pas ainsi que les choses se produisent. C'est un outil que les Forces canadiennes peuvent utiliser une fois qu'elles ont été déployées, conformément à tous les pouvoirs en vigueur.

M. Peter Stoffer: Merci monsieur le président.

Le président: Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: J'ai plusieurs questions à vous poser sur ce que vous venez de dire.

D'abord, il y a deux choses. L'aide au pouvoir civil est accordée à la demande d'une province. Je comprends ça. Dans certaines situations qu'on a vécues au Québec, que ce soit le verglas ou la crise d'Oka, la province a demandé au gouvernement l'aide de l'armée. C'est une chose.

Maintenant, la création d'une zone de sécurité militaire est une autre chose. Le ministre peut instaurer une telle zone à la recommandation du chef d'état-major, sans consulter la province. Vous me corrigerez si j'ai tort. Est-ce que le ministre peut établir lui-même une zone de sécurité militaire sans consulter la province? Je pense que oui, moi.

[Traduction]

Col Dominic McAlea: Ma réponse à la question de M. Stoffer n'était peut-être pas assez claire.

La zone de sécurité militaire doit être considérée un peu comme un camion ou un hélicoptère des Forces canadiennes. C'est un outil que les Forces canadiennes utilisent pour accomplir leur mission. Ce n'est pas le fondement en vertu duquel les Forces canadiennes sont déployées dans une province. Elles ne sont déployées dans une province qu'en vertu des pouvoirs prévus depuis longtemps dans la Loi sur la défense nationale. Le ministre ne créera pas une zone pour ensuite y envoyer les Forces canadiennes. Ce serait comme se coucher sur le lit avant de le transporter dans la chambre.

Je ne sais pas pourquoi j'ai choisi cet exemple, mais...

• 1625

Le président: Fatigué, colonel?

Des voix: Oh, oh!

Col Dominic McAlea: Il ne faut pas voir les zones comme un pouvoir de déployer les Forces canadiennes. C'est un pouvoir accordé aux Forces canadiennes une fois qu'elles sont sur place. La mission passe en premier et ensuite vient l'outil, soit la zone de sécurité militaire.

[Français]

M. Claude Bachand: Vous avez dit plus tôt que vous faisiez une distinction entre l'établissement d'une zone de sécurité militaire et le déploiement des Forces canadiennes dans cette zone. Si le ministre décide d'instaurer une zone de sécurité militaire, il faut qu'il y ait des militaires pour assurer la sécurité dans cette zone. J'imagine que l'armée va y être.

Pendant que j'ai le micro, je vais vous poser la question fondamentale que je me pose. Vous êtes tous les trois des avocats. Que dirait la Cour suprême si on lui soumettait la cause pour lui demander s'il y a un bris en ce qui concerne la Charte des droits et libertés? Vous êtes en train de nous dire tous les trois qu'il n'y a aucun problème, que le test pourrait facilement être passé et que la Cour suprême du Canada dirait que le projet de loi ne porte pas atteinte aux droits et libertés de la personne, entre autres dans le cadre de l'établissement des zones de sécurité militaire.

[Traduction]

Col Dominic McAlea: Je ne comprends pas. Est-ce une question?

M. Claude Bachand: Oui, c'est une question.

Le président: Colonel, je crois que M. Bachand demande si le projet de loi est constitutionnel ou non.

Col Dominic McAlea: Je peux vous assurer que nous avons discuté longuement avec nos collègues du ministère de la Justice qui se spécialisent dans les questions de constitutionnalité et de respect de la Charte des droits. Le projet de loi présenté ici est le fruit de ces consultations.

[Français]

M. Claude Bachand: Avez-vous des avis juridiques du ministère de la Justice et, dans l'affirmative, sont-ils accessibles aux membres du comité?

[Traduction]

Col Dominic McAlea: Nous n'avons aucun contrôle sur les dossiers du ministère de la Justice, monsieur Bachand.

[Français]

Maître Jean Boisjoli (avocat-conseil, Bureau du conseiller juridique du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes): L'avis juridique est donné au ministre, et la relation est entre le ministre et ses avocats.

M. Claude Bachand: Donc, vous ne pouvez pas nous dire que vous allez déposer l'avis juridique. Il faut demander au ministre de le faire.

Me Jean Boisjoli: Voilà.

M. Claude Bachand: Merci.

[Traduction]

Le président: Merci monsieur Bachand.

[Français]

Monsieur O'Reilly.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Merci beaucoup.

[Traduction]

Messieurs, merci d'être venus. Il s'agit là d'une demande étrange puisque le projet de loi C-42, actuellement devant la Chambre, vient d'être inscrit aujourd'hui au Feuilleton et n'a donc même pas été débattu à la Chambre. Il ne nous est pas habituel de tenir une séance d'information sur une question dont les amendements n'ont pas encore été proposés et dont les détails n'ont pas encore été débattus à la Chambre.

En examinant certaines questions posées aujourd'hui, la première qui me vienne à l'esprit est celle de savoir si vous estimez, ou non, qu'il est évident que des amendements s'imposent. Êtes-vous à la recherche de quelque chose, ou devrait-on faire des propositions maintenant que le projet de loi a été rendu public et que certains points ont été soulevés? C'est là la première question.

Col Dominic McAlea: À ce stade, je crois savoir que le ministre Collenette s'est dit ouvert aux suggestions, mais il est clair que nous n'en sommes pas encore là.

M. John O'Reilly: Je m'appuierai sur l'exemple de la zone de sécurité militaire, parce que je sais qu'il s'agit là de l'une des questions litigieuses. Je préfère toujours illustrer mes propos d'exemples. La dernière fois que je me trouvais à Halifax, j'y ai vu un porte-avions américain. Il faisait 28 étages de haut et mesurait 4,5 acres de surface. Il se trouvait en avant-port du fait de la profondeur des eaux du port, il était donc amarré à un endroit où il constituait une attraction touristique. De fait, quand j'y étais quelqu'un y avait perdu la vie parce qu'il était tombé, ou quelque chose comme ça. Mais je me souviens qu'en regardant la chose je m'étais posé la question de savoir comment peut-on s'attendre à être protégé en pénétrant dans un port et en se transformant en attraction touristique, uniquement du fait de sa présence. Bien sûr, le USS Cole illustre bien ce qui arrive lorsqu'une nation alliée se rend à un endroit qui ne dispose pas d'une zone de sécurité militaire sûre.

• 1630

À l'examen de cette question, quelle doit être la taille de la zone de sécurité militaire? S'agirait-il de tout le port en l'occurrence, c'est-à-dire en présence de ce bateau? Est-ce ainsi que vous l'imaginez? Y aurait-il plutôt une section bouclée autour du navire de manière que les autres bateaux ne puissent pas s'en approcher? Est-ce là un bon exemple?

Col Dominic McAlea: Tout exemple est bon si vous posez une question.

La taille de la zone sera définie en fonction du type de la menace. À n'importe quel moment, si les sources de renseignements nous disent qu'il faut s'attendre à des attaques concertées par des groupes compétents, la zone doit être élargie. S'il s'agit d'un environnement anodin, la zone peut ne pas être importante du tout, mais suffisamment pour permettre, par exemple, à un bateau patrouilleur d'intercepter toute embarcation qui se dirige vers le bateau.

M. John O'Reilly: Au sujet du rappel des réservistes et de la protection de leurs emplois, lorsque nous avons examiné la question des réservistes, ceux-ci craignaient entre autres que le rappel ne les empêche de se faire embaucher étant donné qu'un employeur éventuel saurait qu'il pourrait perdre l'employé et devrait le reprendre même si cet employé était parti pendant plus d'une année. Je pense que cela pourrait nuire à l'embauche des réservistes par les petites entreprises. Si l'employeur a le choix entre deux personnes de talent égal, il engagera probablement le candidat qui n'est pas réserviste s'il sait qu'il peut perdre le réserviste en cas de rappel et, qu'au retour de ce dernier, il serait obligé de le réaffecter à son poste. Est-ce qu'on a déjà réfléchi à ce processus?

Col Allan Fenske: Cette question est très pertinente et il s'agit là de l'une des inquiétudes dont il a fallu tenir compte en élaborant cette partie du projet de loi.

Vous n'êtes pas sans savoir, Monsieur, qu'en réalité l'expérience du ministère en matière de soutien volontaire des employeurs au rappel volontaire des réservistes est bonne.

Si vous prenez le cas de certains autres pays qui ont des lois de protection de l'emploi et qui sont allés au-delà de—et c'est là le point essentiel—de la protection dans les cas de rappel obligatoire, c'est là qu'ils ont tendance à éprouver des problèmes de désincitation des employeurs. La théorie qui sous-tend la manière dont la loi positionne le ministère veut qu'en limitant le plan aux cas de rappel obligatoire de réservistes—chose que le gouvernement ne fait pas à la légère; cela n'arrive que dans les cas très sérieux—on s'attend à ce que les employeurs reconnaissent le sérieux de la situation et la nécessité de leur soutien.

L'autre aspect de cette question, alors que ce projet de loi prend forme au cours des consultations, nous devons nous pencher sur les différentes tailles d'employeurs, sur la relation employé- employeur et sur la manière d'élaborer une définition de «l'employeur».

Le président: Merci, monsieur O'Reilly.

Monsieur Anders.

M. Rob Anders: Je voudrais poser une question concernant l'autorité pour la protection des systèmes et des réseaux informatiques contre les attaques ou la manipulation. Lorsque je visitais en compagnie de certains collègues les installations de NORAD, par exemple, théoriquement lorsque l'avion américain a été abattu en Chine, de nombreux pirates informatiques de Chine continentale ont essayé de pénétrer ou d'endommager les sites Web de NORAD.

• 1635

Je crois qu'il s'agissait là d'une tentative assez claire de menace à la sécurité nationale et qu'il faut donc pouvoir prendre les mesures nécessaires pour contrer cette tentative. Je me pose, toutefois, des questions à propos de nos pirates informatiques nationaux, des enfants, des gens qui répandent des virus informatiques, ce genre de personnes. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cet aspect particulier de fauteurs de troubles internes et sur votre façon de leur appliquer ce projet de loi.

Me Jean Boisjoli: Qu'elle vienne de l'étranger ou d'ici, la menace est la même. Nous avons essayé de rédiger cette partie de la législation de manière à établir l'équilibre entre la nécessité primordiale de protéger d'une part nos systèmes et d'autre part la nécessité de protéger les renseignements personnels.

Si vous le permettez, je voudrais parcourir certains articles pertinents, l'autorisation écrite du ministre est requise pour désigner des gens, individuellement ou au titre de leur appartenance à telle catégorie de personnes, par exemple, ces gens doivent en outre être des spécialistes qui effectuent des tâches touchant à l'exploitation, à l'entretien ou à la protection des systèmes informatiques du MDN ou des FC. Cela se limite aux systèmes informatiques, donc il ne s'agit pas d'écoute clandestine ou électronique. C'est là une autre question. Les communications privées doivent se faire en direction, par le biais ou à partir des systèmes.

De plus, avant d'autoriser de telles choses, le ministre doit s'assurer de satisfaire à cinq conditions, à savoir: que les interceptions sont utiles à la protection des systèmes et réseaux informatiques ainsi que des données qu'ils contiennent; que les renseignements ne peuvent raisonnablement pas être obtenus autrement; que le consentement de la personne ne peut pas être obtenu—ce qui en l'occurrence semble évident—; que des mesures adéquates soient adoptées en vue d'assurer l'utilisation ou la rétention des données nécessaires seulement—le concept de minimalisation de l'information; et enfin, que des mesures adéquates soient adoptées pour protéger les renseignements personnels des Canadiens.

Je voudrais ajouter que c'est actuellement à l'étude. On a demandé au Commissaire du CST de prendre en charge cette étude, il en fera rapport annuellement au Parlement, par le biais du ministre. Le Commissaire à la protection de la vie privée conserve ses prérogatives de surveillance. Ainsi, concernant vos inquiétudes à propos des enfants, la question n'est pas vraiment de poursuivre des enfants mais plutôt de contrer les menaces, d'où qu'elles viennent.

M. Rob Anders: Je voulais vous poser une question pour faire suite à votre commentaire concernant le Commissaire à la sécurité des télécommunications. Si j'ai bien compris, il sera en mesure d'examiner les activités du ministère et des Forces canadiennes pour s'assurer qu'elles sont conformes à la loi. Ma question porte sur la compétence à ce chapitre. Est-ce là une modification importante en termes de relations entre le CST et les forces armées? Le CST assume-t-il le contrôle des communications, signaux et autres dispositifs de ce type.

Me Jean Boisjoli: Non, pas du tout. Fondamentalement, le Commissaire du CST a été proposé après que nous ayons examiné trois options lors de la rédaction de cette partie. Au départ, nous avons ressenti le besoin d'instaurer un organe d'examen, nous avons donc pensé que nous pourrions avoir recours au Commissaire. Ensuite, nous avons pensé recourir à une personne nommée par le gouverneur en conseil, mais nous avons rejeté cette option vu que nous croyions qu'il ne fallait pas ajouter à la bureaucratie. Enfin, nous avons pensé au Commissaire du CST et avons opté pour cette option essentiellement parce que le Commissaire du CST dispose de l'expertise et traite déjà de questions du même ordre. Bien sûr, le projet de loi C-42 venant après le projet de loi C-36, il nous fallait instaurer une certaine harmonisation entre ces deux projets de loi tout en tenant compte du fait que cela devait convenir aux besoins des forces, à comparer au CST.

Le président: Merci, monsieur Anders.

Monsieur Provenzano.

• 1640

M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Ne pourrait-on pas dire effectivement qu'en vertu des dispositions actuelles de la Loi sur la défense nationale, qui permettent au gouverneur en conseil ou au ministre de demander aux Forces canadiennes de rendre un service public ou d'offrir une aide en matière de maintien de l'ordre, on peut effectivement instaurer un type semblable de zone de sécurité si ce service public ou ce maintien de l'ordre dictait l'établissement d'une telle zone? Si c'est le cas, ne sommes-nous pas tout simplement en train de peaufiner la législation de manière à pouvoir qualifier ce dont nous discutons de particulièrement valide, alors que cette habilitation existe déjà?

Col Allan Fenske: Monsieur Provezano, je vais cibler deux des thèmes de cette question et mon collègue en discutera également.

Le premier point que vous établissez est qu'il y a ce que je qualifierai de préliminaire à la décision de zone de sécurité, du fait qu'on a d'une façon ou d'une autre fait appel aux Forces canadiennes. Vous vous êtes appuyé sur l'article 273.6 service public de la Loi sur la défense nationale. Je dirais qu'en termes de secours en cas de catastrophe, de soutien aux pouvoirs civils et de l'article 273.6 service public, dans de pareils cas la consultation est permanente lorsque les Forces canadiennes sont déployées dans ce genre de circonstances. Je crois que c'était là le premier point.

Le deuxième point que vous soulevez—ou du moins qui me pousse à dire quelque chose—concerne l'idée qui veut que cette autorité existe peut-être déjà, jusqu'à un certain point. Ce qui arrive en partie—et je laisserai mon ami terminer cette réflexion—est que nous développons une autorité qui existe déjà en vertu de la common law. Dans cette mesure, on prend très bonne note de votre point.

Dominic, avez-vous quelque chose à ajouter?

Col Dominic McAlea: Oui, merci beaucoup.

Je souscris entièrement aux commentaires du colonel Fenske et je voudrais ajouter que je suis également d'accord avec vous. Nous discutons de quelque chose qui éclaircit et codifie plutôt que de quelque chose de nouveau.

Concernant notre disposition sur les zones de sécurité militaire, là où régnaient la confusion et l'absence de clarté, nous avons maintenant des critères auxquels nous pouvons nous référer en tant que fondement d'invocation de ces zones. Nous avons l'imputabilité, la transparence et la possibilité explicite d'un plan d'indemnisation.

M. Carmen Provenzano: Je voudrais poser une autre question. La définition de «état d'urgence»—et je crois connaître d'avance votre réponse mais j'aimerais quand même que vous me la donniez—dit:

    signifie «une insurrection, émeute, invasion, conflit armé ou une guerre, réelle ou appréhendée [...]»

Mes questions sont nées de certaines questions qui ont été posées ici. Qui «appréhende» cet état d'urgence?

Col Allan Fenske: C'est une bonne question. C'est la définition qu'en donne la Loi sur la défense nationale. C'est une définition qui sert de seuil limite à l'exercice de certains pouvoirs conférés par la Loi sur la défense nationale. La question devrait donc être, qui exerce ces pouvoirs?

Pour y répondre brièvement je prendrais l'exemple—et permettez-moi d'en citer un qui ne l'a pas encore été—où à cause d'un état d'urgence, on a décidé de prolonger les modalités d'emploi d'une personne dans le militaire, cette décision pourrait être prise à plusieurs échelons du ministère s'il s'agit d'un événement individuel. Mais si elle a des conséquences nationales, vous pouvez vous attendre à ce que le chef d'état major de la Défense, le ministre et peut-être même le gouvernement s'y impliquent.

• 1645

M. Carmen Provenzano: Je crois comprendre qu'en fin de compte, le contexte dans lequel elle serait utilisée serait celui d'une appréhension par le ministre, que ce soit suite à une recommandation ou autrement, est-ce vrai?

Col Allan Fenske: Bien que le ministre soit l'ultime responsable de la direction et de l'orientation du ministère et des Forces canadiennes, il ne fait pas tout. Cela dépendra vraiment du contexte de la décision et vu que nous traitons de la question d'état d'urgence, il est très probable qu'elle sera soulevée aux niveaux les plus élevés.

Le président: Monsieur Provenzano, je vais devoir vous interrompre. Vous avez nettement dépassé votre période.

Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: Monsieur le président, j'ai trois questions sur l'irrecevabilité d'actions pour dommages, pertes et blessures. À votre connaissance, existe-t-il des dispositions semblables dans d'autres lois canadiennes, qui interdisent à des individus, entre autres, d'intenter des actions pour des dommages, des pertes ou des blessures qu'ils ont subis lors de certaines opérations ou dans certaines situations?

Également, considérez-vous que le fait d'interdire à des citoyens de porter des actions en cour constitue une atteinte aux droits énoncés dans la Charte canadienne des droits et libertés? Qu'arrive-t-il à un citoyen ou à un commerçant qui est dans une zone de sécurité militaire, qui subit des dommages et qui n'est pas satisfait de l'indemnisation qui lui est donnée par le Trésor? Qu'est-ce qu'on fait de cet individu? Est-ce qu'on lui dit tout simplement qu'il doit renoncer à intenter quelque action que ce soit même s'il n'est pas satisfait de l'indemnisation?

En guise de conclusion, monsieur le président, je dirai qu'à mon avis personnel, ce type de projet de loi permettra toutes sortes d'intrusions dans les droits et libertés des individus. Je trouve aussi qu'il y a là un énorme danger de dérapage politique. Je trouve qu'on fait fausse route quand on va aussi loin dans la restriction des droits et libertés des individus.

C'est mon opinion personnelle et je voulais absolument qu'elle soit consignée au compte rendu. Il fallait que je le fasse à ce moment-ci.

J'apprécierais que vous répondiez à mes trois questions.

[Traduction]

Col Dominic McAlea: Si j'ai bien compris votre question, je pense que vous voulez savoir si cette proposition est en violation de la charte. Je dirais, monsieur le président, monsieur Bachand, qu'elle ne l'est pas. Il ne s'agit pas du tout d'une disposition exceptionnelle. Elle fait partie de la Loi sur la défense nationale depuis des décennies relativement à l'indemnisation accordée pour préjudice subi en cours de manoeuvres. Mais elle existe également dans plusieurs instances provinciales comme par exemple, pour l'indemnisation des accidentés du travail, qui est conçue pour assurer aux gens une rémunération prompte et efficace sans avoir à recourir au fastidieux processus judiciaire. Ainsi, bien que d'une part elle présente certainement des limitations, je vous dirais que de l'autre elle représente un gain par rapport à ses limitations.

Mon collègue a fait remarquer, à juste titre, que l'obligation d'indemniser est très claire. On peut lire dans le texte, «sont indemnisés». Nous discutons d'une norme très exigeante qui n'existe pas ailleurs, ainsi ce que vous voyez est, je pense, un juste milieu entre le droit de recours en dommages et le besoin de rémunérer les gens efficacement et effectivement pour les dédommager. Je ne pense pas que cela viole la charte. En réalité, on peut trouver des arrangements semblables à l'échelle du pays, aux deux niveaux, fédéral et provincial.

Le président: Merci, monsieur Bachand.

Monsieur Price.

M. David Price: à propos de l'article sur la «réintégration dans les emplois civils», le comité spécial du colonel John Fraser qui se déplace à travers le pays a recruté quelques entreprises qui sont disposées à adopter ce plan. Les règles de ce projet sont- elles semblables à ce qu'on avait demandé à ces entreprises? Qu'arrivera-t-il dans ce cas? Vont-ils arrêter de recruter de telles entreprises?

• 1650

Col Allan Fenske: Pas du tout. La partie VII, «réintégration dans les emplois civils», vient compléter les efforts permanents relatifs à la conformité volontaire des employeurs, selon certains indices des efforts qui semblent avoir bien réussi. En réalité, j'ai entendu beaucoup de gens le dire.

Je vais me pencher à nouveau sur ce qui doit constituer ici le point essentiel. Nous discutons du moment où nous mettons les réservistes face à la question de savoir s'ils vont perdre leur gagne pain, s'ils doivent quitter leur emploi ou s'ils doivent obéir à cet ordre. C'est là une chose que le gouvernement ne fait pas à la légère et je crois que les cinquante dernières années montrent que les différents gouvernements n'auraient pas adopté cette mesure à la légère.

Le vrai problème qui se pose est celui d'un plan qui soit bien évident, et cela, comme vous pouvez le constater à la partie VII, fera plus tard l'objet de consultations auprès des organisations et des provinces. Mais il est bien en vue, en position et prêt à servir si jamais on se retrouvait en crise.

M. David Price: Je trouve intéressant que vous y ayez traité de nombreux points, particulièrement dans le cas de quelqu'un qui se blesse et ainsi de suite. Vous avez dit qu'il faudrait que ce soit dans les quatre-vingt dix jours qui suivent le service. Peut- être que c'est là et que je ne l'ai pas vu, mais si quelqu'un revenait avec des capacités amoindries—libéré de l'hôpital mais souffrant d'invalidité permanente—qu'arrive-t-il dans ces cas? Est-ce que l'employeur est toujours dans l'obligation de l'engager?

Col Allan Fenske: Je suis très heureux que vous souleviez ce point. L'une des choses que nous nous sommes efforcés de faire a été la couverture de la période de convalescence, numéro un. Dans le texte du projet de loi, vous ne trouverez pas de principe qui traite de l'invalidité dont vous parlez. En revanche, ce qu'on peut trouver dans le projet de loi c'est des dispositions concernant plusieurs exception. Si vous examiniez la législation précédente de protection de l'emploi du Canada—en 1946 et à nouveau pour la Corée—vous trouveriez que nous avons prévu des exceptions pour les employeurs. Le principe en vertu duquel nous ne l'avons pas inscrit au projet de loi est celui de s'assurer que des consultations seront entreprises.

M. David Price: Merci.

Pour décrire votre zone de sécurité, il s'agit d'une zone de sécurité complète. Citons un exemple. Vous utilisiez précédemment des centrales nucléaires. Si vous protégez cet équipement, cela signifie que vous établiriez un périmètre de sécurité autour de l'installation, en réponse à une menace d'attaque terroriste. Est- ce qu'en l'occurrence cela vous donnerait également accès à l'intérieur de la centrale?

Col Dominic McAlea: Cela dépendrait...

M. David Price: Je sais que cela devient trop technique, mais...

Col Dominic McAlea: La zone constitue un moyen de contrôler l'accès. On le ferait soit à partir du périmètre ou juste à l'intérieur de ce périmètre. À moins d'exigence opérationnelle, je ne vois pas pourquoi les forces se trouveraient à l'intérieur.

M. David Price: S'il s'agissait d'une personne qui est protégée à l'intérieur, les forces se trouveraient naturellement à l'intérieur, parce qu'il s'agit d'un article ou d'une personne qu'elles doivent protéger.

Col Dominic McAlea: C'est juste. Évidemment, dans ce cas, si nous établissons un périmètre, nous protégeons à la fois des gens et des choses.

M. David Price: Il me reste une autre question brève. L'article 87, sur les systèmes et réseaux informatiques, stipule que l'interception des messages doit être autorisée par écrit. L'article exige une autorisation écrite pour chaque personne, cette personne est-elle jamais prévenue?

Me Jean Boisjoli: L'autorisation est donnée à la personne ou à la catégorie de personnes qui effectuent l'interception, il se peut donc qu'il ne s'agisse pas d'autorisation personnelle, elle pourrait être destinée à des personnes travaillant à cela. Donc, oui, bien sûr qu'elle le saurait.

M. David Price: Non, je n'entendais pas la personne qui reçoit mais plutôt celle qui envoie, la personne que vous surveillez.

Me Jean Boisjoli: Non, ce n'est pas utile.

M. David Price: D'accord, merci.

Le président: Monsieur Anders.

• 1655

M. Rob Anders: Je voulais donner suite à la question de M. Bachand concernant l'autorisation provinciale. Je partage son point de vue selon lequel le gouvernement fédéral est une création et une créature des provinces. Lorsqu'il s'agit d'une ingérence dans les affaires québécoises au gré d'un ministre fédéral—qui est nommé par le premier ministre—à propos de questions relevant de la voie maritime du Saint-Laurent, de Montréal ou de la Baie James et ses lignes à haute tension, j'ajoute également l'Alberta à cause de ce que je ressentirais si un ministre fédéral nommé par le premier ministre s'ingérait dans les affaires de ma province s'agissant des voies maritimes de l'Alberta, de ses puits de pétrole ou des ses pipelines. Par conséquent, je dois prendre le parti de M. Bachand sur cette question.

C'est une chose que d'avoir des installations militaires déjà en place à travers le pays, mais c'en est une autre que de donner au ministre le pouvoir d'établir des zones militaires, franchement, je ne pense pas qu'il devrait avoir les pouvoirs de le faire sans l'accord des provinces. Je ne fais qu'exprimer une pensée personnelle sur l'ensemble de la question et que pour que vous puissiez, messieurs, y réfléchir. Néanmoins, il s'agit là d'une inquiétude dont il faut se préoccuper.

Lorsque nous donnerons notre accord ou que ces pouvoirs seront conférés, nous n'avons en réalité aucune assurance qu'on n'abusera pas de ces pouvoirs. Par exemple, laissez-moi vous poser la question ainsi: Si le ministre de la Défense décidait de déclarer une zone de sécurité militaire particulière en bordure d'une voie maritime, d'un puits de pétrole ou d'un pipeline de l'Alberta, le ferait-il ou pourrait-il le faire, en dépit de la volonté du premier ministre de l'Alberta, en vertu du projet de loi actuel?

Col Dominic McAlea: En réponse à votre question concernant l'assurance qu'il n'y aurait pas d'abus de pouvoirs, je peux vous assurer que ces désignations sont soumises au contrôle judiciaire de tribunaux compétents. Si quelqu'un ou quelque instance pense qu'une désignation est illégale, elle peut avoir recours aux tribunaux qui trancheront la question. Cela signifie que la légalité suppose des évaluations de la vraisemblance telle que définie par cet article.

En ce qui concerne la voie maritime ou le pipeline, le plan veut que les zones doivent avoir un rapport avec les installations militaires actuelles, le personnel et le matériel des Forces canadiennes et des forces en visite ainsi que des choses «que les Forces canadiennes ont reçu ordre protéger». Je peux vous affirmer, monsieur Anders, qu'il est peu probable que les Forces canadiennes recevraient l'ordre de protéger un pipeline à moins que la province n'ait été consultée au préalable et à moins qu'une demande ait été faite par la province en question.

M. Rob Anders: Je dois avouer que ce que vous avez dit à propos du contrôle judiciaire ne semble pas avoir de substance si cet équipement, qui a une certaine valeur pour le peuple albertain, est déjà occupé par des troupes fédérales, plus particulièrement dans le cas de M. Bachand où cet argument est encore plus pertinent, c'est-à-dire franchement, dans le cas de la province de Québec.

Col Dominic McAlea: Je ne sais pas comment vous l'expliquer plus clairement mais je pense que le véhicule de la zone de sécurité militaire n'en est pas un en vertu duquel les Forces canadiennes se déploieraient n'importe où. Ce serait un instrument qu'elles utiliseraient une fois sur place. Elles s'y rendraient en vertu de quelque autre autorité, et le plus généralement sur invitation—pas toujours, mais en règle presque générale. Ce sont des autorités qui n'ont rien à voir avec les zones de sécurité militaire.

M. Rob Anders: D'accord, je vais vous poser cette question: Selon votre avis juridique, bien que vous pensiez que cela ne soit pas le cas généralement, cette législation peut-elle être utilisée pour envoyer des troupes fédérales au Québec ou en Alberta? Vous hochez la tête.

• 1700

Col Dominic McAlea: Ce n'est tout simplement pas le bon véhicule. C'est comme si vous placiez vos meubles sur une parcelle de terrain avant d'avoir construit votre maison. C'est le véhicule qui facilite les choses une fois qu'une décision est prise, en vertu d'une autorité distincte, de déployer des troupes.

Le président: Merci, monsieur Anders.

Monsieur Provenzano.

M. Carmen Provenzano: Tout d'abord, messieurs, merci d'avoir répondu à mes questions précédentes. Je voudrais poser deux ou peut-être trois autres questions de suivi. Pour que je puisse moi- même comprendre, j'ai vraiment besoin d'éclaircissements sur la question de «appréhendé par qui?»,dans le cas de l'urgence qui est réelle ou appréhendée.

Vous avez déjà répondu mais je voudrais ajouter qu'il s'agit là d'une question de résultat net. Est-il possible pour qui que ce soit d'autre que le ministre de déclarer l'état d'urgence, que ce soit en fonction d'une situation réelle ou d'une situation appréhendée?

Col Allan Fenske: Cette question exige que je vous donne plus de détails que je n'en ai.

M. Carmen Provenzano: Répondez-vous par oui?

Col Allan Fenske: Non, la réponse est à la fois oui et non, parce que cela dépend de l'emplacement du mot «urgence» dans la loi.

M. Carmen Provenzano: Je devrais alors vous poser l'autre question.

Col Allan Fenske: Faites.

M. Carmen Provenzano: Une appréhension équivaut à une perception subjective. Très subjective. Pourriez-vous monsieur nous dire dans votre réponse qui ferait cette détermination subjective, et comment?

Col Allan Fenske: Je peux vous assurer qu'une telle décision est une décision du gouvernement prise dans le contexte d'une urgence, mais en examinant de plus près la façon dont la loi est structurée, vous trouverez deux endroits où il n'est pas stipulé qu'il faut qu'il y ait déclaration. C'est là le point. C'est d'ailleurs comme ça depuis 1950.

Je peux vous dire qu'il n'y a pas eu d'utilisation distincte du terme «urgence» durant la guerre du Golfe. Cette question a été examinée de très près et la décision quant au traitement de ces pouvoirs en tant que pouvoirs d'urgence a relevé du gouvernement, et la réalité en était que ces pouvoirs n'ont pas été utilisés de cette façon.

Laissez-moi vous décrire deux façons dont cette définition est utilisée, cela vous permettrait peut-être de saisir ce que je dis.

M. Carmen Provenzano: Monsieur, puis-je vous poser une question sur une façon et que vous y répondiez?

Col Allan Fenske: Oh, bien sûr.

M. Carmen Provenzano: Il y a une chose, qui n'est pas près d'arriver mais, qui me pétrifie—et je n'aimerais pas qu'elle puisse arriver. En termes du siège même du gouvernement, y a-t-il une disposition législative qui exempte ou exige, par exemple, d'adopter des procédures particulières au cas où le ministre aurait le sentiment que la Colline parlementaire doit être déclarée zone de sécurité parce qu'on appréhende une invasion ou une guerre, ou autre chose?

Col Allan Fenske: Tout d'abord, il n'y a absolument pas de lien entre la définition du mot «urgence» tel qu'il est utilisé par la Loi sur la Défense nationale et les zones de sécurité militaire.

M. Carmen Provenzano: Un ministre pourrait-il déclarer cette Colline zone de sécurité? Il me faut une réponse.

Col Allan Fenske: Je crois que mon ami en a parlé à plusieurs reprises.

Dominic.

Col Dominic McAlea: Si les Forces canadiennes recevaient l'ordre de protéger ce secteur et qu'elles étaient déployées à ces fins en vertu d'une autorité distincte, cela constituerait alors l'une des options disponibles en tant qu'outil séparé de protection.

M. Carmen Provenzano: Alors, dans cette éventualité, vous pourriez limiter l'accès, en vertu des dispositions de la législation, pour assurer le contrôle total à l'intérieur de la zone de sécurité, le feriez-vous?

• 1705

Col Dominic McAlea: Juste, mais si vous le voulez bien, on protège en contrôlant qui entre. Ceux qui sont autorisés à pénétrer peuvent entrer et ceux pour lesquels des instructions ont été données de les laisser passer, peuvent entrer.

M. Carmen Provenzano: Je crois que je vous demande si vous réalisez que nous pouvons avoir ici des dispositions qui auraient effectivement le potentiel de constituer un obstacle, dans certaines circonstances, à l'accomplissement de la fonction gouvernementale. Est-ce possible?

Col Dominic McAlea: Je crois qu'il s'agirait là d'un effet inique si l'établissement de la zone de sécurité constitue un obstacle à l'accomplissement de la fonction gouvernementale. Ce n'est pas là son objectif. Celui-ci est de protéger. Si l'accès est contrôlé au point qu'il affecte les fonctions gouvernementales, cela aurait un effet contre-productif.

M. Carmen Provenzano: Mes questions visent à prévenir l'iniquité, rien de plus. Je m'inquiète du fait qu'il pourrait y avoir des situations qui exigent un traitement spécial. Il se peut que mon exemple devienne réalité. Cette Colline pourrait devenir une zone de sécurité à cause d'une perception ou d'une appréhension subjective qui veut que ce soit ainsi.

Le président: Monsieur Provenzano, en vue d'éclaircir cette question—bien que vous ayez dépassé votre période—j'imagine que la Loi sur le Parlement du Canada s'appliquerait dans ces circonstances, et l'autorité du Président de la Chambre des communes pourrait probablement...

M. Carmen Provenzano: À des moments aussi graves, je ne voudrais pas me trouver en train de discuter pour définir de quelle législation cela relève.

Le président: De toute manière, le colonel va commenter la chose brièvement et ensuite nous passerons à M. Bachand.

Col Dominic McAlea: J'ai brièvement consulté mon collègue et il me rappelle à l'évidence. En tant qu'outil du gouvernement, nous n'allons pas être utilisés d'une façon telle que nous nuisions aux affaires du gouvernement.

M. Carmen Provenzano: Vous êtes supposés devenir un outil du ministre. C'est inique...

Col Dominic McAlea: C'est là l'une des raisons qui font que les Forces canadiennes n'obéissent qu'aux ordres du chef d'état- major de la Défense, et personne d'autre.

Le président: Merci, monsieur Provenzano.

Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: Le chef d'état-major prend lui aussi ses ordres du ministre de la Défense nationale. S'il prend ses ordres du ministre de la Défense nationale et qu'il vous transmet ensuite ces ordres... Je vous avoue que c'est ce qui me fait un peu peur dans ce projet de loi. Je parle aussi comme une personne ayant vécu un peu la Loi sur les mesures de guerre. Beaucoup de gens disent que ce n'est pas comparable, mais il me semble qu'il y a un danger de manipulation politique de l'armée avec le type de projet de loi qui est devant nous.

Je vais vous donner l'exemple de la séquence qui pourrait se produire. Il pourrait y avoir une appréhension d'état d'urgence, c'est-à-dire d'une insurrection ou d'une émeute, au Québec, et le ministre pourrait dire qu'il décrète que tout le territoire du Québec est une zone de sécurité militaire. Je pense que la loi lui permet de faire ça sans en aviser le gouvernement du Québec. À ce moment-là, le ministre dirait qu'il y a des établissements de défense et des biens et du matériel de Sa Majesté au Québec et qu'il faut défendre ces biens. C'est la crainte de beaucoup de gens et c'est aussi la mienne.

Quant à moi, il y a eu une certaine manipulation politique de l'armée lors de la mise en application de la Loi sur les mesures de guerre. Je trouve que, par le biais de ce projet de loi, on établit une nouvelle formule pour essayer de procéder de la même façon. Il y a bien des gens qui vont me dire que je suis paranoïaque, mais il me semble que le ministre a tous les instruments nécessaires pour faire tout ce qu'il veut dans le scénario que je viens de vous expliquer. C'est peut-être un scénario hypothétique, mais à mon point de vue, c'est un scénario qui pourrait se produire.

[Traduction]

Le président: Monsieur Bachand, je pense que vous avez déjà traité de ce sujet précédemment mais je vais quand même laisser le colonel répondre.

[Français]

Col Allan Fenske: Monsieur Bachand, premièrement, il faut souligner que le terme «urgence» ou «emergency» est utilisé à sept endroits dans la Loi sur la défense nationale. Cela n'a absolument aucun lien avec les zones de sécurité militaire. Voici des exemples. Premièrement, dans un cas d'urgence, comme le prévoit la Loi sur la défense nationale, on peut créer une force spéciale. Une force spéciale est une force comme celle qu'on a utilisée en Corée, où on a mêlé les gens de la réserve et les gens de la force régulière. Si je ne me trompe pas, il y avait aussi quelques personnes qui étaient d'un autre élément.

• 1710

Deuxièmement, selon l'article 26 de la loi, si vous êtes enrôlé irrégulièrement comme membre de la force, dans un cas d'urgence, on peut vous garder.

Selon l'article 30, si vous êtes enrôlé et que vous arrivez au terme de votre période de service, vous pouvez quitter la force. Vous pouvez être libéré en deux semaines. Cependant, en cas d'urgence, on peut vous garder dans les Forces armées jusqu'à la fin de la situation d'urgence.

Et ça continue, monsieur Bachand.

Selon l'article 31, on peut mettre les Forces canadiennes en service actif en cas d'urgence. L'effet de cela n'est pas de rappeler en service les forces. «En service actif» veut dire qu'il y a certaines choses à faire pour les ressources humaines.

À part cela, dans la description de nos infractions, on trouve à quelques endroits la définition d'«urgence». Est-ce qu'une infraction a été commise dans un cas d'urgence? Dans un tel cas, certaines choses se passent.

Monsieur Bachand, tout cela est dans la Loi sur la défense nationale. Le mot «urgence» n'est pas utilisé dans un autre article. C'est tout. Il n'y a pas de lien entre les zones de sécurité militaire et l'urgence.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Bachand.

Colonel, étant donné que je n'ai plus de questions du côté libéral, je vais moi-même poser une question qui se rapporte encore une fois à la question des zones de sécurité militaire, plus particulièrement au texte de la loi, «de l'avis du ministre». L'un de mes collègues, Irwin Cotler, a fait quelques commentaires intéressants à propos de la norme de preuve. Dans l'état actuel des choses, la barre est placée plutôt bas. Pouvez-vous m'en donner la raison, par exemple, vous n'auriez pas utilisé une formule comme celle «de l'avis du ministre, pour des motifs raisonnables et probables», en vue d'offrir une certaine justification ou preuve pour l'établissement ou la définition des zones de sécurité militaire?

Col Dominic McAlea: Certainement. En ce qui concerne l'expression «motifs raisonnables et probables», elle est le plus souvent utilisée en droit criminel, et sert de motif pour appréhender une personne, pour porter des accusations et pour émettre un mandat de perquisition.

Vous faites remarquer, à juste titre, que la norme ici est subjective, mais je dirais que ce n'est pas problématique, à cause de toutes les balises qui existent actuellement. Cela se prête au contrôle judiciaire, et une indemnisation sera versée aux personnes qui subissent un préjudice.

Les balises qui se trouvent à d'autres paragraphes, comme celle de la taille qui doit se limiter à ce qui est raisonnablement nécessaire, peuvent être mesurées en fonction de normes objectives au cas où la définition de la zone est soumise à l'examen. Bien sûr, le ministre est responsable, au plan politique, de ses décisions et je ne pense pas avoir besoin de vous expliquer l'effet de ce processus.

Le président: Si j'ai bien compris, le contrôle judiciaire n'est pas automatique.

Col Dominic McAlea: Non, il ne l'est pas. Par exemple, dans certaines circonstances, compte tenu de leur nature délicate, nous pourrions même souhaiter éviter d'informer le public de l'établissement de la zone de sécurité. Sinon, ce serait comme si on disait aux terroristes où aller. Peut-être que nous n'avons pas suffisamment insisté sur cet aspect, mais l'objectif de l'ensemble de cet article de la loi est de permettre aux Forces canadiennes de protéger les Canadiens et de contribuer à l'effort international de guerre au terrorisme. C'est pour cette raison que nous sommes ici.

• 1715

Le président: Merci.

Il me reste une autre question à poser à propos du paragraphe proposé 260.1(6) de cette section du projet de loi, «avis». Parcourons-le:

    Dans les meilleurs délais après avoir créé une zone de sécurité militaire, il incombe au ministre d'aviser, par tout moyen qu'il juge indiqué dans les circonstances, les personnes qui, à son avis, pourraient être concernées par la création de la zone.

Il n'y a pas de limite de temps précise. De nouveau, c'est assez libre. N'êtes-vous pas d'accord ou ne croyez-vous pas qu'il vaudrait mieux resserrer cela du point de vue de ceux qui doivent le savoir, de manière à ce qu'ils soient vraiment mis au courant dans des délais précis en vue de pouvoir protéger leurs intérêts?

Col Dominic McAlea: À nouveau, c'est supposé être souple. Comme vous pouvez le constater, il offre une certaine souplesse relativement au médium par lequel l'avis est transmis. Par exemple, nous adopterions une approche qui interprète très largement la Constitution et qui exige que la désignation soit publiée dans la Gazette du Canada. Le problème est que le Canadien moyen ne sait pas comment y avoir accès et c'est pourquoi nous avons essayé d'élaborer un mécanisme souple qui permette de diffuser adéquatement un avis. Il peut s'agir de la radio locale, du journal de la région, etc.

Le président: Merci, colonel.

Madame Gallant, vous disposez de cinq minutes.

Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): À la lecture de l'article concernant le tableau des juges militaires de la réserve, en recrutant pour les réserves, on semble se préoccuper du système de justice militaire, plutôt que des nouvelles recrues, nous avons déjà examiné la question des juges. Cela ne correspond pas à ce dont nous devons nous préoccuper. Pouvez-vous me rassurer et me dire que ce tableau de juges ne couvrirait pas autre chose?

Col Dominic McAlea: Le tableau de juges est bien ce qu'il semble être. Si nous intensifions le rythme des opérations ou que nous avons une augmentation permanente du nombre de réservistes à plein-temps, il est raisonnable de prévoir également une augmentation de la demande pour la justice militaire. Ainsi, pour ne pas éprouver de retards de procès et d'administration de la justice, nous souhaitons disposer du pouvoir de faire appel à ces juges au cas où on en aurait besoin. Si on n'en a pas besoin, on ne les utilise pas.

Mme Cheryl Gallant: Comment nommera-t-on ces juges? D'où viendront-ils? Quels sera le processus pour décider qui sera juge?

Col Dominic McAlea: Il s'agirait d'officiers de réserve qui ont déjà été juges militaires. Plutôt que de payer un juge à plein- temps, il vaut mieux disposer de juges qu'on n'utilisera qu'en cas de besoin. Plutôt que de payer le plein salaire annuel, même si nous n'en avons pas besoin, nous ne payons que 1/251 du salaire annuel d'un juge, par journée d'audience.

Mme Cheryl Gallant: Ainsi le tableau ne sera utilisé que dans des circonstances de mesures disciplinaires à l'endroit de réservistes.

Col Dominic McAlea: C'est exact.

Mme Cheryl Gallant: Merci.

Col Dominic McAlea: Pour les membres des Forces canadiennes.

Le président: Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Gallant?

Mme Cheryl Gallant: Non, merci.

Le président: Merci.

Messieurs, je voudrais vous remercier d'être venus aujourd'hui. Nous allons maintenant passer à l'examen d'un autre article. En ce qui me concerne, je peux vous assurer que vos commentaires sont utiles. Je voudrais ajouter que, selon ce que m'en disent les membres ici présents, ils leurs sont également utiles. J'espère que vous considérerez ceci comme étant une répétition générale pour votre comparution devant le prochain comité.

Je vais me permettre de distribuer le procès-verbal de cette réunion aux des présidents des Comités de la justice et des transports pour qu'ils voient le type de questions qu'on vous a posées aujourd'hui. Peut-être que cela leur permettra de gagner du temps en passant à d'autres questions.

À nouveau, je vous remercie d'être venus. Vos commentaires sont appréciés.

Les membres du comité auront reçu des renseignements concernant une possibilité de voyage par le comité au cours des deux prochains mois, voyage qui se rapporte à notre étude sur l'état de préparation opérationnelle. Une note de service à cet effet aurait dû être distribuée aux membres concernant la tournée d'enquête du comité. Je voudrais ouvrir la discussion, le cas échéant, en invitant les membres à poser des questions.

• 1720

Madame Gallant.

Mme Cheryl Gallant: Notre critique principal m'a demandé de vous transmettre ses inquiétudes. Nous souhaiterions être en mesure d'accorder notre consentement unanime, mais auparavant nous devons régler la question du temps de parole de ceux qui posent des questions aux témoins. Une proposition a été déposée et il souhaiterait la voir traitée d'abord, avant qu'on ne commence à discuter du financement de voyages.

Le président: Bon, madame Gallant, J'ai beaucoup de mal à relier les questions aux témoins posées par les membres du comité et le travail que le comité entend accomplir en termes de tournées d'enquête. Bien que je comprenne la position de M. Benoit à cet égard, je ne pense pas que les deux soient liés de quelque façon. En tant que comité, nous avons la responsabilité d'enquêter sur des questions qui touchent au ministère de la Défense nationale. Cet objectif, ce mandat qu'a le comité ont préséance sur toute autre considération.

Je souhaiterais classer la période de questions des membres... Le protocole de l'interrogation a été fixé d'un commun accord par les membres du comité il y a déjà quelque temps. Nous avons déjà dit devant le comité que nous discuterions de l'allocation du temps dont les membres disposent pour poser les questions, mais j'ai beaucoup de mal à lier les deux choses. J'ai pris note de vos commentaires, cependant.

Avez-vous d'autres commentaires à ce sujet?

Mme Cheryl Gallant: Non. Il souhaiterait tout simplement savoir comment cela va se régler avant de parler de l'autre chose. Il semble qu'il y ait eu accord et que nous devons avancer et...

Le président: Bien, il n'y avait pas eu d'accord, que je sache. On était prêt à discuter de la chose, mais sûrement pas un accord.

Monsieur O'Reilly.

M. John O'Reilly: Je crois que la question est devant le comité directeur.

Le président: On me fait remarquer que la question est devant le comité directeur, et nous avons, maintenant devant ce comité, une autre question à examiner.

Avez-vous d'autres commentaires?

Mme Cheryl Gallant: Non.

Le président: Merci.

Monsieur Price.

M. David Price: Ce n'est là qu'une proposition, monsieur le président.

Je peux voir que nous devons tout d'abord nous rendre à Berlin. Je reconnais mon erreur, mais je pensais que le siège de la défense nationale allemande se trouvait encore à Bonn. Les Allemands voulaient la transférer à Berlin, mais je ne crois pas qu'ils l'aient déjà fait.

Je propose, si possible—je laisserais le soin au recherchiste de le vérifier—nous allons à Bruxelles, au SHAPE—Grand Quartier général des Puissances alliées en Europe—et ensuite quelque part près de Bonn pour visiter la Force d'intervention rapide. Après, il se pourrait que nous allions en France et puis en Angleterre. L'une des raisons qui motivent cette proposition est le fait que l'establishment français de la défense est beaucoup plus proche du nôtre.

Le président: Merci, monsieur Price.

Avez-vous des commentaires, monsieur Koerner?

M. Wolfgang Koerner (recherchiste du comité): Non, ça va.

Le président: Avons-nous une autre motion en ce moment, monsieur Price?

M. David Price: Je suis disposé à proposer que, concernant son étude sur l'état de préparation opérationnelle des Forces canadiennes, le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants soit autorisé à se rendre à Bruxelles, au SHAPE, à la Force d'intervention rapide en Allemagne, à Paris et à Londres, du 18 février au 2 mars 2002, en vue d'effectuer sa mission d'enquête sur le contre-terrorisme; qu'il s'accompagne du personnel qu'il lui faut; et que le budget de 208 332 $ proposé à cet effet soit adopté.

(Motion adoptée)

Le président: Merci, monsieur Price.

Il n'y a plus d'articles à l'étude. Sur ce, la séance est levée.

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