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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.
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37e LÉGISLATURE, 1ère SESSION
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 082
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 20 septembre 2001
0955 |
Affaires courantes |
La Loi sur l'expansion des exportations |
L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.) |
Adoption des motions; première lecture et impression du projet de loi |
1000 |
Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica |
L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.) |
Adoption des motions; première lecture et impression du projet de loi |
Loi sur les ressources en eau du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut |
L'hon. Robert Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.) |
Adoption des motions; première lecture et impression du projet de loi |
1005 |
La Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension |
M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean--Saguenay, BQ) |
Adoption des motions; première lecture et impression du projet de loi |
Loi sur la Journée nationale Échec au crime |
M. Bill Casey (Cumberland--Colchester, PC/RD) |
Adoption des motions; première lecture et impression du projet de loi |
Pétitions |
Les cardiopathies congénitales |
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne) |
Les maladies du rein |
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.) |
1010 |
VIA Rail |
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.) |
Questions au Feuilleton |
[------] |
M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.) |
Le Président |
Question de privilège |
Le projet de loi C-15 |
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne) |
1015 |
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC/RD) |
1020 |
Le Président |
M. Peter MacKay |
Le Président |
M. Peter MacKay |
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.) |
1025 |
M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ) |
1030 |
Le Président |
Les travaux de la Chambre |
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC/RD) |
1035 |
Le Président |
Adoption de la motion |
Initiatives ministérielles |
Loi de 2001 modifiant le droit criminel |
M. Peter MacKay (Pictou--Antigonish--Guysborough, PC/RD) |
1040 |
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.) |
1045 |
M. Peter MacKay |
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, PC/RD) |
M. Peter MacKay |
1050 |
Le président suppléant (M. Bélair) |
M. Kevin Sorenson |
Le président suppléant (M. Bélair) |
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne) |
1055 |
1100 |
1105 |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne) |
1110 |
1115 |
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ) |
1120 |
1125 |
1130 |
Suspension de la séance |
Le président suppléant (M. Bélair) |
1330 |
Reprise de la séance |
Loi de 2001 modifiant le droit criminel |
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ) |
1335 |
M. Howard Hilstrom (Selkirk--Interlake, Alliance canadienne) |
1340 |
1345 |
M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne) |
1350 |
M. Howard Hilstrom |
M. Werner Schmidt (Kelowna, Alliance canadienne) |
M. Howard Hilstrom |
M. Larry Spencer (Regina--Lumsden--Lake Centre, Alliance canadienne) |
1355 |
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS |
Le terrorisme |
M. Alan Tonks (York-Sud--Weston, Lib.) |
L'industrie du transport aérien |
M. James Moore (Port Moody--Coquitlam--Port Coquitlam, Alliance canadienne) |
1400 |
Le championnat panaméricain de Tae Kwon Do |
M. Gérard Binet (Frontenac--Mégantic, Lib.) |
La discrimination |
Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.) |
Le terrorisme |
M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.) |
Le Nouvel An juif |
M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, Alliance canadienne) |
Le terrorisme |
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.) |
1405 |
Le clonage humain |
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ) |
Le terrorisme |
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.) |
L'immigration |
M. Paul Forseth (New Westminster--Coquitlam--Burnaby, Alliance canadienne) |
David Michael Barkway |
M. Bob Kilger (Stormont—Dundas—Charlottenburgh, Lib.) |
1410 |
Les pêches |
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD) |
Les pêcheries |
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Neigette-et-la Mitis, BQ) |
La maladie d'Alzheimer |
M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.) |
L'immigration |
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC/RD) |
Le Harvest Jazz and Blues Festival |
L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.) |
1415 |
L'agriculture |
M. Roy Bailey (Souris--Moose Mountain, Alliance canadienne) |
QUESTIONS ORALES |
Le terrorisme |
M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne) |
L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.) |
M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne) |
L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.) |
M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne) |
Le Président |
1420 |
L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.) |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne) |
L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.) |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne) |
L'hon. David Collenette (Don Valley-Est, Lib.) |
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ) |
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ) |
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
1425 |
M. Michel Gauthier (Roberval, BQ) |
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
M. Michel Gauthier (Roberval, BQ) |
L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.) |
Les affaires étrangères |
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD) |
L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.) |
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD) |
L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.) |
Chambre des communes |
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, PC/RD) |
1430 |
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.) |
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC/RD) |
Le Président |
Le très hon. Joe Clark |
L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.) |
Le terrorisme |
M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne) |
L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.) |
M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne) |
L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.) |
1435 |
La défense nationale |
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ) |
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ) |
L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.) |
Les numéros d'assurance sociale |
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne) |
L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.) |
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne) |
L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.) |
La défense nationale |
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ) |
1440 |
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.) |
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ) |
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.) |
La sécurité nationale |
M. Randy White (Langley--Abbotsford, Alliance canadienne) |
L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.) |
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne) |
L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.) |
Le Zimbabwe |
L'hon. Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.) |
1445 |
L'hon. David Kilgour (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique), Lib.) |
L'économie |
L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD) |
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.) |
Le terrorisme |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD) |
L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.) |
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC/RD) |
L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.) |
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, PC/RD) |
L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.) |
Les affaires étrangères |
M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne) |
1450 |
L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.) |
M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne) |
L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.) |
Le terrorisme |
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ) |
L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.) |
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ) |
L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.) |
Le Président |
1455 |
La défense nationale |
M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne) |
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne) |
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
La santé |
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.) |
L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.) |
Le Président |
La défense nationale |
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Alliance canadienne) |
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Alliance canadienne) |
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
1500 |
Les réfugiés |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ) |
L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.) |
L'économie |
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC/RD) |
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.) |
Les travaux de la Chambre |
M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Alliance canadienne) |
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.) |
1505 |
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC/RD) |
L'hon. Don Boudria |
Le très hon. Joe Clark |
L'hon. Don Boudria |
Le Président |
Adoption de la motion |
1510 |
Initiatives ministérielles |
Loi de 2001 modifiant le droit criminel |
M. Larry Spencer (Regina--Lumsden--Lake Centre, Alliance canadienne) |
1515 |
M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.) |
M. Larry Spencer |
M. Peter Stoffer (Sackville--Musquodoboit Valley--Eastern Shore, NPD) |
1520 |
M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ) |
1525 |
M. Peter Stoffer |
M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC/RD) |
1530 |
1535 |
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne) |
1540 |
1545 |
1550 |
1555 |
Le président suppléant (Mme Bakopanos) |
M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ) |
1600 |
M. Monte Solberg |
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ) |
M. Monte Solberg |
1605 |
Le président suppléant (Mme Bakopanos) |
M. Roy Bailey (Souris--Moose Mountain, Alliance canadienne) |
1610 |
1615 |
M. Jay Hill (Prince George--Peace River, PC/RD) |
1620 |
M. Roy Bailey |
L'hon. Wayne Easter (Malpeque, Lib.) |
M. Roy Bailey |
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ) |
1625 |
1630 |
1635 |
1640 |
1645 |
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne) |
M. Réal Ménard |
1650 |
M. Howard Hilstrom (Selkirk--Interlake, Alliance canadienne) |
M. Réal Ménard |
1655 |
M. Larry Spencer (Regina—Lumsden—Lake Centre, Alliance canadienne) |
M. Réal Ménard |
Le président suppléant (Mme Bakopanos) |
M. Larry Spencer |
M. Réal Ménard |
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne) |
1700 |
1705 |
Le président suppléant (Mme Bakopanos) |
M. Deepak Obhrai |
1710 |
M. Howard Hilstrom (Selkirk--Interlake, Alliance canadienne) |
1715 |
M. Deepak Obhrai |
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Alliance canadienne) |
1720 |
M. Deepak Obhrai |
M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ) |
1725 |
1730 |
Les travaux de la Chambre |
Le président suppléant (Mme Bakopanos) |
Initiatives parlementaires |
Le Code criminel |
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD) |
1735 |
Les travaux de la Chambre |
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.) |
Le président suppléant (Mme Bakopanos) |
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, PC/RD) |
Le président suppléant (Mme Bakopanos) |
L'hon. Don Boudria |
1740 |
Le président suppléant (Mme Bakopanos) |
Adoption de la motion. |
Le Code criminel |
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD) |
1745 |
1750 |
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ) |
1755 |
1800 |
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne) |
1805 |
1810 |
M. Stephen Owen (secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.) |
1815 |
1820 |
M. Jay Hill (Prince George--Peace River, PC/RD) |
1825 |
1830 |
Le vice-président |
Initiatives ministérielles |
Loi de 2001 modifiant le droit criminel |
M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ) |
1835 |
1840 |
1845 |
M. Howard Hilstrom (Selkirk--Interlake, Alliance canadienne) |
M. Mario Laframboise |
1850 |
M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ) |
M. Mario Laframboise |
1855 |
M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne) |
1900 |
1905 |
1910 |
1915 |
M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ) |
M. Ken Epp |
1920 |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
1925 |
M. Ken Epp |
Le vice-président |
M. Grant McNally (Dewdney--Alouette, PC/RD) |
1930 |
1935 |
M. Marcel Gagnon (Champlain, BQ) |
1940 |
1945 |
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne) |
1950 |
1955 |
M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ) |
2000 |
2005 |
M. Maurice Vellacott (Saskatoon--Wanuskewin, Alliance canadienne) |
2010 |
2015 |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
2020 |
2025 |
M. Pierre Brien (Témiscamingue, Ind.) |
Le président suppléant (Mme Bakopanos) |
2030 |
La rencontre Canada-États-Unis |
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.) |
2035 |
2040 |
M. John Reynolds (West Vancouver--Sunshine Coast, Alliance canadienne) |
2045 |
2050 |
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ) |
2055 |
2100 |
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC/RD) |
2105 |
2110 |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
2115 |
Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.) |
2120 |
M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne) |
2125 |
2130 |
M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.) |
2135 |
2140 |
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ) |
2145 |
2150 |
Mme Aileen Carroll (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.) |
2155 |
2200 |
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne) |
2205 |
2210 |
M. Brent St. Denis (Algoma--Manitoulin, Lib.) |
2215 |
M. Svend Robinson (Burnaby--Douglas, NPD) |
2220 |
2225 |
2230 |
M. Alan Tonks (York-Sud--Weston, Lib.) |
2235 |
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, PC/RD) |
2240 |
2245 |
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
2250 |
2255 |
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Alliance canadienne) |
2300 |
2305 |
M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.) |
2310 |
2315 |
Le président |
2320 |
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne) |
2325 |
M. Bill Graham (Toronto-Centre--Rosedale, Lib.) |
2330 |
2335 |
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ) |
2340 |
2345 |
2350 |
Le président |
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne) |
Mme Cheryl Gallant (Renfrew--Nipissing--Pembroke, Alliance canadienne) |
2355 |
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.) |
M. Joe Jordan (secrétaire parlementaire du premier ministre, Lib.) |
Le président |
0000 |
Le vice-président |
CANADA
Débats de la Chambre des communes |
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COMPTE RENDU OFFICIEL (HANSARD)
Le jeudi 20 septembre 2001
Présidence de l'honorable Peter Milliken
La séance est ouverte à 10 heures.
Prière
Affaires courantes
[Privilège]
* * *
[Français]
La Loi sur l'expansion des exportations
L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur l'expansion des exportations et d'autres lois en conséquence.
(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica
L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-32, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Costa Rica.
(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
[Traduction]
Loi sur les ressources en eau du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut
L'hon. Robert Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-33, Loi concernant les ressources en eau du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut et modifiant diverses lois en conséquence.
(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
[Français]
La Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension
M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean--Saguenay, BQ) demande à présenter le projet de loi C-394, Loi modifiant la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension (critères d'investissement).
—Monsieur le Président, il me fait plaisir aujourd'hui de déposer ce projet de loi qui modifie l'article 7.4 de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, afin d'obliger l'administrateur de caisses de retraite à préparer, à la fin de chaque exercice, un rapport décrivant les considérations d'ordre social, éthique ou environnemental dont il a tenu compte durant cette période dans la sélection, la conservation ou la liquidation des titres de placement sous sa responsabilité, ainsi que dans l'exercice de tout droit, notamment le droit de vote rattaché à ceux-ci.
L'administrateur remet sans frais une copie du rapport à tout participant qui lui en fait la demande.
(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
[Traduction]
Loi sur la Journée nationale Échec au crime
M. Bill Casey (Cumberland--Colchester, PC/RD) demande à présenter le projet de loi C-395, Loi instituant la Journée nationale Échec au crime.
Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je présente ce projet de loi visant à instituer une Journée nationale Échec au crime. Ce projet de loi est appuyé par la députée de Saint John.
L'organisme Échec au crime est un organisme entièrement bénévole qui s'autofinance et assure la totalité de ses services. Cela libère un peu nos corps policiers déjà éprouvés par des compressions. Échec au crime enregistre un très haut taux de succès. Chaque dollar investi lui rapporte 20 $. Je pense que l'institution de la Journée nationale Échec au crime permettra de reconnaître la précieuse contribution de cet organisme et de lui accorder tout le mérite qui lui revient.
Je voudrais remercier Jack Kline, de Amherst, et Ernie Lund, de Truro, en Nouvelle-Écosse, de m'avoir aidé à réunir l'information nécessaire pour présenter ce projet de loi d'initiative parlementaire visant à instituer une Journée nationale Échec au crime.
(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
Pétitions
Les cardiopathies congénitales
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, au nom des habitants de la Saskatchewan et de l'Alberta, je voudrais présenter une pétition demandant que le 14 février soit désigné Journée nationale de sensibilisation à la cardiopathie congénitale.
* * *
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais présenter une autre pétition au nom des Canadiens préoccupés par les maladies du rein.
Les pétitionnaires aimeraient qu'un des établissements des Instituts de recherche en santé du Canada soit dorénavant nommé Institut des maladies du rein et des voies urinaires. Il ne s'agit pas du tout de remettre en question l'excellent travail de l'institut en recherche sur les affections rénales, mais les pétitionnaires estiment que cette nouvelle désignation est plus appropriée et permettrait au public de mieux comprendre le rôle de l'institut, étant donné que le mot rein y figure.
À l'occasion du 25e anniversaire de son traitement de dialyse, M. Ken Sharp de Peterborough a lancé la pétition pour sensibiliser le public aux maladies du rein.
* * *
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais présenter trois autres pétitions, rien de moins, au nom de citoyens de Peterborough qui souhaitent le rétablissement du service de VIA Rail entre Toronto et Peterborough. Ces citoyens exhortent le Parlement du Canada à exercer des pressions sur le gouvernement pour qu'il rétablisse le service ferroviaire à Peterborough.
* * *
Questions au Feuilleton
M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.
Le Président: Est-on D'accord?
Des voix: D'accord.
* * *
Question de privilège
[ Privilège]
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Monsieur le Président, vous avez dû recevoir hier à votre cabinet, à 15 h 20, avis de mon intention de soulever la question de privilège à propos du projet de loi C-15, le projet de loi omnibus
Je soulève aujourd'hui la question de privilège concernant le projet de loi visant à modifier le Code criminel et d'autres lois. Notre capacité comme parlementaires de discuter et de voter sur le projet de loi C-15 se trouve entravée parce que ce projet de loi reflète plusieurs principes n'ayant aucun rapport entre eux, de sorte qu'il est impossible aux députés de se prononcer de façon responsable et intelligible au nom de leurs électeurs.
Les droits d'un député de voter et de se faire entendre vraiment sont des droits bien établis qui constituent incontestablement les pouvoirs dont jouissent les parlementaires. Dans une démocratie constitutionnelle, le droit de vote des députés est fondamental et est au coeur de notre système parlementaire. Le jugement que la Cour suprême du Canada a rendu en 1993 dans l'affaire New Brunswick Broadcasting Co. c. la Nouvelle-Écosse a confirmé le caractère constitutionnel du privilège parlementaire sur cette base même.
Bon nombre des pouvoirs et privilèges des députés résultent de plusieurs siècles de pratique et de convention. Les tribunaux ont clairement reconnu que les conventions font partie de notre constitution. Nos procédures législatives, y compris le vote, font partie de notre patrimoine historique, de nos traditions parlementaires et des privilèges collectifs de la Chambre et individuels de ses députés.
Cette question devrait constituer une question de privilège parce que le travail des députés à titre de législateurs est menacé. L'histoire prouvera que les projets de loi omnibus sont cause de frustrations et de perturbations à la Chambre des communes et que nous avons raison de nous plaindre.
Un député a posé la question suivante le 26 janvier 1971. Vous trouverez la référence à la page 2768 du hansard de ce jour.
…où faut-il nous arrêter? Où est le point de non-retour? [...] nous pourrions en arriver à n'être saisis que d'un seul bill au début d'une session, visant à améliorer les conditions de vie au Canada et qui comprendrait tous les projets de loi de la session. Il doit exister un point où nous outrepassons ce qui est acceptable du strict point de vue parlementaire. |
Je dirais que les nombreux et divers principes du projet de loi C-15 nous mènent aux limites de l'acceptable. Avec le projet de loi C-15, on tente d'obtenir en un seul débat notre approbation sur huit sujets d'ordre général: premièrement, leurre et pornographie juvénile; deuxièmement, cruauté envers les animaux, troisièmement, amendements à la Loi sur le contrôle des armes à feu connue sous le nom de projet de loi C-68, quatrièmement, harcèlement criminel, cinquièmement, invasion de domicile, sixièmement, désarmer un agent de la paix ou tenter de le faire, septièmement, réforme en profondeur de la procédure criminelle au pays et, enfin, les erreurs judiciaires.
C'est inacceptable. J'estime que le projet de loi pourrait, selon certains critères, être divisé en cinq grands domaines: d'abord, les dispositions traitant de pornographie juvénile et du fait de leurrer les enfants sur Internet; en deuxième lieu, les dispositions traitant de la cruauté envers les animaux; en troisième lieu, les dispositions traitant des modifications apportées à l'autre loi, la Loi sur les armes à feu; en quatrième lieu, les dispositions traitant des modifications apportées au Code criminel et d'autres lois relativement au harcèlement criminel, à l'invasion de domicile et au désarmement d'un policier; et, enfin, la réforme de la procédure pénale et de la procédure visant à remédier aux erreurs judiciaires.
À la page 619 de l'ouvrage de Marleau et Montpetit, il est dit qu'historiquement les différends au sujet de projets de loi omnibus surviennent par l'interaction politique. À la page 618 de cet ouvrage, on trouve une description de pareille interaction où l'opposition a paralysé les travaux de la Chambre pendant 14 jours en 1982.
Heureusement ou malheureusement, l'opposition ne peut plus recourir à ce genre de manoeuvre. Pour ceux que cela intéresse, l'opposition a tenté de raisonner avec le gouvernement et d'obtenir de lui qu'il scinde le projet de loi C-15, mais le gouvernement a été inflexible. Non seulement la ministre a-t-elle campé sur ses positions, mais encore elle a ajouté cet été qu'elle présenterait d'autres projets de loi semblables.
Je pense, monsieur le Président, que vous avez maintenant la possibilité d'arrêter cette tendance dangereuse, laquelle est oppressive non seulement pour les partis de l'opposition à la Chambre, mais encore pour la population du Canada qui nous envoie ici pour voter en son nom.
En ce qui concerne la solution relative à la procédure, j'ai examiné les décisions sur ce genre de plaintes qui ont été formulées dans le passé et j'en suis venu à la conclusion qu'il ne semble pas y avoir de solution satisfaisante à cet égard.
Le 11 mai 1977, à la page 5522 du hansard, le Président a présenté son point de vue en disant:
Mais, comme chaque fois qu'on a invoqué ce genre d'argument, on continue toujours de se demander avec une vive inquiétude si notre façon de procéder à l'égard des bills offre vraiment un recours au député qui se plaint, à juste titre, que ce genre de bill donne au gouvernement le droit d'exiger une seule décision sur un certain nombre de sujets très différents, même s'ils sont connexes. |
À mon avis, un député devrait avoir le droit d'obliger la Chambre à se prononcer sur chaque question distincte. Les décisions antérieures font allusion à plusieurs moyens que notre procédure met à la disposition des députés au sujet des bills, mais, selon moi, chacun des moyens mentionnés comporte au moins une lacune. |
En l'absence d'une solution à cette question qui soit satisfaisante ou conforme à la procédure, en l'absence d'une volonté politique et vu que la ministre a déclaré sans la moindre ambiguïté que, non seulement elle refusera de discuter la possibilité de fractionner le projet de loi en plusieurs projets de loi, mais qu'elle a l'intention de présenter et de faire adopter un plus grand nombre de tels projets de loi à la Chambre, je suis d'avis qu'il faudrait invoquer les pouvoirs de la présidence.
Je propose de ne pas laisser le projet de loi C-15 dans sa forme actuelle, car le fractionner risquerait d'empêcher la Chambre et les députés de bien s'acquitter de leur fonction et d'accomplir leur devoir.
Le Parlement est avant tout un lieu de débat. Avec ce projet de loi omnibus, le gouvernement s'attaque une fois de plus à notre capacité de tenir des débats. Il est impossible pour l'opposition d'exprimer, comme elle le devrait, des opinions divergentes. Peu importe comment nous allons nous prononcer sur ce projet de loi, cela ne fera pas valoir notre point de vue ni celui de nos électeurs.
Merci, monsieur le Président, pour votre patience. J'ai hâte d'entendre votre décision et les observations des gens d'en face.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC/RD): Monsieur le Président, je m'associe de très près aux observations du député de Provencher. Cette nouvelle tactique que la ministre de la Justice, appuyée par le leader du gouvernement à la Chambre et le gouvernement, a adoptée retarde l'étude de projets de loi très importants.
Les députés d'opposition et beaucoup de ministériels s'étaient entendus à l'unanimité, lors de la dernière législature, pour adopter les éléments les plus acceptables du projet de loi C-5. Le projet de loi aurait pu être mis en oeuvre en juin dernier.
Le Président: Je sais que ce récit est intéressant, mais la question est de savoir s'il s'agit ou non d'un projet de loi omnibus et si le Président a le pouvoir de le scinder. C'est la question que je voudrais que le député aborde.
Comme nous avons déjà entendu le député de Provencher faire la genèse de la question, je ne voudrais pas que nous nous y attardions trop.
M. Peter MacKay: Monsieur le Président, je comprends très bien. Le député de Provencher a exposé clairement huit éléments déraisonnables que le gouvernement veut obliger l'opposition à avaler. En fait, le gouvernement nous dit que c'est à prendre ou à laisser. Or, si nous le suivions, nous devrions affronter par après la rage de la population qui nous accuserait de ne pas vouloir protéger nos enfants et les agents de police.
C'est un projet de loi déraisonnable. Il est rempli d'éléments disparates, et c'est pour cela qu'on refuse à l'opposition l'occasion de débattre en Chambre des enjeux cruciaux qui sont en cause en les replaçant dans leur véritable contexte.
On nous dit de prendre tous les projets de loi, de bien les mélanger, puis de les modifier de diverses façons afin de créer un nouveau projet de loi qui serait présenté au public. En même temps, on nous refuse l'occasion d'examiner les aspects clés de ce projet de loi en raison justement du fait qu'il a été préparé de manière aussi incongrue.
L'option que nous privilégions, et même certains députés du gouvernement sont d'accord, est la présentation de projets de loi distincts, ce qui donnerait aux députés de l'opposition, et bien sûr à toute la Chambre, l'occasion de se pencher sur tous les aspects particuliers dont il est question.
Le député a énuméré cinq projets de loi distincts. Nous serions ravis d'en voir deux ou trois, mais le fait de mettre tout cela dans un énorme projet de loi qui touche une foule d'éléments divers, et qui ne sont même pas tous prévus dans le Code criminel...
Le Président: Nous sommes saisis d'une question de privilège, à savoir si la présidence est autorisée à traiter de cette question. Il est peut être intéressant d'entendre une nouvelle fois ce qu'on reproche à ce projet de loi, mais là n'est pas l'objet du débat.
J'aimerais savoir en vertu de quel pouvoir le député pense que la présidence peut diviser ce projet de loi. J'ai du mal à obtenir des informations sur ce point dans les arguments présentés jusqu'ici.
M. Peter MacKay: Monsieur le Président, je vous remercie de votre patience. À l'heure actuelle, les précédents indiquent très clairement qu'une motion peut amener la scission d'un projet de loi après sa deuxième lecture. Cependant, depuis que ces précédents ont eu lieu, le Règlement a été modifié pour qu'un projet de loi puisse être renvoyé à un comité avant sa deuxième lecture. J'invite la présidence à déterminer si une motion demandant à scinder un projet de loi avant sa deuxième lecture peut maintenant être reçue.
Si tel est le cas, nous aimerions beaucoup que le projet de loi soit renvoyé au ministère de la Justice, scindé comme il se doit et présenté à la Chambre d'une manière beaucoup plus satisfaisante pour tous les députés et tous les Canadiens.
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'attire l'attention de la Chambre sur les points suivants. Tout d'abord, la prétendue question de privilège soulevée ne donne aucune indication d'une motion renvoyant cette question au comité approprié. Ainsi, la requête laisse à désirer dès le départ à cet égard.
Ensuite, le sommaire du projet de loi dit clairement que le texte modifie le Code criminel. Oui, il modifie plus d'une disposition du code, mais il modifie le Code criminel et la Loi sur les armes à feu et nous connaissons le lien entre les deux.
Il ne modifie ni la Loi de l'impôt sur le revenu ni les dispositions sur les trucs et n'a rien à voir avec les affaires étrangères. Il ne s'agit pas d'un projet de loi d'ensemble regroupant tout un éventail de questions qui ne sont pas généralement liées les unes aux autres. Même à cet égard, les Présidents ont toujours beaucoup hésité à intervenir.
Je demande à la Chambre de se reporter aux pages 616 et 617 du Marleau et Montpetit. Là encore, ces arguments répondraient à un rappel au Règlement, si la Chambre en était saisie d'un, et non à la question de privilège, qui ne me paraît pas fondée dans ce cas-ci. Cependant, voici ce qu'on y dit:
Il est en effet tout à fait admissible, sur le plan de la procédure, qu'un projet de loi modifie, abroge ou édicte plusieurs lois à condition d'en donner le préavis requis, de l'assortir de la recommandation royale (au besoin) et de respecter la forme exigée. |
Chose intéressante, la note de bas de page rattachée à cette affirmation parle de modifications au Code criminel. On cite le cas du projet de loi C-95, des modifications corrélatives à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, et le reste, qui ne constituent pas le Code criminel lui-même, mais d'autres questions qui étaient directement ou indirectement liées ou semblables là encore dans le domaine de la justice. On ajoute ensuite:
Pour ce qui est, toutefois, d'amener la présidence à diviser un projet de loi simplement parce qu'il est complexe ou de caractère composite... |
Fondamentalement, c'est un argument que le porte-parole de l'opposition a invoqué un peu plus tôt. On poursuit ainsi:
...nombre de précédents permettent de conclure que la pratique canadienne n'autorise rien de tel. |
En d'autres termes, la présidence ne peut permettre qu'un projet de loi soit divisé du simple fait qu'il est trop complexe. On donne les exemples du Président Sauvé en 1983 et du Président Fraser relativement au projet de loi C-130, Loi de mise en oeuvre de l'accord de libre échange Canada-États-Unis d'Amérique.
Certains d'entre nous ont défendu quelques-uns de ces arguments à l'époque mais on a jugé qu'ils étaient non fondés. Sauf erreur, j'étais l'un de ceux-là, monsieur le Président, et un autre député que vous connaissez pourrait fort bien en être un autre.
Cependant, cela n'a pas fonctionné. On a jugé que ces arguments n'étaient pas valides. Ils ne le sont certes pas plus aujourd'hui qu'à l'époque où ils ont été présentés de façon beaucoup plus éloquente par un député que je connais bien.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ): Monsieur le Président, je pense que vous avez devant vous de bons arguments de la part du leader du gouvernement à la Chambre, dont un, entre autres, du temps où il était lui-même dans l'opposition et qu'il voyait qu'il était inacceptable de procéder de cette façon-là.
Je pense, monsieur le Président, que vous pourriez créer un précédent à cet égard. Les arguments du député sont fort louables. Cependant, il faut regarder le projet de loi pour se rendre compte qu'on y retrouve des aberrations, et ce, de façon épouvantable.
On ne peut pas mettre sur un même pied d'égalité, même si c'est pour modifier le Code criminel, la cruauté envers les animaux et les enfants. On ne peut pas mettre sur un même pied d'égalité le harcèlement sexuel et les erreurs judiciaires. Seulement pour le Comité permanent de la justice qui étudiera cette question, qui étudiera ledit projet de loi, il faudra entendre des experts en matière d'armes à feu, des experts en ce qui a trait aux droits des enfants, des experts au sujet de la cruauté envers les animaux, des policiers pour toute la question de l'invasion de domiciles. C'est fort complexe.
Je pense que le député est de bonne foi. Je pense que tout le monde ici est de bonne foi. L'objectif ultime de cette Chambre, c'est d'obtenir les meilleures législations possibles. Pour qui? Pour les commettants et pour les gens que nous représentons. La façon la plus habile et la plus avisée de le faire, dans un dossier semblable, serait de scinder ledit projet de loi, parce qu'on y retrouve des aberrations. C'est par du «bocquage», par une attitude d'entêtement de la ministre de la Justice, pour être plus juste, que cela ne se fait pas.
La présidence a l'obligation, je pense, en ce qui a trait aux travaux de cette Chambre, de faire en sorte que ce soit le plus clair possible pour les commettants et les contribuables, encore une fois, qu'on représente, pour qu'on ait des législations qui se tiennent et, surtout, pour permettre aux députés de cette Chambre d'avoir tous les outils en leur possession pour voter adéquatement sur un projet de loi semblable. Toutefois, tel que rédigé par la ministre de la Justice, cela ne se peut pas et ne pourra pas se faire.
[Traduction]
Le Président: La présidence a étudié attentivement les arguments présentés par les députés ce matin. Je les remercie de leurs interventions.
À mon avis, la question de privilège n'est pas justifiée. Au mieux, un recours au Règlement est indiqué et je traiterai d'ailleurs la question comme tel. Je ne crois pas que les débats portant sur cette affaire mettent en cause le privilège de la Chambre.
Je ne puis que constater que le projet de loi C-15, dont la Chambre est saisie, apporte des modifications au Code criminel et à d'autres lois en conséquence. Il y a des modifications mineures mais presque toutes celles qui sont contenues dans ce volumineux projet de loi concernent le Code criminel du Canada.
J'imagine quel cauchemar ce serait pour le Comité permanent de la justice et des affaires juridiques s'il devait étudier un projet de loi contenant la totalité du Code criminel.
Cela s'est déjà produit, puisque la Chambre a eu à adopter le Code criminel à un moment donné. Le projet de loi à l'étude était beaucoup plus volumineux que le projet de loi C-15 dont nous sommes actuellement saisis, mais il a apparemment été adopté.
À ma connaissance, on n'a jamais demandé au Président de diviser le projet de loi en blocs. Si des arguments en ce sens ont été présentés, on ne les a pas retenus, car on n'a cité à la présidence aucun précédent où la présidence aurait divisé un projet de loi. Je l'ai constaté dans tous les arguments qui ont été présentés ce matin. J'ai demandé qu'on me réfère à une citation en ce sens, mais on n'en a trouvé aucune, car j'estime qu'il n'existe pas de précédent que la présidence ait divisé un projet de loi de ce genre.
Je ne puis que renvoyer la Chambre, comme l'a fait le leader du gouvernement à la Chambre dans son argumentation, et il l'a fait avant moi, aux articles de Marleau et Montpetit qu'on m'a cités après que j'ai reçu l'avis de la question de privilège du député de Provencher, hier. Permettez-moi de citer de nouveau ces dispositions:
Il est en effet tout à fait admissible, sur le plan de la procédure, qu'un projet de loi modifie, abroge ou édicte plusieurs lois à condition d'en donner le préavis, de l'assortir de la recommandation royale (au besoin) et de respecter la forme exigée. Pour ce qui est, toutefois, d'amener la présidence à diviser un projet de loi simplement parce qu'il est complexe ou de caractère composite, nombre de précédents permettent de conclure que la pratique canadienne n'autorise rien de tel. |
Le passage cité à l'appui comprend par exemple les décisions de Madame le Président Sauvé qui ont été évoquées dans l'argumentation. Elle a refusé de scinder le projet dont la Chambre était saisie, ce qui a provoqué beaucoup d'agitation et l'incident des cloches.
Puis, bien entendu, il y a eu la décision du Président Fraser, à qui on avait demandé de scinder le projet de loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. C'était en juin 1988, et je sais que le leader du gouvernement à la Chambre est peut-être intervenu dans ce débat en juin. S'il a laissé entendre que quelqu'un que je connais personnellement est intervenu, il fait erreur. Je n'ai été élu qu'en novembre 1988, et je ne suis pas intervenu dans ce débat. De toute façon, la demande de division du projet de loi a été rejetée, et le Président Fraser a déclaré ceci:
Tant que la Chambre n'aura pas adopté de règles précises concernant les projets de loi omnibus, le Président n'a aucun recours, et il doit s'abstenir d'intervenir dans le débat et laisser la Chambre régler la question. |
À regret, je dois décider qu'il n'appartient pas à la présidence de scinder un projet de loi à l'étude à la Chambre. Je crois que l'argument serait plus solide s'il s'agissait ici de ce qu'on peut appeler un projet de loi omnibus, c'est-à-dire un projet de loi qui apporte une multitude de modifications à de nombreuses lois, comme c'était le cas, par exemple, pour le projet de loi de mise en oeuvre du libre-échange, et non d'un projet de loi qui vise à modifier une seule loi fédérale.
[Français]
À mon avis, ce n'est pas un recours au règlement et nous pouvons continuer le débat à la Chambre.
[Traduction]
Il reste huit minutes au député de Pictou--Antigonish--Guysborough pour terminer ses remarques puisqu'il avait utilisé douze minutes le 7 mai dernier lorsqu'il avait commencé son discours. Je dois avouer que je ne me souviens plus de ce qu'il avait dit ce jour-là, et c'est pourquoi je suis impatient d'entendre ce qu'il aura à dire dans les huit minutes qu'il lui reste.
* * *
Les travaux de la Chambre
[Travaux de la Chambre]
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC/RD): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Aujourd'hui, à midi, un service oecuménique à la mémoire des milliers de victimes tuées à New York la semaine dernière aura lieu à la pièce 200 de l'édifice de l'Ouest. L'ambassadeur des États-Unis y assistera, de même que le premier ministre, si je ne m'abuse. Je sais que beaucoup de députés voudraient être là, mais il est difficile de s'absenter en grand nombre pendant que la Chambre siège.
Par conséquent, après avoir consulté tous les leaders parlementaires à la Chambre aujourd'hui et obtenu leur appui, je demande le consentement unanime pour proposer la motion suivante:
Que la séance soit suspendue de 11 h 30 à 13 h 30 aujourd’hui, et que la Chambre continue de siéger de 18 h 30 à 20 h 30 pour l’étude des Ordres émanant du gouvernement. |
Le Président: La députée de Saint John a-t-elle le consentement unanime de la Chambre pour proposer la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
Initiatives ministérielles
[Initiatives ministérielles]
* * *
[Traduction]
Loi de 2001 modifiant le droit criminel
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 7 mai, de la motion: Que le projet de loi C-15, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois, et abrogeant certaines lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
M. Peter MacKay (Pictou--Antigonish--Guysborough, PC/RD): Monsieur le Président, ayant écouté votre décision, je l'accepte. Le projet de loi crée un certain malaise chez beaucoup de députés. Cela ne veut pas dire pour autant que nous n'appuyons pas les changements positifs contenus dans cette mesure législative. Toutefois, dans bien des cas, les questions sont trop complexes pour qu'on puisse en traiter en une seule séance.
Ce projet de loi omnibus regroupe huit questions distinctes. Nous avons demandé à maintes reprises, aussi récemment qu'il y a quelques instants, de scinder le projet de loi parce qu'il regroupe des questions sans aucun lien commun. À mon avis, certaines de ces questions banalisent celles qui sont plus importantes.
C'est le cas en particulier des modifications qui assureraient une plus grande protection des enfants sur Internet et de celles qui offriraient une plus grande protection aux agents de police en faisant en sorte que les peines maximales soient davantage proportionnelles à la gravité des préjudices qui peuvent être causés lorsqu'un individu essaie de désarmer un agent de police.
La comparaison entre ces modifications et les changements relativement mineurs en matière de procédure envisagés dans le projet de loi en rend l'étude à la Chambre difficile et fait que les Canadiens ne s'y retrouvent pas. Quand le comité sera saisi du projet de loi, nous serons obligés de faire venir des témoins de tous les coins du pays pour parler de tous les différents aspects du projet de loi en même temps. Ce n'est pas une façon très productive ni positive d'employer le temps des députés.
La ministre a certainement des intentions cachées d'ordre politique. Elle veut demander aux députés de la Chambre des communes de voter en faveur de ces modifications, sachant qu'il existe beaucoup de résistance et d'hésitation de la part de certains d'entre eux, particulièrement en ce qui concerne les dispositions du projet de loi qui portent sur la cruauté envers les animaux. Ces dernières sont très inquiétantes pour les éleveurs et pour toutes les personnes qui pêchent et qui chassent.
Il y a aussi de la résistance à cause du registre des armes à feu qui a été imposé au pays à un coût de presque un milliard de dollars et qui est mal conçu, lourd, trop cher, bureaucratique, parfaitement inutile, fastidieux et voué à l'échec.
Forcer les députés à accepter toutes ces mesures législatives superflues en les présentant sous forme de projets de loi omnibus est profondément choquant. La ministre a indiqué qu'elle déposerait d'autres mesures législatives du même ordre.
Voyons maintenant les questions plus importantes visées dans le projet de loi, comme celles qui ont trait à l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet; voilà le genre de mesures législatives que nous réclamons depuis un certain temps. Si le projet de loi avait été présenté convenablement la première fois, ces éléments auraient été adoptés en juin dernier.
Encore une fois, la ministre s'est toutefois butée et elle a décidé de ne pas en démordre. Nous savons que la ministre veut se débarrasser de toutes les armes d'épaule et faire en sorte que seuls les criminels et les policiers aient des armes.
Le secteur de la haute technologie s'inquiète des dispositions du projet de loi qui ont trait à l'exploitation sexuelle des enfants. Le paragraphe 163.1(3) tient en effet les fournisseurs de services Internet criminellement responsables du contenu d'un tiers, à moins qu'ils puissent prouver qu'ils n'avaient aucune connaissance réelle ni par interprétation de la diffusion du matériel en question sur Internet.
Les fournisseurs de services Internet s'inquiètent donc des ressources qu'ils devraient engager pour exercer eux-mêmes une surveillance sur Internet.
Nous appuyons les dispositions du projet de loi qui concernent l'invasion de domicile et le harcèlement criminel. L'article 23 prévoit que, dans les cas d'introduction par effraction, de vol qualifié et d'extorsion, le tribunal doit considérer comme une circonstance aggravante le fait que la maison d'habitation était occupée au moment de la perpétration de l'infraction. C'est là le principe de l'invasion de domicile.
Nous aurions préféré qu'une infraction distincte soit créée pour l'invasion de domicile. Cela aurait un effet plus dissuasif et ce serait une façon plus directe de punir ce type d'infraction. Il n'est pas fait mention expressément de l'invasion de domicile dans le Code criminel.
Les tribunaux font allusion à cela. Les policiers, les procureurs et les avocats savent ce dont il est question quand on parle d'invasion de domicile. C'est peut-être une des expériences les plus traumatisantes qu'une personne puisse vivre, notamment une personne âgée qui se sent menacée dans sa propre maison.
La Coalition Parti progressiste-conservateur/Caucus de la représentation démocratique préférerait que l'on fasse de l'invasion de domicile une infraction distincte.
Nous appuyons également les volets du projet de loi concernant le harcèlement criminel. En 1993, le gouvernement progressiste-conservateur de l'époque a adopté le projet de loi C-126, qui ajoutait au Code criminel un article concernant le harcèlement criminel.
Le projet de loi C-15 ferait de passer de cinq ans à dix ans la peine d'emprisonnement maximale en vertu de l'alinéa 264(3)a) du Code criminel. Nous appuyons cette suggestion. Le sénateur Oliver a présenté une mesure législative similaire à l'autre endroit. C'est une cause qu'il défend depuis de nombreuses années.
Le projet de loi C-15 n'entraînerait pas de pénalités plus sévères pour les infractions suivantes: appels téléphoniques harcelants, remarques indécentes ou intimidation au téléphone. Pourtant, ce sont des formes de harcèlement qui peuvent mener à des crimes plus graves. Peut-être aurons-nous l'occasion d'approfondir ce point en comité.
La disposition concernant la cruauté envers les animaux est un des éléments controversés dont j'ai fait mention dans mon intervention précédente. Ces dernières années, de nombreux incidents de cruauté envers les animaux et de mauvais traitements infligés aux animaux ont alarmé les Canadiens et soulevé beaucoup de préoccupations dans la population. La cruauté envers les animaux peut être l'étape préalable à la violence envers autrui. Le projet de loi C-15 pourrait contribuer à prévenir certains de ces crimes violents s'il est mis en application de façon logique et raisonnable.
Les amendements précisent le comportement que les Canadiens s'attendent raisonnablement à ce que les gens adoptent envers les animaux, mais le libellé soulève des préoccupations.
L'article traitant de l'infraction comprend des expressions comme «volontairement» ou «sans se soucier des conséquences de son acte». Il est à espérer que l'interprétation judiciaire de ces expressions protégerait les pratiques qu'adoptent depuis longtemps les fourreurs, les grands éleveurs et les personnes qui tirent leur subsistance de leur travail avec les animaux.
Personne de la Coalition PC/RD ne veut de quelque façon que ce soit justifier la cruauté envers les animaux. Toutefois, nous devons avoir présent à l'esprit les gens qui ont certaines activités en raison de leur mode de subsistance, et les protéger. Des changements qui exigeraient des renouvellements de permis, des autorisations et de nouvelles étapes bureaucratiques auraient une incidence financière sur des personnes ayant mené leurs activités raisonnablement pendant de nombreuses années sans se livrer à quelque cruauté que ce soit envers les animaux.
C'est un projet de loi compliqué. J'aurais aimé avoir plus de temps pour en aborder d'autres aspects. Il comprend des amendements au Code criminel abordant la question des erreurs judiciaires qui ont fait en sorte que des personnes comme Stephen Truscott ont été victimes de graves injustices de la part des substituts du procureur général et de notre ministère de la Justice.
Ce sont des éléments du projet de loi que nous pourrons, je l'espère, démêler en comité. Je suis impatient d'avoir l'occasion de les aborder.
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, j'a écouté avec intérêt les propos de notre collègue. Il a reconnu que des changements considérables ont été apportés par rapport à l'ancien projet de loi C-17. Le député a employé les mots «négligence volontaire» et «volontairement». Je crois savoir que, par suite des protestations formulées par des députés de tous les partis de la Chambre, ces mots seront réintégrés dans la définition.
La question relative au degré de négligence a déjà été traitée. La réinsertion des mots «sans nécessité» dans la définition de l'infraction consistant à causer une douleur par négligence est déjà chose faite.
Les dispositions relatives à la cruauté envers les animaux ont été retirées des articles concernant les infractions d'ordre sexuel et les actes contraires aux bonnes moeurs et font désormais l'objet d'un article distinct. Cette distinction est importante en ce qu'elle fait comprendre à l'industrie que les animaux ne sont pas considérés au même titre que les humains.
D'autres changements ont également été apportés. Je dis simplement à mon collègue que le gouvernement a déjà apporté ces changements substantiels avant l'examen en comité.
Le député ne pense-t-il pas que la meilleure chose que nous puissions faire avec ce passage du projet de loi est de le renvoyer aussi rapidement que possible au comité? Ce dernier pourrait alors organiser des audiences et nous pourrions soumettre à l'opinion publique, avec la plus grande rapidité et la meilleure efficacité possibles, le projet de loi que nous avons d'ailleurs déjà étudié et modifié.
M. Peter MacKay: Monsieur le Président, je reconnais que le libellé de cet article est plus acceptable maintenant et qu'il tient compte en partie de ce que réclament les personnes dont le travail porte sur des animaux.
J'ai reçu de nombreuses communications de personnes qui se disent encore très inquiètes des répercussions de ces mesures législatives sur leur moyens de subsistance et leurs activités légitimes. Le déplacement de ces dispositions, de la partie concernant les biens dans un article distinct du Code criminel, cause de vives inquiétudes. Par exemple, l'article 445 précise qu'est coupable d'une infraction quiconque, volontairement et sans excuse légitime, tue, mutile, blesse, empoisonne ou estropie des chiens, oiseaux ou animaux qui ne sont pas des bestiaux et qui sont gardés pour une fin légitime.
Tous ces changements, qui créent essentiellement un nouvel article concernant les animaux, répandent certainement la crainte chez ceux qui font métier d'élever, de piéger ou de chasser des animaux, et risquent de compromettre leurs moyens de subsistance. Je sais qu'il y a beaucoup de gens au pays qui ne sont pas d'accord avec certaines des pratiques visées. Or, c'est sur ces mêmes pratiques, je parle ici du commerce des fourrures, que le Canada a été bâti.
Nous ne sommes pas encore tout à fait à l'aise avec ces dispositions en particulier. Nous aurions préféré les voir exclues et examinées séparément par le Comité de la justice, afin que celui-ci puisse entendre les intervenants touchés par ces mesures. Si cela avait été le cas, nous aurions pu adopter les autres éléments très positifs contenus dans le projet de loi, que le député a exposés à toute allure. Ces éléments seraient déjà en place et en application partout au pays. Les députés de ce côté-ci de la Chambre étaient prêts à cela en juin dernier, mais en raison des jeux politiques et de l'intransigeance de la ministre de la Justice, nous en sommes encore aujourd'hui à nous chamailler à propos de ces modifications très importantes qui devraient être apportées au Code criminel.
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, PC/RD): Monsieur le Président, je crois que mon collègue qui fait partie de notre coalition a présenté des arguments forts et très convaincants sur le projet de loi. Il a signalé qu'il avait d'autres commentaires à faire et j'aimerais connaître son opinion sur la façon d'améliorer ce projet de loi.
M. Peter MacKay: Monsieur le Président, les changements qu'il aurait fallu apporter auraient, en particulier, atténué la discrimination à l'encontre des pêcheurs et des chasseurs. L'un des changements en question consistait à lever l'obligation d'enregistrer les armes d'épaule. Encore une fois, le projet de loi reprend un élément controversé qui figurait dans un autre projet de loi et qui n'a aucun rapport avec la cruauté envers les animaux, le harcèlement criminel ou le désarmement d'un officier de police. En outre, l'inclusion de l'enregistrement des armes à feu et de la rationalisation de la Loi sur les armes à feu dans ce débat ajoute à l'opposition à cette mesure. Ce sont des changements qui visent à renforcer les pouvoirs législatifs du commissaire canadien aux armes à feu, qui relève du ministre de la Justice, censément pour permettre au Canada de se conformer à ses obligations découlant du protocole des Nations Unies sur les armes à feu. Ces éléments sans grande conséquence du projet de loi n'ont rien à voir avec les dispositions importantes concernant le harcèlement sur Internet, la protection des enfants et la protection des policiers dans les cas de harcèlement criminel.
Il est malheureux que l'on se retrouve avec huit éléments distincts regroupés en une entité unique pour que le gouvernement puisse faire adopter cette mesure en bloc, quand nous savons que s'il avait procédé de façon plus raisonnable, nous aurions pu adopter ces éléments en juin dernier. Nous aurions pu traiter des éléments controversés de façon plus approfondie et à un moment plus opportun.
Je propose l'amendement suivant au projet de loi C-15. Je propose que la motion soit modifiée par la suppression de tout ce qui suit le mot «que» et par la substitution des mots suivants: la Chambre renonce à la deuxième lecture du projet de loi C-15, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois, parce que ce projet de loi contient plusieurs propositions sans rapport avec son objet, ce qui prive les députés de la possibilité de se prononcer utilement en deuxième lecture sur la teneur et les principes du projet de loi.
Le président suppléant (M. Bélair): Je déclare l'amendement recevable.
M. Kevin Sorenson: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je ne pense pas qu'il soit conforme au Règlement de présenter une motion semblable après les questions et observations sur la déclaration du député. Je pense que si vous vérifiez, vous constaterez que ce genre de motion doit être présenté après la déclaration du député sur le projet de loi.
Le président suppléant (M. Bélair): Le député de Crowfoot a raison. L'amendement du député de Pictou--Antigonish--Guysborough aurait dû être présenté à la fin du discours du député et non à la fin de la période des questions et des observations.
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de Crowfoot. C'est avec plaisir que je prends la parole sur le projet de loi C-15. Cette mesure omnibus porte sur un certain nombre de questions. Il est malheureux que le gouvernement continue de faire de la petite politique avec les projets de loi.
Le projet de loi renferme nombre de bonnes initiatives qui recueilleraient vraisemblablement le soutien de la plupart des partis, voire de tous, et qui seraient rapidement adoptées. L'opposition a demandé à maintes reprises au gouvernement de scinder le projet de loi pour assurer l'adoption rapide de ces éléments, mais le gouvernement a refusé pour des raisons qui ne peuvent être que politiques.
En 1995, le projet de loi sur les empreintes génétiques, le projet de loi C-104, a été adopté le jour où il a été présenté. Je suis d'avis que nous aurions pu faire la même chose avec bien des éléments du projet de loi C-15. Il est difficile d'imaginer qu'on puisse s'opposer à la criminalisation du désarmement d'un policier dans l'exercice de ses fonctions.
De même, il est difficile d'imaginer qu'on puisse s'opposer au durcissement de la peine maximale pour le harcèlement criminel, mais il semble que le gouvernement veuille rarement adopter des lois en temps opportun.
Un projet de loi comme celui-ci est un peu comme un panier de pommes. On trouve un certain nombre de belles pommes mûres et délicieuses sur le dessus, mais en-dessous, on en trouve certaines qui sont moins appétissantes. Ceux qui décident de ne pas acheter le panier avec des pommes pourries seront rapidement blâmés par le gouvernement pour avoir refusé d'accepter toutes les bonnes pommes.
Ceux qui s'opposeront au projet de loi C-15 seront accusés d'être contre la police, contre les victimes de harcèlement criminel et contre un accroissement des sanctions imposées aux auteurs d'invasions de domicile.
Le gouvernement se préoccupe davantage de faire de la petite politique que d'offrir ces protections avant que d'autres infractions ne soient commises, avant que d'autres policiers et citoyens ne soient victimes de crimes. Cela fait des mois que ce projet de loi a été présenté et j'ose dire qu'il va s'écouler un certain temps encore avant qu'il ne soit adopté.
Si ce n'était pas le fait que je considère que notre travail ici est important, je serais porté à qualifier de ridicule et scandaleux une bonne partie de ce que nous faisons dans cette enceinte.
Le Parlement a été saisi, il y a quelques années seulement, de la question du harcèlement criminel et à l'époque, le gouvernement n'était pas intéressé à accroître les peines. Même maintenant, je me demande si le gouvernement est vraiment intéressé à punir comme il se doit les criminels qui harcèlent leurs victimes.
Le projet de loi C-15 fait passer la peine maximale dont sont passibles les auteurs de harcèlement criminel de 5 ans à 10 ans, mais cela demeure une infraction mixte. Nous laissons entendre qu'il est acceptable de simplement imposer des amendes ou des peines minimales aux harceleurs criminels. Pour que le harcèlement criminel soit jugé grave, il devrait être considéré comme un acte criminel, mais le gouvernement refuse de faire cela.
De plus, je trouve tout à fait intéressant que le projet de loi fasse de l'invasion de domicile une circonstance aggravante pour la détermination de la peine.
Il y a deux ans, j'ai proposé cela dans une motion présentée au Comité de la justice. La majorité libérale l'a rejetée. Le député de Winnipeg-Sud a été jusqu'à qualifier ma proposition de stupide. Je doute qu'il soit aussi condescendant à l'égard de la ministre de la Justice et du caucus libéral qui se sont décidés enfin, mieux vaut tard que jamais, à améliorer la législation au sujet des invasions de domicile. Notre institution est vraiment quelque chose.
Un jour le gouvernement trouve une idée stupide parce qu'elle vient des banquettes de l'opposition et peu de temps après, il soumet la même proposition comme si elle venait de lui. C'est incroyable.
J'appuie les modifications proposées au sujet de la pornographie juvénile. En janvier 1999, lorsqu'une décision a été rendue dans l'affaire Sharpe, j'ai exhorté la ministre à revoir la législation. Elle a temporisé en déclarant que les tribunaux annuleraient la décision du juge Shaw. Entre-temps, nous nous trouvions toujours avec une mesure législative contestable. La ministre a réagi de la même façon lorsque la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a rendu une décision contraire à sa position et elle a été forcée d'en appeler à la Cour suprême du Canada, qui en fin de compte ne lui a pas donné plein appui.
Aujourd'hui, au-delà de deux ans plus tard, le gouvernement se décide enfin à proposer des améliorations au titre de la protection de nos enfants.
J'appuie les dispositions concernant le leurre des enfants, mais je me demande si elles constitueront une véritable mesure de protection? Cette nouvelle infraction correspond à nombre d'actes déjà considérés illégaux. Il y a infraction si une personne leurre un enfant au moyen d’un ordinateur, probablement par Internet, dans le but de commettre certaines infractions criminelles, dont l'agression sexuelle, les attouchements et les outrages à la pudeur.
Comment pourra-t-on prouver que le leurre visait à faciliter l'une ou l'autre de ces infractions criminelles? Nous n'avons pas obtenu un grand succès quant à saisir les intentions des contrevenants. Nous devons généralement imputer une intention d'après les actes criminels eux-mêmes. En cas d'agression sexuelle, le contrevenant peut être jugé pour cette infraction. La désignation de l'infraction consistant à leurrer un enfant au moyen d'Internet ne semble pas comporter d'avantages additionnels.
Il n'y a même pas de peine additionnelle pour punir quelqu'un d'avoir utilisé Internet pour inciter un enfant à le rencontrer à ces fins abominables. En fait, la plupart des peines maximales seront réduites si le ministère public décide d'engager des poursuites sous le chef d'accusation de leurre plutôt que sous celui de l'infraction substantielle. L'infraction de leurre entraîne une peine maximale de 5 ans de prison alors que la plupart des infractions substantielles entraînent des peines maximales allant de 10 à 14 ans.
Toute cette propagande du gouvernement autour des mesures qu'il prend pour empêcher de leurrer des enfants sur Internet se résume, comme l'a dit Shakespeare, à «beaucoup de bruit pour rien». Là encore, c'est vraiment ahurissant.
Les dispositions du projet de loi concernant la cruauté envers les animaux posent un problème. Avant que quiconque ne se laisse emporter par une réaction politique, je dirai que je comprends très bien que la plupart des préoccupations à l'égard de ces dispositions viennent d'une divergence entre le monde rural et le monde urbain en matière de protection des animaux. Je comprends également que les habitants des régions rurales tiennent tout autant à défendre les animaux de compagnie aussi bien que les autres animaux. Il y a simplement que les agriculteurs ont également intérêt à protéger leur propriété et leur bétail contre les prédateurs à quatre pattes.
Nous avons deux chats et un chien à la maison et nous les aimons beaucoup. Je comprends pourquoi il faut des lois pour les protéger des mauvais traitements et empêcher qu'on leur fasse du mal, mais je peux également comprendre qu'il puisse y avoir un conflit d'intérêts à l'oeuvre dans les pratiques agricoles de tous les jours. Par exemple, la nouvelle disposition, à l'alinéa 182.2(1)b) stipule: «Commet une infraction quiconque, volontairement [...], tue [...] un animal». Que fait-on dans le cas du renard dans le poulailler? Je prétends que cette disposition menace l'agriculteur qui tue volontairement ce renard pour protéger ses poules. Certains diront qu'il n'a pas agi volontairement, puisqu'il était nécessaire de le tuer. D'autres diront au contraire qu'il a agi volontairement, puisqu'il avait bien l'intention de le tuer. Cette disposition vise-t-elle à protéger le renard dans ce cas-là? Comme cela semble être le cas, c'est une mauvaise disposition.
C'est la même chose dans le cas du loup qui attaque le troupeau de moutons. Si on le tue pour protéger le troupeau, ne le fait-on pas volontairement? Une définition dans le Code criminel parle de causer volontairement un événement, mais cela n'a rien à voir avec les dispositions concernant la cruauté envers les animaux. J'espère que le gouvernement se montrera disposé à apporter des modifications à cet égard.
Aux termes de l'alinéa 182.3(1)a), «Commet une infraction quiconque, par négligence, cause à un animal de la douleur, des souffrances ou des blessures, sans nécessité». Dans les exploitations bovines et les ranchs, il est courant de castrer la plupart, voire la totalité, des jeunes bovins d'un troupeau pour empêcher l'autofécondation et contrôler l'expansion et le lignage du troupeau. L'éleveur qui castre ces jeunes bovins et qui, de ce fait, leur occasionne un certain inconfort, ne se trouve-t-il pas à enfreindre cette disposition? Je sais que l'expression «par négligence» désigne un comportement qui s'écarte de façon marquée du comportement normal qu'une personne prudente adopterait. Et qu'un éleveur prudent adopterait? Ce qu'un exploitant ou un éleveur considère comme prudent pourrait être perçu différemment par le citadin qui voit dans toute forme de castration ou même dans le marquage au fer un comportement causant à un animal de la douleur sans nécessité.
Je comprends ceux qui s'inquiètent vivement de la direction que nous fait prendre cette mesure législative. Le gouvernement n'a pas expliqué son point de vue à ce sujet.
J'approuve la disposition qui veut que quiconque désarme un agent de la paix commette une infraction. Il est vraiment regrettable que les policiers aient dû attendre si longtemps avant que cette mesure soit adoptée. Je tiens à souligner que les corps policiers réclament également une protection accrue pour leurs chiens et leurs chevaux. Ces animaux sont un élément essentiel des outils dont ils disposent pour protéger les gens. S'ils ne bénéficient d'aucune protection supplémentaire par rapport aux animaux ordinaires, ces animaux risquent d'être tués ou blessés gravement lorsqu'ils sont en devoir. Pourtant, nous n'avons pas de lois les protégeant davantage que les autres animaux.
L'entraînement de ces animaux coûte cher aux contribuables. Lorsque ces animaux sont immobilisés à cause de blessures ou lorsqu'ils meurent en devoir, nos collectivités sont privées d'une ressource très précieuse.
Au cours de la dernière législature, un groupe d'étudiants de la Colombie-Britannique a lancé le projet SHEP dans le but de réclamer une protection accrue des animaux qui viennent en aide aux policiers. Des membres du Comité de la justice, y compris des députés du parti ministériel, ont rencontré, dans le cadre d'une réunion informelle, des maîtres-chiens représentant ces étudiants, et ils les ont assurés de leur appui. Or, nous apprenons maintenant que la ministre de la Justice n'est pas favorable à l'adoption de sanctions plus sévères à l'endroit des personnes qui blessent des animaux entraînés pour l'application de la loi. C'est bien dommage.
Je n'ai pas le temps de discuter de tous les problèmes que cette mesure législative entraînera en ce qui a trait au processus des audiences préliminaires et à la nécessité pour les avocats de la défense de fournir un avis de témoignage d'expert. Je suis persuadé que les avocats de la défense se pencheront sérieusement sur ces questions. Il me semble évident encore une fois que le gouvernement veut introduire cette mesure législative de façon unilatérale, sans avoir beaucoup consulté ceux qui en seront le plus touchés. Encore une fois, des témoins comparaîtront devant le Comité de la justice pour présenter ces arguments et le gouvernement s'entêtera et refusera d'apporter des modifications. Il est très rare que des modifications soient apportées à des projets de loi du gouvernement. On y apporte toutefois bon nombre d'amendements d'ordre technique parce que la mesure législative est souvent déposée à la Chambre sans avoir été beaucoup travaillée au préalable.
Pour une raison ou une autre, le gouvernement est prêt à admettre ses petits problèmes techniques, mais il se dérobe lorsque vient le temps d'apporter des modifications importantes, en dépit des justifications réfléchies et bien intentionnées qui lui sont servies.
Pour ce qui est de ce projet de loi, il se peut que nous constations certains ajustements dans deux ans, lorsque le gouvernement revendiquera son droit de le faire. Le projet de loi C-15 n'en est qu'un exemple de plus. Je propose donc:
Que la motion soit modifiée par substitution, aux mots suivant le mot «Que», de ce qui suit: |
«la Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-15, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois, étant donné que cette mesure couvre plusieurs principes distincts, ce qui empêche la Chambre de prendre une décision responsable et éclairée.» |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi C-15, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois. J'ai l'impression de devoir livrer deux ou trois discours.
Ce projet de loi omnibus contient des dispositions législatives très différentes les unes des autres. Certaines sont très valables, d'autres carrément mauvaises. Le projet de loi contient de tout, le meilleur comme le pire.
Le projet de loi C-15 contient de nombreuses modifications que nous souhaitons voir adopter. Certains éléments contenus dans le projet de loi avaient déjà été demandés par l'Alliance canadienne avant que la Chambre ne parte en vacances. En fait, l'Alliance canadienne avait demandé que le projet de loi soit scindé en deux mesures distinctes.
Nous avions demandé que le projet de loi soit scindé afin de permettre l'adoption rapide des modifications concernant l'utilisation d'Internet dans le but de leurrer les enfants et de produire de la pornographie juvénile. La partie plus litigieuse, celle qui concerne la cruauté envers les animaux, aurait pu faire l'objet d'un examen et d'un débat ultérieurs. Les députés ministériels ont voté contre notre motion, ce qui a eu pour résultat que d'autres enfants sont devenus la cible, l'été dernier, de pédophiles sadiques, qui les traquaient sur l'Internet.
En août dernier, le Service canadien du renseignement de sécurité a publié son rapport de 2001. Parmi les nombreuses choses qu'il signale, le SCRS mentionne que l'Internet offre aux prédateurs sexuels un moyen facile de leurrer des victimes qui participent à des groupes de discussion. Le rapport indique:
Les groupes de discussion sur l'Internet et les sites web consacrés à l'exploitation sexuelle des enfants permettent de recueillir et de diffuser de la pornographie juvénile plus rapidement qu'avec les méthodes antérieures. Le nombre de demandes d'aide reçues par les services de police relativement à la pornographie juvénile sur l'Internet continue de s'accroître au Canada. L'anonymat que procure l'Internet permet aux prédateurs sexuels et aux pédophiles de leurrer les enfants à des fins d'exploitation sexuelle. |
En passant, le SCRS a également constaté que la prostitution juvénile demeure une menace partout au pays. Nous devons prendre toutes les mesures possibles pour protéger les enfants au Canada et ailleurs dans le monde. C'est pourquoi j'appuie sans réserve les dispositions du projet de loi C-15 qui facilitent les poursuites contre des citoyens canadiens ou des résidants permanents qui commettent des agressions sexuelles pendant des séjours à l'étranger ou qui pratiquent ce qu'on appelle le tourisme sexuel pédophile.
En vertu de la nouvelle loi, il ne sera plus nécessaire d'obtenir une requête officielle de poursuites d'un autre pays. J'appuie théoriquement ces mesures, mais je m'en voudrais de ne pas mettre en doute leur efficacité comme moyen d'éliminer la prostitution juvénile dans le monde. Je doute que ces mesures permettent de traduire des Canadiens en justice facilement et rapidement.
Le projet de loi C-27 présenté à la Chambre et adopté en 1997 rendait coupable d'une infraction les citoyens canadiens qui avaient des relations sexuelles avec des enfants dans d'autres pays, infraction dont les auteurs devaient faire l'objet de poursuites judiciaires au Canada. Pendant que ce projet de loi était à l'étude à la Chambre, l'Association du Barreau canadien a dit que, même si le projet de loi C-27 était un énoncé de principe admirable, il serait pratiquement impossible à mettre en application. Alan Young, professeur de droit pénal à Osgoode Hall a dit ceci:
Nous avons déjà vu des cas semblables où le Parlement adoptait des lois inopérantes, qui témoignaient de bonnes intentions, mais n'étaient tout simplement pas applicables. Songez-y un peu. Comment cette mesure législative pourrait-elle être mise en application? Comment les autorités canadiennes vont-elles être informées de ces infractions? Toute loi extraterritoriale sera chargée d'infractions politiques et presque impossible à appliquer. |
En ce qui concerne Internet, Jay Thomson, président de l'Association canadienne des fournisseurs Internet, un groupe qui représente environ 80 des plus gros fournisseurs de services Internet au Canada, a accueilli favorablement les dispositions du projet de loi C-15, disant que cela faciliterait grandement les choses pour son groupe en faisant reposer sur les juges le fardeau de définir ce qui constituait et ce qui ne constituait pas de la pornographie juvénile. Selon M. Thomson, dès qu'un juge aurait ordonné la suppression d'un site ou d'un lien, il serait facile pour le fournisseur de le faire.
Le nouveau projet de loi permettrait aussi aux juges d'ordonner la confiscation de tout matériel, y compris des ordinateurs, utilisé dans la perpétration d'infractions liées à la pornographie juvénile. Les juges auraient aussi la possibilité d'interdire aux personnes reconnues coupables de production de pornographie juvénile d'avoir des contacts avec des enfants.
Comme on l'a sûrement remarqué, j'ai passé la moitié du temps à ma disposition à faire l'éloge de cette mesure législative et à féliciter le gouvernement d'avoir inclus certaines bonnes dispositions dans le projet de loi C-15. Je dois maintenant passer à la partie contestée de ce projet de loi, qui tente de politiser le Parlement et qui est de nature partisane.
Je veux parler de la partie du projet de loi qui traite de la cruauté envers les animaux, celle qui fait qu'il est impossible pour les députés de ce côté-ci de la Chambre, particulièrement ceux qui représentent des circonscriptions rurales, d'appuyer cette mesure législative.
Plusieurs organisations, dont la Canadian Cattlemen's Association, la Fédération de l'agriculture de l'Ontario, les Producteurs de poulet du Canada et l'Alberta Farm Animal Care Association, pour n'en nommer que quelques-unes, ont exprimé des réserves et des préoccupations à l'égard du projet de loi C-15.
La majorité de ces groupes déclarent être en faveur des changements apportés à la partie du Code criminel concernant la cruauté envers les animaux, soucieux de moderniser et d'accroître les peines infligées aux personnes adoptant un comportement cruel ou négligent envers les animaux. Toutefois, comme l'a précisé l'Alberta Farm Animal Care Association, le projet de loi doit mentionner expressément et clairement que les pratiques généralement acceptées au sein de l'industrie de l'élevage ne sont pas visées par cette mesure législative.
Ces groupes veulent savoir si les pratiques généralement acceptées à l'échelle nationale dans les secteurs de l'élevage de bovins et de poulets échappent à la mesure législative.
Les producteurs de poulet du Canada, qui représentent près de 5 000 agriculteurs de toutes les provinces et des Territoires du Nord-Ouest, estiment qu'il faut protéger les animaux contre la cruauté, mais que les lacunes du projet de loi C-15 sont si criantes qu'elles pourraient entraîner une remise en question de l'utilisation normale et légitime des animaux en agriculture. À leur avis, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-15 pourrait avoir des conséquences graves sur l'élevage des animaux, et le manque de clarté et de mesures concrètes de protection dans le projet de loi pourrait donner lieu à des accusations frivoles.
La Canadian Cattlemen's Association, qui représente plus de 100 000 producteurs de bovins au Canada, estime que le projet de loi C-15 exposera à des poursuites abusives ses membres, d'autres producteurs de bétail, des chasseurs, des pêcheurs et des chercheurs médicaux.
Ces organismes agricoles demandent au gouvernement de laisser les dispositions concernant la cruauté envers les animaux dans la section du Code criminel concernant les biens ou de fournir la protection juridique actuelle fondée sur l'excuse légitime au paragraphe 429(2), en éliminant la définition du mot animal ou en la modifiant pour exclure l'expression «et de tout autre animal pouvant ressentir la douleur» et en conservant les mots «volontaire» et «volontairement» qui figurent dans les infractions pertinentes.
Ces organismes demandent uniquement que soient apportés au projet de loi C-15 des petits changements qui permettraient d'éviter que les grands éleveurs, les agriculteurs et autres propriétaires d'animaux soient mis en danger. Les députés de l'Alliance canadienne et en particulier ceux qui représentent de grandes régions agricoles, défendront ces amendements lorsque le projet de loi C-15 sera renvoyé au Comité de la justice et passera ensuite à l'étape du rapport.
Notre secteur de l'agriculture est déjà très fragile. Lorsque nous l'analysons et que nous nous arrêtons à un secteur comme celui des céréales et oléagineux, nous constatons qu'il est faible. On n'a qu'à penser à la sécheresse, aux sauterelles et à tous les phénomènes différents ayant entraîné un affaiblissement du climat agricole. Arrêtez-vous à ce que la mesure législative apportera. La Canadian Cattlemen's Association a déclaré que cette mesure mettra en péril les pratiques d'élevage et d'agriculture en Alberta et partout au Canada. D'autres ont dit qu'elle placera les gens en danger d'être poursuivis pour des pratiques normales.
Nous devons protéger une économie qui est fragile. Nous devons protéger une agriculture qui se retrouverait dans une situation catastrophique sans l'industrie de l'élevage de bovins. Nous devons rejeter ce projet de loi.
[Français]
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur le Président, je suis très heureuse de pouvoir intervenir aujourd'hui à la Chambre sur le projet de loi C-15 qui, à bien des égards, ne fait pas l'unanimité. Il s'agit d'un projet de loi omnibus qui porte sur des sujets qui relèvent chacun du droit pénal et qui semblent n'avoir aucun lien entre eux.
En ce sens, j'aimerais m'exprimer au nom du Bloc québécois pour dire que nous appuyons les motions et les propositions présentées tout à l'heure par nos collègues à l'effet que le projet de loi aurait dû être scindé.
En ce qui me concerne, c'est sur la partie qui va regrouper les dispositions actuelles du Code criminel sur la cruauté envers les animaux que je désire intervenir. C'est une partie extrêmement importante, qui touche à la fois un marché et des sportifs, des gens qui sont très embêtés par ce projet de loi.
C'est heureux que la ministre propose enfin des amendements au Code criminel, notamment en ce qui concerne la cruauté envers les animaux. Cela s'impose et je pense que la population y est favorable. Malheureusement, cette partie du projet de loi est inéquitable. À notre avis, la ministre doit permettre à tous les groupes ou organismes touchés par le projet de loi C-15 de se faire entendre.
La partie du projet de loi qui traite de la cruauté envers les animaux tire son importance du fait que plusieurs études ont clairement démontré une nette corrélation entre l'abus envers les animaux, la violence familiale et la violence envers les humains en général. Selon certaines études, 70 p. 100 des individus déclarés coupables d'offenses criminelles avaient fait preuve dans leur enfance de violence envers les animaux. Dans tous les cas, il s'agit d'abus de pouvoir envers des individus et des animaux sans défense. Notre société ne doit cautionner aucun abus de pouvoir que ce soit contre ou envers qui que ce soit.
Dans un premier temps, je considère qu'il faut légiférer afin que soient protégés les animaux de compagnie et les animaux de ferme. On estime que plus de 55 p. 100 de la population possède un animal domestique. Les animaux domestiques ou de compagnie ont depuis quelques années pris une place prépondérante au sein des familles canadiennes et québécoises, lesquelles adoptent de plus en plus d'animaux qui deviennent pour eux des membres qui font partie intégrante de la famille et qui sont une source d'affection. Les personnes âgées ne font pas exception à la règle et utilisent ces compagnons à des fins affectives, un rôle qui leur est de plus en plus dévolu.
Donc, suite à cet engouement pour les animaux de compagnie et du fait que ceux-ci deviennent des «personnes» au même titre que les autres membres de la famille, cela génère un marché clandestin, une industrie gigantesque qui s'est formée autour de cette activité et qui représente un enjeu financier évalué à des milliards de dollars. Il y a des gens qui en profitent indûment. Nous pourrions parler des usines à chiots, à chatons, de certaines fourrières et écoles de dressage à l'attaque qui entraînent par le fait même l'audition d'une multitude de causes devant les tribunaux. En raison de l'absence d'encadrement législatif et réglementaire fonctionnel, cela incite les magistrats à porter des jugements de réprimande sans conséquence et qui, de ce fait, n'effraient en rien ni les industries clandestines, ni les abuseurs d'animaux.
C'est pourquoi nous sommes favorables à l'augmentation de la peine encourue par un individu ou une société reconnu coupable de cruauté envers les animaux. Cette peine passerait à un emprisonnement maximal de cinq ans et augmenterait l'amende pour les personnes jugées coupables de cruauté envers les animaux.
On irait plus loin que cela; on enlèverait le mot «maximale» dans la phrase «une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans». Si on prend pour acquis que commettre de l'abus envers les animaux est une forme de violence, alors, on considère que l'enjeu est trop important. Quelqu'un qui est reconnu coupable de cruauté envers les animaux devrait être passible d'au moins cinq ans d'emprisonnement. On ne peut pas donner de chance à ceux qui sont trouvés coupables de cruauté envers les animaux.
Je tiens aussi à attirer l'attention des députés de la Chambre sur ces usines à chiots et à chatons dont je parlais plus tôt, ce qu'on appelle l'élevage en batterie. Il s'agit d'éleveurs indésirables qui pratiquent un élevage d'animaux de peu de qualité, souvent issus de reproduction consanguine, avec des conséquences désastreuses, sans respect envers le cycle de reproduction ou la santé de l'animal.
On a vu des reportages sur ce problème à maintes reprises dans les journaux et à la télévision. Ces animaux sont en situation de détresse, battus, amaigris, parce que insuffisamment nourris ou pas nourris. Ce sont tout simplement des animaux vivant dans des conditions d'insalubrité extrêmes.
Ces animaux sont détenus dans des cages qui ne leur permettent pas de s'étendre; on y voit des chiens et des chats aux pattes difformes, parce que l'endroit où ils évoluent est inapproprié. Il y a des animaux attachés à l'extérieur dans des températures extrêmes. Certains sont tellement malades que lorsque la Société protectrice des animaux va à leur secours, on doit les abattre, ils ne sont plus récupérables.
Cela est inacceptable et c'est pourquoi nous applaudissons une loi plus forte, plus musclée, une loi plus ferme pour contrer cet élément.
Il y a aussi les gens à qui la loi cause des préjudices. Il s'agit d'une importante partie de la population canadienne, les producteurs d'animaux destinés à la consommation, ainsi que les chasseurs, les pêcheurs et les trappeurs.
Les producteurs d'animaux destinés à la consommation sont actuellement protégés en vertu de la partie XI de l'ancienne loi qui leur permet de ne pas être poursuivis, étant donné que c'est leur métier de fournir des animaux pour la consommation. Sauf que la nouvelle loi déplace la partie XI, et dans le projet de loi C-15, il n'en est plus question du tout. Ils n'ont donc plus cette immunité que leur procurait la loi précédente. C'est une importante protection juridique dont ils ont besoin, dont ils jouissent actuellement, mais qu'ils ne peuvent plus utiliser en vertu du projet de loi C-15; on ne la leur procure plus.
À mon avis, il faudrait reformuler le paragraphe 182.2(1) du projet de loi en y ajoutant une partie. Actuellement, ce paragraphe se lit ainsi:
182.2(1) Commet une infraction quiconque, volontairement ou sans se soucier des conséquences de son acte: |
Ici, on pourrait ajouter: «et sans une justification ou une excuse légale ou sans apparence de droit.»
Ces gens ont un droit acquis, ils fournissent de la nourriture à la population. Il ne faudrait pas que n'importe quel farfelu, en vertu du projet de loi C-15, les traîne en justice, parce qu'ils ont abattu des animaux, par exemple. Il est important qu'on puisse permettre à ces gens d'être protégés et de protéger des activités agricoles légitimes.
Une autre catégorie d'individus est brimée par le projet de loi C-15. Monsieur le Président, je ne sais pas si vous pratiquez la chasse ou la pêche dans vos rares moments libres, mais personnellement, ce sont des sports que j'affectionne énormément. En vertu du projet de loi C-15, nous serons passibles, vous et moi, d'une amende, et même d'emprisonnement, parce que nous allons blesser ou mutiler un animal, que ce soit un lombric, un ver de terre, un poisson, une perdrix, un cerf ou un orignal, parce que le projet de loi comporte des termes ou des expressions qui ne sont pas clairs.
Maintenant, dans la définition du mot «animal», on dit que c'est tout invertébré et vertébré, qu'il s'agisse d'une perdrix, d'un animal sauvage que l'on chasse, ou une poule; tout cela se retrouve dans le même bateau.
Par exemple, si je blesse une perdrix en chassant et que c'est mon voisin qui la retrouve, il peut me poursuivre devant un tribunal en m'accusant d'avoir blessé une perdrix. À ce moment-là, en vertu du projet de loi C-15, je peux être traduite en cour et passible d'une amende et même d'un emprisonnement. Cette partie du projet de loi C-15 doit donc être modifiée.
Il y a aussi des articles extrêmement importants, où on dit qu'il faut aussi protéger les gens qui vont à la chasse avec des chiens. C'est un sport vraiment agréable et il est pratiqué à travers tout le Canada. Au-delà de 400 000 chasseurs chassent avec des chiens au Canada. Ces gens ne peuvent pas tous être considérés comme des hors-la-loi. Il faut les protéger.
Ces gens ont des chiens qui ne sont pas considérés comme des bêtes maltraitées. D'abord, le chien de chasse est un animal doux. On ne pourrait pas entraîner ce type de chien pour la chasse si on le maltraitait. Automatiquement, le propriétaire d'un chien de chasse offre d'excellentes conditions de vie à son chien pour que celui-ci puisse être réceptif et capable de faire le travail qu'on lui demande.
De plus, le chien de chasse aide à la protection de la faune, pour la simple raison que si vous allez à la chasse, comme vous me l'avez dit, monsieur le Président, et que vous tuez une perdrix, c'est très difficile de la trouver dans un sous-bois, s'il est le moindrement dense. Mais le chien de chasse, lui, la trouvera. Effectivement, la perdrix n'est pas nécessairement morte. Elle peut être blessée et elle peut mourir plus tard. Mais il n'en reste pas moins que si je laisse la perdrix dans la forêt, je contreviens au respect de la faune. À ce moment-là, mon chien de chasse la rapporte.
Il est important de bien considérer que finalement, avec le projet de loi C-15, si on ne prend pas cela en considération, il y a des gens qui devront laisser de côté leur sport, laisser de côté la protection de certains animaux.
* * *
Le président suppléant (M. Bélair): Je m'excuse d'interrompre l'honorable députée de Terrebonne--Blainville. Elle disposera de sept minutes pour conclure son discours, mais selon l'entente conclue ce matin, la séance est suspendue jusqu'à 13 h 30.
(La séance est suspendue à 11 h 30.)
La séance reprend à 13 h 31.
* * *
Loi de 2001 modifiant le droit criminel
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-15 Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois, soit maintenant lu une deuxième fois et renvoyé à un comité; ainsi que de l'amendement.
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur le Président, pour faire suite à ce que disais au début de mon intervention, on s'entend pour dire que le Code criminel doit être modernisé mais pas à n'importe quel prix.
Dans le projet de loi C-15, notamment la partie qui concerne la cruauté envers les animaux, contient des modifications que nous jugeons enrichissantes, voire nécessaires, afin d'assurer la protection des animaux. D'ailleurs, j'en ai parlé dans la première partie de mon discours.
Mais il contient également des aberrations qui sont préjudiciables, notamment aux individus et aux entreprises qui produisent des animaux destinés à la consommation, aux gens qui en font le commerce, qui en vivent et qui s'attendent à ce qu'on puisse inclure dans le projet de loi une protection dont ils jouissent actuellement, en vertu de l'article 11 du Code criminel actuel, mais qui disparaît, qui n'existe plus dans le présent projet de loi.
Le projet de loi C-15 est également préjudiciable aux milliers de sportifs qui peuvent être passibles de poursuites au criminel, parce que la partie qui traite de cruauté envers les animaux ne contient pas d'exception qui les protège.
Nous pouvons présenter toute une argumentation pour dire que le projet de loi C-15 doit absolument être étudié de nouveau, modifié, retravaillé et scindé.
Uniquement au Québec, près de 400 000 chasseurs et un million de pêcheurs vont être touchés par ce projet de loi. Ces chiffres démontrent qu'il y a des retombées économiques importantes pour le Québec. Je suis persuadée qu'il y a également des chasseurs et des pêcheurs dans d'autres provinces, qu'ils sont aussi nombreux et qu'il y aura des retombées économiques.
C'est important de se souvenir qu'au Canada comme au Québec, nous avons une tradition de chasseurs et de pêcheurs. Ce ne sont pas simplement les autochtones qui s'y adonnent; nous pratiquons également ces activités de façon sportive. Nous le faisons et la majorité des chasseurs et des pêcheurs le font dans un esprit de conservation de la faune. Il y a notamment des groupes de chasseurs qui utilisent un chien de chasse et ils sont fortement touchés par le projet de loi actuel.
Bien souvent, ces gens vont même aider les fondations ou les ministères de la Faune, dans un esprit de participation à des études, pour pouvoir témoigner de leur respect de la faune. Ce sont des gens qui sont touchés, parce qu'ils n'auront plus l'occasion d'utiliser leurs chiens de chasse. Dorénavant, à cause de l'entraînement, ils seront peut-être considérés comme des harceleurs, des abuseurs envers les animaux. Ces gens aident au maintien de la conservation de la faune, parce que leurs chiens permettent de détecter des animaux morts ou blessés.
Il y a également des gens qui se servent des oiseaux, des faisans qu'ils élèvent, pour aller à la chasse. Que vont faire ces personnes si elles ne peuvent plus s'en servir? Nous avons besoin de ces animaux pour entraîner les chiens.
La reconnaissance des droits et pratiques relatifs à la chasse qui ont cours dans notre société doit être prise en compte. D'ailleurs, les provinces le font. Elles ont des lois et des règlements qui émanent de règlements fédéraux, provinciaux en matière de chasse et qui prévoient des mesures d'interdiction et d'infraction à l'égard des pratiques de chasse. Mais ces éléments viennent en contradiction avec le projet de loi C-15. L'inverse est également vrai. Il est important que nous puissions retoucher ce projet de loi.
On doit y apporter des modifications importantes et je ne suis pas la seule à le dire. J'ai entre les mains un document qui provient de la Division du droit du gouvernement.
J'ai pris cela sur le site web du ministère de la Justice. C'est très clair. On dit qu'on pourrait calmer les appréhensions des groupes qui prévoient être touchés par ce projet de loi. On cite notamment les chasseurs et les trappeurs, qui craignent que certains actes ne leur vaillent des poursuites au criminel.
C'est dit bien clairement qu'il il faut le retoucher. On donne des exceptions. Il n'est pas seulement question des chasseurs et les trappeurs. Il y a:
l'identification, le traitement médical ou la stérilisation des animaux; l'approvisionnement en nourriture ou l'obtention d'autres produits dérivés des animaux; la chasse, le piégeage, la pêche ou toute autre activité sportive licite (...); la lutte contre la vermine; la protection des personnes ou des biens; la recherche scientifique (...), le dressage ou l'entraînement de l'animal. |
Ce ne sont pas seulement les partis de l'opposition qui disent qu'il faut absolument que ce projet de loi soit scindé, retouché et modifié, c'est aussi quelqu'un du ministère de la Justice, ici, au fédéral.
Je souhaite qu'on puisse retourner en comité, que ce soit étudié élément par élément, de sorte qu'on fasse une loi juste et équitable envers la population et qu'on évite aussi des frais de cour et de poursuites. Car on ne sait jamais jusqu'à quel point nos concitoyens ne sont pas sur la même longueur d'onde que nous en matière de cruauté envers les animaux.
[Traduction]
M. Howard Hilstrom (Selkirk--Interlake, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec le député de Regina—Lumsden—Lake Centre.
Nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-15, projet de loi d'ensemble qui apporte de nombreuses modifications au Code criminel. Les dispositions du Code criminel à modifier n'ont aucun lien entre elles, ce qui cause toutes sortes de problèmes aux députés qui veulent appuyer certaines modifications et s'opposer à d'autres.
Un exemple de modification qui n'a aucun lien avec les autres est celle qui porte sur la cruauté envers les animaux, ce qui est un problème très grave aux yeux de tout le monde. Cela n'a rien à voir avec la pornographie, Internet ni avec l'exploitation sexuelle des enfants. Aucun lien non plus avec les modifications proposées à la loi sur les armes à feu.
Je tiens à souligner dès le départ qu'il y a là une profonde injustice. Le gouvernement a tort de proposer un projet de loi semblable alors que des députés comme moi, qui représentent une circonscription agricole et le secteur de l'élevage, auront à souffrir de l'adoption du projet de loi.
Permettez-moi de dire que les attaques incessantes contre le secteur de l'élevage et l'agriculture en général que sont les modifications réglementaires et législatives proposées ne feront qu'aggraver la situation difficile où beaucoup d'agriculteurs se trouvent à cause des aléas de la météo, de la sécheresse de cette année, de la faiblesse du prix des denrées, etc. Les agriculteurs changent leur production; ils passent de la culture des céréales à l'élevage du bétail et y reviennent. Le gouvernement devrait leur garantir une certaine sécurité. Il devrait les laisser appliquer un plan d'entreprise qui fonctionnera et ne sera pas entravé par des mesures législatives qui laissent à désirer. Or, c'est l'effet qu'auront les modifications proposées à la partie du Code criminel qui porte sur la cruauté envers les animaux.
Je suis éleveur. Tous les agriculteurs et éleveurs sont complètement opposés à toute forme de cruauté envers les animaux, quels qu'ils soient. Les agriculteurs, les éleveurs et tous ceux qui vivent de la terre font plus grand cas et se préoccupent plus que qui que ce soit d'autre au Canada de la nature et de l'environnement.
Compte tenu de l'éventail des opinions qui existent aujourd'hui dans la population au sujet des droits des animaux, pour que les éleveurs aient un bon plan d'affaires qui fonctionne bien pour eux au plan financier, ils doivent être assurés d'être à l'abri de toutes poursuites.
Dans la disposition concernant la cruauté envers les animaux, nous voudrions une exemption en ajoutant que les animaux éprouvent de la douleur. Nous savons tous cela. Toutefois, la définition permet de porter plainte à la police et au gouvernement et d'intenter personnellement des poursuites si l'on estime que le marquage au fer et les étiquettes d'oreille sont des actes de cruauté envers les animaux. Dans de telles affaires, le tribunal cherchera à savoir quelle était l'intention du Parlement.
Compte tenu de la façon dont le projet de loi C-15 est rédigé à l'heure actuelle pour ce qui concerne la cruauté envers les animaux, les tribunaux pourraient juger que le marquage au fer et les étiquettes d'oreille sont des actes de cruauté envers les animaux. La ministre nous assure que ce n'est pas le cas et que ce n'est pas l'objet de ce projet de loi.
Je ne vais pas essayer de citer des affaires dans lesquelles la Cour suprême est allée à l'encontre de ce que je percevais comme étant l'intention du Parlement. Inutile de dire que la possibilité existe bel et bien. Toutefois, la ministre nous assure que ce n'est pas le cas en l'occurrence.
Ce que les groupes d'agriculteurs, l'Alliance canadienne et moi-même disons, c'est que si c'est bien là l'intention du Parlement, pourquoi ne pas garder la cruauté faite aux animaux à cet égard à l'article 429 du Code criminel? L'article 429, qui parle de justification légale et d'apparence de droit lors des pratiques normales, protège les éleveurs. Les groupes de pression que j'ai consultés et moi-même estimons certes que si la disposition était prévue à cet endroit, elle dissiperait chez eux toute crainte ou presque d'être accusés de cruauté envers les animaux.
C'est probablement la plus grande réserve que j'éprouve à l'égard du projet de loi C-15 en tant que principal porte-parole en matière agricole. Je ne tiens donc aucun compte des autres aspects du projet de loi C-15 pour bien faire comprendre à la Chambre et à tout tribunal qui se penchera éventuellement là-dessus que l'intention du Parlement n'est manifestement pas ici d'étendre à toute pratique agricole la définition de cruauté envers les animaux. C'est pourtant ce que laisse entendre la disposition.
L'autre point que je veux aborder brièvement est l'article visant les armes à feu. Je reviens dans le temps au jour où Kim Campbell, ancien premier ministre conservateur, a commencé ce qui allait devenir la saga de l'enregistrement des armes de poing, idée que j'ai longtemps appuyée, par ailleurs. J'appuyais l'idée de base de ce projet, c'est-à-dire que les gens devraient subir un contrôle avant de pouvoir se procurer un permis de port d'arme à feu ou d'acquérir des armes à feu. Mais il se trouve que les mesures législatives sur les armes à feu vont bien au-delà de ce qui peut être raisonnable et sensé.
Le gouvernement se sert maintenant du projet de loi C-15 afin de faire mieux accepter ces mesures et de les simplifier. Il voit bien le fouillis, et il cherche à accélérer l'acquisition de permis de possession.
Au Manitoba et en Saskatchewan, des agents de conservation ont dit qu'ils ne feraient respecter aucune des mesures de la Loi sur les armes à feu, parce qu'ils trouvent ridicule que des gens n'aient pu obtenir leur permis en raison de tout le fouillis entourant la Loi.
Cela m'amène à un autre point. Au cours de la dernière campagne électorale, le premier ministre du Manitoba, Gary Doer, et le NPD ont déclaré qu'ils ne mettraient pas en oeuvre Loi sur les armes à feu à l'aide de ressources provinciales. Et voilà qu'ils demandent aux agents de conservation, et ils continueront de le faire, de contrôler les permis. Il est évident que des accusations seront déposées contre les délinquants. J'espère cependant que le premier ministre et le NPD honoreront leurs promesses et fourniront davantage d'efforts pour ne pas engloutir de deniers publics dans l'application de la Loi sur les armes à feu.
Enfin, je voudrais souligner une dernière fois que lorsque le projet de loi est renvoyé à un comité, le ministre doit accepter que l'on conserve la justification légale au paragraphe 429(2) du Code criminel et qu'on l'ajoute à tout nouveau projet de loi, de sorte que les agriculteurs, les producteurs de poulets et les producteurs laitiers puissent conserver leurs moyens de subsistance et enrichir les Canadiens.
M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne): Monsieur le Président, mon collègue a mentioné un certain nombre de points mais, celui qui m'intéresse le plus est celui sur la capacité des tribunaux de confisquer l'équipement utilisé dans la production et la distribution de pornographie juvénile à la suite d'une condamnation. Cette mesure faisait partie d'un projet de loi d'initiative parlementaire que j'avais présenté à la Chambre. En travaillant avec le secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice, nous avions réussi à convaincre le gouvernement qu'il s'agissait d'un aspect important du Code criminel qui faisait défaut et devait être modifié. Je sais gré au gouvernement de l'avoir inclus dans ce projet de loi.
Toutefois, au lieu de présenter un projet de loi entièrement consacré à la question de la pornographie juvénile et à l'accessibilité à la pornographie juvénile sur Internet, le gouvernement a décidé d'inclure cette question suffisamment importante pour faire l'objet d'un projet de loi distinct dans un projet de loi omnibus traitant de questions comme le fait de désarmer un agent de la paix et la cruauté envers les animaux. À mon avis, c'est mauvais.
La question de la pornographie juvénile devrait faire l'objet d'un débat distinct. Elle est suffisamment importante pour cela. Nous avons demandé à plusieurs reprises au leader à la Chambre de diviser le projet de loi de façon à ce que nous puissions traiter de chaque sujet séparément, mais en vain. Je risque de me trouver dans la position très inconfortable au moment de voter contre ce projet de loi, même si l'aspect pour lequel j'ai fait pression et que j'ai promis s'y trouve inclus, tout cela à cause de la façon dont il est structuré. Nous continuons à maintenir que le gouvernement devrait diviser ce projet de loi.
Mon collègue pourrait-il nous dire pourquoi le gouvernement ne peut pas diviser un projet de loi qui traite d'une telle série de questions touchant à la justice, de sorte que nous puissions examiner chaque question indépendamment?
M. Howard Hilstrom: Monsieur le Président, voilà justement où est le problème. J'ai la certitude que nombre de députés d'arrière-ban du côté du gouvernement aimeraient aussi que ce projet de loi soit scindé. Ils savent fort bien, toutefois, que cela est impossible parce que la ligne de parti prévaudra lors du vote.
Lorsque la Chambre est saisie d'un mauvais projet de loi, comme c'est le cas pour le projet de loi C-15, du moins en grande partie, aucun député ne devrait se prononcer. Aucun député ne devrait voter en tout cas pour un projet de loi omnibus qui comporte des modifications parfaitement inacceptables. Dans le cas qui nous occupe, il s'agit de la disposition sur la cruauté envers les animaux, qui vise toutes les exploitations agricoles du Canada, y compris les producteurs laitiers. Les producteurs laitiers canadiens traient des vaches, cela est évident. Les gens qui voient là la moindre forme de cruauté sont à côté de leurs pompes, et je sais qu'il y en a.
D'accord, le projet de loi doit être divisé de manière à ce que les éléments hétéroclites qu'il comporte fassent chacun l'objet d'un vote et que le Parlement puisse exprime véritablement son opinion afin de représenter entièrement et adéquatement les électeurs.
Malheureusement, puisque le gouvernement a jeté pêle-mêle un tas d'éléments, bons et mauvais, nous n'avons d'autre choix que de tout rejeter en bloc en espérant qu'il proposera dans les années à venir des projets de loi distincts pour chacune de ces questions. Ainsi, les Canadiens pourront-ils avoir leur mot à dire sur chaque question, et nous ne serons pas obligés de voter pour quelque chose de mauvais et d'erroné.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le député soulève des points très importants. Je veux aussi faire allusion aux observations formulées il y a quelques instants par mon collègue de Lethbridge.
Ces deux messieurs ont clairement montré ce qui se passe lorsqu'on élabore un projet de loi omnibus qui englobe une myriade de choses dont certaines sont quelque peu contradictoires. Comment peut-on parler d'honnêteté et d'intégrité lorsque certains aspects et certaines dispositions législatives ayant trait à la pornographie laissent entendre que traiter de la pornographie juvénile et la cruauté envers les animaux sont des questions similaires? Avons-nous abaissé les enfants au niveau des animaux ou élevé les animaux au niveau des enfants? Cette façon de présenter la situation peut sembler stupide, mais elle nous fait songer au fait qu'il ne peut en être ainsi. N'empêche que de la façon dont la mesure législative est rédigée on peut se demander si c'est vraiment ce que pense le gouvernement, s'il faut vraiment procéder sur ces bases.
On peut certainement faire valoir que ces questions sont distinctes, qu'elles devraient être séparées et que les dispositions législatives régissant ces choses devraient être séparées, afin que nous traitions de chacune de ces questions en se fondant sur l'intégrité et l'honnêteté, et ce dans le cadre d'un débat honnête.
Le député pourrait-il donner son point de vue là-dessus?
M. Howard Hilstrom: Monsieur le Président, il ne fait aucun doute que le gouvernement libéral a un objectif caché et je vais dire à la Chambre ce qu'est précisément cet objectif caché.
L'objectif caché découle du lobbying fait par ceux qui s'opposent à la consommation de viande, à l'élevage du bétail et qui se veulent les défenseurs des droits des animaux. Ces gens ont formé un groupe de coordination dont le but ultime est d'éliminer complètement la chasse, les armes à feu et la production de bétail.
Il importe de reconnaître que les animaux font partie de la chaîne alimentaire, tout comme nous d'ailleurs. En tant qu'humains, nous allons continuer à utiliser des animaux pour nous nourrir.
M. Larry Spencer (Regina--Lumsden--Lake Centre, Alliance canadienne): Monsieur le Président, ce projet de loi omnibus soulève plusieurs questions, en particulier dans ma circonscription de Regina--Lumsden--Lake Centre, où les Canadiens ne parviennent pas à concevoir pourquoi on réunirait des sujets aussi divers en un seul projet de loi.
Quel est l'objet du projet de loi C-15? Il a été question d'intentions cachées et de choses de ce genre, mais quel est véritablement l'objet du projet de loi C-15? On dit qu'il a pour objet de modifier le Code criminel et la législation criminelle sur différents points.
J'ai regardé ce que nous proposons pour l'amender et j'ai vu que certains amendements visent à protéger les enfants des prédateurs sexuels, en particulier sur l'Internet, d'autres concernent le harcèlement criminel, ou bien l'invasion aggravée de domicile, le désarmement des officiers de police, d'autres encore révisent la procédure de saisine du ministre de la Justice en cas d'erreur judiciaire, d'autres enfin concernent la réforme de la procédure des enquêtes préliminaires et la place de cette procédure au sein du système judiciaire. Voilà pour ceux qui concernent les citoyens.
Mais soudain, on me rappelle que le projet de loi comporte aussi une aggravation de la peine maximale en cas de cruauté envers les animaux, ce qui, évidemment, ne pose aucun problème, sinon qu'il y manque toujours une partie de la précision dont nous avons parlé.
On passe ensuite à la section concernant les armes à feu. Nous étions déjà passés des personnes aux animaux, et on passe maintenant aux armes à feu. Il s'agit sans doute d'aider l'administration à appliquer une législation affreuse qui n'a pas donné les résultats escomptés, qu'on ne peut appliquer et qui n'est pas respectée. Force est d'en convenir.
Et ensuite, on trouve encore d'autres lois qui sont modifiées.
Quel est donc le véritable objet du projet de loi C-15? S'agit-il de la protection de nos enfants? Il est certain que le projet de loi assure une certaine protection contre l'exploitation sexuelle, en particulier sur l'Internet, et qu'il comporte des sanctions plus lourdes. Nous en convenons et nous nous en réjouissons. C'est là un élément positif auquel nous souscrivons sans réserve. Je rappellerai cependant à la Chambre que sans l'entêtement du ministre et du gouvernement, cette disposition aurait été adoptée il y a plusieurs mois; ils ont décidé qu'il n'en serait pas ainsi.
Se pourrait-il que le projet de loi concerne la protection des animaux? Il protège les animaux, mais on ne peut raisonnablement placer cette protection au même niveau que celle des citoyens. Aux termes de cette mesure législative, celui qui inflige des mauvais traitements à des animaux pourrait être condamné de la même façon que celui qui en inflige à une personne.
J'approuve les mesures de protection des animaux contre les mauvais traitements, mais ce projet de loi aura de graves conséquences pour l'élevage.
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[Article 31 du Règlement]
* * *
[Traduction]
Le terrorisme
M. Alan Tonks (York-Sud--Weston, Lib.): Monsieur le Président, le mardi 11 septembre restera marqué dans l'histoire comme un jour où les événements ont ébranlé le monde ou encore, pour paraphraser Graham Greene, comme un de ces graves moments où la porte du futur s'est ouverte et nous avons été terrifiés par notre incapacité de forger notre destinée pour en faire un modèle de la société civilisée.
Ce mardi matin-là, les cris joyeux des enfants sur le point d'entrer en classe ont retenti dans toutes les collectivités du pays. À peine quelques heures plus tard, ces cris avaient cédé la place à un silence glacial et effrayant.
En cette période bouleversante et terrifiante, il émerge dans toutes nos collectivités un leadership avisé, sensible et juste. Le rôle joué par la communauté interconfessionnelle de York-Sud—Weston et de tout le pays symbolise ce leadership.
Quant à nous, parlementaires, nous devons rester déterminés à appuyer ces efforts et ceux de toutes les autres communautés dont l'unique objet est de faire progresser notre société démocratique et le respect des droits de la personne, qui font sans contredit partie de notre meilleure défense contre le terrorisme.
* * *
L'industrie du transport aérien
M. James Moore (Port Moody--Coquitlam--Port Coquitlam, Alliance canadienne): Monsieur le Président, l'attaque du mardi 11 septembre a eu de profondes répercussions sur l'industrie du transport aérien: la fermeture de l'espace aérien nord-américain pendant deux jours, le détournement de centaines d'avions et le réacheminement de milliers de voyageurs sur les lignes aériennes d'un bout à l'autre du pays. C'est pourquoi une indemnisation aux compagnies aériennes touchées pourrait être appropriée.
Cela dit, la demande d'indemnisation de trois à quatre milliards de dollars de fonds publics demandée par Air Canada est scandaleuse. Cela correspondrait à environ 30 p. 100 du budget de défense proposé cette année, année où la défense doit absolument obtenir plus de fonds pour lutter contre le terrorisme.
Avant qu'Air Canada demande encore plus de fonds publics, la société devra prouver que le trafic aérien est nettement ralenti cet automne par rapport aux années précédentes. Les Canadiens ne sont pas prêts à envisager de tirer d'affaire un transporteur semi-monopoleur, surtout quand des décisions de gestion pourraient venir à bout de la grande majorité des problèmes d'Air Canada.
M. Milton, en cette période d'urgence nationale, où nos forces armées et la sécurité doivent être notre principale priorité, il est scandaleux de demander aux contribuables de financer des sociétés parasites aux dépens de la sécurité nationale.
* * *
[Français]
Le championnat panaméricain de Tae Kwon Do
M. Gérard Binet (Frontenac--Mégantic, Lib.): Monsieur le Président, les conséquences des événements tragiques de la semaine dernière sont grandes et nous imposent une profonde réflexion. Les répercussions de ces attentats ont ébranlé, voire modifié le cours normal de notre quotidien.
Cette situation qui nous touche depuis est internationale, nationale, régionale, et même individuelle.
Les 4 et 5 août dernier, huit athlètes du club de Tae Kwon Do de la région de Thetford Mines, au Québec, ont remporté quatre médailles d'or et trois de bronze, lors du championnat canadien junior à Toronto.
Marie-Christine, Élizabeth, David et Marie-Ève, nos quatre médaillés d'or, champions canadiens, devaient se rendre au Chili cette semaine en compétition au Championnat panaméricain de Tae Kwon Do.
Il est bien entendu qu'en raison de la paralysie qui touche le monde entier depuis plus d'une semaine, ils ont dû annuler leur participation à cette compétition.
Leur déception est grande, mais considérant l'approche véhiculée par cette discipline qui est basée sur le respect de soi et de l'autre, ils ont su puiser un certain réconfort dans la démonstration d'aide humanitaire, ces qualités de collaboration des Canadiens et Canadiennes, dont nous sommes tous témoins en ces moments difficiles.
* * *
[Traduction]
La discrimination
Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, l'islam est une des religions du monde que pratiquent bon nombre de personnes au Canada et ailleurs dans le monde. L'islam prône la paix et n'appuie pas le terrorisme.
Dans nos paroles et nos actions, nous devons faire en sorte que nos amis et nos voisins musulmans ne soient pas ciblés ou menacés par l'ignorance de ceux qui ne font pas la distinction fondamentale entre les actions d'une minorité de terroristes et une collectivité religieuse. Les événements de la semaine dernière n'ont laissé personne indifférent.
Faisons en sorte que, dans nos actions et nos paroles, nous, au Canada, reconnaissions et préservions notre liberté d'expression, notre liberté de religion et notre liberté personnelle. Nous ne devrions pas ajouter intentionnellement ou inconsidérément à la douleur et à l'angoisse que nous ressentons tous. N'oublions pas que des musulmans ont aussi été parmi les victimes de cet acte de violence insensé.
En tant que Canadiens, nous puisons de la force dans la diversité et dans la richesse de nos cultures. Ensemble, nous sommes plus forts.
* * *
Le terrorisme
M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Monsieur le Président, au nom de mes électeurs et de ma famille, je désire adresser mes sincères condoléances à ceux qui ont perdu des êtres chers dans les événements tragiques de la semaine dernière et, bien sûr, exprimer notre gratitude aux courageux secouristes et bénévoles qui ont travaillé d'innombrables heures à New York et à Washington. Sans eux, nous n'aurions même pas une lueur d'espoir. Qu'ils soient un exemple de la façon dont des personnes de différentes cultures et religions peuvent s'unir et s'entraider dans des moments si difficiles.
Nous n'oublierons jamais les images du 11 septembre 2001. Nous remercions Dieu de ce que nous avons et de ce que nous pouvons faire. Aussi horrible que soit cet acte lâche, nous devons nous rappeler la bonté qui anime bien des gens, et non faire preuve de cynisme envers des honnêtes citoyens innocents qui sont eux aussi victimes de cette épouvantable tragédie.
En tant que Canadiens, voisins et membres de la communauté mondiale éprise de paix, nous devons demeurer très unis et lutter contre cet acte lâche et barbare, qui a frappé au coeur de nos principes de liberté et de démocratie.
* * *
Le Nouvel An juif
M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, chaque année, à cette période-ci, nous célébrons l'arrivée du Nouvel An juif. C'est une période de réflexion et de renouveau, la plus importante du calendrier juif, qui commence avec le Ros-ha-sanah et se termine avec le Yom Kippour.
Pour tous les gens de croyance juive et leurs familles au Canada et dans le monde entier, ce sont des jours importants de réflexion et de prise de résolutions. Peut-être plus que jamais cette année, à la suite des événements tragiques qui se sont produits en Amérique, nous devrions nous rappeler qu'Israël mène depuis bien des années une lutte de tous les instants contre le terrorisme.
Je prie la Chambre de reconnaître et de partager l'esprit de réflexion et de renouveau annuel juif. Je suis convaincu que, dans l'année qui vient, la religion juive profitera d'une telle résolution.
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Le terrorisme
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, au nom des citoyens de Lambton--Kent--Middlesex et des membres de ma famille, je désire exprimer mes plus sincères condoléances aux familles canadiennes et américaines qui ont été durement éprouvées par les événements tragiques de la semaine dernière. Nos pensées et nos prières accompagnent nos voisins américains, qui doivent composer avec cette tragédie et travailler à la reconstruction non seulement de leur ville, mais aussi de leurs vies.
Le 11 septembre 2001 est un jour qui restera gravé dans nos mémoires. Les effets dévastateurs des attentats commis ce jour-là se feront sentir pendant encore des années. Ce fut pour tout le monde une expérience très difficile, dont nous devons tirer des leçons.
Il n'y a pas que les États-Unis qui étaient visés par ces attentats, mais aussi le Canada et tous les pays civilisés à travers le monde. Par conséquent, nous devons tous travailler ensemble pour vaincre le terrorisme.
Je tiens également à souligner les efforts des milliers de pompiers, policiers, sauveteurs, ambulanciers et volontaires du Canada et des États-Unis qui ont travaillé jour et nuit pour tenter de trouver des victimes.
Bien que nous ne puissions jamais plus nous sentir invincibles, invulnérables ou intouchables, l'espoir d'un avenir sécuritaire n'est pas perdu.
* * *
[Français]
Le clonage humain
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, pendant tout l'été, la question du clonage humain a tenu une place prépondérante dans l'actualité. De toutes les tribunes, les voix s'élevaient pour réclamer la fin du vide juridique injustifiable en cette matière.
Bien sûr, les citoyennes et les citoyens comprennent la complexité du sujet et veulent une loi qui encadrera toute la recherche scientifique dans le domaine des techniques de procréation assistée.
Cependant, ils veulent aussi être rassurés, car ils refusent que des apprentis cloneurs se réfugient ici pour réaliser leur projet moralement, médicalement et socialement inacceptable.
C'est pourquoi il faut légiférer le plus rapidement possible, car interdire le clonage humain à des fins de reproduction, c'est protéger l'intégrité des générations futures, c'est aussi protéger la dignité de l'enfantement.
* * *
[Traduction]
Le terrorisme
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le Président, bien que les Canadiens soient profondément attristés par les événements qui se sont produits aux États-Unis le 11 septembre dernier, ils ont décidé à l'unanimité d'aider les Américains à se relever de cette catastrophe. Au nom des habitants de la circonscription de Oak Ridges, je tiens à exprimer notre gratitude à tous les Canadiens qui ont contribué à l'effort de secours.
J'ai l'honneur d'informer la Chambre que les services de l'AMEC Construction Management Inc, division basée à New York de l'AMEC Inc. ayant son siège à Toronto, ont été retenus dans le cadre du travail de nettoyage entrepris tant au Pentagone, à Washington, qu'à New York. L'AMEC a livré des équipements lourds et des appareils de levage pour aider les services d'urgence et les secouristes.
Des spécialistes de l'AMEC dispensent conseils et assistance aux secouristes pour les aider dans la tâche difficile qu'est l'élaboration de projets à long terme. L'AMEC est du nombre des entreprises canadiennes exceptionnelles qui ont consacré de leur temps, de leur savoir-faire et de leurs compétences pour aider nos amis américains dans cette abominable situation.
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L'immigration
M. Paul Forseth (New Westminster--Coquitlam--Burnaby, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le secrétaire d'État américain, M. Colin Powell, a indiqué au Canada qu'il risquait de lui en coûter s'il ne faisait pas grand-chose pour corriger ses systèmes de surveillance dont les lacunes sont notoires.
Il a déclaré, et je cite:
En matière de terrorisme, certains pays devront surveiller leurs frontières avec une plus grande vigilance, s'ils souhaitent que leurs relations avec les États-Unis demeurent inchangées. Nous leur ferons clairement comprendre que ce sera là le critère en fonction duquel nous évaluerons nos relations avec eux. |
La ministre de l'Immigration a essayé de nous promettre hier que des fonds seraient consacrés à l'amélioration des services un peu partout dans le monde, mais il convient aujourd'hui de poser la question suivante: par rapport à il y a quelques semaines, quelles sont les procédures améliorées de surveillance qui sont en place aujourd'hui pour le cas où des personnes arriveraient à l'improviste sur notre territoire, réclamant le statut de réfugié?
Des milliers de personnes dont on ne sait rien et qui se réclament de ce statut de réfugié sont aujourd'hui sur notre territoire et beaucoup constituent une menace possible à la sécurité de l'État.
J'invite la ministre de l'Immigration à nous expliquer comment cette lacune sur le plan de la sécurité a été comblée et comment le gouvernement a donné suite à la mise en garde du secrétaire d'État américain.
* * *
David Michael Barkway
M. Bob Kilger (Stormont—Dundas—Charlottenburgh, Lib.): Monsieur le Président, au nom des électeurs de la circonscription de Stormont—Dundas—Charlottenburgh qui partagent une frontière internationale et un mode de vie avec nos voisins, les États-Unis, j'offre nos sincères condoléances et nos prières aux familles, amis et collègues de travail des victimes innocentes des événements tragiques du 11 septembre 2001.
Les attaques terroristes perpétrées à New York ont particulièrement frappé notre circonscription, car elles ont causé la mort de David Michael Barkway, cet ancien habitant de Cornwall âgé de 34 ans qui était directeur général chez BMO Nesbitt Burns. David était un être merveilleux attaché à sa famille, à ses amis et à son travail. Il avait aussi un faible pour un bon cigare, une Guinness bien fraîche et une partie de golf. Il manquera à tous ceux qui le connaissaient.
J'offre mes sincères condoléances à sa femme Cindy, à leur fils de deux ans James, à ses parents, le révérend Peter Barkway et sa femme Mary, de Cornwall, à son frère Stephen, à ses beaux-parents Ned et Georgina McLennan de Brampton, et à leur famille étendue. Aucun mot ne saurait exprimer pleinement la peine que nous partageons tous à la suite de cet acte injustifiable commis contre l'humanité.
* * *
Les pêches
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour exprimer ma déception et ma frustration à la suite d'un incident où un petit groupe de pêcheurs a tiré 30 coups de fusil dans les eaux au large de Burnt Church plus tôt cette semaine.
Il importe de souligner que ce groupe n'est pas représentatif de la majorité des pêcheurs qui travaillent d'arrache-pied et qui sont respectueux des lois dans la région de Miramichi. Je félicite les dirigeants des pêcheurs commerciaux non autochtones et de la communauté autochtone d'avoir fait preuve de retenue, compte tenu des événements de cette semaine. Je les encourage à continuer de faire preuve de retenue.
J'exhorte aussi toutes les parties à travailler ensemble pour trouver une solution pacifique à la crise qui sévit actuellement dans le secteur des pêches. Cela signifie que le gouvernement doit créer un contexte où des règlements justes et pacifiques sont possibles.
Le ministre des Pêches et des Océans doit personnellement travailler avec tous les intéressés et les autres ministres et, au besoin, réexaminer les allocations et les pratiques de gestion actuelles.
Les agents de la Gendarmerie royale n'ont pu empêcher l'offensive de cette semaine. Il n'y a pas eu d'arrestations non plus. Afin de créer un climat où les règlements pacifiques sont possibles, le gouvernement doit engager les ressources nécessaires à l'application de la loi.
J'invite le ministre à intervenir personnellement, car personne ne devrait, à Burnt Church, mourir pour des homards.
* * *
[Français]
Les pêcheries
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Neigette-et-la Mitis, BQ): Monsieur le Président, aujourd'hui s'ouvre à Toronto la réunion du Conseil canadien des ministres des Pêches et de l'Aquaculture.
À cette occasion, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec entend rappeler quelques principes au ministre fédéral des Pêches et Océans, entre autres, que les ententes intergouvernementales entre gouvernements responsables ne doivent pas être bafouées, comme l'a fait le ministre des Pêches et Océans dans sa récente décision d'accorder 18 p. 100 des contingents de flétan noir aux pêcheurs de Terre-Neuve, alors que leur part historique n'avait jamais dépassé plus de 8 p. 100.
En 1995, le ministère a établi un partage qu'il disait temporaire. Depuis cette date, la part du Québec correspond à une perte de 2 000 tonnes de flétan noir, ayant une valeur de six millions de dollars à la sortie des usines et provoquant la perte d'au moins 100 emplois saisonniers.
Le Bloc québécois réclame des mécanismes de gestion des pêches qui limitent l'influence politique et le pouvoir discrétionnaire du ministre, afin que la gestion des pêche se fasse sur des bases plus transparentes, plus équitables et plus cohérentes.
* * *
La maladie d'Alzheimer
M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Monsieur le Président, la maladie d'Alzheimer est un trouble neurologique qui rend graduellement le cerveau incapable de raisonner, de se souvenir, d'imaginer et d'apprendre.
Elle touche un Canadien sur treize après l'âge de 65 ans. Toutefois, une récente percée mondiale rendue possible grâce à l'aide financière des Instituts de recherche en santé du Canada, principal organisme fédéral de recherche en santé au Canada, ravive l'espoir dans la lutte contre cette maladie.
Récemment, le Dr Peter St. George-Hyslop et son équipe, du Centre de recherche sur les maladies dégénératives de l'Université de Toronto, ont en effet découvert un vaccin qui peut aider à prévenir et à traiter la perte de mémoire et la déficience cognitive invalidantes de la maladie d'Alzheimer.
Si les résultats de leurs études de laboratoire sont vérifiables chez les humains, le vaccin pourrait bien jouer un rôle vital dans l'éradication de la démence invalidante qui est associée à la maladie.
La prochaine étape consistera en des essais préliminaires pour vérifier l'innocuité de la vaccination avant que des essais à grande échelle visant à en déterminer l'efficacité thérapeutique ne soient entrepris.
Les chercheurs croient que des essais cliniques sur des humains pourraient commencer durant l'année et, s'ils sont concluants, qu'un médicament pourrait être disponible dans un délai de quatre ans.
En investissant aujourd'hui dans la recherche, tous les Canadiens et les Canadiennes en bénéficieront demain.
* * *
[Traduction]
L'immigration
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC/RD): Monsieur le Président, Lucy Lu se terre dans un sous-sol d'église de Kingston depuis novembre dernier de peur d'être expulsée par la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Jusqu'à maintenant, la ministre refuse de seulement entendre ce que Mme Lu a à dire pour sa défense.
Lucy Lu ne demande rien d'impossible à la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Elle demande, avec l'appui de toute la communauté, que l'on sursoie pour des raisons humanitaires à l'exécution d'une mesure d'expulsion.
Cela fait deux ans que Ahmed Ressam est sous le coup d'une mesure d'expulsion et personne ne s'est même donné la peine de le trouver. Tout le monde sait où est Lucy Lu, mais personne au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration ne se donne même la peine de l'appeler. Quelle menace Lucy Lu présente-t-elle pour les Canadiens?
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Le Harvest Jazz and Blues Festival
L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à rendre hommage aux organisateurs et aux artistes de la 11e édition du Harvest Jazz and Blues Festival qui a eu lieu à Fredericton, du 12 au 16 septembre. En dépit des événements tragiques qui se sont produits aux États-Unis cette année, ce festival très populaire a attiré plus de 50 000 personnes.
Après mûre réflexion, on a décidé de tenir le festival, qui a offert avec bon goût et respect à notre communauté une distraction indispensable en cette période de douleur, de choc et d'horreur.
Cela en dit long sur la qualité des organisateurs, la souplesse des bénévoles et la générosité des artistes, dont beaucoup ont offert deux spectacles afin de compenser pour les artistes qui n'avaient pas pu prendre l'avion pour se rendre à Fredericton.
Je les en remercie au nom des gens de Fredericton qui ont vu ainsi un monde qui leur était devenu étranger revenir à la normale grâce au festival.
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L'agriculture
M. Roy Bailey (Souris--Moose Mountain, Alliance canadienne): Monsieur le Président, l'aménagement d'une mare-réservoir pour le bétail coûte environ 4 800 $ à un agriculteur. Normalement, un agriculteur devrait pouvoir toucher un tiers de cette somme, soit 1 600 $, par l'intermédiaire de l'ARAP, mais les fonds se sont asséchés comme touchés par la sécheresse.
Le gouvernement a dit qu'il n'avait pas d'argent. Pourtant, il a réussi à débloquer 4 millions de dollars pour permettre aux ONG d'assister à Durban à une conférence contre le racisme. Qu'a rapporté cet argent au Canada? On nous a traités de racistes.
Ces 4 millions de dollars auraient pu servir à l'aménagement de 2 500 mares-réservoirs dans les régions desséchées du Canada. Le gouvernement a cessé d'injecter de l'argent dans le coeur du pays de l'élevage, où l'approvisionnement en eau est impératif.
Le gouvernement refuse de faire en sorte que nous ayons assez d'eau l'an prochain. Pourtant, il semble qu'il ait réussi à débloquer de l'argent pour financer ses propres projets qui se veulent grandioses mais dont on se demande s'ils sont dans l'intérêt des Canadiens.
QUESTIONS ORALES
[Questions orales]
* * *
[Traduction]
Le terrorisme
M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, chose incroyable, le FBI a arrêté récemment un des principaux suspects dans toute l'affaire entourant les attentats contre le World Trade Center et le Pentagone. Il s'appelle Nabil Al-Marabh. Le FBI a établi un lien entre cet homme et deux des pirates de l'air. Il avait le même numéro de téléphone que l'un d'entre eux. Lors d'un procès en Jordanie, il a été identifié comme un homme de main de ben Laden.
Ce matin, chose incroyable, nous avons appris qu'Al-Marabh était demandeur du statut de réfugié au Canada depuis 1994 et vivait à Toronto pas plus tard qu'il y a six semaines.
Le premier ministre nie-t-il toujours l'existence d'une filière canadienne dans l'enquête menée par les États-Unis relativement à ces terribles attentats?
L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je suis au courant qu'un individu qui a séjourné au Canada pendant un certain temps a été arrêté par les autorités américaines. L'enquête est en cours. Jusqu'à maintenant, on n'a aucune preuve d'un lien direct entre le Canada et ce qui s'est passé à New York.
M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le gouvernement est vraiment à la limite de la crédibilité. Les Canadiens se posent de sérieuses questions.
Jeudi dernier, la GRC a émis un mandat d'arrêt contre ce présumé terroriste, Al Marabh, qu'on soupçonne d'avoir trempé dans les attentats contre le World Trade Center. C'était jeudi de la semaine dernière. Ce mandat d'arrêt pancanadien a été émis le même jour où le premier ministre, le solliciteur général et le commissaire de la GRC niaient l'existence d'une filière canadienne.
Qui est responsable de la sécurité au nom des Canadiens? Qui est chargé de ce dossier chez les députés d'en face?
L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit à maintes reprises à la Chambre que la GRC et le SCRS travaillaient avec le FBI et les services de renseignement de sécurité aux États-Unis, et cette collaboration se poursuivra.
M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, nous n'obtenons pas de réponses malgré la gravité de cette affaire. Nous voulons des résultats. Nous voulons que le gouvernement soit ouvert et honnête afin que nous puissions avoir un certain sentiment de sécurité.
Ce présumé terroriste avait été accusé de falsification de passeport ici, au Canada, alors qu'il était demandeur du statut de réfugié.
Pourquoi ne l'a-t-on pas arrêté immédiatement ou expulsé au lieu de le laisser libre de se promener partout à Toronto et Dieu sait où ailleurs au Canada? Pourquoi a-t-il fallu six semaines avant même qu'on se rende compte de cela?
Je vais poser la question encore une fois...
Le Président: Il ne reste malheureusement plus de temps au député.
L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je suis certain que mon collègue ne s'attend pas à ce que toutes les informations recueillies par les services de renseignement de sécurité soient divulguées publiquement. J'ai dit maintes fois qu'il fallait que la GRC et le SCRS collaborent avec les services de renseignement de sécurité et les services de police aux États-Unis pour que les responsables de ces attentats soient traduits en justice.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le FBI est actuellement à la recherche de quelque 200 suspects, des associés potentiels des suspects et des témoins potentiels en rapport avec les attentats contre le World Trade Center et le Pentagone. Nous savons qu'au moins l'un d'entre eux, Nabil Al-Marabh, avait demandé le statut de réfugié au Canada.
La GRC et le SCRS ont-ils cette liste des 200 individus recherchés, et combien d'autres sur cette liste ont-ils identifiés comme ayant séjourné au Canada?
L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme le premier ministre l'a dit l'autre jour et comme je l'ai dit à plusieurs reprises, l'opposition s'attend-elle à ce que le gouvernement communique des renseignements secrets?
Nous voulons cependant faire en sorte que les individus responsables de ce qui s'est passé à New York et à Washington soient traduits devant les tribunaux. La GRC et le SCRS travaillent avec leurs homologues pour faire en sorte qu'ils le soient.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les Canadiens veulent savoir si le SCRS et la GRC ont la liste de ces 200 individus. Il est malheureux que cet individu soupçonné de terrorisme ait été arrêté à Chicago et non au Canada.
Hier, la ministre a dit à la Chambre qu'elle n'avait pas besoin de demander la permission des tribunaux pour extrader des terroristes. Or, elle doit effectivement demander la permission des tribunaux et respecter les critères rigoureux énoncés par la Cour suprême.
La ministre dissipera-t-elle maintenant toute confusion et admettra-t-elle enfin que ce sont les tribunaux, non elle et les fonctionnaires de la Justice, qui peuvent décider si un terroriste peut être extradé ou non?
L'hon. David Collenette (Don Valley-Est, Lib.): Monsieur le Président, la ministre de la Justice a répondu très clairement à cette question hier. Les tribunaux sont maintenant saisis de la question. Je ne pense pas que nous devrions ajouter quoi que ce soit à ce sujet.
[Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, lors de la période des questions orales, hier, le premier ministre a affirmé que le Canada n'avait reçu aucune demande de la part des États-Unis relative à la participation militaire du Canada à la lutte qui s'amorce contre le terrorisme. Cinquante minutes plus tard, les États-Unis lançaient l'opération Justice infinie.
À la lumière des déclarations du premier ministre, est-ce que le gouvernement pourrait dire à la population si le Canada a été consulté par les États-Unis avant le déclenchement de l'opération Justice infinie?
[Traduction]
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, il n'est pas inhabituel de mettre en place du matériel et du personnel militaires. Les États-Unis, qui sont la première puissance militaire au monde, ont souvent agi de la sorte. Ils viennent de le faire encore une fois. En même temps, ils envoient un message clair aux pays qui abritent des terroristes. Ils exercent une pression sur ces pays en déployant ces effectifs, mais ils continuent aussi d'élaborer leur stratégie. Nous serons consultés relativement à cette stratégie et à notre contribution à celle-ci.
[Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, ce que le ministre vient de dire, c'est que le Canada n'a pas été consulté. C'est plus clair comme réponse. Cette opération, Justice infinie, est une opération militaire déclenchée, comme le ministre vient de le dire, de façon unilatérale par les États-Unis.
Or, le premier ministre disait hier, et je le cite: «[...]il serait très utile d'impliquer l'ONU dans ce débat», de même que l'OTAN, j'imagine, parce qu'on a parlé de l'OTAN un peu plus tôt cette semaine.
Lors de sa rencontre avec le président Bush, est-ce que le premier ministre va promouvoir la patience, la sagesse et j'ajoute la consultation, en exigeant que ce soit une large coalition internationale qui pilote une éventuelle réponse et riposte aux terroristes?
[Traduction]
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, il n'est pas normal qu'un pays consulte d'autres pays avant de prépositionner ses effectifs militaires. Cela ne s'est pas fait avec d'autres pays dans ce cas-ci, ni à d'autres occasions dans le passé. Les États-Unis ont déployé leur effectif et leur arsenal militaires, mais cela ne veut pas dire qu'ils vont s'en servir pour une action musclée.
Pour ce qui est du ton qui présidera à la rencontre entre le premier ministre et le président des États-Unis, je pense que le premier ministre a indiqué très clairement que cela dépendra du déroulement de la conversation.
[Français]
M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, l'impatience d'agir de la part des Américains apparaît de plus en plus manifeste avec le lancement de l'opération Justice infinie.
Considérant que l'action des Américains peut entraîner des conséquences extrêmement sérieuses pour les militaires canadiens et québécois, est-ce que le ministre de la Défense nationale peut nous dire à ce moment-ci s'il a reçu des demandes formelles de participation militaire de la part des États-Unis?
[Traduction]
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, les États-Unis n'ont présenté jusqu'ici aucune demande précise au Canada ou à n'importe lequel de leurs alliés. Ils en sont encore à déterminer la forme que prendra la campagne contre le terrorisme. Une fois franchie cette étape de planification, les Américains consulteront le Canada et leurs autres alliés. Ils tentent de monter une coalition.
Il n'est pas seulement question de l'utilisation de moyens militaires. Pour cette campagne contre le terrorisme, on veut recourir à la voie diplomatique, ainsi qu'à des moyens économiques et autres, dans l'espoir de limiter l'usage de la force militaire par les États-Unis ou d'autres.
[Français]
M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, compte tenu de la rapidité avec laquelle les Américains agissent à ce moment-ci, quelle garantie le gouvernement a-t-il que son approche basée sur la sagesse et la patience prévaudra et aura quelque valeur que ce soit, compte tenu que, d'après le ministre de la Défense nationale, la consultation n'a pas l'air d'être nécessaire à ce moment-ci?
L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je peux dire à la Chambre que, pour ce qui est des consultations que nous avons eues avec les États-Unis et avec les autres alliés, je viens de parler à des ministres des Affaires étrangères de plusieurs pays européens et d'autres pays qui ont tous noté le fait que les États-Unis ont soigneusement construit une alliance avec des États de partout dans le monde et qu'ils ont consulté de manière adéquate. En effet, c'est une consultation qui a été désirée par tous les alliés. Nous en sommes jusqu'ici très heureux.
* * *
[Traduction]
Les affaires étrangères
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères. Il ne fait aucun doute que le déploiement de forces américaines depuis hier, ou la mise en place d'effectifs militaires américains, pour employer l'expression du ministre de la Défense nationale, nous fait craindre que les dés soient jetés avant que le premier ministre ne rencontre le président Bush.
Le ministre des Affaires étrangères peut-il nous dire s'il existe un plan d'urgence pour s'assurer que le premier ministre ait l'occasion de communiquer en détail le point de vue du Canada avant que les Américains ne passent aux actes?
L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, comme le député le sait, le premier ministre s'est déjà entretenu à plusieurs reprises avec le président au téléphone. Quant à moi, j'ai eu des discussions avec le secrétaire d'État.
Un bon nombre de mes collègues ont aussi parlé à leurs homologues. Comme je viens de le dire en français, tous nos autres alliés, en Europe et ailleurs, se sont aussi rendus à Washington ou ont communiqué par téléphone avec l'administration américaine.
La consultation a été vaste. Cette consultation illustre bien la volonté des États-Unis d'agir de façon multilatérale dans ce dossier, ainsi que le souhaite le NPD.
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse aussi au ministre des Affaires étrangères. Le ministre sait qu'on a informé les Canadiens qui sont au Pakistan du fait qu'ils auraient intérêt à quitter ce pays.
Que fait le gouvernement pour aider les Canadiens qui se trouvent dans cette situation difficile afin que ceux-ci puissent quitter le Pakistan et rentrer chez eux?
L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, nous avons conseillé aux Canadiens qui se trouvent au Pakistan de quitter ce pays pendant qu'il est encore possible de le faire avec des transporteurs commerciaux.
En outre, nous collaborons avec le Royaume-Uni, l'Australie et les États-Unis pour coordonner les services s'il devenait nécessaire d'évacuer d'autres citoyens canadiens.
* * *
Chambre des communes
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, PC/RD): Monsieur le Président, il y a des négociations entre les leaders parlementaires afin de prolonger les heures de la Chambre ce soir, plus particulièrement pour discuter de la visite du premier ministre à Washington.
Même si les Canadiens attendent avec impatience ce débat, il ne sera utile que si le premier ministre y participe pleinement et expose la position du Canada au Parlement en donnant des détails sur ce qu'il est prêt à offrir au président Bush lors de la rencontre de la semaine prochaine.
Le premier ministre peut-il s'engager aujourd'hui à venir à la Chambre durant le débat de ce soir pour nous expliquer en détail ce que le Canada est prêt à offrir au président des États-Unis?
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord je tiens à féliciter les députés qui ont demandé la tenue d'un tel débat, plus particulièrement le leader parlementaire de l'opposition qui a réclamé le débat de ce soir.
Je suis en mesure de confirmer que...
Le très hon. Joe Clark: Le premier ministre sera-t-il ici?
L'hon. Don Boudria: Monsieur le Président, je pensais que c'était une question importante. Les députés de ce côté-ci sont disposés à tenir un tel débat ce soir et les ministériels y participeront si nous nous entendons sur la forme du débat; bien entendu, tous les leaders parlementaires des partis reconnus ont une copie de cela.
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC/RD): Monsieur le Président, nous supposons que le premier ministre est au téléphone à parler avec son Cabinet.
Les Canadiens veulent appuyer une action commune contre le terrorisme, mais le Parlement a le droit de savoir quelles cellules terroristes opèrent...
Des voix: Oh! Oh!
Le Président: À l'ordre s'il vous plaît. La présidence ne peut entendre le très honorable député et il est toujours possible qu'il tienne des propos contraires au Règlement que la présidence doit être en mesure d'entendre. J'invite tous les députés à peut-être se calmer un peu lorsque nous écoutons la question du très honorable député.
Le très hon. Joe Clark: Merci, monsieur le Président. Le Parlement a le droit de connaître les cellules terroristes qui opèrent au Canada. Le premier ministre nous a donné des réponses qui sèment la confusion. Ma question s'adresse au premier ministre suppléant, sachant bien entendu que certains de ces renseignements doivent être tenus confidentiels pour des raisons de sécurité. Le premier ministre suppléant accepterait-il d'autoriser une séance d'information immédiate ce soir ou demain à l'intention du comité parlementaire qui étudie les questions de sécurité nationale afin de donner des renseignements clairs et fiables sur les cellules terroristes qui opèrent au Canada et sur la menace qu'elles constituent?
L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, mon collègue, le solliciteur général, a énoncé un principe parlementaire fondamental. Je suis surpris que le député de Calgary-Centre, un ancien premier ministre, ne comprenne pas qu'en périodes de crise, la collecte de renseignements soit entourée du plus grand secret, pour des raisons évidentes. C'est dans l'intérêt national.
* * *
Le terrorisme
M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne): Monsieur le Président, selon Sun Media, mardi dernier, le même jour où, armés de couteaux ordinaires et de couteaux polyvalents, des individus ont détourné quatre avions aux États-Unis, un avion venant de l'aéroport Pearson de Toronto à destination de Newark, au New Jersey, là où ont eu lieu les attentats terroristes, a été renvoyé à l'aéroport Pearson parce que l'équipage avait trouvé des couteaux ordinaires et des couteaux polyvalents à bord de l'avion.
Le gouvernement peut-il le confirmer et, dans l'affirmative, comment peut-il continuer de nier qu'il y a un lien entre le Canada et les terribles événements de la semaine dernière?
L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, la semaine dernière, nous avons été confrontés à une très grave crise où des édifices ont été détruits en quelques secondes, où l'espace aérien a été fermé. Je demanderais donc au député de bien s'informer avant de venir à la Chambre et d'alarmer la population. En fait, toutes les précautions en matière de sécurité ont été prises dès que tout cela a été connu.
M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne): Monsieur le Président, au mois d'avril dernier, sur un vol de Yellowknife à Vancouver, Leslie Chester, au cours d'une beuverie, a réussi à déjouer les mesures de sécurité de l'aéroport et à monter à bord de l'avion avec deux mitrailleuses et plusieurs boîtes de munitions qu'il avait jetées dans un polochon. Voilà pour la sécurité dans les aéroports. Quand, à un point de vérification d'un aéroport sur cinq, on ne réussit pas à détecter des armes et quand des mitrailleuses peuvent être introduites illégalement à bord d'un avion, il est clair que le personnel de la sécurité aérienne n'a pas fait le travail auquel s'attendent les Canadiens.
Compte tenu de cette réalité, comment le ministre des Transports peut-il refuser de mettre en oeuvre de façon permanente de nouvelles mesures de sécurité, y compris le recours à des policiers aériens, que souhaitent désespérément les Canadiens?
L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je répète depuis une semaine que tous les aspects de la sécurité aérienne, que ce soit à bord des avions, dans les aéroports ou dans l'espace aérien, font l'objet d'un examen et que nous prendrons toutes les mesures voulues pour protéger les voyageurs. En fait, cet après-midi même, je vais rencontrer les représentants de l'industrie pour discuter de ces questions et d'autres sujets.
* * *
[Français]
La défense nationale
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, j'ai demandé au gouvernement, lors de ma première question tantôt, si le Canada avait été consulté avant le déclenchement de l'opération Justice infinie.
Or, voilà que le ministre de la Défense nationale nous dit: «Non, on n'a pas été consultés» et que le ministre des Affaires étrangères nous affirme que oui, ils ont été consultés.
Est-ce qu'ils pourraient se consulter tous les deux et nous donner une réponse à savoir si effectivement le Canada a été consulté ou pas avant le déclenchement de l'opération?
[Traduction]
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, je crois que le ministre des Affaires étrangères a précisé très clairement qu'il y avait énormément de consultations.
Toutefois, ce que le député m'a demandé ne s'inscrivait pas dans ce contexte général. Il m'a parlé du prépositionnement du matériel et des effectifs militaires, ce à quoi j'ai répondu qu'il s'agissait d'une procédure normale à laquelle on avait déjà eu recours à bon nombre d'occasions. On ne consulte pas tout le monde avant de le faire.
[Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, puisque le ministre des Affaires étrangères semble satisfait des consultations, je lui demande la question suivante.
Le déclenchement d'une opération aussi importante que Justice infinie, cela ne me semble pas être banal. Comment peut-il se dire satisfait de l'état des consultations quand une telle opération est déclenchée et qu'on sait fort bien que, s'il y a une demande militaire faite au Canada et aux alliés, ce sera sur la base de cette opération qui a été déclenchée? Est-ce qu'il se dit satisfait de cela?
Est-ce que c'est cela la satisfaction du gouvernement face à la consultation qu'il aurait eue ou n'aurait pas eue, selon le ministre de la Défense, de la part des États-Unis?
L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, ce n'est pas exactement le problème avec la situation. Si on nous demande de participer, c'est à nous de prendre la décision. Ce n'est pas une question d'une action des États-Unis qui implique une participation des Canadiens et des Canadiennes en ce moment.
Dans le contexte de la création d'une alliance entre des États, non seulement à l'OTAN, mais ailleurs, je crois que la consultation était plus qu'adéquate.
* * *
[Traduction]
Les numéros d'assurance sociale
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, en novembre dernier, une société canadienne a rencontré les fonctionnaires de DRHC pour discuter d'un nouveau logiciel de traitement des numéros d'assurance sociale. Les fonctionnaires ont souligné que ce logiciel pourrait permettre d'éliminer les fraudes les plus fréquentes en ce qui a trait à l'identité, mais le ministère a refusé d'acheter ce logiciel. Pourquoi la ministre a-t-elle refusé de se procurer un logiciel qui empêcherait les terroristes d'emprunter une fausse identité?
L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement s'est engagé à protéger l'intégrité du programme de numéros d'assurance sociale. Je signale que le vérificateur général a dit, après avoir fait une vérification de notre ministère en 1998, que le gouvernement avait pris bon nombre de mesures pour améliorer la gestion de ce programme. Nous avons accru les ressources consacrées à la protection du NAS contre les fraudes et les employés sont formés pour faire enquête et déceler toute demande de NAS suspecte.
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, même si le ministère a reconnu que ce logiciel était moins dispendieux et moins dérangeant que les autres solutions proposées, les fonctionnaires ont tout de même affirmé qu'on devrait éconduire les représentants de la société en question.
La ministre a eu la possibilité de mettre un terme aux fraudes flagrantes des numéros d'assurance sociale soulevées par le vérificateur général en 1998. Pourquoi la ministre met-elle la sécurité des Canadiens en danger de cette façon?
L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je n'accepte pas les accusations de la députée.
Je répète que le vérificateur général a affirmé que nous avions pris les mesures qui s'imposaient. La députée sera peut-être intéressée d'apprendre que le ministère prend également d'autres mesures. Par exemple, nous avons recours à des lampes aux rayons ultraviolets pour détecter les faux papiers d'identité. Des mesures d'intervention visant à étudier de près les demandes de NAS sont utilisées pour prévenir les fraudes. Plus de 5 millions de NAS ont été marqués ou annulés pour prévenir la fraude. La sensibilisation du public fait partie de ce système.
La Chambre peut avoir l'assurance que nous avons mis sur pied un programme en vue d'assurer l'intégrité des numéros d'assurance sociale.
* * *
[Français]
La défense nationale
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, avant que le Canada ne décide d'adhérer militairement ou non à l'opération Justice infinie ou à toute autre opération militaire, il faut que la Chambre des communes réussisse l'opération «Démocratie véritable».
Au nom de la démocratie, est-ce que le gouvernement peut garantir à cette Chambre qu'un vote sera pris à la Chambre avant que toute décision ne soit prise d'envoyer ou non des militaires dans quelque opération militaire que ce soit?
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, le leader du parti sait fort bien que dans toute circonstance où il y a eu un déploiement de troupes dans le passé, il y a eu consultation avec la Chambre.
D'ailleurs, cette fois-ci, il n'y même pas eu un geste semblable, soit un déploiement de troupes, et il y a déjà eu une journée de consultation avec la Chambre, lundi. Il y a une demande sur le Bureau, à l'initiative d'un parti de l'opposition, pour un débat ce soir et je peux assurer la Chambre que dans l'éventualité d'un déploiement potentiel, il y aurait bien sûr, comme d'habitude, un débat dans cette Chambre
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, au début de la semaine, j'ai félicité le gouvernement pour son attitude. Toutefois, il y a un point sur lequel on ne s'entend pas.
Quand le gouvernement nous dit qu'il y a consultation, il y a eu une consultation différente en 1991, alors qu'ils étaient dans l'opposition et qu'ils exigeaient qu'il y ait un vote. Il y a eu vote avant l'opération Tempête du désert, à la demande du Parti libéral, qui était alors dans l'opposition.
Lorsqu'est venu le temps de l'opération au Kosovo, le même parti, une fois au pouvoir, a refusé de tenir un vote à la Chambre.
Je lui demande cette fois-ci, au nom de la démocratie, et afin effectivement de rendre le premier ministre plus fort dans ses débats avec ses alliés et avec le président Bush, de tenir un vote, comme on l'a fait avant la guerre du Golfe, à la demande du même parti et du même chef.
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, avant la venue au pouvoir du gouvernement actuel, il n'y avait même pas de procédure qui existait. C'est le gouvernement actuel qui a établi une procédure pour consulter la Chambre. C'est nous qui y avons adhéré chaque fois et nous voulons même maintenant modifier les règlements de la Chambre pour les améliorer. D'ailleurs, cela faisait l'objet du débat qui aurait normalement dû avoir lieu hier à la Chambre.
* * *
[Traduction]
La sécurité nationale
M. Randy White (Langley--Abbotsford, Alliance canadienne): Monsieur le Président, hier le premier ministre a dit à la Chambre que, si le besoin se fait sentir de tenir une réunion de son comité spécial chargé de la sécurité nationale, qui ne s'est pas réuni depuis plus d'un an, soit dit en passant, ce sera lui ou le vice-premier ministre qui présidera cette réunion.
En avril dernier, le Sommet des Amériques tenu à Québec a eu de fortes répercussions sur notre sécurité nationale. Le solliciteur général pourrait-il expliquer pourquoi ni le premier ministre ni son vice-premier ministre n'a organisé une réunion du comité spécial chargé de la sécurité nationale?
L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, la réponse va de soi. Ce qui s'est passé à Québec et la manière dont notre service de renseignement de sécurité, les corps policiers provinciaux et municipaux, et la GRC ont traité la situation montrent bien à quel point notre pays est sûr.
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne): Y a-t-il quelqu'un qui écoute les réponses de cet homme? Monsieur le Président, je parle du comité chargé de la sécurité nationale, faut-il le rappeler, celui qui a été formé il y a quelque temps déjà et qui ne s'est toujours pas réuni.
Le 11 septembre, des terroristes ont attaqué New York et Washington. Ni le premier ministre ni le vice-premier ministre n'a organisé une réunion du comité spécial chargé de la sécurité nationale. Hier, le premier ministre a dit: «Si le besoin se fait sentir de tenir une réunion, elle aura lieu.»
Je le demande encore une fois au solliciteur général: que faut-il pour que le comité chargé de la sécurité nationale se réunisse?
L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, d'abord, le député devrait savoir qu'au cours de la crise de la semaine dernière, nous ne nous sommes pas interrogés sur les réunions et les procédures. Nous avons agi. Il y a eu des pertes de vie. L'espace aérien avait été violé. Le terrorisme sévissait. Le premier ministre a collaboré avec les ministres responsables et les fonctionnaires de divers ministères pour mettre en place sans tarder des mesures efficaces pour faire face à la crise.
* * *
Le Zimbabwe
L'hon. Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, les événements tragiques survenus aux États-Unis nous ont tous bouleversés, et à juste titre. Toutefois, il y a deux semaines le Canada a participé à une rencontre au Nigéria, qui portait sur la situation au Zimbabwe. Nous sommes tous préoccupés par la question de l'agriculture commerciale et de son incidence sur la population du Zimbabwe.
Le secrétaire d'État chargé de l'Amérique latine et de l'Afrique pourrait-il nous informer des résultats de cette rencontre?
L'hon. David Kilgour (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique), Lib.): Monsieur le Président, le Canada a fait valoir énergiquement à cette rencontre que la question des terres ne pouvait être séparée de celle des droits de la personne, des principes démocratiques et de la règle du droit. Le gouvernement du Zimbabwe nous a donné l'assurance que les occupations de terres cesseraient, que la règle du droit serait respectée et que les actes de violence et d'intimidation cesseraient.
Nous surveillons la situation de très près, pour voir dans quelle mesure le gouvernement du Zimbabwe respecte ses engagements.
* * *
L'économie
L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.
La tragédie survenue la semaine dernière aux États-Unis a invalidé de nombreuses hypothèses économiques du gouvernement.
Le président Bush a mis en place un important programme visant à stimuler l'économie aux États-Unis et à atténuer les effets de la récession économique prochaine.
Le ministre des Finances a-t-il eu l'occasion de consulter les dirigeants syndicaux et les chefs d'entreprises au sujet du genre de programmes d'urgence qu'il faudrait mettre en place pour stimuler l'économie, sauver des emplois et gérer la crise à laquelle nous faisons face, ou faudra-t-il attendre le dépôt du budget prévu en février prochain?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le député doit savoir qu'une partie importante de l'aide prévue aux États-Unis sera consacrée à la reconstruction du centre-ville de Manhattan et du Pentagone, à la suite de la terrible tragédie qui s'est produite. C'est à cela que servira l'argent.
En ce qui concerne la date du prochain budget, nous n'excluons aucune possibilité, mais pour l'instant nous attendons de connaître plusieurs facteurs importants, comme le coût de l'énorme effort de lutte contre le terrorisme. Il s'agira d'un effort d'envergure international, qui comportera des coûts. Ce sont là les priorités, qui influeront de façon considérable sur le budget.
* * *
Le terrorisme
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, les événements tragiques de la semaine dernière devraient servir de mise en garde contre l'absence de plan national d'urgence en cas d'attaques terroristes d'une nature différente, plus précisément le bioterrorisme. Des rapports du SCRS, de Santé Canada, et récemment du ministère de la Défense nationale nous ont appris que le Canada n'est tout simplement pas prêt à faire face à une telle menace. Les agents de secours d'urgence, en particulier, doivent posséder les connaissances et le savoir-faire nécessaires pour intervenir de manière efficace et efficiente en cas d'attaques terroristes biologiques.
Que fait le gouvernement pour s'assurer que des plans régionaux sont en place d'un bout à l'autre du pays et que les cibles éventuelles, comme le laboratoire de virologie de Winnipeg, ne sont pas vulnérables?
L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme le sait ma collègue, nous avons un plan national de lutte contre le terrorisme dans lequel toutes ces questions sont discutées. Nous sommes en discussion avec nos collègues provinciaux afin de nous assurer que les mécanismes nécessaires pour faire face à ce genre de problème sont en place dans l'ensemble du pays.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC/RD): Monsieur le Président, le Canada ne peut plus compter uniquement sur les services de renseignements de nos alliés pour être au courant des menaces externes. L'ancien chef de la planification au SCRS, David Harris, a soutenu que ce n'était qu'une question de temps avant que des terroristes frappent au Canada. Harris, et d'autres aussi, demande que le Canada se dote d'un service de renseignements extérieurs distinct. Nous savons que le SCRS a été décimé par les compressions libérales de 74 millions de dollars.
Le premier ministre va-t-il tenir compte des recommandations du président libéral du Comité de la défense et prendre l'engagement de créer un service canadien de renseignements extérieurs? S'il refusait, ça pourrait être fatal.
L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, ma collègue est sans aucun doute au courant que le SCRS est actif à l'étranger. Tout ce qui touche la sécurité du Canada, sur son territoire ou à l'étranger, est la responsabilité du SCRS, qui doit faire enquête.
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, PC/RD): Monsieur le Président, il n'a quasiment pas de quoi travailler.
Hier, le solliciteur général m'a dit qu'il n'y avait pas d'attaques prévues contre le Canada. Il pouvait à peine nous le garantir.
L'ancien directeur du SCRS, Ward Elcok, a révélé que des cellules terroristes étaient actives au Canada. Dave Harris, ancien chef de la planification stratégique au SCRS, a émis une mise en garde. Il a dit: «En ce qui concerne le Canada, cela va venir, c'est garanti.»
Pourquoi le gouvernement continue-t-il à ne pas tenir compte des bons conseils de ses propres professionnels de la sécurité?
L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je dirais que l'une des choses que le gouvernement veut éviter, c'est de susciter sans raison la peur chez les Canadiens. Le fait est que nous avons un service du renseignement de sécurité très efficace. Nous avons l'une des meilleures, sinon la meilleure, police au monde. Nous vivons dans l'un des pays les plus sûrs au monde. Cela va continuer.
* * *
Les affaires étrangères
M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, comme première ligne de défense contre le terrorisme, le Canada a ses ambassades. Or, la fraude et la corruption sévissent dans ces ambassades. Des centaines de cas ont été rapportés au cours des trois dernières années. Rien d'étonnant à ce que le Canada soit de plus en plus renommé pour offrir le gîte du passant par excellence aux terroristes.
Quelles mesures le gouvernement prendra-t-il afin de renforcer la ligne de front du Canada contre le terrorisme, afin de renforcer la sécurité dans nos ambassades?
L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, si cela était vrai, nous aurions raison de nous énerver, mais je crains que ce ne soit qu'une exagération, comme tant de choses de cet ordre.
La vérité est que nous prenons les mesures de précaution qui s'imposent. Nous traitons les cas à mesure qu'ils se présentent. Très souvent, comme le député le sait, nous soumettons des employés embauchés sur place à des règles de précaution spéciales, afin d'assurer qu'ils comprennent non seulement le droit canadien mais qu'ils respectent nos normes morales et éthiques.
Je réfute l'idée selon laquelle la corruption sévit dans nos ambassades. Cette allégation est un outrage.
M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, plus de 300 cas de corruption ont été rapportés entre 1993 et 1996 seulement. Il s'agit notamment de la vente de passeports et de visas. Notre ligne de front contre l'entrée de terroristes est brisée. Ces ambassades sont celles du Koweït, du Pakistan et de la Syrie, entre autres.
Notre périmètre de sécurité est menacé, et les Canadiens le savent. Y a-t-il un ministre de l'autre côté qui le sait?
L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, j'espère que le député n'envisage pas d'insuffler aux Canadiens une peur injustifiée, car une campagne de peur inutile est bien la dernière chose dont nous ayons besoin. Nous avons bien assez de raisons réelles de nous inquiéter depuis mardi dernier.
Les événements de la semaine dernière exigent que nous réagissions tous avec un grand sérieux. De telles allégations concernant la vente de passeports n'aident en rien les efforts concertés que le Canada et tous les pays doivent fournir contre le véritable fléau qui nous afflige: le terrorisme international.
* * *
[Français]
Le terrorisme
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, la question du sort réservé aux terroristes par la justice américaine peut créer l'impasse.
Dans de nombreux pays arabes, l'idée qu'Oussama ben Laden--s'il est officiellement accusé--soit jugé par la justice américaine pose problème.
S'il s'avérait que la culpabilité d'Oussama ben Laden soit établie et que l'impasse survenait quant à son extradition aux États-Unis, le ministre est-il prêt à proposer au Conseil de sécurité la création d'un tribunal pénal international ad hoc pour dénouer la situation et permettre d'élargir la coalition?
L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, il faut souligner que les événements du mardi 11 septembre sont un crime qui a été commis aux États-Unis.
Je ne pense pas que les États-Unis vont accepter l'idée que quelqu'un qui est responsable d'un tel crime soit traduit devant des tribunaux qui ne sont pas situés aux États-Unis.
Mais de toute façon, nous sommes certainement en faveur de continuer notre travail, en faveur du Traité de Rome, qui créera une cour internationale criminelle.
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, je reviens avec cette question, parce que le ministre a bien sûr raison de dire que l'événement s'est passé aux États-Unis, mais la nécessité d'une coalition, la plus large possible, le fait que des ressortissants de plusieurs dizaines de pays aient été tués à cette occasion pourraient faire que cette question devienne importante.
Alors, je lui demande: est-ce qu'il recherche de ce côté une solution pour permettre d'élargir la coalition?
L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, si on peut trouver une manière de satisfaire non seulement le gouvernement des États-Unis, où le crime a été commis, mais aussi les familles des victimes, à savoir que la justice pourrait être poursuivie devant un autre tribunal, cela pourrait satisfaire notre objectif dans ce cas.
Mais de toute façon, je dirais qu'il serait nécessaire d'avoir l'appui de tous les autres membres, des alliés et aussi des États-Unis qui avaient...
[Traduction]
Le Président: Le député de Lakeland a la parole.
* * *
La défense nationale
M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Monsieur le Président, hier, le ministre de la Défense nationale a admis que nous avions perdu plus de la moitié de nos pilotes chevronnés qui étaient au Kosovo. Nous savons donc que nous sommes à court de pilotes d'expérience. À la suite des attaques du 11 septembre, le NORAD s'arrachait des avions de chasse américains et nos F-18, ici, au Canada. C'est la protection des Canadiens qui est en cause.
Le Canada a-t-il respecté ses engagements envers le NORAD en envoyant le contingent nécessaire de F-18 chargés à bloc de missiles Sidewinder et Sea Sparrow?
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, d'abord, lors de la campagne aérienne au Kosovo, nous avions une quarantaine de pilotes. Aujourd'hui, nous en avons encore plus pour répondre à tout engagement éventuel.
Ensuite, nous avons mis d'autres avions à la disposition du NORAD, lors de l'incident du 11 septembre, à la demande des États-Unis. Ils nous en ont remerciés. Je ne vais pas parler des armes qui se trouvaient ou non à bord de ces avions.
M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je peux comprendre pourquoi le ministre refuse de parler de cela.
Des spécialistes de la défense ont dit que les Forces canadiennes étaient tellement à court de ressources que le Canada ne peut pas faire grand-chose pour participer aux frappes contre des États terroristes. Le gouvernement avait promis dans le livre blanc de prévoir deux escadrons de F-18, tout en respectant nos engagements envers le NORAD.
Le ministre peut-il dire franchement qu'il peut honorer nos engagements envers l'OTAN et le NORAD?
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, aux États-Unis, les deux partis ont décidé de mettre de côté le sectarisme. Ici, l'Alliance cherche à utiliser cette horrible catastrophe pour faire de la basse politique. À mon avis, c'est dégoûtant.
Permettez-moi de dire que nous honorerons tous les engagements que nous avons pris dans le livre blanc.
* * *
La santé
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre du Développement des ressources humaines. Les Canadiens s'inquiètent de la pénurie de médecins d'un bout à l'autre du Canada.
Quelles mesures le gouvernement prendra-t-il pour relever le défi que pose le manque de ressources humaines dans le secteur des soins de santé?
L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, le député a raison. Les Canadiens s'inquiètent au sujet de la pénurie de médecins au pays et plus particulièrement dans certaines régions. Plus tôt aujourd'hui, des représentants de la profession médicale se sont joints à nous à l'occasion du lancement d'une étude sur le secteur des ressources humaines, qui aidera les médecins à planifier la main-d'oeuvre médicale de l'avenir.
Cette étude permettra aux médecins de mieux prévoir l'évolution du rôle de leur profession et des compétences qu'ils devront avoir en même temps qu'elle examinera la question de la pénurie de médecins.
Je remercie le Forum médical canadien, une association de plus de 60 000 médecins, pour son leadership dans ce projet. C'est avec impatience que nous...
Le Président: Le député de Calgary-Ouest a la parole.
* * *
La défense nationale
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le sectarisme n'est pas pareil dans tous les pays, car l'opposition aux États-Unis est invitée à la Maison-Blanche.
Des avions de chasse canadiens sont habituellement postés à Bagotville et à Cold Lake. Le ministre de la Défense nationale a-t-il posté des avions de chasse canadiens à Toronto, compte tenu du fait qu'il était sur un pied d'alerte? Autrement dit, le ministre pourrait-il donner aux Canadiens l'assurance que, le 11 septembre, il a même envisagé des mesures pour empêcher un gros-porteur d'aller percuter la tour du CN?
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, l'Aviation canadienne fait partie du système NORAD avec les États-Unis. Elle a la responsabilité de protéger l'espace aérien de l'Amérique du Nord et elle dispose du matériel et du personnel nécessaires pour le faire.
Je ne parlerai pas de déploiements particuliers. Il n'est pas dans l'intérêt national de parler de ce genre de question. On examine toutefois constamment ces aspects afin de veiller à ce que nous continuions d'assurer la sécurité et la sûreté des Canadiens et de toute la population de ce continent, dans le cadre du NORAD.
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Alliance canadienne): Monsieur le Président, c'est intéressant. D'une part, le premier ministre annonce fièrement comment le Canada établira, sans l'apport des Américains, ses propres règles au sujet de l'immigration, des réfugiés et de l'expulsion. D'autre part, le ministre de la Défense nous dit que de nombreuses villes canadiennes ne sont protégées que grâce au bon vouloir de nos alliés américains.
Le ministre de la Défense contredit le premier ministre en disant en l'occurrence que nous comptons sur les Américains. Qui a tort?
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, le député a tout à fait tort. II ne semble pas savoir que nous avons conclu un accord avec les États-Unis, aux termes du NORAD, afin d'assurer la défense aérienne de l'Amérique du Nord. Cet accord remonte aux années 1950. Nous partageons le matériel et le personnel. Nous continuerons d'agir ainsi afin de protéger l'espace aérien de tous les Nord-Américains.
* * *
[Français]
Les réfugiés
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, la situation qui nous confronte depuis le 11 septembre préoccupe chacune et chacun d'entre nous. Toutefois, pour des milliers de demandeurs du statut de réfugié, l'incertitude atteint très certainement des niveaux extrêmes.
Comme le processus décisionnel s'échelonne sur des années, encourageant ainsi le recours à la clandestinité avec les conséquences sociales et de sécurité qu'elle peut entraîner, comment la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration compte-t-elle répondre aux demandes du ministre québécois des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, qui exige avec raison que le ménage soit fait dans le fouillis dans lequel se trouve le processus de demande d'asile de la part des réfugiés?
[Traduction]
L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, comme le sait la députée, les Canadiens sont très fiers de la façon dont nous accueillons les gens qui fuient la persécution. Nous continuerons d'honorer nos engagements humanitaires.
Le projet de loi C-11 vise à rationaliser les procédures de détermination du statut de réfugié parce que nous reconnaissons tous qu'elles prennent trop de temps. Je tiens aussi à assurer à tous les députés que, lorsqu'il est prouvé qu'une personne présente un risque pour la sécurité nationale, nous l'arrêtons et demandons à ce qu'elle reste en prison, comme il est de notre pouvoir de le faire.
Conformément au nouveau projet de loi C-11, nous pourrons aussi nier l'accès au système de détermination du statut de réfugié à toute personne qui est inadmissible au Canada tout en continuant d'offrir notre protection aux gens qui en ont besoin.
* * *
L'économie
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC/RD): Monsieur le Président, d'après les journaux, le Cabinet réévalue la nécessité de présenter un budget à l'automne. D'après ces mêmes journaux, les ministres envisagent de prendre, pour stimuler l'économie, des mesures qui risquent de ramener le déficit.
Le ministre des Finances avait dit en juin qu'il présenterait un budget à l'automne si l'économie ralentissait. Le ministre des Finances reconnaîtra sûrement que l'économie connaît présentement un ralentissement. Le ministre s'engagera-t-il aujourd'hui à présenter un budget à l'automne?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai déjà dit maintes fois, tout est possible. Il demeure que pour présenter un budget, il faut avoir une bonne idée de l'état de l'économie.
Nous vivons une période d'incertitude considérable. En même temps, compte tenu de ce qu'il en coûtera pour améliorer notre sécurité nationale, qui est notre toute première priorité, et pour lutter contre le terrorisme de concert avec les États-Unis et d'autres pays, il est trop tôt pour dire quand un budget sera présenté.
Toutefois, je puis assurer au député qu'un exposé complet renseignera en octobre sur la mesure dans laquelle nos dépenses, le remboursement de la dette et notre planification fiscale sont conformes aux prévisions.
* * *
Les travaux de la Chambre
[Travaux de la Chambre]
M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Alliance canadienne): Monsieur le Président, plaît-il au leader parlementaire d'informer la Chambre des travaux prévus pour le reste de la semaine et pour la semaine prochaine?
Dans quelques semaines, le projet de loi sur le registre national des délinquants sexuels devrait être déposé à la Chambre. Peut-il indiquer s'il en sera effectivement ainsi?
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, nous allons continuer cet après-midi à débattre du projet de loi C-15 modifiant le Code criminel. Si le temps le permet, j'aimerais que l'on commence l'étude du projet de loi C-6 sur les exportations d'eau. Si les députés sont d'accord--et j'ai l'intention de les consulter très prochainement à ce sujet--il y aura un débat exploratoire après 20 h 30, conformément aux demandes présentées à la Chambre par certains députés, sur la prochaine visite du premier ministre aux États-Unis, où il doit rencontrer le président américain.
Vendredi, nous aborderons la deuxième lecture du projet de loi S-23, modifiant la Loi sur les douanes, et au besoin, celle du projet de loi C-6 sur les exportations d'eau.
Lundi prochain, nous étudierons le projet de loi C-30, sur l'administration des tribunaux, puis nous passerons à la deuxième lecture du projet de loi C-27, concernant les déchets nucléaires.
Mardi prochain, nous aurons une journée de l'opposition consacrée au Bloc québécois.
Mercredi prochain, nous étudierons le projet de loi sur les ressources en eau et les droits de surface du Nunavut, qui a été déposé aujourd'hui même.
Encore une fois, j'attire l'attention de la Chambre sur le fait que des consultations ont eu lieu aujourd'hui. De ce fait, je voudrais maintenant proposer une motion à la Chambre. Cependant, elle va être légèrement modifiée à l'intention des leaders parlementaires, car je voudrais en supprimer quelques mots afin de trouver ce qui me semble être un terrain d'entente. Si les leaders parlementaires ont le texte de la motion devant eux, je vais commencer à la deuxième phrase, et non pas à la première. Je propose :
Que, à 20 h 30 aujourd'hui, la Chambre continue de siéger et se forme en comité plénier pour étudier la motion «Que le Comité prenne note de la réunion entre le Premier ministre et le Président des États-Unis.», étant entendu que, durant cette étude, (1) le Président pourra agir de temps à autre comme président du Comité, (2) le président du comité ne recevra pas d'appel de quorum ni de motion, sauf la motion «Que la séance soit maintenant levée», (3) lorsqu'aucun député ne voudra prendre la parole, ou au plus tard à minuit, la séance du comité sera levée et (4) une fois la séance du comité levée, la Chambre s'ajournera immédiatement jusqu'au prochain jour de séance. |
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC/RD): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Le leader du gouvernement à la Chambre pourrait-il nous dire si le premier ministre a l'intention d'être présent à la Chambre ce soir pour nous parler de son prochain voyage à Washington et pour entendre directement les conseils et les avis des députés?
L'hon. Don Boudria: Monsieur le Président, ce n'est pas le gouvernement qui a demandé ce débat, mais des députés de l'opposition. En tant que...
Une voix: Une réponse!
L'hon. Don Boudria: Si le député s'attend à avoir une réponse à cette question, cela risque d'être long.
Comme c'est l'opposition qui a demandé la tenue d'un débat ce soir, le gouvernement fera de son mieux pour répondre à cette demande. En tant que ministre, j'ai l'intention d'assister à une partie de ce débat. Certains secrétaires parlementaires y assisteront également. Il est certain que les commentaires que feront les députés pourront être entendus à la fois par le public et par le premier ministre.
Pour ce qui est de la présence de toute personne en particulier, qu'il s'agisse du premier ministre ou de tout autre ministre, il est trop tôt pour dire quels ministres seraient disponibles pour ce débat, le cas échéant. Tous ces détails sont en fait négociés à la dernière minute, ou presque.
Le très hon. Joe Clark: Monsieur le Président, il y a peut-être une nuance qui m'a échappé. Le premier ministre sera-t-il ici ce soir?
L'hon. Don Boudria: Monsieur le Président, il n'y avait pas de nuance. J'ai dit au très honorable chef du Parti conservateur que je n'étais pas en mesure de confirmer à ce moment-ci la présence de quelque ministre que ce soit, y compris le premier ministre. Cette demande a été présentée il y a quelques heures seulement et elle a fait l'objet de négociations durant la période des questions, qui s'est terminée il y a huit minutes. Comme je viens de le dire, je ne dispose pas encore de renseignements à ce sujet.
Le Président: L'honorable leader du gouvernement à la Chambre a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour proposer la motion?
Des voix: D'accord.
[Français]
Le Président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
Initiatives ministérielles
[Initiatives ministérielles]
* * *
[Traduction]
Loi de 2001 modifiant le droit criminel
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-15, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité; ainsi que de l'amendement.
M. Larry Spencer (Regina--Lumsden--Lake Centre, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je vais prendre le temps de rappeler le sens de mon intervention. J'ai dit que le projet de loi omnibus soulevait plusieurs questions. Des électeurs ont posé des questions et j'en ai posé deux qui étaient au coeur de mes préoccupations. Premièrement, le projet de loi vise-t-il à protéger les enfants et, deuxièmement, vise-t-il à protéger les animaux?
Je vais maintenant passer à certaines observations formulées par certaines associations de partout au Canada auxquelles j'ai fait allusion. J'ai une lettre de l'association des éleveurs. L'association a exprimé certaines des opinions que certains de nos députés ont exprimées. Voici, par exemple, l'un de ses principaux sujets de préoccupation:
C'est vraiment faire erreur que d'imaginer que les animaux pourraient avoir des «intérêts» ou des «droits» exigeant une protection. Dans la société civile, il ne peut y avoir des «intérêts» ou des «droits» que là où il y a réciprocité. Les Canadiens jouissent de droits légaux parce qu'ils s'accompagnent d'obligations légales correspondantes. |
L'association ajoutait:
Cela ne veut pas dire que les humains n'ont pas l'obligation de protéger les animaux contre la cruauté. Mais une telle obligation ne résulte pas d'«intérêts» ou de «droits» des animaux. La façon dont nous traitons les animaux est une affaire de moralité et de vertu publiques. |
Ce sont peut-être là deux mots étrangers, mais je les accepte.
De même, l'Association canadienne des médecins vétérinaires a dit:
L'appui de l'association au projet de loi repose sur notre interprétation des amendements et sur l'espoir qu'ils ne vont ni compromettre ni criminaliser des pratiques déjà acceptées en matière de traitement ou d'utilisation des animaux, notamment dans des secteurs d'activités reconnus comme l'agriculture, la chasse, la pêche et le piégeage... |
On déclare ensuite que l'ACMV recommande qu'il soit fait mention, dans le préambule, que certaines pratiques reconnues liées au traitement et à l'utilisation des animaux doivent être régies par cette mesure législative. En d'autres termes, on demande des éclaircissements en matière de pratiques. Les producteurs de lait du Canada ont à toutes fins pratiques tenu le même discours.
Voici donc ma question. Pourquoi le gouvernement présente-t-il tant d'objectifs différents dans un même projet de loi? Cela semble insensé de traiter dans une même mesure législative de questions aussi différentes que la violence contre les enfants et la cruauté contre les animaux, en plus de modifier le code criminel et d'autres lois. C'est peut-être correct et admissible d'un point de vue parlementaire, mais il y a d'énormes différences entre ces questions. On se demande comment le gouvernement peut s'attendre à obtenir de l'appui pour une mesure législative conçue de cette façon.
Les députés auraient pu passer tout l'été à essayer d'expliquer une telle approche à leurs électeurs. Cette mesure législative porte-t-elle sur des gens? Sur les animaux? Sur les armes à feu? Concerne-t-elle la défense nationale? Sur quoi porte-t-elle exactement?
Est-ce le meilleur moyen d'obtenir le consentement de la majorité à la Chambre pour qu'elle appuie le projet de loi? Il faudrait que l'on comprenne que ce n'est pas de cette façon que l'on forge des consensus. Ce n'est pas ainsi qu'il faut adopter des lois. Pareille façon de procéder ne peut qu'entraîner des divisions plutôt que nous unir.
Il est évident que ce n'est pas le moyen le plus efficace d'obtenir des appuis. Le gouvernement n'a pas été ouvert aux amendements, notamment en ce qui concerne l'application du Code criminel en matière agricole.
Est-ce simplement une tactique de procédure pour forcer les députés à appuyer le projet de loi, quelles que soient ses faiblesses? Il semble que cette démarche législative ne soit qu'une tactique visant à obtenir l'adoption des articles ambigus et contestables du projet de loi qui concernent l'élevage et le registre des armes à feu en même temps que celle des articles portant sur la protection des enfants, qui recueilleraient l'adhésion de la Chambre, ce que sait pertinemment le gouvernement.
Pourquoi le gouvernement a-t-il affaibli le projet de loi en y ajoutant des dispositions qu'il savait ne pas très populaires. Il est évident pour toute personne raisonnable que le projet de loi est vicié et affaibli.
C'est une tentative délibérée du gouvernement de diviser ceux qui veulent appuyer les bonnes modifications. Nous avons incité le gouvernement à examiner des amendements au projet de loi afin d'obtenir le plein appui des députés responsables des deux côtés de la Chambre. Il a refusé afin de pouvoir continuer à faire de la petite politique.
Se peut-il que le gouvernement tente de pousser cyniquement les députés de l'opposition à rejeter le projet de loi pour en tirer un avantage politique ou qu'il ne comprend tout simplement pas les conséquences de son propre projet de loi qu'il s'attend à voir adopter par la Chambre?
Je suis d'avis que le gouvernement tente délibérément d'amener les députés à s'opposer à ce projet de loi. Si telle était son intention, il a réussi. Je ne puis, en toute conscience, appuyer ce projet de loi au nom de mes électeurs.
Je pose encore la question: Quel est le véritable objectif du projet de loi? Je dois dire que je ne crois pas que le gouvernement a agi ainsi pour assurer une bonne étude démocratique du projet de loi.
M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): Monsieur le Président, j'espère faire moi-même une intervention en bonne et due forme au cours du débat, mais je tiens à signaler clairement que les dispositions du projet de loi sur les droits des animaux étaient beaucoup plus radicales dans le projet de loi de la législature précédente. Il importe de signaler que le ministère de la Justice a apporté des modifications très importantes pour arriver aux dispositions à l'étude. Cela ne veut pas dire que d'autres améliorations sont à exclure. Des députés de ce côté-ci de la Chambre partagent certaines préoccupations exprimées en face.
Nous devons toutefois tous comprendre que la raison d'être du débat de deuxième lecture est de discuter de ces imperfections et de voir si, oui ou non, le comité retiendra les préoccupations exprimées au cours du débat et fera les recommandations qui s'imposent à la ministre.
M. Larry Spencer: Monsieur le Président, j'espère, à entendre les propos du député, que ces dispositions seront réétudiées. Cependant, lorsque des amendements et des suggestions ont été proposés au comité, ils n'ont pas été pris au sérieux. Nous devons faire un peu de bruit et contester pour attirer de nouveau l'attention sur cette question.
M. Peter Stoffer (Sackville--Musquodoboit Valley--Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, le compte rendu le montrera, et j'espère donc qu'il ne sera pas lu par trop de gens, mais, même s'il ne m'arrive pas souvent de voir les choses du même oeil que mes collègues alliancistes, je suis d'accord avec le député. Le projet de loi porte-t-il sur les animaux ou sur les enfants, je suis d'accord avec le député? Il dit que les deux questions devraient faire l'objet de projets de loi distincts, et il a tout à fait raison. C'est aussi l'avis des néo-démocrates.
Un ancien collègue, Chris Axworthy, qui est maintenant ministre de la Justice en Saskatchewan, a présenté un projet de loi à la Chambre il y a de nombreuses années pour protéger les enfants de la pornographie sur Internet. Un autre ancien collègue à nous, M. Gordon Earle, a proposé un projet de loi de portée encore plus large. Le projet de loi C-210 aurait étendu cette protection aux documents qui préconisent ou encouragent la haine raciale et la violence contre les femmes ou les minorités.
Je voudrais reprendre l'argument du député précédent qui se demandait si ce projet de loi concerne les animaux ou les enfants. Bien des Canadiens se posent la même question. Si la Chambre avait su faire preuve de maturité ou de responsabilité, jamais, au grand jamais, elle n'aurait envisagé de combiner ces deux questions.
La cruauté envers les animaux suscite bien des débats. C'est un sujet qui préoccupe les agriculteurs, les chasseurs, les communautés autochtones et les citadins. Quand à la pornographie juvénile, le simple fait qu'il en soit question sur l'Internet suscite la discussion dans l'ensemble du pays.
On aurait bien tort de croire qu'il est possible d'aborder ces deux questions dans le même projet de loi. Cela n'a aucun sens. Seuls les libéraux pouvaient l'envisager. Il est incroyable qu'ils aient osé faire une telle tentative. S'ils avaient divisé le projet de loi comme l'ont demandé certains de mes collègues avant l'ajournement d'été, notre législation comporterait déjà une loi énergique concernant la pornographie juvénile.
Or, tout l'été s'est passé sans qu'on n'en débatte. Le gouvernement s'est tourné les pouces sans s'occuper de la question. En tant que père de deux jeunes filles, j'estime indispensable que la Chambre des communes et toutes les assemblées législatives du pays mettent tout en oeuvre pour protéger nos enfants.
Ce qui m'inquiète, avec la reprise du projet de loi de M. Chris Axworthy, qui est de nouveau soumis à la Chambre, c'est qu'à cause de l'augmentation rapide de l'utilisation de l'Internet, un nombre considérable d'enfants se sont laissés piéger par des pédophiles. La pédophilie est l'un des plus graves péchés qu'on puisse commettre contre un enfant.
Les enfants sont fascinés par la télévision et par l'Internet. Quel que soit le soin avec lequel les parents ou les gardiens protègent les enfants en les surveillant et en vérifiant tout ce qu'ils font à l'ordinateur, personne ne peut rester derrière un enfant 24 heures sur 24 pour le surveiller.
Les pédophiles sont très habiles pour trouver le mot ou la formule qu'il faut afin d'attirer les enfants dans leurs pièges. On a de trop nombreux exemples d'enfants de tous âges qui se sont ainsi laissés piéger, avec les conséquences que l'on sait.
Et qu'avons-nous? Nous avons à la Chambre des communes un projet de loi qui combine la protection des enfants et la cruauté envers les animaux. Nous devons être la risée de toutes les assemblées législatives du monde libre du fait de ce débat. Il n'y a probablement pas, dans le Commonwealth ou ailleurs, de précédents de ce genre de chose: un gouvernement qui, lucidement, combine la protection des animaux et la protection des enfants.
Qu'est-ce que cela dit au sujet des enfants? Est-ce que nous les comparons à des chiens et à des chats? Est-ce que nous les comparons à du bétail? Est-ce que nous les comparons à du gibier? Est-ce bien cela? C'est l'impression donnée par le projet de loi omnibus. Il est tout simplement insensé de penser que nous puissions tenir un débat rationnel là-dessus ou sur tout autre sujet dont il est question dans le projet de loi.
Une fois que le projet de loi aura été adopté par la majorité libérale, à la Chambre et au Sénat, il faudra bien du culot pour dire aux Canadiens que nous pouvons protéger les enfants. C'est insensé.
Nous demandons au gouvernement de se dépêcher de séparer les questions et d'en faire plusieurs projets de loi distincts. Il pourrait mettre la question de la cruauté envers les animaux dans un projet de loi, celle de la pornographie juvénile dans un autre, celle des armes à feu dans un autre et ainsi de suite. De cette manière, nous pourrions tenir un débat juste et équitable à la Chambre des communes.
En tant que père de deux petites filles qui a très peur du gros méchant monde de la pornographie sur Internet, je prie instamment le gouvernement de se pencher sur les projets de loi C-212 et C-210. Ils sont déjà tout faits. Le gouvernement peut les prendre, les voler ou faire ce qu'il en veut, mais il devrait les ajouter à ses projets de loi le plus rapidement possible. Je suis sûr qu'après avoir étudié ces projets de loi, tous les députés de la Chambre les appuieraient et les adopteraient rapidement.
Si en deux jours on peut adopter une augmentation de salaire rétroactive, on peut certes adopter une mesure législative protégeant les enfants contre les infâmes pédophiles et les criminels dangereux qui rôdent dans nos rues.
Monsieur le Président, au nom de mes enfants et de tous les enfants du Canada, je vous remercie du temps que vous m'avez accordé. Le gouvernement et tous les législateurs devraient faire ce qu'ils peuvent pour protéger les enfants contre les dangers de l'Internet et tout autre danger.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention le discours du député et, effectivement, il faut lui donner raison sur plusieurs points.
Je voudrais seulement que le député puisse éclairer davantage la Chambre. Je veux voir si j'ai bien compris l'orientation de son discours. Tout le monde sait à la Chambre qu'il y a plusieurs sujets dans le projet de loi omnibus, soit le projet de loi C-15. Il y a plusieurs sujets qui sont modifiés au Code criminel.
Est-ce que je comprends bien qu'il veut que le gouvernement donne suite à la demande que l'opposition fait, soit de scinder le projet de loi C-15 en plusieurs projets de loi, dont un qui pourrait traiter, comme le député l'a si bien dit, de l'exploitation sexuelle et de toute la question de l'utilisation d'Internet pour, justement, mettre la main sur de jeunes enfants. Un autre pourrait porter sur le harcèlement criminel et un autre sur l'invasion de domiciles.
Est-ce que je comprends qu'il y a plusieurs de ces projets de loi qui ne seraient pas contestés par son parti, c'est-à-dire qu'il donnerait son accord assez rapidement? Ou même peut-il le donner immédiatement pour dire au gouvernement: «Voici les sujets sur lesquels on s'entend et sur lesquels on désirerait procéder rapidement. Voici les autres sujets qu'on considère problématiques et pour lesquels la Chambre devrait investir davantage de temps et d'analyses concernant tel ou tel aspect du projet de loi, parce que cela mérite une étude plus approfondie».
Ma question est fort simple. J'aimerais entendre de la part du député du Nouveau parti démocratique, ce qui exactement, selon lui, n'est pas contesté dans son parti et qu'il voudrait qu'on adopte rapidement, ce qui est problématique, et qu'il fasse la distinction pour qu'on précise vraiment le plus possible les éléments problématiques et non problématiques du projet de loi.
[Traduction]
M. Peter Stoffer: Monsieur le Président, je remercie mon collègue du Bloc québécois de sa question. Je dois répondre sans avoir eu la chance de consulter le critique de notre parti en matière de justice, le député de Winnipeg--Transcona, sur ce que notre parti serait prêt à adopter rapidement et ce qu'il serait prêt à envoyer à un comité. Toutefois, personnellement, je serais probablement prêt à me battre pour tout ce qui a trait aux enfants, la pornographie sur Internet et ainsi de suite. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour convaincre mon parti d'adopter une telle mesure le plus rapidement possible.
En ce qui a trait à la cruauté envers les animaux, le projet de loi devrait être soumis au comité pour permettre une plus vaste discussion publique. La même remarque s'applique pour la question de armes à feu des policiers.
Bien que je ne puisse parler au nom de mon parti sans consulter mes collègues, je suis persuadé qu'en ce qui touche la protection des enfants contre la pornographie juvénile sur Internet, notre parti serait prêt à appuyer une telle mesure sans délai.
M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC/RD): Madame la Présidente, j'ai le privilège de dire quelques mots sur un projet de loi que nous ne devrions peut-être pas étudier dans son entier.
Il est étrange qu'il y ait unanimité d'un côté de la Chambre sur la façon de considérer ce projet de loi et que les députés de l'autre côté jouent à l'autruche et refusent de se pencher sur les divers aspects, ce qui me semblerait une mesure très logique.
Si je proposais d'aller faire une promenade dans un sentier pédestre nouvellement aménagé dans lequel il y aurait beaucoup de boue et de marécages et d'arrêter en revenant à une soirée pour danser, on me répondrait tout probablement que je suis fou parce qu'il me serait impossible de me vêtir convenablement pour les deux occasions.
C'est dans cette situation que nous nous trouvons à l'heure actuelle. Nous avons deux situations totalement opposées qu'on nous demande d'approuver ou de rejeter, même si bon nombre de députés, y compris ceux d'en face, j'en suis certain, ne peuvent pas appuyer ce projet de loi tel qu'il est rédigé.
Il y a des parties de ce projet de loi que notre parti peut appuyer d'emblée, même si nous aimerions en débattre davantage et peut-être proposer des amendements. Nous voudrions donner plus de force au projet de loi, surtout en ce qui a trait à la pornographie juvénile, même si c'est une partie que nous appuyons fermement.
Bon nombre des députés ont des enfants. Nous sommes nombreux à avoir des enfants qui passent beaucoup de temps sur Internet et nous sommes conscients des dangers auxquels ils sont quotidiennement exposés. Dans notre parti, nous sommes d'accord pour resserrer la loi ayant trait à la pornographie juvénile sur Internet.
Cependant, il faudrait clarifier la question de la responsabilité des fournisseurs de services qui pourraient, par inadvertance, s'attirer des problèmes lorsque des gens utilisent leurs services à des fins illégales.
Tel qu'il est structuré, le projet de loi nous permettrait de nous attaquer à ce problème grandissant plus énergiquement qu'avant. Comme les députés le savent, nos services de renseignement ont déclaré clairement que la pornographie juvénile augmente avec Internet. C'est logique.
Le temps est venu de s'attaquer à ce grave problème. Ce combat revient à ceux qui sont préparés et formés pour le faire. Nous devons être en mesure de définir les problèmes et d'identifier ceux qui utilisent Internet à des fins illicites.
La partie qui traite de la pornographie juvénile est excellente, mais elle figure dans une section sur la cruauté envers les animaux. Il y a des parties de cette section qui reçoivent un appui unanime. Personne n'approuve la cruauté envers les animaux, comme on le dit couramment.
Toutefois, les animaux sont utilisés à diverses fins. Pensons à la recherche. Cette question préoccupe beaucoup nos universités. Il y a des gens qui voudraient que ce type de recherche soit abandonné.
Combien de gens dans le monde, de tous âges, vivent aujourd'hui grâce au progrès de la médecine réalisés uniquement par suite d'expériences scientifiques sur des animaux? Bon nombre de nos remèdes ont été mis au point par suite d'expériences sur des animaux.
Beaucoup de remèdes sur lesquels nous espérons compter à l'avenir font l'objet à l'heure actuelle d'expériences dans divers laboratoires de nos institutions scientifiques, surtout les universités du pays et du monde entier. Beaucoup de gens concernés se demandent vraiment s'ils pourraient être accusés aux termes de la nouvelle loi. Ce sont des dispositions du projet de loi qui doivent être discutées et nettement améliorées.
Dans le secteur de l'agriculture, des gens gagnent leur vie en élevant des animaux à des fins de consommation ou pour d'autres utilisations. Ils ont tous sans aucun doute des craintes quant à savoir si cette mesure législative pourrait menacer leur gagne-pain. Ce projet de loi n'a pas été amélioré au point où les gens concernés sont satisfaits. En fait, les législateurs de ce côté-ci de la Chambre ne sont pas satisfaits.
En ce qui concerne le contrôle des armes à feu, la plupart des députés de ce côté-ci veulent que les armes d'épaule ne soient pas visées par le Règlement. Nous agissons comme si tous les propriétaires d'armes à feu au Canada étaient des criminels. Beaucoup de gens dans les régions rurales assurent la subsistance de leur famille et complètent leurs revenus grâce à la chasse. Cela pourrait être menacé si on ne clarifie pas la loi.
Le gouvernement nous demande d'acquiescer à une mesure législative à laquelle nous ne pouvons souscrire. Les dispositions sur la pornographie juvénile devraient être retirées du projet de loi et étudiées séparément. Une bonne partie des autres dispositions pourraient être adoptées immédiatement. Par contre, certaines dispositions doivent être discutées davantage, améliorées et étudiées séparément. La pornographie juvénile ne peut être étudiée en même temps que d'autres dispositions du projet de loi.
Il faut espérer que nos vis-à-vis penseront comme nous. Nous venons tous des mêmes régions du pays. Ce n'est pas comme si les ministériels venaient d'une région qui n'est pas touchée par le contrôle des armes à feu ou par l'utilisation des animaux d'une façon ou d'une autre à des fins de recherche ou de subsistance. Nous venons tous des mêmes régions. Je suis persuadé que les gens qui s'adressent à nous pour nous faire part de leurs préoccupations leur en parlent également.
Tous les députés doivent se préoccuper de la pornographie juvénile. Nous devons nous attaquer à cette question le plus rapidement possible. Chaque jour qui passe fait d'autres victimes chez les enfants. Cependant, d'autres dispositions du projet de loi doivent être modifiées ou éliminées.
Si le leader parlementaire refuse de le faire de lui-même, j'espère que les gens touchés de la même façon que nous exerceront des pressions suffisantes sur le gouvernement pour qu'il scinde le projet de loi. Nous pourrions alors nous pencher sur les aspects qui doivent être étudiés en priorité et ces mesures pourraient être adoptées très rapidement. Nous pourrions examiner les autres dispositions au comité et dans le cadre d'un débat à la Chambre. J'espère que cette mesure législative pourra nous être renvoyée sous une forme à laquelle nous pourrions tous souscrire.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne): Madame la Présidente, je suis ravi d'être de retour à la Chambre pour parler du projet de loi C-15. Je voudrais d'abord saluer Mike Harris. Je ne parle pas de Mike Harris, premier ministre de l'Ontario, quoique je l'admire beaucoup, mais de Mike Harris, le fils de notre whip qui se trouve dans l'antichambre aujourd'hui. C'est un gars formidable et le plus grand admirateur des Cougars de Prince George.
Il y a quelques jours, ma femme et moi nous promenions près de l'ambassade des États-Unis. J'ai été stupéfait par les innombrables témoignages de sympathie qui ont suivi les événements survenus aux États-Unis. Des Canadiens de tous les coins du pays ont inondé l'ambassade de fleurs, de cartes et de pensées sur la solidarité qu'ils ressentent envers les Américains et les gens de partout qui ont été touchés par l'attentat au World Trade Center. À mon avis, personne ne peut rester indifférent devant cette manifestation de sympathie envers nos amis américains.
Au nom des habitants de la circonscription de Medicine Hat, j'adresse nos condoléances à l'ambassadeur Cellucci, au président Bush et à la population des États-Unis. Les Américains sont nos meilleurs amis depuis la Confédération. Nous devons être à leurs côtés au cours de cette période difficile
Au moment où nous débattons le projet de loi C-15, beaucoup de gens estiment qu'il y a des choses plus importantes à débattre. Compte tenu des attentats contre le World Trade Center et le Pentagone et de l'écrasement d'un avion en Pennsylvanie, beaucoup se demandent si le Canada est prêt à réagir aux événements qui se sont produits aux États-Unis.
Ils estiment, avec raison, que la Chambre est l'endroit où nous devrions débattre ces questions, non seulement pendant un jour ou deux, mais jusqu'à ce qu'on ait le sentiment que le Canada comprend certaines des conséquences de ces attentats et certaines mesures de planification qui s'imposent avant que nous puissions agir. La question comporte de nombreux aspects.
Je ne veux pas d'un débat partisan, mais j'ai l'impression qu'il y a lieu de s'interroger sur la pertinence du rôle du Parlement en cette période cruciale. Même si le projet de loi C-15 renferme des éléments très importants, les questions de sûreté et de sécurité devraient faire l'objet d'un sérieux débat où l'on pourrait faire valoir les préoccupations du public.
En ce qui concerne par exemple les questions de sécurité à la frontière; la sélection des gens qui viennent au Canada est-elle faite dans les règles ou non; les ressources allouées au service du renseignement de sécurité sont-elles suffisantes ou non; les gens qui traversent la frontière pour venir au Canada le font-ils pour des raisons légitimes ou non?
Je m'empresse d'ajouter que la grande majorité des gens qui viennent au Canada le font pour des raisons légitimes. Il y a des gens bons et responsables qui souhaitent venir s'établir ici pour faire une contribution à notre pays. Toutefois, il y en a d'autres qui viennent ici pour de mauvaises raisons.
On a rapporté que des gens ayant des liens avec des organisations terroristes étaient entrés au Canada. Il se pourrait même qu'ils soient impliqués dans l'attentat contre le World Trade Center. Les gens s'inquiètent à juste titre. Ils veulent s'assurer que le gouvernement a pris les mesures nécessaires pour faire face à ces problèmes et n'a jamais été négligent à cet égard. Ces questions devraient être débattues dans cet endroit.
Il existe d'autres répercussions également importantes. Les gens se demandent quelle dispositions ont été prises pour assurer la sécurité des transports aériens. Ils se demandent si la réduction de la demande va avoir des répercussions sur l'économie et la viabilité des transporteurs aériens. Air Canada demande une aide de 3 milliards de dollars.
C'est le genre de choses dont nous devrions débattre aujourd'hui, au lieu du projet de loi C-15. Nous devrions discuter de l'état des Forces armées canadiennes. Nous en avons un peu parlé au cours de la période des questions, mais le débat sur le sujet ne devrait pas se limiter à la période des questions. C'est un sujet qui intéresse le pays au plus haut point. Je ne comprends pas, et je suis certain que le public lui aussi ne comprend pas, pourquoi nous ne pouvons pas avoir de débats sur toutes sortes de sujets dans cette chambre quand il s'agit de choses qui intéressent la population.
L'une des choses qui intéressent certainement le public au lendemain des attentats au World Trade Center est l'incidence de ces attentats sur l'économie canadienne. Les gens ont été tellement saisis par ce qui s'est passé aux États-Unis qu'ils sont restés rivés devant leur écran de télévision pendant deux jours et demi à trois jours. Cela a eu un impact économique certain, tout comme en auront les contrôles plus stricts imposés à la frontière canado-américaine.
Nous devons déterminer les mesures à prendre pour assurer la libre circulation des biens et services de part et d'autre de la frontière, parce que les échanges commerciaux avec les États-Unis constituent une grosse partie de notre PIB. Nos exportations aux États-Unis seulement représentent environ 34 p. 100 de notre PIB, tandis que l'ensemble de nos échanges commerciaux avec ce pays comptent pour approximativement 43 p. 100 de ce même PIB. C'est énorme.
Toute restriction à la frontière aura un impact considérable sur l'économie canadienne. Notre aptitude à conserver un budget équilibré pourrait s'en trouver gravement compromise. Des restrictions à la frontière pourraient aussi influer sur notre capacité de financer certains programmes, à un moment où il faut investir dans la défense, les affaires étrangères, la collecte de renseignements et la sécurité à nos frontières. Ce sont là les choses dont nous devons débattre aujourd'hui.
Les attentats au World Trade Center devraient nous amener à faire la part entre ce qui est important pour le pays aujourd'hui et les affaires courantes du Parlement. On ne doit pas oublier cela.
J'espère que les leaders à la Chambre verront la contradiction entre ce qui est important pour la population et ce qui se passe à la Chambre et qu'ils prendront des mesures afin de rectifier la situation, car nous ne faisons vraiment pas ce que le public attend de nous.
Cela étant dit, je vais maintenant faire mon discours sur le projet de loi C-15. Ce projet de loi contient des dispositions importantes qui sont valables, qui méritent de retenir l'attention de la Chambre et d'être adoptées rapidement. Deux d'entre elles concernent la pornographie juvénile et le fait d'attirer des enfants à des fins sexuelles.
Comme l'ont expliqué clairement mes collègues de l'Alliance canadienne et d'autres députés à cet endroit, nous sommes dans une situation où les députés de l'opposition seraient tout à fait disposés à adopter ces dispositions du projet de loi immédiatement si nous pouvions scinder ce dernier et nous livrer à une réflexion plus approfondie sur les autres aspects qui ne sont pas aussi pressants et qui ne font pas l'unanimité. Nous voulons adopter ces dispositions, mais d'autres nous préoccupent grandement.
Un des aspects du projet de loi C-15 qui inquiète les gens des régions rurales, ce sont les dispositions concernant la cruauté envers les animaux.
Les députés et le public devraient essayer d'envisager le projet de loi C-15 dans l'optique des agriculteurs ou des éleveurs du sud de l'Alberta. Ils voient dans le projet de loi C-15 des dispositions qui les empêchent de gagner leur vie à un moment où ils sont aux prises avec d'énormes difficultés.
Nous avons vécu deux années de sécheresse dans ma circonscription et il n'y a eu aucune précipitation mesurable en août dernier. Nous avons connu la pire sécheresse depuis 1888. En juillet, les agriculteurs enfouissaient leurs récoltes. Il n'y a pas eu de ruissellement au printemps, parce qu'il n'y a tout simplement pas eu de neige.
Il n'y avait pas d'eau pour le bétail. Il a fallu disperser les troupeaux dès le début du printemps. Habituellement, les grands éleveurs peuvent faire paître leurs bestiaux pendant tout l'été, mais ils n'ont pu profiter de cette possibilité cette année parce qu'ils n'avaient même pas d'eau dès les premiers mois. Il n'y avait absolument pas d'eau et ils ont dû disperser leurs troupeaux. Lorsqu'il y avait assez d'eau pour maintenir les troupeaux, il n'y avait pas assez d'herbe dans les pâturages, de sorte qu'ils ont dû alimenter leur bétail avec du foin, ce qui est très onéreux. Cela a eu une énorme incidence sur l'industrie des productions animales. En ce qui concerne les céréales et oléagineux, on constate de nouveau qu'il n'y avait pas d'humidité. Des champs et des récoltes ont tout simplement été labourés. Ce fut un marasme total sur ce plan.
Ma circonscription comprend plusieurs périmètres irrigués. En raison du très peu d'accumulation de neige dans les montagnes cet hiver, seuls les périmètres possédant une grande capacité d'accumulation de l'eau ont été en mesure de faire de l'irrigation pendant toute la période de croissance. Dans certains périmètres, des secteurs où les terres sont habituellement irriguées, il n'y a pas eu assez d'eau pour toutes les récoltes. Les récoltes les moins dignes d'intérêt, comme les céréales, n'ont pas obtenu d'eau. Ces terres ont donné 10 boisseaux à l'acre, alors que le rendement habituel est de 40, 50 ou 60 boisseaux à l'acre.
Les conditions atmosphériques ont été affreuses cette année dans le sud de l'Alberta, et cette situation a eu une incidence sur l'industrie agricole. Cela vient s'ajouter aux mauvaises conditions que l'on avait connues l'année précédente.
Ajouter le projet de loi C-15 à tout cela revient essentiellement à continuer de faire pleuvoir des coups sur des producteurs déjà au tapis. Ils voient dans le projet de loi C-15 toute sorte de mesures qui les empêcheront d'accomplir leur travail et de gagner leur vie. Quelles sont ces entraves?
Des dispositions du projet de loi C-15 prévoient que commet une infraction quiconque fait de quelque façon du mal à des animaux. Le problème, c'est que la mesure législative elle-même est très imprécise au sujet de la notion de faire du mal. À titre d'exemple, dans le domaine de l'élevage, lorsqu'il faut castrer ou marquer au fer rouge des taurillons ou encore leur appliquer une étiquette d'oreille, les grands éleveurs craignent que cela aille à l'encontre de la loi. La Canadian Cattlemen's Association et d'autres intervenants ont soulevé cette préoccupation.
Certaines personnes d'en face nous ont assuré que cela ne poserait pas de problème, mais comme le projet de loi n'est pas clair, l'interprétation pourrait être laissée à la discrétion d'un juge. Cela pourrait être interprété par quelqu'un. Nous voulons que cette disposition soit rendue beaucoup plus précise au moyen de modifications qui seraient apportées au projet de loi, ou encore qu'elles soient simplement et provisoirement supprimées, tant que les choses n'auront pas été tirées au clair.
Nous craignons que, si ces dispositions ne sont pas clarifiées, les associations de défense des droits des animaux décident un jour de les contester devant les tribunaux. Il est possible qu'un juge les interprète d'une façon qui rende très difficile, voire impossible, aux exploitants agricoles et aux éleveurs de traiter le bétail destiné à la consommation de la manière qu'ils jugent nécessaire.
Ce sont là autant de préoccupations que nous inspire le projet de loi C-15. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas y apporter de précisions qui indiqueraient de façon parfaitement claire les pratiques autorisées en élevage par exemple. Cela rassurerait les agriculteurs et les éleveurs.
J'insiste sur l'importance d'une telle initiative pour les habitants de ma circonscription, surtout en ces temps particulièrement difficiles pour les exploitants agricoles et les éleveurs.
Je voudrais passer à d'autres dispositions du projet de loi. J'en ai déjà parlé brièvement, mais je pense qu'il vaut la peine de rappeler que l'opposition officielle et, de façon générale, les autres partis de l'opposition ne sont pas d'accord avec le principe d'étudier un aussi grand nombre d'aspects différents du Code criminel et autres lois sous le couvert d'un projet de loi fourre-tout. Le problème que posent les projets de loi de ce genre est que, bien souvent, certaines dispositions ont l'aval de l'opposition et d'autres ne l'ont pas. Je ne puis m'empêcher d'y voir de la malice de la part du gouvernement quand il regroupe des questions aussi disparates dans un seul et même projet de loi. Cela nous place dans une situation délicate car, si nous opposons au projet de loi pour des raisons très valables, le gouvernement peut prétendre que nous ne souscrivons pas par exemple aux dispositions relatives à la traque des personnes pratiquant la pornographie juvénile, ce qui est évidemment faux.
Or, nous appuyons ces dispositions. C'est pourquoi nous avons affirmé au cours des dernières interventions que le projet de loi devrait être scindé. Nous sommes d'accord pour poursuivre les gens qui se livrent à de la pornographie juvénile. Nous soutenons les mesures législatives qui prévoient, en vertu du Code criminel, des sanctions très sévères et la poursuite en justice des gens qui leurrent des enfants au moyen d'Internet. Nous croyons dans ces mesures. Toutefois, nous ne soutenons pas l'idée d'un projet de loi omnibus comme celui-ci, qui nous complique la tâche quand il s'agit d'en distinguer les différents éléments et de nous prononcer sur son contenu. Je tenais simplement à présenter ce point de vue.
Je conclus où j'ai commencé, en disant qu'au lendemain de l'attaque contre le World Trade Center, nombre de parlementaires sont extrêmement préoccupés parce qu'ils estiment inopportun que la Chambre des communes procède à ses travaux comme à l'habitude. Nous vivons des moments hors de l'ordinaire. Nous devrions nous pencher sur les questions qui préoccupent les citoyens de ce pays, les questions qui les inquiètent depuis huit ou neuf jours. Si le gouvernement désire faire preuve de bonne volonté à l'égard d'une réforme parlementaire et faire en sorte que le public ne considère plus le fonctionnement du Parlement d'un oeil cynique, ce serait l'occasion idéale de suspendre l'étude des affaires courantes pour nous engager dans certaines discussions qui, comme je l'ai mentionné au début, ont une incidence profonde sur la marche quotidienne des événements touchant les citoyens canadiens.
Madame la Présidente, je propose:
Que l’amendement soit modifié par adjonction, après le mot «distincts», de ce qui suit: |
«...notamment le fait de leurrer des enfants ou de publier de la pornographie juvénile sur Internet, la cruauté envers les animaux, la modification de la Loi sur les armes à feu, le harcèlement criminel, les invasions de domicile, le fait de désarmer un agent de la paix ou de tenter de le faire, la réforme de la procédure criminelle et les allégations d’erreurs judiciaires...» |
Le président suppléant (Mme Bakopanos): La présidence va prendre la question en délibéré et informera la Chambre de sa décision.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ): Madame la Présidente, j'ai écouté avec attention le discours du précédent intervenant. Effectivement, la première partie portait sur le comportement du gouvernement libéral. Force nous est de constater que le député de l'Alliance canadienne a raison.
Nous sommes en présence d'un drôle de gouvernement. D'un côté, il semble avoir un discours et de l'autre, lorsque nous regardons la mise en application de ce discours, c'est très différent. Nous sommes en présence d'un gouvernement qui dit une chose à la population mais qui, dans la pratique, fait autre chose. Nous pourrions donner beaucoup d'exemples à ce sujet.
Je vais donner un exemple qui est similaire à ce que le député disait, et c'est la question du crime organisé. C'est un dossier fort important. Tout le monde en a discuté ici à la Chambre. Nous avons adopté rapidement le projet de loi au mois de juin pour sa mise en application la plus immédiate possible. Le projet de loi C-24 est rendu devant l'autre Chambre de même qu'un autre projet de loi fort important, le projet de loi C-7, la Loi sur les jeunes contrevenants.
Le gouvernement libéral dit que la sécurité du public est importante et il dit vouloir faire son possible pour, en plus d'avoir une loi antigang, modifier un projet de loi antigang--qui n'est pas adopté par le Sénat--et apporter des modifications pour lutter contre le terrorisme. Eh bien, nous aurions pu penser, alors, que ce gouvernement donnerait des directives à l'autre Chambre pour que soit étudié le plus rapidement possible le projet de loi C-24 de sorte qu'il soit mis en vigueur. Eh bien, non.
Ce gouvernement libéral a donné des directives au Sénat pour qu'il adopte le plus rapidement possible, non pas la loi antigang, la loi pour lutter contre le crime organisé, non pas pour que le Sénat y apporte des modifications pour inclure le terrorisme, comme le premier ministre en parle depuis le début du conflit, non, le gouvernement a donné des directives à l'autre Chambre pour qu'elle adopte le projet de loi C-7. Faire la guerre aux jeunes contrevenants, cela va régler le sort du monde. C'est un exemple de discours que tient ici le gouvernement pour la population. Mais dans les faits concrets, c'est une autre affaire.
Le député de l'Alliance canadienne a raison: présentement, nous devrions discuter d'autre chose que du projet de loi C-15, un projet de loi aussi compliqué et controversé que celui-là. C'est un projet de loi--si les députés l'ont bien examiné, ils seront d'accord avec nous--qui est incohérent. Nous ne pouvons pas traiter et mettre sur un pied d'égalité--certes, c'est le Code criminel que nous modifions--la protection des enfants, toute la vulnérabilité de l'enfance, et la protection des animaux. Cela n'a aucun sens.
Nous pourrions adopter très rapidement tout ce qui se rapporte à la protection des enfants, comme les jeux et questions d'Internet. Nous pourrions également adopter très rapidement des mesures qui traitent des peines en ce qui concerne le harcèlement. Nous pourrions les adopter aujourd'hui, si le gouvernement voulait collaborer. Sa collaboration ne consiste qu'à scinder le projet de loi.
Il y a des parties litigieuses, comme la cruauté envers les animaux. Je comprends le député de l'Ouest canadien dont les électeurs sont très inquiets à cause de ce projet de loi, parce que chez nous, au Québec, il y a aussi des agriculteurs, des gens qui travaillent avec les animaux, des chasseurs, des pêcheurs, des laboratoires de recherche et des universités qui sont également très inquiets. Au lieu de discuter d'un projet de loi dont personne ne veut ou qui est très controversé en grande partie, nous aurions pu parler de la préparation des frappes que les États-Unis s'apprêtent à faire. Nous aurions également pu parler de la façon d'aider les PME, les compagnies et comment améliorer les frontières. Nous aurions pu parler du Service canadien du renseignement de sécurité, de la sécurité de la population. Mais non, on ne parle pas de cela.
Est-ce que le député de l'Alliance canadienne peut nous dire les parties du projet de loi qu'on pourrait adopter rapidement parce qu'elles ne sont pas contestées par les membres de son parti, et celles qui sont plus contestées et qui demandent plus d'étude? Pourrait-on séparer ce projet de loi en deux.
Il y aurait une partie dont on pourrait accélérer l'adoption et une partie que l'on pourrait prendre le temps d'étudier correctement.
[Traduction]
M. Monte Solberg: Madame la Présidente, je voudrais remercier mon collègue de son excellente intervention et de la question qu'il a posée à la toute fin. Le député m'a posé une question très précise. Je peux dire qu'il y a un certain nombre d'aspects de ce projet de loi que l'Alliance canadienne approuve.
Nous approuvons l'adoption de peines plus sévères à l'endroit des personnes qui recourent à Internet pour faire tomber des enfants dans leurs filets. Nous serions prêts à adopter ces mesures sans tarder. Nous approuvons les dispositions concernant la pornographie juvénile. Nous serions prêts également à les adopter sans tarder. Nous approuvons aussi les dispositions qui imposent des peines à quiconque désarme un agent de la paix, et nous serions prêts à les adopter sans tarder. Ce sont là des mesures sur lesquelles nous sommes d'accord et qui ne posent pas de problème pour nous.
Mais la chose qui m'inquiète le plus, et mon collègue en a parlé dans son intervention, c'est le manque de pertinence des questions que nous abordons aujourd'hui par rapport aux préoccupations actuelles des gens. Les gens ont peur de ce que l'avenir leur réserve par suite des attentats contre le World Trade Center et le Pentagone. Les Canadiens veulent savoir quelles seront les conséquences pour eux.
Pourquoi ne discutons-nous pas de ces questions à la Chambre des communes? Après tout, nous sommes ici pour représenter les intérêts des gens. Je peux affirmer qu'en ce moment, le projet de loi C-15 ne correspond pas aux intérêts des gens. Ce n'est pas de cela que les gens veulent que nous parlions.
Je demanderais instamment au premier ministre et au leader du gouvernement à la Chambre de se rappeler qu'ils sont ici pour servir le public et que c'est leur devoir de le faire. Ils ne le font pas quand ils débattent de projets de loi qui, dans une vaste mesure, manquent de pertinence compte tenu de ce qui se passe aux États-Unis depuis neuf jours.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Madame la Présidente, j'aurais tendance à féliciter mon collègue pour son brillant discours. Il y a mis beaucoup d'éloquence. À certains égards, on rejoint évidemment certaines de ses prises de position.
Est-il d'accord avec les députés de cette Chambre--je pense que le député de Berthier--Montcalm a été très éloquent sur ce sujet--que, en démocratie, lorsqu'on est un député porte-parole d'une communauté, quand les urnes ont parlé, que nous sommes délégués en cette Chambre pour parler au nom de nos concitoyens, ne devrait-il pas y avoir un principe inaliénable qui préside à chacun des votes et à chacun des débats en cette Chambre, soit celui d'avoir une idée très claire de ce sur quoi on va voter?
Est-ce que le principe insidieux et cette pratique à la limite de la malhonnêteté, qui est celui pour le gouvernement d'avoir un projet de loi fourre-tout, un projet omnibus où il y a à boire et à manger, ou on a le chaud et le froid en même temps, n'est pas absolument détestable? Est-ce que ce n'est pas une chose déplorable pour la ministre de la Justice que d'avoir un comportement aussi répréhensible et de ne pas avoir les idées claires?
[Traduction]
M. Monte Solberg: Madame la Présidente, mon collègue a absolument raison.
Une des choses que les Canadiens détestent le plus, c'est de voir le gouvernement user de son pouvoir pour fixer le programme législatif de manière à faire de la petite politique. Il ne fait aucun doute que c'est cela qu'il a fait dans le cas du projet de loi C-15, sachant qu'il peut compter sur le fait que le public ne comprend pas à quel point le projet de loi est complexe pour essayer de prendre les députés d'opposition au piège. Il est absolument fourbe.
Dans le cas de mesures législatives comme le projet de loi C-15, un gouvernement responsable les scinderait. Voilà clairement ce que réclament les députés d'opposition.
Le gouvernement se dit depuis plusieurs mois résolu à réformer la Chambre des communes. Il pourrait commencer par assurer que nous ne serons plus saisis de projets de loi omnibus en veillant à faire adopter une disposition permettant de scinder ces projets de loi. Nous pourrions modifier le Règlement de manière à donner au Président le pouvoir de scinder les mesures législatives qui sont des projets de loi omnibus. Il n'y aurait rien de mal à le faire.
Je suis complètement d'accord avec mon honorable collègue, si le gouvernement tient vraiment à une réforme démocratique, c'est un bon endroit où commencer.
Le président suppléant (Mme Bakopanos): Le sous-amendement proposé par le député de Medicine Hat est recevable.
M. Roy Bailey (Souris--Moose Mountain, Alliance canadienne): Madame la Présidente, comme l'a dit notre collègue de Medicine Hat, en cette journée il est très difficile de parler de ce sujet, mais je veux assurer à la Chambre que pour au moins un million de Canadiens, il s'agit d'un projet de loi extrêmement important. Il est si important pour eux qu'ils l'attendent avec impatience. Par-dessus tout, ceux qui suivent nos travaux reconnaissent que le projet de loi me retire certains droits en tant que député élu. Il me prive de mes droits à cause de sa complexité. Je vais vous expliquer.
Si je souscris au projet de loi, je dis à un million de gens que je laisse à une personne qui vit à Toronto ou à Vancouver et qui est loin des animaux que nous élevons dans nos exploitations agricoles le soin de définir ce qu'on entend par cruauté. Si je m'oppose au projet de loi, je dis alors non à des règlements sur la pornographie, sur le fait de désarmer un policier et le reste.
Les Canadiens doivent savoir que le projet de loi est bien conçu et bien planifié non pas pour maintenant, mais disons pour des élections qui pourraient avoir lieu en juin 2004. Tous les députés de l'opposition seront accusés d'avoir voté pour ou contre certaines choses. On pourra se servir de ce projet de loi d'une façon très politique. Cette mesure législative est conçue pour porter tort à tous les députés de l'opposition à la Chambre.
Un homme de la Saskatchewan a inventé ce qu'il a appelé un «gophinator» pour lutter contre ces animaux nuisibles que sont les spermophiles. Il a voulu obtenir un brevet pour son invention. C'est très simple; on injecte du gaz dans le trou; l'animal meurt instantanément sans douleur. J'ai dit à certaines personnes que cette invention ne serait jamais acceptée car certains défenseurs des droits des animaux ne le permettraient pas. Le soir même, lors d'une ligne ouverte à la radio, un homme de Vancouver a appelé pour dire que la machine ne devrait pas être enregistrée parce que les gens de l'Ouest ne comprennent pas que ces animaux sont bons pour eux. Ils aèrent le sol.
Cela devrait donner à la Chambre une idée de la raison pour laquelle le secteur de l'élevage bovin, l'industrie des productions animales et même d'autres industries s'inquiètent tant du regroupement de toutes ces dispositions dans un seul projet de loi. Que nous votions pour ou contre ce projet de loi, on nous blâmera et ce serait la même chose si nous nous abstenions. C'est une situation intenable pour nous dans l'opposition et le gouvernement le sait pertinemment. Il a planifié cela non pour maintenant mais pour l'avenir.
Chose certaine, si le gouvernement parlait aux gens, ces derniers lui diraient de scinder le projet de loi en diverses parties et laisser les gens en débattre.
Il y a des gens qui diront aux entrepreneurs de l'industrie du poulet qu'il est cruel de garder des poules dans des cages. Nous avons tous entendu cela. Ils diront aussi que l'industrie du porc devra abandonner ses pratiques. L'industrie qui s'inquiète vraiment, c'est celle des bovins, et non pas seulement dans ma région. Comme je l'ai dit durant la période consacrée aux déclarations des députés, et comme le député de Medicine Hat l'a déclaré, ces agriculteurs veulent maintenant creuser des canaux afin de recueillir l'eau le printemps prochain à la fonte des neiges, mais il n'y a plus d'argent dans le programme ARAP. C'est compréhensible, mais lorsque le gouvernement a besoin d'argent pour diverses choses, il n'a pas difficulté à trouver un million de dollars. Tout ce qu'obtient l'agriculteur pour un de ces systèmes d'irrigation, c'est un tiers.
Nous ne nous sommes pas préoccupés de l'industrie, et maintenant celle-ci est confrontée à ce projet de loi stupide. Il n'y a pas d'autre mot. J'ai entendu des défenseurs des droits des animaux dire qu'il est cruel de castrer un veau. Le gouvernement défendra les droits de ces gens-là. Cela viendra. Il viendra aussi un jour où le marquage sera interdit. L'industrie luttera pour sa survie en raison des coûts énormes.
La dernière fois que je suis allé à un rodéo, un sport qui est très populaire dans l'Ouest et où l'homme se mesure à la bête, j'ai vu de près des défenseurs des droits des animaux avec des appareils photo. Je leur ai parlé. Ils ont dit que deux épreuves devront être retirées du rodéo et qu'ils n'auront de cesse tant qu'elles ne le seront pas. La première, qu'ils estiment cruelle, est celle où le cow-boy attrape un veau et lui attache les pattes. L'autre, c'est celle où le cow-boy tente de terrasser un taureau en le prenant par les cornes. Et leur principal objectif est d'obtenir un jour l'interdiction du Stampede de Calgary. Ils l'ont dit publiquement.
Nous voici devant un projet de loi, et les représentants légitimement élus doivent choisir entre voter pour ou contre ou s'abstenir. Mes collègues l'ont dit, le projet de loi contient de bons éléments. Comment vais-je voter? Si je m'abstiens, le gouvernement dira que je n'ai pas de coeur au ventre. Si je vote pour, je dirai à tous les éleveurs au Canada que nous allons laisser un cinglé décider ce qu'est la cruauté. Si je vote contre, le gouvernement dira que j'approuve la pornographie juvénile, etc.
Cela est beaucoup plus grave qu'on ne le croit, dans le processus démocratique. Si le gouvernement s'en tire sans scinder le projet de loi, nous allons voir de plus en plus un mépris total pour mes collègues de tous les coins du Canada qui siègent dans l'opposition. Ne nous y trompons pas. Ce projet de loi prive de leurs droits tous les députés de l'opposition.
Le public doit le savoir. Si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, nous perdrons nos droits. La démocratie disparaîtra complètement, car nous ne pouvons approuver le projet de loi tel qu'il est dans son intégralité.
J'exhorte le gouvernement à laisser ses députés examiner la question. Qu'ils s'interrogent sur les conséquences pour les débats libres et ouverts. Qu'ils se demandent ce qu'ils sont en train de faire aux députés de l'opposition, qui devront aller expliquer à leurs électeurs pourquoi ils ont voté de telle manière ou se sont abstenus.
Le projet de loi est mauvais, et je vais vous dire une chose: tous les députés ministériels le savent, mais ils se servent de ce projet de loi tel qu'il nous a été présenté. Nous ne savons pas encore pourquoi ils se comportent ainsi, mais nous allons le savoir.
Je conclus. Le gouvernement devrait retirer ce projet de loi, le scinder, préserver la démocratie et faire preuve d'un peu de respect pour les humbles représentants qui siègent dans l'opposition.
M. Jay Hill (Prince George--Peace River, PC/RD): Madame la Présidente, j'ai écouté très attentivement le discours de mon collègue. Il a fait état d'une grande inquiétude, que j'ai pu constater à la grandeur du pays, en particulier dans les circonscriptions rurales.
Comme le disait le député, les industries qui s'occupent de services de guide et de pourvoirie jouent un rôle important dans le bien-être des régions du Nord du Canada en particulier, et d'autres régions comme le Québec et le Labrador. C'est une industrie énorme. Mon collègue a aussi parlé de fermes et d'élevage de bestiaux, et des répercussions que pourrait avoir le projet de loi sur l'industrie du rodéo et sur les personnes qui y travaillent. Je suis entièrement de son avis. Il y a matière à grande inquiétude.
La situation actuelle me rappelle d'autres projets de loi omnibus, comme le projet de loi C-68. À l'époque, l'opposition avait dénoncé, une fois de plus, le fait que le gouvernement regroupait en un seul projet de loi un certain nombre de mesures législatives de qualité inégale.
Fait ironique, la Loi sur les armes à feu et l'enregistrement des armes d'épaule avait eu des répercussions sur certaines des mêmes entreprises. Cette loi a eu de nombreux effets très négatifs sur les services de guide et de pourvoirie. Nous avons appris que toutes sortes de problèmes se sont produits, en particulier en ce qui concerne les chasseurs étrangers, sur qui l'industrie compte beaucoup. Ces personnes doivent pouvoir venir au Canada avec leurs armes à feu et être en mesure de se conformer aux nouvelles restrictions du projet de loi C-68.
En ce qui concerne les répercussions sur l'exploitation agricole, des agriculteurs nous écrivent encore au sujet des restrictions qui leur sont imposées. Certaines mesures réglementaires relatives à la protection des troupeaux, par exemple, sont inapplicables et irréfléchies. Les éleveurs ont toujours pu protéger leur bétail en utilisant leurs armes à feu de façon responsable.
Au cours de ma courte carrière politique, qui a débuté il y a huit ans, j'ai pu constater à quel point les projets de loi omnibus sont insensés. Le gouvernement doit assurément l'admettre, en particulier en ce qui concerne le projet de loi C-68 et tous les problèmes qu'a engendrés l'imposition irréfléchie de cette mesure.
Mon collègue a-t-il en mémoire d'autres exemples de cas, que ce soit au niveau provincial ou fédéral, où le gouvernement a fait fi des préoccupations légitimes exprimées par l'opposition et a imposé un projet de loi omnibus?
Comme le disait mon collègue, et je suis d'accord avec lui, ce projet de loi contient de bonnes mesures. La majeure partie de ses dispositions pourrait sans doute être considérée comme un pas dans la bonne direction. Mais il y a assurément certains aspects qui n'ont pas fait l'objet d'une réflexion assez poussée et qui auront de lourdes conséquences sur certaines industries.
Le député a-t-il en mémoire d'autres exemples de projets de loi omnibus irréfléchis?
M. Roy Bailey: Madame la Présidente, j'ai passé une bonne partie de ma vie dans l'administration locale et provinciale. Je n'a jamais vu un projet de loi comme celui-là au niveau municipal ou provincial et je ne l'aurais jamais accepté non plus. Si cela devait devenir une habitude, la démocratie en prendrait un coup et nous nous tirerions littéralement dans les pieds.
Les pourvoiries représentent une industrie très importante en Saskatchewan. J'ai deux neveux qui sont propriétaires exploitants d'une pourvoirie, mais ils ont maintenant compris qu'ils devaient vendre et passer à autre chose. Le projet de loi C-68 a tué leur entreprise. Des clients qui sont venus chez nous pendant quarante ans, comme leurs grand-parents l'ont fait avant eux, ne viennent plus. Nous avons détruit une industrie très importante. C'est ce que le projet de loi C-68 a fait.
En y pensant bien, je ne me souviens pas qu'aucun des clients réguliers des pourvoiries aient jamais commis une infraction dans une des provinces canadiennes.
Permettez-moi d'être clair. Cela me fait penser à une vente aux enchères. Il arrive qu'un seul objet d'un lot nous intéresse mais qu'il faille acheter tout le lot pour l'obtenir. Il y a de bons éléments dans ce projet de loi, mais pour pouvoir les appliquer, nous devons accepter toute une série de bêtises. J'espère que le gouvernement acceptera de diviser le projet de loi.
L'hon. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Madame la Présidente, je n'hésite pas à admettre à la Chambre que, moi aussi, je m'inquiète beaucoup de tous les aspects de ce projet de loi omnibus.
Je voudrais interroger le député sur les détails du projet de loi qui touchent la question qui le préoccupe. Il a déclaré que le projet de loi permettrait à n'importe quel cinglé de définir la cruauté et je voudrais qu'il développe cette déclaration.
En tant qu'agriculteur, j'ai travaillé dans des exploitations bovines de l'Ouest. Comment le député interprète-t-il le libellé du projet de loi sur la marquage au fer du bétail? Est-ce que cela fait problème aussi?
M. Roy Bailey: Madame la Présidente, je ferai remarquer au député que le projet de loi ne renferme aucune définition de la cruauté. Qui en décidera alors?
Mon beau-frère a dû comparaître en cour parce qu'il avait tué un écureuil installé dans son grenier. On a dit que c'était de la cruauté envers les animaux. S'il avait fallu qu'on m'accuse chaque fois que j'ai pris une .22 et tiré un spermophile de Richardson, j'aurais passé ma vie en prison.
Le député sait bien que le problème est la terminologie qui détermine quelles sont les activités cruelles. On ne le sait pas. On devrait féliciter les éleveurs et les agriculteurs qui gèrent cela eux-mêmes.
Je vais transmettre au député une demande présentée l'autre jour concernant la taille minimale des remorques pour chevaux. Pour réellement entendre les gens que préoccupe la cruauté envers les animaux, allons voir ceux qui élèvent des animaux pour gagner leur vie. On ne peut se contenter d'un projet de loi aussi vague en ce qui concerne la cruauté.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Madame la Présidente, avant d'aller à l'essentiel de mon propos, permettez-moi de prendre seulement 30 secondes pour offrir mes meilleurs voeux de succès à notre nouveau whip, ici à la Chambre, le député de Témiscamingue, et à la formidable équipe qui l'entoure.
On connaît tous la promotion dont il a été l'objet et je suis sûr que mon enthousiasme est partagé à l'idée qu'il s'acquittera de ses fonctions avec deux facettes de sa personnalité, c'est-à-dire un autoritarisme de bon aloi et une générosité sans cesse démentie.
C'est quand même assez incroyable de constater que nous sommes en présence d'un projet de loi aussi indigeste, incohérent, inacceptable, truffé de lacunes sur le plan des définitions et qui représente une macédoine assez incohérente, quand même.
Madame la Présidente, j'ai été élu en même temps que vous, en 1993, bien que je sois de quelques années votre cadet, et je n'aurais jamais cru me retrouver un jour en cette Chambre et devoir parler d'un projet de loi aussi incohérent.
Comment peut-on prétendre à une saine gouverne, dans la vie publique, être un gouvernement et demander aux législateurs de s'acquitter correctement, adéquatement, avec minutie et conscience professionnelle de leur travail qui est celui d'étudier les lois, et avoir un projet de loi aussi insaisissable dans son fond?
On aurait compris si le gouvernement avait choisi de s'attaquer à une problématique d'importance qu'est la cruauté envers les animaux. Bien sûr, il y a un nouveau courant d'opinion; on fait l'objet de représentations comme élus. Nous savons que la cruauté envers les animaux nécessite de resserrer les dispositions législatives existantes et, notamment, les dispositions législatives à l'intérieur du Code criminel.
On aurait compris si le gouvernement avait choisi de valider son projet de loi. Contrairement à mes collègues, je ne suis pas de ces gens un peu «téteux» ou «néotéteux» qui ne veulent pas aller au fond des choses. J'aurais été extrêmement content de faire mon travail de parlementaire, d'écouter ce que les gens dans les communautés ont à dire sur la cruauté des animaux, et j'aurais été extrêmement heureux de prêter mon concours pour que l'on ait le meilleur projet de loi possible.
Mais ce n'est pas de cela dont il est question. Dans le même projet de loi, on parle du désarmement des agents de la paix; on parle de la Loi sur l'enregistrement des armes à feux; on parle des erreurs et des modalités de révision judiciaire.
Est-ce qu'on pourrait m'expliquer? Je demande amicalement à mes collègues de la majorité ministérielle, devenus cruellement silencieux en la matière, de me dire comment tout cela leur a été présenté à leur caucus. Est-ce que quelqu'un du côté du gouvernement peut expliquer quel est le fil conducteur entre la révision des erreurs judiciaires, le contrôle des armes à feu--on se rend compte que je suis sans cesse alimenté par mes collègues, c'est ce qui fait que j'ai l'impression de donner le meilleur de moi-même--la cruauté envers les animaux, l'aggravation des peines, les mécanismes de révision des erreurs judiciaires, la question du désarmement des agents de la paix et, bien sûr, la Loi sur les armes à feu?
Personne ne pourra le faire. J'espère que durant la période des questions et commentaires, quelqu'un du côté de la majorité ministérielle se lèvera et, sous prétexte de me poser une question, répondra à cette question.
Ne nous y trompons pas, le député de Berthier--Montcalm, que vous tenez en haute estime, tout comme moi, s'est levé en cette Chambre et a fait comprendre clairement qu'il y a certaines dispositions du projet de loi que nous appuyons sans réserve.
Par exemple, il y a toute la question--question importante s'il en est--de l'exploitation sexuelle des enfants par un nouveau médium qui n'existait pas durant notre enfance, mais qui a pris une importance fulgurante au cours des dix dernières années, en fait peut-être plus particulièrement au cours des cinq dernières années, et je parle de l'Internet.
Voilà des dispositions importantes qu'il faut inscrire dans le Code criminel et qui nécessitent que, comme parlementaires, nous ayons un vrai débat. Mais diable, comment peut-on nous demander de voter cette espèce de macédoine proprement indigeste qu'est ce projet de loi C-15?
Je ne peux pas m'imaginer cela. Au ministère de la Justice, il y a des rédacteurs sérieux. Il y a des gens qui ont certainement dû dire au gouvernement: «Ce n'est pas très raisonnable de vouloir mettre dans un même projet de loi des problématiques qui n'ont rien à voir les unes avec les autres.»
S'il nous fallait, pour ceux qui viennent de se joindre à nous, faire une synthèse du projet de loi, je dirais que huit grands axes le caractérisent.
Comme je viens de le mentionner, il y a ces références à la création de nouvelles infractions visant à protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle, notamment celle mettant en jeu l'utilisation d'Internet.
Le député de Berthier--Montcalm me corrigera par un signe de tête si je me trompe, lui dont l'érudition juridique est connue, mais je crois que cela fait suite à un jugement de cour. Est-ce que cela ne fait pas suite à un jugement rendu par la Cour suprême de Colombie-Britannique, si je ne me trompe pas? Le député opine du bonnet, donc je crois que je ne me trompe pas.
Le deuxième axe du projet de loi est celui qui consiste à augmenter la peine maximale dans le cas du harcèlement criminel. Voilà une disposition importante
Avec le troisième point, on commence à s'éloigner un peu de la cohérence. En fait, si le philosophe Pascal était ici, il dirait de ce projet de loi que le centre est partout et la périphérie nulle part. Le troisième axe de ce projet de loi fait de l'invasion de domiciles une circonstance aggravante pour la détermination de la peine.
Donc, on est parti de la cruauté des animaux, en passant par la pornographie infantile, le harcèlement sexuel et on se retrouve avec l'invasion de domiciles. Ce n'est pas facile de trouver un fil conducteur un peu cohérent dans pareille disposition.
Quatrièmement, le projet de loi nous propose une infraction remaniée, créant une infraction en réprimant le fait de désarmer un agent de la paix ou de tenter de le faire. C'est une disposition importante. D'ailleurs, à chaque année, les policiers viennent pour une journée de sensibilisation sur la Colline parlementaire. Depuis plusieurs années, je rencontre les policiers, comme plusieurs de mes collègues, et je sais donc que c'était là une de leurs revendications. Faut-il inscrire cela dans un projet de loi comme celui qu'on nous propose? Il m'est permis d'en douter.
Comme cinquième axe, le projet de loi augmente les peines pour les infractions concernant la cruauté envers les animaux. Comme c'est trop suave--on a juste une vie à vivre--, vous me permettrez de dire combien ce projet de loi est imprécis et combien il prête le flanc à la critique au chapitre des définitions.
Dans la définition proposée: «Qu'est-ce qu'un animal?»—évidemment la question se pose et on sait qu'il faut avoir les idées claires—, on dit ceci:
«animal» s'entend de tout vertébré--à l'exception de l'être humain--et de tout autre animal pouvant ressentir la douleur. |
On se pose la question: est-ce qu'un agriculteur qui empoisonne volontairement un rat sera reconnu coupable en vertu de l'article 15 du projet de loi? Cette question ne trouve pas immédiatement de réponse à partir des définitions qui nous sont proposées.
Je veux être clair. On est quand même en faveur de plusieurs dispositions importantes du projet de loi, mais le débat dont nous sommes saisis aujourd'hui, celui auquel nous sommes conviés, c'est l'amendement proposé par nos collègues de l'Alliance canadienne, soit la nécessité de scinder le projet de loi.
Le député de Berthier--Montcalm me disait tantôt, lui qui connaît bien ces questions, qu'il y avait au moins matière à trois projets de loi distincts. À partir de l'une et l'autre des dispositions, on pourrait faire trois projets de loi qui auraient pu suivre le processus parlementaire que l'on connaît: dépôt du projet de loi, adoption en deuxième lecture, renvoi à un comité, troisième lecture, débat et renvoi à l'autre Chambre.
Encore une fois, j'espère que quelqu'un de la majorité ministérielle va se lever et nous expliquer quel est cet empressement à adopter un ensemble de mesures dans un projet de loi omnibus. Il faut donner un sérieux avertissement au gouvernement. Cela commence à faire et à bien faire cette idée de nous présenter des projets de loi omnibus qui font en sorte qu'il y a une certaine confusion. On les adopte en toute vitesse et, finalement, cela crée, je le répète, de l'incohérence.
Nous n'avons pas été élus à la Chambre pour ne pas avoir les idées claires. Je pense qu'il faudrait se rappeler ce mot du philosophe Boileau qui dit: «Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire viennent aisément».
Mais ce n'est pas ainsi que cela ne commence; ça commence avec:
Il est certains esprits dont les sombres pensées
Sont d'un épais nuage toujours embarrassés
Et le jour de la raison ne saurait les percer.
Eh bien, je dois dire à la ministre de la Justice en toute amitié que le «jour de la raison» ne l'a certainement pas percée et que son esprit est embrumé d'épais nuages puisqu'il faut quand même avoir un certain culot de front de boeuf pour oser présenter le projet de loi C-15, un projet de loi ominibus, traversé par huit principes différents qui mettent en cause autant de problématiques qui n'ont rien à voir les unes avec les autres, si ce n'est, bien sûr, que de se retrouver dans le Code criminel.
Ce que nous pourrions souhaiter de mieux, c'est que les pages se promènent ici dans la Chambre, qu'ils ramassent le projet de loi, que le ministère de la Justice refasse ses devoirs et qu'il nous présente, comme le soulignait judicieusement le député de Berthier--Montcalm, deux ou trois projets de lois. Et là, je peux vous assurer que nous allons contribuer de manière extrêmement sérieuse et raisonnable, avec toute la bonne foi qui a toujours caractérisé le Bloc québécois, à l'étude du projet de loi.
Loin de moi l'idée de minimiser la question de la cruauté envers les animaux, celle du harcèlement sexuel ou de la pornographie infantile sur Internet qui, comme on le sait, a fait l'objet d'un jugement de la cour.
Nous n'avons pas à être fiers de ce qui se passe aujourd'hui. Non seulement n'avons-nous pas raison d'être fiers, mais c'est même très laid de vouloir utiliser sa majorité pour confondre l'opposition. Rappelons que, comme nous sommes ici depuis trois mandats, nous en avons vu des tentatives malveillantes comme celle-là.
Si j'avais un voeu à formuler, ce serait que l'on convienne, de part et d'autre, du côté de la majorité ministérielle et du côté de l'opposition, de mettre fin à cette pratique de présenter des projets de loi omnibus et de prendre le temps qu'il faut pour déposer des projets de loi avec des problématiques très bien circonscrites.
Quand les problématiques sont bien circonscrites, il est facile, pour les législateurs que nous sommes, de comprendre les finalités auxquelles souscrit le gouvernement. Faisons rigoureusement notre travail ici à la Chambre, en comité et lors de l'étude en troisième lecture. N'est-ce pas ce à quoi les électeurs qui nous ont prêté leur voix pour que nous venions ici à la Chambre s'attendent? N'est-ce pas là une attente légitime de la part de nos concitoyens? Malheureusement, je le répète, ce n'est pas ce qui se passe aujourd'hui.
Il faudrait demander à nos concitoyens ce qu'ils souhaitent que nous adoptions comme attitude. Ce qui est dramatique dans la situation que nous vivons aujourd'hui--le député de Berthier--Montcalm s'en est confessé tout à l'heure--c'est que nous sommes perdants quoi que nous fassions. Par exemple, nous voulons qu'il y ait des interdictions très claires d'utilisation du recours à la pornographie juvénile sur Internet; nous souhaitons que le législateur inscrive des dispositions plus musclées à l'intérieur du Code criminel.
Nous pouvons souscrire à une dimension très particulière du projet de loi C-15. Mais comment peut-on départager notre volonté de faire un débat réel sur la question de la pornographie infantile avec la coexistence de dispositions qui concernent les mécanismes de révision des erreurs judiciaires? La question des erreurs judiciaires n'est pas une problématique anodine. Le député de Repentigny a d'ailleurs lui-même déposé un projet de loi d'inititiative parlementaire qui va en ce sens.
Rappelons qu'il existe de nombreuses erreurs judiciaires. Des gens ont été écroués, ils ont passé 15, 20, 25 ans en prison sur la base de faits qui ne se sont pas avérés justes. Nous avons des exemples extrêmement patents de gens dont la vie a été gâchée parce que la justice a erré.
Il y avait d'ailleurs, si on me permet d'y référer avec toute la franchise dont je suis capable, la commission Marshall qui s'est penchée sur ce problème.
La commission Marshall a recommandé que lorsqu'il est question d'erreurs judiciaires, de révision d'erreurs judiciaires et de correctifs à apporter, que l'on soit capable de se mettre à l'abri de toute espèce d'ingérence et d'interventions politiques et qu'il y ait un organisme indépendant qui assurera une révision juste et équitable, animée par les principes de justice fondamentale et les principes de justice naturelle.
Je comprends, de par le projet de loi qui est devant nous, que ce n'est pas dans ce sens que le gouvernement nous invite, puisque c'est une décision qui appartiendra à la ministre de la Justice. Encore une fois, ce n'est pas personnel. On ne dit pas que la ministre de la Justice n'est pas capable de prendre de bonnes décisions. On dit: «Pourquoi ne pas aller conformément à une tendance qu'on observe en administration publique, qui est de départager le rôle du législatif de l'exécutif et de faire en sorte qu'il y ait des gens indépendants, à l'abri de toute intervention politique, qui rendent des décisions».
Donc, vous le sentez, vous avez devant vous quelqu'un de triste. Malheureusement, je crois que nous serons, à cet égard, extrêmement vindicatifs et nous utiliserons le meilleur de nous-mêmes, comme groupe parlementaire, pour obtenir un résultat, soit celui de scinder le projet de loi. Il me semble que ce n'est pas démesuré. Il me semble que ce n'est pas quelque chose qui est déraisonnable.
Je vois les collègues de la majorité ministérielle; ils admettront avec moi qu'on gagne tous à avoir les idées claires quand on fait de la politique, qu'on gagne tous à faire en sorte que chacun d'entre nous comprenne ce sur quoi on vote.
Il faut parler d'une chose extrêmement importante. Est-ce que le projet de loi C-15 doit être la priorité du gouvernement? Dans ma circonscription, on est rendus à quatre débits de boisson qui ont explosé. La guerre des motards a repris à Montréal. Il y a peut-être des gens qui se sont bercés de l'illusion qu'on était en présence d'une accalmie. Bien, ce n'est pas le cas. Les débits de boisson explosent. On a commencé à Saint-Henri. C'est rendu dans Hochelaga--Maisonneuve. Le député de Berthier--Montcalm et moi-même, ainsi que notre collègue critique du solliciteur général, avons travaillé très, très fort en comité parlementaire pour bonifier le projet de loi C-95, qui est devenu le projet de loi C-24.
Le projet de loi n'est pas parfait, on le sait. Mais on a mieux circonscrit les infractions. On a ajouté des circonstances aggravantes. On a mieux défini, de telle sorte qu'il y a des gens qui n'étaient pas inclus dans la loi et qui le sont. Avec le projet de loi C-24, des gens qui sont en aval ou en amont du système judiciaire feront l'objet d'une meilleure protection.
On aurait souhaité que le processus suive un cours beaucoup plus diligent que cela. Il y avait beaucoup d'autres priorités pour le gouvernement que celle de nous proposer le projet de loi C-15.
Je m'égarerai quelques instants dans le domaine de la santé, qui est quand même ma première responsabilité. La députée de Drummond, qui n'est pas une tête folle, qui n'est pas une personne intempestive, qui n'est pas une personne qui manque de jugement, dont le jugement est certain lorsqu'elle parle de ces questions, a fait le constat que, dans le projet de loi qui nous a été proposé par ce gouvernement sur les nouvelles technologies de reproduction assistée, il y a toujours cette tendance à recourir à des dispositions omnibus. On n'a pas été capable de nous proposer immédiatement un projet de loi qui aurait interdit le clonage à des fins reproductives, comme à des fins thérapeutiques.
L'opposition aurait prêté son concours diligent à une problématique et à un projet de loi comme celui-là. Je le répète, qu'est-ce qui justifie qu'on se retrouve avec un projet de loi aussi mal foutu, avec des tendances à l'implosion de l'intérieur, tant les contradictions sont multiples? On aurait très bien pu se livrer au débat sur les nouvelles technologies de la reproduction, parce que—ne l'oublions pas—, il y a un vide juridique en ce moment.
Il ne serait pas impensable qu'un chercheur de l'Italie, de l'Allemagne, de la France, ou de n'importe où à travers le monde, vienne au Canada, se livre à la manipulation d'embryons humains et se retrouve dans une situation où l'on se livre à des manipulations génétiques qui pourraient conduire vers le clonage. Nous serions totalement impuissants.
Comme on a pu le constater cet été, il y a un vide juridique, car il n'y a pas de disposition dans le Code criminel permettant à la Couronne d'engager des poursuites sur cette base. Voilà un travail que nous aurions pu faire.
En terminant, je dirais que la meilleure chose qui puisse nous arriver, c'est que l'on décide de scinder le projet de loi. Le gouvernement devrait se rendre à cette demande. Une fois le projet de loi scindé, le gouvernement pourrait compter sur l'opposition pour faire un travail sérieux et rigoureux, comme d'habitude.
[Traduction]
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne): Madame la Présidente, je remercie le député de son intervention. Un consensus étonnant se dégage parmi les députés de ce côté-ci de la Chambre, et je sais qu'un grand nombre de nos vis-à-vis sont également d'accord. Un député d'en face s'est dit d'accord sur bon nombre des questions qui viennent d'être soulevées.
Dans ma circonscription, les gens sont très préoccupés par certains aspects du projet de loi. Lorsque nous parlons de pornographie sur Internet et des pornographes qui attirent des enfants au moyen d'Internet, nous savons que cela soulève de vives préoccupations. Des Canadiens de toutes les régions du pays sont très inquiets. Ils se demandent pourquoi la mise en oeuvre du projet de loi a été retardée. Les questions que nous avons dû soulever maintes et maintes fois à la Chambre sont claires.
On a donné des exemples horribles d'intrusions dans des domiciles de notre région et, j'en suis sûr, de toutes les autres régions. Des actes de brutalité sont commis, particulièrement contre des personnes âgées, qui deviennent des victimes de ces actes dans leur domicile. Je crois que des aspects du projet de loi feraient l'unanimité et seraient adoptés très rapidement à la Chambre, comme en témoignent bien les interventions qui ont été faites sur le projet de loi aujourd'hui et par le passé.
Le fait de désarmer ou de tenter de désarmer un agent de police, de même que les allégations d'erreur judiciaire sont des aspects qui valent d'être appuyés.
Toutefois, j'abonde dans le sens du député, et je tiens à réitérer les préoccupations que la cruauté envers les animaux suscite dans ma circonscription. Nous vivons dans une région rurale, et nous sommes témoins d'actes de cruauté envers les animaux commis par des gens négligents qui oublient de nourrir leurs animaux ou de s'occuper des femelles gestantes. J'ai vu des animaux délaissés dans la rue où j'habite, et la collectivité s'inquiète de la situation. Il est évident que des mesures doivent être prises en vue de protéger les animaux. Dans ma circonscription, les gens se demandent d'ailleurs pourquoi l'adoption de mesures législatives a été reportée.
Cependant, en ce qui concerne l'assimilation des responsabilités en matière de protection et de droits des animaux, je pense que les gens de l'industrie agricole et les collectivités qui font de la chasse et de la pêche et qui mènent des activités agricoles ont raison de s'inquiéter. L'utilisation légitime des animaux est compromise en raison de la formulation boiteuse du projet de loi, de ses liens avec la Loi sur les armes à feu et ainsi de suite.
Nous sommes d'accord avec maints arguments invoqués par le député du Bloc et d'autres députés dans cette Chambre à l'effet que les députés ne peuvent accepter de voter en bonne conscience sur un assemblage aussi disparate de questions jetées pêle-mêle. En revanche, il y a certains aspects du projet de loi que nous accueillons du fond du coeur.
La question que je veux poser au député concerne les appels que je reçois dans ma circonscription de la part de gens qui sont témoins d'actes de cruauté envers les animaux et qui veulent savoir pourquoi nous ne prenons pas les mesures qui s'imposent, et aussi la part de gens qui s'inquiètent de la pornographie sur Internet et qui veulent savoir pourquoi nous ne prenons pas les mesures qui s'imposent. Je me demande si son bureau de circonscription reçoit autant d'appel que le mien et, comme c'est certainement le cas, autant que d'autres bureaux de circonscription?
[Français]
M. Réal Ménard: Madame la Présidente, je remercie notre collègue pour ses commentaires. Je crois avoir assez bien expliqué, dans mon intervention, l'incohérence du projet de loi. Mais nous ne devons pas donner à penser que le gouvernement ne doit pas agir relativement à la cruauté envers les animaux.
Lorsque nous avons discuté de ces dispositions en caucus, notre porte-parole nous a fait valoir que les dispositions du Code criminel se référant à la cruauté envers les animaux datent de la fin du XIXe siècle. Une modernisation doit donc être effectuée, avec des définitions très précises des réalités auxquelles on réfère.
Certains de mes collègues s'inquiétaient du fait que la définition de «cruauté» pouvait possiblement être incompatible avec des activités qui sont reliées à la pêche et la chasse et qui sont légales aujourd'hui. Il faut donc départager ce que l'on souhaite voir continuer comme activité récréative et les infractions que l'on souhaite clairement condamner pour ceux qui se livrent à des activités attentatoires à l'intégrité des animaux.
Nous souscrivons d'ailleurs à cette idée qu'un animal n'est pas seulement un bien. On a des préoccupations liées aux grands organismes de protection des animaux qui souhaitent que l'on identifie clairement les châtiments liés à la douleur infligée aux animaux.
Notre collègue rappelait également combien toute la question de l'exploitation sexuelle sur un nouveau médium--Internet--est très importante.
D'ailleurs, il y a eu une cause célèbre en Colombie-Britannique. Je crois que notre collègue est de Colombie-Britannique, si je ne m'abuse, et on sait que ce n'est pas une question de liberté d'expression. On ne peut pas accepter qu'un médium comme celui-là fasse en sorte qu'il y ait de l'exploitation d'enfants, qu'il y ait des scènes disgracieuses, qu'il y ait des images absolument incompatibles avec les valeurs morales que l'on souhaite mettre en oeuvre et promouvoir dans notre société. Il est important, non seulement de resserrer les contrôles, mais aussi les infractions liées au fait de se livrer à de telles pratiques.
Nous sommes sensibles à cette problématique. Nous souhaitons faire la part des choses. Encore une fois, nous aurions souhaité être en présence de deux, trois ou quatre projets de loi pour que chacun des débats trouve son mérite, sa pertinence et son autonomie.
[Traduction]
M. Howard Hilstrom (Selkirk--Interlake, Alliance canadienne): Madame la Présidente, j'ai une question, mais j'aimerais auparavant faire un ou deux commentaires.
Quand j'ai parlé plus tôt aujourd'hui d'un programme caché, je faisais référence à une partie du projet de loi qui dit essentiellement qu'il est illégal d'avoir un faisan en captivité et de le relâcher dans un champ de maïs pour la chasse. Je crois que cette disposition figure toujours dans le projet de loi, ce qui était mon argument, à savoir qu'il y a un programme caché.
J'ai fait partie il fut un temps de la GRC. Je le précise car je crois que c'est pertinent dans le cadre de ce débat. Il y a toujours eu une loi prévoyant des poursuites en cas de cruauté envers les animaux. Le seul problème était de savoir si le procureur de la Couronne serait d'accord ou non pour porter l'affaire devant les tribunaux. Ce n'était pas bien sûr du ressort de la police, mais la loi était là.
Le défaut de la loi est que la sanction prévue était très légère, de même que la peine prononcée par les tribunaux.
La question que je veux poser à mon collègue comporte deux volets. Croit-il qu'il y a un programme caché derrière ce projet de loi? Pense-t-il que les peines auraient pu être renforcées dans le code criminel existant? Ne pense-t-il pas que, s'agissant de l'industrie du bétail, l'article justifiant légalement la zootechnie et l'introduction d'une étiquette dans l'oreille de l'animal devrait être transposée dans la nouvelle mesure législative?
[Français]
M. Réal Ménard: Madame la Présidente, voilà des questions assez précises, auxquelles il me fait plaisir de répondre au meilleur de ma connaissance.
Nous sommes en présence d'un régime d'infractions mixtes: la possibilité d'un emprisonnement maximal de cinq ans ou de dix-huit mois. Sans être un spécialiste des questions de détermination de la peine, il m'apparaît que c'est quelque chose assez standard, compte tenu des circonstances auxquelles on pourrait être exposés. Je n'ai donc pas l'impression que, du côté du Bloc québécois, nous ferions nécessairement une bataille de fond sur la question du régime d'infractions proposées, mais plutôt sur la nécessité que le projet de loi soit scindé.
Concernant la deuxième partie de la question de notre collègue, à savoir si le gouvernement a des intentions ou des idées cachées, évidemment, le gouvernement n'a pas toujours été clair et limpide dans ses idées. Comme on le sait tous, nous sommes en présence d'un gouvernement qui, sur le plan des idées, est assez opaque.
Je veux bien partir de la prémisse que la bonne foi se présume et que la mauvaise foi se prouve, je ne veux pas, à ce moment-ci, donner à penser que le gouvernement a des intentions cachées. Mais je dis que cette façon de présenter un projet de loi qui met en présence des problématiques aussi diverses les unes des autres engendre une confusion qui n'est pas à l'honneur du gouvernement.
[Traduction]
M. Larry Spencer (Regina—Lumsden—Lake Centre, Alliance canadienne): Madame la Présidente, la ministre fédérale de la Justice a assuré à la Chambre des communes que «ce qui est légal aujourd'hui dans le cadre d'activités légitimes le sera encore lorsque le projet de loi aura reçu la sanction royale». Les ministres de la Justice ne restent pas indéfiniment en fonctions, cependant. Le député croit-il que tous les ministres de la Justice tiendront le même discours?
[Français]
M. Réal Ménard: Madame la Présidente, je n'ai pas très bien compris la question, mais à une séance ultérieure, je pense qu'on pourrait y répondre. Je n'ai pas trop compris le sens de la question; je suis désolé.
Le président suppléant (Mme Bakopanos): On dispose d'un peu de temps, si le député veut répéter sa question, il peut le faire.
[Traduction]
M. Larry Spencer: Oui, madame la Présidente. La ministre a dit que ce qui est légal aujourd'hui le restera lorsque le projet de loi aura reçu la sanction royale.
Si un nouveau ministre de la Justice entre en fonctions, la ministre actuelle soutient-elle toujours que ce qui est légal lorsqu'un projet de loi est adopté le sera toujours 5 ou 10 ans plus tard?
[Français]
M. Réal Ménard: Madame la Présidente, je comprends de manière subliminale que tous les députés de cette Chambre souhaitent un remaniement ministériel avant la fin de la session.
[Traduction]
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne): Madame la Présidente, je suis très heureux de vous voir de retour au fauteuil. J'espère que vous avez passé de bonnes vacances estivales. La question qui m'étonne est simple. Les députés ministériels siégeaient dans l'opposition avant 1993 et ils sont conscients de l'importance du rôle de l'opposition dans une démocratie.
Ces députés ont siégé dans l'opposition. Ils ont exigé des comptes du gouvernement à la Chambre. Je pourrais tirer du hansard de nombreux exemples pour démontrer l'importance de ce qu'ils ont dit pour la démocratie. Ce que je n'arrive pas à comprendre, maintenant qu'ils siègent de l'autre côté, c'est qu'ils ont oublié ce qu'ils ont dit lorsqu'ils siégeaient de ce côté-ci. Lorsqu'ils siégeaient dans l'opposition, ils dénonçaient les faiblesses de notre démocratie, mais aujourd'hui ils ignorent les conseils qu'ils ont eux-mêmes prodigués.
De nombreux téléspectateurs pourront se demander de quoi nous débattons relativement au projet de loi omnibus. Si je suivais ce débat, je me poserais la même question. Quel est l'objet du débat. Permettez-moi de l'expliquer en termes simples, pour que les gens comprennent bien ce que nous disons.
Le gouvernement a regroupé en un seul projet de loi plusieurs questions de justice qui ne sont pas reliées entre elles, d'où l'extrême difficulté de débattre de ces sujets, qui sont très importants pour les Canadiens. Nous ne pouvons pas les mettre de côté. Ce projet de loi n'est pas une simple mesure administrative.
Permettez-moi d'aborder certains sujets visés dans le projet de loi. L'utilisation de l'Internet pour leurrer les enfants et diffuser de la pornographie juvénile sont des sujets extrêmement importants, compte tenu que l'Internet est accessible à d'innombrables personnes. Cela crée une nouvelle menace qui doit être contrôlée et discutée en profondeur.
Ce projet de loi traite aussi de la question de la cruauté envers les animaux. J'ai reçu énormément de cartes postales de gens concernant le pour et le contre de ce qui est considéré comme étant de la cruauté envers les animaux. Je suis certain que chaque député a reçu beaucoup de lettres de gens que cette question préoccupe. Les Canadiens des régions rurales dont le travail les amène à être en contact avec des animaux tous les jours voient la question d'un oeil différent. Ils veulent plus de précisions afin de ne pas enfreindre la loi.
Mon collègue, qui est le plus ancien député de l'Alliance canadienne et probablement le plus ancien député à la Chambre, a parlé de la possibilité d'avoir à purger une peine d'emprisonnement pour avoir tué des écureuils. J'espère qu'on n'en viendra pas là. Il essayait simplement de montrer que le projet de loi n'est pas clair du tout.
Le projet de loi prévoit aussi des modifications à la Loi sur les armes à feu, le projet de loi C-68, un sujet totalement différent. Il y est également question du harcèlement criminel, de même que de la question du désarmement d'un policier. C'est une question très sérieuse dont nous devons discuter pour voir quelle peine pourrait être imposée et quelle procédure pénale devrait être suivie.
Ce projet de loi traite de beaucoup de questions différentes. Nous disons qu'il nous est impossible d'avoir un débat adéquat sur toutes ces questions importantes parce que les députés ne sont pas capables de parler des préoccupations de leurs électeurs.
Ce projet de loi a été rédigé par des bureaucrates qui voulaient qu'il soit adopté. Ils n'auraient pas dû l'envoyer à la Chambre des communes. Ils auraient dû procéder par réglementation. Le projet de loi ne reflète pas les désirs des Canadiens, mais bien ceux des bureaucrates qui n'ont pas été élus pour représenter les Canadiens. Contrairement aux représentants élus, les bureaucrates ne reçoivent aucune rétroaction de la population.
J'ai été le porte-parole de mon parti concernant l'ACDI et je sais que le gouvernement dépense des millions de dollars pour faire venir au Canada des gens vivant dans de nouvelles démocraties pour leur montrer comment fonctionne la démocratie. Au cours du dernier siècle, la Chambre s'est érigée en un forum très respectable où l'on débat de sujets différents. Cependant, on bafoue les droits démocratiques de la nation en y présentant des projets de loi comme celui-ci.
Qu'est-ce que la démocratie? La démocratie c'est un gouvernement qui répond de ses actes, c'est le droit qu'ont les citoyens de s'exprimer par la voix de leurs représentants élus qui siègent dans cette Chambre.
Et voilà qu'on nous soumet cela, un projet de loi omnibus rédigé par des bureaucrates, qui interdit toute discussion en profondeur sur certaines questions afin d'exprimer le point de vue de tous les Canadiens. Nous avons un grand pays où l'on trouve une grande diversité d'opinions. Le gouvernement aime parler de diversité et dire qu'il se fait le défenseur de la diversité. La diversité implique des points de vue différents provenant d'un océan à l'autre, des milieux urbains et ruraux.
Nous n'avons pas la possibilité d'exprimer ces points de vue parce qu'on a regroupé une foule de sujets dans un même projet de loi et, à 17 h 30, tout sera terminé. On aura adopté le projet de loi sans trop de débat.
Ces dispositions législatives ont été rédigées par des bureaucrates qui travaillent dans des bureaux à Ottawa et qui ne représentent pas la diversité canadienne. Les députés ici dans cette enceinte représentent cette diversité.
En parlant avec des visiteurs étrangers venus voir la démocratie à l'oeuvre, je les ai prévenus d'être vigilants et de ne pas laisser s'éroder les droits de l'opposition, car ce sont les droits de la population de rendre le gouvernement responsable de ses actes. Il faut dénoncer l'érosion de ces droits. Le projet C-15 nous tient lieu d'exemple.
Bon nombre de députés gouvernementaux ont eux aussi reconnu cet état de fait. Lorsqu'ils étaient dans l'opposition, ils comprenaient l'importance du rôle de l'opposition. Eux aussi voient un danger et des signaux d'alarme dans le projet de loi C-15. Cependant, ils ne peuvent s'exprimer tout haut. Il n'en demeure pas moins qu'ils sont inquiets.
Il y a actuellement cinq députés gouvernementaux présents dans cette Chambre. Au cours de la dernière heure et demie, je n'en ai pas vu un seul prendre la parole.
Le président suppléant (Mme Bakopanos): Je rappelle au député qu'on ne doit pas mentionner l'absence ou la présence de députés à la Chambre.
M. Deepak Obhrai: Je n'en parlerai pas, madame la Présidente. Personne n'a toutefois défendu le point de vue du gouvernement. Nous espérions qu'il y aurait une défense beaucoup plus vigoureuse de cette question démocratique et que quelqu'un pourrait expliquer pourquoi tout est regroupé dans un seul projet de loi.
Le fait d'attirer des enfants à des fins sexuelles et la pornographie juvénile sont des problèmes importants de nos jours. Ce sont des problèmes à cause de la prolifération d'Internet dans le monde entier. Les gens en abusent, et nous devons donc nous montrer vigilants. Nos électeurs nous ont écrit parce qu'ils sont préoccupés. Nous appuyons les dispositions du projet de loi qui concernent ces aspects.
Nous ne pouvons par contre appuyer dans leur forme actuelle les dispositions sur la cruauté envers les animaux, parce que nous avons besoin de plus de précisions et que nous devons en discuter davantage. Ce projet de loi devrait être une mesure législative efficace et non pas comporter des failles béantes qui, au bout du compte, l'empêchent d'atteindre son objectif.
Au cours du débat sur les malheureux incidents qui ont eu lieu aux États-Unis, nous avons signalé les énormes échappatoires de la loi sur l'immigration. J'ai entendu la ministre de l'Immigration dire à la télévision qu'elle allait colmater ces trous béants. Toutefois, la loi sur l'immigration présente encore des trous béants à colmater.
Que donnera ce projet de loi omnibus? Rien. Pourquoi ne pas s'y être pris correctement dès le départ en présentant des projets de loi séparés? Parce que le gouvernement n'a pas de programme.
Si l'on consulte le calendrier, on se rend compte qu'il n'y a pas grand-chose au programme à long terme. Ni vision, ni initiatives solides. J'estime pour ma part que le gouvernement est sur le régulateur de vitesse. Pourquoi alors se dépêcher de tout mettre dans un seul projet de loi?
Nous avons beaucoup de questions à poser au sujet de la Loi sur les armes à feu et de la somme que le gouvernement a consacrée à l'enregistrement des armes que nos électeurs qualifient toujours de fiasco. Je reçois beaucoup d'appels de mes électeurs qui me parlent des problèmes que leur cause cet énorme fiasco. En principe, beaucoup violent déjà la loi parce qu'ils n'arrivent pas à enregistrer leurs armes.
Voilà de quoi nous devons parler! Le gouvernement est-il si peu sûr de son propre projet de loi qu'il doive le faire adopter par la bande?
Désarmer un agent de la paix constitue une infraction grave. Des policiers nous ont dit à quel point il était nécessaire de promulguer une telle mesure législative. Beaucoup de députés, en face, n'auront pas accompli leur travail s'ils appuient ce projet de loi parce qu'ils n'auront tenu aucun compte de ce que leurs électeurs leur ont dit à propos de la Loi sur les armes à feu.
Le projet de loi amorce un processus d'érosion du droit démocratique des Canadiens et de l'opposition. Le gouvernement abuse de sa position de force et transforme peu à peu le Canada en dictature assujettie à la volonté d'un seul et même parti.
À ce stade, nous étudions le projet de loi à toute vapeur, sans laisser aux Canadiens le temps de se prononcer à son sujet. Les libéraux sont peut-être majoritaires, mais au moins avons-nous eu le temps d'en examiner chacune des dispositions et d'en discuter convenablement, au lieu de traiter de questions juridiques sans lien entre elles. S'il est adopté, combien d'autres projets de loi d'ensemble nous présentera-t-on? Nous n'en savons rien. Chaque fois que le gouvernement présente un projet de loi qui n'a pas la faveur populaire, il cherche à le faire adopter sans débat. Les ministres tiennent-ils à imposer aux Canadiens des dispositions dont ils ne veulent pas?
Comment freiner la progression d'un projet de loi d'ensemble? Pour l'instant, comme l'a dit mon collègue, nous demandons instamment au gouvernement de bien vouloir réfléchir un instant. Les ministériels ont déjà siégé du côté de l'opposition. Ils savent l'importance du rôle de l'opposition qui doit demander des comptes au gouvernement, débattre des questions et signaler tous les problèmes. Ils peuvent remédier à la situation en retirant le projet de loi et en remettant à l'étude ses différentes dispositions, mais séparément.
Qu'allons-nous dire à nos amis que nous invitons à venir au Canada pour observer le fonctionnement de notre démocratie? Si nous devions leur montrer ce projet de loi et leur expliquer ce qui s'est produit, eux non plus ne sauraient plus où donner de la tête. Pourquoi consacrer des millions de dollars à la promotion de la démocratie? Nous devrions donner l'exemple.
Je dirai en conclusion que le projet de loi a été rédigé par des fonctionnaires dont l'objectif était de nous faire adopter toutes les dispositions sans débat sérieux, car ils estiment avoir la science infuse et s'attendent à ce que les représentants des Canadiens y donnent automatiquement leur aval. C'est de cela dont il s'agit dans le projet de loi.
M. Howard Hilstrom (Selkirk--Interlake, Alliance canadienne): Monsieur le Président, ce fut là encore une excellente intervention et une excellente contribution au débat parlementaire. J'ai parlé tout à l'heure d'un agenda caché, ce qui pour moi veut dire en réalité qu'un gouvernement essaie d'atteindre un objectif par des moyens détournés.
Je ne passerai pas en revue les lois adoptées depuis quelques années, mais en vertu des dispositions du projet de loi C-15 concernant la cruauté envers les animaux, il serait quand même illégal d'avoir des faisans en captivité puis de les mettre en liberté dans un champ de maïs pour en faire la chasse. Il n'y a pas de différence entre chasser un faisan qui a été mis en liberté et un faisan qui circule par hasard dans le champ de maïs.
Nous faisons face à de nombreuses difficultés: le coût des permis fédéral et provincial de chasse, le coût de l'enregistrement des armes à feu, le coût à payer pour obtenir les permis de possession d'armes à feu, les dépenses pour nous rendre dans une zone de chasse et les dépenses pour la nourriture et ainsi de suite. Cela devient tellement compliqué d'être chasseur et, par conséquent, bien des gens ne pratiquent plus ce sport à cause de tous ces obstacles.
L'agenda caché du groupe de pression contre la chasse et pour la défense des animaux, auquel le gouvernement a prêté l'oreille avec ce projet de loi, consiste à mettre fin à toute utilisation des animaux par les humains pour se nourrir. Ce groupe tâche de désarmer complètement les Canadiens car, à mesure que les gens abandonnent la chasse, ils n'ont pas besoin d'armes à feu et ne veulent pas dépenser d'argent pour obtenir un permis.
Le projet de loi C-15 représente une étape de plus vers la réalisation de l'agenda caché consistant à désarmer la population canadienne en rendant illégal de chasser des animaux élevés en captivité. La définition des animaux permettra peut-être de poursuivre un agriculteur qui fait une chose normale comme poser une étiquette à l'oreille d'une vache puisqu'il faut percer un trou dans l'oreille, ce qui cause une douleur momentanée.
Le député pourrait-il dire ce qu'il en pense et, plus particulièrement, croit-il que le projet de loi reflète un agenda caché?
M. Deepak Obhrai: Monsieur le Président, moi aussi je vais donner un exemple. Mon collègue vient d'une région rurale. Il est au courant des conséquences de ce projet de loi. Je viens d'un centre urbain. Je n'y connais rien au marquage du bétail au fer rouge, aux étiquettes qu'on met dans les oreilles des vaches ou autre chose du genre. Mon collègue, lui, est au courant de ces choses.
Si le projet de loi omnibus était scindé en plusieurs parties, nous pourrions alors discuter des choses dont il parle: les droits, les questions concernant la chasse, etc.
De quoi parlons-nous en ce moment? Parlons-nous de la pornographie juvénile sur Internet et de combien ça sera difficile ou allons-nous parler des questions concernant la cruauté envers les animaux, connaissant les dissensions et les divergences d'opinions qui existent entre le Canada urbain et le Canada rural? L'apport des deux au projet de loi est indispensable. Toutefois, c'est un projet de loi omnibus et oui, il cache autre chose.
Comme je l'ai dit dans mon discours, il a été conçu par des bureaucrates d'une manière qu'ils estiment être importantes, peut-être sous la pression de 10 ou 15 ONG ou de groupes d'intérêts qui font leur propre lobbying, mais ils n'ont pas écouté tous les points de vue.
La voix du Canada, c'est le Parlement. C'est ça la démocratie. Si nous regardons autour de nous ici, à la Chambre, nous voyons des députés qui représentent des régions rurales ou des centres urbains. C'est exactement la voix dont nous avons besoin pour produire une mesure législative équilibrée qui tiendrait compte des intérêts de tous les Canadiens.
Mon collègue a absolument raison. Le projet de loi, qui a été conçu par des bureaucrates et qui nous a été proposé sans égard au débat qui devrait avoir lieu sur toutes ces questions, cache des intentions inavouées.
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Alliance canadienne): Monsieur le Président, nous avons en Saskatchewan une industrie importante, qui est commanditée par le plus gros groupe écologique que je connaisse, la Saskatchewan Wildlife Federation. Cette organisation est furieuse contre le projet de loi.
L'une des raisons est qu'elle élève et lâche des milliers de faisans. Ce projet de loi et les défenseurs des droits des animaux veulent mettre fin à cette activité. Ils veulent nous priver de faisans sous cloche, plat que j'aime beaucoup. Ils veulent nous empêcher de chasser. Ils veulent mettre fin à toutes les formes sous lesquelles les gens pratiquent cette activité, qui fait partie de notre patrimoine et de notre tradition. Ce projet de loi va détruire tout cela.
En tant que député, je veux préserver le patrimoine dont font partie les pêcheries de sur la côte est et les pêcheries de la côte ouest. Toutefois, je suis également déterminé à préserver mon propre patrimoine. Ce projet de loi le détruit.
Le député pourrait-il me dire ce qu'il en pense car la destruction de notre patrimoine est une question d'ordre national.
M. Deepak Obhrai: Monsieur le Président, comme à son habitude, mon collègue a exposé avec éloquence les faiblesses du projet de loi, notamment le fait d'associer la cruauté contre les animaux à la pornographie juvénile par l'intermédiaire d'Internet. Comment peut-on faire un lien entre ces deux questions? Seuls le gouvernement et ses bureaucrates peuvent comprendre le lien entre ces questions? Quoiqu'il en soit, mon collègue soulève certains points qu'il aimerait débattre.
Il a signalé les lacunes de la section sur la cruauté envers les animaux. Il a souligné qu'il n'était pas souvent possible de discuter de ces questions. Il désire voter contre le projet de loi parce qu'il tient à préserver le patrimoine. C'est important pour lui. Il se prévaut de son droit démocratique pour exprimer son opposition. Toutefois, il tient à appuyer la mesure législative pour lutter contre la pornographie juvénile parce selon lui c'est également une question importante. Il ne sait pas quelle position prendre. Voilà le problème que pose ce projet de loi!
Je conclus en exprimant mon étonnement. Les libéraux ont déjà formé l'opposition. Ils connaissent l'importance de l'opposition. Ils sont ici depuis 1988.
Une voix: Depuis 1967.
M. Deepak Obhrai: Je parle de ce groupe et de l'actuel premier ministre.
Ils connaissent l'importance que l'opposition accorde à la reddition de comptes de la part du gouvernement. Ils comprendront peut-être éventuellement. À défaut de comprendre, j'espère qu'ils se retrouveront très bientôt dans l'opposition.
[Français]
M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Monsieur le Président, avant de faire des commentaires sur le projet de loi C-15, j'aimerais rappeler la situation géographique de ma circonscription de Argenteuil--Papineau--Mirabel, qui est la seule circonscription située entre deux communautés métropolitaines, soit celle de Montréal et celle de l'Outaouais, plus à l'ouest.
C'est une circonscription dont 50 p. 100 du territoire est agricole et 50 p. 100 est un territoire de forêt, de montagnes et de lacs. Nous pouvons donc nous considérer comme étant une partie du garde-manger du secteur urbain de Montréal et de l'Outaouais et, en même temps, le terrain de jeu de ces mêmes secteurs.
On comprendra donc qu'un projet de loi comme le projet de loi C-15 nous affecte directement, pas parce que nous ne sommes pas conscients que ce projet de loi pourrait et va régler des problèmes très importants.
Quand on parle de pornographie infantile, quand on parle d'exploitation sexuelle des enfants, quand on parle d'invasion de domiciles, quand on parle de créer une infraction réprimant le fait de désarmer un agent de la paix ou de tenter de le faire, on ne peut qu'être en faveur de cette partie du projet de loi.
C'est un projet de loi omnibus. Pour les gens qui nous écoutent, pour utiliser un terme plus terre à terre, c'est un projet de loi «autobus», c'est-à-dire qu'on inclut dans le même document plusieurs modifications qui, prises individuellement, sont très importantes, mais quand on les regroupe dans un même document, elles peuvent apporter de grandes confusions. C'est ce qu'on tente d'expliquer aux députés libéraux, aux ministres et au premier ministre.
Ce que nous disons, c'est que dans le dossier de la cruauté envers les animaux, nous avons de très sérieux problèmes avec la définition du terme «animal» et avec la définition de ce qui peut constituer une cruauté envers les animaux.
Pour que tout le monde nous comprenne bien, c'est une définition large du mot «animal», qui se lit ainsi:
«animal» s'entend de tout vertébré--à l'exception de l'être humain--et de tout autre animal pouvant ressentir la douleur. |
On utilise le terme «animal» pour fixer un projet de loi et, en plus, on crée des infractions qui impliquent des peines d'emprisonnement pour ceux qui les commettent. Dans la liste des infractions créées, on lit:
182.2(1) Commet une infraction quiconque [...] |
c) tue un animal sans excuse légitime; |
d) sans excuse légitime, empoisonne un animal, place du poison de telle manière qu'il puisse être facilement consommé par un animal [...] |
Pour les agriculteurs qui sont omniprésents dans la circonscription de Argenteuil--Papineau--Mirabel, c'est une définition beaucoup trop large et une catégorie d'infractions qui fait que le seul fait d'être agriculteur et de produire de la viande animale vous rend passible de poursuites pénales.
On n'ajoute pas à cela toute la vermine. Quand on est sur un grand territoire, qu'on a la chance d'utiliser de vastes étendues de terrain, il y a de la vermine, des rongeurs. Si on veut exterminer la vermine qui cause des dommages, par ce projet de loi, on pourrait être accusé d'acte criminel.
Cela fait dire à plusieurs députés qui ont pris la parole en cette Chambre contre ce projet de loi, qu'ils sont quand même favorables à une bonne partie de ce projet de loi, mais qu'il y a tout le dossier de la cruauté envers les animaux. Il y aurait donc avantage à reporter ce dossier en comité, pour qu'on en discute de façon à ce qu'aucun des agriculteurs sur le territoire de ma circonscription, sur le territoire de la province de Québec ou sur le territoire du Canada, qui pratique son activité agricole, ne soit passible d'une poursuite pour avoir gagné sa vie de façon très honorable.
On pourrait ajouter à cela que les associations de chasseurs et de pêcheurs qui sillonnent notre territoire--je le répète, on est une partie du terrain de jeu de la communauté métropolitaine de Montréal et de la communauté métropolitaine de l'Outaouais,--ont subi de graves contrecoups face aux modifications, à l'enregistrement des armes à feu, et cetera.
De plus, en ce qui a trait à ces chasseurs et ces pêcheurs, le seul fait de pratiquer leur sport, le seul fait de pêcher et de tuer un poisson sans excuse légitime, ou de le laisser vivre, sans le tuer directement ou immédiatement, pourrait les rendre passibles de poursuites immédiates, selon des procédures criminelles.
Évidemment, on comprendra que cette situation de faits, ce bill «autobus», comme je l'ai baptisé, inclut différentes législations qui sont très acceptables. Les citoyens et les citoyennes de la circonscription d'Argenteuil--Papineau--Mirabel sont tout à fait d'accord à ce qu'il y ait des modifications aux dispositions concernant la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle; la protection des enfants contre le harcèlement sexuel; des protections supplémentaires pour rendre passibles d'une plus grande peine ceux et celles qui désarment les agents de la paix ou des protections concernant l'invasion de domiciles.
Les citoyens et citoyennes d'Argenteuil--Papineau--Mirabel seraient favorables, seraient prêts à adopter un projet de loi en ce sens, et en leur nom, je serais prêt à adopter un projet de loi en ce sens. Cependant, quant à nous, tout le dossier de la cruauté envers les animaux n'est pas à inclure dans un même projet de loi. La protection et le harcèlement sexuel des enfants et la cruauté envers les animaux, c'est quelque chose qu'il faut complètement scinder. Il faudrait que le projet de loi soit divisé en deux.
* * *
[Traduction]
Les travaux de la Chambre
Le président suppléant (Mme Bakopanos): La députée de Vancouver-Est m'a envoyé un avis m'informant qu'elle ne pourrait pas présenter sa motion durant l'heure consacrée aux initiatives parlementaires le vendredi 21 septembre. Comme il n'a pas été possible de faire un échange de places sur la liste de priorité, je demande aux greffiers au Bureau de renvoyer la motion au bas de cette liste.
[Français]
L'heure allouée aux affaires émanant des députés sera donc suspendue et la Chambre poursuivra l'étude des affaires dont elle sera alors saisie.
Comme il est 17 h 30, la Chambre abordera maintenant l'étude des affaires émanant des députés selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.
Initiatives parlementaires
[Initiatives parlementaires]
* * *
[Traduction]
Le Code criminel
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD) propose: Que le projet de loiC-284, Loi modifiant le Code criminel (infractions commises par des personnes morales, administrateurs et dirigeants), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
--Madame la Présidente, j'ouvre aujourd'hui le débat sur le projet de loi C-284, Loi modifiant le Code criminel relativement aux infractions commises par des personnes morales, des administrateurs et des dirigeants.
Ce projet de loi est examiné depuis longtemps par la Chambre des communes et, au fil des ans, il a été nommé de diverses manières: loi sur la responsabilité des entreprises, loi sur la sécurité au travail, loi sur la responsabilité criminelle des sociétés, et loi sur la responsabilité des entreprises dans la mort de leurs employés. Cependant, la plupart des gens la désignent encore par son nom initial, la loi Westray.
Les gens l'appellent la loi Westray en souvenir de la catastrophe survenue à la mine Westray à Stellarton, en Nouvelle-Écosse, le 9 mai 1992. Ce jour-là, 26 mineurs ont perdu la vie quand une explosion de méthane a secoué la mine. Ces 26 décès, comme tant de décès et de blessures qui surviennent en milieu de travail, auraient pu être évités si les dirigeants de cette société n'avaient pas délibérément et systématiquement refusé de respecter les règlements en matière de santé et de sécurité.
L'enquête du juge Richard sur la catastrophe de la mine Westray a été très claire là-dessus. C'est la décision délibérée des dirigeants de la mine de faire fi des règles de sécurité, voire d'encourager l'inobservation de ces règles qui est à l'origine de cette explosion meurtrière. Les mineurs eux-mêmes ont tenté de se plaindre des conditions de travail dangereuses mais leurs plaintes ont été ignorées et ils ont été menacés de renvoi s'ils ne se taisaient pas.
L'affaire de la mine Westray a fait ressortir une lacune béante du système de droit pénal que le projet de loi vient corriger. À l'heure actuelle, la loi ne permet tout simplement pas à notre système de justice de tenir les gestionnaires de société criminellement responsables lorsqu'ils manifestent une indifférence scandaleuse à l'égard de la vie humaine, comme ce fut le cas des gestionnaires de la mine Westray. Le projet de loi modifie le Code criminel du Canada et comprend de nouvelles dispositions visant à imputer la responsabilité aux sociétés, à leurs administrateurs et gestionnaires en pareils cas.
On a dit de la tragédie de la mise Westray qu'elle est la pire tuerie commise par une société dans l'histoire canadienne. Elle a même fait l'objet d'un documentaire très bien reçu de l'Office national du film, projeté la semaine dernière à l'occasion du Festival international du film de Toronto. Pourtant, en dépit de tout cela, aucune accusation criminelle n'a pu être déposée contre les gestionnaires responsables de ce qui s'est produit. Les avocats de la Couronne locaux ont essayé de déposer des accusations, mais ils sont arrivés à la conclusion qu'ils ne pourraient pas obtenir une condamnation en vertu des lois actuelles.
Dans son rapport d'enquête, le juge Richard précise que cette situation est attribuable à une faiblesse de notre système qui ne devrait pas exister. Il recommande ce qui suit:
Le gouvernement du Canada, par l'entremise du ministère de la Justice, devrait mener une étude concernant la responsabilité des cadres supérieurs et des administrateurs de la société en ce qui concerne des actes répréhensibles ou de négligence de la société et devrait présenter au Parlement du Canada les modifications nécessaires à la loi afin de veiller à ce que les cadres supérieurs et les administrateurs de société soient tenus responsables comme il se doit de la sécurité en milieu de travail. |
Malheureusement, le gouvernement n'a pas donné suite à cette recommandation jusqu'à maintenant. Je suis sûre que c'est ce qui a poussé le député de Pictou—Antigonish—Guysborough à présenter la motion no 79 à la dernière législature. Sa motion est libellée comme suit:
Que, de l'avis de la Chambre, le Code criminel ou d'autres lois fédérales pertinentes devraient être modifiées, après étude par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, conformément à la recommandation no 73 de la Commission d'enquête de la province de la Nouvelle-Écosse sur la tragédie de la mine Westray, de sorte que les cadres et administrateurs d'entreprise soit tenus responsables de la sécurité au travail. |
Je félicite le député de Pictou—Antigonish—Guysborough dont la circonscription comprend la ville de Stellarton, lieu où se trouve la mine Westray, pour les efforts immenses qu'il a consacrés à cette motion au cours de la dernière législature. Grâce en grande partie à ses efforts, la motion a pu faire l'objet d'un vote et a été adoptée à la Chambre le 21 mars 2000.
Alors que la motion no 79 était adoptée par le Parlement, la députée d'Halifax, également chef du NPD, travaillait très sérieusement sur cette question. Elle a présenté le projet de loi d'initiative parlementaire C-259, visant à modifier le Code criminel, tel que recommandé par le juge Richard. C'est avec fierté que j'appuie ce projet de loi. Après son adoption à la Chambre, la motion no 79 a été transmise au comité de la justice pour examen. Ce comité a publié un rapport unanime recommandant:
Que le Comité recommande que le ministre et le ministère de la Justice présentent une mesure législative conforme à la motion 79 adoptée par la Chambre le 21 mars 2000 et aux principes qui sous-tendent le projet de loi C-259 et la soumettent au Comité permanent de la justice et des droits de la personne. |
Le gouvernement avait 60 jours pour répondre. Malheureusement, avant l'expiration de ce délai, le premier ministre avait dissous le Parlement en vue d'une élection générale et le projet de loi de la députée d'Halifax et la motion du député de Pictou--Antigonish--Guysborough sont morts au Feuilleton. Ce qui n'est pas mort, toutefois, c'est l'urgence de la question et la détermination de ceux d'entre nous qui croient fermement dans la sécurité en milieu de travail et exigent que soit comblée cette énorme lacune dans le Code criminel. C'est pour cette raison que suite à l'élection, la députée d'Halifax a représenté son projet de loi et que j'ai également présenté ma propre version, comportant des amendes plus élevées.
Cette question me tient personnellement à coeur et il en est de même de mes électeurs de la circonscription de Churchill où nombre de personnes travaillent dans l'industrie des ressources lourdes, notamment l'exploitation minière et forestière, et où la santé et la sécurité sont littéralement une question de vie ou de mort.
Les accidents et les décès au travail constituent un problème constant au Canada. Les statistiques sont effarantes. Au cours d'une journée de travail moyenne, trois Canadiens trouvent la mort.
* * *
Les travaux de la Chambre
[Travaux de la Chambre]
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. D'abord, je m'excuse auprès de la députée d'avoir interrompu son intervention. Nous en sommes arrivés plus tôt aujourd'hui à une entente entre tous les partis, à laquelle j'ai par inadvertance oublié d'ajouter quelques mots. Les autres partis ont été consultés et ils sont tous d'accord. Personne d'autre ne l'avait constaté.
Je voudrais ajouter quelque chose à la motion que j'ai présentée plus tôt aujourd'hui à propos du débat de ce soir. Je voudrais donc ajouter à la motion existante les précisions suivantes, que j'invite les députés à écouter très attentivement. Je veux m'assurer que cela corresponde à la volonté collective. À la fin de la motion que j'ai présentée, nous ajouterions les mots suivants:
et que pendant le débat sur ladite motion, les députés n'interviendront pas plus d'une fois et parleront au maximum pendant dix minutes. |
Le président suppléant (Mme Bakopanos): La Chambre a entendu les termes de la motion. Est-ce d'accord?
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, PC/RD): Madame la Présidente, j'ai toujours compris que le débat en comité plénier permettait les échanges, mais si les interventions sont limitées à dix minutes, comme c'est l'usage pour le débat à l'étape du rapport, je crois comprendre qu'il n'y aura pas d'échanges. Comme personne ne pourrait intervenir plus d'une fois dans le débat, nous ne pourrions pas poser de questions en réalité puisque la personne que nous pourrions vouloir interroger aurait déjà pris la parole. Voilà ce qui m'inquiète à propos de ce format. Cela ressemble davantage à un débat à l'étape du rapport qu'à un débat en comité plénier.
Le président suppléant (Mme Bakopanos): Le leader du gouvernement à la Chambre voudra peut-être tirer cela au clair.
L'hon. Don Boudria: Madame la Présidente, le député a bien sûr tout à fait raison lorsqu'il dit qu'il n'y aura ni questions ni commentaires. C'est tout à fait vrai, mais c'est ce que nous avons convenu. Je suis prêt à modifier la motion pour refléter ce qui a été convenu. On a décidé de procéder de cette manière de façon à permettre à autant de députés que possible de faire une contribution afin que le premier ministre dispose de tous les éléments pour la rencontre qu'il doit avoir avec le président à Washington. Ce n'est pas moi qui l'ai demandé. Cela vient des députés de l'opposition et j'essaie seulement de veiller à ce que la motion reflète exactement ce qui a été convenu. C'est tout. Autrement, la motion telle qu'elle est formulée me convient.
Le président suppléant (Mme Bakopanos): Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
* * *
Le Code criminel
[Initiatives parlementaires]
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-284, Loi modifiant le Code criminel (infractions commises par des personnes morales, administrateurs et dirigeants), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Madame la Présidente, vu le climat de coopération qui a régné à la Chambre ces derniers jours, cette interruption ne pose aucun problème.
Comme je le disais, ce qui ne disparaîtra pas, c'est l'urgence du problème, et c'est la détermination de ceux d'entre nous qui tiennent passionnément à la sécurité du travail à combler cette énorme lacune du Code criminel. C'est pourquoi, après les élections, la députée de Halifax a représenté son projet de loi, et j'ai présenté ma propre version, qui prévoit de amendes plus lourdes.
La question est fort importante pour moi et pour mes électeurs, dans la circonscription de Churchill, où beaucoup travaillent dans le secteur des ressources naturelles comme les mines et l'exploitation forestière. Dans ces secteurs, la santé et la sécurité sont une question de vie ou de mort.
Les blessures et les décès au travail sont un problème constant au Canada. Les statistiques sont effarantes. Pendant chaque journée de travail, il y a en moyenne trois Canadiens qui perdent la vie au travail. Ce sont trois pères ou mères, maris ou femmes, fils ou filles qui ne rentrent pas retrouver leurs proches. En plus de ces décès, il y a un Canadien qui se blesse au travail toutes les neuf secondes. Ainsi, 100 Canadiens se blessent au travail en un quart d'heure. Cela donne plus d'un million de blessures au travail par année. C'est renversant.
Bien entendu, ce ne sont pas toutes ni même la plupart de ces morts et de ces blessures qui sont nécessairement attribuables à des fautes de la part de la direction, comme dans le cas de la mine Westray. Je ne prétends pas que chaque fois qu'un travailleur est tué ou blessé dans l'exercice de ses fonctions, son patron devrait faire face à des accusations criminelles. Le projet de loi ne vise que les cas où un employeur ou un gestionnaire viole intentionnellement des normes raisonnables de conduite et de sécurité.
Il serait faux de croire que ces infractions sont rares. Malheureusement, on assiste à une augmentation continue du nombre de travailleurs tués ou blessés dans l'exercice de leurs fonctions depuis la catastrophe à la mine Westray où on avait pourtant établi que des pratiques de gestion irresponsables ou de la négligence de la part de la direction étaient en cause. Encore le mois dernier, à Trail, en Colombie-Britannique, on a appris que les dirigeants de la Teck Cominco Metals Limited savaient que les conditions à leur fonderie exposaient leurs travailleurs à des niveaux toxiques de thallium chimique, mais ils n'ont rien dit à personne et ont laissé les gens continuer de travailler dans ces conditions. Ils n'ont reconnu l'existence d'un problème qu'une fois que des gens ont commencé à être malades. Le thallium était utilisé comme raticide jusqu'à ce qu'il soit interdit il y a 20 ans. Il est absorbé par la peau et cause des dommages au système nerveux et aux reins et peut entraîner la cécité.
Des gestionnaires responsables devraient faire en sorte que leurs employés ne soient plus exposés à cette situation sitôt qu'ils ont été mis au courant du problème. Il est impossible de savoir avec certitude combien de gens risquent maintenant d'éprouver de graves problèmes de santé à long terme à cause des graves fautes commises par cette entreprise.
Un autre exemple dont je veux parler s'est produit plus tôt cette année en Nouvelle-Écosse. Il s'agissait d'une autre affaire tragique et je pense que cela souligne bien l'importance de ce projet de loi. Le camionneur Allan MacLean de Thorburn, en Nouvelle-Écosse, a été tué à la suite d'une défectuosité du système de freinage sur son semi-remorque. Une enquête a permis de déterminer que ses gestionnaires savaient qu'on devait réparer les freins sur son camion, mais ils ont quand même laissé M. MacLean conduire son camion. Si je savais que les freins de mon automobile devraient être réparés, si je ne disais rien et je laissais en connaissance de cause mon voisin la conduire et que ce dernier se tuait ensuite à cause d'une défectuosité des freins, je serais coupable d'homicide involontaire. Cependant, parce que cet homme travaillait et parce que c'est son patron qui l'a envoyé sur la route avec un camion dont les freins étaient défectueux, il ne s'agissait pas d'un homicide involontaire, mais plutôt d'une violation des normes de santé et sécurité. Ainsi, au lieu que la personne responsable soit jetée en prison, l'entreprise a dû payer une amende de 50 000 $.
Est-ce là ce que vaut la vie d'un homme? Je ne le pense pas. C'est pourquoi nous devons adopter ce projet de loi, afin que ce genre d'acte ne soit plus considéré comme une simple violation des règles de santé et de sécurité mais comme une infraction criminelle. En effet, lorsqu'une personne met sciemment et imprudemment la vie d'une autre personne en danger, cela devrait être considéré comme un crime.
Je pourrais donner d'autres exemples, mais le temps me manque. Je tiens à remercier les personnes blessées au travail, leurs familles et les familles de travailleurs tués au travail, qui sont venus suivre le débat depuis la tribune de la Chambre et qui représentent les milliers de travailleurs blessés et d'autres personnes d'un peu partout au pays qui ont réclamé les modifications contenues dans le projet de loi. Chacune de ces personnes a sa propre histoire, c'est-à-dire une raison personnelle d'appuyer le projet de loi. En tant que parlementaires et législateurs, il est important que nous écoutions ces personnes et fassions en sorte que justice soit faite dans l'avenir.
J'ai parlé du projet de loi à de nombreux députés de tous les partis. Je trouve encourageant de constater que le projet de loi a reçu un appui de principe durant la dernière session, lorsque nous avons adopté la motion no 79 et que le Comité de la justice a unanimement accordé son appui de principe au projet de loi. Cet appui ne semble pas s'être démenti.
Par ailleurs, quelques députés m'ont dit qu'ils appuyaient le principe du projet de loi, mais qu'ils avaient certaines réticences quant à la forme. Je tiens à leur assurer que je suis disposée à accepter toutes les améliorations qu'ils voudront proposer au Comité de la justice ou à l'étape de rapport.
Le projet de loi est le résultat d'un effort concerté de tous les partis depuis le début. Le député de Winnipeg—Transcona et porte-parole du NPD en matière de justice et moi-même sommes impatients de collaborer, à l'étape de l'étude en comité, avec les députés ministériels et ceux de tous les partis politiques afin d'apporter toutes les améliorations possibles au projet de loi.
Je voudrais aussi rappeler aux députés qui ont accordé leur appui au principe du projet de loi mais qui ont des réserves légitimes sur la forme que nous votons sur le principe à l'étape de la deuxième lecture. J'invite tous les députés à accorder leur appui de principe au projet de loi à cette étape, afin que nous puissions travailler ensemble, dans une esprit non sectaire, à l'étape du comité et faire de ce projet de loi la meilleure mesure possible.
Les travailleurs blessés et leurs familles, les familles des travailleurs qui ont été tués, les familles des victimes de la mine Westray et tous les Canadiens qui s'inquiètent de leur sécurité au travail ne méritent rien de moins que nous passions outre à notre sectarisme politique et que nous nous efforcions réellement de travailler ensemble à ce projet de loi d'une importance fondamentale.
J'aimerais faire remarquer qu'il y a des gens qui trouvent que la notion d'un projet de loi portant sur les meurtres commis par une personne morale ou l'idée de tenir les entreprises responsables de meurtres ou d'homicides involontaires est quelque chose de nouveau et d'étrange. J'ai le plaisir d'annoncer qu'il n'y a pas que le Canada qui étudie cette question, et je vais donner un ou deux exemples.
Premièrement, le Royaume-Uni travaille sur une loi concernant la responsabilité des sociétés en cas de meurtre. Cette mesure législative trouve son origine dans un accident ferroviaire qui a fait 400 blessés et 31 morts. Il a été établi que l'entreprise était responsable. C'est pourquoi le Royaume-Uni s'est doté d'une loi portant sur les meurtres commis par une personne morale.
Dans ce même ordre d'idée, bien qu'il ne s'agisse pas de la mort de travailleurs, mais de meurtres ou d'homicides involontaires commis par une personne morale, beaucoup d'entre nous se souviendront de l'écrasement d'un appareil de ValuJet en Floride, en 1999, qui a coûté la vie à 110 passagers. La compagnie qui avait mis des marchandises dangereuses à bord de l'avion a été reconnue responsable. Au début, il était question que les travailleurs qui avaient reçu l'ordre de leurs gestionnaires de mettre les marchandises dangereuses à bord de l'avion soient accusés de meurtre.
J'ai suivi cette affaire au cours des deux dernières années et j'ai été heureuse d'apprendre que les travailleurs n'avaient pas été tenus responsables, mais ce qui est en train de se passer en Floride, c'est que cet État a porté des accusations de meurtres et d'homicides involontaires contre la compagnie en raison des actions qu'elle a commises et qui ont entraîné ces morts.
Je le répète, la notion de meurtre commis par une personne morale n'est pas quelque chose de nouveau pour le Canada. Je suis heureuse de dire que c'est une chose qu'étudient de nombreux pays car il n'est pas acceptable que des entreprises, dont le seul souci est de faire des bénéfices, puissent mettre en danger a vie des travailleurs ou des membres du public.
Comme je l'ai dit plus tôt dans mon discours, le temps est limité et je n'ai pas voulu passer en revue tous les cas où cela s'est produit, mais en Ontario, il y a eu une situation où un homme a été écrasé par une machine à son travail. Je veux rappeler ce que sa femme, Tammy Dann, a dit:
C'est un meurtre. L'entreprise savait que c'était dangereux et elle s'en sort avec une amende. |
C'est un meurtre. C'est vraiment un meurtre de mettre sciemment la vie d'autrui en danger. Au Canada, nous acceptons qu'en milieu de travail, les gestionnaires et les directeurs aient un tel contrôle sur les travailleurs que, dans les cas de harcèlement sexuel, nous exigeons qu'ils rendent des comptes. Ils sont contrôlés parce qu'ils ont besoin d'un salaire pour faire vivre leur famille ou, souvent, se trouvent dans une situation de vulnérabilité. Il en est ainsi dans tellement de milieux de travail.
Bien souvent, on s'attend à ce qu'un travailleur fasse son travail sans poser de question. La conclusion c'est qu'ils sont vulnérables. Ils sont soumis aux directives des gestionnaires et des cadres. S'ils sont mis en danger ou s'ils perdent la vie, ces gestionnaires et ces cadres, s'ils ont agi de façon irresponsable, devraient avoir des comptes à rendre.
Le rapport du juge Richard faisant suite à l'enquête sur la mine Westray était intitulé «A Predictable Path to Disaster». L'enquête sur cette tragédie ne s'est pas limitée à deux jours. Elle a duré longtemps parce qu'on essayait de déterminer exactement ce qui s'était produit. Il a été établi que je système de justice pénale était fautif. Ce n'est pas la législation provinciale en matière de santé et de sécurité au travail qui devrait s'appliquer en pareil cas. C'est le Parlement du Canada qui devrait édicter des mesures législatives pénales de façon que les meurtriers et les personnes qui commettent des homicides involontaires en milieu de travail soient tenus responsables.
[Français]
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Madame la Présidente, j'espère que d'autres collègues seront également intéressés par le sujet, parce qu'il est d'une très grande importance.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais profiter de mon droit de parole pour dire aux hommes, aux femmes et aux enfants qui ont été touchés par le décès de leurs êtres chers à New York ou à Washington, que toutes nos pensées les accompagnent et que les gens du comté de Laurentides pensent à eux et prient pour eux.
D'entrée de jeu, et comme je l'ai d'ailleurs déjà dit à ma collègue de Churchill, nous sommes d'accord avec le principe du projet de loi. Il est grand temps qu'on apporte des changements majeurs.
Pour rester dans le contexte du projet de loi C-284--on se répète peut-être, mais il faut quand même faire un peu d'historique--nous savons déjà que d'autres députés avaient présentés à la Chambre des projets de loi qui ne se sont pas rendus à la troisième lecture et qui ont donc été rayés du Feuilleton.
J'espère que celui-ci se rendra jusqu'à la fin et que nous pourrons en débattre jusqu'à la limite, y apporter les amendements nécessaires et obtenir l'unanimité pour qu'enfin, nous apportions des changements majeurs dans le dossier.
Comme tout le monde le sait ou l'apprendra, le 9 mai 1992, la mine Westray en Nouvelle-Écosse explosait, emportant dans son souffle 26 mineurs.
Le 15 mai suivant, en vertu de la Public Inquiry Act of Nova Scotia, le gouvernement néo-écossais nommait le juge Peter Richard à la tête d'une enquête publique devant faire la lumière sur les circonstances de la tragédie.
En novembre 1997, le commissaire Richard rendit public un rapport de 650 pages--ce n'est pas une petite histoire--dans lequel nous retrouvons notamment des conclusions traitant de la responsabilité criminelle de la Curragh Resources Inc., compagnie responsable de l'exploitation de la mine Westray, ainsi que de celle de ses dirigeants. Ce rapport d'une très grande importance reconnaissait donc la culpabilité de l'entreprise. Ils ont réussi à s'en sortir sans trop de dommages.
Nous avons présentement un problème avec notre loi. Je vais parler du Code canadien du travail, parce que j'y ai travaillé et je suis certaine que ma collègue est au courant.
Dans la partie II du Code canadien du travail qui traite de la santé et de la sécurité au travail, j'avais présenté des amendements majeurs pour qu'on reconnaisse les pénalités d'une entreprise lorsqu'il y avait négligence, lorsqu'elle était mise en accusation. Nous proposions d'augmenter de façon assez importante les amendes et les peines de prison. C'était à l'article 14 du projet de loi C-12 et je pourrai d'ailleurs en donner une copie à la députée de Churchill pour qu'elle puisse en prendre connaissance.
Nous avions mis tellement d'espoir dans tout cela, nous avions travaillé de façon acharnée pour modifier la partie portant sur la santé et la sécurité au travail de façon importante. Cela faisait déjà dix ans que cette partie de la loi n'avait pas été révisée; nous avions présenté des amendements majeurs, des amendements pour protéger les femmes dans leur milieu de travail. Aucun de nos amendements n'a été accepté. La volonté gouvernementale à ce moment-là, au cours de la dernière législature, n'existait donc pas. J'espère que le gouvernement nous fera vivre des moments plus sérieux et plus positifs en ce qui a trait au projet de loi de ma collègue de Churchill.
Tout un travail a été fait--il faut le souligner parce ce n'est pas négligeable--par mon collègue de Pictou--Antigonish--Guysborough. Il avait déposé une motion qui a aussi été rayée du Feuilleton, lors de la prorogation de la Chambre. C'était une motion très importante qui visait, elle aussi, à réviser le Code criminel. Elle devait donc être étudiée par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, pour permettre de modifier une recommandation, afin de s'assurer de protéger les gens pour qu'une telle situation ne se reproduise plus jamais.
Je pense que mon collègue avait presque réussi à avoir l'unanimité. Mais nous n'avons jamais su quelle position le gouvernement d'en face avait décidé de prendre parce que nous n'avons pas réussi à terminer l'étude de la motion.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, de notre côté, nous sommes évidemment d'accord avec le principe du projet de loi, mais il y a tout un aspect au sujet duquel nous aimerions peut-être apporter des amendements--j'ignore encore lesquels, j'aurai des discussions avec ma collègue--car il y a des provinces, dont la Nouvelle-Écosse, par exemple, qui, à l'époque, n'étaient pas tellement bien protégées par une loi provinciale pour les employés des mines.
Il y a toute la question où, dans certaines provinces, un travail se fait déjà. C'est un travail très sérieux. Au Québec, avec la CSST, nous protégeons nos employés. Ce n'est pas parfait, mais nous avons déjà, au Québec, une très bonne situation qui fonctionne très bien. Il faudrait faire attention pour ne pas pénaliser des gens qui font déjà bien leur travail, un gouvernement qui, lui, a déjà des intentions et fait un travail extraordinaire auprès de ses employés et des employeurs, et où il existe déjà un tribunal où des décisions peuvent être prises contre des entreprises qui ne font pas bien leur travail. Nous pouvons également les pénaliser sur le plan financier.
Nous avons tout cela au Québec et je suis un peu inquiète, car est-ce que ce projet de loi va venir s'ingérer dans cette juridiction? Si c'est le cas, nous devrons y apporter les amendements nécessaires. Si ce n'est pas le cas, tant mieux.
J'aimerais souligner--et ce n'est pas seulement pour parler du bon travail que l'on fait chez nous, mais quand on en fait, il faut le dire--de ce temps-ci, on a qu'à regarder la télévision, il y a une campagne de prévention extraordinaire est faite par la CSST. Bien sûr, lorsque nous regardons ces images et ces annonces--payées par le gouvernement et par la CSST--d'une femme qui tombe et qui se blesse ou d'un homme qui, par inadvertance, se blesse gravement au bras, c'est très pénible à voir et à accepter, mais c'est la réalité.
Comme l'a d'ailleurs dit ma collègue, des accidents du travail, il y en a un toutes les neuf secondes. Il faut donc absolument sensibiliser les gens, et il y a un travail à faire à cet égard. Je sais que nous le faisons présentement. Jusqu'à présent, j'ai vu quelques annonces. J'espère que cela va continuer de notre côté et que, à d'autres paliers de gouvernement, dans d'autres provinces, cela servira d'exemple, qu'ils utiliseront cette forme de prévention, parce qu'elle est extraordinaire et que nous pouvons l'utiliser pour sensibilier la population et les entreprises. Les entreprises ont des responsabilités, il ne faut pas qu'elles y dérogent.
Il est certain que nous devons renforcer certaines règles. Comme je le disais tout à l'heure, nous avons déjà essayé, j'ai personnellement essayé, par le biais du projet de loi C-12 sur la santé et la sécurité, d'y inclure le retrait préventif pour les femmes enceintes ou qui allaitent. Rappelons que c'est un dossier qui me tient à coeur. J'ai déjà déposé un projet de loi sur le sujet. Nous ne nous sommes pas rendus jusqu'au bout. J'en ai encore un qui s'en vient et j'espère que le gouvernement en tiendra compte.
Il y a déjà très longtemps qu'au Québec, nous protégeons les femmes enceintes ou qui allaitent. Elles ont droit à un retrait préventif; elles ne sont pas pénalisées sur le plan financier, alors qu'au fédéral cela n'existe pas. Les femmes qui n'ont pas nécessairement les moyens de recevoir des prestations d'assurance-emploi parce qu'elles n'auront que 50 p. 100 de leur revenu, vont donc continuer de travailler dans des conditions dangereuses pour leur enfant, pour la naissance du bébé ou pour l'allaitement.
Il faut que le gouvernement fédéral change sa mentalité à cet égard. C'est tellement triste de voir, dans le même édifice, une employée de juridiction fédérale et l'autre de juridiction provinciale ne pas avoir les mêmes droits. En quelque part, il faut se moderniser ici dans ce Parlement fédéral et il faut être capable d'apporter des modifications qui ne sont pas coûteuses. Nous ne parlons pas de coûts faramineux. Je pourrai même les chiffrer quand nous arriverons à l'étude de ce projet de loi.
Mes pensées vont à toutes ces personnes qui ont perdu un être cher, ces 26 mineurs qui ont travaillé dans des conditions difficiles. Rappelons que travailler dans les mines, c'est travailler à la noirceur. La qualité de l'air, la qualité de vie est vraiment très, très difficile. Mes pensées accompagnent ces familles.
J'espère qu'en bout de ligne, les responsables de ce qui s'est produit à cette époque paieront ce qu'ils doivent payer. Nous, les législateurs, saurons présenter des projets de loi qui feront que ces gens, de même que leurs familles, seront protégés.
[Traduction]
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui pour parler du projet de loi visant à modifier le Code criminel (infractions commises par des personnes morales, administrateurs et dirigeants). Je remercie la députée de Churchill de l'avoir présenté.
L'accident qui s'est produit il y a quelques années à Westray, en Nouvelle-Écosse, et qui a coûté la vie à 26 mineurs a été le résultat d'une grossière négligence de la part des gestionnaires, des administrateurs et des inspecteurs des lieux de travail. Cette tragédie n'aurait jamais dû se produire. Il me paraît donc approprié de tenir ce débat pour déterminer si une action de la part d'une société et de ses administrateurs devrait donner lieu aux sanctions pénales proposées dans la mesure à l'étude.
Dans son rapport d'enquête publié en novembre 1997, le juge Peter Richard a recommandé au gouvernement fédéral d'instituer une étude sur la responsabilité des dirigeants et des administrateurs d'une société à l'égard d'actes injustifiés ou négligents de leur société, et de présenter des modifications pour faire en sorte que les dirigeants et les administrateurs soient tenus responsables de la sécurité du milieu de travail.
Comme on l'a déjà dit, je crois comprendre que le chef du Nouveau Parti démocratique et le député de Pictou--Antigonish--Guysborough ont proposé des projets de loi et des motions à ce sujet. Je crois comprendre également que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a adopté l'année dernière à l'unanimité une motion pour demander que la question fasse l'objet d'un débat plus approfondi et pour que l'on adopte une loi conforme au principe de ces projets de loi et motions qui invitaient la Chambre à bien examiner les recommandations du juge Richard.
Je suis parfaitement d'accord pour dire que la Chambre doit aborder la question de la négligence de la part de sociétés à assurer des conditions de travail sécuritaires à leurs employés. Je suis d'accord pour dire qu'il ne suffit pas que nous ayons des lois provinciales dans ce domaine. Je déconseillerais cependant aux députés à la Chambre d'adopter une mesure législative qui laisse peut-être à désirer sur le plan juridique
Le projet de loi et les mesures qui l'ont précédé procèdent manifestement d'une bonne intention et s'efforcent de répondre à un véritable besoin, mais ces modifications que l'on propose d'apporter au Code criminel pourraient avoir d'énormes répercussions. C'est pourquoi nous devons être très prudents dans le contexte de notre cadre constitutionnel pour veiller à ce qu'elles se conforment aux exigences de notre Constitution.
Au cours du débat sur le projet de loi, il faut se rappeler que l'une des principales raisons pour lesquelles les entreprises choisissent de se constituer en société, c'est pour protéger leurs actionnaires et leurs administrateurs contre les poursuites au civil liées aux activités de la société. Je ne dis pas que, puisque les entrepreneurs se sont arrangés pour éviter d'être tenus personnellement responsables, cela devrait excuser une conduite criminelle. Pas du tout. La conduite criminelle devrait être punie, qu'elle soit directement attribuable à une personne ou indirectement attribuable à la société. Les dirigeants, les administrateurs, les cadres et les employés de la société ne jouissent pas, à l'heure actuelle, de l'avantage de l'immunité au criminel. En vertu des dispositions actuelles du Code criminel, ils sont légalement comptables de leurs propres fautes.
En outre, les sociétés peuvent être elles-mêmes tenues criminellement responsables. Dans des cas de responsabilité stricte ou absolue, une société pourrait être tenue criminellement responsable d'actes illégaux ou d'omissions de personnes qui, en raison de leur poste ou de l'autorité qu'elles exercent dans la société, pourraient être considérées comme étant l'esprit dirigeant de la société.
Ce sont toutes des questions qui doivent être examinées et soupesées. Certaines des questions suivantes devraient également être examinées.
Le projet de loi, sans l'ombre d'un doute, susciterait des préoccupations au sein des sociétés, les grandes comme les petites, celles qui connaissent la prospérité comme celles qui éprouvent des difficultés. Si les modifications proposées au Code criminel, telles qu'énoncées dans le projet de loi, s'appliquaient à toutes les sociétés, elles auraient un effet néfaste sur la croissance économique et l'emploi. Ne l'oublions pas. Par ailleurs, une question se pose: tenons-nous vraiment à cette croissance économique et à ces emplois si c'est au prix de la santé et de la sécurité de nos travailleurs?
Les modifications pourraient aussi avoir un effet très néfaste sur les investissements, entraînant une forte hausse des coûts d'exploitation, ainsi que sur les bénéfices et les projets d'expansion des sociétés. Je pose donc de nouveau la question: cela justifie-t-il le rejet de ces propositions? Je suis d'avis que ce n'est pas suffisant pour ne pas tenir responsables ceux qui commettent un acte criminel. Je pense que nous sommes arrivés à un point dans le développement de notre pays où les profits et la motivation des entreprises doivent céder le pas à la sûreté et au bien-être de nos travailleurs.
Si le projet de loi était adopté, et avec des peines aussi sévères en vertu du Code criminel, bon nombre d'entreprises éprouveraient nul doute de la difficulté à attirer de bons candidats pour siéger au sein d'un conseil d'administration. Les entreprises de petite taille ou en difficulté seraient particulièrement défavorisées si l'on appliquait universellement de semblables critères sur le plan de la responsabilité. Mes déclarations ne tiennent pas de la conjecture. À mon avis, compte tenu de ce qui s'est passé en matière de responsabilité civile chez les administrateurs, il est manifeste que de nombreuses sociétés éprouvent beaucoup de difficultés à attirer des administrateurs qualifiés et compétents.
Nous ne voulons pas créer une situation qui dissuaderait des personnes compétentes de prendre la direction de sociétés. Nous voulons encourager les personnes compétentes et exerçant un sain jugement à continuer d'oeuvrer au sein de sociétés afin de veiller à ce que des emplois soient créés et préservés au Canada.
C'est un aspect que nous ne devons pas perdre de vue compte tenu de la difficulté qu'éprouvent de nos jours bon nombre de sociétés à attirer des administrateurs pour faire partie de leur conseil d'administration.
Que l'on ne s'y trompe pas, les dispositions du projet de loi sont dures. À titre d'exemple, selon le paragraphe 467.4(1), lorsqu'un acte ou une omission a été commis par un employé ou un entrepreneur indépendant et que la direction n'en a pas été informée, un administrateur faisant partie de cette direction pourrait être tenu personnellement responsable de l'infraction, comme s'il l'avait commise lui-même.
Les dispositions concernant la sécurité en milieu de travail prévoient des amendes d'un maximum de 100 000 $ par jour lorsque l'existence de conditions de travail dangereuses est prouvée. À elle seule, cette disposition pourrait mener à la faillite des entreprises où l'on a relevé des conditions de travail dangereuses.
Je souligne ce fait pour montrer que les peines proposées sont sévères. Toutefois, compte tenu de la nature du problème que nous cherchons à corriger et du pouvoir discrétionnaire dont peuvent faire preuve les juges dans l'imposition des peines, j'estime que, d'un point de vue constitutionnel, elles peuvent être justifiées. À mon avis, il ne s'agit pas d'une peine cruelle et inhabituelle si le pouvoir discrétionnaire des juges est maintenu.
En résumé, la mesure législative pourrait donner lieu à l'imposition de sanctions à des personnes n'ayant pas agi avec une intention criminelle et, à mon avis, c'est l'aspect principal sur lequel la Chambre doit se pencher. Notre Constitution n'appuie pas l'imposition de sanctions pénales lorsqu'il n'y a pas d'intention criminelle. C'est là l'enjeu. Si la mesure législative que nous adoptons est entachée de lacunes sur le plan constitutionnel, elle n'aide pas les familles de ces travailleurs.
Je propose que nous étudiions attentivement cette question et que nous nous penchions sur des amendements possibles qui nous permettraient de respecter les paramètres constitutionnels. Je souligne de nouveau que les principes sont sains et que ce dossier devrait aller de l'avant.
M. Stephen Owen (secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais exprimer ma reconnaissance à tous les députés pour leurs observations très judicieuses et extrêmement importantes sur ce projet de loi.
Le projet de loi C-284 est une proposition en réponse à la tragédie de la mine Westray. Compte tenu des tragiques événements survenus la semaine dernière, il est extrêmement important à ce stade, de revenir de 10 ans en arrière et de penser aux familles des victimes de cette terrible tragédie. Il est d'autant plus approprié d'examiner cette question avec le plus grand soin et une profonde humanité.
Bien que cette question ne soit pas nouvelle pour la Chambre, c'est une question importante qui mérite un examen approfondi. Les questions qui ont été soulevées montrent l'importance des points à examiner, et ils sont nombreux.
Comme nous le savons, la mine Westray en Nouvelle-Écosse est une mine de charbon souterraine qui appartient à Curragh Ressources, une compagnie basée en Ontario. Le 9 mai 1992, une explosion dans la mine avait coûté la vie à 26 mineurs. C'était une grande tragédie. Nos pensées et nos prières vont aux familles des victimes.
Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a institué une commission d'enquête chargée de déterminer les causes de l'accident. Toutefois les audiences ont été retardées de près de trois années entières pendant que les responsables de Curragh Resources sont allés jusqu'à la Cour suprême pour essayer de faire stopper l'enquête.
Lorsque l'enquête a finalement pu commencer, elle a été faite en profondeur. On a tenu 76 jours d'audience sur une période de plus d'un an. Le juge Richard a entendu des témoignages sur des contraventions à des normes de sécurité et une série de pratiques inacceptables. Son rapport a paru sous le titre The Westray Story: A Predictable Path to Disaster. On y retrouvait 85 constatations portant sur tous les aspects des opérations de la mine, y compris les inspections menées par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse. On a fait beaucoup de reproches. Sur une note plus positive, le rapport contenait 74 recommandations et nous en avons entendu certaines ce soir.
Certains débats précédents tenus ici à la Chambre ainsi que des motions et des projets de loi proposés, celui-ci et d'autres, ont permis de démontrer que la Chambre se préoccupait du fait que les responsables d'actes criminels, qu'il s'agisse d'un délit naturel ou d'entreprise, devraient être tenus responsables des conséquences de ces actes criminels. D'après tout ce que j'ai entendu ici ce soir, cela semble être l'opinion de la majorité des députés.
Alors que l'enquête Richard était en cours, on a tenté d'avoir recours au droit criminel pour faire admettre la responsabilité des administrateurs de la Curragh. Malheureusement, des circonstances tout à fait inhabituelles, y compris la non divulgation de certains renseignements et la tentative du juge de faire remplacer le procureur de la Couronne, ont mené tout d'abord à l'arrêt des procédures d'accusation et ensuite, après un appel qui s'est rendu jusqu'à la Cour suprême, à l'ouverture d'un nouveau procès. En 1998, le service des poursuites de la Nouvelle-Écosse a décidé qu'il n'entreprendrait pas un nouveau procès et a abandonné toutes les accusations.
Dans de telles circonstances, il n'est pas étonnant de voir que l'une des recommandations faites par le juge Richard était que le gouvernement du Canada étudie la responsabilité des directeurs et administrateurs d'entreprise pour les actes illégaux ou négligents de la société et qu'il apporte les modifications nécessaires à la loi. Le juge Richard n'a pas fait de recommandations précises quant aux changements qui devraient être apportés à la loi fédérale.
Une action civile a été intentée devant les tribunaux de la Nouvelle-Écosse par les familles des mineurs de la Westray qui veulent obtenir des dommages-intérêts des gouvernements de la Nouvelle-Écosse et du Canada.
Par suite de la requête du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, l'action intentée contre la province a été rejetée. Cette décision a été portée en appel. Par conséquent, près de dix ans après le désastre, la question n'a pas encore été réglée et les familles des victimes n'ont pas encore obtenu satisfaction, que ce soit des cours criminelles ou civiles.
Nous sympathisons tous avec les victimes et nous voulons faire le nécessaire pour éviter que pareille catastrophe ne se reproduise. Je vais traiter du droit pénal et expliquer notamment comment s'applique ce droit pénal aux entreprises qui commettent des fautes.
Évidemment, le droit pénal n'intervient qu'après coup. Ses conséquences sur la sûreté des lieux de travail tiennent à son effet dissuasif qui dissuade d'enfreindre la loi au risque d'être puni.
La grande majorité des directeurs et administrateurs d' entreprises canadiennes veulent assurer un milieu de travail sûr pour leurs employés. Le droit pénal doit se concentrer sur ceux qui mettent en danger la vie et la sécurité des employés, mais doit veiller à ne pas trop étendre son filet afin de ne pas attraper et punir ceux qui se seraient montrés négligents sans aucune intention criminelle.
Le plus compliqué et le plus difficile dans l'élaboration d'un régime efficace de responsabilité pénale des entreprises tient au fait que la peine ne peut être imposée que si la négligence résulte d'une intention criminelle.
Quand les tribunaux sont appelés à juger un individu, qu'il soit accusé de meurtre ou de vol à l'étalage, ils doivent déterminer si l'accusé a non seulement commis le crime reproché, mais également quelles étaient ses intentions au moment des faits. C'est seulement lorsque l'accusé est jugé coupable d'avoir commis cet acte dans l'état d'esprit approprié que le tribunal prononce la peine appropriée.
Les entreprises ne peuvent être jugées en vertu du droit pénal qui s'est élaboré au fil des siècles. Les entreprises ne se rendent pas coupables d'un acte criminel au sens habituel. Une entreprise ne pense pas. Une entreprise ne peut pas être jetée en prison. Pour toutes ces raisons, dès 1909, on peut lire ceci dans l'ouvrage Laws of England de Halsbury:
En application des grands principes du droit pénal, si un acte est réputé délictueux, il est indispensable qu'il ait été commis avec une intention criminelle et, par conséquent, dans les cas ordinaires, une personne morale ne peut être jugée coupable d'une infraction pénale. |
Bien que l'immunité apparente des personnes morales contre les poursuites pénales puisse plaire aux puristes de la logique, les tribunaux et les assemblées législatives ont reconnu que, vu l'importance des personnes morales dans la vie moderne, il était indispensable qu'elles soient assujetties au droit pénal. L'objectif est clair, mais le moyen d'y parvenir n'est pas évident.
Dans l'important arrêt qu'elle a rendu en 1985, la Cour suprême du Canada a déclaré:
Voilà maintenant des siècles que tribunaux et législateurs se penchent sur la situation de la personne morale en droit criminel. Les questions qui se posent à ce sujet sont nombreuses et complexes. Il est fort douteux qu'on puisse y répondre de façon définitive et universellement applicable dans le cadre du présent pourvoi ou, d'ailleurs, que les tribunaux seuls puissent le faire. |
Le Commonwealth et les États-Unis ont adopté des approches fort différentes pour déterminer si une personne morale doit être reconnue coupable d'une infraction criminelle.
En Angleterre, l'intention criminelle se trouve dans l'âme dirigeante d'une personne morale, incarnée par le conseil d'administration ou un haut dirigeant ayant une telle mainmise sur la personne morale que «ses actes sont ceux de l'entreprise elle-même».
Aux États-Unis, la loi rend généralement, à première vue, une personne morale responsable des actes de tous ses employés qui agissent dans le cadre de leurs fonctions, pourvu qu'ils aient des intentions criminelles et comptent par leur crime donner un avantage à la personne morale. Cette approche est différente de la première.
Dans la pratique, cependant, la différence entre les deux théories d'imputation de la responsabilité n'est peut-être pas aussi grande. Les tribunaux américains permettent à une personne morale de s'exonérer elle-même en montrant qu'elle a pris des mesures raisonnables pour s'assurer que ses employés n'enfreindraient pas la loi. Par conséquent, les tribunaux américains examinent les politiques des hauts dirigeants et les pratiques des gestionnaires chargés d'appliquer ces politiques.
Dans l'arrêt Canadian Dredge & Dock Co. c. La Reine [1985], la Cour suprême du Canada a appliqué le critère de l'âme dirigeante pour déterminer la responsabilité de la personne morale, mais a élargi l'application de ce critère. Plus précisément, la cour a soutenu qu'une personne morale peut avoir plus d'une âme dirigeante. Comme elle l'a fait remarquer:
C'est particulièrement le cas dans un pays comme le Canada où les activités d'une compagnie s'exercent souvent sur une vaste étendue géographique. Les compagnies de transport, par exemple, doivent nécessairement fonctionner par la délégation et la sous-délégation du pouvoir central; par la division et la sous-division des centres nerveux; et par la décentralisation par délégation des organes directeurs de l'entreprise. |
Dans un arrêt ultérieur, la Cour suprême du Canada a précisé que l'âme dirigeante est une personne qui a un pouvoir de décision sur des questions de politique d'entreprise, et non un vaste pouvoir discrétionnaire sur la mise en oeuvre de la politique d'entreprise.
Cela résume la confusion que suscitent les mesures législatives aujourd'hui et à l'époque de l'explosion qui a emporté 26 vies dans la mine Westray. Il n'est pas clair du tout que les mesures législatives ne permettaient pas alors d'intenter avec succès des poursuites criminelles contre les propriétaires de la mine Westray.
Les procureurs de la Nouvelle-Écosse avaient conclu que les preuves étaient suffisantes pour intenter un procès. Pour des raisons qui n'ont rien avoir avec la loi, toute les procédures relativement à l'accusation ont été arrêtées dans des circonstances qui ont conduit à la tenue d'une enquête sur la façon dont le cas avait été traité. On ne peut pas dire non plus si l'issue du procès criminel aurait été différente en vertu des modifications apportées par le projet de loi C-284.
Nous les députés devons veiller à concevoir le meilleur régime qui soit pour promouvoir la sécurité pour tous les travailleurs. Nous devons notamment assurer le droit des travailleurs à des conditions de travail sécuritaires et leur droit de refuser de travailler dans des conditions dangereuses. L'établissement d'un système adéquat d'inspections permettant de vérifier que les lois sont bien respectées et qu'elles ne sont pas contournées est une autre composante garante de la sécurité.
Le droit criminel est le dernier recours lorsque toutes les autres mesures se sont avérées vaines. Nous devons veiller à ce que toutes les modifications que nous apportons au droit criminel servent la cause de la promotion de la sécurité. Nous devons prendre le temps d'examiner la question à fond et de consulter tous les intervenants. Le gouvernement s'engage à le faire.
M. Jay Hill (Prince George--Peace River, PC/RD): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir ce soir dans le débat sur le projet de loi C-284 parrainé par la députée de Churchill. Je félicite cette dernière pour les efforts qu'elle a déployés pour présenter cette mesure.
Je vais lire le sommaire du projet de loi, pour en donner une idée claire aux Canadiens, même si le débat a été très instructif jusqu'à maintenant et si d'excellents arguments on été présentés. Le sommaire du projet de loi C-284 prescrit clairement:
Ce texte a pour objet de prévoir que le membre du personnel d'une personne morale qui commet, au nom de cette dernière, un acte ou une omission qui constitue une infraction peut, dans certains cas, être lui aussi reconnu coupable de l'infraction. |
Comme on l'a déclaré et comme tous les intervenants l'ont souligné, le projet de loi fait suite à l'horrible accident survenu à la mine Westray, le 9 mai 1992, à Plymouth, en Nouvelle-Écosse, qui a tué 26 hommes. Comme le secrétaire parlementaire l'a fait remarquer, le 9 mai 1992, cela fait presque dix ans. Pourtant, nous en sommes encore à discuter de ce qu'il faudra faire à ce sujet.
Le secrétaire parlementaire a parlé des difficultés que soulève la présentation de ce type de projet de loi, parce qu'il faut prouver l'intention de la personne morale ou de ses dirigeants. Je suis d'avis que, dans certains cas, peu importe si l'intention y est; l'essentiel est que ces travailleurs sont morts.
Selon la réalité du droit criminel, dans un cas de meurtre au premier degré, il faut prouver que l'intention y était, mais, dans le cas d'un homicide involontaire coupable, ce n'est pas nécessaire. L'individu accusé d'homicide involontaire coupable peut être tenu responsable, même s'il n'a pas eu clairement l'intention de commettre le meurtre. Il aurait dû le supposer car, par suite de ce qu'il a fait, l'autre courait fort le risque de périr.
Comment de tels accidents peuvent-ils se produire de nos jours? Cette question est sûrement à l'esprit de tous les travailleurs canadiens. Ces accidents semblent incompréhensibles à notre époque. Dans toutes les provinces, il existe des commissions des accidents du travail pour protéger les travailleurs canadiens.
Malheureusement, le fait est que les travailleurs sont trop souvent amenés à faire des choses qu'ils savent peu sûres par crainte de perdre leur emploi, surtout en période de ralentissement économique. Comme ils ne peuvent pas se permettre de perdre leur gagne-pain, ils finissent par faire des choses qu'ils savent pertinemment peu judicieuses. Cela vaut en particulier, malheureusement, pour les jeunes.
J'ai trois enfants, de 22, 20 et 18 ans. De nombreux députés ont sans doute des enfants ou des petit-enfants sur le marché du travail. Trop souvent, les jeunes Canadiens connaissent tellement peu leurs droits en tant que travailleurs qu'ils peuvent être amenés à faire quelque chose de risqué. On les fait aller plus vite à l'essentiel afin que l'entreprise puisse encaisser les sacro-saints profits.
Cela est particulièrement important dans un pays comme le Canada où une grande partie de l'économie dépend de l'exploitation des ressources naturelles, dans les secteurs minier, pétrolier, forestier ou de la pêche. Je ne dirai pas que ces secteurs sont en soi peu sûrs, mais beaucoup présentent des risques. Beaucoup emploient de la machinerie lourde. Les mineurs doivent travailler sous terre. Les travailleurs forestiers voient de gros arbres tomber tout autour d'eux. Les statistiques montrent clairement que ce sont là des métiers dangereux et il faut s'assurer que les entreprises fonctionnent de la façon la plus sûre possible.
J'en entendu les argumentations et j'ai lu le projet de loi. On craint que, dans son libellé actuel, le projet de loi soit trop punitif. Soit dit très respectueusement, toutefois, les familles des victimes de la catastrophe de la Westray attendent depuis assez longtemps, depuis dix ans, pour que la question soit soumise à un comité
Comme on l'a signalé ce soir, le député de Pictou—Antigonish—Guysborough a réussi, au cours de la dernière législature, à faire adopter une motion d'initiative parlementaire là-dessus et à la faire renvoyer au Comité de la justice. Toutefois, une des tragédies, en quelque sorte, de notre système parlementaire, c'est que même si un projet de loi d'initiative parlementaire arrive à percer et si des députés ministériels de l'arrière-ban l'appuient à l'encontre des directives de leur parti et le renvoie au comité pertinent, il finit trop souvent par rester au Feuilleton parce que des élections sont déclenchées.
C'est ce qui est arrivé au projet de loi de mon collègue, de telle sorte que la députée de Churchill a dû le présenter à nouveau et recommencer toute la démarche depuis le début. Et voici que nous en discutons encore une décennie plus tard.
Bref, j'appuie l'initiative. Comme on l'a déjà dit, le libellé n'est pas parfait, mais je suis persuadé que le Comité de la justice saura l'améliorer. Il pourra entendre les témoins pertinents et apporter des amendements au projet de loi, mais, pour cela, il faut s'y mettre.
[Français]
Le vice-président: Comme il est 18 h 30, conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la Chambre procédera maintenant aux ordres émanant du gouvernement.
Initiatives ministérielles
[Initiatives ministérielles]
* * *
[Français]
Loi de 2001 modifiant le droit criminel
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-15, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois, soit maintenant lu une deuxième fois et renvoyé à un comité; ainsi que de l'amendement et du sous-amendement.
M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Monsieur le Président, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, il me fait plaisir, encore une fois, de résumer le contexte du projet de loi C-15 qualifié, par le gouvernement, de projet de loi omnibus.
Ce projet de loi omnibus, j'en ai fait la boutade tantôt, est, pour moi, un projet de loi «autobus» dans lequel on peut embarquer beaucoup de passagers sans qu'il y ait de limite. C'est un projet de loi dans lequel le gouvernement a inclus toutes les modifications qui lui passaient par la tête, c'est-à-dire les modifications au Code criminel.
Ce qui fait qu'on vit une drôle de situation, c'est qu'il y a, dans le même projet de loi, des articles portant sur la création de nouvelles infractions visant à protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle, notamment l'exploitation sexuelle mettant en jeu l'utilisation d'Internet; il y a aussi une augmentation de la peine maximale dans le cas de harcèlement criminel; il y a le fait de faire de l'invasion de domiciles une circonstance aggravante pour la détermination de la peine; et la création d'une infraction portant sur l'acte de désarmer un agent de la paix ou de tenter de le faire.
À cela s'ajoute tout un chapitre sur l'augmentation des peines pour les infractions concernant la cruauté envers les animaux. Et c'est là que le bât blesse.
Il y a, dans ce projet de loi, toute une section à propos de laquelle nous sommes d'accord. Tous les députés qui se sont prononcés sur ce projet de loi, les députés de l'opposition à la Chambre, ont avoué leur vif intérêt à ce qu'il y ait un projet de loi qui s'applique et qui soit adopté rapidement.
Dans le cas des infractions concernant les enfants et l' exploitation sexuelle les concernant, dans le cas d'une augmentation de la peine pour le harcèlement criminel, quant au fait qu'on augmente les circonstances aggravantes dans le cas de l'invasion de domiciles, et quant au fait de créer une nouvelle infraction ayant trait au désarmement d'un agent de la paix, nous sommes d'accord.
Cependant, quant au dossier de l'augmentation des peines concernant les infractions envers les animaux, c'est une situation difficile à introduire dans un même projet de loi. C'est difficile pour un député, comme moi, de la circonscription d'Argenteuil--Papineau--Mirabel, la seule circonscription électorale fédérale entre deux communautés métropolitaines, soit celle de Montréal à l'est et celle de l'Outaouais à l'ouest. C'est la seule circonscription dont le territoire est considéré à 50 p. 100 comme étant de zone agricole et à 50 p. 100 comme zone de foresterie, de boisés, de lacs de montagnes.
On peut donc se considérer comme étant une partie du garde-manger de la communauté métropolitaine de Montréal et également une partie du garde-manger de la communauté métropolitaine de l'Outaouais, tout en étant une partie, aussi, du terrain de jeux de ces deux mêmes communautés métropolitaines.
Évidemment, tout ce qui pourrait affecter les agriculteurs dans leur travail me touche directement. Quant au projet de loi C-15, face à l'augmentation des peines à l'égard de la cruauté envers les animaux, je relis une nouvelle modification de la désignation du mot «animal». On donne donc une définition plus large du mot «animal» qui se résume comme suit: «[...] tout vertébré, à l'exception de l'être humain, et tout autre animal pouvant ressentir la douleur».
Évidemment, «tout animal vertébré qui peut ressentir de la douleur», cela nous porte à penser que tous ceux et celles qui dirigent une exploitation agricole reliée à l'élevage d'animaux peuvent être sujets à des accusations, criminelles, en vertu du Code criminel, selon les nouveaux articles 182 et suivants et se voir même condamner à des peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à cinq ans.
Nous avons, à cet égard, de larges et de grandes discussions à faire encore. Et ce qu'on dit au gouvernement, c'est qu'il n'a pas terminé, pas encore complété les discussions dans le dossier de la cruauté envers les animaux et de l'augmentation des peines.
Je cite deux textes concernant les accusations, à savoir «que serait accusée toute personne qui tue un animal sans excuse légitime ou, sans excuse légitime, empoisonne un animal, place du poison de telle manière qu'il puisse être facilement consommé par un animal».
En matière d'agriculture, on pense à la vermine et à beaucoup d'autres choses, mais on s'arrête surtout aux mots: «sans excuse légitime», parce qu'il n'y a pas de définition. Ce sont les seuls termes qui sont utilisés: «sans excuse légitime».
Cela a prêté à confusion. La Fédération des producteurs de lait du Québec, la Fédération agricole de l'Ontario, la Fédération des producteurs de volailles du Québec ont tous manifesté une grande opposition et demandent des éclaircissements beaucoup plus importants à la définition du mot «animal» et à la définition de ce que signifie l'expression «sans excuse légitime».
Il faut régler des problèmes urgents à court terme. On ne le dira jamais assez, il faut régler rapidement le dossier de la pornographie infantile. Dans le même projet de loi, on a introduit le dossier de la cruauté envers les animaux dont les différents intervenants du milieu agricole n'ont pas fini de discuter.
Je l'ai mentionné plus tôt, 50 p. 100 de ma circonscription est de la forêt, des montagnes et des lacs. C'est donc le terrain de jeu d'une partie des citadins. Les associations de chasseurs et de pêcheurs, ceux et celles qui exploitent la ressource faunique de façon respectueuse de tous les règlements et lois, avec les permis nécessaires, toutes ces personnes peuvent craindre à partir d'aujourd'hui de pratiquer leur sport favori et de se faire accuser d'acte criminel si jamais le poisson ou le gibier n'est pas tué immédiatement et qu'il souffre un peu.
Pour les agriculteurs de la circonscription de Argenteuil--Papineau--Mirabel, pour les associations de chasseurs et de pêcheurs, pour les propriétaires de chiens de chasse, pour une vaste activité couvrant une partie de ce territoire, nous nous interrogeons. Tout ce que nous voulons, c'est appuyer tout le projet de loi en ce qui a trait à la pornographie infantile, à l'augmentation des infractions criminelles dans le cas de harcèlement criminel et à la création d'une nouvelle peine pour ceux qui pourraient désarmer des agents de la paix dans le cadre de leurs fonctions. Nous sommes d'accord avec cette partie du projet de loi.
Nous souhaitons que la partie touchant la cruauté envers les animaux soit retirée de ce projet de loi et renvoyée aux différents comités pour discussion et approfondissement. Ainsi, les agriculteurs et agricultrices de la circonscription de Argenteuil--Papineau--Mirabel, du territoire de la province de Québec et de tout le Canada ne seraient pas pénalisés, non plus que les chasseurs et les pêcheurs qui pratiquent leur sport favori en respectant les lois et en ayant les permis nécessaires.
Les agriculteurs ne devraient pas être pénalisés par un projet de loi qui mettrait en danger la façon dont ils exercent leur profession, tout comme les chasseurs et les pêcheurs ne devraient pas l'être pour la manière dont ils pratiquent leur sport.
Par les temps qui courent, ma circonscription est d'autant plus touchée que, sur une bonne partie de son territoire se trouve l'aéroport de Mirabel. Il a été implanté en plein milieu d'une zone agricole. On s'en souvient, c'était la plus vaste expropriation de territoire, le plus grand déplacement de population après les terribles événements qui avaient eu lieu en Acadie.
C'était une vaste opération fédérale. On n'a toujours pas ce qui avait été promis à l'époque, quand on a mis en oeuvre le vaste projet de l'aéroport de Mirabel en pleine zone agricole. On avait promis de construire des autoroutes, l'autoroute 13, l'autoroute 50 et un train rapide qui entrerait dans l'aérogare. Finalement, en 2001, plus de 30 ans après ce projet, nous avons toujours un aéroport pour lequel les autoroutes 13 et 50 n'ait pas été réalisées. Nous n'avons toujours pas de train rapide qui entre dans l'aérogare, même s'il y a une aérogare.
Les citoyens de ma circonscription de Argenteuil--Papineau--Mirabel, face à tout projet de loi, à toute proposition venant du fédéral, sont doublement inquiets lorsqu'on leur dit: «Ne vous inquiétez pas. Ce n'est pas un problème. Tous ceux et celles qui pratiquent leur sport ou ont une exploitation agricole ne sont pas touchés par ce projet de loi.»
Je le répète, on ne peut pas avoir confiance quand on lit le texte, les définitions et les explications de ce qui peut être considéré comme étant de la cruauté envers un animal. Je répète la définition du terme «animal»:
[...] tout vertébré--à l'exception de l'être humain--et de tout autre animal pouvant ressentir la douleur. |
Donc, dans une telle situation, quand on est agriculteur, chasseur ou pêcheur, on est enclin à penser que si on ne tue pas immédiatement le fruit de notre travail ou de notre sport, si on le moindrement un peu de souffrance pour quelque raison que ce soit, on pourrait être accusé d'acte criminel. Je pense qu'on est d'autant plus intéressés à poser des questions.
Nous devons nous assurer que toute cette partie du projet de loi qui concerne la cruauté envers les animaux soit renvoyée en comité, de façon à ce que ceux qui travaillent, qui gagnent honorablement leur vie grâce à l'agriculture, ceux qui font du sport et qui respectent les lois, les chasseurs, les pêcheurs et ceux qui ont des chiens de chasse puissent pratiquer leur sport et leur loisir ou effectuer leur travail sans être sans cesse harcelés par un voisin, une voisine ou quelqu'un qui pourrait les accuser d'un acte criminel, pour quelque raison que ce soit.
Je relis cette partie du projet de loi où on dit que pourrait être accusée d'un acte criminel, toute personne qui:
c) tue un animal sans excuse légitime; |
Nous n'avons pas la définition de ce qu'est une «excuse légitime».
d) sans excuse légitime, empoisonne un animal, place du poison de telle manière qu'il puisse être facilement consommé par un animal [...] |
Il y a de la vermine et des choses pour lesquelles il y a pleins d'outils qui sont disponibles, afin d'avoir une propriété ou une meilleure qualité de vie.
La demande que j'adresse de même que les représentants du Bloc québécois et tous ceux et celles, collègues députés qui ont déposé des projets de loi et fait des discours à la Chambre, c'est que le gouvernement scinde son projet de loi. Car dans un projet de loi omnibus--je le répète, je fais une boutade, mais c'est à cela qu'il ressemble--on inclut à peu près tout, il n'y a pas de limite, et c'est pourquoi je le qualifie de projet de loi «autobus». Au moins dans un autobus, on connaît le nombre de passagers, tandis que dans un projet de loi omnibus, on peut apporter une série de modifications. Et quand on l'adopte, on l'adopte en entier et on ne peut pas en retrancher une partie.
Rappelons que lorsque les fonctionnaires font des recommandations, il est très difficile par la suite de faire inscrire une seule modification. Des discussions très importantes ont lieu entre les principaux organismes qui défendent les agriculteurs à travers le Québec et le Canada et entre les principales associations de chasseurs, de pêcheurs et de propriétaires de chiens de chasse, ceux qui utilisent nos forêts et la faune sur nos territoires à des fins récréatives, qui sont respectueux du sport qu'ils pratiquent, qui se conforment aux normes et qui ont les permis nécessaires. Ces gens qui gagnent leur vie et pratiquent ces loisirs ont de grandes interrogations à l'endroit de ce projet de loi.
Il n'est pas impensable que le gouvernement décide pour une fois de s'entendre avec l'opposition pour adopter rapidement, je ne le dirai jamais assez, tout ce qui a trait à la modification concernant la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle, le harcèlement criminel, les modifications concernant le désarmement d'un agent de la paix ou l'augmentation des peines pour ceux qui font des invasions de domicile. Nous sommes prêts et nous sommes d'accord à adopter cette partie du projet de loi très rapidement, de façon à ce que la population se sente mieux protégée.
Mais pour le reste, en ce qui concerne toutes les implications du dossier de la cruauté envers les animaux, toutes les définitions, la protection de ceux qui pratiquent un sport et qui travaillent honnêtement, pour qu'ils ne soient pas punis par un projet de loi qu'on aurait adopté à la légère, nous demandons qu'il soit scindé. On cherche encore les raisons pour lesquelles, finalement, tout le dossier de la cruauté envers les animaux est inclus dans le même projet de loi que la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle. C'est une aberration. C'est permis parce que c'est un projet de loi omnibus, comme on l'appelle.
S'il y avait un devoir que nous devrions tous nous donner en tant que parlementaires de la Chambre, c'est que les projets de loi soient clairs, pour que la population ne soit pas laissée dans le doute quant au dossier de la protection des enfants et celui de la cruauté envers les animaux.
[Traduction]
M. Howard Hilstrom (Selkirk--Interlake, Alliance canadienne): Monsieur le Président, lorsque j'ai parlé plus tôt du projet de loi C-15, j'ai souligné que les dispositions qu'il renferme concernant la Loi sur les armes à feu ont une intention cachée et visent à atteindre un but par des moyens indirects. Pour étayer les arguments et les idées que j'ai avancés dans le cadre de ce débat, j'aimerais soumettre à mon savant collègue du Bloc québécois une question inspirée des réflexions de la Canadian Shooting Sports Foundation.
Les dispositions infâmes obligeant les détenteurs d'armes à feu à s'en servir, sous peine de les perdre, ont été quelque peu assouplies dans le projet de loi C-15, mais elle existent toujours. Elles autorisent le contrôleur des armes à feu à refuser ou à révoquer un permis de possession ou l'enregistrement d'armes à autorisation restreinte si le propriétaire ne peut prouver que l'arme a servi aux fins pour lesquelles elle a été achetée à l'origine, par exemple pour le tir à la cible ou la constitution d'une collection.
La Fondation espérait que ces dispositions seraient supprimées, mais elle a fait remarquer que le gouvernement s'était rendu aux arguments de la Coalition pour le contrôle des armes à feu et les avait conservées, en y apportant une légère modification. Au lieu d'insister pour que l'arme serve aux fins prévues à l'origine, les dispositions en question font valoir toute fin énumérée à l'article 28, soit la possession pour protéger sa vie ou celle d'autrui, pour exercer une profession légale, pour participer à des compétitions de tir à la cible ou pour constituer une collection d'armes à feu.
Juste parce qu'un bien acheté avec un revenu après imposition repose, verrouillé selon les règles, dans une armoire, pourquoi un gouvernement, qui commence à prendre les airs d'une dictature, devrait-il s'en emparer pour la simple et seule raison que ce bien légalement acquis et conservé n'a pas servi depuis un an? J'aimerais que le député parle des libertés civiles et du droit que les Canadiens devraient avoir de posséder des biens. Rien que parce qu'un bien pourrait ne pas être utilisé, le gouvernement s'arroge le droit de le confisquer.
[Français]
M. Mario Laframboise: Monsieur le Président, dans le dossier de l'enregistrement des armes à feu, après quelques années, on peut dire que, finalement, l'objectif du gouvernement, qui était louable pour une partie, n'a pas été atteint dans la mesure où il y a des problèmes dans les délais d'enregistrement.
Justement, les chasseurs du Québec et du Canada sont doublement méfiants quand vient le temps de donner leur accord à un projet de loi comme celui qui est devant nous car il y a toute une partie portant sur la cruauté envers les animaux.
Si le passé est garant de l'avenir, ils ont raison de s'interroger. Ils ont agi de bonne foi et respecté les lois en vigueur, entre autres dans le dossier de l'enregistrement des armes à feu, qui est un échec monumental. Les délais sont fastidieux, les enregistrements sont longs et pénibles. Cette clientèle vit un problème important.
On ne reviendra pas sur le passé, mais on a devant nous le dossier de la cruauté envers les animaux. Tous ceux dont le loisir touche la faune, les chasseurs et les pêcheurs ont devant un eux un projet de loi qui, à cause des définitions qu'il contient, pourrait les faire accuser.
Il n'y a pas eu de discussion assez approfondie dans les différents comités qui pourraient avoir à débattre de ce sujet afin que les associations concernées puissent être entendues et qu'il n'y ait aucun problème, des discussions de façon à ce que tout le monde comprenne bien que lorsqu'on pratique un sport qui a trait à la faune, tel que la chasse ou la pêche, on ne risque pas d'encourir des accusations criminelles et d'être accusé de cruauté envers les animaux.
C'est la même chose pour les agriculteurs qui travaillent à la sueur de leur front. Je souhaite et j'espère que tous ceux qui travaillent dans cette industrie, tous ceux et celles qui se font un devoir de nous nourrir, n'auront pas cette triste épée de Damoclès au-dessus de leur tête et ne risqueront pas de se faire accuser de cruauté envers les animaux.
C'est pourquoi il faut absolument que tout ce volet portant sur la cruauté envers les animaux soit renvoyé à un comité, que ce projet de loi soit scindé de façon à ce qu'on puisse traiter rapidement de tout le dossier relatif à l'exploitation sexuelle des enfants. Pour le reste, il faut qu'on puisse en traiter en comité et revenir avec un projet de loi dont on aurait discuté avec les différentes associations et les différents mouvements agricoles. De cette manière, ces gens se sentiraient à l'aise de pratiquer leur profession ou leur sport favori.
M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ): Monsieur le Président, comme le député de Argenteuil--Papineau--Mirabel vient effectivement de le mentionner, il y a une série de modifications que la ministre propose dans le projet de loi avec lesquelles nous sommes d'accord. La majorité des parlementaires sont d'accord avec certaines modifications. Nous pourrions donc adopter cette partie du projet de loi très rapidement.
Concernant l' autre partie du projet de loi, la grande majorité des parlementaires, et même ceux du côté du gouvernement, ont des craintes. Cette section touche, entre autres, à la cruauté envers les animaux et à la Loi sur les armes à feu.
Il me semble que ce que nous demandons n'est pas compliqué. C'est de scinder ce projet de loi pour que nous adoptions le plus rapidement possible toutes les dispositions pour protéger les enfants, pour augmenter certaines peines relatives à des infractions bien ciblées et pour donner des outils législatifs supplémentaires aux policiers.
D'un autre côté, concernant la cruauté envers les animaux, compte tenu de la complexité du sujet, nous devons prendre le temps d'examiner adéquatement la problématique de ce projet de loi. Nous ne sommes pas contre le fait de protéger les animaux et d'augmenter les peines. Ce n'est pas cela, mais c'est un dossier complexe.
C'est le sujet de ma question au député d'Argenteuil--Papineau--Mirabel. En ce qui a trait à tout le volet et les définitions que l'on retrouve dans ce projet de loi en ce qui concerne, entre autres, un animal, soit tout vertébré excluant l'être humain, le député croit-il, comme plusieurs compagnies pharmaceutiques, plusieurs universités canadiennes et associations travaillant dans le domaine médical, qu'un projet de loi semblable, s'il voit le jour, va freiner le développement de médicaments? Est-ce qu'avec ce projet de loi, s'il était vigueur aujourd'hui ou s'il l'avait été dans le passé, nous aurions pu faire d'aussi belles découvertes que celles que nous avons faites jusqu'à maintenant sur des médicaments qu'à peu près tout le monde connaît, qui ont été malheureusement testés sur des animaux, mais qui sauvent des vies humaines?
M. Mario Laframboise: Monsieur le Président, la question de mon collègue de Berthier--Montcalm est claire. Oui, je crois que cela pourrait freiner la découverte de nouveaux médicaments. On peut relire les définitions de ce qui peut constituer un acte criminel. On mentionne à l'article 182.2:
(1) a) cause à un animal ou, s'il en est le propriétaire, permet que lui soit causée une douleur, souffrance ou blessure, sans nécessité; |
Quand nous n'avons pas de définition du terme «nécessité», que c'est écrit «tue un animal sans excuse légitime» et que nous n'avons pas la définition de ce que c'est, nous trouverons toujours des mouvements qui voudront empêcher des recherches, empêcher beaucoup de situations pour lesquelles ces personnes trouvent qu'il y a cruauté, alors que, dans les faits, ce n'est pas nécessairement le résultat. Ce n'est pas nécessairement de la cruauté qui est commise envers les animaux.
À ce sujet, je remercie mon collègue d'apporter des précisions, à savoir que j'appuie sans réserve le fait que nous voulons que la vraie cruauté envers les animaux soit punie. C'est ce que nous disons. Cependant, il faut que les agriculteurs, les chasseurs, les pêcheurs, les gens qui gagnent leur vie et qui pratiquent un loisir ne soient pas punis parce qu'on a ajouté des définitions à un projet de loi qui rendent ces personnes passibles de se faire poursuivre en justice.
[Traduction]
M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi que de prendre part à ce débat, comme nous le faisons à l'occasion dans d'autres débats.
En guise d'introduction, je voudrais parler de l'essence de la démocratie, qui souffre beaucoup, à mon avis, de ce qui se passe dans cette enceinte. Je sais que je dois respecter les règles parlementaires. Je demanderai donc aux députés d'imaginer les pires mots que l'on puisse utiliser pour dire à quel point je suis en colère contre le gouvernement libéral parce qu'il jette pêle-mêle dans le même projet de loi une série d'éléments fort disparates et qu'il me demande de voter en bloc sur l'ensemble de ces mesures. En agissant ainsi, le gouvernement fait preuve d'un opportunisme politique éhonté et injuste. Cela m'irrite énormément.
Je suis en colère parce que j'estime qu'au Parlement, dans cette grande enceinte où nous représentons les citoyens de notre merveilleux pays, nous devrions pouvoir débattre les affaires du pays. Nous devrions avoir l'occasion de convaincre d'autres députés du bien-fondé de notre point de vue pour que tous puissent voter ensuite librement. Je regrette de ne pouvoir faire changer le vote d'un seul député ministériel puisque, même si mes arguments sont d'une logique et d'une solidité à toute épreuve, les libéraux obtempéreront à l'ordre de la ministre et voteront en masse en faveur du projet de loi, même s'il est gravement vicié.
Qui plus est, je suis vraiment en colère parce que je suis forcé de voter en faveur de mesures que je désapprouve totalement ou, au contraire, de voter contre des mesures que j'appuie totalement. Je suis donc dans une situation sans issue, et cela aurait pu être évité.
Je me suis déjà servi de cet exemple, parce que ce n'est pas la première fois que le gouvernement fait cela. Je n'ai peut-être pas utilisé exactement les mêmes éléments, mais disons que je m'apprête à commander un repas dans un restaurant. Le menu affiche quatre ou cinq plats différents, mais avec chacun de ces plats il y a un à-côté et je suis forcé, pour commander le plat que je veux, d'accepter un à-côté qui me déplaît tout à fait.
Disons que je commande un steak. J'adore le steak. Je viens de l'Ouest. Il n'y a rien de meilleur qu'un bon steak de l'Alberta.
Une voix: Nous l'avions remarqué.
M. Ken Epp: Le député l'a remarqué seulement en me regardant du coin de l'oeil. Un des plats figurant au menu est un steak avec tous les à-côtés, légumes et tout. Mais on me dit que je ne peux pas avoir un steak sauf s'il est recouvert de gravier. Je n'aime pas le gravier qui, d'ailleurs, abîme les dents, mais on me dit que, sans cela, je ne peux pas avoir le steak.
J'ai un autre exemple, qui est encore plus brutal. Il est question ici de dinde avec tous les à-côtés. Ce sera bientôt le Jour d'Action de grâce au Canada et aux États-Unis. Cette fête aura une signification particulière cette année, étant donné les récents événements. Nous sommes reconnaissants de vivre dans un pays où l'on est libre d'agir et de vivre. Mais je pense à cette dinde qui n'a pas été plumée avant d'être mise au four. Or, on me dit de manger tant les plumes que la dinde que j'aime tant.
Dans tous ces cas, on ne me donne pas le choix. C'est la même chose avec ce projet de loi. On me demande de voter sur l'ensemble, pour ou contre.
Je suis d'ailleurs persuadé que cela s'inscrit tout à fait dans la foulée de ce que j'ai pu constater au cours des élections de 1993.
L'une de mes collègues de l'époque, qui représentait alors la circonscription d'Edmonton-Nord et qui représente maintenant celle de Beaver River, était candidate. Elle a fait parvenir à tous ses électeurs une brochure comprenant une liste de toutes les choses pour lesquelles elle s'était prononcée pour ou contre. C'étaient sans contredit des choses que les gens de sa circonscription voulaient ou ne voulaient pas. Il y avait là un objectif purement politique. Dans le cadre d'un vote, et c'est d'ailleurs presque toujours le cas, il est très rare que nous puissions nous prononcer de tout coeur pour ou contre une question.
Dans le cas d'un projet de loi comme celui-ci, qui contient des éléments tout à fait inadmissibles, nous ne pouvons pas, en toute conscience, à la fois nous prononcer en faveur et représenter nos électeurs. Toutefois, il y a un autre élément dans le même projet de loi auquel je ne peux m'opposer. C'est une situation sans issue.
Je crois vraiment que le président devrait intervenir ici. Il devrait affirmer qu'il importe de préserver le droit qu'ont les députés de voter selon ce qu'ils croient que leurs électeurs voudraient qu'ils fassent.
Puisque ce projet de loi crée un tel dilemme pour les députés, le président devrait le rejeter sous sa forme actuelle. Peut-être le président pourrait-il dire au gouvernement que le projet de loi devrait être divisé et de nouveau soumis aux députés pour qu'ils en discutent, qu'ils le modifient et se prononcent à ce sujet. Ce pourrait être une solution. Après tout, le rôle du président est de voir à ce que les droits des parlementaires soient respectés.
Je ne crois pas que cette façon de faire ou toute autre puisse être considérée comme un moyen acceptable de me forcer à voter autrement que je le devrais sur certaines questions.
La loi électorale et la Loi sur le Parlement du Canada prévoient, entre autres, que si une personne tentait de m'offrir de l'argent pour me persuader de modifier mon vote, cela serait considéré comme un crime. La personne qui aurait tenté d'acheter le vote et le ou la députée qui aurait été assez stupide pour accepter cette offre, pourraient, avec raison, se retrouver en prison.
Pourquoi la personne qui offre un pot-de-vin devrait-elle aller en prison, alors que le gouvernement m'oblige à voter contre mes convictions et qu'il ne va pas en prison? Je voudrais que tous les libéraux soient en prison. Il est inacceptable d'agir ainsi contre une personne tout en maintenant l'intégrité du Parlement. Qu'on y songe. À mon avis, on n'y a pas suffisamment réfléchi.
Tout cela en guise d'introduction. Quelques aspects du projet de loi m'irritent profondément, mais je pourrais probablement en appuyer certains d'autres. Par exemple, en cette ère moderne de l'électronique, il est désormais très facile de transmettre des renseignements par voie électronique, au moyen d'ordinateurs, de courriels et d'Internet. Un aspect du projet de loi qui n'a pas été mentionné jusqu'ici dans le débat, je crois, c'est que le projet de loi permet d'accepter en preuve des renseignements transmis par voie électronique. C'est fort bien. Il est merveilleux que nous puissions communiquer rapidement et facilement.
Une autre disposition du projet de loi est avantageuse. Elle prévoit qu'un témoin, ou même un accusé, n'est pas tenu d'être présent dans la salle du tribunal si, par un moyen de communication électronique, on peut montrer, à la satisfaction du tribunal, que tous les intéressés peuvent se voir et s'entendre simultanément. Il s'agit là d'une bonne initiative. Elle pourrait épargner à notre pays des millions de dollars en coûts de déplacement des témoins, à condition que les tribunaux soient convaincus qu'aucune coercition n'a été exercée et que toutes les déclarations ont été faites librement. Je voterais pour cette proposition car elle est avantageuse.
Je suis sensible à une autre disposition du projet de loi en raison de mon expérience passée. Ceux qui me connaissent sauront de quoi je parle. J'ai des affinités avec les personnes handicapées, car j'avais une soeur gravement handicapée. Des dispositions du projet de loi feraient en sorte qu'il soit plus facile pour ces personnes de faire une déposition comme accusés ou témoins.
Si un juge estime qu'une personne est intimidée dans une salle d'audience parce que tout le monde la regarde, le projet de loi permettra à cette personne de témoigner derrière un écran sans être vue. Autre chose très importante, on pourra prendre des dispositions permettant à la victime de ne pas voir l'accusé. C'est très important pour assurer le respect des droits de la victime. J'appuie ces dispositions. Je veux voter oui quand viendra le moment de nous prononcer sur le projet de loi C-15 à cause de certaines de ces dispositions.
Le projet de loi traite de la pornographie juvénile. Je sais que d'autres de mes collègues ont déjà abordé cette question dans leur intervention. Je tiens vraiment à voter en faveur de tout ce qui pourra réduire ces attaques abominables contre nos enfants. Qu'il s'agisse de l'exploitation physique d'un enfant, chose qui me paraît absolument inconcevable, ou qu'il s'agisse de bandes dessinées dont la production n'a pas réellement entraîné la participation d'un enfant, l'idée même que l'on fasse la promotion de ces activités dans notre société m'inspire un tel dégoût que je veux exprimer mon opposition.
Le projet de loi propose quelques mesures timides pour améliorer la protection des enfants et pour restreindre l'industrie de la pornographie juvénile. Je veux voter en faveur de cela, mais pas en faveur de certaines autres choses.
Je suis franchement troublé par le peu de protection que nous accordons aux enfants en tant que société. L'âge du consentement est actuellement de 14 ans. C'est incroyable. Nous avons des amis qui ont une génération de moins que nous, mais leurs enfants grandissent. Je pense ici à une famille bien précise. Une famille magnifique, qui compte trois enfants.
Je ne peux pas imaginer que quelqu'un puisse chercher à intimider cette jeune fille, qui a à peine plus de 14 ans, ou à l'entraîner dans certains de ces actes odieux, en recourant à Internet ou à d'autres moyens, et s'en tirer parce que l'âge du consentement est fixé à 14 ans. Je rappelle que ce projet de loi porte notamment sur l'utilisation d'Internet pour attirer des enfants.
Je suis contre le fait que l'âge du consentement soit fixé à 14 ans. Il devrait être fixé au moins à 16 ans, et de préférence à 18 ans. Si nous ne sommes pas prêts à protéger nos enfants en tant que société, cela augure mal. Nous devons prendre des mesures très fermes à ce sujet.
Il y a aussi la question de la cruauté envers les animaux. C'est un aspect qui est loin d'être traité adéquatement dans ce projet de loi. Personnellement, je ne peux vraiment pas fermer les yeux sur la cruauté délibérée envers des animaux. J'ai entendu parler de telles situations. Je me souviens d'un cas dans la région d'Edmonton, près de ma circonscription.
Il y avait cette dame, qui vivait dans une maison pleine de chats, ce qui arrive de temps à autre dans différentes villes, mais vous dire ce que ces animaux enduraient comme souffrances! Je pense qu'il y avait, dans cette maison, entre 50 et 100 chats souffrant de malnutrition. En fait, bon nombre d'entre eux étaient morts. D'après les gens qui ont pénétré dans la maison, la puanteur qui régnait était horrible et pourtant, cette dame y vivait avec ces chats. De toute évidence, elle souffrait de troubles mentaux et avait besoin d'aide. Le sort réservé à ces animaux est épouvantable.
Je tiens à ce qu'il soit clair que je n'approuverai jamais ou que je n'excuserai jamais les tortures ou les mauvais traitements infligés délibérément à des animaux.
J'ai grandi dans une exploitation agricole en Saskatchewan. Les choses qui devaient être faites pour entraîner les animaux étaient tout à fait raisonnables, même si on n'a pas clairement défini ce qu'on entendait par là dans ce projet de loi.
Essayer d'entraîner un animal, qu'il s'agisse d'un dauphin ou d'un éléphant, exige une combinaison de récompenses et de punitions. C'est la seule façon de procéder. Certains pourraient penser qu'il est très cruel pour un homme comme moi de monter un petit poney pour essayer de le dompter et pourtant, c'est une très bonne façon. Il ne s'agit pas de lui briser le dos même si c'est une possibilité. Si une personne lourde monte un animal, ce dernier se fatiguera plus rapidement et il est ainsi plus facile à dompter. Cela fait partie de l'entraînement d'un animal.
Il y a d'autres choses. J'ignore combien de députés ont un chien. Comment entraîne-t-on un chien pour qu'il se comporte de façon socialement acceptable lorsqu'il vit dans une maison avec des humains? Pour qu'un chiot obéisse, on est obligé de le punir en utilisant un petit peu de force. Cela ne lui fait pas mal, mais certains vont dire que c'est cruel.
Je pense à la façon dont nous traitions nos animaux sur la ferme. Mon père faisait toujours très attention. Cependant, le projet de loi dit ceci. Commet une infraction quiconque, volontairement ou sans se soucier des conséquences de son acte, cause à un animal ou, s'il en est le propriétaire, permet que lui soit causée une douleur, souffrance ou blessure, sans nécessité; tue sauvagement ou cruellement un animal--que la mort soit immédiate ou non--ou, s'il en est le propriétaire, permet qu'il soit ainsi tué.
Lorsque j'étais jeune, nous allions à la pêche. Cela faisait partie de notre alimentation. Lorsqu'on sort un poisson de l'eau, il est accroché à ce terrible hameçon, ce qui est plutôt cruel. Le poisson est ensuite tué. Certaines personnes le laissent simplement mourir par asphyxie. D'autres utilisent d'autres moyens pour le tuer. Est-ce à dire que la pêche sportive va maintenant être illégale? Pour moi, c'est plutôt brutal. Si on faisait cela à un humain, ce serait considéré comme tel. Pourtant, le projet de loi dit que si on laisse un animal être tué ainsi sauvagement ou cruellement, que l'animal meure immédiatement ou non, on est coupable.
On ne peut accepter cela. Ce projet de loi menacerait tous ceux qui pratiquent la pêche sportive et, en fait, consomment le poisson ainsi pêché, chose pourtant normale. Nous voilà donc saisis d'un projet de loi libéral et on me dit que je dois voter en faveur de cette mesure.
Je pense aussi aux animaux. Quand nous avions une ferme, nous faisions boucherie nous-mêmes. Aujourd'hui, ce sont les abattoirs qui s'en chargent. Cependant, quand j'étais jeune, nous abattions nous-mêmes nos bêtes. Mon père leur tirait une balle entre les deux yeux et ils mouraient instantanément. Je le répète, si nous faisions cela à un humain, ce serait considéré comme sauvage et cruel.
Les mots sauvagement et cruellement ne sont pas définis. Dans ce cas particulier, l'animal mourait, à mon avis, en une fraction de seconde. Or, aux termes du projet de loi, cet agriculteur, ce chasseur ou cet autochtone dans le Grand Nord qui tue un orignal risque d'être accusé d'une infraction parce que ce qu'il a fait est sauvage et cruel.
Je ne puis appuyer le projet de loi parce qu'il renferme une telle disposition. Je le demande au gouvernement et à la présidence. Scindons le projet de loi. Discutons d'une chose à la fois. Cela ne prendrait pas plus de temps. En fait, cela en prendrait moins parce que nous pourrions discuter de chacun des sujets séparément, y apporter les modifications que nous voulons, les mettre aux voix et passer à autre chose.
Dans l'état actuel des choses, nous n'irons nulle part parce que nous ne pouvons nous entendre là-dessus. C'est vraiment un tour de force que d'avancer et de reculer en même temps.
Il y a des limites. J'estime que la démocratie souffre de ce que ces dispositions figurent dans le projet de loi. Il y en a d'autres, mais je manque de temps pour en parler. Toutefois, c'est essentiellement ce que je voulais dire aujourd'hui. J'espère vraiment que le gouvernement reviendra sur sa décision et, même à cette étape-ci, soit celle de la deuxième lecture du projet de loi, qu'il le retirera, le scindera et fera appel à notre coopération, ce qui nous permettrait de faire notre travail.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ): Monsieur le Président, dans l'ensemble, je suis d'accord avec le discours du député. Cependant, il y a des parties de son discours que j'ai de la difficulté à comprendre, surtout lorsqu'il dit qu'un jeune de 14 ans ne peut pas donner son consentement libre et éclairé et qu'on devrait augmenter l'âge jusqu'à 18 ans, alors que le même député ou le parti qu'il représente, dans la Loi sur les jeunes contrevenants, veut baisser l'âge à 10 ans.
Il me semble qu'il y a des contradictions en ce qui concerne l'âge des jeunes. S'ils ne sont pas assez vieux pour donner leur consentement, je pense qu'ils ne sont pas assez vieux pour les traiter comme des adultes non plus. Mais j'aimerais qu'à un moment donné, le député puisse éclairer la Chambre à propos de ces points.
Mais il y a un autre parti qui se contredit beaucoup--je pense que le député l'a relevé dans son discours--et je voudrais le soulever également et lui poser une question par la suite, car il s'agit du parti gouvernemental.
Le gouvernement fait de grands débats sur le travail du député, à savoir comment améliorer les règles au Parlement pour aider les députés à donner un meilleur service aux électeurs, à avoir des règles, ici à la Chambre, afin de mieux faire son travail, enfin, toutes sortes de beaux discours. Il y a eu une journée, cette semaine, lors de laquelle on a discuté de tout cela. Pourtant, concrètement, je pense que le gouvernement pourrait nous démontrer sa bonne foi.
Avec la motion qui a été présentée par le parti de l'opposition, le gouvernement pourrait démontrer à cette Chambre et à tous ceux qui nous écoutent également, qu'effectivement, il veut revaloriser le travail des députés. Ce que l'opposition demande, c'est seulement d'avoir des outils pour mieux faire notre travail. C'est un projet de loi fort complexe, un projet de loi qui touche toutes sortes d'affaires, qui met sur le même pied d'égalité certaines valeurs qu'on ne devrait pas mêler. Notamment, on ne devrait pas inclure la défense des enfants avec la défense des animaux. Cela n'a pas de bon sens.
Il y a des choses qu'on pourrait adopter rapidement afin que ce soit appliqué également rapidement. Il y a d'autres choses dans le projet de loi qui méritent d'être étudiées, analysées.
Finalement, ma question au député est très simple. Si le gouvernement était en faveur de la motion et qu'il décidait de diviser le projet de loi en deux ou en trois, s'il scindait le projet de loi, croit-il que les députés de la Chambre, autant ceux du gouvernement que des partis d'opposition, pourraient faire un meilleur travail, pourraient faire en sorte que le ou les projets de loi qui en découleraient correspondraient mieux aux attentes de nos commettants?
Donc, ma question est celle-ci: si le gouvernement scindait le projet de loi, est-ce qu'il passerait aux actes lorsqu'il dit vouloir «réformer» le système ici et vouloir revaloriser le travail des députés?
[Traduction]
M. Ken Epp: Monsieur le Président, je remercie les interprètes, car, sans leur aide, je n'aurais pas compris un mot de l'intervention du député, puisque je suis l'un de ces malheureux Canadiens unilingues.
Je voudrais répondre aux questions qu'il a posées, à commencer par celle de l'âge. C'est une excellente question, parce qu'on nous accuse souvent à tort de vouloir que, dans le système judiciaire, les enfants soient traités comme s'ils étaient des adultes. Or, ce n'est pas du tout l'intention des projets de loi ou des politiques que nous proposons.
Dans le contexte actuel, le jeune de dix ans qui commet un crime grave est simplement remis à ses parents. Très souvent, il leur faudrait plutôt une bonne intervention, au sein de notre système judiciaire, pour qu'ils aient de l'aide immédiatement, qu'ils aillent dans une maison pour jeunes où on leur enseigne la responsabilité sociale. Tout ce que nous essayons de faire, c'est de les faire entrer dans le système pour les aider et éviter qu'ils ne deviennent de véritables criminels.
Nous croyons aussi que, dans ce même contexte, si un jeune de moins de 18 ans commet un crime grave, un meurtre, un viol ou une grave agression, il devrait en répondre. Je ne justifie pas cela. Je ne parle pas d'un enfant de dix ans. Je parle de jeunes qui se situent dans la partie supérieure de cette catégorie d'âge.
Deuxièmement, le député a demandé si le gouvernement pourrait agir de bonne foi ici. Je souhaite vraiment qu'il le fasse. Notre processus législatif serait grandement amélioré si tous les députés pouvaient réellement représenter à la Chambre leurs électeurs et intervenir selon leur conscience.
Par exemple, au comité aujourd'hui, nous avons donné un avis de motion visant à exiger que les ministres soient tenus de rendre des comptes au cours de la crise actuelle. J'ai été absolument renversé d'apprendre que je n'avais pas le droit de proposer cette motion. Comment cela? Sur un ordre, tous les libéraux se sont levés et ont quitté la salle, même si la séance n'était pas encore levée. Nous n'avions plus le quorum, de sorte que le président ne pouvait pas accepter ma motion. Ce sont là des tactiques d'intimidation.
La bonne réponse aurait été de me laisser présenter la motion, de la débattre puis de laisser chacun décider pour soi, sans pression de la part des partis. Il aurait simplement fallu considérer la motion et voter en faveur si elle était bonne et contre dans le cas contraire. Notre système ne serait-il pas meilleur si on procédait ainsi?
La même chose devrait se produire avec ce projet de loi. J'aimerais qu'il y ait à la Chambre davantage de votes libres au sujet des projets de loi d'initiative ministérielle. Je sais qu'il y en a eu plusieurs où les membres du parti au pouvoir n'étaient pas vraiment d'accord, mais ont voté en faveur de la motion surtout parce qu'on avait exercé des pressions sur eux. Je suis plutôt convaincu que si nous disposions d'une plus grande marge de manoeuvre dans nos partis respectifs pour déroger à la ligne du parti, nous accepterions des amendements qui amélioreraient les mesures législatives.
J'aimerais également que nous ayons vraiment le pouvoir de rejeter un projet de loi sans risquer de renverser le gouvernement. Quand je me prononce au sujet d' un projet de loi, je devrais me prononcer sur son contenu et non sur l'éventualité d'une élection. C'est de la confusion totale de ne pas s'exprimer sur une question mais plutôt sur la situation du gouvernement.
Il faut absolument que nous procédions à ces réformes. Nous devons avoir ce pouvoir dont dispose le parti dirigeant, quel qu'il soit; pour l'instant, il s'agit des libéraux. Je réponds donc à mon collègue un oui retentissant. Ce serait très utile. Cela contribuerait à créer une atmosphère de bonne volonté. En outre, si le gouvernement acceptait de scinder le projet de loi et nous permettait de le traiter comme il se doit, cela améliorerait la réputation du Parlement auprès des citoyens. Ce n'est pas ce qui se passe à l'heure actuelle. On nous intimide au lieu de nous permettre de faire notre travail de parlementaires.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, je tiens à dire à quel point les discours du député d'Elk Island me plaisent. Il se montre très réconfortant, un peu comme le regretté M. Dressup, qui est décédé récemment. Son style oratoire me rappelle un peu celui de M. Dressup.
Permettez-moi de demander au député son avis sur un point. Dans son introduction, il a vanté les mérites relatifs des projets de loi omnibus. Pense-t-il comme moi que l'idée d'un projet de loi omnibus a sa place? Par exemple, dans le cas du projet de loi C-23, il a fallu apporter en même temps la même modification à une foule de projets de loi. Dans ce cas, il s'agissait de faire en sorte que les couples d'homosexuels et de lesbiennes bénéficient des mêmes avantages que les couples hétérosexuels. Il fallait modifier en une seule fois plusieurs projets de loi en conséquence. C'était essentiel.
Est-il aussi d'accord avec moi sur le fait que lorsqu'on essaie d'élaborer un projet de loi omnibus à partir d'un tas d'éléments disparates jetés pêle-mêle, on obtient ce qu'on appelle dans le secteur des services financiers quelque chose comme un arrangement de ventes liées? Quelqu'un se présente dans une banque afin de contracter un emprunt hypothécaire. Le préposé lui consent un taux de 6,5 p. 100, sous réserve qu'il transfère son prêt-auto et qu'il se procure la carte de crédit de la banque. Voilà ce qu'est la vente liée. Autrement dit, la personne obtiendra ce qu'elle désire à condition d'accepter un tas de choses qu'elle ne veut pas.
Pense-t-il comme moi que ce projet de loi s'apparente à la vente liée, illégale et passible de sanctions visant à décourager les gens sans scrupules qui s'y adonnent? Le député voit-il la comparaison?
M. Ken Epp: Monsieur le Président, le député de Winnipeg a soulevé un point très important. Il arrive souvent qu'une loi qui a des répercussions sur un certain nombre de lois différentes soit modifiée. Il est alors tout à fait indiqué d'inclure toutes ces lois dans le même projet de loi. Même si c'est ainsi qu'on le désigne, ce n'est pas à proprement parler un projet de loi omnibus, car il traite essentiellement d'un seul sujet. Il arrive qu'on doive modifier de nombreuses lois pour tenir compte des changements législatifs ou stratégiques du gouvernement.
Cependant, comme le député l'a expliqué, il est ici question d'un mélange très lourd. Il s'agit d'un ramassis de toutes sortes de choses. J'imagine que c'est comme si on prenait tous les aliments que l'on consomme dans une semaine, qu'on les plaçait dans une casserole, qu'on les mélangeait, qu'on les réchauffait et qu'on nous invitait à manger cela. À mon avis, ce ne serait pas très agréable au goût. Nous voudrions probablement rejeter ce mélange et, en fait, nous le rejetterions peut-être après l'avoir mangé. Voilà ce que je pense de ce projet de loi.
Le vice-président: Nous allons maintenant passer à la prochaine étape du débat, celle où les interventions seront limitées à dix minutes, sans question ni observation.
M. Grant McNally (Dewdney--Alouette, PC/RD): Monsieur le Président, je remercie mes collègues de me permettre de prendre la parole au nom de la Coalition de la représentation démocratique progressiste-conservatrice. Je souscris à certaines observations faites par le député d'Elk Island, dans la longue mais très importante présentation qu'il a faite du projet de loi, ainsi qu'aux observations faites ensuite par le député de Winnipeg-Centre.
Nous avons vu le gouvernement recourir à cette tactique trop souvent à cet endroit. En présentant à la Chambre un projet de loi omnibus, il oblige des députés à voter contre des mesures qu'ils appuient et vice-versa.
C'est très mauvais. Cela donne à entendre aux députés comme à leurs électeurs qu'il vaut mieux faire preuve d'esprit partisan que de collaborer et de faire des compromis dans l'intérêt du pays tout entier.
C'est une honte! Les Canadiens s'attendent à ce que nous fassions preuve de leadership. Il y a beaucoup trop longtemps que nous nous comportons ici comme des adversaires à cause de la façon dont le gouvernement traite les projets de loi.
Il serait dans l'intérêt du gouvernement qu'il fasse exactement ce que proposent mes collègues et scinde le projet de loi en plusieurs mesures parce qu'il traite de questions très controversées pour des députés de différents partis. Nous sommes nombreux, dans l'opposition, à faire valoir que nous pouvons appuyer bien des dispositions du projet de loi, mais pas toutes.
Si le gouvernement faisait preuve de bonne volonté et de leadership, il mettrait fin à cette pratique. Cela refléterait aussi la volonté des Canadiens, à savoir que cet endroit s'occupe des affaires de leur pays d'une façon moins partisane.
Les députés de l'opposition peuvent avoir de bonnes idées. Les députés ministériels peuvent avoir des idées auxquelles l'opposition peut souscrire. Les deux situations sont possibles et devraient arriver plus souvent.
Comme il est majoritaire, le gouvernement peut donner l'exemple dans ce domaine. Il se trouve que nous demandons que le ton change, que l'orientation change et qu'on fasse preuve de leadership. Si le gouvernement décidait de faire cela, on lui emboîterait le pas. Ce serait dans son intérêt et dans celui du Canada tout entier.
J'espère que la pratique des projets de loi omnibus ne se perpétuera pas au cours de la présente législature. Les projets de loi omnibus ne font que mettre les gens dans une situation délicate.
L'article 13 ajouterait le paragraphe 164.2 à la loi. Il porte sur la confiscation de matériel et d'équipement saisis chez des individus produisant du matériel de pornographie juvénile. Cette partie du projet de loi correspond à un élément du projet de loi d'initiative parlementaire de mon collègue de Lethbridge. Il a consacré beaucoup d'efforts à ce projet qui a été modifié avant d'être intégré au projet de loi maintenant devant nous.
Comme mon collègue allianciste de Lethbridge est l'un de ceux qui, pour ainsi dire, ne se vante pas souvent de ce qu'il accomplit, il faut l'appuyer ce soir et le féliciter de son bon travail. À titre de députés, nous ne voyons pas souvent les efforts que nous avons consacrés à l'élaboration de projets de loi d'initiative parlementaire porter fruit et servir à modifier des lois du gouvernement. Le député de Lethbridge s'est montré très efficace sur ce plan et a aidé à apporter un changement très important au projet de loi.
Par la même occasion, je me reporte à une des mes observations précédentes. Je disais donc qu'il se trouvera peut-être dans la position difficile d'avoir à se prononcer contre un projet de loi qui comporte un élément tiré de son propre projet de loi d'initiative parlementaire et que la ministre de la Justice aurait inclus dans son projet de loi. C'est une honte. C'est pour cette raison que nous demandons que ces projets de loi soient présentés séparément selon le sujet pour que nous puissions avoir un débat honnête, interpeller le gouvernement et lui donner l'occasion de faire preuve de leadership plutôt que de recommencer le même jeu encore et encore.
Beaucoup de mes collègues ont pointé du doigt d'autres caractéristiques du projet de loi. Plus tôt aujourd'hui, mon collègue du Bloc a très bien expliqué les problèmes relatifs au registre des armes à feu et l'effet que le projet de loi aura sur ce dernier. Il a dit que ce n'était tout simplement pas le bon outil pour atteindre un objectif, qui était bon, et que le projet de loi dont nous sommes saisis ne règle pas la question.
Cela fait déjà très longtemps que nous avons débattu en cette enceinte le projet de loi C-68, qui a instauré le registre des armes à feu. Nous savons que c'est une mesure législative qui est revenue très cher et qui n'a pas eu les effets désirés. Réduire les crimes commis par ceux qui utilisent une arme pour ce faire est un objectif louable, mais la mesure législative n'a aucune influence sur ce qu'elle est censée accomplir. Ça aussi, c'est une honte.
Ces ressources auraient pu être utilisées ailleurs. Le projet de loi ne contribue pas à régler ce problème. À bien des égards, il ne fait que l'empirer, comme l'ont fait remarquer mes collègues plus tôt aujourd'hui.
Ce n 'est pas inhabituel. Le gouvernement a maintenant l'occasion d'apporter des changements positifs et de s'engager dans une direction nécessaire pour plusieurs raisons. Néanmoins, il n'en fait rien. Nous le prions de changer d'attitude quant à la manière dont il procède en ayant recours à des mesures législatives comme le projet de loi C-15.
Je terminerai en disant que j'espère que les commentaires faits par les députés de l'opposition ce soir et plus tôt aujourd'hui auront une influence et un effet sur le gouvernement et qu'ils le forceront à changer d'idée et de direction. Malheureusement, beaucoup d'entre nous sont ici depuis suffisamment longtemps pour savoir que soulever de bonnes questions, avancer de bons arguments et de bonnes idées...
Une voix: Il n'y a pas de garantie.
M. Grant McNally: Le député a tout à fait raison. Il n'y a aucune garantie que les changements seront apportés. C'est dommage car, collectivement, les députés possèdent des trésors de renseignements, de ressources et de bonnes idées.
Pourquoi ne pas mettre en oeuvre ces bonnes idées plutôt que de se contenter de voir d'où vient l'idée avant de décider si elle est bonne ou pas? Nous serions mieux servis par ce genre de leadership en cet endroit. Ceux d'entre nous qui sont dans l'opposition s'efforcent de porter ces points à l'attention du gouvernement. Nous travaillons très fort pour présenter une solution de rechange au peuple canadien et au gouvernement.
Nous voulons que les Canadiens sachent que nous leur offrirons un changement d'orientation car cela ne se produit que lorsque le groupe au pouvoir a la volonté d'apporter les changements voulus. J'espère que cela va arriver, particulièrement en ce qui concerne le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.
[Français]
M. Marcel Gagnon (Champlain, BQ): Monsieur le Président, malgré une voix endolorie par une grippe, j'espère que je serai capable d'aller jusqu'à la fin du temps qui m'est imparti. Si je ne me rends pas jusqu'à la fin--c'est seulement dix minutes--, ce sera à cause de ma voix et sûrement pas à cause du manque d'idées.
Depuis maintenant quelque trois heures qu'on parle de ce projet de loi, tous les arguments ont été soulevés, mais il est bon de les répéter. Parfois, il semble que du côté de l'opposition--je fais suite à ce que le collègue qui m'a précédé vient de mentionner--il y a aussi de bonnes idées. Et pourtant, ce ne serait pas gênant de les accepter dans un système démocratique où on est tous redevables à la population, pour améliorer la situation.
Il est dommage de voir qu'on répète les mêmes arguments en faisant nôtre l'expérience que l'on a, alors qu'on ne voit pas de changements de l'autre côté. Je suis d'avis que si un ministre acceptait un jour de dire: «L'opposition avait raison et je change ma façon de faire», même si ce ministre n'est pas de mon parti, je serais le premier à le remercier publiquement, même dans mon comté, parce que je pense que c'est cela, l'essence de la démocratie.
J'aimerais ouvrir une parenthèse, ici, parce que c'est la première fois que j'ai l'occasion de prendre la parole depuis les tristes événements qui sont se produits aux États-Unis, la semaine dernière. Je me sens obligé de dire à ma parenté--ma mère étant américaine, on comprendra que la moitié de ma parenté, cousins et cousines, demeure aux États-Unis--et au peuple américain, que l'on sympathise beaucoup avec eux à cause de ces événements tragiques.
On a parlé de démocratie. S'il y a une valeur qui est belle, noble et grande, s'il y a une valeur pour laquelle il vaut la peine de se battre, c'est bien la démocratie. Il faut conserver nos valeurs démocratiques.
J'ai été choyé. En effet, j'ai été député à l'Assemblée nationale du Québec avec M. René Lévesque. Tout le monde admettra que René Lévesque était un grand démocrate. Il m'a donné beaucoup de leçons de démocratie. Il m'a parfois ramené à l'ordre, parce que lors des réunions du caucus, ce que je proposais, à son avis, n'était pas démocratique. C'était un homme qui avait un sens de la démocratie d'avant-garde.
Depuis que je suis ici, je me rends compte qu'on en parle beaucoup, de la démocratie. Mais quand il s'agit de la mettre en action, quand il s'agit de passer aux actes, on semble vouloir l'oublier. Je vous donne deux exemples.
De plus en plus, on essaie de gouverner avec des fondations. On prendra de l'argent des contribuables, on le donnera au président de Bell Canada, par exemple, et il administrera la Fondation des bourses du millénaire. C'est de l'argent qui appartient à l'ensemble des contribuables et qui est administré par quelqu'un qui n'est aucunement redevable à la Chambre.
On fait cela de plus en plus. Je me souviens avoir pris la parole au sujet d'une loi sur l'environnement. Quelqu'un proposait une fondation sur l'environnement. On le fait de plus en plus. Et cela, à mon avis, ce n'est pas en accord avec la démocratie. C'est contre la démocratie, parce que la démocratie, c'est ici que cela doit se passer. C'est ici que les décisions doivent se prendre et c'est ici qu'on doit être redevable à la population des sommes d'argent qu'on a administrées et qui ne nous appartiennent pas, mais qui appartiennent à la population.
On a là une autre preuve, et c'est le bill omnibus à propos duquel on discute. C'est absolument antidémocratique que de mettre dans une loi des choses auxquelles on ne peut pas s'opposer.
Tout le monde a mentionné que concernant la protection de l'enfance contre les abus sexuels, par exemple, on a l'air fou de s'y opposer. Il n'y a personne qui veut s'y opposer.
On est tous d'accord avec cette partie de la loi. Je suis grand-père de huit enfants. Si jamais un de mes petits-enfants était attaqué et qu'on me disait que je me suis opposé à la protection, j'en voudrais à mort à cette personne. Cela n'a aucun sens d'inclure un article aussi important sur la protection des enfants avec la protection des animaux.
Est-ce qu'on manque de temps dans ce Parlement, alors qu'on ne s'est pas rendus à la date limite avant les vacances d'été? Manque-t-on de temps? Pourquoi ne pas scinder la loi? Ainsi, on pourrait adopter le plus rapidement possible le volet portant sur la protection des enfants.
On n'est pas nécessairement contre la protection des animaux, mais cette partie ne fait pas l'unanimité. Cette partie du projet de loi a besoin d'être améliorée. C'est la partie qui me scandalise. Je ne vais pas élaborer sur tout le projet de loi, on en a suffisamment parlé. Le gouvernement devrait savoir que ce projet de loi n'a aucun sens. Tout ce qui touche à l'exploitation sexuelle des enfants, de quelque façon que ce soit, c'est une question urgente; ça presse.
Il s'agit de scinder le projet de loi. De ce côté-ci--et probablement de l'autre côté aussi--nous sommes tous d'accord avec cette partie. Si ce n'est pas une entorse à la démocratie, je ne sais pas ce que c'est. Mais pourquoi inclut-on une partie aussi importante à tout le reste dans cette loi?
Il y a là trois lois. Si on veut faire un bon travail, si on veut être redevable à la population, si on veut dire qu'on a fait tout ce qu'on devait afin que la loi soit le plus correcte possible pour l'ensemble des contribuables, faisons trois lois de ce projet de loi. Je ne donnerai pas d'autre argument quant à la partie portant sur les enfants.
Les gens sont inquiets au sujet de la partie relative à la protection des animaux. J'ai travaillé avec un vétérinaire qui a été un grand chercheur, le Dr Louis Roland. Il a été un des premiers à faire les transplantations cardiaques au Québec. Il a fait des transplantations cardiaques chez le porc; il a fait avancer la science et ainsi, on a pu par la suite faire des transplantations cardiaques chez l'humain.
Lorsque j'ai travaillé avec ce médecin--j'avais une grande responsabilité en ce qui concerne la santé des animaux--je faisais des autopsies dans les fermes. J'aimerais poser des questions au législateur. Lorsque je tuais un animal, que je faisais une autopsie, je n'étais pas toujours dans un laboratoire bien organisé, parfois, c'était à la ferme, parfois dans une arrière-cour. Il fallait déterminer la maladie de l'animal pour donner aux autres le médicament nécessaire. Je me demande si, selon cette loi, je n'aurais pas été considéré comme un criminel.
Quand on veut protéger, quand la loi doit atteindre un objectif, il est important de l'étudier afin qu'elle puisse atteindre cet objectif, non pas le contraire.
Il y a beaucoup de gens qui se posent des questions au sujet de la protection des animaux, et ils ont raison de le faire. Ce ne sont pas nécessairement des gens qui veulent martyriser les animaux, mais ils ont raison de prendre le temps d'interroger le législateur pour améliorer la loi.
En conclusion, je suis entièrement d'accord avec le projet de loi. Si le législateur est logique, il va scinder ce projet de loi. Cela ferait en sorte que nous aurions trois belles lois à étudier et à améliorer pour l'ensemble des contribuables.
[Traduction]
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le temps passe, et nous avons entendu beaucoup d'interventions au sujet du projet de loi. Au cas où il resterait toujours des gens à l'écoute à cette heure tardive, je passerai en revue certains aspects du projet de loi dont nous discutons.
C'est un projet de loi à volets multiples, une mesure globale abordant tout un éventail de questions dans au moins huit domaines différents du droit, et peut-être même plus, dont bon nombre n'entretiennent aucun lien entre eux, comme l'ont mentionné à maintes reprises des députés des deux côtés de la Chambre.
Il comprend de nouvelles mesures ayant pour objet de protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle, particulièrement dans le contexte d'Internet. Il augmenterait la peine maximale dans le cas de harcèlement criminel. Il ferait de l'invasion de domicile une circonstance aggravante pour la détermination de la peine. Il créerait une infraction réprimant le fait de désarmer un agent de la paix ou de tenter de le faire. Il augmenterait les peines maximales pour cruauté envers les animaux. Il réviserait le processus d'examen des demandes d'examen auprès du ministre de la Justice concernant les erreurs judiciaires. Il réformerait la procédure pour les enquêtes préliminaires et autres procédures criminelles. Il ajouterait des dispositions administratives à la Loi sur les armes à feu, et il permettrait des mesures aussi farfelues et vastes qu'apporter des modifications à la Loi sur la défense nationale et la Loi sur la capitale nationale.
Comme on l'a souligné à maintes reprises à la Chambre, le gouvernement, en abordant un aussi vaste éventail de questions dans un même projet de loi, adopte non seulement une mesure impopulaire, mais encore, de l'avis d'un grand nombre de gens, il viole l'esprit et le principe démocratiques mêmes que la Chambre prétend représenter.
À mon avis, le projet de loi traite de bon nombre de questions sur lesquelles les députés s'entendraient presque immédiatement. Je vais aborder certaines de ces questions, mais il en est d'autres dans le projet de loi qui sont très controversées et qui doivent faire l'objet d'une discussion.
Selon moi, bon nombre de députés des deux côtés de la Chambre éprouveront de la difficulté à se prononcer sur le projet de loi parce qu'il provoque un conflit d'intérêts fondamental entre des questions très claires que nous pouvons appuyer et d'autres que nous ne pouvons pas soutenir. En regroupant un si grand nombre de questions différentes et controversées dans un même projet de loi, le gouvernement a enlevé aux députés la possibilité de faire valoir sur ces questions leur point de vue ainsi que celui des électeurs qu'ils représentent. Je vais traiter de certaines de ces questions. La nouvelle mesure législative prévoirait une infraction dans les cas ou une personne se servirait d'un ordinateur pour attirer un enfant.
C'est excellent. Je pense que tous les partis sont d'accord pour reconnaître que cette façon de leurrer attirer les enfants est inadmissible. Il est scandaleux que cette technologie qui, à de nombreux autres égards, s'est révélée une bénédiction et fort utile à la société comme moyen de communication et de transmission ait été utilisée de manière aussi vile pour abuser des enfants.
Le projet de loi prévoit toutefois des sanctions qui correspondent à des crimes d'une autre catégorie lorsqu'il précise l'âge des victimes, ainsi de suite; 18 ans, pour la prostitution et la pornographie juvénile, l'agression sexuelle et l'inceste, ou encore, si l'accusé est en situation de confiance, les attouchements; 16 ans, pour l'enlèvement d'un enfant non marié vivant chez ses parents, 14 ans, pour contact à des fins d'ordre sexuel et incitation à de tels contacts, acte de bestialité en présence de la personne, exhibitionnisme et hébergement.
Le projet de loi crée également les infractions au titre de la transmission, de la mise à disposition ou de l'exportation de pornographie juvénile au moyen d'un ordinateur, lesquelles infractions sont assorties d'une peine d'emprisonnement maximal de 10 ans. Le projet de loi interdirait à toute personne d'accéder à de la pornographie juvénile au moyen de l'Internet au risque d'un emprisonnement maximal de cinq ans.
Le libellé ne dit pas comment les tribunaux feront pour déterminer si une personne a intentionnellement visionné de la pornographie juvénile et dans quel but elle l'aurait fait. Certaines difficultés se posent à cet égard. En outre, le texte ne précise pas les sites Internet auxquels la loi s'appliquerait.
Ainsi, si un Canadien a accédé à un site Internet basé hors du Canada, quelle autorité, s'il en est, auraient les tribunaux sur cette personne?
Cette partie du projet de loi comporte d'excellents aspects qu'on ne peut qu'approuver, mais nous sommes convaincus que son application va poser des problèmes.
La peine maximale en cas de harcèlement criminel est portée de 5 à 10 ans. Nous estimons que c'est très bien. Je suis sûr que tous les partis serons d'accord pour qu'on impose des peines plus lourdes en cas de harcèlement sexuel. Pour préserver la sécurité de la société, il est indispensable de faire preuve d'une plus grande fermeté dans ce domaine.
Nous connaissons tous des personnes qui ont été victimes de harcèlement criminel et que la loi n'a pas suffisamment protégées jusqu'à maintenant. J'en connais dans ma propre circonscription, qui ont été terrorisées par ce qu'elles ont subi. Certaines ont été suivies nuit après nuit ou ont reçu des menaces sans qu'aucune mesure ne soit prise pour les protéger. La police a bien du mal à porter des accusations avant le passage à l'acte.
Nous approuvons donc ces modifications qui vont alourdir les peines imposées en cas de harcèlement criminel.
Le projet de loi concerne également les infractions de cruauté envers les animaux. Nombreux sont ceux, dans ma circonscription et ailleurs, qui se félicitent de ces changements concernant la cruauté les animaux. Nous avons tous eu connaissance de cas d' animaux maltraités et nous sommes nombreux à avoir des animaux de compagnie. En ce qui me concerne, nous avons un grand nombre d'animaux de différentes espèces dans notre ferme d'agrément de Colombie-Britannique. Nous avons des chevaux, des chiens et des chats. Nous avons déjà eu des dindons et d'autres animaux.
Près de chez nous, il y a eu des cas de mauvais traitements, d'animaux négligés ou mal nourris; on a laissé des animaux enchaînés trop longtemps, il y a eu des cas où l'on a laissé une femelle mettre bas sans lui prêter assistance. Il est inutile de s'attarder sur ces histoires d'horreur. Nous avons eu connaissance d'un cas où une vache est restée à l'abandon dans un champ avec un veau qu'elle avait partiellement mis bas et dont les corbeaux avaient crevé les yeux; la jeune vache était elle-même à moitié morte. Voilà des incidents qui suscitent de terribles ressentiments lorsqu'ils viennent à la connaissance des voisins. Il faut prendre des mesures pour sanctionner plus fermement la cruauté envers les animaux; nous y sommes tous favorables.
La loi pose des problèmes à cause de la façon dont elle est formulée. On semble confondre le bien-être des animaux et les droits des animaux. Ces mesures recevront sans doute l'approbation de ceux qui ont connu des histoires d'horreur et des cas d'animaux maltraités, mais il y a aussi des gens qui se servent des animaux selon d'autres usages traditionnels. Depuis les origines, l'homme a pratiqué la chasse et la pêche pour assurer sa subsistance. Ceux qui pratiquent l'élevage agricole sont très inquiets à la pensée que leur façon de traiter les animaux puisse être contestée dans le cadre de cette loi.
Des gens de ma circonscription m'ont téléphoné pour me dire qu'ils voulaient voir le projet de loi C-15 adopté parce qu'ils avaient été témoins dans leur quartier de cas horribles de négligence de la part de maîtres envers leurs animaux. Ils veulent savoir ce qui retarde l'adoption du projet de loi. Nous avons dû leur expliquer à maintes et maintes reprises que la composition du projet de loi et le libellé des définitions posent de sérieux problèmes.
Nous ne trouvons pas beaucoup de réconfort dans le fait que la ministre de la Justice ait déclaré qu'une fois le projet de loi adopté, la vie continuera et que ce qui était légal auparavant restera légal par la suite. Étant donné le libellé actuel des définitions, nous nous demandons si sa parole prévaudra ou encore, si elle était remplacée comme ministre de la Justice, si son successeur interprétera les définitions de la même façon, ou bien si la ministre sera là pour expliquer aux tribunaux ce qu'elle voulait vraiment dire, étant donné un libellé aussi déroutant et aussi vague.
Il y a des problèmes très sérieux qu'il faut tirer au clair dans l'intérêt de nos agriculteurs et des chasseurs traditionnels.
On a déjà mentionné des procédures courantes d'élevage, comme la pose d'une étiquette à l'oreille d'une vache. D'après certaines dispositions du projet de loi, on pourrait considérer que cette pratique cause une blessure. Je crois que la définition d'un animal désigne tout vertébré, autre que l'être humain, qui peut ressentir la douleur. Nous pourrions nous demander ce que ressent un saumon lorsqu'il est accroché à l'hameçon quand on l'attrape et comment cela pourrait être interprété.
Je vois que mon temps de parole tire à sa fin. Il y a de nombreux aspects du projet de loi que nous, députés de l'opposition, aimerions appuyer. Cependant, à cause d'autres aspects déroutants, contradictoires et controversés que nous ne pouvons pas appuyer, nous sommes tiraillés et nous ne pouvons pas appuyer le projet de loi tel que libellé.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ): Monsieur le Président, je pense qu'il faut vraiment savoir pourquoi nous avons passé une journée sur la motion amendée. Il faut vraiment voir le contenu du projet de loi C-15 pour immédiatement s'apercevoir qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas.
Sans entrer dans les détails de chacun de ces éléments, puisque nous en avons débattu amplement au cours de la journée, on se rend compte, à la lecture du projet de loi omnibus, qu'on crée une nouvelle infraction visant à protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle, notamment l'exploitation sexuelle par des jeux ou l'utilisation de l'Internet.
On augmente la peine maximale dans les cas de harcèlement criminel. On fait de l'invasion de domiciles une circonstance aggravante pour la détermination de la peine. On crée une infraction réprimant le fait de désarmer un agent de la paix ou de tenter de le faire. On augmente les peines pour les infractions concernant la cruauté envers les animaux. On présente de nouvelles définitions relatives à ce sujet.
On codifie et clarifie le processus de demandes d'examen au ministère de la Justice concernant les erreurs alléguées. On donne, entre autres, certains pouvoirs à la ministre. On réforme et modernise la procédure criminelle en ce qui concerne les aspects touchant les procédures d'enquêtes préliminaires, de divulgation de la preuve, des règles relatives à la cour et à la gestion des instances et de l'enquête préliminaire.
On établit des règles pour les documents électroniques, les comparutions à distance. On fait état d'un système complet pour les plaidoyers, les poursuites personnelles, la sélection des jurés suppléants, la limite de l'utilisation des représentants et on modifie également la Loi sur l'enregistrement des armes à feu au moyen de certaines dispositions du Code criminel.
Une fois que nous avons vu cela, nous sommes en droit de nous poser la question suivante: est-ce déraisonnable de la part de l'opposition de demander au gouvernement libéral de scinder ce projet de loi? Est-ce que c'est déraisonnable de la part de l'opposition de demander cela?
Ce n'est pas seulement une question de l'Alliance canadienne, du Bloc québécois, du Nouveau Parti démocratique, du Parti progressiste-conservateur ou de la Coalition Parti progressiste-conservateur/Caucus de la représentation démocratique. Ce n'est pas une question qui concerne un seul parti politique, c'est une question de gros bon sens. C'est une question de gros bon sens de l'opposition me dira-t-on, parce que ce sont seulement les membres de l'opposition qui pensent cela.
Mais j'ai appris, dans un grand plaidoyer du leader du gouvernement à la Chambre des communes, que lorsqu'il se trouvait dans l'opposition, il avait exactement demandé la même chose au gouvernement progressiste-conservateur de l'époque, c'est-à-dire de ne pas présenter des projets de loi omnibus, comme le projet de loi C-15 que nous avons devant nous, pour permettre à l'opposition et également aux députés du gouvernement de bien faire leur travail.
Aujourd'hui, est-ce déraisonnable de demander au gouvernement de scinder le projet de loi? Pourquoi ce projet de loi ne serait-il pas scindé en trois? Parce qu'il y a vraiment trois catégories. Ce ne sont pas trois catégories d'infractions, mais trois catégories de fonctionnement pour que la Chambre fasse bien son travail.
Nous avons la catégorie sur laquelle tout le monde s'entend, soit de protéger les enfants, d'augmenter les peines dans le cas de harcèlement sexuel et de réformer et moderniser le système de justice pour accélérer les procès. Tout le monde s'entend ici. Pourquoi le gouvernement ne présente-t-il pas un projet de loi qui inclut ces trois approches? Si tel avait été le cas aujourd'hui à la Chambre, nous l'aurions adopté tout de suite et cela serait déjà chose faite.
La deuxième catégorie ne fait peut-être pas l'unanimité à la Chambre, mais nous en avons déjà entendu parler, nous en avons déjà discuté, soit à la Chambre, soit par des projets de loi émanant des députés, soit au sein du Comité permanent de la Justice, soit en lisant des mémoires que l'Association canadienne des policiers nous a fait parvenir, soit par des lobbyistes qui nous ont fait parvenir des mémoires.
Ces sujets sont l'invasion de domiciles, une circonstance aggravante dans la détermination de la peine. C'est aussi de créer une infraction réprimant le fait de désarmer un agent de la paix ou de tenter de le faire. C'est également la question de l'examen pour réparer les erreurs judiciaires.
C'est une autre catégorie. Non pas que l'on partage à 100 p. 100 tout ce qui est inscrit dans cette catégorie, entre autres au niveau des erreurs judiciaires, mais je trouve inadmissible que la ministre de la Justice, dans sa grande sagesse, puisse décider oui ou non d'indemniser. On n'aurait pas cherché de midi à 14 heures sur ce sujet, on en a déjà discuté. C'est la deuxième catégorie; cela aurait pris un autre projet de loi. On aurait collaboré rondement puisque tout le monde connaît les sujets traités. On sait où on va. On est pour ou contre, mais on sait où on s'en va et on connaît notre position.
La dernière catégorie, celle avec un grand «P» pour «problématique», c'est toute la question touchant les armes à feu. Y a-t-il un sujet plus problématique, à l'heure actuelle, que l'enregistrement des armes à feu? Le Bloc québécois était pour le principe de l'enregistrement des armes à feu.
Si on regarde ce qui se fait présentement dans le cas de l'enregistrement, je pense qu'il faut y aller avec des pincettes pour toute modification à cette loi car ce n'est pas le paradis. On va s'entendre. Il y a plus de 100 000 propriétaires d'armes à feu au Québec qui ont des problèmes avec la Loi sur les armes à feu à l'heure actuelle, notamment pour ce qui touche l'achat de munitions.
On ne remet pas en cause le principe. Je veux seulement faire comprendre à cette Chambre que c'est un dossier chaud et problématique. On ne peut pas mélanger cela avec la protection des enfants. Est-ce qu'on s'entend là-dessus?
L'autre élément touche la cruauté envers les animaux. On est pour le principe qu'il faut moderniser le Code criminel, qui date de Mathusalem sur la question de la cruauté envers les animaux. On est pour le principe, mais est-il normal de donner une définition aussi large que celle qu'on donne? Est-ce que c'est normal de dire à un pêcheur qu'il doit s'assurer que le poisson qu'il a pris est bien mort? On lui dit que s'il le met dans sa chaloupe alors qu'il vit encore, c'est de la cruauté envers un vertébré, selon la définition de la loi puisqu'un poisson est un vertébré.
Ce sujet est important. On aurait fort bien pu séparer le projet de loi C-15 en trois parties distinctes pour accélérer son adoption.
Pourquoi demande-t-on cela? Tout simplement pour que la Chambre puisse être éclairée correctement lors de l'adoption de ces parties importantes du Code criminel.
Premièrement, il s'agit d'éclairer la Chambre lorsqu'on décidera si oui ou non on adoptera ce projet de loi. Cela a pour but de permettre, entre autres, aux députés de faire correctement leur travail. Quand je parle de faire correctement son travail, il s'agit d'étudier un projet de loi et de tenter de ne rien oublier.
Imaginons un instant que le projet de loi C-15 ne soit pas scindé et qu'on le retrouve au Comité permanent de la justice tel quel. Dans la même journée, on entendra des chasseurs et des pêcheurs, des psychologues qui nous parleront de la protection des enfants, des cracks de l'informatique, des policiers.
Je sais fort bien que les députés libéraux jouent souvent à la chaise musicale dans ces comités. Les trois quarts ne suivent pas régulièrement le même comité. Que feront-ils au moment de l'adoption article par article, si ce n'est que dire bêtement oui, comme l'indiquera la ministre de la Justice? Est-ce que c'est cela revaloriser le rôle du député selon le gouvernement libéral d'en face? Je ne crois pas.
Je pourrais parler de ce projet de loi pendant des heures et expliquer à quel point le gouvernement fait fausse route dans sa façon d'agir. Mais puisqu'il ne me reste plus que quelques minutes, quelques secondes, je voudrais juste corriger une affirmation du gouvernement libéral. Il a dit ce matin que lorsque, en juin 2000, il avait présenté ce projet de loi omnibus, l'opposition n'avait rien dit.
Je l'invite à examiner le projet de loi C-36 présenté lors de la 36e législature et il se rendra compte que toute la question de la cruauté envers les animaux n'était pas dans le projet de loi omnibus.
[Traduction]
M. Maurice Vellacott (Saskatoon--Wanuskewin, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je parle aujourd'hui au nom des citoyens de ma circonscription de Saskatoon—Wanuskewin, et aussi d'un grand nombre de Canadiens qui se posent de sérieuses questions sur la façon dont ce projet de loi nous est présenté aujourd'hui. On a déjà maintes et maintes fois dénoncé cette façon de procéder. C'est un jour triste. Nous levons le voile sur une sérieuse anomalie dans le fonctionnement de notre système parlementaire. Nous avons besoin de segmenter les projets de loi omnibus afin de nous doter des meilleures lois possibles, pour le plus grand bien de la population canadienne.
Comme il a été mentionné précédemment, le projet de loi renferme un certain nombre d'éléments n'ayant pratiquement aucun lien entre eux. C'est une véritable macédoine de questions juridiques. Il n'y a pas de raisons pour lesquelles ces questions devraient être réunies de cette façon. En tout cas, aucune raison satisfaisante ne m'a été fournie pour expliquer la présence dans un même projet de loi de dispositions portant sur l'exploitation sexuelle des enfants et la pornographie juvénile mettant en jeu l'utilisation d'Internet, et d'autres dispositions ayant trait à la cruauté envers les animaux, aux armes à feu, au harcèlement criminel, au désarmement d'un agent de la paix et à la réforme de la procédure criminelle.
Beaucoup d'entre nous sont d'accord avec certaines de ces dispositions, mais d'autres dispositions soulèvent des inquiétudes. Le moins qu'on puisse dire, c'est que le gouvernement libéral agit de façon trompeuse en nous soumettant ces dispositions d'un bloc, sans motifs impérieux.
Les divers éléments du projet de loi semblent avoir été regroupés intentionnellement, et de manière stratégique et tactique, dans le but de forcer les députés de l'opposition de tous les partis à réagir. Il n'y a pas que l'Alliance canadienne qui pose des questions. Le Bloc québécois, le Parti progressiste-conservateur et le NPD ont aussi exprimé leurs préoccupations au sujet du projet de loi C-15 et de sa nature générale. Le projet de loi vise à confondre le public, à mêler, voire même embarrasser les députés de cette Chambre, en occultant les véritables raisons pour lesquelles ceux-ci voudraient retarder ou ralentir le débat, ou encore voter contre les mesures législatives proposées. Le public et les députés seraient d'accord avec un grand nombre de choses contenues dans le projet de loi. Nous approuvons nous-mêmes certaines mesures.
Le processus est loin d'être transparent. Du point de vue de la démocratie, il est très dommage que les choses aient été présentées d'une manière aussi trompeuse.
Bon nombre de députés vivent dans des circonscriptions rurales. C'est également mon cas. Trente-cinq pour cent des habitants de Saskatoon--Wanuskewin vivent en campagne. Les agriculteurs, les grands éleveurs et tous ceux qui ont recours aux animaux de façon légitime se sont dits très préoccupés. Il est évident qu'ils ont formulé des préoccupations valides, tout particulièrement si l'on pense à certaines implications des dispositions portant sur la cruauté.
Les députés se retrouvent dans une situation insoutenable parce qu'ils semblent alors s'opposer à une bonne mesure législative qui vise à protéger les enfants contre de dangereux prédateurs. Ce sont bien sûr là des éléments que nous sommes prêts à accepter et que nous aimerions voir adoptés le plus rapidement possible.
Le fait de traiter des animaux et des enfants dans le même projet de loi ne peut qu'avilir la nature humaine. On met les enfants et les animaux sur le même pied, ce qui ne devrait pas être. De plus, cela empêche la Chambre de tenir compte des répercussions des dispositions portant sur la cruauté envers les animaux. On ne permet aucune précision qui pourrait assurer qu'on ne causera pas de tort aux gens qui, dans le cadre de leur travail, doivent marquer les animaux et les traiter d'une certaine façon et pour que ces dispositions n'entraînent pas de répercussions économiques désastreuses pour bon nombre de gens des régions rurales du Canada, y compris mes électeurs de Saskatoon--Wanuskewin. Aux termes du projet de loi C-15, ces personnes pourraient être poursuivies au criminel.
L'Alliance canadienne ne ferme pas les yeux sur la cruauté envers les animaux et elle appuierait sans réserve un projet de loi visant à accroître les peines imposées à ceux qui se rendent intentionnellement coupables de cruauté envers les animaux. Nous nous opposons toutefois à des modifications législatives de fond qui modifieraient la définition de ce qui constitue une infraction criminelle relative à la cruauté envers les animaux.
La ministre de la Justice essaie de nous rassurer en disant qu'elle ne veut pas interdire des activités actuellement acceptables et légitimes au Canada dans le domaine de l'agriculture ou l'industrie de la fourrure. Pourquoi alors n'augmente-t-elle pas tout simplement les peines prévues pour des pratiques qui sont déjà considérées comme des infractions criminelles et pourquoi n'explique-t-elle pas cela très clairement dans le projet de loi C-15?
La façon dont elle a traité la question est décourageante et suscite du mécontentement. Cela ne sert pas les intérêts des Canadiens. Cela crée beaucoup de cynisme dans une population où le taux de participation au scrutin est déjà en baisse. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour accroître l'estime et le respect qui sont portés au Parlement du Canada.
L'approche adoptée par le gouvernement libéral lorsqu'il s'agit de légiférer témoigne d'un mépris impitoyable à l'égard des besoins réels de l'ensemble de la population et envers des électeurs qui s'attendent à ce que les députés défendent leurs intérêts de leur mieux à la Chambre.
Nous avons exhorté la ministre et le leader du gouvernement à la Chambre à séparer les dispositions concernant la cruauté envers les animaux et les modifications à la Loi sur les armes à feu. Les députés bloquistes qui appuyaient les dispositions sur les armes à feu s'inquiètent maintenant qu'ils entendent les commentaires d'électeurs de partout dans leur province. Voilà une raison de plus de scinder le projet de loi et de traiter ces aspects d'une manière distincte.
En présentant une motion visant à scinder le projet de loi, on pourrait faire adopter les dispositions qui font largement consensus. Nous pourrions adopter plus rapidement ces dispositions, par exemple celles visant la protection des enfants et différentes autres questions concernant la police et ainsi de suite, et tenir un débat approfondi et plus rigoureux sur les autres afin d'améliorer cette mesure législative. Voilà ce que nous voulons et souhaitons tous voir à la Chambre.
Je veux que la population sache que nous avons réclamé cela à maintes occasions. Les députés de l'Alliance canadienne estiment qu'il leur faut rejeter le projet de loi C-15 en raison de certains éléments inacceptables qu'il contient.
Nous voudrions agir dans un esprit de collégialité. Malheureusement, cela ne sera pas possible à moins que l'on scinde le projet de loi C-15. Un grand nombre d'entre nous ne pourra, en son âme et conscience, appuyer le projet de loi C-15 à moins qu'à la fin, le gouvernement accepte de le scinder de manière à ce que nous ayons une mesure législative meilleure pour l'ensemble des Canadiens.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Madame la Présidente, je me réjouis de pouvoir participer au débat. D'autres intervenants ont déjà présenté avec beaucoup d'éloquence de nombreuses observations que je voulais présenter moi-même, mais je voudrais faire valoir d'autres points dans l'intérêt de la clarté et pour faire ressortir l'opinion de notre caucus.
Nous croyons que les projets de loi omnibus ont leur place à la Chambre des communes. Un projet de loi omnibus ne constitue pas en soi un affront à la démocratie.
Le fait de recourir à un projet de loi omnibus pour accomplir des tâches administratives contribue parfois à faire avancer des questions de justice sociale. Le projet de loi C-23 sur les avantages aux conjoints du même sexe a été adopté au cours de la 36e législature. Nous aurions passé toute la session parlementaire sur ce sujet si nous avions dû nous astreindre à débattre chaque étape ou chaque projet de loi ayant trait aux avantages aux conjoints du même sexe. Grâce au projet de loi omnibus, nous avons pu mettre en place ces modifications en un seul débat. La population l'a compris, je crois, et appuie ce que nous faisons.
La situation est aujourd'hui toute autre. Il ne s'agit pas d'un sujet réparti entre différents projets de loi, mais de différentes notions dans le cadre du système de justice pénale. Ce sont des questions bien distinctes les unes des autres qui méritent d'être débattues séparément et qui ont des ramifications complexes.
Il est difficile de justifier que l'on recoure à un projet de loi omnibus pour traiter de ces choses. C'est à se demander ce que cherche à faire le gouvernement en les regroupant toutes dans une seule mesure.
Après avoir entendu plusieurs intervenants, je dirai que le gouvernement a tendance à user de subterfuges dans la façon qu'il a de présenter de façon détournée les affaires ou les projets de loi qu'il ne veut pas vraiment voir examinés en pleine lumière dans le cadre d'un débat distinct.
Cela met les députés dans une très drôle de position. Ce n'est rendre service ni aux questions qui sont valables en soi, ni aux Canadiens qui attendent, dans certains cas depuis des années, que ces questions soient examinées par le Parlement.
L'exemple que tout le monde cite en premier est celui des pièges tendus aux enfants sur Internet à des fins d'exploitation sexuelle. C'est une question qui fait l'objet de projets de loi d'initiative parlementaire depuis mon arrivée au Parlement en 1997. Chris Axworthy, l'ancien député de Saskatoon—Rosetown-Biggar avait présenté un projet de loi d'initiative parlementaire à ce sujet en 1989.
Un nombre important de Canadiens estiment que c'est un grave problème social et comptent sur le Parlement pour intervenir et prendre des mesures en vue de mettre fin à cette terrible pratique qui constitue une menace pour les enfants de la nation. Cela fait au moins dix ans que les gens attendent d'avoir satisfaction et voilà que les choses sont une nouvelle fois retardées inutilement.
Si un projet de loi distinct avait été présenté sur cette question, il aurait pu--nous sommes tous d'accord--être adopté en un jour avec le consentement unanime de la Chambre. Nous en sommes rendus au point où il y a consensus. Nous sommes tous d'accord sur ce que nous voulons.
Le gouvernement décide de relier à cela un certain nombre de choses même s'il n'y a franchement aucun accord là-dessus. En d'autres termes, il essaie de faire accepter certaines choses de façon détournée en profitant de notre empressement et de notre volonté d'adopter le projet de loi concerné.
L'analogie que je pourrais faire, et que d'autres ont mentionnées, c'est celle des ventes liées. Dans la communauté financière, il existe une pratique contraire à l'éthique appelée ventes liées. Si une personne veut financer une hypothèque en passant par un courtier en hypothèques, ce courtier ne lui donnera pas un bon taux à moins qu'elle n'accepte de négocier son prêt-auto et ses prêts sur cartes de crédit par son intermédiaire.
En d'autres termes, on regroupe un ensemble de services et si la personne veut obtenir une chose donnée, elle devra accepter d'autres choses dont elle ne voulait pas, dont elle n'avait pas besoin ou auxquelles elle s'opposait vivement, comme s'opposent un certain nombre de partis d'opposition à quelques-uns des dispositions du projet de loi.
Pour vous donner un autre exemple, il y a un large consensus dans tout le pays et nous serions tout à fait disposés à adopter et à accepter facilement les dispositions touchant les cas où une personne désarme un policier et commet un crime avec l'arme qu'elle a prise à ce policier.
Les représentants de l'Association canadienne des policiers ont rencontré la plupart des députés. Je pense qu'ils sont repartis en ayant le sentiment que pratiquement tous les députés les appuyaient et souscriraient à une mesure législative portant sur cette question.
C'est une mesure sur laquelle nous pouvons nous entendre. Je le répète, on pourrait l'adopter ce soir s'il y avait la volonté politique de le faire. Si ce projet de loi était présenté, le pays serait un endroit plus sûr, nous en serions tous convaincus. Pourtant, on nous le refuse. Le gouvernement libéral le met délibérément hors de notre portée afin de nous forcer à adopter un ensemble de mesures qui ne nous intéressent pas, dont nous ne voulons pas et auxquelles certaines personnes sont opposées.
Comme d'autres députés de l'opposition l'ont dit, on dénature ainsi la démocratie. Cela va à l'encontre des principes démocratiques fondamentaux lorsqu'on utilise le processus des projets de loi d'ensemble de cette façon.
Un autre aspect sur lequel je voudrais vraiment donner mon point de vue et celui de la circonscription que je représente, au centre-ville de Winnipeg, c'est la question de l'invasion de domicile. Si jamais ce projet de loi est adopté, nous aurions enfin une mesure législative traitant du problème relativement nouveau des personnes qui se font assaillir, dans leur propre domicile, par des individus dénués de tout scrupule.
Il est question, dans cette mesure législative, de traiter ce type d'introduction par effraction différemment d'une introduction par effraction ordinaire. Ce n'est pas rien. C'est important. C'est nécessaire. C'est une chose que les Canadiens réclament, et ardemment. Encore une fois, c'est une chose qu'on leur refuse afin que le gouvernement puisse atteindre d'autres buts secondaires.
On en vient à se demander si ça vaut vraiment le coup. Les trois points dont j'ai parlé comptent beaucoup pour les Canadiens. Qu'y a-t-il de si spécial à propos des mesures sur la cruauté envers les animaux, par exemple, qui justifie que l'on refuse aux Canadiens ce qu'ils veulent concernant tous ces autres aspects importants de la justice pénale?
J'ai entendu ce qui a été dit à ce sujet. Je ne viens pas d'un milieu agricole, et j'ai un peu de mal à saisir le concept. Cependant, si je comprends bien, et corrigez-moi si je me trompe, ce projet de loi conférerait presque aux animaux le statut d'humains au point où on en viendrait à traiter les animaux comme des humains, quand il est question de cruauté.
Le pas franchi ici est énorme et justifie à lui seul un débat. C'est le genre de question qui devrait faire l'objet d'un débat indépendant à la Chambre des communes parce que cela modifie en profondeur notre façon de percevoir le monde qui nous entoure. Ce n'est pas le genre de question à faufiler parmi un tas d'autres, dans une mesure législative.
C'est pourquoi moi aussi, en tant que député de l'opposition, je ne prise guère le recours à une mesure d'ensemble. Je veux que nous adoptions des mesures concernant la pornographie juvénile sur Internet. Je veux que nous adoptions des mesures concernant l'invasion de domicile, et je veux aussi que le Code criminel renferme des dispositions sur le désarmement des policiers. Les autres points ne devraient pas faire partie de ce projet de loi. Il faudrait les prendre séparément et s'en occuper rapidement, dans l'intérêt de tous.
[Français]
M. Pierre Brien (Témiscamingue, Ind.): Madame la Présidente, j'écoute depuis plusieurs heures maintenant ce débat sur les deux motions, à savoir l'amendement et le sous-amendement, concernant la possibilité de scinder le projet de loi C-15, qui est un projet de loi omnibus.
Il me semble qu'il y a, parmi ceux qui ont pris la parole jusqu'à maintenant, un consensus assez fort. Malheureusement, les députés ministériels sont restés plutôt silencieux, mais il me semble que le gros bon sens a été répété à plusieurs reprises depuis le début, à savoir qu'on aurait la capacité de faire adopter rapidement plusieurs parties de cette loi qui font consensus à la Chambre.
Tout le volet qui concerne les mesures pour améliorer la protection des enfants fait consensus et aussi pour améliorer le Code criminel sur le plan des mesures de harcèlement fait consensus. Il y a une série de dispositions du projet de loi qui font consensus. Le problème, à l'heure actuelle, c'est qu'il y a une partie beaucoup plus litigieuse qui concerne des définitions plutôt floues entourant le volet pour encadrer la protection des animaux. Quant à certaines définitions, entre autres, il y a des craintes et des appréhensions.
On se retrouve dans une situation où, pour bien faire notre travail, il faut y mettre un certain temps. Il faudra mettre de l'énergie à cet égard. Tout le monde n'est pas convaincu que le projet de loi, tel que libellé pour ladite partie--même si l'objectif est louable--est bien structuré et peut répondre aux nombreuses questions que nous recevons, tant des agriculteurs et des chasseurs que d'autres groupes.
La proposition des partis d'opposition est assez simple à l'endroit du gouvernement: «Si vous voulez aller rapidement, scindez le projet de loi». Cela permettrait à tout le monde de bien faire son travail.
J'entendais mon collègue de Berthier--Montcalm dire: «Écoutez, quand un projet de loi comme celui-là se retrouvera en comité parlementaire où dans la même journée, dans la même semaine, il faudra étudier des questions aussi différentes qui demanderont des spécialistes qui nous parleront du contrôle du matériel pornographique sur Internet ou tantôt d'un autre volet comme la protection des policiers ou de la cruauté envers les animaux, est-ce que les députés seront en mesure de faire un travail sérieux et véritable». On peut en douter.
Pour ceux qui ne suivent pas cela de près et qui nous écoutent, un projet de loi omnibus, cela veut dire concrètement un fourre-tout où on met à peu près n'importe quoi pour faire en sorte qu'avec de bonnes mesures, on joint quelques mesures très controversées. À ce moment-là, on dit aux gens qui n'appuient pas l'ensemble du projet de loi: «Vous n'avez pas voulu appuyer cette grande partie de la loi qui était si bonne pour tout le monde.»
Je vois des députés à la Chambre qui, lorsqu'ils étaient de ce côté-ci, tenaient exactement le même discours. Mais on dirait que lorsqu'on traverse les douze pieds qu'il y a devant nous, lorsqu'on les franchit, il y a un certain nombre de choses qu'on laisse de l'autre côté et qui ne suivent pas. Cela alimente le scepticisme des gens à l'égard de nos institutions et de notre travail. Cela jette un discrédit sur ce qu'on fait.
Il y a là une belle occasion et il y a de la bonne foi des députés de l'opposition. Cette semaine, dans un dossier qui a pris beaucoup de place, qui est très important et qui occupe l'actualité depuis une semaine, nous avons eu un comportement responsable. Nous avons travaillé en collaboration avec le gouvernement. Nous l'avons appuyé.
Maintenant, ce sont les partis d'opposition qui lancent un appel au gouvernement. Ils lui disent: «S'il vous plaît, laissez-nous faire notre travail correctement. Scindez cette loi. Permettez-nous de passer rapidement les parties qui font consensus et on prendra le temps de regarder ce qui fait l'objet d'un litige».
Le Bloc québécois est plutôt favorable au projet de loi. Notre appui est loin d'être acquis s'il n'y a pas de changement d'attitude, de changement de substance dans la suite des choses. Le gouvernement pourrait se retrouver plutôt isolé. J'espère qu'il y aura des députés ministériels qui, à leur tour, se réveilleront et joindront leurs voix à la nôtre pour permettre aux députés de faire un travail correct.
Puisqu'il me reste une minute, je conclus en disant qu'il y a là une attitude responsable des partis d'opposition qui lancent un appel au gouvernement. À cet égard, on devrait adopter la motion qui demande de scinder le projet de loi. Adoptons rapidement la partie qui touche les enfants, la partie qui fait consensus, et étudions plus à fond le reste du projet de loi qui fait l'objet de litiges, de discussions et de débats.
Le président suppléant (Mme Bakopanos): Comme il est 20 h 30, conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la Chambre se formera maintenant en Comité plénier pour étudier la motion no 12, sous la rubrique des affaires émanant du gouvernement.
* * *
La rencontre Canada-États-Unis
La Chambre se forme en comité plénier pour étudier l'article no 12 des Affaires émanant du gouvernement sous la présidence de Mme Bakopanos.
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.) propose:
Que le Comité prenne note de la réunion prévue entre le premier ministre et le président des États-Unis. |
--Madame la présidente, plus tôt aujourd'hui, certains parlementaires de la Chambre m'ont fait une suggestion très constructive. Ils m'ont demandé s'il pouvait y avoir un débat à la Chambre avant que le premier ministre du Canada ne se rende aux États-Unis lundi prochain, pour discuter avec le chef d'État américain au sujet du dossier si sérieux et si grave qui est devant nous.
Face à cette requête--j'en profite d'ailleurs pour féliciter les leaders parlementaires de l'opposition à la Chambre des communes--j'ai contacté nombre de mes collègues, de même que les leaders de toutes les formations politiques à la Chambre. Tous, sans exception, étaient d'avis que c'était là une bonne idée, et c'est tout à fait légitime.
Ce que j'aimerais, ce soir--c'est mon voeu, bien sûr, mais cela ne veut pas dire que c'est le voeu de tous les autres qui sont ici--c'est être capable de dire que nous allons tous contribuer à un débat pour faire en sorte que demain, notre premier ministre puisse prendre le hansard, le Journal des débats de la Chambre des communes, se rendre à Washington avec ce document, lundi prochain, et fort de notre appui à tous et des positions raisonnables et constructives que nous allons avancer ce soir, il pourra dire: «Monsieur le président, non seulement je pense telle chose, mais les parlementaires de la Chambre des communes m'ont fourni tel et tel renseignement, et je suis fort de leur appui.»
Je pense que ce soir, cela doit être l'approche qui nous guidera dans le débat sur la motion qui est devant nous. Cela peut l'être. Est-ce que cela le sera? Bien sûr. C'est à nous tous de relever le défi.
La motion qui est devant nous ce soir, sa forme, son contexte et le style de débat que nous tenons entre nous ont fait l'objet d'une motion unanime, présentée à la Chambre plus tôt aujourd'hui. C'est donc dire qu'au moins au départ, il y avait consensus, à savoir comment s'y prendre pour informer le premier ministre du Canada des voeux de la Chambre.
Nous avons donc eu, un peu plus tôt aujourd'hui, l'unanimité de la Chambre--et d'ailleurs nous l'avons eue à deux reprises parce que nous avons dû plus tard présenter un amendement à la motion initiale--car on voulait renseigner notre premier ministre sur les représentations que nous ont faites les commettants et commettantes d'un peu partout au Canada.
J'espère cette approche nous guidera, que nos commentaires seront raisonnables et que nous pourrons ensuite aller de l'avant.
[Traduction]
Je profite de l'occasion pour féliciter les députés qui, ces derniers jours, ont jugé bon, à maintes reprises et de diverses façons, de soulever des questions importantes pour les Canadiens. Ils l'ont fait de manière généralement raisonnable, compte tenu de la gravité de la situation. Ils ne l'ont peut-être pas toujours fait de façon raisonnable, mais enfin je n'amorcerai pas un débat là-dessus.
Je remercie mes collègues et tous les Canadiens qui se sont joints à nous sur la colline du Parlement, le 14 septembre. Quelque 75 000 à 100 000 personnes, je ne n'en connais pas le nombre exact, sont alors venues montrer leur profonde affection envers les citoyens américains, exprimer leurs condoléances aux familles éprouvées et afficher leur détermination en tant que nation à combattre et à extirper le terrible fléau du terrorisme, où qu'il soit.
Voilà ce que nous avons exprimé collectivement vendredi dernier. Voilà ce que nous avons exprimé lundi durant l'excellent débat que nous avons tenu à la Chambre des communes. À la fin du débat, le Président de la Chambre a transmis au Congrès américain une motion de soutien exprimant les sentiments des représentants élus des Canadiens.
Je félicite les leaders à la Chambre de tous les partis d'avoir accepté le forum de lundi, en plus du débat de ce soir. Ce fut tout aussi constructif. Je réitère mes remerciements à tous.
Les Canadiens et les Américains sont unis par une longue amitié fondée sur les valeurs de la démocratie et de la liberté. Nous partageons la partie nord du continent. Nous sommes des alliés au sein de l'OTAN, nous le sommes en Amérique du Nord et sur le plan géographique. Nos alliances ont été éprouvées tant et plus, en période de guerre comme pendant la longue confrontation que fut la Guerre froide. Elles l'ont été aussi continuellement parce que, pendant tout ce temps, nous avons partagé une frontière non défendue. D'un côté comme de l'autre, nous avons fort bien réussi à relever les défis propres à deux pays qui vivent côte à côte.
Immédiatement après les événements tragiques du 11 septembre, notre premier ministre a quitté sa résidence officielle et s'est rendu sur la colline du Parlement, montrant ainsi que les Canadiens ne se laisseraient pas intimider ni abattre, qu'ils ne perdraient pas le contrôle de leur grand pays. Il a réagi en l'espace de quelques minutes, et je l'en félicite. Il a fait immédiatement une intervention publique pour garantir que le Canada soutiendrait les États-Unis.
Lundi, le premier ministre rendra visite au président Bush à la Maison blanche pour discuter de notre collaboration en vue de créer une coalition, de mener une campagne contre le terrorisme et de protéger les citoyens de nos deux pays et du monde entier.
Lorsque le premier ministre discutera avec le président Bush, ce sera à titre de dirigeant d'un pays allié souverain. Les Canadiens sont les maîtres du Canada. Oui, nous sommes les alliés des États-Unis et nous le demeurerons, mais les deux pays sont bien distincts.
Le Canada et les États-Unis ont des relations importantes et étroites en matière de défense. Nos forces peuvent travailler avec des unités militaires américaines et remplir une foule de fonctions. Elles l'ont déjà fait.
Chers collègues, le ministre canadien des Affaires étrangères a affirmé que les soldats canadiens s'étaient déjà battus pour assurer la liberté et que nous devions défendre les principes sur lesquels notre pays a été fondé.
Il est bien sûr que nous ferons notre part, mais le gouvernement tient à préciser que le Canada agira à titre de pays souverain et que nous déciderons du rôle que nous voulons jouer. Nous prendrons cette décision ensemble. En fait, tous ceux d'entre nous qui sommes ici à la Chambre ce soir participons à ce processus. Nous faisons part au premier ministre de l'opinion de nos concitoyens pour qu'il puisse lui-même transmettre le message à son homologue américain à titre de chef d'une nation souveraine.
Je conclurai en disant quelques mots sur ce qu'est notre ennemi et ce qu'il n'est pas. Notre ennemi n'est pas la religion des autres. Notre ennemi n'est pas l'Islam. Notre ennemi n'est pas une autre religion. Ce n'est pas une autre couleur. Ce n'est pas une autre langue. Tout cela est faux. Il est faux de croire, et malheureusement, il y a quelques personnes ici et là qui le croient, que d'autres religions, d'autres confessions, d'autres couleurs et d'autres races pourraient constituer une menace pour notre paix. Ce n'est pas le cas. C'est complètement faux. Je crois que si tous et chacun d'entre nous pouvons affirmer clairement, comme plusieurs personnes l'ont fait lundi, que les gens de toutes les races, de toutes les couleurs et de toutes les langues sont unies à nous pour rendre notre pays et le monde entier meilleur et plus paisible, nous aurons accompli quelque chose de plus dans notre débat ici ce soir.
M. John Reynolds (West Vancouver--Sunshine Coast, Alliance canadienne): Madame la présidente, je participe au débat de ce soir avec une inquiétude évidente que partagent la plupart des Canadiens en ce moment. Les événements qui sont suivi les attentats terroristes contre les États-Unis, la semaine dernière, ont retenu l'attention du monde entier. Nous traversons une période angoissante. À tout moment, nous attendons d'autres faits nouveaux dans cette escalade.
Mardi dernier, le monde est resté pétrifié, fixant avec incrédulité les écrans de télévision. Hébétés, les Canadiens fascinés ont regardé en direct les atrocités innommables commises contre le plus proche allié de notre pays et, partant, notre protecteur. Cet exemple horrifiant de haine restera à jamais gravé dans notre mémoire.
Le président Bush a invité le premier ministre à le rencontrer la semaine prochaine, à Washington. La rencontre sera probablement la plus importante que le premier ministre n'aura jamais. On lui demandera sans doute d'expliquer la contribution du Canada à la campagne militaire antiterroriste menée par les États-Unis et baptisée opération Justice infinie.
Bien que les événements catastrophiques soient survenus en sol américain, il est maintenant évident qu'aucun pays ni ses citoyens ne sont à l'abri de ce fléau terroriste. Dans un article paru ce matin, l'ancien chef de la planification stratégique à l'agence d'espionnage du Canada, David Harris, a lancé un grave avertissement au Canada, déclarant qu'un attentat terroriste contre le Canada était imminent et ajoutant que, en ce qui concerne le Canada, cet attentat était proche. Le rapport annuel du SCRS alertait les Canadiens, disant que 50 organisations terroristes sont déjà établies au Canada. M. Harris a ajouté que les Canadiens sont trop peu soucieux depuis trop longtemps, s'imaginant que des terroristes ne frapperont pas au Canada.
Par contraste avec l'insouciance des Canadiens, nous avons vu dans le premier ministre de la Grande-Bretagne, Tony Blair, une personne rapide et décidée, offrant force et réconfort en cette période de crise. M. Blair, qui dirige un gouvernement qui a pris les devants en adoptant une loi sévère contre le terrorisme, a dit on ne peut plus clairement que la Grande-Bretagne appuiera entièrement les États-Unis, y compris à l'aide de matériel militaire, s'ils en demandent.
La léthargie, l'inaction, l'atermoiement et l'aveuglement ne feront pas disparaître le problème. Le premier ministre a déclaré qu'il dira au président Bush de ne pas faire de geste sensationnaliste et à court terme. Le président Bush a déjà annoncé que ce ne sera pas le cas et que la lutte sera longue.
Qu'est-ce que le premier ministre de notre pays a à nous offrir? L'indécision n'est pas envisageable. Comme le disait Lee Iacocca, «Il faut diriger, suivre ou céder la place.»
Les Canadiens attendent du gouvernement un engagement clair à faire de la sûreté et de la sécurité des Canadiens une priorité. Ils attendent du gouvernement qu'il s'engage à adopter une loi antiterroriste d'application générale. Ils veulent des mesures de sûreté et de sécurité accrues à nos frontières, dans nos aéroports et dans les avions.
Les Canadiens veulent que le gouvernement accroisse les ressources de nos forces armées, de la police et des services de renseignement, en particulier le SCRS et la GRC. Ils veulent que le gouvernement se montre déterminé à accorder un appui indéfectible aux États-Unis, et notamment à participer, au besoin, à une action militaire, comme nous y oblige l'article 5 de l'OTAN.
Cette semaine, les Canadiens ont appris tout ce que le premier ministre n'est pas prêt à faire pour lutter contre le terrorisme. Malheureusement, nous avons peu appris au sujet de ce qu'il est disposé à faire. Le premier ministre n'a pas voulu adopter de loi antiterroriste comparable à celles qui sont déjà en place aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Malgré tous les arguments et les preuves présentés par l'Alliance canadienne, le premier ministre s'est obstiné à ne pas faire de vagues. Lorsque l'Alliance canadienne a présenté une motion à la Chambre proposant au gouvernement de renvoyer à un comité un avant-projet de loi sur le terrorisme, le gouvernement a refusé.
J'ignore à quelle partie de notre motion le gouvernement s'est opposé. Refusait-il de nommer toutes les organisations terroristes internationales qui oeuvrent au Canada? Refusait-il d'interdire complètement les activités de collectes de fonds à l'appui d'organisations terroristes? Était-il contre la ramification immédiate de la Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme, que le gouvernement a ratifiée en 1999 mais qu'il n'applique toujours pas?
Le gouvernement était-il contre la création d'infractions liées au fait de s'engager dans des activités de formation de terroristes au Canada ou d'inciter des terroristes à agir à l'étranger à partir du territoire canadien? Était-il contre l'extradition rapide de ressortissants étrangers accusés d'actes de terrorisme, même vers des pays comme les États-Unis où ils s'exposent à la peine capitale?
Le gouvernement était-il contre la détention et l'expulsion vers leur pays d'origine de personnes entrées illégalement au Canada ou de faux revendicateurs du statut de réfugié liés à des organisations terroristes, ce qui permettrait d'éviter qu'un incident comme celui où a été impliqué Ahmed Ressam ne puisse jamais se reproduire?
Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que le gouvernement était tellement contre ces idées qu'il n'a même pas transmis l'ébauche de ces propositions au comité.
L'argent est un des éléments clés qui soutient ce réseau terroriste. Le Service canadien du renseignement de sécurité a, à maintes reprises, signalé le risque d'activités de financement du terrorisme dans notre pays. À titre de signataire de la Convention des Nations Unies de 1999 pour la répression du financement du terrorisme, le Canada doit prendre des dispositions pour empêcher et contrer, par l'adoption de mesures adéquates à l'échelle nationale, le financement de terroristes et d'organisations terroristes, mais il ne s'est pas produit grand-chose depuis que le Canada a signé cette convention des Nations Unies.
Le gouvernement se contente plutôt d'une mesure législative qui refuserait le statut d'organisme de bienfaisance à des groupes considérés comme transmettant de l'argent à des organisations terroristes. Autrement dit, nous n'interdirons pas le financement d'activités terroristes, nous supprimerons simplement les allégements fiscaux prévus à cet égard. Quelle solution trompeuse et honteuse de la part du Canada
Au lieu de s'inspirer des lois antiterroristes américaine et britannique, le Canada fait comme à son habitude et dit qu'il s'occupera de la question plus tard. S'agit-il de paresse, de négligence ou simplement d'orgueil devant des conséquences catastrophiques?
Dans le même ordre d'idées, le premier ministre n'était pas prêt à mettre en application des mesures visant à garantir notre sécurité à nos frontières, à bord des appareils de nos transporteurs aériens et dans nos aéroports.
Nous n'avons vu aucune proposition visant à améliorer le tri effectué parmi les demandeurs du statut de réfugié, cela dans le but d'éliminer les risques à la sécurité. Le gouvernement a refusé les propositions des États-Unis, nos voisins que l'on dit être nos meilleurs amis, propositions visant l'adoption de politiques mixtes en matière d'immigration, à l'égard des réfugiés et pour garantir un périmètre de sécurité sûr en Amérique du Nord.
De plus, le ministre des Transports a dit qu'il n'était pas disposé à exiger la présence d'agents de sécurité aérienne à bord de nos avions, comme le font les États-Unis. J'imagine que le ministre trouve cela trop coûteux, jusqu'au jour où, comme l'a fait valoir un analyste en matière de transport, il devra ajouter le coût des préjudices causés par un avion commercial qui viendra percuter une des tours commerciales du Canada.
Le premier ministre et le gouvernement refusent aussi de s'engager à faire le nécessaire pour rétablir les ressources du ministère de la Défense nationale, de la GRC, du SCRS et d'autres organismes de sécurité qui ont subi des compressions brutales sous le gouvernement libéral.
Après avoir vu leur effectif passer de 90 000 à 55 000 personnes sous le gouvernement actuel, il est absolument impossible que les forces canadiennes puissent déployer les soldats promis à l'OTAN, conformément au livre blanc de 1994 sur la défense, si une intervention militaire était nécessaire.
La GRC est peu à peu saignée à blanc, tandis que le SCRS est dépouillé, perdant 40 p. 100 de ses effectifs du fait des décisions de l'actuel gouvernement. Comment peut-on espérer traquer des criminels et des terroristes comme Ahmed Ressam si nous négligeons de financer nos services de police et de renseignement?
Le premier ministre a donc continué sur sa lancée, à la recherche d'initiatives à ne pas prendre en ne s'engageant pas à offrir le soutien de nos forces armées tant qu'on ne le lui aura pas demandé. Que faudra-t-il au premier ministre pour qu'il accepte de révéler aux Canadiens comment il compte s'y prendre pour maîtriser le problème du terrorisme? Un sondage effectué aujourd'hui révèle que 81 p. 100 des Canadiens veulent participer à une coalition militaire contre les États qui parrainent le terrorisme, mais le premier ministre refuse de dire à la Chambre s'il est d'accord avec ces 81 p. 100 des Canadiens, sauf si le président le lui demande.
De ce côté-ci de la Chambre, nous pensons que le Canada a l'obligation morale de fournir un soutien militaire si cela lui est demandé. En invoquant l'article 5 de la charte de l'OTAN, le Canada a reconnu que cette agression terroriste lâche dont les États-Unis ont été victimes est également une agression perpétrée contre le Canada et nous sommes donc obligés de fournir un soutien militaire si on nous le demande.
Comme l'a dit l'ambassadeur des États-Unis:
Le Canada dispose d'un potentiel militaire qui a aidé les États-Unis et le monde entier, et nous espérons qu'il nous aidera encore aujourd'hui. |
Le Canada a le devoir d'agir. Nous espérons que le premier ministre assurera le président Bush de l'engagement du Canada dans une action concertée contre le terrorisme.
Aujourd'hui, à Bruxelles, les ministres de la Justice et de l'Intérieur de l'Union européenne ont approuvé un train de mesures urgentes visant à lutter contre le terrorisme, notamment une coopération accrue avec Washington. Les ministres ont convenu d'adopter d'ici décembre une définition commune du terrorisme et un mandat d'arrêt élargi pour les personnes soupçonnées de crimes graves. Ils ont donné leur aval aux propositions de l'exécutif de la Commission européenne visant à harmoniser les interventions policières et judiciaires et corriger les failles qui gênent les processus d'arrestation et d'extradition entre les pays de l'Union européenne.
Je cite les ministres:
Nous sommes déterminés à prendre les mesures nécessaires afin d'assurer que les citoyens européens bénéficient du niveau de sécurité le plus élevé qui soit, contrevenant ainsi à toute éventuelle attaque. |
En d'autres mots, les ministres de l'Union européenne ont dit aux citoyens les mesures qu'ils étaient prêts à prendre et non celles qu'ils prendraient.
C'est au tour du premier ministre. Il aura l'occasion de s'entretenir avec le président Bush la semaine prochaine. Comment est-il prêt à aider nos meilleurs amis et voisins? Nous savons très bien ce qu'il ne fera pas. Ce n'est pas ce que les Canadiens ou le président des États-Unis souhaitent entendre.
Voici comment Mark Twain a défini le courage et l'esprit de décision: «Au début du changement, le patriote est un homme difficile à trouver, brave, détesté et méprisé. Lorsque sa cause remporte du succès, le timide se joint à lui, puisqu'il n'en coûte plus rien d'être patriote.»
Le premier ministre exposera-t-il sa position à Washington ou attendra-t-il comme le timide de Mark Twain?
[Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Madame la présidente, le débat de ce soir permettra au premier ministre de mieux connaître l'opinion des parlementaires de cette Chambre quant au message à présenter au président Bush lundi.
D'entrée de jeu, je suis convaincu que le premier ministre offrira ses condoléances au président américain, au nom de cette Chambre, de tous les parlementaires et de la population et qu'il témoignera de la solidarité du peuple canadien et du peuple québécois envers le peuple américain.
Cela étant dit, le premier ministre doit rappeler au président que les terroristes se sont attaqués à tous les pays démocratiques en attaquant New York et Washington. Et cela, le premier ministre l'a dit ici, à la Chambre, tous les parlementaires l'ont dit, le président Bush l'a dit lui-même. C'est important de situer cela au début de cette rencontre, afin de voir le cadre dans lequel on ripostera, dans lequel on abordera ce problème, et plus loin que la riposte, parce qu'il faudra dépasser la riposte. C'est dans ce cadre que se place la rencontre du premier ministre avec le président américain.
Le Canada devra faire pression, bien sûr, pour que la riposte soit efficace. Et pour qu'elle soit efficace, il faudra une coalition large, la plus large possible. Actuellement, il y a coalition au sein de l'OTAN. Les ministres des Affaires étrangères et de la Défense des pays de l'Union européenne se sont réunis aujourd'hui, élargissant ainsi la coalition.
Il faut faire en sorte qu'on retrouve cette coalition aux Nations Unies, impliquant l'ensemble des peuples de ce monde, parce que le terrorisme ne doit pas être organisé comme une lutte des occidentaux, des pays riches ou des pays puissants, mais plutôt de l'ensemble des peuples du monde.
On a vu ce qui est arrivé aux États-Unis. Mais les premières victimes du terrorisme, ce sont avant tout les peuples qui souffrent en Afghanistan et qui subissent quotidiennement les talibans. Ce sont ces peuples qui, depuis des années, depuis des décennies, subissent la pression et la dictature. C'est là l'origine.
Donc, la réplique ne saurait se résumer uniquement à des pays riches, mais plutôt à l'ensemble des peuples du monde, parce que le terrorisme frappe tous les pays. Le terrorisme n'a pas de nationalité, il n'a pas de religion, il n'a pas de couleur.
La démocratie non plus ne devrait pas--je parle au conditionnel, parce que ce n'est pas le cas--avoir de couleur, de nationalité et de religion. Je le disais lundi, il ne faut pas mêler Dieu ou Allah à la guerre des hommes. Il ne faut pas tomber dans ce piège de l'empire du bien contre l'empire du mal, des bons contre les méchants. Cela mène dans un cul-de-sac et ne sert que les ben Laden de ce monde. C'est une erreur fondamentale.
Il nous faut une réponse efficace et mesurée. En cela, la motion de lundi disait que les coupables doivent être traduits en justice. Dans le but de répliquer à cet attentat monstrueux, il faut bien sûr considérer toutes les options. Mais dans aucun cas les populations civiles ne doivent faire l'objet de représailles. Le peuple afghan n'est pas responsable de l'action de Ben Laden. Et cela, il faut se le rappeler en tout temps.
La démocratie et la liberté n'ont rien en commun avec l'ignorance, l'obscurantisme et la violence. Le premier ministre doit s'assurer que le président américain prenne en considération certains éléments fondamentaux reposant avant tout sur l'attitude prônée par le premier ministre lui-même, à savoir la patience et la sagesse.
Je crois qu'en tout temps, cette attitude doit diriger nos actions, tout en rappelant au président américain que lorsque l'on parle de coalition la plus large possible, dès lors, on ne saurait donner carte blanche aux États-Unis, pas plus qu'à un autre pays. Une coalition signifie des décisions collectives prises collectivement après un débat éclairé qui doit prendre le temps nécessaire pour être tenu, afin de considérer tous les éléments, et ne pas avoir de solution populiste et de solution de panique trop facile, ne pas sacrifier les libertés qui existent ici.
Cela serait justement faire le jeu de ceux qui s'attaquent à la liberté, à la civilisation et à la démocratie. Penser que ce sera le «law and order» qui réglera tout, c'est recommencer à zéro.
Quand je parlais de la nécessité de traduire en justice les responsables, cela suppose de tout faire pour qu'une cour internationale de justice puisse se saisir du cas du coupable éventuel que tous soupçonnent actuellement d'être M. ben Laden. Justement, si les attentats constituent une attaque contre la communauté internationale, est-ce que, dès lors, le tribunal ne devrait pas être un tribunal d'autorité internationale? Dans la mesure où nous voulons que des pays qui, par exemple, s'opposent à l'extradition des accusés vers des pays où la peine de mort existe, beaucoup de pays européens et le Canada, cela pose un problème. Dans la mesure où nous voulons que les pays arabes participent à cette coalition, cela pose un problème.
Dès lors, un tribunal international pourrait faire en sorte de juger d'une façon exemplaire, démocratique, qui ne tombe pas dans un autre piège dangereux où on pourrait se retrouver avec des gens qui ont été les victimes--je comprends leur colère légitime mais elle est mauvaise conseillère--un tribunal où l'on est juge, partie, jury et exécutant des décisions.
Mme Arbour, qui est maintenant à la Cour suprême, était l'âme dirigeante du Tribunal pénal international. Milosevic n'est pas jugé en Croatie ni en Bosnie, ni en Serbie, mais bien devant la Cour internationale. C'est ce qui fait actuellement la force des sanctions prises contre ceux qui s'attaquent à la démocratie et à l'humanité.
De la même façon, nous devons tout mettre en oeuvre pour créer--je sais que cette cour n'existe pas actuellement--un tribunal pénal international qui soit ponctuel, tant et aussi longtemps que le traité portant sur la Cour internationale de justice n'est pas ratifié. Nous l'avons fait pour le Rwanda et pour l'ex-Yougoslavie. Je pense que cela sert de leçon à tous les dictateurs du monde qui voudraient tenter de jouer le même jeu que Milosevic ou Pinochet. Nous avons vu, dans le cas de Pinochet, qu'il y avait des accusations tant en Belgique qu'en Espagne.
De la même façon, je pense que nous devons tout faire, avec l'aide des Européens, pour que le ou les coupables soient traduits en justice devant un tribunal international.
Cela étant dit, nous aurions beau mettre en place toutes ces conditions, il n'en demeure pas moins que tant et aussi longtemps que nous ne nous attaquerons pas aux causes fondamentales qui permettent au terrorisme de se développer, à savoir la pauvreté extrême, l'oppression, la dictature, l'absence de démocratie, le désespoir et l'incapacité de voir l'avenir, nous ne réglerons rien. C'est à cela que des enfants font face tous les jours dans certaines régions du monde. Ils ne peuvent concevoir un avenir où ils se voient vivants dans quelques années. Des milliers d'enfants meurent chaque jour à travers le monde. C'est à partir de cette situation désespérante--si nous baissons les bras--mais explosive que se développent le terrorisme, le fanatisme et l'intégrisme religieux, tel un champignon sur la pourriture.
Si nous ne nous attaquons pas à ces causes fondamentales, nous réglerons peut-être le cas de Ben Laden, mais il en poussera d'autres comme lui. C'est malheureusement la réalité. Nous l'avons fait en 1991 avec la guerre du Golfe. Nous nous sommes attaqués à Saddam Hussein. Qui est actuellement à la tête de l'Irak? Qui souffre en Irak? Pas Saddam Hussein. Actuellement, le peuple irakien souffre et Saddam Hussein continue de sévir, non seulement en Irak, mais dans toute la région.
Or, ce serait se tromper que de ne penser qu'à des solutions techniques nous permettant de jouer les durs en oubliant le coeur du problème qui permet au terrorisme et au fanatisme de se développer.
Je termine en espérant que le premier ministre pourra dire au président américain: «Quand je prendrai une décision au nom du Canada sur toute intervention majeure, je la prendrai de la façon la plus démocratique possible en ayant l'appui de la Chambre des communes» qui se traduira par un vote, comme son parti l'exigeait lors de la guerre du Golfe en 1991.
Quand on réclame quelque chose lorsqu'on est dans l'opposition, il faut, une fois au pouvoir, être à la hauteur de ce que l'on demandait, être à la hauteur des exigences que l'on posait au pouvoir.
C'est ce que les libéraux demandaient en 1991, c'est ce qu'ils doivent faire maintenant. Le message en sera d'autant plus fort et cela renforcera d'autant plus la coalition internationale.
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC/RD): Madame la présidente, j'apprécie beaucoup l'occasion qui m'est offerte d'intervenir ce soir. Je suis d'accord en principe avec la position du chef du Bloc québécois en ce qui concerne le droit du Parlement.
Je pense que notre situation a changé, nos positions ont changé. C'est dans l'intérêt du Canada d'avoir une situation où ce sera possible dans l'avenir, pour le Parlement, de voter pour les grands engagements internationaux.
[Traduction]
Je tiens à remercier le député de Winnipeg-Centre qui est conscient de mon horaire difficile ce soir et qui m'a donné la possibilité de parler avant lui, mais seulement cette fois-ci, comme il voudrait probablement que je le précise.
Nous sommes tous d'accord ici pour dire qu'il faut lutter contre le terrorisme et que pour cela, le Canada doit faire front commun avec ses alliés. Le débat de ce soir porte sur deux grandes questions : premièrement, ce qu'un pays comme le Canada devrait faire, et deuxièmement, comment une démocratie comme le Canada devrait procéder.
Le premier ministre ira à Washington lundi. Les demandes des Américains seront nombreuses. Nous en connaissons certaines. Ils lui demanderont de faire en sorte que les terroristes ne reçoivent plus de fonds, de faire cesser les mouvements des terroristes, de s'attaquer aux activités ou aux cellules terroristes au Canada, d'extrader ou d'expulser les personnes qui sont recherchées pour des crimes et de les renvoyer dans les pays qui les recherchent, et de ne tolérer d'aucune manière les pays ou entités qui soutiennent le terrorisme.
Nous savons tous que lorsque le premier ministre se rendra à Washington lundi, il fera montre de la bonne volonté des Canadiens, mais les questions en jeu ici sont complexes. Comme le chef du Bloc québécois vient tout juste de le dire, des dimensions très complexes se rattachent à certaines des questions que le Canada sera appelé à examiner au cours des prochains mois et des prochaines années.
Le premier ministre aurait pu parler avec beaucoup plus d'autorité au nom du Canada lundi, à Washington, s'il avait pris le temps de bien consulter le Parlement avant son départ. En plus de répondre aux demandes du Président, je voudrais que le premier ministre présente également des propositions de la part du Canada.
Je voudrais qu'il expose avec précision ce que le Canada est disposé à faire, sur le plan militaire. Je voudrais qu'il fasse preuve de leadership dans l'établissement de missions multilatérales comme il l'a fait en veillant à ce que les Nations Unies prennent les choses en main, lors de la guerre du Golfe. Je voudrais qu'il propose des initiatives que le Canada pourrait prendre avec des pays particulièrement importants ici et des pays où il a une influence spéciale à cause de notre association au sein du Commonwealth et de la francophonie et de notre longue histoire de développement international. Je voudrais qu'il expose les préoccupations des Canadiens au sujet de la souveraineté et des libertés, car la réponse internationale doit absolument tenir compte de ces valeurs.
Encore une fois, le premier ministre aurait beaucoup plus de pouvoir à Washington s'il avait d'abord discuté de ces propositions en détail, ici au Parlement du Canada. Or, le gouvernement a exclu le Parlement et les citoyens canadiens de cette question. Regardons ce qui se passe aux États-Unis, où le Congrès prend des mesures actives pour améliorer la sécurité et reçoit régulièrement de l'information en matière de sécurité et de renseignements de sécurité. Dès le premier jour de la crise, le gouvernement aurait dû mettre les comités du Parlement à la tâche. Ainsi, notre Comité des transports aurait pu se pencher sur le renforcement de la sécurité du système de transport et le Comité de l'immigration aurait pu faire de même dans son champ de compétence.
Malheureusement, la seule chose que les représentants élus peuvent faire ici c'est de débattre de la question. Quant au premier ministre, il n'est pas tenu d'être présent ni de s'intéresser au débat. Nos deux systèmes sont différents. Les législateurs canadiens sont autorisés à intervenir. Les législateurs américains sont incités à agir. C'est une différence qui dessert vraiment notre démocratie.
Il suffit de jeter un coup d'oeil à la confusion délibérée que le gouvernement a créée au sujet de la présence de cellules terroristes au Canada. En premier lieu, le ministre responsable a déclaré qu'il n'était pas responsable, que c'étaient la GRC et le SCRS. Est-ce que Janet Reno aurait pu déclarer la même chose au sujet du FBI dans le cas de Waco?
Quand j'ai demandé au premier ministre si des cellules Al-Qaida de ben Laden étaient au Canada ou avaient opéré au Canada, il a répondu qu'il pensait que non. Or, le SCRS a déclaré que oui. D'après la revue internationale Jane's, c'était le cas. Les déclarations du roi de Jordanie confirment également que oui. C'est alors que le gouvernement a déclaré que ces renseignements étaient de nature tellement délicate qu'ils ne pouvaient être confiés ni aux citoyens ni au Parlement du Canada.
[Français]
Le gouvernement ne semble pas comprendre l'inquiétude et la peur dont souffrent les Canadiens depuis que ces avions se sont fracassés sur le Pentagone et les tours jumelles de New York.
Des gens ordinaires sont morts en vaquant à leurs occupations ordinaires. Et partout, d'un bout à l'autre de ce pays, des gens ordinaires se demandent aujourd'hui quel geste habituel pourrait maintenant leur coûter la vie.
Ils ont besoin d'être rassurés. Ils veulent être réconfortés, mais ils veulent aussi qu'on leur dise la vérité. Ils veulent les faits tels qu'ils sont. S'il existe des cellules terroristes au Canada, ils ont le droit de le savoir. Le gouvernement se doit d'être honnête avec ceux qu'il représente.
[Traduction]
Après les attentats terroristes, nous tâchons de rétablir l'ordre dans le monde, mais nous avons également le devoir de rendre la tranquillité d'esprit aux Canadiens ordinaires dont le monde a été bouleversé. Des gens ordinaires ont été tués l'autre jour en s'adonnant à des occupations ordinaires. Cela crée de la peur. Nous devons créer une tranquillité d'esprit dans notre pays.
Comment faisons-nous cela dans les démocraties? Nous faisons connaître les faits. Nous ne les dissimulons pas, comme le gouvernement est en train de le faire à propos des cellules terroristes. Nous faisons preuve d'un leadership actif. Nous tenons des réunions du Cabinet, comme l'ont fait les Britanniques. Nous mettons les législateurs au travail, comme l'ont fait les Américains. Nous prenons immédiatement des mesures sur les questions que les gens estiment importantes, comme vient de le faire l'Union européenne à propos des frontières.
Quand nous posons des questions dans notre Parlement, le gouvernement répond avec mépris. Encore hier, quand j'ai posé une question, le premier ministre a minimisé mon expérience en ces matières. Or il se trouve que j'ai de l'expérience en ces matières. Mes diplomates ont été capables de faire sortir d'Iran les otages américains. J'ai exprimé le vote du Canada pour que la guerre du golfe soit menée sous l'égide des Nations Unies. J'ai fait partie d'un gouvernement qui a fait du chef du Nouveau Parti démocratique de l'époque un membre du Conseil privé de sorte qu'elle puisse recevoir de l'information confidentielle. Le gouvernement pourrait faire cela maintenant pour faire en sorte que l'information soit largement partagée dans notre Parlement.
J'ai informé régulièrement le Parlement et le Canada, en détail et jour après jour, tout au long de la guerre du golfe. Le gouvernement pourrait faire cela maintenant s'il se souciait de bâtir un consensus dans notre pays.
Il y en a d'autres à la Chambre, avec d'autres genres d'expérience, qui pourraient aider le Canada maintenant. Il y a des Canadiens à l'extérieur de la Chambre dont l'expérience est nécessaire au Canada. Il y en a des millions d'autres qui sont saisis d'une peur soudaine et qui se demandent si ce n'est pas parce qu'il ne sait pas quoi faire que leur gouvernement est si secret.
Nous espérons que le premier ministre se présentera à la Chambre ce soir et dira d'abord aux parlementaires ce qu'il a l'intention de dire lundi au président des États-Unis. Ce n'est pas une affaire de courtoisie, mais une affaire d'autorité. Si le premier ministre veut parler avec une véritable autorité aux Canadiens, il doit traiter avec eux avec franchise et transparence. J'espère sincèrement qu'il le fera.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Madame la présidente, je prends la parole aujourd'hui pour me joindre à tous les Canadiens qui sont toujours en état de choc et qui tentent de surmonter leur colère, leur douleur et leur rage.
En composant un message que notre premier ministre transmettra au président Bush, je voudrais commencer en réaffirmant que le Nouveau Parti démocratique se joint à tous les citoyens du monde qui exigent que ceux qui ont perpétrés les crimes odieux soient retrouvés et punis. Toutefois, les députés néo-démocrates souhaitent également que nous fassions preuve de modération et de sagesse dans notre réaction.
Aujourd'hui, je voudrais réitérer le voeu que les mêmes valeurs qui sont à la base de la colère et de l'horreur que nous ressentons par suite de ces actes barbares nous servent également de guides, et qu'elles servent aussi de guides aux leaders mondiaux dans leur riposte. Je crois que notre premier ministre, au nom de tous les Canadiens, s'est montré à la hauteur et qu'il a donné de très sages conseils dans sa réaction immédiate à la tragédie.
En ces temps extrêmement difficiles, il est essentiel que nous réaffirmions notre détermination à rechercher des solutions pacifiques aux tensions et aux hostilités qui nourrissent pareille violence insensée dans le monde.
Dans les instants qui ont suivi les horribles scènes de tuerie et de destruction, les gens ont été tout naturellement portés à exiger des représailles militaires massives et immédiates contre ces atrocités terroristes. Cependant, à mesure que les citoyens épris de liberté ont saisi la complexité et la magnitude de ce qui venait d'arriver, la nécessité d'une réponse plus mesurée, d'une réponse plus multilatérale et d'une réponse plus informée s'est imposée dans leur esprit.
«Ne pas réagir serait impensable: le leadership américain s'en trouverait amoindri, et d'autres attaques suivraient», a écrit Charles G. Boyd, un général de l'aviation retraité, dans le Washington Post de mercredi. «Mais une réaction excessive ou mal ciblée, poursuit-il, nous mettrait sur le même plan moral que les pleutres qui ont perpétré l'attaque d'hier.»
Les Canadiens savent que nous avons une relation très spéciale avec les États-Unis d'Amérique et que nous attachons un prix à cette relation avec nos voisins du Sud, mais nous jouons aussi un rôle très spécial sur le plan international. S'il y a jamais eu un moment où nos voisins du Sud et le monde ont eu besoin d'entendre la voix du Canada, c'est maintenant.
Nos voisins ont été catapultés dans l'horreur la semaine dernière. Au fur et à mesure que l'ampleur de chacune des tragédies humaines envahira l'esprit collectif, l'appel à la vengeance se fera probablement entendre plus fort de toutes parts. À titre de plus proches voisins et amis des Américains, nous devons les écouter et les appuyer, mais nous devons également leur faire part de notre façon de voir les événements. Un ami sincère se doit de guider une personne chère qui est aveuglée par la peine et la colère.
Les États-Unis et bon nombre d'autres pays au monde affirment que nous ne pouvons permettre qu'une telle situation se reproduise. Nous devons effectivement voir à ce que cette situation ne puisse jamais se reproduire, mais si nous suivons le sentier de la vengeance et que nous serrons les poings, nous pouvons être sûrs que cela se reproduira. Bien qu'elles puissent satisfaire un sentiment de vengeance tout à fait compréhensible, les frappes militaires ne régleront absolument rien si des milliers de personnes innocentes ou plus sont touchées dans une autre partie du monde.
Nous ne préconisons pas le pacifisme absolu, ni une politique de conciliation face à l'agression. La communauté internationale ne doit ménager aucun effort pour traîner toutes les personnes responsables de ces atrocités devant la justice et pour débarrasser le monde du fléau du terrorisme.
Si les premières hypothèses quant aux personnes qui ont inspiré ces attentats et qui en sont responsables s'avèrent, et que ce soit là l'horrible dernier chapitre d'un cycle de violence en pleine expansion qui a déjà fait disparaître des villes, des pays et des générations entières, comment alors peut-on penser à assurer notre sécurité en bombardant des pays et en les renvoyant à l'âge de pierre? Pour ce qui est de l'Afghanistan, un autre pays s'en est déjà chargé.
J'aimerais dire quelques mots sur les cas très troublants survenus au cours de la semaine dernière dans lesquels des gens de certaines minorités visibles ont été pris à partie par des personnes qui tentaient de trouver des boucs émissaires au Canada comme à l'étranger. D'autres dirigeants en ont parlé également.
On a rapporté un incident aussi horrible que terrifiant dans lequel une bombe incendiaire a été lancée contre une mosquée à Montréal. Plus près de nous, un jeune arabe a été battu et a dû être hospitalisé à Montréal.
Dans une déclaration prononcée le 14 septembre, le Conseil canadien pour les réfugiés nous a fait remarquer avec beaucoup de sagesse que bon nombre de Canadiens étaient venus chez nous pour échapper à la violence et à la persécution fondées sur la violence, la race et la nationalité.
Les réfugiés et les immigrants sont tout aussi horrifiés que n'importe qui par ces événements, et ils condamnent cette violence. Les Canadiens doivent faire de leur pays un refuge contre la haine et toute forme de discrimination.
Dans les jours à venir, certains soutiendront encore que nous devons revoir nos lois et politiques en matière d'immigration. Le caucus néo-démocrate n'est pas du tout d'accord pour dire que nous devons harmoniser nos dispositions sur l'immigration avec celles des États-Unis. En outre, nous rejetons immédiatement l'idée d'un périmètre pour ce qui est de nos obligations en matière de sécurité internationale.
Dans le débat sur la question, nous invitons tous les députés à se rappeler que leurs propos et leur passion peuvent avoir des conséquences, qu'ils peuvent avoir des répercussions très réelles pour beaucoup de néo-Canadiens et de minorités visibles qui contribuent à la diversité de notre pays. Nous les exhortons à tenir des propos responsables.
Nous trouvons rassurant que tant de voix se soient élevées, parmi nos dirigeants politiques, nos dirigeants communautaires et les simples citoyens, pour nous prévenir contre tout ce qui pourrait susciter un ressac ou des attitudes et actes préjudiciables à l'égard de Canadiens innocents.
Étant donné ce message, étendons cette même préoccupation, cette même considération à d'autres pays, comme les États-Unis. Si nous sommes absolument d'accord pour dire qu'il faut s'opposer à ce que des civils innocents servent de bouc émissaire dans notre propre pays, la même chose doit valoir pour les civils innocents dans le monde entier.
Le Canada doit être un chef de file dans le recherche de solutions autres que la loi du talion. Nous devons nous inspirer de nos traditions plus anciennes et pratiquer une politique étrangère plus indépendante. Nous devons toujours penser en termes de multilatéralisme. Nous devons profiter de nos relations spéciales avec les États-Unis pour représenter tous les pays progressistes et pacifiques qui veulent trouver des solutions durables aux problèmes qui sont à l'origine d'une violence aussi horrible.
Nous ne pouvons faire mieux que nous inspirer des mots de John F. Kennedy: ceux qui rendent la révolution pacifique impossible rendent la révolution violente inévitable.
Je suis heureux que cette occasion nous soit donnée d'exprimer nos points de vue pour que le premier ministre en tienne compte lorsqu'il communiquera le message du Canada au président des États-Unis.
Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Madame la présidente, au nom des habitants de York-Nord, j'offre mes condoléances à ceux qui ont perdu des êtres chers dans la tragédie de la semaine dernière.
J'ai été réconfortée par les paroles que le premier ministre a prononcées au cours du débat spécial tenu à la Chambre, le 17 septembre, en réponse à l'attaque terroriste contre les États-Unis, le 11 septembre. Dans son discours, le premier ministre a déclaré que nous devrions nous laisser guider dans l’action par la sagesse et la persévérance et que nous devrions agir en fonction de résultats à long terme plutôt qu’en fonction d’une satisfaction immédiate.
Au fil des prochaines semaines et des prochains mois, qui seront difficiles, nous devrons réfréner le désir compréhensible de riposter immédiatement avec violence. Nous devons d'abord découvrir l'identité des terroristes et où ils sont. Nous devons les isoler et veiller à ce qu'aucun autre innocent ne subisse le sort de ceux qui ont péri au World Trade Center, au Pentagone et dans les quatre jets de passagers. J'espère que le premier ministre pourra transmettre au président américain un message insistant sur le besoin crucial d'une réaction calme et raisonnée.
J'ai d'autres idées dont je voudrais faire part au premier ministre, qui prépare sa rencontre aux États-Unis, mais je vais d'abord partager mes expériences de la semaine dernière avec les députés. Le 11 septembre, j'étais à Washington, D.C., pour assister à une conférence sur la santé environnementale et les enfants. J'ai été horrifiée en entendant que deux avions détournés avaient été dirigés délibérément contre les tours du World Trade Center. Peu après avoir entendu cette annonce dévastatrice, les participants à la conférence se sont fait dire qu'un troisième avion avait été détourné et dirigé sur le Pentagone, situé à proximité du lieu de la conférence. L'atmosphère était glaciale et surréelle. J'ai spontanément pensé que, désormais, nous savions ce que ressentent les habitants des régions en conflit.
Peu de temps après, nous avons appris qu'un quatrième avion de passagers avait été détourné et se trouvait à 20 minutes de Washington. Plus tard, on nous a dit qu'il s'était écrasé en Pennsylvanie.
La conférence réunissait 400 participants des quatre coins du monde. Des étrangers de différents pays et de différentes races, religions et cultures se sont tendu la main afin de se donner mutuellement du soutien. Les organisateurs de la conférence, qui représentaient l'Institut canadien de la santé infantile, l'Américain Child Environmental Health Network, Environnement Canada et l'Environmental Protection Agency des États-Unis, ont formé une équipe professionnelle, efficace et sensible. Ils ont veillé à répondre aux besoins des délégués en créant des services de soins et de conseils médicaux, en fournissant des services téléphoniques pour que les gens puissent téléphoner à leurs proches, en trouvant des logements et ainsi de suite. Ces personnes sont exceptionnelles. Grâce au ministère des Affaires étrangères et au ministère de l'Environnement, deux autocars sont partis du Canada pour aller chercher les 57 Canadiens qui participaient à la conférence et les ramener chez eux.
Au cours des heures de tension qui ont suivi les attaques du World Trade Center et du Pentagone, j'ai constaté deux choses que je n'oublierai jamais. Premièrement, nous somme tous interreliés; deuxièmement, au coeur des désastres, les gens cherchent à affirmer leur humanité. Des étrangers ont commencé à se parler comme s'ils étaient des amis qui ne s'étaient pas vus depuis longtemps. Des gens en prenaient d'autres dans leurs bras pour les réconforter. Nous avons parlé de nos familles. Je pense que la question la plus fréquente que j'ai entendue était: «Avez-vous communiqué avec vos proches?»
Après les attaques, j'ai partagé ma chambre avec une femme dont l'hôtel venait d'être évacué. Elle habite Kathmandu, au Népal, à deux pas du coeur du conflit qu'on anticipe. Je ne sais pas si elle a pu rentrer chez elle en sécurité rejoindre ses deux enfants et son mari. Je me demande dans quelles conditions de sécurité elle et sa famille vont vivre dans les mois à venir. J'ai aussi rencontré un médecin de la Géorgie qui veut faire adopter des mesures législatives efficaces en vue de protéger la santé des enfants dans son pays où la démocratie est chose nouvelle. J'ai aussi rencontré un chercheur de l'Asie du Sud-Est qui vit et enseigne maintenant à Auckland, en Nouvelle-Zélande. Ce ne sont là que quelques-unes des personnes que j'ai rencontrées durant ces journées de tension.
Ma fille était en voyage dans la région centrale de l'Australie. Elle m'a dit qu'il y avait des gens dans son groupe qui s'inquiétaient pour la sécurité de leurs proches à New York et à Washington.
Une femme avec laquelle ma fille s'est liée d'amitié lors de son voyage à l'intérieur du pays est originaire d'Irlande. Elle avait une soeur qui prenait l'avion, à New York, le matin de l'attentat contre le World Trade Center. Le monde est vraiment petit.
Les citoyens du monde sont tous liés entre eux. Peu importe la nationalité, la religion ou la race, notre humanité nous unis. C'est notre humanité que nous continuerons de proclamer, même devant le terrorisme. C'est là l'autre message que, je l'espère, le premier ministre livrera au président des États-Unis.
Bien que le terrorisme soit une affection, un soufflet au visage de l'humanité, il ne doit pas rendre les Canadiens appréhensifs. Nous devons continuer de proclamer notre humanité, même au milieu d'actes barbares et, comme le premier ministre l'a dit, en réaffirmant les valeurs fondamentales de la Charte canadienne des droits et libertés.
J'exhorte tous les députés et tous les Canadiens qui nous regardent ce soir à ne pas laisser la victoire aux terroristes en tombant dans la peur et l'intolérance.
J'ai reçu dans ma circonscription des appels téléphoniques qui m'inquiètent. Ils m'inquiètent parce qu'ils expriment de la haine contre les musulmans et d'autres minorités. Que des Canadiens de religion musulmane aient été agressés me perturbent énormément.
Comme le premier ministre l'a dit à la Chambre, l'immigration est cruciale à l'expérience et à l'identité canadiennes. Nous accueillons des gens de tous les coins de la planète, de toutes les nationalités, de toutes les couleurs et de toutes les religions. Nous le faisons parce que, comme Canadiens, nous comprenons que tous les citoyens du monde sont liés entre eux et parce que nous attachons une grande valeur à notre humanité commune.
M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Madame la présidente, dix jours se sont écoulés depuis la terrible attaque terroriste lancée contre Washington et New York. Ces dix jours ont été une suite d'émotions pour les Canadiens et les gens du monde entier. Beaucoup de gens vivent encore dans l'inquiétude et la crainte que ce qui s'est produit ne se reproduise.
Pour nous, à la Chambre des communes, il est temps de se remettre au travail. Cette semaine, nous nous sommes remis aux affaires du gouvernement. En tant qu'opposition officielle, il nous appartient de poser des questions difficiles au gouvernement à ce sujet. Il nous appartient de manifester notre appui dans les domaines où nous dénotons une certaine force et notre désaccord dans ceux où nous dénotons une certaine faiblesse. Cela fait partie de nos responsabilités et j'ai bien l'intention de m'acquitter des miennes.
La première priorité pour le gouvernement fédéral est de veiller à la sécurité des Canadiens et du Canada. Ceci combiné au fait que les forces canadiennes sont la force de sécurité la plus importante au Canada, à quoi devrions-nous nous attendre? Nous devrions nous attendre à une force de première catégorie, à une force importante, bien financée, bien équipée, dotée d'effectifs parfaitement entraînés.Nous devrions nous attendre à avoir les meilleurs effectifs possibles. Peut-on s'attendre à moins d'un pays avec une telle tradition militaire? Je ne crois pas.
Les Canadiens devraient être prêts à faire leur part. De tous les pays, le Canada est celui qui devrait être prêt à faire sa part en vue d'empêcher les attaques terroristes et qui devrait être prêt à répondre efficacement aux attaques terroristes lorsqu'elles se produisent. Nous devrions être prêts à travailler avec nos alliés et à protéger nos amis quand ils ont besoin de notre aide, comme nous y invite notre hymne national. Que peut faire le gouvernement de ce pays pour protéger nos amis?
Il est important pour nous tous de réfléchir à ce que nous apportent nos forces armées. Nous comptons sur nos militaires pour nous défendre en cas d'attaque, de nature terroriste ou militaire. Nous comptons aussi sur l'aide de nos alliés. Nous savons que nous allons aider nos alliés s'ils sont attaqués. Nous nous attendons à ce que nos forces armées s'acquittent de leurs engagements à l'égard de leurs alliés en tant que membres de l'OTAN, probablement la plus grande alliance dans l'histoire militaire, ainsi que de NORAD, l'alliance de défense nord-américaine.
Nous attendons de nos militaires qu'ils respectent certains engagements à l'égard des Nations Unies, et ils l'ont fait jusqu'ici, afin de protéger la souveraineté du Canada, surtout dans les eaux et les îles septentionales, qu'ils contiennent toute agitation civile au pays, qu'ils interviennent en cas de catastrophe naturelle, qu'ils fournissent des services de recherche et de sauvetage lorsque leur aide est indispensable et qu'ils procurent un secours aux sinistrés. Nous attendons beaucoup de ces hommes et de ces femmes qui servent dans nos forces armées.
Je ne pense pas que l'on s'arrête longtemps au rôle que devraient réellement jouer nos forces armées. Et pourquoi cela? Je dirais que c'est en partie parce que le gouvernement ne croit pas vraiment avoir besoin d'une défense nationale forte, et on s'en aperçoit.
Combien de fois entendons-nous le gouvernement rendre seulement hommage pour la forme à nos forces armées en affirmant que nous avons besoin d'une défense nationale forte, que les hommes et les femmes qui la composent servent bien leur pays? Combien de fois avons-nous entendu le premier ministre exprimer réellement sa fierté à l'égard de nos forces armées et indiquer combien elles sont importantes et ce qu'elles font pour nous, et rendre personnellement hommage à l'un de ses membres ayant accompli un acte de bravoure?
Quand je pense à cela, je me rappelle immédiatement ces hommes et ces femmes qui ont servi en Bosnie et en Croatie, dans l'enclave de Medak. Ils ont démontré une telle bravoure que la France a accordé une mention élogieuse à toute l'unité. Nous sommes en droit de nous attendre à ce que le Canada et le premier ministre démontre le même genre de soutien et de reconnaissance pour des actes de bravoure et un travail bien fait.
Mais non. Sept années ont passé et ce n'est toujours pas arrivé. Il ne semble pas y avoir d'engagement à l'égard de notre défense nationale et des hommes et femmes qui servent tellement bien le Canada.
Les paroles ne suffisent pas. C'est bien beau de dire que nous avons besoin d'une solide défense nationale, mais il faut plus que cela. Le premier devoir du gouvernement fédéral est d'assurer la sécurité de ses administrés et du Canada.
À quoi songe-t-on lorsqu'on parle de forces de sûreté plus importantes? Je le répète, on s'attend à voir les meilleurs militaires possibles au sein de forces importantes, bien financées, bien équipées et bien entraînées. Qu'avons-nous? Peu d'effectifs. Lorsque les libéraux ont pris le pouvoir, nos forces armées comptaient 90 000 hommes et femmes. Elles n'en comptent plus aujourd'hui que 55 000. Selon l'Institut canadien des études stratégiques, elles n'en compteront plus que 42 000 dans deux ou trois ans, si la tendance se maintient. C'est-à-dire que les effectifs seront réduits de moitié.
On s'attend à ce que les forces soient bien financées. Qu'en est-il au juste? Depuis neuf ans, le budget de la défense nationale a été réduit de 30 p. 100 en chiffres absolus. Est-ce là un engagement digne des plus grandes forces de sûreté de notre pays?
Nos forces devraient être bien équipées. D'après le vérificateur général, si les choses ne changent pas, nous accuserons un déficit de matériel de 30 milliards de dollars en 2012. Nous savons tous dans quel état se trouve notre équipement à l'heure actuelle. On pourrait énumérer toutes les pièces d'équipement qui sont vétustes et désuètes. Les munitions ne sont pas disponibles facilement. Il nous manque des armes que nous devrions avoir.
Nous devrions avoir des hommes et des femmes bien entraînés et certains le sont. Des hommes et des femmes parmi les meilleurs au monde font partie de nos forces. Certains sont parmi les mieux entraînés. Toutefois, l'entraînement fait défaut dans certains domaines. Il n'y a pas d'entraînement au niveau de la brigade depuis que les libéraux ont pris le pouvoir et pourtant, nous nous sommes engagés à fournir une brigade entraînée à nos alliés de l'OTAN. L'entraînement laisse à désirer dans bien des domaines.
Comme je l'ai dit, nous devrions avoir le meilleur personnel possible. Je le répète, certains des meilleurs militaires dans le monde entier servent dans nos forces. Cela est toutefois en train de changer parce que nous ne choisissons pas les gens uniquement en fonction de leur mérite. Nous ne choisissons plus seulement les meilleurs éléments. Nous avons plutôt laissé la rectitude politique s'immiscer dans nos forces armées. Nous choisissons les personnes en fonction de leur sexe ou de leur appartenance à un groupe au lieu de choisir les personnes les meilleures pour faire le travail. Nous avons encore d'excellents éléments dans nos forces, mais cela est en train de changer.
Quand on examine la situation actuelle, il y a un exemple qui en dit long sur l'état de nos forces. Il y a deux ou trois semaines, nos alliés de l'OTAN nous ont demandé d'envoyer de l'aide en Macédoine. L'OTAN a dit au Canada ce qu'elle attendait de lui. Qu'a fait le Canada? Que pouvions-nous faire avec le personnel et le matériel dont nous disposions? L'aide que nous avons pu envoyer s'est limitée à 200 personnes. Ces 200 personnes ont été transférées d'une mission de l'OTAN en Bosnie à une nouvelle mission de l'OTAN en Macédoine. C'est comme payer le solde d'une carte de crédit avec une autre carte de crédit. Voilà où en sont nos forces armées actuellement, mais les hommes et les femmes qui servent dans les forces canadiennes n'y sont pour rien.
Depuis le 11 septembre, nous, de l'opposition officielle, disons que nous sommes prêts à participer à la guerre au terrorisme dans les limites de nos moyens. L'attaque de la semaine dernière visait aussi les Canadiens; nul ne devrait en douter. De 45 à 75 victimes étaient des Canadiens.
L'article 5 de l'accord de l'OTAN prévoit que toute attaque contre un allié est considérée comme une attaque contre les autres. Un de nos quatre alliés a été attaqué. Cela est considéré comme une attaque contre le Canada. Nous devons riposter et notre riposte ne doit pas laisser planer de doute. Il faut que nos alliés le sachent. Je compte sur le gouvernement pour fournir cette riposte et la fournir prochainement.
M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Madame la présidente, après ces dix jours d'émotions dramatiques, le premier ministre aura bien des choses à dire au président Bush.
Les Canadiens ont versé bien des larmes pendant cette affreuse période. Nous portons le deuil de tant de nombreuses et tragiques pertes de vies. Nous partageons la souffrance et l'horreur des familles et des amis des victimes, qu'elles soient américaines, canadiennes ou d'autres pays. Nous portons le deuil de la paix dont cette grande nation a été spoliée. Nous avons essayé de consoler nos amis américains et tous ceux qui ont été victimes de cette attaque monstrueuse. S'il est une chose que les Canadiens ont à dire aux Américains, c'est: Vous n'êtes pas tout seuls.
Nous avons exprimé ce message de différentes façons. Certains ont téléphoné, ont envoyé des lettres ou ont signé des registres de condoléances. Certains se sont rendus à New York et à Washington pour offrir leur aide. Des centaines de Canadiens ont ouvert leur porte à des voyageurs en difficulté, tandis que des milliers se portaient volontaires pour les accueillir dans des foyers d'urgence. Des centaines de milliers de Canadiens ont participé à des veilles silencieuses lors de la journée de deuil national de vendredi dernier et des millions de Canadiens ont prié et prieront encore.
Le sentiment de solidarité est particulièrement vif à Halifax. Lorsque la ville a été rasée en 1917 par la plus puissante explosion d'origine humaine que le monde ait connue avant la Seconde Guerre mondiale, ses habitants ont reçu une aide considérable de Boston, de New York et de tout le nord-est des États-Unis. Nous ne l'avons pas oublié et nous ne l'oublierons jamais.
Les Canadiens ont encore bien des choses à dire à leurs amis américains. Nous partageons leur douleur. Nous partageons leur colère. Nous partageons leur détermination à mettre un terme au terrorisme et nous sommes déterminés à y contribuer.
Ce crime n'est pas simplement un crime contre les Américains. C'est une grave atteinte à la décence humaine, un manquement aux droits humains les plus fondamentaux. C'est un crime contre toute l'humanité.
Qu'est-ce que les auteurs de cette agression horrible croyaient avoir à y gagner? Était-ce un acte de revanche? Qu'a-t-on à gagner à la revanche lorsqu'elle ne peut que susciter une réponse violente et amorcer une spirale de violence? Se figuraient-ils que le peuple américain allait s'effondrer de peur et leur concéder la victoire? Dans ce cas, ils ne connaissent pas les Américains tels que nous les connaissons.
Il est bien certain que ça ou là, les politiques américaines nous ont valu quelques ennuis, comme il peut y avoir des différends au sein d'une famille, mais les Américains sont un peuple fondamentalement bon et résistant. Certains considèrent qu'ils tirent leur plus grande force de leur richesse matérielle ou de leur niveau technologique, mais qu'on ne s'y trompe pas: la force de l'Amérique réside dans le caractère de son peuple, dans les idéaux et dans les principes sur lesquels la nation s'est érigée, et qui forment une fondation inébranlable.
Les incendies de la semaine dernière ont forgé chez les Américains une nouvelle détermination inébranlable, détermination qui étonnera leurs ennemis. Ceux qui ont causé l'horreur n'y gagneront rien. Ils n'auront pas fait avancer leur cause, quelle qu'elle soit.
Quelle leçon le monde peut-il tirer de cela? Que pouvons-nous apprendre de manière à ce que tant de vies n'aient pas été perdues en vain? Pour répondre à ces questions, nous devons d'abord réfléchir sur les principes fondamentaux sur lesquels repose la société civilisée. Nous devons renouveler notre engagement envers les valeurs humaines dans une société démocratique libre. Nous devons renouveler notre engagement envers les valeurs et les croyances qui ont façonné nos deux pays. Nous devons prendre la résolution de faire preuve de respect à l'égard de nos concitoyens, quelle que soit leur religion ou leur origine ethnique. Nous devons être un rayon d'espoir dans un monde de désespoir.
Nous devons avoir pour objectif de traduire devant les tribunaux les responsables de cette attaque. La campagne exigera une détermination patiente et résistante. Ce sera une longue lutte et non une guerre courte. Nous qui menons la campagne devons faire des choix éclairés car c'est comme un long jeu d'échec à plusieurs niveaux. L'avenir du monde est en jeu. Notre détermination doit donc inclure la patience nécessaire pour voir plus loin que le coup suivant. Nous devons être disciplinés et ne pas perdre notre objectif de vue. Souvenons-nous que notre but est d'éliminer le terrorisme.
Notre réaction sera-t-elle la furie déchaînée d'une tronçonneuse où la précision d'un bistouri au laser? Comme le disait Janice Stein dans le Globe and Mail de samedi dernier:
Le recours à un instrument militaire grossier apporterait peut-être une satisfaction psychologique momentanée aux masses scandalisées et apeurées, mais n'aura que très peu d'effets réels sur ceux qui ont commis ces crimes et qui doivent être en train d'en préparer d'autres. |
En fait, elle avance que faire le mauvais choix irait à l'encontre du but recherché et aurait comme résultat direct la multiplication du nombre de terroristes. Le Canada doit donc faire peser son influence sur ces décisions et doit être la voix de la raison.
Que l'on ne s'y trompe pas. Nous resterons aux côtés de nos voisins du Sud, nos meilleurs amis, et nous nous tiendrons les coudes dans cette longue lutte. Le premier ministre devrait dire au président que nous coopérerons avec les États-Unis pour défendre la civilisation contre toute attaque terroriste à venir.
Notre monde a changé mardi dernier et d'autres changements sont à prévoir, mais n'oublions pas que l'ouverture qui nous rend vulnérables est la liberté qui nous donne notre force. Nous devrons prendre certaines mesures pour accroître notre sécurité, mais nous devons également préserver notre liberté. Et nous devons avoir le courage de vivre nos vies. Nous embrasserons les êtres qui nous sont chers plus souvent et nous chérirons le don de la vie encore davantage, mais nous ne lâcherons pas. Nous ne capitulerons pas devant la tyrannie de la terreur.
Que Dieu bénisse le Canada. Que Dieu bénisse l'Amérique. Que Dieu bénisse la famille humaine.
[Français]
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Madame la présidente, j'apprécie qu'on fasse un premier pas dans une bonne direction. Je pense qu'avoir ouvert une période de discussion, c'était important. On a déjà eu une première discussion lundi, maintenant, on poursuit cette discussion, et c'est important aussi. Mais il faudra pousser un peu plus loin.
Dans une démocratie, il est important de discuter, mais il est aussi important de décider. Quand je dis qu'il est important de décider, il me semble que le Parlement doit être non seulement consulté, mais qu'il doit pouvoir décider aussi. À cet égard, on peut quand même apprécier le premier pas qui est fait ce soir, mais il me semble qu'il faudra aller un peu plus loin.
Mon dossier, c'est celui de la Défense nationale. Je ne voudrais pas m'étendre trop longtemps sur ce dossier, parce que j'ai passé une partie de l'après-midi à répertorier l'ensemble des forces qui peuvent être mises à notre disposition par l'armée canadienne et, malheureusement, il n'y a pas beaucoup d'ampleur à cela.
J'ai regardé les trois forces, c'est-à-dire la force terrestre, la force aérienne et la force navale. Quand le président américain, la semaine prochaine, demandera au premier ministre ce qu'il peut lui apporter au plan d'une riposte militaire, je pense que, malheureusement, le premier ministre du Canada n'aura pas beaucoup de choses à proposer.
Je parlerai brièvement de la force terrestre. On sait que le 3e bataillon du Royal 22e Régiment est parti cette semaine vers la Bosnie en relève d'un autre bataillon qui, lui, vient des provinces atlantiques.
Donc, il y a certains problèmes, parce que ce n'est pas un énorme bataillon; il compte à peu près 1 700 personnes. Quand on a 1 700 personnes pour couvrir un pays comme la Bosnie, on n'a pas les moyens de retirer une partie de ces troupes, parce qu'on ne ferait pas un travail efficace.
Alors, on a très peu de disponibilité du côté de nos soldats, du côté de l'armée de terre, à moins qu'on décide de renoncer à certains de nos engagements internationaux, à moins qu'on décide de retirer les troupes de Bosnie pour les affecter ailleurs. Cela, c'est autre chose. Et la Bosnie n'est pas le seul endroit. Il y a aussi des soldats dans le Golan et d'autres en Macédoine actuellement, et ce, pour tenter de rétablir la paix et de consolider cette paix toujours fragile.
Il faut penser à l'impact du retrait de ces troupes, du jour au lendemain, pour les envoyer au Moyen-Orient accompagner les forces américaines. Ce sera très difficile et même presque impossible.
J'ai hésité un peu cette semaine avant de faire une déclaration de député, parce que je m'étais entraîné avec eux, à Valcartier. Je n'étais pas sûr que le gouvernement allait envoyer ses troupes là-bas ou s'il les garderait ici pour les affecter ailleurs.
Je pense que les Canadiens ont bien fait d'aller là-bas et de respecter l'engagement de l'OTAN pour consolider cette paix dans une partie de la planète où la paix n'est pas complètement rétablie et où il se doit d'avoir des troupes en place pour séparer les camps belligérants.
Il y a un autre problème du côté de la force terrestre. C'est qu'elle a des missions actuellement. En effet, présentement, il reste probablement le PPCLI, le Princess Patricia's Canadian Light Infantry dans l'Ouest. Je les salue en passant, parce que ce sont ces gens qui sont venus dans mon comté pour aider au moment du grand verglas; ils nous ont donné un fameux coup de main.
Il ne reste donc au Canada qu'une partie de l'armée de terre. L'autre, le RCR, revient déjà de Bosnie, et le 22e Régiment, qui est l'autre partie du Québec, est parti là-bas dans le respect des traités de l'OTAN.
On ne peut pas dire aux gens, du jour au lendemain: «Vous vous en allez au Moyen-Orient». Les gens qui sont partis en Bosnie— j'ai subi leur entraînement pendant une semaine—ont été à l'entraînement pendant quatre ou cinq mois. L'entraînement à Valcartier était idéal pour eux. C'est à peu près le même climat et le même contexte environnemental qu'en Bosnie. Alors, c'était parfait pour eux.
Mais envoyer des soldats au Moyen-Orient, c'est tout à fait différent. Cela prendrait un certain entraînement. Du côté de l'armée de terre, je vois que ce sera absolument impossible de déployer des troupes et de les envoyer.
Regardons maintenant les forces aériennes. De ce côté, il y a environ 500 aéronefs au Canada qui sont répartis dans 13 escadrons.
Il y a certains aéronefs que l'on doit laisser de côté immédiatement. Certains sont faits pour la patrouille, la recherche et le sauvetage. On parle entre autres des Labrador, des Griffon ou des Sea Kings. Il ne nous viendrait d'ailleurs pas à l'idée d'envoyer les Sea Kings là-bas.
Quand j'entends le gouvernement nous dire que les Sea Kings, c'est formidable, il faut mentionner que pour chaque heure de vol d'un Sea King, il faut 30 heures d'entretien pour le renvoyer en mission. Ce serait loin d'être profitable de les envoyer là-bas.
Je pense que ce qui est certainement intéressant pour le président américain, ce sont les F-18. Encore là, il y a un problème: on en a 122 sur les sites des forces aériennes, mais à peine 80 sont en mesure de voler. Imaginez que l'armée canadienne en est rendue au point où on emploie le terme «cannibaliser». Les militaires vont mettre une quarantaine de F-18 de côté afin de prendre des pièces sur ces F-18 et les mettre sur les anciens. Il y a un problème.
De plus, ces avions sont anciens et il faut les mettre à jour. On n'est pas encore rendu là. On en a seulement une douzaine qui peuvent être porteurs de bombes guidées par laser, ce qui est la nouvelle technologie. On a donc très peu de disponibilité.
On a des engagements vis-à-vis de NORAD parce que, avec nos amis américains, nous protégeons toute l'Amérique du Nord. Régulièrement, des F-18 décollent de Bagotville ou de Cold Lake pour aller patrouiller dans le Grand Nord, souvent à cause de l'incursion d'avions russes. Si on se départit complètement de notre flotte aérienne pour l'envoyer au Moyen-Orient, on laisse un peu l'Amérique sans protection, ce qu'on ne peut pas faire. La participation aérienne est donc très limitée.
Du côté naval, c'est encore pire. On n'a pas de quoi faire un grand branle-bas de combat avec notre flotte, absolument pas. La seule chose que l'on pourrait faire serait d'envoyer quelques destroyers qui feront des patrouilles de reconnaissance pour essayer de contrôler le trafic maritime dans le golfe Persique. C'est à peu près tout ce qu'on peut faire.
Il y a aussi deux pétroliers-ravitailleurs qu'on pourrait envoyer. Toutefois, si on fait cela, on handicape le travail de notre propre flotte pour la surveillance de nos côtes parce que c'est à cela qu'ils servent. Il y en a un à Halifax, dans l'Atlantique, l'autre est dans le Pacifique, à la base d'Esquimalt. On est donc très limités également pour ce qui est des forces navales.
Le président Bush sera peut-être un peu déçu de la participation canadienne dans le cas d'une riposte militaire. Mais une riposte militaire n'est pas la seule chose, tout le monde l'a dit. Je pense qu'il faut faire attention à la riposte militaire.
Il y a quelques minutes, j'écoutais le discours du président. On me dit qu'il vient de terminer. C'était un discours assez belliqueux, probablement conditionné par l'opinion publique américaine. Je pense que si le premier ministre se veut un grand ami du président américain, il faudra qu'il lui parle franchement.
Il faudra qu'il lui dise: «Écoutez, je pense que la loi du talion, oeil pour oeil, dent pour dent, ne peut pas s'appliquer.» Je l'ai dit lundi et je le répète ce soir, on ne peut pas dire à ces régimes: 5 000 civils new-yorkais ont été tués, on va tuer 5 000 de vos civils. On viendrait jouer exactement le même jeu que ceux qui ont attaqué le World Trade Center et le Pentagone.
Si le premier ministre est l'ami du président, il devra lui dire que sa riposte militaire doit être très prudente. Je pense qu'on va s'engager dans une guerre beaucoup plus longue. Ce n'est pas un coup de deux ou trois semaines, ensuite c'est fini et on rentre chez nous, comme on l'a fait pour les autres guerres. Je l'avais dit aussi, c'est une guerre totalement différente. Il faudra que le président américain comprenne qu'une réplique militaire, c'est important, mais qu'il n'y a pas qu'une réplique militaire qui soit possible.
Je veux aussi revenir sur les valeurs démocratiques. Il faudra que le premier ministre dise au président: «Je suis intéressé à avoir un vote à la Chambre.» Pour engager l'armée canadienne aux côtés de l'armée américaine, si c'est possible, il faut que cela prenne un vote à la Chambre.
Je suis d'accord aussi pour avoir un tribunal international pour les raisons que le chef du Bloc québécois a très bien expliquées.
Que le premier ministre se rende à Washington la semaine prochaine, qu'il parle à son ami américain, qu'il lui offre les condoléances du peuple canadien et des Québécois et qu'il lui dise: «Nous sommes prêts à coopérer dans beaucoup de choses, mais malheureusement, du côté militaire, ce sera très limité.» Je pense qu'il devra lui parler franchement, comme cela.
Le gouvernement récolte peut-être ce qu'il a semé, c'est-à-dire qu'avec peu de budget, nous avons maintenant peu de moyens pour contribuer à une participation avec l'armée américaine.
[Traduction]
Mme Aileen Carroll (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Madame la présidente, nous sommes ici ce soir en qualité de citoyens de la planète qui réagissent avec horreur et révulsion aux événements du 11 septembre.
[Français]
La folie de l'attaque contre le gouvernement des États-Unis et le peuple américain met à l'épreuve notre capacité de compréhension. Nos premières pensées, qui se poursuivent, vont aux nombreux innocents qui ont perdu la vie. Nous adressons nos plus sincères condoléances à tous ceux qui ont perdu des êtres chers et qui ont été blessés dans ces attaques.
[Traduction]
Comme l'a si bien dit le premier ministre, cette agression visait le monde entier. Quarante pays, dont le Canada, en ont été victimes mardi dernier. En tant qu'individus, nous éprouvons de la tristesse devant notre impuissance à revenir en arrière, devant notre impuissance face à ce drame accablant.
Nos liens avec nos amis et voisins américains témoignent des nombreuses valeurs qui sont communes à nos deux peuples et que nous chérissons: la liberté, la démocratie, le respect de la vie et de la primauté du droit, pour ne nommer que celles-là. Nos deux pays ont une frontière commune et entretiennent les relations commerciales les plus importantes dans le monde. Nous continuerons de manifester notre solidarité envers nos voisins.
Le Canada est un pays de tolérance et de liberté, mais aussi de débat civilisé sur les différents points de vue. C'est un pays de paix, un pays de liberté et de prospérité inégalées qui a accueilli sur son territoire des personnes de toutes les origines et de toutes les confessions. Le Canada est un pays d'immigrants.
Cette attaque éhontée contre des innocents est l'antithèse du profil du Canadien. Cette agression nous remet en mémoire l'importance des valeurs que défend notre pays et met l'accent sur la nécessité de faire de notre mieux pour protéger nos intérêts et projeter nos valeurs.
Ces événements servent à nous rappeler que le terrorisme est une menace omniprésente pour notre tranquillité, pour la paix et la sécurité dans le monde, et pour la sécurité des hommes, des femmes et des enfants, toutes confessions, toutes nationalités et toutes régions confondues. Les victimes des agressions terroristes sont des civils innocents.
[Français]
Le terrorisme ne connaît pas de frontières internationales. Ses auteurs ne reconnaissent ni la primauté du droit, ni les normes internationales, ni la discussion et la négociation pacifiques comme moyens de régler les différends ou de réaliser des objectifs politiques.
[Traduction]
Si nous voulons surmonter cette tragédie, retrouver, rebâtir notre confiance, nous devons veiller à ce que la communauté internationale travaille de concert et à ce que les engagements pris par de nombreux pays pour combattre le terrorisme ne soient pas de vaines paroles, mais se traduisent par des gestes concrets.
Dans diverses instances régionales et multilatérales, dont l'ONU, la communauté internationale s'est entendue sur d'importants principes relatifs au contre-terrorisme: refus de soutenir les terroristes ou de leur donner refuge, établissement d'un réseau juridique international contre le terrorisme par une application universelle des conventions internationales contre le terrorisme et coopération et coordination internationales au niveau de la politique et au niveau pratique.
À cet égard, le Canada a été à l'avant-plan de l'action internationale contre le terrorisme. Depuis le renforcement des mesures juridiques à notre disposition à l'ONU jusqu'à la présidence des négociations sur les deux conventions antiterroristes les plus récentes, le leadership canadien et les idées canadiennes sont évidents dans tout le cadre juridique élaboré au niveau international.
Outre les solutions multilatérales dans la lutte contre le terrorisme, nous avons une coopération bilatérale sur une gamme de questions de lutte contre le terrorisme avec d'autres pays, plus particulièrement les États-Unis.
Depuis la déclaration commune de 1998 sur le contre-terrorisme, nos deux pays ont établi une coopération sans pareille dans le monde, notamment pour l'échange d'information sur les menaces, la planification de la gestion des incidents terroristes dans les deux pays, et la recherche et développement sur le contre-terrorisme.
[Français]
Malheureusement, la tragédie du 11 septembre indique que même cela ne suffit pas. Il ne faut pas permettre aux terroristes de miner les droits, valeurs et principes que nous chérissons.
[Traduction]
La semaine dernière, le Conseil de l'Atlantique Nord de l'OTAN a rendu publique une déclaration dans laquelle il disait que si l'on déterminait que l'attaque avait été ordonnée ou dirigée à partir de l'étranger, elle serait considérée comme une attaque armée contre tous les états membres de l'OTAN. C'est la première fois en 52 ans que les membres de cette alliance défensive adoptent une telle mesure. Le Canada sera solidaire de ses alliés en réaction à cet acte terroriste.
Comme le premier ministre l'a dit hier à la Chambre, c'est une lutte contre le terrorisme. Ce n'est pas une lutte contre une collectivité ou une dénomination religieuse. Nous sommes tous Canadiens. On nous a tous enseigné la tolérance. Chacun d'entre nous condamne le terrorisme et est disposé à agir en fonction de ces valeurs.
Au moment de déterminer comment nous allons réagir, alors même que nous sommes assaillis par la douleur, la colère et les émotions, nous ne devons jamais nous rabaisser au niveau des terroristes ni justifier leur haine en stigmatisant des Canadiens simplement en raison de leurs antécédents religieux ou ethniques.
Lorsque, comme bon nombre d'entre vous, je lis que des centres islamiques ont été incendiés ou des enfants et des femmes insultées dans les rues du Canada en raison de leur tenue vestimentaire ou de leur origine, je suis profondément chagriné. Toutefois, j'ai aussi ressenti beaucoup de fierté cette semaine devant les propos prononcés lundi par le premier ministre, car il a alors exprimé exactement mes sentiments:
Nous ne céderons pas à la tentation de resserrer rapidement la sécurité au prix des valeurs qui nous tiennent à coeur et qui ont fait du Canada un flambeau de l'espoir, de la liberté et de la tolérance dans le monde. |
Nous ne nous laisserons pas bousculer dans l'espoir—assurément voué à l'échec—de faire du Canada une forteresse contre le monde. |
Il a ensuite ajouté que l'immigration est au coeur de l'expérience et de l'identité canadiennes. Nous avons accueilli des gens de partout dans le monde, des gens de toutes origines, de toutes couleurs et de toutes religions. Notre pays est ainsi fait. Soyons donc clairs. Le Canada ne laissera personne le contraindre à sacrifier ses valeurs et ses traditions sous prétexte qu'il faut agir d'urgence. Nous continuerons à accueillir des gens de partout dans le monde. Nous continuerons à offrir un havre à ceux qui sont persécutés.
À mon avis, ces propos de lundi étaient si bien choisis qu'ils méritent d'être repris ce soir.
[Français]
Chacun de nous doit réfléchir sérieusement au monde dans lequel nous voulons vivre, au monde que nous voulons pour nos enfants et nos familles. Nous devons appuyer nos alliés dans cette guerre contre le terrorisme. Nous devons appuyer les efforts de la justice, nous protéger tous contre les actes de terreur aveugle et, enfin, ne pas tomber dans le piège de la haine et des réactions excessives.
Nous avons tous souffert d'une certaine façon et nous devons guérir. Nous devrions mettre l'accent sur le souvenir de nos voisins qui sont tombés et nous consacrer à garantir que cela ne se reproduise jamais.
[Traduction]
La primauté du droit et le droit des gens de vivre partout en paix sans crainte de la violence doivent être préservés.
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne): Madame la présidente, je me dois de dire à quel point je suis déçu du bilan du gouvernement en cette période critique. Le gouvernement se comporte comme s'il n'y avait pas de crise, comme s'il n'était pas nécessaire de prendre des mesures essentielles, comme s'il n'y avait pas d'urgence et comme s'il s'agissait de maintenir le statu quo. La dérive se poursuit et nous n'avons droit qu'à de belles paroles creuses.
Il s'agit du rejet des valeurs auxquelles tiennent les Canadiens et d'une insulte à l'égard de nos amis. Les Américains s'offusquent de plus en plus que le Canada ne fasse pas sa part. Alors qu'il s'adressait aux Américains ce soir, George Bush n'a pas nommé le Canada dans sa liste des pays amis. Ce n'est pas un simple oubli. Il a envoyé un message.
Au nom des Canadiens, et plus particulièrement des gens qui vivent dans ma circonscription, Île de Vancouver-Nord, je transmets nos plus vives condoléances à nos amis américains et aux familles du monde entier qui ont perdu des proches dans l'attaque terroriste du 11 septembre. Nous ne pouvons prétendre connaître la profondeur de la douleur de ceux qui ont perdu des êtres chers, mais nous pouvons les assurer que nos pensées et nos prières sont avec eux.
Les Canadiens et les Américains ont tant de choses en commun, y compris des liens familiaux, une amitié, des liens commerciaux et une longue histoire pour ce qui est de s'aider et se soutenir en temps de guerre.
J'ai appelé mon frère américain. Je l'appelle ainsi car il a déménagé aux États-Unis au milieu des années 70 et il travaille maintenant à Saint Louis où il vit avec son épouse américaine et ses quatre enfants américains. Malgré la distance, nous demeurons très proches, comme les familles le sont, et nous ne sommes certes pas les seuls à avoir de la famille dans les deux pays.
Mon frère regardait à la télévision les délibérations au Parlement britannique où on discutait de l'attaque contre les États-Unis. Il m'a fait part de ses préoccupations au sujet du laxisme des mesures de sécurité canadiennes et il m'a dit à quel point c'était inquiétant pour ses amis et collègues américains. Ces derniers savent très bien qui sont les amis des États-Unis et ce qu'ils disent. Ils ont été impressionnés une fois de plus par l'engagement exprimé par la Grande-Bretagne.
J'ai lu beaucoup de livres sur l'histoire militaire du XXe siècle. Pour mener notre guerre contre le terrorisme, nous avons besoin du type de coopération, de solidarité, d'engagement et de confiance qu'on retrouvait dans les liens très étroits établis entre les gouvernements de Churchill et Roosevelt et leurs émissaires, ce grand Canadien William Stevenson qui a travaillé avec ce grand Américain, Bill Donovan, l'architecte de l'OSS, l'ancêtre de la CIA. C'était la Seconde Guerre mondiale et les enjeux étaient de taille.
Les enjeux sont à nouveau très importants.
Je crois sincèrement que le gouvernement ne comprend toujours pas. On ne justifiera rien de moins qu'un engagement à fond à éliminer le terrorisme et à assurer une sécurité intérieure au Canada qui corresponde à nos responsabilités internationales, non seulement envers les Canadiens, mais aussi envers nos amis et nos voisins.
La relation unique entre le Canada et les États-Unis, sur le plan géographique, démographique et commercial, s'accompagne pour nous de responsabilités spéciales. Plus tôt cette semaine, l'Alliance canadienne a demandé au gouvernement de légiférer précisément aux fins suivantes: identifier toutes les organisations terroristes poursuivant des activités au Canada; interdire totalement les levées de fonds favorisant le terrorisme; ratifier immédiatement la convention internationale pour la suppression du financement; créer des infractions criminelles concernant l'engagement dans des activités de formation terroriste au Canada ou l'incitation au terrorisme à l'étranger; extrader promptement les ressortissants étrangers accusés d'actes de terrorisme; détenir et déporter dans son pays d'origine toute personne entrée illégalement au Canada ou dont la demande du statut de réfugié a été refusée qui a été lié à une organisation terroriste.
On peut se demander pourquoi un si grand nombre de ces mesures n'ont pas encore été adoptées. L'opposition officielle et moi nous interrogeons certainement là-dessus. Ces mesures ne devraient pas exiger de longs débats. Il faut les adopter et le faire rapidement.
C'est à cela que je juge la détermination du gouvernement. Il y a deux jours, celui-ci a serré les rangs pour voter contre la mise en oeuvre de ces mesures. Des mesures antiterrorisme rigoureuses et concertées représentent une responsabilité et un engagement que le Canada doit prendre et il ne doit pas y avoir la moindre ambiguïté. C'est ce qu'on attend d'un ami et c'est ce qu'il faudra pour gagner la guerre contre le terrorisme. Faire moins que cela aiderait et encouragerait ceux qui cherchent à miner les fondations mêmes de notre société libre et démocratique. Il n'y a pas de plus haute priorité pour le Parlement et pour le gouvernement du Canada.
Permettez-moi de rappeler que le secrétaire d'État Colin Powell a dit cette semaine:
Certains pays devront être plus vigilants en matière de terrorisme à leurs frontières, s'ils veulent préserver leur relation avec les États-Unis. Nous allons leur faire clairement comprendre que ce sera un critère à observer en ce qui concerne leur relation avec les États-Unis. |
Le monde a changé et le gouvernement devrait le reconnaître.
Nous devons prendre du recul, voir quelle direction nous avons prise pour ce qui est du passage des personnes et des biens entre le Canada et les États-Unis et apporter les changements qui s'imposent. Nous savons que l'ALENA et l'accord de libre-échange, en vigueur depuis une décennie, ont eu une influence positive sur les échanges commerciaux et sur la création de la richesse et d'emplois, tant au Canada qu'aux États-Unis. Nous disposons d'une énorme industrie du juste-à-temps qui a des ramifications outre frontières. Comme dans plusieurs secteurs industriels les niveaux de stock varient d'heure en heure, notamment dans le secteur des pièces automobiles, nous pouvons imaginer comment un problème à la frontière peut nuire à la confiance des marchés dans ces industries.
Les incertitudes vont certainement nuire à notre capacité de commercer librement. L'ambassadeur des États-Unis et les représentants de l'industrie canadienne affirment que la mise en oeuvre d'une stratégie axée sur un périmètre de sécurité est essentielle pour assurer la poursuite de la coopération transfrontalière. Les États-Unis expriment une inquiétude constante à l'égard des risques de sécurité venant du territoire canadien. Avant la tragédie de la semaine dernière, le Canada avait adopté une approche graduelle pour régler ce genre de problèmes.
La tragédie du 11 septembre a bousculé l'ordre établi. Au lieu du silence de la part du gouvernement, il nous faut un engagement à l'égard d'une stratégie comportant un périmètre de sécurité qui va faire en sorte qu'il sera difficile ou plus difficile pour un terroriste d'entrer au Canada que d'entrer directement aux États-Unis. Ce sont de telles mesures que veulent les Canadiens. C'est cette réaction que veulent les Américains.
C'est un autre des engagements que le premier ministre doit prendre lors de sa rencontre avec le président Bush lundi, en plus des engagements concernant nos forces armées et d'autres mesures. Rien de moins n'est acceptable.
M. Brent St. Denis (Algoma--Manitoulin, Lib.): Monsieur le président, c'est avec tristesse mais aussi avec espoir que je participe à ce débat spécial, qui permet aux députés de tous les partis de continuer à exprimer leur sympathie, leur empathie et leur soutien à l'endroit de nos amis et voisins des États-Unis d'Amérique, à la suite de la tragédie du 11 septembre.
Le débat actuel vise à aider le premier ministre, au moment où il se prépare à rencontrer, lundi prochain, le président des États-Unis, M. Bush, et alors que le monde s'apprête à riposter à la terrible attaque terroriste qui a fait des milliers de victimes innocentes dans la ville de New York et à Washington (DC). Si le débat actuel a lieu, c'est parce que le gouvernement a su, mieux que ses prédécesseurs, appliquer des mesures qui permettent aux députés de tous les partis, aussi bien les députés d'arrière-ban que ceux des banquettes avant, d' aider activement le gouvernement à élaborer des politiques adéquates pour l'avenir.
J'ai exprimé le choc et le soutien de mes électeurs de la circonscription d'Algoma--Manitoulin, qui ont peine à croire les événements qu'ils ont pourtant vus se produire sous leurs yeux. Nous rendons également hommage aux pompiers, policiers et autres secouristes qui ont travaillé inlassablement afin de retrouver des survivants lors de ces tragiques événements. On peut à peine dénombrer le nombre de parents, d'amis et de collègues de travail qui ont péri. L'onde de choc créée par ces événements sera ressentie pendant des années encore.
J'ai éprouvé beaucoup de fierté en voyant la compassion et le soutien accordés aux voyageurs qui se sont retrouvés isolés dans divers aéroports au Canada, et j'ai éprouvé le même sentiment à l'égard des personnes qui ont participé aux nombreuses cérémonies commémoratives, en particulier la magnifique cérémonie empreinte de spiritualité qui a eu lieu sur la colline du Parlement vendredi dernier, ainsi qu'à l'endroit des personnes qui ont donné de leur sang ou qui ont fait des dons en argent.
Un ancien joueur de la Ligue canadienne de football, J.C. Watts, qui est aujourd'hui membre du Congrès américain, a également écrit une très belle lettre, dans laquelle il remerciait le Canada pour son soutien en ces jours très difficiles. Je vous recommande de lire cette lettre adressée au rédacteur en chef du Globe and Mail. Elle a paru dans le numéro du 17 septembre.
Je tiens également à signaler les appels et courriers électroniques d'électeurs qui ont exprimé divers sentiments, mais tous empreints de soutien à l'endroit de nos amis et voisins américains. Je remercie Susan Hare, Art Blackledge, Keith Hobach, Wayne Van Sickle, Larry Killins, Dean Anderson, Sandra Saxson, Robyn Kaufman et les nombreuses autres personnes qui ont pris le temps de communiquer avec moi et de nous aider tous à trouver la meilleure solution en ces jours éprouvants.
La tâche que nous avons ce soir consiste à imaginer le premier ministre lors de l'entretien qu'il aura lundi prochain avec le président Bush et ses conseillers les plus proches. Une fois qu'il aura exprimé une fois de plus l'empathie et le chagrin des Canadiens, j'ai la certitude qu'il voudra aborder l'importante question de savoir quelles mesures nous devons prendre. Je suppose qu'il examinera très sérieusement les idées et les commentaires suivants.
D'abord, le Canada, en tant que partenaire à part entière de l'OTAN, assimile tout acte criminel commis contre un de ses partenaires à un acte commis contre lui-même, à un acte contre tous ceux pour qui la démocratie et la liberté sont les buts les plus élevés de l'humanité. Le premier ministre pourrait presser le président Bush de continuer à prendre le temps qu'il faut afin de comprendre pleinement, du moins autant que cela est possible, le défi qui se profile à l'horizon.
Nous voulons tous éradiquer le terrorisme de la face de la terre. Il est là depuis longtemps. Les solutions seront longues à trouver.
Il est évident qu'il n'est pas question d'une guerre traditionnelle avec des accords, des protocoles et des conventions. Cette guerre n'a pas de règles. L'ennemi n'a pas de nom et nous ne le connaissons pas. Comment et où le trouver? Comme a dit un fonctionnaire américain: «C'est un marathon que nous sommes en train de courir, ce n'est pas un sprint.»
Le premier ministre pourrait aussi presser le président Bush de résister à la tentation d'assimiler cette guerre à un acte appelant la vengeance. Cette guerre ne devrait pas non plus être assimilée à une lutte entre les forces du bien et du mal. Pas plus qu'à une guerre de religions.
Nous savons tous que la vaste majorité des chrétiens, des musulmans, des juifs et des fidèles de toutes les religions croient qu'ils atteindront leurs objectifs les plus élevés par des moyens pacifiques. Seuls les extrémistes, une petite minorité dans toutes les sociétés malheureusement, veulent imposer leurs vues égocentriques, égoïstes et cupides aux autres.
Je vois que les terroristes, comme les criminels partout dans le monde ou comme les gangs de motards ou les barons de la drogue, sont ceux qui profitent de la déstabilisation de la société. Je les vois davantage comme une maladie. Nous devons utiliser des mesures qui sont inhabituelles mais efficaces, car dans leurs efforts visant à perturber le respect de la loi et le maintien de l'ordre, ils augmentent leur contrôle des profits. Les gens honnêtes partout dans le monde ont un tel comportement en horreur, sans distinction de race, de couleur, de foi et de religion.
Le premier ministre dira sans doute que le Canada est prêt à lutter «côte à côte avec nos voisins et amis américains». Le monde libre doit agir de façon concertée, décisive et énergique pour réduire et même éliminer la menace du terrorisme partout dans le monde, et pas seulement ici, au Canada.
En offrant la force militaire du Canada, force dont nous sommes très fiers, nous reconnaissons que l'approche traditionnelle du gros canon ne fonctionnera probablement pas. Il s'agit maintenant de recourir à des initiatives multilatérales précises et mûrement réfléchies qui soient à la fois fermes, énergiques et précises.
Je mets en garde contre la création inutile de martyrs chez les chefs terroristes, car cela ne nous servira peut-être pas bien à long terme.
Je voudrais signaler à mes collègues de l'opposition, notamment à l'intervenant précédent, que le Canada a déjà pris beaucoup de mesures, des mesures qui ont commencé bien avant les événements tragiques de la semaine dernière, des mesures comme la signature des 12 conventions des Nations Unies contre le terrorisme et comme l'affectation de 1,5 milliard de dollars du budget de 2000 à la GRC, au SCRS et à d'autres ministères chargés de la sécurité publique.
Le gouvernement a présenté, il y a de nombreuses semaines, le projet de loi C-16, qui porte sur l'inscription des organismes de bienfaisance et sur les fonds envoyés à des groupes terroristes. Ce projet de loi mettrait un terme à tout cela.
Je pourrais parler d'autres mesures qu'a prises le gouvernement.
Je voudrais terminer mes observations en demandant si, en offrant toute l'aide canadienne dont l'OTAN et, surtout, nos voisins des États-Unis ont besoin, nous ne devrions pas également considérer la situation comme une occasion à saisir. Derrière ce nuage se cache un rayon d'espoir, soit d'atteindre un certain degré de coopération et de coordination internationales, que nous n'avons jamais atteint. Et en prenant un peu plus de temps pour bien agir, nous pourrions assurer une coopération internationale qui permettrait de lutter contre des fléaux qui dépassent le terrorisme, des fléaux comme, entre autres, la pauvreté, les maladies et la pollution.
En fin de compte, j'estime que le Canada doit être présent, avec ses services de contre-espionnage, son savoir-faire, ses ressources militaires, diplomatiques, humanitaires, et tout ce qu'il peut offrir, tout en restant pleinement souverain lorsqu'il s'agit de prendre des décisions qui touchent notre sécurité et notre population. Le Canada a toujours été un phare dans le monde entier, un phare de paix, mais prêt à agir.
Que Dieu bénisse la terre entière.
M. Svend Robinson (Burnaby--Douglas, NPD): Monsieur le président, c'est avec une profonde tristesse et une vive inquiétude face à l'avenir que je participe au débat de ce soir. Je viens juste d'entendre le discours au Congrès américain du président des États-Unis, qui m'a rempli d'appréhension et pratiquement atterré.
On nous demande aujourd'hui quel avis nous pourrions donner au premier ministre en prévision du voyage qu'il va faire la semaine prochaine à Washington pour y rencontrer le président de États-Unis. Quel message devrait-il transmettre au président au nom des Canadiens en cette période extrêmement importante, non seulement pour les États-Unis et pour le Canada, mais bien sûr pour le monde entier.
Le premier message, évidemment, en serait un de sincères condoléances pour les familles et les proches de ceux qui ont perdu la vie, et dont le nombre grandit sans cesse de jour en jour. Ce serait aussi un message de soutien à tous les blessés, un hommage et des remerciements à tous ceux qui, défiant toutes les probabilités, continuent de rechercher désespérément des survivants, un hommage également aux pompiers, aux policiers, aux sauveteurs et aux étonnants citoyens de New York qui ont subi une si terrible blessure.
Nous avons aussi le devoir de parler franchement à nos amis américains des implications des mesures qu'ils sont en train de prendre. Je crois sincèrement que les États-Unis s'engagent sur une voie extrêmement dangereuse et que cela pourrait entraîner la perte de nombreuses autres vies innocentes et placer notre planète sur une orbite dangereuse et destructrice.
Les Américains ont rejeté la voie du multilatéralisme et refusé de travailler de façon solidaire avec les autres nations, sous l'égide des Nations Unies et dans le respect du droit international. Personne dans cette Chambre ne nie qu'il faille tout faire pour traduire en justice les auteurs de ces terribles attentats, de ces crimes contre l'humanité.
La communauté internationale doit se résoudre à faire tout ce qu'elle peut, dans les limites du droit international, pour rendre à la justice les auteurs de ces actes. Oui, il s'agit de crimes contre l'humanité, et ils doivent être jugés par voie judiciaire, et non au moyen d'une guerre ou de représailles.
La preuve des liens qui existent apparemment entre ben Laden et l'organisation Al-Qaida ainsi que d'autres organisations terroristes doit être démontrée de façon concluante devant un tribunal international. Il est vrai qu'il n'existe pas encore de tribunal international, mais l'on ne va pas me dire qu'il est hors du pouvoir de la communauté internationale de créer un tribunal international pour peser les preuves avec soin, tout comme elle en créé pour d'autres crimes terribles.
Le président Bush a dit ce soir aux Américains et aux peuples du monde entier: «Ou bien vous êtes de notre côté, ou bien vous êtes de celui des terroristes.»
Je dis non au président des États-Unis. Nous ne sommes pas de son côté s'il s'engage dans la voie d'interventions militaires massives. Il existe une troisième voie qui consiste à respecter le droit international et à traduire les auteurs de ces crimes devant les tribunaux.
Le président Bush a ensuite dit que toute nation qui continue d'abriter ou d'appuyer le terrorisme est un régime hostile. Nous partageons tous la même inquiétude au sujet des nations qui abritent des terroristes. Dans la dernière liste publiée par le Département d'État, Cuba faisait partie des sept nations que le Département d'État américain soupçonne d'abriter des terroristes.
Que signifie cette déclaration du président des États-Unis en ce qui concerne Cuba? Que signifie-t-elle en ce qui concerne l'Irak, un autre pays sur la liste? Combien d'autres êtres innocents vont perdre la vie? Un demi-million d'Irakiens, y compris des milliers d'enfants innocents, ont perdu la vie par suite des sanctions inhumaines et génocidaires imposées à ce pays. Les vies des civils innocents et des enfants irakiens sont tout aussi précieuses et tout aussi valables que celles des employés de bureau qui ont péri à New York dans cette terrible attaque terroriste.
Le président du Comité permanent des affaires étrangères est à la Chambre ce soir. Je le félicite des commentaires qu'il a faits plus tôt cette semaine dans le cadre de ce débat. J'encouragerais le premier ministre à s'inspirer de sa sagesse.
Il est facile de mener une attaque en représailles. Les États-Unis disposent de toutes les armes dont ils ont besoin. Elles sont d'ailleurs déjà en route. Toutefois, nous devons par tous les moyens éviter de créer de nouvelles victimes innocentes. Quelle logique tordue permet de laisser entendre qu'en tuant des milliers d'Afghans fuyant la terreur exercée par les talibans, on sauvera des vies ailleurs dans le monde? Comment quelqu'un peut-il soutenir cet argument? Comment quelqu'un ne peut-il pas reconnaître que nous créerons d'autres martyres et d'autres personnes absolument déterminées à venger ces morts? C'est une situation qui nous menace tous.
Au nom des Canadiens, je demande au premier ministre de supplier le président des États-Unis de ne pas nous faire emprunter la voie destructrice et catastrophique qui mènera à la guerre et aux décès de nombreux civils innocents. Nous ne pouvons que commencer à imaginer les conséquences internes, ainsi que sur les plans des libertés civiles et des droits de la personne les plus fondamentaux. C'est Benjamin Franklin, un grand Américain, qui a dit que «ceux qui seraient disposés à abandonner une liberté essentielle au profit d'un petit peu de sécurité temporaire ne méritent ni la liberté ni la sécurité.»
Le cap qu'adopte le président entraînerait non seulement la disparition de la liberté, mais encore il exacerberait le mépris à l'endroit du multilatéralisme dans le droit international dont nous avons déjà trop souvent été témoins chez nos voisins. Nous ne pouvons permettre que cela se produise. J'espère que l'on écoutera le premier ministre s'il livre ce message.
Le président n'a même pas mentionné le Canada ce soir. Il a évoqué bon nombre d'autres pays, mais il a passé le Canada sous silence. Ce fut fort navrant. Nous sommes pourtant un pays qui a grandement compati, qui a ouvert ses portes et qui a fourni de nombreux secouristes.
J'exhorte le premier ministre à dire clairement au président des États-Unis que la solution qu'il propose au monde est vouée à entraîner la mort de nombreux innocents, à nous mener sur la voie d'une grave destruction et nous éloignerait toujours plus de la paix. Ce n'est pas un choix entre les États-Unis et le terrorisme. Le choix est la paix et le respect du droit international.
M. Alan Tonks (York-Sud--Weston, Lib.): Monsieur le président, je ne pensais pas que le débat de ce soir, qui était l'occasion pour tous de s'exprimer sur les événements très tragiques qui se sont produits aux États-Unis, ces attentats terroristes qui ont ébranlé non seulement les citoyens des États-Unis mais aussi ceux du Canada et du monde entier, serait teinté de partisanerie.
Il ne faut pas oublier que l'attaque contre le symbole des États-Unis, sa force et sa société libre, aurait pu être dirigée contre le Canada ou tout autre pays du monde libre. Elle aurait aussi pu être dirigée contre les Nations Unies. Comme on l'a répété à maintes reprises, cet attentat terroriste n'était pas un acte religieux, mais un acte de violence contre l'humanité.
Nous discutons ce soir, de manière non partisane, de ce que nous voudrions que le premier ministre transmette au président Bush.
Je comprends les préoccupations qui ont été exprimées par les personnes très inquiètes au sujet du terrorisme et de la position adoptée par le gouvernement canadien. Je ne parlerai pas en détail de tout ce que nous faisons ou ne faisons pas. Toutefois, le rôle de l'opposition, qui consiste à poser des questions, a été très bien rempli, de façon très claire et appropriée. Au cours des prochaines semaines, voire des prochains mois et des prochaines années, ces questions seront soulevées dans l'intérêt de tous, et le gouvernement devrait tenter d'y répondre.
Je dois dire que même s'ils avaient disposé du système de défense contre le terrorisme le plus perfectionné qui soit, du matériel de renseignement et de surveillance le plus coûteux qui existe et des armes les plus sophistiquées, les États-Unis n'auraient pas été plus à l'abri de cet attentat terroriste que les Britanniques le sont de la violence de l'IRA ou Israël des attaques terroristes. Si je comprends bien, et d'après ce que les résidants de ma circonscription me disent, il n'y a pas toujours de lien entre les actes de terrorisme et les questions de capacité et de sommes dépensées. Cela a plutôt à voir avec la vigilance, la détermination et l'engagement que nous avons face aux valeurs que nous voulons protéger.
Il n'y a absolument aucun doute dans mon esprit qu'au cours des mois qui viennent, avec le genre de questionnement vigilant qu'on constate à la Chambre ainsi que le suivi qui sera assuré par le gouvernement, nous serons déterminés et centrés sur l'objectif à atteindre et que nous prendrons les mesures qui convaincront la population que nous connaissons les mécanismes qui non seulement nous protégeront, mais qui protégeront aussi nos valeurs.
Comme je l'ai dit cet après-midi dans une déclaration de député, Graham Green a écrit au sujet de l'ouverture de la porte au terrorisme. Il a dit que quand on laisse le génie du terrorisme s'échapper, une des choses qui se produisent, c'est que la terreur que l'on ressent est telle que l'on est incapable d'agir ou de réagir au nom de la société civilisée.
Ce n'est pas le message que nous devrions adresser au premier ministre pour qu'il le transmette au président en notre nom. Nous sommes capables de répondre. Les États-Unis ont été le bastion de la liberté et d'un style de vie dans lequel nous croyons. Nos valeurs ont été les meilleures dont on ait fait l'expérience dans le monde moderne. Nous réaffirmerons que nous sommes capables de répondre. C'est la première chose que nous devrions dire au président.
La seconde, c'est la façon dont nous répondrons. Il y en a qui croient que la réponse stratégique devrait se faire dans le périmètre de l'Amérique du Nord ou en fait dans le périmètre du Canada et des États-Unis.
Dans l'ère de la mondialisation, qui est la tendance principale, on parle d'abolir les frontières. L'Europe se dirige vers un système monétaire commun. Nous essayons de permettre au capital de se déplacer de manière à ce que les investissements permettent d'amorcer l'éradication de la pauvreté. Nous essayons d'exporter les valeurs qui, selon nous, permettront de créer des institutions multilatérales qui nous serviront bien et serviront bien le monde.
Le troisième message que nous devrions transmettre au président, c'est qu'alors que les États-Unis se sont retirés de certaines entreprises multilatérales, ces dernières sont maintenant devenues essentielles, parce que nous ne pouvons pas retourner en arrière. Il nous faut aller de l'avant.
Nous devons réaffirmer notre foi les uns envers les autres par l'intermédiaire d'entités multilatérales. Nous devons consolider la Banque mondiale et l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE. Nous devons travailler dans le cadre du FMI, du système bancaire américain et du système bancaire d'Amérique latine. Nous devons mettre au point des mécanismes qui permettront aux gens de commencer à comprendre non pas que l'OMC ne peut pas fonctionner, qu'elle est notre ennemi et que nous avons besoin de ces actes de terrorisme, non pas que le Sommet des Amériques ne peut réaliser le dialogue et la lutte réelle contre les forces de la pauvreté et de l'extrémisme, mais bien que nous pouvons travailler ensemble pour mettre au point des institutions multilatérales qui pourront rendre la mondialisation positive pour tous. C'est là le message que nous voulons transmettre au président.
Dans cette optique, il me semble qu'on peut trouver des précédents aux États-Unis. Je pense à Franklin Delano Roosevelt qui a dû à son époque faire face à une telle situation. Il a décrit l'ampleur de l'anarchie mondiale en disant que s'il s'agissait d'une maladie physique, il faudrait réclamer la quarantaine et que ceux qui n'appuyaient pas la quarantaine devraient avoir à rendre des comptes à l'échelle internationale. Il a également affirmé que dans d'autres circonstances, l'Amérique devrait marcher à pas feutrés, mais frapper fort et il avait raison.
Le président John Kennedy a dit que dans un millier d'années, lorsqu'on écrirait l'histoire de la société civilisée, on ne se souviendrait pas de nous et qu'on ne devrait pas se souvenir de nous en raison des luttes politiques que nous avons gagnées ou perdues, mais bien en raison de la manière dont nous avons contribué à la dignité humaine et à la libéralisation de l'esprit humain.
Ce sera là le test décisif par lequel nous réussirons à combattre le terrorisme en unissant les êtres humains et en reconnaissant le contexte historique global au sein duquel nous devons agir. En cette ère de mondialisation où l'on peut perdre tant de choses si rapidement, ce contexte historique exige et réclame une action conjointe.
Ce sont là les messages que mes électeurs et moi-même demandons au premier ministre de communiquer au président Bush.
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, PC/RD): Monsieur le président, j'apprécie l'occasion qui m'est donnée ce soir de faire quelques remarques.
Je veux commencer en disant que j'espère qu'il n'est pas trop tard pour que le premier ministre modifie le message qu'il a probablement déjà décidé de communiquer au président Bush parce que, franchement, je trouve que nous avons trahi nos plus grands amis.
Quelqu'un a dit plus tôt ce soir que, dans son discours, le président n'avait même pas mentionné le Canada au nombre des pays qu'il considère comme un ami qui l'épaule. Il a donné la Grande-Bretagne, de l'autre côté de l'Océan atlantique, comme exemple d'un pays ami qui se tient aux côtés des États-Unis. Franchement, j'ai honte qu'une telle chose ait pu arriver.
Le message que le premier ministre doit apporter au président Bush quand il le rencontrera est que nous sommes aussi déterminés que les États-Unis d'Amérique à éliminer le terrorisme. S'il y a des gens à la Chambre qui pensent honnêtement que le terrorisme va disparaître sans un engagement ferme, une intervention forte et vigoureuse et la détermination de ne pas lâcher, ils rêvent en couleurs.
Le terrorisme existe depuis des années. Les négociations et le dialogue de paix n'ont fait que l'empirer au lieu de l'améliorer. À moins qu'il ne soit attaqué avec une certaine force et une détermination certaine, il continuera à s'étendre et à envahir notre société. Le premier ministre doit faire part au président Bush de notre ferme détermination à nous engager sur la voie de l'élimination du terrorisme.
Nous avons vu le manque de détermination du gouvernement dans le cas des dispositions concernant la sécurité du périmètre, ce même manque de détermination l'a conduit à ne pas prendre le moindre engagement à coopérer avec les États-Unis d'Amérique pour protéger le continent nord-américain. Ce manque de détermination coûtera cher aux Canadiens en fin de compte car les Américains nous excluront. Ils construiront un mur plus haut et plus solide le long du 49e parallèle et le Canada se retrouvera de l'autre côté. Pourquoi? Parce que nous avons un gouvernement qui pense qu'il peut ménager la chèvre et le chou. Nous avons un gouvernement qui pense qu'il peut rester neutre, il ne le peut pas.
Le Canada doit décider s'il veut entrer dans le jeu ou en être exclu. C'est une décision qui aura une influence sur les générations à venir dans notre pays. Si les Américains ne peuvent pas compter sur leurs voisins du Nord pour les accompagner jusqu'au bout, au lieu de suivre de loin, ils iront de l'avant sans nous.
Je veux décrire à la Chambre ma circonscription. Elle se situe à la hauteur du 49e parallèle. Il y a une grande arche qui chevauche la frontière. Les Canadiens et les Américains se rencontrent là plusieurs fois par année. Nous nous rencontrons là le 1er janvier pour porter un toast à la nouvelle année. Nous nous rencontrons là le 1er ou le 4 juillet pour célébrer nos fêtes nationales et pour partager l'expérience de sociétés libres, de pays démocratiques. Nous partageons cela. D'un côté de l'arche, on peut lire «Enfants d'une même mère», et de l'autre, «Frères vivant ensemble dans l'harmonie». Ce que cela signifie, c'est que nous sommes plus que des voisins et des amis. Nous formons une famille, et le moment est venu de commencer à nous comporter comme un membre de cette famille.
Faire partie d'une famille, c'est quelque chose d'inconditionnel. C'est être là pour épauler la famille dans les moments de joie comme dans les moments de peine. Si la famille est en difficulté, on ne lui tourne pas le dos. On ne dit pas qu'on va aller fumer une cigarette dans la cour pour décider de quelle façon on appuiera la famille. C'est l'impression que j'ai du gouvernement dans le débat de ce soir, débat qui n'en est même pas un du reste.
Très franchement, je suis insultée que le pouvoir exécutif de notre gouvernement n'ait pas été plus préoccupé que cela par l'événement qui s'est produit auxÉtats-Unis, par ses répercussions dans le monde entier et au Canada, que le Parlement soit exclu et que nous devions nous réunir en comité plénier au beau milieu de la nuit pour débattre de la question.
Je trouve insultant qu'un débat sérieux et libre ne soit pas survenu immédiatement après l'événement plutôt qu'une semaine après ou presque. Je suis horrifiée de constater que le Canada ne soit pas plus empressé que cela à appuyer nos parents du sud.
Ce que je voudrais que le premier ministre comprenne, c'est que le Canada est le parent des États-Unis et qu'il appuiera ce pays dans toutes ses décisions. Je crois même que des excuses s'imposent pour avoir laissé nos organisations de défense et de sécurité nationale se détériorer au point qu'elles sont à toutes fins pratiques inutiles.
Nous devrions remercier le ciel que cet événement n'ait pas eu lieu en sol canadien. Qui aurions-nous appelé à l'aide alors? On ne peut que souhaiter que les Américains se seraient portés immédiatement à notre aide au lieu de tergiverser et de se demander comment et dans quelle mesure ils le feraient.
Je voudrais que le premier ministre aille à Washington dire au président Bush qu'il peut compter sur un engagement vraiment inconditionnel de notre part.
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le président, je suis heureux de voir les députés à cette heure tardive, car la réunion que le premier ministre et le président Bush auront lundi, l'importance de cette réunion compte tenu de la tragédie du 11 septembre, de même que son importance au plan des relations canado-américaines sont autant de sujets de préoccupations. Les enjeux sont très élevés en ce qui concerne l'avenir des relations canado-américaines, c'est le moins que l'on puisse dire.
En entrant dans cette enceinte il y a quelques minutes, j'ai entendu les commentaires du député de South Surrey--White Rock--Langley qui suivaient ceux du député de Burnaby--Douglas, lequel s'exprimait au nom du NPD. Ils allaient dans deux directions opposées. L'un disait que nous ne faisions pas assez pour appuyer les États-Unis dans la période actuelle, alors que l'autre disait que nous allions beaucoup trop loin dans la voie qui menait à la guerre.
Le gouvernement adopte une approche équilibrée dans tout cela. Le premier ministre a dit très clairement et sans ambages que nous allions épauler nos amis et alliés les États-Unis ainsi que nos partenaires de l'OTAN et les autres pays du monde qui se joignent à nous dans la campagne contre le terrorisme.
Nous participerons à cette campagne et nous y jouerons un rôle important. Nous ferons cela pour un certain nombre de raisons, mais d'abord et avant tout pour la sécurité et la protection des Canadiens. Il n'y a vraiment rien dans tout cela de plus important.
Le terrorisme a pris son visage le plus hideux. Il existe dans différentes parties du monde. Bin Laden et d'autres organisations terroristes comptent des milliers d'adeptes qui sont prêts à faire le genre de choses que l'on a vues à New York et à Washington le 11 septembre. Nous ne pouvons pas laisser cela continuer. Ces gens deviennent une menace non seulement pour les Américains, mais aussi pour les Canadiens et les habitants de tous les autres pays du monde. Nous ne pouvons pas nous laisser tenir en otages par tous ceux qui sont prêts à commettre ces actes démoniaques. Nous devons passer à l'action et faire front commun pour protéger nos intérêts et garantir notre sécurité.
Il n'y a pas de menace imminente qui plane sur les Canadiens. Nous avons un plan pour lutter contre le terrorisme, mais nous devons le revoir et examiner les divers aspects de la sécurité à la lumière des événements du 11 septembre, afin de continuer de garantir la protection et la sécurité de tous les Canadiens. Nous devons travailler de concert avec les États-Unis et nos alliés, car nous avons affaire à un problème international. Nous devons travailler en harmonie, main dans la main, comme l'a indiqué le premier ministre en plus d'une occasion.
J'ai dit moi-même à plusieurs reprises qu'il ne s'agira pas d'une guerre comme on en a connu. Je pense que le président des États-Unis a tenu des propos à cet effet ce soir. Ce ne sera pas une répétition de la Seconde Guerre mondiale, du conflit au Kosovo ou de la guerre du Golfe. Nous allons pourchasser un ennemi insaisissable, qui travaille dans l'ombre et dans différents pays.
Nous avons besoin de bâtir une coalition de pays qui reconnaissent la nécessité de supprimer le terrorisme. Nous devons convaincre les pays qui abritent des terroristes qu'il leur faut renoncer à appuyer ceux-ci, même de façon passive. De nombreux pays, même des pays desquels on n'aurait pas attendu pareil soutien, ont exprimé leur inquiétude parce qu'ils comprennent les menaces qui pèsent sur eux. Ils comprennent le caractère démoniaque et atroce qu'ont pris ces actions terroristes.
Ce conflit ne sera pas une guerre traditionnelle. Espérons que l'action militaire requise sera réduite à un minimum. Nous devons examiner les différends instruments--diplomatiques et économiques--dont nous disposons pour mettre fin au terrorisme.
Oui, il va y avoir une intervention militaire. Peut-être même qu'elle consistera en partie en une guerre de nature conventionnelle. J'espère que non, mais c'est possible. Toutefois, cela va exiger beaucoup de temps et une action concertée de la part de nombreux pays à divers niveaux.
Les États-Unis ont déjà prépositionné des forces militaires au Moyen-Orient où se trouvent un grand nombre d'organisations terroristes, près de l'Afghanistan, près du lieu où se trouve le quartier général de ben Laden. Ce mouvement et ce prépositionnement des forces militaires est normal en temps de crise. Aucune décision n'a été prise par les États-Unis quant à la façon dont cette campagne sera menée et à la question de savoir si des forces seront déployées en nombre massif. C'est un prépositionnement. C'est aussi un moyen de faire pression sur les Talibans, un moyen de faire pression sur l'Afghanistan afin que les autorités afghanes livrent ben Laden. Ces méthodes et bien d'autres seront utilisées à l'avenir.
Les États-Unis, en leur qualité de chef de file de cette entreprise, sont toujours au stade de la planification. Les Américains ne nous ont rien demandé de précis dans le contexte de cette campagne contre le terrorisme. Ils nous ont présenté des demandes entre le 11 septembre et aujourd'hui, et nous y avons donné suite. Ils nous ont priés de mettre davantage d'avions de chasse à la disposition du système du NORAD. Cela a été fait. Ils nous ont demandé de les appuyer dans l'analyse du renseignement, et cela a été fait. Ils étaient reconnaissants, au moment où sont survenus les incidents du 11 septembre, que nous ayons été en mesure d'accueillir bon nombre d'aéronefs dans notre espace aérien et nos aéroports, soit plus de 200 aéronefs et quelque 33 000 personnes. Je félicite les Canadiens qui ont fait preuve d'une remarquable hospitalité et d'une grande compréhension de la situation et qui ont tendu une main secourable aux personnes ayant fait ces escales particulières dans notre pays, surtout dans l'est du Canada.
Nous avons fait ce que les États-Unis nous ont demandé. Nous avons épaulé les Américains, et ils nous ont remercié de ce que nous avons fait. Nous leur avons indiqué, comme le premier ministre l'a dit, que nous travaillerions avec eux épaule contre épaule. Ils peuvent compter sur notre présence. Ce sont nos amis, nos alliés. Ils sont de la famille, et nous ne les laisserons pas tomber.
Nous avons des ressources. Nos Forces armées ont des ressources que nous pouvons appeler à contribution. Les États-Unis connaissent nos ressources. Ils connaissent nos atouts. Ils connaissent nos militaires. Peu importe ce qu'en disent les députés de l'Alliance qui dénigrent les Forces canadiennes, les États-Unis savent que nos militaires sont dévoués et professionnels et qu'ils ont bien servi au Kosovo. Ils ont été l'une des principale composante des opérations menées au Kosovo. Il y a deux semaines, nos Coyote, ce véhicule de reconnaissance blindé le plus moderne qui soit, et leur équipage sont arrivés en Macédoine. Nous occupons diverses niches au plan des ressources.
Dès que les États-Unis auront terminé la phase de planification initiale, ils consulteront le Canada et nos autres alliés afin de déterminer comment nous pouvons collaborer, comment nous pouvons déployer nos ressources de manière à ce qu'elles soient complémentaires et communes dans cette campagne contre le terrorisme.
Toutefois, ce ne sera pas qu'une campagne militaire. En réalité, j'espère que le volet militaire, s'il y en a un, n'occupera qu'une petite place. J'espère que ce sera le cas. Nous devons être prêts. Nous devons mettre notre matériel à leur disposition. Nous mettons effectivement notre matériel à leur disposition. Nous ne disons pas qu'ils ne peuvent avoir ceci ou cela. Ils savent ce que nous sommes en mesure d'accomplir. Nous voulons certes les épauler et jouer un rôle, un rôle de premier plan en termes d'aide à cet égard, car c'est dans notre intérêt.
Il est dans notre intérêt d'assurer la sécurité des Canadiens ainsi que des amants de la liberté dans toutes les parties du monde.
Nous serons là. Nous sommes tout à fait résolus. Nous devons être tout à fait résolus. C'est une importante campagne contre le terrorisme, et le Canada fera front avec les États-Unis et ses alliés et, au-delà de tout, nous le ferons pour assurer la sécurité de notre population dans l'immédiat et dans l'avenir.
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Alliance canadienne): Monsieur le président, que Dieu nous vienne en aide si un pareil acte de terrorisme frappait la population civile canadienne. Je sais qui serait là pour nous aider. Les États-Unis seraient les premiers, et sans poser de questions.
Je voudrais aborder un aspect puisque c'est la première occasion qui m'est donnée d'intervenir à ce sujet. Avec les membres de ma famille et tant d'autres citoyens de ma ville et de partout au Canada, j'ai regardé se dérouler ces horribles événements à maintes et maintes reprises à la télévision. Je n'étais pas là pour les observer en personne, mais ils ont produit un impact et une impression sur la vie d'énormément de gens. Ils ont même changé tout l'aspect de la présente législature. Le seul fait de voir se dérouler ces événements sur le sol de nos voisins américains a transformé des questions que nous jugions importantes en chamailleries insignifiantes.
Mes pensées et mes prières les accompagnaient, eux et leurs familles. Dans notre église, nous avons prié pour les familles en pensant au chagrin et à l'angoisse qu'ils éprouvaient. Nous avons vu les Américains se ressaisir également. Leur Congrès s'est rassemblé dans un esprit d'unité en sachant que la bataille n'était pas uniquement la leur. Combien de fois ont-ils admis que ce n'était pas uniquement leur bataille, mais qu'ils la livreraient pour tout le monde?
Je leur rends hommage à eux, à leur Congrès, à leurs pompiers et à leurs policiers ainsi qu'à toutes les équipes d'intervention d'urgence qui ont été dépêchées de tous les coins du pays pour aider, de même qu'à population pour avoir réagi avec tant de compassion. Voilà ce que je vois en Amérique. Voilà les répercussions que ces événements ont eues chez nos voisins.
Ces événements ont également touché la vie des Canadiens de la même façon qu'ils l'ont fait chez les Américains. Nous avons bien des choses en commun avec les Américains; nous ne sommes pas leurs voisins en paroles seulement et nous entretenons bien plus que des relations de bon voisinage de part et d'autre de la frontière. Nous avons beaucoup plus que cela en commun.
Je ne voudrais pas être à la place du premier ministre lundi. On ne jouera pas sur les mots, mais que pourra bien dire le premier ministre? Il sollicite des opinions. Cette rencontre déterminera le rôle du Canada dans la guerre antiterrorisme. Je prie pour que le premier ministre pense aux besoins du Canada, et pas seulement aux besoins de notre voisin, parce que lorsqu'on ne peut satisfaire ses propres besoins, on ne peut pas combler ceux de son voisin. Il devrait s'arrêter sur les questions de sécurité nationale, pas seulement pour en parler, mais pour garantir que la sécurité nationale soit au premier rang des priorités et pour prendre des mesures afin de la respecter. Il peut encore le faire avant de partir. Nos alliés s'y attendent. Les Canadiens s'y attendent aussi et l'exigent même.
Comme la plupart des députés, je demande au premier ministre de s'engager aujourd'hui à informer nos amis et alliés que, cette fois, nous n'allons pas nous contenter d'agiter les drapeaux. Combien de fois nous sommes-nous retrouvés dans cette situation? Cette fois, on nous demande plus que d'agiter simplement des drapeaux. On demande au Canada de s'engager à déployer nos troupes, à unir notre communauté du renseignement, ainsi que nos corps policiers, en vue d'une action énergique. Ces mesures sont immédiates et ne sont qu'un début.
Notre premier ministre est tenu moralement d'apporter quelque chose à la table des Américains et même de devancer toute demande faite au Canada par le président des États-Unis. En d'autres termes, nous devrions être prêts à aider avant même d'entendre ce que le président a à dire. Nous devrions lui offrir cette aide et l'assurer que nous ferons de notre mieux.
Avant de quitter le Canada, notre premier ministre devrait annoncer à la population, au Parlement et à nos amis américains que nous allons payer, équiper et recruter du personnel pour solidifier les Forces canadiennes, la GRC, le SCRS et les forces de l'ordre, telles que l'immigration et les douanes. Nous allons le faire. Nous allons en prendre l'engagement.
Je dois avouer que j'ai honte quand je pense au piètre traitement accordé à tous les services de l'ordre et à nos forces armées depuis 10 ans. Cette indifférence était due au manque d'engagement, au sous-financement et à la rectitude politique. Sur cette longue liste figure aussi l'élimination de nos services d'espionnage qui existaient après la Seconde Guerre mondiale. On a éliminer ces services sans penser qu'il serait peut-être utile de les revigorer ou de les rétablir un jour.
Jetons un coup d'oeil au démantèlement, plus récent, des unités de filature du ministère de l'Immigration, qui avaient l'habitude de pourchasser des fugitifs. Ce démantèlement a eu lieu en 1994. En 1995, on a assisté au démantèlement du Régiment aéroporté, une unité spécialisée, reconnue dans le monde entier, qui intervenait dans des incidents de ce genre. Il pourchassait, derrière les lignes ennemies, les coupables qui montaient des coups. Le Régiment aéroporté était bien connu dans le monde entier pour son efficacité et sa compétence. C'est seulement au Canada qu'on fait disparaître ces organismes d'un seul coup. Il y a eu la suppression de la police des ports, un service policier dévoué qui surveillait nos côtes et nos ports, dénichant les contrebandiers.
L'événement le plus récent a été le fait que le gouvernement a négligé d'armer nos forces militaires. Nos avions n'ont aucune pièce d'artillerie. Nous les avons toutes lancées au Kosovo et nous avons largué toutes les bombes non guidées, de sorte que nous n'avons rien. Elles n'ont jamais été remplacées. Pouvons-nous parler de préparation?
C'est honteux. Le premier ministre peut proposer des mesures substantielles au président des États-Unis, mais le fera-t-il? Il peut offrir maintenant certaines garanties, à savoir que nous sommes déterminés à renforcer nos ressources militaires, mais le fera-t-il? Le premier ministre pourrait dire au président Bush et à nos alliés que nous sommes sérieux en ce qui concerne la police et la sécurité aux frontières et que, pendant que nous renforçons nos ressources d'intervention, nous invitons les agents spéciaux des États-Unis à se tenir directement en liaison avec nos services de renseignement et nos forces policières, mais le fera-t-il?
C'est le message que le premier ministre doit livrer pour le court terme, mais le fera-t-il? Le premier ministre doit maintenant admettre que nos lois et nos politiques recèlent de graves lacunes, des lacunes qui rendent notre pays vulnérable et qui compromettent aussi la sécurité de nos voisins. Voici ce dont nous avons besoin dans notre pays: une loi antiterroriste; un processus d'examen en matière d'immigration; des lois d'expulsion efficaces; un système de détermination du statut de réfugié et un système d'expulsion; et une politique de sécurité unifiée avec celle des États-Unis.
Le premier ministre peut faire beaucoup. S'il accepte quelque conseil des députés de ce côté-ci, il pourra offrir plus. Un collègue a dit plus tôt ce soir: Que Dieu bénisse l'Amérique et le Canada. J'ajoute cette prière à celle de mon collègue: Que Dieu bénisse l'Amérique et le Canada, mais que Dieu nous pardonne, en tant que Canadiens, de ne pas avoir respecté notre partie de l'engagement.
M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): Monsieur le président, c'est avec un profonde tristesse et une grande douleur que j'exprime mes condoléances au gouvernement et au peuple américains, particulièrement aux familles des victimes et aux personnes qui leur étaient chères.
Les mots peuvent apaiser la douleur mais amenuisent également la tragédie. Pour moi qui suis diplômé d'une école de droit américaine, qui ai enseigné et vécu aux États-Unis, qui y compte toujours des parents et plusieurs amis proches, cette innommable tragédie a été et demeure un drame terrible sur le plan personnel et familial tout comme sur le plan humain et géographique car elle s'est produite sur le continent nord-américain. En bref, cela nous rappelle que nous faisons partie de la grande famille humaine et que c'était une attaque contre cette humanité.
À l'aube du nouveau millénaire, divers experts et mordus de la politique en ligne nous avaient mis en garde contre les cultes millénaristes qui risquaient de profiter de cette fin de siècle pour se livrer à des actes de terrorisme apocalyptique. Or, il a fallu les attaques terroristes transformatives menées contre les États-Unis le 11 septembre, non celles de cultes millénaristes mais bien de super-terroristes transnationaux pour nous faire vivre L'Apocalypse et pour nous faire vivre L'Apocalypse non sur pellicule cinématographique mais comme une horreur sans précédent même aux heures de grande écoute. Cet assassinat collectif ou plutôt cette tuerie imitait l'art pour mieux s'en moquer.
Toute loi ou politique antiterroriste, qu'elle émane d'une coalition antiterroriste ou d'États membres de la communauté internationale comme le Canada et les États-Unis, devra tenir compte des caractéristiques propres au terrorisme transnational de nature apocalyptique--dont la plupart ont trouvé leur expression dans cette terrible attaque terroriste--et aussi de la nature de plus en plus létale du terrorisme.
Ces dernières années, nous avons assisté à une réduction du nombre d'actes de terrorisme. En revanche, nous avons constaté une létalité croissante, qui a trouvé son expression dans ce terrible acte de terrorisme du 11 septembre; une augmentation des actes visant des civils dans des lieux publics, et une augmentation du nombre d'opérations kamikazes, associés au fanatisme religieux ou ayant celui-ci pour fondement.
Aussi mauvais que cela aurait pu être, ces avions n'ont pas été détournés à des fins politiques. Ils l'ont été à des fins de tuerie collective, inspirée par la haine.
Ce n'est pas tout: la sophistication des communications transnationales, des transports et des réseaux financiers; le recours potentiel à des armes de destruction massive; l'enseignement du mépris et la diabolisation de l'autre en tant que forme d'incitation permanente au terrorisme contre la cible montrée comme diabolique; la vulnérabilité de sociétés ouvertes et technologiquement avancées comme les États-Unis et le Canada; l'explosion à l'étranger de conflits ethniques et religieux internes et les actes de terrorisme qui peuvent se produire ailleurs et chez soi; la présence de terrorisme parrainé par l'État. En un mot, le profil de cette nouvelle menace existentielle est peut être, comme le dit le Département d'État américain dans son rapport sur les tendances mondiales du terrorisme:
--le super-terroriste transnational qui bénéficie de moyens modernes de communication et de transport, dispose de sources mondiales de financement, est formé et basé dans des réseaux internationaux, jouit d'une base et d'un abri dans les États hors la loi ou parias, s'y connaît très bien en explosifs et est plus difficile à retrouver et à appréhender que les membres d'anciens groupes ou ceux parrainés par le terrorisme d'État. |
Comme l'a fait remarque Ward Elcock, le directeur du SCRS dans le mémoire qu'il a présenté le 24 juin 1998 au Comité sénatorial spécial sur la sécurité et les services de renseignement: «Par rapport à il y a dix ans, la menace terroriste mondiale est plus complexe, plus extrême, plus sophistiquée, plus diffuse et davantage transnationale. Si le monde est aujourd'hui un village planétaire, chaque quartier est menacé».
La dynamique sans doute la plus importante et la plus souvent oubliée dans l'établissement d'une loi et d'une politique antiterroristes comme celles que nous recommandons consiste à lutter contre la tentation croissante de gommer les considérations morales et juridiques qui ont souvent saboté toute démarche en ce sens depuis quelques années. Je veux parler de la politique cocardière qui consiste à dire que ce qui est un terroriste pour l'un est un champion de la liberté pour l'autre, le relativisme moral ou la fausse équation morale qui estompe bel et bien les distinctions entre ce qui est légitime et ce qui ne l'est pas ou, plus profondément, les distinctions entre le bien et le mal.
En conséquence, pour réussir à établir une loi et une politique antiterroristes, il faut tenir ce terrorisme apocalyptique pour ce qu'il est, à savoir non seulement un assaut ultime contre la dignité et les droits humains dans le massacre d'innocents, mais contre les démocraties elles-mêmes et la paix et la sécurité de l'humanité. La lutte contre le terrorisme doit donc faire partie de la grande bataille pour la protection de la démocratie, pour la protection de la dignité et des droits humains, pour la protection de la grande famille humaine.
Les principes à retenir sont donc les suivants: le terroriste d'une démocratie est le terroriste de toutes les démocraties; si le terrorisme est un phénomène mondial, il faut y trouver une solution mondiale, car aucun pays ne saurait ni ne devrait le combattre seul; si le terrorisme est effectivement une guerre contre les démocraties, les démocraties doivent user de tous les moyens démocratiques, diplomatiques, juridiques, financiers et institutionnels dont elles disposent pour faire la guerre aux terroristes eux-mêmes, organisées autour d'une série d'initiatives internationales et nationales précises, que je soumets humblement à l'attention du premier ministre, sinon celle de la coalition antiterroriste.
Voici quelles sont les initiatives en question. La première découle du gommage des considérations morales et juridiques dont j'ai déjà parlé, de la nécessité d'établir au plan international une entente et un appui pour une loi et une politique antiterroristes en priorité au chapitre de la démocratie et des droits humains et pas seulement à celui de la sécurité nationale. Il s'agit de mobiliser non seulement les gouvernements mais aussi les Parlements, qui représentent la volonté de la population. Il faut aussi mobiliser la société civile qui peut donner force et expression à la volonté de la population.
En deuxième lieu, l'arsenal juridique de la lutte contre le terrorisme doit être internationalisé et institutionnalisé. À titre d'exemple, beaucoup de pays n'ont toujours pas ratifié les 13 conventions internationales destinées à combattre le terrorisme. La ratification est non seulement importante sur le plan juridique, en ce qu'elle engage les pays à répercuter ces conventions dans leurs lois et politiques de lutte contre le terrorisme, mais elle envoie également un message important sur les plans psychologique aussi bien que juridique indiquant que ces pays ont pris position en faveur de la démocratie dans la guerre contre le terrorisme.
Il est possible de reconnaître ceux qui se positionnent dans cette guerre du côté de la démocratie en vérifiant s'ils ont effectivement ratifié ces conventions internationales contre le terrorisme et adopté des lois nationales les reflétant. Ce test de la législation et des politiques antiterroristes est vérifiable sur le plan juridique et se révèle potentiellement efficace.
En troisième lieu, les initiatives juridiques internationales relatives à la mise en oeuvre et à l'application des politiques et des lois antiterroristes doivent être élargies et affinées, surtout au vu du fait que les actes de terrorisme impliquent généralement plus d'un État. Cela comprend non seulement le principe d'extradition ou de poursuite comme corollaire à l'engagement national et international de refuser de donner refuge à des terroristes où que ce soit, mais aussi, par exemple, la ratification de traités d'entraide juridique ou encore le recours au cryptage, un processus qui permet, au besoin, aux gouvernements légitimes d'accéder à des données et à des communications pour empêcher des actes de terrorisme, ou faire enquête à leur sujet tout en assurant la protection du caractère privé des communications légitimes.
En quatrième lieu, il est primordial d'affiner la collecte de renseignements et de partager les informations concernant le terrorisme et ses acteurs, afin de pouvoir établir des liens probatoires que requièrent aussi bien les services de l'ordre que les tribunaux, laquelle information n'est, à mon grand regret, pas encore partagée entre les alliés et démocraties amies, et qui non seulement se révèle indispensable sur le plan probatoire, mais peut également enrayer et empêcher des actions terroristes.
En cinquième lieu, les États doivent prendre sérieusement les caractéristiques des collectes de fonds des terroristes. Comme l'ont dit les participants à la conférence ministérielle de Paris qui a eu lieu en 1996, elles sont «le point névralgique le plus faible des démocraties», et à cause de cela, les États doivent se doter des outils nécessaires à l'échelle nationale et internationale afin d'empêcher les organisations terroristes et les terroristes d'avoir accès à du financement, en mettant en oeuvre la Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme.
En sixième lieu, il est essentiel que les démocraties adhèrent aux principes fondamentaux du droit international, invoquent ces principes et les appliquent en tant que base et justification pour toute loi et politique antiterroriste. Allant dans ce sens, on inclura le terrorisme au nombre des crimes de Nuremberg, non seulement comme acte violent mais comme une des pires atrocités connues de l'humanité, analogue à un crime contre l'humanité.
Dans ce sens aussi, les terroristes seront définis comme étant hostis humanis generis, les ennemis de l'humanité, étayant ainsi la politique de tolérance zéro que nous devrions tous avoir en matière de lutte contre le terrorisme sans égard à sa provenance et à ses buts.
Toute intervention militaire doit également s'appuyer sur les principes du droit international humanitaire relativement au recours à la force dans les conflits armés, à la protection des civils et aux conditions de nécessité et de proportionnalité devant être respectées dans toute intervention militaire sensible. Toute loi et politique nationale doit assurer que la règle de droit ne sert pas les intérêts d'une loi et d'une politique antiterroriste tout comme une loi et une politique antiterroriste efficace n'est pas émoussée par une attention excessive aux détails.
Enfin, chaque État doit revoir son système judiciaire afin de combler les lacunes dans ses lois et ses politiques nationales. Par exemple, est-ce que le système judiciaire canadien traite de façon adéquate la nature changeante et dynamique de la menace terroriste existentielle que je viens de décrire? Avons-nous besoin de lois nationales spéciales ou d'une loi sur la lutte au terrorisme comme il en existe aux États-Unis et au Royaume-Uni, que nous pourrions peut-être imiter et améliorer? De telles lois spéciales pourraient-elles...
Le président: Je regrette d'interrompre le député, mais je me suis montré généreux; je sais aussi que d'autres députés attendent et que minuit approche à grand pas. La présidence n'acceptera plus de motions pour prolonger la séance. Je demande aux intervenants de coopérer.
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne): Monsieur le président, nous sommes tous d'accord pour dire que les événements abominables du 11 septembre nous amènent de façon à la fois triste et désagréable à une réalité pour laquelle nous aurions dû être mieux préparés. Nous en avions été prévenus depuis de nombreuses années par les mises en garde qui nous avaient été faites et les événements dont nous avons été témoins ailleurs dans le monde, événements qui se sont aujourd'hui reproduits sur notre propre territoire.
Le premier message que le premier ministre devrait livrer est celui de notre tristesse devant ce drame et de nos condoléances à tous ceux qui ont perdu un être cher, que ce soit une soeur, un frère, une mère, un père, un fils, une fille, un voisin ou un collègue. J'ai parlé ce soir avec quelqu'un qui a perdu au moins sept collègues décédés et dont cinq autres collègues sont portés disparus au World Trade Center.
On a parlé des observations du président Bush ce soir. Je soulignerai des choses que le président Bush a dites au sujet de la réaction du peuple américain à la tragédie. Il a dit que les Américains ont vu l'état de l'union et constaté l'endurance des sauveteurs qui ont travaillé jusqu'à épuisement. Les Américains ont vu les drapeaux flotter, les chandelles brûler; ils ont vu les gens donner de leur sang, ils ont entendu les prières en anglais, en hébreu et en arabe. Ils ont vu d'autres peuples compatir à leur douleur. Les Canadiens, ils l'ont constaté, ont été nombreux à compatir à leur douleur.
De nombreuses assemblées ont eu lieu où on comptait des milliers de Canadiens. Plus de 100 000 Canadiens se sont réunis sur la colline du Parlement. Il y a même eu un service aujourd'hui, des députés s'étant réunis pour célébrer la mémoire des disparus aux États-Unis.
Au moment où nous discutons de la façon dont le premier ministre devrait répondre, je dois réitérer que l'Alliance canadienne presse depuis longtemps le gouvernement de se pencher sur les questions de la sécurité à la frontière, de l'intégrité de nos systèmes d'immigration et du statut de réfugié et de la nécessité d'accorder plus de ressources aux forces armées. Nous demandons depuis longtemps au gouvernement de réagir avec vigueur et avec force par l'adoption d'une loi antiterroriste modelée sur celle de la Grande-Bretagne.
Par exemple, si le Canada a besoin d'un ordre pour cet événement, nous devons le prendre au sérieux. Nous devons adopter une loi semblable, une loi qui permettra de désigner et d'interdire les organisations terroristes, qui interdira la collecte de fonds pour ces groupes où qu'ils soient, en terre canadienne ou à l'étranger. Nous avons besoin d'une loi semblable à la loi antiterroriste américaine de 1996, une loi efficace sur la peine capitale. Nous avons besoin d'une loi qui permettra d'identifier et d'interdire les organisations terroristes ainsi que toutes leurs activités de collecte de fonds et de soutien en terre canadienne, car leur enlever le statut d'organisme de charité ne suffira pas. Que le ciel nous vienne en aide si on croit que cette solution suffit.
Il faut adopter un projet de loi permettant la détention et l'expulsion de personnes soupçonnés d'être des terroristes. Le terrorisme fait fi des frontières. Nous s ne pouvons pas permettre que le Canada serve de refuge à ceux qui profitent de la compassion humanitaire des lois canadiennes pour fuir la justice de leur propre pays ou des pays où ils ont commis leurs crimes.
Cette semaine, l'OTAN a invoqué l'article 5 de sa charte et le Canada, comme ses alliés, a déclaré que cette attaque contre les États-Unis était aussi une attaque contre tous les pays membres de l'OTAN. C'était la première déclaration du genre dans les 50 ans d'histoire de l'OTAN. Le combat qui s'engage n'est pas uniquement celui des Américains, mais celui de tous les pays libres du monde. Cela signifie que le Canada doit mobiliser une quantité raisonnable et supplémentaire de ressources.
Le premier ministre devrait faire part au président des États-Unis que le Canada s'engage à resserrer la sécurité à ses frontières, à scruter à la loupe ses politiques et procédures d'immigration, à rejeter les demandes des pseudo réfugiés, à traduire en justice les personnes qui commettent des crimes pendant qu'ils attendent leur statut d'immigrant ou de réfugié, à expulser tous ceux qui ont des liens avérés avec des terroristes et ceux qui commettent des crimes à l'étranger et cherchent ensuite refuge à l'intérieur de nos frontières.
Nous devons nous engager à sécuriser davantage le périmètre nord-américain en améliorant la sécurité à l'entrée et à la sortie du pays. Il nous faut renforcer nos murs.
J'ai bien peur de ce qui va arriver à la frontière si nous ne prenons pas des mesures pour accroître la sécurité au Canada. Les États-Unis vont certainement augmenter leur surveillance. Je crains pour nos citoyens qui essaieront de traverser la frontière et pour notre commerce international, sur lequel notre économie compte tellement.
Le Canada a atteint un niveau de vie inégalé jusqu'à tout récemment. Notre réputation de gens les plus choyés de la planète a attiré des terroristes et des gens de tous crins qui veulent profiter de notre liberté. Cependant, notre niveau de vie, notre économie et la société paisible et pacifique à laquelle nous nous sommes habitués ont malheureusement pris un peu de plomb dans l'aile.
Nous avons l'obligation de protéger notre patrimoine, de chanter le «O Canada» comme nous l'avons fait aujourd'hui au service commémoratif. Il est temps que le gouvernement et les députés de tous les partis prennent plus au sérieux cette responsabilité.
Le premier ministre doit montrer, avec le soutien unanime des partis, que nous ferons ce qu'il faut pour garder notre frontière et protéger nos administrés. Dans son message au président, le premier ministre devrait dire qu'il a reçu de tous les députés le mandat d'accroître les dépenses de défense de même que le financement de la GRC et du SCRS de telle sorte que ces organisations puissent remplir le rôle qu'elles sont tenues de remplir en notre nom.
Nous devons reconnaître que nous avons tenu notre sécurité pour acquise et que nous avons trop compté sur la vigilance de nos voisins pour protéger nos intérêts. En n'exerçant pas la vigilance qu'il faut, nous avons aussi exposé nos voisins à des forces hostiles qui ont abusé de notre générosité. Il faut leur dire que nous nous engageons à redoubler d'ardeur et de vigilance.
Le Canada a participé à l'établissement tant de la convention sur la sécurité des Nations Unies et du personnel associé que de la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif. Nous devons tenir nos engagements.
Le Canada doit dire que nous prendrons au sérieux nos obligations internationales de même que notre devoir de protéger la sécurité de nos administrés et de nos voisins et d'être aux côtés de nos alliés dans la lutte contre le terrorisme international, où qu'il se trouve.
Enfin, je regrette qu'il se fait tard et que certains de nos collègues n'auront pas l'occasion de prendre la parole. Ils ont attendu longtemps leur tour et c'est malheureux que nous ne puissions pas prolonger le débat ce soir pour leur donner satisfaction.
M. Bill Graham (Toronto-Centre--Rosedale, Lib.): Monsieur le président, je ne comptais pas prendre la parole ce soir, puisque je suis intervenu lundi dernier. Toutefois, après avoir suivi ce débat, j'estime qu'il fournit à notre grande famille parlementaire l'occasion de se réunir pour entendre les avis des uns et des autres sur cette affaire de première importance. Je pensais cependant que ce débat devait concerner le message que le premier ministre doit porter au président des États-Unis au nom des Canadiens.
J'ai pu entendre le discours prononcé par le président ce soir, au même titre que beaucoup de députés. J'ai été impressionné par ses propos et par l'enthousiasme extraordinaire exprimé par nos homologues membres du Congrès et sénateurs américains, dont les députés connaissent un grand nombre à titre personnel. Nous avons travaillé de près avec eux et nous les respectons. Nous devons nous inspirer de leur sagesse pour contribuer au règlement d'un problème extraordinairement compliqué et difficile pour tous.
J'étais loin de croire que le débat d'aujourd'hui serait aussi sectaire. Je suis déçu par certaines des observations des mes collègues d'en face, qui ont choisi de souligner les lacunes du gouvernement au lieu de parler du message que le premier ministre devrait porter au président des États-Unis.
Je partage l'avis de mes collègues d'en face, et plus particulièrement celui de ma collègue qui a parlé avec tant d'éloquence de sa circonscription qui jouxte les États-Unis. Peut-être cela fera-t-il sourire les députés, mais à certains égards, ma circonscription de Toronto-Centre--Rosedale est aussi une circonscription frontalière. En effet, elle donne sur le lac Ontario, de l'autre côté duquel se trouve Rochester, ce qui en fait une circonscription frontalière au même titre que bien d'autres.
Je conviens avec les députés que le premier message que nous voulons que le premier ministre transmette au président des États-Unis, c'est que nous formons une famille nord-américaine. C'est ce que nous sommes d'abord et avant tout.
Ma mère était Américaine, et mon père, Canadien. Dans d'autres circonstances, j'aurais pu habiter de l'autre côté de la frontière. J'aurais pu siéger dans cette autre Chambre si j'avais eu la chance d'être élu par mes concitoyens pour les représenter, étant donné que j'estime que le plus grand privilège de ma vie est de représenter à la Chambre les résidents de ma circonscription.
Nous formons une famille et, en raison de notre appartenance à cette dernière, nous avons le droit de parler franchement aux autres membres de la famille et de leur dire ce que nous pensons et comment nous souhaitons qu'ils se comportent.
J'ai écouté le président des États-Unis ce soir, et j'ai été impressionné par sa sincérité et par sa détermination à s'attaquer aux causes immédiates du terrorisme. Je suis impressionné par les déclarations de mes collègues d'en face qui sont déterminés à veiller à ce que notre société soit protégée en renforçant nos systèmes de défense, nos forces de police et nos politiques en matière d'immigration.
Je prie instamment tous les députés de faire preuve de loyauté, de faire front avec les États-Unis et de les appuyer dans la présente conjoncture. Si nous n'appuyons pas les États-Unis, nous n'appuyons pas notre propre cause, car nous sommes tous soumis à une attaque. Comme le président l'a souligné ce soir dans son discours devant le Congrès, l'immeuble qui a été attaqué abritait des gens d'une soixantaine de nationalités. Comme l'a mentionné mon collègue de Mont-Royal, c'est l'humanité tout entière qui a été prise pour cible lors de ces attaques.
Qu'essayons-nous d'atteindre en tant que députés à la Chambre? Comment pouvons-nous aller au-delà du message qui recommande de faire face à cette réalité et dialoguer avec la seule superpuissance au monde, la plus grande puissance sur la surface de la planète? De toute évidence, les États-Unis possèdent la puissance militaire suffisante pour anéantir n'importe quel ennemi. Cela ne fait aucun doute.
J'ai écouté un amiral américain à la télévision ce matin. Cet homme d'une grande sagesse a déclaré qu'il n'y avait de solution militaire à ce problème. Il a expliqué qu'il n'y a qu'une puissance militaire limitée pour lutter contre le terrorisme parce que les terroristes s'évaporent dans la nuit.
C'est une réflexion personnelle. Néanmoins, c'est avec intérêt que j'ai lu l'article de mon fils qui a été publié en première page du National Post ce matin, au sujet des consultations qu'il a eues, au Pakistan, avec des hommes de M. ben Laden.
Mon fils se trouve au Pakistan. Je suis inquiet à son sujet. N'importe qui ayant un enfant sur la ligne de front s'inquiéterait. Mon fils se trouve là-bas parce que dans une société libre et démocratique, il a le devoir de faire état des complexités des questions qui nous concernent et de permettre à nos citoyens de comprendre de quoi il s'agit.
Il ne s'agit pas uniquement de frappes immédiates, comme nous l'avons lu dans cet article. M. ben Laden, les rebelles, les terroristes et le peuple afghan disposent de bien des cavernes pour se cacher.
Comme l'amiral américain le disait si bien à la télévision ce matin, nous ne disposons pas de l'information technique immédiate ou des renseignements de sécurité ponctuels nous permettant de savoir exactement où frapper. Mon collègue porte-parole en matière de défense, pour qui j'ai un grand respect, sait cela aussi bien que moi.
Nous n'avons pas besoin d'aller parler de frappe immédiate à nos collègues américains. Ils s'y connaissent en la matière. Ils sont dotés de services de renseignement et de capacités militaires plus considérables que nous. Ils sont la plus grande puissance au monde.
Le message que notre premier ministre doit transmettre au président américain est celui qu'il a donné à la Chambre au cours du débat de lundi. Il a dit que nous devions nous engager à prendre à long terme des mesures qui seront efficaces et non de prendre à court terme des mesures qui nous donneraient l'impression d'avoir accompli quelque chose mais qui, dans les faits, iraient à l'encontre du but recherché.
C'est pour parler de cela que nous sommes ici ce soir. Et c'est pourquoi j'ai écouté avec tant d'intérêt mon collègue de Mont-Royal, un homme qui a une longue carrière dans les milieux universitaires et dans le domaine du droit. Érudit, il est bien connu pour son intérêt pour les droits de la personne dans le monde entier. Comme bon nombre de députés le savent, il a défendu les Palestiniens à la Cour suprême d'Israël. Il nous a exposé ce soir une vision d'un monde gouverné par des lois et non par la violence, un monde où nous pourrions ensemble assurer la primauté du droit.
Le premier ministre du Canada ne doit pas simplement aller rencontrer le président des États-Unis pour lui dire que nous sommes solidaires, comme l'ont suggéré nos collègues de l'Alliance. Je demanderais à nos collègues de l'Alliance de ne pas conseiller au premier ministre de dire au président des États-Unis que nous ne sommes pas à la hauteur et que nous n'avons pas fait tout ce que nous aurions dû faire parce que c'est faux et injuste, et que c'est faire preuve de partisanerie à un moment où cela ne s'y prête vraiment pas.
Nos collègues de l'Alliance ne devraient pas dire au premier ministre d'aller rencontrer le président des États-Unis pour lui annoncer que nous ne sommes pas à la hauteur et que nous n'avons pas fait assez. C'est faux et injuste et ce sont là des propos sectaires à un moment où le sectarisme n'a pas sa place.
Nous avons envers nos collègues et nos concitoyens le devoir d'exhorter le premier ministre à aller rencontrer le président des États-Unis pour lui communiquer une vision du monde qui est multilatérale, un monde où les États-Unis peuvent être non seulement la plus grande puissance du monde, mais aussi un véritable flambeau de la liberté. Dans cette vision, les États-Unis pourraient partager leurs avantages avec le monde et contribuer à l'enrichir. Ils ne détruiraient pas simplement les civilisations de leurs ennemis, mais partageraient avec eux la richesse qu'ils ont réussi à créer. Ils pourraient aider à faire un monde meilleur dans lequel tous auraient leur place.
Chers collègues, voilà ce que signifie le fait d'être Canadiens. L'autre jour, je me suis rendu à la mosquée de ma circonscription. Il y avait là des Somaliens et des musulmans de partout dans le monde. Bon nombre sont venus me voir et m'ont dit que leur identité était canadienne. Bien des jeunes sont venus me dire qu'ils s'estiment canadiens et que nous créons, à tout le moins à Toronto, la région que je connais, une société tolérante multiculturelle, polyvalente et multidimensionnelle.
En cette période de crise, nous avons certainement besoin d'entendre des gens nous dire que le monde et ses problèmes revêtent de multiples facettes, sont multidimensionnels et nécessitent une approche multilatérale subtile.
Oui, chers collègues de l'Alliance, nous devons renforcer nos défenses. Oui, nous devons prendre clairement position contre le terrorisme. Cependant, chers collègues, nous devons certainement faire plus que cela. Nous devons tendre la main aux autres. Nous devons mettre en place dans le monde les conditions qui auront pour effet d'anéantir le terrorisme, non pas parce que des gens auront été tués, mais parce qu'ils réaliseront qu'ils peuvent aspirer à une meilleure vie. Voilà ce que je veux que notre premier ministre dise lorsqu'il s'entretiendra avec le président des États-Unis.
[Français]
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le président, le débat qui se déroule ce soir a pour but de conseiller le premier ministre du Canada qui va rencontrer le président Bush lundi.
J'avais préparé ce mot avant d'écouter le discours du président américain. Je l'ai écouté, avec beaucoup d'intérêt, s'adresser au Congrès et au Sénat réunis. Je vais le réécouter et le relire mais maintenant, ce soir, c'est avec plus d'urgence que je vais souhaiter que le premier ministre du Canada, lors de sa rencontre lundi, reprenne un grand nombre des discussions et des conclusions qui ont été émises à la Chambre.
D'abord, on ne peut, bien sûr, s'exprimer sur cette question sans dire à quel point nous avons tous été choqués par cette tragédie innommable qui est arrivée devant tous et toutes à la télévision, le 11 septembre.
C'est une nouvelle forme d'attaque contre quelque pays que ce soit. C'est une forme de crime, dans lequel des personnes acceptent de perdre leur vie et font de cette mort le détonateur de la mort d'autres qu'elles ciblent.
Ce n'est pas nouveau dans l'histoire, mais cette fois-ci, ils utilisent les ressorts de la technologie contre leurs cibles humaines. Ils ont utilisé ces avions commerciaux contre des cibles bien prévues, pour faire en sorte qu'elles s'effondrent et ils ont touché à la fois le coeur économique et financier des États-Unis, en même temps que sa puissance militaire, quand le Pentagone s'est enflammé.
Ce type de nouvel instrument de guerre, de conflit, aucun pays n'en est à l'abri. C'est pour cette raison, en plus de l'immense sympathie que ce terrible drame a suscitée, que je crois que les États-Unis sont l'objet de cette sympathie et peuvent être au coeur d'une immense coalition, que nous souhaitons mondiale, pour s'attaquer à ce nouveau type de terrorisme qui, d'après les informations que nous avons, est axé sur un idéal religieux, mais partagé seulement par une petite frange, qui n'est même pas accepté par l'ensemble des islamistes, loin de là.
Pourtant, malgré ce que je viens de dire, malgré cette coalition qui est toute prête à se faire, il me semble que le premier ministre du Canada va devoir rappeler, lundi, avec la diplomatie dont il est capable et avec son expérience, que cette coalition suppose que les alliés soient écoutés.
Nous avons besoin qu'ils se coordonnent de façon étroite, que chacun des pays, pour ceux qui font partie de l'OTAN, outre la condition émise de la nécessité que la preuve soit établie de la direction des opérations à l'extérieur des États-Unis, outre cela, les pays devront aller chercher, comme ils le veulent chacun, des mandats dans leur pays.
La France, par exemple, a dit qu'elle passerait par le Parlement. Il y aurait un vote au Parlement avant d'engager les Français dans une action militaire et d'autres peuvent faire la même chose.
Il faut aller plus loin que cela, et le premier ministre Chrétien l'a reconnu en cette Chambre. Il faut avoir recours à l'ONU, parce qu'il faut dépasser l'OTAN. Nous sommes très loin d'une situation qui est celle du Kosovo ou même celle de l'Irak. L'«ennemi» qu'on a dessiné, qui n'est pas encore très précis, est diffus et multiple. Il a divers appuis et, pour s'y attaquer de façon efficace, il faut avoir la coordination non seulement des habituels pays de l'Otan mais, de façon souhaitable, aller chercher tous les pays du monde.
Encore une fois, pour cette raison, les États-Unis ont besoin de pays qui soient des alliés à part entière. Donc, pour un grand nombre, ils ne peuvent pas attendre un chèque en blanc. Ce qui ne veut pas dire que tous ces pays n'appuient pas de façon extrêmement forte la lutte contre le terrorisme, contre cette nouvelle forme de terrorisme, mais ils le feront de façon démocratique. On ne peut pas, pour sauver la démocratie, faire fi de la démocratie.
Les États-Unis ont été attaqués d'une façon extraordinairement pernicieuse et sauvage. Il faut avouer que, aussi bien au Canada, aux États-Unis que dans d'autres pays, les mesures de sécurité internes n'ont pas été à la hauteur de ce qu'on pensait qu'elles étaient. Je pense que c'est vrai ici; on l'a constaté de différentes façons, et on doit constater que c'est aussi la même chose aux États-Unis.
Il faudra alors, dans un premier temps—c'est commencé ici et c'est vrai aux États-Unis—, passer par des mesures de sécurité, des lois antiterroristes et la ratification des conventions contre le terrorisme. Il y en a deux que le Canada n'a pas ratifiées, mais il a manifesté l'intention de le faire. Pourquoi? Par exemple, pour couper le financement à ces réseaux.
Cependant, on sait que ce n'est pas si simple que cela, parce qu'à partir du moment où ils peuvent bénéficier de la non-transparence des transactions financières, on peut penser qu'ils peuvent s'alimenter à diverses sources.
Je reprends alors mon argument. Il faut une coordination étroite dans les mesures de sécurité, dans l'adoption des législations et aussi dans une frappe, dans une riposte—je pense qu'il faut une riposte—ciblée, précise. Le premier ministre a dit qu'il faudrait procéder avec prudence. Je pense que c'est un mot qui s'impose.
Je ne peux faire autrement qu'ajouter que toutes les mesures que nous pourrons prendre le seront avec une détermination absolument froide de réussir. Autrement, ce sont les bases mêmes de la démocratie qui sont menacées. Toutes ces mesures ne pourront réussir. Toute cette guerre qu'on déclare ne pourra atteindre ses buts.
Mon parti l'a dit, mais nous ne sommes pas les seuls. Les Québécois aujourd'hui, dans un sondage, disaient à 68 p. 100 qu'ils voulaient, au lieu d'une intervention militaire, qu'on comprenne les causes profondes et qu'on trouve une façon pacifique de régler ce qui est plus qu'un conflit, de trouver une solution à cette situation.
Parmi ces causes profondes, on ne peut passer à côté du fait que les fanatiques peuvent aller chercher des alliés faciles, des amis faciles parmi toutes ces personnes qui sont des millions, tous ces jeunes en particulier, qui sont des millions à vivre dans la pauvreté, à ne pas avoir d'éducation, à ne pas avoir d'espoir.
Toutes les mesures de sécurité, toutes les mesures de défense, toutes les mesures de guerre ne pourront jamais remplacer l'espoir véritable qu'on doit leur donner. D'une certaine manière, cet événement doit provoquer une réflexion. Il est peut-être trop tôt pour demander aux Américains de s'y adonner, parce qu'ils sont encore sous un choc terrible, mais c'est une réflexion à laquelle ils devront venir, et je suis certaine que dans certains milieux, on en est près.
Si on veut sauver la liberté et la démocratie, ce n'est pas en en faisant l'économie.
[Traduction]
Le président: Grâce en grande partie à l'esprit de collaboration qui anime les députés qui sont à la Chambre depuis un bon bout de temps, la dernière période de dix minutes sera partagée comme suit: le député d'Edmonton-Sud-Ouest disposera d'abord de trois minutes, la députée de Renfrew--Nipissing--Pembroke aura trois minutes également et le député de Yukon aura aussi trois minutes à sa disposition. Le secrétaire parlementaire du premier ministre terminera le débat.
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Monsieur le président, je vous remercie de me permettre de faire quelques observations ce soir.
Je suis personnellement très touché par cette question, car un grand nombre de mes amis et de mes proches sont américains, et le fait de voir ces attaques, ce jour-là, m'a été particulièrement horrible. Je me souviens que ma grand-mère, qui vivait en Californie, parlait souvent des répercussions de Pearl Harbor sur les membres de sa génération. Je suis d'avis la situation présente va au-delà de Pearl Harbor.
Au nom des électeurs d'Edmonton-Sud-Ouest, j'offre mes profondes sympathies et mes prières à tous ceux qui sont touchés par les attaques. D'ailleurs, nous avons tous été touchés.
Pour revenir plus précisément à ce débat, concernant les opinions que le premier ministre devrait faire valoir, on a dit que nous devrions être côte à côte avec nos amis et alliés américains, et nous devons le faire. Cependant, ce n'est pas seulement en paroles qu'il faut le faire. Nous devons agir. Je crains que, dans toute cette situation, les relations entre nos deux pays ont pu souffrir du débat qui se tient ici.
Les commentaires que certains parlementaires ont faits au sujet du manque de soutien que nous semblons donner à nos amis américains m'ébranlent. Je ne parle pas du ministre des Affaires étrangères en disant cela. On a aussi fait des commentaires à l'effet que nous devrions nous attaquer aux causes profondes du mal ou que nous devrions penser de façon rationnelle.
Voyons ce que le président a fait. Il a pensé de façon rationnelle. Il s'est montré avisé. Il n'a pas réagi impulsivement. Il a calmement recueilli des renseignements sur les groupes qui ont perpétré ces attentats.
Il y a eu une discussion sur les racines profondes du terrorisme, sur le fait que nous devrions nous montrer pacifiques devant ce type d'agression et que la solution au problème réside dans la redistribution de la richesse. Certes, nous voulons tous qu'il en soit ainsi, mais est-ce que le la redistribution de la richesse rendrait pacifique le terroriste multimillionnaire soupçonné d'être derrière ces actes? Le pacifisme devant ce type de terreur ne peut que mener à l'escalade.
Il a été question de bouc-émissaire. Le président et le premier ministre en ont tous deux parlé. Le président a parlé dans une mosquée aux États-Unis des valeurs américaines et de la nécessité de réaffirmer ces valeurs. Je l'en applaudis.
Je pourrais me lancer dans les détails liés à la présentation d'une loi antiterroriste, à la protection de nos frontières, à la nécessité de donner à la police militaire et aux forces de sécurité les ressources dont elles ont besoin pour pouvoir protéger le Canada et aider nos alliés en période de besoin.
Ce que nous devons faire avant tout, c'est reconnaître que cette lutte est une lutte morale. C'est une lutte entre le bien et le mal. Il y a la voie de la terreur et la voie de l'espoir. Il y a celle de la lâcheté et celle du courage. Il y a la voie qui mène à l'esclavage et celle qui mène à la liberté.
À mon avis, si nous ne reconnaissons pas que cette lutte est une lutte morale, ces personnes seront mortes en vain. Cette lutte ne se fera pas seulement à coup d'accords internationaux ou de traités. Si nous voulons vraiment la remporter, il faudra de la détermination et de la réflexion de la part du monde entier.
Mme Cheryl Gallant (Renfrew--Nipissing--Pembroke, Alliance canadienne): Monsieur le président, le message que le premier ministre doit transmettre à Washington est que, quoi qu'il arrive, les États-Unis et leurs alliés doivent se comporter de façon irréprochable. Notre premier ministre devrait s'engager à aider à bâtir la coalition internationale pour lutter contre le terrorisme.
Le ministre de la Défense nationale a mentionné que le Canada pourrait être appelé à participer à des opérations militaires. Le Canada doit s'assurer qu'il existe des preuves irréfutables quant à l'identité exacte des auteurs des attentats aux États-Unis et faire en sorte que toutes les mesures qui seront prises auront été annoncées auparavant afin de garder la moralité nécessaire pour traduire en justice les terroristes et continuer de les éradiquer.
Les Canadiens ont besoin qu'on leur assure que, pendant sa réunion avec son homologue américain, le premier ministre énoncera clairement les objectifs du Canada, tant au niveau militaire que politique. Oui, ce sera une vaste opération, mais elle aura des objectifs précis. Nous devons évaluer très attentivement les pressions exercées par les États-Unis, mais il nous faut aussi respecter nos engagements à l'égard de l'OTAN.
Avant de lancer une riposte, nous devons savoir exactement qui sont les responsables des attaques de la semaine dernière. Quelles sont leurs forces et leurs faiblesses? Où se trouvent-ils précisément? Quelles sont leurs infrastructures? Quelle sera la réaction probable des pays qui abritent les terroristes et des terroristes eux-mêmes?
Nous devons trouver des réponses à ces questions afin d'avoir en place un mécanisme pour réagir en conséquence. Il faut que nos forces policières nationales, provinciales et municipales réagissent en bloc. Les activités terroristes ne doivent pas avoir le temps de se développer.
Avant même que le Canada n'assure une participation militaire, nous devons prendre immédiatement des mesures pour empêcher que cela ne se reproduise. Les organismes du renseignement de sécurité doivent déterminer l'importance du réseau terroriste au Canada et traduire cette information dans une campagne pratique.
Il sera facile de réunir des appuis en cette période fertile en émotions, mais plus difficile de les garder. À long terme, il faudra examiner attentivement la porosité de notre frontière et notre législation sur le statut de réfugié qui non seulement favorisent l'admission des terroristes, mais qui les attire.
Au cours des dix dernières années, le gouvernement a négligé la sécurité des Canadiens. À cause de priorités mal placées, il a fait que nos forces armées professionnelles, déterminées et bien entraînées soient décimées et mal équipées. Il est temps que le gouvernement fasse passer les Canadiens avant tout et, d'ici là, l'opposition loyale de Sa Majesté défendra les Canadiens.
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Monsieur le président, deux observations rapides, la première concernant quelques-uns de mes électeurs qui disent craindre les ramifications d'un conflit armé qui risque de frapper des civils innocents et, de ce fait, de multiplier le nombre des terroristes, et signalent combien il est avantageux de régler les problèmes de ce monde dans la paix.
Le mardi 11 septembre, une bête maléfique a vu le jour; ce jour-là, a surgi un mal complexe nécessitant des solutions complexes, un mal qui se terre dans beaucoup de pays et qui, indétectable, se déplace furtivement de l'un à l'autre. J'ose espérer que le premier ministre saura extraire de ces trois journées de débat la sagesse voulue pour trouver le remède à la fois complexe et précis qui nous débarrassera de ce mal.
M. Joe Jordan (secrétaire parlementaire du premier ministre, Lib.): Monsieur le président, je conclurai en disant que nous avons déjà eu trois débats sur ce sujet cette semaine, que nous discuterons à nouveau de cette question et que c'est certainement souhaitable de le faire. Nous sonderons l'opinion des parlementaires, et les comités sonderont l'opinion des Canadiens.
Quant à la forme que notre réponse devrait prendre, nous avons entendu différents arguments à ce sujet ce soir. Nous avons discuté de l'endroit, du moment et de la forme de notre réplique. Le message que le premier ministre peut toutefois livrer au président des États-Unis, c'est que nous n'avons pas eu besoin de tenir un débat sur les raisons de notre réplique. Nous répliquons et nous le ferons avec détermination parce qu'il y a eu atteinte à la justice et à la liberté et que ces valeurs fondamentales de toutes les démocraties, y compris le Canada, doivent être défendues et le seront.
Je remercie mes collègues et je suis reconnaissant à l'opposition d'avoir proposé la tenue de ce débat ce soir. Je puis donner à la Chambre l'assurance qu'à titre de secrétaire parlementaire du premier ministre, j'ai noté les thèmes et les messages qui sont ressortis du débat de ce soir et que je les transmettrai directement au premier ministre avant sa rencontre avec le président des États-Unis.
Le président: Comme il est minuit, conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, le comité s'ajourne et je quitte le fauteuil.
Le vice-président: La Chambre s'ajourne jusqu'à 10 heures demain, en conformité de l'article 24 du Règlement.
(La séance est levée à 24 h 00.)