TRGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT AND GOVERNMENT OPERATIONS
LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 7 novembre 2001
Le président (M. Ovid Jackson (Bruce—Grey—Owen Sound, Lib.)): Mesdames et messieurs, je déclare la séance ouverte. En conformité du paragraphe 108(2) du Règlement, nous sommes réunis pour étudier la sécurité aérienne au Canada.
Nous accueillons aujourd'hui David Thompson et Tony Porter, de la compagnie Aeroguard Ltd. Nous recevons aussi Mel Crothers, qui témoignage à titre personnel.
Nous allons commencer par Aeroguard Ltd., et nous écouterons ensuite M. Crothers, après quoi nous passerons aux questions.
M. David Thompson (président et chef de la direction, Aeroguard Ltd.): Le groupe Aeroguard comprend quatre compagnies ici au Canada: Aeroguard Inc., Aeroguard Eastern Limited, Aeroguard Company Limited, et Aeroguard Security Limited. Nous sommes en activité depuis 1986 et notre secteur d'activité de base est le contrôle des passagers et des bagages à main avant l'embarquement. Par exemple, ce sont nos agents ici à l'aéroport d'Ottawa qui font le contrôle des passagers et des bagages à main avant l'embarquement.
Nous fournissons actuellement ces services dans 25 aéroports au Canada. Nous employons approximativement 650 employés d'un bout à l'autre du Canada, et à peu près 80 p. 100 de nos employés sont syndiqués et ont signé une convention collective. Nous traitons avec un certain nombre de syndicats et avons signé des conventions collectives un peu partout au Canada. Notre compagnie appartient à des Canadiens et est dirigée par des Canadiens.
Actuellement, les services d'Aeroguard sont fournis dans les aéroports aux termes de contrats signés par les compagnies aériennes. Comme vous le savez probablement, ce sont les compagnies aériennes qui sont responsables du contrôle avant l'embarquement; en conséquence, celles-ci font appel à nous par contrat à titre de fournisseur privé. Nous fournissons du personnel qualifié et formé de contrôle avant l'embarquement. Nous fournissons également des superviseurs et des gestionnaires aux divers endroits où nous avons des activités.
• 1540
Nous facturons les compagnies aériennes aux termes de contrats
qui vont de d'un à cinq ans. Nous facturons à l'heure, selon le
nombre d'employés qui sont mis à la disposition des compagnies
aériennes.
Essentiellement, nous fonctionnons sous les auspices de Transports Canada pour ce qui est des règlements et des règles que nous appliquons. Pour devenir un contrôleur avant l'embarquement certifié, il faut suivre un cours en salle de classe, subir un examen écrit, suivre une formation pratique et ensuite subir un examen pratique. Les employés sont également tenus de respecter certaines normes médicales et d'obtenir un laissez-passer de zone réglementée, après avoir subi avec succès une vérification de sécurité.
Nos employés sont certifiés pour une période de deux ans, après quoi ils doivent renouveler leur certificat pour pouvoir continuer à travailler. Ils subissent un nouvel examen et doivent également subir un nouveau contrôle médical.
Nous avons actuellement des activités depuis Sydney, en Nouvelle-Écosse, jusqu'à Victoria, à l'île de Vancouver. Nous traitons avec quatre syndicats différents d'un bout à l'autre du pays, nommément l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale, les Métallurgistes unis d'Amérique, l'Union internationale des employés d'hôtels, motels et restaurants, et l'Union internationale des journaliers d'Amérique du Nord.
Depuis 1986, nous avons eu à un moment ou l'autre des activités dans tous les grands aéroports du Canada, y compris Toronto, Calgary, Edmonton et dans les Maritimes.
Nous sommes d'avis que le poste d'agent de contrôle avant l'embarquement se situe au niveau de l'entrée dans la population active. Les exigences en matière d'éducation sont minimes. En fait, on n'exige aucun niveau précis de scolarité ni aucune expérience.
Le travail lui-même correspond aux exigences de Transports Canada. Les tâches sont manuelles et répétitives. Le cours de formation comprend 20 heures en salle de classe et de huit à 40 heures d'expérience pratique, suivies d'un examen. Si les recrues réussissent l'examen, satisfont aux exigences médicales et obtiennent le laissez-passer de zone réglementée, ils obtiennent leur certification et deviennent des agents qualifiés de contrôle avant l'embarquement.
Notre taux de roulement annuel dans l'ensemble du pays est d'environ 25 p. 100 actuellement. Ce taux oscille entre zéro à certains endroits et plus de 86 p. 100 dans certains petits aéroports que nous desservons. Notre lieu de travail le plus important est Vancouver et l'année dernière, nous avons eu là-bas un taux de roulement du personnel d'environ 15 p. 100.
Comme je l'ai dit, la plupart de nos employés sont syndiqués, environ 80 p. 100. La rémunération et les avantages accordés à nos employés après négociation se situent généralement de 30 p. 100 à 60 p. 100 au-dessus du salaire minimum dans les provinces où nous avons des activités.
Nous sommes d'avis, quoique nous avons évidemment un préjugé favorable, que le système actuel de contrôle avant l'embarquement fonctionne de façon acceptable. Nos employés fournissent les services requis, ils respectent les normes qui ont été fixées et ils s'occupent de tout problème éventuel.
Je voudrais dire en terminant que le contrôle avant l'embarquement ne représente qu'un petit élément de l'ensemble des mesures de sécurité prises dans un aéroport. Je pense que le système fonctionne relativement bien.
Globalement, le réseau de sécurité de notre pays bénéficierait probablement d'une meilleure coordination de toutes les parties qui assurent la sécurité à l'aéroport. Il y a souvent un certain nombre de fournisseurs différents. Souvent, l'exploitant de l'aéroport fait appel à un ou deux fournisseurs qui assurent des services quelconques de sécurité, en plus de la GRC ou de la police locale et de Transports Canada. Nous sommes d'avis qu'il serait probablement avantageux que tous les services fournis par l'ensemble de ces groupes soient mieux coordonnés, de manière que chaque partie sache ce que les autres parties font, quelles sont les préoccupations, de manière à agir ensemble d'une façon plus proactive.
Voilà essentiellement la teneur de mes observations aujourd'hui.
Le président: Merci.
Avant d'entendre Mel Crothers, je veux souhaiter la bienvenue à l'Association canadienne des chefs de police. Nous accueillons Vince Bevan et Pat Flanagan. Soyez les bienvenus, messieurs.
Mel, je vous invite maintenant à nous donner votre exposé. Nous entendrons ensuite les chefs de police.
M. Mel Crothers (témoignage à titre personnel): Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité permanent des transports et des opérations gouvernementales, je me présente devant vous en tant que participant au monde de l'aviation depuis plus de 32 ans dans les domaines des vols nolisés, du fret aérien, de l'exploitation des aéroports et des ventes voyageurs, avec spécialisation dans le réseau de distribution des agences de voyage. Aujourd'hui, j'aborderai les nombreux problèmes de sécurité auxquels l'industrie fait face en cette époque troublée. Toutefois, après mon exposé, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions sur n'importe quelle facette de mon expérience.
• 1545
Un certain laisser-aller et l'absence de toute menace
identifiable sont sans doute ce qui explique avant tout que les
événements du 11 septembre aient pu se produire. Tout d'abord, je
ne crois pas qu'il soit possible d'éliminer complètement les
détournements d'avion et le terrorisme dans les transports.
Toutefois, moyennant une certaine prudence dans la conception, la
planification et l'exécution, nous pouvons éliminer la vaste
majorité des risques que courent le public voyageur et les gens qui
travaillent pour l'industrie des transports.
Le laisser-aller n'est pas prêt de disparaître. Il est certain que, lorsque vos employés sont mal rémunérés, que vous leur offrez peu de possibilités d'avancement, que vous leur demandez de surveiller un petit écran et de contrôler les passagers jour après jour, il y a possibilité d'erreur. Pour changer les choses, il est impératif d'axer les efforts sur la qualité des employés embauchés, la valeur de l'emploi en question et la formation dispensée à ces employés.
Je tiens à souligner ici que des progrès ont déjà été constatés sur le plan de la sécurité préliminaire dans les grands aéroports canadiens. Le fait que Transports Canada effectue couramment des vérifications périodiques et des contrôles aléatoires parmi le personnel chargé du contrôle contribue beaucoup au maintien de la vigilance.
Dans l'allocution qu'il a prononcée devant vous le 4 octobre dernier, l'honorable ministre a cité l'Aéroport londonien de Heathrow comme modèle de sécurité. Qu'est-ce qui est différent à Heathrow? Après une vérification de sécurité préliminaire intensive, et j'ajoute immédiatement qu'elle ressemble à celles qui sont actuellement pratiquées dans les grands aéroports du Canada, les passagers entrent dans une zone sécuritaire. Après la période habituelle consacrée aux achats hors taxe, 70 minutes avant le départ, les voyageurs sont priés de se rendre à leur porte d'embarquement. À cet endroit, dans le cas des vols comportant un risque plus élevé, ils subissent un deuxième contrôle et pénètrent ensuite dans une zone d'embarquement fermée et sécuritaire. Cette salle a déjà fait l'objet d'une vérification et elle a été débarrassée de tout objet qui aurait pu y être abandonné, afin d'être sécurisé avant l'arrivée des passagers.
Un des éléments de ce processus qui serait applicable pour nous ici au Canada est celui de l'appel adressé aux passagers et au personnel aérien non opérationnel, précisant le numéro de la porte 70 minutes avant l'embarquement. Dans la vaste majorité des détournements d'avion, d'après mon expérience, les pirates de l'air sont aidés parfois par un membre du personnel de l'aéroport à l'intérieur de la zone de sécurité.
Si vous receviez un avertissement personnel vous prévenant que quelqu'un souhaite vous kidnapper, votre police locale vous dirait probablement de changer votre itinéraire et l'heure de votre départ. Le fait de maintenir un horaire immuable, jour après jour, relève du laisser-aller.
Je crois que la sécurité d'un avion risque davantage d'être compromise si les terrorismes savent, des heures à l'avance, que le vol 123 Toronto-Vancouver partira de la porte 71, à l'aérogare 2 de l'aéroport Pearson. Il est stupide de leur donner de tels renseignements aussi longtemps d'avance.
La plupart des transporteurs travaillent dans des zones groupées. Les avions navettes utilisent telle série de portes, tandis que les avions chargés par la soute inférieure et n'utilisant pas de conteneurs à bagage provenant d'un autre avion, et les avions aménagés pour le transport des conteneurs sont regroupés ailleurs. Il n'en coûterait pas très cher d'annoncer la liste d'attribution des portes dans un délai beaucoup plus court.
Un deuxième élément tiré de mon expérience à Heathrow pourrait aussi nous servir dans certains cas. Dans presque tous nos grands aéroports, il existe un certain nombre de portes isolées où pourrait avoir lieu la deuxième inspection, dans le cas des vols à plus haut risque, lorsque l'organisme de sécurité compétent le juge nécessaire.
Du point de vue du transporteur, le coût des mesures de sécurité supplémentaires est d'une importance primordiale. Il faudrait que ces frais soient à la charge de toutes les parties, pas seulement des transporteurs.
Deuxièmement, il ne faudrait pas que la sécurité gêne l'administration efficace des vols au sol. WestJet et Canada 3000 sont deux lignes aériennes qui s'enorgueillissent de leur utilisation intensive des appareils. En effet, ces sociétés font voler chaque appareil plus de 300 heures par mois. Si la sécurité entrave le roulement pour un transporteur comme WestJet, dont le battement se situe actuellement entre 20 et 25 minutes, et que ce délai atteint une heure, la société perdra chaque jour entre trois et quatre heures d'utilisation de chacun et de ces appareils. Ce serait inacceptable.
Il nous reste toutefois un autre point faible à corriger. Notre processus d'inspection préliminaire est bon, comme je l'ai dit, et il englobe désormais les équipages et les employés de soutien qui doivent travailler à l'intérieur de la zone sécuritaire.
Toutefois, ce qui ne fait l'objet d'aucun contrôle pour l'instant, ce sont les biens et les équipements qui sont apportés dans la zone pour approvisionner les boutiques et les restaurants. Il faudrait que toute la zone située au-delà de la barrière de l'inspection préliminaire soit stérile, un point c'est tout. Rien ne devrait être autorisé à entrer dans la zone de sécurité stérile qui puisse servir à détourner un avion ou à blesser des passagers ou des membres d'équipage. Tout doit être vérifié au rayon-X et autorisé.
Demandons-nous aux employés des cuisines de mettre sous clé leurs couteaux et autres objets coupants lorsqu'ils ferment leur concession? Un réparateur de téléphone est-il tenu d'enregistrer le nombre d'outils dangereux qu'il apporte dans la zone pour procéder à sa réparation, et ensuite de démontrer que ces outils ont bel et bien été sortis de la zone une fois le travail terminé? Je ne crois pas que ce soit le cas.
Une fois cela fait, la question de l'inspection secondaire ne se poserait plus. Les amis des terroristes qui ont l'intention de les aider à l'intérieur de l'aéroport sont déjà freinés par le haut niveau des contrôles de sécurité. Si les portes d'embarquement sont annoncées peu de temps avant les départs, leur capacité de planification s'en trouvera grandement entravée.
• 1550
En terminant, je dirais que les lignes aériennes ont des
besoins sur deux plans. Il faut que les frais soient absorbés par
toutes les parties, pas seulement par les transporteurs. De plus,
nous ne devons pas appliquer des règles de sécurité coûteuses aux
abords mêmes des portes, d'une manière qui gêne le roulement rapide
des avions. Le temps c'est de l'argent, et le rythme d'utilisation
des avions est capital sur le plan financier. Avec de bonnes
mesures de sécurité et des zones d'embarquement vraiment stériles,
le public voyageur et les transporteurs feront de nouveau confiance
à notre réseau de transport au Canada.
Merci.
Le président: Merci, Mel.
J'ai toujours pensé, quand je passais à Francfort et que je devais avoir l'oeil sur le tableau indicateur pour me précipiter ensuite vers mon vol, que ces gens-là cherchaient probablement à vérifier si je pouvais courir. Mais maintenant, je comprends pourquoi.
Nous allons maintenant entendre les chefs de police.
[Français]
Chef Vince Bevan (vice-président, Association canadienne des chefs de police): Merci.
Monsieur le président, membres du comité, mon nom est Vince Bevan, chef de police du Service de police d'Ottawa et président adjoint de l'Association canadienne des chefs de police. Cet après-midi, il me fait plaisir de présenter aux membres du comité le sergent d'état-major Pat Flanagan du Service de police d'Ottawa. Il est l'agent responsable pour la sécurité à l'Aéroport international d'Ottawa. Je suis aussi accompagné cet après-midi de Vince Westwick, coprésident du Comité de modification des lois de l'association. M. Westwick est présent dans la galerie.
L'Association canadienne des chefs de police représente 950 chefs, chefs adjoints et membres exécutifs de services de police et plus de 130 services de police à travers le Canada. L'association s'engage à modifier progressivement les lois associées au crime et aux questions qui touchent la sécurité de la communauté.
[Traduction]
C'est un honneur et un plaisir d'être ici aujourd'hui devant le comité. L'Association canadienne des chefs de police comparaît habituellement devant vos collègues du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. En fait, l'Association canadienne des chefs de police a justement témoigné devant ce comité jeudi dernier, pour présenter notre position sur le projet de loi C-36, la Loi antiterroriste. De plus, la semaine dernière nous avons eu le plaisir de témoigner devant le Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements, sur des questions relatives à la sécurité frontalière Canada-États-Unis. Je crois que c'est la toute première fois que nous témoignons devant votre comité et nous vous sommes très reconnaissants de nous en avoir donné l'occasion.
Je voudrais pour commencer passer en revue l'histoire récente de la police dans les aéroports. Avant la fin des années 60, il n'y avait pas vraiment de surveillance policière à proprement parler dans nos aéroports nationaux. À la fin des années 60, la GRC a commencé à poster des gendarmes dans les principaux aéroports à cause de la menace de détournement d'avions et de l'augmentation considérable du nombre des vols commerciaux. Ce programme a été renforcé sensiblement au début des années 70 et, en 1973-1974, la GRC postait dans nos aéroports nationaux de nombreux gendarmes spéciaux qui avaient reçu une formation spéciale à cette fin.
Étant donné les différentes responsabilités fédérales et provinciales en regard de la loi, la fonction policière dans nos grands aéroports est une responsabilité partagée. La sécurité dans les aéroports fait habituellement intervenir les services de police municipaux et fédéral, les commissionnaires, les agents de sécurité de l'administration aéroportuaire, et les agents de sécurité des compagnies aériennes, comme nous l'ont dit les intervenants précédents. Chacun de ces groupes a son propre mandat.
Avant 1997, des questions de compétence se posaient quand la GRC était seule responsable des services de police dans ce que l'on appelle les aéroports de classe 1. La GRC avait la responsabilité de la sécurité générale, puisque le gouvernement fédéral était propriétaire des aéroports, mais les services de police locaux conservaient la responsabilité de la surveillance policière ordinaire, par exemple en ce qui a trait à l'application du Code criminel sur le territoire aéroportuaire. Ce système fonctionnait raisonnablement bien, même si des problèmes surgissaient parfois à cause du partage des compétences.
Depuis 1997, la responsabilité de la surveillance policière des aéroports a été transférée aux services de police locaux. Par exemple, à Ottawa, le Service de police d'Ottawa assume toutes les tâches policières associées aux aéroports, éliminant ainsi certains problèmes qui découlaient du partage des compétences.
Il est important de signaler, à mon avis, que les administrations aéroportuaires et les compagnies aériennes ont leurs propres responsabilités dans le domaine de la sécurité, qui sont habituellement assumées par des entreprises privées de sécurité ou encore par le Corps canadien des commissionnaires.
• 1555
Vous remarquerez que je n'ai pas parlé des douanes et de
l'immigration, qui sont bien sûr des fonctions qui prennent place
dans tous les aéroports internationaux. Cela élargit
considérablement le débat et soulève une foule d'autres questions
tout aussi importantes.
Monsieur le président, si vous me le permettez, je voudrais maintenant demander au sergent d'état-major Flanagan, qui est l'officier responsable à l'aéroport, de vous décrire le travail qu'il accomplit tous les jours.
[Français]
Sergent d'état-major Pat Flanagan (Association canadienne des chefs de police): Monsieur le président,
[Traduction]
mesdames et messieurs les membres du comité.
Au sujet de la question des policiers de l'air et de la sécurité des vols, les questions de partage des compétences ont surgi au premier plan avec l'introduction d'un programme de policiers de l'air. À l'heure actuelle, aux termes de la nouvelle réglementation de la FAA, il est obligatoire de poster un agent en civil armé à la porte d'embarquement, en plus du policier de l'air qui prend place à bord de chaque avion. S'agira-t-il d'un agent local ou fédéral, ou même d'un agent de sécurité fourni par une compagnie privée?
Il y a tout un débat sur la question des policiers de l'air. À première vue, ce programme comporte des avantages, mais il y a aussi des inconvénients à avoir une personne armée à bord d'un avion. Il y aussi la question du stockage des armes à feu utilisées par les policiers de l'air, qu'ils soient canadiens ou américains, lorsqu'ils arrivent à destination ailleurs que dans leur ville d'origine. Il faut discuter de la possibilité de recourir à diverses options permettant la neutralisation sans effet mortel, par exemple en utilisant un Taser. À notre avis, c'est un programme qui exige une étude plus approfondie.
Depuis le 11 septembre, on peut résumer de la façon suivante les changements qui ont été apportés dans les aéroports en matière de sécurité.
Transports Canada a introduit un certain nombre de nouvelles mesures de sécurité. Il incombe aux compagnies aériennes et aux administrations aéroportuaires de s'assurer que ces mesures sont appliquées. Toutefois, il incombe aussi aux services de police compétents de veiller à l'application de ces nouvelles mesures.
La présence policière dans les aéroports de classe 1 a été considérablement renforcée à la suite des attentats du 11 septembre. On peut comprendre l'ampleur des ressources policières nécessaires pour rendre sécuritaire un aéroport. À l'heure actuelle, les effectifs policiers dans les aéroports demeurent à un niveau plus élevé.
Le nombre des points d'accès aux zones à accès restreint a été réduit pour permettre de faire une vérification individuelle de la carte d'identité de toutes les personnes qui exigent d'avoir accès aux avions. Certains points d'accès aux zones à accès restreint ont même été fermés complètement. Si cela comporte certains avantages, il y a aussi des inconvénients parce que le délai d'intervention de la police et des agents de sécurité peut en être allongé et la sécurité de l'agent peut en être amoindrie.
Des agents de police en uniforme doivent maintenant obligatoirement être présents pendant les heures d'ouverture dans les aires d'embarquement aux États-Unis. Actuellement, un comité se penche sur les procédures de fonctionnement courantes relativement à la nouvelle entente entre le Canada et les États-Unis sur le prédédouanement. L'annexe II de cette entente stipule le temps que chaque service de police doit consacrer aux aires de prédédouanement à destination des États-Unis dans les aéroports de classe 1 au Canada.
Étant donné la conscientisation générale du grand public à la suite du 11 septembre, la police a dû intervenir plus souvent ces derniers temps en raison d'activités ou de colis suspects. Cela comprend beaucoup d'alertes impliquant des matières dangereuses.
En outre, les passagers sont maintenant tenus de fournir une carte d'identité avec photo avant de monter à bord de l'avion.
Chef Bevan.
[Français]
Chef Vince Bevan: Pour conclure, monsieur le président, je voudrais fournir des recommandations au comité.
[Traduction]
D'abord et avant tout, il est impératif d'établir un cadre formel de communication pour que l'information soit recueillie et diffusée de façon plus efficace et efficiente aux organismes de police dans les grands aéroports du Canada. Bien qu'il y ait partage officieux d'information entre certaines parties, il existe un besoin d'un organe central pour la collecte de toute information susceptible de compromettre la sécurité des aéroports et des passagers. Cela comprend le renseignement de sécurité dans le domaine de l'aviation.
• 1600
L'élément le plus critique de la sécurité de l'aviation doit
être le réseautage. Nous devrions assurer une surveillance
policière axée sur le renseignement en ce qui a trait au problème
de terrorisme dans les aéroports. Il est également nécessaire de
rehausser d'un cran la qualité des communications en mettant en
place un groupe de commandement de la police aéroportuaire pour
faciliter cette mise en réseau. Ce groupe comprendrait les
commandants de tous les aéroports de classe 1 du Canada et se
réunirait pour discuter des questions d'intérêt national.
Le mandat de ce groupe de commandement serait de constituer une tribune pour les commandants d'aéroport pour les aider à acquérir les connaissances, habilités et aptitudes nécessaires au travail de la police dans un environnement aéroportuaire; examiner les questions stratégiques dans le domaine de la police; identifier les meilleures pratiques; préconiser une approche globale à toutes les politiques en matière de police dans tous les aéroports; faciliter les opérations conjointes; et discuter des questions de formation pertinentes.
Le Service de police d'Ottawa a fait un pas de géant vers la formation d'un réseau de communication officiel en étant l'hôte d'une conférence canadienne sur la police dans les aéroports, qui a eu lieu à Ottawa en octobre dernier.
Beaucoup de participants à la conférence étaient d'accord sur un point, à savoir que la sécurité commence au niveau du sol, longtemps avant qu'un voyageur ait reçu l'autorisation d'entrer dans une aire restreinte. Il faut mettre en place les mécanismes voulus pour empêcher les armes et certains voyageurs d'entrer dans les zones d'accès restreint et, en fin de compte, de monter à bord de l'appareil.
En disant cela, je suis très conscient des préoccupations des forces de l'ordre américaines en ce qui a trait à la sécurité de la frontière canado-américaine. Il est impératif que nous prenions les mesures voulues pour renforcer la sécurité à la frontière, y compris dans nos aéroports. Il est tout aussi important d'écarter les idées fausses, surtout aux États-Unis, au sujet du niveau de sécurité à la frontière canadienne et dans nos aéroports.
Notre recommandation est tout à fait conforme au thème de la présentation faite par l'Association canadienne des chefs de police devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-36. En effet, s'exprimant au nom de l'Association, le chef Sarrazin de Montréal a dit ceci:
-
Il y a une nouvelle harmonie dans la communauté policière: la
communication interagence au niveau de la haute direction entraîne
la collaboration sur le terrain. Nous devons renforcer et
officialiser notre approche commune et établir des partenariats
avec les ministères et organismes qui partagent avec nous la
responsabilité d'assurer la sécurité au Canada. Ce progrès a
commencé avec le travail dans le domaine du crime organisé et a été
accéléré par les événements du 11 septembre.
-
Les défis à long terme qu'il faudra relever pour enrayer le
terrorisme exigent que le Canada mette au point un modèle qui
permettrait d'étoffer, d'officialiser et d'institutionnaliser
l'approche et la collaboration que nous avons aujourd'hui.
[Français]
Monsieur le président, merci de cette occasion qui m'a été donnée de m'adresser à vous. Je suis à la disposition des membres du comité pour répondre à leurs questions.
[Traduction]
Le président: Merci, messieurs. C'était un exposé très instructif.
Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par M. James Moore, qui est le porte-parole de l'opposition officielle.
M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne): Merci.
Je suis reconnaissant à tous les témoins d'être venus. Je sais que certains d'entre vous ont dû faire un long voyage. Votre participation sera prise très au sérieux alors que nous examinons cette question de la sécurité aéroportuaire.
Monsieur Thompson, vous avez dit qu'en moyenne, le taux de roulement de votre personnel de sécurité est de 25 p. 100, et de 15 p. 100 en Colombie-Britannique. Est-ce par année?
M. David Thompson: Oui, ce sont nos plus récents taux annuels de roulement.
M. James Moore: Quelles sont les principales raisons des départs? Est-ce que les gens passent à autre chose, par exemple les études universitaires?
M. David Thompson: Le poste de contrôleur avant l'embarquement est essentiellement un travail du niveau d'entrée sur le marché du travail. Le taux de roulement sera toujours relativement élevé en comparaison d'autres secteurs, parce que les perspectives d'avancement n'existent pas.
M. James Moore: Ma question est peut-être tout à fait impolitique, mais elle est importante: combien les contrôleurs sont-ils payés?
M. David Thompson: À quel endroit? Ou bien voulez-vous dire en général?
M. James Moore: En moyenne.
M. David Thompson: Cela varie selon les endroits. Notre taux horaire le plus élevé à l'aéroport de Vancouver, par exemple, est de 10,05 $ l'heure.
M. James Moore: C'est le maximum?
M. David Thompson: C'est la rémunération maximale pour un agent de contrôle avant l'embarquement. Cela ne s'applique pas à nos superviseurs et gestionnaires.
M. James Moore: Y a-t-il des avantages sociaux?
M. David Thompson: Ils ont des avantages sociaux, notamment des congés de maladie et aussi d'autres avantages.
M. James Moore: Il y a deux écoles de pensée sur le financement de la sécurité dans les aéroports. Il y a d'une part ceux qui disent qu'il faut une présence importante du secteur privé parce que cela permet aux transporteurs aériens—probablement Air Canada—de choisir la compagnie de sécurité à laquelle elle décide de s'adresser pour acheter des services.
Il y a un élément du libre marché qui manque et que l'on ne peut pas vraiment injecter, à savoir qu'Air Canada pourrait ensuite commercialiser, dans un marché libre, le régime de sécurité que la compagnie a déployé, en comparaison de ce que d'autres transporteurs ont fait. Mais cela ne peut pas se faire. Par conséquent, d'autres soutiennent que le transporteur aérien doit alors accorder le contrat à l'entrepreneur le moins disant.
Les transporteurs aériens lésinent-ils en retenant les services de l'entrepreneur le moins disant?
M. David Thompson: Le seul commentaire que je peux faire là-dessus, c'est qu'avant 1992, les contrats de contrôle avant l'embarquement dans les aéroports faisaient régulièrement l'objet d'appels d'offres. Ils étaient accordés à des fournisseurs du marché privé. Tous les trois ans, essentiellement, on s'adressait au marché et l'on disait: «Écoutez, faites-nous des offres. Nous vous demandons de vous charger de la sécurité et dites-nous votre prix.» Depuis 1992, il y a très peu de roulement dans nos contrats. Il a été décidé de négocier normalement avec le fournisseur existant.
Par ailleurs, comme je l'ai dit, la majorité de nos employés sont syndiqués et nous devons donc négocier pour établir des conventions collectives. De par sa nature, le poste exige des tâches manuelles et répétitives. Nos employés font bien leur travail, à mon avis—bien sûr, j'ai un parti pris là-dessus. Ils font du bon travail compte tenu des tâches qu'on leur demande de faire.
Le taux salarial que j'ai mentionné à Vancouver est le résultat cette année de l'arbitrage fédéral. C'est le montant accordé par l'arbitre; le tarif de 10,05 $ l'heure est le montant que l'arbitre a accordé aux employés. Je n'ai rien d'autre à ajouter.
M. James Moore: Préféreriez-vous que le régime de financement soit différent? Au lieu que ce soit les transporteurs aériens qui payent, préféreriez-vous que le coût soit intégré au prix du billet? Cela donnerait-il nécessairement de meilleurs revenus?
M. David Thompson: Je ne peux pas répondre à cela, en ce sens que nos relations avec les compagnies aériennes... C'est normalement Air Canada qui administre le contrat; toutefois, toutes les compagnies aériennes participent au choix de la compagnie à un aéroport donné. Nous n'avons pas vraiment de problèmes dans nos relations avec Air Canada, pas plus qu'avec Canadien, à l'époque où cette compagnie existait encore et était l'administrateur du contrat dans beaucoup d'aéroports. À certains endroits, nous faisons affaire avec WestJet. Nous traitons avec eux également dans un environnement de marché libre.
M. James Moore: Monsieur Crothers, vous avez parlé—et c'est intéressant—de l'inspection préliminaire de la nourriture servie dans les avions et des outils de ceux qui effectuent les réparations, par exemple. Mais, évidemment, le battement au sol préoccupe les transporteurs. Je sais que nous avons discuté du fait que Canada 3000 était reconnu pour avoir un temps d'escale rapide. C'est tout ce qui leur permet vraiment de rester en activité encore aujourd'hui.
Savez-vous ce que pensent—ou ce que vous ont dit ou pourraient vous dire—les transporteurs aériens au sujet de la prolongation du temps d'escale pour des raisons de sécurité et de l'impact que cela pourrait avoir sur eux?
M. Mel Crothers: Essentiellement, les transporteurs veulent que l'équipe de M. Thompson fasse son travail de son mieux, sans commettre d'erreur et en veillant à ce que tout ce qui est derrière la barrière de sécurité—là où se trouve le Tim Horton où vous achetez votre beigne—soit protégé. Ils ne veulent avoir aucune inquiétude. Ils veulent simplement pouvoir préparer l'avion en 25 minutes. Cette zone est vraiment sécuritaire et stérile. Rien ne peut menacer les passagers ou l'avion.
M. James Moore: Hier, à la Chambre, j'ai raconté qu'il y a une dizaine de jours, à l'aéroport O'Hare de Chicago, des gens ont traversé le premier contrôle sécuritaire avec une masse et des couteaux avant de se faire intercepter. C'est au moment d'embarquer dans l'avion à l'aéroport O'Hare... Je ne sais pas exactement comment le processus fonctionne, mais il est sélectif; je ne sais pas si on cherche un certain profil ou non. On fouille les passagers au moment de l'embarquement. Quand vous présentez votre billet, on vous demande si on peut jeter un coup d'oeil dans votre sac. On a autorisé le personnel à le faire. C'est un niveau de sécurité qui n'existe pas au Canada. Serait-il efficace, et est-il nécessaire?
M. Mel Crothers: J'ai vu cela à l'aéroport Logan le 17 octobre, alors que je quittais Boston pour revenir à Calgary. Un jeune homme de type moyen-oriental s'est fait repérer par deux militaires armés de fusils et de tout le reste.
• 1610
Évidemment, c'est une préoccupation très concrète. Cela touche
bien des aspects, et notamment la question des droits de la
personne.
Les transporteurs sont contents si tous les gens qui se trouvent dans la zone de sécurité se comportent correctement et qu'il n'y a rien d'inquiétant; c'est ce qu'ils veulent. Pour cela, il faut faire intervenir les employés de M. Thompson, les forces de police locales... La solution n'est pas facile.
M. James Moore: Ma prochaine question s'adresse à tous. Je ne connais pas la réponse et j'aimerais bien que quelqu'un puisse m'éclairer. Quelles sont exactement les mesures de sécurité auxquelles les traiteurs doivent se plier avant de monter la nourriture à bord de l'avion?
M. Mel Crothers: Parlez-vous de la nourriture servie à bord de l'avion, ou des beignes qu'on achète chez Tim Horton?
M. James Moore: Je parle de la nourriture à bord de l'avion, pas dans l'aéroport, mais dans l'avion.
Sgt é.-m. Pat Flanagan: Selon que la nourriture vient de l'aérogare ou d'un concessionnaire qui se trouve dans la zone réservée, Transports Canada a adopté des mesures pour qu'on vérifie le contenu du véhicule qui sera transféré dans l'avion. De plus, on vérifie l'identité de la personne qui conduit le véhicule pour s'assurer que tout concorde.
M. James Moore: D'accord.
Monsieur Thompson, il y a environ un mois je pense, les chiffres de Transports Canada ont indiqué qu'entre mai 2000 et mai 2001 on a échoué dans un cas sur cinq à repérer des répliques d'armes à feu, de couteaux et d'explosifs aux postes de sécurité des aéroports—c'est-à-dire qu'on a réussi à déjouer les contrôles. Le ministre a répondu qu'on faisait de gros efforts, et qu'on trouvait vraiment de nouveaux moyens de déjouer les contrôles de sécurité, ce qui explique le taux de succès élevé.
Dites-moi ce que vous pensez de ce taux d'échec de un sur cinq et à qui on devrait en attribuer la responsabilité.
M. David Thompson: Je ne me sens vraiment pas assez compétent pour répondre à cette question. En fait, nous contrôlons les passagers avant l'embarquement conformément aux normes qui sont prévues dans les lois sur les transports.
On fait des vérifications en essayant de faire passer des objets interdits. On est parfois très rusé mais, évidemment, ce qu'on cherche, c'est améliorer les compétences de notre personnel et de tout le monde. Mais on a repéré les armes quatre fois sur cinq, et on a échoué une fois sur cinq. D'après mes discussions avec les administrateurs d'autres aéroports du monde, un taux de succès de 80 p. 100 dans ce genre d'opération n'est pas mauvais, selon que vous essayez de repérer des explosifs, des armes à feu ou des couteaux. Je ne connais pas beaucoup d'endroits où le taux de succès est de 100 p. 100.
J'ajouterais—et, encore une fois, je ne suis pas un expert en la matière—que la question de la sécurité est relative à la menace et au risque. On peut toujours élaborer un système de sécurité permettant de découvrir 99 p. 100 des problèmes qui pourraient survenir. Ce qu'il faut se demander, c'est quelle est la menace et le risque, quelles sont les ressources financières qu'on est prêt à mobiliser et à quels aspects des droits civils on est prêt à renoncer—sans parler des retards pour ce qui est des départs d'avion.
Transports Canada peut probablement répondre à cette question plus directement étant donné, si je comprends bien, que cela fait partie de son rôle à notre égard. Il évalue la menace et le risque que quelque chose se produise et il détermine le niveau de sécurité à maintenir en fonction de cette évaluation. C'est essentiellement ce que notre personnel de sécurité fait, respecter le niveau demandé.
Comme vous le savez, depuis le 11 septembre—immédiatement après cette date, je pense—on a tout simplement interdit tous les objets coupants à bord des avions. Avant le 11 septembre, les couteaux ayant une lame de 10 centimètres étaient autorisés. Les règlements permettaient ces objets à bord des avions, en raison de l'évaluation de la menace et du risque. C'était évidemment une erreur, mais c'était toujours permis.
M. James Moore: Nous avons toujours en main des couteaux qui peuvent couper une poitrine de poulet, donc tout...
Le président: Monsieur Cannis, du Parti libéral.
M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. Il y aura un deuxième tour, j'imagine, monsieur le président?
Le président: Oui, si nous en avons le temps.
M. John Cannis: Messieurs, merci d'être venus nous éclairer sur ce sujet. J'ai tellement de questions que je ne sais pas si je pourrai toutes les poser pendant le premier tour, mais j'espère qu'il y en aura un deuxième.
Monsieur Thompson, vous avez parlé d'améliorer les compétences du personnel. Vous avez dit que le personnel recevait une formation de 20 à 40 heures, peut-être d'une soixantaine d'heures au total. Y a-t-il de la formation permanente par la suite?
M. David Thompson: Essentiellement, oui. Nous assurons des services de supervision et de gestion dans tous nos aéroports. Nous avons au moins un gestionnaire à temps plein dans certains des plus gros aéroports, et il y a habituellement au moins un superviseur à chaque point de contrôle en tout temps.
M. John Cannis: Oui, mais comment améliorer leurs compétences, pour reprendre vos mots? Nous savons que les choses évoluent. Nous procédions d'une certaine façon dans les années 60 et d'une autre dans les années 70. Des changements sont survenus dans les années 80 et dans les années 90, et nous nous adaptons en conséquence. Les forces de police modifient constamment leurs méthodes de lutte contre le crime, par exemple. Nous révisons les lois et apportons des modifications en fonction de la réalité du moment. Est-ce que vos 600 et quelque employés suivent des cours de perfectionnement sur une base régulière?
M. David Thompson: Pour ce qui est du choix de l'équipement et de la nature des contrôles de sécurité—que ce soit pour détecter des explosifs par reniflage et le reste—ce n'est pas de notre ressort. Nous ne nous occupons pas du choix de l'équipement, de son achat et de son entretien. Nous fournissons le personnel qui l'utilise.
M. John Cannis: Pour utiliser l'équipement, les employés doivent recevoir une formation.
M. David Thompson: Ils la reçoivent. Oui, ils reçoivent la formation nécessaire quand il y a du nouvel équipement. Par exemple, nous recevons actuellement du matériel de détection d'explosifs par reniflage...
M. John Cannis: Ils reçoivent donc une formation.
M. David Thompson: ...et ils recevront la formation pour l'utiliser.
M. John Cannis: Nous avons entendu dire maintes et maintes fois depuis le 11 septembre que, malheureusement, il y a des coûts associés à cela. Il faudra de l'argent, et on parle de centaines de millions et de milliards de dollars. Mes électeurs se demandent d'où sortent ces chiffres. Comment peut-on tout à coup arriver à dire que nous avons besoin de 200 ou 300 millions de dollars de plus? M. Moore vient aussi de parler des coûts.
Votre employé le mieux payé touche 10,05 $ à Vancouver. Vous versez donc entre 7 et 10 $ environ. Est-ce exact?
M. David Thompson: Oui, je pense que le salaire minimum est de 8 $ maintenant en Colombie-Britannique. C'est donc entre 8 et 10 $.
M. John Cannis: Vous avez dit qu'il y avait quatre entreprises. Ces entreprises ont-elles des liens entre elles, ou sont-elles des entités distinctes?
M. David Thompson: Ce sont des entités distinctes. Elles exercent leurs activités dans différentes régions et différents aéroports.
M. John Cannis: Mais il n'y a aucun lien entre elles?
M. David Thompson: Il y en a un sur le plan de la propriété, oui.
M. John Cannis: D'accord. On peut vraiment dire qu'elles ont le même propriétaire—peu importe comment elles sont réparties. C'est une pyramide. En bout de ligne, c'est la même poche.
M. David Thompson: C'est le groupe Aeroguard, oui.
M. John Cannis: Bon, parfait. Vous obtenez des contrats des compagnies aériennes.
M. David Thompson: Oui.
M. John Cannis: Vous embauchez des employés et vous devez évidemment réaliser des profits. C'est logique. Pour payer un employé 10 $, vous facturez donc 14, 15 ou 16 $ à la compagnie, n'est-ce pas?
M. David Thompson: Non.
M. John Cannis: Vous lui facturez 10,05 $?
M. David Thompson: Non.
M. John Cannis: Que lui demandez-vous?
M. David Thompson: C'est moins que cela. Nos marges de profit sont très minces dans ce domaine.
M. John Cannis: Donc, pour les contributions syndicales, le recyclage, les uniformes, et le reste, vous percevez un dollar de plus à la compagnie.
M. David Thompson: Même plus que cela, mais c'est...
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, PC/RD): Vous demandez de connaître des secrets d'entreprise.
M. David Thompson: Oui. De toute façon nous majorons les prix.
M. John Cannis: Vous majorez les prix, évidemment, parce que, comme on le dit plus au Sud d'après ce que j'ai entendu dire, nous avons confié ce travail au secteur privé. Nous constatons de toute évidence que cela ne fonctionne pas.
Par le passé, les contrôles de sécurité étaient effectués par des employés fédéraux. Nous avons des gardes de sécurité sur la Colline. Pourquoi sont-ils fonctionnaires? Pourquoi ne sont-ils pas engagés à contrat? Des membres de la GRC surveillent d'autres immeubles. Pourquoi ne confions-nous pas cette tâche à une firme de l'extérieur?
D'après mes électeurs, nous avons essayé cette formule et elle ne fonctionne pas; si nous augmentons les dépenses, disons de 4 $ par personne et que, sur ce montant, la compagnie garde 2 $ et en donne 2 à l'employé, un an plus tard le système peut s'avérer inefficace, et nous revenons au point de départ.
M. David Thompson: Oui. En tant que représentant des services de contrôle des passagers avant l'embarquement, je vous demande pourquoi cela ne fonctionne pas. Où nos mesures de contrôle ont-elles échoué dans ces situations? Je ne vois pas. Nous sommes un petit maillon de la chaîne de sécurité, comme je l'ai dit. Les normes sont fixées pour nous par Transports Canada. Les compagnies aériennes fournissent l'équipement. Je ne vois pas où nous avons échoué.
M. John Cannis: Mais comme M. Crothers l'a dit, les employés sont mal payés.
M. Mel Crothers: Oui.
M. John Cannis: Cela semble être un des problèmes que vous avez relevés. Comment le réglons-nous? Si nous offrons aux employés 1, 2, 3 ou 4 $ l'heure de plus, le travail atteindra-t-il le niveau de qualité que nous recherchons? Monsieur Crothers, pensez-vous que c'est ce qui va régler le problème?
M. Mel Crothers: Il y a une question dont je pense pouvoir vous parler. La compagnie aérienne peut avoir demandé que tant d'employés travaillent sur un vol en particulier. Les budgets étant ce qu'ils sont ainsi que les difficultés financières, elle essaie évidemment de réduire ses coûts.
Les employés de M. Thompson et ceux d'autres entreprises travaillent par roulement. Ils surveillent un petit écran. Si M. Thompson fait appel à un ou deux employés de plus et facture la compagnie aérienne en conséquence, il n'a pas nécessairement à payer davantage mais, dans l'ensemble, ses coûts augmentent. Ils augmentent pour la compagnie aérienne. Ses employés peuvent se relayer à l'écran toutes les 10 minutes et être affectés à différentes tâches entre-temps pour être un peu plus reposés et vigilants.
M. John Cannis: C'est pourquoi vous avez parlé d'un «laisseraller». C'est ce que vous associez au laisser-aller? Je voulais vous poser la question.
M. Mel Crothers: La monotonie.
M. John Cannis: Monsieur Crothers, pendant que j'y suis, vous avez parlé des coûts assumés par les intervenants. Parlez-vous des compagnies aériennes, par exemple? En bout de ligne, il y a seulement une personne qui va voyager et elle devra payer le billet.
Que proposez-vous? Incluons-nous les coûts dans le billet? Je pense que nous nous posons tous cette question. Est-ce qu'on les fait payer par tout le monde? Que proposeriez-vous?
M. Mel Crothers: Pour être honnête, je ne sais pas. Je pense que c'est à vous de décider en tant que législateurs.
M. John Cannis: Mais nous invitons des témoins pour obtenir des recommandations, et je remercie M. Bevan, à qui je vais m'adresser dans un moment, d'en avoir formulé. Nous sommes ici pour entendre vos idées. Vous êtes les experts.
M. Mel Crothers: Ceux qui exploitent le Tim Horton à l'aéroport de Vancouver vont devoir payer pour cela, ainsi que les passagers, les compagnies aériennes, les autorités portuaires et les communautés servies. Ce n'est pas seulement aux compagnies aériennes de payer.
M. John Cannis: Si on augmente les mesures de sécurité, le café que j'achète chez Tim Horton va augmenter de 1 $ à 1,20 $. J'imagine nous payons tous.
M. Mel Crothers: En bout de ligne.
M. John Cannis: En bout de ligne. D'accord.
Monsieur Bevan, j'aimerais d'abord vous remercier, vous et votre collaborateur M. Flanagan parce que vous êtes parmi les rares témoins à ne pas avoir eu trop peur de formuler des recommandations. Je vous en remercie parce que nous sommes ici pour entendre des recommandations. Certaines sont valables, d'autres moins, mais nous voulons en entendre.
J'ai entendu d'autres témoins qui ont donné des réponses ambiguës. Vous parlez de communication, de centralisation et de partage d'informations. Je pense que c'est notre principale lacune—on agit de façon efficace en Colombie-Britannique tandis qu'un autre aéroport ne fonctionne pas vraiment. Il n'y a pas de partage.
L'idée d'un groupe de commandement policier dans les aéroports est fantastique. Le noeud du problème c'est de savoir comment nous protéger, nous, nos sociétés, nos partenaires, nos voisins et le reste. Je vous remercie.
Les conceptions fausses qu'on véhicule nous offusquent tous, nous Canadiens. Pouvez-vous nous donner des précisions là-dessus—sur ce que l'on entend dire par nos voisins du Sud? Le ministre Manley a pertinemment fait remarquer l'autre jour que les 19 personnes impliquées ne vivaient pas au Canada.
Comment corriger cette conception fausse? Avez-vous une idée là-dessus?
Le président: John, c'est votre dernière question.
M. John Cannis: Je continuerai au prochain tour.
Chef Vince Bevan: Merci beaucoup. Je suis très heureux que vous souleviez la question, monsieur, parce qu'il y a trois semaines j'ai participé à la rencontre annuelle des chefs de police des grandes villes. Cette organisation réunit des représentants de 52 grandes villes américaines et des six villes les plus importantes du Canada.
Il m'est apparu très évident que nos voisins du Sud ont l'impression que le Canada est devenu un refuge pour les terroristes et que notre frontière est une passoire qui permet à des personnes mal intentionnées d'entrer en douce aux États-Unis. Il se peut que cette perception remonte à loin, mais elle a été mise en évidence après l'affaire Ressam, où M. Ressam est entré en douce aux États-Unis à partir de la Colombie-Britannique, tout de suite avant les célébrations du millénaire, avec tout le matériel nécessaire à la fabrication de bombes devant être utilisées aux États-Unis.
C'est une perception. Nous avons eu beaucoup de discussions avec nos homologues américains au sujet des mesures qui sont prises, mais je crois que nos voisins du sud cherchent certaines preuves tangibles qu'au Canada, nous ne restons pas les bras croisés.
Au cours de nos rencontres, les États-Unis ont annoncé qu'ils triplaient le nombre d'agents des douanes le long de leur frontière septentrionale, les faisant passer d'environ 2 000 à 6 000, pour régler des problèmes très réels, selon eux, à savoir la capacité pour les personnes et les marchandises de franchir en douce leurs frontières.
Au cours de mes discussions avec mes collègues, j'ai cru comprendre qu'ils s'attendent à quelque chose de la part du Canada. La semaine dernière, lorsque je suis venu au comité qui se penche sur le commerce et la sécurité des frontières, j'ai dit que nous devons collaborer avec nos homologues américains à l'égard de la même question que vous venez tout juste de soulever—la communication, le partage de nos meilleures pratiques. Je crois qu'en unissant nos efforts, nous pouvons accomplir un bien meilleur travail. Nous pouvons sans conteste manifester notre engagement à protéger l'intégrité de cette frontière, si nous collaborons.
J'ai bien peur qu'à leurs yeux, la perception ne devienne une réalité. Ils vont prendre des mesures pour essayer de mettre en place aux frontières des mesures qui, je crois, nuiraient à notre économie. Je crois assurément que nous sommes en danger.
En ce qui concerne la sécurité des aéroports, nous risquons que beaucoup de choses soient retardées—le mouvement normal du commerce—pour tenir compte de ce qu'ils perçoivent être une faiblesse dans notre système, qui fait en sorte que des gens entrent en douce aux États-Unis.
Le président: D'accord. Merci beaucoup.
Monsieur Laframboise.
M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adressera à M. Thompson. Je veux que vous vous sentiez à l'aise, monsieur Thompson. Je peux comprendre l'état dans lequel se trouve votre corporation, qui obtient des contrats directement des compagnies aériennes aux plus bas soumissionnaires. C'est un choix que les gouvernements ont fait.
Depuis 1987, les gouvernements ont décidé de confier à un organisme civil, qui s'appelle Transports Canada, le soin de superviser la sécurité. Transports Canada doit donc, évidemment, en plus de s'assurer que des normes soient respectées par les divers organismes qui s'occupent de la sécurité, tenir compte d'aspects monétaires. Le gouvernement a décidé depuis 1987 que tous les coûts de la sécurité seraient assumés par l'industrie. Finalement, c'est l'industrie qui paie tout.
Comme résultat, vous êtes invités à répondre à des appels d'offres et à tenter d'être les plus bas soumissionnaires. On n'exige pas que vous donniez de formation continue, monsieur Thompson. Vous n'en donnez pas et Transports Canada n'en exige pas de vous, ce que mon collègue, membre du parti au pouvoir, sait très bien. On n'exige pas non plus que votre entreprise soit conforme à des normes ISO comme dans l'entreprise privée. Pourquoi? Parce que toutes ces choses-là, monsieur Thompson, coûtent des sous.
Je reconnais que si jamais vous deviez maintenir un programme de formation continue, respecter des normes ISO en matière de sécurité, vous équiper d'un matériel de pointe, il faudrait que quelqu'un quelque part rembourse ces sommes. Actuellement, tout le système n'est pas basé sur ces principes pour la simple et bonne raison que c'est Transports Canada, un organisme civil, qui s'occupe de la sécurité. Et c'est ce qui m'inquiète grandement.
Je suis content de votre intervention, messieurs Bevan et Flanagan. Il est certain qu'il faudra qu'un organisme tactique s'occupe de la sécurité. Or, je regrette, mais selon moi ce n'est pas à un organisme civil de s'occuper de stratégie en matières criminelle et terroriste. Personne n'a réussi à me convaincre, à ce jour, que Transports Canada était capable de s'attaquer à la criminalité et au terrorisme. Ses gens n'ont pas cette formation, je le regrette. Donc, il faudra qu'un organisme tactique serve de cerveau chargé de superviser la sécurité.
Et je veux qu'on se comprenne bien. Ce cerveau ne remplacerait pas les organismes comme le vôtre, monsieur Thompson, ni les corps policiers qui s'occupent très bien de leur tâche. Selon moi, il faudrait un organisme spécialiste de la criminalité et du terrorisme qui impose les directives. Par la suite, les coûts seront assumés par le gouvernement. L'industrie assumera la part que, finalement, le marché peut absorber et la différence devra être payée par le gouvernement.
On en est là, sinon on va vivre des situations comme celles dont vous parlez, monsieur Bevan. Les Américains trouvent effectivement que, depuis 1999, depuis l'affaire Ressam... Et j'ai posé des questions à des témoins de la GRC, du SCRS; même après l'affaire Ressam, personne n'a pensé à augmenter la sécurité dans les aéroports. On nous a répondu que cela s'était passé à la frontière, que cela n'avait aucun rapport avec les aéroports. Il n'en reste pas moins que les Américains nous avaient avertis que des terroristes se trouvaient chez nous. On aurait donc dû resserrer les règles de sécurité. Cela ne s'est pas fait. Pourquoi? Parce que c'est Transports Canada qui s'occupe de la sécurité. Même si le SCRS avait transmis les renseignements à Transports Canada... Transports Canada est un organisme civil qui n'est pas spécialiste du crime et du terrorisme, et c'est tout à fait normal qu'il n'ait pas senti le besoin de resserrer la criminalité.
Donc, est-ce que ce que vous appelez votre centre de coordination pourrait jouer ce rôle? Moi, j'avais suggéré que ce soit la GRC qui le fasse. Je l'ai suggéré, mais je sens que les représentants de la GRC ont beaucoup de difficulté parce qu'il faut un responsable. Évidemment, si jamais quelque chose ne fonctionnait pas, il faudrait trouver un responsable. Dans la crise actuelle, c'était Transports Canada et pourtant, personne ne l'a blâmé. Pourquoi? Parce que c'est un organisme civil. Donc, automatiquement, le ministre est venu à la défense de Transports Canada.
Vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur Thompson, les normes, avant septembre, permettaient des lames de 10 centimètres. C'est par la suite qu'on a changé ces directives.
• 1630
En fin de compte, ce sont des organismes civils qui
émettent les recommandations pour la
sécurité. Je n'en reviens tout simplement pas. Il va
falloir qu'un organisme tactique spécialisé dans la
criminalité et le terrorisme supervise le travail,
que vous faites très bien. S'il faut améliorer la
qualité du travail de vos employés, accordons les sommes
nécessaires pour le faire. S'il faut augmenter la
qualité des équipements, accordons les sommes
nécessaires,
et s'il faut une coordination qui coûte plus cher
parce qu'il existe un problème de sécurité, accordons
les sommes nécessaires.
Je suis déçu que M. Crothers n'ait pas souligné cela parce que, en fin de compte, confier à une organisation civile le soin de la sécurité aboutit aux résultats actuels. Le gouvernement libéral a décidé, tout comme le gouvernement conservateur en 1987, pour des raisons d'économie, de ne plus investir dans la sécurité, et voyez où on en est aujourd'hui. Il faut réinvestir et confier à des spécialistes le soin de la sécurité.
M. André Harvey (Chicoutimi—Le Fjord, Lib.): Je m'excuse, monsieur le président...
[Note de la rédaction: Inaudible]
M. Mario Laframboise: Qu'en pensez-vous, monsieur Bevan?
Chef Vince Bevan: Si je vous ai bien compris, selon vous, j'aimerais avoir la responsabilité de la coordination du travail des officiers partout au Canada et du travail de toute l'équipe de sécurité présentement gérée par la GRC. Cela est vrai. Cela nous permettrait de nous assurer qu'il existe un système de police qui se base sur un bon service de renseignement et qui a une bonne connaissance de toutes les menaces qui pèsent sur notre sécurité.
[Traduction]
Le président: Avez-vous terminé, Mario?
M. Mario Laframboise: Oui.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons passer à M. Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci.
Monsieur Thompson, je crois comprendre votre position. Vous êtes des entrepreneurs et vous avez des contacts suivis.
Pouvez-vous nous donner une idée du nombre de vos employés qui occuperaient un deuxième ou un troisième emploi?
M. David Thompson: Je ne peux vous en donner une idée, mais je sais qu'à certains endroits, certains d'entre eux occupent un deuxième et un troisième emploi. C'est accepté, étant donné les taux de rémunération dans l'industrie.
M. Paul Szabo: Est-ce que les gens qui effectuent le contrôle des bagages, étant donné qu'il s'agit d'un poste de débutant, sont tenus de travailler un horaire de travail continu, un horaire normal ou en postes fractionnés—par exemple trois heures ici, peut-être six?
M. David Thompson: La plupart de nos employés travaillent un poste normal de huit heures, de 10 heures voire de 12 heures. Cela facilite l'embauche. Il est très difficile d'embaucher des gens à ces niveaux de rémunération, avec des postes fractionnés. Les syndicats sont très présents et veulent obtenir 40 heures par semaine, avec des postes continus—cinq jours semaine, deux jours de congé.
M. Paul Szabo: D'accord.
Vous avez dit que le contrôle des bagages n'était qu'une mince partie de la sécurité des aéroports. Quel en est l'élément principal?
M. David Thompson: D'après mon expérience, ce n'est pas vraiment le cas. Un certain nombre de personnes assument des responsabilités. Par exemple, dans un aéroport type, il y a le point de vérification des bagages. Nos agents de sûreté assurent la sécurité. Ils s'occupent du contrôle avant l'embarquement, de la vérification des cartes d'embarquement ou des laisser-passer pour les zones réservées où travaillent parfois des commissionnaires ou encore l'exploitant de l'aérodrome ou du personnel de sécurité. Vous avez ensuite accès à la zone protégée à partir de l'aire de trafic, des gens assurent la sécurité sur l'aire de trafic.
Il y a donc quatre, cinq ou six groupes différents, dans certains cas, qui assurent la sécurité de diverses façons.
M. Paul Szabo: Très bien.
Monsieur Crothers, lorsque je passe par les douanes en provenance d'une destination internationale, à Pearson ou à un autre aéroport, lorsque je me rends vers une destination internationale et que je dois me plier aux formalités douanières, ou lorsque je passe à la frontière canado-américaine en route pour New York ou une autre ville, tous ces gens m'intimident. Ils vous posent des questions; ils vous regardent dans les yeux. Je pense qu'ils essaient de comprendre qui vous êtes et de voir si vous correspondez à un profil ou à quelque chose du genre. C'est cela que je considérais de la sécurité. Ce sont des professionnels.
• 1635
Le fait que les agents de sûreté occupent un poste en bas
d'échelle ne nous donne pas ce même sentiment de sécurité ou ne
nous impressionne pas étant donné la situation d'autorité dans
laquelle se trouvent les gens de l'immigration. Reclasser ce poste
au niveau de celui des agents de douane permettrait-il d'améliorer
la sécurité dans nos aéroports?
M. Mel Crothers: En toute honnêteté, je ne le crois pas.
En principe, le groupe de M. Thompson embauche son personnel en fonction d'un ensemble compétences qu'ils exigent de leur part. Je crois que les compagnies aériennes chercheraient à recruter davantage afin de pouvoir faire faire le travail à tour de rôle à leurs employés de manière à éviter qu'ils s'ennuient, qu'ils se laissent aller, ne fixent pas l'écran une demi-heure mais seulement pendant 10 minutes et passent à une autre tâche.
Il est intéressant d'observer les services de sécurité au Royaume-Uni et en Allemagne. Il y a habituellement quelqu'un avec un chronomètre qui veille à ce que les employés changent de poste de travail de manière à ce qu'ils n'accomplissent pas le même travail jour après jour. Ils en font certaines parties, mais ils le font tous. Je pense que le problème c'est l'ennui et le laisser-aller.
À l'aéroport de Calgary hier j'ai eu affaire à une jeune fille qui a fait son travail très consciencieusement; elle gagne probablement 10 $ de l'heure. Elle voulait savoir ce qu'il y avait dans mon sac et l'a vidé. Je crois que c'est bien.
M. Paul Szabo: Il existe des stratégies en matière d'assurance de la qualité. L'armée, par exemple, n'examinerait pas chaque pièce de bagage. Elle a des normes. L'armée américaine, je crois, n'examine peut-être que 4 p. 100 de la totalité et le niveau de confiance y est très élevé.
En ce qui a trait aux stratégies visant à améliorer la sécurité et la protection de même que la perception du public voyageur en ce qui a trait aux mesures de sécurité et de protection prises, y a-t-il un changement qui pourrait être approprié, par exemple ne pas contrôler tout le monde, mais faire du profilage, envisager un contrôle détaillé au hasard ou effectuer des vérifications en permanence de manière à changer le caractère du travail?
Je soulève cette question en raison d'un article-vedette publié samedi dans le Globe and Mail et intitulé: «Sécurité et profit ne font jamais bon ménage». On y parlait d'un cas particulier, mais on y mentionnait aussi un certain nombre de cas où, si la file devenait trop longue, le superviseur disait: «Pourquoi allumez-vous cet ordinateur? Laissez-le passer, la file devient beaucoup trop longue».
Il y a des intérêts conflictuels. Est-ce «la sécurité et la protection et l'accomplissement du travail» ou est-ce «ne perturbez pas les passagers»?
M. Mel Crothers: Si la file est trop longue et que la sécurité est contournée, c'est terrible. Cela ne sert l'intérêt de personne. Les transporteurs doivent embaucher. Le groupe de M. Thompson doit fournir le personnel nécessaire pour que les passagers puissent passer par les contrôles de sécurité en douceur et sans effort, mais que leurs bagages soient vérifiés et contrôlés lorsqu'ils passent, sans l'ombre d'un doute.
M. Paul Szabo: J'ai posé à M. Thompson une question au sujet de son observation selon laquelle le contrôle ne constitue qu'une mince partie de la sécurité aux aéroports et il m'a répondu qu'il ne croyait pas qu'il y avait un élément principal. Croyez-vous qu'il y a un élément principal ou qu'il devrait y en avoir un?
M. Mel Crothers: Nous avons eu des conversations avant de venir à cette réunion et je crois probablement que ce qu'il nous faut... M. Bevan y a fait allusion et vous y faites allusion à savoir qu'il devrait y avoir des relations entre les divers policiers d'un bout à l'autre du pays, ce qui est important. Mais même aux aéroports eux-mêmes, lorsque trois ou quatre organismes différents assurent la sécurité, personne n'assume la coordination de la sécurité à l'aéroport de Calgary. Personne ne le fait à l'aéroport de Vancouver. Deux ou trois personnes s'en occupent par défaut.
Il faut en améliorer l'organisation et le déroulement. M. Thompson pourrait vous en parler mieux que moi.
M. Paul Szabo: D'accord.
Enfin, monsieur Bevan ou monsieur Flanagan, vous avez évoqué la coordination, en ajoutant que les responsabilités en matière de sécurité sont multiples, et je voudrais savoir si elles incombent à l'administration aéroportuaire, aux traiteurs, aux responsables du fret ou aux douaniers. Les compagnies aériennes quant à elles, interviennent au moment de la réservation ou de la vente de billets à l'embarquement. Ensuite, il y a le dépistage préliminaire, dont s'occupe le transporteur dominant, etc.
Tout cela mis ensemble, on constate que même les responsables du contrôle préliminaire n'ont pas le pouvoir d'arrêter qui que ce soit si le détecteur signale quelque chose. Ils n'ont pas le droit d'arrêter les gens et de les mettre en détention. Ils doivent faire appel aux forces de l'ordre, police ou autre.
Voici la question que j'adresse à M. Bevan et à M. Flanagan. Étant donné que nous avons toute une gamme de paliers de sécurité dans un environnement aéroportuaire, pourrait-on obtenir des gains de productivité ou de rendement en comptant sur un poste de commande central, pour ainsi dire, qui s'occuperait de l'intégration de tout cela, sans pour autant se substituer aux compétences diverses qui assument leurs responsabilités? Ces dernières devraient quand même s'occuper de la sécurité, mais y aurait-il moyen de chapeauter tout cela?
Vous avez peut-être entendu ce qu'avaient à dire les représentants de l'administration aéroportuaire d'Ottawa, et je pense que ceux de l'administration aéroportuaire de Toronto ont suggéré la même chose, à savoir que la sécurité dans leurs aéroports serait améliorée si elle relevait de leur administration.
Chef Vince Bevan: C'est une question intéressante, monsieur.
Je dois vous dire d'entrée de jeu que nous n'avons absolument aucun intérêt à élargir nos responsabilités en matière de sécurité dans les aéroports. Nous ne voulons pas nous occuper directement du contrôle préliminaire ou de tout autre aspect qui ne figure pas dans le mandat qui nous est confié actuellement.
Je vais répondre à votre question directement. Je vais parler d'après mon expérience, car il est fréquent que nous devions travailler avec des partenaires qui assument diverses responsabilités. Je peux songer à diverses opérations policières conjuguées, où Douanes et Revenu Canada, Citoyenneté et Immigration, et d'autres intervenants assument diverses responsabilités et mandats. En retenant l'approche gestion mixte et en développant l'aspect coordination, dont nous parlions il y a un instant, les choses pourraient très bien se dérouler.
Étant donné tous les intérêts et rôles concurrentiels, je ne sais pas si nous pourrions vous offrir un modèle qui puisse répondre au point unique de contrôle et de coordination qui puisse tenir compte de tous les aspects de cette question complexe.
Le président: Bev.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Merci beaucoup d'être venus ce soir. Nous savons que vous êtes tous venus au pied levé. Nous vous remercions d'être venus malgré ce court préavis.
Monsieur Thompson, je vais vous décrire une situation, et au fur et à mesure je voudrais que vous me disiez ce qui est juste et ce qui ne l'est pas. Sentez-vous à l'aise de me le dire.
Vous recevez une candidature et le sujet procède à l'entraînement, s'il respecte vos critères. Une fois l'entraînement terminé, vous procédez aux vérifications de sécurité pour les besoins de la cote. Le candidat doit remplir un formulaire et demander une attestation sécuritaire, en fournissant des renseignements sur ses antécédents. Pendant la période de temps qu'il faut pour mener à bien cette enquête, vos employés obtiennent un laissez-passer temporaire pour travailler à l'aéroport, sous la supervision de quelqu'un d'autre.
Combien de temps faut-il attendre pour obtenir un laissez-passer permanent, l'attestation sécuritaire—une semaine, deux semaines, un mois, quatre mois?
M. David Thompson: Je vais demander à Tony de vous répondre. Tony est responsable...
Mme Bev Desjarlais: Je vous ai donné l'occasion de répondre. Vous avez finalement la possibilité de parler. Allez-y.
M. David Thompson: Je pense que je connais la réponse, mais je sais que lui il en est sûr.
M. Tony Porter (gestionnaire à l'exploitation, région d'Ottawa et Maritimes, Aeroguard Ltd.): Essentiellement, une fois l'entraînement terminé, on donne à ces employés un laissez-passer temporaire mais ils sont surveillés étroitement par un autre employé qualifié possédant un laissez-passer permanent. Ils subissent le même processus...
M. David Thompson: Étant donné les circonstances actuelles cependant, nos agents qui ont un laissez-passer temporaire ne sont pas autorisés à travailler aux points de vérification à moins d'être surveillés.
M. Tony Porter: Exactement.
Mme Bev Desjarlais: D'accord. Toutefois, le reste de ce que je vous ai décrit correspond assez bien à la réalité, n'est-ce pas?
Combien de temps faut-il pour obtenir un laissez-passer permanent—une semaine, un mois, quatre mois?
M. Tony Porter: Actuellement, il faut sans doute environ trois semaines à un mois, en moyenne. Dans certains aéroports c'est un peu plus long. Puisque nous sommes à Ottawa, nous sommes un peu plus près des services qui procèdent aux enquêtes de sécurité. Cela prend un peu moins de temps que dans d'autres aéroports. Avant, il fallait de trois à six mois.
Mme Bev Desjarlais: Est-ce qu'on vous signale les candidats qui ont un passé de criminalité, qu'il s'agisse d'une petite criminalité ou de quelque chose de plus grave? Vous signale-t-on les cas où Transports Canada approuve une accréditation malgré l'existence d'un casier judiciaire?
M. Tony Porter: En général, non. On nous signale tout simplement que l'attestation. Pour des raisons évidentes, Transports Canada ne nous donne pas trop de renseignements personnels. Les candidats obtiennent la cote ou ne l'obtiennent pas. Transports Canada a des critères, fait appel au SCRS, et certains aspects sont vérifiés. Il y a certaines infractions que l'on considère comme plus graves et qui peuvent aboutir à un refus de l'attestation sécuritaire alors que d'autres le sont moins.
Mme Bev Desjarlais: Savez-vous ce que regroupe chaque catégorie?
M. Tony Porter: Pas vraiment. Je ne connais pas très bien la procédure d'obtention de la cote et ce qui fait qu'il y a un refus ou non. Je ne sais pas si le vol à l'étalage, par exemple, par opposition à une autre infraction, peut changer quelque chose.
Mme Bev Desjarlais: Stricte curiosité: savez-vous comment se déroule la procédure d'obtention des attestations sécuritaires?
Sgt é.-m. Pat Flanagan: Transports Canada a ses propres critères, pour ce qu'il estime être une menace en matière d'aviation civile, et pour délivrer ou refuser un laissez-passer permanent.
Mme Bev Desjarlais: Vous ne savez pas ce que chaque catégorie—cela relève de Transports Canada.
Sgt é.-m. Pat Flanagan: Je préférerais que Transports Canada réponde en ce qui le concerne.
Mme Bev Desjarlais: D'accord. Simple curiosité: trouveriez-vous étrange que quelqu'un qui a commis un vol à l'étalage ou un vol mineur—introduction par effraction—obtienne une attestation de sécurité pour fouiller les bagages des passagers?
Sgt é.-m. Pat Flanagan: Permettez-moi d'aller un peu plus loin. Avant le 11 septembre, la procédure pour obtenir un laissez-passer mettait six mois. Il y a une procédure, qui relève de Transports Canada, et je pense que le SCRS intervient également. Pendant ce temps, la personne se sert d'un laissez-passer temporaire. Même si elle doit être escortée par un employé qui possède un laissez-passer permanent, il n'en demeure pas moins qu'une personne travaillant dans une zone réglementée n'a pas encore reçu l'attestation sécuritaire pour le faire.
Mme Bev Desjarlais: On ne les accompagne pas aux toilettes. On ne les accompagne pas chez Tim Horton's. Ils ne sont pas accompagnés. Ils ne sont en présence de quelqu'un que lorsqu'ils font leur travail.
Sgt é.-m. Pat Flanagan: Je dirais que...
Mme Bev Desjarlais: C'est un laissez-passer assez souple.
Sgt é.-m. Pat Flanagan: ...c'est l'un des points litigieux en ce qui concerne les services de police, car nous nous demandons pourquoi c'est ainsi.
Mme Bev Desjarlais: Pour ce qui est des bénéfices—et je ne vous demande pas ici de me dire quelle est la marge bénéficiaire—je voudrais savoir exactement comment les contrats sont attribués. Est-ce qu'il y a eu un appel d'offres général pour couvrir tous les services de sécurité dans un aéroport donné—et je ne sais pas si le chiffre est réaliste—mais disons pour 10 000 $? Ensuite, est-ce que vous facturez les lignes aériennes au tarif horaire pour chaque employé? Est-ce ainsi que les choses se passent?
M. David Thompson: Nous facturons suivant le nombre d'heures par employé, à l'exclusion de certains gestionnaires. Les gestionnaires sont inclus dans le contrat, le coût étant donc pris en compte d'après les taux de rémunération prévus, le nombre d'heures, ce genre d'éléments.
Mme Bev Desjarlais: Quel est le tarif horaire versé par les compagnies aériennes?
M. David Thompson: Le tarif horaire que versent les compagnies aériennes varie selon l'aéroport, mais c'est dans une fourchette de 10 $ l'heure pour les agents—pas les superviseurs—qui constituent le gros de l'effectif, et 14 $. Je ne pense pas que ça aille jusqu'à 15 $ l'heure.
M. Bev Desjarlais: Ainsi, le minimum que peut payer une compagnie aérienne, c'est 10 $.
M. David Thompson: C'est cela environ.
Mme Bev Desjarlais: Dans l'échelle des salaires, à quel niveau se trouve la majorité de vos employés? Sont-ils au tarif de 10 $ l'heure, ou bien à 6,50 $ à 7 $?
M. David Thompson: La majorité de nos employés touchent le maximum de l'échelle salariale.
À Vancouver, il y a un taux de roulement d'environ 15 p. 100. Je pense que 70 p. 100 des employés touchent le maximum, de 15 à 20 p. 100 sont dans les deux échelons inférieurs. Le tarif moyen versé dans la plupart des aéroports représente environ 95 p. 100 du maximum. Le taux de roulement n'est pas énorme. Contrairement à l'expérience américaine, nos taux de roulement sont assez bas.
Mme Bev Desjarlais: D'accord. Vous avez cité 25 p. 100, mais ce pourrait être de zéro à 80 p. 100, dans le cas des petites compagnies aériennes.
Quelqu'un a parlé des véhicules, et je voulais savoir si quelqu'un sait ce qui se passe exactement quand un véhicule entre dans une zone protégée, même s'il s'agit de la camionnette de Cara. Qui s'assure que le véhicule ne présente aucun danger?
Sgt é.-m. Pat Flanagan: Il incombe à l'administration aéroportuaire de veiller à ce que les consignes de sécurité qui s'appliquent dans la zone protégée soient respectées et que les véhicules qui y entrent soient vérifiés comme il se doit conformément aux mesures mises en place par Transports Canada après le 11 septembre.
M. Bev Desjarlais: Puisque vous êtes la force policière sur place, ne devriez-vous pas savoir qui est chargé de contrôler le véhicule?
Sgt é.-m. Pat Flanagan: Bien sûr. Pendant une dizaine de jours après le 11 septembre, c'était la responsabilité de la police. Ensuite, c'est passé à... C'est une question de coûts également. Vous pouvez comprendre qu'il en coûte de faire des rondes dans des installations portuaires. Il appartient à l'administration aéroportuaire de faire appel au corps de commissionnaires pour cette fonction en particulier; on utilise une combinaison d'équipes, y compris une société de sécurité à contrat.
Mme Bev Desjarlais: Une dernière petite question. Monsieur Thompson et monsieur Porter, avez-vous déjà travaillé dans le domaine de la sécurité? Avez-vous suivi une formation vous-mêmes?
M. David Thompson: Non je n'ai pas suivi de formation. Je suis de profession expert-comptable, et il y a 12 ans que je suis dans le domaine de la sécurité.
M. Tony Porter: En fait, je n'ai pas de formation professionnelle comme telle, mais pendant toute ma carrière, j'ai pour ainsi dire travaillé dans le domaine de la sécurité, plus particulièrement la gestion. Non, je n'ai pas de diplôme, de certificat ou quoique ce soit.
M. Bev Desjarlais: Vous n'avez donc pas d'expérience du domaine correctionnel ou de la sécurité, n'est-ce pas?
Qui établit les normes? Qui s'occupe de la formation de votre personnel?
M. David Thompson: Nous faisons la formation à l'interne. Il y a quelques années, Transports Canada a offert un programme de formation à l'intention des formateurs. On donnait les cours régulièrement à Cornwall. Nous y avons envoyé nos formateurs pour qu'ils apprennent à former. C'était un cours approuvé par Transports Canada. Ce programme a été mis au rancart en 1996 ou 1997.
Nous faisons notre propre formation, qui s'inspire du programme de formation de Transports Canada et des normes qu'il préconise. Nous nous servons de bandes vidéos et d'instructeurs. Par exemple, dans notre société, la plupart de nos formateurs ont suivi le programme de Cornwall. Il nous en reste encore beaucoup qui ont suivi cette formation. Très peu de nos instructeurs ne sont pas passés par Cornwall. C'est nous qui faisons la formation. Les examens et l'accréditation se font encore sous les auspices de Transports Canada. Tous les candidats doivent respecter les normes qui ont été établies par Transports Canada, qui fait régulièrement des contrôles.
Mme Bev Desjarlais: Puis-je présenter une dernière petite demande? Je serais curieuse de voir le manuel de formation dont vous vous servez. Pourrions-nous en obtenir un exemplaire?
M. Tony Porter: Il faudrait que vous vous adressiez à Transports Canada. C'est à eux...
Mme Bev Desjarlais: Mais je croyais vous avoir entendu dire qu'ils n'en font pas depuis 1996. Pourrions-nous obtenir celui dont vous vous servez à l'heure actuelle?
M. Tony Porter: Ce sont eux qui nous donnent le manuel. Il s'agit d'un manuel de Transports Canada qui est utilisé partout...
Mme Bev Desjarlais: C'est toujours un manuel de Transports Canada?
M. Tony Porter: Exact. C'est simplement la formation des formateurs qu'ils n'offrent plus.
Mme Bev Desjarlais: Dans ce cas-là, nous allons l'obtenir de Transports Canada.
Merci.
Le président: C'est à votre tour, Val.
Mme Val Meredith: Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, messieurs, d'être venus témoigner devant notre comité.
D'après les questions, et les réponses que vous avez données, il semble qu'il y ait un certain nombre de groupes différents qui assurent des services de sécurité à des niveaux différents. Ce qui me préoccupe, c'est la communication relative à ce que vous faites. C'est vous qui assurez les services policiers sur place et vous avez à toutes fins utiles la responsabilité de toute la sécurité dans l'aéroport. C'est vous qui vous occupez du contrôle à l'embarquement.
Qu'arrive-t-il si le commissionnaire qui se trouve dehors remarque quelque chose qui l'inquiète, s'il remarque qu'il y a quelque chose qui ne va pas? À qui le signale-t-il? S'il signale quelque chose d'anormal, surveillez-vous la personne en question une fois qu'elle entre dans l'aérogare et signalez-vous la chose aux responsables du contrôle à l'embarquement? Où l'information est-elle acheminée quand on remarque quelque chose qui pourrait poser un problème?
Sgt é.-m. Pat Flanagan: Je peux répondre à cette question pour ce qui est de l'aéroport d'Ottawa, bien sûr. La situation à l'aéroport d'Ottawa a ceci de particulier que, pour tout ce qui est communications et appels concernant la surveillance, c'est le Corps des commissionnaires qui nous sert de centrale. Les commissionnaires sont équipés de radios de police, même s'ils ne disposent que d'une ou deux fréquences. Quand on leur signale quelque chose qui pourrait être un problème et qu'ils jugent qu'il faut faire intervenir la police, ils communiquent avec le centre des opérations de sécurité. Nous entendons cet appel radio et la police est alors dépêchée au centre des opérations de sécurité. Le système fonctionne bien à l'aéroport d'Ottawa.
Mme Val Meredith: Si donc un agent de bord a une inquiétude... C'est déjà arrivé dans un avion où je me trouvais. Ce n'était sûrement pas à l'aéroport d'Ottawa, puisque c'est la GRC qui est intervenue. Il y a donc un système de communication qui relie tout le monde. Les responsables du contrôle à l'embarquement sont-ils reliés eux aussi au système?
Sgt é.-m. Pat Flanagan: S'il s'agit de quelque chose qui pourrait les toucher, les responsables du contrôle à l'embarquement sont prévenus. Dans le cas que vous avez évoqué tout à l'heure, d'une situation d'urgence à bord d'un avion, qu'il s'agisse d'un passager turbulent ou d'autre chose, la communication se ferait de l'avion à la tour de contrôle et ensuite au centre des opérations de sécurité, qui dépêcherait la police. C'est un système qui fonctionne bien à Ottawa.
Mme Val Meredith: Si donc il y a quelqu'un qui suscite de l'inquiétude quand il sort d'un véhicule ou du stationnement, vous vous en occupez avant que la personne arrive au contrôle à l'embarquement.
Sgt é.-m. Pat Flanagan: Oui. Les responsables du contrôle à l'embarquement n'interviennent, bien sûr, qu'au moment de l'embarquement.
Mme Val Meredith: Après avoir écouté d'autres témoins, j'ai cru comprendre qu'ils avaient des préoccupations du fait que l'échange des renseignements n'est pas ce qu'il devrait être. S'il y a une personne quelconque qui doit se présenter à l'aéroport et qui suscite l'inquiétude d'autres intervenants, y a-t-il échange de renseignements pour que tout le monde puisse travailler ensemble en ayant tous les renseignements nécessaires? Est-ce le cas à l'heure actuelle, y a-t-il échange de renseignements?
Chef Vince Bevan: C'est certainement le cas à l'échelle locale ici. Je ne peux pas vous dire ce qu'il en est dans le Canada tout entier, mais à cause de la relation de travail que nous avons avec la GRC et la Police provinciale de l'Ontario, du fait que nous travaillons quotidiennement en étroite collaboration, la communication est extrêmement bonne, comme on a pu le constater depuis le 11 septembre. Avant le 11 septembre, elle était bonne, mais je pense que nous avons tous conclu à la nécessité d'améliorer le système de communication, d'améliorer la coordination afin que nous travaillions tous... en sachant que nous le faisons de façon coordonnée. Je pense que le système fonctionne remarquablement bien depuis le 11 septembre. Nous avons donc ici un modèle qui pourrait être envoyé ailleurs et servir d'exemple.
Mme Val Meredith: Merci.
Je veux obtenir un éclaircissement. J'ai l'impression à vous entendre, monsieur Flanagan, que vous seriez contre l'idée de faire appel à des policiers de l'air, que vous pensez que cela n'est pas nécessaire eu égard à la menace. Est-ce bien là votre position?
Sgt é.-m. Pat Flanagan: Quand la question aura été étudiée à fond et que nous aurons examiné d'autres solutions de rechange, je serai plus en mesure de vous donner une réponse plus éclairée.
Mme Val Meredith: Oui, n'hésitez pas à vous présenter aux prochaines élections.
C'est une question qui se pose, notamment parce que l'opposition officielle affirme qu'il nous faut des policiers de l'air. La question se pose également à l'aéroport Ronald Reagan, où il nous faudra des policiers de l'air dans nos avions canadiens pour qu'ils continuent à avoir accès à cet aéroport.
Je veux simplement comprendre votre point de vue. Pour ce qui est du recours à des policiers de l'air, vous sembliez vous inquiéter de la formation qu'ils recevraient...
Sgt é.-m. Pat Flanagan: Tout à fait.
Mme Val Meredith: ...et de la façon dont ils pourraient intervenir en cas d'incident. Vous avez parlé, je crois, de Taser, qui pourrait—je ne sais pas quel est exactement le terme que vous avez employé—être utilisé de façon non...
Sgt é.-m. Pat Flanagan: De façon non meurtrière.
Mme Val Meredith: ...de façon non meurtrière. Est-ce la formation et le choix de ces policiers qui vous inquiète, ou est-ce plutôt le fait qu'une personne munie d'une arme à feu se trouve à bord d'un aéronef?
Sgt é.-m. Pat Flanagan: Si le programme est mis en place de façon qu'il soit représentatif, de façon que toutes les parties intéressées, qu'il s'agisse des policiers de l'air eux-mêmes ou des autres intervenants, agents de bord, pilotes... Il ne s'agit pas simplement de former les policiers de l'air; je pense qu'il faut que toutes les personnes en cause sachent ce que les policiers de l'air peuvent faire et ce qu'ils ne peuvent pas faire.
Mme Val Meredith: Il s'agit donc de savoir à qui ces policiers de l'air rendraient des comptes, pour qui ils travailleraient? Qui les surveillerait, à quelle réglementation seraient-ils soumis? Si nous optons pour un programme de policiers de l'air, qui devrait en avoir la responsabilité selon vous, qui devrait être le maître d'oeuvre de la sécurité dans les aéroports et coordonner tous ces programmes de formation qui seront nécessaires? Qui devrait avoir cette responsabilité selon vous?
Sgt é.-m. Pat Flanagan: Il me semble que vous avez abordé deux questions bien précises. Tout d'abord, en ce qui concerne le programme des policiers de l'air, comme il dépasserait les limites d'un territoire en particulier, je pense que c'est la GRC qui devrait s'en occuper.
Pour ce qui est de la deuxième question, celle du dispositif de sécurité dans les aéroports, les forces policières de compétence locale communiquent les unes avec les autres à l'échelle nationale, si bien que le système fonctionne. Nous avons chacun notre façon de faire les choses, mais nous avons chacun aussi nos attitudes bien ancrées. Il faut donc que nous nous rencontrions comme forces policières locales et secteurs de compétence pour discuter de pratiques exemplaires. C'est dans ce sens que s'inscrit la proposition visant la création d'un groupe de commandants aéroportuaires. Nous savons que c'est là un problème que nous devons corriger. Il manque un maillon de la chaîne. C'est quelque chose qui nous manque pour que nous puissions nous acquitter de nos fonctions.
Si vous me le permettez, je voudrais vous en dire un peu plus au sujet du programme des commandants et vous faire remarquer que la formation est une composante essentielle du programme. À l'heure actuelle, les forces policières des divers secteurs de compétence sont maintenant appelées à patrouiller les aéroports de catégorie 1, mais on s'en remet à ces forces policières et aux autorités aéroportuaires pour élaborer les programmes de formation qui conviennent. Il n'existe pas de programme normalisé de formation pancanadien pour les services policiers dans les aéroports.
Mme Val Meredith: Serait-il raisonnable de dire que la décision de recourir à des policiers de l'air ou de renforcer le dispositif de sécurité, etc., dépend finalement de l'évaluation des risques, c'est-à-dire qu'il faut presque faire une évaluation pour déterminer si tel vol présente un risque tel qu'il faudrait y affecter quelqu'un?
Vous représentez tous deux la police d'Ottawa—Carleton. Serait-il raisonnable de dire que, si tel vol présente un risque élevé, les autorités policières locales seraient invitées à assurer le service sur le vol en question? Ou s'agirait-il d'un programme plus général où des policiers formés seraient affectés à des vols réguliers? Comment le programme pourrait-il fonctionner s'il était mis en oeuvre?
Chef Vince Bevan: C'est sûr d'après moi que la personne doit avoir été formée et être experte en la matière.
Si vous me permettez d'ajouter à ce qu'a dit le sergent d'état-major Flanagan tout à l'heure, dans l'exercice de mes fonctions antérieures, j'ai déjà voyagé muni d'une arme à feu à bord d'un vol intérieur. Avant de m'approcher de l'aéronef, je n'avais pas vraiment compris ce qui pourrait arriver du fait que j'avais sur moi une arme à feu et de ce qui pourrait arriver si jamais je faisais feu dans l'avion. Il faut que les questions comme celle-là soient abordées en priorité dans un programme de formation et il faut que les candidats soient qualifiés, je dirais même qu'ils aient une attestation les autorisant à faire ce genre de travail.
Je ne pense pas que la solution soit de faire appel à quelqu'un qui serait disponible pour ce genre d'affectation quand la nature de la menace l'exigerait. Il me semble qu'il devrait y avoir un bassin de gens accrédités qui pourraient fournir ce service et si on décidait que c'est ce qu'il convient de faire à l'avenir.
Mme Val Meredith: J'ai une dernière question. Prenons l'exemple de l'aéroport d'Ottawa. La sécurité est bonne et elle est bien gérée, tout est beau ici à Ottawa, mais combien d'avions arrivent ici d'autres aéroports où le niveau de sécurité pourrait ne pas être aussi élevé? Dans quelle mesure l'aéroport d'Ottawa serait-il vulnérable du fait qu'il accueillerait des voyageurs venus d'ailleurs, où les zones de sécurité sont moins bien contrôlées? Comment gérer en fonction du risque que présentent ces voyageurs provenant de zones qui ne sont pas soumises aux mêmes contrôles que les vôtres?
Chef Vince Bevan: L'efficacité de notre sécurité passe par l'efficacité du dispositif de sécurité ou de contrôle qui était en place là où les voyageurs en question avaient leurs bagages à main et tous les autres objets qu'ils ont apportés avec eux, là où ils sont passés par les contrôles à leur point d'origine. Et si quelqu'un arrive à l'aéroport d'Ottawa à partir d'un autre aéroport où il n'a pas été soumis à un contrôle assez rigoureux et qu'il reste dans la zone réservée aux voyageurs, nous avons un problème.
Mme Val Meredith: Nous avons beaucoup de petits aéroports au Canada et dont certains relèvent d'autorités aéroportuaires ou de la municipalité ou d'une autorité quelconque qui n'auraient peut-être pas les ressources nécessaires, en matériel ou en personnel, pour le nombre de vols qu'ils accueillent. Que faut-il faire alors? Le gouvernement fédéral devrait-il assumer la responsabilité de la sécurité afin que le réseau tout entier soit sécuritaire? Devrions-nous intervenir et assurer la sécurité à cause du maillon le plus faible qui compromet la sécurité dans son ensemble?
Sgt é.-m. Pat Flanagan: Il ne fait aucun doute que vous soulevez là une question intéressante, celle du contrôle des voyageurs avant l'embarquement et de l'efficacité de ce contrôle. S'il n'est pas bien fait au départ, quand les voyageurs arrivent à un aéroport comme Ottawa, nous devenons vulnérables. Les événements du 11 septembre nous ont montré à quel point nous pouvons être vulnérables. C'est une question à laquelle il faut certainement s'attaquer.
M. David Thompson: J'aurais quelque chose à dire à ce sujet.
Nous assurons le contrôle des voyageurs en provenance de divers aéroports canadiens où il n'existe pas de contrôle à l'embarquement. Le contrôle de ces voyageurs se fait à l'aéroport de destination, car ils sont alors amenés dans une zone stérile. Et c'est le cas à Vancouver, où nous faisons le contrôle des voyageurs en provenance de Comox et d'autres aéroports.
D'après ce que j'en sais, la responsabilité de ce contrôle incombe aux transporteurs aériens. On ne peut pas laisser descendre des voyageurs contaminés dans la zone stérile. Il faut les acheminer vers d'autres zones. À Winnipeg, nous avons un dispositif qui permet d'acheminer ces voyageurs dans la zone d'embarquement général; ils doivent ensuite revenir dans la zone réservée et se soumettre à un contrôle.
Il y a donc des mécanismes de contrôle qui sont déjà en place. Ou bien on fait le contrôle au point d'origine et on assume les frais afférents, comme le font souvent les transporteurs aériens, ou bien on laisse les voyageurs descendre dans une zone générale et on les oblige à revenir passer par les contrôles pour être admis dans la zone stérile.
Mme Val Meredith: Vous avez donc confiance que c'est ce qui se produit dans presque tous les cas ou dans tous les cas?
M. David Thompson: Je crois savoir qu'il s'agit d'une exigence de Transports Canada qui fait l'objet d'une application très rigoureuse. On ne peut pas débarquer dans la zone stérile des voyageurs qui ne sont pas passés par le contrôle.
Mme Val Meredith: Merci.
Le président: Nous avons encore du temps pour deux petites questions, car je sais qu'il y a des témoins à qui vous voudrez poser des questions. Si vous voulez en poser, assurez-vous d'être brefs et peut-être que les témoins pourront nous donner des réponses brèves. Nous pouvons poursuivre pendant cinq ou dix minutes encore.
Monsieur Cannis.
M. John Cannis: Nous sommes toujours à la recherche de suggestions ou de modèles dont nous pourrions recommander la mise en oeuvre. Pouvez-vous nous dire si vous êtes au courant, ou si quelqu'un d'autre serait au courant, du dispositif de sécurité qui est en place dans d'autres pays? On a parlé tout à l'heure de Heathrow. D'autres témoins nous ont déjà parlé d'El AL. Que font-ils? Les opérations de sécurité sont-elles centralisées? Sont-elles données à contrat? Est-ce l'autorité aéroportuaire qui s'en occupe? Y a-t-il quelqu'un qui est au courant?
Sgt é.-m. Pat Flanagan: Je peux vous éclairer un peu sur la situation à l'aéroport de Gatwick, qui relève de la police du Sussex. Il y a à cet aéroport un comité national de la sécurité aérienne. C'est un groupe que dirige le ministère de l'Environnement, des Transports et des Régions, auquel siègent des représentants des lignes aériennes, des aéroports, de la police, des ministères, des syndicats, des services d'immigration ainsi que d'autres organismes du secteur aérien. Le comité a pour mandat de discuter des questions d'importance nationale et internationale dans le secteur du transport aérien.
De ce comité émanent divers sous-comités, comme le Sous-comité sur le terrorisme et les questions connexes et le Sous-comité de la police portuaire. On a là-bas un comité semblable au groupe des commandants de la police que nous proposons pour le Canada. Voilà le dispositif qui est en place à cet aéroport.
M. John Cannis: Vous avez parlé de Heathrow, mais assure-t-on une couverture pour toute la Grande-Bretagne à partir de cet aéroport?
Sgt é.-m. Pat Flanagan: Gatwick.
M. John Cannis: Vous avez dit Gatwick. Y a-t-il une couverture pour l'ensemble de la Grande-Bretagne?
Sgt é.-m. Pat Flanagan: Le groupe des commandants réunit tous les commandants de la région environnante ainsi que des représentants de Londres, Heathrow et Stansted.
M. John Cannis: Ils communiquent donc entre eux.
Sgt é.-m. Pat Flanagan: Tout à fait.
M. John Cannis: Merci, monsieur le président.
Le président: Bev.
Mme Bev Desjarlais: À l'heure actuelle, le policier qui escorte un prisonnier à bord d'un avion et qui porte une arme reçoit, si je ne m'abuse, un document spécial qu'il doit présenter à la sécurité.
Si nous options pour le recours à des policiers de l'air, j'imagine qu'on ne voudrait pas que ces policiers aient à signaler leur présence aux membres d'équipage parce qu'on ne fait pas nécessairement confiance aux membres d'équipage, qui pourraient être impliqués dans un attentat. Je ne sais pas si on a l'intention de signaler leur présence aux responsables de la sécurité de l'aéroport. Comment diable faut-il réagir quand on se trouve à bord d'un vol où quelqu'un sort une arme et qu'on ne sait pas de manière certaine si la personne est un policier de l'air?
Sgt é.-m. Pat Flanagan: C'est exactement l'argument que nous soulevons. Vous avez justement mis le doigt sur ce qui fait problème. Nous nous inquiétons de la possibilité que des gens en civil se promènent dans les aéroports en portant une arme cachée. C'est un problème. Tant que nous ne comprendrons pas bien comment le système pourrait fonctionner, nous continuerons à nous poser des questions, c'est sûr.
Mme Bev Desjarlais: Beaucoup des terroristes ont des uniformes de pilote et le reste. Comment donc savoir s'il s'agit ou non d'un terroriste?
M. David Thompson: J'aurais une observation à faire à ce sujet. J'ai lu récemment un certain nombre d'articles sur le sujet, puisqu'il est d'actualité. Il existe de bons programmes de policiers de l'air dans le monde. Je crois savoir qu'El-Al a au moins un policier de l'air dans chacun de ses vols, et il en est ainsi depuis des décennies. Les États-Unis ont un programme de policiers de l'air qui est extrêmement rigoureux. J'ai lu les documents relatifs à ce programme et la formation...
Mme Bev Desjarlais: Il n'y a pas de programme en place aux États-Unis.
M. David Thompson: Ils ont des agents de la sécurité aérienne.
Mme Bev Desjarlais: Oui, mais ce n'est pas un programme permanent.
M. David Thompson: Non.
Mme Bev Desjarlais: Pour ce qui est de la compagnie El Al, je crois savoir que ses agents de sécurité sont facilement reconnaissables à bord des avions. Je me trompe peut-être.
M. David Thompson: Non, ils sont en civil.
Mme Bev Desjarlais: J'ai terminé. Merci.
Le président: James.
M. James Moore: Depuis 1968, les États-Unis appliquent de façon sporadique un programme d'agents de sécurité à bord des vols internationaux, lequel a été couronné de succès.
Pour répondre à la préoccupation de Bev concernant la présence des agents de sécurité à bord des avions, j'aimerais demander à M. Thompson et à M. Flanagan s'ils sont au courant que des policiers se lèvent dans des lieux publics en dégainant leur arme.
Le chef Vince Bevan: Cela arrive rarement au Canada.
[Français]
Le président: Monsieur Harvey, c'est à vous.
M. André Harvey: Merci, monsieur le président. Je crois qu'il faut toujours se méfier des excès. C'est vrai dans le domaine de la sécurité, même si nous avons tendance à essayer d'atteindre la perfection.
Des organismes internationaux ont dit, avant le 11 septembre, que le Canada était un pays où les normes de sécurité avaient atteint un niveau sans pareil. Trouvez-vous que cette évaluation est excessive ou que les standards de sécurité appliqués dans les aéroports frôlent la perfection?
Chef Vince Bevan: Selon moi, les méthodes et les mesures de sécurité appliquées à l'Aéroport international d'Ottawa étaient suffisantes pour répondre aux besoins des gens, des voyageurs et du public en général, avant le 11 septembre. Depuis, je me pose beaucoup de questions sur les méthodes et les normes des compagnies privées qui sont responsables du service de sécurité.
M. André Harvey: Selon vous, le travail de coordination de Transports Canada est-il satisfaisant? Son travail de mise en oeuvre des normes et des mesures permet-il qu'il existe de bonnes relations entre les divers intervenants, la GRC, les transporteurs, les agents, tout le monde, en fait? Selon vous, le système de sécurité coordonné par Transports Canada est-il efficace?
Chef Vince Bevan: Je ne suis pas certain que les normes courantes adoptées par Transports Canada depuis quelques années seront suffisantes pour se conformer au style des Américains et à leurs normes, dorénavant.
M. André Harvey: Selon l'Organisation de l'aviation civile internationale, le Canada a des normes de sécurité de très haut niveau dans les aéroports. D'après vous, ce jugement est-il juste?
Chef Vince Bevan: Monsieur, je ne suis pas en mesure de faire un commentaire à ce sujet.
M. André Harvey: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, mesdames et messieurs. Nous vous savons gré de votre témoignage et je suis sûr que vos observations seront utiles à notre étude.
Nous allons faire une pause de quelques minutes pour permettre à M. Hartt de s'avancer à la table.
Le président: Nous reprenons la séance.
Nous examinons maintenant le projet de loi C-38, Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada.
Notre témoin est Stanley Hartt. Bienvenue, monsieur Hartt.
M. Stanley Hartt (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je suis très heureux d'avoir été invité à témoigner.
J'estime être bien placé, à trois titres différents, pour vous donner mon avis sur cette question. Tout d'abord, je faisais partie du gouvernement qui a décidé en premier lieu de privatiser Air Canada. J'étais sous-ministre des Finances lorsque les premières discussions ont eu lieu en vue de vendre le premier bloc d'actions d'Air Canada au public, ce qui représentait 43 p. 100, sauf erreur, et j'ai été chef de cabinet du premier ministre lorsque le reste des actions, soit 57 p. 100, ont été vendues.
À mon avis, nous avons fait de nombreuses erreurs en vue d'atteindre un objectif louable. En effet, à l'époque, afin de convaincre les gens qu'il fallait nous permettre de nous départir de ce joyau de la couronne et de vendre la compagnie au secteur privé, nous avons dû l'astreindre à diverses conditions quant à ses activités et son comportement futur. Ce n'était peut-être pas la bonne chose à faire étant donné qu'il devait s'agir d'une société privée en mesure de soutenir la concurrence d'autres compagnies aériennes qui, elles n'étaient pas assujetties aux mêmes restrictions.
• 1720
La deuxième raison qui justifie ma présence ici, c'est que
j'ai assumé la tâche fastidieuse d'être directeur général de l'une
des plus grosses sociétés canadiennes à avoir fait faillite, une
entreprise appelée Campeau Corporation, dont vous avez peut-être
entendu parler. Cette société avait fait l'erreur de se lancer dans
des investissements de grande envergure aux États-Unis et d'acheter
tous les grands magasins qui lui tombaient sous la main, en les
finançant grâce à des emprunts et en accumulant une dette si
importante qu'elle était impossible à gérer. Lorsque les
responsables ont licencié le fondateur et président du conseil
d'administration, on m'a demandé de venir mettre de l'ordre dans
tout cela. J'ai réorganisé la société Campeau et j'ai transformé la
dette de 15 milliards de dollars américains en diverses autres
choses. J'ai vendu bon nombre d'éléments d'actif et j'ai réussi à
sauver la société. Elle est encore en activité aujourd'hui, et je
continue de présider le conseil d'administration, sans toutefois en
être le directeur général. Cette société a l'honneur insigne d'être
propriétaire des immeubles qu'occupe le ministère des Transports à
Ottawa. Il est donc possible de sauver des sociétés endettées.
La troisième raison pour laquelle je prétends être expert en la matière, c'est que je suis actuellement président à plein temps de Soloman Smith Barney au Canada. En tant que tel, j'interviens sur les marchés financiers et je mobilise les capitaux pour les sociétés. Je sais ce qu'il faut faire pour convaincre les investisseurs de se débarrasser de leurs avoirs.
Pour en venir maintenant au projet de loi à l'étude, qui propose de supprimer le plafond de 15 p. 100 auquel sont assujettis les détenteurs d'actions d'Air Canada, je peux vous dire que je suis tout à fait favorable à cette mesure, et je parle ici en tant que spécialiste des marchés financiers. Vous devriez l'approuver et la renvoyer à la chambre pour qu'elle l'adopte sans réserve, car cette mesure se fait attendre depuis longtemps, elle est judicieuse et devrait prendre force de loi.
Je regrette de vous dire que ce projet de loi, en soi, ne suffira pas. S'il s'agit de convaincre les investisseurs d'acheter des actions d'Air Canada et, comme l'a dit le ministre en présentant cette mesure à la Chambre, de les persuader que s'il est désormais possible d'acquérir plus de 15 p. 100 de la société—en fait, un Canadien peut en prendre le contrôle—cela pourrait inciter les gens à investir des sommes importantes dans la société. Cela pourrait lui permettre de faire face aux problèmes financiers avec lesquels elle est aux prises.
Cela pose un problème, à mon sens. D'après mon expérience, avant que des investisseurs achètent de nouvelles actions, même si cela leur permettra d'exercer une influence au sein de la société et d'en nommer le conseil d'administration, ils tiennent à ce que certains problèmes soient réglés au préalable. En général, ils souhaitent que le régime de réglementation soit clairement établi et mis en place à l'avance. Il faut qu'ils soient convaincus que ce régime de réglementation ne va pas être modifié au hasard des événements qui pourraient inciter le gouvernement à réglementer ce secteur, à réimposer une réglementation ou à prendre d'autres mesures qui imposent des fardeaux à la société dans laquelle ils investissent des capitaux privés. En fait, je me souviens d'avoir consulté des conseillers auprès du gouvernement à l'époque où ces derniers envisageaient de privatiser Air Canada.
Ce droit existe en Grande-Bretagne. La première chose à faire, c'est établir le régime de réglementation, l'annoncer publiquement et promettre implicitement qu'il ne sera pas modifié à tout bout de champ. Le problème, c'est que le gouvernement devrait faire plus encore. Il devrait en fait énoncer clairement la teneur du régime de réglementation et les obligations d'Air Canada pour mettre en oeuvre la politique gouvernementale.
La règle d'or devrait consister à laisser toute latitude à Air Canada, à l'exception des lois et règlements d'application générale. Il en existe dans notre pays. Il y a la Loi sur la concurrence et la Loi sur les transports au Canada. Ces règles et règlements régissent toutes les sociétés qui font concurrence à Air Canada, et c'est la première chose que va vérifier un investisseur en actions. Il va se demander s'il est dans une position désavantagée par rapport aux sociétés concurrentes.
Le gouvernement pourrait envisager d'abroger totalement la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. Cela supprimerait en même temps d'autres fardeaux auxquels Air Canada était assujettie afin de convaincre le public de l'utilité pour le gouvernement de ne plus participer à la gestion d'une compagnie aérienne. Ces obligations sont très lourdes aujourd'hui. Elles ne s'appliquent pas aux sociétés concurrentes d'Air Canada et ne devraient donc pas s'appliquer non plus à cette dernière.
• 1725
Enfin, je suggère en toute déférence d'envisager de relever le
plafond visant la propriété étrangère prévu dans la Loi sur les
transports au Canada. À mon avis, en portant ce plafond à
49 p. 100, on résoudra le problème pour ceux qui veulent être
certains que le transporteur aérien est vraiment une société
nationale lorsqu'elle est assujettie aux accords qui lui permettent
d'assurer des liaisons vers d'autres pays en échange des mêmes
avantages accordés aux compagnies aériennes de ces pays. De ce
fait, 51 p. 100 de la société appartiendrait à des intérêts
canadiens. Un seul actionnaire étranger, qu'il détienne 25 p. 100
ou 49 p. 100 des actions, exercera une énorme influence sur la
société. Par contre, cela constituerait une importante source de
capital pour la compagnie, ce dont elle a besoin, selon moi.
Le gouvernement pourrait donc envisager diverses mesures, au lieu de se contenter comme il le fait de supprimer le plafond de 15 p. 100.
M. James Moore: Merci, monsieur Hartt, de votre témoignage. En toute franchise, j'approuve sans réserve vos déclarations et votre suggestion. En fait, j'ai avancé à la Chambre l'idée que l'on devrait abroger la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada.
Si vous examinez la loi proprement dite, elle comporte quinze articles. Cinq d'entre eux sont désuets puisque le ministre ne détient plus d'actions. La compagnie aérienne a poursuivi ses activités. Le conseil d'administration a démissionné depuis longtemps—je veux parler de celui de la société d'État. La loi a été abrogée et Air Canada a été constituée en société.
Deux articles sont discriminatoires dans la mesure où ils imposent à Air Canada un régime de réglementation auquel ne sont pas assujetties les autres compagnies aériennes. Il y a d'une part le plafond de 25 p. 100 visant la propriété étrangère. Ce plafond est prévu dans la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. Comme vous l'avez également signalé, c'est à l'article 55 de la Loi sur les transports au Canada.
Fait intéressant à noter, lorsque j'ai proposé au ministre de supprimer complètement le plafond de 25 p. 100 visant la propriété étrangère prévu dans la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, il s'y est opposé en disant qu'il ne devrait être porté qu'à 49 p. 100 seulement, etc., sans se rendre compte que cette limite est déjà prévue dans l'autre loi.
Cinq articles de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada sont inutiles car ils représentent un dédoublement avec d'autres dispositions législatives. Quatre articles sont de nature administrative.
Faute de trouver un meilleur terme, je dirais que la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada est complètement bidon. Quel message envoie-t-elle aux investisseurs? En d'autres termes, en quoi fait-elle du tort à Air Canada, par rapport aux gens susceptibles d'investir dans d'autres sociétés aériennes canadiennes... qui est injuste? Quel avantage présenterait pour Air Canada l'abrogation totale de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada en la mettant sur un pied d'égalité avec ses concurrentes?
M. Stanley Hartt: Je ne vais pas parler de l'à-propos de modifier une loi parce que certains de ces articles sont désuets. C'est une question de travail soigné que je laisse aux parlementaires.
En tant que personne qui recueille de temps à autre des capitaux pour des entreprises, je dirais que chaque fois qu'on impose une obligation qui, en soi, semble naturelle et justifiée, cela se traduit par une dépense. À une époque, il aurait été normal de demander à Air Canada d'assumer cette dépense. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Si on voit comment s'applique la Loi sur les langues officielles, par exemple... je suis un fervent partisan de cette loi. Elle est formidable, à mon avis. Loin de moi l'idée qu'il ne faille pas nous inquiéter de l'usage de nos langues officielles dans notre pays. Ce qui me préoccupe, c'est l'idée d'imposer une obligation de plusieurs millions de dollars à une seule société qui livre concurrence à d'autres sociétés exemptées de l'application de cette loi. Il faut que les règles du jeu soient les mêmes pour tous.
Air Canada a conclu des ententes très complexes avec ses syndicats. Une de mes erreurs de jeunesse a été de participer au règlement de cinq grèves chez Air Canada à titre de médiateur pour le gouvernement: une grève des pilotes, une grève des agents de bord et trois grèves des agents passagers. Je connaissais ces conventions à l'époque. Elles renfermaient des dispositions complexes relatives à la supplantation.
• 1730
Si l'on met à pied un nombre même restreint d'employés, les
gens qui occupent les professions ou travaillent dans des services
visés par les mises à pied ont le droit d'invoquer leur ancienneté
pour accéder à d'autres postes, en invoquant leurs droits de
supplantation et leur ancienneté. Ainsi, une fois réglés les
multiples problèmes dus à ces remplacements, le respect par la
direction de lois comme la Loi sur les langues officielles, alors
qu'elle pensait que tous les emplois et postes étaient dotés comme
ils devaient l'être, est d'un seul coup tout à fait bouleversé;
toutes ces personnes ont été déplacées ailleurs. Les employés ont
été supplantés et déplacés ou ils occupent d'autres emplois qui
n'exigent pas de compétences bilingues, et ceux qui ne possèdent
pas ces compétences occupent les emplois où elles sont
obligatoires. Il faut donc tenir compte du coût de la formation,
lequel est permanent. Il ne suffit pas de faire le nécessaire une
bonne fois et d'espérer que la compagnie va se gérer par elle-même
par la suite.
De même, je suis Montréalais de naissance et j'étais Québécois jusqu'à mon arrivée ici pour travailler au gouvernement, et j'estime que préserver l'économie de Montréal est une obligation essentielle du gouvernement. Toutefois, imposer à la compagnie aérienne l'emplacement de son siège social et de ses installations d'entretien représente une dépense supplémentaire pour celle-ci. S'il était possible de répartir équitablement ces fardeaux entre Air Canada et les compagnies aériennes qui lui font concurrence...
N'oubliez pas que sur certaines liaisons, Air Canada est non seulement en concurrence avec les petites compagnies aériennes canadiennes qui desservent le marché intérieur, mais que sur les vols transfrontaliers, elle soutient la concurrence de compagnies aériennes étrangères. C'est pourquoi, imposer ce genre de dépenses à une société privée...
Ce que je veux dire, c'est que si on lance une société privée et que l'on demande aux actionnaires particuliers d'investir dans ses actions, en fonction de sa capacité d'offrir un bon service, ce qui génère des recettes ainsi que des gains si la société est rentable, il est tout à fait injuste de lui mettre des bâtons dans les roues en lui imposant des frais au nom d'une politique gouvernementale qui n'a pas lieu d'être.
C'est pourquoi je suis convaincu que, pour mettre Air Canada sur un pied d'égalité avec ses concurrents, on pourrait fort bien abroger la loi. On continuerait d'imposer la limite visant la propriété étrangère prévue dans la loi sur les transports au Canada, ainsi que tous les règlements et tous les pouvoirs afférents à l'Office des transports du Canada et au Bureau de la concurrence. Je ne demande pas qu'Air Canada soit complètement débridée, mais qu'on énonce simplement la règle: les lois et règlements d'application générale s'y appliquent et aucune autre disposition spéciale ne la vise s'il s'agit véritablement d'une société privée.
M. James Moore: Ce qui présenterait un avantage politique réciproque pour le gouvernement, dans la mesure où, si Air Canada continuait de connaître des problèmes financiers, elle n'aurait plus le capital politique lui permettant de dire que c'est de la faute du gouvernement. Cela paraît tout à fait logique pour le gouvernement actuel.
Je n'attends pas de réponse de vous, mais il paraît on ne peut plus logique que le gouvernement libéral préconise l'abrogation de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, non seulement pour de bonnes raisons économiques mais aussi pour l'assujettir aux mêmes règles que ses concurrentes; ainsi, si la société connaît des problèmes financiers, elle ne pourra pas tenir le gouvernement responsable. Je suis surpris que le ministre ne voit pas les choses sous le même angle.
Plus précisément, toutefois, j'aimerais vous poser une question au sujet des installations d'entretien qui, aux termes de la loi, doivent être localisées à Mississauga, à Montréal et à Winnipeg. Étant donné que, d'après mes renseignements, le plus gros hangar d'entretien se trouve en fait à Vancouver, vous en avez parlé, mais dans sa situation financière actuelle, dans quelle mesure cela fait-il du tort à Air Canada et cela l'empêche-t-il d'apporter des changements sur le plan des effectifs, de la restructuration, puisqu'elle doit disposer d'installations d'entretien près des plaques tournantes où sont basés ses plus gros avions? Parlez-moi des contraintes financières que cette exigence impose à Air Canada de façon injuste par rapport aux autres transporteurs aériens.
M. Stanley Hartt: Je ne peux pas vous dire combien il lui en coûte chaque année pour se conformer à ces obligations. C'est aux responsables d'Air Canada qu'il faudrait poser la question. Je suis sûr qu'ils pourront vous le dire. Toutefois, il y a sûrement un coût. Toute société qui dessert un grand pays comme le nôtre jugera utile d'avoir des installations d'entretien à divers endroits, mais à mon avis, le fait de lui imposer trois endroits—qui, d'ailleurs, étaient ceux où se trouvaient les installations au moment de la privatisation—n'est qu'une tentative politique en vue de calmer les inquiétudes des habitants et des travailleurs de ces villes qui craignaient de voir ces emplois disparaître à très court terme.
• 1735
Je dois vous dire que la conséquence la plus importante de
tout cela, c'est que lorsque d'autres gouvernements, au niveau
fédéral et provincial, envisageront de privatiser d'autres sociétés
d'État, la leçon à tirer de l'abrogation de la Loi sur la
participation publique au capital d'Air Canada sera que, si on
lance une société dans le secteur privé parce qu'on est convaincus
qu'elle doit être privatisée, il ne faut pas lui imposer des
obligations au titre de la politique gouvernementale.
C'est encore le cas aujourd'hui lorsque les gouvernements provinciaux considèrent les avoirs qu'ils possèdent et hésitent à les privatiser sans leur imposer toutes sortes de fardeaux qui risquent de dissuader les investisseurs.
En outre, vous avez fait allusion à une chose qui m'a paru très importante, à savoir que lorsque le gouvernement intervient de façon aussi lourde dans le sort d'une société privée, il crée une sorte de risque moral quant à la suite des événements si les choses tournent mal. Ce n'est pas un simple compromis en vertu duquel vous me coûtez tant et vous me devez donc tant, mais c'est plutôt un problème d'ordre psychologique. Vers qui se tourne-t-on lorsqu'une société privée est en difficulté?
Lorsque ma société immobilière était en difficulté, il ne nous est jamais venu à l'esprit de demander quoi que ce soit au gouvernement, même si on aurait pu soutenir que cinq ministères fédéraux occupant notre immeuble auraient pu se trouver sans locaux ou avec un propriétaire qui change de nom jours après jour, selon la façon dont les créanciers réglaient la question de la propriété de l'immeuble. Il ne nous est jamais venu à l'esprit de demander de l'aide au gouvernement.
On crée un contexte psychologique où les syndicats... Dans la situation où se trouve aujourd'hui Air Canada, les syndicats devraient être appelés à faire des concessions dans le cadre de certaines conventions. Lorsqu'il s'agit de sociétés privées, on demande généralement aux employés de faire des concessions pour garder leur emploi.
Tout dernièrement, les musiciens de l'Orchestre symphonique de Toronto ont accepté une énorme concession dans le but de préserver leur emploi. Mais quand le gouvernement veut régenter une société, les syndicats hésitent à faire des concessions puisqu'ils partent du principe que le gouvernement va s'en occuper, va faire quelque chose, en intervenant pour payer la note. Il ne va pas les laisser tomber car la société est trop importante pour cela.
C'est plutôt cette question d'attitude, selon laquelle la société est trop importante pour qu'on l'abandonne et qu'elle ne fait pas vraiment partie du secteur privé, ce qui obligera le gouvernement à s'en occuper, est sans doute plus importante que le montant que vous m'avez demandé de calculer.
M. James Moore: C'est ma dernière question.
Lorsque j'ai fait cette intervention à la Chambre, j'ai suscité des critiques de la part de certains de mes collègues qui m'ont dit que j'étais anti-Québec, anti-francophone, parce que j'osais recommander qu'Air Canada ne soit pas assujettie à des normes différentes de celles des autres compagnies aériennes, et qu'en ce qui a trait aux langues officielles, si nous voulons que nos transporteurs, dans l'intérêt national, offrent leurs services dans les deux langues officielles, ils devraient être assujettis à cette loi.
Le ministre des Affaires intergouvernementales n'a pas beaucoup de pain sur la planche à l'heure actuelle, et il est tout à fait possible que cela se fasse d'ici au 19 novembre, lorsque le projet de loi sera adopté en troisième lecture. Le ministre des Transports, quoique dans une moindre mesure, de toute évidence, était du même avis lorsqu'il a comparu devant le comité et avait l'air perplexe à l'idée que je puisse oser remettre en cause le principe d'imposer l'usage des langues officielles à une seule société et non aux autres.
Est-il normal, selon vous, d'évoquer ce genre de sentiment nationaliste dans le cadre du débat alors que tout ce que nous souhaitons, c'est que les règles soient les mêmes pour tous.
M. Stanley Hartt: Je ne suis pas expert en la matière. Toutefois, si l'on n'interroge sur le droit qu'ont les passagers à bord d'un avion de comprendre ce qui leur est dit, surtout s'il s'agit d'une question de sécurité, si des annonces sont faites au sujet de la sécurité ou, Dieu nous en préserve, s'il s'agit d'un véritable incident et que les agents de bord essaient d'expliquer aux passagers quoi faire, il me semble inadmissible que certains de nos concitoyens francophones qui ne connaissent pas couramment la deuxième langue puissent être désavantagés en cas de crise parce que la Loi sur les langues officielles n'a pas obligé les responsables de Canada 3000 ou de WestJet, ou d'une autre compagnie aérienne en concurrence avec Air Canada, à offrir le service dans les deux langues.
Si vous me demandez donc si la politique gouvernementale justifie que tous les voyageurs soient informés au sujet de la sécurité, je vous répondrais sans hésiter que oui; c'est la même chose que lorsqu'on informe les gens au sujet des ingrédients des produits alimentaires qu'ils consomment en vertu des exigences visant l'étiquetage. L'important, toutefois, c'est que les règles soient les mêmes pour tous.
Le coût ne paraît pas énorme tant que l'on ne tient pas compte des répercussions des mesures de supplantation prévues dans les conventions collectives, lesquelles ont pour effet de déplacer continuellement les personnes qui ont reçu une formation, qui sont bilingues, qui étaient affectées aux bons endroits pour servir le public et qui ne le sont plus. Je ne suis pas là pour critiquer les droits de supplantation car j'ai passé une bonne partie de ma vie à régler des questions de relations de travail et j'ai le plus grand respect pour le principe de l'ancienneté. Toutefois, cela coûte cher et il est injuste d'imposer cette condition à une société mais pas à ses concurrentes. C'est ce que je voulais dire.
M. James Moore: Merci.
Le président: Merci, James.
C'est à vous, monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Merci.
Monsieur Hartt, le Canada a-t-il besoin d'une compagnie aérienne nationale?
M. Stanley Hartt: Non, je ne le crois pas. Je pense que nous aimons considérer Air Canada comme notre transporteur national. La seule raison pratique de la considérer comme notre transporteur national, de façon tout à fait officieuse, c'est que lorsque nous concluons des accords réciproques avec d'autres pays pour autoriser leurs avions à assurer des liaisons entre leur territoire et notre pays, nous voulons avoir une société qui soit à même d'assurer la même liaison dans le sens inverse.
Il nous faut sans aucun doute une compagnie aérienne importante. La plupart des pays du monde ont une grande compagnie aérienne solide et plusieurs compagnies locales et régionales. Certains n'en ont même pas. C'est pourquoi je veux faire la distinction entre une compagnie aérienne nationale et une compagnie aérienne importante et solide qui représente le pays en desservant d'autres pays.
M. Paul Szabo: Dois-je en conclure que lorsque votre gouvernement a décidé de privatiser la société, il ne s'est pas vraiment préoccupé du maintien du service sur les liaisons non rentables au Canada?
M. Stanley Hartt: Non. Au contraire, c'était l'une de nos préoccupations.
Ce qui préoccupait le gouvernement, c'était que l'État possédait cette société et que bien des gens la considéraient comme un symbole national, voire un joyau de la couronne. Comment convaincre la population d'approuver l'initiative du gouvernement en vue de se départir de ce bien? Toutefois, la réalité cruelle du monde du commerce, c'est qu'on ne peut pas continuer indéfiniment à exploiter une société à perte. Nous avons connu la même situation dans l'industrie ferroviaire. Au départ, l'industrie ferroviaire était obligée d'offrir certaines lignes qui n'étaient pas rentables et de les subventionner grâce aux gains réalisés sur celles qui étaient rentables. Puis on a autorisé les chemins de fer à abandonner certaines lignes. Ils ont commencé à en abandonner, et à vendre les lignes sur courte distance à des sociétés qui se spécialisaient dans ce genre de chemins de fer. Certaines d'entre elles ont gagné beaucoup d'argent.
M. Paul Szabo: J'aimerais aborder deux autres questions.
La capitalisation d'Air Canada et son bilan à l'époque de sa privatisation lui ont donné un avantage exceptionnel par rapport aux Lignes aériennes Canadien, et nous connaissons la suite.
La rationalisation de l'industrie du transport aérien est de toute évidence à l'ordre du jour. En votre qualité d'intervenant sur les marchés financiers et dans le domaine du conseil financier, ne pensez-vous pas qu'Air Canada n'a ni le bilan, ni les relations de travail ni la marge de manoeuvre dont elle aurait besoin pour intéresser un investisseur à en prendre le contrôle. Êtes-vous de cet avis?
M. Stanley Hartt: Tout à fait.
M. Paul Szabo: Je conviens que ce projet de loi paraît fragmentaire. Si 75 p. 100 de la dette d'Air Canada est détenue par des intérêts étrangers, certains pensent que la solution pour lui permettre de repartir sur de bonnes bases financières consisterait peut-être à transformer une partie de cette dette en avoirs propres.
Toutefois, lorsqu'on veut redresser le bilan, régler les problèmes de personnel, et faire toutes sortes d'autres choses, ce n'est pas possible sans déclarer faillite, que ce soit officiellement ou officieusement, n'est-ce pas?
M. Stanley Hartt: Si vous ajoutiez le mot «informel», je serais d'accord avec vous. On ne peut pas convaincre les gens de convertir une dette en avoirs propres grâce à des mesures fragmentaires. On ne peut pas les convaincre d'accepter de le faire sans tenir compte de ce que font les autres.
M. Paul Szabo: Ils invoqueront la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
M. Stanley Hartt: Je connais assez bien cette loi, pour y avoir eu recours...
M. Paul Szabo: Moi aussi.
M. Stanley Hartt: ...pour remettre la Société Campeau à flot. Cependant, il n'est pas nécessaire de se servir de ce genre de loi.
Dans le cas d'Air Canada, et ici je précise que la compagnie ne m'a pas demandé mon avis, je ne pense pas qu'on puisse faire appel à ce genre de loi. En vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, selon les catégories de créanciers établies suite à une entente ou à une décision du tribunal, les créanciers votent sur le plan de gestion.
Dans le cas d'Air Canada, la compagnie compte un nombre si élevé d'appareils en location que si elle essayait d'adopter un plan de gestion, les bailleurs se diraient dans une catégorie à part et voudraient être exemptés du plan. Ils ajouteraient qu'ils ont de toutes façons l'intention de voter contre le plan et demanderaient à reprendre leurs appareils.
Toute initiative prise en vertu de cette loi se solderait par la reprise des appareils loués par les bailleurs. En revanche, il y a toujours moyen de négocier de façon officieuse avec les créanciers et d'en arriver à une entente préétablie. Autrement dit, au moment de présenter le plan de gestion au public et aux tribunaux, tout le monde l'aurait déjà accepté d'avance.
Cela dit, et pour revenir à ce que je vous disais au début de mon intervention, les gens vont d'abord demander en quoi consiste le régime de réglementation? Qu'arrivera-t-il aux détenteurs des titres de créance après avoir accepté une décote, car il est désavantageux pour eux d'accepter une conversion en actions participantes, du fait que cela réduit leur droit et leur importance parmi les autres créanciers? Ils voudront certainement savoir d'abord à quel régime de réglementation ils ont affaire et être sûrs que personne ne va le changer.
Ensuite, chacun des créanciers tiendra à ce que celui sous lui souffre davantage. En conséquence, si l'objet de l'amendement est d'obtenir qu'on injecte des capitaux dans l'entreprise, souvenez-vous qu'avant d'investir, celui qui détient déjà des actions dira qu'avant d'en arriver là on lui demandera d'autres concessions. Il se demandera pourquoi il a déjà investi pour s'exposer ensuite à d'autres concessions dans le cadre de la restructuration, la plus facile étant la dilution qui fait que d'autres créanciers se retrouvent dans la même catégorie de garantie, mais avec des modalités qui lui font bien plus mal qu'à eux.
M. Paul Szabo: Ma dernière question porte sur l'avenir. J'ai entendu dire que le marché s'est contracté d'à peu près 17 p. 100 mais je n'ai pas entendu les derniers chiffres là-dessus. Une bonne part de ces activités ne reviendront peut-être jamais et d'autres mettront du temps à revenir. À mon avis, cela dépend en grande partie des craintes des voyageurs. Je sais aussi que ce ralentissement a eu un effet d'entraînement dans bon nombre d'industries.
Il se peut fort bien que le marché s'affaiblisse à un tel point qu'Air Canada ne puisse survivre à plus long terme sans d'autres décotes.
Estimez-vous que les investisseurs éventuels vont préférer attendre que la situation se soit complètement détériorée? En ce cas, ils pourraient acheter ce qui reste sans avoir à se soucier des charges antérieures, puis ils pourraient démarrer une véritable entreprise privée. Cette dernière pourrait se livrer à une concurrence dynamique et les nouveaux propriétaires auraient tous les avoirs et facilités dont ils auraient besoin. Je ne suis pas sûr cependant des possibilités.
• 1750
En tant que conseiller financier, est-ce que vous
conseilleriez à un investisseur d'intervenir avant la fin des
difficultés?
M. Stanley Hartt: Vous voyez les choses à terme. Pour ma part, je les vois autrement. De toutes façons, il serait malheureux de dire aux investisseurs d'attendre que ça ne puisse se détériorer davantage, car vous avez raison, dans de telles circonstances, ils ont tendance à attendre.
Air Canada, bien financée, peut être rentable. Il faut cependant voir comment on peut la financer correctement. À mon avis, il faut passer par la restructuration en accord avec les créanciers. La direction peut dès maintenant choisir les moyens de gérer la dette et les autres obligations. Elle n'est pas obligée d'attendre que la situation se détériore.
Notre pays peut certainement faire de la place à un transporteur aérien rentable. La difficulté, c'est que le transporteur doit être bien financé. Plus tôt, vous avez parlé du sort des lignes aériennes Canadien, et vous avez laissé entendre que ses difficultés ont peut-être été causées par l'avantage qu'a eu Air Canada d'être privatisée.
Je suis d'accord avec vous, mais Canadien a aussi été l'artisan de son propre malheur. Elle achetait transporteurs après transporteurs, s'endettant lourdement pour le faire. Quand Air Canada a été privatisée, Canadien était déjà au bord de la catastrophe financière.
Les compagnies du secteur privé doivent donc se préoccuper de leurs capitaux investis et de leurs bilans. On doit le leur permettre et de leur côté, elles doivent le faire, sans attendre que la situation se détériore.
Le président: Merci.
Val.
Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président, et merci monsieur Hartt d'être parmi nous aujourd'hui.
J'aimerais poursuivre là-dessus parce que nous sommes en train d'assister à une autre débâcle en puissance avec la situation de Canada 3000, précisément par rapport aux capitaux investis. J'ai trouvé intéressant de vous entendre dire que le moment était peut-être venu de retirer à Air Canada toutes ses obligations réglementaires pour que la compagnie soit sur un pied d'égalité avec les autres transporteurs aériens.
On a déjà discuté auparavant de la possibilité d'augmenter la participation étrangère autorisée. Nous avons bien modifié quelque peu la situation il y a 18 mois, mais nous n'avons pas éliminé l'obligation de conserver une participation nationale majoritaire ni d'augmenter le plafond imposé à la participation étrangère.
J'ai déjà dit que prendre l'une des deux mesures sans l'autre est absurde de nos jours. Si nous avions fait cela il y a 18 mois, nous ne nous trouverions peut-être pas dans la situation actuelle.
Je comprends votre position relativement à la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada et à certaines de ses dispositions. D'autres témoins nous ont déjà dit que l'obligation de conserver des installations d'entretien et ce genre de choses sont vraiment des fardeaux. À votre avis, devrions-nous aborder la question de la participation étrangère dans le cadre de ce projet de loi? Faudrait-il conseiller au gouvernement d'augmenter la participation étrangère jusqu'à 49 p. 100?
M. Stanley Hartt: Oui, et je l'ai d'ailleurs précisé dans mes remarques. Toutefois, au cas où on ne m'aurait pas vraiment compris et pour être parfaitement clair, je suis tout à fait d'accord avec cela. Cela dit, j'hésiterais à éliminer la limite à la participation étrangère, car ainsi que je le disais à M. Szabo, le Canada n'a peut-être pas besoin d'un transporteur aérien national, une compagnie de pavillon, mais il a certainement besoin d'un transporteur aérien solide exploité par des Canadiens afin de nous représenter dans le cadre des ententes aériennes internationales.
Quoi qu'il en soit, et d'ici à ce qu'on modifie le régime de réglementation, ce qui est fort possible, nous allons probablement assister à des difficultés pour les transporteurs aériens d'autres pays. C'est déjà le cas avec Swissair, qui a d'énormes ennuis. Or, s'il n'y avait pas Swissair, quelle compagnie aérienne assurerait le service avec la Suisse? Eh bien, ce seraient des transporteurs aériens d'autres pays, mais en ce cas, il faudrait peut-être revoir le régime le prévoyant uniquement dans le cadre d'un accord de réciprocité.
• 1755
Pour l'instant, j'aimerais qu'on hausse la limite à la
participation étrangère à 49 p. 100, et j'estime aussi qu'il serait
peut-être bon de renégocier à l'échelle internationale la règle
voulant qu'on accorde des itinéraires aux transporteurs nationaux
de deux pays sur une base strictement réciproque.
Il y a quelque temps, nous avons lancé l'initiative ciel ouvert dans notre pays, et elle n'a apporté que des avantages aux consommateurs et voyageurs canadiens. Elle leur a donné beaucoup de choix pour les déplacements transfrontaliers, si bien qu'on aimerait pouvoir en bénéficier partout. À part cela, vous savez sans doute que l'on brandait l'épouvantail du cabotage, c'est-à-dire le droit pour un transporteur étranger atterrissant par exemple à Toronto d'y prendre des passagers et de les amener jusqu'à Montréal. À l'heure actuelle, nous l'interdisons, surtout parce que la réciproque ne nous est pas accordée. Ce genre de chose se négocie à l'échelle internationale.
Toutefois, pour revenir à votre question, je répondrai oui, je ferais monter la limite touchant la propriété étrangère à 49 p. 100.
Mme Val Meredith: Pour ce qui est du financement d'Air Canada, vous avez dit que la compagnie doit restructurer sa dette et que ce serait possible sans qu'elle déclare une faillite volontaire ou involontaire. Par ailleurs, vous avez aussi affirmé que l'élimination des contraintes en matière de propriété ne suffirait peut-être pas. Ce qui est en jeu à par cela, c'est l'appui financier du gouvernement, les prêts ou garanties de prêts et les sorties de fonds.
Qu'en pensez-vous? Est-ce à cette condition que l'entreprise peut redevenir rentable? Est-ce que le gouvernement devrait même envisager ce genre d'aide?
M. Stanley Hartt: Ici à mon avis, il faut faire une distinction importante. D'abord, vous avez parfaitement raison. Dans l'ordre normal des choses, le gouvernement ne devrait pas venir en aide à des compagnies du secteur privé en difficulté, même dans le cas où elles fournissent ce qui me paraît être un service public essentiel. Toutefois, compte tenu du régime international actuel, si Air Canada n'existait pas, le Canada serait fortement désavantagé sur le plan commercial, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de ses frontières, car les gens ne pourraient pas voyager d'un lieu à l'autre.
En outre, si je ne m'abuse, Air Canada a demandé l'aide du gouvernement non en raison de sa situation financière peu reluisante ou de la récession ou encore d'autres circonstances économiques régionales. Elle l'a fait simplement parce qu'à la suite de l'attentat du 11 septembre, tout le système d'aviation civile en Amérique du Nord a été fermé. C'était un événement imprévu, il a eu des conséquences massives et nous en subissons encore les effets.
Aux États-Unis, où aucun transporteur aérien n'a jamais appartenu à un pouvoir public, le gouvernement a immédiatement estimé qu'il fallait venir en aide aux lignes aériennes, qui connaissaient déjà des problèmes d'endettement et avaient de la difficulté à trouver des capitaux dans les marchés où je travaille. Le gouvernement américain a donc jugé à propos de donner à ces transporteurs une aide considérable sous diverses formes, aide qui atteint quelque 15 milliards de dollars américains, tout cela pour les aider à traverser la crise créée par les attentats du 11 septembre. Ce n'est pas la même chose que d'assumer la responsabilité morale et financière de venir en aide à une compagnie en difficulté, pourvu qu'elle soit suffisamment connue et qu'elle soit assez bien représentée auprès des parlementaires pour se plaindre de son sort et obtenir de l'aide.
Je suis contre cette dernière forme de soutien, mais pour la première. Je suis favorable à une aide plus généreuse destinée aux transporteurs aériens du Canada, en fonction non seulement du nombre d'heures d'exploitation perdues en raison de la fermeture de l'espace aérien nord-américain, mais aussi des conséquences économiques manifestes et quantifiables.
Certains de mes collègues refusent encore de prendre l'avion, même dans le cas où ils doivent le faire pour vivre. Ce sont en effet des gens qui ne font que voyager par avion, se rendant d'un endroit à l'autre pour rendre visite à des compagnies et leur proposer des instruments financiers. Maintenant, ils me disent qu'ils vont faire tout cela par téléconférence et que dans quelques mois peut-être, ils retrouveront le courage de reprendre l'avion.
Par conséquent, il faut faire une distinction entre assumer des obligations de nature purement privées et intervenir dans une situation qui nous a forcés à réagir à un événement terrible qui touchait toute l'Amérique du Nord.
Mme Val Meredith: À ce sujet, je crois savoir qu'aux États-Unis on a accordé quelque 10 milliards de dollars aux transporteurs aériens, sous forme de garanties de prêts, afin qu'ils disposent de suffisamment de capitaux pour poursuivre leurs activités.
La semaine dernière, le ministre nous a dit je crois que ce genre de garanties n'avait pas encore été accordé ici. Rappelons que le cas de Canada 3000, les garanties de prêts accordées par le ministre sont assorties de conditions. Estimez-vous qu'il s'agit là d'ingérence prévue par la loi ou gouvernementale ou au contraire pensez-vous que dans certaines circonstances, le gouvernement a raison d'accorder une garantie de prêt assortie de certaines conditions. Est-ce juste de procéder de cette manière?
M. Stanley Hartt: Encore une fois, il faut se demander ce qui motive cette aide. En l'occurrence, je ne suis pas sûr que le soutien accordé à Canada 3000 ait quoi que ce soit à voir avec les attentats du 11 septembre et leurs conséquences, qui sont sans précédent et ne se reproduiront plus nous l'espérons. Dans ce cas-ci, si le gouvernement refusait son aide, et forçait le secteur privé à assumer aussi un tel fardeau, on acculerait certaines entreprises à la faillite, dans le cas des Américains, on éliminerait leur concurrence. Ici, on se trouverait à éliminer un de nos rares concurrents.
Il me semblerait tout à fait inapproprié de soutenir Canada 3000 pour toute autre raison, même dans le but de favoriser la concurrence.
Au Canada, cela fait longtemps que des compagnies ont le courage de se lancer dans cette industrie, malgré les coûts élevés que cela représente, et d'essayer de faire concurrence à Air Canada. Bon nombre d'entre elles ont fini par être absorbées par les Lignes aériennes Canadien; d'autres ont tout simplement échoué. Au cours des 20 ou 25 dernières années, des douzaines de nouveaux transporteurs aériens ont vu le jour puis disparu. Je ne pense pas que c'est au gouvernement qu'il appartient de décider qui devrait poursuivre ses activités et qui devrait y mettre fin. En l'occurrence, le ministre a peut-être souhaité avant tout conserver le peu de concurrence qu'il nous reste.
Quand j'étais sous-ministre des Finances, le gouvernement pour lequel je travaillais a accordé un prêt de 50 millions de dollars à Canadien et on m'avait alors demandé d'assister aux réunions du conseil d'administration pour y observer ce qui se passait. Je n'étais pas un membre en bonne et due forme du conseil et je n'avais pas non plus le droit de vote, mais j'observais le fonctionnement du conseil afin d'être sûr qu'il se comporte de façon correcte, car le gouvernement tenait à ce qu'on lui rembourse ses 50 millions de dollars. Nous avions aussi acheté certains appareils de la compagnie afin de lui fournir de l'argent.
Tout bien considéré, je pense que ce genre de chose ne marche pas. C'est une erreur, parce qu'on ne peut réussir. On ne peut rendre rentable une entreprise qui ne l'est pas autrement.
Le président: Ce sera votre dernière question.
Si je vous presse, c'est seulement parce que les représentants d'Air Canada ne peuvent pas rester plus longtemps que la période qui leur est accordée, donc si vous prenez trop de temps maintenant, vous ne pourrez pas leur poser de questions.
Mme Val Meredith: Comment pouvez-vous distinguer entre une mesure justifiée et quelque chose qui ne l'est pas, alors? Si Air Canada demande au gouvernement de lui prêter de l'argent en raison d'une baisse de la clientèle quand ses motifs sont tout à fait différents, comment le gouvernement peut-il savoir quand délier les cordons de la bourse et quand s'en abstenir?
M. Stanley Hartt: Je ne serais probablement pas en mesure de répondre à votre question en général, mais en l'occurrence, la réponse est simple.
Il n'est pas dans l'habitude du gouvernement américain de soutenir les compagnies du secteur privé, et en temps normal, c'est-à-dire avant le 11 septembre, les problèmes des transporteurs aériens auraient pu se régler par la voie de la rationalisation, des fusions et des absorptions. Cependant, en raison du 11 septembre, le gouvernement américain a jugé que les circonstances justifiaient des mesures d'aide. Qu'elles se soient déjà concrétisées ou non, qu'elles prennent la forme de garanties de prêts ou de subventions, de soutien à la sécurité aéroportuaire, de policiers de l'air ou encore d'assurance, elles ont été jugées appropriées. Les Américains ont décidé d'appuyer leurs transporteurs aériens. Rappelez-vous ici que leurs lignes aériennes font une très forte concurrence aux nôtres en matière de transport transfrontalier, et il me serait donc très facile de me prononcer cette fois.
Mme Val Meredith: Merci, j'ai terminé.
Le président: Monsieur Laframboise, mes excuses, la parole est à vous.
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci.
• 1805
Vous étiez sous-ministre au
moment de la privatisation d'Air Canada. Pouvez-vous
nous rappeler rapidement en quelle année vous étiez
en poste?
M. Stanley Hartt: Oui. J'ai été sous-ministre des finances entre le 1er septembre 1985 et le 1er mai 1988. J'étais en poste lorsqu'on a discuté de la privatisation d'Air Canada, mais je ne l'étais plus quand la loi a été adoptée.
M. Mario Laframboise: Lors de la privatisation, en 1987...
M. Stanley Hartt: Non, en 1988.
M. Mario Laframboise: ...en 1988, vous avez participé aux discussions.
M. Stanley Hartt: Oui.
M. Mario Laframboise: Il y avait quand même des obligations. Il y avait des obligations concernant les employés lors de cette privatisation. Pouvez-vous me les résumer?
M. Stanley Hartt: Je ne pense pas que les obligations portaient comme tel sur le nombre d'employés, mais plutôt sur l'endroit où seraient situés le bureau chef de la compagnie et ses bases d'entretien, qui devaient être maintenues aux trois endroits où elles se situaient à l'époque, c'est-à-dire Montréal, Winnipeg et Mississauga. Les employés étaient protégés de cette façon.
M. Mario Laframboise: Vous avez participé à cette décision. Vous étiez...
M. Stanley Hartt: Oui.
M. Mario Laframboise: Vous n'êtes pas d'accord aujourd'hui, mais à l'époque, vous avez participé à cette opération. Avez-vous manqué de courage ou si... Pouvez-vous essayer de m'expliquer cela?
M. Stanley Hartt: Je pense, en effet, que vous avez raison, qu'il s'agissait d'un manque de courage. L'idée même de faire une loi qui vise la participation du public à l'actionnariat d'Air Canada est une idée que je trouve presque incompréhensible aujourd'hui. Cela impliquait que les veuves et les orphelins devaient acheter des actions de la compagnie. Pourquoi cela me semble-t-il incompréhensible? Parce qu'il s'agissait d'une très grande entreprise et qu'ils devaient investir dans une industrie cyclique qui comportait, je pense, beaucoup de risques, même à l'époque, et encore plus maintenant.
On a cru qu'il était nécessaire de persuader le grand public, pour des raisons politiques, d'appuyer la privatisation de cette compagnie. Pour ce faire, on a défendu l'idée que si l'électeur était jusqu'alors propriétaire de la compagnie en tant que citoyen, il pouvait le demeurer en tant qu'actionnaire. Je pense qu'il s'agissait d'une fausse protection. On protège mal les gens en les poussant à faire ce qui n'a pas de sens.
M. Mario Laframboise: Je ne pense pas, M. Hartt, malgré tout le respect que je vous dois, qu'il s'agissait d'une fausse protection. Cette idée ne se vendait tout simplement pas, politiquement. Elle ne se vendait pas politiquement en 1988, et elle ne se vend toujours pas politiquement au moment où on se parle. Profiter des événements du 11 septembre pour essayer de régler des choses que vous auriez pu régler en 1988, alors que vous faisiez partie du gouvernement, me semble très... Je préfère modérer mes propos.
C'est un manque de courage flagrant que de profiter des événements du 11 septembre pour remettre en question la Loi sur les langues officielles. Je reviendrai à mon collègue plus tard. Si vous nous proposiez aujourd'hui qu'une loi oblige les autres compagnies aériennes à respecter le français dans les airs, je vous appuierais et le Bloc québécois serait derrière vous si vous vouliez ainsi assurer une concurrence plus équitable entre Air Canada et les autres compagnies. Si mon collègue présente un projet de loi pour forcer les autres compagnies aériennes au Canada à respecter les langues officielles, je serai derrière lui. Ce n'est vraiment pas une bonne idée de vouloir abolir toutes les obligations, y compris celles qui ont pour but de protéger le français dans les airs. Au moment où on se parle, 136 plaintes ont été déposées au bureau de la commissaire aux langues officielles.
Vous nous dites, d'autre part, que vous souhaitez que les veuves et les orphelins aient assez d'argent pour se porter acquéreurs d'actions et jouer à la bourse. Ceux qui ont investi et qui ont acheté des actions d'Air Canada savaient très bien dans quoi ils s'embarquaient. Toute cette situation avait été tellement médiatisée à l'époque, tout comme aujourd'hui d'ailleurs. Personne n'est obligé d'acheter quand on sait qu'une entreprise vit certaines contraintes.
En passant, on verra plus tard, mais je serais surpris que le coût du maintien du siège social à Montréal et les coûts entraînés par la Loi sur les langues officielles soient si importants par rapport au chiffre d'affaires. Vous parlez de remettre en question le siège social, mais il en faut bien un, de toute façon.
• 1810
Vous semblez trouver que le fait qu'il se trouve à
Montréal entraîne des frais exorbitants. Pour faire
l'entretien des appareils, il faut des endroits. Les
appareils, à ce que je sache, volent. Que
l'entretien soit fait à Montréal ou ailleurs, il
faut quand même qu'il soit fait.
J'ai donc beaucoup de difficulté à partager ce point de vue. Parlons maintenant des employés. Il y a eu tout un débat, à l'époque. Une loi protège, quant à moi, les travailleurs. Si on veut procéder à de la rationalisation, on peut le faire de concert avec les syndicats. Ceux-ci ont avancé des solutions, dont, entre autres, le temps partagé.
Vous ne parlez pas du 11 septembre dans votre discours. Vous ne semblez pas comprendre. D'après vous, toutes les compagnies aériennes auraient probablement connu des difficultés financières, que les événements du 11 septembre aient eu lieu ou pas. Ce serait arrivé d'une manière ou d'une autre.
[Traduction]
M. James Moore: J'aimerais invoquer le Règlement. Étant donné le peu de temps qui nous est imparti, et puisqu'Air Canada devait faire son exposé il y a déjà 15 minutes, est-ce qu'on peut avoir une question ou accélérer quelque peu au lieu d'entendre un discours?
Le président: Il a 10 minutes, et il peut s'en servir comme bon lui semble.
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président, de rappeler mon collègue à l'ordre.
Je veux simplement, M. Hartt, que vous soyez logique avec vous-même. Je pense que les événements du 11 septembre ont eu une influence très importante sur le dépérissement de la situation financière de toutes les entreprises à travers le Canada. Par conséquent, il faut apporter une aide appropriée, comme les Américains l'ont fait. Il ne faut surtout pas en profiter pour régler des comptes sur le dos des entreprises, surtout vous, qui auriez pu les régler en 1988. Vous aviez amplement le temps, à l'époque. Merci.
M. Stanley Hartt: Je voudrais répondre à plusieurs choses. Si vous relisez ma réponse à une question d'un de vos collègues, vous verrez que j'ai dit la même chose que vous. Le poids de la Loi sur les langues officielles ne doit pas reposer uniquement sur Air Canada. En principe, un voyageur a le droit d'être informé des mesures de sécurité, surtout lorsqu'il s'agit d'un événement inhabituel, dans sa langue maternelle. J'accepterais donc volontiers que cette loi s'applique à toutes les compagnies aériennes. Je n'ai pas dit que l'on doit uniquement donner à Air Canada la possibilité de ne plus respecter la loi; j'ai dit qu'il faut faire en sorte que tous les concurrents soient au même niveau.
Je voudrais aussi parler du courage dont je n'ai pas suffisamment fait preuve. Étant sous-ministre des Finances, je ne prenais pas seul les décisions du gouvernement. Je dois cependant avouer qu'à l'époque j'étais en faveur de toutes ces restrictions. Je répondrai donc ceci à votre question: si une personne ne peut pas apprendre de ce qu'elle découvre au fil du temps et si elle ne peut pas apprendre de ses erreurs, cette personne souffre d'une faiblesse dont j'espère être exempt. Je suis prêt à admettre que, à l'époque, j'ai pensé que certaines restrictions étaient nécessaires, politiquement nécessaires, mais maintenant je trouve que, commercialement, elles étaient mal fondées.
Parlons maintenant du siège social et des lieux d'entretien. Il y a, bien sûr, nécessité d'avoir un siège social, mais si vous étudiez de quelle façon Air Canada opère, vous vous rendrez compte que Toronto est devenue, au fil des ans, son centre opérationnel. Il y a donc dédoublement de fonctions au niveau de la gestion de la compagnie, à cause de l'obligation d'avoir le siège social à Montréal et un grand bureau administratif à Toronto. C'est exactement la même chose pour les lieux d'entretien.
• 1815
Parlons du 11 septembre. Je reconnais
que les compagnies aériennes américaines vivaient, avant
cette date,
pratiquement la même situation qu'Air Canada. Elles
étaient trop endettées et connaissaient de graves
difficultés financières. Il y a tellement de compagnies
aériennes aux États-Unis que
la fusion de quelques compagnies peut être indiquée.
Certaines ont donc pu tenter de tirer parti des
événements du 11
septembre pour régler d'autres problèmes qui
existaient auparavant. Si les États-Unis
n'avaient pas accordé à ces compagnies aériennes un
financement si généreux, je serais aussi d'avis qu'il
s'agirait d'une couverture, mais étant donné
que les concurrents d'Air Canada qui desservent
les mêmes villes canadiennes en provenance des
États-Unis ont reçu toutes ces subventions, ces
assurances d'aide sous diverses formes, il me semble...
[Traduction]
Le président: Auriez-vous l'obligeance de conclure?
[Français]
M. Stanley Hartt: Il me semble que l'on devrait faire de même pour Air Canada.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hart. Nous vous sommes reconnaissants de votre participation. Vos idées sortent certainement des sentiers battus. Merci d'être venu ce soir.
Je vais maintenant demander à nos deux témoins, M. Rovinescu et M. Markey, de bien vouloir s'asseoir à la table des témoins.
La parole est à vous, monsieur Rovinescu.
[Français]
M. Calin Rovinescu (vice-président général, Croissance et stratégie de l'entreprise, Air Canada): Monsieur le président, honorables membres du comité, mesdames et messieurs, au nom d'Air Canada, je vous remercie de m'offrir la possibilité de vous adresser la parole ce soir.
[Traduction]
Permettez-moi d'abord de remercier le comité d'avoir tenu compte ce soir de notre horaire très contraignant. Vous n'ignorez pas que la ligne aérienne connaît de nombreux problèmes ces jours-ci.
On nous a appris que vous avez dû interrompre d'autres importants travaux pour étudier cet urgent projet de loi et nous vous en sommes reconnaissants.
Le projet de loi C-38 importe non seulement sur le plan du contenu mais comme illustration de ce qu'on peut réaliser lorsqu'un gouvernement pose la question essentielle, à savoir comment alléger le fardeau imposé par la loi à l'industrie pour favoriser la compétitivité. Nous vous encourageons à vous inspirer de cette orientation dans vos délibérations.
D'emblée, nous tenons à affirmer notre appui à ce projet de loi: son principe et son contenu sont justes.
• 1820
Toutefois, avant d'aborder les dispositions de ce texte
législatif, il me paraît important de vous donner un aperçu de la
situation dans laquelle nous nous trouvons, ainsi que toute
l'industrie.
Il va sans dire que les événements du 11 septembre ont été les plus dramatiques et tragiques auxquels on ait pu assister. Il s'agit peut-être des attentats les plus préjudiciables pour une industrie de toute l'histoire: l'utilisation d'avions comme armes de destruction massive sur le sol nord-américain, à seulement quelques centaines de milles de notre frontière.
En quelques heures, Air Canada collaborait avec Transports Canada afin de fermer de façon ordonnée l'espace aérien canadien, événement sans précédent. Nous avons fait notre part pour assumer les nombreux problèmes opérationnels que représentait l'accueil de douzaines de transporteurs aériens étrangers sans préavis et dans des aéroports qui ne disposaient pas des infrastructures appropriées. Ce jour-là, tout le monde s'est entraidé pour résoudre les problèmes humains occasionnés par cette crise. Depuis, la tragédie fait maintenant partie du passé mais ses effets demeurent.
Qu'on ne s'y trompe pas, monsieur le président, notre industrie est bel et bien en crise. À ceux qui nous diront que les transporteurs aériens du monde entier, y compris Air Canada, avaient des problèmes avant le 11 septembre, je répondrai qu'ils ont raison, nous avions des problèmes mais ils n'ont fait que s'aggraver. Chez Air Canada, nous étions aux prises avec des prix du carburant élevés, une situation de quasi-récession et de constants problèmes de relations de travail en raison de notre absorption de Canadien. Aujourd'hui, notre entreprise ainsi que les transporteurs du monde entier combattent les mêmes adversaires tout en faisant face à une chute sans précédent du nombre de passagers.
Le gouvernement américain a immédiatement saisi la gravité de la situation et, 72 heures après les attentats, il a préparé un train de mesures globales visant la stabilisation des transporteurs aériens. On a beaucoup parlé et discuté de la pertinence ou de l'utilité de telles mesures au Canada, mais une chose est sûre: toutes les compagnies aériennes sont affectées par cette crise mondiale. Cela dit, la situation est pire en Amérique du Nord, et elle affecte avant tout les transporteurs qui ont des liaisons avec les États-Unis. Là-bas, les licenciements ont été dramatiques, 100 000 personnes ayant perdu leur emploi depuis le 11 septembre. En outre, les compagnies Swissair, Sabena, Ansett et Air New Zealand sont toutes sous une forme ou une autre en faillite. Plusieurs transporteurs américains sont au bord du gouffre et on rapporte même que deux très solides transporteurs du Royaume-Uni, les vénérables British Airways et Virgin n'ont plus que quelques mois de liquidités.
Air Canada n'est pas à l'abri. Depuis les attaques, nous avons dû composer avec de nombreux facteurs qui ont eu un impact direct sur notre rentabilité: la réduction de notre cote de crédit, la réduction de la valeur de nos actifs, la hausse des coûts d'assurance et de sécurité, des changements radicaux à la capacité et à notre horaire, et la liste continue.
Dès que l'effet d'entraînement a commencé à se faire ressentir dans notre secteur, Air Canada a pris des mesures afin de soutenir sa position. Presque immédiatement nous avons annoncé une réduction de 20 p. 100 de nos services aériens transfrontaliers. Nous avons par ailleurs annoncé une série de mesures visant à réduire de 20 p. 100 nos coûts de main-d'oeuvre.
Cependant, ce n'est pas la question qui nous intéresse ce soir. Le gouvernement a fait une proposition précise par le projet de loi C-38 qui, selon lui, devrait nous aider dans nos efforts de financement et de restructuration du capital, et c'est la question qui nous intéresse ce soir.
Nous félicitons le gouvernement de reconnaître qu'un élément important pour assurer une liquidité additionnelle et des capitaux propres éventuels consiste à lever certaines des restrictions en matière de participation qui empêchent d'avoir une capitalisation plus dynamique de la société.
En proposant d'éliminer les restrictions sur le nombre d'actions qu'une personne peut détenir et sur le transfert, le gouvernement reconnaît qu'Air Canada doit être en mesure d'avoir accès à toutes les ressources nécessaires qui existent sur le marché financier et sur le marché des actions, sans se heurter à des obstacles artificiels.
Nous considérons qu'il s'agit là d'un développement positif alors que la société continue de mettre en place des mesures en vue de renforcer son rendement financier et sa performance d'exploitation à la suite des événements du 11 septembre. De la même façon, nous appuierions une augmentation de la participation étrangère qui passerait de 25 p. 100 à 49 p. 100. Cette mesure est importante pour attirer les investissements privés étrangers. Bien qu'il soit peu probable qu'aujourd'hui un transporteur étranger soit intéressé à investir considérablement dans des transporteurs d'autres pays, naturellement, cela n'exclurait pas la possibilité de développer d'autres liens avec des transporteurs étrangers.
• 1825
Au-delà de ces mesures précises, certains membres de votre
comité ainsi que d'autres témoins ont demandé pourquoi s'arrêter
là? Ils ont laissé entendre que le moment était peut-être venu
d'abroger la loi et de libérer Air Canada de tout le fardeau de la
réglementation que lui impose la Loi sur la participation publique
au capital d'Air Canada.
Air Canada appuierait une telle initiative et estime qu'il s'agit là d'une perspective louable. Soyez assurés qu'avec tout ce qui se passe ces jours-ci, personne à Air Canada n'a le temps de planifier un déménagement du siège social ou de ses bases de maintenance ou de se demander ce que ce serait de ne pas offrir le service dans les deux langues officielles. Bien au contraire, nous estimons que Montréal est un excellent endroit pour le siège social d'Air Canada; que Winnipeg et Montréal sont de bons endroits pour nos bases de maintenance et que le fait d'offrir le service dans les deux langues officielles est une chose dont nous sommes fiers.
Si la loi était abrogée demain, nous offririons toujours un service bilingue. Pourquoi, parce que les Canadiens le veulent. Il serait bête de laisser tomber la force concurrentielle que représentent les capacités linguistiques de nos employés de première ligne pour nous en tant que transporteur. Quiconque a voyagé à bord de l'un de nos vols internationaux aura remarqué les épinglettes en forme de drapeau que portent les membres de l'équipage pour indiquer les différentes langues dans lesquelles ils peuvent servir nos clients. Soyons clairs. Les compétences linguistiques sont un avantage, non pas un fardeau pour Air Canada.
Cela étant dit, il est tout à fait approprié en cette période très difficile de demander pourquoi les normes et les règles ne sont pas les mêmes pour deux sociétés du secteur privé. En justifiant la nécessité d'éliminer la limite de 15 p. 100 de participation étrangère, le ministre a déclaré: «aucun autre transporteur n'a les mêmes restrictions». Nous sommes tout à fait d'accord avec lui. Le moment est venu de mettre en place un cadre de réglementation plus équitable qui s'applique à toute l'industrie.
Si tous les services offerts partout au pays dans les aéroports et à bord des avions devaient être bilingues, alors peut-être que tous les transporteurs seraient tenus de s'y conformer, qu'il s'agisse de transporteurs régionaux, d'affréteurs aériens, de transporteurs à tarifs réduits, ou de services aériens spécialisés. S'il est logique que l'industrie offre un service bilingue, alors c'est logique. Si ce n'est pas logique, alors ça ne l'est pas. Je pense que l'idée de faire cette distinction artificielle est dépassée.
Il est vrai qu'Air Canada est fière d'avoir toujours reflété les valeurs de notre pays. Il ne serait cependant pas réaliste de dire que le cadre législatif qui était en place lors de la privatisation de notre société il y a 11 ans ne devrait jamais changer.
Comme tout le monde ici autour de cette table le sait très bien, beaucoup de choses ont changé au cours des 11 dernières années, non seulement sur le plan politique mais également dans notre industrie. Les changements ont été particulièrement prononcés au cours des deux à trois dernières années et même encore davantage depuis le 11 septembre. Bien que l'on mette constamment à jour les cadres stratégiques et de réglementation pour bon nombre d'industries afin qu'ils reflètent les réalités actuelles, la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada n'a pas fait l'objet d'un examen détaillé depuis quelque temps.
Nous ne devrions pas être régis par une politique qui n'a peut-être plus sa place aujourd'hui, une politique qui ne devrait plus s'appliquer depuis longtemps, particulièrement en ce moment-ci alors que l'industrie fait face aux plus gros risques auxquels elle ait eu à faire face en matière de responsabilité.
Enfin, si la loi n'est pas abrogée, nous avons un certain nombre de changements d'ordre administratif à y proposer. Je demanderais à nos gens de les proposer à qui de droit au bon moment, car je pense que tout, y compris le nom même de la loi, laissera entendre la participation publique. Il y a de nombreux aspects indirects à la loi qui devraient être pris en compte, peu importe ce que décidera votre comité.
Monsieur le président, vous et vos collègues avez un travail important à faire au cours de vos délibérations sur le cadre de réglementation de notre industrie et manifestement, nous voulons coopérer. Nous sommes prêts à en parler avec vous. Il est vrai que nous n'avons peut-être pas été aussi disponibles que l'auraient voulu certains membres du comité. Comme vous pouvez vous l'imaginer, c'est une période très difficile pour nous. Nous pouvons rester étroitement en communication avec vous pour déterminer à quel moment nous pourrions revenir témoigner devant votre comité.
Nous sommes d'avis que plus que jamais il faut trouver des solutions nouvelles et dynamiques. Il faut tenter de trouver le moyen de faire en sorte que cette crise rende notre industrie encore plus forte et plus sécuritaire qu'auparavant.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Rovinescu. Nous vous remercions des conseils que vous nous donnez ici malgré le court préavis.
Monsieur Moore, vous avez la parole.
M. James Moore: Merci.
• 1830
Je remercie les représentants d'Air Canada d'être venus
témoigner devant notre comité. Ils devraient savoir que je
présenterai des amendements plus tard au cours de la soirée pour
faire exactement ce que vous et d'autres témoins ont demandé,
c'est-à-dire abroger la Loi sur la participation publique au
capital d'Air Canada, en grande partie pour les mêmes raisons que
celles que vous nous avez données et pour d'autres, en ce sens
qu'elle est redondante, qu'elle crée des règles du jeu non
équitables et qu'elle ne permet pas à Air Canada de rivaliser sur
un pied d'égalité avec d'autres transporteurs canadiens.
Je voudrais vous poser une question en partie pour la forme. Je crois comprendre que la plus grande installation de maintenance d'Air Canada, ou l'une de ses principales installations, se trouve en fait à Vancouver. C'est là où se fait l'entretien de bon nombre de vos gros porteurs, les 747-400. Le fait que vous ayez mis en place ces installations là-bas malgré le fait que les installations de maintenance sont prescrites dans d'autres parties de la loi, montre bien jusqu'à quel point cet article de la loi n'est pas pertinent.
Le ministre des Transports, à la Chambre des communes, lorsque nous avons débattu cette question, a laissé entendre que si les dispositions de la loi précisent que ces installations de maintenance devraient se trouver à Mississauga, Winnipeg et Montréal, c'est parce que lorsque la loi a été adoptée, le gouvernement du Canada a promis de protéger les emplois des gens qui travaillaient à ces endroits et qu'il serait contraire à la façon de faire canadienne de changer cela. Qu'en dites-vous?
M. Calin Rovinescu: Absolument. Nous avons un centre de maintenance très important à Vancouver. En fait, nous envisageons à l'heure actuelle de mesurer le succès selon les unités opérationnelles. Nous allons donc évaluer la rentabilité de toute notre unité des opérations techniques, pour voir où il serait logique de faire faire l'entretien de certains appareils, à quel endroit on a acquis certaines compétences, etc.
À ce moment-ci, nous n'avons aucune raison de laisser entendre que nous pourrions fermer l'un de nos centres de maintenance à Montréal, Toronto, Winnipeg ou Vancouver. Nous avons fait certains changements. Par exemple, à Calgary, nous avions un centre régional important. Il est possible qu'à un moment donné, ce centre devienne un centre de service de ligne principale.
Les possibilités sont nombreuses quant aux changements qui pourraient être apportés. Les décisions à cet égard doivent être prises selon les analyses de rentabilisation plutôt que parce que quelque chose est écrit quelque part.
M. James Moores: Et les décisions d'affaires devraient être prises par le conseil d'administration de la société, non pas être imposées à Air Canada par le conseil d'administration du pays ou qui que ce soit d'autre.
Il y a aussi la question de Loi sur les langues officielles. Je suis ravi que vous ayez abordé la question. M. Hartt, qui a témoigné juste avant nous, a lui aussi abordé la question, en ce sens qui si nous croyons au principe d'égalité et d'équité, et si nous croyons au principe des langues officielles, alors on devrait tout simplement inscrire dans la Loi sur les langues officielles que le service aérien est d'intérêt national.
Le ministre des Affaires intergouvernementales n'est pas très occupé à l'heure actuelle. Il peut certainement faire cela d'ici le 19 novembre, date prévue de la troisième lecture du projet de loi. Il n'y a pas de raison pour ne pas l'inclure dans le projet de loi.
En fait, si on prend WestJet et Canada 3000—et je prends souvent ces transporteurs, certainement à partir de l'ouest du Canada, lorsque je dois faire de petits déplacements à l'intérieur de la Colombie-Britannique et dans l'Ouest—sur bon nombre de ces vols, on offre un service bilingue, non pas en personne, mais souvent par enregistrement, car, comme vous l'avez mentionné, c'est une force du marché. Le marché a imposé des services bilingues car il y a encore plus de gens qu'auparavant qui prennent l'avion. Il n'est pas nécessaire que cela soit prescrit par le gouvernement, mais si c'est le cas, les règles du jeu devraient être équitables.
On m'a attaqué pour avoir laissé entendre que cela devrait être dans la Loi sur les langues officielles, non pas seulement pour Air Canada, et en fait, on a dit que j'étais anti-francophone, anti-Québec et même anti-Canadien pour l'avoir suggéré.
Est-il utile de faire intervenir l'unité nationale dans ce débat?
M. Calin Rovinescu: Non. Je pense qu'à ce moment-ci l'industrie est déjà aux prises avec suffisamment de problèmes. Cela a par ailleurs affecté suffisamment d'entreprises et de particuliers au pays de sorte que cela ne devrait pas nécessairement devenir le paratonnerre pour tout autre débat.
Cela étant dit, il ne fait aucun doute que si la sagesse collective du Parlement décide que l'industrie aérienne devrait offrir des services bilingues tant au sol que dans les airs, partout au pays, qu'il en soit ainsi. Cela devrait alors s'appliquer à tous et tous devraient avoir en place des programmes de formation.
Nous avons relevé un énorme défi lors de l'intégration des Lignes aériennes Canadien International et des Lignes aériennes Canadien régional Ltée, qui n'avaient pas la même capacité bilingue, et, naturellement, nous avons vu ce que c'était que de tenter de partir de zéro pour, dans certains cas, mettre en place cette capacité.
Donc, s'il s'agit d'une chose que le Parlement dans toute sa sagesse juge logique de faire appliquer à toute l'industrie, alors il faut le faire et l'appliquer à toute l'industrie, non pas sélectivement à une société, une entreprise du secteur privé.
M. James Moore: Il faudrait souligner par ailleurs que le siège social d'Air Canada se trouve à Montréal depuis beaucoup plus qu'une décennie. Il y est bien installé. Il y a des gens qui travaillent là-bas et cela fait partie de la communauté.
Il faut souligner également que le ministre des Transports a dit à la Chambre—et c'était drôle, bien que ce ne soit pas dans Le hansard, et c'est malheureux pour ses électeurs de Toronto—que c'était dans l'intérêt de l'unité nationale que le siège social se trouve à Montréal. J'ai demandé pourquoi et il a répondu: «Parce que c'est très canadien que d'avoir un siège social à Montréal.» J'ai dit qu'il était dommage que cela ne se trouve pas dans Le Hansard car ainsi ses électeurs auraient pu le lire. Il faut souligner que si la transaction avec Onex avait été conclue, le siège social ne se trouverait pas à Montréal, pourtant c'est quelque chose qui est prescrit par le gouvernement. C'est donc plutôt ridicule.
• 1835
Vous pouvez utiliser le temps qu'il me reste si vous avez
d'autres commentaires à communiquer aux autres membres du comité.
Je préconiserais l'abrogation de la loi du début à la fin. Cela parce que je crois à l'uniformisation des règles pour tous. Je crois au libre marché. Je crois que les sociétés devraient pouvoir se faire concurrence les unes aux autres, que les gouvernements devraient les laisser faire et que cette loi devrait être annulée.
Si vous avez d'autres commentaires à faire, je vous laisse utiliser le temps dont je dispose.
M. Calin Rovinescu: Je vous remercie.
Je suis plutôt en faveur de laisser l'entreprise privée décider. Nous avons étudié de nombreux modèles de privatisation partout dans le monde. Nous constatons que les moins efficaces sont ceux où des politiques désuètes continuent de s'appliquer longtemps plus tard. Une politique peut être tout à fait pertinente à un certain moment, mais onze ans plus tard, les circonstances peuvent avoir changé et l'industrie s'être complètement métamorphosée. Il peut y avoir eu une crise de l'ampleur de celle du 11 septembre, une récession ou une restructuration du marché.
Sans vouloir critiquer, j'ai entendu certains membres du comité questionner M. Hartt quant à sa participation à certaines décisions à l'époque et lui demander si, avec 11 ans de recul, il aurait fait les choses de la même façon. Or une décision peut paraître parfaitement sensée et logique à un moment donné, mais le sembler moins onze ans plus tard.
C'est mon avis.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Byrne.
M. Gerry Byrne: Joe, vous vouliez dire quelque chose?
M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.): Merci, Gerry.
Je veux souhaiter la bienvenue à Stephen et Calin. Il y a deux ans, ce même comité envisageait, dans le cadre de son étude du projet de loi C-26, de restructurer les transporteurs aériens du pays, notamment Air Canada. Le gouvernement et Air Canada avaient alors pris divers engagements. Ce comité a pris l'étude du projet de loi C-26 très au sérieux. Je me plais parfois à croire que si le gouvernement l'avait écouté... Nous proposions des seuils supérieurs à 15 p. 100 de l'époque, voire à 49 p. 100, parce certains d'entre nous estimaient qu'il fallait beaucoup de capital à l'industrie aérienne pour fonctionner. Je crois sincèrement qu'énormément d'informations contenues dans le rapport auraient été extrêmement utiles pour aider davantage Air Canada.
Il faudra peut-être revoir ce genre de chose, parce que je sais que nous avons maintenant un projet de loi entre les mains, pour corriger les problèmes que pose ce type de loi pour Air Canada et d'autres participants, compte tenu de leurs besoins. Pour ce qui est du seuil de 49 p. 100, il me semble que le ministre a indiqué que la décision incombait au Cabinet. J'espère qu'il l'approuvera. C'est un autre outil qui vous aidera certainement à atteindre...
Mais beaucoup de promesses ont été faites, monsieur Rovinescu, à la population et au gouvernement canadiens. On s'est engagé à ce que diverses choses se réalisent avec l'adoption du projet de loi C-26. C'est pourquoi nous refaisons l'examen de la question. J'ai bien compris ce que vous venez de dire en rapport avec les problèmes que vit l'industrie aérienne partout dans le monde et plus particulièrement Air Canada et quelques autres transporteurs aériens. Mais je dois vous dire que 80 p. 100 du marché national... et oui, nous vivons une mauvaise passe, mais il ne fait aucun doute que la prospérité reviendra dès que les gens se sentiront de nouveau à l'aise de prendre l'avion. Je crois que notre niveau d'achalandage national revient à la normale et que le niveau d'achalandage international a commencé à reprendre, bien que les déplacements transfrontaliers demeurent un problème réel.
Je dois cependant vous demander ce qu'il en est des engagements qui ont été pris envers le gouvernement canadien. Et puisque je vous entends parler des solutions de l'entreprise privée, pourquoi alors demandez-vous de l'argent au gouvernement? À quoi le gouvernement devrait-il s'attendre lorsque des sociétés comme Air Canada et Canada 3000 demandent son aide et celle des contribuables—je dis bien des contribuables, par des clients? Lorsque vous faites appel aux deniers publics, les contribuables s'attendent, avec raison, à quelque chose en retour.
Je reviens aux engagements que vous avez pris. J'ai bien peur que les régions de ce pays n'aient pas reçu et ne reçoivent toujours pas le niveau de service que vous aviez promis. Nous en avons entendu parler partout au pays, même chez moi. Nous parlons de l'âme du pays.
• 1840
Partout dans le monde, les transporteurs régionaux sont en
plein essor. Les services aux régions des États-Unis s'améliorent
constamment, et ce malgré les problèmes que connaissent les
transporteurs des lignes principales.
Vous pouvez peut-être commencer par me dire comment il faudrait voir les transporteurs régionaux du pays et ce à quoi les collectivités peuvent s'attendre.
Pourquoi ne leur offre-t-on pas un service d'avions à réaction? Pourquoi n'utilisons-nous pas nos avions à réaction? Vous venez d'immobiliser au sol 29 ou 30 avions à réaction et de sabrer les services offerts à nos collectivités. Cela représente la perte de 25 p. 100 des emplois. Nous devons comprendre tout le contexte d'Air Canada, et non seulement comment cette loi s'y applique.
Vous devrez également m'expliquer—je suis désolé, à moi et aux Canadiens—comment vous pouvez envisager de créer deux transporteurs à prix réduit alors que vous avez des problèmes avec votre principal transporteur—ou que vous avez déjà un transporteur à tarif réduit pour fournir le service régional.
La population se demande où Air Canada s'en va dans tout ça. Vous avez des problèmes, mais vous lancez quand même Tango et quoi d'autre encore. Vous diminuez les services aux régions; vous réduisez le nombre de vols régionaux; vous imposez des compressions aux collectivités; vous immobilisez des avions à réaction pour les transporteurs régionaux, puis ne les utilisez pas parce que ce sont les pilotes d'Air Canada—du moins c'est ce que certains croient—qui mènent le bal.
Je sais que je viens de vous bombarder de questions, mais j'ai besoin de vos réponses pour convaincre les Canadiens qu'Air Canada mérite l'appui, non seulement de ses clients, mais aussi du gouvernement et de la population du Canada.
M. Calin Rovinescu: D'accord.
Vous avez effectivement soulevé beaucoup de questions. J'essaierai d'en laisser un peu aux autres membres du comité. Ainsi je me contenterai d'une entrée en matière pour l'instant.
Votre première question portait sur nos engagements. Allons-y avec cela. Premièrement, comme le ministre l'a lui-même reconnu de nombreuses fois, il n'y a pas le moindre doute qu'Air Canada a respecté chacun des engagements pris lors des Lignes aériennes Canadien.
Récapitulons un peu. Air Canada s'était d'abord engagé à ce que l'achat des Lignes aériennes Canadien n'entraîne aucune mise à pied. Il y avait un grand surplus de personnel à ce moment, mais Air Canada s'est efforcé de respecter son engagement. La société a donc adopté un programme de départ volontaire pour les premiers 3 500 employés. Puis, il y a eu la peur d'une récession au début de l'année dernière, malgré quoi Air Canada s'est encore efforcé de garder son effectif.
Après le 11 septembre, toutefois, il est devenu clair que cette tragédie sans précédent allait causer des centaines de milliers de mises à pied dans le monde. À ce moment, le ministre et nous-mêmes avons clairement compris que la loi ne s'appliquait pas à de pareilles circonstances. Nous avons donc annoncé les mises pied. Jusqu'ici, nous avons respecté à 100 p. 100 notre engagement à l'égard des employés.
Le deuxième enjeu de la loi porte sur les services aux collectivités. Il fallait nécessairement continuer d'offrir un service aux collectivités anciennement desservies par Lignes aériennes Canadien régional, ce qui a été fait, évidemment. Le service est-il aussi fréquent qu'avant? Utilise-t-on les mêmes avions qu'avant? La loi est muette à ce sujet. Elle n'interdit pas non plus à Air Canada de gérer ses biens de façon logique pour respecter son engagement.
Encore une fois, nous avons respecté notre engagement, soit fournir des services aux collectivités.
Cela ne signifie pas pour autant que nous sommes un organisme public. Si quelqu'un me posait la question, la réponse serait non, que la société n'est pas un organisme gouvernemental, mais bien une entreprise privée. À la fusion des deux transporteurs, Air Canada n'a absolument rien reçu du gouvernement.
En fait, beaucoup estiment qu'Air Canada, en achetant Canadien, a sorti le gouvernement du Canada du pétrin, en quelque sorte, en lui épargnant d'avoir à financer Canadien. Avant le 11 septembre, Air Canada n'avait pas demandé un sou au gouvernement. Après le 11 septembre, c'est une autre paire de manches.
Ainsi, nous avons parfaitement respecté nos engagements.
Pour ce qui est des transporteurs régionaux, en règle générale, c'est une excellente question: à quel type de service régional le Canada peut-il s'attendre? Quels types de service régional pouvons-nous avoir? Ne pouvons-nous pas l'améliorer? Pourrions-nous ajouter des avions à réaction? Voilà toutes d'excellentes questions très pertinentes.
• 1845
La structure de la compagnie aérienne oblige celle-ci à
composer avec deux syndicats de pilotes, soit l'Association des
pilotes d'Air Canada, pour la ligne principale, et l'Association
canadienne des pilotes de ligne, pour les régions.
Ces deux syndicats ont chacun leur convention collective et chacun leur définition de «portée». Ils ont mené de très chaudes batailles en juin 2000, vous vous en rappellerez, lorsque les pilotes de la ligne principale ont failli faire la grève pour diverses raisons, notamment pour ce qui est de fournir des avions à réaction aux transporteurs régionaux.
Pour être sûr que nous nous comprenons bien, je précise qu'Air Canada souhaite qu'il y ait des avions à réaction chez les transporteurs régionaux. Il n'y a pas...
M. Joe Fontana: Mais vous en aviez.
M. Calin Rovinescu: Malheureusement, les avions à réaction que nous possédons sont vieux et ils sont cloués au sol en raison, en partie, des événements du 11 septembre. Bientôt, les F28 et les BAE146 des régions seront immobilisés au sol. Dans un avenir rapproché, il semble que Air Canada Régional utilisera des avions à turbopropulseur.
Les négociations des conventions collectives butent sur des questions très épineuses. Nous avons obtenu quelques concessions, mais pas dans tous les cas. Nous pourrons, en temps et lieu, rétablir les services d'avion à réaction dans les régions, mais il faudra pour cela que les deux syndicats de pilotes fassent preuve de collaboration, tout dépendant du nombre voulu d'avions à réaction.
Pour ce qui est des demandes de subvention, je suis arrivé en retard pour le témoignage de M. Hartt, mais quelqu'un demandait s'il était raisonnable ou approprié d'avoir tenté de suivre le plan de stabilisation des États-Unis.
Les États-Unis ont montré à l'industrie de quoi ils étaient capables quand ils disaient qu'ils appuieraient cette industrie. En fait, nous avons deux choix: appuyer l'ensemble de l'industrie ou choisir qui on aide. Que nous décidions d'appuyer l'industrie entière, ce qu'a proposé notre direction lorsque le plan des États-Unis...
Selon nous, si l'industrie aérienne américaine reçoit 15 milliards de dollars américains en subventions—ou 23 milliards de dollars canadiens—sans compter les fonds supplémentaires injectés dans l'industrie pour accroître la sécurité, il sera très difficile de faire concurrence aux transporteurs américains, compte tenu que près de 50 p. 100 de nos activités sont concentrées dans les vols internationaux. Nous concurrençons désormais une industrie dont chaque siège est subventionné par le gouvernement américain, une industrie qui reçoit une aide de 15 milliards de dollars américains.
Il faut donc se demander s'il s'agit d'une demande réaliste. Selon nous, oui. Le gouvernement choisit de ne pas y acquiescer. Il en a le droit, mais s'il choisit de ne pas nous aider, il ne doit pas appuyer d'autres transporteurs de façon artificielle. De notre point de vue, si le gouvernement veut aider l'industrie, qu'il le fasse; sinon, qu'il laisse les forces du secteur privé agir.
Vous m'avez interrogé au sujet des transporteurs à prix réduits. Je dirai quelques mots à leur sujet, puis je passerai à autre chose, car je suis certain que cette question reviendra sur le tapis.
La meilleure façon de vous répondre est de vous demander ce qui arriverait, par exemple, si vous annonciez à une des grandes banques canadiennes qu'à compter de demain, en vue de réduire les coûts, elle ne pourra plus offrir des services au guichet automatique. Par conséquent, si le client souhaite faire ses transactions à la Banque Canadienne Impériale de Commerce, il devra, quelles que soient les circonstances, se présenter non seulement à la succursale, mais également au comptoir de services aux particuliers qui se trouve au cinquième étage. Il ne veut pas vraiment se présenter au cinquième étage. Il veut simplement utiliser le guichet. Il se fait répondre: «Désolé, mais il faut absolument passer au cinquième étage»—et si cela coûte plus cher, tant pis!
Un autre exemple que je puis vous donner est la petite station service au coin de la rue. Si elle a un îlot de libre-service alors que la station d'en face est tenue d'offrir toute la gamme des services, je dirai que celle qui est obligée d'offrir tous les services est désavantagée.
M. Joe Fontana: Je sais où vous voulez...
Le président: Monsieur Fontana, votre temps de parole est épuisé. Je lui ai permis de répondre à votre question, mais vous avez nettement dépassé le temps qui vous était alloué. Vous devrez patienter jusqu'au prochain tour de table. Avez-vous terminé?
M. Calin Rovinescu: J'ai presque fini.
Ce sont là des possibilités d'affaires si le marché exige un produit à coût inférieur. Nous affirmons, monsieur Fontana, que le marché réclame en fait un produit à coût inférieur.
Actuellement, nos coûts sont fixes. Quand nous clouons au sol 84 appareils, comme nous venons de le faire, cela ne signifie pas que les coûts liés à ces 84 appareils, ce qu'on appelle les coûts de propriété, sont nuls. Nos coûts fixes demeurent les mêmes; le coût de notre main-d'oeuvre est aussi le même si nous n'avons pas pu faire des mises à pied. L'essentiel, c'est de savoir comment réaménager la capacité que l'on a de manière à ce qu'elle corresponde davantage à ce que recherche le public. C'est pourquoi nous allons continuer d'examiner des moyens de réaménager notre capacité en vue de répondre à la demande du marché.
Le président: C'est maintenant au tour de Mario.
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.
D'entrée de jeu, je voudrais revenir sur un commentaire que vous avez fait tout à l'heure sur les remarques qui avaient été faites au témoin précédent quant à son manque de courage. C'est vous qui avez fait le commentaire.
Je vous rappellerai la situation. Tout ce qu'on peut reprocher à M. Hartt, c'est qu'alors qu'il était près du pouvoir, alors qu'il était sous-ministre, il aurait pu, par courage politique, décider de ne pas laisser le siège social à Montréal. Or, cela ne fut pas fait. Déclarer par la suite, quand on n'est plus en politique, que cela a été une erreur, constitue un manque de courage à mon point de vue. Ce n'est pas parce que le Bloc québécois ne défendra pas votre position ou à cause de celle qu'on a vis-à-vis du projet de loi aujourd'hui. On comprend sans problème qu'il faut parfois modifier et, quand vient le moment, on est toujours prêts à le faire. Mais, quand même, certaines conditions ont été imposées à Air Canada, des conditions qui font que le Canada est encore le Canada aujourd'hui. Si on veut un transporteur national, il y a un certain prix à payer,
Je suis d'accord avec vous qu'il ne revient pas seulement à vous, en tant qu'entreprise privée, à assumer cela. Évidemment, une fois les conditions établies, qu'on nous dise qu'il faudrait, en ce qui touche aux langues officielles, que tous les transporteurs... Je suis d'accord. Qu'on dise à Air Canada aujourd'hui qu'on va abolir la loi qui la soumet à cela, alors qu'il y a déjà 136 plaintes de déposées, ce n'est pas opportun politiquement.
Par contre, si mon collègue déposait demain un projet de loi obligeant les autres compagnies aériennes à respecter les langues officielles, je me ferais fort de l'appuyer, et avec plaisir. Que vous soyez compétitifs et que vous suiviez tous les mêmes normes, je suis d'accord là-dessus. C'est pourquoi on a toujours réitéré que, outre le fait qu'on dépose aujourd'hui, à votre demande, un projet de loi, il y a aussi le fait que votre industrie est compétitive et reçoit de l'aide de son gouvernement. Les Américains, eux, ont annoncé tout de suite leurs couleurs alors que vous attendez encore de savoir ce que le gouvernement du Canada va faire pour vous appuyer.
Ce qui m'apparaît encore plus inquiétant, c'est ce que le ministre est venu nous dire en comité que le gouvernement a aidé Canada 3000, qui avait un problème de liquidités, par des garanties de prêts, après avoir exigé d'eux une restructuration. Il entend faire la même chose pour les autres. Il va donc attendre que toutes les compagnies soient en manque de liquidités. Comme on nous a dit que vous aviez un milliard de dollars en liquide, et trois autres milliards que...
Mais je me dis qu'aujourd'hui, on veut favoriser l'investissement. Si on vous lessive, si on vous plume de vos liquidités, je ne vois pas comment cela va encourager les investisseurs à se tourner du côté d'Air Canada, quelles que soient les modifications qu'on fasse. Même si on faisait sauter le plafond des capitaux étrangers, je ne vois pas comment les investisseurs pourraient s'intéresser davantage à Air Canada si le gouvernement continuait à attendre que vous soyez pratiquement en manque de liquidités. Ce n'est pas être sur le bord de la faillite, mais cela exige que quelqu'un réagisse assez rapidement.
Donc tout est là. Vous avez besoin de vous faire appuyer par le gouvernement, et je ne pense pas que la demande que vous avez faite dès le départ... Elle a peut-être été mal perçue par la population à cause de l'importance du montant. Cependant, vous aviez tout à fait raison. Les Américains ont réagi rapidement. Plusieurs intervenants, dont M. Hartt tout à l'heure, nous disait que votre industrie n'avait pas besoin d'aide, que le gouvernement n'avait pas à lui consacrer d'argent parce qu'elle était déjà en mauvaise situation.
Pour ma part, je pense que depuis le 11 septembre, il est grand temps de se poser la vraie question: que fait-on de notre industrie aérienne? D'autres pays le font. La Suisse va le faire pour Swissair. Elle a décidé d'investir dans Crossair. Ils vont décider d'injecter des capitaux importants et de se reporter acquéreur de Swissair par l'intermédiaire de Crossair; ce n'est qu'une question de temps. Il y a donc des gouvernements qui ont fait des choix de société, alors que vous êtes obligés de gérer à la petite semaine et de lessiver vos liquidités. Je pense que c'est là un mauvais choix que fait le gouvernement. J'appuie donc vos démarches, comme nous vous appuyons aujourd'hui en ce qui a trait au projet de loi C-38.
Il n'en reste pas moins que j'aimerais connaître votre opinion quant à la nécessité d'aider votre entreprise et toutes les autres, et quant aux délais acceptables pour le faire. Doit-on attendre que vous éprouviez un manque de liquidités, ce qui serait, quant à moi, catastrophique? Je pense que l'effet obtenu serait complètement à l'opposé de ce qu'on cherche à faire aujourd'hui. J'aimerais que vous m'éclairiez là-dessus.
M. Calin Rovinescu: Merci beaucoup, monsieur Laframboise. Je pense que vous avez touché à plusieurs points dont on a discuté avec le gouvernement pendant plusieurs semaines.
La première chose que j'aimerais dire, cependant, c'est que le ministre a quand même fait beaucoup pour nous et pour l'industrie. On lui en est quand même très reconnaissants. On a eu d'énormes défis quant aux coûts d'assurance et de sécurité. Pour pouvoir atterrir à Washington, il fallait avoir des gardes armés. C'était donc une période très difficile et on a eu quand même beaucoup d'appui du ministre. Je ne veux pas laisser le comité sous l'impression qu'on n'a pas reçu d'aide du ministre. Son aide a d'ailleurs été assez importante.
Il y avait quand même un aspect politique, avec un p minuscule, si vous voulez, à savoir si le gouvernement du Canada allait adopter une position du même genre que la position américaine. Est-ce que, dès le départ, on allait créer une infrastructure destinée à supporter l'industrie et à donner aux marchés financiers le message que le gouvernement appuyait cette industrie parce qu'il la considérait comme un moteur pour l'ensemble de l'économie, ou allait-on adopter l'autre position, celle de beaucoup de pays, surtout européens, qui n'ont pas voulu accorder une aide particulière favorisant une industrie parmi plusieurs autres? Je pense que, pour le gouvernement du Canada, cette alternative se posait.
Nous avons continué à expliquer que notre position était quand même très différente de celle des autres compagnies aériennes, qui n'avaient ni opérations transfrontalières importantes, ni opérations internationales importantes. Donc, nous demandions comment il nous serait possible d'envisager, d'imaginer la situation où nous pourrions concurrencer des compagnies aériennes qui ont accès à 23 milliards en dollars canadiens au moyen de subventions, de prêts ou de capitaux, etc.
Cela étant dit, étant donné que, comme je l'ai expliqué auparavant, nous sommes toujours restés d'avis que la meilleure solution, dans un contexte non interventionniste, était d'avoir accès à nos propres capitaux et de régler nos problèmes nous-mêmes, nous avons quand même fait le nécessaire pour pouvoir survivre. Nous avons encore emprunté. Mais chaque fois que nous empruntons, cela rend la compagnie moins intéressante pour les investisseurs.
Donc, effectivement, comme vous le dites, ça nous crée un problème. Nous continuons de maintenir des discussions très fructueuses avec le gouvernement. La seule chose que je peux dire, c'est que, étant donné que nous avons eu accès à ce milliard de dollars dont vous avez fait mention et que nous avons plus d'un autre milliard de dollars d'actif que nous pourrions utiliser, cela nous laisse dans une situation assez solide pour les temps à venir.
M. Mario Laframboise: Je me permettrai peut-être une dernière petite question.
Vous disiez plus tôt que British Airways avait peut-être des liquidités pour sept mois. Dans votre cas, ces sommes représentent quelle période de temps?
M. Calin Rovinescu: Nous n'avons pas fait de prévisions pour les marchés financiers pour l'instant. Cela va dépendre de notre capacité à convertir... Si nous convertissons nos actifs en liquidités, nous en aurons, évidemment, pour une très longue période de temps. Mais nous n'avons pas annoncé nos prévisions aux marchés financiers.
M. Mario Laframboise: C'est peut-être pourquoi le ministre est moins inquiet. Il n'a pas l'air inquiet quand il parle.
M. Calin Rovinescu: Mais, comme vous l'avez très bien fait remarquer, nous sommes en train d'emprunter pour financer des pertes opérationnelles, et ce n'est pas une bonne façon de diriger une entreprise.
M. Mario Laframboise: Merci.
[Traduction]
Le président: Je vais maintenant céder la parole à M. Byrne, qui partage le temps dont il dispose avec M. Szabo.
M. Gerry Byrne (Humber—St. Barbe—Baie Verte, Lib.): Je vous remercie beaucoup, messieurs, d'avoir accepté notre invitation, malgré l'heure tardive. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Vous avez essentiellement dit que vous seriez en faveur de l'abrogation complète de la loi, mais que vous continuiez d'être chaud partisan des services bilingues, du maintien du siège social à Montréal et de l'emplacement de vos installations de maintenance.
J'ai une question à vous poser. La ligne aérienne à prix réduits que vous avez lancée aura-t-elle son siège social à Montréal?
M. Calin Rovinescu: Tout d'abord, rétablissons les faits au sujet de la ligne de transport aérien à prix réduits dont a parlé M. Fontana. Elle a fait couler tellement d'encre, y compris le fait d'avoir embauché Steve Smith, auparavant de WestJet.
Notre ligne de transport aérien à prix réduits n'a pas encore été lancée.
M. Gerry Byrne: Votre future ligne aérienne alors, Tango, aura-t-elle son siège social à Montréal?
M. Calin Rovinescu: Tango n'est pas une ligne aérienne. C'est ce que j'essaie de dire. Il est question de deux exploitations distinctes ici. L'une est Tango, et l'autre, la ligne de transport aérien à faibles coûts. La ligne aérienne sera lancée dans l'Ouest. Tango est un produit d'Air Canada. Tango représente le redéploiement de certains appareils identifiés par un logo différent et peints en d'autres couleurs, et le service offert à bord de l'appareil est différent en vue de réduire le coût du siège. Il arrive que vous ayez plus de sièges à bord d'un appareil, moins d'extras, moins de personnel, ce qui fait baisser le coût du siège et, partant, réduit les pertes d'exploitation. Donc, plutôt que d'avoir 10 appareils affectés au transport sur les lignes principales, vous les retirez du parc, les peignez d'autres couleurs, en changez le logo—vous offrez un produit différent.
M. Gerry Byrne: D'accord, nous y reviendrons plus tard. Je vous sais gré de nous donner tous ces détails, mais j'aimerais qu'on en vienne à l'essentiel. Votre ligne aérienne à prix réduits et son siège social ne seront pas à Montréal.
M. Calin Rovinescu: C'est juste.
M. Gerry Byrne: Votre ligne aérienne à prix réduits n'aura pas à respecter les engagements pris à l'égard des emplois et, manifestement, Tango ne sera pas touché non plus. Vous n'aurez aucune exigence à respecter sur le plan du service puisque, si j'ai bien compris, Tango n'offrira pas de service dans la province canadienne de Terre-Neuve et Labrador. J'ignore si votre ligne de transport aérien à prix réduits assurera le service dans chaque province et dans les trois territoires du pays. En fait, vous avez déjà abrogé le projet de loi C-26, n'est-ce pas, puisque vous ne respectez pas...
Vous savez, quand on danse le tango, il faut avoir le pied très agile, mais c'est une danse très corsée. C'est justement ce que vous avez fait, n'est-ce pas? Vous avez abrogé la loi dans les faits en vous préparant à lancer une ligne de transport aérien à prix réduits, en vous apprêtant à réorganiser le parc de vos appareils avec le service Tango.
À vrai dire, vous avez accepté les exigences réelles que le gouvernement vous a imposées. En fait, vous êtes venu au Parlement et devant notre comité pour nous dire que nous pouvions vous imposer ces exigences parce que vous vous portiez volontaires pour les respecter. Maintenant, par ces décisions que vous avez prises avant le 11 septembre, vous vous soustrayez essentiellement à ces exigences.
Je crois que c'est ce que les Canadiens souhaitent réellement vous entendre dire. Vous considérez-vous comme un transporteur national? Souscrivez-vous au principe que vous êtes un transporteur national, cherchez-vous à vous attirer des appuis en tant que transporteur national? Demandez-vous à la population canadienne de vous aider financièrement en tant que transporteur national, tout en refusant d'agir comme tel, une fois que vous avez obtenu l'argent?
Avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Calin Rovinescu: Tout d'abord, comme je l'ai dit tout à l'heure en réponse à une question de M. Fontana, Air Canada a incontestablement respecté chaque engagement pris sur le plan du service. Cela ne fait aucun doute. Le ministre des Transports lui-même l'a confirmé à plusieurs reprises. Je rejette donc d'emblée ce que vous dites.
M. Gerry Byrne: Le ministre des Transports a déclaré officiellement que le niveau de service... L'intégration des Lignes aériennes Canadien et d'Air Canada n'est pas un succès à Terre-Neuve et au Labrador. Elle n'est pas un succès dans certaines régions du Québec et dans le nord de l'Ontario.
En fait, combien de fois Air Canada a-t-elle essayé d'obtenir des changements qui ont été refusés soit par le Bureau fédéral de la concurrence ou par le Conseil canadien des relations industrielles?
M. Calin Rovinescu: Il s'agit là d'une toute autre question.
Commençons par la première. La première chose à dire, c'est que tous les engagements pris au niveau du service ont été respectés. La fréquence des vols, comme je l'ai déjà dit, vous a peut-être déplu, tout comme le type d'appareil, mais pour parler franchement, mis à part le fait que l'on n'aime pas le service, l'engagement comme tel a été respecté à 100 p. 100. Sauf votre respect, nous n'avons pas dansé notre dernier tango à St. John's, pour tout dire. Cela n'a eu aucun effet sur le service.
Vous confondez une entreprise dont la raison sociale est Air Canada et une autre dont la raison sociale est Air Canada Régional. Une grande partie des services maintenus était des services offerts par Air Canada Régional. Le service sera-t-il maintenu à tout jamais jusqu'à ce que la mort nous sépare? Il le sera si c'est logique.
• 1905
Soit que l'entreprise est privée, soit qu'elle est publique.
S'il s'agit d'une entreprise privée, nous ferons ce que nous avons
convenu de faire. Une fois l'échéance atteinte, nous ferons ce qui
est logique. Il est fort possible que le transporteur régional
appartienne un jour à un propriétaire distinct. C'est tout à fait
possible.
M. Joe Fontana: C'est excellent. Le plus tôt sera le mieux.
M. Calin Rovinescu: Écoutez, pour être franc, j'ai... Il n'y a aucune magie dans la propriété.
M. Gerry Byrne: Eh bien, non. Je peux le comprendre. Vous avez bien raison. Vous n'avez pas dansé le tango à St. John's, et c'est en partie ce qui me préoccupe.
J'aimerais qu'une compagnie aérienne nationale, qui demande le soutien des contribuables de St. John's à Corner Brook ou Deer Lake, agisse comme une compagnie aérienne nationale et fournisse ces services.
Vous avez dit chercher à obtenir de l'aide financière des Canadiens parce que vous êtes une compagnie aérienne nationale et que c'est de l'intérêt du pays d'avoir ce service. Est-ce que vous vous engagerez à maintenir le niveau de service national tel qu'il est actuellement, sinon à l'améliorer, après le 31 décembre 2002?
M. Calin Rovinescu: Non. Comme je l'ai dit plus tôt, il est très possible qu'à un moment donné, dans l'avenir, nous ne soyons même plus propriétaires du réseau régional d'Air Canada. Je pense que les décisions qui doivent être prises relativement à l'aide financière doivent être vues dans l'optique de ce que les gens considèrent comme un service de base et de l'incidence de leur absence.
Nous avons vu les effets de ce genre de promesses. Nous avons vu ce que cela signifie que de respecter, comme je l'ai dit plusieurs fois, chacun de nos engagements. Pensez au coût faramineux, pour la compagnie, de la clause de non-licenciement et de service aux petites communautés. Je pense que le temps est venu de commencer à focaliser nos énergies. C'est pourquoi il y a ce débat, ici, ce soir; la loi, ici, est ce qui le déclenche. Commençons à nous concentrer sur ce que cela signifie que d'être une compagnie du secteur privé qui doit commencer à agir comme une compagnie du secteur privé, pas nécessairement à être gouvernée par des politiques dictées dans tous les coins du pays.
M. Gerry Byrne: Nous en prendrons bonne note pour les délibérations futures. Nous nous limiterons cependant aux limites du projet de loi C-38 pour l'instant.
Messieurs, je voterai en faveur du projet de loi C-38. J'aime les dispositions qu'il renferme et le fait que vous ne vous soyez pas moqués des services bilingues. Vous n'avez pas ri du fait qu'il y a un avantage à répartir les avantages économiques régionaux sur tout le pays. Vous n'avez certainement pas déclaré vous sentir limités par les exigences de maintien des services ou par les exigences faites à votre administration centrale.
Je trouve très bizarre, étant donné que nous avons entendu de la bouche d'experts que vos services régionaux sont probablement le moindre de vos soucis relativement à vos résultats financiers, que ce soit là où ont été faites les plus importantes réductions.
Je voyage fréquemment, comme vous pouvez probablement l'imaginer. Il m'est très souvent arrivé, sur le plan du service à la clientèle, de ne même pas me faire dire bonjour à l'est de Montréal. J'aurais vraiment voulu que vous ayez... J'ai déposé des plaintes pour lesquelles je ne peux même pas recevoir de réponse. Je connais la frustration des voyageurs qui doivent, comme moi, s'adresser au protecteur du citoyen rien que pour obtenir une simple explication sur le retard de six heures d'un avion ou la raison pour laquelle j'ai dû passer 24 heures dans une ville loin de chez moi. Très franchement, cette compagnie est très négligente sur ce point.
C'est pourquoi, si je devais vous donner un conseil—et je terminerai là-dessus—ce serait que vous vous arrangiez pour bien mieux promouvoir le service de votre compagnie au pays. Si vous devez la promouvoir comme un trésor national, traitez-la au moins comme quelque chose qui a une importance nationale.
Le président: Merci, Paul.
Il ne vous reste qu'une demi-minute, alors je vous reviendrai.
Bev.
Mme Bev Desjarlais: Je ne pense pas que je puisse dire mieux que cette dernière déclaration, mais ciel!, je devrai m'assurer d'obtenir une copie du compte-rendu. Je vais à coup sûr m'en procurer la transcription. Je suis ébahie, Gerry. Vous m'avez donné un véritable choc. C'était excellent.
M. James Moore: Posez-leur des questions sur Tango.
Mme Bev Desjarlais: Non, je ne poserai pas de questions sur Tango, parce que je ne voudrais pas que, de Tango, on passe à Thompson maintenant. WestJet arrive enfin, alors j'aimerais que Tango reste en dehors jusqu'à ce que WestJet ait pu être en place un certain temps. Je pense que nous devrions réglementer la capacité jusqu'à ce que cela soit fait. Laissons Tango de côté, et permettons à WestJet de s'installer et de faire ses affaires. Non, je plaisante.
• 1910
En ce qui concerne le plafond de 15 p. 100 sur la propriété
d'actions, nous avons entendu beaucoup de discussions à ce sujet.
Beaucoup de gens en ont fait l'éloge en disant que cela va sauver
Air Canada. Je pense qu'au bout du compte, ces 15 p. 100 ne
changeront pas grand-chose pour l'instant. Il se passera beaucoup
d'autres choses qui changeront la situation pour Air Canada.
Très franchement, je pense que s'il y avait eu plus d'actionnaires d'Air Canada le 11 septembre, votre situation serait bien pire maintenant. Le plafond de 15 p. 100 de propriété individuelle a probablement été un avantage pour vous le 11 septembre. Je suis étonnée qu'il n'y en ait pas eu d'autres pour se rendre compte que si quelqu'un avait eu 49 p. 100 des actions en participation individuelle, sa situation serait bien pire aujourd'hui. Mais je n'entrerai pas dans ce sujet, parce que je sais ce qu'en pense tout le monde, et je ne vais évidemment pas me dire d'accord.
Ce que je veux vous demander, c'est au sujet des clauses relatives à l'étendue des services. Je n'ai jamais aimé ce genre de dispositions, en matière de transports. Je suis étonnée qu'elles soient permises, parce que je pense qu'elles rendent impossible pour les plus petites régions du Canada d'avoir les mêmes avantages que les plus grandes régions. Je ne suis pas d'accord avec cela. Je ne crois pas qu'elles devraient être permises de la manière dont elles sont formulées dans vos contrats.
Voilà encore un sujet dont personne ne voulait parler. Je suis sûre qu'il y en a qui sont ébahis que je l'aborde, moi qui viens d'une région isolée du Nord. Je reconnais que beaucoup de petites communautés de l'Ontario et du reste du Canada ressentent les effets négatifs des clauses d'étendue parce que ces communautés ne reçoivent pas le même type de services que les grands centres. Je ne suis pas d'accord avec elles, et je me demande si vous pourriez me dire franchement si, oui ou non, vous nous ne proposez ces nouvelles lignes aériennes que pour contourner les clauses d'étendue.
M. Calin Rovinescu: Tout d'abord, je vous invite à faire attention. Tango, comme je l'ai dit, n'est pas une compagnie distincte, une ligne aérienne distincte. Le transporteur économique qu'ils sont en train de mettre sur pied dans l'Ouest a en fait été le résultat de négociations longues, ardues et pénibles justement pour cette raison. Il relève du champ d'application de l'Association des pilotes d'Air Canada. Nous avons finalement négocié une réduction des salaires et le relâchement de certaines règles de travail pour pouvoir en réduire les coûts. Autrement, ce serait changer quatre trente sous pour un dollar. Vous avez tout à fait raison. C'est absolument le résultat des clauses d'étendue.
Cependant, l'organisation de Tango ne consiste, comme je l'ai dit, qu'a déployer des aéronefs existants qui font déjà partie du service de la ligne principale et non pas à amener des nouveaux aéronefs pour faire ces circuits régionaux. Quoi qu'il arrive, les routes de Tango qui sont prévues ne sont pas des circuits régionaux. Ce sont les routes interurbaines de la ligne aérienne principale: Toronto à Vancouver, etc.
Vous soulevez cependant une excellente question. Il ne fait pas de doute que c'est un sujet difficile. Les gens peuvent penser que nous pouvons simplement éliminer les clauses d'étendue d'un coup de crayon, mais, évidemment, ce n'est pas possible. Elles sont souvent négociées dans un contexte très difficile et acrimonieux.
Nous avons vu le même genre de problème lorsque nous examinions certaines questions aux États-Unis. Nous avons analysé pourquoi plusieurs transporteurs aériens ont modifié leurs rapports avec leurs propres exploitants régionaux en les libérant effectivement pour qu'ils puissent offrir des services à réaction. C'est pourquoi nous avons envisagé cela et nous y sommes ouverts dans un contexte propice.
Mme Bev Desjarlais: J'ai toujours pensé qu'on ne devrait pas contourner un problème lorsque l'enjeu est vraiment sérieux. Vous réglez le problème et poursuivez vos affaires, ce qui épargne beaucoup d'angoisses à beaucoup d'autres gens. Je pense qu'American Air Lines a une clause d'étendue, et les clauses d'étendue ont été perçues comme nuisibles dans toute l'affaire Onex aussi.
Vous ne voudrez peut-être pas répondre à cela, mais quelqu'un en a effectivement parlé aujourd'hui, et puisque vous témoignez ce soir, j'ai pensé, que diable, je poserai la question.
Il y a certaines rumeurs selon lesquelles vous allez vous débarrasser d'Aéroplan.
M. Calin Rovinescu: Non.
Mme Bev Desjarlais: Quelqu'un m'a posé la question aujourd'hui. Je n'en avais pas entendu parler auparavant.
M. Calin Rovinescu: Nous parlons de nos joyaux de la Couronne, et je pense qu'Aéroplan est certainement l'un d'eux. Le moment de faire quoi que ce soit avec Aéroplan n'est certainement pas dans le contexte actuel, alors que tous nos actifs ont atteint des creux records.
Mme Bev Desjarlais: Vous riez, Paul, mais si vous pensez que nous sommes angoissés à l'idée de l'élimination d'une route aérienne, pensez seulement à l'élimination d'Aéroplan.
• 1915
L'autre chose qui a émergé, avec toute la question
d'Air Canada qui demande l'aide du gouvernement, c'est qu'il y a
quelque temps seulement, les employés d'Air Canada ont reçu des
primes, mais les employés des Lignes aériennes Canadien qui étaient
passés à Air Canada n'en ont pas eu. Est-ce vrai?
M. Calin Rovinescu: Ce qui est arrivé, c'est que les employés des Lignes aériennes Canadien, qui avaient des salaires inférieurs en conséquence de la restructuration antérieure de leur employeur, avaient reçu des hausses salariales. Leurs salaires avaient été ajustés à la hausse au niveau de ceux d'Air Canada, et les employés d'Air Canada qui étaient membres de syndicats qui avaient signé des conventions collectives à long terme ont reçu des primes. Ceux qui n'étaient pas membres des syndicats n'ont pas reçu de primes, tandis que ceux qui faisaient partie d'un syndicat qui avait signé un contrat à long terme ont reçu des primes.
Mme Bev Desjarlais: C'était uniquement pour les employés d'Air Canada?
M. Calin Rovinescu: C'est bien cela.
Mme Bev Desjarlais: Je vous remercie.
Le président: Paul.
M. Paul Szabo: Je serai bref. Je sais que le temps est compté.
Tout d'abord, messieurs, merci d'être venus.
Vous êtes ici, et vous représentez une compagnie publique. Nous vivons une période très difficile, pour ne pas dire plus. De toute évidence, quoique vous disiez pourrait avoir une incidence sur le compte rendu qui sera fait de la situation de votre compagnie.
Ce serait peut-être l'occasion pour vous de répondre à une question un peu bizarre, comme à quel point la situation serait pire si nous n'avions pas pris certaines mesures. Vous avez des conflits de travail. Vous avez un bilan qui subit des pressions qui pourraient s'avérer écrasantes. Les Lignes aériennes Canadien ont eu ce problème.
La dernière fois, le Bureau de la concurrence disait que le seul moyen de vraiment promouvoir la concurrence est de faire baisser la part du marché d'une compagnie à 50 p. 100, à une époque elle était de 60 ou 70 p. 100, ou même plus. J'ai commencé à me demander comment on peut imposer des conditions à une ligne aérienne nationale et s'attendre encore à ce qu'elle survive? Et puis il y a eu le 11 septembre, et non seulement votre part du marché s'est-elle effritée, mais le marché lui-même s'est effrité. Si les Canadiens ordinaires s'attardaient à examiner la question, ils comprendraient que la situation était déjà difficile avant le 11 septembre mais que maintenant, la part du gâteau est encore plus petite. Même si votre part reste la même, c'est une part d'un plus petit gâteau.
Les pressions se font donc plus intenses, alors nous demandons à Air Canada—je pense que les Canadiens demandent à Air Canada—d'être tout pour tout le monde tout le temps, sur tous les marchés. Veillez à fournir un service sur ces routes aériennes peu rentables, veillez à ne pas perturber d'autres compagnies aériennes qui occupent des créneaux, etc. Est-ce que nous manquons de réalisme en attendant d'Air Canada non seulement qu'elle survive mais qu'elle soit tout pour tout le monde en tout temps?
M. Calin Rovinescu: C'est une question très complexe, mais de toute évidence très pertinente. Permettez-moi d'essayer d'y répondre selon plus d'une perspective.
Tout d'abord, vous avez décrit ce qui constitue effectivement la grande tempête pour notre industrie. Qu'est-ce qui est arrivé? En voici le résumé. Nous avons eu la fusion à la suite de la chute des Lignes aériennes Canadien, et tout le monde sait que cela a été douloureux. Il y a eu beaucoup de problèmes relatifs à la main-d'oeuvre, à la manière de fusionner les deux effectifs: il y avait les coûts de l'intégration des deux effectifs et les coûts du maintien du personnel excédentaire. Tout le monde peut le voir, puisque dans de nombreux aéroports il y a tout simplement trop d'employés pour fournir trop peu de services. C'est ce que nous entendons, qu'il y a trop de gens pour offrir trop peu de services. Alors nous avons une structure très dispendieuse, qu'il faut réduire. Nous avons eu ce problème à la suite de la fusion, ce qui a été un processus très pénible pour nous.
Et puis il y a eu la hausse des prix du carburant, qui sont montés à des niveaux record, suivie de l'éclatement de la bulle technologique, suivie encore par un contexte économique de quasi-récession, et en fin de compte le 11 septembre. Là, les aéronefs ont servi d'armes de destruction massive, et les gens ont pu voir et revoir encore ces aéronefs s'écraser dans les tours du World Trade Centre et les faire s'écrouler. Ça, c'est une grande tempête.
Nous ne pouvons pas réduire nos frais du jour au lendemain. Nous avions lancé un programme de réduction des coûts avant tout le reste de l'industrie nord-américaine et avant de nombreux transporteurs mondiaux, en faisant en décembre l'année dernière une annonce qui a été mal reçue: nous allions commencer à réduire notre effectif de 3 500 employés. Bien que cela ait été mal reçu, nous avons pu commencer à réduire les coûts à ce moment-là.
• 1920
À la suite du 11 septembre, comme je l'ai dit, nous allons
éliminer 84 aéronefs de notre flotte, mais l'élimination de 84
aéronefs de la flotte n'élimine pas les coûts associés à ces 84
aéronefs, que ce soit les frais de propriété ou d'employés.
Alors nous travaillons plus que jamais pour éliminer rapidement les coûts du système. Nous avons besoin de l'aide des employés. Nous avons eu des discussions et nous avons pu faire plus de progrès avec certains syndicats qu'avec d'autres. Dans certains cas, nous nous sommes présentés devant l'OCRI. Quelqu'un a demandé combien de fois nous avons eu des audiences à l'OCRI et nous avons été rejetés. Nous semblons être devant l'OCRI tous les deux jours.
Les coûts doivent baisser. Que cela plaise ou non, ils doivent baisser. À moins que nous n'y parvenions, nous n'aurons pas de plan d'exploitation convenable. Sans un plan d'exploitation convenable, nous ne pourrons pas attirer d'investisseurs, que ce plafond de 15 p. 100 soit éliminé ou non.
Alors, le problème est en partie, comme je l'ai dit aux médias l'autre jour, que la solution est un casse-tête, et qu'il nous faut encore placer plusieurs pièces du casse-tête avant de pouvoir afficher le genre de confiance que j'aimerais avoir pour communiquer aux marchés financiers que les choses sont maintenant telles que j'aimerais qu'elles soient. La première étape est d'avoir un plan qui ait du sens et d'amener les coûts de la main-d'oeuvre sous contrôle.
M. Paul Szabo: J'aime bien l'idée.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
Nous laissons la parole à Val.
Mme Val Meredith: Merci beaucoup, monsieur le président, et merci, messieurs, d'être venus ce soir.
Je ne serai peut-être pas aussi gentille. Air Canada jouit d'une réputation, qu'elle a acquise au fil des ans très honnêtement, je pense, de requin dans l'industrie aérienne. Je suis probablement l'une des quelques personnes, autour de cette table, qui comprennent votre besoin concurrentiel, avec vos routes transcontinentales aux États-Unis, alors qu'ils sont subventionnés et que vous ne l'êtes pas. Vous avez toute ma sympathie, à ce sujet, et je pense que vous êtes relativement justifié, mais il n'y a pas de justification pour que vous disiez à ce comité que vous prévoyez d'installer un transporteur à bas prix dans l'ouest du Canada qui fera concurrence à WestJet, et que vous ne voyez aucun inconvénient à utiliser pour cela l'argent que vous pourriez obtenir des contribuables.
Je pense qu'il faut nous demander si nous voulons aider financièrement quelqu'un à éliminer une autre compagnie aérienne du marché ou si nous voulons simplement pour respecter le fait que vous faites concurrence à des compagnies aériennes américaines dont les circuits transcontinentaux sont subventionnés.
Je vais revenir au témoignage que nous avons entendu il y a deux ans, où quelqu'un a dit que si les compagnies aériennes pouvaient seulement s'entendre pour se laisser à chacune sa partie du marché et s'y tenir, et que tout le monde réussisse bien ainsi, nous serions mieux servis au pays.
Alors je crains un peu que vous confondiez les problèmes, ici. Plutôt que de dire que 50 p. 100 de vos activités sont de nature transcontinentale, que c'est là où vous avez besoin de notre aide, que c'est là que vous attend le succès, et que c'est là que vous allez investir votre énergie, vous nous dites autre chose. Je vous entends dire que vous êtes tout à fait satisfaits de faire concurrence à Canada 3000 et d'essayer de l'éliminer du marché; vous êtes satisfaits d'aller vous attaquer à WestJet à court terme et de l'éliminer du marché; et vous ne voyez aucun problème à jouir d'un monopole une fois que vous aurez éliminé tout le monde du marché, mais vous voulez encore que vous nous aidions à y parvenir par l'injection de fonds, en vous débarrassant des droits de propriété canadienne en augmentant les composantes de propriété étrangère. Alors est-ce un autre exemple de la manière dont vous vous acquérez cette réputation de requins dans l'industrie?
M. Calin Rovinescu: Des requins?
Mme Val Meredith: Des requins, avec de grandes dents.
M. Calin Rovinescu: Je vous remercie. J'ai cru comprendre qu'il y avait eu des larmoiements et des grincements de dents avec l'intervention de M. Beddoe, plus tôt. Je suppose que c'est ce qui est ressorti du Comité de l'industrie.
Permettez-moi seulement de dire ceci. Lorsque nous avons un produit coûteux, comme c'est le cas actuellement dans l'ouest du Canada, nous devrions choisir d'en réduire le coût pour être en mesure de rendre la route aérienne plus rentable, plus attrayante. Prenez simplement un exemple—j'en choisis un au hasard—supposons que nous perdons un million de dollars sur un circuit dans l'ouest du Canada et que ce circuit s'alimente sur notre réseau. Nous disons, savez-vous quoi, si notre pilote dirige cet aéronef—disons, un 737—10 p. 100 de moins, ou s'il fait plus de routes avec cet aéronef, s'il est assujetti à des règles de travail qui sont plus souples avec cela, nous devrions pouvoir réduire le coût des places, et peut-être avoir les même tarifs que les autres. C'est la question qui se pose.
• 1925
Nulle part ailleurs dans le monde ai-je entendu que l'offre
des mêmes tarifs qu'un compétiteur est considérée comme un
comportement prédateur, horrible et comparable à celui d'un requin,
si c'était ce que nous décidions de le faire. Nous avons donc une
situation où nous disons nous avons un produit dans l'Ouest, et le
monopole, dans l'ouest du Canada, je mettrais au défi...
Je ne vois pas comment vous pourriez suggérer, particulièrement si vous regardez le triangle de l'Ouest, qu'Air Canada domine dans cette région.
Mme Val Meredith: Ce n'est pas le cas.
M. Calin Rovinescu: D'accord. Alors, nous avons ici une compagnie qui n'est pas dominante dans le triangle de l'Ouest, qui dit nous avons actuellement un produit, et je perds ma chemise dans le triangle de l'Ouest, alors mon seul choix est de sortir du triangle de l'Ouest—et si j'en sors, quelle incidence cela a-t-il sur la contribution du réseau?—ou de réduire mes coûts dans ce triangle de l'Ouest.
Mme Val Meredith: D'accord, mais je soutiendrais que vos coûts sont liés à vos syndicats. Cela revient au commentaire de M. Fontana selon lequel la rumeur veut que vos pilotes dirigent la compagnie, et à vos commentaires sur la nécessité de réduire les coûts liés à vos pilotes de 10 p. 100 pour pouvoir être compétitifs. Votre problème semble être que vos syndicats ne semblent pas prêts à aider la compagnie à résoudre certains des problèmes de coûts élevés.
En bref, le gouvernement ne devrait peut-être pas vous aider à vous en sortir. Peut-être devrait-il mettre la société à genoux pour obliger les syndicats—lorsque leurs propres emplois seront menacés—à tenter d'aider Air Canada à confronter certains aspects de la réalité financière.
M. Calin Rovinescu: Bien sûr, notre société n'a pas la même souplesse au niveau des employés qu'une société non syndiquée; cela ne fait aucun doute; par définition, cela fait partie des règles du jeu. Un milieu syndiqué n'offre pas la même souplesse qu'un milieu qui ne l'est pas.
Si on nous disait d'aller négocier une entente avec les syndicats en vertu de laquelle Air Canada aurait les mêmes coûts salariaux que WestJet, je dirais: bravo, je vous embauche tout de suite pour ce faire. Est-ce que je crois que c'est réalisable dans l'environnement syndical? Non.
Allons-nous nous débarrasser de nos syndicats? Non. Allons-nous pouvoir adopter du jour au lendemain les mêmes coûts salariaux que WestJet? Non. Toutefois, les coûts que représentent le syndicat et la convention, si l'on examine le coût des places...
Que faut-il pour arriver à établir le coût des places? Comment puis-je réduire ce coût? Je peux le réduire en ajoutant des places dans l'avion. Cela diminue considérablement le coût des places—je dirais franchement, plus que le coût que représente l'agent de bord, lorsqu'on le compare à celui de l'agent de bord WestJet.
Comment diminuer le coût des places? Ajouter plus de places dans l'avion. Trouver une façon de rendre l'avion plus productif. Prévoir des cycles de rotation plus fréquents. Trouver une façon de peut-être modifier la gamme de produits. Quel genre de nourriture offrez-vous? Quel genre d'infrastructure avez-vous en ce qui concerne vos fournisseurs? Graduellement, on finit par réduire le coût des places.
Nous allons donc continuer à trouver des moyens de réduire le coût des places d'Air Canada et en même temps, de donner aux consommateurs ce qu'ils souhaitent, c'est-à-dire ce que nous appelons un genre de produit bon marché dans cet environnement.
Mme Val Meredith: La dernière question que je vous pose alors est la suivante: si vous avez cette ligne super-économique dont le service à bord est minimal, comment allez-vous la différencier de la ligne pilier, soit Air Canada? Allez-vous améliorer le service de façon que les gens qui payent—je dirais des tarifs relativement élevés—obtiennent un meilleur service, disposent de plus d'espace dans les avions, aient de meilleurs repas et collations? Comment allez-vous faire la différence entre votre transporteur à faible coût que vous allez lancer dans l'Ouest du Canada et le genre de service qui nous est offert actuellement?
M. Calin Rovinescu: Je détecte une pointe de sarcasme de votre part lorsque vous dites: «le service qui nous est offert actuellement»—que j'accepte, car je suis sûr que le service ne correspond pas toujours à ce qu'il devrait être. Ceci mis à part, vous avez absolument raison, le produit est différent; la marque est différente. Nous cherchons à créer une culture distincte. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi Steve Smith, qui connaît bien la culture du bon marché, pour diriger cette opération à prix abordable. Le produit aura un look différent, la nourriture ne sera pas la même, etc.—le produit sera différent.
Mme Bev Desjarlais: Les bretzels n'auront pas le même goût.
M. Calin Rovinescu: Les bretzels n'auront peut-être pas le même goût et on vous offrira peut-être une larme de «vin» à l'occasion.
Le président: Merci, Val.
Je cède maintenant la parole à Mario.
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.
Ce que j'entends aujourd'hui m'ébranle un peu. La privatisation d'Air Canada comportait un risque et, aujourd'hui, on vous reproche, évidemment, de jouer le jeu de l'entreprise privée. Quand on privatise, on ne peut pas ensuite... C'est que je m'accorde avec vous pour dire que vous avez respecté les exigences de la loi, telle qu'elle est écrite, quant aux dessertes en région. Ce n'est pas que cela me fasse plaisir, mais je suis obligé de reconnaître que vous avez agi selon la loi, ce qu'on vous reproche aujourd'hui.
Ce que je regrette, c'est qu'on ne profite pas de l'occasion, du fait que l'industrie est en crise, pour faire comprendre à la population qui, probablement, a raison. Je le constate au Québec; en région, on n'est pas satisfait du service. Vous avez conservé les dessertes mais vous avez réduit ou modifié les horaires, ce que la loi vous permettait. Si le gouvernement ne l'avait pas voulu, il n'avait qu'à insérer une restriction dans la loi. La crise aurait alors éclaté plus rapidement et le problème aurait été réglé. Mais vous avez respecté le texte de la loi.
Par ailleurs, plus je prends conscience de la situation, plus je me dis que vous n'étiez pas si mal gérés. En effet, vous avez des milliards de dollars en liquidités. Si on compare cela à British Airways... Vous disiez tout à l'heure que si vous convertissiez, vous feriez peut-être meilleure figure que British Airways. Donc, vous étiez assez bien gérés.
La question qui se pose est la suivante. Est-ce qu'on doit vous laisser mourir? En fait, c'est ce qu'on est en train de se demander. Val nous disait tout à l'heure que le gouvernement du Canada l'a fait pour Canada 3000 quand il leur a dit de diminuer le personnel, de faire une grande restructuration et qu'il allait attendre qu'ils manquent de liquidités avant d'investir.
Je pense qu'on va assister à une crise beaucoup plus importante si on se dirige dans ce sens-là. C'est important aujourd'hui de réagir. Les syndicats nous disaient qu'ils auraient besoin de 117 ou 113 millions de dollars pour racheter les départs volontaires après entente avec les sociétés, etc. Est-ce votre rôle de faire cela? Ce n'est pas votre rôle. Si le gouvernement veut venir en aide à l'industrie aérienne, qu'il permette aux sociétés de s'entendre avec leurs employés pour racheter des départs volontaires, instaurer très rapidement les horaires partagés afin de conserver le capital humain pour que, quand se produira le redémarrage, on ait encore ce personnel.
Ce que je regrette le plus, c'est qu'on semble vouloir vous faire payer pour un tas de choses dont on est frustré. Et je me demande jusqu'à quand on va vous faire payer avant de vous dire qu'il faut restructurer, non pas seulement Air Canada, mais toute l'industrie aérienne. Vous êtes le plus gros transporteur; c'est vrai. Ce n'est pas votre faute si vous occupez ce siège, et vous êtes sans aucun doute fier de faire partie de la direction d'une telle entreprise. Il reste tout de même que l'industrie a un problème.
Cependant, encore une fois, on s'attaque en oubliant, même dans nos débats, qu'il y a eu un 11 septembre et que l'industrie vit une crise. On essaie de la punir de je ne sais quoi. En tout cas, j'ai hâte qu'on parle des vraies problèmes. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire là-dessus.
M. Calin Rovinescu: Vous touchez exactement là, monsieur Laframboise, à la question fondamentale. Est-ce que la meilleure façon de réagir, de la part du gouvernement, aurait été de stabiliser l'industrie dès le départ? C'était notre position et, comme vous l'avez vu, notre président a été critiqué pour l'avoir suggéré. On en voit peut-être aujourd'hui certaines conséquences.
Ce que vous décrivez est quand même assez important, parce que nous avons eu la confirmation que... Nous ne voulons pas vivre ici, au Canada, la même situation qu'en Suisse, où c'est ni plus ni moins qu'un désastre total. C'est un désastre total parce que le gouvernement a réagi trop tard. C'est pourquoi nous sommes constamment en contact avec le ministre pour qu'on n'en arrive pas à une situation pareille.
Effectivement, je suis d'accord sur une restructuration fondamentale de l'industrie. On a respecté, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, tous nos engagements liés à la fusion avec Canadien. Dans le moment, nous sommes dans la situation où nous avons une compagnie qui a payé plusieurs fois pour la fusion avec Canadien. Il y a la dette qui a été absorbée, toutes les personnes qui ont été employées pendant cette période, toutes les destinations qui ont été conservées, etc.
• 1935
Nous devons maintenant réagir rapidement. Pour
l'instant, nous devons procéder dans la perspective que
la solution doit venir uniquement du secteur privé.
En effet, on ne peut pas savoir si le gouvernement fera
quelque chose pour nous. Donc, nous continuons à
discuter avec lui mais, par ailleurs, nous tentons
toutes sortes de choses pour arriver à bien gérer la
société pendant cette période difficile.
M. Mario Laframboise: Ça vous force évidemment à prendre des décisions d'affaires qui pourraient être difficiles du point de vue de la concurrence, qui pourraient être difficiles quant aux destinations. C'est là le danger quand on laisse aller. Vous n'avez pas le choix, parce que, bon...
Ça va. Merci..
[Traduction]
Le président: D'accord, je passe maintenant à M. Cannis, à M. Byrne et à Joe Fontana pour quelques questions rapides, puis, nous...
M. John Cannis: Je renonce à ma question.
Le président: Merci, John. Nous passons donc à M. Byrne.
M. Gerry Byrne: Je vais essayer de m'en tenir au projet de loi C-38, mais il peut arriver que je m'écarte du sujet.
Aux fins du compte-rendu, je dirais que la future ligne aérienne à rabais ne sera pas présente à Montréal. Vous n'aurez pas d'installations de maintenance, vous allez changer la structure du capital social, vous ne devez vous soumettre à aucune exigence en matière d'emplois et bien sûr, cette ligne aérienne à rabais n'offrira pas les mêmes niveaux de service. Je vous demande de bien vouloir me confirmer que tous les vols du service à rabais seront bilingues.
M. Calin Rovinescu: La Loi sur les langues officielles s'applique à la société et à ses filiales. Par conséquent, dans la mesure où il s'agit d'une filiale d'Air Canada, le bilinguisme sera appliqué. Dans la mesure où ce n'est plus une filiale d'Air Canada—certains de ces actifs pouvant être vendus à un moment donné—on peut alors présumer que le bilinguisme ne sera plus appliqué.
M. Gerry Byrne: Vous convenez donc qu'en tant qu'organisme de services publics, c'est important, n'est-ce pas?
M. Calin Rovinescu: Non. Nous ne sommes pas un organisme de services publics et je l'ai dit à plusieurs reprises. Cette société ne relève pas du secteur public, mais du secteur privé.
M. Gerry Byrne: Par conséquent, en tant que société du secteur privé...
M. Calin Rovinescu: Ce n'est rien de nouveau, n'est-ce pas?
M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Non, mais cela nous permet alors de changer pas mal de choses. Je ne le savais pas; je croyais que vous étiez une ligne aérienne de marque et que vous bénéficiez de l'appui du gouvernement pour les droits d'atterrissage dans d'autres pays, en tant que société nationale du Canada. Vous n'êtes pas un organisme de services publics; je ne l'avais pas compris. Merci.
Le président: Merci, monsieur Alcock, mais je crois que Gerry a toujours la parole.
M. Gerry Byrne: Vous vous êtes adressé au gouvernement pour obtenir de l'aide, un allégement fiscal essentiellement, à cause des circonstances dans lesquelles vous vous trouvez, qui, à de nombreux égards, ne sont pas de notre fait, mais qui, dans le cas de certaines—c'est ce qu'on pourrait avancer—découlent de décisions de gestion—nous n'allons toutefois pas débattre de cette question maintenant. En tant qu'entité du secteur privé, affirmeriez-vous que si Air Canada obtenait de l'aide, toute autre entité du secteur privé, également touchée par les événements du 11 septembre et leurs conséquences, devrait également obtenir de l'aide, qu'il s'agisse d'agences de voyages, de compagnies d'autobus ou d'hôtels?
Bien sûr, si vous avez une philosophie propre au secteur privé et que vous ne demandez pas d'aide en tant qu'entité du secteur public—vous demandez cette aide en tant qu'entité du secteur privé—vous affirmeriez que si de l'aide financière était apportée à WestJet ou à Air Canada, le gouvernement du Canada ne devrait pas pousser l'hypocrisie jusqu'à ne pas aider financièrement les agences de voyages, les compagnies d'autobus, les hôtels, les voyagistes, etc.
M. Calin Rovinescu: Votre question est très légitime. Ce que je dirais, c'est que...
Mme Bev Desjarlais: Sans compter les agriculteurs.
M. Calin Rovinescu: Les agriculteurs, bien sûr.
Ce que je dirais, c'est que le gouvernement du Canada évalue la situation et décide si oui ou non, cette industrie—qu'elle se compose de sociétés du secteur privé ou non—entraîne le reste de l'économie et qu'il faut l'appuyer.
C'est essentiellement la décision prise par l'administration américaine selon laquelle cette industrie—par opposition à une société représentative de cette industrie—est essentielle pour l'économie; elle assure le transport des marchandises, etc. En raison des frais fixes de l'industrie, on ne peut pas en fermer une partie, comme on pourrait le faire, par exemple, dans le secteur hôtelier—vous avez dix étages dans votre hôtel, mais pas assez de clients, si bien que vous fermez cinq étages. Il est impossible de le faire dans notre cas. Lorsque les avions sont immobilisés, comme je l'ai déjà dit, les coûts afférents sont toujours là.
• 1940
Je ne dis pas que le gouvernement devrait financer ou appuyer
d'autres industries, ou non. Tout ce que je dis, c'est qu'il s'agit
de savoir si cette industrie entraîne le reste de l'économie. Si
oui, le gouvernement prend une décision. Si non, c'est non. Je ne
suis pas ici pour défendre quoi que ce soit pour le bénéfice des
autres industries.
M. Gerry Byrne: Cela ressemble un peu à une danse à claquettes...
M. Calin Rovinescu: Peut-être un tango.
M. Gerry Byrne: ...entre une initiative du secteur privé et le bien du secteur public.
M. Calin Rovinescu: Comme je l'ai dit un peu plus tôt, les tendances capitalistes aux États-Unis d'Amérique sont beaucoup plus prononcées qu'au Canada, si bien que l'administration a décidé en l'espace de quelques semaines que l'industrie dans ce pays, dans laquelle on retrouve des sociétés du secteur privé—qui, je dois le dire, sont un peu plus puissantes que les lignes aériennes du secteur privé de notre pays—devait bénéficier d'un appui pour soutenir la concurrence sur certaines de ces routes. Je me demande donc s'il s'agit vraiment d'une danse à claquettes ou d'un manque de compréhension.
M. Gerry Byrne: Combien de compagnies aériennes américaines ont déclaré faillite en vertu du chapitre 11 au cours de leur histoire?
M. Calin Rovinescu: Je ne tiens pas de statistiques, mais elles sont nombreuses.
Le président: Je vous remercie, Gerry.
Je vais maintenant céder la parole à M. Fontana, et Reg a aussi des questions.
M. Joe Fontana: Je commence à comprendre ce que veut dire ce nouveau mot «tango». Cela n'a rien à voir avec les compagnies aériennes. Il s'agit plutôt d'une danse et je dois avouer que vous la dansez très bien.
M. Calin Rovinescu: Je vous remercie.
M. Joe Fontana: Je vais vous expliquer pourquoi. C'est parce que maintenant vous commencez à rejeter la responsabilité de tous vos problèmes sur le gouvernement. Je vous ai entendu commencer à dire que la raison pour laquelle nous connaissons ce problème, c'est parce que le gouvernement du Canada n'a pas réagi aussi rapidement que l'ont fait les États-Unis.
Personne ne vous a obligés à acheter les Lignes aériennes Canadien. Est-ce qu'on vous a mis un fusil sur la tempe pour vous obliger à acheter les Lignes aériennes Canadien. J'étais ici quand M. Milton a comparu devant nous et nous avons parlé précisément de cette question. Personne n'a dit qu'il fallait que vous achetiez les Lignes aériennes Canadien. C'est une décision que votre compagnie a prise d'elle-même. Une autre compagnie voulait vous racheter ainsi que Canadien. Mais personne ne vous a obligés à le faire, tout comme nous n'avons pas obligé Canada 3000 à acheter Royal. Donc, cette danse dont vous parlez, c'est que vous voulez être une société privée, ce que vous êtes, et vous ne voulez pas être un organisme de service public, mais vous voulez des fonds publics.
Maintenant, vous cherchez des moyens de créer des transporteurs à rabais, et je vous dirai que vous en avez un. Il y a deux ans, certains d'entre nous ici présents se sont demandé comment vous alliez gérer cette situation. Vous avez Air Canada ici, puis Canadien là, vos transporteurs régionaux et vos transporteurs à rabais. Vous voulez maintenant créer un autre niveau. Je comprends vos problèmes. Ils sont vraiment structurels.
C'est pourquoi je reviens à la question qui m'intéresse. Les transporteurs régionaux peuvent être et sont, pour un grand nombre de transporteurs de ligne principale... Lorsque Swissair a fait faillite, on a assisté à la résurrection de Crossair qui a servi de planche de salut. Il s'agit d'un transporteur régional. Et tout est en train de recommencer.
Là où je veux en venir, c'est que vous avez un réseau national. Ce sont vos transporteurs régionaux. Leurs structures de coût doivent être inférieures à celles d'Air Canada.
Vous avez une clause d'antériorité qui vous permet d'utiliser 39 avions à réaction. Mais vous ne le faites pas. Vous les avez simplement cloués au sol. Ils sont peut-être vieux. Pourquoi alors n'achetez-vous pas les jets régionaux? Pourquoi ne donnez-vous pas aux collectivités le service et le traitement égal dont elles ont besoin? Vos pilotes travaillent pour un salaire nettement inférieur à celui des pilotes d'Air Canada, ce qui mécontentent vos pilotes d'Air Canada. Il faut que quelqu'un commence à prendre des décisions quant à la façon de diriger cette société.
La situation est la même pour les banques. Tous les monopoles ont la même mentalité. Nous vous donnons 80 p. 100 du marché. Il y a deux ans on aurait pu parler de l'arrivée de compagnies aériennes étrangères dans ce pays, de compagnies aériennes strictement canadiennes et de cabotage. Le ministre et Air Canada ont dit qu'on ne pouvait pas agir ainsi.
Donc nous vous avons énormément aidés, monsieur. Nous ne vous avons peut-être pas donné beaucoup d'argent maintenant, mais je me souviens il y a 11 ans lorsque nous vous avons privatisés, cela a coûté très cher au public canadien. Par le passé, nous vous avons donné de l'argent pour vos avions, et nous avons fait ceci et cela.
Il faudrait que vous m'expliquiez ainsi qu'à la population canadienne quelles sont vraiment vos intentions. Dites-nous franchement ce que vous voulez faire. Si vous ne voulez pas desservir le reste du pays et que vous voulez simplement desservir les lignes principales, alors soignez honnêtes avec nous. Dites-nous que c'est tout ce que vous voulez faire et laissez d'autres transporteurs entrer sur le marché et desservir les collectivités afin que tout le monde au pays ait accès à un certain service aérien. Jouez cartes sur table. Le tango, c'est terminé. Dites-nous simplement ce que vous voulez.
M. Calin Rovinescu: Quelle est la question?
M. Joe Fontana: Expliquez-nous ainsi qu'aux Canadiens ce qu'Air Canada veut faire et veut être. Et je vais vous donner une idée. Pourquoi n'utilisez-vous pas vos transporteurs régionaux à leur pleine capacité? Pourquoi ne favorisez-vous pas leur expansion? Pourquoi ne leur donnez-vous pas les jets? Qu'attendez-vous pour agir?
M. James Moore: J'aimerais faire un rappel au Règlement. Cela relève de la compétence de la présidence, mais je crois que nous sommes ici ce soir pour parler du projet de loi C-38. Vous vous êtes complètement écartés du sujet. Les témoins sont ici pour parler du projet de loi C-38. Nous n'en avons pas parlé depuis plus d'une heure.
M. Joe Fontana: Tout est relié.
M. James Moore: Pas vraiment.
M. Joe Fontana: Ils demandent du financement. J'aimerais savoir... pour proposer une politique gouvernementale canadienne, et c'est ce dont il s'agit. Il y a deux ans, M. Milton a dit de ne pas l'augmenter. J'estime qu'il est tout à fait approprié de dire aux témoins qu'en retour, je veux savoir ce que cette société...
M. James Moore: Nous sommes en train de parler d'éliminer la limite de 15 p. 100...
Le président: Très bien, messieurs. Je veux l'autoriser à répondre à la question, puis nous passerons à l'étude article par article.
M. Calin Rovinescu: Comme je l'ai dit plus tôt, il est assez intéressant de lancer la discussion sur des questions comme l'engagement à offrir des services aux petites collectivités, comme les transporteurs régionaux et ainsi de suite. Je vous ai dit à plusieurs reprises que les engagements que nous avons pris envers les collectivités régionales ont été respectés et continuent de l'être. C'est le premier élément.
Le deuxième élément, en ce qui concerne le transporteur régional, c'est que nous déterminons si la propriété de transporteurs régionaux à long terme est nécessaire dans cet environnement, et ce n'est peut-être pas le cas. Il faut alors déterminer quelle pourrait être cette structure.
Ce marché évolue. Il est très peu probable que nous soyons dans le marasme d'ici deux ans, trois ans ou cinq ans. Le monde a changé. Il avait changé avant le 11 septembre et de toute évidence il a changé radicalement depuis le 11 septembre.
M. Joe Fontana: Pourquoi continuez-vous à demander des fonds publics lorsque vous dites que vous ne voulez pas assurer un service public?
M. Calin Rovinescu: J'ai déjà répondu...
M. Joe Fontana: Val et Bev ont posé essentiellement la même question. Comment utiliserez-vous cet argent? Vous servira-t-il à rembourser la dette que vous avez déjà? Est-ce pour lancer deux autres compagnies aériennes? Est-ce pour établir un quelconque équilibre entre l'aide que selon vous le gouvernement américain apporte à ses compagnies aériennes et votre service transcontinental? Les messages que vous transmettez sont tellement contradictoires...
M. Calin Rovinescu: Sauf votre respect, je ne suis pas sûr...
M. Joe Fontana: Pas étonnant que vos actionnaires, votre conseil d'administration et les Canadiens se demandent ce que vous fichez.
M. Calin Rovinescu: Je ne suis pas sûr si ce sont les Canadiens en général ou vous en particulier, mais partons du principe que ce n'est pas seulement vous.
M. Joe Fontana: Voulez-vous faire un sondage?
M. Calin Rovinescu: Je dirais que le gouvernement américain a peut-être fait fausse route lorsqu'il a stabilisé cette industrie. C'est possible, je vous l'accorde. Il a peut-être fait fausse route. Il est possible que plusieurs compagnies fassent faillite. La faillite de Swissair, Sabena, Ansett et Air New Zealand sans compter quelques autres dont la situation est un peu chancelante, n'est peut-être qu'une simple coïncidence. Il est possible que le fait qu'Air Canada ait réussi à organiser ses liquidités de façon à être plus solides qu'un grand nombre d'autres compagnies de l'industrie canadienne et des industries internationales n'est peut-être qu'une coïncidence.
Il appartient au gouvernement de décider s'il veut stabiliser ou non l'industrie. Il le veut et il ne le veut pas. C'est aussi simple que ça. Dans la mesure où il y a une stabilisation quelconque et où Air Canada y a accès et en profite, ce sera en fait à notre conseil d'administration de décider de l'utilisation de ces fonds.
Le président: Je tiens à vous remercier, messieurs, d'avoir comparu devant nous ce soir.
Le président a autorisé cette discussion car je sais que beaucoup de députés tenaient à vous poser des questions, et c'est la raison pour laquelle nous vous avons convoqués ici. Nous vous remercions d'y avoir répondu franchement et nous vous remercions de votre participation.
M. Calin Rovinescu: Merci beaucoup.
Le président: Nous allons passer à l'étude article par article. Nous demanderons à James de présenter ses amendements dans quelques instants.
Le président: Nous reprenons la séance.
Nous sommes ici pour étudier le projet de loi C-38, Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada.
M. James Moore: Cet amendement reste essentiellement fidèle au projet de loi C-38 tel qu'il est libellé, c'est-à-dire éliminer la limite de 15 p. 100 concernant les actionnaires. Mais il élimine aussi les dispositions de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada selon lesquelles le gouvernement oblige Air Canada à avoir des installations d'entretien à Winnipeg, à Mississauga et à Montréal. Cet amendement élimine aussi l'obligation imposée par le gouvernement à Air Canada d'avoir son siège social à Montréal.
C'est simplement parce qu'Air Canada, comme ses représentants l'ont indiqué ce soir, ne prévoit réinstaller ailleurs aucune de ces quatre installations. Vous pouvez les croire ou non. Je préfère les croire parce qu'ils sont implantés dans ces collectivités depuis longtemps. L'installation de Winnipeg est la seule qui suscite des interrogations, comme Reg vient de le mentionner. Mais l'installation de Winnipeg est celle qui leur rapporte le plus d'argent puisqu'elle permet de réparer des avions pour d'autres compagnies.
Un gouvernement qui considère qu'il n'a pas à dire aux entreprises comment administrer leurs affaires n'a pas à se mêler des affaires d'Air Canada et à lui dire où installer son siège social et ses installations d'entretien. Ce n'est pas au gouvernement de dire à Air Canada où installer son siège social.
La limite de 25 p. 100 est également prévue dans cette disposition. J'élimine complètement de la loi la limite de 25 p. 100 de la propriété étrangère, parce que cette limite est déjà prévue par la Loi sur les transports au Canada. Si nous voulons avoir un débat fructueux sur l'opportunité de porter la limite de 25 p. 100 à 49 p. 100, comme les responsables de l'examen de la Loi sur les transports au Canada, Mme Meredith et certains députés ministériels l'ont réclamé, nous devrions alors retirer cette disposition de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. Cette disposition figurera alors uniquement dans la Loi sur les transports au Canada et s'appliquera également à toutes les compagnies. Donc si nous tenons ce débat, nous aurons moins de lois à modifier.
C'est l'amendement que je propose.
Le président: Très bien, y a-t-il discussion?
Monsieur Alcock, allez-y.
M. Reg Alcock: Je vous remercie.
Je ne veux pas prendre trop du temps du comité pour débattre en profondeur de cette question. J'aimerais contester l'un des commentaires que vous avez faits, Jim. C'est cette question que ce n'est pas l'affaire du gouvernement. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'une réglementation gouvernementale excessive peut causer des problèmes, mais nous sommes en train de parler de monopole ici. Nous ne parlons pas des forces normales de la concurrence lorsqu'on parle d'une compagnie aérienne nationale. C'est pourquoi j'estime légitime de la part du gouvernement d'avoir certaines attentes à cet égard.
On est effectivement en droit de s'interroger sur la portée de la réglementation et sa sévérité, sur son ingérence dans l'administration de la compagnie, mais laisser entendre que le gouvernement n'a pas à se mêler de la réglementation et de la gestion de ces énormes monopoles—comme dans le secteur des télécommunications et le secteur où existent des monopoles naturels. Il faut que le gouvernement soit présent sinon il y aura d'énormes abus, comme nous en avons été témoins dans bien des secteurs.
Nous n'en avons pas débattu parce que je n'ai vraiment pas envie d'y consacrer du temps. Le groupe qui a comparu devant nous, AirNav, est un monopole naturel. Il n'a aucune concurrence. Ses coûts ne font l'objet d'aucune pression concurrentielle. Leur président touche un salaire de 450 000 $ même s'ils disent être une organisation à but non lucratif. Il s'agit d'abus. Qui alors sert de contrepoids dans les secteurs où les forces de la concurrence ne fonctionnent pas, où il y a déficiences du marché? C'est là la véritable question.
M. James Moore: C'est une observation légitime, mais j'ai circonscrit mes commentaires en spécifiant que ce n'était pas au gouvernement de leur dire où établir leurs installations d'entretien. Mais est-ce au gouvernement de les réglementer? Bien sûr. Mais doit-il aller jusqu'à leur imposer l'endroit où ils doivent établir leurs installations d'entretien?
La plus importante installation d'entretien d'Air Canada se trouve à Vancouver. Cela n'est pas prévu par la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. Pourquoi? Ce sont les forces du marché qui l'ont incitée à l'établir à Vancouver. N'appartient-il pas au conseil d'administration de décider de l'endroit où établir ses installations d'entretien? Oui. Ce n'est pas à nous d'en décider.
Nous ne sommes pas des spécialistes en aéronautique. C'est à Air Canada et à son conseil d'administration d'en décider. Cette décision n'appartient pas au gouvernement et Air Canada ne devrait pas être assujettie à une réglementation qui ne s'applique pas à d'autres compagnies.
Le président: C'est toute une discussion.
M. Reg Alcock: Nous en parlerons en dehors du comité. Je trouve simplement que c'est un point intéressant à débattre, et je contesterais cette affirmation.
Le président: Tous ceux qui sont pour l'amendement?
(L'amendement est rejeté—[Voir Procès-verbaux])
M. James Moore: J'ai un deuxième amendement.
Le deuxième amendement élimine la disposition concernant la limite de 25 p. 100 et traite uniquement des deux questions du siège social d'Air Canada et des installations d'entretien d'Air Canada.
Pour ceux que la question de la limite de 25 p. 100 préoccupe, les mêmes arguments tiennent. Il est intéressant que la loi même indique que le siège social d'Air Canada à Montréal doit se trouver dans la communauté urbaine de Montréal. Or, elle cesse légalement d'exister le 1er janvier 2002, ce qui rend la loi plutôt redondante et archaïque. Mais je propose cet amendement car comme je l'ai déjà fait valoir, ce n'est pas à nous de dire à Air Canada comment administrer ses affaires.
(L'amendement est rejeté—[Voir Procès-verbaux])
(Les articles 1 à 3 inclusivement du projet de loi sont adoptés)
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le président: Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: Adopté
Le président: Puis-je faire rapport du projet de loi sans amendement à la Chambre?
Des voix: D'accord.
Le président: Je vous remercie, mesdames et messieurs.
Nous reprendrons vos travaux demain. La séance est levée.