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TRGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT AND GOVERNMENT OPERATIONS

LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 5 novembre 2001

• 1902

[Traduction]

Le président (M. Ovid Jackson (Bruce—Grey—Owen Sound, Lib.)): Bonsoir, mesdames et messieurs. La séance est ouverte.

Nous allons discuter du projet de loi C-38, Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, et nous accueillons ce soir le ministre des Transports, l'honorable David Collenette, Louis Ranger, sous-ministre adjoint des Transports, Valerie Dufour, directrice générale des politiques, et Jacques Pigeon, avocat général. Bienvenue.

Monsieur le ministre, vous connaissez nos habitudes.

L'honorable David Collenette (ministre des Transports): Je peux donc commencer, monsieur le président?

Le président: Oui.

[Français]

M. David Collenette: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie d'étudier avec autant de célérité le projet de loi C-38. Que ceux qui assistent à nos délibérations sachent que tous les partis se sont exprimés sur ce projet de loi en Chambre, mercredi dernier, avant qu'il ne soit renvoyé au comité.

[Traduction]

Alors que ce projet de loi est soumis à votre étude, j'aimerais revenir sur certains points que j'ai soulevés le 31 octobre dernier. Certains des facteurs qui ont nui au rendement d'Air Canada depuis le début de 2000 comprennent, comme vous le savez, la cherté du carburant, le déclin économique et les événements tragiques du 11 septembre. On semble commencer à s'entendre sur la nécessité de modifier la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada afin d'éliminer la limite de 15 p. 100 sur les actions avec droit de vote que toute personne peut détenir.

Nous ne voulons tromper personne. Le projet de loi ne prétend pas résoudre tous les problèmes à long terme associés à Air Canada qui ont été soulevés au cours du débat de deuxième lecture. J'espère que nous pourrons ce soir faire porter essentiellement la discussion sur la modification de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada qui constitue le sujet du projet de loi C-38. Je crois que le projet de loi répond aux intérêts des passagers du transporteur aérien et à tous ceux qui croient que notre transporteur national, onzième en importance dans le monde, devrait demeurer un grand transporteur.

Les investisseurs qui désiraient avoir voix au chapitre dans la direction de l'entreprise ont vu leurs plans contrecarrés depuis que l'entreprise a été privatisée en raison de la limite sur les actions avec droit de vote prévue dans la loi. Aucun autre transporteur du Canada n'est assujetti aux mêmes restrictions. En supprimant la limite de 15 p. 100, nous prenons une mesure qui permettra l'injection d'un nouveau capital dans Air Canada.

• 1905

Monsieur le président, vous vous rappellerez que la direction d'Air Canada, quand elle a commencé à restructurer le transporteur à l'autonome de 1999, a pensé que la limite de 10 p. 100, qui existait à l'époque, sur la propriété individuelle d'actions ne devrait pas être modifiée. On a ainsi jugé que les règles devaient être définies à l'avance et, après l'achat des Lignes aériennes Canadien, nous avons certes convenu avec la direction d'Air Canada qu'il devrait y avoir une période de stabilité pendant un ou deux ans. J'avais parlé d'un délai de deux ans pour évaluer les effets de la fusion.

Depuis le 11 septembre, nous avons pris part activement, avec tous les principaux transporteurs aériens, à un examen de leur santé financière. Ils ont été affectés, tout comme les transporteurs aériens du monde entier. Jusqu'au 11 septembre, monsieur le président, la politique du gouvernement, du Parlement, telle qu'énoncée dans le projet de loi C-26... D'ailleurs, Mme Meredith et Mme Desjarlais, qui sont ici présentes, ont participé au débat qui a eu lieu en juin 2000; M. Keyes présidait le comité. Ils se rappelleront tous que le projet de loi C-26 visait à inscrire dans la loi l'achat de Canadien par Air Canada ainsi que les conditions négociées avec Air Canada en ce qui concerne la protection des emplois. Il ne devait y avoir aucune mise à pied avant mars 2002 ni aucune interruption de service auprès des petites localités desservies par les Lignes aériennes Canadien et Air Canada avant le 31 décembre 2002.

Monsieur le président, je tiens à rappeler que ces deux conditions ne sont pas apparues par magie. Elles préoccupaient les membres du comité et les députés de la Chambre mais, ce qui est plus important, elles ont été proposées par Air Canada au moment de sa dispute, de sa contestation ou de sa lutte, peu importe le mot que l'on emploie, avec Onex. La direction avait alors promis que, si la proposition de restructuration d'Air Canada et de rachat des Lignes aériennes Canadien était acceptée, elle ne procéderait à aucune mise à pied et maintiendrait les services aux petites localités.

Au moment de la fusion, après qu'Onex eut retiré son offre, Air Canada, ce qui est tout à son honneur, aurait pu reculer, mais elle a tenu ses promesses. Nous avons demandé de les faire inscrire dans la loi. Dans certains journaux, on essaie de revenir sur qui a fait faire quoi. Le gouvernement et le Parlement n'ont pas obligé Air Canada à acheter les Lignes aériennes Canadien. C'est une décision d'affaires que le conseil d'administration d'Air Canada a prise considérant qu'elle était dans son intérêt et, sur le plan politique, je pense que c'était probablement le meilleur scénario à l'époque. On a ainsi réduit au minimum les bouleversements et préservé des emplois, surtout ceux des Lignes aériennes Canadien dans l'ouest du pays.

La loi apportait des modifications à la Loi sur la concurrence de façon, comme vous le savez, à favoriser la concurrence et à accorder au commissaire des pouvoirs qu'il avait demandés pour rendre des ordonnances de désistement dans certaines circonstances; il a exercé ce pouvoir et les ordonnances ont fait l'objet d'un débat devant le Tribunal de la concurrence. Et la concurrence s'est intensifiée. Le 10 septembre, Canada 3000, après l'achat de Royal et de CanJet, a enregistré le plus grand nombre de réservations de son histoire. WestJet ne cessait de prendre de l'expansion et était rentable. La part de marché d'Air Canada a diminué d'à peu près 82 p. 100 au moment de la fusion en décembre 1999 à environ 65 p. 100 le 10 septembre. Puis il y a eu le 11 septembre, et la dynamique a complètement changé. Nous devons nous adapter aux conséquences—et quand je dis nous, c'est nous tous, le Parlement, le pays et les entreprises visées.

• 1910

Le 2 octobre, à la suite de ce qui s'était passé le 11 septembre, nous avons annoncé une indemnité directe de 160 millions de dollars pour les compagnies aériennes touchées de façon à les dédommager pour la fermeture de l'espace aérien pendant les six jours qui ont suivi la tragédie du 11 septembre. Nous savons que la viabilité de l'industrie va continuer de s'en ressentir, en raison des réductions persistantes du trafic, et nous sommes tout à fait conscients de l'impact de cette crise sur les travailleurs de l'industrie du transport aérien et leurs familles. Le Canada n'est pas seul dans cette situation. Nous voyons ce qui se passe aux États-Unis. Nous avons appris aujourd'hui que British Airways procédait à des réductions. Nous sommes au courant de la situation chancelante de Swiss Air et Sabena. C'est un problème qui touche la plupart des transporteurs aériens du monde entier et l'industrie de l'aviation presque dans son ensemble.

Le gouvernement continuera de travailler avec l'industrie pour régler les problèmes. Comme vous le savez, nous avons annoncé toute une série de mesures de sécurité pour rétablir la confiance dans le transport aérien. Ces mesures sont assez coûteuses et vont le devenir encore davantage. Le cabinet discute actuellement des moyens de couvrir ces dépenses additionnelles. Certains soutiennent que c'est aux compagnies aériennes d'en assumer le coût. Or, comme vous le savez, les compagnies aériennes sont en grande difficulté et voudraient que ce soit le gouvernement qui paie. Pour d'autres, c'est l'utilisateur qui devrait payer. J'aimerais à un moment donné connaître le point de vue du comité à ce sujet, mais ce sont les problèmes avec lesquels nous sommes aux prises. Nous avons annoncé un montant de 91 millions de dollars pour accroître la sécurité, dont un montant de 55,7 millions de dollars pour l'achat de systèmes perfectionnés de détection d'explosifs et de fonctions d'avant-garde de sûreté électronique, comme les scanners et les rayons X de pointe, pour écarter tout ce qui pourrait représenter un risque pour les bagages et les personnes; or, toutes ces dépenses vont être très élevées et nous devons envisager des moyens de les financer.

Nous consacrons plus d'argent au déploiement d'un plus grand nombre d'inspecteurs dans l'ensemble du pays. Nous sommes chanceux que d'anciens employés de Transports Canada et d'autres agences gouvernementales qui possèdent les connaissances, le savoir-faire et l'expérience nécessaires aient accepté d'interrompre leur retraite pour nous aider. Nous espérons disposer, au sein du ministère, de nouvelles ressources permanentes pour veiller à la sécurité. Nous essayons d'effectuer une analyse très rapide des pratiques et des technologies nouvelles et de pointe pour les opérations de sécurité aéroportuaire, abusivement appelées biométrie, avec toutes les nouvelles technologies de scannage, d'examen de l'iris et des empreintes du pouce, par exemple. Toutes ces possibilités doivent être explorées, et elles entraînent des coûts.

Bien sûr, Canada 3000, un transporteur qui compte 41 avions, sert 69 destinations au Canada et est la seule autre compagnie à part Air Canada à offrir des services complets dans beaucoup de villes, a eu des problèmes de liquidités à la suite des événements du 11 septembre. Sa situation est pénible étant donné que la plupart de ses revenus étaient prépayés, puiqu'il s'agissait de billets pour les destinations soleil de cet hiver, et que cet argent ne pouvait servir en vertu des règlements provinciaux et fédéraux pour protéger les consommateurs. Canada 3000 n'avait donc pas les fonds dont dispose habituellement la compagnie qui prend des réservations. Nous avons donc convenu d'octroyer à Canada 3000 une garantie de prêt en financement provisoire, et annoncé que cela serait à la disposition des autres grands transporteurs, de façon à couvrir 95 p. 100 du marché. Mais nous ne leur donnons pas un chèque en blanc. Ce n'est pas ce que nous faisons. Les contribuables canadiens méritent que nous dépensions leur argent de façon sensée et c'est pourquoi nous avons obtenu de Canada 3000 et des autres transporteurs qu'ils respectent certaines conditions avant d'obtenir la garantie de prêt.

Nous espérons ainsi assurer une certaine stabilité à court terme et, quand les Canadiens se sentiront plus en sécurité pour voyager, nous souhaitons qu'il y aura augmentation des revenus et retour à la rentabilité. Ces résultats dépendent en grande partie de l'évolution de la situation économique dans le monde ainsi que de notre succès à lutter contre le terrorisme et du temps que cela prendra. Mais je pense, comme nous l'avons vu au cours des dernières semaines, que les gens commencent à réserver des billets et à reprendre l'avion pour le travail et les loisirs.

• 1915

[Français]

Je voudrais dire quelques mots sur la limite de 25 p. 100 sur les intérêts étrangers. Pour le moment, nous ne proposons pas de hausser la limite sur les intérêts étrangers, qui est de 25 p. 100. Selon nous, un tel changement n'est pas nécessaire présentement.

De fait, nous agissons comme de nombreux autres pays, dont les États-Unis, qui maintiennent leur limite à 25 p. 100. Comme eux, nous croyons qu'une industrie aussi cruciale pour l'économie, qui représente la force et l'identité du pays, devrait non seulement être exploitée par nos ressortissants canadiens mais aussi être réellement contrôlée par des Canadiens.

[Traduction]

Nous croyons fermement que l'industrie aérienne canadienne devrait être non seulement exploitée par des Canadiens mais également contrôlée par des Canadiens. Nous ne pensons pas avoir à augmenter cette limite pour l'instant.

J'ai remarqué au cours du débat que certains ont laissé entendre que nous devrions abroger en entier la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. Je ne vois pas d'avantage concret pour Air Canada, mais je sais que cela aurait des effets néfastes pour de nombreux autres. J'aimerais retourner la question aux membres du comité: Quel serait l'avantage d'abroger la loi? Cette mesure aurait pour effet de mettre fin aux obligations d'Air Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles. Sommes-nous prêts, après avoir tant lutté pour protéger l'usage du français, surtout dans les parties du pays où c'est la langue de la minorité, à renoncer à tous les acquis en raison des problèmes financiers qui touchent l'industrie? Nos principes sont-ils si fragiles que nous pourrions mettre en péril un précepte essentiel de notre pays, la protection fondamentale, et inscrite dans la Charte des droits, des deux langues officielles, qui s'est toujours appliquée à Air Canada en tant que société d'État? Cette mesure s'est aussi toujours appliquée à Canadien national. On ne réclame pas que Canadien national n'utilise pas les deux langues officielles, et c'est une société dont la capitalisation boursière s'élève à 11 milliards de dollars et qui fait beaucoup d'argent.

La loi exige que le siège social se trouve à Montréal et les centres d'entretien dans d'autres régions du pays, comme Winnipeg et Mississauga. Certains prétendront que c'est une contrainte, mais c'est une société que les contribuables ont construit pendant des décennies et je pense qu'ils ont le droit de s'assurer que l'intérêt public est préservé. C'est la raison pour laquelle ces conditions ont été prévues, pas par notre gouvernement, pas par un gouvernement libéral, mais par le gouvernement conservateur au pouvoir en 1987-1988, quand la compagnie a été privatisée.

Le gouvernement, je vous l'assure, ne va pas se dérober aux obligations prévues dans la loi concernant le siège social à Montréal et l'usage des langues officielles, pas plus qu'il ne le fera dans le cas de Canadien national. C'est trop important pour notre pays. C'est trop important pour notre tissu social.

J'espère donc que nous pourrons débattre de la question sereinement ce soir. Il s'agit en quelque sorte d'une modification de forme, que même Air Canada ne conteste pas. En fait, je crois que la compagnie a fait savoir qu'elle l'accueillait favorablement. Je ne sais pas si ses représentants pourront ou voudront venir témoigner devant le comité, mais il ne semble pas y avoir de conflit avec Air Canada à ce sujet. En fait, ce midi, j'ai mangé avec Doug Port, le vice-président principal de l'ATAC à Toronto et nous avons parlé notamment de l'étude du projet de loi ce soir. Je crois que c'est important de modifier la loi à ce moment-ci, pour qu'Air Canada puisse avec autant de souplesse que ses concurrents trouver du capital-actions et être contrôlé, selon le cas, par un investisseur ou des groupes d'investisseurs intéressés à en faire l'acquisition.

Merci, monsieur le président.

• 1920

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Nous allons maintenant accorder la parole pendant dix minutes, à James Moore, qui est le porte-parole officiel de l'opposition.

M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne): Merci. Je remercie le ministre d'être venu nous rencontrer.

Étant donné que c'est moi qui ai proposé d'abroger en entier la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, je vais mordre à l'hameçon du ministre. Vous avez déclaré tout à l'heure que si la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada était abrogée, elle permettrait à Air Canada de se soustraire à ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles. Si vous connaissez la Loi sur les langues officielles, vous savez que ce n'est tout simplement pas vrai. Il suffit de modifier la Loi sur les langues officielles pour exiger l'usage de ces langues sur tous les transporteurs aériens et, en tant que Canadien bilingue, j'appuierais cette mesure.

J'aimerais savoir pourquoi vous imposez à un transporteur canadien une norme différente de celle qui s'applique aux autres transporteurs canadiens étant donné, comme vous l'avez dit avec vigueur dans votre déclaration, que les langues officielles sont le fondement de notre pays, un élément essentiel qui nous définit? Si vous le croyez vraiment, pourquoi ne pas éliminer de cette loi les dispositions sur le bilinguisme officiel et assujettir les transporteurs aériens à la Loi sur les langues officielles, pour que tous les Canadiens de toutes les régions du pays, peu importe où ils voyagent par avion, soient servis dans les deux langues officielles?

M. David Collenette: À l'époque, Air Canada était une société d'État qui servait toutes les parties du pays et elle a toujours l'obligation, de par la loi, de servir ces localités en vertu du projet de loi C-26. Oui, c'est une entreprise privée, mais c'est la onzième compagnie aérienne en importance et c'est notre transporteur national. Le gouvernement croit fermement qu'Air Canada ne doit pas se soustraire aux conditions convenues au moment de sa privatisation. Quand les gens ont acheté des actions en 1987-1988, ils savaient qu'ils achetaient des actions d'une société dont le siège social devait se trouver à Montréal. Ils savaient que la Loi sur les langues officielles s'appliquait en tous points. Ce n'est pas le moment de changer cela.

Mme Dufour me signale à l'instant que la Loi sur les langues officielles s'applique seulement aux institutions fédérales, comme nous le savons, et la compagnie n'est plus une institution fédérale. Une disposition spéciale s'applique à elle depuis 1988 et pour une bonne raison. Je ne peux pas croire qu'une personne qui est sensible à notre pays—et je sais que M. Moore l'est et qu'il s'intéresse aux questions linguistiques—pourrait nous demander, dans un sens, de nous débarrasser de la loi et de permettre à Air Canada de renoncer à tout ce qui l'oblige à servir les Canadiens dans les deux langues officielles.

M. James Moore: À mon humble avis et malgré tous les efforts que le ministre déploie pour interpréter ce que je dis, je lui dirai que c'est tout à fait faux. Si vous voulez vraiment que les Canadiens soient tous servis dans les deux langues, vous modifiez la Loi sur les langues officielles pour que cela soit possible. Vous qui êtes en poste depuis longtemps, vous devriez le savoir.

J'ai aussi d'autres raisons de penser que cette loi devrait être abrogée. Il y a 15 clauses dans la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. Cinq d'entre elles sont maintenant périmées, c'est-à-dire qu'elles ne sont plus pertinentes. Deux clauses sont discriminatoires, en ce sens qu'elles imposent à Air Canada des normes auxquelles les autres transporteurs canadiens ne sont pas tenus. Cinq clauses sont inutiles, parce qu'elles reprennent des clauses d'autres textes de loi. Et quatre clauses sont de nature administrative, en ce sens qu'elles n'existent que pour donner force obligatoire à la loi. C'est exactement le genre de loi qui fait les Canadiens hocher la tête et dire, avec toute cette lourdeur bureaucratique à Ottawa qui lie les mains à certaines compagnies, qui ne prévoit pas de régime de réglementation pour d'autres compagnies, pourquoi ne pas tout simplement abroger cette loi et laisser Air Canada faire concurrence à tous les autres transporteurs en vertu de règles équitables?

M. David Collenette: Je ne pense pas que nous devrions avoir un débat, que ce soit sur la Loi sur les langues officielles, le siège social à Montréal ou même les autres questions techniques, que vos motifs soient justifiés ou non. Je sais que certaines de ces clauses étaient des dispositions habilitantes qui se rapportaient à la privatisation originale, et on pourrait soutenir que leur objet est maintenant nul et non avenu. Cependant, ce dont il s'agit ici, c'est d'essayer de lever les obstacles sur lesquels Air Canada se bute quand elle veut réunir des fonds en ces temps difficiles.

• 1925

Je suis absolument ébahi de voir que nous parlons, en fait, de soustraire Air Canada aux obligations de la Loi sur les langues officielles qui sont prévues dans cette loi, rien que pour modifier notre loi, la Loi sur les langues officielles dans le même but, pour qu'elle s'applique à Air Canada. Il me semble que c'est un gaspillage immodéré du temps du Parlement.

M. James Moore: C'est faux. Le principe d'égalité...

M. David Collenette: Ne semons pas la pagaïe dans ce que nous avons ici, c'est-à-dire qu'Air Canada doit respecter la Loi sur les langues officielles.

M. James Moore: Non, il y a un principe d'égalité qui devrait être maintenu. Le bilinguisme officiel, dans lequel je crois et que je pratique, devrait être maintenu pour tous les transporteurs canadiens, et aucun ne devrait faire l'objet de discrimination.

Mais je poserai les questions sur la limite sur les actions. Vous avez dit dans votre déclaration que vous ne pensez pas que la limite devrait être relevée de 25 p. 100 à on ne sait trop quoi, ni éliminé. C'est bien. Mais vous pourriez tout aussi bien l'éliminer de cette loi, parce que, et je pense que vous le savez ou devriez le savoir, l'article 5 de la Loi sur les transports au Canada impose cette limite de toute façon. Alors pourquoi venir devant le comité nous dire que vous vous opposez à supprimer la limite de 25 p. 100 sur les intérêts étrangers dans cette loi? Vous pourriez tout aussi bien la mettre à la poubelle. C'est prévu dans une autre loi.

M. David Collenette: Nous avons modifié le texte du projet de loi C-26 pour permettre à Air Canada de suivre les préceptes de l'article 55 de la Loi sur les transports au Canada.

M. James Moore: C'est bien ce que je dis. Pourquoi, alors, ne pas éliminer cette disposition de ce texte de loi? Ce n'est qu'un supplément de paperasserie et de tracasseries administratives, qui est redondant et n'a aucun sens.

M. David Collenette: Avec tout le respect que je vous dois, nous avons une industrie aérienne qui est en crise, notre économie est en difficulté, et M. Moore parle de quelque chose qui me paraît tout à fait ésotérique en ce moment. Le fait est qu'il nous faut relever la limite de la participation individuelle ou l'éliminer afin qu'Air Canada puisse avoir les mains libres pour réunir des fonds sur les marchés des capitaux. Nous pouvons revenir et débattre de ces autres questions à un autre moment. C'est ceci qui est urgent. Parlons de la question qui nous occupe pour l'instant. N'ouvrons pas d'autres sujets, qui sont accessoires et ne sont pas particulièrement pertinents pour la santé financière de l'industrie en ce moment.

M. James Moore: Permettez-moi alors de vous poser la question suivante, si c'est tellement urgent et s'il y a du bon là-dedans. Si vous éliminez la limite de 15 p. 100, nous l'appuyons, parce que ça va, mais nous ne pensons très franchement pas que cela fasse vraiment grand-chose, parce qu'Air Canada ne retire aucune somme de la vente d'actions. Il n'y a pas un seul actionnaire qui possède actuellement 15 p. 100, ou qui veut en avoir plus. Il n'y en a pas. À ce que je sache, le plus gros actionnaire est la Caisse de dépôt et de placement qui, je crois, a 8 ou 9 p. 100 des actions, tandis que le régime de retraite des enseignants de l'Ontario détient 6 ou 7 p. 100. Il n'y a personne qui possède 15 p. 100 et en veuille plus. Si vous n'envisagez pas d'acheter des actions avant l'adoption du projet de loi C-38, pourquoi l'entrée en vigueur de cette loi vous ferait-elle en vouloir plus? Cette loi n'est que fumée miroirs, elle ne fait rien pour régler vos problèmes.

M. David Collenette: Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le président, la raison pour laquelle nous voulons changer, c'est pour permettre à un investisseur ou à des groupes d'investisseurs d'avoir le contrôle de la compagnie. La façon dont elle a été constituée protège la direction actuelle. Pourquoi investirais-je dans une compagnie si je ne peux pas en influencer la gestion? La Caisse de dépôt—et je lui tire mon chapeau, à 8 ou 9 p. 100 des actions, et le Régime de retraite des enseignants de l'Ontario 7 ou 8 p. 100—est-ce qu'ils ont leur mot à dire? Est-ce que le président de la Caisse peut téléphoner au président du Régime de retraite des enseignants et dire écoutez, je n'aime pas l'orientation que prend la compagnie, nous devrions faire quelque chose à ce sujet. Vous savez que s'ils le faisaient, à moins que nous adoptions cette loi, ce serait illégal. Ils ne peuvent pas, en vertu de la définition d'un associé, avoir ce type de conversation.

Monsieur Moore souhaite que les règles du jeu soient équitables pour Air Canada et que la compagnie soit traitée sur le même pied que toutes les autres compagnies. Dans une autre compagnie, vous pouvez acheter des blocs d'actions, vous pouvez acheter une participation majoritaire. Il y a un actionnaire qui a 41 p. 100 de Canada 3000, c'est l'actionnaire majoritaire. Qu'y a-t-il de mal à cela? C'est la situation de toutes les compagnies avec actions émises dans le public. Ce n'est pas tout le monde qui achète 51 p. 100 des actions, mais des blocs d'actionnaires tiennent les rênes et décident de l'orientation de la compagnie.

Je ne cherche pas à critiquer l'orientation de la compagnie telle qu'elle est actuellement. Tout ce que je dis, c'est que si vous voulez investir, vous voulez avoir votre mot à dire. Si vous êtes un particulier et que vous achetez 10 ou 20 actions en vue de votre retraite, vous avez le droit d'aller aux réunions des actionnaires ou de donner procuration aux administrateurs, ce qui se fait régulièrement. Mais si vous êtes le Régime de retraite des enseignants de l'Ontario, si vous êtes la Caisse de dépôt, avant de mettre de l'argent dans une compagnie comme celle-là, vous voulez vous assurer que ce n'est pas sans droit d'intervention. C'est pourquoi nous recommandons que la limite soit supprimée.

• 1930

M. James Moore: Voilà déjà près de deux mois qu'Air Canada a demandé en public une somme pouvant atteindre 4 milliards de dollars, soit six fois le montant de 75 millions de dollars que Canada 3000 a reçu. La question à 64 000 $ dont tout le monde voudrait connaître la réponse, c'est combien d'argent vous envisagez de donner à Air Canada?

M. David Collenette: Nous avons défini les règles assez équitablement et clairement il y a environ deux semaines, lorsque j'ai annoncé la garantie de prêt pour Canada 3000. Air Canada, Air Transat, Canada 3000, WestJet et Sky Service, les cinq plus importants transporteurs aériens, qui ont 95 p. 100 du marché, seraient admissibles au même type d'aide financière, sous réserve de certaines conditions. Ces conditions se rapportent à l'infusion de capital par les investisseurs, à la réduction de la capacité, à la rationalisation des routes, aux communautés desservies, à l'effectif, à tout cela, mais d'abord et avant tout à un plan d'affaires qui soit viable qui serait rentable. Si Air Canada avait besoin de ce type d'aide, ce serait certainement sous les mêmes conditions.

J'ai dit, lors de points de presse, et je peux l'avoir aussi dit en réponse à des questions, que le gouvernement du Canada, les contribuables, ne seront pas les prêteurs de premier recours. Ce sont les prêteurs de dernier recours. Aujourd'hui, quelqu'un y a fait allusion et il y a un journal qui a claironné que d'une certaine façon, nous, le Parlement, ne sommes pas intéressés à aider Air Canada. Le fait est que si Air Canada se met dans une posture où elle a besoin d'injection de fonds et qu'elle a dressé un plan d'affaires pour poursuivre ses activités en tant que compagnie restructurée, alors, les mêmes modalités et conditions qui ont été imposées à Air Canada s'appliqueraient et, de toute évidence, une garantie de prêt lui serait octroyée. Vendredi, Air Canada a déclaré qu'elle avait un milliard de dollars d'actifs, de liquide, en fait et, je pense, 4 milliards de dollars de fonds non engagés. Elle a donc affirmé avoir 5 milliards de dollars de biens, alors pourquoi voudrait-elle demander des fonds au gouvernement? Canada 3000 n'avait pas 5 milliards de dollars.

Le président: Monsieur le ministre, je pense qu'il ne reste plus de temps.

Nous laisserons la parole à Gerry Byrne, du Parti libéral, pour 10 minutes.

M. Gerry Byrne (Humber—St. Barbe—Baie Verte, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le ministre, de comparaître devant le comité au sujet de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. C'est un sujet auquel s'intéressent de très près, je crois, les Canadiens d'un bout à l'autre du pays, d'un aéroport à l'autre puisque, bien sûr, leur propre viabilité et leur stabilité financière pourraient être remises en question, selon la décision de la compagnie aérienne, de l'industrie aérienne et de notre gouvernement à ce sujet.

Vous avez mentionné que certains engagements avaient été pris. Ces engagements datent de 1987-1988, mais ont été réaffirmés par Air Canada lorsqu'elle a proposé de reprendre les Lignes aériennes Canadien. Elle prévoyait respecter les engagements relatifs au maintien des emplois, au maintien des services en français et au maintien du siège social à Montréal. Tous ces engagements nous ont guidés, en tant que gouvernement, dans la formulation du projet de loi C-26, et c'est quelque chose que, je pense, tous les Canadiens attendent d'un système de transport national dans lequel ils ont beaucoup investi, et dont ils voudraient pouvoir recueillir les dividendes. Il me semble que nous commençons à gruger sur ces engagements-là même, avec cette loi-ci qui supprime les exigences de participation individuelle et l'association entre actionnaires, qui était l'un de ces engagements que nous avions. Il me semble, et aussi à d'autres, que ce que nous faisons, en réalité, c'est préparer Air Canada en vue d'une offre publique d'achat encore une fois par une compagnie comme Onex, en procédant à une restructuration potentielle de son administration.

Vous avez dit que ceux qui ont pris ces engagements à l'origine doivent les maintenir et les respecter. Si la compagnie est prise en charge par une nouvelle administration, s'il y a une injection massive de capital par quelqu'un qui est intéressé à appliquer un nouveau modèle de participation et à le faire entrer dans le XXIe siècle, un modèle entièrement fondé sur les concepts de marché, et que ce quelqu'un ne tient pas nécessairement à s'encombrer de ces engagements... Avons-nous l'absolue certitude que nous ne nous engageons pas sur une mauvaise pente, que ces engagements seront maintenus, non seulement du côté des emplois, mais aussi de celui du service aux petites communautés? Est-ce que ces engagements, monsieur le ministre, seront maintenus après le 31 décembre 2002?

• 1935

M. David Collenette: Ces engagements, tels que vous les décrivez, monsieur Byrne, au sujet des emplois et du service aux petites communautés, ne figuraient pas dans la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. Ils sont prévus dans le projet de loi C-26, et ils sont assortis d'échéances. C'est mars 2002 pour l'engagement de non-licenciement, et c'est la fin de l'année prochaine en ce qui concerne le service aux petites communautés. Ce que nous avons dit, après avoir eu des discussions avec Air Canada, c'est que nous sommes d'accord avec leur interprétation juridique selon lequel l'engagement de non-licenciement était applicable dans la mesure où il se rapportait à l'absorption des Lignes aériennes Canadien, et après les événements du 11 septembre, nous ne pouvions pas les contraindre à s'y tenir. C'est pourquoi ils travaillent avec les syndicats pour essayer de réduire l'effectif avant l'échéance. Mais ils n'ont fait aucune demande, parce qu'ils savent qu'il nous faudrait abroger le projet de loi C-26, ce que nous ne voulons pas faire, pour les libérer de l'obligation de service aux petites communautés. Ils le savent.

Pour ce qui est des autres engagements, ceux que comporte la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, il y avait celui dont nous avons parlé plus tôt, au sujet du plafond de 25 p. 100, pour l'harmoniser avec la Loi sur les transports au Canada, mais ceux qui sont les plus importants sont la limite unique relative à la participation, l'emplacement du siège social et l'application de la Loi sur les langues officielles. Je peux vous dire qu'aucun gouvernement libéral, à aucun moment, ne voudrait rien changer aux obligations relatives à l'emplacement du siège social à Montréal et à l'application de la Loi sur les langues officielles. Je suis sûr que d'autres partis nous appuieront sur ce plan.

Nous n'avons eu aucune indication d'Air Canada qu'elle voudrait rien y changer. Je ne peux pas croire que la direction d'Air Canada voudrait dire, puisque son siège est à Montréal, nous voulons quitter cette ville. Pourquoi le faire maintenant, avec tous les frais que cela engagerait? Et je ne peux penser qu'une administration d'Air Canada irait dire qu'elle ne veut pas appliquer la Loi sur les langues officielles alors qu'elle a un effectif bilingue et que le Parlement est bien déterminé à veiller à ce que les règles générales qui s'appliquaient à la compagnie, la Loi sur les langues officielles, en tant qu'institution fédérale, tout comme pour Canadien National, VIA Rail et d'autres institutions, se reportent dans l'avenir, même si elle devait être privatisée. Si vous dites que l'élimination de ces dispositions amènera l'élimination des autres, je pense que la volonté politique n'y serait certainement pas favorable.

À propos de ce que vous disiez, si cela allait précipiter une absorption, je pense y avoir répondu quand je parlais à M. Moore. Ce n'est pas une question d'absorption, c'est une question de qui veut acheter des actions de la compagnie et avoir son mot à dire au sujet de son administration. Il n'y a rien de mal à cela. C'est la situation de toutes les compagnies du pays dont les actions sont émises dans le public.

M. Gerry Byrne: Je suis d'accord avec monsieur le ministre, mais vous avez dit vous-même que c'est l'administration actuelle et l'organisation actuelle qui a pris ces engagements et, très franchement, personne ne peut dire qu'elle devrait y être soustraite ou en être exemptée, étant donné que c'est sur cet argument qu'elle s'est appuyée pour absorber les Lignes aériennes Canadien et dans d'autres situations.

Mais je voudrais parler spécifiquement des services régionaux. J'espère, et je pense pouvoir dire avec confiance qu'aucun gouvernement libéral ne voudrait faire quoi que ce soit qui ferait que les petites communautés ne soient pas desservies par Air Canada. Et pourtant, les preuves s'accumulent qui vont à l'encontre de cette théorie. Tango, en ce qui me concerne, n'est rien de plus qu'une mesure malhabile en deux temps pour tenter d'éliminer la compétition. La compagnie ne dessert absolument pas Terre-Neuve et le Labrador et pourtant, c'est l'un des principaux véhicules qu'a trouvé Air Canada pour entrer dans le XXIe siècle.

Nous avons, en fait, un système en place selon lequel Air Canada, tandis qu'elle évolue comme entité sociale, se défait maintenant du fardeau ou des entraves de son appartenance. Pourquoi ce comité ne devrait-il pas penser qu'il n'y aura pas d'autres dépréciations et concessions, spécifiquement en ce qui concerne les plus petits aéroports, puisque vous avez dit vous-même, monsieur le ministre, que l'un des principaux facteurs attachés aux garanties d'emprunt aux compagnies aériennes dans l'avenir sera la rationalisation des routes et la solidité financière? Qu'avez-vous à dire aux gens de Deer Lake, de Stephenville ou de St. Anthony, ou encore de Goose Bay?

• 1940

M. David Collenette: Pour exprimer les choses simplement, les modifications de ces engagements exigeraient un débat à la Chambre des communes et l'abolition du projet de loi C-26, et nous ne comptons pas proposer cela, ce n'est pas notre intention. Ces engagements sont pris jusqu'au 31 décembre de l'année prochaine. Nous sommes presqu'à la fin de l'année, alors il reste encore un an. Les Deer Lake de ce monde—je sais que votre propre ville est touchée—seront desservis. Dans le contexte compétitif qui s'est créé depuis que nous avons adopté le projet de loi C-26 et avant le 11 septembre, Deer Lake recevait les services d'autres transporteurs. Je pense—corrigez-moi si je me trompe—que Canada 3000 desservait effectivement Deer Lake, bien que ce ne soit qu'une fois par semaine.

Il y a un problème de fréquence du service. Dans le projet de loi C-26, nous avons stipulé que le service devait être maintenu, mais nous n'avons pas parlé de niveau de service. Même si WestJet va à Sault Ste. Marie, comme elle est censée le faire d'ici quelques semaines, et qu'elle ne va à Winnipeg que trois fois par semaine, le fait qu'elle soit là, ou que Canada 3000 ait eu un vol pour Deer Lake une fois par semaine, influence les tarifs d'Air Canada ou de ses compagnies affiliées. Alors, les Deer Lake de ce monde ont connu les avantages d'une certaine concurrence depuis quelque temps. Il y a beaucoup d'autres petites communautés qui n'ont pas eu cette chance, et il y a eu un problème dans votre province en particulier.

Je sais que la fusion, dans l'ensemble, s'est bien passée, à part certaines régions du nord de l'Ontario, des régions rurales du Québec, et Terre-Neuve et le Labrador. Dans l'ouest du Canada, dans le sud de l'Ontario, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard, il y avait de la compétition, mais la compétition ne doit pas absolument être telle qu'elle était avant la fusion des deux lignes aériennes qui offraient les mêmes vols à 20 minutes d'écart, avec des avions à moitié vides. Ce n'est pas le genre de compétition qui était en train de se créer, mais il y avait une compétition des tarifs. Si vous faites l'analyse des 18 derniers mois, vous verrez que, dans l'ensemble, les voyageurs ont eu de bons prix.

Le président: Monsieur le ministre, je vous remercie.

Gerry, si tout le monde pouvait avoir des questions et des réponses brèves, nous aurions peut-être un peu plus de temps. Il y a pas mal de monde qui veut parler.

Monsieur Laframboise.

[Français]

M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Merci, monsieur le président.

D'entrée de jeu, monsieur le ministre, j'affirme que le Bloc québécois va appuyer le projet de loi C-38 pour les raisons que vous avez énoncées, entre autres parce que toutes les protections contenues dans le projet de loi C-26 et les autres lois qui ont créé Air Canada telle qu'on la connaît aujourd'hui sont maintenues: les droits des travailleurs, la desserte des villes de région et évidemment la Loi sur les langues officielles.

J'aimerais souligner, monsieur le ministre, qu'il y avait déjà, avant la crise actuelle, des problèmes, par exemple au niveau du respect de la Loi sur les langues officielles. Il ne faut pas oublier que 136 plaintes ont été déposées contre Air Canada au bureau de la commissaire aux langues officielles. Air Canada a donc déjà enfreint la loi à plusieurs reprises. Nous nous devons d'être de plus en plus respectueux de la protection de la Loi sur les langues officielles.

Comme vous l'avez mentionné plus tôt, monsieur le ministre, le projet de loi C-26 a établi l'obligation de desserte des villes de région. Toutefois, le niveau de service était déjà contesté par les villes de région. Air Canada a changé les horaires et a augmenté les tarifs. Il y a donc beaucoup de plaintes au niveau de la desserte des villes de région. J'espère que les députés autour de la table vont comprendre. Évitons l'expression «les petites municipalités», monsieur le ministre; cela m'horripile un peu. Ce sont des villes de région. Le Canada et le Québec se sont bâtis sur un vaste territoire, et ces villes ont autant le droit au statut de ville que les villes des centres urbains, monsieur le ministre.

Ces villes ont connu et connaissent encore des problèmes de desserte en région, et nous nous devons de renforcer, si possible, un jour, cette loi. Je comprends que certains voudraient voir abolir toutes les protections. Je prétends le contraire. Il faut maintenir les protections et quand le moment sera plus propice, il faudra les améliorer, entre autres au chapitre des langues officielles et au chapitre de la desserte des villes de région.

• 1945

Une chose est difficile à comprendre, par contre, monsieur le ministre. Les Américains ont apporté une aide rapide. Ils ont annoncé leurs couleurs: des investissements massifs pour appuyer l'industrie aérienne. Vous avez choisi d'y aller à la petite semaine; à toutes les semaines, vous faites une annonce. C'est un choix. Les agissements d'Air Canada vous donnent peut-être raison en partie. Vous saviez sûrement que quatre ou cinq milliards de dollars dormaient dans leurs coffres et qu'en fin de compte leurs demandes étaient trop élevées. Il n'en demeure pas moins, monsieur le ministre, qu'attendre que le mal soit fait ne va pas aider l'industrie. Nous possédons du savoir. Les employés des industries aériennes au Canada constituent un potentiel humain qu'il ne faut pas perdre, monsieur le ministre.

On a mis sur pied des programmes de temps partagé avec l'aide des syndicats d'Air Canada. Malheureusement, une fois de plus, à la suite de longs débats, vous n'avez pas annoncé tout de suite vos couleurs et dit aux employés que vous alliez les aider à demeurer au sein de l'industrie le temps que tout cela se replace. Il est peut-être trop tôt pour faire des prédictions, mais je souhaite que l'industrie se rentabilise et, entre-temps, il ne faut pas perdre notre capital humain. Cela risque de se produire quand on annonce des choses à la petite semaine, par exemple en exigeant, avant d'accorder une aide de 75 millions de dollars à Canada 3000, qu'il y ait une rationalisation des effectifs. On dit aux employés de se trouver un autre travail, car l'industrie aérienne vit des moments difficiles et ne va pas les aider. Pourquoi ne pas avoir annoncé tout de suite une vaste opération de temps partagé pour protéger le capital humain? Il aurait fallu l'annoncer immédiatement. Pourquoi toujours attendre que les compagnies soient en grande difficulté avant d'annoncer un programme d'aide?

Les États-Unis et la Suisse, par contre, ont annoncé des investissements importants dans l'industrie aérienne. Vous choisissez de le faire au jour le jour, à la petite semaine. Vous attendez que l'industrie connaisse des problèmes très importants et cela, monsieur le ministre, rend les choses difficiles pour les employés des industries aériennes à travers le Canada. Il est difficile pour le Bloc québécois de vous suivre, alors que le capital humain de l'industrie aérienne au Canada est de grande qualité et que le gouvernement n'annonce pas tout de suite qu'il va aider l'industrie aérienne quand elle sera en difficulté. Il faudrait tout de suite, entre autres, un vaste programme de temps partagé pour toutes les industries, et pas seulement les cinq grandes compagnies, monsieur le ministre, car il y aura aussi des problèmes chez les transporteurs régionaux. Je suppose que vous allez attendre encore une fois que les transporteurs régionaux soient en difficulté avant de les aider.

Pourquoi ne pas avoir mis en place tout de suite un vaste programme d'aide pour protéger le capital humain afin de garder les employés du secteur de l'aviation?

M. David Collenette: Je vais commencer par le dernier point.

M. Laframboise veut que le gouvernement canadien établisse un vaste programme d'aide financière pour l'industrie. Nous allons le faire. Nous avons déjà fourni une assistance financière de 160 millions de dollars pour pallier la fermeture des espaces aériens après le 11 septembre 2001. Nous avons aussi accordé des garanties de prêts à Canada 3000. Je pense que nous avons prouvé que notre gouvernement était prêt à aider les compagnies aériennes.

Comme vous le savez, monsieur le président, beaucoup d'industries sont affectées par la crise économique actuelle. On se demande où une telle assistance commence et où elle finit. Quand vous aidez une industrie, d'autres industries demandent aussi de l'aide. Nous avons dit que nous étions prêts à aider les grands transporteurs canadiens par un système de garanties de prêts parce que l'industrie aérienne a été affectée en premier lieu par la fermeture de l'espace aérien le 11 septembre 2001.

• 1950

Vous avez soulevé un point important, monsieur Laframboise, celui de la protection du capital humain. Il est triste qu'il y ait des mises à pied chez Air Canada. Je dois souligner qu'il existe actuellement des programmes au sein du ministère du Développement des ressources humaines et que ma collègue Jane Stewart a rencontré plusieurs fois les syndicats de l'industrie aérienne pour les aider à mettre sur pied ces programmes de temps partagé. Malheureusement, il n'est probablement pas possible de sauver la majorité des emplois.

Quant à Air Canada, je dois souligner que son président a déclaré vendredi dernier que la compagnie possédait un milliard de dollars en liquidités et des actifs importants dont la valeur est de 4 milliards de dollars. Cette société possède donc les moyens nécessaires pour effectuer une restructuration. Nous demandons simplement à Air Canada de se restructurer. Elle a les moyens de le faire et elle peut le faire dès maintenant.

La question du niveau de services dans les petites communautés est une bonne question. Il est difficile d'offrir plus de protections que celles qui sont incluses dans la loi C-26. Il est vrai que les petites communautés ont vécu de grands changements, des changements d'horaires et des augmentations de tarifs. En général, dans la plupart des régions du pays, la fusion avec Canadian Airlines a bien fonctionné, mais il y a eu des problèmes au Québec, dans les communautés rurales du Québec, à Terre-Neuve et dans le Nord de l'Ontario, et cela avant le 11 septembre. Nous espérons que, grâce à la concurrence, les petites communautés jouiront du niveau de service souhaité.

En dernier lieu, vous avez raison en ce qui a trait à la question de la Loi sur les langues officielles. Il existe des plaintes contre Air Canada, et je ne suis pas satisfait des réponses de la compagnie. Je ne crois pas qu'il soit utile d'amender la Loi sur les langues officielles. Je pense qu'il faut étudier des façons de la renforcer, mais pas maintenant, parce que présentement, la crise la plus importante se situe dans le domaine financier. Je reconnais toutefois que la Loi sur les langues officielles ne prévoit pas de pénalités pour une compagnie comme Air Canada qui se soustrait à ses responsabilités.

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Keyes, du Parti libéral.

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci, monsieur le ministre, de comparaître devant le comité.

Je suis ce dossier depuis plus de 10 ans, et il ne fait aucun doute que nous nous trouvons à un carrefour. Nous avons grandement besoin d'idées nouvelles, d'une collaboration plus étroite entre l'industrie, surtout aérienne, et le gouvernement fédéral si nous voulons être en mesure de régler les problèmes que connaît cette industrie et, notamment, Air Canada.

J'aimerais revenir à ce qu'a dit Gerry au sujet de la desserte des petites collectivités. J'ai aimé ce que vous avez dit au comité quand nous avons discuté de la privatisation d'Air Canada, de l'acquisition des Lignes aériennes Canadien International. Vous avez beaucoup parlé de concurrence. Je pense que, dans l'ensemble, on commence à voir des résultats. Toutefois, ce que craignent les petits transporteurs aériens qui, dans une large mesure, desservent les petites collectivités—une situation que l'on perd parfois de vue—ce sont les poursuites judiciaires dont ils pourraient faire l'objet de la part des grands transporteurs, les pratiques d'éviction dont ils ont été victimes dans le passé.

• 1955

Konrad von Finckenstein n'est pas très doué pour les pronostics. Toutefois, il connaît très bien le domaine de la concurrence. Ce que nous disons au Bureau de la concurrence, c'est ceci: si Air Canada est reconnue coupable de fixer des prix artificiellement bas au détriment d'un petit transporteur aérien qui essaie de faire son travail, c'est-à-dire de servir de transporteur d'apport auprès des grands aéroports ou de desservir les petites collectivités, alors vous avez le pouvoir de lui imposer une amende. Le Bureau de la concurrence peut la reconnaître coupable de pratiques d'éviction et lui imposer une amende de 250 000 $. Cette décision va peut-être amener Air Canada à abandonner un peu l'idée de tenir de grandes ventes de sièges dans les petites collectivités, parce que nous savons pourquoi elle le fait. C'est un peu présomptueux de sa part, mais regardons les choses en face: il s'agit purement et simplement de concurrence acharnée.

Nous devrions peut-être adopter une approche nouvelle et envisager de donner au Bureau de la concurrence le pouvoir d'imposer des amendes. Tout ce qu'il peut faire à l'heure actuelle, c'est réprimander la compagnie aérienne. Vous avez dit, si je ne m'abuse, que le Bureau de la concurrence allait se servir de la mauvaise presse que susciteraient ces pratiques pour empêcher la compagnie de faire de telles choses. Or, je ne crois pas que cela fonctionne.

Le Canada a besoin d'un transporteur national. Nous nous entendons tous là-dessus. Nous avons besoin de vols directs jusqu'aux grandes villes à l'échelle internationale, nous avons besoin de vols qui relient les principales villes canadiennes et, plus important encore, nous avons besoin de vols qui nous permettent de desservir les petites collectivités. Donc, malgré toutes les plaintes que reçoivent les députés au sujet des services qu'offre Air Canada, le Canada a besoin d'un transporteur national.

J'ai participé à l'examen du dossier qui a abouti à l'achat, par Air Canada, de Canadien International. Je ressens beaucoup de colère quand j'entends dire, via les médias, que le gouvernement, par ses interventions, a empêché Air Canada de prendre des décisions qui auraient permis d'accroître la viabilité de l'entreprise. Il serait bon de rappeler à ces spécialistes en affaires, qui sont parfois dotés d'une grande clairvoyance, qu'Air Canada connaissait les règles du jeu avant de se lancer dans la partie. Elle a elle-même fixé certaines conditions. Franchement, elle a réussi à déjouer Jerry Schwarz, chez Onex, et elle a ensuite conclu l'entente. Robert Milton a carrément dit qu'il maîtrisait la situation. Je vais être très franc avec vous: de nombreux associés dans ma circonscription m'ont dit qu'ils ne seraient pas désolés de voir Air Canada faire faillite. Or, nous voilà en train de défendre Air Canada et l'utilité d'avoir un transporteur national.

Monsieur le ministre, vous avez fait part récemment de votre intention d'éliminer, via ce projet de loi, la limite de 15 p. 100 sur les actions avec droit de vote d'Air Canada. C'est un premier pas, mais un pas dans la bonne direction. Or, n'est-il pas temps que le gouvernement cesse, dans l'ensemble, de dire à Air Canada comment diriger ses affaires, comment faire son travail?

Là, je suis inquiet, parce les membres de l'Alliance se disent d'accord avec moi.

M. James Moore: Absolument.

M. Stan Keyes: Quand je dis que nous devrions non seulement trouver des idées nouvelles, mais également encourager la collaboration entre le gouvernement et l'industrie aérienne, je pense à ce que vous avez dit au sujet de la limite de 15 p. 100 sur les intérêts étrangers. Je présidais le comité quand il a été question de privatiser le CN. Le projet de loi sur le CN n'imposait aucune restriction en matière de propriété étrangère. Or, le CN est une entreprise très prospère. Il n'y a pas beaucoup de gens ici qui seraient capables de me dire à qui appartient le CN ou de m'indiquer le pourcentage d'actions qui appartiennent à des intérêts canadiens. Cela n'a pas vraiment d'importance, parce que le CN est une entreprise très prospère et que le nom Canadien National figure sur tout ce qui appartient à la compagnie.

• 2000

Vous avez dit que vous ne vouliez pas porter la limite à 49 p. 100. Ne pourriez-vous pas vous entendre avec l'industrie, lui dire, d'accord, au lieu de 49 p. 100, pourquoi ne pas fixer la limite à 35 p. 100? Est-ce que cela aiderait Air Canada? Est-ce que cela lui permettrait d'améliorer son bilan? D'attirer des investissements? Voilà le genre de négociations qui doivent avoir lieu entre le gouvernement et l'industrie. Nous ne pouvons plus, au nom des principes que défend le Parti libéral, de la politique partisane du Parti libéral, appelez cela comme vous voulez, nous contenter de dire, nous allons faire telle chose parce que...

Pour ce qui est de la question du bilinguisme, vous avez tout à fait raison. C'est une tout autre affaire. Évidemment, nous voulons que les messages à bord des vols d'Air Canada soient diffusés dans les deux langues. Nous sommes un pays bilingue, et il faut respecter ce principe. Je ne pense pas que le transporteur aérien s'y oppose. Il est prêt à appliquer la politique. S'il ne le fait pas, nous allons intervenir.

La sécurité est prioritaire. Les règlements ne posent aucun problème, la question de la langue non plus. Je ne pense pas que les compagnies aériennes aient des inquiétudes de ce côté-là. Toutefois, pour ce qui est de diriger une compagnie aérienne, et si Air Canada a des suggestions à faire... J'ai occupé le fauteuil qu'occupe aujourd'hui le président. J'admets que nous sommes peut-être allés trop loin, que nous devrions peut-être reprendre les discussions avec le transporteur national, adopter une attitude conciliante à l'égard de la façon dont Air Canada dirige ses affaires.

Le président: Monsieur le ministre.

M. David Collenette: D'abord, nous ne disons pas à Air Canada comment diriger ses affaires. Mon collègue, M. Keyes, a réclamé de façon très éloquente des pouvoirs plus vastes pour le Bureau de la concurrence dans la première partie de son discours. Or, c'est justement ce genre d'intervention gouvernementale que le président d'Air Canada dénonçait vendredi. Je ne veux pas contredire mon collègue, mais il a tort. Le fait est qu'on a tendance à croire que le gouvernement donne des ordres à Air Canada, ce qui est faux. Nous ne lui donnons aucun ordre. C'est le Parlement qui a fixé certaines règles pour la fusion avec Canadien International, des règles qu'Air Canada a acceptées, des règles auxquelles elle doit se plier.

Le projet de loi C-26 accordait au commissaire des pouvoirs d'interdiction. En fait, de nombreuses personnes se demandent, comme l'a fait M. Keyes au début, si ces pouvoirs contribuent réellement à favoriser la concurrence. Le fait est que les règles étaient bien connues. Le gouvernement n'intervient pas dans ce domaine. L'industrie est déréglementée. Nous ne disons pas à Air Canada quel genre d'avion elle doit utiliser sur telle route aérienne, combien de vols elle doit assurer tous les jours et à quel prix. On le faisait à l'époque où l'industrie était réglementée. Le gouvernement lui disait ce qu'elle devait faire. Nous ne le faisons plus. C'est ce Parlement-ci qui a pris cette décision. Certains membres du comité—et M. Keyes était président du comité—étaient d'accord avec l'idée qu'on définisse, dans le C-26, les conditions qui régiraient l'achat, par Air Canada, de Canadien International. Air Canada les a acceptées. Elle évolue sous ce régime.

Au sujet des intérêts étrangers, tout ce que je dis, c'est que je pense que c'est un débat superflu en ce moment. Avec le plafond imposé à Air Canada actuellement, si nous passons à 49 p. 100, ils auraient 25 millions de dollars de plus. Ils en perdent probablement autant par mois. Ce n'est pas la solution à leurs problèmes actuellement. Si c'est quelque chose que nous voulons régler dans le futur, nous pourrons le faire, parce que nous pouvons, avec un décret, accroître la limite à 49 p. 100. Ce n'est pas vraiment, je pense, la question dont il faut traiter aujourd'hui.

Il y a aussi un problème, cependant, pour les défenseurs d'une plus grande participation étrangère dans Air Canada. À un moment donné, la communauté mondiale finirait par ne plus considérer Air Canada comme une compagnie aérienne canadienne. Cela invaliderait tous les... Nous avons 60 accords bilatéraux dans le monde entier. Alors c'est tout un fouillis, parce que nous avons un transporteur qui, de fait, ne pourrait être protégé en ayant accès à certains marchés dans le monde. Alors ce n'est pas aussi simple que de seulement changer la limite et d'avoir une fusion du capital étranger. Je pense que c'est une question à régler un autre jour, monsieur le président. Aujourd'hui, nous devons traiter spécifiquement de la question de la limite de participation. Il semble, d'après ce que j'ai entendu jusqu'ici, que les gens sont généralement d'accord avec cela, mais ils ont d'autres préoccupations tout à fait légitimes sur la manière dont l'industrie a évolué.

Le président: D'accord, monsieur le ministre.

Nous laissons la parole à Bev Desjarlais, du NPD.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Merci, monsieur le président, et merci d'être venu, monsieur le ministre.

Je ne sais pas si quelqu'un a compris tous nos problèmes—le facteur commun semble être Stan Keyes.

Des voix: Oh, oh.

• 2005

Mme Bev Desjarlais: En ce qui concerne la limite de 15 p. 100 de participation, je ne peux pas m'empêcher de me demander où serait Air Canada aujourd'hui si nous avions permis qu'un organe ou deux aient une plus grande participation dans la société. Que serait-il arrivé si quelqu'un qui, disons, aurait eu 50 p. 100 des parts d'Air Canada'il avait subi cette énorme perte? Je suis curieuse, monsieur le ministre, de savoir si vous pensez que cela aurait réglé le problème, une plus grande participation dans Air Canada, le 11 septembre? Est-ce que c'est ainsi que vous voyez les choses?

M. David Collenette: Le fait est que, d'après l'évolution de la situation, Air Canada aurait besoin d'être plus attrayante pour les investisseurs. C'est un moyen qui, à mon avis, la rendrait plus attrayante pour les investisseurs.

Mme Bev Desjarlais: Où, selon vous, en serait l'industrie si quelqu'un avait eu plus de parts dans la compagnie le 11 septembre? Où en serions-nous aujourd'hui?

M. David Collenette: En politique, nous ne spéculons pas sur des hypothèses. Qui sait? On discutait déjà de ce sujet à l'automne de 1999. À ce moment-là, la personne et la compagnie qui voulaient avoir un contrôle majoritaire se sont retirées après une lutte prolongée, et nous avons adopté une autre orientation.

Je ne vais pas spéculer, mais il semble maintenant qu'un consensus fait petit à petit surface, selon lequel, du point de vue de la participation dans la compagnie et de l'exercice de l'autorité en vertu de cette participation, Air Canada devrait être traitée sur le même pied que d'autres sociétés avec actions émises dans le public. Air Canada est d'accord avec cela et les gouvernements aussi. Il semble que les membres du comité sont aussi d'accord, à part le NPD.

Mme Bev Desjarlais: Certains membres seraient d'accord, mais je dirais que, probablement, ce qui a sauvé Air Canada, c'est qu'il n'y avait pas de plus gros actionnaires dans la compagnie le 11 septembre. Par conséquent, leurs pertes n'ont pas été aussi importantes qu'elles l'auraient pu, et ainsi nous n'avons même pas la situation de ces autres compagnies aériennes, Swiss Air et Air New Zealand. L'effet des événements n'a pas été aussi dévastateur.

Il ne fait pas de doute qu'il y a un problème, mais pour ces autres compagnies aériennes, savez-vous s'il y a une limite de participation?

M. David Collenette: Non, c'était toutes des compagnies avec actions émises dans le public.

Mais je m'étonne de ce que vous dites, parce que, venant du NPD, c'est un peu cavalier de dire que les pertes que subissent les petits actionnaires de tout le pays sont moins importantes que si c'était un gros actionnaire qui s'était cassé la margoulette.

Mme Bev Desjarlais: Non.

M. David Collenette: C'est ce que j'ai compris de vos propos.

Mme Bev Desjarlais: Ce que je dis, c'est que ce serait une perte moindre pour eux, alors ils ne s'en tireraient pas si vite.

M. David Collenette: Dites ça aux actionnaires qui ont perdu leur chemise lorsque les actions sont passées de 20 $ à quelque chose comme 2 $.

Mme Bev Desjarlais: Non, là où je veux en venir, c'est que si vous aviez un plus gros actionnaire, il y aurait moins de chances qu'il veuille encore investir dans Air Canada de nos jours. D'accord? C'est ce que je dis.

Très franchement, depuis que la participation est passée de 10 p. 100 à 15 p. 100, je crois, en juillet 2000, il n'y a pas eu cette hausse, il n'y a pas eu de précipitation pour acheter 15 p. 100, alors c'est que cela n'a pas suscité d'intérêt. Je ne suis pas convaincue que c'est ce qui sauverait Air Canada maintenant. En fin de compte, comme je l'ai dit, je pense que l'une des choses qui l'a sauvée, c'est qu'il y ait eu un plafond de participation assez bas.

Cependant, je crois qu'il y a d'autres choses à faire. Nous avons entendu des commentaires sur les plus grands pouvoirs du commissaire à la concurrence, et cela pourrait être la réponse. Mais je me demande s'il n'y a pas la place, là, pour peut-être avoir un règlement en ce qui concerne la capacité intérieure. La capacité à l'échelle internationale a été réglementée. Nous avions une industrie vigoureuse. Est-ce qu'il ne faudrait pas réglementer la capacité intérieure? Est-ce que nous n'éviterions pas certaines situations que crée un comportement anticoncurrentiel? Est-ce que nous n'éviterions pas toutes ces craintes que suscite la création de Tango et la concurrence que cette compagnie ferait à WestJet? Est-ce que nous n'allons pas nous retrouver dans le même genre de rivalité, de «faisons-lui se casser la figure» entre WestJet et Tango qu'il y a eu entre les lignes aériennes Canadien et Air Canada? Est-ce que nous ne retrouvons pas dans la même situation?

• 2010

M. David Collenette: Je pense que ce à quoi vous semblez favorable, madame Desjarlais, c'est vraiment à un retour à l'environnement réglementé d'avant 1987-88, lorsque le service était désigné, la capacité était déterminée et les prix étaient fixés. Ce n'est pas ce qu'a connu la société depuis 12 ou 13 ans. On ne sait jamais, peut-être y reviendrons-nous. Ce serait étonnant. Il est certain que l'expérience des 12 ou 13 dernières années, bien qu'il y ait des hauts et des bas, avec toutes ces allées et venues de compagnies, que le consommateur y a gagné. Il y a plus de gens qui prennent l'avion, et il y a de meilleures affaires à faire que jamais auparavant. Si vous regardez le nombre de gens qui voyageaient à la fin des années 80 et le genre de tarif qu'ils payaient, c'est beaucoup mieux maintenant, généralement.

Certaines petites communautés—M. Byrne parlait de Terre-Neuve—n'ont pas eu autant de chance. C'est un problème dans un pays comme le Canada. Peut-être y a-t-il de bonnes raisons de dire qu'on devrait vraiment revenir au régime de détention publique. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de mes collègues du Cabinet qui soient d'accord avec cela, mais peut-être certains, au caucus, le voudraient-ils. À la façon dont vont les choses, on ne peut rien exclure dans la vie. Ce n'est qu'ainsi qu'on peut s'assurer que des services sont fournis aux petites communautés et que les prix sont limités ou contrôlés. Mais au bout du compte, c'est que le contribuable ordinaire, en fait, qui subventionne des services aériens à certaines communautés. C'est ce que nous faisions dans le temps. Est-ce qu'on veut revenir à cette situation-là? Il ne m'a pas semblé, jusqu'ici, que c'était le cas.

Mme Bev Desjarlais: Non, et je ne suggérais pas un seul instant que nous revenions à la réglementation qui existait auparavant. Mais, comme je l'ai dit, la déréglementation totale n'est pas mieux qu'une sous-réglementation. Il y a un équilibre à atteindre, qui fait que l'on peut promouvoir le service aux communautés et tout de même avoir une industrie qui soit stable. Je pense qu'il y a moyen d'y parvenir.

En ce qui concerne les langues officielles, des commentaires ont été faits, et l'impression règne que Air Canada n'a pas respecté sa part du marché. Mais comme mon collègue, M. Keyes, a dit, de façon générale, je ne pense pas que ce soit pertinent. Les gens s'attendent, si on doit avoir un transporteur national, qu'il offre des services bilingues. Je pense que nous devons veiller à continuer d'appuyer cela. Je ne voudrais certainement pas que cela soit soulevé ici comme un problème, sinon je ne crois pas que nous adopterons très vite ce projet de loi. Alors j'espère que la question ne deviendra pas un important point de litige relativement à ce projet de loi.

M. David Collenette: Je ne pense pas que les préoccupations qui ont été soulevées auprès de M. Laframboise et d'autres personnes au sujet de la Loi sur les langues officielles et de son application à Air Canada soient vraiment valides. Air Canada doit comprendre qu'elle a des obligations qui datent de longtemps et qu'elle a une obligation de servir notre pays dans les deux langues officielles.

Le président: Je laisserai maintenant la parole à Val Meredith, du PC/RD.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, PC/RD): Merci, monsieur le président, merci, monsieur le ministre, d'être venu nous parler du projet de loi C-38.

Je vais revenir sur certains de vos propos. Vous parliez de cette loi particulière et disiez qu'elle pourrait être la réponse au problème aujourd'hui. Vous avez mentionné la direction, la possibilité de permettre aux gros actionnaires d'administrer la compagnie et de s'occuper de sa direction. Ne seriez-vous pas d'avis que c'était la réponse au problème il y a 18 mois, et que cette décision, maintenant, d'éliminer la clause de contrôle par les actionnaires canadiens aurait dû être prise il y a 18 mois? N'est-ce pas ce plafond de 10 p. 100 qui était en vigueur à l'époque qui a sabordé l'offre d'Onex devant un tribunal à Montréal?

M. David Collenette: Monsieur le président, Mme Meredith a raison, c'est ce qui a sabordé l'affaire Onex. Pour ce qui est de savoir si c'était la bonne solution à l'automne 1999, je laisserai d'autres personnes en être les juges.

Le problème que nous avons eu est que la proposition d'Onex était conditionnelle à la modification de la loi. Le gouvernement s'est senti très mal à l'aise, selon le point de vue de l'égalité et de l'équité, à l'idée même de dire qu'il pourrait modifier la loi—et je pense que c'est ce que j'ai dit à ce moment-là—étant donné qu'Air Canada avait soutenu que la loi existe, que les règles sont là, alors que s'il devait y avoir, en fait, une tentative de mainmise, cela devrait se faire conformément aux règles bien connues. Loin de moi l'idée de me faire le porte-parole de la direction d'Air Canada, mais je pense que son point de vue était qu'en termes absolus, elle n'était pas contre l'idée de relever le plafond—je ne sais pas s'il était question de le supprimer—mais elle trouvait que cela devrait se faire de façon ordonnée et structurée pour donner à tout le monde la chance de savoir que des règles existaient afin que des gens puissent se présenter et décider s'ils voulaient prendre le contrôle de la compagnie.

• 2015

Mme Val Meredith: Mais ne saviez-vous pas, avant que l'offre d'Onex ne soit présentée, que les Lignes aériennes Canadien étaient en difficulté et que des offres seraient présentées en vue d'une restructuration ou d'une fusion? Est-ce que n'est pas à cette époque-là, à l'été, probablement en août ou en septembre 1999, que ceci aurait dû être proposé?

M. David Collenette: Cela n'est qu'en rétrospective, mais le fait est qu'au début de 1999, le président d'Air Canada et le président des Lignes aériennes Canadien se sont présentés devant moi pour discuter de fusion. Mon ministère a essayé de l'encourager. Ils n'ont pas pu s'entendre. À un moment donné des discussions, Air Canada a invoqué, lors d'une réunion avec mes collaborateurs, le recours à l'article 47 de la Loi sur les transports, dans le but de laisser de côté la Loi sur la concurrence pendant un certain temps pour faciliter une restructuration. C'est alors que les Lignes aériennes Canadien s'est adressée à nous de façon indépendante, et non seulement l'ont-elles préconisé en privé, mais elles nous ont envoyé une lettre, qui a été publiée, pour le demander. Nous avons pensé que ce serait peut-être un moyen de procéder à la restructuration. Le fait est que les Lignes aériennes Canadien nous ont dit qu'elles fermeraient probablement leurs portes avant février 2000 et qu'elles ne passeraient peut-être même pas la période des Fêtes. C'est pourquoi nous avons fait ce que nous avons fait. Cela a été un peu compliqué, et il a été difficile d'expliquer à beaucoup de gens, particulièrement dans le monde des affaires, pourquoi on laissait de côté les règles de la concurrence pour faciliter une restructuration.

À bien y penser, je suppose que nous aurions pu régler cela un peu mieux, mais c'est du passé. Canadien était une compagnie en difficulté, il fallait faire quelque chose, nous avions comme solution l'aide financière, la faillite ou la fusion. Les contribuables ne voulaient pas offrir d'aide financière, et une faillite aurait semé la pagaïe, surtout dans l'Ouest du Canada. Air Canada, en réaction à Onex, et il faut reconnaître son mérite, a proposé une autre solution. Même lorsque Onex s'est retiré, Air Canada a convenu d'aller de l'avant avec ce plan. Je pense qu'il convient de lui attribuer le mérite qui lui revient pour cela.

Mme Val Meredith: Mais en toute honnêteté, je ne sais pas si Onex s'est retiré ou s'il n'a pas plutôt été évincé du processus d'appel d'offres en raison d'une règle particulière.

Ce dont j'aimerais parler, c'est du fait que l'argument qui soutient ce texte de loi en particulier est qu'il permet aux investisseurs de détenir une plus grande part d'actions et d'avoir un certain contrôle sur la manière gestion de la compagnie. Nous entendons des témoins, actuellement, qui nous disent que le problème vient en partie du processus d'appel d'offres et du fait que ce qui était proposé est que les gens qui dirigent et exploitent Air Canada détiennent moins de 2 p. 100 des actions de la compagnie, je pense. Alors la raison que vous donnez de ne pas avoir supprimé cette règle à ce moment-là, à mon avis, existait déjà à l'époque. Il était très clair pour les gens qui écoutaient les témoins que la gestion d'Air Canada était en jeu à l'époque, et qu'elle l'est encore.

Nous ne voyons de problème à supprimer la limite de 15 p. 100, nous pensons seulement que le moment n'est pas assez bien choisi. Je donnerais le même argument au sujet de ce que disait M. Keyes à propos du relèvement du plafond de participation étrangère. Vous dites que ce n'est pas le moment de faire cela; vous pensez que la suppression de ces 15 p. 100 ouvrira le marché. Et si cela n'arrivait pas? Et s'il fallait vraiment élargir la base, laisser entrer d'autres investisseurs d'ailleurs, de la Grande-Bretagne, de Virgin Air, d'une compagnie américaine ou de qui que ce soit d'autre? Et s'il fallait une combinaison des deux? En n'offrant pas les deux possibilités, vous pourriez très bien, encore une fois, mettre Air Canada dans une position où ce n'est pas tout à fait assez, pas tout à fait le bon moment. Je vous conseille vivement de ne pas regarder seulement ces 15 p. 100, mais aussi d'examiner la composante de participation étrangère, de la relever, de négocier le degré de relèvement, mais de permettre la combinaison de ces deux opportunités d'investissement de jouer un rôle. Dans 18 mois, il pourrait être trop tard pour passer à l'étape suivante.

M. David Collenette: Tout d'abord, monsieur le président, comme je l'ai déjà dit, nous pourrions le faire demain, s'il le fallait, par décret. Nous n'avons pas besoin de passer par tout le processus parlementaire. Je n'ai pas le pourcentage exact, mais je crois savoir qu'actuellement, la participation étrangère à Air Canada se situe aux environs de 5 à 10 p. 100, peut-être plus près de 5 p. 100 que de 10 p. 100.

• 2020

M. Louis Ranger (sous-ministre adjoint, Transports Canada): Je pense que c'est un peu plus de 10 p. 100.

M. David Collenette: Un peu plus de 10 p. 100, donc. Alors, si vous dites, remontez cela à 49 p. 100, bien, ce n'est même pas jusqu'à la limite maximum de 25 p. 100. Et je vous rappellerai que lorsque American Airlines est intervenue et a investi dans les Lignes aériennes Canadien, la compagnie a pris 33 p. 100 des parts, mais seulement 25 p. 100 des actions avec droit de vote. La Loi sur le transport régit cela très efficacement, et la compagnie était encore sous contrôle canadien. Le précédent a donc été établi.

Vous avez ces 10 p. 100, ou à peu près, que détiennent des investisseurs étrangers aujourd'hui. La loi vous permettra d'y ajouter encore 15 p. 100 d'actions contrôlantes, mais vous pourriez monter de 8 p. 100 de plus les actions ordinaires. Il n'y a pas une compagnie étrangère qui m'ait écrit pour me dire qu'elle voulait investir dans Air Canada. Je lui dirais allez-y, servez-vous.

L'autre chose, c'est que les actions d'Air Canada sont si faibles maintenant, pourquoi aurait-on besoin d'investissement étranger? Il doit y avoir toute une quantité d'argent canadien, avec ce marché, qui pourrait être investi.

Au moins, nous voulons préparer le terrain. Est-ce que cela arrivera? Je ne le sais pas, je ne peux rien prédire. Personne n'aurait pu prédire ce qui est arrivé le 11 septembre. Mais au moins, nous préparons le terrain, nous éliminons les contraintes et nous permettons à d'autres investisseurs de participer.

Mme Val Meredith: Mais pourrait-on dire que le 11 septembre n'est pas la cause des problèmes d'Air Canada, que la somme de 100 millions de dollars qu'elle a reçu a plus ou moins couvert les pertes directes qu'elle a subies à cause du 11 septembre?

M. David Collenette: La confiance dans les voyages en avion a été secouée depuis le 11, et tout le monde a été touché.

Mme Val Meredith: Mais quel est le pourcentage de repli du public voyageur? Avons-nous des chiffres? Quel genre de baisse y a-t-il eu?

M. David Collenette: Juste après, ça été très rapide, mais maintenant, je dirais que les voyages intérieurs ont probablement baissé de 1 p. 100 et les voyages à l'étranger d'environ 15 à 20 p. 100, à peu près la même chose, les voyages transfrontaliers de 40 p. 100—c'est là où cela a été le pire, et c'est ce qui nuit vraiment à Air Canada.

Mme Val Meredith: Si le pire a été dans les voyages transfrontaliers et que Air Canada doit être confrontée aux subventions que recevront les transporteurs américains sur les routes transfrontalières, est-ce que vous pensez que cela pourrait justifier une espèce quelconque de subvention ou de soutien financier?

M. David Collenette: Ce terme, subvention... Nous parlons de garantie de prêt, ici.

Mme Val Meredith: Vous pouvez l'appeler ce que vous voulez. Est-ce que cela fait partie de la mesure que...

M. David Collenette: Je ne sais pas combien a été versé aux États-Unis, jusqu'à maintenant. Il y a eu un gros débat sur les modalités et les conditions de ces garanties de prêt. Je ne peux pas vous dire ce soir—je ne sais pas si mes collaborateurs le pourraient—, que United Airlines et American Airlines ont effectivement reçu quelque somme que ce soit en vertu du programme de garantie de prêt. Ils ont moins de 5 milliards de dollars d'injection de liquidité, ce que nos transporteurs ont. En fait, si vous avez une compagnie qui est assisse sur un milliard de dollars de liquidité, et c'est ce que disait le président d'Air Canada vendredi, et 4 milliards de dollars de biens non engagés, pourquoi le contribuable devrait-il casquer un montant proportionnel? Ce serait 2 milliards de dollars, d'après ce que Canada 3000 a reçu.

C'est donc là notre problème. Nous ne sommes pas ici en qualité de banquiers, à sortir des billets pour le premier venu. Il doit y avoir une certaine justification. Je n'ai pas encore vu de faits appuyer la théorie selon laquelle il y a un droit de subvention maintenant sur les routes transfrontalières. Je n'ai vu aucunes données qui disent que 60 p. 100 de la part du marché transnational d'Air Canada a été perdue depuis le 11 septembre. Tout le monde a souffert, tout le monde a été touché. De fait, dans les jours qui ont immédiatement suivi ces événements, c'est le contraire qui est arrivé. De nombreux citoyens américains ont voyagé sur Air Canada précisément parce qu'ils se pensaient plus en sécurité que sur les transporteurs américains. Alors voyons les faits avant de parler de subventions. C'est un tout autre sujet.

Le président: D'accord, nous avons pas mal de gens qui veulent poser des questions, alors nous allons maintenant passer au tour de cinq minutes.

Je vais laisser la parole à M. Proulx, qui va partager son temps de parole, m'a-t-il dit, avec M. Fontana.

M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.): Monsieur le président, le temps va nous manquer, alors c'est vrai que je vais partager mon temps.

[Français]

Monsieur le ministre, madame et messieurs les fonctionnaires, merci d'être avec nous ce soir. Je suis certain que vous aviez autre chose de planifié pour ce soir. On apprécie votre disponibilité.

Monsieur le ministre, il a été question plus tôt d'obligations pour Air Canada. Il est question de l'obligation pour Air Canada de maintenir son siège social à Montréal. Est-ce que le gouvernement oblige d'autres compagnies ou d'autres sociétés à maintenir leur siège social dans une ville déterminée ou si Air Canada est la seule dans cette situation?

• 2025

M. David Collenette: Le Canadien National et Air Canada sont les deux anciennes sociétés de la Couronne qui sont obligées d'avoir leur quartier général à Montréal.

M. Marcel Proulx: Y a-t-il d'autres sociétés qui doivent avoir leur quartier général dans d'autres villes du pays?

M. David Collenette: Je ne le sais pas, mais c'est important pour Montréal d'avoir les deux compagnies. M. Tellier, le président du Canadien National, ne demande pas qu'on l'autorise à déménager le quartier général ou qu'on relève la compagnie de ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles. Il n'y a pas de problèmes pour le Canadien National.

M. Marcel Proulx: D'accord. Est-on au courant, monsieur le ministre, d'un intérêt particulier du secteur privé à investir dans Air Canada? Sait-on s'il y a des investisseurs qui voudraient investir au-delà de la limite qui existe actuellement?

M. David Collenette: Nous avons des conseillers financiers qui nous aident actuellement, et ils me disaient qu'à leur avis, avec ce changement, les investisseurs seront davantage intéressés à participer à la compagnie.

M. Marcel Proulx: En résumé, monsieur le ministre, on est devant un choix: ou bien ne rien faire avec cette loi, ou bien la modifier.

Pouvez-vous nous dire ce qui arriverait à Air Canada si on n'éliminait pas le plafond de 15 p. 100 d'actions qu'une entité peut détenir, ainsi que l'interdiction d'association entre des personnes détenant des actions avec droit de vote? Quelle serait la conséquence?

M. David Collenette: On garderait le statu quo, et cela voudrait dire que la compagnie ne serait pas attrayante pour les investisseurs du pays et même pour ceux d'autres pays.

M. Marcel Proulx: Merci.

[Traduction]

Le président: Vous avez trois minutes, monsieur Fontana.

M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.): Je vous remercie.

Monsieur le ministre, si l'objet de ce projet de loi est en partie de sauver Air Canada, je suppose que c'est une bonne première étape. Il y a un an et demie, le comité a suggéré plusieurs mesures, et pour vous dire la vérité, je serais d'accord avec ceux qui soutiennent que si vous supprimez le plafond de la participation individuelle sans, en même temps—et le Cabinet pourrait le faire—augmenter la participation étrangère, c'est s'attacher une main derrière le dos. Si on fait l'hypothèse qu'il pourrait y avoir un actionnaire qui a 30 p. 100 des parts et qui se trouve à être Américain, qu'est-ce que cela fait? Il pourrait même avoir une certaine expertise de la gestion de compagnies aériennes, ce qui, à mon avis, manque cruellement à Air Canada—j'y viendrai dans un moment. Ceci nous limite, de toute évidence, à quelques choix. Alors je pense que ceci est une première étape, mais si nous voulons essayer de sauver Air Canada, il y a diverses possibilités en matière de deuxième et de troisième étapes.

Deuxièmement, monsieur le ministre, je prétends que M. Milton—et je pense que ce comité-ci l'a questionné passablement à fond—vous a bien eu, tout comme la population canadienne et le comité. Oui, ça semblait bien à l'époque, mais il a fait toutes sortes de promesses. Je sais que vous ne voulez pas être à la gouverne d'Air Canada, et je sais que vous ne voulez pas être à la gouverne de sociétés aériennes au Canada, mais lorsque le PDG d'une entreprise qui possède 80 p. 100 du marché national et la totalité du marché international n'y parvient pas et vous tend la main en vous demandant, ainsi qu'aux contribuables canadiens, de l'aider, je l'enverrai paître.

En réalité, si le gouvernement décide effectivement de consentir un prêt, il devrait être entendu que M. Milton quitte l'entreprise, et je vais vous dire pourquoi. Il essaie de réorganiser une société aérienne en difficulté et pourtant il lance de nouvelles lignes—Tango, cette autre, et il songe en plus à autres choses. Il cause la perte des lignes régionales—je suis désolé, monsieur le ministre—même dans le sud-ouest de l'Ontario. London a été durement frappée. Il a pris de très bons transporteurs régionaux et en a fait le démarketing de sorte que les collectivités n'obtiennent aucun service.

• 2030

Donc, monsieur le ministre, j'ai un problème. Jusqu'ici, je pense que vous avez adopté la bonne attitude vis-à-vis d'Air Canada et je pense également que le marché et le secteur privé vont intervenir et ranimer cette grande société aérienne ou réussir à mettre un paquet de morceaux ensemble qui feront que nous aurons un vrai transporteur aérien, ou plusieurs sociétés aériennes, qui desservira nos collectivités. Mais j'ai quand même un petit problème... qu'arriverait-il si le président de Nortel venait nous voir et disait qu'il a mis à pied 20 000 travailleurs, pourquoi ne donnez-vous pas à chacun de ces actionnaires un répit, ou à tous ses clients de Nortel? Où est-ce que cela va s'arrêter?

Donc, monsieur le ministre, je dirais que l'on doit tenir compte de plusieurs facteurs si l'on essaie de sauver Air Canada, et c'en est. Effectivement, les garanties de prêts sont peut-être importantes, mais je vous assure qu'il y a des problèmes d'ordre structurel dans cette entreprise dont le PDG devrait être personnellement tenu responsable par le conseil d'administration avant que les contribuables ne donnent un cent à une société qui, à mon avis, a été mal administrée depuis deux ans et demi.

M. Jerry Byrne: Vas-y, Joe, vas-y.

M. David Collenette: Je ne tiens pas particulièrement à discuter de l'analyse de M. Fontana. Fondée ou pas, c'est une autre question.

Je pense qu'il a par contre soulevé des points intéressants que nous devons examiner. D'ailleurs, Canada 3000 a demandé au Bureau d'utiliser ses pouvoirs d'interdiction dans le cas de Tango.

Il y a aussi une question au sujet des sociétés aériennes qui viennent ici. Je ne peux croire qu'un transporteur américain ou qui que ce soit, avec les ennuis qu'ils ont, aurait de l'argent supplémentaire à investir dans Air Canada. Je ne connais pas la structure de l'entente qu'Air Canada avait avec United au moment de la fusion, mais je suppose que United détenait des obligations ou des liquidités qui pouvaient être transformées en actions. Je suis convaincu qu'il y a beaucoup de possibilités dans la limite actuelle sans dépasser les 49 p. 100.

Je pense que M. Fontana n'était pas ici lorsque j'ai parlé de ce problème. À un moment donné, si on élimine les limites sur la participation, on pourrait prétendre qu'Air Canada n'est pas en fait une société aérienne canadienne de sorte que des pays chercheraient à abroger les ententes bilatérales, ce qui rendrait la situation d'Air Canada très difficile sur le plan des revenus. Un pays pourrait dire qu'il s'agit en réalité d'un remplaçant de United Airlines ou d'une société associée de United Airlines et décider d'abroger son traité bilatéral avec le Canada parce qu'Air Canada n'est plus effectivement une société aérienne canadienne sous le contrôle de Canadiens.

Le président: Monsieur Fontana, vous n'avez plus de temps.

Je donne la parole à James Moore.

M. Joe Fontana: J'invoque le Règlement, le ministre l'a dit à trois reprises...

Le président: C'est un point de discussion, je suis désolé.

M. Joe Fontana: Non, ce n'est pas un point de discussion. Je voulais une précision sur les ententes bilatérales, savoir si...

Le président: Monsieur Fontana, vous n'avez plus de temps. Le dernier point de discussion n'est pas un rappel au Règlement.

M. David Collenette: Aux fins du compte rendu, j'aimerais lui répondre, mais je vais respecter la décision du président.

M. James Moore: Merci. Merci, juge Judy.

Ma question est toute simple en ce sens que le projet de loi C-38 est une mesure législative bien simple. Elle élimine la limite de 15 p. 100 des actions détenues par des Canadiens. Comme l'a mentionné M. Byrne, manifestement tout ce que cette mesure fait est ce que vous avez indiqué, c'est-à-dire permettre à des Canadiens, à un groupe d'actionnaires canadiens, d'acquérir un contrôle de l'entreprise et d'en changer la direction. Comme l'a dit si clairement Gerry, c'est une tentative directe de modifier la direction d'Air Canada par une mesure législative. Donc, ma question toute simple est, compte tenu que vous avez dit qu'une telle mesure législative s'en venait de toutes façons avant le 11 septembre, quel problème avez-vous avec Robert Milton et la direction d'Air Canada?

• 2035

M. David Collenette: Monsieur le président, je ne vais pas discuter de ce genre de question. Le fait est qu'Air Canada collabore avec le ministère des Transports tous les jours et nous entretenons d'excellentes relations. Le point est que le conseil d'administration et la direction d'Air Canada en sont venus à la même conclusion que le gouvernement, à savoir que la limite imposée par la loi initiale, et même le changement survenu en 2000, ne donne pas à la société aérienne la latitude d'obtenir des investissements d'autres sources.

Un des problèmes—et il a été soulevé dans toute l'affaire Onex-Air Canada—est, pourquoi investir dans une institution si vous ne pouvez pas la contrôler? C'est une chose d'être un actionnaire, que votre portefeuille de retraite compte quelques centaines d'actions, mais si vous administrez un fonds de pension ou si vous dirigez une société de placement et que vous voulez détenir une partie de l'entreprise dans laquelle vous investissez, les gens veulent savoir qu'ils peuvent influer sur l'orientation de l'entreprise de sorte que leur investissement est maximisé. Tout ce que cela fait, c'est de dire aux gens qui pourraient vouloir investir dans les conditions normales des sociétés cotées en bourse, qu'il n'y aura aucune limite. Si M. Moore a la capacité d'investir x centaines de millions de dollars, supposons 51 p. 100, et d'être l'actionnaire contrôlant, tant mieux pour lui. Si c'est la Caisse de dépôt ou le Régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario ou peu importe les étrangers qui détiennent jusqu'à 10 p. 100 de l'entreprise, ils peuvent se réunir dans une pièce et dire: Nous voulons influer sur l'orientation de la direction de façon à pouvoir maximiser le rendement pour nos investisseurs. C'est normal. Je n'ai jamais compris la logique adoptée en 1998 qui consistait à mettre le plafond en place et tout cela n'a refait surface qu'à l'automne de 1999 dans le cadre du débat avec Onex.

M. James Moore: Il me reste seulement 30 secondes et je tiens à vous poser une dernière question au sujet de ce que fait le Comité des transports. Nous nous réunissons demain de 9 heures à 13 heures. Nous parlons de la sécurité dans les aéroports, et nous le faisons depuis un certain déjà. À l'heure actuelle, aux États-Unis il y a tout un débat sur la question de la sécurité dans les aéroports, à savoir si oui ou non elle devrait être nationalisée. En réalité, ce n'est pas un débat droite-gauche. Le Sénat et la Chambre des représentants sont vraiment divisés sur la question. Il y a d'une part ceux qui croient que la meilleure forme de reddition de comptes c'est de faire de ces gens des fonctionnaires de sorte que la hiérarchie ne serait pas longue et vous sauriez sur qui mettre le blâme si quelque chose n'allait pas. D'autre part, vous avez ceux qui croient que cette fonction devrait être privatisée de sorte que si des erreurs sont commises, vous avez la capacité de mettre fin aux contrats et de congédier les personnes. On n'a pas encore tenu ce débat au Canada. Le comité en discute et j'aimerais savoir, étant donné que vous êtes le ministre responsable, ce que vous en pensez. Cette fonction devrait-elle être nationalisée et, selon vous, quelle est la meilleure façon de limiter le nombre de paliers pour ce qui est de la reddition de comptes dans le cas de la sécurité dans les aéroports?

M. David Collenette: Monsieur le président, nationaliser n'est pas le bon mot. La sécurité et la sûreté dans l'aviation relèvent et ont toujours relevé de Transports Canada. La question est de savoir comment on s'acquitte des mesures de sûreté et des mesures de sécurité. Ce sont les sociétés aériennes ou leurs agents qui s'en sont occupés au cours des 30 dernières années. Le contrôle a commencé au début des années 70 après les actes de piraterie aérienne de la fin des années 60. Il y a bien des gens qui croient que les sociétés aériennes sont en conflit d'intérêts et ne devraient pas être chargées du contrôle. Le Conseil des aéroports du Canada veut que chaque aéroport assume cette responsabilité. Les sociétés aériennes n'aiment pas cela. J'étais à l'ATAC aujourd'hui à Toronto, et c'est le message bien clair que nous donne l'ATAC.

Nous examinons en ce moment des façons d'améliorer la sûreté. Ce que je dis depuis le 11 septembre, c'est que nous avons choisi de nous concentrer sur les règles elles-mêmes et leur application plutôt que sur le coût des changements et de savoir qui s'acquitte en réalité du service. Mais, de toute évidence, c'est une question importante qu'il faut régler, et ce, bientôt, et nous en discutons au Cabinet.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Je donne maintenant la parole à M. Shepherd, pour cinq minutes, puis nous aurons M. Laframboise.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): On parle de propriété et de contrôle comme si ces deux mots étaient interchangeables. Cependant, la réalité est qu'en supprimant ce plafond de 15 p. 100, on suppose que des personnes peuvent prendre un contrôle d'environ 20 à 25 p. 100. Autrement dit, des étrangers pourraient, techniquement, prendre le contrôle d'Air Canada en détenant 20 ou 25 p. 100 des actions de la société. Je sais que vous ne pensez pas que ce soit réaliste, mais je me rappelle lorsque American Airlines détenait une bonne part des Lignes aériennes Canadien, American Airlines exerçait un certain contrôle de l'entreprise.

• 2040

Certains enjeux semblent aller beaucoup plus loin que les seules sociétés aériennes, avec les grandes alliances, Star Alliance par rapport à oneworld. Il semblerait que cela ait été un enjeu lors du dernier débat, et il me semble que si vous étiez Americain Airlines et vouliez affaiblir Star Alliance, il vous suffirait de détenir 20 p. 100 des actions d'Air Canada. Est-ce que cet aspect vous préoccupe?

M. David Collenette: En vertu de la Loi sur les transports au Canada, l'OTC a le pouvoir légal de déterminer si le contrôle relève en réalité de Canadiens. Comme nous l'avons vu avec l'investissement d'American Airlines dans Canadien, American Airlines détenait 33 p. 100 des actions ordinaires et 25 p. 100 des actions avec droit de vote, mais après examen, l'OTC a déterminé que cela ne constituait pas un contrôle. C'est l'organisme quasi judiciaire qui rend cette décision.

M. Alex Shepherd: Il était intéressant de noter que le frère du chef de la direction d'American Airlines était également le chef de la direction des Lignes aériennes Canadien. C'était en quelque sorte un message pour moi.

M. David Collenette: Le vice-président exécutif aux finances était Douglas Carty, et Don Carty est le président d'American Airlines, mais on ne devrait pas accuser des gens de quoi que ce soit du simple fait que ce sont des frères.

M. Alex Shepherd: Très bien.

M. David Collenette: On me dit qu'ils n'étaient pas là en même temps, du moins pas au moment de l'acquisition.

M. Alex Shepherd: M. Carty n'a pas manqué de soutenir qu'ils essayaient de rapatrier beaucoup de leur argent investi dans les Lignes aériennes Canadien et qu'Onex était le moyen de le faire. Ils avaient une influence.

Quoi qu'il en soit, si nous revenons à la règle du 15 p. 100, plusieurs personnes l'ont abordée, mais je ne sais pas si on a vraiment compris. Essentiellement, la raison pour laquelle nous disons qu'il faut l'éliminer, c'est le résultat qu'elle donne, nous avons un système de gestion inefficace. Autrement dit, les gens ne peuvent pas contrôler ni diriger les administrateurs d'Air Canada. Par conséquent, par définition, l'efficacité du conseil d'administration ne relève pas du contrôle d'une personne. C'est une analyse à l'inverse: nous devons prendre le contrôle parce qu'à l'heure actuelle il n'y a rien à faire. Par cette mesure, l'adoption de cette mesure législative, ne disons-nous pas que nous croyons que personne n'a le contrôle du conseil d'administration d'Air Canada?

M. David Collenette: Je n'aime pas dire qu'on n'a pas le contrôle. Il est vrai qu'en raison de la limite de la propriété individuelle, qu'en raison de la forte répartition des actions, les administrateurs d'Air Canada ne sont pas assujettis aux contraintes normales et à la reddition de comptes normale que vous obtiendriez dans le cas d'une société cotée en bourse. Si nous adoptons ce projet de loi et imposons les limites, alors il sera possible pour les actionnaires actuels—et nous avons parlé des régimes de pension, un en Ontario et un au Québec, qui à eux deux détiennent probablement environ 20 p. 100—de déterminer si oui ou non votre affirmation au sujet du conseil d'administration est exacte.

L'important, c'est qu'il doit y avoir reddition de comptes et c'est ce que permettra ce projet de loi. Il permettrait aux gens d'investir en sachant qu'ils peuvent avoir une influence, et par voie de conséquence que la direction rendra directement des comptes à la majorité des investisseurs, ce qui se passe pour la plupart des entreprises.

Le président: Mario, vous avez la dernière question.

[Français]

M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président. Je vais poser deux petites questions bien brèves.

Monsieur le ministre, vous avez dit que vous n'aideriez pas les autres transporteurs régionaux. Maintenez-vous toujours ce que vous avez dit?

M. David Collenette: Nous avons accordé de l'aide financière à des transporteurs aériens et à des écoles d'aviation du pays en raison de la fermeture de l'espace aérien après le 11 septembre. C'est le programme de 160 millions de dollars, et on m'a dit qu'on avait déjà payé plus de 100 millions de dollars dans le cadre de ce programme.

Concernant la question des garanties de prêts, nous allons limiter ce programme aux cinq grands transporteurs qui constituent 95 p. 100 du marché.

M. Mario Laframboise: Vous avez dit que vous ne saviez pas comment, aux États-Unis, l'argent des programmes avait été versé aux compagnies aériennes. J'ai beaucoup de difficulté. Aux États-Unis, il y a 15 milliards de dollars d'annoncés, soit 5 milliards de dollars en aide directe et 10 milliards de dollars en garanties de prêts. Vous avez dit que vous ne saviez pas comment cela avait été versé. On ne suit pas cela. J'ai de la difficulté à comprendre que votre ministère ne suive pas ce qui se donne présentement à l'industrie aérienne aux États-Unis, où se trouvent nos principaux concurrents.

• 2045

M. David Collenette: M. Ranger va vous répondre parce qu'il a tous les détails.

M. Louis Ranger: Au contraire, nous allons suivre cela de très près car nous sommes très curieux de savoir comment ils vont administrer tout cela.

Une somme de 5 milliards de dollars avait été annoncée pour indemniser l'industrie à la suite de la fermeture de l'espace aérien. Il y a déjà 50 p. 100 des montants qui ont été versés à plusieurs transporteurs. Ce qu'on ne sait pas, c'est la façon dont ils vont administrer les 10 milliards de dollars de garanties d'emprunts. ll y a 19 pages de règlements qui sont sorties. Il n'y a pas encore un seul transporteur qui ait pu rencontrer toutes les exigences au niveau des garanties d'emprunts.

[Traduction]

Le président: Merci.

J'avais oublié que Larry Bagnell avait inscrit son nom. Donc, Larry, vous avez le dernier tour.

M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci.

Je suis curieux de savoir, après le débat de ce soir, ce que les autres membres de l'Alliance pensent de rendre toutes les sociétés aériennes au Canada bilingues. M. Moore l'a dit, et pourtant un membre de l'Alliance a dit à la Chambre des communes que nous devrions nous défaire complètement du bilinguisme. Je suivrai donc cela de près pour savoir ce qu'en pensent les autres.

Monsieur le ministre, je suis d'accord avec les mesures que vous avez prises à l'endroit d'Air Canada jusqu'à maintenant, y compris celle-ci, et le fait que vous n'avez pas tout simplement fait un chèque en blanc pour les milliards de dollars demandés. Après avoir fourni l'argent pour les six jours, j'ai quelques électeurs qui m'ont appelé à ce sujet. Ils ont soulevé les points que les gens ont soulevé ce soir. Qu'en est-il des autres compagnies? Qu'en est-il de Tango, si vous subventionnez Air Canada, et que cette dernière démarre une autre société aérienne pour mettre la concurrence en faillite?

Je veux seulement poser des questions au sujet de deux problèmes soulevés par mes électeurs. Le premier porte sur le monopole, quelle que soit la société aérienne, sur notre route quand elle dit qu'elle doit exiger davantage sur cette route pour compenser ce qu'elle perd sur les routes concurrentielles. À cet égard, je suis heureux que vous ayez avancé l'argent à Canada 3000, parce que je pense que la concurrence est la réponse, par opposition à la réglementation, qui ferait monter les prix—un groupe public de défense des droits des consommateurs a récemment suggéré cette option.

L'autre problème—et il a déjà été mentionné—est la qualité du service, essentiellement de la part de la direction, je pense. Je ne suis pas d'accord qu'il faille accroître la propriété étrangère pour régler ce problème, parce qu'il y a beaucoup d'autres industries qui ont des liens avec l'industrie aéronautique, les industries de services, qui pourraient souffrir si nous avons une trop grande propriété étrangère. Je suppose que je suis gâté du fait que je viens de l'Ouest, avec des grandes sociétés aériennes comme Wardair et Canadien et Alcan et Air North, mais je suppose qu'avec ce train de mesures il pourrait y avoir des gens aux nouvelles idées et avec une nouvelle mentalité pour le service qui prendraient la direction de l'entreprise.

M. David Collenette: Les dix-huit derniers mois n'ont été faciles pour personne, que ce soit au gouvernement ou que ce soit dans l'administration d'une société aérienne, Air Canada ou n'importe quelle autre—ce n'est pas facile. Pour moi, ce n'est pas la question de savoir qui dirige une société aérienne, c'est la question de savoir si ces personnes ont ou non les moyens de le faire dans le cadre d'une certaine politique de sorte qu'ils font tout ce qu'ils peuvent pour leurs actionnaires. Il semble que pour une raison quelconque, le Parlement a, il y a quelques années, imposé des contraintes à Air Canada sur le plan des investisseurs dans l'entreprise, et le consensus est maintenant que cela doit changer.

Il se peut fort bien que de nouveaux investisseurs s'amènent, évaluent la situation et formulent des suggestions de changement ou veuillent remplacer des personnes ou des stratégies. C'est ce qui se fait normalement en affaires, mais ce n'est absolument pas ce que le gouvernement vise. Le gouvernement cherche à permettre à Air Canada, en tant qu'institution, la grande institution qu'elle est, de disposer de tous les moyens possibles pour amasser des capitaux comme toutes les entreprises peuvent le faire, et du coup obliger la direction à rendre des comptes, ce que ne permet pas la loi actuelle. Ce sera une bonne chose pour la direction actuelle ou la nouvelle administration. Mais ce n'est pas une question qui relève du gouvernement, mais plutôt des investisseurs.

• 2050

M. Larry Bagnell: J'ai une dernière question, très brève. On a mentionné à plusieurs reprises ce soir le projet de loi américain. Je ne pense pas que les transporteurs américains aient reçu au fil des ans autant de subventions, toute proportion gardée, qu'Air Canada, à même l'argent des contribuables. Est-ce que vous ou vos fonctionnaires pourriez confirmer que la situation n'est pas tout à fait analogue, parce que durant l'existence de leur entreprise, ils n'ont pas reçu les subventions que nous avons données à Air Canada?

M. David Collenette: Ce n'est pas une mince tâche de faire le total, ça va demander pas mal de travail. Air Canada soutiendrait que lorsque les actions ont été offertes au public en 1988, l'investissement de l'État en a été remboursé. Je me rappelle qu'à l'époque Air Canada venait tout juste de payer 35 A-320, et c'était toute une somme. Je ne sais pas si ce que le gouvernement a reçu couvrait cela. Mais il y a tous les autres investissements faits au fil des ans. Air Canada dispose encore de 15 DC-9 achetés par l'argent des contribuables. Je pense qu'il y a plusieurs 767 qui sont encore en service et qui ont été achetés au début des années 80 ou à la fin des années 70 et qui ont été payés par l'argent des contribuables. Mais Air Canada soutiendrait que la Couronne a été grassement remboursée par l'émission des actions au public en 1988.

Le président: Très bien. Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre, ainsi que vos fonctionnaires, d'être venu ici ce soir. Les Canadiens qui ont suivi nos discussions aimeraient savoir que nous nous occupons de la sécurité dans les aéroports, de la sûreté et de la restructuration. J'espère qu'un certain nombre des questions qui vous ont été posées ce soir se refléteront dans votre budget de sorte que nous pourrons constater qu'on agit. Merci d'être venus.

Je vais interrompre les travaux pendant quelques instants.

[Le comité poursuit ses travaux à huis clos]

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