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TRGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT AND GOVERNMENT OPERATIONS

LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 6 novembre 2001

• 0903

[Traduction]

Le président (M. Ovid Jackson (Bruce—Grey—Owen Sound, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. La séance est ouverte.

Nous sommes ici réunis pour discuter du projet de loi C-38, Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada.

Ce matin, nous accueillons parmi nous des témoins. Le premier témoin que nous entendrons est Jacques Kavafian, de Yorkton Securities, qui sera suivi de Duff Conacher, de Démocratie en surveillance.

Nous aimerions que les exposés soient brefs, afin qu'il y ait du temps pour beaucoup de questions. Vous avez donc la parole. Merci.

Jacques.

[Français]

M. Jacques Kavafian (vice-président et administrateur, Yorkton Securities): Bonjour. Good morning. Je m'appelle Jacques Kavafian et je suis vice-président et administrateur de Yorkton Securities. Je me spécialise en transport aérien.

[Traduction]

Bonjour, et merci beaucoup de l'occasion qui m'est ici donnée de comparaître devant le Comité permanent des transports et des opérations gouvernementales.

Les questions auxquelles se trouve confrontée la société Air Canada sont très graves, et ce non seulement du point de vue politique publique, mais également dans le contexte de tout le système de transport au Canada.

Le projet de loi C-38 arrive à point nommé car la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada impose de sérieux obstacles au bon fonctionnement de la société dans un contexte non réglementé. Bien que ces obstacles ne semblent pas très sérieux lorsque les choses vont bien, ils ont tendance à prendre de l'ampleur lorsque les choses vont mal.

• 0905

Le plan du ministre visant à supprimer le plafond de 15 p. 100 d'actions d'Air Canada qu'une entité peut détenir est un pas dans la bonne direction et aidera Air Canada dans ses efforts de refinancement. Mais d'autres restrictions mises en place lors de la privatisation de la société entravent sa capacité de réagir rapidement aux changements dans l'économie. Je songe tout particulièrement à la condition selon laquelle elle doit maintenir ses centres d'entretien à Winnipeg, à Mississauga et à Dorval. De telles contraintes pourraient obliger la société à exploiter des installations de maintenance dans des endroits moins qu'optimaux. Cela pose tout particulièrement un problème du fait que ses concurrents ne sont pas assujettis à ces mêmes restrictions.

En plus d'éliminer le plafond d'actions que peut détenir une seule et même entité, il serait bon d'augmenter la limite applicable à la propriété étrangère, qui est aujourd'hui de 25 p. 100. Si la société trouvait une option de refinancement intéressante et économique, elle devrait pouvoir y recourir avec un minimum de restrictions. Dans le cas contraire, la société Air Canada devra peut-être se contenter de capitaux moins intéressants, c'est-à-dire plus coûteux. Avec une capitalisation de 360 millions de dollars, la limite de 15 p. 100 est atteinte à 54 millions de dollars, et avec la limite de propriété étrangère de 25 p. 100, le plafond est atteint à 90 millions de dollars. Étant donné l'envergure de la dette d'Air Canada et de ses besoins en capitaux, ces pourcentages sont trop faibles.

Merci beaucoup.

Le président: Vous avez fait court. Très bien. Allons-y pour une question. Nous allons commencer avec Mario.

[Français]

M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Merci, monsieur le président.

J'ai de la difficulté à suivre ce que vous dites, monsieur Kavafian. Vous dites que le fait d'avoir des centres de maintenance à Dorval, Winnipeg et Mississauga nuit à l'avenir de la compagnie. J'ai de la difficulté à comprendre cela. Pouvez-vous m'expliquer vos propos?

M. Jacques Kavafian: Oui, certainement.

Lors de la fusion de Canadian Airlines International Limited avec Air Canada, Air Canada a hérité de centres d'entretien à Calgary et Vancouver. D'autres compagnies n'ont pas les contraintes d'Air Canada. Elles peuvent rationaliser leurs opérations. Si elles décident que cela n'a pas de sens de maintenir un centre d'entretien à Mississauga, que c'est plus économique pour elles d'installer leur centre d'entretien à Vancouver, elles peuvent le transférer à Vancouver. Air Canada ne peut pas faire cela.

M. Mario Laframboise: Je ne comprends toujours pas. Vous dites que ça nuit à l'avenir de la compagnie. Il faut que la compagnie entretienne ses avions. On parle d'avions et ceux-ci doivent voler. Que ce soit à Montréal ou ailleurs, elle est obligée de les entretenir. Jusqu'à présent, personne ne s'en est plaint. Air Canada ne s'en est pas plainte, mais vous, vous vous plaignez de cela.

M. Jacques Kavafian: Je ne m'en plains pas, monsieur, et je m'excuse si c'est l'impression que je vous ai donnée. Mon seul but était de souligner le fait que ce sont des contraintes qui existent présentement au sein la compagnie et qui n'existent pas au sein d'autres compagnies privées.

M. Mario Laframboise: J'espère que vous ne considérez pas le fait qu'Air Canada est obligée de respecter la Loi sur les langues officielles comme une contrainte.

M. Jacques Kavafian: Absolument pas.

M. Mario Laframboise: C'est une bonne chose.

Ça va, monsieur le président. Je n'ai plus rien à ajouter.

[Traduction]

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Vous avez déclaré entre autres choses, monsieur Kavafian, que le rajustement de la règle des 15 p. 100 vous aiderait côté refinancement. Si ce plafond devait changer—Air Canada a une capitalisation actuelle de x dollars—dans quelle mesure ce changement côté restrictions aurait-il une incidence sur la capitalisation d'Air Canada?

M. Jacques Kavafian: Cela ne changerait pas forcément sa capitalisation. Ce que cela ferait ce serait multiplier les possibilités pour la société dans ses recherches d'investisseurs. Certains investisseurs seraient peut-être prêts à prendre 30 p. 100 dans la société. Aujourd'hui, avec la limite en place, il ne leur serait pas possible d'avoir une participation de 30 p. 100.

M. Paul Szabo: La réponse à la question, donc, est que le changement ne va pas avoir d'incidence sur l'entrée de capitaux au titre de prises de participation.

M. Jacques Kavafian: Eh bien, cela pourrait avoir une incidence, mais tout dépend du montant et de l'endroit où la société décide de réunir des fonds. Aujourd'hui, le capital n'est pas...

M. Paul Szabo: Vous voulez dire si elle décidait d'émettre des actions de trésorerie.

M. Jacques Kavafian: Oui.

M. Paul Szabo: D'accord, mais le changement quant au plafond de la propriété individuelle n'a pas d'incidence sur l'actuelle capitalisation.

M. Jacques Kavafian: Excusez-moi, mais je ne comprends pas très bien lorsque vous dites...

M. Paul Szabo: Eh bien, il existe x actions. Elles appartiennent aujourd'hui à quelqu'un. Si vous changez le plafond de propriété individuelle, cela ne change pas le capital-actions total.

M. Jacques Kavafian: C'est exact.

• 0910

M. Paul Szabo: Oui, c'est exact. Mais vous avez dit entre autres choses qu'il allait falloir qu'il y ait un refinancement, et je ne vois pas très bien d'où vient l'idée que c'est un refinancement.

M. Jacques Kavafian: Non, ce qui se passerait c'est que ce changement—et je parle du plafond de la propriété individuelle d'actions de 15 p. 100—donnerait plus de marge de manoeuvre à la société qui cherche un financement.

M. Paul Szabo: D'accord. Le prix des actions d'Air Canada est faible depuis quelque temps. La société affiche par ailleurs un bilan qui n'est pas très favorable et qui, de façon générale, ne sera pas très attirant pour les investisseurs. Il y a des actionnaires actuels—nombre d'entre eux sont des sociétés de placement. Ce que vous êtes en train de dire est que si l'on augmentait le plafond, il y aurait peut-être un grand investisseur désireux de dégager certains actionnaires de leurs actions existantes pour peut-être investir davantage dans la société ou y apporter des changements de gestion, d'orientation stratégique, ou autres, en détenant une participation de contrôle. Est-ce là l'idée?

M. Jacques Kavafian: Pas forcément. Mais ce qui pourrait arriver c'est que certains gros investisseurs, pour qui un investissement de 50 millions de dollars n'est pas une grande affaire, souhaiteraient peut-être acheter davantage dans un marché déprimé, dans l'espoir de ramasser gros lorsque le marché reprendrait.

M. Paul Szabo: Cela est intéressant. J'avais pensé que...

Premièrement, vous dites que les gens sont nombreux à vouloir se débarrasser de leurs actions, que les sociétés de placement vont avoir l'occasion de ramasser des actions bon marché, etc. Si c'est ainsi que les grands investisseurs voient les choses, pourquoi n'en serait-il pas de même dans le cas des investisseurs ordinaires?

M. Jacques Kavafian: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce que j'ai voulu dire c'est que si la société recapitalisait, émettait davantage d'actions, ces grands investisseurs seraient peut-être intéressés à en acheter plus.

M. Paul Szabo: En l'absence du projet de loi, la société Air Canada pourrait-elle émettre plus d'actions?

M. Jacques Kavafian: Oui, Air Canada pourrait émettre plus d'actions.

M. Paul Szabo: Très bien. Y aurait-il un marché pour elles?

M. Jacques Kavafian: C'est là une question difficile dans la conjoncture actuelle.

M. Paul Szabo: Précisément. Je suis fasciné par tout cela. Je pense que tout le monde est assez à l'aise avec l'idée qu'on élimine le plafond de propriété au cas où Air Canada ait besoin non pas tout simplement de quelqu'un pour remplacer les détenteurs actuels d'actions mais de quelqu'un qui ait une stratégie ou un plan de viabilité à long terme susceptible de rétablir la confiance à l'égard de la société elle-même et de toute l'industrie, et, on peut l'espérer, de donner un peu de sécurité aux investisseurs.

Ce qui a piqué ma curiosité est que vous avez insisté sur le refinancement, alors que ce n'est pas de cela qu'il est question ici. Il est question ici de regarder l'avenir et de dire, si nous avions un gros actionnaire... Je pense que dans les milieux d'investissement, si vous détenez 30 p. 100 des actions d'une société, aux fins de la comptabilité, vous les comptabiliseriez à la valeur de consolidation, du simple fait qu'il s'agisse d'une participation importante considérée comme étant une participation dominante. Mais dans certaines sociétés... je me souviens du cas de la TransCanada Pipelines Limitée... à l'époque, l'intérêt de 10 p. 100 qui y avait le Canadien Pacifique, vu que la TransCanada comptait un très grand nombre d'actionnaires, était suffisant pour contrôler le conseil d'administration. En fait, le Canadien Pacifique avait nommé tous les membres du conseil d'administration, qu'il contrôlait. Les niveaux de propriété dans une société peuvent donc être aussi bas que 10 p. 100 tout en constituant un intérêt substantiel.

Je serais vraiment très curieux de savoir pourquoi vous n'êtes pas allé plus loin pour dire que ce qu'il faut vraiment à Air Canada c'est que quelqu'un se présente et commence à véritablement gérer la société. Je ne pense pas que vous en ayez la conviction.

M. Jacques Kavafian: Car c'est une chose à laquelle je ne crois pas. Je vais vous dire ce que je crois. Je crois que parce qu'il y a à l'heure actuelle une pénurie de capital dans l'industrie aérienne, il ne sera pas si facile que cela d'aller mobiliser des fonds pour les compagnies aériennes.

• 0915

Il faudra éventuellement que la compagnie recoure à la capitalisation. Cela est clair. Cette limite de 15 p. 100 de la propriété individuelle impose des restrictions à la société et pourrait même l'empêcher d'aborder certains investisseurs, qui auraient peut-être un avantage stratégique à investir, pour obtenir l'argent, parce qu'il n'y a pas d'autre marché. Il n'y a à l'heure actuelle à toutes fins pratiques pas de marché pour les compagnies aériennes.

M. Paul Szabo: Enfin, pensez-vous que cela va permettre de renforcer la capitalisation d'Air Canada sans d'autres changements d'importance quant à son bilan, notamment côté fardeau d'endettement? Avez-vous entendu dans la rue, ou pensez-vous qu'il pourrait être intéressant à un moment donné, si le marché ne récupère pas assez vite et si le manque de liquidités devient un problème, que les compagnies aériennes recourent par exemple à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et fassent le ménage de leur bilan en coordination avec toutes les parties intéressées?

M. Jacques Kavafian: Je pense que s'il y avait recours à la LACC, ce serait le choix de la direction ou du conseil d'administration, et non pas une nécessité. La société dispose à mon avis d'un actif suffisant, dont elle pourrait convertir en argent certains éléments pour résister pendant quelque temps. Il serait peut-être néanmoins sage pour elle de restructurer sa dette. Soixante-quinze pour cent de la dette de la société sont détenus par des étrangers, et avec ce plafond de la propriété étrangère de 25 p. 100, toute restructuration exclurait un échange de dette contre des avoirs dans le cas d'étrangers.

M. Paul Szabo: Bien. Merci.

Le président: Madame Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Merci, monsieur le président.

[Note de la rédaction: Inaudible]... la question de savoir si les investisseurs potentiels voudraient avoir plus que 15 p. 100 des actions. À l'heure actuelle, quels pourcentages des actions d'Air Canada sont détenus par les plus grands investisseurs?

M. Jacques Kavafian: Je m'excuse, mais je n'ai pas ce chiffre.

Mme Bev Desjarlais: Étant donné que vous n'avez pas ce chiffre, comment pouvez-vous affirmer que le fait de détenir davantage d'actions va faire toute la différence?

M. Jacques Kavafian: Lorsque vous dites «davantage d'actions», voulez-vous parler de la capitalisation de la société?

Mme Bev Desjarlais: C'est exact. Vous êtes ici devant nous en train de dire qu'il leur faut avoir cette possibilité de détenir plus de 15 p. 100 des actions. Or, vous ne savez même pas à quel pourcentage se situe l'actuelle participation des investisseurs qui sont déjà dans l'affaire. Comment donc pouvez-vous déclarer que plus c'est mieux?

M. Jacques Kavafian: Excusez-moi, mais je ne vous ai pas entendue me demander quels pourcentages sont détenus par les grands actionnaires. Je pensais que vous vouliez parler de tous les actionnaires réunis—de 100 p. 100 de la société.

Mme Bev Desjarlais: Non, je voulais parler des grands actionnaires.

M. Jacques Kavafian: Je regrette, mais ces grands actionnaires sont clients de notre cabinet, et je ne suis donc pas libre de...

Mme Bev Desjarlais: C'est assez notoire. Cela fait l'objet de discussions publiques depuis quelques jours. Je m'étonne tout simplement de vous entendre suggérer... Ce sont des renseignements publics.

M. Jacques Kavafian: Je regrette. Je ne suis pas libre d'en parler.

Mme Bev Desjarlais: D'accord, sans dire quels sont les grands actionnaires, quel pourcentage...?

M. Jacques Kavafian: Deux actionnaires détiennent chacun entre 10 p. 100 et 15 p. 100 de la compagnie.

Mme Bev Desjarlais: Chacun. À votre connaissance, au cours de la dernière année, avant le 11 septembre, a-t-on dit qu'il était absolument nécessaire pour la compagnie que le nombre d'actions soit augmenté?

M. Jacques Kavafian: Non, il n'y a pas eu de demande de cela.

Mme Bev Desjarlais: Comment cela se fait-il? Pourquoi n'y aurait-il pas eu de poussée pour cela, de poussée d'Air Canada, de poussée de la part d'investisseurs dans le secteur aérien, tous convaincus de l'injustice de la situation? Comment expliquez-vous cela?

M. Jacques Kavafian: Excusez-moi, mais puis-je corriger ce que j'ai déclaré. À ma connaissance, il n'y a eu aucune demande en ce sens.

• 0920

Mme Bev Desjarlais: Très bien. Vous nous avez également entretenus de choses qui se situent à l'extérieur de ce dont nous sommes saisis ici. Tout ce qui nous intéresse dans le contexte des changements à la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada c'est l'élimination du plafond de la propriété d'actions. Vous avez cependant évoqué d'autres contraintes imposées à Air Canada, notamment la nécessité d'avoir son siège à Montréal—vous n'avez jamais mentionné la Loi sur les langues officielles, qui a déjà été abordée par d'autres témoins—et les conditions en matière de services de maintenance, dont M. Laframboise a également dit qu'il s'agissait de contraintes.

Ceux d'entre nous qui prenons l'avion—et c'est en tout cas mon avis—ne considèrent pas que l'emplacement stratégique à travers le Canada des services d'entretien constitue une contrainte mais plutôt une nécessité pour maintenir partout au pays un service de transport aérien sûr. Je trouve étonnant que quelqu'un considère comme une contrainte la répartition stratégique dans tout le pays des centres de maintenance. L'on ne parle pas d'un centre à Saskatoon, d'un autre à Regina, ou d'un centre à Toronto, et un autre à Ottawa. Je n'en reviens pas que vous considériez cela comme étant une contrainte pour une compagnie.

M. Jacques Kavafian: Oh que si, car il y en a trop et ils sont implantés dans des endroits qui ne sont ni souhaitables ni optimaux pour la société. Ces centres se trouvent là à l'heure actuelle et la compagnie s'en sert de son mieux, à mon avis.

Mme Bev Desjarlais: Vous dites qu'il y en a trop.

Encore une fois, en dépit des nombreuses réunions que nous avons déjà eues, je ne me souviens d'aucune occasion où Air Canada ait mentionné qu'elle avait trop d'installations d'entretien et que cela allait créer un problème. Bien franchement, la société a semblé embrasser tout l'accord de fusion et tout ce qu'elle allait faire et allait continuer de faire était absolument nécessaire en vue d'assurer un bon service à l'échelle du pays. Cela m'étonne qu'en l'espace de moins d'un an on ait décidé que cela était devenu inutile.

M. Jacques Kavafian: Oui, c'est à mon avis le cas. C'est un obstacle qui vient s'ajouter aux coûts que subit déjà la compagnie.

Mme Bev Desjarlais: Vous ne pensez pas qu'elle ait besoin de ces installations d'entretien?

M. Jacques Kavafian: C'est exact. Ces installations pourraient être rationalisées sans perte d'emplois, en les transférant à des endroits tels qu'elles seraient davantage...

Mme Bev Desjarlais: D'accord, mais supposons que votre avion tombe en panne. Il y a des réparations, de grosses réparations à faire, et l'avion se trouve à Winnipeg ou en Colombie-Britannique. Est-il logique de déplacer l'avion de Winnipeg ou de la Colombie-Britannique à Mississauga, Montréal ou Halifax?

M. Jacques Kavafian: Air Canada assure la maintenance en ligne à chacune de ses bases. Mais les grosses vérifications se font à Winnipeg, à Vancouver et à Montréal.

Mme Bev Desjarlais: Y en a-t-il parmi ces centres qui connaissent des temps morts, où il ne se passe rien?

M. Jacques Kavafian: Bien sûr que non, car l'on s'efforce aujourd'hui de distribuer le travail.

Mme Bev Desjarlais: Et l'on a également passé des contrats avec d'autres compagnies pour faire l'ensemble... ce qui vient grossir les revenus de la compagnie.

M. Jacques Kavafian: Oui, il se fait beaucoup de cela à Dorval.

Mme Bev Desjarlais: À Winnipeg aussi.

Le Comité des transports ici réuni a visité les installations qui nous ont été vantées comme étant très importantes, et on nous a également expliqué qu'elles ont pu contribuer à enrichir la société en prenant d'autres travaux et en occupant les employés à d'autres activités qui rapportaient à la compagnie. Ici encore, cela m'étonne que vous y voyiez une contrainte.

Ce sera tout pour tout de suite, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

La parole est maintenant à Val.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, PC/RD): Pour que les choses soient bien claires, vous n'êtes pas en train de dire que les compagnies aériennes et qu'Air Canada n'ont pas besoin d'installations de maintenance. Vous dites tout simplement que le fait de lui imposer, dans la loi, certains emplacements impose à la compagnie une contrainte à laquelle ne font pas face les autres compagnies aériennes.

M. Jacques Kavafian: C'est exact.

Mme Val Meredith: Très bien. Vous n'êtes pas en train de dire que les compagnies aériennes n'ont pas besoin d'installations de maintenance.

M. Jacques Kavafian: Bien sûr que non.

Mme Val Meredith: D'accord. Je pensais qu'il fallait vous donner l'occasion de préciser cela aux fins du compte rendu.

J'aimerais connaître vos idées en matière d'investissement. Vous avez mentionné que 75 p. 100 de la dette d'Air Canada est détenue par des étrangers. Vous avez parlé de transformer cette dette en avoir.

De quelle façon cela peut-il être fait? S'agit-il pour la compagnie d'émettre davantage d'actions ou tout simplement de donner aux personnes qui lui ont prêté de l'argent des actions équivalentes à la dette?

• 0925

M. Jacques Kavafian: Je parlais de 75 p. 100 de la dette à long terme qu'avait la compagnie au 31 décembre 2000. Si nous incluions les baux de location-acquisition ou les obligations découlant de baux de la compagnie, alors la proportion détenue par des étrangers dépasserait sensiblement les 80 p. 100.

Ce qui se passerait, théoriquement, c'est que si la compagnie voulait réduire sa dette, elle pourrait aller voir ces prêteurs et leur dire qu'elle souhaite réduire sa dette parce qu'elle ne peut plus en payer les frais. Elle pourrait offrir de transformer une partie de la dette en avoir et demander s'ils seraient d'accord. En théorie, les créanciers détenteurs d'obligations d'Air Canada d'une valeur supérieure à 100 millions de dollars seraient peut-être d'accord pour que celles-ci soient transformées en 25 millions de dollars d'obligations à un certain taux d'intérêt, les 75 millions de dollars restants étant convertis en avoirs.

Mme Val Meredith: Et c'est ici que votre suggestion que soit augmenté le plafond pour la propriété étrangère pourrait rendre service à Air Canada. Ce serait avantageux pour transformer cette dette en capital-actions de la société.

M. Jacques Kavafian: C'est exact, car à 25 p. 100—y compris les actionnaires étrangers qu'a déjà la compagnie—ce chiffre serait vite atteint.

Mme Val Meredith: Dans quelle mesure est-il important pour Air Canada de réduire ce niveau d'endettement?

M. Jacques Kavafian: C'est important.

La compagnie n'a aucun plan en vue de réduire sa dette, car elle ne possède à l'heure actuelle pas les ressources nécessaires pour ce faire. Mais elle pourrait la financer.

Ce n'est pas qu'il y a quelque chose de vraiment cloche. Ce n'est pas la mort. Les choses pourraient continuer ainsi, mais la dette enlèvera de la souplesse—la capacité de la compagnie de faire certaines choses—si elle demeure au niveau actuel, car elle est en train d'augmenter.

Mme Val Meredith: Ce n'est pas une situation de tout ou rien. Le niveau d'endettement de la compagnie ne va pas casser la barraque.

M. Jacques Kavafian: C'est exact.

Mme Val Meredith: J'aimerais vous poser quelques questions au sujet d'une chose qui est arrivée à l'un des actionnaires, mais vous ne serez peut-être pas en mesure de m'éclairer.

Il y a dans le National Post un article au sujet de la Caisse de Dépôt qui aurait vendu à découvert. Comment cela fonctionne-t-il? Comment un actionnaire peut-il vendre à découvert et réaliser un profit sur les actions d'une société qu'il possède? Fait-on de l'argent sur la base d'une dévaluation?

M. Jacques Kavafian: Oui.

Je peux vous parler de la situation générale, mais pas précisément de celle de la Caisse de Dépôt, mais certains gros cabinets d'experts financiers ont plusieurs départements. Certains départements n'investissent que dans du capital-actions privé, dans des compagnies privées. D'autres départements investissent dans des obligations ou des débentures, d'autres dans du capital-actions, mais il y en a d'autres qui s'occupent de stratégies de couverture, ce qui veut dire qu'ils s'occupent principalement d'achats à terme et d'achats à découvert. Ces départements sont complètement indépendants des autres services des grosses boîtes. Certains des fonds plus importants disposent de beaucoup d'argent et en allouent une certaine partie pour des opérations à découvert. Je pense que c'est cela qui est arrivé.

Mme Val Meredith: Y a-t-il un conflit d'intérêts là-dedans, du fait que des actionnaires espèrent que leurs actions vont perdre de la valeur afin qu'ils se couvrent?

M. Jacques Kavafian: Excusez-moi, mais pourriez-vous répéter la question?

Mme Val Meredith: J'essaie de comprendre comment un gros actionnaire—et si j'ai bien compris, c'est le gros actionnaire d'Air Canada... N'y a-t-il pas un conflit d'intérêts si le principal actionnaire d'une compagnie—et l'on doit supposer qu'il participe dans une certaine mesure aux décisions prises—espère que les actions vont perdre de la valeur à un point tel qu'il pourra réaliser un profit?

M. Jacques Kavafian: Je ne suis pas au courant de leurs contrats fiduciaires internes. Je présume que parce qu'il s'agit de services indépendants, il n'y a pas de conflit.

Mme Val Meredith: Parlons maintenant des personnes sur lesquelles l'élimination de ce plafond de 15 p. 100 pourrait avoir un effet. Vous parlez des gros investisseurs. S'agit-il de fonds de pension ou de syndicats? Un grand nombre de ces gros syndicats disposent d'investissements considérables. Est-ce que ce ne sont pas ces gens-là—les syndicats investisseurs—qui devraient examiner cela, s'il est question de maintenir la sécurité pour les employés et ainsi de suite?

• 0930

M. Jacques Kavafian: Voyez-vous, dans le cas de Transat, son syndicat, la FTQ, le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, possède environ 10,5 p. 100 de la compagnie. Il en possédait davantage, mais il a vendu certains de ses avoirs. C'est donc là une possibilité.

Il se pourrait également que certains gros fonds de pension ou autres fonds au Canada soient désireux de prendre une plus grosse participation de la société dans le cas de la capitalisation des actions participatives.

Mme Val Meredith: Très bien.

Une autre chose qui est ressortie est la possibilité que les actuels gestionnaires d'Air Canada, les actuels dirigeants de la société, mettent en place ce que l'on appelle une «pilule empoisonnée» afin de maintenir leur capacité de gérer la société et d'empêcher d'autres d'y entrer. Comment cela fonctionne-t-il?

M. Jacques Kavafian: Un grand nombre de compagnies à actionnaires multiples et dont les conseils d'administration pensent que les actions sont sous-évaluées mettent en place une pilule empoisonnée. Elles le font parce que les actuelles lois en matière de mainmise prévoient qu'en cas de prise de contrôle d'une compagnie, il doit s'écouler 21 jours entre la date de la prise de contrôle et la conclusion de l'offre de prise de contrôle. Beaucoup d'entreprises estiment que cela ne leur donne pas suffisamment de temps pour trouver des moyens de rechange d'augmenter la valeur des actions détenues, alors elles mettent en place une pilule empoisonnée. Elles parlent alors d'«offre autorisée» en ce sens qu'avant qu'une personne ne fasse une offre publique pour la compagnie, elle doit en discuter avec la direction et le conseil d'administration. Le conseil d'administration dispose alors de 60 jours. Elle peut s'accorder 60 à 90 jours pour trouver d'autres offres d'achats.

Mme Val Meredith: Une pilule empoisonnée n'est donc rien d'autre qu'un report de la décision. Cela n'empêche pas quelqu'un d'acheter du capital-actions ou de prendre le contrôle d'une compagnie; cela retarde tout simplement sa capacité de le faire.

M. Jacques Kavafian: C'est exact. Cela vous oblige à avoir des discussions avec la direction avant de faire quoi que ce soit.

Mme Val Meredith: Cela oblige donc les personnes désireuses de prendre le contrôle de la compagnie de s'asseoir et de discuter avec la direction. La direction a-t-elle le choix d'accepter ou non les offres?

M. Jacques Kavafian: Le conseil d'administration de la compagnie a pour responsabilité fiduciaire de s'occuper des intérêts des actionnaires. Il déterminerait alors ce qui serait avantageux pour les actions et soumettrait ses recommandations aux actionnaires en vue d'un vote.

Mme Val Meredith: C'est en gros ce qui est arrivé avec Onex et Air Canada, qui ont pris le contrôle des Lignes aériennes Canadien, et la bataille quant à savoir à combien ils achèteraient les actions et ainsi de suite.

M. Jacques Kavafian: Exactement. Si vous prenez la situation d'Onex, le groupe Onex a abordé les Lignes aériennes Canadien. Ils ont discuté des conditions de la fusion. Toutes les parties, y compris American Airlines, ont accepté le prix, et l'annonce a été faite. Le groupe est alors allé voir Air Canada et a fait une offre hostile sans en discuter au préalable avec la direction d'Air Canada. Il l'a pressentie et a fait une offre publique, une offre hostile pour acheter la compagnie. Ce n'était pas amical, contrairement à ce qui s'était passé avec les Lignes aériennes Canadien.

Ce qui a été fait avec les Lignes aériennes Canadien est ce qu'il aurait été permis à Air Canada de faire avec une pilule empoisonnée. Si elle avait eu une pilule empoisonnée à l'époque, il aurait fallu que le groupe Onex s'assoie avec la direction d'Air Canada pour discuter d'une évaluation juste avant de faire son offre d'achat publique.

Mme Val Meredith: Comment donc l'élimination du plafond de 15 p. 100 va-t-elle changer les choses pour quiconque serait intéressé? Supposons que quelqu'un souhaite investir 30 p. 100 dans Air Canada. Lui faudra-t-il s'asseoir avec le conseil d'administration et en discuter des conditions, ou bien peut-il tout simplement prendre la valeur actuelle des actions et les acheter?

M. Jacques Kavafian: Dans le cas qui nous occupe, s'il n'y avait pas de plafond de la propriété individuelle de 15 p. 100 alors, à mon avis, cette personne pourrait très rapidement s'entendre avec la compagnie sur les conditions. Il n'y aurait pas de bagarre, à condition qu'il s'agisse de nouveaux capitaux. Si une personne faisait une offre hostile à, mettons, deux dollars, alors il se pourrait qu'il y ait une lutte, mais le but de tout l'exercice est de permettre... Ce plafond de 15 p. 100 d'actions qu'une seule et même entité peut détenir est une restriction imposée à la compagnie que d'autres compagnies ne connaissent pas, et cela limite la flexibilité. Cela élimine certains segments de marché que la compagnie ou que ses conseillers financiers pourraient aborder à l'avenir, au besoin, en vue de réunir des fonds.

Mme Val Meredith: Que faut-il à Air Canada pour pouvoir aborder quelqu'un? Que lui faut-il avoir en mains lorsqu'elle intervient auprès d'un grand investisseur? Est-ce un plan d'affaires? Est-ce une rationalisation de ses services de maintenance? Que faudra-t-il à Air Canada pour pouvoir convaincre de grands investisseurs qu'elle constitue un risque qui vaut la peine d'être pris?

• 0935

M. Jacques Kavafian: Parlant en tant que participant à l'industrie financière, je dirais qu'il faudrait que la compagnie ait un plan d'entreprise convaincant et une stratégie de rentabilité soutenue. Il lui faudrait convaincre le grand actionnaire potentiel qu'il gagnera de l'argent en investissant dans Air Canada.

Mme Val Meredith: Je suppose que je pose ma question suivante à cause du projet de loi C-26 qui, pour de très bonnes raisons à l'époque, avait pour objet de protéger les petites localités en les mettant à l'abri d'un retrait de service si le monopole d'Air Canada décidait qu'il ne voulait plus l'assurer. Pensez-vous qu'il y ait de la place dans les règlements gouvernementaux pour qu'il y ait des restrictions en matière d'employés, des restrictions quant à la façon dont la société se comporte? Pensez-vous que ces genres de restrictions gouvernementales—en vérité, je suppose que cela revient à dire que le gouvernement exigerait d'Air Canada qu'il tienne les promesses faites à l'occasion de l'offre d'achat d'Onex—empêchent Air Canada d'aller chercher le capital-actions dont elle a besoin?

M. Jacques Kavafian: Non, je ne le pense pas, mais la compagnie est à l'heure actuelle en train de payer le prix de ces restrictions.

Mme Val Meredith: Mais vous avez le sentiment qu'elle peut se débrouiller et qu'elle devrait être en mesure de soumettre un solide plan d'affaires, tout en gardant à l'esprit ses obligations et, j'imagine, en changeant sa façon de faire affaires.

M. Jacques Kavafian: Oui, étant donné surtout qu'il s'agit là de conditions que la direction a acceptées lorsqu'elle a acheté les Lignes aériennes Canadien.

Mme Val Meredith: Enfin, pour une compagnie aérienne qui connaît de sérieuses difficultés financières, en tout cas cela semble être le cas, pensez-vous que ce soit de la saine gestion que de lancer une nouvelle ligne aérienne—Tango, par exemple?

M. Jacques Kavafian: Je dirais que oui. J'ajouterai cependant une condition, étant donné tout le contexte économique. L'idée derrière Tango est bonne, car c'est ce que demande le marché. Le marché veut un service bon marché, sans fioritures. C'est ce qu'offre Air Canada avec Tango, sans porter atteinte à sa marque de commerce, Air Canada. Mais la situation financière de la compagnie ne se prête pas trop à de l'expérimentation et le marché est faible, alors ce n'est peut-être pas le meilleur moment.

Mme Val Meredith: D'aucuns argueraient que la compagnie offre à l'heure actuelle du mauvais service à prix élevé.

Merci beaucoup.

Le président: Accueillons maintenant Duff Conacher, de Démocratie en surveillance. Je l'inviterai à faire sa déclaration, et vous pourrez ensuite poser vos questions au témoin de votre choix.

Nous allons donc entendre maintenant Duff, après quoi je commencerai avec James, et cela tournera.

Allez-y, monsieur. Je vous accorde quelques minutes.

M. Duff Conacher (coordonnateur, Démocratie en surveillance): Merci beaucoup. Je m'excuse d'avoir été retardé ce matin.

Merci de l'occasion qui m'est ici donné de vous entretenir au sujet du projet de loi C-38. Je ne vais pas traiter directement des dispositions du projet de loi et des questions connexes, mais plutôt de toute la panoplie de mesures et d'initiatives prises par le gouvernement fédéral au cours des dernières années pour venir dans une certaine mesure sauver les lignes aériennes et d'une autre mesure destinée en tout cas à leur venir en aide.

Ces mesures ne sont pas étonnantes étant donné que les compagnies aériennes et que les déplacements par avion font partie de l'infrastructure essentielle du Canada d'aujourd'hui, tant pour les passagers, qu'il s'agisse de touristes ou de gens d'affaires, que pour le fret et d'autres besoins.

Dans le contexte de toutes ces politiques et mesures élaborées par le gouvernement à ce jour, vous avez les travailleurs qui sont organisés, représentés par des syndicats, qui font de la recherche sur l'incidence de ces diverses politiques. Vous avez bien sûr les compagnies aériennes qui sont organisées, avec leurs lobbyistes et recherchistes, et d'autres qui tentent d'amener le gouvernement à faire certaines choses pour protéger les compagnies aériennes. Ce qui à notre avis fait défaut dans tout cela c'est une organisation des passagers des lignes aériennes qui donnerait à ces voyageurs une solide voix en matière d'élaboration de politiques pour le transport aérien et qui exigerait des compagnies aériennes qu'elles soient redevables du mauvais service offert aux passagers et des autres problèmes vécus par ceux-ci.

• 0940

Le gouvernement fédéral a aidé, aide et aidera, je pense, à court et à long terme les compagnies aériennes, et ce à bien des égards. Nous croyons que la meilleure chose que le gouvernement puisse faire en retour pour les passagers est d'exiger des compagnies aériennes qu'elles facilitent la création d'un groupe de passagers aériens.

Nous avons une méthode très simple pour ce faire, et c'est une méthode qui a été utilisée dans certains États américains pour créer des groupes de surveillance des services d'utilité publique. Dans ces États, les services d'utilité publique ont été tenus d'inclure périodiquement avec leurs factures un petit dépliant d'une page décrivant le groupe de surveillance du service public et invitant les gens à s'y joindre.

Par exemple, dans l'Illinois, environ 4 p. 100 des clients ont adhéré à l'Illinois Citizens Utility Board, qui compte 150 000 membres, dispose d'un budget annuel d'environ 1,5 million de dollars et qui, en plus de participer au processus décisionnel, a, grâce à ses efforts, économisé plus de 4 milliards de dollars aux consommateurs depuis 1983 en s'opposant aux hausses de tarifs des services d'utilité publique.

Ce que nous proposons, en vue de la création d'une organisation des voyageurs aériens c'est que le gouvernement fédéral exige des compagnies aériennes qu'elles distribuent périodiquement un feuillet d'une page aux passagers qui montent à bord d'un avion et qu'il exige également qu'elles incluent périodiquement un document semblable dans leurs envois de factures. Le dépliant décrirait le groupe et inviterait les passagers à s'y joindre, à un coût annuel de 20 $ à 40 $. Selon un sondage national que nous avons demandé à Environics de mener il y a quelques années, des frais d'adhésion du genre et toute l'idée de la création d'un tel groupe sont appuyés par la majorité des Canadiens.

Le gouvernement pourrait ou prêter ou verser à l'organisation les fonds nécessaires pour couvrir l'impression et la distribution du premier dépliant. Encore une fois, ce pourrait être un prêt que le groupe pourrait aisément rembourser, et, après le premier dépliant, le groupe assumerait tous les frais d'impression et de distribution des suivants. C'est ainsi que pourrait être créée une telle organisation, sans frais ou à peu de frais pour le gouvernement et les compagnies aériennes.

Notre prévision serait que le groupe réunirait des centaines de milliers de membres et disposerait d'un budget considérable qui donnerait aux passagers une entité à laquelle s'adresser en cas de plainte, en cas d'intervention auprès du tribunal des plaintes qui a été créé et pour les représenter à l'étape de l'élaboration des politiques.

Je ne prétends pas représenter ici les passagers. Je ne le peux pas. Et nous ne pensons pas qu'il existe au Canada un quelconque autre groupe de consommateurs qui le puisse. Nous ne pensons même pas que les groupes de consommateurs existants qui s'efforcent de faire du travail dans ce domaine disposent des ressources nécessaires pour faire la recherche et pour participer de façon conséquente à l'élaboration de politiques. C'est pourquoi nous croyons que ce que nous proposons ici est la meilleure chose que le gouvernement puisse faire pour les passagers—créer un tel groupe qui aide les consommateurs à exiger des compagnies aériennes qu'elles rendent compte de leur mauvaise qualité de service et qui garantisse aux passagers une voix solide quant aux politiques aériennes futures.

Nous avons un modèle de constitution pour un tel groupe et nous croyons que c'est une chose que le gouvernement devrait faire, et ce pour rien ou presque rien—en tout cas, c'est une chose que le gouvernement devrait faire pour les passagers, vu tout ce qu'il fait pour venir en aide aux compagnies aériennes.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Très bien. Nous allons commencer par James Moore, de l'Alliance canadienne.

M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne): Bien franchement, je ne vois pas très bien ce que votre présentation a à voir avec le projet de loi C-38, à moins que vous vouliez que nous inscrivions cela dans le contexte d'une plus vaste restructuration du secteur aérien.

M. Duff Conacher: Eh bien, la loi s'intitule Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, et nous demandons tout simplement une forme différente de participation publique à Air Canada et aux autres compagnies aériennes.

M. James Moore: Et vous souhaiteriez que ces règles visent uniquement Air Canada ou bien tous les transporteurs?

M. Duff Conacher: Tous les transporteurs.

M. James Moore: J'ai un projet de loi d'initiative parlementaire qui créerait un bureau de statistiques aériennes, inspiré de la loi américaine, et qui demanderait en gros aux transporteurs aériens de fournir au gouvernement, à Transports Canada ou à une branche de Statistique Canada, les statistiques essentielles de tous les transporteurs aériens—nombre de vols annulés, nombre de valises perdues, coût moyen par route par mille pour l'ensemble du pays—afin que les Canadiens voient quels sont les taux d'annulation et si les compagnies aériennes font de la surréservation. Est-ce là le genre de choses que vous... Au lieu de remettre des dépliants aux transporteurs individuels pour, de façon tout à fait non scientifique, en tout cas d'après ce que j'ai entendu, les rendre, s'il se trouve...? Si vous distribuez aux gens des dépliants pour qu'ils se plaignent du service qu'ils ont eu chez Air Canada, cela ne va pas être scientifique du tout car les gens ne vont les remplir que s'ils sont mécontents du service.

• 0945

M. Duff Conacher: Non, ce n'est pas une feuille à remplir s'ils ont une plainte. C'est un dépliant les invitant à adhérer à un groupe, à se regrouper aux côtés d'autres passagers canadiens à l'intérieur d'une organisation qui puisse représenter leurs intérêts sur le marché et intervenir dans le processus décisionnel.

J'applaudis à la proposition que vous faites dans le projet de loi d'initiative parlementaire. Oui, la divulgation et le suivi de problèmes sont essentiels et, dans de nombreuses industries, le gouvernement n'a pas exigé une divulgation suffisamment détaillée pour veiller à ce que les problèmes soient repérés et exposés de telle sorte qu'il puisse s'en occuper systématiquement. Mais cela ne suffit pas.

M. James Moore: Il y a manifestement ici une différence philosophique. Je ne pense pas que ce soit le rôle du gouvernement de se démener pour créer des groupes de défense des consommateurs. Y a-t-il d'autres secteurs de l'économie dans lesquels vous pensez que le gouvernement devrait se démener pour créer des groupes de défense des consommateurs pour contrer les entreprises?

M. Duff Conacher: Oui, dans plusieurs secteurs en fait. Dans le secteur bancaire, le Comité des finances de la Chambre et le Comité sénatorial des banques ainsi que le groupe de travail MacKay du gouvernement fédéral ont tous convenu avec nous que les institutions financières devraient être tenues de distribuer de tels dépliants périodiquement dans leurs envois postaux—relevés bancaires, relevés de cartes de crédit—invitant les gens à se joindre à une organisation de consommateurs de services financiers.

Au lieu de cela, Paul Martin a tout récemment, il y a à peine quelques semaines, créé l'Agence de la consommation en matière financière, un organe de réglementation coordonné par le gouvernement, et qui lui coûtera beaucoup d'argent, au lieu de laisser les consommateurs se regrouper à l'échelle du pays et de permettre à une organisation de consommateurs d'exiger des institutions financières qu'elles lui rendent des comptes.

Nous estimons que dans de nombreux autres secteurs...et je songe tout particulièrement aux services d'utilité publique, pour lesquels il y a des monopoles. Lorsqu'on regarde les compagnies aériennes, l'on voit un quasi-monopole avec Air Canada, et nous pensons qu'en contrepartie du privilège d'avoir essentiellement un marché monopolisé, ce serait un merveilleux mécanisme de reddition de comptes permettant aux consommateurs d'avoir eux aussi leur voix, de la même façon que les syndicats organisent des employés et que l'industrie a ses associations industrielles.

Comment ces associations industrielles sont-elles financées? Comment sont financés tous les lobbyistes d'Air Canada et des autres compagnies aériennes? Ces différents intervenants sont financés grâce aux factures plus élevées que payent les clients, une partie du revenu supplémentaire étant prélevée pour financer leurs efforts de lobbying et de publicité. Nous demandons tout simplement que les consommateurs disposent du même mécanisme facile pour réunir leurs ressources au sein d'une organisation.

Le président: Marcel Proulx, pour les libéraux.

M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.): J'ai une petite question pour M. Kavafian. Mon collègue a mentionné—et je vais commencer en anglais—les ventes à découvert pour le compte d'un grand actionnaire.

[Français]

Pouvez-vous m'expliquer pourquoi cet actionnaire ferait cette allégation-là? Qu'est-ce qu'on entend par du short sell? Qu'est-ce que cela peut signifier dans le cas présent?

M. Jacques Kavafian: Quelqu'un qui anticipe la baisse du prix des actions emprunte des actions et les vend à 5 $, par exemple. Si le prix baisse à 2 $ l'action, cette même personne les rachète à ce moindre prix, les rend à son propriétaire et garde la différence, soit 3 $ l'action. Donc, la personne vend quand le prix est à la hausse. «Shorter» signifie que la personne vend des actions qu'elle ne possède pas, des actions dont elle n'est pas propriétaire. La personne est donc «short» dans son compte, c'est-à-dire qu'elle a un compte à découvert.

M. Marcel Proulx: La personne emprunte...

M. Jacques Kavafian: La personne emprunte le certificat.

M. Marcel Proulx: Elle achète le certificat sur marge. C'est ça?

M. Jacques Kavafian: Non, elle emprunte le certificat. N'importe quelle firme de courtage fait ce genre de prêt. Les firmes ont des certificats dans leur compte. Elles prêtent les certificats. La personne vend donc des actions qu'elle ne détient pas et se retrouve avec un compte à découvert. Quand le prix baisse, elle rachète les actions au prix inférieur. Elle rend le certificat à son propriétaire et garde la différence.

M. Marcel Proulx: Est-ce que cela se fait couramment?

M. Jacques Kavafian: Cela se fait tellement souvent qu'il était impossible, il y a deux ou trois semaines, d'emprunter des certificats pour des actions d'Air Canada. Il n'y en avait plus.

M. Marcel Proulx: Vous voulez dire qu'il n'y en avait plus parce que cela s'était fait en quantité industrielle.

• 0950

Qu'est-ce que le projet de loi que nous examinons présentement fait pour empêcher ou promouvoir cette situation?

M. Jacques Kavafian: Le projet de loi à l'étude n'a aucun impact sur cela.

M. Marcel Proulx: Le projet n'a aucun impact là-dessus.

M. Jacques Kavafian: C'est bien cela.

M. Marcel Proulx: Donc, en parler à ce moment-ci ne changera absolument rien. Que faudrait-il pour empêcher que cela se fasse? De fait, est-ce que cette pratique devrait être empêchée?

M. Jacques Kavafian: Non, c'est une pratique courante. Cela se produit souvent aussi avec plusieurs autres titres. Cela donne à quelqu'un l'occasion...

En vendant à découvert, la personne ne fait pas baisser le prix du titre. Tout ce qu'elle fait, c'est qu'elle opère à découvert parce qu'elle anticipe que le prix va baisser et rachète les actions quand le prix baisse.

M. Marcel Proulx: Ça fait partie de l'industrie.

Je vous remercie.

Le président: Monsieur Laframboise, la parole est à vous.

M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président. Ma première question s'adresse à M. Kavafian.

Nous sommes d'accord, en principe, sur le projet de loi C-38 qui nous est proposé. Cependant, les Américains ont décidé d'apporter une aide rapide à l'industrie et ont vite fait connaître leurs couleurs en annonçant une aide de l'ordre de 15 milliards de dollars, soit 5 milliards de dollars en aide directe et 10 milliards de dollars en garanties de prêts. Le Canada, pour sa part, a décidé d'attendre et de voir comment l'industrie se comporterait. Afin de raviver l'intérêt des investisseurs pour Air Canada, n'aurait-il pas été préférable que le gouvernement fasse connaître tout de suite son intention d'aider les compagnies aériennes?

M. Jacques Kavafian: C'est une question assez délicate. Il faut que je réfléchisse un peu afin de voir comment je pourrais y répondre.

Il y a une différence entre le Canada et les États-Unis. Le marché américain des vols intérieurs ainsi que le marché des vols internationaux entre l'Angleterre et les États-Unis et entre les États-Unis et le Japon se sont effondrés. Les autres marchés se sont bien maintenus. Au Canada, le marché des vols intérieurs s'est relativement bien maintenu. À titre d'exemple, WestJet a enregistré d'importantes recettes au cours du mois de septembre.

Le nombre de vols internationaux n'a pas autant dégringolé au Canada qu'aux États-Unis. L'impact a été beaucoup plus grand et plus direct sur les compagnies américaines que sur les compagnies canadiennes. D'ailleurs, l'industrie canadienne a reçu une aide du gouvernement de l'ordre de 160 millions de dollars. Je crois que, comme l'impact a été beaucoup plus marqué sur les compagnies américaines, les Américains ont réagi beaucoup plus rapidement. D'ailleurs, les Américains réagissent toujours beaucoup plus rapidement.

M. Mario Laframboise: Ils réagissent beaucoup plus rapidement que le Canada ne le fait. Vous avez bien raison: il y a une grande différence entre les deux. C'est une réalité, en effet. Vous auriez dû faire de la politique, vous aussi, car vous vous en tirez assez bien.

Je m'adresse maintenant à M. Conacher.

Ce serait probablement intéressant de donner une voix aux usagers, aux passagers, de leur fournir l'occasion de faire du lobbying. Toutefois, je ne sais pas comment on va y arriver avec ce gouvernement-là, surtout si l'on considère le fait qu'en matière de sécurité, les employés eux-mêmes ne siègent à aucun des comités de sécurité.

Tous les jours, cela m'épate de constater qu'on a pu traverser des crises. Ça fait 20 ans déjà que les compagnies aériennes changent de propriétaires et tout ça, et jamais les employés n'ont participé à la mise sur pied de programmes de sécurité. Il n'y a aucun programme de formation continue. Si le gouvernement n'engage même pas les employés dans les questions de sécurité, je ne vois pas comment ce gouvernement-là pourrait mettre les passagers, les usagers à contribution. Toutefois, vous avez raison de dire que l'on devrait aider les usagers à faire partie de cela et à avoir leur propre forum pour faire du lobbying, pour défendre leurs intérêts. Présentement, c'est difficile pour eux de se faire entendre.

Transports Canada défend les intérêts des compagnies aériennes et doit prendre des décisions. Au cours des 15 dernières années, on a pris des décisions, non pas dans le but d'augmenter la sécurité, mais dans l'intérêt de la rentabilité des compagnies aériennes. On a plutôt coupé les dépenses dans le domaine de la sécurité.

Je vous souhaite bonne chance dans vos démarches. Vous aurez notre appui, mais j'ai bien l'impression que mes collègues en face de moi vont faire la même chose que par le passé.

• 0955

[Traduction]

M. Duff Conacher: J'ose espérer qu'ils commenceraient par faire ce que les Canadiens veulent qu'ils fassent selon le sondage national mené par Environics: les Canadiens veulent cela pour plusieurs industries, et pas seulement pour le secteur aérien. Ils demandent la même chose pour de nombreuses industries; ils veulent que soient distribués des dépliants invitant les gens à adhérer à des groupes de surveillance. La majorité des Canadiens, de toutes les allégeances politiques, soit 64 p. 100 d'entre eux, partout au pays, sont favorables à cela selon un sondage d'Environics mené auprès de 2 000 Canadiens.

J'ose également espérer qu'ils feraient ce qu'ont recommandé leurs collègues du Comité des finances de la Chambre, soit créer un tel mécanisme pour les banques. Ils ont compris la logique de l'idée, tout comme l'ont fait le Comité sénatorial des banques et le groupe de travail du gouvernement chargé d'examiner le secteur bancaire. Il s'agit là d'une chose que veulent les Canadiens. Ils veulent être représentés sur le marché, avoir leur propre organe, dirigé et financé par eux. Cela a très bien fonctionné aux États-Unis, et nous espérons que le gouvernement réagira à cette proposition et créera de telles organisations de sorte que les consommateurs, dans ce cas-ci les passagers aériens, aient une voix sur le marché et dans le processus d'élaboration des politiques.

On en a tout simplement besoin. Je ne suis pas de votre avis lorsque vous dites que Transports Canada agit toujours pour protéger les compagnies aériennes. Mais les compagnies aériennes sont certainement organisées en vue de faire faire du lobbying pour protéger leurs intérêts. Ce n'est pas le cas des passagers. C'est là le déséquilibre qui existe à l'heure actuelle tant sur le marché qu'en matière d'élaboration de politiques. C'est là le déséquilibre que cette proposition corrigerait selon nous, moyennant peu ou pas du tout d'investissement de la part du gouvernement et des compagnies aériennes.

[Français]

M. Mario Laframboise: Je suis d'accord avec vous.

Est-ce qu'il me reste encore un peu de temps, monsieur le président?

[Traduction]

Le président: Oui.

[Français]

M. Mario Laframboise: Je suis d'accord avec vous, monsieur Conacher, mais il faut comprendre comment fonctionne le gouvernement libéral.

On a tenté à maintes reprises, au cours de la première session, de faire comparaître M. Milton devant ce comité. Les gens de l'autre côté se sont portés à la défense de la non-comparution de M. Milton parce qu'ils ne voulaient pas se faire embêter. Entre deux campagnes électorales, ils sont beaucoup plus près des dirigeants des entreprises que de la population. Ils ont besoin de la population quand vient le temps d'aller aux urnes, mais après l'élection, ils s'accrochent surtout aux intérêts des présidents de compagnies. Plutôt que de défendre les intérêts des particuliers, ils s'intéressent aux questions financières.

[Traduction]

Le président: La parole est maintenant à M. Alcock.

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Merci.

En vérité, j'ai souvent pensé que nous pourrions régler le gros de ce problème avec Air Canada—en fait, peut-être que le projet de loi de M. Moore en sera l'occasion—si je pouvais faire un amendement amical exigeant tout simplement du conseil d'administration et des cadres supérieurs d'Air Canada qu'ils prennent ces horribles avions régionaux à réaction et que chaque fois qu'ils arrivent au terminal de Toronto ils soient obligés de passer par la porte U. Si nous pouvions mobiliser leur intérêt autour de ces deux choses, nous réglerions vraisemblablement un grand nombre de ces plaintes de consommateurs.

Duff, cela m'intéresserait que vous nous donniez les références relatives au modèle américain que vous avez évoqué. Si vous pouviez nous envoyer de la documentation là-dessus, j'y jetterai un coup d'oeil.

M. Duff Conacher: Bien sûr.

M. Reg Alcock: Cette question-ci s'adresse à M. Kavafian. Je suis intéressé par la question des responsabilités fiduciaires des membres des conseils d'administration d'organisations. D'après ce que j'ai compris, chaque organisation a un ensemble de statuts qui lui sont peut-être propres, mais la bourse des valeurs n'exige-t-elle pas un certain cadre quant aux responsabilités qui reviennent aux actionnaires?

M. Jacques Kavafian: De laquelle parlez-vous?

M. Reg Alcock: Je suis tout simplement intrigué par la question que Val et Bev ont soulevée relativement aux actes des grands actionnaires.

M. Jacques Kavafian: Non, il n'existe pas de cadre... Dans le cas des administrateurs de fonds, ce sont leurs contrats fiduciaires qui les guident. Leur responsabilité fiduciaire est envers les bénéficiaires de leurs fonds.

M. Reg Alcock: C'est vrai. C'est logique.

Le président: La parole est maintenant à Bev.

Mme Bev Desjarlais: J'ai une petite question, une fois encore pour M. Kavafian, mais ce sera peut-être moins une question qu'un commentaire. En tant que contribuable et représentante des contribuables canadiens, j'aurais de la difficulté à accepter qu'un actionnaire puisse vendre ses certificats ou les prêter à quelqu'un qui va ainsi réaliser un profit en même temps que cette même compagnie, dont cette personne est actionnaire, demande aux contribuables du pays d'aider à absorber les coûts. Je dirais à cet actionnaire que c'est sa responsabilité.

• 1000

M. Jacques Kavafian: Ils n'ont pas emprunté auprès d'Air Canada.

Mme Bev Desjarlais: Non, ils n'empruntent pas auprès d'Air Canada. Ce que je dis, cependant, c'est qu'ils utilisent ce certificat sur la base d'actions, l'objet étant de gagner de l'argent sur les actions lorsque leur valeur remontera.

M. Jacques Kavafian: Non, ce n'est pas... Ne soyez pas si émotive sur les marchés financiers.

Mme Bev Desjarlais: Écoutez, je ne vous présente pas les choses du point de vue du marché financier, mais bien de celui des contribuables canadiens. Ils seraient sans doute un peu émotifs.

M. Jacques Kavafian: Non, il s'agit tout simplement là d'une fonction des marchés financiers.

Mme Bev Desjarlais: Oui, pour que quelqu'un puisse se faire un peu d'argent, mais en même temps, nous demandons aux contribuables canadiens de contrecarrer les coûts de cette même société, celle-là même qui leur rapporte de l'argent supplémentaire du fait du fléchissement de la valeur de ses actions.

M. Jacques Kavafian: Lorsque l'ascenseur va partir du 40e étage pour descendre au rez-de-chaussée, autant y mettre des boîtes; il va descendre de toutes façons.

Mme Bev Desjarlais: Peut-être que la réponse devrait être que le gouvernement du Canada aurait dû acheter toutes les actions lorsqu'elles étaient bon marché pour ensuite gagner de l'argent, au lieu d'avoir à verser des fonds supplémentaires à Air Canada. Je sais que personne n'en aurait tiré d'argent sur les marchés financiers, et cela vous aurait sans doute déchirés, mais cela aurait arraché moins d'argent aux contribuables. C'est tout simplement une perspective différente.

Monsieur Conacher, je suis très intriguée par les sondages que vous avez mentionnés, et je suis heureuse que M. Alcock les ait demandés.

Ceux d'entre nous qui siégions au comité avant savions qu'il avait été question d'une charte des droits des passagers, et que certaines suggestions avaient été faites à son sujet. Il me faut reconnaître que je ne me souviens pas de cette brochure incluse avec les envois postaux et du fait qu'on demandait aux passagers de payer en vérité pour leur propre représentation. Bien franchement, je ne pense pas que tous les passagers sauteraient sur l'occasion pour déballer toutes leurs plaintes et doléances. Pour ma part, en tant que passagère, si j'obtiens un service de très bonne qualité, je le dis. Je noterai cela sur le questionnaire tout autant que mes plaintes.

D'autre part, je pense bien franchement que ce pourrait être une occasion pour les passagers d'intervenir lorsqu'ils constatent des problèmes de sécurité. Ce sont les passagers, plus qu'un quelconque autre groupe, qui rapportent que telle ou telle chose n'a pas été faite à tel aéroport, que les vérifications de sécurité qui sont censées être faites ne l'ont pas été dans tel ou tel cas, que telle ou telle porte de cockpit n'a pas été fermée, etc. Pour ce qui est de la question de la sécurité, je pense que nous devrions faire appel aux passagers qui prennent l'avion partout au pays. S'ils veulent dépenser de l'argent pour qu'un groupe soumette des suggestions en leur nom et intervienne auprès du gouvernement au sujet de questions qui les préoccupent, eh bien, il y a à bord des avions beaucoup plus de passagers que d'employés. C'est certainement quelque chose que l'on devrait examiner, et j'apprécie donc vos commentaires.

Je sais que votre présentation n'a pas porté sur le plafond de 15 p. 100, mais auriez-vous quelque chose à dire quant au maintien de ce plafond de 15 p. 100 d'actions qu'une seule et même entité peut détenir, ou bien cela ne vous préoccupe-t-il pas?

M. Duff Conacher: Je ne peux pas parler au nom des passagers. Nous sommes un groupe de citoyens, et je n'ai fait que lire, regarder et écouter tout ce que vous vous avez lu, entendu et écouté, et ce que disent les gens, c'est que personne ne va les acheter de la sorte. C'est pourquoi j'ai prédit que le gouvernement interviendra avec encore un renflouement, et peut-être encore un autre par la suite. Et qu'obtiennent les passagers en retour? Ils devraient avoir un groupe pour représenter leurs intérêts, afin que tous ces programmes de sauvetage et autres choses dont bénéficient les compagnies aériennes soient limités à l'avenir s'ils ne sont pas nécessaires.

Mme Bev Desjarlais: Côté sécurité, j'y vois, certes, un avantage. Les compagnies aériennes en bénéficieraient aussi s'il y avait une représentation des passagers dans leur ensemble plutôt qu'une approche morcelée.

M. Duff Conacher: Il n'y a rien de mal avec l'agence des plaintes qui a été créée; c'est un énorme pas en avant. Dans le secteur bancaire, nous applaudissons à la création de l'Agence de la consommation en matière financière et à la création prochaine d'un bureau d'ombudsman. Mais les consommateurs doivent se débrouiller tout seuls lorsqu'ils se plaignent, et tout ce que nous disons c'est qu'il faudrait leur donner un groupe auquel s'adresser dans ce contexte—mais également en vue de l'élaboration de politiques. Il n'existe aucun groupe auquel vous puissiez faire appel. Le fait que je sois ici est la preuve qu'il n'existe aucun groupe auquel faire appel, qui représente les passagers aériens. Il n'existe aucun groupe doté des compétences, des capacités de recherche ou de la base nécessaire et il n'en existe certainement aucun qui représente de quelque façon que ce soit les passagers des lignes aériennes. Un tel groupe n'existe tout simplement pas au Canada, mais devrait exister—et ce sans coût. Pourquoi le gouvernement ne ferait-il pas cela pour les passagers, étant donné tout ce qu'il a fait pour les compagnies aériennes?

Mme Bev Desjarlais: Tout à fait.

M. Duff Conacher: Il n'y aurait aucun coût ni pour le gouvernement ni pour les lignes aériennes. Donnez tout simplement aux passagers le moyen de mettre en commun leurs ressources aussi facilement que les lignes aériennes peuvent ramasser de l'argent, exploiter encore plus les consommateurs et consacrer le tout à leurs efforts de lobbying et de publicité qui influent sur votre travail d'élaboration de politiques.

• 1005

Mme Bev Desjarlais: Merci.

M. Duff Conacher: Ce n'est pas juste.

[Français]

Le président: Monsieur Harvey.

M. André Harvey (Chicoutimi—Le Fjord, Lib.): Merci, monsieur le président. Mes questions s'adressent à M. Kavafian. Je voudrais lui souligner que mon ami M. Laframboise n'est pas toujours aussi pessimiste. Les dernières élections municipales dégagent peut-être un relent de pessimisme, mais cela va passer.

Considérez-vous vraiment essentielle la suppression du 15 p. 100 et essentiel l'impact qu'elle pourrait avoir à très court terme, monsieur Kavafian? Pourriez-vous aussi établir une relation entre la suppression de cette mesure et celle du plafond étranger de 25 p. 100? Est-ce une mesure beaucoup moins importante en termes d'impact, étant donné que les étrangers ne se sont pas encore montrés très intéressés à participer?

M. Jacques Kavafian: Les deux mesures sont très importantes. C'est critique pour permettre à la compagnie de se refinancer à l'avenir.

M. André Harvey: La plus importante est-elle celle du plafond de 15 p. 100 étant donné qu'on a des entreprises qui sont près de cette marge-là?

M. Jacques Kavafian: Non. Si vous me donnez le choix, selon moi, la plus importante est la limite de 25 p. 100 sur les investissements étrangers, parce que les sommes qui seront mises à la disposition de la compagnie viendront probablement de l'étranger et non pas du Canada.

M. André Harvey: Vous avez parlé, entre autres, des restrictions imposées à Air Canada. Deux exemples me viennent à l'esprit, sur lesquels j'aimerais entendre vos commentaires.

Le premier porte sur les services en région offerts aux petites communautés. Moi non plus, je n'aime pas la désignation «petites communautés»; parlons plutôt des régions ressources. Dans mon esprit, ce n'est pas une restriction parce que ces services qui sont donnés dans les régions ressources sont largement payés par les gens qui y vivent. Venez prendre l'avion dans nos régions et vous allez voir qui paye. Ce n'est pas Air Canada qui paye, mais les gens des régions ressources qui se voient imposer des tarifs exorbitants. Ça coûte plus cher pour aller de Bagotville à Montréal que pour aller à Paris et dans les grandes capitales européennes.

J'aimerais avoir votre avis là-dessus. J'aimerais ensuite revenir sur la question des langues officielles.

M. Jacques Kavafian: Malheureusement, les compagnies aériennes ne font pas de profits en région. Oui, ça coûte cher. Il y a un trafic qui s'effectue le vendredi et le dimanche, mais pas le mardi, le mercredi ou le jeudi. Il y a très peu de routes régionales où les compagnies importantes font des profits. C'est vrai que ça coûte cher, mais ça coûte encore beaucoup plus cher pour assurer ce service.

M. André Harvey: Êtes-vous sûr que le solde net des compagnies est négatif, qu'elles sont perdantes?

M. Jacques Kavafian: Oui.

M. André Harvey: J'ai l'impression que les habitants des régions paient 100 p. 100 des services qui leur sont rendus. Êtes-vous sûr de cela?

M. Jacques Kavafian: Ça dépend des routes. Vous mentionnez Bagotville ou Rouyn-Noranda. Sur ces routes, surtout au Québec, on n'a jamais fait de profits.

M. André Harvey: Par ailleurs, on donne comme exemple de restrictions le respect des langues officielles. On sait très bien que, loin d'être un passif pour une entreprise comme Air Canada, cela doit être considéré comme un actif, parce que partout à travers le monde, n'importe où en Europe, les services sont rendus dans deux, trois et quatre langues. Comment se fait-il que pour Air Canada, comme on l'entend souvent dire ici, à Ottawa, ce soit vu comme une restriction?

M. Jacques Kavafian: Je suis d'accord avec vous, et c'est pourquoi je n'ai pas mentionné ce règlement parmi les restrictions. Premièrement, ça ne coûte pas très cher et, deuxièmement, une bonne partie de leur clientèle est francophone. De toute façon, ils offriraient ce service-là.

M. André Harvey: Je pense que oui. De plus, il y a huit millions de Canadiens français au pays, monsieur le président. Allez partout dans le monde et vous verrez que les services de plusieurs entreprises aériennes sont rendus en deux, trois et quatre langues. Donc, loin d'être un passif ou une restriction. Cela doit être considéré comme un actif considérable.

Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Je suis du même avis. Merci beaucoup.

La parole est maintenant à Val.

Mme Val Meredith: J'aimerais revenir à cette question du plafond de 15 p. 100, de la propriété étrangère et de l'augmentation des niveaux. Hier soir, lors de la comparution du ministre, il s'est dit très hésitant face à l'idée d'augmenter les niveaux de propriété étrangère. L'un de ses arguments est qu'il pense que cela aurait une incidence sur les accords bilatéraux que nous avons signés avec d'autres pays. Partagez-vous cette préoccupation ou bien pensez-vous qu'il serait possible de mettre en place des mesures de contrôle qui déterminent si la composante propriété étrangère par rapport à la composante propriété canadienne est telle que cela pourrait avoir une incidence sur l'accord bilatéral en question?

• 1010

M. Jacques Kavafian: C'est lui le ministre des Transports. Il devrait le savoir.

Mme Val Meredith: Pas forcément pour toutes les questions.

M. Jacques Kavafian: Je pense que c'est vrai. Cet amendement élimine le plafond de 15 p. 100 pour ce qui est de la propriété individuelle. Mais en ce qui concerne la propriété étrangère, nous ne parlons pas d'éliminer le plafond mais bien de le porter à 49 p. 100.

Mme Val Meredith: Vous estimez donc que 49 p. 100 serait acceptable dans le contexte de tout accord bilatéral; que si la limite était de 49 p. 100, il ne serait pas possible de dire que la société en question n'est pas contrôlée par des intérêts canadiens?

M. Jacques Kavafian: C'est exact.

Mme Val Meredith: Merci.

J'aimerais savoir si vous pensez qu'il serait préférable de laisser de côté dans le cadre de ce débat la composante propriété étrangère et qu'en éliminant le plafond de 15 p. 100, nous atteindrons le but visé, au lieu de nous occuper des deux choses en même temps?

M. Jacques Kavafian: Non, les deux doivent être éliminés en même temps. Le plafond de 15 p. 100 d'actions d'Air Canada qu'une entité peut détenir est, bien franchement, une entrave avec laquelle ne doit composer aucune autre compagnie. La situation, tout simplement, est que 99,9 p. 100 des entreprises canadiennes ne sont pas assujetties à cela, et il ne s'agit donc que de mettre Air Canada sur le même pied que les autres.

L'élément critique est la limite applicable à la propriété étrangère, qui est de 25 p. 100, et qui est à mon avis trop basse. Elle devrait être portée à 49 p. 100.

Mme Val Meredith: Vous pensez donc que nous devrions traiter des deux en même temps afin de maximiser le potentiel pour Air Canada d'attirer de nouveaux investissements.

M. Jacques Kavafian: C'est exact.

Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président.

Le président: Un tout petit point rapide. Le ministre a dit que cela pourrait être fait par voie de décret en conseil. C'est là le mécanisme qui est déjà en place pour cela.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.

Monsieur Kavafian, nous avons établi que l'élimination du plafond de 15 p. 100 ne va en vérité rien faire en soi pour ce qui est de la capitalisation, mais il s'agit d'un geste qui rendrait d'autres choses possibles et qui faciliterait peut-être...

J'ai souvent entendu dire d'Air Canada qu'elle est «notre ligne aérienne nationale», et j'aimerais savoir comment vous réagissez à cela. Je pense pour ma part que cela remonte à l'époque où le gouvernement était propriétaire des actions, et c'est là que nombre de ces restrictions ont pris naissance. L'existence d'une ligne aérienne nationale était perçue comme étant le moyen de veiller à ce que toutes les régions du pays soient reliées entre elles, même lorsque cela supposait l'exploitation de routes non rentables. Cela est tout à fait logique, mais nous avons changé les choses.

Ma question pour vous est la suivante: Avons-nous besoin au Canada d'une ligne aérienne nationale?

M. Jacques Kavafian: Oui, nous en avons besoin. La raison est la suivante. Supposons que nous n'ayons pas au Canada de compagnie aérienne nationale, qu'Air Canada fasse faillite et qu'il n'y ait pas de grande compagnie aérienne pour prendre sa place. Des compagnies étrangères viendraient se lancer sur différents marchés, mais les clients canadiens ne constitueraient jamais leur marché cible, leur marché de base. Si cela devait arriver, et si American Airlines donnait un mauvais service entre Vancouver et Tokyo, vous pourriez vous plaindre tant que cela vous plairait, mais cela ne lui ferait rien, car son marché, c'est le marché américain.

Mais dans le cas d'Air Canada, en tant que compagnie aérienne nationale, c'est le Canada qui est son marché de base. Air Canada s'intéresserait davantage à vous, serait davantage intéressée à vous donner le service. Peut-être que les gens n'aiment pas le service qu'ils ont sur Air Canada—il se trouve que j'en suis satisfait—mais au moins nous serions son principal marché et la compagnie s'occuperait mieux de nous que ne le feraient des propriétaires étrangers.

• 1015

M. Paul Szabo: Très bien, poussons cela un petit peu plus loin. Si nous disions que ce que nous voulons réellement faire c'est aider l'industrie aérienne, pensez-vous qu'il serait possible pour une quelconque compagnie aérienne d'être viable financièrement et d'offrir un rendement raisonnable à ses actionnaires, sans la moindre restriction quant à ses décisions d'affaires?

M. Jacques Kavafian: Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, lorsque les choses vont bien, les restrictions importent peu. Si les choses vont bien, cela se perd dans l'ensemble, mais lorsque les choses vont mal...

M. Paul Szabo: Si j'administrais une compagnie aérienne, je voudrais choisir les liaisons dont j'espérerais qu'elles me rapporteraient de l'argent, et j'ignorerais certainement celles dont je saurais qu'elles ne me rapporteraient rien—et c'est justement là l'une des raisons pour lesquelles on veut un transporteur national, pour relier entre elles les différentes régions.

Je ne voudrais certainement pas de restrictions quant à la propriété de mes actions. Je voudrais être comme n'importe quelle société cotée à la bourse. Je ne voudrais pas qu'il y ait de restrictions en matière de propriété étrangère. Je ne voudrais certainement pas que le Bureau de la concurrence me dise que je ne peux pas occuper toute la part de marché que je peux obtenir.

Beaucoup de choses arrivent. Ce à quoi je veux en venir c'est ceci: Pensez-vous que nous sommes à l'heure actuelle en train de demander à Air Canada d'imiter un transporteur national, et le quiproquo est que nous vous donnerons une déclaration—qui a, je pense, était faite par le ministre hier—nous engageant à aider Air Canada seulement si elle a épuisé toutes les autres possibilités, mais que nous ne la laisserons pas tomber? Il me semble que c'est là l'engagement qui a été pris. Cela revient-il à dire que nous voulons continuer de faire semblant d'avoir une compagnie aérienne nationale sans en fait en avoir une?

Mme Jacques Kavafian: Voici quel est le dilemme. Vous avez Air Canada, avec toutes ces restrictions qui lui sont imposées, et, petit à petit, il arrive de nouveaux concurrents qui ne se voient imposer aucune restriction. Ils choisissent les marchés dont ils veulent. Ils n'ont pas 60 années d'histoire syndicale derrière eux, et ainsi de suite. Ces concurrents sont en train de prendre de l'ampleur. Au dernier décompte, la flotte combinée des différents concurrents se chiffrait à 85 appareils. On arrive à un stade où il faut commencer à libérer Air Canada de ces restrictions.

M. Paul Szabo: Très bien. De façon générale, les sociétés de placement n'interviennent pas dans la gestion proprement dite de la société; elles sont là pour obtenir un rendement pour leurs investisseurs, pour les détenteurs de fonds mutuels, les fonds de pension, ou autres qu'elles représentent. Mais il arrive souvent que certains joueurs s'allient avec d'autres propriétaires à participation majoritaire pour faire tourner une situation à leur avantage.

Pensez-vous qu'il soit possible que la suppression de cette limite de 15 p. 100 permette en fait aux gros joueurs sur le marché de faire fléchir encore plus le prix des actions d'Air Canada, préparant ainsi la voie à une société de placement qui pourrait alors acheter à un prix plus bas encore que la valeur marchande actuelle, l'entente étant que quelqu'un va vouloir acheter la participation majoritaire en vue de gérer la compagnie, et qu'il garantira un rendement à la société de placement qui a tout l'argent comptant nécessaire, à condition qu'elle fasse le premier pas? Est-ce là quelque chose qui pourrait arriver?

M. Jacques Kavafian: Si j'ai bien compris, vous dites qu'une société de placement achèterait les actions bon marché pour ensuite s'entendre avec la compagnie pour acheter...

M. Paul Szabo: Ou en partenariat ou en fait en vertu d'un simple transfert d'actions.

M. Jacques Kavafian: Certains fonds fonctionnent ainsi. Il s'agit de fonds à vautour. Ils achètent lorsque la société est à genoux, en espérant que quelqu'un vienne racheter les actions à un prix supérieur. Certaines personnes font cela, mais...

M. Paul Szabo: Quelqu'un va-t-il être intéressé à acheter une participation de contrôle dans Air Canada, étant donné ses problèmes syndicaux, son bilan, le contexte concurrentiel dont vous avez parlé, et tout le reste? Quelqu'un va-t-il vraiment vouloir acheter le tout, ou bien quelqu'un est-il en train de s'organiser—et cette limite de 15 p. 100 faciliterait cela—pour laisser l'affaire retomber jusqu'à atteindre la valeur comptable pour ensuite attendre que le gouvernement propose une restructuration ou un renflouement qui oblige la société à faire du ménage, pour ensuite y jeter un coup d'oeil? Quelqu'un pourrait-il se dire «Je vais attendre que cela s'effondre complètement avant de frapper, et je pourrai ensuite acheter une participation de contrôle»? Cela pourrait-il arriver?

• 1020

M. Jacques Kavafian: Tout d'abord, la valeur comptable est aujourd'hui négative, et les actions ne peuvent tomber en dessous de zéro.

M. Paul Szabo: Des prix de bradage... les actions valent toujours quelque chose pour quelqu'un.

M. Jacques Kavafian: Une autre chose que j'ai apprise pendant mes 17 années à faire ce travail—et je réalise que ce n'est pas assez long—c'est que l'on ne sait jamais d'où peut venir un acheteur potentiel. Je peux penser que nul ne serait intéressé à acheter aujourd'hui et me trouver embarrassé lundi lorsque quelqu'un se présentera et se dira, pour des raisons qui lui sont propres, intéressé.

M. Paul Szabo: Peut-être pourriez-vous expliquer un peu plus ce dernier point. Pensez-vous qu'il se trouve quelque part un investisseur qui voudrait prendre le contrôle d'Air Canada, en dépit de toutes les contraintes d'exploitation qui lui sont imposées et qui pèsent sur sa rentabilité?

M. Jacques Kavafian: Tout investisseur potentiel connaît le paysage. Il sait quelles sont les restrictions et il sait où il met les pieds. Il chiffrera le prix de l'action en conséquence.

[Français]

Le président: Monsieur Laframboise.

M. Mario Laframboise: Monsieur Kavafian, en répondant à mon collègue tout à l'heure, vous avez dit qu'il n'y avait pas d'argent à faire dans le transport régional. Il y a des acheteurs intéressés à acheter tous les transporteurs régionaux d'Air Canada, et cela sans contraintes. Il y a des gens qui croient que les performances d'Air Canada Régional, avant le 11 septembre, toutes proportions gardées, étaient meilleures que celle d'Air Canada dans son ensemble. Pensez-vous que ces investisseurs font une bonne lecture de la situation?

M. Jacques Kavafian: J'aimerais les rencontrer. Air Canada Régional fait des profits sur certaines routes, par exemple entre London, en Ontario, et Toronto. Il y a certaines liaisons où on réalise des profits. Je ne crois pas personnellement que la compagnie en soi, Air Canada Régional, soit profitable.

M. Mario Laframboise: Donc, vous dites à mes hommes d'affaires qu'ils feraient un mauvais investissement si jamais ils faisaient cela.

M. Jacques Kavafian: Je n'ai pas les chiffres par-devers moi, car la compagnie ne les communique pas. Je me fonde sur mes observations et sur ce que je sais. Dans l'ensemble, selon moi, Air Canada Régional ne serait pas profitable. Néanmoins, ils ne perdraient pas autant d'argent que la compagnie mère. Ils s'en tirent peut-être sans gains ni pertes.

M. Mario Laframboise: Et voilà. On commence à se comprendre.

Je reviens à l'aide gouvernementale. Je maintiens que le Canada aurait dû annoncer clairement son intention d'aider les compagnies aériennes et que cela aurait favorisé le marché. Dans le moment, on va demander à Air Canada de se départir de ses liquidités. M. Milton a dit qu'il était capable de continuer pendant un certain temps, qu'il avait une réserve d'un milliard de dollars et qu'il pouvait emprunter trois ou quatre milliards de dollars, mais qu'arrivera-t-il une fois passée cette période? Je ne vois pas comment le fait de lessiver une compagnie, même en modifiant le projet de loi C-38, va nous permettre d'arriver à nos fins.

Pourquoi ne pas avoir dit clairement, ce qui aurait rassuré les investisseurs, qu'en tant que gouvernement, on était prêt à aider les entreprises aériennes, comme l'ont fait les Américains? Je sens que vous ne voulez pas répondre.

• 1025

Il me semble pourtant que ce qu'on va faire, c'est laisser Air Canada se départir de toutes ses liquidités. Il se peut qu'ensuite, une fois qu'elle n'aura plus rien, il soit plus facile de l'aider, mais je ne pense pas que stratégiquement... Je pense que le gouvernement devrait, ce qu'il n'a pas fait, annoncer qu'il va aider Air Canada afin de rassurer les investisseurs. Êtes-vous d'accord avec moi?

M. Jacques Kavafian: Je crois que ce n'est pas le rôle du gouvernement que de rassurer les investisseurs. Vous dites qu'Air Canada va se lessiver. Pourquoi? La compagnie a toujours le choix d'arrêter ses pertes ou de les réduire en se restructurant.

Je suis tout à fait d'accord sur le fait que le ministre accorde des garanties de prêts à Canada 3000 à la condition que la compagnie réduise ses opérations ou les rationalise. Il y avait quatre conditions. Je serais d'accord pour que le gouvernement applique le même type de financement à Air Canada à la condition que la compagnie réduise ses opérations ou les rationalise, et réduise ses pertes.

M. Mario Laframboise: Mais Air Canada a déjà fait des demandes. Vous dites que, finalement, ce n'est pas le bon moment, qu'il faut encore laisser courir et qu'on verra plus tard. Est-ce bien ce que vous dites?

C'est qu'il n'y a pas encore de garanties de prêts qui sont offertes. Air Canada a fait des demandes d'aide. Je veux bien qu'on joue sur les mots, mais il existe bel et bien des demandes d'Air Canada. Or, vous nous dites que vous appuyez le ministre, donc que vous êtes d'accord pour qu'on laisse aller Air Canada et pour qu'on voie ce qui arrivera. Est-ce bien cela?

M. Jacques Kavafian: Non. Air Canada a d'autres possibilités. Elle a la possibilité de réduire ses pertes en abandonnant certaines routes, en faisant des mises à pied, en immobilisant des appareils. Ce sont des choses qu'elle fait actuellement.

M. Mario Laframboise: Donc, vous dites qu'il est trop tôt pour lui venir en aide et qu'on verra plus tard. C'est bien ça?

M. Jacques Kavafian: Si la compagnie perd 700 millions de dollars par année et que vous injectez un milliard de dollars, tout ce que vous faites, grosso modo, c'est acheter un an et demi ou un an et un tiers de grâce. Ce qu'il faut faire, c'est arrêter les pertes, faire des coupures, réduire. Il faut au moins s'assurer que la compagnie, sans devenir nécessairement rentable, s'en tire sans gains ni pertes dans le contexte économique actuel. C'est ce qu'elle est en train de faire.

Donc, si j'ai bien compris, le ministre a dit qu'il semblait qu'il y ait autre chose à faire, mais...

M. Mario Laframboise: Et vous êtes d'accord sur ça. C'est ce que vous me dites; vous êtes d'accord sur ça.

M. Jacques Kavafian: Oui.

[Traduction]

Le président: Monsieur Byrne, pour les libéraux.

M. Gerry Byrne (Humber—St. Barbe—Baie Verte, Lib.): J'aimerais revenir sur plusieurs de vos commentaires, Duff.

Si j'ai bien saisi, vous étiez fortement partisan de la création du Bureau du médiateur. Vous étiez fortement partisan du renvoi des plaintes au Bureau de la concurrence. Je commence à comprendre où vous voulez en venir. Ce sont là des organes de réglementation, d'une certaine manière. Mais il n'existe personne pour organiser les consommateurs en vue de déposer ces plaintes, parce que c'est un mécanisme très complexe. Pour pouvoir recueillir des données massives ou des plaintes pouvant déboucher sur un recours collectif, il faut un organe fédérateur.

Vous dites qu'il n'existe pas actuellement d'organisation au Canada capable de le faire. En fait, même certaines des autres organisations de consommateurs qui essaient de le faire ne sont pas très efficaces et devraient probablement s'abstenir.

J'ai connaissance d'une organisation qui s'appelle la Canadian Association of Airline Passengers. Elle a déjà comparu à ce comité. Pouvez-vous nous parler de l'efficacité de cette organisation ou de son mandat? La connaissez-vous? Que pouvez-vous nous en dire?

M. Duff Conacher: Certainement. Elle compte très peu de membres.

M. Gerry Byrne: C'est un défaut fatal, n'est-ce pas?

M. Duff Conacher: Oui. Ce n'est pas vraiment une association. C'est une coalition de groupes, mais...

M. Gerry Byrne: Qui sont ces groupes?

M. Duff Conacher: ... aucun de ces groupes ne travaille ou ne se concentre sur les problèmes de transport aérien.

• 1030

Je suis ici dans la même capacité et j'ai la même capacité qu'elle. La Canadian Association of Airline Passengers ne comporte pas un seul employé à temps plein.

M. Gerry Byrne: Une question évidente qui découle de cela est la suivante. Si vous dites qu'une majorité de Canadiens appuieraient une telle organisation, et que c'est confirmé par un sondage d'Environics, pourquoi n'existe-t-elle pas?

Nous avons au Canada la liberté d'association. Les moyens de se faire connaître ne manquent pas. Si ce type d'organisation avait une mission, une raison d'être et un marché, pourquoi n'apparaît-elle pas d'elle-même. Pourquoi faut-il une loi pour la créer?

M. Duff Conacher: Il existe plusieurs barrières à l'organisation de citoyens à travers le pays.

Il faudrait les joindre tous. Est-ce qu'Air Canada va vous donner ses listes de passagers pour vous permettre d'envoyer un courrier directement à ceux qui voyagent? Non. Vous enverriez donc un courrier à toute une masse de gens qui ne prennent jamais l'avion, et qui ne seraient pas intéressés à devenir membres... Il faudrait gaspiller tout cet argent pour joindre les 10 millions de passagers annuels des compagnies aériennes du Canada. Il vous en coûterait environ 8 millions de dollars.

Et pourquoi une loi est-elle nécessaire? Eh bien, parce que vous faites toutes sortes de choses pour aider les compagnies aériennes qui ont les moyens, très facilement, d'engager des lobbyistes, comme vous le savez. Elles n'ont pas de mal à trouver l'argent pour des campagnes publicitaires, à tout faire pour que vous, les décideurs, pensiez que tout va pour le mieux et que toutes ces doléances de passagers ne sont que des anecdotes sans importance et statistiquement insignifiantes. Elles peuvent très facilement le faire, il leur suffit pour cela d'ajouter quelques dollars au prix de chaque billet d'avion et de lever ainsi leurs fonds. Tout ce que nous demandons, c'est qu'on équilibre le marché et donne aux clients des compagnies aériennes un moyen facile de se regrouper.

Pourquoi devraient-ils avoir à surmonter toutes ces barrières au regroupement que n'ont pas les compagnies aériennes? Celles-ci n'ont qu'à extorquer un peu plus d'argent aux clients et utiliser tous ces fonds pour des campagnes de lobbying et des dons aux partis politiques et toutes sortes d'autres moyens d'influencer la politique.

M. Gerry Byrne: Vous dites que cela coûte cher à faire et c'est pourquoi vous concluez que c'est impossible, à moins de l'imposer par une loi.

M. Duff Conacher: La seule autre façon serait que le gouvernement accorde une énorme subvention de développement pour donner à un groupe les moyens d'approcher directement suffisamment de Canadiens pour les inviter à adhérer. Pourquoi faire cela, alors que les compagnies aériennes ont déjà un point de contact massif avec les passagers au moment de l'embarquement et qu'il leur suffit de distribuer la brochure, sans qu'il n'en coûte rien à la compagnie ni au gouvernement?

M. Gerry Byrne: Avez-vous mis à l'épreuve l'hypothèse de l'impossibilité en essayant de le faire sans soutien du gouvernement? Quelqu'un a-t-il jamais essayé d'organiser les consommateurs sans aide gouvernementale? Quelqu'un a-t-il seulement essayé de créer un site Internet pour voir si les gens ne voudraient pas adhérer à une telle organisation?

M. Duff Conacher: Certainement. Transport 2000 est l'exemple.

M. Gerry Byrne: Et cela ne marche pas.

M. Duff Conacher: C'est une organisation très petite.

M. Gerry Byrne: Vous dites donc que Transport 2000 ne représente pas le consommateur.

M. Duff Conacher: Non, car il n'est pas assez représentatif, pas plus qu'aucun autre groupe. Lorsqu'ils comparaissent devant vous ou vous envoient des mémoires ou apparaissent dans les médias, certains peuvent prétendre être représentatifs, mais ils comptent tous moins de 1 000 membres, quelques milliers au plus, et ils ne sont tout simplement pas des organisations représentatives. Leurs conseils d'administration ne sont pas démocratiquement élus.

C'est ce que nous proposons pour ce groupe. Les autres ne sont pas non plus régulièrement en contact avec suffisamment de passagers pour savoir réellement ce qui préoccupe le plus ces derniers, quels sont les problèmes.

Parmi toutes les autres raisons que j'ai données, celle-ci fait que je pense que la manière que je propose est la meilleure: encore une fois, cela ne coûte rien à nos gouvernements ni aux compagnies aériennes; donnez simplement aux consommateurs la possibilité de se regrouper.

Le modèle que nous proposons, le même que et celui utilisé aux États-Unis, est tel que si les Canadiens n'en veulent pas, si un certain pourcentage n'adhèrent pas après la campagne de distribution de brochures, l'organisation serait dissoute. Si les Canadiens ne veulent pas du groupe, il n'existera pas. Donnez-leur les mêmes moyens qu'à l'industrie de mettre de mettre en commun leurs ressources pour peser sur les décisions et se protéger sur le marché. Qui paie pour tous les avocats des compagnies aériennes lorsqu'elles sont poursuivies en justice? Les clients. Qui paie pour les lobbyistes? Les clients. Qui paie pour les annonces publicitaires? Les clients. Qui paie pour leurs dons aux partis politiques? Les clients. Rendez quelque chose aux clients—et encore une fois, cela ne coûterait rien au gouvernement et aux compagnies aériennes. Cela leur donne simplement la possibilité de se regrouper.

• 1035

Ainsi, vous aurez quelqu'un à inviter à part moi. Je suis sûr que certains d'entre vous en ont assez de me voir, car nous comparaissons souvent. Je ne serais pas ici, quelqu'un d'autre serait là, un expert des compagnies aériennes qui serait capable d'analyser la grande question que pose tout ce travail d'élaboration des politiques à l'égard du projet de loi C-38, et des compagnies aériennes en général, à savoir à qui la faute si Air Canada a perdu tout cet argent? Est-ce la faute au marché? Est-ce la faute aux événements du 11 septembre? Ou bien est-ce la faute à Air Canada elle-même? S'est-elle simplement fourvoyée? Nous ne le savons pas. Je ne pense pas que vous le sachiez. Je ne pense pas que quiconque le sache.

Vous n'avez certainement pas un groupe de passagers qui puisse analyser la situation et donner la réponse: la Société Air Canada ne mérite pas de nouvelles faveurs, elle en a eu suffisamment, c'est de sa propre faute si elle se trouve dans cette situation et ni les contribuables ni personne d'autre ne devraient la renflouer. Mais vous n'avez aucun groupe de passagers auxquels vous pourriez faire appel. Vous entendez la position de l'industrie du courtage et celle du transport aérien, mais vous n'avez aucun groupe capable de faire les recherches, dans l'optique des passagers, pour répondre à la question de savoir à qui incombe la faute si Air Canada se trouve dans la situation où elle est?

M. Gerry Byrne: Merci beaucoup, Duff. J'aimerais m'adresser à Jacques pendant un instant.

À toutes fins pratiques, Jacques, vous témoignez ici comme représentant des investisseurs institutionnels, du milieu des fonds de placement. N'est-il pas vrai que Yorkton Securities constitue un échantillon représentatif?

M. Jacques Kavafian: Non, je parle pour moi-même, sur la base de mes propres connaissances. Je ne parle au nom de personne d'autre.

M. Gerry Byrne: Chez Yorkton Securities vous êtes donc généralement d'avis qu'il faut une compagnie aérienne nationale, vous admettez ce principe. Vous admettez qu'il y a un intérêt commercial à maintenir Air Canada comme compagnie aérienne nationale. Vous avez dit que le noyau de cette compagnie devrait être les liaisons intérieures, qu'elle ne devrait pas abandonner celles-ci. Il ne serait pas commercialement rationnel de les laisser échapper.

Mais vous avez également insisté sur les entraves que connaît la compagnie, pour reprendre votre formule, les restrictions qui lui sont imposées à titre de compagnie aérienne nationale. En tant qu'investisseur institutionnel, vous avez pour position que cette émission d'actions serait plus attrayante si ces restrictions n'existaient pas, telles que le service bilingue, le maintien du siège à Montréal, les trois centres de maintenance, plus l'obligation de desservir les régions. Ai-je bien saisi?

M. Jacques Kavafian: Non, désolé, pas du tout. Je n'ai pas mentionné les langues officielles comme entrave, pas plus que l'emplacement du siège, car ces éléments coûtent relativement peu cher. Cela n'intervient pas dans les finances de la société.

Si Air Canada veut, à l'avenir, recourir à des méthodes de financement autres, qui ne sont pas disponibles au Canada mais qui peuvent l'être au Royaume-Uni, ou en Allemagne ou aux États-Unis, il est impératif que le plafond de propriété étrangère soit porté des 25 p. 100 actuels à peut-être 49 p. 100. Je préconise 49 p. 100 simplement parce que le ministre pourrait le faire très rapidement par décret, sans modifier la loi. C'est également un niveau auquel les accords bilatéraux du Canada restent intacts. Au-dessus de 50 p. 100, je crois que ces accords bilatéraux avec d'autres pays seraient remis en question. Le plafond de 15 p. 100 sur la participation d'une entité donnée est trop bas et inutile.

Je dis qu'il est impératif de supprimer le plafond de 15 p. 100 imposé à la propriété individuelle et de porter à 49 p. 100 le plafond de propriété étrangère, afin de permettre à Air Canada de refinancer ses activités au moindre coût.

• 1040

M. Gerry Byrne: Voilà donc en gros les éléments du projet de loi C-38: la propriété, et le siège. Est-ce que Yorkton Securities, vous-même, préconisez d'autres changements? Vous dites que vous n'avez pas de problème avec les services bilingues ou le siège. Mais si je vous ai bien compris, vous trouvez pénalisant l'obligation de maintenir les centres de services et les liaisons régionales. Ces deux éléments ne sont pas couverts par le projet de loi C-38, mais représentent une restriction imposée à Air Canada, à titre de transporteur national.

Est-ce que vous, en tant qu'analyste et observateur du marché, seriez prêt à faire pression pour qu'Air Canada soit soulagé de ces restrictions, afin de rendre ses actions plus attrayantes aux yeux des investisseurs institutionnels?

M. Jacques Kavafian: Non.

Si je puis apporter un rectificatif—Mme Meredith a rectifié cela pour moi tout à l'heure—les bases de maintenance que possède Air Canada, je le répète, sont nécessaires. Mon objection porte sur le fait que la compagnie est obligée de les conserver dans un certain endroit qui n'est peut-être pas économiquement optimal.

M. Gerry Byrne: Pour conclure, admettez-vous donc qu'il est dans l'intérêt d'Air Canada d'être astreinte à l'obligation de desservir les petites agglomérations car cela va dans le sens du concept de compagnie aérienne canadienne, nationale?

Vous venez de faire une mise au point. Vous n'avez pas d'objection à ce qu'on impose des paramètres, des limites, des contraintes à Air Canada sur le plan des centres de maintenance régionaux. Vous n'êtes peut-être pas tout à fait d'accord sur l'emplacement de ces bases, mais en gros vous admettez que ce n'est pas une mauvaise chose.

Irez-vous donc jusqu'à admettre clairement qu'il est dans l'intérêt commercial, économique, d'Air Canada que cette compagnie soit tenue à l'avenir de maintenir ses liaisons vers les petits aéroports régionaux, dans le cadre de sa vocation de compagnie aérienne nationale? Vous avez dit que c'est important, qu'il est commercialement bon d'avoir une compagnie aérienne nationale.

M. Jacques Kavafian: À mon avis, il n'est pas dans l'intérêt des actionnaires d'Air Canada qu'une restriction de quelque nature soit imposée à la compagnie.

M. Gerry Byrne: Vous vous contredites vous-mêmes car vous venez de dire que vous n'avez pas de problème avec ces restrictions. Vous avez dit qu'il est important d'avoir une compagnie aérienne nationale, mais maintenant vous dites que vous n'approuvez pas les restrictions parce qu'elles ne sont pas dans l'intérêt commercial.

M. Jacques Kavafian: C'est juste.

M. Gerry Byrne: Pourriez-vous nous transmettre un message clair? Que devrait faire cette compagnie aérienne?

M. Jacques Kavafian: Oui. Je vais vous donner une réponse claire. À mon avis, aucune restriction imposée à l'exploitation de la société n'est dans l'intérêt économique des actionnaires d'Air Canada. Si la direction décide que certains services ne sont pas rentables, elle devrait être autorisée à les supprimer ou à les relocaliser. Imposer quelque restriction que ce soit représente un obstacle à la compétitivité que ne connaissent pas les autres concurrents.

Toutefois, certaines de ces restrictions sont de peu de conséquence. Par exemple, le bilinguisme, ou le siège à Montréal ou les services aux petites localités sont de peu de conséquence. Je crois qu'Air Canada perd de l'argent sur ces liaisons, mais ce sont de petits montants. Ce n'est pas une grosse affaire. Ces choses sont des entraves, mais pas aussi graves que le plafond de 25 p. 100 à la propriété étrangère.

M. Gerry Byrne: Donc, si nous devions imposer d'autres restrictions, exiger la desserte d'autres petits centres, du fait que le coût financier est inconséquent, Air Canada ne devrait pas avoir d'objection.

Dans l'ordre des choses, cela aurait un effet très minime, marginal, sur la profitabilité. Air Canada ne pourrait se retourner et dire que nous l'empêchons d'émettre ses nouvelles actions, ce serait de sa part un argument fallacieux.

M. Jacques Kavafian: Une chose qui serait vraiment néfaste serait de forcer Air Canada à acheter des avions pour desservir ces localités. La société peut réaffecter des aéronefs, mais je pense que la contraindre à desservir davantage de petites villes... Si elle en dessert 15 et qu'elle perd un peu d'argent ce faisant, c'est une chose. Mais la forcer à en desservir 50, c'est une autre affaire car alors elle commence à perdre des sommes importantes.

• 1045

M. Gerry Byrne: Donc, ce n'est pas un problème que de demander de maintenir les services qui existaient avant la restructuration de 2000.

M. Jacques Kavafian: Idéalement, j'aimerais qu'Air Canada ne soit limitée en rien et que si elle perd de l'argent à Bagotville, ou sur n'importe quelle autre ligne, elle puisse la fermer. Mais avec le système actuel, je pense que la perte est relativement faible et que nous pouvons l'accepter.

M. Gerry Byrne: Je terminerai là-dessus, monsieur le président, sur le constat que, selon cet investisseur institutionnel, la desserte des petits centres régionaux ne représente pas réellement un gros problème. Pourtant, c'est là que semblent être intervenues les principales coupures effectuées dernièrement par Air Canada.

Le président: Merci, monsieur Byrne.

Val.

Mme Val Meredith: Je veux intervenir dans cette conversation. C'est une bonne transition car, lorsqu'on parle aux habitants des petites localités desservies par la grosse méga-compagnie, ils ne sont pas forcément convaincus qu'ils obtiennent un bon service.

Il y a un exemple en Colombie-Britannique où Air Canada desservait Terrace, avec des tarifs très élevés. Une petite société de Terrace a acheté un avion et a mis en train une desserte aller-retour, deux vols par jour sur Vancouver et retour. Elle vient d'acheter un deuxième avion et offre maintenant une liaison avec Smithers, C.-B. Ce sont de petites localités qui précédemment étaient mal desservies par les gros transporteurs.

Lorsqu'on oblige un gros transporteur à offrir, à perte, un service inefficient, est-ce qu'on n'empêche pas l'apparition potentielle de petites compagnies aériennes? Où les petites compagnies comme Hawk Air peuvent-elles trouver le financement pour mettre en place un bon service pour les petites localités, un service que la méga-compagnie ne peut fournir?

M. Jacques Kavafian: Si vous forcez Air Canada à desservir une localité contre son gré, à titre de politique gouvernementale ou de service public, cela évince d'autres investisseurs potentiels ou des habitants de ces petites localités qui pourraient trouver leur compte à exploiter des avions plus petits que ceux que possède Air Canada dans sa flotte régionale.

C'est une possibilité. Mais je parle à beaucoup de gens et beaucoup ne sont pas prêts à courir le risque de laisser Air Canada fermer sa ligne et d'attendre que quelqu'un d'autre, peut-être, offre le service. Je pense que s'il y a de l'argent à gagner, quelqu'un va venir offrir ce service, comme dans les exemples que vous avez mentionnés.

Mme Val Meredith: Je suis inquiète parce que les transporteurs régionaux sont issus des petites compagnies exploitant de petits avions qui ont fini par être rachetées, et il y a eu ensuite cette concurrence entre les compagnies régionales de Canadian et d'Air Canada qui rivalisaient pour la part de marché afin d'alimenter leurs lignes principales. Mais avec le monopole, il n'y a plus cette concurrence entre transporteurs régionaux. Il n'y en a plus qu'un seul.

Le problème des petites compagnies est qu'il y a toujours cette méga-compagnie aérienne qui veut contrôler le marché et tenir à l'écart tout concurrent potentiel, que ce soit sur le plan régional ou national. Mais si nous arrêtons d'aider les grands transporteurs régionaux... en supposant qu'ils sont les seuls à pouvoir offrir le service, on écarte du marché les petites compagnies. Elles n'ont pas la possibilité de s'implanter sur le marché et de grandir, alors qu'elles pourraient offrir un meilleur service dans ces petits aéroports régionaux.

Prenez Elsie Wayne. Elle doit prendre un avion à Saint John pour se rendre à Fredericton, de là elle doit aller à Halifax et là prendre un vol sur Ottawa. C'est ridicule. Avec notre attitude protectionniste vis-à-vis d'Air Canada et de son service régional, nous empêchons quelqu'un d'offrir une liaison de Saint John à Halifax ou de Saint John à Ottawa.

M. Gerry Byrne: Vérifiez donc les archives du Bureau de la concurrence fédéral, Val, car c'est exactement ce qu'a fait Air Canada. Dès qu'une petite compagnie comme Provincial Airlines se présentait...

Mme Val Meredith: Air Canada l'évinçait.

M. Gerry Byrne: Le Bureau de la concurrence l'a réprimandée. À quoi sert Tango?

Mme Val Meredith: Mon problème, c'est que si vous commencez à subventionner la compagnie nationale comme étant la seule à pouvoir desservir les petites localités, vous maintenez cette situation.

• 1050

Je sais que le témoin pense que Tango est une bonne idée, mais vous verrez probablement qu'autour de cette table nous sommes tous très préoccupés de voir Air Canada, encore une fois, utiliser ses ressources, qui proviennent peut-être du contribuable, pour créer une compagnie qui va faire une concurrence sauvage à Canada 3000.

Quoi qu'il en soit, ma question est la suivante: où ces petites compagnies aériennes peuvent-elles trouver de l'argent? À qui s'adresse Hawk Air pour trouver des capitaux et agrandir l'entreprise?

M. Jacques Kavafian: Je n'ai vu qu'un seul exemple, selon mon expérience. Il s'agissait d'investisseurs locaux. Quelques personnes riches se sont regroupées et ont fondé une compagnie aérienne. Il n'en coûte pas très cher de lancer une petite compagnie aérienne de ce genre.

Mme Val Meredith: Merci.

M. Duff Conacher: Pour répondre en partie à cela, nous en saurons bientôt beaucoup plus sur l'origine du financement de toutes les industries, car Statistique Canada et Industrie Canada ont donné suite à l'une de nos propositions touchant le secteur bancaire, à savoir qu'il devrait y avoir un suivi beaucoup plus détaillé de ce que font tous les financiers, qui ils financent, qui ils rejettent, quelles demandes ils rejettent. Leur première vague d'enquête a porté sur tous les fournisseurs de crédit, de toutes sortes, prêts et capital-actions. Ils ont également fait une enquête auprès de 25 000 petites et moyennes entreprises, représentant le côté demande, pour savoir quelles sont les lacunes du financement. La première série de chiffres devrait être publiée dans les mois qui viennent et les séries suivantes seront plus détaillées, étant ventilées par secteurs et régions.

Tout cela n'a rien à voir avec le projet de loi C-38, mais je voulais simplement vous signaler que nous aurons bientôt beaucoup plus de renseignements sur l'origine du financement de toutes les industries, et quelles industries de quelles régions du Canada sont tenues à l'écart par les fournisseurs de capitaux. J'espère que cela renseignera la Banque de développement du Canada sur les lacunes du financement que les banques d'affaires publiques ont à combler.

Mme Val Meredith: Merci.

Le président: Bev, avez-vous une autre question? Bien, dans ce cas, Mario sera le dernier intervenant.

Nous approchons 11 heures. J'aimerais que vos questions et réponses n'aillent pas au-delà de 11 heures, afin que nous puissions commencer à l'heure avec les témoins suivants.

[Français]

M. Mario Laframboise: Monsieur Kavafian, je reviens toujours à l'aide qu'ont annoncée rapidement les États-Unis pour soutenir l'industrie aérienne, ce que n'a pas fait le Canada. On se comprend. C'est 160 millions de dollars qui ont été annoncés pour l'industrie. Vous êtes un spécialiste des questions aériennes et vous maintenez qu'il ne faut pas que le gouvernement aille trop vite et qu'il faut que les aides... J'ai de la difficulté devant cela.

Tout le monde est en train de se restructurer, monsieur Kavafian. Il n'y a personne qui veut donner de l'argent à des entreprises pour qu'elles continuent de vivre au-dessus de leurs moyens, sauf que les Américains sont intervenus rapidement. Ne trouvez-vous pas que c'est une solution que le Canada aurait dû mettre de l'avant? Ne trouvez-vous pas que le Canada aurait dû intervenir en temps opportun? Le problème, c'est qu'on attend. Par exemple, Canada 3000 manque de liquidités et on lui offre une garantie de prêt. Est-ce qu'on va attendre qu'Air Canada manque de liquidités? C'est cela que vous sembliez dire tout à l'heure. Quand Air Canada n'en aura plus, on verra ce qu'on fera, semblez-vous dire.

Je veux bien qu'on leur en veuille beaucoup et qu'on laisse le libre marché agir, mais personne n'a inventé le 11 septembre. Soit, l'industrie avait un problème avant et on veut essayer de la punir pour cela, mais un jour, il va falloir comprendre que le 11 septembre est arrivé, qu'il y a une crise dans l'industrie aérienne et qu'il va falloir intervenir. Je ne sens pas cela. Vous semblez marcher main dans la main avec le ministre et dire qu'on va attendre qu'il y ait un manque de liquidités. Est-ce qu'on va attendre qu'Air Canada manque de liquidités avant de l'aider?

M. Jacques Kavafian: Je vais vous répondre le plus clairement possible. En tant qu'individu, au plan philosophique, j'ai des problèmes quand le gouvernement intervient dans n'importe quelle industrie, que ce soit Air Canada ou n'importe quelle autre compagnie. C'est de l'argent que les contribuables ont versé pour certaines choses. Donner cet argent aux compagnies ne me semble pas être une façon efficace de gérer les fonds publics, mais enfin, c'est juste...

M. Mario Laframboise: Mais pour le reste...

• 1055

M. Jacques Kavafian: J'essaie d'être un peu plus réaliste. Ce n'est pas parce que les Américains ont réagi rapidement qu'on doit faire la même chose. Air Canada a d'autres possibilités, qu'elle poursuit présentement. Il y a d'autres industries et d'autres compagnies qui ont aussi des problèmes. C'est sûr que le gouvernement devrait s'impliquer seulement en dernier recours. Il ne doit pas intervenir pour prévenir les problèmes. S'il y a des problèmes, on verra, mais il n'y a pas de problèmes.

M. Mario Laframboise: Nous dites-vous qu'on attend que la compagnie manque de liquidités?

M. Jacques Kavafian: Elle ne devrait pas manquer de liquidités. La compagnie devrait gérer ses affaires de manière à ne pas manquer de liquidités.

M. Mario Laframboise: En attendant, on met des gens à pied. On se débarrasse du capital humain et on dit aux employés de se trouver un emploi ailleurs. On laisse tomber l'industrie. Il en restera ce qu'il en restera, et on verra ensuite comment on la relèvera.

M. Jacques Kavafian: C'est dommage, mais c'est ça.

M. Mario Laframboise: Merci.

[Traduction]

Le président: Merci, Mario.

Je remercie les témoins d'être venus. Je suis sûr que les membres du comité ont été éclairés par vos interventions. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir comparu.

Je vais suspendre la séance pendant quelques minutes, pendant que les autres témoins s'installent.

• 1056




• 1102

Le président: Nous allons reprendre les travaux et accueillir nos témoins.

Représentant le Congrès du travail du Canada, nous avons M. Hassan Yussuff, vice-président exécutif et M. Kevin Hayes, économiste principal, politiques sociales et économiques. M. Louis Erlichman représente l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale au Canada. Nous avons Richard Balnis, du Syndicat canadien de la fonction publique et M. Serge Portelance, de TCA Canada. Soyez les bienvenus, messieurs.

Nous commençons habituellement avec des exposés. Je ne sais pas comment vous vous êtes entendus entre vous, mais une courte déclaration de chacun de vous...ensuite nous aurons des questions. Nous avons deux heures à passer avec vous.

M. Hassan Yussuff (vice-président exécutif, Congrès du travail du Canada): Merci, monsieur le président.

Au nom de mes collègues, je vous remercie de cette occasion d'intervenir à votre comité sur un sujet très important qui préoccupe une grande partie de nos membres de ce secteur. Nous présentons un mémoire officiel du Congrès du travail du Canada et mes collègues auront également quelques mots à ajouter.

Au nom de nos 2,5 millions de membres, nous tenons à remercier le Comité des transports de la Chambre des communes de son invitation à lui faire part de nos vues sur le projet de loi C-38. Celui-ci, qui supprime la limite de 15 p. 100 touchant les actions communes pouvant être détenues par un même actionnaire, représente un changement majeur.

Lorsque nous avons comparu devant le comité il y a deux ans, nous avons dit que le pourcentage d'actions pouvant être détenu par un actionnaire devrait être limité à 10 p. 100. À cette époque nous avons également exprimé notre opposition à la fois à la propriété étrangère des compagnies aériennes et à l'autorisation d'exploitation au Canada de transporteurs étrangers. Aucun pays ne permet à des transporteurs étrangers de concurrencer ses transporteurs nationaux sur les lignes intérieures. Nous avons dit que nous ne voulions pas que notre marché intérieur soit ouvert aux compagnies étrangères intéressées uniquement à desservir les liaisons les plus lucratives, sans obligation de desservir les petites agglomérations et les localités isolées. Nous avons dit que la propriété étrangère ne devrait pas dépasser 25 p. 100. Il n'est pas indifférent de savoir qui exerce le contrôle effectif d'Air Canada.

Cependant, notre position sur la propriété d'Air Canada s'inscrit dans l'optique d'une politique de transport aérien réglementant le transport intérieur dans l'intérêt public, de la même façon que nous réglementons les liaisons internationales et transfrontalières.

Toutes les collectivités du Canada devraient avoir accès à un service aérien de qualité. La sécurité aérienne doit répondre aux normes les plus rigoureuses et faire l'objet de contrôles.

• 1105

Les problèmes les plus récents d'Air Canada ont certainement été aggravés par la récession que nous vivons et les événements du 11 septembre, mais ils trouvent leur origine dans la déréglementation du transport aérien et la concurrence sauvage. La pratique consistant à sous-traiter les contrôles de sécurité au moins offrant, payant les salaires les plus bas, n'a pas aidé les compagnies aériennes.

On ne peut que qualifier de destructrices des politiques de concurrence qui ont eu pour seuls résultats jusqu'à présent des prix plus élevés, un service amoindri, la démolition de la compagnie aérienne nationale et l'insécurité permanente des travailleurs du secteur.

Un autre résultat d'une décennie de concurrence sauvage est l'endettement massif d'Air Canada, auquel ce projet de loi cherche à remédier en supprimant les restrictions à l'actionnariat.

En l'absence d'une reréglementation du transport aérien, nous savons bien que la suppression de limite de propriété ne fera pas grand-chose pour enrayer l'escalade des prix des billets d'avion et ne fera qu'accentuer le déclin du service aérien offert aux petites agglomérations de ce vaste pays.

Il incombe au gouvernement de protéger l'intérêt public, les consommateurs, les collectivités et les travailleurs. Cela suppose reréglementer et gérer la concurrence sur notre marché intérieur. Si l'on veut rétablir la confiance des voyageurs, une politique du transport aérien complète est nécessaire, aujourd'hui plus encore qu'avant le 11 septembre et le ralentissement économique actuel. Il faut mettre en oeuvre tout un éventail d'instruments réglementaires, financiers et politiques afin de créer un secteur du transport aérien stable et viable, au service de tous les Canadiens.

Ce projet de loi ne va pas lever l'incertitude en cette période de turbulence que traverse le secteur aérien. Air Canada et l'industrie du transport aérien ne se composent pas que d'avions, de directeurs et d'actionnaires. Le secteur compte 90 000 travailleurs qui ont tous leur rôle à jouer si l'on veut que les Canadiens bénéficient d'un transport aérien efficient et sûr.

Nous pensons que le gouvernement doit veiller à ce que toutes les discussions et propositions visant à la stabilisation d'ensemble du secteur privilégient la stabilisation de la main-d'oeuvre. Il est vital que tout ensemble de mesures d'aide financière offertes par le gouvernement à Air Canada et à d'autres compagnies aériennes tienne compte du besoin des travailleurs confrontés au chômage, à la délocalisation et à la diminution de leurs perspectives de carrière. L'impact sur les employés d'une politique du transport aérien défectueuse, de la récession actuelle et des événements du 11 septembre est énorme.

Un programme de stabilisation de la main-d'oeuvre devra prendre en compte de nombreux facteurs: la structure démographique de la main-d'oeuvre dans différents secteurs de la compagnie; la pénurie avérée, actuelle et future, de techniciens qualifiés; la nécessité d'un personnel naviguant bilingue plus nombreux; et la fixation des jeunes afin de disposer d'une main-d'oeuvre qualifiée pour l'expansion future.

Le programme de stabilisation de la main-d'oeuvre que nous avons proposé au gouvernement est axé sur la retraite anticipée des employés les plus âgés, sans perte de pension, ce qui éviterait d'avoir à licencier un grand nombre d'employés permanents plus jeunes et moins anciens. Il serait rationnel de procéder ainsi, plutôt que d'émettre des avis de licenciement qui déclencheront toute la cascade de supplantations à l'ancienneté et les dispositions de relocalisation de la convention collective. Un plan social devrait être offert à tous les employés anciens afin de les encourager à quitter l'industrie de façon définitive. Une fois cela fait, il sera beaucoup plus facile d'élaborer des programmes propres à atténuer la nécessité de licenciements futurs.

Le seul aspect de la proposition du syndicat qui exigerait des fonds nouveaux est l'offre de retraite anticipée. Cependant, ce coût serait partiellement compensé par les moindres paiements d'assurance-emploi ou d'aide sociale. Les mesures visant à atténuer les licenciements d'employés ayant peu d'ancienneté, le partage du travail, les comités d'ajustement et les programmes de formation seront financés à partir du programme A-E, pour lequel les employés ont déjà payé sous forme de cotisations. Toutes ces mesures n'exigent pas de fonds nouveaux provenant du Trésor.

Les syndicats et leurs membres sont fortement partisans de la stabilisation de l'industrie car elle est dans l'intérêt des Canadiens, du Canada lui-même, des collectivités locales, des travailleurs, des familles et des actionnaires qui investissent dans ces compagnies. Les mesures à prendre pour avoir des transporteurs nationaux au service de tous les Canadiens ne doivent pas être limitées à l'intérêt étroit des actionnaires et investisseurs. Nous pensons qu'une compagnie aérienne efficiente et sûre est possible, mais uniquement si les travailleurs, par le biais de leurs syndicats, sont des partenaires à part entière dans tous les aspects de la restructuration. Le gouvernement doit servir l'intérêt public au sens large.

Ce document est respectueusement présenté au nom du Congrès du travail du Canada.

J'invite mes collègues à faire leurs présentations respectives et nous pourrons ensuite répondre à vos questions.

M. Louis Erlichman (directeur canadien de la recherche, Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale au Canada): Je remercie le comité de nous avoir invités à comparaître au nom de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale.

L'AIM est le plus gros syndicat du secteur aérien, représentant environ 18 500 membres canadiens travaillant chez Air Canada et chez d'autres transporteurs, ainsi que dans un certain nombre d'entreprises de services aux compagnies aériennes.

• 1110

Nous avons comparu à maintes reprises devant ce comité permanent au fil des ans et nous y avons toujours présenté une conception cohérente de cette industrie. Contrairement à la sagesse conventionnelle qui a guidé la politique gouvernementale pendant toutes ces années, le transport aérien est une industrie qui, en l'absence d'intervention gouvernementale, va inexorablement dans le sens de la concentration et du monopole. La succession des événements ne fait que confirmer la justesse de ce point de vue.

Le transport aérien au Canada, tout comme dans le reste du monde, vit actuellement une crise. Les compagnies aériennes de tous les pays ont été touchées par le ralentissement économique, dont les effets ont été encore exacerbés par les événements du 11 septembre. En outre, Air Canada est toujours aux prises avec la restructuration rendue nécessaire par sa fusion avec Lignes aériennes Canadien International.

La réponse du gouvernement à cette grave situation est hésitante et faible. Le versement d'une petite somme pour compenser les pertes directes résultant du 11 septembre, d'éventuelles garanties d'emprunt et le projet de loi C-38 ne constituent pas une solution adéquate aux problèmes actuels de l'industrie, ni ne jettent les bases de la santé future du secteur.

Cela dit, cette réponse est typique de l'approche passive suivie de longue date par le gouvernement à l'égard de ce secteur: on attend qu'une crise survienne et on répond en faisant le moins possible et en espérant que la magie du marché va régler le problème. C'est cette approche passive qui a mené l'industrie à sa situation actuelle et elle ne va certainement pas inverser le cours des choses.

Lorsque Air Canada a été privatisée en 1988-1989, les restrictions à la propriété inscrites dans la loi reconnaissaient le rôle déterminant de ce transporteur dans ce service public essentiel. Nulle entité particulière ne devait pouvoir prendre le contrôle de cette pierre angulaire du développement national

Depuis lors, Air Canada a accru sa domination du marché. L'argumentation en faveur de restrictions à la propriété est donc plus valide que jamais. Vu la politique gouvernementale passive actuelle, il semble que le risque qu'un actionnaire dominant ne prenne le contrôle de la compagnie nationale, avec ses obligations essentielles de service public, soit plus grand que jamais. On voit donc mal pourquoi le gouvernement a introduit le projet de loi C-38 à ce stade.

Même si l'on considère uniquement le court terme, on voit mal en quoi le projet de loi C-38 pourrait régler, même partiellement, les problèmes d'Air Canada. Le marché du transport aérien restera faible pendant encore quelque temps. Il est peu probable que quiconque veuille injecter à ce stade suffisamment de capitaux nouveaux dans l'industrie pour faire une grande différence dans la situation financière d'Air Canada.

Tout en n'étant guère impressionnés par la direction actuelle d'Air Canada, nous pensons que mettre en jeu la propriété d'Air Canada à ce stade ne sera guère qu'une distraction coûteuse à un moment où la compagnie ne s'est pas encore remise du coût élevé de la dernière bataille pour son contrôle.

L'industrie du transport aérien a besoin aujourd'hui de stabilité et non pas de nouveaux bouleversements. Au lieu de retoucher les règles de propriété d'Air Canada, le gouvernement ferait mieux d'intervenir pour imprimer une orientation claire à ce secteur. Nous avons besoin d'un cadre réglementaire qui énonce les obligations de service, établisse des tarifs équitables et porte assistance aux travailleurs du secteur.

Nous voulons également répéter au comité combien il importe de résister aux propositions visant à accroître la part des actions de sociétés aériennes canadiennes pouvant être détenues par des étrangers ou visant à donner des droits de cabotage des sociétés étrangères, car cela ne ferait que miner nos transporteurs déjà affaiblis sans améliorer le service donné aux collectivités canadiennes.

Nous sommes inquiets de voir que le gouvernement ne fait rien pour répondre aux besoins des travailleurs de ce secteur. Nous avons conjointement formulé une proposition d'aide gouvernementale afin d'atténuer l'impact du changement structurel dans ce secteur, comportant des incitations au départ à la retraite anticipée, un plan de partage du travail et une aide à la formation pour les jeunes travailleurs. Le gouvernement n'a encore rien fait pour aider les travailleurs touchés dans ce secteur.

Enfin, nous demandons à votre comité d'exhorter le gouvernement à reconnaître l'échec de sa politique passive dans le domaine du transport aérien. Le marché ne réglera pas les problèmes de cette industrie ni ne répondra aux besoins des Canadiens, des collectivités canadiennes et des travailleurs canadiens.

Le gouvernement doit jouer un rôle actif afin d'imprimer une orientation positive à cette industrie essentielle. Merci.

M. Richard Balnis (recherchiste, Lignes aériennes et compétence fédérale, Syndicat canadien de la fonction publique): Bonjour.

Le SCFP et sa division des lignes aériennes représentent par beau temps environ 11 500 agents de bord travaillant un petit peu partout au Canada. Nous représentons les agents de transporteurs comme Air Canada, Air Transat, Canada 3000—y compris Royal et CanJet—First Air, Calm Air et Cathay Pacific, à Vancouver.

C'est moi qui comparais aujourd'hui devant vous au nom du SCFP. Je n'ai rien par écrit, mais je vous transmets les excuses de Francis Bellemare et de Rob Limongelli de notre division des lignes aériennes, qui n'ont pas pu venir aujourd'hui. En fait, ils sont aujourd'hui au Conseil canadien des relations de travail aux côtés de plusieurs centaines de nos membres qui tentent de sauver leurs emplois, Canada 3000 ayant fait une demande urgente auprès du CCTR en vue de se défusionner de Royal pour ensuite mettre à pied les seuls agents de bord et pilotes de Royal. Francis et Rob sont donc là-bas avec nos membres. Il semblerait que ces membres soient devenus le prix à payer pour obtenir une aide financière du gouvernement fédéral.

Je vous transmets également les regrets de notre équipe d'Air Canada, qui rencontre aujourd'hui à Toronto la direction d'Air Canada dans l'espoir de réduire les 700 mises à pied restantes prévues. Je les remplace aujourd'hui vu leur impossibilité de venir.

• 1115

Nous appuyons la position du CTC et celle des machinistes. Ce qui est proposé aujourd'hui n'est pas une solution à long terme pour l'industrie. Cela pourrait être temporairement avantageux pour Air Canada de convertir sa dette en avoirs et d'essayer de rééquilibrer son bilan, mais, à notre avis, en l'absence de restrictions à la propriété d'actions par une entité, Air Canada sera un jouet aux mains des manipulateurs industriels de demain.

Cela nous préoccupe également que le vide côté politiques se maintienne. Le gouvernement pense qu'il peut continuer de compter sur des solutions du secteur privé. Nous avons eu l'une de ces solutions en 1992, une autre en 1996, encore une autre en 1999 et voici que nous en attendons encore une en 2001. Nos membres ont trop souvent été victimes de telles solutions du secteur privé. Nous craignons également les conséquences de l'étape suivante: l'augmentation de la propriété étrangère.

Toutes ces questions ont fait l'objet de nombreuses soumissions au fil des ans, et c'est moi qui ai été le messager. Malheureusement, on a ignoré ce que nous avons dit.

J'envisage avec plaisir de répondre à toutes les questions que vous voudrez me poser au sujet de mon exposé d'aujourd'hui.

Le président: Merci beaucoup, Richard.

Reste-t-il encore un intervenant?

[Français]

M. Serge Portelance (représentant national, Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada): Bonjour. Je m'appelle Serge Portelance. Je vais faire mes commentaires et observations en français.

Je suis le représentant du Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada, TCA-Canada. Je remplace Gary Fane, qui aurait normalement dû être ici ce matin, mais qui ne pouvait malheureusement pas se présenter parce qu'il est à Vancouver.

En ce qui concerne le secteur aérien, nous représentons tout près de 10 000 employés de la compagnie Air Canada et de 1 000 à 1 200 employés du secteur des transporteurs régionaux.

Depuis 1985, les TCA participent activement au débat permanent sur la politique du transport aérien au Canada, et cela dans toutes sortes de forums: sur la privatisation et sur Ciels ouverts, pour n'en nommer que quelques-uns. Plusieurs mémoires ont également été présentés à ce sujet.

Depuis ce temps-là, une chose s'est nettement dégagée. C'est que toutes les politiques qui ont été adoptées durant ces années avaient peu à voir avec la promotion et le développement du transport aérien au pays. C'est même le contraire qui s'est produit. De graves dommages ont été causés dans ce secteur. Pour le voir, on n'a qu'à regarder la vague de fusions ou de réductions de compagnies qui en a résulté.

Les événements tragiques du 11 septembre nous donnent l'occasion de revoir toutes ces politiques qui s'appliquent au secteur aérien. Il est clair pour nous que la levée du plafond du 15 p. 100 de participation publique individuelle n'est pas la solution, mais on n'est pas contre cela. On n'est ni en accord ni en désaccord sur cela. On n'est pas contre la règle du 15 p. 100 ou contre son abolition, mais on trouve que ce n'est pas la solution.

Si jamais on parlait de l'abolition de l'autre règle, celle du 25 p. 100 de contenu étranger, cette chose devrait être faite en collaboration avec les syndicats et avec tous les intervenants syndicaux. À ce niveau-là, j'appuie mes collègues de l'AIMTA, les machinistes, et ceux du SCFP dans leur position, ainsi que la position que le CTC a énoncée dans sa présentation.

Je peux ajouter qu'à notre avis, l'acquisition volontaire ou forcée des Lignes aériennes Canadien International, c'est-à-dire de CAIL, a été une grave erreur, tant de la part d'Air Canada que de celle gouvernement. Elle a été faite dans des conditions qui sont pour nous obscures parce que nous n'y avons pas participé.

• 1120

Je pense que nous devons demander au gouvernement de saisir cette occasion de s'impliquer, tant financièrement qu'administrativement, à l'intérieur d'Air Canada afin de contrôler ce qui se passe dans cette compagnie et de s'assurer qu'elle va demeurer une compagnie bien de chez nous, c'est-à-dire une compagnie canadienne, pour le bénéfice du public et pour le bénéfice des travailleurs et des travailleuses qui y sont déjà.

Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, Serge.

Étant donné que les témoins sont nombreux, lorsque vous poserez vos questions, vous pourrez peut-être indiquer à qui... ou bien, s'il s'agit d'une question générale, chacun d'entre vous pourrait y répondre à tour de rôle. Je vous demanderai cependant de vous en tenir à des réponses brèves afin qu'il y ait un maximum d'échanges.

James.

M. James Moore: Monsieur Yussuff, vous avez dit dans votre exposé que vous ne pensez pas que le plafond devrait être de 15 p. 100 mais plutôt de 10 p. 100. Je suis curieux. Pensez-vous que ce plafond de 10 p. 100 ou de 15 p. 100 devrait s'appliquer à tous les transporteurs et que M. Beddoe devrait en fait se voir retirer sa participation?

M. Hassan Yussuff: Je pense que l'argument, pour ce qui est de l'augmentation des plafonds, est que c'est sans doute ce qui va placer Air Canada dans une situation plus viable sur le plan financier.

M. James Moore: Mais là n'est pas la question.

M. Hassan Yussuff: Je comprends que là n'est pas la question, mais c'est néanmoins moi qui suis responsable de vous donner la réponse.

Je pense qu'il est important de reconnaître que la limite de propriété d'un actionnaire dans ce pays, surtout dans le cas d'Air Canada, a certaines conséquences quant à la viabilité de cette compagnie aérienne. Bien que nous convenions que la stratégie du gouvernement est d'essayer de trouver le moyen d'apporter plus d'argent à Air Canada, nous ne voyons pas là une solution.

En ce qui concerne les autres compagnies aériennes...il est difficile de dire ce qu'est un mécanisme de politique approprié pour les autres compagnies aériennes à ce moment précis; ce n'est pas de cela que nous discutons. Si c'était de cela que le comité était saisi, alors notre position serait différente. Mais l'on parle ici d'une compagnie aérienne autrefois publique qui a, depuis, été privatisée, et la réalité depuis sa privatisation est bien sûr qu'il y a eu beaucoup de difficultés. Nous avons déjà présenté des instances au comité au sujet de ce que nous voyons comme étant la solution, et on ne nous a bien sûr pas écoutés. Nous sommes ici aujourd'hui encore pour défendre certaines des mêmes choses. Nous pensons que nous serons de retour devant vous d'ici un an ou six mois ou deux ans, toujours pour parler de la même question: comment faire en sorte qu'Air Canada soit un transporteur viable dans le contexte ou l'absence de réglementation dans ce pays.

M. James Moore: Monsieur Erlichman, vous avez mentionné que le panel et que vous-même—non pas que vous présumez parler au nom de tous les membres du panel, mais vous avez dit être mécontent de la direction d'Air Canada, penser qu'elle n'avait pas fait un bon travail et vouloir qu'il y ait davantage de réglementation, mais vous avez en particulier critiqué la direction d'Air Canada. En l'absence de la suppression du plafond de 15 p. 100, comment proposez-vous que soit modifiée la direction d'Air Canada?

M. Louis Erlichman: Nous ne sommes pas convaincus que la suppression du plafond de 15 p. 100 changera, bien franchement, la direction d'Air Canada. La contrainte rend bien sûr plus difficile pour une seule personne de prendre le contrôle du transporteur, mais je ne suis pas convaincu que le projet de loi C-38 change quoi que ce soit à des choses comme la pilule empoisonnée, qui pourrait peut-être empêcher quelqu'un d'acquérir Air Canada de toutes façons.

Franchement, bien que nous ne soyons pas enthousiasmés par la direction d'Air Canada, ce que j'ai déjà dit, là n'est pas le gros problème. Nous pourrions nous asseoir... et nous avons entendu un témoin précédent dire: «Eh bien, c'est la faute à la direction d'Air Canada, c'est ceci, c'est tout le reste».

Il y a toute une série de raisons pour lesquelles le secteur du transport aérien se porte mal. À un certain niveau, vous commencez avec le fait que cette industrie a été déréglementée en 1984. Nous nous étions attendus à ce que le marché fasse le tri, mais le marché n'a pas fait le tri.

Par conséquent, le simple fait de changer la direction d'Air Canada, même si cela pourrait plaire à certains, n'est pas non plus la réponse. Le fait que les gestionnaires d'Air Canada ne soient pas doués n'est pas le principal problème, le problème fondamental de l'industrie du transport aérien.

Comme je le disais, je pense que cela est à la frange. Ce n'est pas vraiment une solution. La question des limites de propriété est en quelque sorte marginale pour ce qui est du court terme et, certainement, du long terme. Cela ne va pas changer grand-chose dans la façon dont Air Canada ou l'industrie du transport aérien vont fonctionner.

M. James Moore: Je suis d'accord avec vous. J'ai soumis la même chose, dans une optique différente, au ministre lui-même, hier soir.

J'aimerais néanmoins poser une question à M. Yussuff. Vous avez déclaré que le libre marché n'est pas la réponse aux problèmes de l'industrie aérienne et que l'on ne trouvera pas les solutions que l'on cherche sur le libre marché. Pourriez-vous dans ce cas dérationaliser la réalité de WestJet?

• 1125

M. Hassan Yussuff: WestJet n'a pas toutes les exigences qu'a Air Canada en tant que transporteur national. La société a des liaisons lucratives qu'elle a choisi d'assurer. Elle n'a pas à s'occuper de toute la question des liaisons pour desservir d'autres villes, car ce n'est pas une grosse préoccupation pour elle. Une autre raison est qu'un transporteur non syndiqué n'a pas à assurer les mêmes salaires et avantages sociaux. Air Canada a certains devoirs à l'égard des petites localités, et nous estimons que cela est essentiel.

En vertu de cette exigence, la compagnie aérienne doit satisfaire ces besoins. À cet égard, si vous êtes tenu de desservir de petites localités, ce qui est, je pense, important, vous êtes tenu, en tant que transporteur national, d'assurer un service bilingue. En plus de cela, en tant que transporteur national, vous devez vous assurer que les gens puissent se rendre de tel endroit à tel autre... Il y a certains problèmes inhérents à la façon dont ces besoins sont satisfaits. En l'absence d'un régime réglementaire, les résultats financiers de cette compagnie aérienne ne vont s'améliorer ni à court ni à long terme.

Pour en revenir à votre question, la réaction du gouvernement depuis que nous sommes aux prises avec cette crise, que l'on parle d'aujourd'hui ou d'hier, a été de laisser le marché régler la situation. Nous regardons et nous attendons et nous sommes toujours confrontés à une crise. À moins que quelqu'un ait une solution magique que nous puissions pleinement endosser, nous ne pensons pas que cette proposition vienne régler la crise que vit l'industrie aérienne. Elle ne va pas assurer de stabilité aux collectivités et aux travailleurs qui souffrent énormément chaque fois qu'il y a une restructuration.

M. Louis Erlichman: Puis-je dire quelque chose au sujet de WestJet? WestJet est le seul transporteur qui ait reproduit la formule de Southwest Airlines aux États-Unis. Jusqu'ici, WestJet n'a pas subi de ralentissement de marché, n'est-ce pas? Plusieurs transporteurs ont assez bien réussi dans l'après-déréglementation pendant un an, deux ans, ou plus encore. Laissant de côté la question et le fait que cette société ne soit pas un transporteur international, elle suit fidèlement le modèle Southwest.

Franchement, le modèle Southwest n'est pas antisyndical. Quelque 85 p. 100 des employés de la Southwest sont syndiqués; nous avons environ 12 000 membres chez Southwest. Il n'est donc nullement nécessaire qu'elle soit non syndicalisée pour réussir en tant que transporteur bon marché.

Il arrive quelque chose aux compagnies aériennes. Il leur faut sans cesse prendre de l'ampleur. Puis leur marché fléchit et elles connaissent des difficultés. Jusqu'ici, la WestJet semble avoir assez bien survécu. On verra les choses dans cinq ans, lorsqu'on aura vécu un ralentissement du marché.

C'est la même chose qu'avec la Southwest Airlines, qui a été la seule histoire de réussite post-réglementation aux États-Unis. Même si la compagnie était là avant la déréglementation aux États-Unis, elle a été l'exception qui a fait la règle. Tous les autres sont tombés. La Southwest réussit très bien et est toujours le cinquième ou le sixième plus gros transporteur aérien aux États-Unis. Elle est toujours un joueur marginal relativement petit, tout comme l'est la WestJet ici au Canada. Ces compagnies sont importantes.

Je pense qu'il va vous falloir attendre. Avant que vous ne disiez que la WestJet est la solution miracle, attendez encore cinq ans et voyons alors comment elle se porte.

M. James Moore: Je n'ai pas dit cela.

Vous énumérez les règlements auxquels doit se conformer Air Canada du fait qu'il s'agisse d'un transporteur national, puis vous dites que la société échoue mais que vous voulez davantage de règlements. Vient ensuite la société WestJet, qui n'est pas assujettie à ces règlements et qui réussit. Cela nous offre un argument fort intéressant en faveur de l'augmentation de la réglementation.

M. Louis Erlichman: Nous ne disons pas qu'Air Canada échoue parce qu'elle est assujettie à une trop grande réglementation. Nous n'avons jamais dit cela. Nous avons pris pour position qu'elle n'aurait jamais dû être privatisée.

M. James Moore: C'est là le facteur x qu'a Air Canada et que n'a pas WestJet. C'est la principale différence entre les deux.

M. Louis Erlichman: Je suis rarement d'accord avec M. Kavafian, mais je pense qu'il a sans doute raison en ce sens que, pour la plupart, les exigences réglementaires imposées à Air Canada ne sont pas la cause de ses problèmes actuels.

M. James Moore: La Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada stipule que pas plus de 25 p. 100 des actions d'Air Canada ne doivent appartenir à des étrangers.

Je suis quelque peu curieux. Étant donné que la même interdiction est renfermée dans l'article 55 de la Loi sur les transports au Canada, ne serait-il pas logique, ne serait-ce que dans le seul but d'éliminer la duplication juridique, de lever la limite contenue dans la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, et peut-être même d'aller jusqu'à la supprimer de la Loi sur les transports au Canada?

Étant donné la Convention relative à l'aviation civile internationale, la réalité est que si un étranger devait un jour venir acheter plus de 50 p. 100 des actions d'Air Canada, si cela cassait la compagnie, alors cela tuerait la poule aux oeufs d'or.

Dans ce contexte, toute la valeur d'Air Canada réside dans ses routes nationales et dans les accords bilatéraux qui lui ont donné ses routes internationales transfrontalières. Tout l'argument en faveur du plafonnement de la participation étrangère est tout à fait redondant car chaque force du marché qui pousserait quelqu'un à vouloir acheter Air Canada milite contre l'idée d'avoir un plafond.

• 1130

M. Louis Erlichman: Alors pourquoi retirer une chose qui n'est pas un problème?

M. James Moore: Cela n'en a pas fait partie.

M. Louis Erlichman: Pourquoi changer cela si vous dites que les forces du marché ne feraient de toute façon pas passer la propriété étrangère au-delà de ce seuil de 25 p. 100?

M. James Moore: C'est tout le contraire. C'est ce qui se passerait. Pourquoi vous faut-il limiter cela? Ils ne liquideraient pas le transporteur.

M. Louis Erlichman: La question est celle du contrôle étranger du transporteur canadien dominant. Ce transporteur détient les deux tiers ou peut-être plus encore du marché canadien au moment où l'on se parle. Et c'est le risque que cela suppose qui nous préoccupe ici.

[Français]

Le président: Monsieur Laframboise du Bloc québécois.

M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.

Je vais commencer par une intervention du témoin précédent. Monsieur Erlichman, vous l'avez écoutée et entendue. Il y a tout un lobby qui entoure présentement le ministre des Transports pour dire qu'on doit laisser aller le libre marché. Dans ce projet de loi C-38, qui se veut une ouverture aux capitaux, on sent qu'on laisse aller le libre marché. Ce n'est pas ça qui est nécessairement inquiétant. Ce qui est inquiétant, ce sont tous les discours qu'on entend aujourd'hui sur le projet de loi C-38, ainsi que le discours qu'a fait hier le ministre sur le projet de loi.

Le témoin précédent nous disait qu'il ne fallait pas regarder seulement cela, qu'il fallait aussi abolir le plafond des capitaux étrangers et éliminer des restrictions, notamment celle concernant l'entretien. Air Canada semble traîner un boulet avec l'obligation qu'elle a de faire de l'entretien dans trois villes, Dorval, Winnipeg et Mississauga.

Évidemment, à la fin, il nous a dit bien candidement qu'il ne fallait pas que le gouvernement aide les compagnies aériennes, quelles qu'elles soient, qu'il fallait faire ce qui a été fait dans le cas de Canada 3000, c'est-à-dire attendre que la compagnie manque de liquidités avant de l'aider. Le ministre disait hier, dans son discours, qu'il avait senti des problèmes de pénurie de liquidités. Voici ce qu'il disait:

    J'ai aussitôt annoncé qu'une garantie de prêt serait octroyée à Canada 3000 sous réserve de certaines conditions, comme l'injection de capital par les actionnaires, des réductions de la capacité et de l'effectif...

Donc, l'objectif est de réduire l'effectif. Le témoin précédent nous disait que oui, c'était le prix à payer. Il faut que tous ceux qui travaillent dans l'industrie aérienne se résignent, car à partir d'aujourd'hui, une bonne partie d'entre eux vont perdre leur emploi, disait-il. C'est une des conditions que le ministre fixe pour Canada 3000. Il l'a fait. Tout à l'heure, on nous a dit bien candidement qu'il fallait attendre qu'Air Canada soit en manque de liquidités et ait fait une grande restructuration avant de l'aider, et surtout qu'elle ait réduit son personnel. Bien qu'il y ait des dispositions, entre autres dans la loi C-26 et dans la loi de 1987 ou de 1988, qui protègent les emplois, on se prépare à une attaque des droits des travailleurs sans précédent dans l'industrie aérienne. On est en train d'attaquer carrément tout le système et on s'en vante. Mes collègues d'en face se vantent à la Chambre des communes en disant qu'on a une des industries aériennes les plus performantes au monde, mais on est en train de la détruire à tous les jours.

C'est tout le contexte autour de cela qui m'inquiète. Ce n'est pas le fait que le projet de loi C-38 soit déposé. On peut toujours accepter que les capitaux soient ouverts et que ceux qui ont des actions veuillent un certain contrôle du conseil d'administration. Vous avez tout à fait raison. On va changer le dirigeant, et c'est tant mieux si ça peut orienter les choses, mais il y a une réalité: les Américains investissent et appuient l'industrie aérienne, alors que le Canada ne le fait pas.

C'est un choix de société qu'on est en train de faire et on le fait au détriment des travailleurs. Je pense que le capital humain du secteur aérien doit être protégé. Le gouvernement se doit d'annoncer non seulement le projet de loi C-38, mais aussi des mesures d'aide. Le ministre et tous ceux qui sont ici nous disent... Pour le témoin précédent, c'est bien clair: il faut attendre que chacune des compagnies de l'industrie soit en manque de liquidités, soit au bord de la faillite et, surtout, ait fait une grande restructuration de son personnel avant qu'on l'aide.

• 1135

Donc, il n'y a rien de bon pour vous, représentants des travailleurs et travailleuses. Il n'y a rien de bon qui sort de ceux qui conseillent le gouvernement et de ceux qui viennent témoigner ici. Je pense qu'on va assister à une dégringolade et à une déstructuration sans précédent de tout le secteur aérien canadien si rien n'est fait rapidement et si vous ne parlez pas tous haut et fort d'une même voix. Excusez-moi, mais ils sont en train de vous plumer. Qu'est-ce que vous en pensez?

[Traduction]

M. Hassan Yussuff: Encore une fois, pour ce qui est des questions précises portant sur les travailleurs, tous mes collègues ont soumis les mêmes arguments au ministre.

Nous répétons dans notre mémoire qu'il y a dans cette industrie des travailleurs qui quitteraient leur emploi si on leur faisait une offre leur permettant de prendre leur retraite plus tôt que prévu. Cela assurerait une certaine stabilité au transporteur, parlant ici d'Air Canada, face au fléchissement du trafic, mais permettrait en même temps de conserver les jeunes employés qui ont les compétences requises pour servir l'industrie à court et à long terme. Cela exige une certaine aide gouvernementale.

Nous constatons, vu l'intervention des Américains auprès de leurs transporteurs, que le gouvernement des États-Unis est prêt à y contribuer des ressources.

Donc, oui, nous reconnaissons bien sûr ce que nous vivons, mais nous n'allons pas tout simplement abandonner. Et je pense que ces arguments doivent être exposés. Nous croyons que le gouvernement a certaines obligations face à ce qui se passe à l'heure actuelle dans le contexte de cette crise du secteur aérien par suite des événements du 11 septembre, car tous les transporteurs sont très sérieusement touchés. Nous pensons que cela assurerait aux compagnies aériennes une certaine stabilité en matière de capacité, mais, plus important encore, cela positionnerait les compagnies aériennes pour l'avenir. Avec la reprise du trafic et de l'économie, les travailleurs seraient là pour servir le pays.

Encore une fois, le gouvernement peut être un joueur passif. Partout dans le monde l'industrie aérienne vit certains défis et d'autres gouvernements se débattent pour tenter de trouver une solution à la crise.

En tant que pays au territoire très vaste, nous sommes uniques dans cette catégorie. Nous tenons à veiller à ce que toutes les collectivités du pays soient desservies, et cela ne sera pas possible à moins qu'il y ait un transporteur national comme Air Canada qui soit prêt à assurer ce genre de service, sauf à trouver une autre solution.

En ce qui concerne la question de la maintenance, que vous faut-il avoir, trois ou quatre centres? Ces centres sont bien sûr importants et il nous faut reconnaître que nous vivons dans un pays très diversifié et dans des provinces très diversifiées. Le maintien de ces centres à travers le pays est un petit coût pour Air Canada dans le contexte de ses problèmes financiers. J'estime donc qu'il est faux de dire que si l'on éliminait tous ces centres de maintenance, Air Canada deviendrait du jour au lendemain un transporteur viable. Il est parfaitement ridicule et absurde de dire ce genre de choses.

La réalité est que les travailleurs vont souffrir du fait de cette restructuration, et nous croyons que le gouvernement a une responsabilité à cet égard. S'il n'intervient pas, nous serons très vite de nouveau devant le comité, en train d'exposer les mêmes arguments et de vous demander quelle est votre position face à la nouvelle crise.

[Français]

M. Mario Laframboise: Si vous me le permettez...

[Traduction]

M. Richard Balnis: J'aimerais tout simplement ajouter un commentaire, car vous avez soulevé la très importante question du rôle du gouvernement dans la protection des travailleurs.

Nous représentons des membres chez Canada 3000 et Air Transat, et lorsque ces deux transporteurs se sont vus obligés d'annoncer des mises à pied, nous sommes allés les rencontrer et leur avons dit qu'il y a moyen en vertu de la législation en matière d'assurance-emploi et de travail partagé de justement assurer un partage du travail. Nous avons fait cela avec Air Canada. Cela leur a demandé un petit peu de temps pour y venir et nous n'avons pas été en mesure de stopper toutes les mises à pied. L'impression que nous ont clairement donnée Air Transat et tout particulièrement Canada 3000 est que le gouvernement fédéral cherche des housses à dépouille, en d'autres termes, des victimes, avant de verser une aide financière.

Comme Hassan vient de vous le dire, le gouvernement cherchait activement à sacrifier les travailleurs au lieu de leur venir en aide.

Moyennant le consentement d'une aide raisonnable à Air Canada, nous pourrions offrir aux agents de bord seniors des programmes de départ anticipé... nous garderions les agents juniors, les agents bilingues nécessaires pour assurer la capacité linguistique requise sur les différentes routes. Nous pourrions mettre au point d'autres régimes chez d'autres transporteurs.

Il semble que les gestionnaires soient en train de dire: «Nous pourrons obtenir davantage d'argent si nous vous sacrifions». Et cela, monsieur, est répréhensible.

J'étais ici hier soir lorsque le ministre a parlé de ses inquiétudes quant à la protection des travailleurs et du projet de loi C-26. Puis, dans le couloir, pendant que vous siégiez à huis clos, il a parlé aux journalistes. Lorsqu'un journaliste l'a confronté et lui a demandé s'il savait ce qui se passait chez Canada 3000, chez Royal, et s'il savait que les agents de bord et les pilotes allaient être mis à pied, il a déclaré que c'était le prix de la restructuration.

• 1140

J'estime que ce n'est pas une attitude très positive de la part du gouvernement, car nous avons des solutions et il serait possible de traiter humainement de la crise et de restructurer l'industrie comme le souhaite le ministre sans amener toutes ces souffrances. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement semble nous viser.

Je voulais tout simplement intervenir car Canada 3000, en particulier...il s'agit de jeunes travailleurs pour lesquels nous pourrions trouver des solutions, mais la direction là-bas est presque en train de dire: nous avons les dollars, mais il nous faut vous sacrifier. Je ne comprends pas pourquoi un gouvernement ferait cela.

Le président: Vous avez dix minutes. Souhaitez-vous poser une petite question rapide?

[Français]

M. Mario Laframboise: Ce qui est difficile à supporter pour une industrie qui a été si florissante, c'est que le gouvernement ne lui offre pas clairement un programme d'aide, ne serait-ce que pour restructurer l'employabilité. Même pour vos programmes de temps partagé, vous êtes obligés de quémander, et cela sort au compte-gouttes. Je n'en reviens pas.

Le message qu'on devrait donner aux investisseurs, c'est surtout celui de dire qu'on va restructurer et qu'on va appuyer une partie de la restructuration. Cela relancerait l'investissement. On n'aurait peut-être même pas besoin de modifier C-38 si on l'avait fait. Il faut tout de suite annoncer aux investisseurs qu'on va appuyer la restructuration de l'industrie, mais cela, il n'en est pas question. On le fait au compte-gouttes et surtout, comme vous l'avez bien dit, sur le dos des employeurs. C'est le ministre qui dit qu'une des conditions est la réduction des effectifs. Je n'en reviens tout simplement pas.

Monsieur Portelance, voulez-vous commenter?

M. Serge Portelance: Je pense que M. Laframboise a réellement soulevé les points importants. Il est vrai que ce sont les travailleurs et les travailleuses qui se font plumer. Je pense que c'est à cela qu'on est en train d'assister. Tout ce que les syndicats font, c'est essayer de trouver des programmes gouvernementaux qui vont atténuer ce qui est en train de se passer, autrement dit atténuer la crise actuelle.

Là-dedans, on oublie la qualité des emplois. On oublie le genre de travail que ces gens-là font partout au pays depuis de nombreuses années. On a là des emplois de bonne qualité, et il faut des gens ayant un potentiel assez grand pour occuper ces emplois. On semble oublier tout cela.

On semble également oublier le fait que les politiques du passé ont toujours été des politiques à court terme. Cela n'a jamais changé. On regarde toujours à court terme et on n'essaie pas de s'asseoir avec les principaux intervenants, qui sont les syndicats, pour essayer d'élaborer des politiques à long terme et de régler cette crise une fois pour toutes, afin qu'on ne soit pas obligé de refaire la même chose dans trois, quatre ou cinq ans, comme mes collègues le disaient. Je crois que les syndicats ont mis la main à la pâte pour tenter de régler cette crise d'une façon satisfaisante pour leurs membres, et non pas de façon satisfaisante pour quelque actionnaire que ce soit ou pour une autre compagnie qui voudrait s'ingérer dans cela.

Je pense que le gouvernement doit saisir cette occasion pour reprendre lui-même un certain contrôle de cela et remettre les compagnies aériennes dans la bonne direction.

M. Mario Laframboise: Merci.

[Traduction]

Le président: Bev Desjarlais, pour les Néo-démocrates.

Mme Bev Desjarlais: Premièrement, merci beaucoup d'être venus comparaître devant nous. Nous savons que vous n'avez eu qu'un court préavis pour préparer vos exposés et vous organiser pour venir. Nous avions craint, après que les partis de l'opposition aient convenu de ne pas retarder les choses à la Chambre afin que le projet de loi puisse être renvoyé au comité, qu'aucun témoin ne serait invité à comparaître, alors nous sommes vraiment très heureux que vous ayez pu venir en dépit du court préavis.

Monsieur Balnis, vous avez surpris le ministre à dire certaines choses hier soir, et je suppose que c'est là l'un des inconvénients des réunions à huis clos: nous manquons ce qui se passe à l'extérieur. Cela ne m'étonne pas du tout que le ministre ait adopté l'approche que vous nous avez exposée. Je suis déçue qu'il soit si éhonté. Ces déclarations ont été faites à la Chambre également: que pour obtenir des fonds il faut qu'il y ait restructuration et compression d'effectifs. Bien franchement, je suppose que nous voyons les choses autrement. En tout cas, les commentaires que vous avez surpris dans la bouche du ministre se trouveront, je pense, reflétés à l'extérieur de cette salle également.

• 1145

J'aimerais faire un commentaire, monsieur Portelance. Vous avez repris cette fameuse déclaration qui, je dois l'admettre, m'énerve lorsque je l'entends, voulant qu'Air Canada ait été obligée de reprendre les Lignes aériennes Canadien. Air Canada n'a pas du tout été obligée de reprendre Canadien. J'ai de nombreuses fois entendu M. Milton parler de la situation merveilleuse qui allait s'ensuivre—du fait qu'il allait faire toutes ces choses merveilleuses. Air Canada n'a pas été obligée de reprendre Canadien. La société a fait ce choix parce qu'elle y a vu une formidable occasion. Elle a vu l'occasion de contrôler l'industrie tout entière. Bien franchement, nous sommes nombreux à croire qu'il a manqué son coup, qu'il n'a pas fait les choses comme il l'aurait fallu et que ses efforts visant à foncer droit devant et à tout absorber lui ont en fait explosé en pleine figure. Il nous faut envisager une façon différente d'aborder le problème.

Du point de vue de la reréglementation, il y a toujours cette crainte de retourner à une réglementation totale, et le Nouveau Parti Démocratique et les groupes qui représentent les travailleurs se rangent souvent du même côté dans ce débat. Ce n'est en règle générale pas le cas des autres personnes autour de cette table, et nous le savons bien. Mais je pense que dans les positions idéologiques que nous adoptons, nous perdons parfois de vue le fait qu'il faille qu'il y ait un équilibre. La déréglementation totale n'a pas mieux fonctionné que ne fonctionnerait vraisemblablement la surreréglementation. Il nous faut cet équilibre, et nous ne devrions pas craindre le fait qu'il nous faille une certaine réglementation. Les lois sont une forme de réglementation. Les lois visant l'activité criminelle sont une forme de réglementation. Nous convenons qu'il nous faut toutes ces choses pour que la société progresse.

J'ose espérer que mes collègues de la Chambre conviendront qu'il faudra qu'il y ait une certaine reréglementation, sans quoi nous nous retrouverons fois après fois ici. Je ne suis pas députée depuis très longtemps, mais cela m'étonne déjà de voir le nombre de fois que nous avons rabâché cela et les heures que nous avons consacrées à essayer de faire changer d'idée ceux qui disent que le marché est la seule réponse et que c'est cela qui va renverser la vapeur. Je conviens que cela n'a pas été le cas, car si vous vous rendez dans certaines des plus petites localités du Canada, vous verrez qu'il faut attendre très longtemps, si même cela finit par arriver, avant de bénéficier de coûts plus bas et de meilleurs services, voire même du maintien d'un service, même limité. Je crois qu'il nous faut reconnaître que nous devons aller au-delà de notre crainte du mot «réglementation».

De mon point de vue, la question qu'il nous faut examiner dans le contexte de la réglementation est celle de la réglementation de la capacité intérieure. Si nous faisions cela, nous n'aurions pas ces situations que nous allons, je pense, vivre avec Tango et WestJet. Je pense que ce serait la même histoire avec Tango et WestJet qu'avec les Lignes aériennes Canadien et Air Canada. Ce sera la loi de la jungle, et Tango va essayer de faire chuter WestJet, et celle-ci va essayer de survivre. Elle est une plus petite société et, comme cela a déjà été dit, elle n'a pas forcément vécu de fléchissement sur son marché.

Mais je dirais que même M. Beddoe avoue entrevoir un ralentissement de WestJet dans les mois à venir. Il entrevoit certains problèmes. À l'heure actuelle, elle est la seule compagnie aérienne rentable, d'après ce que l'on peut voir.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de ceci. Y a-t-il un changement particulier que vous aimeriez voir et qui puisse faire toute la différence, si nous ne retournons pas à une réglementation totale du service à toutes les localités? Il me faut préciser que cela ne sera plus dès la fin de décembre 2002. Il n'y aura alors plus ce service dans toutes les régions du pays. Ce sera au marché qu'il reviendra de se réorganiser d'ici la fin du mois de décembre de l'an prochain, et nous verrons alors si le service a ou non été maintenu. S'il était une chose que vous aimeriez voir changer et qui puisse faire une différence, laquelle serait-elle?

M. Hassan Yussuff: En réponse à vos commentaires et tout particulièrement à votre question, je dirais qu'il est clair que dans le contexte de l'industrie aérienne canadienne nous avons vécu de crise en crise au cours de la dernière décennie. Quant à savoir quelles sont les origines de la situation, je pense que cela remonte à la décision de laisser faire le marché.

En réponse à votre question, il est important de s'attarder sur le service aux petites localités. Le pays est vaste. Nous ne pouvons pas dire tout simplement à certaines localités: manque de chance, vous n'avez pas droit au service. Je trouve cela parfaitement inacceptable. Les députés qui représentent ces localités n'accepteraient pas cela si nous disions tout simplement: Excusez-nous, mais votre localité n'aura plus de représentant car c'est coûteux et c'est de toute façon ridicule. Les gens ne seraient pas très nombreux à être d'accord avec cela.

• 1150

Dans un pays aussi vaste que le nôtre, où les gens comptent sur une forme ou une autre de transport pour se rendre d'un endroit à l'autre, je pense qu'il est essentiel pour nous de reconnaître qu'il ne s'agit pas tout simplement de dire que ce n'est pas un élément important. Cela fait partie intégrante de ce qu'est le Canada, et il ne faut pas l'oublier. Si nous voulons être un pays véritablement national, alors il nous faut nous demander si nous allons assurer le service à ces petites localités et de quelle façon ce sera chose possible en l'absence d'une certaine réglementation.

Pour revenir sur ce que vous avez dit, pour ce qui est, en tout cas, de la concurrence entre lignes aériennes, cela a très certainement un effet dévastateur. Nous l'avons vu dans le cas des Lignes aériennes Canadien et d'Air Canada. Nous le voyons maintenant avec WestJet et Air Canada. Nous le verrons encore avec Tango et WestJet. Et qui sait qui d'autre va se lancer?

Dans le contexte de notre discussion de ce matin, il s'agit en vérité de déterminer la différence entre concurrence déloyale et concurrence féroce. Quelqu'un devrait définir de quoi il s'agit exactement. La capacité de votre concurrent de vous balayer est peut-être une définition très difficile à arrêter, et je pense que personne ne connaît la réponse, pas même le Bureau de la concurrence. Personne ne peut définir cela dans le contexte actuel.

Au bout du compte, il va finir par y avoir une sorte de réglementation quant à la concurrence nationale que l'on admettra pour l'industrie aérienne dans ce pays. Il est important d'insérer cela dans un débat plus vaste. Quel genre d'industrie aérienne allons-nous avoir si nous laissons tout simplement le marché déterminer qui va survivre et qui va en bout de ligne être le champion du transport aérien dans ce pays? Ce que nous avons vu jusqu'ici ce sont des travailleurs et des collectivités qui continuent d'être mis au rancart dans ce débat, et je pense que c'est là une forme inacceptable de politique publique.

Le gouvernement devrait être très clair et logique en nous sortant de ce pétrin à court et à long terme en suivant certaines lignes directrices très strictes. En d'autres termes, nous avons des solutions. Nous convenons que cela ne va pas régler le problème du jour au lendemain, mais si nous maintenons le cap, cela donnera des résultats à long terme.

Dans ce secteur, il est essentiel pour nous de nous intéresser au service aux petites localités, bien sûr, et, ce qui est plus important encore, de veiller à ce que par suite des événements du 11 septembre nous apprenions quelque chose de cette dévastation. Même le gouvernement le plus conservateur des États-Unis a convenu qu'il faut rétablir une certaine réglementation du trafic aérien, de la sécurité aérienne et de la plupart des industries aériennes. Je pense que nous pouvons en tirer des leçons.

J'ose espérer que vous-mêmes et vos collègues, dans vos délibérations et dans votre rapport final au Parlement, pourrez refléter le fait qu'il nous faille aller plus loin et que le projet de loi ne va pas régler la crise pour les travailleurs et les collectivités de tout le pays.

M. Richard Balnis: Si vous permettez, j'aimerais ajouter que je décèle une contradiction chez les membres du parti au pouvoir, surtout chez ceux qui représentent de petites régions. D'un côté, comme le ministre l'a dit hier soir, il y a certaines régions du pays qui ont souffert et qui ont subi un service réduit ou de mauvaise qualité.

Nous avons déposé un mémoire auprès du comité le 1er mai 2000, et nous avons parlé du projet de loi C-26 et de toutes les craintes de service réduit de façon permanente ou carrément éliminé dans le Yukon, l'intérieur de la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, le nord de l'Ontario, la rive nord au Québec et les Maritimes. Nous avons dit à l'époque qu'il y avait un besoin à long terme de loi en matière de services aériens essentiels fondée sur le modèle américain.

Il y a ici une contradiction. J'écoutais M. Fontana hier soir, et même la grande ville de London semble souffrir d'une détérioration de son service aérien. Dommage qu'il ne soit pas ici, car j'aurais adoré discuter avec lui de cela. Je pense que sa réponse est de se tourner davantage vers le marché—que les actionnaires décident s'ils veulent ou non desservir votre ville. C'est là une contradiction à laquelle se trouvent confrontés nombre de représentants de ces régions du pays. Comment faire pour surmonter le problème? Nous avons fait une proposition le 1er mai 2000. Je ne pense même pas qu'elle ait jamais abouti dans votre rapport final.

Il y a donc des idées, surtout en ce qui concerne les petites localités et la capacité destructrice. C'est ainsi que fonctionne l'industrie aérienne—vous partez en guerre; vous essayez de gaspiller de la capacité. Il est regrettable que ce soit là le problème de l'industrie, étant donné les tarifs. Si vous avez 110 sièges et que le 111e est vide, combien cela vous coûte-t-il de remplir ce siège: 20 $? Alors vendez le billet 21 $ et le tour est joué. Vous avez un dollar de plus dans votre poche.

Pour un autre transporteur, il s'agira d'un prix prédateur. Mais c'est là la nature du secteur aérien, lorsque vous avez d'importantes immobilisations et un faible coût marginal pour remplir ce siège supplémentaire. Vous ne confrontez pas le problème, et vous verrez bien. Nous sommes passés d'un transporteur à deux, qui sont partis en guerre, à un monopole, puis à deux transporteurs, et peut-être que Canada 3000 est maintenant dans une mauvaise passe? Où cela va-t-il s'arrêter? Malheureusement, nous revenons à la charge tous les deux ans.

• 1155

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Gerry.

M. Gerry Byrne: Richard, vous connaissez cette loi habilitante, la loi américaine en matière de services essentiels. Moi je ne suis pas au courant. Pourriez-vous fournir au comité les renseignements dont vous disposez au sujet de ce texte de loi ainsi que tout document de référence en la matière?

M. Richard Balnis: Je peux faire cela. Je suis certain que votre personnel de recherche pourrait y accéder. J'ai le sentiment que nous irons tous deux sur le site Web pour essayer de trouver cela, car il s'agit d'une loi américaine.

Je la connais. Elle emploie un mot horrible: «subventionner» un transporteur pour assurer le service à ces localités qui n'en auraient pas en vertu de certains critères. Le mot qui commence par «r» est mauvais. Parfois le mot qui commence par «s», «subvention», est à proscrire, mais c'est ainsi que vont les choses aux États-Unis, foyer du libre marché. Vous ne voulez pas rayer certaines localités du réseau national, car elles mourraient tout simplement, surtout s'il n'y a ni bus ni train.

Je pourrai m'efforcer d'obtenir cela, mais j'imagine que cela se trouvera sur le site Web. Je peux faire la recherche puis envoyer le résultat au greffier, si c'est ce que vous voulez. Je ne sais pas, mais votre personnel de recherche pourrait peut-être faire plus vite que moi.

M. Gerry Byrne: Si vous pouviez tout simplement nous fournir, en plus des simples faits concernant la loi elle-même, une analyse de la façon dont cela devrait ou pourrait être appliqué au Canada. Nos recherchistes ne sont pas des praticiens dans le domaine, contrairement à vous.

M. Richard Balnis: Je m'occuperai de cela. Je pense connaître une bonne source qui pourrait en fait modéliser l'incidence. Un professeur aux États-Unis avec qui j'ai discuté a fait des recommandations là-dessus. Je pourrai lui téléphoner et il lui sera peut-être possible de vous fournir des précisions sur l'expérience américaine.

En un sens, en ce qui concerne les plaintes que j'ai entendues devant le comité venant de certaines parties du pays, notamment le Québec, le nord de l'Ontario, Terre-Neuve et d'autres régions encore—la Saskatchewan va perdre son service direct sans escale—c'est ainsi que fonctionne la déréglementation. L'on se retrouve avec un réseau en étoile. Si vous n'avez pas le trafic requis, alors tant pis pour vous, on n'assurera plus la liaison. Quelle est la réponse à cela? Je ne pense pas que ce soit plus de marché.

M. Gerry Byrne: Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Laframboise.

M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.

Je suis bien content que vous soyez parmi nous et qu'on discute du projet de loi C-38 et de plein de choses intéressantes. C'est ça, la réalité. Hier, le ministre, en parlant du projet de loi C-38, nous a décrit toutes sortes de positions qu'il avait prises sur l'industrie aérienne. Donc, c'est lui qui, en parlant du projet de loi C-38, a ouvert un débat beaucoup plus large que les simples discussions sur la capacité de détention d'actions.

Ce qu'il faut essayer de faire comprendre aux collègues du parti ministériel, du Parti libéral fédéral, c'est que la situation devenait intolérable avant le 11 septembre et que les événements du 11 septembre ont accentué cette situation. J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi le gouvernement n'a pas profité de l'occasion, comme d'autres gouvernement au monde, pour faire ressortir au public les problèmes de l'industrie aérienne. Par exemple, il aurait pu en profiter pour créer des programmes d'aide à la mise à la retraite et de temps partagé. De tels programmes auraient été bien reçus par les travailleurs et les travailleuses et surtout par la population dans un moment aussi catastrophique. Personne, au Canada, ne sait pas que l'industrie aérienne vit un grave problème.

Mon problème à moi, c'est que le ministre essaie de nous faire dire que les événements du 11 septembre sont un élément parmi tant d'autres, alors que ce sont ces événements qui ont déclenché une situation catastrophique.

Avez-vous analysé ce qu'auraient pu coûter des programmes d'aide à la préretraite pour les travailleurs, de temps partagé ou autres? Est-ce qu'une évaluation a été faite des coûts d'un programme qui aurait été mis en place rapidement par le gouvernement? Avez-vous pu évaluer cette situation ou s'il est encore trop tôt pour le faire?

• 1200

[Traduction]

M. Hassan Yussuff: En vérité, je suis heureux que vous ayez posé la question. Nous avons ici des données que nous avons fournies aux différents ministères. Nous discutions à l'époque de cette offre. Nous pensons que cela coûterait 117 millions de dollars pour aider les travailleurs qui seraient prêts à prendre leur retraite ou à se recycler et pour faire un certain nombre d'autres choses qui élimineraient plus ou moins la crise à laquelle se trouvent à l'heure actuelle confrontés les travailleurs et leurs familles.

Nous pensons que le coût serait minime. Nous avons fait des calculs que nous avons couchés sur papier. Nous vous fournirons copie de ce document, car il a déjà été déposé auprès des différents ministères qui se sont intéressés à la restructuration, aux mises à pied et à l'imposition de mises à pied dont les compagnies aériennes veulent frapper nos membres partout au pays.

[Français]

M. Mario Laframboise: J'apprécierais que vous le déposiez auprès du comité. Est-ce possible? Oui, et vous allez nous en faire parvenir une copie.

Est-ce que cela inclut le programme de temps partagé? Je souhaite que la situation du transport ne soit que temporaire. En attendant, vous discutez, et toutes les compagnies devraient, quant à moi, discuter d'un programme de temps partagé vous permettant de passer ce mauvais moment. J'espère qu'il ne durera pas plus d'une année. Avez-vous évalué combien le programme de temps partagé pourrait coûter globalement dans l'industrie? Est-ce inclus dans ces chiffres ou si c'est autre chose?

[Traduction]

M. Hassan Yussuff: Oui, tout cela y figure.

De la même façon, Air Canada, qui est l'un des principaux employeurs, a également eu la capacité d'examiner ces chiffres quant à ces changements.

M. Richard Balnis: J'aimerais ajouter simplement qu'en ce qui concerne le travail partagé, il importe de remercier ceux qui le méritent. La ministre Jane Stewart et son personnel ont accéléré leur travail avec notre syndicat pour essayer d'obtenir d'Air Canada, de Canada 3000 et d'Air Transat qu'ils élaborent des programmes de travail partagé.

Étant donné la façon dont fonctionnent les programmes de travail partagé, il vous faut avoir une demande conjointe. En d'autres termes, le syndicat doit traiter avec l'employeur et, dans certains cas, l'employeur n'a pas voulu aller plus loin avec le plan, alors le personnel de la ministre n'a pas pu nous donner accès au travail partagé.

Mais je vous dirai ceci: plusieurs membres de son personnel ont travaillé pendant de nombreuses fins de semaine pour tous ces syndicats, afin de veiller à ce que les programmes de travail partagé soient en place. Pour cela, nous sommes reconnaissants, et pour cela, il importe de féliciter la ministre, car son sous-ministre et ses SMA ont abattu beaucoup de travail pour accélérer le processus.

Malheureusement, comme je l'ai dit, Canada 3000 n'a pas voulu parler avec nous de programmes d'atténuation des conséquences: si vous ne voulez pas parler d'une baisse de salaire, accepter une baisse de salaire de 5 p. 100 à 10 p. 100, alors nous n'allons pas atténuer les mises à pied. Nous avons dit non, nous voulons une réduction des mises à pied. Cela ne coûte rien, c'est l'assurance-emploi qui intervient; cela économise en fait de l'argent à tout le monde. Ils ont dit que non, il nous fallait accepter une baisse de salaire.

Suite à cette discussion, ils ont fait leur demande d'urgence auprès du Conseil canadien des relations de travail disant: Royal n'est plus fusionné; nous vous mettons à pied.

Pour ce qui est du détail du programme de travail partagé, cela peut fonctionner lorsque toutes les parties sont d'accord, et je peux vous dire que la ministre Stewart était prête à faire fonctionner ce programme, et nous devons l'en féliciter. Notre président national et les autres membres du bureau l'ont rencontrée et elle a été claire et directe: voici ce que je peux faire pour vous et voici ce que je ne peux pas faire pour vous. Mais ce qu'elle a pu faire, elle l'a très bien fait.

[Français]

M. Mario Laframboise: Face à cette situation, suggérez-vous carrément qu'il y ait une procédure législative qui force les employeurs à accepter le temps partagé? Si cela ne coûte pas plus cher et que cela facilite la tâche à tout le monde en attendant la relance de l'industrie, je pense que quelque part, le gouvernement doit faire connaître ces réticences des employeurs et obliger ces derniers à participer à ce programme de temps partagé, comme on peut le faire dans le cas de l'assurance-emploi, qui est un programme obligatoire pour celui qui le demande. Si un syndicat demande un tel programme, ça devrait être obligatoire.

Le gouvernement a une responsabilité. Plutôt que de nous donner le projet de loi C-38, il pourrait légiférer de manière à obliger les employeurs à participer à un tel programme de temps partagé. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

M. Hassan Yussuff: Nous voudrions également lier les garanties de prêts à la nécessité pour les employeurs de s'asseoir avec le syndicat et de mettre au point le programme de travail partagé car, encore une fois, nous savons que si l'industrie devait reprendre, il faudrait que les travailleurs réintègrent l'industrie. Vous ne voulez pas mettre les gens à pied de façon permanente pour ensuite devoir composer avec des pénuries de compétences et tout le reste. Si donc une compagnie va obtenir du gouvernement des garanties de prêts, il faudrait que cela soit assorti de certaines conditions en matière de règlement des préoccupations des travailleurs.

• 1205

Une fois que la société touche l'argent, comme nous l'avons vu avec Canada 3000, elle dit: un instant, nous ne devons pas forcément nous conformer à de quelconques règles car il n'y a rien qui exige de nous que nous fassions ceci ou cela. Si la compagnie s'exécute, c'est ou par bonne volonté, ou par suite de pressions politiques ou de négociations avec le syndicat, mais il n'existe aucune exigence en la matière.

Il faudrait que les garanties de prêts soient assorties d'exigences ou de conditions en vertu desquelles pour qu'une société obtienne de l'argent du gouvernement il lui faudrait s'asseoir avec le syndicat et négocier un règlement. Nous avons déjà pris le chemin des concessions, et nous n'allons plus l'emprunter. Nous l'avons fait avec les Lignes aériennes Canadien, et je pense que les gens ont appris que tout ce qui va en résulter c'est que les gens vont revenir à la table et demander toujours plus. Ce n'est pas cela qui va régler la crise de l'industrie aérienne.

[Français]

M. Mario Laframboise: Vous avez tout à fait raison. Dans son discours, le ministre aurait pu, au lieu d'exiger une réduction d'effectif, exiger un programme de temps partagé lorsque cela aurait été applicable. Cela aurait été simple et cela aurait forcé les entreprises à négocier avec les syndicats. Cela n'aurait peut-être pas exigé une modification législative. Si le gouvernement, avant d'aider Canada 3000, avait obligé la compagnie à s'asseoir et à examiner la question d'un programme de temps partagé, je pense que cela aurait facilité la tâche de tout le monde.

J'espère que mes collègues en prendront bonne note et rapporteront au ministre ce qui doit lui être rapporté, monsieur Harvey.

Merci.

[Traduction]

Le président: Merci, Mario. Je pense que cette déclaration que vous venez de faire vient boucler la boucle.

Y a-t-il d'autres questions pour les témoins?

Il ne me reste plus qu'à remercier les témoins d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Votre participation au travail du comité est importante, et nous vous en sommes reconnaissants. Merci d'être venus.

Je vais suspendre la séance pour deux minutes. Nous discuterons rapidement de notre plan de travail, et il nous sera peut-être alors possible de nous rendre un petit peu plus tôt à la Chambre. La séance est levée.

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