Passer au contenu
;

SNUD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

SPECIAL COMMITTEE ON NON-MEDICAL USE OF DRUGS

COMITÉ SPÉCIAL SUR LA CONSOMMATION NON MÉDICALE DE DROGUES OU MÉDICAMENTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 8 novembre 2001

• 1533

[Traduction]

La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): La séance est ouverte.

Conformément à l'ordre de renvoi adopté par la Chambre des communes le 17 mai 2001, nous examinons les facteurs sous-jacents ou parallèles à la consommation non médicale de drogues ou de médicaments.

Nous avons le grand plaisir de recevoir aujourd'hui comme témoin Paul Kennedy, de Solliciteur général Canada. M. Kennedy est le sous-solliciteur général adjoint principal—car il y a le sous-solliciteur général, le sous-solliciteur général adjoint et le sous-solliciteur général principal—Secteur de la police et de la sécurité. Merci beaucoup d'être venu aujourd'hui. Votre assistante est Karen Kastner.

M. Paul E. Kennedy (sous-solliciteur général adjoint principal, Secteur de la police et de la sécurité, Solliciteur général Canada): Merci.

Je sais que vous avez entendu énormément de gens et comme M. White est venu me demander qui j'étais et quels étaient mes antécédents, je crois utile de vous parler un peu de mes antécédents avant de commencer mon exposé.

• 1535

Je suis à l'emploi du gouvernement du Canada depuis 1974. J'ai passé les 25 premières années de ma carrière comme procureur au ministère de la Justice. De 1974 à 1980, j'ai été chargé des poursuites concernant les stupéfiants à Toronto et j'ai fait des centaines, sinon des milliers de poursuites, des centaines de procès avec jury et j'ai comparu devant la Cour d'appel. Mon travail portait sur des complots à grande échelle, les activités du crime organisé, les tables d'écoute et ce genre de choses. Pour ce qui est de mes activités reliées à votre examen, de 1984 à 1986, j'ai également été avocat à la Direction de la production de médicaments de Santé Canada dont faisait notamment partie à l'époque le Bureau des substances dangereuses.

Également, de 1986 à 1988, j'ai été avocat au Centre de la sécurité des télécommunications. De 1988 à 1994,j'ai été l'avocat en chef du Service canadien du renseignement de sécurité et, de 1994 à novembre 1998, j'ai été l'avocat général principal de ce que l'on appelait alors le Bureau de la stratégie canadienne antidrogue où j'étais chargé de coordonner les poursuites reliées à la drogue, au blanchiment d'argent, aux produits de la criminalité et aux autres activités de ce genre au Canada. J'assume mon poste actuel depuis novembre 1998. Je suis chargé du Secteur de la police et de la sécurité nationale dont la GRC et le SCRS font partie. Voilà donc pour mes antécédents.

Si vous le permettez, j'ai ici un mémoire assez complet, je l'espère. Comme vous l'avez dit, Karen suit les délibérations du comité depuis un certain temps et d'après les questions qui ont été soulevées, il nous a semblé utile de vous apporter certains renseignements au sujet de nos activités.

Avant de commencer, je voudrais remercier le comité pour son indulgence. Je sais que je devais venir la semaine dernière, mais des impondérables m'en ont empêché. Je vous remercie d'avoir bien voulu remettre ma comparution à aujourd'hui.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Je fais appel au Règlement.

Je veux que tout soit clair. Quand on parle du mémoire exhaustif, parle-t-on du document qu'on nous a remis ou s'il est question d'un autre document?

La présidente: Il y a un autre document, mais il n'est qu'en anglais. Celui-ci est un guide.

M. Réal Ménard: D'accord. Je trouvais qu'il ne contenait pas beaucoup d'information. Le fait qu'il y ait un autre document est parfait. Vous nous le distribuerez lorsqu'il sera traduit.

Merci.

[Traduction]

M. Paul Kennedy: Malheureusement, je dois également m'occuper du suivi des événements du 11 septembre si bien que nous ne savons pas où donner de la tête. J'ai un mémoire qui sera traduit et remis au comité. Il y a quelques autres documents que je vais également vous remettre, car je sais que votre étude va se poursuivre pendant un certain temps. Je crois que c'est en fait, à ma demande, que je comparais aujourd'hui. Ce n'est pas souvent que je demande à un comité de m'inviter à témoigner, car c'est généralement l'inverse, mais je vous remercie de me permettre de faire un exposé pour vous expliquer ce que fait le ministère du Solliciteur général, et surtout comment il complète les activités dont vous ont parlé les services correctionnels et la GRC. Je crois que Bob Lesser est venu témoigner.

Je vais vous parler du rôle que notre ministère joue dans les activités à l'échelle de l'hémisphère, les activités bilatérales et les comités nationaux. Quand je parle de l'hémisphère, il s'agit de nos activités en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et en Amérique centrale, nos activités bilatérales sont celles que nous avons avec nos collègues des États-Unis et les comités nationaux sont les structures que nous avons mis en place pour assurer la coordination au Canada, au niveau fédéral ainsi qu'avec nos collègues des provinces et des municipalités.

Comme je l'ai dit, je parlerai de la stratégie et je ne reviendrai pas sur les questions dont la GRC et le Service correctionnel du Canada vous ont déjà parlé. Je voudrais vous décrire les mécanismes qui ont été mis en place et dont je m'occupe personnellement pour promouvoir la coopération à l'échelle de l'hémisphère et du continent ainsi qu'au niveau national. Compte tenu de ce qui vous a été dit jusqu'ici, je suppose que vous voudrez vous pencher particulièrement sur la coordination et l'intégration, sur ce que font les gouvernements aux divers niveaux. Je voudrais donc situer les efforts de notre ministère dans le contexte plus général.

Comme vous le savez déjà, le solliciteur général est chargé de l'application de la loi, du Service correctionnel et de la sécurité au niveau fédéral et il est responsable devant le Parlement de quatre organismes soit la GRC, le SCRS, le Service correctionnel et la Commission des libérations conditionnelles. Le ministère conseille le solliciteur général sur l'ensemble des questions relevant de son portefeuille et nous avons essayé de faire en sorte que ces conseils stratégiques l'aident à remplir sa mission à l'égard de la sécurité publique.

• 1540

Le ministère compte deux directions qui s'occupent des questions antidrogue. La première est la Direction générale de la police et de l'application de la loi et la deuxième la Direction des politiques correctionnelles et de la recherche. Cette dernière donne des conseils sur les questions reliées aux drogues qui se rapportent aux programmes institutionnels et communautaires. Les agents de la Direction générale de la police et de l'application de la loi travaillent en collaboration étroite avec les agents des autres ministères, des forces policières et des ONG à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la politique et des règlements concernant les drogues. Ils participent aux travaux des tribunes internationales, y compris les Nations Unies, l'Organisation des États américains, le G-8 et également à nos activités bilatérales avec nos collègues des États-Unis. Ils soutiennent également le Comité national de coordination.

Je crois inutile de vous préciser que le problème de la drogue a des proportions mondiales. J'ai eu l'occasion de lire les propos de certains de vos témoins précédents qui vous ont dit la même chose. Le fait est que le monde est malheureusement confronté à ce fléau. Il est important d'en être conscient, car aucun gouvernement ou aucun pays n'est capable d'y faire face sans la collaboration des autres. Le fait que la drogue circule d'un bout à l'autre du pays et traverse quotidiennement nos frontières est une simple réalité. Nous n'avons pas de remparts et de fossés, nos frontières sont très transparentes et la drogue les traverse.

La consommation de drogues illicites semble en progression au Canada, surtout chez les jeunes. Les torts résultant de l'injection de drogues continuent à représenter un sérieux problème pour les autorités sanitaires et policières du pays, surtout dans les grandes villes. Bien entendu, nous connaissons tous le problème particulier que cela pose dans des régions comme Vancouver.

La popularité de la culture de la marijuana a pris beaucoup d'ampleur et, au cours de la dernière décennie, cette activité est passée presque entièrement aux mains du crime organisé. Il est indispensable que tous les pays joignent leurs efforts pour remédier à cette situation. Si j'en parle c'est parce que j'essaie notamment de faire jouer au Canada un rôle plus important dans l'hémisphère parce que les 34 pays de l'hémisphère doivent travailler ensemble si nous voulons réaliser des progrès. Le Canada ne peut pas s'attaquer seul à ce problème.

La Commission interaméricaine de lutte contre l'abus des drogues, connue sous son acronyme espagnol, CICAD, est une commission de l'Organisation des États américains. En fait, je dois me rendre samedi à Caracas au Venezuela où nous allons tenir notre prochaine réunion qui portera sur ces questions. La Commission est chargée de promouvoir des initiatives visant à lutter contre le fléau de la drogue dans les Amériques. Elle compte actuellement 34 membres actifs qui sont des pays d'Amérique latine et des Antilles en plus du Canada et des États-Unis. Je suis actuellement le principal délégué du Canada à la CICAD. Même si le climat est très agréable à Caracas, le taux de criminalité y est extrêmement élevé et on m'a conseillé de ne pas sortir de mon hôtel parce que c'est trop dangereux. L'année dernière, je suis allé à Port of Spain où des gardes armés m'ont accueilli à l'aéroport et m'ont conduit à mon hôtel qui était lui-même entouré de gardes armées. Ce sont des milieux très durs.

Une importante initiative de la CICAD est l'élaboration et la mise en oeuvre d'un mécanisme d'évaluation multilatéral. On l'appelle couramment le MEM. Le MEM est un instrument qui sert à évaluer les efforts antidrogue de tous les États membres et à favoriser la coopération et la collaboration entre eux. Ce n'est pas un traité, mais plutôt un moyen qui doit permettre aux pays de l'hémisphère de procéder à une évaluation sérieuse de leurs efforts. C'est un document très important pour constater l'évolution de la politique des divers pays à l'égard du problème de la drogue. Par le passé, les pays s'adressaient mutuellement des reproches en accusant les autres d'être des pays fournisseurs ou consommateurs de drogues tandis qu'eux avaient seulement la malchance de servir au transit de la drogue. Autrement dit, chacun attribuait aux autres la responsabilité de ses problèmes. Nous n'entendons plus le même son de cloche, car chaque gouvernement reconnaît qu'il a un problème.

• 1545

Les pays fournisseurs de drogues constatent l'augmentation de la consommation au sein de leur société. En plus du problème de la production, ils ont également un problème de demande. Les pays d'où émanaient la demande de produits comme la cocaïne sont maintenant des pays fournisseurs de drogues de synthèse comme la MDMA ou ecstasy et les méthamphétamines. Les pays de transit constatent le même phénomène. Chacun est impliqué et reconnaît qu'il s'agit d'un problème commun. Les divers pays doivent chercher ensemble à une solution commune et n'ont aucun intérêt à se blâmer les uns les autres. C'est un changement d'attitude crucial qui ne s'est produit que depuis deux ans environ.

Au sommet de San Diego, en 1998, les dirigeants des 34 pays ont dit qu'ils voulaient pousser plus loin la stratégie de lutte antidrogue à l'échelle de l'hémisphère élaborée en 1996 et ils ont demandé à la CICAD d'établir un mécanisme pour évaluer et renforcer les efforts individuels et collectifs qu'ils déployaient contre la drogue. Un groupe intergouvernemental a été constitué peu de temps après le sommet. Le sous-solliciteur général a alors été invité à présider le groupe de travail et c'est un poste que j'ai assumé par la suite et que j'occupe depuis deux ans.

C'est très important car l'Organisation des États américains est constituée aussi bien de pays qui ont un revenu annuel par habitant de 200 $, comme Haïti, que de pays comme les États-Unis et le Canada dont la situation financière est évidemment meilleure. Certains pays ne disposent donc pas des mêmes moyens et des mêmes capacités pour faire face à ces problèmes et s'ils ne le font pas, leurs problèmes deviennent nos problèmes.

Ce groupe de travail devait élaborer une méthode d'évaluation qui tiendrait compte des techniques utilisées, indiquerait les résultats obtenus et donnerait aux dirigeants de ce pays un tableau complet de la nature, de l'ampleur et de l'étendue du commerce de la drogue dans l'hémisphère, des mesures prises pour l'empêcher et de ses répercussions sur les divers pays.

Le MEM, qui est un instrument d'évaluation basé sur un questionnaire, a été mis au point en 1999 et évalue cinq principaux domaines. Il examine la situation dans les 34 pays en ce qui concerne leurs stratégies et plans nationaux, la prévention et le traitement, la réduction de la production de drogue, les mesures d'application de la loi et le coût de la toxicomanie. Nous nous préoccupons depuis longtemps du coût de la drogue, de ses répercussions sur la société. De nombreux pays ont de la difficulté à l'évaluer. Si vous ne pouvez pas procéder à cette évaluation, vous ne savez pas quels sont les investissements à faire dans la prévention ou la répression. Une série d'indicateurs ont été établis et ces indicateurs sont de très puissants instruments pour évaluer les résultats de chaque pays, de même que les progrès collectifs à l'échelle de l'hémisphère, grâce à des normes communes.

Il s'agit donc d'un des rares instruments disponibles pour avoir une idée complète de la situation et des mesures à prendre. Je crois que les Nations Unies effectuent une évaluation et nous avons également les évaluations annuelles que font unilatéralement les États-Unis et d'autres pays. Mais ce n'est pas la meilleure façon de procéder. Ce mécanisme d'évaluation mutuel est la meilleure solution.

À titre d'exemple, l'un des indicateurs demande aux pays d'indiquer le nombre d'opérations de saisie de drogues effectuées par chaque force policière ainsi que la quantité de drogues saisie. Cela permet de savoir si un pays prend vraiment des mesures. Je ne pense pas que ces pays hésitent à reconnaître qu'ils ont un sérieux problème de corruption. Si nous savons qu'un pays ne procède à aucune saisie et n'effectue pas de nombreuses opérations, cela veut dire qu'il a sans doute d'autres problèmes sous-jacents à résoudre. Ces indicateurs révèlent donc d'autres facteurs sociaux sous-jacents.

Également, pour évaluer les progrès du côté de la réduction de la demande, un indicateur demande aux pays s'ils ont des programmes de traitement et de réinsertion pour les toxicomanes ainsi que des programmes d'intervention précoce, d'action sociale et d'intégration sociale. La police n'a cessé de répéter que ces programmes étaient indispensables pour qu'il y ait des résultats.

Cela nous permet donc d'avoir une vue d'ensemble et pas seulement au niveau de la répression, car il faut s'occuper du marché qui a été créé. Le toxicomane va rester là et il faut le débarrasser de son accoutumance pour éliminer le problème. Il faut donc s'attaquer à tous les éléments de ce problème et c'est ce que nous cherchons à mesurer.

L'élaboration du MEM a été terminée en octobre 1998 et la première série d'évaluations a pris fin en décembre 2000. Les pays ont fourni des renseignements sur tous les aspects de leur politique de contrôle des stupéfiants et la synthèse de ces données a été publiée sous la forme de rapports nationaux et d'un rapport global des progrès réalisés dans la région. Les rapports nationaux et le rapport pour l'hémisphère ont été présentés au Sommet des Amériques à Québec. On a également adopté un plan d'action qui renouvelait l'engagement des chefs d'État envers le MEM qui est décrit comme l'un des principaux piliers d'une coopération efficace à l'échelle de l'hémisphère pour la lutte contre tous les facteurs qui contribuent au problème mondial de la drogue.

• 1550

Ces rapports sont importants, car ils contiennent une série de recommandations pour chaque pays—portant sur les mesures à prendre—et ces recommandations tiennent compte de l'état de développement et des capacités du pays en question. Cela aide les autres pays, les pays donateurs, à décider à qui ils doivent apporter une aide sur le plan juridique ou sur le plan policier. Ensuite, chaque année, on leur demandera quelles mesures ils ont prises.

Le rapport sur l'ensemble de l'hémisphère donne un aperçu général de la situation et des tendances du phénomène de la drogue et de la capacité des États à y faire face. Les principales conclusions de ce rapport était que la consommation avait augmenté tandis que l'âge moyen des consommateurs avait diminué, que de nouvelles drogues avaient fait leur apparition et le rapport parlait également de la disponibilité et de la pureté des drogues existantes.

Le crime organisé a raffiné ses méthodes. Il a davantage de pouvoir, de ressources financières et d'armes et la plupart des 34 pays n'ont pas les moyens de lutter contre lui. Les efforts ciblés sur l'interception ou la suppression de la drogue pour limiter l'approvisionnement et faire baisser la consommation ont été insuffisants et les pays ont obtenu de meilleurs résultats en déployant des stratégies globales comprenant à la fois des mesures de répression et de réduction de la demande. Les rapports demandaient donc aux États membres d'améliorer leur collecte de données, d'ajouter des analyses de la toxicomanie, de consacrer des ressources supplémentaires à la prévention et au traitement et d'accroître leur coopération avec les autres pays de l'hémisphère et le reste de la communauté internationale.

Le rapport sur le Canada donnait un aperçu général de nos problèmes de drogue et des politiques et efforts déployés pour y remédier. Il contenait une série de 14 recommandations et j'ai souligné les domaines dans lesquels certaines mesures s'imposent pour renforcer nos efforts de contrôle, par exemple sur le plan de la collecte des données et de l'analyse concernant la toxicomanie.

Je vais m'arrêter là un instant. Si vous comparez le Canada aux autres pays, nous avons un problème, mais ce n'est rien à côté de ce qui se passe dans au moins 32 des autres pays. Ces derniers ont pris conscience du problème, des mesures qu'ils peuvent prendre, des statistiques qu'ils doivent réunir, des moyens de remédier à la situation. Nous avons un problème, mais ce n'est rien par rapport à ce qui se passe dans le reste de l'hémisphère. Voilà pourquoi nous avons également une composante internationale pour rejoindre ces pays et les aider à résoudre certaines de leurs difficultés.

Pourquoi notre travail au sein de la CICAD est-il important? Il nous permet d'évaluer les stratégies des autres pays, d'évaluer nos propres mesures et de nous demander pourquoi nous devons leur accorder la priorité. Le MEM nous aide à évaluer les progrès et le contrôle des stupéfiants tout en mettant en lumière les domaines dans lesquels les pays doivent redoubler d'efforts pour lutter contre les drogues illicites. Ce document nous incite également à améliorer nos données nationales et à coordonner nos efforts avec ceux des autres ministères fédéraux.

La première évaluation est importante en ce sens qu'elle fournit des données de référence à partir desquelles nous pourrons comparer nos progrès d'une année à l'autre. Il est très difficile d'obtenir des données significatives dans ce domaine. Au Canada, c'est en 1992, je crois, que nous avons recueilli des données pour la dernière fois, bien que certains gouvernements provinciaux en aient recueillies récemment. Il est très difficile d'obtenir des données nationales uniformes. C'est donc la première fois que nous pouvons obtenir des renseignements, à l'échelle de l'hémisphère, au sujet de la quantité de cocaïne cultivée dans un pays, le nombre de saisies et l'importance des mesures prises. C'est la première fois que nous avons une base de données à partir de laquelle nous pouvons travailler.

Nous croyons donc que cela va nous aider à établir des partenariats plus solides entre les pays, entre les autorités sanitaires et les autorités policières. Comme je viens de vous le dire, il y a eu énormément de changements. Au lieu d'être sur la défensive, ces pays travaillent ensemble.

• 1555

Nous en avons eu un exemple avec le Plan Colombie. De grosses sommes d'argent ont été investies en Colombie pour s'attaquer au problème de la cocaïne qui est particulièrement grave là-bas. L'investissement ne se borne pas à éliminer la drogue. Il vise aussi l'infrastructure, la construction de routes, l'établissement de cultures de remplacement, toutes sortes de mesures pour aider les gens à cultiver autre chose que de la coca. Mais surtout, cela ne se limite pas à la Colombie, car on se rend compte qu'on ne peut pas régler le problème en Colombie sans s'occuper de toute la région, car sinon le problème de la drogue en Colombie va simplement se retrouver en Équateur ou dans un des autres pays voisins. Il faut donc aborder le problème à l'échelle régionale.

Notre succès peut parfois causer des problèmes ailleurs. Nous avons des gens qui sont venus des États-Unis cultiver le cannabis au Canada parce que nos lois sur les drogues et nos punitions sont différentes de celles des Américains. Une fois que vous traversez la frontière, la situation est différente. Nous avons vu l'héroïne se déplacer du Triangle d'or vers l'Amérique du Sud. Comme le problème se déplace, vous ne pouvez pas vous y attaquer tout seul. Il faut le faire au niveau régional ou pratiquement à l'échelle de l'hémisphère. La force du MEM réside dans l'établissement d'un système fondé sur le partage des responsabilités, un système qui se traduit par un engagement politique inéluctable de la part des plus hautes instances gouvernementales.

Comme je vous l'ai dit, nous allons examiner plusieurs choses. Il y a d'une part les mesures à l'échelle de l'hémisphère, mais aussi, bien sûr, ce que nous faisons avec nos voisins du Sud, les États-Unis. Le ministère collabore avec les États-Unis sur la question de la drogue. Nous le faisons surtout dans le contexte du Forum sur la criminalité transfrontalière Canada-États-Unis. Il s'agit d'un forum bilatéral coprésidé par le solliciteur général du Canada et le procureur général des États-Unis, qui se réunit chaque année depuis 1997. Il rassemble des représentants des forces policières et du ministère de la Justice du Canada et des États-Unis. Nous nous penchons sur des problèmes de criminalité transnationale, dans ce cas entre le Canada et les États-Unis. Bien entendu, la drogue reste au coeur des activités du crime organisé et constitue donc une des principales priorités des deux pays.

J'ai participé à ce forum depuis le début, d'abord à titre de coprésident du sous-groupe des poursuites et ensuite comme coprésident du Forum, depuis 1999. Au départ, le Forum réunissait une soixantaine de personnes et s'intéressait principalement aux provinces et aux États de l'Est, à la contrebande de tabac et d'alcool et à quelques activités du crime organisé. En 1998, il s'est élargi pour inclure la participation des autorités présentes tout le long de la frontière entre le Canada et les États-Unis. Il a mis l'accent sur des questions politiques et opérationnelles plus vastes telles que les répercussions de la criminalité transfrontalière sur les collectivités, le télémarketing frauduleux, le blanchiment d'argent, la disparition d'enfants, les crimes informatiques et autres nouvelles formes de criminalité.

Plus de 150 personnes ont participé à notre dernière réunion. Il s'agissait de représentants des divers niveaux du gouvernement fédéral canadien, des services correctionnels, des Affaires étrangères, du SCRS, des Finances pour le blanchiment d'argent, de l'environnement et de Santé Canada. Les provinces et les territoires avaient envoyé des hauts fonctionnaires de leur ministère de la Justice, des représentants des organismes spécialisés dans le crime organisé ainsi que les chefs de police de Montréal, Toronto et Vancouver. Du côté américain, nous avions des représentants du FBI, de la Drug Enforcement Agency, de la Border Patrol, des Douanes, du Procureur général, du Département d'État et d'autres services.

Il s'agit sans doute de la réunion régulière la plus complète des responsables de l'application de la loi du Canada et des États-Unis. En plus de cette réunion régulière, nous avons quatre sous-comités permanents qui se spécialisent dans des domaines comme le trafic de stupéfiants, le trafic d'étrangers et plusieurs autres sujets de ce genre. C'est donc une tribune pour coordonner les mesures d'application. Ce forum a également pour but de promouvoir des initiatives conjointes de formation et il met sur pied des groupes de travail.

Le forum a notamment entrepris une étude et la publication d'un document sur une évaluation conjointe du trafic transfrontalier de stupéfiants. C'est la première étude du genre. Comme je l'ai dit, jusqu'ici, les évaluations étaient plutôt unilatérales. Les évaluations américaines de l'entrée de drogues aux États-Unis révélaient que la drogue était un problème mondial et qu'elle entrait aussi facilement au Canada qu'aux États-Unis. Nous avons tous entendu parler de la marijuana qui passe de la Colombie-Britannique à l'État de Washington. La cocaïne, qui n'est pas un produit canadien, circule dans le sens inverse et nous arrive des États-Unis. Le trafic se fait donc dans les deux sens et voilà pourquoi c'est un problème commun qui exige des solutions communes. Ce genre de document nous aide donc à prendre des décisions stratégiques dans les deux pays.

• 1600

En plus des accords, à la suite de ces réunions nous avons légiféré pour résoudre divers types de problèmes. Par exemple, les activités concernant le télémarketing frauduleux ont entraîné des changements à notre Loi sur la concurrence et à notre Loi sur l'extradition et nous avons modifié notre Code criminel pour régler des problèmes transfrontaliers mutuels.

Nous avons également travaillé à un groupe intitulé Projet Northstar. Il s'agissait d'une initiative américaine qui s'inscrivait dans la stratégie nationale de contrôle des stupéfiants de 1998 et qui comportait une importante composante militaire. Comme cela ne correspond pas vraiment à la nature des relations Canada-États-Unis, nous l'avons modifié pour en faire un partenariat égal et la composante militaire a été remplacée par une composante policière. Des groupes d'agents d'application de la loi des deux côtés de la frontière entre le Canada et les États-Unis participent à ce projet. Nous leur avons demandé de se réunir et de nous indiquer quelles sont les tendances et les problèmes, s'il s'agit d'un problème de ressources, de lacunes législatives ou encore de tendances. Ils participent au Forum sur la criminalité transfrontalière et nous exposent leurs difficultés afin qu'en tant que décideurs politiques nous commencions à trouver des solutions pour les problèmes d'aujourd'hui et non pas ceux d'hier.

Vous avez déjà entendu parler de certains de ces modèles. Les équipes intégrées d'application de la loi à la frontière sont une initiative dont nous avons parlé au forum de 1997. Il s'agit d'une unité formée d'agents d'application de la loi des deux pays. Il y a donc la GRC, les douaniers et la police municipale et provinciale du côté canadien qui travaillent en équipe avec la DEA, le FBI, l'INS du côté américain ainsi que les douaniers pour patrouiller la frontière afin de lutter contre la criminalité dont l'une des facettes est le trafic de stupéfiants. Ce modèle nous a incités à mettre une nouvelle unité en place à la frontière entre le Nouveau-Brunswick et le Maine et une troisième unité a été annoncée cette année pour la frontière Massena-Cornwall. C'est le genre d'initiative que nous voudrions élargir afin que les deux pays collaborent pour résoudre les problèmes.

Au Canada, nous avons un certain nombre de comités que nous avons mis en place pour améliorer la coordination. Nous avons un comité directeur constitué de sous-ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux. Nous l'avons créé à la suite d'une décision rendue en octobre 1998 par les ministres de la Justice des provinces, des territoires et du gouvernement fédéral qui ont émis une déclaration conjointe au sujet du crime organisé. Ils ont demandé aux sous-ministres d'établir un comité directeur pour lutter contre ce phénomène et, bien entendu, la drogue est un important élément du crime organisé.

De plus, je préside un comité national de coordination sur le crime organisé qui regroupe des représentants de toutes les provinces, de toutes les agences fédérales d'application de la loi, de même que du ministère de la Justice et des procureurs de la Couronne. Nous formulons des stratégies pour mettre les problèmes en lumière, recueillir des données, mettre au point des techniques d'application, des ressources ou des modèles efficaces et nous en faisons part aux ministres pour les aider à s'acquitter de leurs fonctions.

Par-dessus le marché, je préside, au sein du gouvernement fédéral, un comité de sous-ministres adjoints au sein duquel environ 14 ou 15 organismes d'application de la loi coordonnent leurs activités pour voir quels sont les problèmes, où sont les lacunes et comment améliorer les résultats. En fait, ce comité s'est réuni et s'est chargé d'une partie de la coordination à la suite des événements du 11 septembre. Son champ d'action ne se limite donc pas à la drogue. Il s'occupe de tout un éventail de questions reliées à la sécurité publique.

Voilà donc ce que j'avais à vous dire. Je n'irai pas plus loin. Je crois vous avoir donné au moins un aperçu général. Dans ces trois domaines, nous avons mis en place des mécanismes qui devraient nous permettre de régler certains de ces problèmes.

La présidente: Merci. Vous nous avez fourni beaucoup de renseignements.

Nous allons commencer par M. White.

M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.

Monsieur Kennedy, merci de ces renseignements. Vous semblez dire que nous avons la situation bien en main. C'est peut-être vrai, mais j'aimerais quelques précisions à ce sujet.

Vous avez dit que nos difficultés ne se comparent pas à celles des autres et je sais que la situation est très mauvaise dans certains pays. Mais comment le savez-vous? Comment savez-vous que nos problèmes ne se comparent pas à ceux des autres?

• 1605

M. Paul Kennedy: Comme je l'ai indiqué, je suis le principal délégué du Canada à la CICAD, ce qui me permet d'obtenir, en même temps que les représentants de 34 pays, une évaluation de la nature et de l'ampleur du problème, des techniques ou des ressources dont ils disposent pour y remédier et des résultats qu'ils obtiennent. Ce problème est quand même sérieux au Canada, et je ne veux pas minimiser son importance, car il faut continuer de s'y attaquer. Ce n'est pas parce que la maison de votre voisin a brûlé et que la vôtre a seulement un peu roussi que tout va pour le mieux.

M. Randy White: Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. J'ai bien compris, mais je vous demande comment vous savez quelle est la gravité du problème au Canada. Je sais que vous êtes bien informé sur ce qui se passe dans les autres pays, mais un de nos témoins d'hier nous a dit que nous ne savions pas vraiment quelle était la situation au Canada vu que nous ne l'avions pas étudiée depuis 1994. Je me demande par conséquent comment vous savez ce qui se passe au Canada compte tenu de ce que ce chercheur nous a dit l'autre jour.

M. Paul Kennedy: J'ai dit également que nous n'avions pas de bonnes données depuis 1992, mais en réalité c'est bien depuis 1994. C'est une question de degré. D'autres pays doivent faire face à une pauvreté extrême, à l'absence de services de santé et de travailleurs sociaux, à la corruption de la police contre laquelle ils sont impuissants, et parfois même à des guerres civiles et à des groupes armés qui protègent les cultures et les sites. Nous avons des problèmes, mais ils sont beaucoup plus graves dans un certain nombre de ces pays.

M. Randy White: Mais nous avons de l'argent.

M. Paul Kennedy: Oui.

M. Randy White: Et souvent, en ce qui concerne la drogue, j'ai l'impression que le problème est plus grave quand vous avez de l'argent, car vous pouvez vous offrir le luxe, si je puis dire, d'acheter de la drogue. Nous recevons, à Vancouver, des délégations de la ville de New York qui viennent voir notre problème de drogues parce qu'il est très grave. J'aimerais savoir comment nous savons, au Canada, quelle est l'ampleur du problème vu que nous n'avons pas de données statistiques empiriques à ce sujet.

M. Paul Kennedy: N'allez pas croire que je cherche à minimiser nos problèmes et je suis d'accord avec vous en ce qui concerne l'argent. Nous devenons une clientèle intéressante parce que nous avons les moyens d'acheter de la drogue. Et il s'agit de voir également comment nous utilisons nos ressources pour nous attaquer au problème, tant sur le plan de la répression que de la prévention. Nous travaillons sur tous ces fronts. La prévention vise à faire comprendre aux gens que la drogue n'est pas bonne pour eux et qu'il n'est pas bon pour la société de se livrer à certains types de comportements. L'accoutumance à l'héroïne ne va certainement pas vous aider à réussir dans la vie et il faut donc rejoindre ces gens-là et les convaincre.

Également, lorsqu'on consacre de l'argent à la répression, il faut s'en servir intelligemment pour coopérer ensemble à tous les niveaux et voir quelle est la technique la plus efficace à utiliser. Ce ne sont pas les techniques que nous utilisons chacun de notre côté: la répression complète seulement la prévention. Il ne sert pas à grand-chose d'écoper s'il y un trou dans le fond du bateau et il faut donc faire les deux choses en même temps. Pendant que j'essaie de désintoxiquer un drogué et de le dissuader de continuer, quelqu'un d'autre est en train de créer de nouveaux marchés pour pouvoir vendre ses produits. Il y a donc différentes mesures à prendre en même temps.

M. Randy White: Nous sommes chargés de formuler des recommandations à la Chambre des communes. Vous en avez formulé vous-même un bon nombre dans le cadre de tous vos comités et tous vos groupes des divers pays. Avez-vous réfléchi au genre de recommandations qu'un comité parlementaire devrait faire? De quoi auriez-vous besoin pour vous acquitter de votre mission?

• 1610

M. Paul Kennedy: Comme je l'ai dit, nous cherchons à assurer un juste équilibre entre la répression et la prévention. Si la prévention est efficace, tout va bien. Si l'on veut amener un toxicomane à renoncer à la drogue c'est surtout un problème de santé et la santé n'est pas sous la responsabilité première du gouvernement fédéral. Il faut donc que nos collègues des provinces reconnaissent qu'il faudrait faire plus pour soigner ces gens-là. Je crois que c'est important.

Un de nos programmes pilotes qu'il faudrait développer davantage est celui des tribunaux consacrés aux affaires de drogue. Nous avons un de ces tribunaux à Toronto et je crois que nous allons essayer d'en constituer d'autres. Ce sont des tribunaux qui amènent l'accusé à faire face aux conséquences de ses actes. Les juges disposent de plus de moyens pour inciter les toxicomanes à se réinsérer dans la société, à changer leur mode de vie et à traiter leur dépendance. Les Américains ont je crois 800 de ces tribunaux qu'ils utilisent avec un certain succès.

Ce sont des moyens qui doivent jouer un rôle complémentaire. Une fois qu'une personne entre dans le système pénal, il ne s'agit pas de l'envoyer en prison étant donné que ses codétenus ne l'aideront pas à renoncer à la drogue. Vous devez vous servir des autres moyens dont la société dispose pour désintoxiquer le drogué, lui faire changer son mode de vie, le réinsérer en cherchant ce qui l'a amené à consommer de la drogue et en l'aidant à s'en sortir. Il faut faire disparaître cette clientèle.

M. Randy White: Permettez-moi de faire une suggestion. Disons que des toxicomanes connus, qui ont été condamnés à trois reprises seraient incarcérés pendant 18 mois à deux ans pour qu'ils puissent se désintoxiquer, dans une prison totalement consacrée à la réinsertion des drogués. Cela permettrait-il à ces gens de se sortir du cercle vicieux dont ils ne peuvent pas s'extraire tout seuls? Ne serait-ce pas un moyen pratique de les en sortir, si nous avions des prisons qui ne seraient pas de telles passoires, car c'est ce qu'elles sont.

M. Paul Kennedy: Je ne suis pas un expert en psychologie du comportement et je ne peux donc pas répondre à votre question, mais en tant que profane, je crois qu'on devrait obtenir un meilleur taux de succès en isolant un drogué, en le plaçant dans un milieu où il n'a pas accès à la drogue et où il est entouré d'autres personnes qui sont également déterminées à se désintoxiquer. Les pressions de l'entourage sont importantes et il est très difficile de créer un environnement favorable avec une population carcérale normale. Vous parlez de créer au sein de cette population carcérale un groupe de pression composé d'autres personnes qui poursuivent le même objectif...

M. Randy White: Dans un établissement entièrement consacré à cette fin.

M. Paul Kennedy: Il faudrait bien entendu que le toxicomane se comporte d'une certaine façon pour avoir le droit de rester dans cet établissement. Cette formule devrait pouvoir réussir. Il faudrait toutefois soumettre cette suggestion à un pharmacologue du comportement pour voir si cela marcherait, mais à première vue, ce modèle semble intéressant.

M. Randy White: Très bien, merci.

La présidente: Merci, monsieur White.

[Français]

Monsieur Ménard, vous disposez de cinq minutes.

M. Réal Ménard: Madame la présidente, j'espère que vous allez bien. Je voudrais poser quelques petites questions.

Vous avez indiqué qu'au Sommet des Amériques, qui a eu lieu à Québec, les chefs des 34 États représentés ont pris connaissance de données et ont reçu un rapport sur l'état de la consommation de drogues. Si je comprends bien, cette information sera contenue dans les documents que vous souhaitez remettre à notre recherchiste. Est-ce exact?

[Traduction]

M. Paul Kennedy: Oui, merci de me le rappeler. Je crois que Noël approche, car j'ai vu que les magasins avaient sorti tous leurs ornements. Nous vous avons apporté un CD du dernier Forum sur la criminalité transfrontalière. Vous y trouverez nos procès-verbaux, quelques exposés et certains des problèmes sur lesquels nous travaillons. Cela vous donnera un aperçu de ce que nous faisons avec nos collègues américains.

• 1615

J'ai également ici un rapport «Le Programme national pour combattre le crime organisé», que les sous-ministres ont présenté aux ministres cette année. C'est leur premier rapport. Il traite de certaines questions préoccupantes et des tendances. Nous allons vous le remettre. Il est dans les deux langues. J'ai également les rapports nationaux et hémisphériques de l'Organisation des États américains. Ceux que j'ai sous la main sont en anglais, car je crois que l'anglais et l'espagnol sont les langues de l'OEA, mais je suis convaincu qu'il y en a une version française, car nous ne l'aurions certainement pas présenté à Québec sans en avoir préparé une version française. Je vais l'obtenir pour vous.

[Français]

M. Réal Ménard: Madame la présidente, c'est Noël en novembre! J'espère que vous allez nous la remettre.

Voici ma deuxième question. Vous nous avez fait comprendre qu'il y avait chez le solliciteur général deux directions générales qui s'occupent de la lutte contre la drogue. Présentement, la presque totalité de la marijuana est produite et contrôlée par les grandes organisations criminelles. Pouvez-vous nous parler de la partie qui échappe à ces grandes organisations?

Je voudrais poser une petite sous-question. Notre collègue Keith Martin, un député de l'Alliance canadienne, a déposé hier un projet de loi dont on a débattu et qui vise à décriminaliser la possession simple de marijuana sans la légaliser, en n'en faisant qu'une infraction civile punissable par voie d'amende, ce qui n'entraînerait pas la création d'un casier judiciaire. Croyez-vous qu'il s'agisse d'un élément positif au niveau de la lutte à la drogue?

Il s'agit donc de deux questions et j'aimerais en poser deux autres par la suite, madame la présidente.

[Traduction]

Ne soyez pas timide. Tout ce que vous dites restera entre nous.

M. Paul Kennedy: L'absence de cheveux sur ma tête devrait vous faire comprendre que je ne suis pas né de la dernière pluie.

Avant d'aller plus loin, vous avez parlé de la «lutte contre la drogue». En utilisant cette terminologie, vous m'avez ouvert une porte. Je voudrais répondre à cela, car ce n'est pas le langage que j'utilise. Je ne sais pas qui a lancé cette expression, mais nous ne pouvons plus nous en débarrasser. Ce terme laisse entendre que le problème aura une fin. C'est malheureusement une condition humaine et les conditions humaines n'ont pas de fin. Il y a des gens qui seront toujours portés vers la drogue comme il y en a d'autres qui ont besoin de travailler. Quelqu'un m'a dit un jour que 4 p. 100 de la population, quelle que soit son origine ethnique ou raciale, est prédisposée à un comportement délinquant. Nous ne menons pas de guerre contre le vol ou le mensonge. Je ne sais pas quelles sont vos convictions religieuses, mais je vais prendre l'exemple de la Bible. La Bible a commencé par un vol. Le vol de la pomme a été suivi d'un acte d'exhibitionnisme après quoi les enfants ont été impliqués dans un meurtre et c'est ainsi que tout a commencé. Autrement dit, un comportement asocial fait partie de la condition humaine. Nous n'allons donc pas pouvoir mener une lutte à mort contre la drogue. Ce n'est pas réaliste.

Ce que nous devons faire, par contre, c'est cibler ces organisations afin qu'elles n'empêchent pas la société de fonctionner. Vous pouvez limiter un comportement asocial, mais pas l'éliminer. Pour l'éliminer, on crée des États policiers. Nous ne sommes pas un État policier et nos valeurs nous empêchent d'en créer un. Je n'emploie donc pas ce genre d'expression. J'ai été procureur pendant des années et j'ai envoyé un tas de gens en prison.

[Français]

M. Réal Ménard: Je veux m'excuser. Je me suis rendu coupable de débordement républicain et cela ne se reproduira plus.

[Traduction]

M. Paul Kennedy: Très bien.

J'estime toutefois que c'est important si les recommandations de votre comité doivent atteindre un certain objectif. Vous n'allez pas éliminer la drogue à moins d'éliminer la condition humaine. Je voulais simplement vous le faire remarquer.

Pour ce qui est de la marijuana, je laisse le soin aux parlementaires d'en débattre à la Chambre, comme vous l'avez fait hier, je crois. Je tiens seulement à vous signaler qu'en 1997, le gouvernement a changé la loi en ce qui concerne la marijuana. Avant 1997, la possession de marijuana était ce qu'on appelait une infraction mixte. Autrement dit, elle était punissable, par déclaration sommaire de culpabilité ou mise en accusation, d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à sept ans et la marijuana entrait dans la même catégorie que l'héroïne, la cocaïne et toutes sortes d'autres drogues. Telle était la situation. Cela veut dire que, lorsque vous étiez arrêté, on considérait qu'il s'agissait d'un acte criminel et on prenait vos empreintes digitales. En 1997, la possession de moins d'un gramme de haschich et de moins de 30 grammes de marijuana, je crois, est devenue une infraction punissable par déclaration sommaire de culpabilité ce qui veut dire qu'on ne prend plus vos empreintes digitales et que vous n'avez plus de casier judiciaire. C'était là un changement subtil, mais important dans la façon dont on traitait les gens car si vous aviez un casier judiciaire, cela vous causait des difficultés lorsque vous traversiez la frontière.

• 1620

Par ailleurs, je sais que l'Association canadienne des policiers a recommandé d'utiliser la Loi sur les contraventions. Les policiers voudraient pouvoir décider s'il y a lieu ou non d'appliquer la Loi sur les contraventions en imposant une amende. Ou encore, si le policier vous arrête au volant d'une automobile sous l'influence de la marijuana il peut estimer qu'au lieu de vous donner une simple amende, il doit vous remettre un avis de comparution pour que vous alliez devant un tribunal afin de vous faire comprendre la gravité de votre acte.

Je crois également que l'Association canadienne des chefs de police envisageait une infraction pour simple possession plutôt que pour trafic en petite quantité ce qui faisait, je crois, l'objet du projet de loi d'hier.

[Français]

M. Réal Ménard: Je voudrais vous rappeler amicalement que vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question. Vous avez dressé un bilan historique intéressant, ce que certains de vos prédécesseurs avaient déjà fait. Vous avez beaucoup insisté sur vos états de service, et on peut constater que vous êtes un homme très expérimenté au niveau des mesures qui sont prises concernant la drogue.

La question que je vous pose porte sur l'enjeu principal des travaux de notre comité. Il y a un régime d'infraction qui existe. Vous êtes un avocat et vous comprenez donc bien ces réalités. En ce moment, au Canada, la possession de drogue, de marijuana ou de haschich fait l'objet d'une condamnation qui peut entraîner un casier judiciaire. Notre collègue de l'Alliance canadienne disait hier qu'il y avait 1 000 personnes au service de la GRC qui étaient responsables des drogues, des saisies et de l'application de la loi, et qu'il y avait 600 000 Canadiens qui possèdent un casier judiciaire uniquement à cause de possession de marijuana ou de haschich.

Je vous demande donc si, dans une perspective de saine allocation des ressources et par rapport aux objectifs poursuivis par ce comité, vous croyez que le régime d'infraction actuel doit être revu dans le sens préconisé par notre collègue de l'Alliance canadienne.

[Traduction]

M. Paul Kennedy: Je vais essayer de vous répondre le plus directement possible afin de vous aider, mais sans trop m'engager.

Tout d'abord, la possession de drogues ou l'usage de drogues est un problème de santé. Les gouvernements disposent habituellement d'une panoplie d'instruments pour s'attaquer à ce problème, comme pour l'alcool—vous pouvez criminaliser ou non ce genre de chose. La sanction pénale n'est qu'un des instruments disponibles. Le gouvernement n'a pas à criminaliser la marijuana pour reconnaître qu'il s'agit d'un problème auquel il faut quand même remédier. Je veux simplement dire que le gouvernement et le Parlement ont une décision politique à prendre quant aux instruments à utiliser pour s'attaquer au problème. En tant que parlementaires, vous pourriez évidemment décider de recommander de criminaliser ou non la marijuana. Il vous restera quand même un problème de santé à résoudre. Vous devrez alors vous interroger sur le message que vous enverrez et l'efficacité des autres moyens à notre disposition pour régler ce problème.

Il y a eu un changement important ces dernières années en ce sens que la teneur en THC de la marijuana a augmenté. À ma connaissance, il y a eu très peu d'études scientifiques à ce sujet. Lorsque j'étais procureur, une cigarette de marijuana avait une teneur en THC, le tétrahydrocannabinol, de 1 à 2 p. 100. J'ai entendu dire que cette teneur s'élevait maintenant à 15 p. 100, 20 p. 100 ou 25 p. 100. Vous pouvez imaginer ce que cela donnerait si la teneur en alcool d'une boisson augmentait dans la même proportion. Quels en sont les effets sur la santé ou l'affaiblissement des facultés? Je ne connais pas la réponse à cette question. J'espère que les chercheurs et les médecins pourront vous fournir une réponse. Mais je dirais qu'une cigarette de marijuana des années 60 ne se compare pas à une cigarette de marijuana de 2001.

Je voudrais également aborder le sujet de la possession. La plupart des infractions pour possession font l'objet d'une absolution absolue ou sous condition ce qui veut dire qu'il n'y a pas de casier judiciaire. Vous avez un verdict de culpabilité suivi d'une absolution et il n'y a pas de condamnation. C'est ainsi que le système fonctionne, sans condamnation. Vous obtenez une absolution sous condition et vous ne pouvez même pas demander qu'elle soit enlevée de votre casier judiciaire. S'il y a 600 000 personnes qui ont un casier judiciaire pour cette raison, c'est un chiffre énorme et je suppose que la plupart de ces personnes ont sans doute droit à un pardon. Je ne prétends pas connaître la réponse, mais ce chiffre me semble plutôt élevé.

• 1625

La présidente: Merci.

À propos de ce que vous venez de dire, la personne en question a peut-être obtenu une absolution, mais quand elle se présente à la frontière des États-Unis, cela figure dans un registre. Nous recevons un tas de demandes concernant la procédure de pardon et cela tient les Américains très occupés, car une fois que votre nom est enregistré, vous devez payer des frais pour obtenir une autorisation, ce que je considère comme une forme d'impôt.

M. Paul Kennedy: D'accord.

La présidente: Monsieur Lee.

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci.

Monsieur Kennedy, je ne suis pas étonné de la teneur de votre exposé. Vous avez décrit tout ce que cela comporte du point de vue du Solliciteur général. Je suis frappé de tout ce qui se passe, tous ces acronymes, comités, réunions et collaborations. Ne vous méprenez pas sur le sens de mes propos, mais je vois qu'il y a des gens qui courent un peu partout pour faire toutes sortes de choses, arranger ce qui ne va pas de ce côté-ci, investir de l'argent de ce côté-là, modifier la loi par-ci, par-là en se disant que tel autre pays ne fait pas sa part ou nous ne pouvons pas faire confiance à tel ou tel gouvernement. J'ai l'impression que c'est une masse énorme à gérer. Cela doit absorber la majeure partie de votre temps. Ce n'est pas une bonne chose. Je suppose que vous avez d'autres acronymes dont vous devez vous occuper en plus de ceux-là.

M. Paul Kennedy: Non.

M. Derek Lee: Est-ce que quelqu'un au ministère prend un peu de recul et se demande ce que nous obtenons en échange de tout cet investissement, de tous ces billets d'avion, de toutes ces contributions aux secrétariats? Qu'obtenons-nous pour notre argent, quels sont les coûts-avantages? Le faites-vous? Les gens du ministère se réunissent-ils entre eux ou avec les autres ministères pour voir quel est l'objectif que l'on cherche à atteindre, ce que rapporte tout cet investissement? Le faites-vous?

M. Paul Kennedy: Tout d'abord, un grand nombre des comités dont j'ai parlé s'intéressent à la sécurité publique et pas seulement à la drogue. Le trafic de stupéfiants fait partie des questions que nous abordons dans le cadre de ce forum, mais nous nous occupons également du blanchiment d'argent, du trafic d'étrangers et de toutes sortes choses. N'allez donc pas croire que ces comités s'occupent seulement de la drogue.

Au lieu de vous laisser dans le doute, j'ai cru bon de vous présenter nos diverses fonctions pour que vous puissiez voir que tout marche aussi bien qu'une montre suisse. Bien entendu, je vais m'arranger pour que l'Organisation des États américains ne siège pas pendant que je travaille avec mon groupe fédéral. Nous avons donc un groupe fédéral, puis un groupe fédéral-provincial-territorial et ensuite, bien entendu, des activités au niveau Canada-États-Unis et à l'échelle de l'hémisphère. Ce sont là des choses différentes, toute une série de cercles qui en réalité, forment un tout.

Votre deuxième question est également excellente à savoir si nous faisons une analyse coûts-avantages. J'avoue que je n'ai rien vu qui ressemble à une analyse coûts-avantages et je crois que ce serait pourtant utile. Dans le cadre de nos activités, des initiatives qui découlent de notre groupe sur le crime organisé, nous essayons d'obtenir de meilleures données et de meilleures analyses, d'examiner les répercussions, notamment dans le domaine de la drogue. Je vois surtout les choses du point de vue de l'application des lois. Santé Canada est bien entendu le principal ministère qui est chargé de la stratégie antidrogue et c'est la prévention et les autres questions de santé qui l'intéressent. Par conséquent je peux vous dire ce que nous faisons du côté de l'application des lois, car je crois que nous faisons partie de la solution. Comme je l'ai dit, on ne pourra pas remédier à ce problème si pendant ce temps quelqu'un essaie de convaincre d'autres gens de prendre de la drogue.

• 1630

Nous faisons donc partie de la solution, mais nous n'en sommes qu'un des éléments. Si vous faites une analyse coûts-avantages, vous allez devoir établir ce que vous voudrez analyser et vous ne vous limiterez évidemment pas à la marijuana. Vous devrez vous pencher sur l'héroïne et la cocaïne, les nouvelles drogues distribuées dans les raves, l'ecstasy, toutes sortes de drogues. Si vous vous penchez sur la légalisation, par exemple, je ne pense pas que nous ayons remporté énormément de succès du côté de l'alcool. La substance dont on abuse le plus au Canada est l'alcool. Je crois qu'il existe certaines données sur les conséquences de l'alcool sur la violence familiale, les congés de maladie, les accidents de travail, la toxicomanie et la criminalité. Ces conséquences sont énormes. J'en parle pour montrer que ce sont des questions très complexes. S'il suffisait de légaliser la marijuana pour que le problème disparaisse comme par magie, ce serait merveilleux. Même si l'alcool et le tabac sont des substances légales, mais ils ont quand même causé, au début des années 90, des problèmes avec le crime organisé dont les retombées sont encore présentes aujourd'hui.

C'est donc une question complexe et très difficile à analyser. Une des initiatives qui est ressortie de l'Organisation des États américains visait à créer des modèles pour faire face aux répercussions sociales. Le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies a élaboré un modèle vers lequel les autres pays se sont tournés, pour essayer de trouver une solution.

M. Derek Lee: Je voudrais revenir sur une expression que vous avez utilisée dans votre exposé quand vous avez parlé des questions antidrogue. Vous nous avez dit que deux directions générales s'occupaient de ces questions. Je reconnais que j'ai dû employer moi-même le mot antidrogue il y a deux ou trois semaines. Nous ne savons pas trop ce que cela veut dire et je ne vous en fais pas le reproche. J'essaie simplement de vous faire préciser que le ministère du Solliciteur général a une politique «antidrogue» sans préciser ce que vous entendez exactement par «anti». Les activités antidrogue se rapportent aux drogues dont nous voulons débarrasser nos rues. Avez-vous une définition plus précise?

M. Paul Kennedy: Non, il n'y en a pas. J'ai dit simplement qu'il y a deux secteurs qui s'intéressent au problème de la drogue et qui exercent certaines responsabilités. La Direction des politiques correctionnelles s'occupe de certaines drogues, de la réinsertion, des établissements carcéraux, etc. L'autre secteur est la Direction générale de la police et de l'application de la loi et c'est la direction qui me soutient dans le cadre de mes activités au sein de la CICAD, par exemple.

Nous nous intéressons aux gangs de jeunes, au comportement des jeunes. Comment rompre le cercle vicieux? En fait, nous finançons plusieurs initiatives, un ou deux rapports annuels en essayant de travailler avec les provinces et les municipalités pour établir des modèles qui nous permettront d'empêcher les jeunes de se joindre à des bandes, de se lancer dans la drogue et de tout ce qui l'accompagne. Nous considérons le problème comme un problème de criminalité, d'armes à feu, de blanchiment d'argent et de corruption. Tout cela fait partie de l'équation. Et nous essayons également de financer des initiatives de prévention, tout comme la GRC le fait de son côté.

Je ne voudrais pas que les expressions utilisées vous fassent croire que notre objectif est aussi étroit, car il ne l'est pas. Bien entendu, nous jouons un rôle de premier plan dans la répression, mais nous reconnaissons qu'il s'agit d'un domaine très complexe. Nous essayons de nous occuper également des autres formes de prévention pour éviter le problème.

Pour ce qui est de la consommation des drogues, la responsabilité première incombe évidemment à Santé Canada. Nous avons octroyé, par exemple, certains fonds au programme de tribunal de la drogue qui a été expérimenté à Toronto. C'était un projet pilote que nous avons essayé de financer comme tel. Je crois qu'il s'agit tout à fait d'une mesure de prévention et de réinsertion.

• 1635

M. Derek Lee: Il y a un tas de choses qui se passent et nous devons, en quelque sorte, bâtir un réceptacle pour recueillir tout cela.

Vous avez mentionné la stratégie antidrogue du Canada. Nous avons la preuve que nous n'avons plus de stratégie nationale contre la drogue. Nous avons essayé d'en établir une il y a quelques années, mais avec les compressions budgétaires, elle n'existe plus que sur papier. Savez-vous où les activités du Solliciteur général s'inscrivent dans cette stratégie antidrogue? Pensez-vous que c'est clair, que tout le monde sait en quoi consiste cette stratégie, quels sont les éléments auxquels travaille le Solliciteur général et quel est votre degré de succès?

M. Paul Kennedy: Nous nous inscrivons certainement dans cette stratégie étant donné qu'il y a un comité interministériel présidé par Santé Canada dont le ministère du Solliciteur général fait partie et qui se penche sur le suivi de la stratégie antidrogue. Nous ne l'avons pas laissée tomber. L'initiative intégrée sur les produits de la criminalité a été financée dans le cadre de la stratégie antidrogue du Canada. Notre solution consistait, en partie, à prendre l'argent dont se servaient ceux qui profitaient de ce type d'activité criminelle. Il y a donc eu une stratégie et il existe encore 13 unités réparties un peu partout au Canada.

Ce n'est donc pas comme si toutes ces activités avaient cessé quand la stratégie a été officiellement abandonnée. Ce qui avait débuté comme un projet pilote à trois endroits s'est révélé un succès. Je crois qu'en 1997 nous sommes passés de trois unités à 13 et nous avons donc 13 de ces unités. Les méthodes qui ont été adoptées à cette occasion sont toujours utilisées. Cela a été financé en partie par la stratégie antidrogue et, plus tard, le gouvernement a investi dans ce projet pilote en disant que c'était une bonne idée et qu'il fallait la poursuivre.

Comme je l'ai dit, le Canada fait un certain nombre de choses. Le tribunal de la drogue dont j'ai parlé est un exemple d'innovation. Nous avons examiné d'autres modèles sur la scène internationale et nous prenons nous-mêmes des mesures dans le même esprit en nous demandant comment nous attaquer de façon plus efficace au phénomène de la drogue, comment rompre le cercle vicieux et quelles sont les meilleures choses à faire.

M. Derek Lee: Pour conclure, je sais que nous faisons un tas de choses et cela avec un certain succès. Mon seul problème est que je ne vois pas très bien où nous allons. Nous parlons de stratégie, mais en réalité c'est une liste d'initiatives. Ce n'est peut-être pas une stratégie avec un but précis ou une série d'objectifs, mais plutôt un plan et une liste d'initiatives. C'est mon impression, mais je vais m'arrêter là. Je vous remercie de vos réponses.

La présidente: Merci.

Monsieur Sorenson.

M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Merci d'être venu, monsieur Kennedy. Si nos voyages sont à moitié aussi fructueux que ces réunions avec nos témoins, nous obtiendrons d'excellents résultats, car vous êtes une excellente source d'information. Nous avons reçu d'excellents témoins jusqu'ici.

Je suppose que c'est dans votre champ de spécialisation, mais je suis assez nouveau ici et je me demande si le SCRS participe à la collecte de renseignements au sujet de certains problèmes de sécurité relatifs à la drogue?

M. Paul Kennedy: Pour ce qui est des détails, vous feriez mieux de vous adresser à M. Ward Elcock. Je crois que le surintendant en chef Lesser a comparu devant le comité et vous a dit qu'il y avait certainement un lien entre certains groupes terroristes et le trafic des stupéfiants. Ce n'est pas étonnant étant donné que l'Afghanistan, par exemple, est un important producteur d'héroïne. Si vous prenez la vallée de la Bekaa, c'était une source de haschich qui provenait des régions sous le contrôle de certains groupes. En Colombie, bien entendu, il y a des groupes criminels qui participent à la production de la cocaïne ou qui la protègent. Il y a donc un chevauchement et certains groupes financent leurs activités grâce à la drogue. Par conséquent, dans la mesure où un chevauchement existe, cela relève également du service qui s'occupe des menaces pour la sécurité du Canada. Je suis certain que tout renseignement pertinent qui est obtenu est partagé avec la GRC.

• 1640

M. Kevin Sorenson: Vous êtes le sous-solliciteur général ou le sous-solliciteur général adjoint principal.

M. Paul Kennedy: J'ai toujours des titres très ronflants.

M. Kevin Sorenson: Votre poste est donc directement en dessous de celui de Lawrence MacAulay?

M. Paul Kennedy: Non, c'est Mme Jauvin et mon poste est directement sous le sien.

M. Kevin Sorenson: Très bien.

Pour ce qui est de la situation actuelle au Canada, la priorité pour le SCRS et la GRC est bien entendu de combattre le terrorisme. Comme vous, je ne sais pas s'il faut appeler cela une guerre, car cela voudrait dire que ce phénomène aura une fin alors que nous ne croyons pas vraiment qu'il prendra fin un jour. Nous devons toujours être prêts. Mais je crois que tout le monde appelle cela la guerre contre le terrorisme. Quoi qu'il en soit, nous avons vu que la GRC et le SCRS orientaient leurs ressources vers la lutte contre le terrorisme. Étant donné l'énorme importance du commerce de la drogue, notre solliciteur général et notre commissaire de la GRC ont déclaré très clairement qu'ils disposaient de ressources limitées et que certaines de leurs activités devaient être mises en veilleuse. À quel point cela se répercute-t-il sur les enquêtes en cours concernant la drogue? Y a-t-il beaucoup de crimes reliés à la drogue qui font partie de ce qui a été mis en veilleuse?

M. Paul Kennedy: C'est une question à laquelle je ne me risquerais pas de répondre. Le commissaire Zaccardelli est la personne la mieux placée pour le faire. Il vous a dit, je crois, que 2 000 policiers avaient été réaffectés suite aux événements du 11 septembre.

M. Kevin Sorenson: Mais même dans ma circonscription, nous voyons que la GRC manque de ressources. Elle dirige ses ressources vers ce genre de choses, vers des événements comme celui de Kananaskis. Ne risque-t-on pas de voir le crime organisé se positionner voyant là une bonne occasion s'offrir à lui en ce qui concerne la drogue? Nous parlons des possibilités de terrorisme, mais il y a bien d'autres choses contre lesquelles on ne fera rien au cours des années à venir.

M. Paul Kennedy: Je crois que c'est important. Un bon nombre des techniques utilisées sont des techniques génériques. Par exemple, si vous augmentez nos moyens de répression à la frontière sur le plan de la GRC, des Douanes, de l'Immigration ou autre, vous resserrez le filet qui va attraper aussi bien des trafiquants d'alcool, de tabac, d'étrangers ou de drogue que des terroristes. Autrement dit, ce sont les techniques génériques qui détectent ces divers types de comportements. Si un terroriste traverse la frontière avec de fausses pièces d'identité ou caché dans le coffre d'une automobile, vous allez pouvoir l'attraper. Par conséquent, quoi que nous fassions suite aux événements du 11 septembre, si le gouvernement juge bon d'augmenter la capacité des organismes d'application de la loi, cela nous aidera à la fois contre le crime organisé, contre le terrorisme et également contre le trafic de stupéfiants. Le gros avantage c'est que cela nous aidera dans tous ces domaines.

Si j'étais un trafiquant de drogue, je n'aimerais pas être obligé de traverser la frontière en ce moment étant donné que je risque de me faire prendre parce qu'on redouble de vigilance. Quand les avions atterrissent, étant donné qu'on fouille tous les bagages de tous les passagers, des gens qui auraient pu se glisser facilement avant se font prendre à cause de la vigilance supplémentaire dont on fait preuve. Voilà ce que je veux faire comprendre. Toute cette vigilance et toutes les ressources dont nous disposons nous aideront quel que soit le problème de sécurité.

M. Kevin Sorenson: Vous avez parlez de l'offre et de la demande de drogues dans les autres pays. Vous avez également fait une analogie théologique avec le vol de la pomme. Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec vous. Tout le jardin a été donné à Adam et Ève, mais on leur a seulement défendu d'y prendre quelque chose. Autrement dit, l'offre est là, mais il y a certaines choses auxquelles nous ne pouvons pas nous permettre de toucher.

• 1645

La question de l'offre et de la demande dans les autres pays peut poser des problèmes différents. Lorsque nous parlons de l'offre et de la demande au Canada, nous pensons généralement que, lorsque l'offre est faible, la demande et le prix sont élevés. L'équation financière est peut-être la même dans les autres pays. Mais n'est-il pas vrai que lorsque l'offre est faible, la demande peut être élevée de même que le prix? Si l'offre est faible, la criminalité est forte. Vous avez réfléchi à l'aspect financier, mais si vous prenez l'offre et la demande dans le contexte de la criminalité, si l'offre de drogues est faible, le niveau de criminalité sera élevé étant donné que les gens feront tout ce qu'ils pourront pour se procurer la drogue offerte. N'est-ce pas vrai?

M. Paul Kennedy: Je n'en suis pas certain.

M. Kevin Sorenson: Deuxièmement, si l'offre est forte, cela aura pour conséquence un taux de criminalité élevé. Nous perdons à tous les coups, en réalité.

M. Paul Kennedy: Je ne prétends pas voir étudié la question, mais je suppose que les choses ne se déroulent pas de façon aussi cartésienne que vous le laissez entendre. J'ai vu des gens, par exemple, qui consommaient de l'héroïne et de la méthamphétamine. La première est un puissant stupéfiant et l'autre un stimulant, mais dans les deux cas, la drogue est injectée et cette méthode peut créer en soi une accoutumance, ce que je trouve étrange. Certaines personnes consomment différentes drogues. Elles sont toxicomanes, mais elles ne sont pas attachées à une drogue particulière si bien que les comportements ne sont pas tous les mêmes. Je ne suis donc pas sûr que la dynamique fonctionne de cette façon. Je suppose que vous songez aux crimes contre la propriété commis pour acheter de la drogue, mais l'usage de la drogue peut conduire à d'autres types de criminalité. Il est facile de se procurer de l'alcool et l'alcool engendre beaucoup de violence.

Je ne sais pas où vous voulez en venir. Je crois que votre modèle est un modèle économique selon lequel si vous ne pouvez pas travailler, vous avez besoin d'argent et si la drogue coûte plus cher, vous commettez davantage de vols par effraction ou d'autres vols pour avoir de quoi la payer. Mais je pense que la toxicomanie génère d'autres types de comportements asociaux qui s'expriment par d'autres formes de comportement criminel.

C'est très complexe et voilà pourquoi je ne suis pas certain que cela marche vraiment comme une horloge et que si vous faites ceci, vous obtiendrez cela. D'autres ont étudié la question et je ne prétends pas l'avoir fait moi-même. Je dirais seulement qu'à mon avis ce n'est pas aussi systématique que vous le dites.

M. Kevin Sorenson: Je n'ai qu'une autre question à poser, après quoi je vais devoir partir.

Le Canada est-il un modèle pour les autres? Sommes-nous la plus grande réussite de l'hémisphère? Vous avez dit, je crois, que nous avions un problème de drogue, mais qu'il ne se comparaît en rien à la situation dans les autres pays. Avons-nous énormément besoin d'étudier le problème de la drogue ou méritons-nous d'être mis sur un piédestal et de servir d'exemple aux autres pays?

M. Paul Kennedy: Les comparaisons sont risquées. Comme je l'ai dit, si vous allez dans une région très pauvre, vous pouvez penser que vous êtes très riche. Je ne veux pas minimiser le problème que la drogue représente chez nous, car il est certain que nous avons un sérieux problème. Nous avons aussi un grave problème de SIDA à cause de l'usage de drogues par voie intraveineuse en Colombie-Britannique et ailleurs. La consommation d'ecstasy est également en augmentation et je ne sais pas trop quelles conséquences cela aura. Il y a des gens de la classe moyenne qui consomment de l'héroïne et on peut vraiment se demander pourquoi.

Des phénomènes auxquels on ne s'attendait pas se produisent. Cela pose des problèmes sur le plan de la santé. Ce sont là des problèmes très graves. La comparaison avec les autres sert à vous montrer que si vous vous abstenez d'intervenir ou si vous manquez d'efficacité, vous pouvez vous retrouver dans la même situation que certains autres pays.

L'usage des drogues ne pose pas seulement un problème sur le plan de la santé. Cela donne naissance à de grosses sommes d'argent, à des bagarres pour l'argent qui sont extrêmement violentes dans certains pays et à de la corruption qui se répand jusqu'à la police, jusqu'à la magistrature et jusqu'à l'appareil politique. Ce sont des scénarios presque cauchemardesques et une fois que vous en arrivez là, il est très difficile de faire machine arrière.

• 1650

Je veux seulement vous faire comprendre qu'il vaut la peine d'examiner la situation. Je crois que nous sommes en avance sur les autres pays en ce sens que nous sommes en mesure de remédier à nos problèmes. Les autres pays nous montrent ce que nous ne voulons pas devenir et ils essaient très fort de s'en sortir. Ils n'ont pas les moyens que nous avons, une population instruite, notre infrastructure, nos modes de communications, nos systèmes de santé et l'argent voulu pour faire de ces questions une priorité. Si vous n'avez même pas l'eau courante, il vous est assez difficile de s'attaquer à ces problèmes en priorité. Si la population n'est pas instruite, vous n'avez pas les infirmières et les médecins voulus pour soigner les gens. Ces pays ne peuvent pas commencer à s'attaquer au problème et ils ont tellement d'autres priorités qu'ils ne peuvent rien faire sur ce plan-là.

Voilà le défi. Nous avons la possibilité d'agir. Par conséquent, faisons-le et faisons-le comme il faut.

M. Kevin Sorenson: Merci.

La présidente: Merci.

[Français]

Voulez-vous poser une autre question, monsieur Ménard?

M. Réal Ménard: Est-ce possible, madame la présidente?

La présidente: Oui.

M. Réal Ménard: Je reconnais là votre infinie bonté.

Il faut quand même essayer de comprendre un peu le contour du phénomène dont on discute. Jusqu'à présent, vous n'avez pas chiffré directement toute la question du trafic de drogues. Vous n'avez pas été généreux en termes de statistiques, mais sans doute y a-t-il là un devoir de prudence qu'il faut considérer. Pouvez-vous nous donner une indication? Par exemple, quand on se compare aux 34 pays de l'hémisphère, où se situe-t-on quant à la disponibilité de la drogue? Autrement dit, est-il plus facile de se procurer de la drogue ici, particulièrement pour les organisations criminelles? Est-ce plus facile au Mexique? Si vous aviez à nous donner un point de référence, comment nous situeriez-vous comme société en nous comparant aux 34 pays des Amériques?

[Traduction]

M. Paul Kennedy: Vous avez certainement eu les chiffres de l'Agence des douanes et du revenu et de la GRC; ils ont dû vous les donner, de même que le SCRS, la section de renseignement de la GRC. Ils ont certainement des chiffres à vous fournir, car ces renseignements existent. Santé Canada recueille chaque année des données sur les saisies de drogues notamment. Je les ai vues, elles sont disponibles, mais je ne les ai pas sous la main. Je n'ai pas lu le rapport sur la situation dans l'hémisphère, mais je me souviens qu'il comporte des annexes. Je crois qu'il y a là des données sur la production, la taille des récoltes, la production de cocaïne dans les divers pays. Je crois donc que vous pourrez trouver certaines de ces données dans ce rapport.

Il est très difficile de comparer un pays à un autre, car certains pays ont une collecte des données très déficientes et n'ont pas l'infrastructure voulue pour recueillir ces renseignements. Je crois qu'il y a certaines données des Nations Unies; la PNUCID publie, je crois, un document annuel dont nous pourrions obtenir des exemplaires que nous vous remettrons, si vous ne l'avez pas.

Où nous situons-nous? Je crois vous avoir dit que la situation est un peu différente dans chaque pays en ce qui concerne la production et la consommation de drogues. Dans certains pays qui étaient des fournisseurs comme la Bolivie, le Chili, le Pérou et la Colombie, on constate maintenant une consommation importante de cocaïne sous forme de pâte. C'est un produit de mauvaise qualité, mais peu importe, les gens le consomment. C'est comme pour n'importe quoi d'autre. Si vous voulez une automobile, vous pouvez acheter une Mercedes-Benz, une Volkswagen ou un autre modèle. En ce qui concerne la drogue, c'est le produit raffiné qui est vendu en Amérique du Nord et il y a d'autres qualités inférieures, mais qui créent la même accoutumance et qui sont vendues sur le marché local. Après tout, l'objectif est de tout vendre. Les trafiquants sont très mercantiles et cherchent à accroître leurs profits au maximum. Tout est vendu pour réaliser un bénéfice.

• 1655

[Français]

M. Réal Ménard: C'est un peu étonnant qu'on n'ait pas de base de comparaison, mais qu'on investisse dans des organisations comme celles que vous avez mentionnées. Ce n'est pas une question, mais un commentaire. La raison pour laquelle je pensais que nous avions des bases de comparaison, c'est que dans votre exposé, vous avez indiqué que les États membres avaient été invités à améliorer la collecte de données et à échanger ces données. Mais enfin, on verra pour les données que l'on a.

Tout à l'heure, j'ai été intrigué concernant la marijuana. Vous avez dit que la teneur en THC d'un joint de marijuana des années 1970 n'était pas la même que celle d'un produit de marijuana de l'an 2000. Quand le sénateur Nolin a comparu ici—je suis sûre que vous allez vous souvenir de cela, madame la présidente—on nous a remis un document, que j'ai lu, dans lequel on citait un article du Lancet, une revue médicale très prestigieuse en Grande-Bretagne, qui disait qu'il y avait des preuves extrêmement crédibles, sur le plan médical, que la consommation de marijuana n'avait pas d'incidences négatives, même à long terme.

Évidemment, il faudra que le comité trouve le moyen de concilier ces deux points de vue. Je me rappelle que dans un débat qu'on a eu à la Chambre, une de nos collègues, Mme Elsie Wayne, qui s'est probablement tenue à bonne distance de la marijuana, avait invoqué comme principal argument l'idée que cela puisse être nocif pour les individus. Vous, vous dites devant ce comité que la marijuana de 2000, 2001 et 2002 est beaucoup plus délétère, beaucoup plus nocive que celle des années 1970.

[Traduction]

M. Paul Kennedy: Pour répondre à votre première question, le but du mécanisme d'évaluation multilatérale était de créer une base de données de référence. Le rapport que nous avons est donc le premier rapport des 34 pays qui constitue cette base de données. Je crois que c'est le premier rapport du genre au monde. Je ne l'ai pas examiné récemment, mais c'est le point de départ et à partir de là, nous allons mesurer les résultats des autres pays. Nous allons leur dire: «Voilà vos données de référence, voilà ce que vous faites et voilà les recommandations qui vous concernent. Pouvez-vous prendre cette mesure? Si vous le faites, cela devrait contribuer à relever l'âge de la consommation et à réduire l'ampleur du problème.»

L'autre question portait sur la teneur en THC. Je ne prétends pas être un scientifique. C'est une question scientifique quant aux effets du tétrahydrocannabinol. Je ne peux pas vous en parler. Un chercheur pourrait vous conseiller à cet égard.

[Français]

M. Réal Ménard: Mais vous avez affirmé plus tôt que dans les enquêtes que vous aviez conduites, vous aviez constaté que la teneur en THC de la marijuana des années 2000 était plus élevée que celle de la marijuana des années 1970, et vous avez avancé le chiffre de 15 p. 100.

[Traduction]

M. Paul Kennedy: Comme on vous l'a sans doute déjà dit, il y a trois régions où la marijuana est cultivée au Canada. Il y a la B.C. bud—je crois que c'est ainsi qu'on l'appelle—le «Québec gold» tandis qu'au Manitoba je crois qu'on l'appelle la «wacko weed» ou l'herbe à fauteuil roulant, car elle est si forte qu'après cela vous ne pouvez plus vous déplacer qu'en fauteuil roulant. Ces qualités sont jugées suffisamment bonnes pour se vendre jusqu'à 5 000 $ ou 6 000 $ la livre. Il serait curieux qu'on paie de tels prix si ce n'était pas justifié.

Les drogues qui sont saisies...

[Français]

M. Réal Ménard: Vous pouvez faire parvenir des échantillons à la présidente.

[Traduction]

M. Paul Kennedy: La possession est interdite par la loi.

Santé Canada a des laboratoires qui, en plus d'évaluer les caractéristiques de la drogue, évaluent sa teneur en substance active et, dans le cas de la marijuana, il s'agit du tétrahydrocannabinol, ou THC. Vous pouvez donc évaluer quel est le niveau de pureté. Apparemment, le Canada produit—sans doute parce que nous sommes de bons agriculteurs—certaines des meilleures marijuanas au monde, certaines des plus puissantes. C'est donc un produit qui suscite de l'intérêt et ce sont là les trois régions qui produisent apparemment une drogue de très haute qualité.

Il faudrait que vous parliez à un scientifique des effets des drogues aussi puissantes sur le corps humain, sur la physiologie humaine, tant à court terme qu'à long terme. Je ne prétends pas le savoir, mais ce que je vous ai dit au sujet de la pureté est un fait bien connu.

La présidente: Avant de donner la parole à M. Lee, j'aurais une ou deux questions à vous poser, si vous le voulez bien.

• 1700

Premièrement, la façon dont nous nous comparons aux autres pays est très intéressante, mais si les Canadiens ne sont pas satisfaits, cela importe peu. Peu importe où nous nous situons, nous consacrons beaucoup d'argent à toutes sortes d'activités et j'ai l'impression, surtout après ce qu'on nous a dit hier, que nous ne savons pas vraiment ce que nous achetons et je ne parle pas de la teneur en THC.

Dans votre exposé, vous avez dit que vous coprésidiez le Forum sur la criminalité transfrontalière Canada-États-Unis. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais il y a un groupe assez actif, le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis. Certaines discussions sur les questions dont parlait M. Ménard, quant à savoir si nous pourrions jeter un peu de lest en ce qui concerne la marijuana suffisent à alarmer les pauvres parlementaires américains. Il serait donc utile que les deux coprésidents de chaque pays du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis participent à votre Forum sur la criminalité transfrontalière afin de mieux comprendre la nature du problème—il s'agit d'un sénateur et d'un représentant du Congrès des États-Unis de même que d'un sénateur et d'un député du Canada. Je ne sais pas s'il existe une procédure à cet égard et peut-être pourriez-vous m'indiquer quand le forum tiendra sa prochaine réunion afin que j'essaie d'y faire participer nos coprésidents.

Les questions frontalières sont très importantes pour notre comité et pour nous tous et il semble que ce soit surtout une question de perception. Vous avez dit qu'il y avait des équipes intégrées d'application de la loi à la frontière, à Vancouver, au Nouveau-Brunswick et près de Cornwall. Si ces équipes sont tellement efficaces et si le besoin est tellement grand, pourquoi n'en avons-nous pas également à Windsor et à Detroit? Pourquoi n'y en a-t-il pas au Manitoba et au Dakota du Nord?

M. Paul Kennedy: N'oubliez pas que la première équipe a été constituée par des policiers uniquement à titre expérimental pour voir si cela pouvait fonctionner. La police a réaffecté ses propres ressources. Chaque fois que vous voulez élargir ce modèle, il faut aller retirer des ressources ailleurs. Nous déciderons donc de le faire ou non dans la mesure où nous pourrons démontrer aux autres que c'est une solution efficace. Et bien entendu, quand nous mettons ce genre de programme en place, nous faisons appel aux ressources provinciales et municipales qui nous demandent parfois de les aider à payer leurs frais. Et nous devons également dialoguer avec les Américains, car il faut qu'ils soient d'accord quant à l'utilité de ces mesures à un endroit donné.

Si nous avions un plus gros budget, il y aurait sans doute d'autres endroits qui nous intéresseraient. La première équipe a été mise en place en Colombie-Britannique à cause de la quantité de drogue qui traverse la frontière et de l'élargissement de la zone maritime. La région de Massena-Cornwall est bien connue pour la contrebande qui s'y fait.

Le long du corridor de Windsor, il y a beaucoup de trafic commercial qui traverse la frontière et ce serait donc une région hautement prioritaire.

La présidente: Est-ce qu'une évaluation fait partie du budget dont vous disposez pour vos équipes intégrées d'application de la loi à la frontière? D'après le chercheur qui a témoigné hier, le problème est dû en partie au fait que personne ne prévoit d'évaluation des programmes qui sont mis en place.

M. Paul Kennedy: Les programmes pour lesquels nous obtenons de l'argent font l'objet d'une évaluation. Le Conseil du Trésor est très strict. Par exemple, lorsque nous avons eu nos unités intégrées sur les produits de la criminalité, elles ont fait l'objet d'une évaluation annuelle et il y a aussi un examen au bout de cinq ans. Nous avons obtenu de l'argent pour le crime organisé et nous avons dû procéder à une évaluation et décrire les résultats. Pour ce qui est des équipes intégrées, nous les avons établies nous-mêmes et nous n'avons pas reçu d'argent pour cela.

La présidente: Votre évaluation porte sur les processus ou sur les résultats?

M. Paul Kennedy: Sur les résultats. Qu'entendez-vous par processus?

La présidente: Tout le monde est-il satisfait? Avons-nous consulté tout le monde?

M. Paul Kennedy: Non, nous nous intéressons aux résultats.

• 1705

La présidente: Vous faites partie d'une foule de comités nationaux et j'ai trouvé intéressant que vous accordiez plus d'importance à celui qui porte sur le crime organisé. Si nous réussissons à résoudre le problème du crime organisé ou du moins à faire des progrès plus importants de ce côté-là, allons-nous régler le problème de la drogue au Canada?

M. Paul Kennedy: Quand nous présenterons notre rapport—et vous allez sans doute le voir—nous y avons indiqué cinq ou six secteurs d'activité du crime organisé qui nous préoccupent grandement et la drogue en fait partie, car c'est évidemment très important. Le comité que nous avons constitué, le Comité national de coordination sur le crime organisé, un comité constitué de sous-ministres, est celui qui a formulé les recommandations que vous retrouverez dans le projet de la loi C-24 qui est actuellement devant la Chambre. Il y a donc un lien direct entre les activités de ce groupe et ce que vous voyez sur le plan législatif. Ce sont les méthodes dont la police a besoin pour faire ce genre de choses et, si vous prenez ces mesures, cela nous permet de combattre plus efficacement le crime organisé, ce qui nous aide également à réaliser des progrès sur le front de la drogue.

La présidente: Très bien.

Vous faites partie du comité des sous-ministres adjoints sur la toxicomanie. Selon quelle fréquence ce comité se réunit-il?

M. Paul Kennedy: Je ne vais pas aux réunions de ce comité. J'ai un directeur général qui y va à ma place. Je dirais que le comité se réunit environ tous les deux ou trois mois. N'oubliez pas qu'une fois que vous lancez certaines initiatives—et c'est ce dont j'ai parlé à M. Lee—comme celle qui concerne les produits de la criminalité, vous testez votre modèle. Le modèle est-il efficace et comment pouvez-vous l'utiliser? Nous ne restons pas les bras croisés en lançant une nouvelle idée par jour, car sinon nous serions comme l'abeille qui butine de fleur en fleur. Certaines choses prennent pas mal de temps à analyser, à mettre en place, à essayer pour voir à quel point elles sont efficaces, après quoi il faut ajuster le modèle. Même quand nous adoptons des lois, nous constatons que les criminels changent leur comportement pour essayer de contourner la loi et nous devons constamment ajuster notre tir.

La présidente: J'ai eu l'occasion de participer au comité de la sénatrice Landon Pearson sur l'exploitation sexuelle des enfants et j'ai vu que lorsqu'on réunit tous ceux qui s'attaquent aux divers aspects du problème, cela donne beaucoup d'énergie créatrice, non pas tant pour élaborer de nouveaux programmes que pour réaliser les initiatives déjà en place. Vous pouvez dire à la personne en face de vous qu'en ce qui concerne telle initiative, vous en avez déjà réalisé un élément et qu'il vaut donc la peine de travailler ensemble et de collaborer davantage. Pour tout faire d'un bout à l'autre, il faut beaucoup de temps.

Je m'inquiète de voir qu'il n'y a pas vraiment de haut responsable au sein de chaque ministère. Certains diront qu'au Canada personne n'est vraiment responsable du problème de la drogue et que si nous en chargions un ministre nous pourrions centrer suffisamment nos efforts sur ce problème de façon à le résoudre.

M. Paul Kennedy: Premièrement, je ne sais pas si cette formule donnerait des résultats. Les Américains ont un haut responsable du terrorisme, un haut responsable des crimes informatiques et un haut responsable de la drogue. Je ne sais pas vraiment si c'est efficace.

Au Canada, il y a une plus grande répartition des responsabilités entre les niveaux municipal, provincial et fédéral. Également, chaque ministère a sa propre part du gâteau si bien que les responsabilités sont très partagées. Si vous avez un haut responsable de la drogue qui essaie de tout contrôler, il empiétera sur le mandat de la Santé, celui du Solliciteur général et Dieu sait quel autre et comme je l'ai dit, il y a aussi les gouvernements provinciaux et municipaux.

L'essentiel est d'essayer de réunir les gens afin que l'ensemble de leurs efforts soit déployé efficacement à la poursuite du même objectif. Au lieu d'avoir un cheval, vous avez tout un attelage de chevaux et le but est de les faire tous courir dans la même direction.

Par exemple, au comité que je préside, le Comité des sous-ministres adjoints sur la sécurité publique, j'ai une quinzaine d'organismes et de ministères différents et une quarantaine de personnes qui veulent y siéger, mais je dois le composer en fonction des problèmes à résoudre, inviter des gens pour traiter d'un sujet particulier et leur dire: «Comme cette question est de votre ressort, quelle est la nature du problème? Quelles sont les mesures que vous prenez? Comment pouvons-nous coordonner nos efforts?»

Dans le cadre de mon travail avec l'Amérique du Sud et la CICAD, j'ai vu qu'un ministère dépensait de l'argent pour venir en aide à tel pays, qu'un autre en consacrait à tel autre pays pour ses services de renseignement, qu'on dépensait ici et là pour les services correctionnels, pour les armes à feu, pour la formation de l'appareil judiciaire et les questions de ce genre. J'ai demandé que chaque ministère me dise ce qu'il fait dans l'hémisphère. Je veux que nous examinions ensemble ce que nous faisons. S'agit-il d'activités stratégiques? Cela aide-t-il le Canada en plus du pays en question? Nous nous occupons du phénomène de la criminalité transfrontalière. Il peut y avoir un pays qui est particulièrement vulnérable comme pays de transit ou pays d'origine de la drogue. Si nous aidons ces pays, nous nous rendons service en même temps.

• 1710

C'est peut-être le genre de synergie dont vous parlez, mais c'est aussi le genre de raisonnement que nous tenons. J'en parle dans le contexte de l'application de la loi, mais en même temps, je veux savoir ce que l'ACDI fait là-bas sur le plan de la santé. Parce que cela fait partie de ce que nous faisons au sein de la CICAD. Avez-vous des infirmières? Pouvons-nous envoyer des gens chez vous pour aider vos infirmières à acquérir certaines compétences? Et nous payons pour ces choses. Nous avons ce genre de dialogue. C'est du moins vrai au sein de mon comité. Le ministère de la Santé préside aussi, bien sûr, un comité sur la stratégie.

La présidente: Un document a été préparé pour la réunion spéciale sur la drogue de l'Assemblée générale des États-Unis. Le connaissez-vous?

M. Paul Kennedy: J'ai vu plusieurs rapports, mais j'en vois tellement. En voulez-vous un exemplaire ou voulez-vous me questionner à ce sujet?

La présidente: Je l'ai lu et je l'ai trouvé extrêmement décevant. Il manque de données précises et donne l'impression que tout le monde a tenu un tas de réunions et que tout va pour le mieux. J'ai trouvé que ce rapport manquait terriblement de données concrètes. Je ne sais pas si cela ressort du travail que vous effectuez, mais je dirais que nous ne sommes pas nécessairement à la recherche de beaux documents et que des mesures concrètes seraient un peu plus utiles.

M. Paul Kennedy: Je crois qu'au sein de la CICAD, nous faisons des choses terre à terre et assez pragmatiques auxquelles j'espère que vous trouverez un sens si vous les examinez. Les pays ne nient pas l'existence du problème. Ils reconnaissent qu'il existe bel et bien, ils veulent le régler et nous collaborons avec eux dans ce but.

La présidente: Sommes-nous sur la liste des pays fournisseurs?

M. Paul Kennedy: Bien entendu, nous avons un problème particulier en ce qui concerne la marijuana. Nous la produisons, mais c'est à peu près la seule drogue que nous exportons. Comme les États-Unis, nous avons également un problème avec les drogues de synthèse étant donné que nous pouvons en fabriquer, et que nous possédons les compétences requises de même que les produits chimiques. Nous nous sommes penchés récemment sur la question des précurseurs chimiques et les mesures à mettre en place pour mieux les contrôler, car ils servent à la fabrication de la méthamphétamine et d'autres drogues.

Nous savons que nous avons des problèmes à résoudre et chacun de ces pays adopte la même attitude. Tous reconnaissent qu'ils ont des problèmes et que ces problèmes sont reliés les uns aux autres. Si nous réglons les nôtres et si vous pouvez nous y aider, tant mieux. Nous allons coopérer ensemble. Nous avons donc abordé la question de façon très pragmatique. Nous allons droit au but.

La présidente: Merci.

Monsieur Lee.

M. Derek Lee: Merci.

Vos questions nous ont ramenés à un sujet sur lequel je voulais poursuivre. J'ai l'impression qu'à part tous ces acronymes, toutes ces stratégies reposant sur des acronymes—désolé, mais nous sommes jeudi après-midi et à la fin de la semaine, la plupart des députés sont devenus cyniques...

La présidente: Vous voulez voir son tiroir classeur.

M. Derek Lee: Dans votre mémoire, vous parlez du MEM et, d'après le peu que j'en sais—et je suis certain que nous allons en apprendre plus—ce mécanisme semble assez rationnel et tourné vers l'avenir. J'ai deux questions à vous poser pour voir si j'ai raison ou non.

Avons-nous conçu notre propre formulaire d'évaluation? Avons- nous préparé le nôtre tandis que la Colombie a préparé le sien, et ainsi de suite? Et si nous l'avons fait, qui s'en est chargé? Avec quelle collaboration avons-nous conçu notre propre feuille d'évaluation? Car cela ressemble à une stratégie en évolution, une base stratégique, un plan de base et c'est donc très important. Je suppose que cela n'a encore pas donné de produit final. Nous avons peut-être le document initial, mais si nous avons un produit final, nous aimerions le voir.

M. Paul Kennedy: Ce document a été créé par consensus. Le sous-solliciteur général du Canada de l'époque, Jean Fournier, avait été chargé de présider la réunion à laquelle participaient les 34 pays. Des experts avaient été recrutés, des chercheurs, des pharmacologues du comportement, ainsi que d'autres experts techniques, pour créer les indices, établir le genre de données dont nous avions besoin en examinant les cinq domaines dont j'ai parlé. Le résultat a ensuite reçu l'accord de tous les pays afin que nous ayons un mécanisme d'évaluation.

• 1715

J'ai fini par présider ce comité. Nous avons alors obtenu des pays tous les rapports, qui ont été analysés par des experts indépendants. Chaque pays devait choisir l'un des experts du groupe. L'expert que nous avions choisi ne pouvait pas participer à l'évaluation de nos données et établir la fiche d'évaluation du Canada. La fiche d'évaluation a été faite par d'autres experts qui analysaient les données. Cela évitait le manque d'objectivité. Le groupe effectuait une analyse de l'Argentine, du Brésil ou d'un autre pays. Ensuite, les experts ont établi ensemble un rapport pour l'hémisphère à partir de toutes les données.

On m'a demandé de présider la deuxième réunion de travail où nous avons examiné ce document, avec tous les critères et indices pour voir si la formule avait marché ou non. Nous avons cherché à voir si nous avions obtenu toutes les données que nous voulions ou suffisamment de précisions.

Il y a six mois environ j'ai présidé un groupe de 34 pays qui a réexaminé ces questions et ajouté quelques questions supplémentaires parce que nous nous intéressons également au blanchiment d'argent, aux institutions financières qui sont chargées de surveiller le blanchiment d'argent, car nous savons que c'est un problème encore plus grand que celui de la drogue.

C'est donc ce que nous avons fait et une fois que nous avons établi 14 recommandations dans notre cas, et 28 pour certains autres pays, nous avons évalué comment les pays avaient suivi les recommandations en question. Nous leur avons demandé quelles mesures ils avaient prises et la fiche d'évaluation annuelle indique quels sont les progrès réalisés dans la mise en oeuvre des recommandations.

L'évaluation révisée sert alors pour le cycle suivant et de nouvelles données sont récupérées l'année d'après. Cela forme donc un cycle complet: la première année, vous êtes évalué en fonction de tous ces critères et les données que vous fournissez sont analysées; on formule une série de recommandations après quoi on évalue la façon dont vous suivez les recommandations en question et vous faites l'objet d'une nouvelle évaluation la deuxième année pour voir quels progrès vous avez réalisés et quelles sont vos nouvelles données. N'oubliez pas que la recommandation faite à certains pays peut être de mettre en place une procédure de collecte de données parce qu'ils n'en ont même pas une.

C'est donc très pragmatique et cet instrument est rajusté pour nous fournir les données dont nous avons besoin pour voir si le processus fonctionne. Cela permet de voir si ce que nous faisons est la bonne chose à faire et quelles sont les mesures à prendre pour améliorer la situation.

M. Derek Lee: Ce document est déjà prêt?

M. Paul Kennedy: Oui.

M. Derek Lee: Nous l'avez-vous montré?

La présidente: Il va nous le remettre.

M. Derek Lee: Merci.

La présidente: L'une des 14 recommandations est-elle d'étudier l'incidence de la consommation de drogues au Canada? Étant donné que nous n'avons effectué aucune enquête depuis 1994, pouvez-vous me dire comment vous savez si vous atteignez l'objectif visé?

M. Paul Kennedy: Vous obtiendrez un exemplaire de ce document, mais à titre d'exemple, pour ce qui est du Canada, on nous demande de déterminer l'âge moyen auquel les gens consomment pour la première fois une drogue autre que le cannabis ou l'alcool; nous devons déterminer l'incidence annuelle des nouveaux consommateurs de drogues au niveau national, poursuivre l'évaluation du programme de tribunaux de la drogue, créer un centre national de surveillance de la toxicomanie pour recueillir des renseignements aux niveaux fédéral, territorial, provincial et municipal, y compris des renseignements sur des programmes administrés par des ONG, continuer à aider les autres pays pour la lutte contre la drogue—parce que nous pouvons leur venir en aide, ainsi qu'établir un système pour estimer et surveiller la culture du cannabis au Canada.

L'une de nos difficultés est que nous savons que nous en cultivons, mais dans quelle mesure? Il se fait beaucoup de culture hydroponique à l'intérieur. Un satellite vous permet de repérer les cultures, mais c'est difficile à faire quand c'est à l'intérieur.

On nous demande également de poursuivre la destruction des laboratoires qui produisent des drogues synthétiques, d'établir un règlement pour la réglementation des précurseurs chimiques—ce que le Canada n'a pas encore fait et c'est une des choses pour lesquelles Santé Canada est en train de créer un mécanisme—de mettre en place un moyen d'identifier les armes saisies en rapport avec le trafic des stupéfiants; de nombreux pays d'inquiètent beaucoup de la prévalence de la violence et de son lien avec le problème de la drogue.

• 1720

Ce n'est qu'un exemple. Vous pouvez voir que nous n'avons pas eu peur d'admettre nos lacunes. Nous savons que nous avons certaines choses à faire parce que quelqu'un nous signale les lacunes que présente notre système. Même si vous avez de nombreuses longueurs d'avance sur les autres, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des améliorations à apporter. Tout est relatif, mais nous avons certaines choses à améliorer et on nous a adressé des recommandations que nous allons devoir suivre.

La présidente: Monsieur Kennedy, vous allez avoir de la difficulté tout d'abord en ce qui concerne l'usage des drogues et le niveau général de la toxicomanie étant donné qu'il n'y a pas d'enquête à ce sujet au Canada.

M. Paul Kennedy: Ce sont des choses pour lesquelles on nous a recommandé de combler les lacunes.

La présidente: Quand devez-vous présenter un rapport?

M. Paul Kennedy: Nous devons le faire cette année. Évidemment, il y a certaines choses à accomplir. Nous voulons que les autres pays rendent des comptes si bien que nous devons nous-mêmes rendre des comptes à l'Organisation des États américains qui nous dira si nous avons suivi ses recommandations de façon satisfaisante ou non. Si l'on estime que certaines choses manquent, cela peut se retrouver dans les recommandations.

La présidente: Allez-vous obtenir un budget pour la mise en oeuvre de votre programme?

M. Paul Kennedy: Ce sont des choses pour lesquelles Santé Canada va devoir se battre étant donné que cela entre dans son champ de responsabilité. Santé Canada fait d'ailleurs partie de la délégation que je dirige.

La présidente: Très bien. Quand êtes-vous censé présenter votre rapport?

M. Paul Kennedy: Je vais aller là-bas cette semaine et je m'attends à ce que les rapports soient terminés au cours du prochain mois.

La présidente: Eh bien commencez par écrire: «Nous n'en avons aucune idée». C'est ainsi que se terminera le paragraphe, car vous ne pouvez pas répondre à ces questions vu l'absence d'enquête.

M. Paul Kennedy: Je vous ai dit que nous sommes conscients de cette lacune, car nous ne possédons pas ces données. Les 33 autres pays estiment que nous devrions les avoir.

La présidente: En effet.

M. Paul Kennedy: C'est ce qu'ils nous ont dit et nous devons donc trouver un moyen de le faire.

La présidente: Cela va être intéressant.

M. Derek Lee: Ils y travaillent.

La présidente: Non, c'est formidable. Vous avez peut-être trouvé la solution pour débloquer l'argent nécessaire pour vous acquitter de cette obligation vu que les agences canadiennes et ceux qui travaillent à ces dossiers disent que le Canada ne fait pas le minimum. Comment pouvons-nous résoudre nos problèmes? Tout le monde s'imagine que c'est la responsabilité de quelqu'un d'autre, qu'on n'a pas suffisamment d'argent ou d'autres ressources, mais nous avons de grosses responsabilités sur la scène internationale. Cela va peut-être débloquer les fonds.

M. Paul Kennedy: Oui, nous sommes tout à fait sérieux. Nous avons des comptes à rendre à l'Organisation des États américains et aux autres pays dans ce domaine et nous devons produire des résultats qui permettront de faire progresser la situation.

La présidente: C'était intéressant. Je suis contente que nous soyons restés jusqu'à la fin.

M. Paul Kennedy: Nous allons essayer de vous obtenir le questionnaire—je suppose que vous le voulez également.

La présidente: Oui.

Nous vous remercions infiniment et nous vous souhaitons bonne chance dans tout ce que vous allez entreprendre suite aux événements du 11 septembre, de même qu'au sujet du crime organisé et de la drogue. Nous apprécions que vous ayez envoyé Karen Kastner pour vérifier si nous étions sur la bonne voie et je suis sûre que nous obtiendrons une bonne rétroaction. Nous recherchons des solutions et nous cherchons toujours à voir quels sont les ministères que nous pourrions aider. Par conséquent, si vous avec des recommandations à nous adresser, nous nous ferons un plaisir de les recevoir également.

M. Paul Kennedy: Je vous remercie de votre patience.

La présidente: Merci beaucoup d'avoir accepté de venir aujourd'hui et de nous avoir incités à vous recevoir—c'était une forme d'assistance réciproque.

Au fait, j'avais noté: «Je ne pense pas que les Volkswagen soient nécessairement un exemple de voitures bon marché—il faudrait qu'elles coûtent moins cher».

M. Paul E. Kennedy: Ce n'est plus le cas.

La présidente: Pour ce qui est de la qualité, mais...

M. Paul Kennedy: C'était un exemple des années 60.

La présidente: Oui, à l'époque où c'était une automobile bon marché—et on la voit encore sur les routes de la plupart des pays que vous visitez.

Merci beaucoup. La séance est levée.

Haut de la page