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AANR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 30 janvier 2003




¿ 0905
V         Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.))
V         Mme Pamela Paul (présidente, National Aboriginal Women's Association)

¿ 0910

¿ 0915

¿ 0920
V         Le président
V         Mme Pamela Paul
V         Le président
V         M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne)

¿ 0925
V         Mme Pamela Paul
V         M. Brian Pallister
V         Mme Pamela Paul
V         M. Brian Pallister
V         Mme Pamela Paul

¿ 0930
V         M. Brian Pallister
V         Mme Pamela Paul
V         M. Brian Pallister
V         Mme Pamela Paul
V         M. Brian Pallister
V         Le président
V         M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)

¿ 0935
V         Mme Pamela Paul
V         M. Charles Hubbard
V         Mme Pamela Paul
V         M. Charles Hubbard
V         Mme Pamela Paul
V         M. Charles Hubbard
V         Mme Pamela Paul

¿ 0940
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne)
V         Mme Pamela Paul
V         M. Maurice Vellacott
V         Mme Pamela Paul
V         M. Maurice Vellacott
V         Mme Pamela Paul
V         M. Maurice Vellacott
V         Mme Pamela Paul

¿ 0945
V         M. Maurice Vellacott
V         Mme Pamela Paul
V         M. Maurice Vellacott
V         Le président
V         Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)
V         Mme Pamela Paul
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Mme Pamela Paul
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Le président
V         Mme Mary Hurley (attaché de recherche auprès du comité)
V         Mme Pamela Paul

¿ 0950
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Mme Pamela Paul
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Mme Pamela Paul
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Mme Pamela Paul
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott
V         Mme Pamela Paul
V         M. Maurice Vellacott
V         Le président
V         M. Charles Hubbard

¿ 0955
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         Mme Pamela Paul
V         Le président

À 1000
V         M. John Reid (commissaire à l'information du Canada)

À 1005
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott

À 1010
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott
V         M. John Reid
V         M. Maurice Vellacott
V         M. John Reid
V         M. Maurice Vellacott
V         M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne)
V         M. John Reid
V         M. David Chatters
V         Le président
V         M. John Reid

À 1015
V         Le président
V         M. John Reid
V         Le président
V         M. David Chatters
V         Le président
V         M. John Reid
V         Le président
V         Mme Mary Hurley
V         Le président
V         Le président
V         M. Jim Aldridge (coprésident, Comité consultatif ministériel conjoint)
V         M. Roy Bird (coprésident, Comité consultatif ministériel conjoint)

À 1030

À 1035
V         M. Jim Aldridge

À 1040

À 1045

À 1050

À 1055

Á 1100

Á 1105

Á 1110
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott
V         M. Jim Aldridge

Á 1115
V         M. Maurice Vellacott
V         M. Roy Bird
V         M. Maurice Vellacott
V         M. Jim Aldridge

Á 1120
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         M. Jim Aldridge

Á 1125
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. David Chatters

Á 1130
V         M. Roy Bird

Á 1135
V         M. Jim Aldridge
V         Le président
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         M. Jim Aldridge

Á 1140
V         Le président
V         M. Jim Aldridge
V         Le président
V         M. David Chatters
V         Le président
V         M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)
V         Le président
V         Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)
V         M. Jim Aldridge
V         Le président
V         M. Jim Aldridge
V         Mme Anita Neville

Á 1145
V         M. Jim Aldridge
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott
V         M. Jim Aldridge
V         M. Maurice Vellacott
V         M. Jim Aldridge
V         M. Maurice Vellacott
V         M. Jim Aldridge
V         M. Maurice Vellacott
V         M. Jim Aldridge

Á 1150
V         Le président
V         M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.)
V         Le président
V         M. Jim Aldridge
V         Le président
V         M. Jim Aldridge

Á 1155
V         Le président
V         M. Roy Bird

 1200
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


NUMÉRO 018 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 30 janvier 2003

[Enregistrement électronique]

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): La séance est ouverte et nous reprenons nos délibérations sur le projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.

    Ce matin, nous avons le plaisir d'accueillir l'Association des femmes autochtones du Canada représentée par sa présidente, Mme Pamela Paul, et par un membre du conseil d'administration, Mme Shirley Gagnon. Nous vous invitons à faire une déclaration qui sera suivie par une période de questions et réponses. Tout dépendra du temps qu'il nous restera, mais j'accorderai sans doute cinq minutes à chaque député. Autrement dit, si mes collègues prennent trop de temps à poser leur question, vous aurez moins de temps pour répondre. Si vous n'avez pas eu assez de temps pour vous expliquer, je vous conseillerais d'inclure dans la réponse à la question suivante ce que vous n'avez pas eu l'occasion de dire. De plus, je vous donnerai l'occasion de vous exprimer à nouveau à la fin.

    Vous avez maintenant la parole.

+-

    Mme Pamela Paul (présidente, National Aboriginal Women's Association): Merci.

    J'aimerais remercier le comité d'avoir invité l'Association des femmes autochtones du Canada à participer au débat sur la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Notre association est d'avis qu'il est très important que nous tenions compte des droits des femmes autochtones pour assurer la démocratie et la bonne gestion de nos collectivités. Nous croyons que nous devons faire tout en notre pouvoir pour nous assurer que les femmes autochtones jouent un rôle égal aux autres participants à la table des négociations dans le cadre du processus de gouvernance des femmes autochtones. Dans cette optique, l'AFAC a entrepris des négociations avec le ministre des Affaires indiennes afin d'être reconnue comme un partenaire à part entière au Comité consultatif interministériel mixte chargé d'étudier la mesure relative à la gouvernance des Premières nations. Tout un éventail de femmes autochtones des quatre coins du Canada ayant des expériences très variées ont pu participer au débat et contribuer au processus en cours.

    Le conseil de direction de la l'AFAC est d'avis qu'il est essentiel que les femmes autochtones participent aux discussions prévues sur la mesure proposée. Les femmes autochtones ont été tenues à l'écart du processus politique pendant trop longtemps. La mesure législative portant sur la gouvernance des Premières nations aura des conséquences pour toutes les femmes autochtones du Canada et leurs enfants, où qu'ils vivent au pays. Les femmes autochtones doivent s'assurer de bien connaître les diverses dispositions de cette loi et les répercussions qu'elles peuvent entraîner et d'être en mesure de prendre des décisions en se fondant sur les connaissances qu'elles ont acquises. Nous avons demandé à nos membres et à toute autre personne intéressée de faire part à notre comité de leur appui, de leurs préoccupations et de leurs critiques dans le dossier du projet de loi C-7. De plus, nous avons tenu neuf séances d'information et une rencontre nationale dans le but de mieux faire connaître les dispositions du projet de loi C-7 aux femmes. Les réactions au projet de loi C-7 ont été plutôt variées. Bon nombre des femmes considéraient qu'il contenait certaines idées fondamentales dont la communauté pourrait profiter, alors que d'autres étaient d'avis qu'on ne le connaissait pas suffisamment et que d'autres encore avaient peur des changements proposés.

    À titre d'organisme national chargé de mener des recherches et des analyses stratégiques sur toutes les questions qui touchent les femmes autochtones, l'AFAC n'a pas pris de position définie, ni pour, ni contre le projet de loi C-7. L'AFAC est d'avis que les femmes autochtones ont le droit d'être informées sur les changements considérables qui seront apportés à la Loi sur les Indiens. Il appartient à chacune des Premières nations de décider si les modifications proposées répondent à leurs besoins en matière d'autonomie gouvernementale et si elles respectent leurs droits inhérents. C'est la raison pour laquelle nous avons parcouru le pays et tenu des séances d'information. Dans chacune des Premières nations, les femmes autochtones ont un rôle à jouer dans le processus décisionnel. Toutefois, cela pose un problème en soi parce que bon nombre de membres des Premières nations ne comprennent pas les dispositions actuelles de la Loi sur les Indiens. L'AFAC compte analyser les principaux aspects du projet de loi du point de vue des femmes autochtones.

    Cela dit, l'AFAC a certaines préoccupations au sujet du projet de loi C-7 qu'elle aimerait porter à votre attention. Voici nos trois principaux sujets de préoccupation: d'abord, les pouvoirs qu'on se propose de conférer à l'agent de la bande; en second lieu, la définition et l'usage du terme «membre d'une bande»; et en troisième lieu, la modification de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

    La Loi sur la gouvernance des Premières nations comprend un certain nombre de dispositions qui donnent aux conseils de bande les pouvoirs de nommer des agents de bande. Toutefois, les pouvoirs prévus par la loi sont trop vastes et ils excèdent ceux qui sont accordés actuellement à d'autres gouvernements au Canada. Mentionnons par exemple le pouvoir de pénétrer dans une résidence sans motif raisonnable. Cela pourrait mener à l'expulsion de certaines femmes de leur foyer et de leur communauté si l'on considérait qu'elles violent une loi de la bande ou tout simplement par suite d'un caprice d'un dirigeant élu ou de tout autre membre de la communauté.

    Notre principal préoccupation en ce qui a trait aux dispositions portant sur les agents de bande, c'est que ces derniers ne sont pas des policiers, qu'ils n'ont aucune autorité judiciaire et qu'ils n'ont pas non plus la formation nécessaire pour traiter des infractions reliées aux pouvoirs plus étendus qui seront conférés aux Premières nations. Nous savons que le gouvernement fédéral ne prévoit généralement pas suffisamment de ressources financières pour appuyer les nouveaux pouvoirs judiciaires ou toute autre modification législative. Aux termes de la LGPN, les Premières nations se sont vues conférer des pouvoirs d'application de la loi. Toutefois, si elles outrepassent leurs pouvoirs ou si leurs nouveaux pouvoirs violent la Charte, les membres des Premières nations devront eux-mêmes trouver les ressources nécessaires pour contester les mesures ou seront tout simplement forcés de les accepter.

    Nous sommes inquiètes de constater qu'encore une fois, les seuls mécanismes de contestation prévus par la loi, à part les tribunaux, relèvent des bandes et que rien ne garantit l'application des principes de la justice naturelle ou l'équité en matière de procédure. L'AFAC est très déçue de constater que la recommandation du CCIM prônant la création d'un poste de médiateur indépendant n'a pas été prise en compte dans le projet de loi, pas plus que la nomination d'un ombudsman ou la mise sur pied de centres de ressources en matière de gouvernance, qui font cruellement défaut.

¿  +-(0910)  

    Aucune discussion n'a eu lieu sur la façon dont les lois des bandes seraient appliquées en vertu de cette nouvelle mesure. Aucune autre collectivité au Canada ne pourrait se voir conférer autant de pouvoirs d'application de la loi sans l'établissement d'un système de règlement, de financement, d'arbitrage et d'appel. Les Premières nations peuvent bien émettre des billets de contravention, mais à quoi cela peut-il servir si personne n'est chargé de les faire respecter? Aucune infrastructure n'a été prévue dans ce sens. On peut également s'attendre à ce que des agents de bande n'ayant aucune formation en droit ne sachent respecter les droits que la Charte canadienne des droits et libertés confère aux particuliers. Toute la notion d'agent de bande nous semble reposer sur une justice à bon compte qui risque de compromettre les droits fondamentaux conférés par la charte. Aucun processus d'appel n'a été prévu dans le cadre de la mesure législative proposée pour assurer la protection des droits constitutionnels interdisant la fouille et la saisie illégales.

    Notre deuxième préoccupation a trait à l'appartenance à une bande. L'une des principales préoccupations de l'Association à l'égard de la LGPN a trait à l'utilisation du mot «membre» dans le texte de la nouvelle loi. Les modifications apportées en 1985 à la Loi sur les Indiens, que les diverses collectis vités de Premières nations continuent à appeler le projet de loi C-31, prévoyaient une nouvelle définition du terme «membre d'une bande» au sein des collectivités de Premières nations. Cette dernière a créé autant de problèmes qu'elle en a réglés.

    Le projet de loi C-31 a modifié divers articles de la Loi sur les Indiens, tout particulièrement les dispositions portant sur le statut d'Indien et l'appartenance à la bande. Le statut d'Indien continue d'être établi par le gouvernement fédéral, mais il est maintenant rétabli pour les femmes qui l'avait perdu aux termes de l'alinéa 12(1)b) et d'autres parties aussi discriminatoires de la loi et des dispositions portant sur l'appartenance à la bande. Les enfants de la première génération des personnes ayant récupéré leur droit se sont vus conférer des droits initiaux. Pour la première fois, on a séparé le statut légal d'Indien et l'appartenance à une bande dans le cadre de la Loi sur les Indiens. Une bande indienne pouvait se voir conférer le contrôle de ses propres membres par le ministère des Affaires indiennes en suivant les procédures prévues dans la nouvelle Loi sur les Indiens. Une fois le contrôle de la bande assumé à l'interne, des personnes peuvent être ajoutées ou retirées de la liste des membres, selon les règles établies par les membres dans un code prévu à cet effet. Une personne peut être inscrite en vertu du paragraphe 6(1) de la Loi sur les Indiens si ses deux parents sont reconnus comme des Indiens de plein droit. Si elle ne peut prouver le statut que d'un seul parent, elle est alors inscrite aux termes du paragraphe 6(2). Un enfant né d'une personne inscrite aux termes du paragraphe 6(2) et d'une personne non inscrite ne peut être inscrit.

    Puisque le gouvernement fédéral n'a pas protégé les droits des personnes inscrites aux termes du paragraphe 6(2), bon nombre de bandes indiennes ont établi des codes d'appartenance à une bande qui ne permettent pas à une personne inscrite aux termes du paragraphe 6(2) d'appartenir à la bande. Les codes d'appartenance interdisant aux personnes inscrites en vertu du paragraphe 6(2) d'appartenir à une bande empêchent ces personnes de participer à l'administration de la bande et leur refusent de nombreux droits civils et politiques qui sont accordés aux membres des Premières nations.

    L'adoption du paragraphe 6(2) a également donné lieu à des situations dans lesquelles les membres d'une même famille peuvent être inscrits dans des catégories différentes et avoir des droits politiques différents. Les enfants de femmes ayant marié des non-Indiens avant 1985 font partie d'un groupe distinct et sont traités de façon discriminatoire, alors que ceux des hommes qui ont marié des non-Indiennes avant 1985 ne le sont pas. Cette discrimination sexuelle qui existe toujours en raison des décisions prises au niveau fédéral dans le cadre des modifications de 1985 fait présentement l'objet d'une contestation pour violation de la charte dans l'affaire Perron qui a été entendue récemment par la Cour supérieure de l'Ontario, la décision étant en instance.

    Dans les communautés où l'appartenance à une bande a été restreinte aux seules personnes inscrites aux termes du paragraphe 6(1), les droits relatifs au vote, au transfert de terrains et peut-être même à la résidence resteront les mêmes et ils n'ont pas été touchés par l'utilisation du terme «membre» dans la LGPN. Toute personne inscrite en vertu du paragraphe 6(2) qui habite dans une collectivité autochtone n'accordant pas le statut de membre de la bande aux personnes inscrites en vertu du paragraphe 6(2) ou qui est reliée à une telle collectivité n'aura pas le droit de voter pour tout code que les Premières nations pourraient créer en vertu de la LGPN.

    Notre troisième préoccupation concerne l'exemption dans le cadre de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Du point de vue des femmes des Premières nations, l'un des plus importants aspects de la LGPN à l'étude est la recommandation visant à faire disparaître l'exemption portant sur la Loi sur les Indiens de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cette exemption annule l'exigence de révision aux termes de la loi de décisions prises par le conseil de bande ou le gouvernement fédéral aux termes de la Loi sur les Indiens.

¿  +-(0915)  

    Les organismes regroupant les femmes des Premières nations exhortent depuis longtemps le gouvernement fédéral à abroger l'exemption visant la Loi sur les Indiens contenue à l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. En fait, les femmes des Premières nations se sont farouchement opposées à cette exemption lorsque le projet de loi prévoyant la Loi canadienne sur les droits de la personne a été débattu au Parlement en 1977 et 1978. Le gouvernement de l'époque a présenté cette mesure comme une mesure «temporaire», en attendant une réforme en profondeur de la Loi sur les Indiens par suite de discussions avec la Fraternité des Indiens du Canada. Cette réforme n'a jamais eu lieu. Même lorsque la loi a été modifiée en 1985 en vue de faire disparaître certains éléments de discrimination sexuelle contenus dans les dispositions portant sur le statut d'Indien et l'appartenance à une bande, l'exemption est demeurée. Je ne crois pas que les parlementaires de l'époque avaient prévu que cette mesure dite temporaire pourrait s'appliquer pendant 25 ans et même plus.

    Depuis 1978, les femmes des Premières nations se sont souvent prévalues de la protection offerte par la Loi canadienne sur les droits de la personne en ce qui a trait à l'emploi et aux services gouvernementaux offerts sur les réserves. Les femmes des Premières nations ont évalué la valeur de l'exemption de l'article 67 portant sur les décisions prises par le gouvernement fédéral et par les conseils de bande. Dans certains cas, elles ont réussi à faire appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne sur les réserves et dans d'autres non. Les femmes des Premières nations ont soulevé bon nombre de cas portant sur des actes de discrimination de toutes sortes prévus par la loi, y compris la discrimination fondée sur le sexe.

    Bien que l'article 67 ne dispense pas tous les processus de prise de décision existants sur les réserves d'une révision aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, il y a tout un éventail de décisions qui sont prises par les conseils de bande et par les autorités fédérales qui en sont exemptes. Au cours des dernières années, plusieurs experts, tout particulièrement ceux du Comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne, ont étudié les principaux effets juridiques de l'article 67. Je n'essaierai pas de vous expliquer en détail le fonctionnement de l'article 67 puisque d'autres l'ont déjà fait avant moi. Ce qu'il importe de noter toutefois, c'est que le comité de révision, sous la présidence du juge La Forest, ex-juge de la Cour suprême du Canada, en est arrivé à la conclusion que l'article 67 donne des résultats anormaux en ce qui a trait aux décisions qui sont soumises à la révision et à celles qui ne le sont pas. Ces anomalies ne trouvent aucune explication logique. D'autres experts, y compris le comité consultatif interministériel sur la gouvernance des Premières nations, sont en accord avec la conclusion du comité de révision. L'AFAC est également en accord avec cette conclusion.

    Il existe un besoin réel de protection des droits de la personne au niveau communautaire, particulièrement en ce qui a trait aux femmes autochtones. Il est évident par exemple que les femmes des Premières nations ont été victimes de discrimination sous plusieurs formes, de la part du gouvernement fédéral et aussi des conseils de bande. Les femmes des Premières nations continuent d'être soumises à la discrimination basée sur le sexe, la race, l'état matrimonial ou familial, ou sur plusieurs motifs à la fois. Toutefois, l'exemption de l'article 67 rend impossibles un grand nombre de plaintes. Elle empêche également l'application de protections et de recours offerts par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Mais qu'en est-il de la Charte canadienne des droits et libertés, me demanderez-vous? Les mesures de protection de la charte s'appliquent à un grand nombre de situations qui surviennent dans les réserves, mais les procédures prises en vertu de la charte sont coûteuses, elles prennent beaucoup de temps et la plupart des gens des Premières nations n'ont pas les moyens de les entreprendre.

    La décision troublante et délibérée de ne pas accorder la protection de la Charte canadienne des droits et libertés aux gens des Premières nations vivant dans les réserves est contraire à l'esprit, à l'intention et à la promesse légitime offerte par les normes internationales en matière de droits de la personne. Les gens des Premières nations, et les femmes en particulier, ont autant que les autres êtres humains le droit d'accès à des mécanismes locaux de résolution des plaintes et de recours dans les cas de violation des droits de la personne, que ces infractions surviennent dans les réserves ou ailleurs. Jusqu'à présent, le Canada n'a pas réussi à assurer l'accès à ces recours et à ces mécanismes dans le contexte de la Loi sur les Indiens, que ce soit en reconnaissant la compétence des Premières nations pour adopter des mesures législatives en matière de droits de la personne, ou en apportant des modifications aux lois fédérales.

    En conséquence, l'AFAC est heureuse de constater que le gouvernement fédéral a enfin décidé de réagir à la situation d'injustice flagrante entraînée par l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Nous sommes très heureux du projet visant à faire disparaître cette exemption et à ajouter une disposition interprétative dans la loi. Toutefois, nous sommes d'avis que la formulation proposée pour cette disposition interprétative laisse beaucoup à désirer. Si, comme les membres du Comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne le prétendent, la disposition interprétative doit souligner la nécessité de tenir compte des droits collectifs des Autochtones au niveau de l'interprétation et de l'application des droits individuels, l'objectif premier de la disposition devrait viser les relations entre les divers types de droits et la notion vague et beaucoup trop large des besoins et aspirations de la collectivité. La référence aux besoins et aspirations de la collectivité dans la disposition proposée est trop vague, trop générale et trop éloignée de la question essentielle d'établir un équilibre entre les droits collectifs et les droits individuels. La tentative en vue de préciser les principes d'égalité entre les hommes et les femmes est très peu claire. La disposition interprétative devrait vraiment être revue pour que le but et l'intention en soient clairement précisés.

¿  +-(0920)  

    L'AFAC recommande de remplacer la formulation recommandée pour la disposition interprétative dans le projet de loi C-7 par la nécessité pour les comités et tribunaux chargés de faire appliquer la loi dans les cas de droits de la personne, de tenir compte des droits collectifs des Premières nations puisqu'ils sont inscrits dans la Constitution canadienne. Toutefois, cette directive devrait toujours être soumise au principe de l'égalité entre les hommes et les femmes. Elle devrait être rédigée de façon à tenir compte de la notion de l'égalité véritable, en ce sens que l'application d'un traitement égal n'est pas toujours synonyme d'égalité. Nous proposons plutôt une formulation du genre de ce qui suit:

Pour ce qui est de son application aux gouvernements des Premières nations, la présente Loi doit être interprétée d'une façon qui tienne compte des droits collectifs des Premières nations dans le cadre de la Constitution canadienne.

    Ou:

Nonobstant les dispositions de l'alinéa, rien ne peut justifier l'application de toute pratique, loi ou décision qui pourrait compromettre la dignité fondamentale des femmes ou des hommes ou saper le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes.

    Il est essentiel de mentionner tout particulièrement l'égalité entre les hommes et les femmes, compte tenu du fait que la Loi sur les Indiens a pendant longtemps eu recours à la discrimination basée sur le sexe, pour atteindre divers objectifs stratégiques tels l'assimilation des membres des Premières nations, par l'intermédiaire des femmes des Premières nations.

    Il est décevant de constater que le gouvernement n'a pas tenu compte de la recommandation du Comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne, visant à reconnaître la compétence des Premières nations à adopter leurs propres loi sen matière de droits de la personne, lesquelles pourraient éventuellement remplacer la Loi canadienne sur les droits de la personne. Nous croyons que l'on devrait encourager activement les gouvernements des Premières nations à songer à adopter des mesures en matière de droits de la personne, tout comme les gouvernements provinciaux et fédéraux l'ont déjà fait. La participation des gouvernements des Premières nations à la rédaction de telles mesures législatives permettrait d'accroître la compréhension, l'acceptation et l'engagement envers les principes fondamentaux des droits de la personne. Il faudra également songer à prévoir une disposition d'exemption visant à maintenir le droit inhérent des Premières nations à adopter des lois dans le domaine des droits de la personne, tout en prévoyant que la Loi canadienne sur les droits de la personne sera en vigueur jusqu'à ce que les nouvelles mesures puissent être appliquées, de façon à répondre aux normes internationales en matière de droits de la personne.

    Au nom du comité de direction de l'Association des femmes autochtones du Canada et de tous ses membres, j'aimerais remercier le comité de nous avoir donné la possibilité de faire part de nos préoccupations à l'égard du projet de loi C-7, sous sa forme actuelle. Nous espérons que vous en tiendrez compte au moment de la rédaction du document final.

+-

    Le président: Merci beaucoup de cet excellent exposé. Manifestement, vous avez consacré beaucoup de temps à la question, et notre comité vous remercie de vous en être tenue au projet de loi dont nous sommes saisis. Nous y sommes très sensibles, car votre aide nous permettra d'améliorer le projet de loi.

    Sans vouloir minimiser vos préoccupations au sujet des agents des bandes, je voudrais préciser une chose: à l'alinéa 24(1)a), il est précisé que l'agent de la bande peut «pénétrer en tout lieu dans la réserve de la bande, à l'exception d'un local d'habitation»; de plus, l'article 26 implique que ce même agent doit être muni d'un mandat pour pouvoir le faire. Je tenais à faire ces précisions, même si je comprends vos préoccupations qui sont tout à fait légitimes.

+-

    Mme Pamela Paul: Je pense que d'autres témoins vous en parleront aussi.

+-

    Le président: On l'abordera peut-être lors de la période de questions.

    M. Pallister.

+-

    M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

    Madame, je vous remercie de votre excellent exposé. Nous partageons plusieurs des préoccupations que vous avez exprimées, surtout à propos des pouvoirs conférés aux agents de la bande. Je pense que ces pouvoirs présentent un véritable danger, pas nécessairement dans la plupart des communautés des Premières nations, mais dans certaines, et qu'il nous faut nous en inquiéter, puisque nous sommes ici pour protéger justement les droits de ceux qui sont déjà parfois sujets à des mesures d'intimidation.

    Je m'inscris en faux contre ce que vient de dire le président au sujet des mandats de perquisition. Nous partageons vos préoccupations, car ces pouvoirs peuvent mener à des abus. Ce projet de loi n'empêche d'aucune façon un agent de la bande de pénétrer dans une résidence pour mener une perquisition de l'autre côté de la résidence en question, par exemple. Sans amendement, cette disposition constitue un véritable pouvoir d'intimider, et notre parti proposera des amendements à ces codes qui tiendront compte de ce que vous avez proposé aujourd'hui dans votre exposé. Il ne s'agit pas tant des pouvoirs en eux-mêmes, mais de la menace qu'ils représentent pour les femmes des Premières nations, d'après ce qu'elles nous ont dit à mes collègues et à moi; et c'est cela qui nous préoccupe, cette menace éventuelle et ce pouvoir d'expulser de leur foyer des personnes qui y vivent depuis longtemps, voire le pouvoir de déposer des accusations en vertu d'une des dispositions du code. Nous allons certainement proposer des amendements qui viseront à limiter considérablement les pouvoirs des agents de la bande.

    Vous dites vous-même que ces pouvoirs sont beaucoup trop vastes et dépassent ceux dont jouissent les agents d'application de la loi des autres gouvernements au Canada. Qu'entendez-vous par là? J'aimerais que vous expliquiez cette affirmation.

¿  +-(0925)  

+-

    Mme Pamela Paul: C'est ce que m'ont affirmé des avocats. Ce qu'ils disent, au fond, c'est que les agents peuvent pénétrer dans un domicile sans motif raisonnable. Je ne comprends pas vraiment pourquoi les avocats interprètent cette disposition de cette façon, mais ils affirment que les agents de la bande peuvent pénétrer dans une résidence sans être munis d'un mandat. Je n'ai pas compris pleinement leur explication, mais je vous répète ce que nous ont dit les avocats, à savoir que les agents ont le pouvoir de pénétrer dans une résidence sans être munis de mandat, ce qui dépasse de loin les pouvoirs conférés aux autres agents d'application de la loi au Canada. De plus, les agents de la bande ne seront pas nécessairement des agents d'application de la loi; ils pourront être tout bonnement des membres de la communauté qui n'auront eu aucune formation pertinente.

+-

    M. Brian Pallister: Vous avez tout à fait raison, et c'est ce qu'ont justement dit des gens du milieu de l'application de la loi qui ont communiqué avec mon bureau. Puisque nous parlions de façon spécifique des résidences, on pourrait songer à rendre plus difficile l'obtention d'un mandat pour pénétrer dans une résidence. Pour l'instant, il n'y a pas d'obligation d'obtenir un mandat pour perquisitionner dans les bureaux d'une personne, ou là où une personne mène ses affaires. De plus, le texte prévoit que la personne faisant l'objet d'une perquisition doit coopérer à tous égards lors de la perquisition. Je répète que ces pouvoirs sont excessifs; d'ailleurs, un agent de la GRC nous a informés que la GRC était loin de posséder des pouvoirs aussi vastes que ceux qui sont prévus ici.

    Vous connaissez bien ce que c'est pour une femme de vivre dans une réserve où qu'elle soit au Canada, et vous savez qu'il y a souvent une énorme différence entre habiter, d'une part, à Moose Jaw, Markham ou Medicine Hat et habiter, d'autre part, dans une communauté des Premières nations. La différence de pouvoir entre le citoyen ordinaire et ceux qui doivent appliquer la loi, dans les localités que nous connaissons la plupart d'entre nous et où nous avons grandi, n'a aucune commune mesure avec l'écart des pouvoirs entre les habitants des collectivités des Premières nations et les agents des bandes dans la plupart de ces collectivités. Voilà pourquoi nous nous inquiétons de cette disposition. Ce qui m'amène à aborder la question de l'agent de recours.

    Ce qui nous inquiète énormément dans cette proposition, c'est que le chef du conseil peut non seulement nommer les agents de la bande—ce qui constitue une première préoccupation pour nous, vous l'aurez compris—, mais il peut également nommer l'agent de recours. Prenons par exemple une bande de ma circonscription qui compte une centaine d'adultes mais qui est composée, au fond, d'à peine quatre ou cinq grandes familles, toutes apparentées. La loi permettrait au chef de nommer un de ses cousins comme agent de la bande. Supposons qu'une plainte soit inscrite contre l'agent de la bande et que cette plainte parvienne à l'agent de recours, qui se trouve être lui aussi un cousin du chef. Cet agent de recours est censé protéger les droits des habitants de la réserve, mais le mieux qu'il puisse faire, c'est de demander au chef—dont il est le cousin—de reconsidérer sa décision. Les chefs à qui j'en ai parlé disent que c'est manquer de sérieux. Est-ce que ce n'est pas complètement aberrant comme façon de faire? Ne vaudrait-il pas mieux que l'on sépare carrément ces fonctions et que l'on crée, par exemple, le bureau d'un ombudsman national qui assurerait l'indépendance de tous ces postes et en renforcerait les rôles? Il me semble que cela servirait bien mieux à protéger les droits des femmes autochtones et ceux des Autochtones, en général, que ne le fait le modèle proposé.

+-

    Mme Pamela Paul: C'est ce que le CCMC avait proposé, soit que l'on établisse un mécanisme de recours distinct pour que ce ne soit pas les réserves qui s'en occupent. Il doit y avoir un ombudsman et des structures de gouvernance pour que la loi puisse être appliquée comme elle devrait l'être. Nous préférerions de notre côté qu'on se débarrasse tout simplement des dispositions relatives à l'agent de la bande, parce qu'on n'a pas examiné suffisamment cette fonction. On l'a simplement ajoutée à la loi sans consultations ou discussions.

+-

    M. Brian Pallister: Je m'excuse, mais c'était pour le mécanisme de recours?

+-

    Mme Pamela Paul: Non, les agents de la bande. La mention était là dans l'ébauche du projet de loi. Nous préférerions qu'on s'en débarrasse entièrement, mais si cette disposition est maintenue, il faudrait instaurer des systèmes quelconques de recours à l'extérieur de la réserve pour garantir que tout le monde sera traité équitablement.

¿  +-(0930)  

+-

    M. Brian Pallister: L'un ne va pas sans l'autre, n'est-ce pas?

+-

    Mme Pamela Paul: En effet.

+-

    M. Brian Pallister: C'est vraiment nécessaire.

    Nous partageons les préoccupations que vous avez exprimées au sujet de l'absence d'un engagement quant à la fourniture de ressources. Je ne crois pas qu'un seul témoin nous ait dit savoir qu'on avait déterminé le coût de cette mesure. Il pourrait y avoir plus de 600 mécanismes et codes d'exécution et plus de 600 agents de bande et agents de recours. Nous avons déjà établi qu'un tel modèle ne peut pas fonctionner efficacement dans les réserves, mais les coûts liés à un tel mécanisme justifieraient la création d'une structure institutionnelle plus efficace que celle que propose le gouvernement.

    Nous partageons aussi vos inquiétudes au sujet des droits de la personne. Nous tenons à ce que les droits des femmes autochtones et de tous les Autochtones soient protégés de la même façon que ceux des autres Canadiens. L'autre jour, le commissaire des droits de la personne a parlé des problèmes reliés à la clause d'interprétation et vous nous avez dit la même chose. Je vous en remercie parce que nous partageons certainement vos préoccupations à ce sujet.

    Je m'inquiète aussi de cette question de recoupement dont certains ont déjà parlé et qui est aussi mentionnée dans certains articles rédigés par votre organisme et d'autres organismes de femmes autochtones, parce que cela signifie essentiellement qu'il est très difficile pour une femme de prouver que ses droits ont été violés uniquement à cause de son sexe. Ne craignez-vous pas que l'article d'interprétation ne sera pas suffisant pour protéger les femmes autochtones simplement à cause de la façon dont il est structuré? Vous pourriez faire l'objet de discrimination à cause de plusieurs autres facteurs. Ces facteurs se recoupent et il serait très difficile à mon avis de prouver que vous êtes victimes de discrimination à cause de votre sexe .

+-

    Mme Pamela Paul: C'est difficile. L'article sera interprété différemment selon les collectivités parce que chaque collectivité déterminera si les droits de quelqu'un ont été violés d'après des principes qui touchent l'égalité des sexes. Comme c'est une disposition interprétative, les décisions seront très subjectives et, comme il n'y a pas d'uniformité, tout le monde n'aura pas les mêmes droits.

+-

    M. Brian Pallister: Oui, merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Pallister.

    M. Pallister n'a pas aimé ce que j'ai dit, mais je tiens à signaler que je n'exprimais pas mon opinion, mais que je lisais simplement ce qui est dans le projet de loi. Je ne voulais nullement exprimer une opinion. Je m'efforce de ne pas le faire, du moins pendant que j'occupe le fauteuil.

    M. Hubbard.

+-

    M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président. Je suis ravi de voir quelqu'un du Nouveau-Brunswick à la tête d'une délégation. Mme Paul et Mme Gagnon suivent ce qui se passe de très près.

    Nous allons examiner cette question à la lumière de ce que vous avez dit et de l'interprétation qu'en a donnée Brian. Nous tenons à vous assurer que nous ferons de notre mieux pour tenir compte de vos préoccupations au sujet de l'exécution, des perquisitions, et ainsi de suite.

    Je voudrais me pencher sur quelques petits détails. Je comprends que vous vouliez quelqu'un pour s'occuper des griefs des membres de la bande.

    Vous avez aussi formulé une très bonne proposition à propos des centres de ressources de gouvernance. Hier, on nous a dit qu'il existe des familles des Premières nations. Pour une réserve de 100 personnes comme celle dont parlait Brian, c'est difficile de fournir toutes les ressources spéciales et toute la formation nécessaire, mais les besoins sont là. Comment pensez-vous qu'on pourrait mieux respecter les objectifs du projet de loi si l'on s'occupe de familles de Premières nations au lieu de réserves individuelles. Même au Nouveau-Brunswick, certaines réserves comptent très peu de membres par rapport aux groupes nationaux. Dans certaines réserves, il peut y avoir seulement une centaine d'habitants. D'après votre étude du projet de loi et des attitudes des Autochtones, pensez-vous que divers groupes pourraient collaborer pour avoir de bons mécanismes de gouvernance au lieu qu'on ait plus de 600 groupes distincts?

¿  +-(0935)  

+-

    Mme Pamela Paul: Voulez-vous dire que les familles pourraient se regrouper? Est-ce pour cela que vous parlez de familles?

+-

    M. Charles Hubbard: Certains disent qu'il n'y a pas 630 Premières nations. Peut-être que les Micmacs forment la Première nation de la région de l'Atlantique. Peut-être que cela englobe des groupes qui sont vraiment des Premières nations. Je n'en suis pas certain. D'après vos recherches, les diverses réserves pourraient-elles mettre leurs responsabilités en commun pour s'occuper de certains aspects de la gouvernance? Au lieu de 630 codes distincts, pourrait-on en avoir 100, 30 ou 50 pour tout le pays qui refléteraient les Cris, les Ojibways, etc?

+-

    Mme Pamela Paul: Il y a une disposition dans le projet de loi qui porte sur les regroupements. Ce qu'on a examiné au CCMC, c'est ce qu'il faut faire pour les petits groupes qui ne comptent pas assez de membres pour former de véritables structures de gouvernance. Il fallait prévoir quelque chose dans la loi pour leur permettre de se regrouper et c'est ce qu'on a fait. Si le groupe compte un conseil tribal qui gère très bien ses affaires, il pourrait en gérer 10, 12 ou peut-être 15.

+-

    M. Charles Hubbard: Ce que je veux savoir, madame Paul, c'est si une telle façon de faire serait considérée comme acceptable. Pensez-vous que c'est possible? J'imagine que oui.

+-

    Mme Pamela Paul: Cela se fait déjà. Il y a déjà des conseils tribaux qui fournissent des programmes et des services pour tout un groupe de bandes et je pense donc que c'est possible. Le projet de loi prévoit qu'il peut y avoir collaboration entre petits groupes.

+-

    M. Charles Hubbard: C'est une chose à laquelle nous pourrions certainement réfléchir, mais à titre de parlementaires, nous ne voulons pas imposer quelque chose qui puisse être restrictif. J'imagine que les Premières nations ou que des groupes de Premières nations devront en discuter pour voir si elles peuvent travailler ensemble, que ce soit chez vous à Woodstock, à Tobique ou ailleurs.

    Vous avez aussi insisté beaucoup sur le principe d'appartenance à la bande. Comme vous l'avez dit, il y a un grand nombre de catégories. Il y a des gens qui sont visés par le paragraphe 6(1) ou le paragraphe 6(2), des gens qui habitent la réserve et d'autres à l'extérieur. Il y en a qui ont le sentiment d'avoir été abandonnés par leur bande. Au Nouveau-Brunswick, il y a maintenant un groupe qui essaie de se définir comme faisant partie des Premières nations sur huit ou dix générations. Avez-vous des idées sur une meilleure façon de définir l'appartenance à la bande?

+-

    Mme Pamela Paul: Ce que je propose, c'est que ce ne soit pas prescrit par la loi, mais que les Premières nations puissent établir leurs propres critères d'appartenance. Je n'aime pas l'idée qu'on légifère l'identité et que nous devions porter des cartes pour prouver qui nous sommes. Ce que je proposerais, c'est que c'est l'une des questions les plus importantes qui soit pour les Premières nations, même selon cette nouvelle loi. La définition des membres du groupe à gouverner est certes la question la plus importante qui soit. Le Cabinet ne s'est jamais penché là-dessus. Bien sûr, personne ne veut céder le contrôle. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Je pense qu'il est temps que nous commencions à décider nous-mêmes qui nos membres sont.

    Prenons le cas de l'Atlantique. Nous n'avons que deux types de Premières nations dans la région, les Micmacs et les Malécites. Quand j'habitais là-bas, nous commencions à voir comment créer des modèles pour décider qui sont les Micmacs et qui sont les Malécites. Le problème, c'est que le gouvernement fédéral doit vouloir cesser de contrôler le processus et cette question n'a pas été examinée depuis 1985. Le système a beaucoup évolué et nous avons maintenant toutes sortes de catégories d'Indiens à cause de ce groupe fantôme d'Indiens non inscrits, qui ne sont pas comptés par le gouvernement fédéral, ni par le gouvernement provincial parce qu'ils habitent la réserve. C'est un gros problème.

¿  +-(0940)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Vellacott, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Merci d'être venue, Pam, je suis ravi de vous revoir.

    Je voudrais vous poser une question qui est venue sur le tapis hier. Il s'agit de ce qu'on a appelé les codes par défaut, c'est-à-dire que si une bande n'accepte pas et ne rédige pas son propre code selon les modalités de la loi dans certains délais, on aura des codes par défaut. Vous rappelez-vous ce que le CCMC comptait faire à ce sujet? Nous ne savons pas quels sont ces codes par défaut, du moins je ne pense pas qu'ils soient écrits quelque part vu qu'on ne nous les a pas fournis. Avez-vous l'impression qu'ils existent? Pensait-on les rédiger plus tard?

+-

    Mme Pamela Paul: Je ne pense pas qu'ils aient été rédigés. Ils seront inclus dans les règlements. La prochaine étape de la réglementation portera sur les codes par défaut. Vous pourrez poser la question à Jim Aldridge tantôt, parce que je n'ai pas assisté à toutes les discussions du CCMC. Nous étions accompagnés par un avocat la plus grande partie du temps. À ma connaissance, ces codes n'ont pas encore été rédigés.

+-

    M. Maurice Vellacott: Auriez-vous des inquiétudes à ce sujet à titre de femme autochtone? On dit que les difficultés surgissent des menus détails. Les codes n'ont pas été examinés par le Parlement vu qu'ils feront partie des règlements, mais ils auront la même force de loi que si une bande les aurait rédigés, comme les lignes directrices. Pourrait-on faire un examen public de ces codes, peut-être même à notre comité?

+-

    Mme Pamela Paul: Oui, parce que s'ils sont rédigés une fois que la loi aura été adoptée, j'ai l'impression, même si je ne suis pas spécialiste de la procédure parlementaire, que nous n'aurions rien à dire à leur sujet. Si les codes par défaut existent déjà et ne nous ont pas été communiqués, ce serait définitivement une source d'inquiétude parce qu'ils pourraient contenir des choses auxquelles nous nous opposerions. Une fois que la loi sera adoptée, nous ne pourrions pas nous récrier et dire que nous n'avons jamais accepté de telles choses. Si j'ai bien compris, ces codes devaient être rédigés plus tard.

+-

    M. Maurice Vellacott: Cela pourrait être un problème. Je n'ai pas la réponse, mais cela m'inquiète. Je sais que les règlements sont toujours établis après l'adoption d'une loi, mais vu l'importance de ces codes par défaut, qui correspondent à certaines lignes directrices du projet de loi, je me demande si c'est une bonne chose de les mettre dans les règlements vu qu'ils sont lourds de conséquence pour toutes les femmes autochtones.

    Les droits matrimoniaux font l'objet de discussion au CCMC et ailleurs parce qu'ils méritent une réforme. Selon vous, le projet de loi C-7 s'attache-t-il suffisamment à ce problème ou pas du tout?

+-

    Mme Pamela Paul: Il ne s'en occupe pas du tout. Je crois savoir que le ministère des Affaires indiennes a lancé une deuxième initiative, c'est-à-dire qu'il a demandé un document de discussion sur les droits de propriété matrimoniaux dans les réserves. Je faisais partie des comités, c'est-à-dire des deux comités directeurs, un composé d'avocates autochtones et l'autre simplement de femmes autochtones de tout le pays. Wendy Cornet avait rédigé un très bon document pour ces comités, mais le ministère des Affaires indiennes n'a toujours pas dit ce qu'il comptait en faire. L'Association nationale des femmes autochtones pourrait aussi rédiger un document là-dessus, mais cela ne servirait à rien s'il était simplement mis sur une tablette. On ne nous a rien dit encore du sort du document de travail sur les droits matrimoniaux.

+-

    M. Maurice Vellacott: D'après les choses que j'ai entendues et ce que m'ont dit les femmes des Premières nations, cela semblait être une question importante. Pensez-vous qu'on peut attendre à plus tard pour s'en occuper ou devrait-on le faire dans le cadre de ce projet de loi-ci?

+-

    Mme Pamela Paul: Je faisais partie du comité et je dois dire que, selon moi, on ne peut pas vraiment traiter de toute la question de la propriété matrimoniale dans le projet de loi. Nous avons longuement discuté de ce qui constitue un mariage pour les membres des Premières nations. Il n'y a plus autant de mariages, les gens cohabitent et il y a aussi les mariages entre conjoints du même sexe. Ce document de travail rédigé par des femmes de tout le Canada portait sur toutes sortes de considérations et je ne pense pas qu'on puisse s'en occuper dans le cadre du projet de loi C-7.

¿  +-(0945)  

+-

    M. Maurice Vellacott: Entre-temps, comment peut-on protéger les femmes vu qu'il faudra peut-être attendre 25 ou 50 ans avant d'obtenir quelque chose? Comment protéger les droits matrimoniaux entre-temps?

+-

    Mme Pamela Paul: Je n'ai pas lu le document en entier, mais si cela ne vous dérange pas, je peux vous l'envoyer. Il contient diverses propositions à ce sujet.

+-

    M. Maurice Vellacott: Très bien. Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Vellacott.

    Mme Karetak-Lindell.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Je m'intéresse à l'article qui prévoit une exemption à l'égard des droits de la personne. Vous dites que cette exemption s'appliquerait à certaines décisions prises par les conseils de bande aux termes de la Loi sur les Indiens. L'article 37 stipule que les règles de la bande adoptées aux termes de la Loi sur les Indiens deviendraient les lois de la bande. Est-ce de cela que vous voulez parler quand vous mentionnez une période de transition? Le texte dit que les règles de la bande ne doivent pas aller à l'encontre du projet de loi, et cela s'applique aussi à la Loi sur les droits de la personne. Je voudrais savoir si vous avez des exemples de décisions qui seraient exclues.

+-

    Mme Pamela Paul: Malheureusement, je ne peux pas vous en donner parce que je n'en ai pas pris avec moi. Je n'ai pas examiné la question sous cet angle pour voir quelle décision viole les droits de la personne selon les règles de chaque bande.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Dans ce cas, que voulez-vous dire par: «Cette exemption annule l'exigence de révision aux termes de la loi de décisions prises par les conseils de bande... aux termes de la Loi sur les Indiens»? Pouvez vous donner des exemples du type de décision? Si j'ai bien compris, vous pensez que la bande pourrait simplement dire qu'une décision a été prise aux termes de la Loi sur les Indiens pour empêcher qu'on puisse avoir recours à la Loi sur les droits de la personne pour déterminer si des droits ont été violés ou non et qu'on ne pourrait donc pas porter plainte au Tribunal des droits de la personne.

+-

    Mme Pamela Paul: Je m'excuse, mais je n'ai pas vraiment compris votre question.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: J'essaie d'obtenir une explication de la phrase que vous avez incluse dans votre exposé. J'ai peut-être mal interprété votre message.

+-

    Le président: Excusez-moi, mais notre attaché de recherche pourra peut-être aider à l'interprétation.

+-

    Mme Mary Hurley (attaché de recherche auprès du comité): Je me trompe peut-être, mais il me semble que cette phrase n'est qu'une entrée en matière pour expliquer la situation actuelle, pas une description de ce qui arriverait une fois que l'exemption disparaîtra. En d'autres mots, vous dites que tel est l'effet de l'exemption à l'heure actuelle, c'est-à-dire qu'on ne peut pas examiner les décisions prises par le conseil de bande aux termes de la Loi sur les Indiens.

+-

    Mme Pamela Paul: Vous avez tout à fait raison. À l'heure actuelle, selon la Loi sur les Indiens, les décisions prises par les conseils de bande ne peuvent pas être examinées sous le régime de la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais elles pourront l'être une fois que l'exemption aura été supprimée.

¿  +-(0950)  

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Mais vous dites en haut de la page 8: «Bien que l'article 67 ne dispense pas tous les processus de prise des décisions existant sur les réserves d'une révision aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, il y a tout un éventail de décisions qui sont prises par les conseils de bande... qui en sont exemptes.» Vous dites donc que ces processus ne seront plus exemptés quand le projet de loi C-7 aura été adopté?

+-

    Mme Pamela Paul: Non. Ce que nous disons, c'est que, auparavant, certaines décisions du conseil de bande relativement à l'emploi, par exemple, étaient assujetties à la Loi canadienne sur les droits de la personne, parce que l'objectif était de protéger l'emploi. Il y aura maintenant toutes sortes de prises de décision de la bande qui seront assujetties à la Loi canadienne sur les droits de la personne et en même temps à la disposition interprétative sur le principe de l'égalité des sexes. Est-ce ce que vous vouliez savoir?

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Je ne sais pas exactement quelle est votre position. J'imagine que vous appuyez l'abrogation de l'article 67?

+-

    Mme Pamela Paul: Oui, avec certains changements.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Et vous vous inquiétez simplement de la disposition interprétative, tout comme le groupe que nous avons entendu hier?

+-

    Mme Pamela Paul: Oui, et nous proposons un changement.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Vellacott, vous avez deux minutes.

+-

    M. Maurice Vellacott: Je m'intéresse à la partie du mémoire où vous dites que le projet de loi ne prévoit pas de processus d'appel pour garantir la protection des droits constitutionnels à l'égard des perquisitions et des saisies illégitimes. En principe, le projet de loi doit rendre les dirigeants autochtones plus comptables à leur propre peuple. Il me semble que cette disposition soustrait les pouvoirs policiers de l'obligation de rendre compte. Pourquoi pensez-vous qu'on a rédigé cette disposition de cette façon? Est-ce simplement pour que nous puissions l'examiner et l'améliorer? Pourquoi inclure un libellé aussi peu satisfaisant?

+-

    Mme Pamela Paul: Honnêtement, je l'ignore. Nous n'avons pas vraiment parlé des agents de la bande au CCMC. Quand le projet de loi a été publié, il contenait déjà les dispositions sur les agents de la bande. Si je me rappelle bien, le CCMC avait recommandé qu'elles soient supprimées. Elles avaient été incluses simplement pour que les Premières nations puissent émettre des contraventions, mais on est allé beaucoup trop loin et on a donné à ces agents ce qui est davantage un pouvoir d'exécution. J'ignore pourquoi on l'a fait. C'est pour cela que nous devrions simplement supprimer ces dispositions à mon avis, parce que l'appareil judiciaire n'est pas en place. On n'a pas discuté de la possibilité que les provinces reconnaissent les droits des Premières nations dans les collectivités où il n'y a pas de services policiers. À mon avis, cela prête simplement à confusion. Vous avez parlé tantôt des agents de la bande qu'il faudra former et recruter. Le projet de loi dit qu'une bande peut le faire, mais si elle ne le fait pas...

+-

    M. Maurice Vellacott: Il y a bien des choses qu'on peut faire et cela reste une possibilité plutôt qu'une exigence. Cette incertitude me rend un peu nerveux. On devrait donc simplement laisser tomber la question de agents de la bande.

+-

    Le président: Merci, monsieur Vellacott.

    M. Hubbard.

+-

    M. Charles Hubbard: Pour poursuivre dans la même veine que Nancy, l'attachée de recherche pourra probablement nous en dire plus long, mais y a-t-il prescription si nous supprimons l'exemption pour les droits de la personne, surtout pour les femmes? Pourrait-on remonter cinq ans en arrière pour se plaindre d'une violation commise en 1995 ou en 1990, ou le changement entre-t-il en vigueur en même temps que la loi? Il me semble que c'est une chose que le comité devrait examiner. Nancy a soulevé une question très importante en demandant quand on peut considérer qu'un droit de la personne a été violé.

¿  +-(0955)  

+-

    Le président: Nous n'avons pas d'exemplaire de la loi? Nous n'avons pas ces renseignements?

+-

    M. Charles Hubbard: Non.

+-

    Le président: Notre attachée de recherche me signale qu'elle obtiendra les renseignements et qu'elle les transmettra aux membres du comité.

    Poursuivez.

+-

    M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Il est bien évident que vous prenez votre travail au sérieux. Nous vous sommes très reconnaissants de votre aide. Vous avez cinq minutes pour votre mot de la fin.

+-

    Mme Pamela Paul: Trois choses nous préoccupent. Nous avons écouté les femmes de toutes les régions du pays. Elles nous ont dit qu'elles aimaient certaines des dispositions du projet de loi, par exemple celles qui portent sur la reddition de comptes. Elles aiment aussi le fait que la collectivité pourra maintenant avoir certaines structures. Nous avons cependant décelé certains problèmes de concert des membres du CCMC.

    Ce sont le chef et le conseil qui doivent déterminer si une collectivité ratifiera un code ou non. Cela enlève le contrôle à la collectivité parce que si le conseil décide de ne pas ratifier un code, c'est automatiquement le code par défaut qui s'appliquera sans que la collectivité puisse trouver quelque chose de plus approprié. C'est une autre question dont je n'ai pas beaucoup parlé, mais je voudrais que vous l'examiniez.

    Relativement au projet de loi dans son ensemble, le CCMC voulait au départ qu'il soit avantageux pour les Premières nations et je pense encore qu'il le sera. Je suis encore convaincue que les habitants des diverses collectivités et les femmes à qui nous avons parlé aiment l'idée d'avoir des structures financières, électorales, et ainsi de suite. Elles se demandent cependant si cela ne touchera pas plus tard les droits issus des traités. C'est une chose qui est ressortie de nos discussions dans le pays. Les femmes se demandent aussi si l'on a assez discuté de la situation des Autochtones hors réserve et si leurs droits risquent de changer. D'autres témoins vous en parleront peut-être aussi, mais c'est une question que les femmes ont soulevée.

    Leur plus grande inquiétude, je le répète, porte sur l'appartenance à la bande et au statut d'Indien. Elles se demandent comment tout cela s'insère dans le projet de loi et dans toute autre mesure qui viendra plus tard, y compris celles qui sont déjà à l'état d'ébauche.

    Je vous ai parlé de nos préoccupations et je vous ai dit que nous essayons d'être un groupe apolitique. C'est notre objectif parce que nous voulons obtenir les renseignements, les partager avec les femmes et les encourager à prendre des décisions pour les responsabiliser et responsabiliser leur collectivité. Nous ne voulons cependant pas leur dire comment penser.

    Merci beaucoup de nous avoir écoutées et j'ai hâte de voir les changements que vous recommanderez à l'avenir.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Votre témoignage nous sera très utile.

    J'ai maintenant le plaisir d'accueillir M. John Reid, commissaire à l'information du Canada. Il est accompagné de M. Alan Leadbeater, sous-commissaire à l'information du Canada, et de M. Lawrence Kearley, conseiller juridique principal. Nous vous invitons à faire votre exposé. Par la suite, il y aura une période de questions. Je demanderais à mes collègues de ne pas trop empiéter sur votre temps. Nous sommes ici pour vous écouter et j'espère qu'eux m'écoutent. Nous n'organisons pas ces séances pour écouter les membres du comité, mais pour entendre des témoins, qui sont les experts.

    Monsieur Reid, à vous la parole.

À  +-(1000)  

+-

    M. John Reid (commissaire à l'information du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis ravi d'être ici. Tout d'abord, je dois vous dire que je n'ai pas été consulté sur les dispositions du projet de loi qui traitent de l'accès à l'information, mais je suis néanmoins heureux de pouvoir formuler des observations maintenant.

    Je suis ravi de voir que le projet de loi renferme des clauses sur l'accès à l'information. Les Premières nations poursuivent leur marche vers l'autonomie gouvernementale, et il est encourageant de constater que les notions démocratiques de transparence et de responsabilité sont incorporées à l'appareil gouvernemental résultant de cette autonomie; on y parvient par divers moyens, notamment par l'ajout de clauses sur l'accès à l'information. Le projet de loi renferme deux dispositions qui concernent l'accès à l'information, l'alinéa 6(4)c) et l'alinéa 18(1)e). Je vais vous parler brièvement de chacune, bien que le libellé de chacune soit très similaire.

    La partie 1 du projet de loi dispose qu'un conseil de bande peut, en conformité avec les règlements, proposer l'adoption de divers codes par les électeurs de la bande. L'alinéa 4(1)b) stipule que l'un de ces codes peut porter sur le gouvernement de la bande. L'alinéa 6(4)c) dispose que si la bande est dotée d'un code portant sur le gouvernement de la bande, ce dernier doit comporter des règles pour «l'accès à l'information qui relève de la bande, la protection des renseignements personnels qui en relèvent et le droit d'accès aux individus aux renseignements personnels qui les concernent». Cette clause tient à l'existence de lois fédérales, provinciales et territoriales sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels qui régissent les décisions touchant le respect de la vie privée et la transparence et règlent les rapports de force qui les caractérisent parfois. Le libellé de l'alinéa 18(1)e) est essentiellement le même que celui de l'alinéa 6(4)c).

    Ce qui me laisse perplexe, c'est la raison pour laquelle il semble exister deux méthodes pour offrir un régime d'accès à l'information—un code garanti par l'alinéa 6(4)c) qui serait proposé par le conseil de bande et sur lequel les électeurs de la bande doivent voter, et une autre, un texte législatif, prévu à l'alinéa 18(1)e), sur lequel seul le conseil de bande peut voter. Il n'est pas évident quelle est la différence concrète entre la formule du code et celle du texte législatif, mais la Loi sur la gouvernance des Premières nations n'est nullement ambiguë sur ce qu'il faut faire en cas d'incompatibilité entre un texte législatif et un code ou entre un texte législatif et une loi ou un règlement du Parlement. Le paragraphe 18(3) stipule que:

Les dispositions de toute loi fédérale, d'un règlement applicable à une bande pris en vertu de la présente loi ou d'un code adopté par la bande l'emportent sur les dispositions incompatibles d'un texte législatif pris en vertu du présent article.

    Contrairement à l'article 16, rien n'indique ce qui adviendra si un texte législatif d'une Première nation au sens de l'article 18 contredit un règlement fédéral ou une autre loi.

    Cela étant, je trouve difficile de formuler des observations sur l'efficacité du droit d'accès à l'information proposé, en l'absence de détails autres que ceux dont je vous ai parlé. Mais je suis troublé de constater que l'article 18 du projet de loi C-7 n'oblige pas une bande jouissant de l'autonomie gouvernementale à adopter une loi sur l'accès à l'information. Je suis également déçu de voir que le projet de loi C-7 n'énonce pas certains des éléments nécessaires à un régime efficace d'accès à l'information.

À  +-(1005)  

    Il serait préférable que le projet de loi C-7 inclue une explication comme celle que l'on trouve à l'article 2 de la Loi sur l'accès à l'information qui énonce le but de la loi.

La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

Si le projet de loi comportait une telle disposition, nous saurions très clairement ce qu'il faut faire pour respecter les normes de la loi. Pour le moment, il n'y a dans le projet de loi aucune norme, de sorte qu'une loi sur l'accès à l'information pourrait prendre n'importe quelle forme, tout comme il pourrait ne pas y en avoir.

    J'estime qu'un énoncé de principe comme celui-là devrait faire partie d'un code ou d'un texte législatif pris en vertu des dispositions de la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Il devrait également figurer dans les clauses habilitantes, les alinéas 6(4)c) et 18(1)e) de la loi, de manière à l'intégrer nécessairement à tout code ou texte législatif. En procédant ainsi, les régimes d'accès adoptés par une bande autonome répondraient aux normes minimales de transparence et il existerait une plus grande uniformité d'une bande à l'autre quant à l'approche adoptée.

    Il est particulièrement important pour tous les codes ou lois d'accès à l'information de fournir un moyen d'examen indépendant des décisions prises par les gouvernements de bande locaux relativement à l'accès à l'information. Il existe à cet égard plusieurs modèles reconnus. Au niveau fédéral, et dans certaines provinces, le modèle d'examen est calqué sur l'ombudsman. Dans ce modèle, le commissaire à l'information est investi d'un pouvoir d'enquête considérable, mais il peut seulement formuler des recommandations quant aux mesures correctrices. Certaines provinces ont élaboré un modèle quasi judiciaire qui donne à un agent d'examen indépendant le pouvoir d'obliger les gouvernements à adopter des mesures correctrices. Aux États-Unis, se sont les tribunaux qui examinent une décision du gouvernement de refuser l'accès.

    Vous ne serez pas surpris d'apprendre que je suis satisfait du modèle fédéral. J'ai souvent déclaré que la formule de l'ombudsman est moins officielle, moins tributaire de la présence d'avocats, moins coûteuse et moins susceptible d'entraîner le recours aux tribunaux. En outre, comme le commissaire ne fait que formuler des recommandations et ne rend pas d'ordonnance exécutoire, il peut se montrer plus original et plus courageux dans ses décisions. Par contre, le modèle quasi judiciaire a bien des adeptes du fait qu'il s'agit d'une solution plus rapide et plus irrévocable, sous réserve, naturellement, du recours aux tribunaux par le gouvernement pour obtenir l'annulation des décrets du commissaire à l'accès. La plupart des observateurs considèrent le modèle américain, qui oblige les demandeurs d'accès frustrés à s'adresser aux tribunaux, comme une méthode trop coûteuse, complexe et lente, pour être souhaitable comme mécanisme d'examen. La majorité des pays du monde qui sont dotés d'un régime d'accès ont rejeté le modèle américain.

    Pour terminer, je veux vous dire sans ambages qu'en tant que commissaire à l'information, je me tiens à la disposition des conseils de bande—et de votre comité au besoin—pour les aider à concevoir leurs codes et leurs lois d'accès à l'information.

    Je vous remercie de votre attention. Je serai maintenant ravi de répondre à vos questions.

+-

    Le président: Je vous remercie de votre exposé et de votre généreuse offre. Je suis sûr qu'ils vous écoutent et qu'ils solliciteront probablement votre aide.

    Monsieur Vellacott, vous disposez de neuf minutes.

+-

    M. Maurice Vellacott: Merci.

    S'il me faut moins de temps, m'autorisez-vous à partager mon tour avec un collègue?

À  +-(1010)  

+-

    Le président: Vous pourrez partager avec quelqu'un de votre parti.

+-

    M. Maurice Vellacott: Très bien.

    Si j'ai bien compris ce que vous nous avez dit et ce que vous avez dit ailleurs, monsieur Reid, vous préféreriez personnellement qu'un code concernant la protection des renseignements personnels et l'accès à l'information soit relativement uniforme et structuré à la fois. Je pense que je suis d'accord avec vous là-dessus, mais si cette tâche devait être confiée à 600 et quelque bandes, je me demande si c'est vraiment réalisable parce que certaines sont toutes petites et je me demande également s'il ne risque pas d'y avoir des variantes. Et comment ces bandes vont-elles pouvoir se doter des structures nécessaires pour faire appliquer tous ces codes?

+-

    M. John Reid: Au Canada, à peu près tout le monde est déjà assujetti à une loi soit fédérale, soit provinciale. Par exemple, la plupart des municipalités, même les plus petites, sont régies par une loi provinciale. Par conséquent, le principe qui sous-tend la façon de procéder dans les petites organisations est déjà bien établi. D'ailleurs, il est souvent beaucoup plus facile pour une petite entité de respecter la loi étant donné qu'il lui est facile de savoir où sont les données. Par contre, les grandes entités ont plus souvent tendance à perdre leurs dossiers. Pour une petite collectivité dont, là où l'administration est également petite, il ne coûte pas grand-chose de donner suite à ce genre de demande. Et comme elles sont petites, il leur est également relativement facile de donner suite.

+-

    M. Maurice Vellacott: Mais il y a quand même ici aussi toute une série de dispositions de la loi qui rend les choses facultatives; si rien n'est fait, ces codes qu'on appelle par défaut restent possibles. Cela vous inquiète-t-il qu'un code «puisse» concerner l'administration du gouvernement, de sorte que, en vertu de l'alinéa 6(4)c), s'il y a effectivement un code sur l'administration du gouvernement, cela exige également qu'il y ait accès aux règles en matière d'information et ainsi de suite? Ne pensez-vous pas qu'il faille plutôt créer une obligation?

+-

    M. John Reid: Effectivement. Les mesures facultatives sont quelque chose qui m'inquiète beaucoup dans le cas de l'accès à l'information. Il faut absolument reconnaître qu'au Canada, quand on vit dans une municipalité, peu importe sa taille, on est pratiquement toujours régi par une loi sur l'accès à l'information. Si nous décidions d'en faire quelque chose de facultatif, il est tout à fait possible que certains membres des Premières nations se voient refuser, dans leur propre municipalité, un droit dont tous les autres Canadiens peuvent se prévaloir. Je pense que le droit qu'ont les Canadiens à avoir accès à l'information qui les concerne et à l'information qui concerne leurs gouvernements devrait être uniforme et ne souffrir aucune exception.

+-

    M. Maurice Vellacott: Très bien.

    Je vais maintenant céder la parole à mon collègue qui a, je pense, quelques questions à poser à ce sujet également.

+-

    M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne): Merci, Maurice.

    Vous nous présentez assurément une perspective intéressante des choses. C'est d'ailleurs quelque chose qui nous a également interpellés. Il semblerait que chaque bande ait la possibilité d'élaborer ces codes pour les faire approuver par la bande, mais ces codes doivent respecter certains critères et s'ils ne les respectent pas, ou encore si la bande préfère ne pas en élaborer elle-même, ce sont les codes par défaut élaborés par le ministère qui s'appliqueront. La question que nous vous poserions à ce sujet ressemble à celle que nous avons posée à un groupe de témoins l'autre jour. Le ministère s'est-il mis en rapport avec vous pour que vous l'aidiez à élaborer des lignes directrices en vue de la rédaction de ces codes par défaut que le gouvernement va proposer?

+-

    M. John Reid: Non. Comme je l'ai dit au début, personne ne m'a consulté au sujet de ce projet de loi. Ici encore une fois, nous serions ravis d'offrir notre aide si on nous le demandait, et même si on ne nous le demande pas, nous nous proposerions pour le faire.

+-

    M. David Chatters: Dans votre texte, vous donnez quelques grandes orientations. J'ignore quels sont les pouvoirs du comité, mais à mon sens il serait très utile que le comité vous demande de nous donner un exemple d'un code par défaut pour l'accès à l'information. De notre point de vue, du moins de ce côté-ci de la table, nous serions assurément favorables au modèle de l'ombudsman, voire à l'adoption de certains des pouvoirs de l'autre modèle, non pas le pouvoir judiciaire, mais un pouvoir d'exécution au niveau des bandes. Je ne sais pas vraiment si c'est une question que je vous pose, mais c'est là notre position.

+-

    Le président: Tranchons cela tout de suite.

+-

    M. John Reid: Nous serions ravis de jeter un coup d'oeil sur les textes législatifs équivalents aux niveaux municipal et provincial et de vous faire parvenir ce renseignement assorti de quelques recommandations.

À  +-(1015)  

+-

    Le président: Vous pourriez nous mettre cela par écrit?

+-

    M. John Reid: Oui, bien sûr.

+-

    Le président: Très bien.

    Je voudrais dire à mes collègues que s'ils souhaitent inviter le commissaire à comparaître une nouvelle fois, c'est également une possibilité. Nous nous félicitons de pouvoir profiter de ce genre d'aide. Si vous aviez l'obligeance d'envoyer ce texte à la greffière, celle-ci pourrait le faire parvenir à tous les membres du comité. J'exhorte d'ailleurs M. Chatters à revenir sur cette question.

    Il vous reste encore quelques minutes, monsieur Chatters.

+-

    M. David Chatters: Je pense que c'est tout ce que j'avais à demander, monsieur le président, et je vous remercie.

+-

    Le président: Y a-t-il d'autres questions à poser à M. Reid?

    J'imagine que nous aurons probablement un autre entretien avant la fin de cette expédition de neuf semaines. Je voudrais vous offrir mes plus sincères remerciements. Vous nous avez été précieux. Nous nous enorgueillissons d'avoir été les seuls à vous avoir consulté, et j'imagine que nous allons continuer à le faire étant donné que votre connaissance du dossier et l'information dont vous disposez sont extrêmement utiles. Merci beaucoup.

+-

    M. John Reid: C'est moi qui vous remercie.

+-

    Le président: Chers collègues, je vais maintenant vérifier si nos témoins suivants sont arrivés et, si c'est le cas, nous allons commencer sans plus attendre pour terminer tôt. Au cas contraire, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à leur arrivée. Je vais vérifier et vous dire ce qu'il en est.

    Notre attachée de recherche a déjà une réponse pour M. Hubbard, et je vais donc lui demander de nous en faire part.

+-

    Mme Mary Hurley: Monsieur Hubbard, pour ce qui est de la disposition qui existe déjà dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, la commission examine la conformité des actes ou omissions dont la dernière occurrence est survenue un an avant le dépôt de la plainte ou plus loin encore si elle le juge approprié dans les circonstances.

+-

    Le président: Nous allons maintenant suspendre nos travaux pendant cinq minutes pour permettre à nos témoins suivants de se préparer.

À  +-(1018)  


À  +-(1025)  

+-

    Le président: Nous reprenons maintenant notre étude du projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.

    Je suis heureux d'accueillir les coprésidents du Comité consultatif ministériel conjoint, en l'occurrence Roy Bird et Jim Aldridge. Je vais vous inviter à nous faire un exposé qui sera suivi par une période de questions et de réponses. Comme vous le savez probablement déjà, lorsque je donne un temps de parole de cinq minutes à un député, il s'agit de la question et de la réponse, de sorte que j'exhorte mes collègues à poser des questions courtes.

    Veuillez commencer, je vous prie.

+-

    M. Jim Aldridge (coprésident, Comité consultatif ministériel conjoint): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je veux faire quelques brefs remarques préliminaires et mon collègue et coprésident, Roy Bird, ajoutera ses observations aux miennes. Ensuite, je ferai une description plus détaillée de certains des principaux problèmes que nous avons détectés dans ce projet de loi.

    Le Comité consultatif ministériel conjoint a été créé en novembre 2001 en vue de fournir au ministre des conseils techniques quant aux modifications qui pourraient être apportées aux dispositions sur la gouvernance de la Loi sur les Indiens. On nous a demandé, à Roy Bird et à moi, de coprésider ce comité. En font également partie Andrew Beynon, du ministère de la Justice, Carolann Brewer, qui représente l'Association nationale des femmes autochtones, Bernd Christmas, directeur général de la Première nation Membertou et membre à titre personnel, Wendy Cornet, du Congrès des peuples autochtones, Roger Jones, qui représentait initialement l'Assemblée des premières nations mais qui a représenté ensuite un certain nombre de groupes de Premières nations régionaux qui souhaitent continuer à participer, principalement en Colombie-Britannique, au Yukon et ailleurs. Il y avait également Gordon Shanks, du ministère des Affaires indiennes, et Geneviève Thériault du ministère de la Justice. Nous avions également l'aide de Gordon Williams, un aîné. Les membres ont été choisis par leurs organismes ou leurs ministères respectifs en fonction de leurs compétences individuelles et de la contribution qu'ils pourraient apporter aux différents dossiers techniques difficiles, et non pour négocier ou conclure des ententes au nom de ceux qu'ils représentent. Évidemment, chaque membre a participé aux discussions dans la perspective de son organisation ou de son ministère, mais aussi en fonction de son expérience personnelle et de ses connaissances. Nous avons également reçu l'aide précieuse d'un certain nombre de personnes du ministère des Affaires indiennes.

    Le CCMC a présenté son rapport final au ministre Nault le 8 mars 2002. Le rapport a été affiché au site Web du ministère peu après, et nous croyons savoir qu'il a déjà été distribué aux membres du comité.

    Pour commencer, permettez-moi de dire que c'est pour nous un grand privilège de présider un groupe de personnes aussi talentueuses, qui ont pu travailler de concert dans un esprit de respect mutuel et de collaboration. J'ajouterai que nous sommes très fiers du travail que nous avons fait, et nous espérons sincèrement que notre rapport et ses recommandations pourront aider votre comité dans son examen des questions très complexes que soulève le projet de loi C-7.

    Également, nous savons que ce projet de loi fait actuellement l'objet d'un débat politique très particulier, un débat qui se situe dans le contexte du renvoi de ce projet de loi devant votre comité après sa première lecture. Nous sommes très conscients de ce que cette façon de procéder signifie. D'après nous, cela vous donnera davantage l'occasion d'évaluer en détail le contenu de ce projet de loi que ce ne serait le cas si le projet de loi vous avait été confié après sa deuxième lecture, comme c'est généralement le cas. Cela pourra occasionner également bien sûr de grandes difficultés. Monsieur le président, vous devrez traiter non seulement les questions générales de principe soulevées par cette initiative, mais vous devrez aussi inévitablement examiner bon nombre de questions techniques en droit, y compris les questions de rédaction législative, qui se poseront dans le cadre de vos fonctions. C'est relativement à ce dernier aspect, plus spécialement, que nous espérons pouvoir vous aider avec notre rapport.

    Permettez-moi également de vous féliciter, vous et tous les membres du comité, de l'étude qui a été préparée pour votre compte par Mary Hurley, de la Bibliothèque du Parlement, en octobre dernier. Mme Hurley a bien résumé les enjeux soulevés par le projet de loi et elle a fait une bonne comparaison des dispositions du projet de loi avec ce que recommande le CCMC. Je disais l'autre jour à la blague à Mme Hurley qu'elle nous avait grandement facilité la tâche puisqu'elle avait déjà comparé les recommandations du CCMC et les dispositions du projet de loi.

    Avant de discuter de ces questions plus techniques, mon collègue et ami Roy Bird souhaiterait également faire ses commentaires préliminaires.

+-

    M. Roy Bird (coprésident, Comité consultatif ministériel conjoint): Merci. Bonjour mesdames et messieurs du comité permanent, et merci de nous avons invités à comparaître devant vous aujourd'hui au sujet du projet de loi C-7.

    Si je viens devant vous aujourd'hui, c'est parce que j'ai été chef et conseiller de ma bande pendant plus de 20 ans. Je suis maintenant un fonctionnaire fédéral. Tout comme mon collègue M. Aldridge, je représente le Comité consultatif ministériel conjoint, qui a fait un travail important.

    Dans ma collectivité et dans d'autres collectivités que je connais, bon nombre de familles vivent actuellement dans la pauvreté. Certaines familles ont été divisées par la violence, par les agressions physiques et sexuelles, par l'alcoolisme très répandu et par la toxicomanie. Pour ma part, j'ai connu un grand nombre de jeunes gens, y compris des membres de ma propre famille, qui se sont suicidés par désespoir et par manque d'estime d'eux-mêmes. Les aînés de nos collectivités sont bouleversés par cette dure réalité et s'inquiètent de ce que notre culture et notre spiritualité sont menacées par de telles forces. Nous ne pouvons plus continuer. Dans certains cas, les collectivités sont divisées par les conflits entre les factions dirigeantes, les chefs et leurs propres citoyens. J'ai été témoin de tels cas et j'ai servi à l'occasion de médiateur, à l'occasion sous la protection d'une escorte policière.

    Monsieur le président, ce que j'ai à dire aujourd'hui, c'est que le statu quo ne peut plus durer. Il faut que cela change, et que cela change rapidement. Pourquoi le changement est-il si urgent? Je vais vous en donner des indices.

    Le taux de chômage chez les Canadiens autochtones est le double de celui des Canadiens non autochtones. Ce taux est près du triple pour les citoyens des Premières nations qui vivent dans les réserves. En Saskatchewan, la province d'où je viens, le taux de chômage dans les Premières nations est cinq fois plus élevé que dans le reste de la population. Pas moins de 40,9 p. 100 des citoyens des Premières nations vivent au niveau du seuil de pauvreté ou en dessous de ce seuil. Les taux de suicide chez les jeunes des Premières nations sont cinq fois plus élevés que la moyenne nationale. Également, les taux d'incarcération chez les Autochtones sont de cinq à six fois plus élevés que la moyenne nationale. En Saskatchewan, 80 p. 100 des détenus dans les pénitenciers provinciaux sont autochtones et 75 p. 100 d'entre eux sont citoyens de Premières nations. L'espérance de vie dans les Premières nations est de six ans inférieure à la moyenne pour la population canadienne. La qualité de vie de bon nombre de nos citoyens est inacceptable. Nous continuons de lutter alors que la bataille est perdue d'avance.

    Comment le projet de loi C-7, dont est saisi votre comité, aidera-t-il à apporter ces changements? Ce projet de loi vise à mettre en place une assise qui favorisera la croissance, qui permettra aux collectivités de déterminer leurs propres besoins de gouvernance, et à donner à ces collectivités des moyens pour se renforcer. Il vise à mettre en place une bonne gestion des programmes et des services, à favoriser un développement économique durable et, plus important encore, à susciter de l'espoir dans nos collectivités, l'espoir d'un avenir meilleur pour notre génération et pour les générations à venir.

    Le projet de loi C-7 jette les bases du développement économique. Il précise la capacité juridique des Premières nations et fournira une assise à l'exploitation des possibilités de développement économique par les Premières nations, des possibilités d'exploiter de nouveaux marchés, de lancer de nouvelles entreprises et de créer des emplois. C'est un embryon de solutions aux problèmes de pauvreté, des faibles revenus et du chômage. Le projet de loi permettra d'offrir plus de certitude aux partenaires commerciaux et aux investisseurs éventuels, qui se sentiront plus à l'aise de traiter avec des Premières nations dotés de gouvernements stables et efficaces, qui ont davantage le contrôle de leurs propres intérêts et qui possèdent de bonnes structures de gouvernance. Cela viendra appuyer les efforts de ces Premières nations et des organismes de Premières nations qui travaillent à la réussite du développement économique et à des projets commerciaux.

À  +-(1030)  

    Mais quel est le lien entre la gouvernance et les taux de suicide, la violence familiale, la toxicomanie et les autres problèmes que j'ai mentionnés? À mon avis, le projet de loi C-7 permettra aux peuples des Premières nations de se prendre en main. La gouvernance est une étape indispensable pour s'attaquer aux problèmes sociaux et améliorer les conditions sociales. En effet, la bonne gouvernance non seulement appuie l'administration des programmes sociaux, mais elle favorise aussi la santé et la stabilité de l'ensemble de la collectivité. Elle émancipe les gens et elle leur donne de l'espoir.

    En vertu du projet de loi C-7, les membres des Premières nations participeront à l'élaboration et à la ratification du code de sélection de leurs dirigeants, d'un code d'administration des affaires publiques ainsi que d'un code de gestion des finances et de révision des comptes. Il permet à des membres des Premières nations d'occuper des postes qui ont une incidence sur leurs collectivités et leurs familles, que ce soit dans le domaine de l'éducation, de l'aide sociale, du logement ou de la santé. Par ailleurs, le projet de loi C-7 fait la promotion de l'administration et de l'exécution des programmes et de services de manière ouverte, transparente et responsable. Il fait en sorte aussi que la présentation de rapports financiers aux membres de la collectivité se fasse de manière constante et transparente. Les membres des Premières nations seront ainsi mis au courant des lois, des politiques et des directives touchant leur Première nation. Les Premières nations auront droit de recours pour la première fois, ce qui n'était pas possible en vertu de la Loi sur les Indiens.

    Monsieur le président, les difficultés avec lesquelles bon nombre de collectivités des Premières nations sont aux prises sont accablantes, et le statu quo est inadmissible. Il faut que les choses changent, et il faut qu'elles changent bientôt. Les Premières nations lancent un appel au changement sur une base quotidienne, car les gens veulent des gouvernements efficaces et responsables, ils veulent participer davantage et être mis au courant, ils veulent prendre part aux décisions qui touchent leurs collectivités et ils veulent se prendre en charge et être traités de manière équitable. Nombre de Premières nations s'attaquent déjà à ces difficultés et montrent l'exemple en faisant preuve d'innovation et d'engagement dans la voie de la bonne gouvernance. Le projet de loi C-7 est une mesure législative habilitante qui appuie ces bonnes pratiques en faisant en sorte que les gouvernements des Premières nations à l'échelle du Canada disposent des outils dont ils ont besoin pour répondre aux besoins et aux aspirations de leur peuple. La raison d'être de ce projet de loi est de permettre au peuple des Premières nations de faire un pas dans la bonne direction. Le projet de loi C-7 contribuera à établir un cadre législatif et une base pour la gouvernance en vue d'un avenir meilleur. C'est une étape transitoire, une étape pratique non sans importance qui contribue à solidifier les assises et les capacités en matière d'autonomie gouvernementale.

    Monsieur le président, j'aimerais de nouveau céder la parole à M. Aldridge. Je vous remercie.

À  +-(1035)  

+-

    M. Jim Aldridge: Depuis le début de notre entreprise, nous avons compris clairement que cette initiative législative devait s'inscrire dans un contexte où il existait déjà différents processus au Canada, en vertu desquels les Premières nations négocient des accords sous différents aspects de l'autonomie gouvernementale. Ces processus, comme vous le savez, comprennent les négociations fondées notamment sur la politique du droit inhérent, la politique des revendications territoriales globales, le mécanisme de traités de la Colombie-Britannique et la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. L'idée implicite qui se trouve au coeur des différents processus est qu'un éventail de solutions aux questions difficiles ayant trait à l'autonomie gouvernementale n'est pas seulement chose vraisemblable, mais inévitable dans un pays aussi varié que le Canada. Ces processus tiennent aussi compte du fait que des solutions permanentes ne sont possibles que lorsque chaque Première nation participe directement à l'élaboration et à la définition des détails de son propre régime d'autonomie gouvernementale et de sa relation permanente avec les gouvernements du Canada. Enfin, chaque Première nation ayant ses propres aspirations, une solution universelle ne pourrait fournir les outils spécifiques à chaque Première nation pour répondre à ses besoins et à ses aspirations propres.

    Dans l'intervalle, les bandes continuent de subir le fardeau que leur imposent les dispositions archaïques et paternalistes de la Loi sur les Indiens, des dispositions qui, de l'avis de tous, ne marchent pas particulièrement bien. Le Comité consultatif ministériel conjoint a bien compris que l'intention de cette initiative législative est de résoudre au moins certains des problèmes que connaît le régime actuel afin de prendre une mesure progressive qui procurerait des avantages immédiats en matière de gouvernance des Premières nations et faciliterait, au lieu d'empêcher, l'établissement d'arrangements à long terme en matière d'autonomie gouvernementale.

    C'est dans ce contexte que nous avons reçu nos directives fondamentales, que vous trouverez au chapitre de notre rapport intitulé Tour d'horizon. Le rapport est divisé en plusieurs chapitres portant chacun sur un sujet différent. Pour votre gouverne, nous avons inclus les mêmes directives décrites dans le document de Mme Hurley à la page 8 dont voici la teneur:

Le ministre a déclaré clairement que les modifications envisagées devaient ne pas porter atteinte aux droits existants—ancestraux ou issus de traité; ne pas modifier la relation de nature fiduciaire qui lie les Premières nations à la Couronne; être compatibles avec les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés et notamment l'article 25; maximiser la capacité de chacune des bandes à choisir son propre régime de gouvernance, tout en offrant la faculté à celles qui le préfèrent d'opter pour un régime de fonctionnement prévu dans la loi, et établir des règles fondamentales d'imputabilité financière et politique applicables à toutes; ne pas imposer aux bandes des obligations dont nombre d'entre elles seraient incapables de s'appliquer à cause de carences en matière de ressources et de capacité ou bien à cause d'une population peu nombreuse.

    En gardant à l'esprit toutes ces directives fondamentales, nous avons longuement délibéré et discuté des différents sujets. Dans certains cas, le Comité est parvenu à un consensus et, dans d'autres, cela n'a pas été le cas. Dans ces cas-ci, nous avons simplement indiqué qu'il y avait des options, certains membres du Comité consultatif ministériel conjoint étant d'un avis et d'autres d'un avis différent. Nous avons fait de notre mieux pour exprimer le point de vue de tous les membres du Comité. Nous avons convenu d'une approche générale qui permettrait de mieux réaliser les objectifs énoncés à la page 8 de notre rapport, au chapitre intitulé Tour d'horizon. Les conclusions figurent également aux pages 8 et 9 du document de Mme Hurley.

À  +-(1040)  

    Dans nos recommandations, nous proposons que le projet de loi soit préparé de manière à inclure un préambule et un énoncé des objectifs afin d'orienter l'interprétation et la mise en oeuvre de la loi, recommandation qui a été prise en compte dans le projet de loi. Nous avons aussi recommandé que le projet de loi comprenne une clause de non-dérogation, ce qui n'a pas été fait; qu'il porte sur la situation et la capacité juridiques des bandes, ce qui a été fait; qu'il comprenne des régimes prévus par la loi ou s'appliquant par défaut en ce qui concerne l'élection des dirigeants, les structures et les procédures de gouvernance ainsi que l'imputabilité financière pour chaque bande qui déciderait de ne pas concevoir son propre régime, ce qui a été fait à moitié, puisque le projet de loi prévoit l'institution de régimes par défaut, mais comme il en a été question plus tôt ce matin, on prévoit procéder par voie réglementaire, et c'est l'une des techniques dont il a été question; qu'il permette au gouverneur en conseil d'établir des règlements pourvoyant aux détails des régimes s'appliquant par défaut, après un processus de consultations appropriées, ce qui a été fait; qu'il permette aux bandes de concevoir leurs propres régimes en matière de choix des dirigeants, de structures et de procédures de gouvernance ainsi que d'imputabilité financière—à condition que certains éléments essentiels y figurent—, tout en laissant à chacune d'elles le choix de la méthode par laquelle ces éléments seront pris en considération, ce qui a été fait; qu'il élimine ou qu'il réduise le rôle actuel du ministre et du gouverneur en conseil dans la gouvernance des bandes, et le projet de loi réduit ce rôle considérablement sans pour autant l'éliminer; qu'il constitue une institution autonome destinée à remplacer le ministre et le gouverneur en conseil dans certaines de leurs fonctions actuelles et à aider les bandes en matière de gouvernance, notamment au cours de la période transitoire entre l'adoption de la mesure législative et la mise en oeuvre d'un régime s'appliquant par défaut ou conçu par la bande, ce qui n'a pas été fait, mais je crois savoir qu'on semble l'envisager, et nous avons un chapitre entier qui porte sur la question d'une telle institution et d'une fonction d'ombudsman qui pourrait être créée; enfin, qu'il lie la Couronne, concept dont il sera question plus tard dans le rapport, ce qui n'a pas été fait.

    Après examen du projet de loi, comme nous venons de l'indiquer, nous avons constaté que nombre de nos recommandations ont été prises en considération. Il est évident que nous n'escomptions pas qu'elles soient toutes prises en compte. Nous savons aussi que notre rapport était un des différents conseils que le ministre et le gouvernement ont reçus, et il fallait en plus tenir compte des résultats des consultations, du point de vue du ministère des Affaires indiennes ainsi que celui d'autres ministères, sans oublier les collègues du ministre au sein du Cabinet. Cela étant dit, nous aimerions aborder brièvement quelques questions pour vous montrer ce que nous estimons être des points forts de ce projet de loi et attirer votre attention sur ce qui mériterait davantage de réflexion, sinon des modifications et des améliorations, et ce sera à vous d'en juger.

    Comme le ministre vous l'a dit lundi, et comme nous l'avons appris durant les réunions du Conseil consultatif ministériel conjoint, des personnes raisonnables de bonne foi pourront régler de manière rationnelle et respectueuse toutes ces questions, peu importe leur degré de complexité, et elles sont complexes, et peu importe qu'elles soient de nature délicate ou non, et certaines d'entre elles sont assez délicates. C'est donc dans cet esprit que nous faisons des observations générales sur le projet de loi tel qu'il est actuellement.

    À notre avis, dans ses grandes lignes, le projet de loi fait la plupart des choses qu'il est censé faire, c'est-à-dire permettre aux bandes de concevoir des codes ou de choisir de fonctionner sous un régime par défaut. Il établit des normes ou des règles minimales. J'ouvre une parenthèse ici pour signaler que certaines de ces normes peuvent très bien faire l'objet d'un débat, quant à savoir si ces normes conviennent ou non, mais il établit néanmoins une liste de normes minimales tout en prévoyant une grande marge de manoeuvre pour ce qui est de la manière dont les différentes bandes ou les différents groupes de bandes pourront répondre à ces normes. L'une des parties les plus difficiles de notre travail a été de décider de ce que devrait être des règles minimales, et c'est une question très intéressante, afin d'éviter, d'une part, d'être trop prescriptif, tout en faisant en sorte, d'autre part, que chaque bande traite les questions fondamentales touchant le gouvernement, l'organisation et la reddition de comptes. Il n'y a pas de réponse simple à ces questions, et des personnes raisonnables peuvent avoir une divergence d'opinions sur ces normes, c'est-à-dire pour ce qui est de savoir si elles sont essentielles ou si elles sont excessivement prescriptives.

    Dans la partie Préambule et objectifs, on fait la distinction entre l'établissement d'outils de gouvernance en vertu de ce projet de loi et le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, en tenant compte, à juste titre, du fait que le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale devrait faire l'objet de négociations. L'énoncé des objectifs se trouvant à l'article 3 est particulièrement salutaire dans la mesure où il parle de la nécessité de permettre aux bandes qui sont encore régies par la Loi sur les Indiens de progresser, en attendant l'application du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.

    La capacité juridique est abordée à l'article 15. Il s'agit de permettre aux bandes de conclure avec plus de facilité des arrangements commerciaux et autres, sans pour autant que les bandes ne soient transformées en société ou que cela n'ait une incidence sur leur statut juridique particulier. Plus important encore, l'intérêt dans les terres de réserve et les fonds indiens, qui ne sont pas détenus par la bande mais par tous les membres de la bande en commun, ne sont pas visés, ni menacés par l'éclaircissement de cette capacité—je vous renvoie au paragraphe 15(4). Il convient de signaler aussi que certains membres du Comité consultatif ministériel conjoint étaient d'avis que ces dispositions devraient être facultatives.

    Il est essentiel que toute législation du gouvernement soit connue du public; il ne devrait pas y avoir de loi secrète. À cet égard, les dispositions du projet de loi relativement aux registres de lois sont également salutaires, notamment l'article 30. Nous nous en voudrions de ne pas signaler le fait que le projet de loi ne prévoit pas la promulgation et l'enregistrement des lois dans les langues des Premières nations. Certains membres du Comité consultatif ministériel conjoint considéraient qu'une telle mesure faciliterait la protection et la renaissance des langues des Premières nations partout au Canada. Vous trouverez une discussion approfondie de cette question à la page 27 de notre rapport, à l'annexe 1.

    Le projet de loi pourrait être amélioré sur bien des plans, et d'autres témoins auraient peut-être des mémoires à soumettre ou des questions à soulever, et les membres du comité aussi d'ailleurs. Nous voudrions brièvement recenser certains des aspects les plus importants et expliquer le raisonnement sous-tendant la position des membres du Comité consultatif ministériel conjoint. Nous aimerions attirer votre attention sur quatre sujets en particulier. Il s'agit, sans ordre de priorité aucun, de l'absence d'une disposition de non-dérogation, de la nécessité de traiter toutes les bandes sur un pied d'égalité pour ce qui est du choix de leurs dirigeants, des pouvoirs des agents de bande, ce dont nous avons déjà discuté aujourd'hui, et de la nécessité de faire en sorte que le gouvernement fédéral et les employés de l'État fédéral soient obligés de respecter la loi.

    L'absence d'une disposition de non-dérogation est en train de devenir un problème de taille qui dépasse le cadre de ce projet de loi et s'étend à la notion de non-dérogation prévue dans différents textes législatifs. Avec votre permission, j'aimerais vous expliquer le raisonnement sous-tendant cette question très importante.

À  +-(1045)  

    Comme la chose a déjà été signalée, l'une des tâches primordiales du Comité consultatif consistait à conseiller les autorités compétentes pour que le projet de loi n'enfreigne aucun droit ancestral ou issu de traités. Le Comité a donc dit que la seule façon d'arriver à cet objectif serait de faire en sorte que le projet de loi affirme clairement que le Parlement n'avait pas l'intention d'enfreindre ces droits. Une telle déclaration d'intention s'appelle une disposition de non-dérogation qui est en l'occurrence une description relativement longue d'une déclaration du Parlement affirmant son intention de ne pas enfreindre ces droits. Ce genre de disposition est fréquent depuis une vingtaine d'années dans de nombreuses lois fédérales. Vous trouverez notre analyse des dispositions de non-dérogation à l'annexe 2 du chapitre de notre rapport intitulé Tour d'horizon, à partir de la page 20. Dans cette annexe, nous soutenons que la disposition de non-dérogation ainsi rédigée par le ministère de la Justice et qui se retrouve dans plusieurs textes et projets de loi récents est, au mieux, inopérante, et nous exposons plusieurs options et arguments à l'appui d'une disposition de non-dérogation qui soit plus opérante.

    Nous avons appris que le ministère de la Justice ne préconise plus l'ajout de dispositions de non-dérogation opérantes comme celles que le Parlement du Canada avait utilisées grosso modo de 1985 à 1996. Il préfère plutôt une disposition que la plupart des membres du Comité consultatif et des autres juristes ayant étudié la question considèrent comme inopérante. Les avocats du ministère de la Justice ont déclaré devant d'autres comités ainsi que devant celui-ci et ailleurs encore que ceux qui proposent des dispositions de non-dérogation opérantes essaient en fait de renforcer ou de compléter la protection constitutionnelle accordée aux droits ancestraux et issus de traités par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. En toute déférence, cette affirmation est inexacte. Les arguments présentés par le ministère de la Justice à l'appui de cette conviction ne font en effet pas la distinction, pourtant fondamentale, entre l'expression d'une intention législative et une capacité constitutionnelle. Une disposition de non-dérogation est l'expression, par le Parlement, de son intention de ne pas enfreindre un droit ancestral ou issu de traités. Ce n'est pas et cela ne peut pas être un renforcement de la protection accordée par la Constitution contre ce genre d'atteinte. Une loi ordinaire ne saurait en effet modifier la Constitution.

    Comme les membres du comité en sont sans doute conscients, la Cour suprême du Canada a jugé que les droits ancestraux et issus de traités n'étaient pas absolus. Le Parlement peut, par souci d'un objectif législatif valide, enfreindre ces droits pourvu que le gouvernement puisse convaincre les tribunaux que cette atteinte se justifie en vertu de l'honneur de la Couronne. En l'absence d'une disposition de non-dérogation opérante, le gouvernement du Canada se réserve la possibilité de soutenir ultérieurement que toute atteinte à un droit ancestral ou issu de traités du fait d'une de ses lois se justifie peu importe que le Parlement avait ou non l'intention de porter atteinte à ces droits et, en tout état de cause, même si le Parlement avait l'intention contraire. Si une loi ne comporte pas de disposition de non-dérogation opérante, la Couronne peut toujours, longtemps après la fin du débat politique, soutenir devant les tribunaux que le Parlement avait effectivement l'intention de porter atteinte à un droit ancestral ou issu de traités et que, en tout état de cause, cette intention était justifiée.

    Nous soutenons que si, dans un projet de loi, le gouvernement a l'intention de porter atteinte à un droit ancestral ou issu de traités, il faut qu'il le dise crûment et sans ambiguïté, qu'il précise de quelle atteinte il s'agit et qu'il soit prêt à débattre politiquement la question de la justification de cette atteinte. Si le Parlement n'a pas l'intention de porter atteinte à ces droits, il faut alors qu'une disposition de non-dérogation opérante fasse partie du projet de loi. Il ne faut pas qu'il y ait d'atteintes fortuites ou dissimulées. L'article 35 protège les Autochtones lorsque le Parlement entend porter atteinte à leurs droits; les dispositions de non-dérogation sont utilisées lorsque le Parlement n'a pas l'intention de le faire.

    Monsieur le président, la façon la plus facile de comprendre le problème est d'imaginer quelqu'un qui viendrait voir un ministre au sujet d'un projet de loi pour lui dire qu'il est contre ce projet de loi parce que celui-ci porte atteinte à ses droits. À ce moment-là, le ministre a trois possibilités. Il peut déclarer que le projet de loi ne porte pas atteinte à ses droits, auquel cas il faut le mettre par écrit dans le projet de loi. Il peut affirmer que le projet de loi porte effectivement atteinte à ses droits, mais que cette atteinte est justifiée, pour une raison ou une autre, auquel cas il peut y avoir un débat politique. Ou encore il peut affirmer qu'il ne sait pas si le projet de loi porte atteinte aux droits en question. Ce sont les trois seules possibilités, oui, il y a atteinte, non il n'y a pas atteinte ou «je n'en sais rien». Si le ministre déclare qu'il ne sait pas si son projet de loi porte atteinte aux droits du plaignant, ce dernier ne sera vraisemblablement pas très rassuré et il n'y aura pas de véritable débat politique sur la question.

À  +-(1050)  

    Si le projet de loi ne comporte pas de disposition de non-dérogation opérante, ce sont les tribunaux qui vont devoir juger s'il y a atteinte et si cette atteinte était justifiée, ce qui est un processus long, coûteux et porteur de dissensions. S'il existe par contre une disposition de non-dérogation opérante, selon toute vraisemblance, le projet de loi sera mis en oeuvre et administré de manière à éviter toute atteinte possible. Comme cela réduit les risques d'un recours devant les tribunaux, si recours il y a, le Parlement aura fait en sorte que les tribunaux explicitent son intention en lisant la disposition, en évitant l'atteinte et en ne permettant pas aux avocats du gouvernement d'essayer de justifier quelque chose que le Parlement n'avait jamais eu l'intention de faire de toute manière. Voilà donc l'effet de ce genre de disposition. Je me répète donc, il ne s'agit pas de renforcer une protection accordée par la Constitution, il s'agit plutôt du fait que le Parlement peut et doit clairement énoncer son intention législative. Nous ne voyons aucune raison, légale ou technique, qui empêcherait le Parlement d'exprimer son intention législative de ne pas porter atteinte à un droit ancestral ou issu de traités.

    Passons maintenant à la nécessité de traiter toutes les bandes de la même façon pour ce qui est du choix des dirigeants. L'article 5 du projet de loi établit trois catégories de bandes dont chacune a une série d'options différentes selon la catégorie dans laquelle elle se trouve. Le Comité consultatif recommande que toutes les bandes soient traitées de la même façon et disposent des mêmes choix. Au lieu de traiter toutes les bandes de la même façon, le projet de loi enchâssera et perpétuera les distinctions issues de l'actuelle Loi sur les Indiens qui, à notre sens, sont arbitraires et discriminatoires. Le Comité consultatif expose son opinion à ce sujet—et c'est un sujet qui est à la fois vaste et complexe—dans le chapitre consacré à la sélection des dirigeants et aux droits de vote. Pour bien comprendre l'article 5 du projet de loi, il faut bien connaître la teneur et l'effet de l'article 74 de l'actuelle Loi sur les Indiens. À partir de la page 2, nous exposons ce contexte ainsi que certains jugements clés qui ont interprété et donné exécution à ces dispositions.

    Pour résumer, comme les membres du comité le savent peut-être, il existe actuellement trois grandes catégories de régimes de sélection des dirigeants pour les bandes indiennes au Canada. C'est ce qu'on entend par les bandes assujetties à l'article 74. Ce sont les bandes qui suivent actuellement les dispositions de la Loi sur les Indiens concernant l'élection des dirigeants. Nous avons appris qu'il y en avait environ 260. La deuxième catégorie est celle que nous appelons les bandes qui tiennent des élections selon la coutume. L'article 74 ne s'applique pas à elles, mais toutes ces bandes ont actuellement leurs propres codes électoraux, et ce sont toutes les bandes qui sont «revenues à la coutume» depuis 1988 et un nombre inconnu de bandes qui ont élaboré leurs propres codes depuis 1988. La dernière catégorie est celle des autres bandes régies par la coutume. Ce sont les bandes qui ne tombent pas sous le coup de l'article 74 et qui, actuellement, ne choisissent pas leurs dirigeants par voie de scrutin. Nous ignorons combien il y en a, mais nous croyons savoir qu'il n'y en aurait pas plus de 10 ou 11 dans tout le pays.

    Il est fondamental de bien comprendre que «coutume» ne veut pas dire la même chose que «traditionnel» ou «héréditaire», même si ces derniers termes pourraient fort bien s'appliquer à des régimes coutumiers de gouvernement. Bien au contraire, les bandes régies par la coutume sont simplement celles qui ont adopté leurs propres régimes de sélection au lieu de se laisser imposer des règles par l'article 74. Il est également crucial de bien comprendre que le pouvoir qu'ont les bandes de se doter de leurs propres règles de sélection par voie coutumière n'est pas un pouvoir qui leur est accordé par la Loi sur les Indiens. Comme l'a déclaré la Cour fédérale du Canada, «il s'agit d'un pouvoir inhérent à la bande, d'un pouvoir que la bande a toujours eu et auquel la Loi sur les Indiens ne porte atteinte que dans des circonstances limitées comme le prévoit l'article 74 de celle-ci.»

    À la page 23 de ce chapitre de notre rapport, le Comité déclare que le fait que les bandes établissent leur propre régime de choix de leurs dirigeants constitue probablement un droit ancestral, un droit issu de traité ou les deux. Imposer un régime à une bande qui préfère choisir ses dirigeants au moyen d'un autre régime reviendrait par conséquent à porter atteinte à ce droit. Le Comité consultatif a donc préconisé qu'il y ait des dispositions permettant de prendre en compte la situation particulière de chacune des bandes tout en respectant les droits de celles-ci en établissant un régime électoral par défaut s'appliquant à toutes les bandes, sauf à celles dont les membres auraient adopté un régime différent conformément à la loi, de sorte que le choix soit respecté, ce qui donnerait aux bandes le moyen d'adopter leurs propres codes électoraux ou tout autre régime de sélection, pourvu que soient respectées certaines normes de reddition de comptes sur le plan politique, en définissant clairement des normes fondamentales de reddition de compte sur le plan politique concordant avec les règles par défaut, que les régimes conçus par les bandes devront respecter, et en veillant à ce que les normes fondamentales soient le moins interventionnistes et non normatives possible, tout en assurant un degré élevé de reddition de comptes—toujours dans le respect de ce juste milieu.

À  +-(1055)  

    Le projet de loi suit une approche différente. Il traite les bandes différemment uniquement en fonction du critère selon lequel elles sont visées ou non par l'article 74 ou tiennent des élections selon la coutume ou autre. Le paragraphe 5(1) du projet de loi dispose que les bandes visées par l'article 74 doivent toutes avoir un code portant sur le choix des dirigeants qui comprend certaines règles relatives aux différents sujets énumérés ou doivent se soumettre au régime qui s'applique par défaut. Dans le cas de celles qui ne sont pas visées par l'article 74, mais qui ont actuellement un code électoral issu de leur coutume, le paragraphe 5(2) leur permet d'adopter un code portant sur le choix des dirigeants qui est conforme à la loi ou encore les règles de sélection issues de leur coutume qui étaient en vigueur à une certaine date, parmi lesquelles on doit trouver des règles sur certains des sujets énumérés au paragraphe 5(1), mais pas tous, ou bien se soumettre aux règles qui s'appliquent par défaut. Ainsi, le code portant sur le choix des dirigeants de ces bandes ne doit pas nécessairement comprendre des règles précisant la taille et la composition du conseil. Ces bandes ne seront pas tenues de faire élire la majorité des membres de leur conseil. Elles n'auront pas besoin de règles précisant la durée du mandat, qui ne doit pas dépasser cinq ans, ni de règles sur la façon de combler les vacances ou de démettre quelqu'un de ses fonctions, sur les processus électoraux malhonnêtes, etc.

    Nous ne comprenons pas pourquoi les bandes actuellement visées par l'article 74 devraient être tenues d'avoir des règles sur toutes ces questions, tandis que celles qui ne le sont pas, mais qui ont adopté des processus électoraux, ne seraient pas tenues d'avoir ces règles. Ou bien toutes les bandes qui élaborent leurs propres codes électoraux devraient être tenues de prévoir des règles sur toutes ces questions ou bien aucune ne devrait y être obligée. À notre avis, cette distinction qui est faite entre les différentes catégories de bandes qui élisent toutes deux leurs dirigeants, est inacceptable. Il ne faut pas conclure pour autant que la liste des sujets devant être traités dans les règles est la bonne, comme je l'ai dit d'entrée de jeu; entre gens raisonnables, on peut ne pas s'entendre sur ce qui devrait figurer sur la liste. Nous disons simplement qu'elle devrait être la même pour tout le monde.

    Enfin, le paragraphe 5(2) dispose que les bandes qui ne sont pas visées par l'article 74 et qui choisissent actuellement leurs dirigeants par des moyens traditionnels ou non électoraux peuvent opter pour un code qui est conforme à la loi, pour les règles issues de leur coutume qu'ils avaient à une certaine date ou encore pour les règles qui s'appliquent par défaut. Autrement dit, elles peuvent maintenir leur système non électoral ou se soumettre aux mêmes règles qui s'appliquent aux bandes visées par l'article 74, mais elles ne peuvent pas se doter d'un système électoral semblable à celui des bandes de la seconde catégorie. Encore là, cette distinction nous paraît inacceptable.

    Le CMCC est d'avis que la distinction périmée qui est faite dans la Loi sur les Indiens ne devrait pas être consacrée dans le projet de loi pour que soient ainsi conservées les différences résultant d'un dessein ou d'un accident historique qui a fait en sorte que certaines bandes sont visées par l'article 74, que d'autres ont leur processus électoral issu de leur coutume et que d'autres encore ont un autre régime. Nous sommes d'avis qu'il n'y a pas de raison valable de limiter les possibilités qui sont offertes aux bandes actuellement visées par l'article 74 et de maintenir pour l'avenir des anomalies et des injustices historiques. Au contraire, cette restriction pourrait bien violer les dispositions relatives à l'égalité de la Charte canadienne des droits et libertés.

    En outre, à la lumière de l'article 5 tel qu'il est libellé à l'heure actuelle, il faut se rendre à cette évidence toute simple que le fait de limiter les bandes quant au processus qu'elles doivent suivre pour choisir leurs dirigeants est presque certainement une violation du droit inhérent que leur ont déjà reconnu les tribunaux de choisir leurs dirigeants selon leur coutume et d'avoir des coutumes qui peuvent évoluer en conformité avec le large consensus qui se dessine parmi leurs membres. Les membres du comité pourront consulter toutes les décisions pertinentes et les extraits correspondants dans le rapport que nous avons préparé.

    Le plus simple et le plus équitable aux yeux du CCMC serait donc de donner à toutes les bandes les mêmes possibilités pour ce qui est du code de sélection de leurs dirigeants, à savoir le régime qui s'applique par défaut, un code électoral conçu par la bande qui est conforme à la loi ou n'importe quel autre régime, à condition qu'il soit consigné par écrit, qu'il ait été accepté par les membres et que les membres puissent le changer. Nous sommes d'avis que ce sont là les seules conditions qu'il y a lieu d'imposer et que toutes les bandes devraient pouvoir choisir entre les mêmes possibilités.

    Il y a ensuite la question des pouvoirs de l'agent de la bande. J'ai eu le privilège d'assister à une partie de la discussion ce matin avec Mme Paul. Pour ne pas prendre trop de temps, je ne vais pas entrer vraiment dans les détails, même si les membres du comité auront peut-être des questions à nous poser à ce sujet. Je peux vous dire que, de manière générale, les dispositions du projet de loi qui créent la fonction d'agent de la bande font problème à notre avis. Elles ne résultent pas de notre rapport, même si, dans celui-ci, nous disions qu'il fallait assurer une meilleure application des lois de la bande. C'est là quelque chose d'important. Nous croyons que les pouvoirs qu'il est proposé de conférer à l'agent de la bande sont trop vastes et qu'il y aurait lieu de mettre en place des contrôles juridiques et des mécanismes de reddition de comptes bien réfléchis. Il est fort possible que les pouvoirs qu'aurait l'agent de la bande pour ce qui est de pénétrer dans des lieux seraient contraires à l'article de la Charte canadienne des droits et libertés, qui dispose que chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

Á  +-(1100)  

    Ce que les membres du comité doivent savoir, c'est qu'il y a actuellement un vrai problème pour ce qui est de faire respecter les lois des bandes, en grande partie à cause de la réticence de beaucoup de policiers, mais pas tous, à prendre ces lois au sérieux et à les appliquer, pour des raisons qui ont trait à leur attitude ou au manque de financement à cette fin ou encore pour d'autres raisons dont nous faisons état dans notre rapport. Ces dispositions nous semblent donc partir d'une bonne intention, à savoir donner plus de pouvoirs aux bandes afin que leurs lois puissent être appliquées—les lois sont là pour être appliquées—, mais il faudrait repenser à notre avis la méthode choisie pour ce faire.

    Le dernier grand sujet que je veux aborder brièvement avec vous, c'est de veiller à ce que la loi lie le gouvernement fédéral et ses employés. Le fruit de la réflexion du CCMC sur cette importante question se trouve énoncé à la page 18 du chapitre Tour d'horizon de notre rapport. En droit, on formulerait la question ainsi: «La loi lie-t-elle la Couronne?», mais, si l'on veut la formuler en des termes bien ordinaires, la question est de savoir si le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux de même que leurs employés respectifs seront tenus de se conformer aux lois des bandes. L'agent du ministère des Pêches sera-t-il tenu de respecter les limites de vitesse dans la réserve ou échappera-t-il à l'application de ces limites en raison de l'immunité accordée à la Couronne? Les gouvernements pourront-ils passer outre aux règlements de zonage ou aux règlements interdisant de violer le droit de propriété? Les ministères seront-ils autorisés à faire fonctionner des machines tard dans la nuit en violation des règlements interdisant de troubler la tranquillité? Autrement dit, les règlements des bandes s'appliquent-ils aux fonctionnaires fédéraux et provinciaux?

    Si la question se pose dans le cadre des lois fédérales, c'est en raison de l'article 17 de la Loi d"interprétation. Naturellement, tout le monde connaît à fond tous les détails de cette loi, mais toujours est-il qu'elle énonce les règles fondamentales régissant la rédaction, l'adoption et la promulgation des lois. L'article 17 de la Loi d'interprétation fédérale dispose que: «Sauf indication contraire y figurant, nul texte ne lie Sa Majesté ni n'a d'effet sur ses droits et prérogatives.» Autrement dit, le texte doit préciser expressément qu'il lie la Couronne pour que ses dispositions s'appliquent aux agents et mandataires du gouvernement fédéral. Il n'en est pas ainsi de beaucoup de lois d'interprétation provinciales, qui prévoient exactement le contraire. En tout cas, en Colombie-Britannique, d'où je viens, la Loi d'interprétation prévoit que les textes de loi lient tous la Couronne sauf indication contraire y figurant. La loi fédérale stipule que nul texte ne lie la Couronne sauf indication contraire y figurant.

    On trouve en fait un modèle du type de disposition qu'il faudrait prévoir dans la Loi sur la gestion des terres des premières nations, à l'article 3: «La présente loi lie Sa Majesté du chef du Canada, et le terme «Sa Majesté» ne vise que cette dernière.» Il est clair que les fonctionnaires fédéraux doivent se conformer aux lois promulguées par les bandes en vertu de la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Pour que nous ayons l'assurance que les modifications proposées vont lier la Couronne et pour en assurer la cohérence avec la LGTPN, le CCMC avait recommandé d'y inclure une disposition semblable. Sinon, vous voyez bien le problème qui se poserait. La même bande pourrait être régie par la Loi sur la gestion des terres des premières nations, qui lui confère divers pouvoirs pour ce qui est d'édicter des lois, et aussi par la Loi sur la gouvernance des premières nations, qui lui conférerait aussi une multitude de pouvoirs pour ce qui est d'édicter des lois. Il lui faudrait donc se demander chaque fois, si nous promulguons ce texte en vertu de la LGTPN, si les fonctionnaires fédéraux seront tenus de s'y conformer quand ils pénètrent sur ses terres, mais si nous le promulguons en vertu de la Loi sur la gouvernance des premières nations, ils ne seront pas tenus de s'y conformer. Cette distinction ridicule et artificielle créerait pour les bandes un fardeau qu'elles ne devraient pas avoir à supporter à notre avis.

    Si l'idée est d'éviter qu'un texte adopté par une bande puisse empêcher des fonctionnaires fédéraux de s'acquitter de leurs fonctions, si c'est là ce qui explique la différence, cela ne devrait pas être un problème, puisque le texte de loi de la bande ne pourrait pas les empêcher de s'acquitter d'une fonction dont ils sont tenus par la loi de s'acquitter, étant donné les dispositions relatives aux lois qui entreraient en conflit les unes avec les autres: s'il y a conflit entre une loi adoptée par une bande et une loi fédérale, c'est la loi fédérale qui a préséance dans la mesure où les deux lois se chevauchent. L'absence d'une disposition liant la Couronne aura toutefois pour effet de créer une incohérence fondamentale entre le pouvoir qu'aurait une bande d'édicter des lois en vertu de cette loi et le pouvoir qu'elle aurait d'édicter des lois en vertu de la LGTPN; il s'agit là d'un problème de forme, mais qui peut être facilement réglé.

    Il y a un certain nombre d'autres problèmes qui touchent essentiellement la forme, des problèmes de rédaction, d'erreurs de parcours, etc., dans le libellé actuel du projet de loi, qui sont, pour beaucoup, j'en suis sûr, attribuables à des problèmes de rédaction. Je vous donne quelques exemples avant de conclure.

Á  +-(1105)  

    Le paragraphe 4(3) est important puisqu'il porte sur l'application des règlements par défaut. On y dit que le règlement comportant des règles «sur les questions faisant l'objet d'un code» ne s'applique pas. Que signifie «faisant l'objet d'un code»? Il pourrait être inopérant. Il est clair que l'intention, c'est de permettre à une bande de choisir de relever exclusivement de son propre code, ou du code par défaut. On craint que le libellé de cet article puisse être interprété comme imposant des sujets particuliers du régime par défaut à des bandes qui ont choisi de ne pas les inclure dans leur propre code. Je ne sais pas si c'est là ce qu'on voulait vraiment, mais c'est ainsi qu'on pourrait interpréter ce paragraphe.

    Le paragraphe 32(1) donne au gouverneur en conseil la possibilité de créer des codes en l'absence de code, par voie de règlement, dont on a déjà parlé plus tôt. Il ne prévoit pas, toutefois, que ces codes par défaut soient assujettis aux mêmes exigences minimales qui s'appliqueront aux codes conçus par les bandes. Nous pensons que c'est ce qui était souhaité, c'est-à-dire que les mêmes règles de base, les mêmes normes, soient appliquées au gouverneur en conseil comme à la bande, mais ce n'est pas explicitement prévu, et à notre avis, ce devrait l'être.

    Les articles 16 et 17 distinguent entre les lois prises à des fins locales et les lois prises pour les besoins d'une bande. À notre avis, particulièrement à l'examen des listes fournies, cette distinction n'est pas facile à saisir, et il faudrait y réfléchir davantage.

    L'article 41, dont on a parlé ce matin, ajoute une disposition à la Loi canadienne sur les droits de la personne. À notre avis, le texte proposé n'est pas clair. Il est difficile d'en prévoir l'interprétation. Plus précisément, quel est le lien entre les besoins et les aspirations d'une collectivité autochtone, qui sont pris en compte, et les droits de cette collectivité, dont on ne parle pas? Comment cela s'insère-t-il dans l'ensemble du régime? Le CCMC recommande que ce changement soit pris dans le contexte d'un examen global de la législation sur le droits de la personne, plutôt qu'à la pièce, comme on le propose.

    Je vais vous dire ce qui s'est passé. Le groupe fédéral qui examine la Loi canadienne sur les droits de la personne a recommandé, comme nous le recommandons, l'abrogation de l'article 67 assortie d'une disposition d'interprétation qui aurait un certain effet, décrit par le groupe qui n'a par ailleurs pas proposé de libellé pour cette disposition. Il semble que les rédacteurs aient intégré à ce projet de loi cette description, qui n'était pas nécessairement, à mon avis, une ébauche de texte législatif. Il s'agit d'une description, qui donne une orientation, mais sauf votre respect, il ne s'agit pas de rédaction législative rigoureuse et il est difficile d'en prédire exactement l'interprétation.

    En terminant, nous souhaitons sincèrement que notre exposé et, surtout, le rapport complet du CCMC vous seront utiles dans vos délibérations sur cet important projet de loi. Nous tenons à dire que Roy et moi-même avons considéré que c'était un privilège de participer à l'élaboration de ce projet. Nous espérons que votre contribution à ce projet de loi, prenant en compte les témoignages que vous recevrez au cours des semaines et mois à venir, sera une étape importante vers le rétablissement de l'autonomie gouvernementale pour les Premières nations.

    Nous répondrons volontiers aux questions, monsieur le président.

Á  +-(1110)  

+-

    Le président: Merci beaucoup. Nous savons que nous avons beaucoup de pain sur la planche. Vous nous avez fourni beaucoup d'information et nous vous en remercions. Votre rapport nous sera utile. Je suis bien content qu'il n'y ait pas de test à passer après votre exposé et nous citerons sans doute souvent votre document.

    Il est certes pénible et gênant pour les Canadiens d'entendre parler des souffrances des peuples autochtones, mais je suis tout de même ravi que M. Bird l'ait fait. Cela ne fait que renforcer la détermination des membres du comité à travailler avec sérieux et diligence, et à avoir à coeur ce projet de loi. Vous constaterez qu'il y a très peu de partisanerie au sein du comité. Ses membres ont une détermination commune. Au cours des neuf prochaines semaines, nous passerons énormément de temps ensemble et je suis convaincu que nous nous entendrons bien. Grâce à votre excellent travail, la situation de ces gens que nous aimons s'améliorera, j'en suis convaincu.

    Monsieur Vellacott, vous avez neuf minutes.

+-

    M. Maurice Vellacott: Bien, merci beaucoup.

    Ravi de vous voir ici aujourd'hui, monsieur Aldridge. Je suis aussi content de revoir Roy. Nous nous sommes vus la dernière fois en avion, il y a quelques mois, et nous avons eu un entretien sincère et très utile. Heureusement, Dick Proctor n'était pas assis dernière nous et nous avons pu parler spontanément, de manière utile, et je vous en remercie. Je sais que votre peuple vous tient à coeur. Mon frère, Randy Vellacott, habite à Timber Bay, près de Montreal Lake. Il connaît bon nombre des membres de la famille Bird qui ont bien servi leur bande, comme dirigeants, à Montreal Lake, au nord de la Saskatchewan.

    Au départ, on avait recommandé que des modifications législatives soient apportées à la Loi sur les Indiens, plutôt que dans un projet de loi distinct, comme celui-ci. Pourquoi a-t-on fait cette suggestion? Pourriez-vous contextualiser un peu la discussion? Je sais que je pourrais trouver cela dans ces documents, mais il serait bon de mieux connaître le contexte. Êtes-vous déçus du résultat, étant donné votre recommandation initiale?

+-

    M. Jim Aldridge: Pour répondre d'abord à votre dernière question, non, pas particulièrement. Pour votre gouverne, nous en traitons à la page 9 du chapitre sur le tour d'horizon. Nous donnons quelques raisons et je ne vous les lirez pas toutes. Légalement, peu importe qu'on ait décidé de modifier la Loi sur les Indiens ou de proposer un projet de loi distinct. Les lois du Canada forment un tout, et qu'il y ait une loi ou cinq, s'il s'agit des mêmes articles, cela ne change rien.

    L'une des raisons pour lesquelles nous recommandions la modification de la Loi sur les Indiens, c'était la simplicité, du point de vue technique. Il est plus complexe de rédiger un projet de loi distinct, en s'assurant d'avoir toutes les modifications corrélatives, et les bonnes références entre les lois, sans rien omettre, que de modifier une loi existante. Dans la pratique, c'est plus simple. Mais il n'y a pas de préférence politique ou idéologique.

    Il y avait aussi l'aspect pragmatique, pour les bandes. Quand tout sera terminé, elles auront en main un livre où elles pourront trouver ce que dit la loi. Nous pensions qu'il serait plus facile pour elles de travailler avec une seule loi. Il y a déjà une prolifération de règles, quand on a en main la Loi sur les Indiens, la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, et maintenant, en plus, la Loi sur la gouvernance des premières nations. Ce n'est pas infaisable, il n'y a qu'à feuilleter davantage de pages et trouver les bons renvois.

    Aux yeux de certains membres du CCMC, il était clair que la modification de la Loi sur les Indiens montrerait davantage l'aspect transitoire du projet de loi que la création d'une nouvelle loi. Mais dans une grande mesure, on a répondu à cette préoccupation dans le préambule et dans l'objet de la loi, si vous voyez ce que je veux dire.

    Telles étaient nos principales considérations.

Á  +-(1115)  

+-

    M. Maurice Vellacott: Merci.

    Monsieur Bird, vous connaissez les bandes de notre province, toutes celles de l'Ouest et du reste du pays et vous connaissez leur lutte. Elles veulent bien faire les choses, mais pour l'instant, la capacité n'y est pas. Elle augmente, toutefois. Est-ce que ce sera un problème pour l'engagement des bandes, pour que ce travail soit fait par ceux qui en ont la capacité, particulièrement si aucune institution indépendante n'est mise sur pied, contrairement à ce qu'on avait proposé?

+-

    M. Roy Bird: En Saskatchewan, plus de la moitié des bandes ont des problèmes financiers. Il n'y a pas de réponse simple à ce problème. Ce que nous voulions, dans ce projet de loi, c'est un institut de la gouvernance en mesure de renforcer la capacité des bandes avec lesquelles il aurait collaboré. Actuellement, en Saskatchewan, environ neuf bandes sont gérées par des tiers. Quand elles ont des difficultés financières, on commence à s'en occuper, mais nous n'avons pas de processus pour renforcer la capacité ni pour les aider à former leurs membres en matière de gouvernance et d'administration. Dans les provinces des Prairies, et particulièrement en Saskatchewan, il faut aider les Premières nations en développement à renforcer cette capacité, particulièrement dans le domaine financier.

    Le projet de loi comporte un autre élément intéressant: le code forcera les bandes à présenter à leurs membres leur budget, leur plan financier. Les membres pourront l'étudier et se prononcer au sujet du budget. Actuellement, les conseils ne sont pas tenus de le faire et ne le font pas, dans bien des cas. Beaucoup de bandes le font, toutefois. Elles tiennent trois ou quatre assemblées par année. Il faut donner aux membres le pouvoir de se prononcer au sujet de l'éducation. Dans un sondage exhaustif récent effectué dans les collectivités des Premières nations, 86 p. 100 des membres ont dit que l'éducation était leur principale préoccupation. Nous constatons pourtant que dans certains cas, l'argent destiné à l'éducation a servi à autre chose. Dans notre cas, un enfant en septième année à Montreal qui déménage à Saskatoon sera probablement mis dans une classe de sixième année, sinon de cinquième, à cause du niveau d'enseignement de l'école. La qualité de l'éducation souffre du fait de l'argent prélevé pour d'autres fins.

    Je pense que pour appuyer les bandes, il faut un institut de la gouvernance, mais aussi, une loi.

+-

    M. Maurice Vellacott: Bien.

    J'aimerais revenir là-dessus plus tard, mais je vais aussi en parler tout de suite. Au sujet des codes par défaut, vous avez participé aux discussions. Êtes-vous content du fait que tout se retrouve dans le règlement? Y aura-t-il des consultations ou est-ce que nous signons un chèque en blanc? Il y a les dispositions de la loi et, autrement, le code par défaut. J'aimerais savoir si vous êtes à l'aise avec cette idée, Roy, ou Jim. Y a-t-il moyen de rassurer les intéressés sur la qualité des codes par défaut?

+-

    M. Jim Aldridge: Nous en avons beaucoup parlé au CCMC. Il faut arriver à un équilibre entre des règles, sur le code par défaut dans ce cas-ci, énoncées dans la loi, ce qui signifie qu'elles seraient claires, bien connues mais difficiles à modifier, puisqu'il faut un amendement législatif, et des règles énoncées dans un règlement, comme on le fait d'habitude, comme vous le savez, pour les règles détaillées, et qui seraient plus faciles à modifier. Il faut donc mettre en balance les aspects pratiques et la prévisibilité. Nous en avons beaucoup discuté.

    J'en ai déjà parlé, la loi doit dire clairement que le gouverneur en conseil doit respecter les mêmes normes que les bandes, qu'il ne peut aller au-delà. On nous a dit qu'il y aurait des consultations approfondies sur le contenu du règlement, en temps opportun, ce qui permettra aux gens de s'exprimer. Il y aura aussi un processus d'examen de la réglementation, différent de celui qui se rapporte aux lois, mais tout de même un processus d'examen qui prendra en compte, sûrement, ces commentaires. Mais à mon avis, il est important de veiller à ce que les normes, les règles de base, soient les mêmes.

Á  +-(1120)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Hubbard, vous avez sept minutes.

+-

    M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.

    Chef Bird, il est décourageant de vous entendre parler de la façon dont vivent bon nombre des Premières nations, dans les réserves. Nous traitons tous avec divers groupes. Ce matin, des témoins nous ont exhortés à apporter des changements, alors que d'autres groupes, que nous avons vus cette semaine, nous ont dit qu'il ne devait pas y avoir de changement, qu'il fallait continuer à appliquer la vieille Loi sur les Indiens. Apparemment, ces témoins étaient représentatifs de leurs Premières nations. Je ne veux pas vous mettre sur la sellette, pas plus que M. Aldridge, mais il est difficile pour nous d'écouter environ 600 chefs de l'ensemble du pays, dont certains nous disent de ne rien faire, puis d'autres, aujourd'hui, qui nous racontent ce qui se passe dans certains secteurs, et nous disent qu'il faut une loi, qu'il faut la renvoyer à la Chambre, et de faire ce que 600 chefs nous déconseillent de faire. Il nous est très difficile de dire au chef Coon Come, et à tous ceux qu'il représente, que d'autres nous disent qu'il faut apporter des changements.

    Je ne sais pas si vous avez des commentaires à ce sujet, mais pour moi, c'est préoccupant.

    Ce matin, monsieur Aldridge, vous avez parlé de l'élection des chefs. Se rattache à cela le concept que nous connaissons bien, depuis longtemps, nous qui sommes venus d'Europe et qui avons vu évoluer les modes de scrutin. À une époque, il y avait vote à main levée, puis nous sommes passés au scrutin secret, puis nous avons accordé le vote aux femmes, il y a moins d'un siècle. Les choses évoluent. La Loi sur les Indiens est probablement immuable. Vous dites que les codes doivent être écrits, que les modes de scrutin doivent être offerts à tous dans les réserves et aussi, je crois, qu'il doit y avoir moyen de modifier le mode de scrutin, en le remplaçant, par exemple, par un scrutin coutumier. Mais comment cela sera-t-il approuvé? Nous parlons de codes et de processus. Y aurait-il des scrutins secrets? S'agira-t-il de se placer derrière la personne qui représente l'idée qui nous plaît le plus, pour voir laquelle a le plus d'appuis? Comment cela se fera-t-il?

+-

    M. Jim Aldridge: Le Comité avait recommandé qu'on dispose de certains moyens—je pèse soigneusement mes mots—pour faire la preuve de l'existence d'un large consensus au sein de la communauté. C'est ainsi que les tribunaux ont décrit la situation actuelle. Les tribunaux ont clairement établi qu'il existe un droit inhérent à un large consensus de la communauté en ce qui a trait à l'évolution de ces coutumes. Si nous ne voulons pas violer ce droit, nous devrions essayer de nous en tenir à cette formulation.

    Comment devrait-on faire la preuve de l'existence d'un large consensus? Il y a différents moyens. Nous les énumérons, à compter de la page 14 du chapitre de notre rapport sur le tour d'horizon. Brièvement, ce que nous avons soumis à l'examen des lecteurs du rapport, c'est le fait que chaque façon de faire comporte des difficultés. Supposons qu'on s'en tienne à la règle de la majorité simple au cours d'un scrutin secret, mais que le taux de participation soit très faible. Dans ce cas, un très petit nombre de membres de la communauté déciderait, en fait, d'une question qui est assez fondamentale. Certains ont estimé que ce n'était pas juste, qu'il faudrait plutôt s'en tenir à la majorité simple de tous ceux qui ont le droit de vote, qu'ils votent ou non. Il en résulterait un consensus plus large, mais cela pourrait aussi poser problème, parce que cela signifierait que les gens qui décident de ne pas voter sont considérés comme ayant voté contre, soit qu'en ne votant pas on vote contre. D'autres ont évoqué la règle de la double majorité. Il y aurait des gens votant dans la réserve, et des gens votant en dehors des réserves. D'autres ont dit que dans beaucoup de communautés des Premières nations, le consensus résultait non pas d'un scrutin, mais d'une réunion et d'une discussion de la question jusqu'à ce que les gens aient le sentiment d'en être arrivés à un consensus.

    Nous avons présenté les options à examiner. Je dois en mentionner une autre. Dans la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, il est question d'un référendum où au moins 25 p. 100 de la population doit voter en faveur; la bande peut cependant relever ce seuil avant la tenue du scrutin. Si la bande trouve que la question est si importante que le pourcentage ne devrait pas être que de 25 p. 100, elle peut le hausser à 40 p. 100 ou davantage. Le présent projet de loi ne fonctionne pas exactement comme la Loi sur la gestion des terres des Premières nations.

    Différents choix s'offrent donc. Nous vous prions d'examiner de près la façon dont la communauté a pris ses décisions dans le passé, dans la mesure où il existe un moyen fiable de dire s'il existe un large consensus dans la communauté.

    Vous avez demandé, en deuxième lieu, monsieur Hubbard, qui peut amorcer un changement de ce genre? Selon le projet de loi, comme on l'a dit ce matin, l'adoption d'un code ne peut être entreprise que par le chef et le conseil. En cas d'adoption d'un code, ils peuvent inclure leur propre formule de modification, où ils exposeraient comment on pourrait à l'avenir procéder à un changement, et cela suffirait. Mais la première fois, il faut que ce soit le chef en conseil qui entreprenne la démarche. C'est une chose que vous pourriez examiner et vous pourriez interroger les témoins à ce sujet, à savoir s'il devrait y avoir moyen pour les membres de la bande eux-mêmes d'entamer ce processus, que cela plaise ou non au chef en conseil. Le problème alors, bien sûr, c'est qu'on tient un référendum sur la question de savoir s'il doit y avoir référendum; et cela risque d'entraîner un retour en arrière.

    Toutes ces choses doivent être prises en compte. Je vous invite simplement à retenir principalement le fait que les tribunaux ont établi qu'un large consensus était le critère.

Á  +-(1125)  

+-

    Le président: Merci.

    Comme nos délibérations sont enregistrées, je ne voudrais pas que dans 20 ans quand on les lira on se méprenne sur le sens d'une observation qui a été faite. Je connais très bien M. Hubbard, c'est un grand ami, et quand il a dit «même les femmes», il ne laissait pas entendre qu'en fin de compte les Canadiens s'étaient montrés généreux. C'est sa façon de dire qu'enfin nos yeux se sont dessillés.

+-

    M. Charles Hubbard: Tout ce que je peux dire c'est que nous avons beaucoup progressé chez nous en matière de scrutin. Je voulais bel et bien dire qu'il y a eu des changements. Ce matin, une bonne part des témoignages recueillis semblent indiquer que pour les femmes des Premières nations, la loi de 1876 est figée dans le temps, mais les choses ont changé au Canada. Je pense que c'est ce qu'on nous a dit, monsieur le président. Je regrette que vous m'ayez mal compris.

+-

    Le président: Non, je n'ai pas mal compris. Je ne veux tout simplement pas que dans 20 ans les lecteurs des délibérations se méprennent. J'avais très bien compris.

    Monsieur Chatters, vous avez cinq minutes.

+-

    M. David Chatters: Merci, monsieur le président.

    Je vous remercie tous deux, messieurs, pour cet excellent exposé. Vous nous avez présenté tellement d'information que je crois que nous devrons nous reporter aux transcriptions. J'ai constaté dans mon comté beaucoup de ces choses qu'a mentionnées M. Bird, et des Autochtones viennent tout le temps à mon bureau demander de l'aide pour régler certaines des questions que vous avez signalées. Je trouve extrêmement frustrant de ne pas sembler disposer du moindre moyen de les aider à régler ces problèmes.

    À propos de ce projet de loi, j'aimerais me concentrer dans une certaine mesure tout au moins sur la création des postes d'agent d'application et d'ombudsman. Ce qu'on y propose ne me semble pas du tout approprié, à savoir que ces postes seraient créés par le chef en conseil. En effet la plupart des plaintes dont on me fait part ont trait à des mesures prises par l'actuel chef en conseil. Il ne me semble pas du tout approprié que le chef en conseil ait la responsabilité de créer ces postes de responsable à qui les membres des bandes devront présenter leurs plaintes. J'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez.

    Vous avez assez longuement parlé de cette disposition de non-dérogation, et je suis certainement d'accord avec vous. Si nous pouvions régler certaines des autres questions qui se posent en matière de droits ancestraux et de droits issus de traités avant d'aborder ce projet de loi, pour qu'il y ait un consensus au Canada entre les peuples autochtones et le gouvernement quant à la définition de ces droits, cette disposition ne poserait pas de problème. Mais je n'en connais pas la définition. J'ai l'impression qu'elle n'est peut-être pas la même pour les peuples autochtones que pour le gouvernement du Canada. Je pense que c'est là un problème.

    M. Bird a exprimé l'idée que les codes par défaut obligeraient la bande à soumettre son plan financier à l'approbation des membres. Cela me semble étrange, parce que vous avez semblé dire qu'il existait des directives dans les codes par défaut, et nous cherchons désespérément des indices sur la teneur de ces directives. J'aimerais que vous m'en parliez.

Á  +-(1130)  

+-

    M. Roy Bird: Je vais essayer de répondre à cette question sur le code. Quand il prépare son budget annuel, le conseil doit le soumettre à ses membres en leur expliquant exactement à quoi va servir leur argent. J'ai été chef de ma bande pendant de nombreuses années, et nous avons mis sur pied une solide capacité de gouvernance en le faisant régulièrement et en tenant des assemblées au cours desquelles nous expliquions exactement ce que nous faisions de l'argent. Avec ce projet de loi C-7, on aura l'assurance que les conseils soumettront leur budget à la population. De plus, ils devront se réunir au moins une fois par an, et nous savons que certaines bandes ne le font pas. Le projet de loi les obligera à soumettre leur budget à l'acceptation de la population, et ensuite à dépenser l'argent conformément aux souhaits de cette population.

    J'aimerais faire un bref commentaire sur l'autre question. Il est désolant d'entendre des dirigeants dire qu'on n'a pas besoin de changement. Il faut changer les choses. En Saskatchewan, nous avons un budget annuel d'environ 615 millions de dollars. La moitié de la population vit en réserve, et l'autre moitié hors réserve. Comme je vous l'ai déjà dit, 80 p. 100 des personnes incarcérées dans des prisons provinciales sont des Autochtones. La majorité des gens que vous trouvez dans les salles d'urgence des hôpitaux de Saskatoon, de Prince Albert et de Regina sont des Autochtones. Les normes d'enseignement ne sont pas les mêmes en réserve et hors réserve, et nous essayons de rectifier cela. De nombreux enfants sont actuellement placés en régime de soins. Il se passe toutes sortes de choses. Peut-être que c'est la peur de l'inconnu, je ne sais pas, mais au fond de tout cela, il y a la méchanceté, le cycle de la violence, le cycle de la drogue, de l'alcool et du suicide.

    J'aimerais vous raconter très rapidement l'histoire d'une jeune femme de ma réserve qui a sombré il y a des années dans la drogue, l'alcool et le désespoir—l'espoir n'existe pas là-bas—et qui s'est pendue à 16 ans. Une semaine après, son ami, qui avait les mêmes problèmes, est allé au cimetière, devant sa croix, a avalé des drogues, a passé une cordelette autour de la croix et de son cou, et le lendemain on l'a trouvé là, suicidé.

    Alors quand les gens disent qu'on n'a pas besoin de changer les choses, je ne suis pas d'accord car il faut offrir autre chose à notre jeunesse pour que nos peuples autochtones puissent croître. Nous devons en particulier veiller à mettre en place les compétences nécessaires pour assurer la continuité en Saskatchewan. Comment peut-on oser dire qu'on n'a pas besoin de changement? Enfin, c'est mon opinion personnelle.

Á  +-(1135)  

+-

    M. Jim Aldridge: Monsieur le président, avons-nous encore un peu de temps pour aborder les autres questions soulevées par M. Chatters?

+-

    Le président: Non, mais vous pourrez y revenir dans vos remarques de conclusion.

    Madame Karetak-Lindell.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: J'apprécie énormément les commentaires de M. Bird, car parfois, quand nous avons des prises de position totalement contradictoires sur un projet de loi, c'est à nous d'essayer de trouver un juste milieu, et comme le disait M. Hubbard tout à l'heure, ce n'est pas facile.

    Comme nous l'avons entendu dire ce matin, on essaie d'avoir l'attitude la plus souple possible pour permettre aux divers groupes du pays d'adapter les dispositions à leur propre situation. Quand nous adoptons des lois à l'échelle nationale, il est évidemment difficile de faire plaisir à tout le monde. Je sais bien qu'en fin de compte il y aura des codes très différents d'un endroit à un autre du pays. Le problème est donc de trouver cet équilibre et d'avoir assez de souplesse pour permettre à chaque groupe d'adapter la loi à son propre contexte sans en arriver à des situations complètement différentes qui feront que les arbitres des droits de la personne seront inondés de plaintes, et qu'au lieu de 50 problèmes de contextes autochtones par an, nous en aurons peut-être 1 000 parce qu'en essayant de rendre la loi suffisamment souple pour répondre aux besoins particuliers de chaque groupe, nous aurons ouvert la voie à une grande diversité de situations.

+-

    M. Jim Aldridge: Monsieur le président, je crois que la députée saisit bien là ce qui rend cette question aussi intéressante et complexe. Comment peut-on à la fois établir des règles minimales de gouvernement qu'on peut raisonnablement demander à tout le monde de respecter tout en reconnaissant le besoin de souplesse, la nécessité de mettre en place des dispositifs différents, et même le droit historique des Premières nations à énoncer les règles qui les régissent? C'est là tout le problème. Nous avons fait de notre mieux pour répondre à ces questions dans le cadre des divers chapitres de notre rapport en précisant que dans certains cas nous avions un consensus, et dans d'autres non.

    Disons que, quel que soit le contexte dans lequel nous nous inscrivons—et c'est quelque chose que nous constatons beaucoup au CCMC—nous devons tous prendre soin de ne pas partir du principe que, du moment qu'une valeur particulière se manifeste dans notre société, compte tenu des institutions et de l'évolution dont parlait tout à l'heure M. Hubbard, elle devient automatiquement, par une sorte de processus darwinien, le seul moyen ou la meilleure façon d'exprimer les valeurs que nous partageons tous. Je vous donne un exemple. À l'article 5, on stipule que la majorité des membres du conseil doivent être élus. La réaction superficielle, c'est de dire: évidemment. Mais si on y réfléchit un peu, il y a peut-être des cas où l'on préférerait que les gens ne soient pas élus, mais plutôt nommés par leurs familles ou par les aînés, sans avoir les mêmes droits de vote; mais ce serait des gens qui seraient là pour représenter le point de vue des aînés. Il y a des gens qui trouvent étonnant que nous ayons au Parlement de ce pays une deuxième chambre remplie de personnes qui n'ont pas été élues et qui ont dû prouver qu'elles possédaient certains biens pour pouvoir être nommées à leur poste. Pourtant, c'est un aspect de notre régime qui a évolué. De l'extérieur, cela peut paraître étrange—et même de l'intérieur dans certains cas. Mais il faut se méfier des conclusions hâtives.

    Je n'ai pas de réponse toute faite. Nous avons débattu de ces questions et rédigé nos recommandations dans notre rapport.

Á  +-(1140)  

+-

    Le président: Merci.

    Si vous voulez aborder la dernière question, pouvez-vous vous en tenir à 40 secondes?

+-

    M. Jim Aldridge: Je ne vais pas parler des agents d'exécution au cours de ces 40 secondes. Je voudrais cependant vous suggérer de ne pas être trop négatifs à l'égard des dispositions concernant les plaintes et les recours sous prétexte que c'est le chef et le conseil qui les déterminent. Il ne faut pas en conclure que ce sera forcément un gage de partialité. Il est clairement stipulé, à l'article 11 du projet de loi, que le conseil «attribue à une personne impartiale ou à un organisme impartial» le soin d'examiner les plaintes et de prendre les mesures de redressement nécessaires. Il ne faut donc pas préjuger ni imaginer le pire. Si cette personne ou ce groupe n'est pas impartial, il ou elle ne respectera pas la loi et le plaignant pourra le faire rejeter pour motif d'impartialité ou de crainte raisonnable de parti pris. Je suis sûr que le député ne veut pas dire que, comme c'est une petite communauté, qu'il s'agit du chef en conseil, on ne prendra pas au sérieux ce devoir de nommer quelqu'un d'impartial. Je suis sûr qu'on le fera, dans la plupart des cas.

+-

    Le président: Merci beaucoup .

+-

    M. David Chatters: Je vais en discuter avec vous tout à l'heure.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Loubier.

+-

    M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Non, ça va.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Neville.

+-

    Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci.

    Laissez-moi d'abord vous remercier pour votre exposé. Comme membre relativement nouvelle du comité, j'ai trouvé votre exposé très instructif et même savoureux si vous me passez l'expression. Je souhaite également souligner à M. Bird que j'ai trouvé ses remarques très touchantes. Comme Manitobaine ayant voyagé dans le Nord à maintes reprises, j'ai vu sinon vécu un certain nombre de choses dont vous avez parlé. Je m'interroge moi aussi au sujet de l'appui que vous accordez au projet de loi par opposition à d'autres témoins qui ont comparu devant nous.

    Je commence à peine à comprendre ce projet de loi dans toute sa complexité et souhaite vous poser quelques questions concernant le régime de choix des dirigeants. Votre rapport proposait que le texte de loi sur le choix des dirigeants englobe tous les membres, que tout le monde y participe, et le projet de loi C-7 indique que les codes de choix des dirigeants qui ne suivent pas la coutume devraient respecter le droit des Autochtones vivant dans les réserves et hors réserve, même s'il n'exige pas la même chose des bandes qui tiennent des élections selon la coutume. Je suis curieuse de connaître votre avis sur cette différence de traitement des Autochtones vivant en dehors des réserves. À votre avis, une telle situation ouvrira-t-elle la voie à des contestations aux termes de la Charte?

    Qui plus est, le projet de loi comporte une disposition précise pour interjeter appel auprès du ministre concernant les résultats de l'élection des membres du conseil. Je voudrais savoir ce que vous en pensez puisqu'on a entendu beaucoup de critiques au sujet de la responsabilité ministérielle actuelle quant aux conseils élus.

+-

    M. Jim Aldridge: J'ai un peu de mal à répondre à votre première question et je devrai peut-être trouver la référence exacte, mais si je ne m'abuse, la recommandation du CCMC à cet égard n'était pas une formule unique pour tous.

+-

    Le président: Excusez-moi. La référence exacte est le paragraphe 5(5).

+-

    M. Jim Aldridge: Merci.

+-

    Mme Anita Neville: Je vous demande pardon, j'aurais dû vous donner la référence.

Á  +-(1145)  

+-

    M. Jim Aldridge: Le paragraphe 5(5) est en quelque sorte l'expression des principes découlant du jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Corbiere. Nous avons passé beaucoup de temps à tenter d'élucider cette énigme. D'une part, on nous demandait notre avis sur le droit de vote, et d'autre part, on ne nous demandait pas de nous intéresser à la question des membres parce que cela ne faisait pas partie de cette initiative. Nous avons donc accepté d'emblée les règles d'appartenance et la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Corbiere pour enfin nous rendre compte que la Cour suprême du Canada avait donné suffisamment de temps au gouvernement pour régler la question, mais qu'il ne l'avait pas fait, et nous voulions dire à quel point nous avons été heureux d'hériter aussi de cette question. Je ne veux pas dire que c'était un fardeau, mais plutôt que c'était un autre grand défi en soi.

    Les discussions ont montré qu'il n'est en fait pas facile de définir les droits de vote entre les gens les plus directement touchés par les décisions et ceux qui, tout en étant touchés par celles-ci, le sont de façon plus indirecte. C'est ce genre de problèmes qu'il a fallu résoudre. Nous avions par exemple des bandes dont les membres continuaient de vivre dans une réserve, non par choix, mais parce qu'aucune autre possibilité ne s'offrait à eux. En fait, près de 80 p. 100 des membres résidaient dans une ville à 100 milles de là. Ces gens devaient-ils réellement avoir leur mot à dire dans les décisions sur les règlements concernant le bruit par exemple? Cela ne les intéresse pas puisqu'ils ne vivent pas là. D'un autre côté, lorsqu'il s'agit de leurs biens communs, à savoir les terrains ou les finances de la réserve, la question les intéresse beaucoup. Comment équilibrer tout cela?

    Nous en sommes arrivés à un certain nombre de choix dont nous avons dressé la liste; il y a de quoi devenir fou—j'en suis peut-être même la preuve—à essayer de peser le pour et le contre de chacun des scénarios de vote possibles. Ces scénarios sont tous annexés à notre rapport, à l'annexe 1 du chapitre sur le choix des dirigeants débutant à la page 34 si cela vous intéresse. Nous avons énoncé un principe pour le texte de loi et je crois que le paragraphe 5(5) l'illustre bien. Cela fera-t-il l'objet d'une contestation fondée sur la Charte? Tout peut être contesté en vertu de la Charte. La décision sera-t-elle renversée? Pas si la bande prend l'intérêt de son peuple au sérieux. C'est ce que la Cour suprême du Canada a déclaré et nous croyons que les bandes sont capables d'en faire autant.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Vellacott, vous avez deux minutes.

+-

    M. Maurice Vellacott: Sur la question des agents de la bande, vous avez dit que les pouvoirs étaient trop larges. Croyez-vous que ces mesures devraient être retirées du projet de loi parce qu'elles ratissent trop large, étant donné que vous n'en aviez pas discuté? Devrions-nous tout simplement supprimer cela?

+-

    M. Jim Aldridge: À mon avis, oui, mais il devrait y avoir une autre disposition qui traite de la question de l'application des lois de la bande. Cela pourrait se réduire à une directive aux agents de police leur enjoignant de prendre les lois des Premières nations au sérieux. En l'état, c'est très problématique, alors il faudra soit y réfléchir et prévoir une autre disposition, ou encore l'éliminer.

+-

    M. Maurice Vellacott: Deuxièmement, vous avez parlé, monsieur Aldridge, de l'uniformité dans le processus de sélection des chefs chez les bandes assujetties à l'article 74 de la Loi sur les Indiens et chez les bandes procédant par coutume et d'autres régimes. J'ai un penchant pour l'histoire et je suis curieux. Vous avez parlé du besoin d'uniformité et de reddition de comptes sur le plan politique dans le processus de sélection. Les chefs héréditaires seraient-ils englobés par cette responsabilité politique?

+-

    M. Jim Aldridge: À mon avis, oui.

+-

    M. Maurice Vellacott: Pouvez-vous m'expliquer cela? Si je comprends bien, le pouvoir est transmis par hérédité. Si quelqu'un abuse de ce pouvoir, comment peut-on l'obliger à rendre des comptes? Où est la responsabilité politique? Ils sont nommés à vie, un peu comme la Reine, ses héritiers et successeurs.

+-

    M. Jim Aldridge: Retirer leur hérédité? Non, c'est impossible.

+-

    M. Maurice Vellacott: J'aimerais savoir comment s'exprime la reddition de comptes sur le plan politique dans ce cas-là.

+-

    M. Jim Aldridge: Essentiellement, cela fonctionnerait comme suit. Si une bande décide, par voie de référendum, de maintenir le système de gouvernement héréditaire qu'ils connaissent et qu'ils comprennent, ils devraient avoir le droit de procéder ainsi. Nous ne devrions pas pouvoir leur retirer ce choix. Cependant, ils doivent en même temps être en mesure de modifier les règles s'ils ne sont plus satisfaits, s'ils veulent adopter un système électoral. De plus, la responsabilité des chefs envers leur peuple repose, d'après ce que j'en sais—et mes connaissances à ce sujet se fondent surtout sur mon travail avec la nation Nisga'a du nord-ouest de la Colombie-Britannique—sur le fait que le pouvoir héréditaire ne signifie pas que le chef a carte blanche pour agir comme bon lui semble tout au long de sa vie, un peu comme certains cas malheureux d'hérédité qui ont jalonné notre histoire, les rois et les reines—eh bien, certains d'entre eux ont été décapités lorsqu'ils sont allés trop loin. La collectivité fonctionne plutôt par consensus quant aux responsabilités qui incombent au chef héréditaire et des pressions s'exercent au sein de la famille du chef pour que celui-ci ou celle-ci exerce ses responsabilités avec sérieux, ce qui comprend le remplacement éventuel au besoin. Loin de moi l'idée d'affirmer qu'un tel système n'est pas démocratique; en effet, à condition que le peuple choisisse ce mode de gouvernement par l'adoption d'un code en conséquence, et à condition que le peuple puisse modifier ce code pour adopter un autre système si celui-ci s'avère un échec, je n'ai pas d'objection.

Á  +-(1150)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Laliberte.

+-

    M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.): Merci, monsieur le président.

    L'un des éléments clés de ce projet de loi est la définition des Premières nations, et cette définition découle de la Constitution, mais cependant, le préambule ne mentionne aucun traité. On y affirme que le Canada jouit d'attributions; mais avant que le Canada puisse jouir d'attributions, il lui faut un territoire, afin de pouvoir créer un pays. C'est pourquoi la Couronne, par voie de traité, s'est liée avec les Premières nations du Canada. Pouvons-nous aller plus loin dans ce projet de loi et définir véritablement les Premières nations: les Premières nations du Canada sont les Cris, les Dénés, les Micmacs, les Mohawk, les Onéidas, les Haidas, les Pieds noirs, les Ojibway. Ne pouvons-nous pas déclarer au monde quelles sont les vraies nations originelles du Canada? Parce qu'à la fin de 2004, qui marquera la fin de la décennie internationale des populations autochtones, le monde fera un auto-examen et, lorsqu'il portera ses yeux sur le Canada, il pourra voir cette loi dans laquelle nous définirons nos Premières nations. Pouvons-nous vraiment identifier ces nations?

+-

    Le président: En 15 secondes.

+-

    M. Jim Aldridge: Oui, mais il faut être bien courageux pour essayer. Nous avons une longue discussion au sujet de la terminologie qui commence à la page 5 du chapitre intitulé «Tour d'horizon». La question semble valable. Le Parlement du Canada devrait-il dire aux nations qui elles sont ou devrait-il leur permettre de se définir elles-mêmes?

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Mes collègues m'ont déjà fait savoir qu'ils voulaient revoir ces messieurs, qu'ils voulaient les entendre à nouveau, et j'imagine qu'après nos voyages, ils me demanderont de vous inviter une nouvelle fois et j'espère que vous serez libres. J'ai dit à quel point j'avais été impressionné par vos exposés et je ne le répéterai pas pour ne pas perdre de temps. Il vous reste environ cinq minutes pour nous livrer vos conclusions, mais si vous voulez 10 minutes je ne vous interromprez pas.

+-

    M. Jim Aldridge: Avant de donner la parole à Roy pour la conclusion, je voudrais, si vous voulez bien, monsieur le président, répondre à la question qui vient d'être posée et qui exige, je crois, un peu plus d'attention.

    Certains membres du Comité consultatif se sont beaucoup inquiétés, notre rapport en fait d'ailleurs état, de l'absence dans le projet de loi d'un processus permettant la reconnaissance d'une nation, et cela amène à discuter de ce qu'est une Première nation. Nous avons vivement recommandé—et, sur un plan personnel, je suis très heureux que cette recommandation ait été acceptée—de ne pas utiliser l'expression «Première nation» comme équivalent à la «bande», parce que cela reviendrait à mélanger deux notions. J'ai travaillé pendant plusieurs années pour la nation Nisga'a qui était composée de quatre bandes. Je suis heureux de pouvoir vous dire qu'aujourd'hui, il n'y en a pas, étant donné que le traité des Nisga'a est venu remplacer complètement la Loi sur les Indiens mais, à l'époque, il y avait quatre bandes, et non pas quatre Premières nations. Il y avait une seule nation, la nation Nisga'a. Ce que nous constatons bien souvent un peu partout au Canada, c'est qu'on utilise l'expression «Première nation»—et je dis cela sans vouloir manquer de respect à personne—comme un euphémisme politiquement correct pour parler de «bandes» étant donné que le mot bande est un terme issu de la Loi sur les Indiens qui a été imposé depuis l'extérieur. Les opinions divergent à ce sujet—c'est la raison pour laquelle j'ai dit qu'il fallait être courageux pour se lancer dans cette discussion. Certaines personnes auraient sans doute une idée bien arrêtée sur la question de savoir qui fait partie ou non de la nation. Mais nous constatons que, à en croire l'APN, dans l'exposé qui a été livré au comité par le grand chef Coon Come, «il y a environ 80 premières nations dans ce pays et 633 collectivités des Premières nations». Dans ce texte, «Première nation» et «bande» ne sont donc pas synonymes, le texte parlant de l'idée qu'une nation pourrait fort bien être quelque chose de plus vaste que cela.

    Nous avions préconisé de ne pas en traiter ici. Si c'est quelque chose de provisoire, de transitoire, si un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale se manifeste à un moment donné, tenons-nous-en à la terminologie de la Loi sur les Indiens, toute malencontreuse qu'elle soit, et utilisons le mot «bande», et vous verrez d'ailleurs que c'est un conseil qui a été suivi. Les Premières nations vont s'efforcer de faire reconnaître peu importe ce que fait le Parlement du Canada à mesure qu'elles rétablissent leur condition de nation et l'affichent fièrement au monde. Il sera intéressant de voir comment le Parlement canadien trouvera le moyen d'accepter ces déclarations de nationalité à mesure qu'elles seront exprimées dans les années à venir.

    Je voudrais remercier le comité de nous avoir écoutés. En ce qui me concerne personnellement, je serais ravi de revenir devant vous si vous m'y conviez, et nous pourrons facilement trouver les accommodements nécessaires.

Á  +-(1155)  

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    Le président: Vous pouvez y compter.

    Monsieur Bird, avez-vous quelque chose à ajouter?

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    M. Roy Bird: Oui, une ou deux choses. Si vous pouviez nous inviter quand il fera un peu plus chaud, cela ne nous dérangerait pas, mais bien sûr, il fait plus froid en Saskatchewan à ce moment-là.

    Je vous ai brossé un tableau sombre et pessimiste des communautés autochtones et c'est un tableau réaliste; il n'est pas difficile de découvrir auprès des communautés autochtones à quel point elles vivent au seuil de la pauvreté. Cette information existe. Mais en même temps, il y a dans les Premières nations beaucoup de gens d'affaires, d'entrepreneurs et de bandes fort prospèrent et qui essaient de faire changer les choses, ouvrant en quelque sorte la voie pour les leurs.

    Au cours des réunions de consultation que nous avons eues en Saskatchewan, nous nous sommes mis en rapport avec les 70 bandes pour leur demander si nous pouvions aller rendre visite aux différentes communautés. Cinquante-huit chefs de bande ont dit oui, bien entendu; nous ne serons peut-être pas là, mais allez écouter ce que nos gens ont à dire. Sur les 12 autres, la moitié ont dit plus tard, nous sommes trop occupés pour l'instant. Nous avions déjà tenu 73 consultations avant le projet de loi, de concert avec le Sénat de la FSIN, les anciens, les jeunes, les aînés, les femmes, les pouvoirs provinciaux, toutes sortes d'intervenants auxquels nous étions allés parler du projet de loi. Que ce soit là ou non un commentaire du Comité mixte, je pense que les Premières nations qui affichent une opposition virulente au projet de loi sont une petite minorité, et celles-là veulent qu'on commence par parler des droits et des traités.

    Mais en même temps, il faut savoir ce qui se passe à la base, au niveau des réserves, dans les villes. Il faut essayer de faire quelque chose à ce sujet. Dans 10 ou 20 ans, les gamins seront la majorité en Saskatchewan. Il faut s'attendre, je crois, à ce que d'ici 35 à 40 ans, la majorité de la population en Saskatchewan sera composée de membres des Premières nations, d'Autochtones. Comment donc faire vivre une province alors que tout ce qui nous intéresse, ce sont les droits? Il faut améliorer la situation dans l'éducation, les compétences professionnelles, la formation. Les occasions commerciales ne manquent pas, il y a l'éthanol, il y a les forêts. Il y a toute une série de choses que nous devrions essayer de faire ensemble avec nos membres. Je pense qu'avec le projet de loi C-7, nous faisons un pas en avant. Je pense aussi que nous allons donner aux gens des Premières nations des moyens d'action dans l'espoir que maintenant, puisque tout l'argent destiné à l'éducation se retrouvera concentré, ils puissent faire de bonnes études, suivre une formation, perfectionner leurs compétences et devenir partie prenante dans la communauté. C'est une question de cohésion de la communauté. Et même si cela ne permet que de sauver une, deux ou trois personnes, je pense que cela en vaut la peine.

    Cela étant dit, tout comme Jim, je vous remercie et lorsque vous aurez besoin de moi, je reviendrai.

  -(1200)  

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    Le président: Merci beaucoup. J'imagine qu'effectivement les membres du comité vont vouloir vous revoir. Ce sera vraisemblablement le 31 mars et le 8 avril, pourvu toutefois que nous respections notre programme.

    Chers collègues, je souhaite que votre semaine se termine bien, et notez que je n'ai pas parlé de fin de semaine. Vous avez travaillé sur ce projet de loi chaque jour de cette semaine. Je sais que vos autres attributions ainsi que votre travail de circonscription en ont souffert, de sorte que je vous souhaite de bien terminer la semaine.

    Merci à tous. La séance est levée.