AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 21 novembre 2002
Á | 1105 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ) |
Le président |
M. Serge Cardin |
Á | 1110 |
Le président |
M. Serge Cardin |
Le président |
M. Serge Cardin |
Le président |
M. Serge Cardin |
Le président |
M. Serge Cardin |
Le président |
M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD) |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Á | 1115 |
Le président |
M. Benoît Serré (Timiskaming—Cochrane, Lib.) |
Le président |
M. Serge Cardin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Á | 1120 |
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.) |
M. Joe Comartin |
M. John Godfrey |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
Á | 1125 |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Mr. Benoît Serré |
The Chair |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Gerald Keddy (South Shore, PC) |
Le président |
M. Gerald Keddy |
Á | 1130 |
Le président |
M. Gerald Keddy |
Le président |
M. Benoît Serré |
M. Gerald Keddy |
M. Benoît Serré |
Le président |
M. Gerald Keddy |
Le président |
Á | 1135 |
M. John Godfrey |
Le président |
M. Shawn-Patrick Stensil (Coordonnateur national, Campagne contre l'expansion du nucléaire) |
Mme Elizabeth May (directrice générale, Club Sierra du Canada) |
M. Shawn-Patrick Stensil |
Á | 1140 |
Á | 1145 |
Mme Elizabeth May |
Á | 1150 |
Á | 1155 |
M. Norman Rubin (directeur, Recherche nucléaire, Energy Probe) |
 | 1200 |
 | 1205 |
Le président |
M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne) |
 | 1210 |
Le président |
Mme Elizabeth May |
Le président |
M. Norman Rubin |
 | 1215 |
M. David Chatters |
M. Norman Rubin |
Le président |
M. Serge Cardin |
Le président |
Mme Elizabeth May |
 | 1220 |
M. Norman Rubin |
Le président |
M. Joe Comartin |
M. Norman Rubin |
 | 1225 |
M. Joe Comartin |
M. Norman Rubin |
M. Joe Comartin |
Mme Elizabeth May |
M. Norman Rubin |
Le président |
M. Gerald Keddy |
 | 1230 |
Mme Elizabeth May |
M. Gerald Keddy |
Le président |
M. John Godfrey |
 | 1235 |
Mme Elizabeth May |
Le président |
Mme Elizabeth May |
M. John Godfrey |
M. Norman Rubin |
M. John Godfrey |
M. Norman Rubin |
Mme Elizabeth May |
Le président |
Mme Elizabeth May |
Le président |
Mme Elizabeth May |
Le président |
Mme Elizabeth May |
 | 1240 |
Le président |
Mme Elizabeth May |
Le président |
M. Serge Cardin |
M. Norman Rubin |
Le président |
M. Joe Comartin |
 | 1245 |
M. Norman Rubin |
M. Joe Comartin |
M. Norman Rubin |
M. Joe Comartin |
M. Norman Rubin |
Le président |
M. John Finlay (Oxford, Lib.) |
 | 1250 |
M. Norman Rubin |
Le président |
M. Gerald Keddy |
M. Norman Rubin |
M. Gerald Keddy |
M. Norman Rubin |
M. Gerald Keddy |
M. Norman Rubin |
M. Gerald Keddy |
 | 1255 |
Le président |
M. John Godfrey |
M. Norman Rubin |
Le président |
M. Serge Cardin |
Le président |
M. Joe Comartin |
· | 1300 |
M. Norman Rubin |
Le président |
M. Shawn-Patrick Stensil |
M. Norman Rubin |
· | 1305 |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
· | 1310 |
· | 1315 |
· | 1320 |
· | 1325 |
Le président |
M. Joe Comartin |
· | 1330 |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 21 novembre 2002
[Enregistrement électronique]
Á (1105)
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Nous avons le quorum. Je déclare donc la séance ouverte.
Il a été prévu que la première partie de la séance se déroule à huis clos. Je comprends que nous devions étudier la première motion à huis clos puisqu'elle porte sur les travaux futurs du comité. Toutefois, je ne vois pas pourquoi nous devrions étudier la deuxième motion à huis clos puisqu'il s'agit d'un avis de motion. Le débat et le vote devraient donc se tenir publiquement. Êtes-vous tous d'accord pour que notre séance soit publique plutôt que de poursuivre nos délibérations à huis clos?
Donc, nous ne siégeons pas à huis clos. La séance est publique.
[Français]
La première motion est proposée par M. Cardin.
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Monsieur le président, vous avez demandé aux membres du comité s'ils étaient d'accord pour que cela soit public. Vous devez avoir le consentement unanime, évidemment.
Le président: Je l'ai obtenu.
M. Serge Cardin: Avez-vous obtenu le consentement unanime pour que cela se fasse en public?
Á (1110)
Le président: Oui.
M. Serge Cardin: J'avais cru comprendre autre chose. Je pensais que nous revenions au huis clos, mais nous sommes en public.
Le président: Vous convient-il que la séance soit publique?
M. Serge Cardin: Oui, ça me va.
Le président: La première motion, qu'il m'est difficile de recevoir, est celle de M. Cardin.
[Traduction]
Il propose que le comité revienne sur une décision qu'il a déjà prise. Le comité a décidé comment il procéderait, combien de réunions, qui serait invité, etc., et la proposition voudrait que nous changions cela pour prolonger la consultation que le comité se proposait de mener.
Avant de débattre de la motion, je ne peux accepter cette motion que si M. Cardin cherche l'approbation du comité pour revoir cette décision. Ainsi, nous ne débattons pas de la motion de M. Cardin, mais nous allons plutôt prendre quelques instants pour décider si nous acceptons de reprendre la discussion que le comité a eue lorsqu'il a établi la procédure qu'il suivrait pour l'étude de ce projet de loi.
Monsieur Cardin.
[Français]
M. Serge Cardin: Merci, monsieur le président.
D'abord, permettez-moi de vous confirmer que ce n'est pas pour être haïssable que j'agis ainsi. Si je veux revenir en arrière, c'est parce que des éléments nouveaux se sont ajoutés depuis que le comité a pris la décision de limiter ses travaux sur le projet de loi C-4. D'abord, il y a eu les témoignages des témoins que nous avons reçus ici, en comité, mardi. Nous avons reçu des représentants du ministère des Ressources naturelles, de la Commission canadienne de sûreté nucléaire et de l'Association nucléaire canadienne.
Par contre, deux témoins importants qui, d'après moi, étaient directement intéressés par ce changement à la loi, par ce projet de loi C-4, étaient absents. À mon avis, les gens qui ont témoigné ont confirmé que c'était, à toutes fins pratiques, pour permettre que le secteur privé s'investisse de plus en plus dans le développement, dans la gestion, voire même dans le développement et la propriété des centrales nucléaires. Bien que le ministère des Ressources naturelles ne l'ait pas dit clairement, on s'aperçoit qu'en ce qui a trait aux raisons qui sont soulevées pour mettre sur le même pied les industries d'énergie au Canada, on devait aller de l'avant pour permettre le financement des centrales nucléaires par les institutions financières.
C'est l'ensemble des points qui ont été soulevés qui m'amène à vous demander d'accepter la motion qui va suivre, parce que même l'Association nucléaire canadienne, qui n'a jamais eu de demandes en ce sens pendant plus de cinq ans... Ce projet de loi ne sépare pas nécessairement les activités dans le domaine nucléaire. Il y a plusieurs activités. Les autres activités qui ne relèvent pas des centrales nucléaires n'ont jamais de problèmes en ce sens. Maintenant, avec la venue d'un organisme privé dans l'opération de centrales nucléaires, dont la compagnie détenant la majorité des actions a des problèmes financiers, on veut suivre la voie du financement par des institutions financières. La disposition qui existait auparavant faisait justement en sorte...
Le président: Monsieur Cardin, vous êtes en train de débattre de votre motion. Je veux qu'on débatte afin de savoir si le comité va reconsidérer sa décision.
M. Serge Cardin: C'est exactement ça.
Le président: Il faudrait qu'on parle précisément de cette question de reprendre en considération la décision du comité, s'il vous plaît.
M. Serge Cardin: C'est ça. Pourquoi faut-il la reprendre en considération? C'est à cause de ces éléments-là. Après avoir entendu les renseignements dont nous ont fait part les témoins la dernière fois, le comité sait que cela ouvre la porte à toutes les activités de l'industrie nucléaire, incluant des centrales nucléaires. Donc, il y a peut-être de l'information qui nous manque de la part de Bruce Power, par exemple, ou de l'Association des banquiers canadiens. Il y a même de l'information qui nous manque quant à l'intention des gouvernements des différentes provinces d'aller ou de ne pas aller plus loin dans le développement des énergies nucléaires.
Ce matin, Énergie atomique du Canada présentait son plan d'avenir sur le développement des centrales nucléaires, ce qu'on ne savait pas avant-hier. Donc, il se prépare une prolifération de centrales nucléaires. Est-ce que le comité, dans cette optique-là, ne devrait pas avoir plus d'information afin de savoir si la privatisation et la prolifération des centrales nucléaires par le privé sont pertinentes ou non? Je crois qu'il nous manque de l'information pour pouvoir étayer ce point et aller plus loin dans ce projet-là.
Le président: Merci. Y a-t-il d'autres commentaires? Monsieur Comartin.
[Traduction]
M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Je veux donner mon appui à la motion de M. Cardin qui demande que l'on invite ces témoins à comparaître. Il est assez évident à mes yeux que l'information que nous avons reçue des témoins qui ont comparu mardi ne nous a pas aidés à faire la lumière sur certaines des questions les plus pertinentes que le comité doit étudier par rapport à cet amendement particulier, surtout si l'on regarde ce qui a été rapporté en fin de semaine dans le Globe and Mail—je pense que des copies de cet article ont maintenant été distribuées aux membres du comité. Le meilleur renseignement que nous avons pu obtenir, qui était encore assez vague et qui provenait de l'Association nucléaire canadienne, c'est que personne à la connaissance du témoin n'avait besoin de cet amendement à l'exception de Bruce Power et pourtant, nous allons de l'avant sans avoir entendu les responsables de cette société. Il n'y a pas eu d'explication, juste un appel téléphonique disant qu'ils ne se présenteraient pas. Or, monsieur le président, lorsque nous avons établi la liste des témoins, je crois avoir clairement souligné l'importance de faire comparaître Bruce Power devant le comité.
Le président: J'en suis encore à demander au comité de décider s'il désire revoir une question qu'il a déjà tranchée.
M. Joe Comartin: C'est le point que j'essaie de faire valoir, monsieur le président, que...
Le président: Ce n'est pas ce que nous faisons. Nous parlons des motions.
M. Joe Comartin: Vous me demandez d'expliquer pourquoi nous devrions revoir cette question. Lorsque nous l'avons étudiée la première fois, je pensais qu'il était très clair que Bruce Power comparaîtrait devant le comité. Je ne pense pas fausser la réalité lorsque je parle des circonstances au moment où le comité a pris sa décision. En fait, la comparution n'a pas eu lieu, alors je crois qu'il est très approprié de revenir sur la question. Ensuite, il y a les autres points soulevés par M. Cardin concernant le gouvernement. Est-ce que cela signifie un changement dans la politique du gouvernement? Rien ne nous l'indique, pourtant certains des témoins nous donnent des indications que c'est le cas. Des témoins clés qui devaient nous aider à faire la lumière sur cet amendement, comme nous l'avions voulu il y a deux semaines lorsque nous avons établi le calendrier, ne se sont pas présentés. Je crois qu'il s'agit d'une très bonne raison pour revenir sur la décision et, en fait, faire comparaître ces témoins devant nous.
Á (1115)
[Français]
Le président: Monsieur Serré.
M. Benoît Serré (Timiskaming—Cochrane, Lib.): C'est exactement le point que je voulais soulever. Je pense qu'on rediscute de quelque chose que le comité avait déjà décidé. On s'est entendus sur des témoins. On leur a donné la chance de se présenter. Ils ont le choix de comparaître ou pas. Je pense qu'on devrait procéder au vote, puis poursuivre notre ordre du jour.
[Traduction]
Le président: Sommes-nous prêts à voter sur la question? Acceptons-nous de revoir les décisions de planification prises par le comité, oui ou non?
[Français]
M. Serge Cardin: Est-ce qu'on peut avoir un vote par appel nominal sur cela, monsieur le président?
Le président: Certainement.
[Traduction]
(La motion est rejetée par 9 voix contre 3.)
Le président: Nous passons maintenant à l'avis de motion de M. Comartin, qui a été transmis à temps au président qui l'a accepté; nous pouvons maintenant en débattre.
Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: Monsieur le président, j'aimerais mettre cette question en veilleuse jusqu'à ce que nous ayons entendu les témoins d'aujourd'hui, parce qu'une partie de leur témoignage pourrait être pertinente pour ce qui est des arguments.
Le président: Nous suivons l'ordre du jour tel quel. J'aurais très bien pu reporter l'étude de cette question après l'étude article par article, mais cela aurait été un coup bas. Je voulais régler cette question avant, parce que le faire après l'étude article par article n'aurait servi à rien. La séance est déjà ouverte et nous allons suivre l'ordre du jour tel quel à moins que vous obteniez un consentement unanime pour le modifier.
M. Joe Comartin: Le plus juste, monsieur le président, serait de placer cette question entre les deux, comme je le demande; je vais donc tenter d'obtenir un consentement unanime.
Le président: Avons-nous consentement unanime des membres pour reporter l'étude de l'avis de motion de M. Comartin après la comparution des témoins et avant l'étude article par article?
Nous n'avons pas de consentement unanime.
Monsieur Comartin, veuillez présenter votre motion.
M. Joe Comartin: Monsieur le président, comme nous le savons tous, ce que nous avons à étudier, c'est un très court amendement. Il est clair, à partir des témoignages que nous avons reçus mardi, que cet amendement ne s'applique qu'à un seul joueur au pays en ce moment et que ce joueur s'appelle Bruce Power, qui gère le site situé sur la péninsule Bruce. Nous savions déjà, que Bruce Power doit, d'ici la fin du mois, déposer une caution pour satisfaire à une exigence à la fois du gouvernement de l'Ontario, dans le cadre de l'entente qui les unit—ainsi, il s'agit d'une obligation contractuelle—et de l'organisme de sûreté. Cette exigence doit être remplie à la fin du mois de novembre. Par ailleurs, d'autres sources d'information nous indiquent que l'entreprise britannique derrière Bruce Power éprouve de sérieuses difficultés financières et qu'elle a été renflouée, temporaire seulement, par le gouvernement britannique. L'entreprise fait face à la faillite au Royaume-Uni. C'est cette entreprise qui garantit le cautionnement et il est très douteux qu'elle puisse continuer de le faire après la fin du mois, c'est-à-dire dans tout juste une semaine.
Ainsi, monsieur le président, si l'on juge par la position évidente adoptée par le gouvernement, l'opposition officielle et le Parti progressiste-conservateur, nous sommes sur le point d'adopter un amendement qui permettra à la privatisation de l'énergie nucléaire, du moins dans un endroit, d'aller de l'avant à un degré beaucoup plus important que cela aurait été le cas autrement, avec une société qui pourrait être en faillite avant même que ce projet de loi ait franchi toutes les étapes à la Chambre et au Sénat. C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons. Ce sont tous des faits et pourtant nous insistons pour aller de l'avant sans entendre les responsables de cette société ou sans obtenir d'explication pour savoir s'ils sont capables de continuer le processus dans lequel ils se sont engagés. Nous n'avons pas entendu—et je pense que cela nous renvoie au point de M. Cardin—du gouvernement de l'Ontario ce qu'il entend faire à partir de ce moment.
En ce qui concerne Bruce Power, l'autre réalité, c'est que nous pourrions alors traiter avec un propriétaire différent de cette société de gestion. Est-ce que le propriétaire sera en mesure de le faire? Qui sera le propriétaire? Encore une fois, il y a des spéculations dans l'article du Globe and Mail selon lesquelles il s'agirait de sociétés canadiennes, mais ces dernières refusent tout commentaire sur cette question. Nous sommes donc devant la possibilité d'écrire un chèque en blanc, si nous adoptons cet amendement, qui permettrait à une entreprise au bord de la faillite ou à un inconnu d'aller de l'avant avec ce projet. S'agit-il des entreprises dont il a été question dans l'article de journal? S'agit-il de quelqu'un d'autre? S'agit-il d'une quelconque autre entreprise étrangère? S'agit-il d'une entreprise américaine? S'agit-il d'une entreprise russe? Nous ne savons rien de tout cela et nous n'en saurons rien tant que nous n'aurons pas entendu ces gens.
Je pense qu'il est très irresponsable de continuer à aller de l'avant avec cette question. Je pense que nous ne faisons pas notre travail, que nous ne comprenons pas vraiment la question à laquelle nous sommes confrontés ici.
Á (1120)
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): J'en appelle au Règlement, monsieur le président, j'ai besoin d'une clarification. Le projet de loi C-4 est la Loi sur la responsabilité nucléaire. Sûrement que ce n'est pas de cela dont nous parlons. Nous parlons de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires. Je veux juste m'en assurer.
M. Joe Comartin: Je parle de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.
M. John Godfrey: Malheureusement, l'amendement indique qu'il s'agit de la Loi sur la responsabilité nucléaire.
Le président: La raison pour laquelle j'ai accepté la motion, c'est que la question que nous débattons est essentiellement de savoir si nous allons sommer ces gens de comparaître ou non. Je suppose que je n'ai pas besoin de l'expliquer, mais je dois traiter de la question qui est de demander que l'on somme ces gens à comparaître devant le comité. C'est là la question.
Vous avez raison.
M. Joe Comartin: Inutile de dire que je vais demander de le modifier.
Je pense que la question cruciale ici, c'est que nous avons un exploitant potentiel qui est sur le point de réactiver des réacteurs et qui n'est pas dans une situation financière pour le faire maintenant et qui ne le sera vraisemblablement pas à la fin du mois. Et cette situation soulève la question de la sûreté. Si vous avez une entreprise dont la santé financière est en si mauvais état, à quoi pouvons-nous nous attendre, même à court terme, pour ce qui est de la capacité de cette dernière à continuer de respecter les exigences en matière de sûreté? M. Taylor nous a dit mardi qu'il y avait des inspecteurs sur place, qu'il y avait des superviseurs sur place, mais qu'en réalité, beaucoup de pépins peuvent survenir à court terme lorsque vous n'avez pas les ressources appropriées dans la société de gestion, chez l'exploitant. Voilà la question à laquelle nous devons faire face ici, potentiellement.
Je ne pense pas avoir de limite de temps ici, monsieur le président.
Le président: Bien, alors je vais vous en fixer une.
M. Joe Comartin: Vous ne le pouvez pas.
Le président: Oui, je le peux. Nous avons une demi-heure pour une réunion et je vais présider ce comité.
M. Joe Comartin: Vous pouvez le faire, monsieur le président...
Le président: Je vais vous demander de conclure.
M. Joe Comartin: J'ai le droit de continuer de parler.
Le président: Non, c'est moi qui décide du temps dont vous disposez. Nous avons une demi-heure pour une réunion et vous voulez garder tout ce temps pour vous-mêmes. Il y a trois autres députés qui désirent prendre la parole et vous allez être le dernier à parler une deuxième fois. Alors vous aurez deux tours et je vous demande d'être raisonnable.
Á (1125)
M. Joe Comartin: Dans ce genre de motion, j'ai le droit de parler aussi longtemps que je le désire.
Le président: Je peux suspendre la séance, nous pouvons entendre les témoins et passer à l'étude article par article tout de suite après.
M. Joe Comartin: Tant et aussi longtemps que j'ai la parole, monsieur le président, vous ne pouvez pas le faire.
Le président: Oui, je peux le faire.
M. Joe Comartin: Non, vous ne pouvez pas le faire. Vous n'en avez pas l'autorité.
Le président: C'est moi qui préside la réunion et non pas vous.
M. Joe Comartin: Vous pouvez très bien présider la réunion, mais vous ne le faites pas en respectant les règles et les pratiques en vigueur tant à la Chambre que dans les comités.
Le président: Je peux suspendre les travaux quand je le veux.
M. Joe Comartin: Vous n'avez pas l'autorité pour me retirer la parole.
Le président: Si vous persistez, je vais suspendre les travaux.
M. Joe Comartin: J'ai la parole et j'ai le droit de la garder aussi longtemps que je le veux.
Le président: Si vous continuez de troubler la réunion et la faites dépasser 11 h 30, je vais suspendre la réunion. Alors aussi bien exposer votre point de vue.
M. Joe Comartin: Vous pouvez suspendre la réunion, mais lorsqu'elle reprendra, j'aurai encore la parole et je pourrai continuer.
Le président: La réunion reprendra lorsque j'en déciderai ainsi. À 11 h 30, nous allons entendre les témoins et à 13 heures, nous allons passer à l'étude article par article. Je crois que je vous fais une faveur en vous disant que ce qui va arriver.
M. Joe Comartin: Vous ne me faites pas de faveur du tout si c'est le genre de décision que vous allez prendre.
Le président: Je l'ai fait.
M. Joe Comartin: Eh bien, je vais continuer de parler.
Pour en revenir à la question de la sûreté, il est très clair que nous avons ici une société aux prises avec de graves difficultés financières et que nous sommes sur le point de laisser les choses se poursuivre sans comprendre les conséquences, sans comprendre clairement, en fait, quelle est la situation de cette société en ce moment précis. Est-elle capable de remettre ces réacteurs en marche, peut-elle payer la note, peut-elle continuer ses activités actuelles d'une manière sûre? Nous n'avons aucun son de cloche de la part de l'entreprise même. Nous avons beaucoup de spéculations. Nous savons qu'elle est en difficultés financières, que cette information est du domaine public depuis plus de deux mois. Tant et aussi longtemps que la situation sera la même, il serait grossièrement irresponsable de la part du comité d'aller de l'avant sans avoir une idée claire de la situation.
Si cette situation concernait d'autres personnes, d'autres entreprises, d'autres activités, nous pourrions peut-être justifier que l'on presse les choses, mais ce n'est pas le cas ici. C'est le seul cas qui nécessite une telle aide. Si nous voulons faire notre travail, nous devons établir quelle est la situation actuelle. Nous l'ignorons.
Mr. Benoît Serré: Monsieur le président, je pense que nous sommes en train de débattre des finances d'une société particulière. Je pense que la motion vise spécifiquement à déterminer si nous devrions sommer les responsables de cette société de comparaître devant le comité. Je propose que nous votions pour savoir si le comité est prêt à voter maintenant sur la motion.
The Chair: Je mets cette question aux voix.
M. Joe Comartin: Je veux qu'il soit clair dans le compte rendu que tant et aussi longtemps que j'ai la parole, il s'agit d'une mesure inappropriée. Un rappel au Règlement est approprié pour certains points précis, mais lorsqu'il me prive de la parole, ce n'est pas approprié. Monsieur le président, vous n'avez pas l'autorité nécessaire pour le faire.
Le président: C'est pourquoi je vais demander un vote. Je vous demande donc de voter pour savoir si vous voulez que l'on vote sur cette question maintenant ou non.
(La motion est acceptée par 7 voix contre 1.)
Le président: Je vous demande de voter sur la motion de M. Comartin.
(La motion est rejetée.)
Le président: Nous allons maintenant passer à la demande de M. Keddy. Monsieur Keddy, nous n'avons pas beaucoup de temps, mais nous aimerions savoir...
M. Joe Comartin: J'en appelle au Règlement, monsieur le président. Je veux qu'il soit encore inscrit au compte rendu que j'ai l'intention de contester la décision du comité devant le président.
Le président: Très bien. Cela figure au compte rendu.
Monsieur Keddy, vous avez demandé que l'on invite le ministre des Ressources naturelles. Quand voulez-vous qu'on le fasse?
M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Dès qu'il lui sera possible de comparaître devant le comité. J'espère que ce sera avant le congé de Noël.
Le président: Pouvons-nous vous demander d'expliquer brièvement aux membres du comité pourquoi vous voulez convoquer le ministre?
M. Gerald Keddy: Absolument. Tout un débat fait rage sur la question du Protocole de Kyoto. Le comité devrait entendre de la bouche même du ministre quelle est la position du gouvernement et sa propre position sur cette question. Nous n'avons pas encore parlé de cette question jusqu'ici. Cela nous donnerait l'occasion, en qualité de membres d'un comité individuel, d'entendre ce que le ministre a à dire et de lui poser des questions; et je pense qu'il est de la plus haute importance que chacun d'entre nous ait l'occasion de le faire avant le congé de Noël, parce que cette affaire sera débattue, vraisemblablement, à la Chambre et, également, dans nos propres collectivités, dans les provinces et régions que nous représentons. Alors, je pense qu'il est important que nous ayons au moins l'occasion d'entendre ce que le ministre a à nous dire et de pouvoir lui poser des questions.
Á (1130)
Le président: Mais, dans votre lettre, vous avez demandé que le ministre comparaisse pour défendre son budget des dépenses.
M. Gerald Keddy: Le budget des dépenses aussi, mais il y a tout un ensemble de questions dont nous avons besoin de discuter.
Le président: Bien.
Monsieur Serré.
M. Benoît Serré: Je veux simplement obtenir une clarification de la part de M. Keddy. Le ministre a comparu devant le comité après le dépôt du budget des dépenses. Parlez-vous de budget des dépenses supplémentaire?
M. Gerald Keddy: Oui, et des autres questions qui sont dans l'air. Nous avons besoin que le ministre se présente devant le comité aussi souvent que possible, pas au point de bouleverser son calendrier d'activité ou quoi que ce soit du genre, mais il est certainement important qu'il se présente ici.
M. Benoît Serré: Monsieur le président, je suis d'accord avec cette demande.
Le président: Si c'est là votre désir, nous allons convoquer une réunion spéciale à cette fin, parce qu'on m'a dit que nous aurions un autre projet de loi à étudier.
M. Gerald Keddy: Je suis d'accord pour que ce soit une réunion spéciale, et s'il ne peut comparaître avant le congé de Noël, j'aimerais qu'on nous donne des explications, mais je pense qu'il serait de son devoir de le faire avant ce congé.
Le président: Bien. Sommes-nous prêts à voter?
(La motion est acceptée.)
Le président: Le ministre sera invité à comparaître devant le comité avant le congé de Noël.
Avant de passer aux audiences publiques, nous avons la question des travaux futurs. Nous avons une liste de témoins potentiels pour l'étude du projet de loi C-2, et nous vous demandons de nous autoriser à aller de l'avant avec cette liste. Nous distribuons la liste de témoins potentiels. Si vous trouvez que nous n'avons pas suffisamment de temps pour régler cette question maintenant, nous pouvons le faire plus tard. Même si je recevais votre accord pour aller de l'avant avec cette liste, vous pourrez tout de même demander que l'on ajoute d'autres noms plus tard.
Á (1135)
M. John Godfrey: J'en fais la proposition.
Le président: Voulez-vous en discuter? Est-ce que vous m'autorisez à aller de l'avant avec cette liste, étant convenu, bien sûr, que si vous voulez ajouter des témoins, une majorité de voix suffira pour le faire?
(La motion est adoptée.)
Par conséquent, nous allons donc aller de l'avant et si vous avez d'autres noms à proposer, veuillez nous en aviser.
J'aimerais maintenant inviter à la table M. Shwan-Patrick Stensil, coordonnateur national de Sortir du nucléaire; M. Norman Rubin, directeur, Recherche nucléaire, Energy Probe; et Mme Elizabeth May, directrice générale de Sierra Club du Canada. Nous avons jusqu'à 13 heures. Je vous demande de faire des exposés de 10 minutes ou moins, si vous le pouvez. S'il y a des choses que vous n'avez pu dire dans votre exposé, vous pouvez toujours essayer de les glisser dans les réponses aux questions. Pour les questions, nos accordons une durée précise comprenant la question et la réponse.
Monsieur Stensil.
M. Shawn-Patrick Stensil (Coordonnateur national, Campagne contre l'expansion du nucléaire): Bonjour à tous et merci. C'est mon premier témoignage devant le comité des Ressources naturelles, alors, soyez gentils, s'il vous plaît.
Mme Elizabeth May (directrice générale, Club Sierra du Canada): Shawn, je pense que c'est la première fois que vous témoignez devant un comité, point.
M. Shawn-Patrick Stensil: Oui, c'est exact.
À mes côtés, j'ai deux personnes qui pensent que je travaille sur les questions reliées à l'énergie nucléaire depuis ma naissance. C'est juste pour dire que je suis en excellente compagnie ici. J'espère au moins que mon inexpérience aura son charme et que vous trouverez la présentation utile.
Sortir du nucléaire est un organisme qui a été fondé en 1989. Il s'agit d'une coalition pancanadienne d'organismes qui oeuvrent dans le but de faire cesser le recours à l'énergie nucléaire au Canada. Au cours de nos 13 ans d'existence, nous avons entrepris un certain nombre de choses, comme le travail sur le budget du nucléaire, par lequel nous avons exposé les subventions permanentes accordées à l'industrie nucléaire. Nous avons également travaillé sur les expéditions de combustible MOX au Canada, et nous avons dressé la première carte atomique du Canada, travail inédit, sur laquelle sont indiqués tous les sites nucléaires au Canada.
L'objectif Sortir du nucléaire est l'élimination de l'énergie nucléaire au Canada; partout dans le monde, les gens délaissent l'énergie nucléaire. Énergie atomique du Canada, que le comité devrait très bien connaître, célèbre cette année son 50e anniversaire. Il s'agit d'une excellente occasion de discuter et de débattre du rôle futur de l'énergie nucléaire. Nous prétendons qu'après 50 ans de promesses, l'énergie nucléaire n'est plus une promesse, mais plutôt une suite de promesses non tenues. Avec l'avènement de Kyoto et l'élaboration d'un plan d'énergie durable pour le Canada, nous devrions envisager l'élimination du recours à l'énergie nucléaire.
Á (1140)
[Français]
Présentement, avec nos partenaires du Québec, on s'emploie de façon active à promouvoir la fermeture de Gentilly-2, qui est prévue pour 2008; Point Lepreau, pour sa part, doit être fermé en 2006. Il apparaît déjà évident que le Canada se retire du nucléaire. Mais il faut faire un choix.
Il se peut que d'ici 10 ans, l'Ontario soit la seule province canadienne à utiliser encore l'énergie nucléaire au Canada. On croit que cela remet en question le programme de soutien de l'énergie nucléaire au Canada.
[Traduction]
Notre nom en français est Sortir du nuclaire. On retrouve dans le monde d'autres organismes oeuvrant à l'élimination du recours à l'énergie nucléaire. En France, il y a un organisme appelé Sortir du nucléaire, et même en Suisse, Sortir du nucléaire tiendra un référendum au cours de l'année qui vient sur l'avenir de l'énergie nucléaire.
C'est pour ces raisons que nous voulons affirmer notre opposition au projet de loi C-4. Nous avons comme argument que l'industrie nucléaire est déjà soutenue par tout un réseau de subventions et de béquilles législatives et qu'il ne s'agit pas d'une activité durable. Par ailleurs, l'énergie nucléaire n'est pas une solution au changement climatique malgré les affirmations contraires de l'industrie. En effet, elle n'a pas été retenue dans le Protocole de Kyoto. À cause de son coût élevé et des problèmes environnementaux graves qu'elle entraîne, cette forme d'énergie n'a pas été jugée, par les pays du monde, comme une mesure de remplacement acceptable. Alors, nous croyons qu'il ne faut pas tenir compte de ces allégations. En effet, le projet de plan énergétique fédéral élaboré en réponse au Protocole de Kyoto ne fait pas mention de l'énergie nucléaire.
Il est également important de souligner qu'en 2002, les subventions accordées à Énergie atomique du Canada Limitée ont atteint 210,5 millions de dollars. Il s'agit d'un sommet depuis 1987. Si le gouvernement croit que nous remontons trop loin et que cette industrie est compétitive, il est évident que l'on continue encore aujourd'hui à voler à son secours et le comité devrait examiner cette question. En effet, en l'an 2000, les fonds consacrés aux énergies renouvelables étaient 17 fois moins élevés que ceux qui ont été consacrés au nucléaire. Je crois donc que nous avons un problème de priorité et le projet de loi C-4 démontre qu'elles ne sont pas à la bonne place.
Fondamentalement, dans le cas du projet de loi C-4, notre question est la suivante: qui sort gagnant? Étant une coalition, Sortir du nucléaire est constitué d'organismes dont les tendances idéologiques varient. M. Norman Rubin, d'Energy Probe, serait en faveur de la privatisation et serait à droite dans le spectre idéologique. Elizabeth May, qui est directrice générale du Sierra Club, pourrait très bien être perçue comme étant à gauche. Ce qui est intéressant dans ces deux perspectives, c'est que ces deux personnes qui oeuvrent dans le domaine de l'énergie nucléaire depuis 25-27 ans—quel que soit mon âge—s'opposent au projet de loi C-4. Pourquoi le gouvernement cherche-t-il à aller de l'avant avec cette question comme s'il s'agissait d'une priorité, alors qu'une discussion plus approfondie serait nécessaire? Ce projet de loi dilue encore davantage la responsabilité des gens face à la contamination nucléaire. C'est pourquoi nous croyons qu'il faut l'abandonner.
Pourquoi? Parce que la décontamination des sites nucléaires au Canada est un problème permanent et extrêmement complexe et il faut en être conscient. En effet, le rapport de la Commissaire à l'environnement et au développement durable signale que le Canada a du mal à régler le problème de l'héritage toxique que constituent les mines d'uranium abandonnées de la Saskatchewan, les sites de déchets toxiques sur les terres fédérales ainsi que les étangs bitumineux du port de Sydney, comme vous le savez sans doute.
L'industrie nucléaire prétend que cette disposition de la loi est une anomalie, mais nous estimons que si vous regardez le réseau de subventions et de textes législatifs, comme la Loi sur la responsabilité nucléaire, élaboré pour soutenir cette industrie, nous devrions plutôt regarder le tableau d'ensemble avant d'aller plus avant. En effet, Centre nucléaire a déjà comparu devant ce comité, notamment au sujet des révisions ou des amendements touchant la Loi sur la responsabilité nucléaire. Cette question a traîné en longueur. Les seuls à sortir gagnants de l'adoption de cette disposition seraient l'industrie nucléaire ou les banques. L'industrie nucléaire est protégée, les banques sont protégées, les exploitants sont protégés, mais qui protège le public?
Á (1145)
Nous sommes ici devant une initiative de Bruce Power. Nous supposons que c'est à cause de Bruce Power que ce projet de loi a été déposé. Le 12 septembre, Bruce Power a été convoqué devant la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Sa société mère, British Energy, une des rares sociétés d'énergie nucléaire cotées en bourse dans le monde—ce qui montre à quel point cette industrie est compétitive—est devenue insolvable et a dû être renflouée jusqu'au 29 novembre. La CCSN remet en question la capacité de Bruce Power de remplir ses obligations en vertu du permis qu'elle lui a accordé et, effectivement, Bruce Power doit faire des rapports hebdomadaires. Lorsqu'on a lui demandé ce que la société entendait faire pour se remettre sur les rails, M. Hawthorne a affirmé que les possibilités pour se garantir contre l'insolvabilité comprenaient «l'assurance contre un arrêt du réacteur, créer notre propre cote de solvabilité, ce qui est très très vraisemblable étant donné nos antécédents opérationnels jusqu'à maintenant, moyennant certaines modifications législatives que nous espérons voir adopter».
Ainsi, nous exhortons le comité à faire passer les intérêts du public en premier et, avant d'aller plus avant avec cette initiative de Bruce Power, d'avoir un débat plus approfondi sur la question. Notre recommandation, c'est que nous devrions abandonner ce projet de loi. Mes collègues à gauche et à droite vous donneront d'autres raisons, en jargon juridique, démontrant pourquoi ce projet de loi devrait être rejeté.
Mme Elizabeth May: Si vous le permettez, monsieur le président, je prendrai la suite.
C'est avec un certain regret que je constate que j'ai effectivement travaillé sur les questions reliées à l'énergie nucléaire depuis plus longtemps qu'il est au monde. Il ne me l'avait pas fait remarquer auparavant.
Il est vrai que sur la question de la privatisation, Sierra Club Canada n'a pas pris de position. C'est une question très délicate. Dans certains secteurs, nous croyons que la privatisation représente des risques énormes pour le public, mais dans d'autres, nous ne nourrissons pas le même degré de préoccupation. Alors, pour que ce soit clair au compte rendu, notre organisme n'a pas de position arrêtée sur la question de la privatisation, mais il ne croit pas dans la sagesse infaillible des forces du marché, comme le fait l'organisme de M. Rubin.
Les points fondamentaux que je veux faire ressortir sont liés au fait que des témoins qui ont comparu auparavant vous ont raconté beaucoup de balivernes concernant cette loi. J'espère que vous me pardonnerez d'être aussi franche, mais l'interprétation de cette disposition comme question de droit a été considérablement obscurcie par des témoins précédents.
Laissez-moi traiter d'abord de l'exposé de l'Association nucléaire canadienne. On retrouve ici certains concepts de droit qui ont été complètement embrouillés. La notion de responsabilité est une notion cruciale. Ce projet de loi ne crée pas de responsabilité automatique pour les banques et les autres investisseurs dans l'industrie nucléaire. La Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires ne crée pas de responsabilité automatique pour les investisseurs comme on vous l'a affirmé, non plus que le paragraphe 46(3), reformulé pour faire disparaître certains mots jugés offensants—«ou tout autre personne ayant un intérêt reconnu en droit»; l'élimination de ces mots n'a aucun sens d'un point de vue de politique publique.
Laissez-moi vous expliquer. Comme vous pouvez le voir, il est clair que nous pensons tous que cette tentative visant à immuniser encore davantage l'industrie nucléaire contre les conséquences de ses actions devrait être rejetée entièrement, et je trouve même tout à fait ahurissant que cette question se soit rendue jusqu'à vous. Cette loi a été adoptée assez récemment. On est en droit de penser qu'il y a tout juste cinq ans, le Parlement du Canada était conscient de toutes les ramifications de la loi qu'il a adoptée. Une Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires n'est pas quelque chose que l'on remet sur le tapis parce que son libellé n'a plus de bon sens. M. Godfrey, je pense, a fait remarquer, dans des questions adressées à votre témoin du ministère de la Justice, que le droit n'avait pas changé depuis l'adoption de cette loi. Par conséquent, il est des plus étonnant de constater que tout l'appareil de la Chambre des communes et du Sénat soit mobilisé pour un paragraphe. D'ailleurs, je me demande comment vous allez vous y prendre pour faire l'étude article par article—vous allez être bloqués au premier puisqu'il n'y en a pas d'autre. Il est tout simplement ahurissant que cette question se retrouve devant vous.
Ceci dit, laissez-moi vous indiquer pourquoi je pense que certains témoins vous ont trompés sur les différences qui existent entre ceci et les friches industrielles, par exemple. Oui, il y a eu un problème dans le nettoyage des friches industrielles, parce que les prêteurs ne veulent pas investir dans un acheteur potentiel qui voudrait acheter un site pour le nettoyer, le remettre en bon état et lui redonner une vocation publique utile. Un excellent travail a été fait sur ce point et je vous encourage à entendre d'autres témoins sur cette question. Je vous recommande, en particulier, Angus Ross, ex-dirigeant de SOREMA Insurance, qui a présidé une table ronde nationale sur les friches industrielles. Je pense qu'il sera en mesure de clarifier la confusion qui entoure les différences entre les friches industrielles et ce projet de loi.
Oui, en ce qui concerne les friches industrielles, les banques ont horreur de prendre possession d'une propriété de peur d'être responsables du nettoyage du site toxique. Cette question a été traitée et certains changements s'en viennent. Mais cette disposition, à savoir le paragraphe 46(3), ne confère pas une responsabilité aux prêteurs, loin de là. Elle crée un pouvoir discrétionnaire—et je vais insister sur le mot discrétionnaire—auprès de la Commission canadienne de sûreté nucléaire qui lui permet, après des audiences publiques, de désigner des parties responsables pour le nettoyage d'une contamination bien précise dans un endroit bien précis. Le libellé du paragraphe 46(3) ne comporte aucunement l'idée d'une responsabilité automatique pour quelque investisseur que ce soit quant aux répercussions ou aux dommages découlant de leur action. Même dans le cas contraire, la Loi sur la responsabilité nucléaire, un texte de loi distinct, fait en sorte que l'industrie nucléaire canadienne n'aura jamais à payer le coût réel d'un accident nucléaire grave.
Á (1150)
Je vais mettre de côté la question de la responsabilisé et m'attacher simplement à continuer de démontrer pourquoi c'est différent. Le paragraphe 46(3) crée un pouvoir discrétionnaire, non automatique, permettant à la Commission canadienne de sûreté nucléaire, après des audiences, de déposer un avis de contamination. Ensuite, la Commission peut ordonner au propriétaire ou—ici encore on trouve un autre niveau discrétionnaire, étant donné que l'investisseur est encore distant d'une étape—l'occupant ou toute autre personne ayant un intérêt reconnu en droit dans ce lieu de prendre les mesures réglementaires pour le décontaminer. Même une lecture ordinaire de ce paragraphe n'indique pas que toutes les personnes rattachées à un projet sont responsables de payer des sommes astronomiques parce qu'elles ont tué tout le monde sur le terrain voisin. Cela signifie que vous devez nettoyer les dégâts. Il s'agit de quelque chose de raisonnable, qui concorde parfaitement avec la loi et la politique en vigueur au Canada et il est tout à fait scandaleux que ces mots soient maintenant jugés offensants. La seule chose qui a changé depuis l'adoption de cette loi, comme l'a signalé mon collègue Shawn-Patrick Stensil, c'est qu'un exploitant de la centrale Bruce, provenant du secteur privé, est à la recherche d'investisseurs et qu'il a peur de problèmes éventuels. À vrai dire, cela ne me ferait rien que ce paragraphe crée une responsabilité, mais il ne le fait pas. Le paragraphe dit simplement que la Commission canadienne de sûreté nucléaire peut, après une audience publique, décider que le nettoyage et la décontamination du site contaminé nécessitent une action de la part d'un certain nombre de personnes décrites par la loi et que dans cette liste de personnes figurent les personnes ayant un intérêt reconnu en droit dans le lieu nécessitant un nettoyage.
Je me suis débattu avec les comptes rendus des témoignages antérieurs devant ce comité pour trouver des exemples dans d'autres domaines de la loi, d'autres approches adoptées par le gouvernement fédéral devant des problèmes. Cela peut sembler un peu tiré par les cheveux, mais ce qui m'est venu à l'esprit, c'est la solution adoptée par le gouvernement fédéral lorsqu'il a dû faire face à des responsabilités et à des revendications dans le cas des pensionnats; il n'a aucunement hésité à se tourner vers des tiers, n'importe qui qui avait de l'argent, en l'occurrence l'Église anglicane, l'Église catholique et d'autres personnes qu'il a pu trouver. Dans le cas qui nous préoccupe, pourquoi le Parlement du Canada décide-t-il que si le gouvernement fédéral a besoin que quelqu'un fasse un nettoyage, il doit exonérer de toute responsabilité certaines des personnes les plus riches dans les parages, c'est-à-dire les investisseurs privés? Ce n'est pas une politique habituelle.
Le projet de loi C-4 devrait être rejeté. Il vous faut entendre d'autres témoins. On ne devrait pas en forcer l'adoption, car il s'agit d'une question de politique publique importante et, vraiment, on ne peut comprendre pourquoi elle se trouve devant vous.
Je conclurai sur ce point. Le public canadien et le Parlement du Canada n'ont jamais eu une forme quelconque de débat, ou de discussion, ou de commission royale sur les avantages ou les bienfaits d'avoir une industrie nucléaire dans ce pays. Il y a eu un ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources dans l'histoire du Canada qui a réclamé un tel débat et un examen public. Il s'agissait de Ray Hnatyshyn à l'époque où il était ministre de l'Énergie dans le gouvernement de Joe Clark. Malheureusement, à cause de la durée éphémère de ce gouvernement, ce débat public n'a jamais eu lieu. Il est grand temps d'avoir un véritable débat public sur une industrie qui constitue un fardeau fiscal énorme, un éléphant blanc radioactif. Nous n'en avons pas besoin et nous n'avons certainement pas besoin de charcuter la législation existante pour rendre la vie encore plus facile à une industrie dont personne ne veut plus.
Merci.
Je cède maintenant la parole à Norm Rubin.
Á (1155)
M. Norman Rubin (directeur, Recherche nucléaire, Energy Probe): Merci.
Il existe plusieurs considérations de politique générale valables qui font que nous ne devrions pas adopter ce projet de loi. D'après les calculs certes approximatifs d'Energy Probe, l'industrie nucléaire au Canada a fait perdre jusqu'à maintenant entre 30 et 40 milliards de dollars au pays. La province de l'Ontario, à elle seule, a perdu plus de 30 milliards de dollars parce qu'Hydro Ontario s'est attachée à utiliser des technologies non éprouvées, peu fiables et non compétitives. Ce montant, malheureusement, a augmenté depuis que le gouvernement de l'Ontario a imposé une vocation plus commerciale à Hydro Ontario, vocation qui devait soi-disant responsabiliser les nouvelles composantes de la société et empêcher la dette payée par les contribuables d'augmenter. Or, la dette a augmenté, mais pas les profits.
En outre, cet investissement, qui devait assurer la sécurité de l'approvisionnement en énergie, et surtout, en électricité, a eu pour effet de détruire cette sécurité. Si l'on devait cerner un seul facteur en Ontario qui expliquerait les pannes de courant généralisées et localisées que nous avons connues l'été dernier, et que nous connaîtrons cet hiver et l'été prochain, il serait impossible de ne pas mettre en cause les «centrales nucléaires Candu» ou encore la fermeture des réacteurs des centrales Bruce A et Pickering A, dont six doivent, et c'est déjà prévu depuis un bon moment, être remis en service. Depuis le 1er janvier 1998, les huit réacteurs des centrales Bruce A et Pickering A fonctionnent moins bien que les éoliennes et les capteurs solaires en opération dans le monde. Il est difficile de trouver une éolienne qui ne fonctionne pas depuis le 1er janvier 1998. Il est difficile de trouver un capteur solaire qui n'a pas, pendant au moins une journée ensoleillée, généré de l'énergie permettant de faire fonctionner, par exemple, un ordinateur, une montre ou une calculatrice. Les centrales Pickering A et Bruce A, les milliards de dollars investis à même les fonds publics, la contamination de lieux, les dommages radioactifs, les atteintes à l'environnement, probablement jusqu'à la fin des temps, n'ont produit qu'une dette encore plus lourde que devront assumer les contribuables.
Nous avons entendu dire que les propriétaires de lieux contaminés, surtout leurs prêteurs et leurs investisseurs—des lieux comme les centrales Pickering A et Bruce A, mais également les petites centrales artisanales—sous l'égide du consortium Bruce Power, semblent s'opposer au pouvoir discrétionnaire conféré à la Commission canadienne de sûreté nucléaire, un organisme de réglementation que je n'hésite pas à critiquer parce qu'il est trop proche de l'industrie réglementée et qu'il ne défend pas assez les intérêts des victimes éventuelles de cette technologie. Ce même organisme de réglementation menace maintenant d'utiliser ce pouvoir discrétionnaire pour s'en prendre aux parties intéressées de façon aléatoire. Voilà le problème que ce projet de loi cherche à régler.
 (1200)
Or, le problème, s'il y en a un, c'est que les personnes qui cherchent à vendre une partie de Bruce Power, qui cherchent à obtenir une cote de crédit, ou leurs banques, craignent que, si elle doit choisir entre obliger le titulaire d'un permis à nettoyer un lieu contaminé autorisé, ou obliger le responsable, le propriétaire ou l'administrateur d'un lieu contaminé non autorisé, si on en trouve un, à nettoyer celui-ci, la Commission canadienne de sûreté nucléaire, après avoir tenu une audience publique, au cours de laquelle tous les intervenants peuvent exprimer leurs vues, même ceux qui se sentent menacés, ne décide néanmoins, pour des raisons qui vraisemblablement ne sont pas dans l'intérêt public—je ne sais pas ce qui la pousserait à agir ainsi—de passer par dessus ceux qui ont contaminé les lieux. Elle passerait par-dessus le propriétaire, le gestionnaire, et s'attaquerait directement à la Banque Canadienne Impériale de Commerce ou au Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario. On craint, semble-t-il, dans certains milieux, que l'organisme de réglementation de l'industrie nucléaire au Canada n'agisse de façon irrationnelle. Or, j'ai fait affaire, pendant des dizaines d'années, avec l'organisme de réglementation de l'industrie nucléaire au Canada, et je peux vous dire que cette crainte, malheureusement, n'est pas fondée.
Par ailleurs, cet amendement de portée limitée pose un autre problème, si l'on tient compte du contexte dans lequel il s'applique. Shawn-Patrick a déjà parlé des nombreuses subventions que reçoit l'industrie, dossier dans lequel j'interviens depuis quelques décennies. Toutefois, je veux vous parler non seulement des subventions en général, mais également des limites de responsabilité. S'il y a une loi que j'ai, pendant très longtemps, essayé de faire révoquer, c'est la Loi sur la responsabilité nucléaire.
La Loi sur la responsabilité nucléaire donne à cette industrie particulièrement dangereuse, toxique et polluante, la garantie qu'en cas de catastrophe, non pas sur l'une de ses propriétés, mais à l'extérieur de celles-ci, sa responsabilité à l'égard des personnes blessées, des pertes subies, qu'il s'agisse de pertes touchant les biens, la santé, la vie, l'approvisionnement en nourriture ou en eau, sera limitée à 75 millions de dollars. De plus, seul le titulaire du permis assumera cette responsabilité. Or, supposons qu'un accident—et espérons que ça ne soit pas le cas—se produise à la centrale Darlington, Bruce ou Pickering, que nous soyions obligés d'évacuer le sud de l'Ontario pendant quelques centaines d'années, et que nous trouvions la note de service, la preuve tangible, dans laquelle Westinghouse, General Electric ou un autre fournisseur avoue, en confiance, avoir livré une pièce qui pourrait causer un accident et nous obliger à évacuer le sud de l'Ontario pendant des centaines d'années. Il est peu probable qu'un tel accident se produise et qu'on trouve une telle note, mais si cela devait se produire, l'entreprise qui a émis la note de service ne se verrait imposer aucune responsabilité financière. C'est ce que dit la loi en vigueur au Canada. De toutes les lois qu'a adoptées le Canada, c'est la pire. Je mets quiconque au défi d'en trouver une qui lui dame le pion.
 (1205)
J'ai contesté cette loi devant les tribunaux et que j'ai vu avec quelle énergie et quelle habileté le gouvernement fédéral, Hydro Ontario, la Société d'énergie du Nouveau-Brunswick et, indirectement, leurs fournisseurs, ont su défendre, à grands frais, leur point de vue. Ils ont laissé entendre qu'il serait impossible pour eux de trouver des fournisseurs si cette loi n'existait pas. Ils n'en trouveraient aucun. Cet argument a impressionné le juge qui entendait la cause, mais il ne nous a pas convaincus. D'après les règles de responsabilité en vigueur au Canada, si je vide un contenant rempli d'épis de maïs sur le terrain de mon voisin, c'est moi qui doit nettoyer le tout, pas le gouvernement fédéral, les contribuables, nos petits-enfants. C'est ma responsabilité. Toutefois, si je jette pour plus de 75 millions de dollars d'épis de maïs radioactifs sur son terrain, je ne suis pas responsable. C'est ce que dit la loi, et ceux qui se cachent dernière celle-ci soutiennent qu'elle doit continuer de les protéger. Ils me font penser à ceux qui se trouvent à l'intérieur d'un abri à l'épreuve des balles et qui nous disent que les balles ne nous blesseront pas. Quand nous leur demandons de sortir de l'abri et de répéter ce qu'ils ont dit, ils refusent. Quand nous essayons d'ouvrir la porte, ils tirent sur celle-ci. Les actes sont plus éloquents que les paroles. Tout ce que je peux dire, c'est que s'il n'existait pas de protection spéciale à l'égard de la responsabilité, il n'y aurait pas d'industrie nucléaire qui contamine des lieux.
Il existe en science politique et en économie un principe bien établi, soit la théorie de l'optimum-second. Même si la modification proposée ici, prise hors contexte, est tout à fait raisonnable par rapport à la loi existante—et je suis d'accord avec Elizabeth May quand elle dit qu'elle n'est ne l'est pas—et que vous croyez qu'elle l'est, est-ce que le public, une fois ce petit «problème» réglé, s'en trouvera mieux? Aurons-nous contribué à faire de la planète un endroit plus sécuritaire? Ou aurons-nous permis aux aliénés de diriger l'asile?
Ce que nous avons fait, c'est rendre certains associés d'une entreprise exceptionnellement irresponsable—et j'utilise ce terme dans son sens juridique—encore moins responsables. Pourquoi ferions-nous de l'industrie la plus irresponsable au Canada une industrie encore moins responsable? Comment allons-nous, avec ce projet de loi, créer un régime de responsabilité plus raisonnable? Et je dis cela en partant du principe que cette modification est raisonnable, que l'organisme de réglementation de l'industrie nucléaire va vraisemblablement s'attaquer aux responsables en procédant de façon aléatoire.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant passer aux questions. S'il nous reste du temps, nous ferons un autre tour de table.
Monsieur Chatters.
M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Je ne sais pas vraiment où commencer, parce que les témoins ont abordé tellement de sujets qui dépassent la portée du projet de loi que nous examinons aujourd'hui. C'est incroyable. Je suis d'accord avec la plupart des observations qui ont été faites au sujet de la Loi sur la responsabilité nucléaire. Cette loi est dépassée et ne répond plus aux besoins. Toutefois, il n'est pas question de cela aujourd'hui.
Mme May dit que cette disposition, dans sa forme actuelle, ne confère aucune responsabilité. Elle dit ensuite qu'aucune entreprise disposant de gros moyens devrait être libérée de cette responsabilité. Cela n'a aucun sens.
Bien entendu, le groupe Campaign for Nuclear Phaseout semble être contre ce projet de loi parce qu'il permet d'assurer la viabilité d'un réacteur et d'un secteur de l'industrie nucléaire. On s'y opposerait de toute façon si on portait un tel nom, puisque le projet de loi pourrait contribuer à réduire la viabilité de l'industrie. Je ne trouve pas cela tellement logique.
Il n'est question ici que d'une seule chose, soit de la capacité qu'a l'industrie de recueillir des fonds pour financer ses projets. À mon avis, les banques ou les institutions financières privées ne seraient pas plus disposées à accepter la responsabilité dans le cas d'un projet d'éolienne ou de capteur solaire, ou d'un projet lancé par l'industrie sidérurgique. On a parlé des étangs bitumeux de Sydney. Pourquoi le secteur financier privé accepterait-il davantage d'assumer la responsabilité dans ces secteurs d'activités? Ce que l'on cherche à faire avec ce projet de loi, c'est de savoir s'il est juste et raisonnable d'imposer une responsabilité au secteur financier privé pour l'exploitation des réacteurs de la centrale Bruce. Je ne vois pas pourquoi on devrait le faire dans ce cas-là, tout comme je ne vois pas pourquoi on devrait le faire dans de nombreux autres cas. On va dire que la responsabilité est beaucoup plus grande dans l'industrie nucléaire. Or, elle ne l'est pas, bien entendu, en raison de la Loi sur la responsabilité nucléaire. La limite est fixée à 75 millions de dollars. De toute façon, cette limite est secondaire et le demeurera tant que la loi n'aura pas été modifiée.
Je trouve malheureux qu'on n'ait pas insisté davantage sur le projet de loi lui-même, qu'on ait tellement parlé des écoles résidentielles, des étangs bitumeux de Sydney et de la Loi sur la responsabilité nucléaire. Je voudrais tout simplement savoir ce qu'en pensent les témoins, parce que je n'ai pas vraiment de question à leur poser.
 (1210)
Le président: Madame May.
Mme Elizabeth May: Monsieur Chatters, je n'ai peut-être pas été très claire. Ce que j'ai voulu dire—et je veux éviter toute confusion à ce sujet—c'est que le pouvoir discrétionnaire qu'a, dans ce cas-ci, l'organisme de réglementation d'imposer une responsabilité à un groupe établi de joueures varie en fonction des lois. Norman l'a très bien expliqué: pourquoi l'organisme de réglementation s'attaquerait-il à ces personnes en procédant, non pas de façon cohérente, mais de façon aléatoire? Le libellé précise qu'il faut «prendre les mesures réglementaires pour le décontaminer». Il ne dit pas qu'il faut créer une responsabilité pour les dommages causés hors site, pour les torts causés à ceux qui pourraient être exposés à la contamination. Il ne crée pas de responsabilité automatique pour ce qui est de la décontamination. Il permet à un organisme de réglementation, après la tenue d'une audience publique, d'ordonner ou non aux propriétaires, aux titulaires de permis et autres personnes de prendre les mesures réglementaires pour décontaminer le lieu.
Ce que j'essaie de dire—et, manifestement, je ne me suis pas bien expliquée—c'est que l'argument selon lequel le libellé doit être «clarifié» parce qu'il crée une responsabilité illimitée n'est tout simplement pas fondé, si l'on s'en tient à l'interprétation franche de cet article.
Le président: Merci.
Monsieur Rubin.
M. Norman Rubin: Cette première question montre que vous avez peut-être mal saisi nos propos. On peut difficilement imaginer une situation où le plafond de 75 millions de dollars fixé par la Loi sur la responsabilité nucléaire limiterait les coûts de décontamination prévus par le paragraphe 43(6), si je ne m'abuse, de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires. Il n'est ni correct ni logique de faire un tel rapprochement entre les deux. La Loi sur la responsabilité nucléaire s'applique aux émissions hors site de substances radioactives, de même qu'à la contamination et aux dommages hors site causés par ces émissions. Ce que le projet de loi C-4 modifie, c'est le pouvoir qu'a la CCSN d'ordonner qu'un lieu soit, ou non, décontaminé. Le projet de loi ne dit pas que la Commission peut ordonner à un pollueur éloigné de décontaminer...
 (1215)
M. David Chatters: C'est exactement ce que je dis. C'est vous qui avez mentionné la Loi sur la responsabilité nucléaire .
M. Norman Rubin: C'est vrai. Et je veux vous expliquer comment les deux peuvent s'appliquer, parce que...
Le président: Votre temps est écoulé. Je vais essayer de vous accorder deux minutes chacun à la fin pour vos observations finales. Cela dépendra de ce que feront mes collègues.
Monsieur Cardin.
[Français]
M. Serge Cardin: Merci, monsieur le président. Madame, messieurs, soyez les bienvenus.
Je sais qu'on pourrait débattre encore du niveau de responsabilité à l'égard de la décontamination, mais il est évident que malgré la simplicité de cet amendement, d'importantes questions restent sans réponse.
Madame May, je dois malheureusement vous informer du fait qu'on ne pourra pas entendre d'autres témoins; il nous est impossible d'empiéter sur l'ensemble du dossier du nucléaire et sur la préoccupation de la population et des risques qui peuvent être encourus à long terme.
L'Association nucléaire canadienne, qui est venue mardi dernier, nous confirme, à toutes fins pratiques, qu'aucun champ d'application de l'industrie nucléaire n'a été confronté à des problèmes concernant cet article, mais que ce dernier a peut-être eu comme effet d'empêcher les institutions financières d'investir. Par contre, les principaux intéressés, soit Bruce Power et probablement aussi le gouvernement de l'Ontario, par l'entremise de tous les organismes qui existent dans cette province, ne sont jamais venus témoigner ici à propos de ce projet de loi. On constate par ailleurs que le principal intéressé est actuellement aux prises avec des problèmes financiers. On sait très bien que lorsqu'une entreprise a des difficultés financières, la sécurité peut être négligée, avec tous les risques que cela représente.
Peu importe ce que vous pensez du niveau de décontamination ou de la responsabilité qui s'y rattache, je demeure convaincu que cet article de la loi a comme principal objectif de favoriser le développement des centrales nucléaires. Auparavant, compte tenu de cette responsabilité qui était précisée et malgré les limites qui pouvaient exister, personne n'osait accorder de prêts.
On n'a jamais débattu de la prolifération des centrales nucléaires et de la possibilité de se retirer du nucléaire.
Or, j'aimerais savoir ce qu'on pourrait faire de plus, selon vous, dans le domaine du développement des centrales nucléaires et comment on pourrait y arriver. C'est une question que mon ami, M. Comartin, et moi-même, abordons à l'occasion, mais nous nous frappons à un mur. Ce mur est de taille, mais je crois qu'on devrait pousser plus loin les témoignages afin de sensibiliser nos amis d'en face. On ne peut pas le faire étant donné qu'on est limités dans notre intervention.
Je crois pertinemment qu'on devrait mettre fin au nucléaire, compte tenu de tout ce que ça représente. Mais il reste que c'est un domaine qui comporte toutes sortes d'activités: il y a les centrales nucléaires, mais il y a aussi tous les autres champs d'application, en médecine et ailleurs. À ce jour, dans ces secteurs, ils n'ont pas de problèmes de financement.
J'aimerais vous donner la chance de vous exprimer davantage sur la question.
[Traduction]
Le président: Madame May, vous avez deux minutes.
[Français]
Mme Elizabeth May: Merci.
C'est vraiment dommage qu'on ne puisse pas entendre les autres témoins.
[Traduction]
La prolifération des centrales nucléaires n'a jamais posé de problèmes en Amérique du Nord depuis 1978. Aucun réacteur nucléaire n'a été construit depuis 1978, notamment parce que ces réacteurs ne sont tout simplement pas rentables. Comme les habitants de l'Ontario le savent très bien, les erreurs commises lors de la construction de grandes centrales nucléaires qui, comme mon collègue M. Rubin l'a indiqué, manquent de fiabilité et représentent un coût permanent pour les contribuables ainsi qu'un risque pour les générations futures, font que nous nous retrouvons avec une dette énorme. Il est évident que nous ne pouvons pas nous fier à l'énergie nucléaire. Ce n'est pas l'industrie qui est à blâmer, comme l'a indiqué M. Chatters, mais plutôt la politique du gouvernement. Le secteur privé, lui, n'y est pour rien.
Vous avez tout à fait raison de dire que les personnes qui ont pris en charge Bruce Power sont aux prises avec de sérieux problèmes financiers et qu'elles risquent même la faillite. Elles sont confrontées à de graves problèmes en Grande-Bretagne. On cherche, en fait, à aider l'entreprise à obtenir des prêts afin qu'elle puisse rester à flot, sauf que les coûts que devront assumer, à long terme, les habitants de l'Ontario, les contribuables du Canada, ne feront qu'augmenter.
Je pense que M. Rubin souhaite ajouter quelque chose.
 (1220)
M. Norman Rubin: La situation concernant Bruce Power est digne d'intérêt. Si un accident, qui a ou non un impact hors site et qui fait ou non intervenir la Loi sur la responsabilité nucléaire , se produit et qu'il a pour effet de contaminer les installations, tout ce que peut faire l'organisme de réglementation en vertu de la nouvelle Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, si le projet de loi C-4 est adopté, c'est dire à Bruce Power qui, à ce moment-là, n'aura peut-être plus suffisamment d'argent, de décontaminer les lieux. La Ontario Power Generation, si j'ai bien compris, ne serait pas visée par la décision de l'organisme de réglementation. Elle est peut-être en train de prendre en charge progressivement les intallations, vu que les conditions du bail n'ont pas été respectées. On pourrait assister à des poursuites compliquées qui mettraient beaucoup de temps à être réglées. Entre-temps, les coûts de décontamination ne pourraient pas être refilés à quelqu'un qui dispose de gros moyens.
Le président: Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: Rapidement, monsieur Rubin, voulez-vous continuer?
M. Norman Rubin: Cela rassure peut-être ceux qui pourraient contaminer les installations de la centrale Bruce, ou je devrais dire les contaminer davantage, puisqu'elles le sont déjà. Toutefois, nous devons nous demander si nous agissons ainsi dans l'intérêt du public, car nous risquons de créer un écran artificiel qui protège une personne contre toute responsabilité au motif qu'elle n'a pas d'argent.
Fait intéressant, la Commission canadienne de sûreté nucléaire vient de franchir un pas très important dans le domaine de la réglementation nucléaire au Canada, en intervenant dans ce nouveau monde que constituent les locataires privés de centrales nucléaires. Elle a exigé que Bruce Power, qui appartient à la British Energy du Royaume-Uni, qui est essentiellement insolvable, montre qu'il dispose de réserves d'au moins 222 millions de dollars, si je ne m'abuse, réserves qui lui permettraient d'administrer les installations pendant six mois, même si elles ne génèrent pas d'électricité, même si elles ne génèrent pas de revenus. Les centrales Pickering A et Bruce A ne l'ont pas fait pendant plus de six mois. La CCSN se trouve donc à intervenir dans le domaine de la réglementation financière, chose qu'elle jamais fait dans le passé. Je pense que tous ceux ici présents s'entendent pour dire que la Commission a pris la décision qui s'imposait, dans le but d'éviter qu'on se retrouve dans une situation où une entreprise ne disposant pas de fonds se charge d'assurer la sécurité, la sûreté, le fonctionnement des pompes de refroidissement et de tout le matériel jugé important dans une centrale nucléaire qui est fermée. Je tiens à préciser que ce montant est trois fois plus élevé que le montant que recevraient les victimes d'un accident ou d'une catastrophe nucléaire.
Quoi qu'il en soit, la CCSN est en train d'apprendre, lentement, ce que veut dire le fait d'imposer une responsabilité en cas d'accident nucléaire. On ne peut pas s'attendre à ce qu'un gouvernement augmente les taxes chaque fois qu'un accident se produit pour couvrir les frais de nettoyage. Qu'arrivera-t-il, en fait, si un accident se produit, un accident qui acculera assurément la Bruce Power et ses partenaires à la faillite et qui , bien entendu, contaminera les installations? Combien de temps faudra-t-il attendre avant que quelqu'un assume cette responsabilité en vertu du projet de loi C-4, avant que quelqu'un s'occupe de décontaminer les lieux?
 (1225)
M. Joe Comartin: En fait, le risque de contamination va augmenter si les quatre autres réacteurs entrent en service, n'est-ce pas? Donc, à l'heure actuelle, les lieux ne sont pas uniquement contaminés par ces quatre réacteurs. Il y en a quatre autres qui vont le faire, s'ils finissent par obtenir les prêts demandés.
M. Norman Rubin: On prévoit en mettre deux autres en service à la centrale Bruce. Bien entendu, les réacteurs qui ont été fermés ne présentent aucun danger. Il ne pourrait pas y avoir d'accident ou de catastrophe nucléaire parce les réacteurs sont fermés depuis très longtemps. En fait, il n'y a plus de combustible nucléaire dans les réacteurs de la centrale Bruce A. Ils ne présentent aucun danger. Toutefois, on cherche à faire en sorte qu'ils présentent encore une fois un danger.
Si je peux...
M. Joe Comartin: Pouvons-nous donner la parole à Mme May? Elle souhaite faire un commentaire.
Mme Elizabeth May: Mon commentaire sera très bref. Je suis d'accord avec Norm quand il dit qu'un réacteur fermé ne pose pas de problèmes pour ce qui est des accidents conventionnels. Toutefois, depuis les événements du 11 septembre, nous devons nous rendre compte que ces installations présentent un risque puisqu'elles peuvent être la cible d'activités terroristes même quand elles sont fermées.
M. Norman Rubin: Pour revenir à ce que je disais il y a quelques instants, si nous risquons davantage de connaître des pannes pendant la remise en service des centrales Bruce A et Pickering A, c'est parce que non seulement elles ne génèrent pas d'énergie, mais elles empêchent d'autres centrales d'en générer. La société d'État pourrait accroître sa capacité de production. Toutefois, elle ne le fait pas parce qu'elle aimerait pouvoir compter sur la fiabilité et l'efficacité de ces réacteurs. Certains producteurs du secteur privé ont dit, et on apprend toutes les semaines, dans la presse d'affaires, qu'un autre producteur a dit la même chose, oubliez cela, ce n'est pas ici qu'on va générer de l'électricité. Une des principales raisons invoquées, c'est que l'éléphant est sur le point de se relever. Un de ces jours, les centrales Pickering A et Bruce A, ou même une partie des installations de Bruce A, vont être remises en service.
Le président: Monsieur Keddy.
M. Gerald Keddy: Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins de comparaître devant nous.
Il me semble entendre deux choses différentes. Je comprends clairement que vous vous inquiétez des générateurs nucléaires et des dommages qu'ils pourraient causer à l'environnement et que vous voudriez qu'il y ait un débat sur l'industrie nucléaire. Le comité pourra se demander si c'est correct ou non une autre fois, j'aimerais bien participer à ces discussions, d'ailleurs. Je pense qu'il faut d'abord réfléchir à votre interprétation de l'amendement. D'une part, Mme May dit qu'il que l'institution financière n'est pas responsable et d'autre part, M. Ruben dit que si un désastre nucléaire survenait, il serait important de pouvoir compter sur quelqu'un qui a beaucoup d'argent. Vous ne pouvez interpréter ce paragraphe des deux façons.
Je répète que je ne suis pas en train de me prononcer à savoir s'il faut lancer un débat sur l'énergie nucléaire. Je serais heureux de tenir un tel débat et je pense que nous devrions nous engager à le faire. Ce que nous devons étudier pour l'instant, toutefois, c'est le libellé de l'article. J'aimerais lire la modification. Le paragraphe 46(3) original dicte que la commission «peut ordonner au propriétaire ou au responsable du lieu, ou à toute autre personne ayant un intérêt reconnu en droit dans ce lieu», ce qui comprend l'institution financière, de prendre des mesures réglementaires. Le nouveau libellé indique plutôt «toute autre personne en ayant l'administration et la responsabilité». Aucun autre secteur dans ce pays ne tient l'institution financière responsable. En termes simplistes, si vous voulez acheter une voiture, vous pouvez emprunter de l'argent pour le faire, mais la banque ne sera pas tenue responsable si vous faites un accident et que vous tuez quelqu'un. Elle ne devrait pas l'être non plus.
Encore une fois, je veux être bien clair. Cela n'a rien à voir avec le fait de vouloir tenir un débat sur l'énergie nucléaire. Le problème, c'est plutôt que j'entends dans vos exposés deux visions différentes à savoir s'il y a responsabilité ou non.
 (1230)
Mme Elizabeth May: Je ne veux pas que nos témoignages semblent contradictoires. En fait, nous disons exactement la même chose. J'utilise le terme «responsabilité» dans un sens juridique. Si quelqu'un est responsable, il est responsable, c'est automatique et non aléatoire. On est responsable de quelque chose parce qu'on fait partie d'une chaîne de responsabilité. Il est question de responsabilité dans cette loi, et dans ce contexte, il s'agit de la responsabilité de décontaminer un endroit après des audiences publiques et des mesures discrétionnaires prises par un organisme de réglementation. Lorsque je parle de responsabilité, je parle de la responsabilité que vous ne rejetteriez pas sur la personne qui a prêté de l'argent à l'automobiliste. L'automobiliste pourrait être responsable, entre autres. Ce paragraphe ne confère aucune responsabilité en ce sens, parce qu'il y est question de la responsabilité financière que pourrait invoquer un organisme de réglementation.
Il y a une autre petite chose que j'aimerais dire rapidement. Il ne fait aucun doute qu'on veut que quelqu'un décontamine les sites radioactifs. Dans le cas de terrains désaffectés, les banques ou les institutions financières sont en fait celles qui doivent en assumer la responsabilité si le propriétaire du terrain où se trouvent des déchets toxiques a manqué à ses engagements et qu'elles en sont devenues les propriétaires.
M. Gerald Keddy: Nous comprenons bien cette disposition. Si le propriétaire original manque à ses engagements et qu'elles en deviennent les propriétaires, c'est elles qui en sont responsables et qui doivent l'être. Personne d'autre ne devrait en assumer la responsabilité, parce que ce sont alors les banques qui en ont « l'administration et la responsabilité ». Cela fait toute la différence. Elles sont effectivement touchées dans ces cas.
Il y a beaucoup d'autres éléments que j'aimerais souligner, mais je vais me limiter à un seul. Vous avez fait plusieurs déclarations, je crois, monsieur Stensil et monsieur Rubin, sur la quantité d'argent consacrée à la recherche nucléaire sous forme de subventions et en raison de toute une série d'autres facteurs. Pour mon propre intérêt et celui des autres députés, j'aimerais voir ces renseignements. Pourriez-vous les transmettre aux membres du comité, parce que j'aimerais bien les regarder.
Le président: Si vous nous envoyez de la documentation, veuillez l'envoyer à la greffière.
Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey: Je vous remercie beaucoup, je dois dire que nous avons beaucoup appris ce matin.
Le premier point sur lequel je suis d'accord avec les témoins, monsieur Comartin et bien d'autres, c'est qu'il serait vraiment important de nous arrêter pour examiner l'ensemble de l'industrie nucléaire. Je trouve vraiment épouvantable que nous ne l'ayons jamais fait au Parlement et qu'aucun ministre n'en ait manifesté la volonté depuis M. Hnatyshyn. A priori, je serais un peu craintif d'entreprendre un tel examen de façon indirecte dans le cadre de cet amendement.
Je n'irai pas par quatre chemins, ce qui me dérange le plus et m'interpelle le plus dans votre témoignage, c'est que plus cette initiative semblera strictement, précisément et clairement liée à la situation de Bruce Power, moins l'idée me plaît. Je suis d'avis que les projets de loi fondés sur un seul cas créent de mauvaises lois. Si je ne me trompe pas, M. Stensil faisait référence dans son mémoire, en septembre, au fait que nous espérions que les choses changent de sorte que nous puissions continuer, mais si c'est la façon dont nous élaborons des politiques publiques, que nous ne nous fondons que sur un cas précis, plus vous pourrez me le prouver, plus je serai susceptible de voter contre cet amendement. Si je vote contre, je ne voterai pas contre la politique du gouvernement, parce que celle-ci ne fait que perpétuer le statu quo de la loi adopté par son prédécesseur. Ce projet de loi gouvernemental est un peu plus récent, mais il me semble plutôt provisoire, jusqu'à ce que soit effectué un examen approfondi.
J'inviterais les témoins à commenter le lien entre Bruce Power et cette initiative.
 (1235)
Mme Elizabeth May:
Je voudrais seulement vous informer que je suis heureuse de vous laisser les transcriptions des audiences qu'a tenues la Commission canadienne de la sûreté nucléaire sur Bruce le 12 septembre dernier et qui portait précisément de cette question, comme M. Stensil l'a dit. Voici la traduction d'une citation de M. Hawthorne, pdg de Bruce Power.
Ce dont j'ai parlé au personnel, c'est de l'éventail de moyens que pourrait prendre Bruce Power pour éviter de se trouver dans une position d'insolvabilité par rapport à la société mère, comme de souscrire une assurance nous protégeant en cas d'arrêts, d'élaborer notre propre cote de solvabilité, ce qui serait très probable compte tenu de nos antécédents à ce jour si certains changements législatifs que nous espérons sont adoptés afin de nous permettre d'établir notre propre fond de roulement |
Le lien est très clair. Il n'y avait pas de réponse crédible, si vous voulez bien m'excuser de caractériser ainsi le témoignage du ministère de la Justice, à savoir ce qui a été changé dans les lois pour qu'il faille maintenant demander la clarification linguistique qui vous est présentée en amendement du projet de loi C-4. C'est l'exemple le plus transparent que j'ai jamais vu de tentative de récrire la loi pour l'adapter à un cas en particulier.
Le président: Si vous avez de l'information sur ce document, vous devriez nous la partager. Il ne sera pas distribué parce qu'il n'est pas dans les deux langues officielles. Je vous le précise pour que vous nous en disiez le plus possible sur ce document.
Mme Elizabeth May: Oui, je vois.
M. John Godfrey: Je voudrais aussi revenir à la question des terrains désaffectés. De grandes choses s'y passent. J'aimerais savoir si c'est la meilleure analogie qu'on puisse faire avec ce projet de loi. Dans le cas de la réglementation sur les terrains désaffectés, la responsabilité n'est applicable que si la banque reprend la propriété du terrain. Je suppose que la première question toute bête à poser reste à savoir si elles doivent en reprendre la propriété ou si elles peuvent refuser, dire qu'elles n'en ont pas besoin afin de ne pas être responsables de sa décontamination? Est-ce la même chose? Si je prête de l'argent à une institution qui contamine un site, est-ce moi qui en reprendra la propriété en tant que prêteur à Bruce Power ou qui que ce soit d'autre? Y a-t-il des différences?
M. Norman Rubin: Je peux répondre en partie à votre question, parce que j'ai posé exactement la même question à Elizabeth May il y a environ une demi-heure.
M. John Godfrey: Oh! C'est bien.
M. Norman Rubin: Elle m'a répondu—et elle peut me corriger si je me trompe—que s'il s'agit d'un prêt garanti, le prêteur n'a pas le choix et devient propriétaire si l'emprunteur manque à son engagement.
Mme Elizabeth May: La situation des terrains désaffectés et des sites contaminés est telle que dans ce cas particulier, le secteur privé est réticent à financer les propriétés posant un risque de contamination élevé. Je ne pense pas que cela soit différent dans l'industrie nucléaire. Quiconque s'apprête à investir dans Bruce sait qu'il investit dans une entreprise qui pourrait tourner au cauchemar financier, en raison du risque que la société ait des problèmes d'insolvabilité et de la nature dangereuse inhérente à ces activités. Puisqu'il y a une politique publique permettant aux organismes de réglementation de trouver de l'aide pour décontaminer le site après coup, s'il le souhaite, j'estime extrêmement peu probable que le libellé du projet de loi actuel dissuade les établissements de crédit, qui connaissent déjà très bien les problèmes auxquels ils s'exposent lorsqu'ils investissent dans des propriétés dont les sols sont contaminés ou qui sont confrontés à d'autres formes de contamination.
Le président: Nous en arrivons maintenant à la deuxième ronde.
Mme Elizabeth May: Je dois vous quitter. Je m'en excuse.
Le président: Je suis profondément désolé, nous ne faisons pas d'exception.
Mme Elizabeth May: Désolée, je m'excuse.
Le président: Les membres du comité sont toujours raisonnables. Êtes-vous d'accord pour allouer deux minutes à Mme May pour lui permettre de conclure ses observations?
Mme Elizabeth May: Oh! Non, je déteste prendre de votre temps, monsieur le président. Je voulais simplement m'excuser de devoir vous quitter si tôt. M. Rubin et M. Stensil vont continuer.
 (1240)
Le président: Je comprends, mais j'ai posé une question à mes collègues et j'attends une réponse. Êtes-vous d'accord?
Vous avez deux minutes, voilà.
Mme Elizabeth May: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Je n'ai pas besoin de deux minutes entières. Je crois que c'est l'un des exemples où la démocratie de notre pays doit s'appliquer. Vous tous, quelle que soit votre affiliation à la Chambre, devez unir vos voix pour en arriver à la seule solution censée à ce projet de loi : le rejeter.
Merci.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
La prochaine ronde sera une ronde de trois minutes. Nous allons peut-être en avoir une autre.
Le comité n'a pas le pouvoir de rejeter des projets de loi. Il a été chargé par la Chambre des communes de l'examiner, mais il incombe à la Chambre de prendre une décision lorsqu'elle l'étudiera.
[Français]
Monsieur Cardin, vous avez trois minutes.
Excusez-moi, monsieur Cardin.
[Traduction]
Il y a de la nourriture à l'arrière pour les membres, les témoins et le personnel de soutien. Lorsque tous auront eu l'occasion de se servir, s'il reste de la nourriture, tout le monde pourra en prendre.
[Français]
Monsieur Cardin.
M. Serge Cardin: Merci, monsieur le président.
J'entends plusieurs choses. Évidemment, quand je regarde le projet de loi strictement du point de vue financier et que je mets mon chapeau de comptable--je suis comptable de formation et j'ai travaillé avec des petites et moyennes entreprises--, je me dis que les institutions financières, normalement, n'ont pas de responsabilités quant aux actions que pourraient poser les gestionnaires.Tel est le danger de cet amendement-là. C'est aussi simple que ça, mais ça cache autre chose. De toute évidence, c'était automatiquement un frein important pour les institutions financières qui avaient des craintes parce que les centrales nucléaires représentent des dangers très importants. Donc, ne connaissant pas le risque, on préfère ne pas s'engager dans cette voie. Mais maintenant, à toutes fins pratiques, le degré de responsabilité étant limité, le risque est envoyé à d'autres paliers, directement au gouvernement, mais aussi à la population.
On disait plus tôt que ce n'était pas rentable et que, nécessairement, l'objectif de privatisation qui est caché derrière cet amendement vise justement à faire entrer le privé à l'intérieur des centrales nucléaires pour les rentabiliser. M. Rubin disait apparemment dans les médias, il y a quelque temps, qu'il valait peut-être mieux appuyer le projet de loi C-4 puisqu'en encourageant la privatisation des installations nucléaires, on finirait par conduire l'industrie nucléaire à la faillite.
Doit-on en conclure qu'il est impossible pour le secteur privé de jouer un rôle dans le secteur nucléaire, au niveau du financement, au niveau de la sécurité et au niveau du domaine nucléaire comme tel?
[Traduction]
M. Norman Rubin: Je vous remercie de poser cette question.
De toute évidence, j'en ai dit plus beaucoup long que ce qui a été cité dans cet article. Si l'article donnait l'impression que j'appuyais le projet de loi C-4, c'est faux. Je suis d'accord pour que des investisseurs prêts à courir les risques que posent les entreprises nucléaires les courent plutôt que les investisseurs, comme moi, qui ne sont pas prêts à le faire. J'essaie de vendre mes actions de Pickering, de Bruce, et de Darlington pratiquement depuis que ces installations ont été construites. Je n'ai pas le droit de les vendre, parce que je paie des impôts en Ontario. Mais j'ai finalement réussi à me départir d'une partie du risque associé à Bruce A et B en raison de la cession au groupe de la British Energy, soit le consortium connu sous le nom de Bruce Power. C'est maintenant lui qui risque de perdre de l'argent si la centrale ne fonctionne pas. Je risque moins gros, mais j'ai encore des risques.
Si je favorise la privatisation, c'est en partie parce que cette technologie demeure risquée, qu'elle utilise des produits toxiques nécessairement dangereux, qu'elle n'a toujours pas été testée et qu'elle n'est pas fiable. Je crois qu'il ne faut pas risquer la santé financière du gouvernement dans ce genre d'investissement. C'est une chose que les gouvernements aident des gagnants et des perdants, mais c'en est une autre et c'est une bien mauvaise idée qu'ils ne financent que des perdants.
Le président: Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: Monsieur Rubin, nous avons entendu des témoignages de l'industrie et de l'Association de la sûreté mardi et aucun témoin ne pouvait expliquer pourquoi le paragraphe 46(3) a été établi en 1997. Avez-vous participé aux audiences? Avez-vous aucune idée des raisons pour lesquelles il l'a été?
 (1245)
M. Norman Rubin: Êtes-vous en train de dire, monsieur Comartin, que ce paragraphe a été ajouté au projet de loi d'abord proposé?
M. Joe Comartin: Non. Nous ne pouvons pas comprendre pourquoi le paragraphe 46(3) a pu être établi lorsque la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires a été adoptée en 1997, ni à quoi le comité a pensé, ni ce à quoi la Chambre a pensé lorsqu'elle l'a adopté. Avez-vous quelque renseignement à ce propos?
M. Norman Rubin: Si je ne me trompe pas, le projet de loi a été essentiellement rédigé par le secrétaire de la Commission de contrôle de l'énergie atomique, qui s'apprêtait alors à prendre sa retraite et qui a préparé de nouvelles règles pour son organisme sous un nouveau nom. J'ai témoigné devant le comité sur ce projet de loi. J'ai laissé entendre que le projet de loi les mènerait d'un régime digne des années 50 à un régime digne des années 60 environ. Je le crois toujours. Ce n'est pas un très bon projet de loi, mais je crois que cet article paraissait dans la première version préparée par ce monsieur, John—j'ai oublié son nom de famille. Il a fait son chemin dans le système et le Parlement l'a adopté sans amendement, à ce que je sache.
M. Joe Comartin: M. Shpyth, de l'Association nucléaire, nous a dit que l'amendement qui nous est proposé vise à corriger le libellé actuel, parce que l'ancien libellé est une anomalie, dont l'effet n'était pas intentionnel. Êtes-vous d'accord avec cela?
M. Norman Rubin: Rien ne me le prouve. Je suis certain que du point de vue des prêteurs de Bruce Power, qui ont certainement beaucoup de mal à dormir la nuit à force d'imaginer plein de scénarios... J'aimerais bien savoir exactement à quel scénario ils songent, parce que ce qui les inquiète m'inquiète aussi et que si ce projet de loi pouvait les aider à dormir, la situation m'inquiéterait toujours. Si nous pouvons les protéger juridiquement de recevoir l'ordre de décontaminer un site, la situation s'en trouera empirée plutôt améliorée, puisque le site ne sera pas décontaminé. C'est le problème que ce projet de loi est censé résoudre, il me semble, mais cette solution serait terrible.
Le président: Monsieur Finlay.
M. John Finlay (Oxford, Lib.): Je ne peux qu'être d'accord avec M. Keddy. J'aimerais aussi faire un commentaire général. Comme certains l'ont affirmé à raison, s'il faut tenir un débat sur l'énergie nucléaire, peut-être devrions-nous le faire. Je voudrais rappeler à tout le monde que l'énergie nucléaire est sur la sellette depuis un certain temps. On lui attribue d'avoir raccourci la durée de la Deuxième Guerre mondiale et d'avoir sauvé des millions de vies. Elle a également eu des effets considérables sur la santé humaine, sur la médecine et j'en passe. La fission nucléaire fait partie de la nature. Je suppose que c'est ce qui nous garde en vie. À grande échelle, le soleil est le meilleur exemple de fission nucléaire et sans lui, nous ne serions pas là. Je pense donc qu'il faut faire un peu attention avant de lui attribuer tous les maux.
Nous nous interrogeons aujourd'hui sur la responsabilité liée au fait d'investir dans une industrie. À ce que je comprends, le gouvernement nous demande d'assurer que le système soit juste. Je ne suis pas certain du tout que ce libellé va empêcher qui que ce soit d'avoir à payer en cas d'accident. Je ne suis pas certain qu'il va empêcher des gens d'en poursuivre d'autres pour dommages. On nous demande de faire en sorte que les sociétés privées qui souhaitent investir soit assujetties à des conditions équivalentes aux nôtres. Si elle ne veulent pas investir, d'accord. Je crois que nous dépassons largement notre mandat, monsieur le président. Si nous entrons dans cet autre débat, alors je veux parler de l'avenir de cette planète et de beaucoup d'autres questions relatives à l'énergie nucléaire.
Merci.
 (1250)
M. Norman Rubin: Si je peux réagir à cela, j'aimerais signaler que, dans le cas des terrains abandonnés en dehors du secteur nucléaire, par exemple, la diligence raisonnable des prêteurs est le principe moteur des entreprises qui évaluent les risques environnementaux. Il en est ainsi parce que les prêteurs garantis, qui craignent de se retrouver avec un terrain contaminé, ont besoin de se protéger. Dans ce cas-ci, sans doute, on pense aux prêteurs non garantis.
Encore une fois, on spécule énormément, sans avoir beaucoup de preuves et sans pouvoir convoquer de témoins, sur ce cauchemar, le problème de Bruce Power et de ses prêteurs qu'il faut se dépêcher de régler. Comme je l'ai déjà dit, s'ils ont un problème qui les empêche de dormir, je ne vois pas pourquoi nous pouvons dormir la nuit.
Le président: Monsieur Keddy.
M. Gerald Keddy: Nous discutons de beaucoup d'autres problèmes, que je serais très heureux d'examiner un autre jour. Le projet de loi dont nous sommes saisis traite d'un aspect très précis. Vous venez de répondre à M. Comartin que vous ne pensiez pas que le texte avait été ainsi formulé de façon intentionnelle.
M. Norman Rubin: Non, je m'excuse, j'ai dit que rien ne me permet de penser que c'était une erreur.
M. Gerald Keddy: C'est une façon élégante de dire que vous ne pensez pas que c'est intentionnel.
M. Norman Rubin: Non. Autant que je sache, c'était voulu. Rien ne prouve que ce ne l'était pas, que c'était une erreur.
M. Gerald Keddy: Mais vous ne pensez pas que l'institution bancaire a une responsabilité à prendre. J'ai posé la question au premier tour, et vous et Mme May avez tous les deux répondu que l'institution bancaire n'avait pas nécessairement de responsabilité à prendre. Donc, si ce n'était pas voulu, il serait seulement logique de corriger l'erreur commise involontairement. Je ne pense pas que notre comité ou tout autre comité ait l'intention de rendre l'institution financière responsable. Je ne suis pas du tout convaincu qu'il faut simplement chercher quelqu'un qui a la capacité de payer.
La question de la responsabilité nucléaire et des 75 millions de dollars relève d'une autre loi, que nous devrions réexaminer, ce que je n'ai aucune objection à faire. Le projet de loi dont nous sommes saisis traite de la responsabilité à l'égard d'une institution financière, et je ne suis pas d'accord avec votre argumentation. Je suis ici pour qu'on me convainque du contraire, mais je ne suis pas d'accord avec votre raisonnement.
M. Norman Rubin: J'associe les deux mesures législatives pour qu'on se demande si le monde sera meilleur ou pire après l'adoption de ce projet de loi. J'espère que vous prendrez cela en considération. J'ai indiqué que, comme cette industrie bénéficie d'une énorme protection qui la décharge de la responsabilité de ses actes, le fait de la rendre encore moins responsable à sa demande est, à la rigueur, l'oeuvre du diable, et non celle de Dieu. Si ce lien est trop ténu, bien, je m'excuse de ne pouvoir faire mieux.
M. Gerald Keddy: Pour finir, parce que je ne pense pas qu'il y aura un autre tour, je considère toujours que ces deux questions sont différentes. Je pense que votre comparaison avec les terrains abandonnés est vraiment exagérée. Il est seulement question de celui qui est responsable. La banque est de toute évidence responsable si elle assume le contrôle d'un établissement nucléaire, comme elle doit le faire le jour où elle en devient le propriétaire-exploitant, que l'installation nucléaire soit en activité ou non.
 (1255)
Le président: Merci.
Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey: J'ai deux questions à poser. Pour revenir un instant à votre comparaison avec les terrains abandonnés, ai-je raison de penser qu'une institution financière qui prête à une installation nucléaire préférerait normalement avoir le statut de prêteur garanti, ce qui lui permet de recouvrer son argent en premier, mais cela a l'inconvénient de faire en sorte qu'elle en devient l'acquéreur? J'aimerais savoir si c'est le cas.
Ensuite, si c'est la situation de Bruce Power qui est à l'origine du projet de loi, il faut se rappeler qu'il a été déposé le printemps dernier. L'un de vous sait-il où en était le dossier de Bruce Power à ce moment-là, c'est-à-dire en mars, avril ou mai, et est-ce que cela confirme davantage le lien que je cherche à faire?
M. Norman Rubin: Je ne pense pas pouvoir répondre à votre deuxième question. Je peux peut-être trouver quelque chose, mais il me semble qu'il n'y ait rien qui soit survenu depuis le printemps dernier qui puisse éclairer la situation. C'et une excellente question.
Fait intéressant que le contrat de location de Bruce nous apprend, c'est que Bruce Power, l'organisme qui loue la centrale nucléaire Bruce, a dépensé, pour ce contrat à long terme, plus que n'importe qui d'autre ne l'avait fait jusqu'ici pour acheter une centrale nucléaire de cette taille—par mégawatt produit—et plus que jamais auparavant, puisque British Energy est l'un des principaux acheteurs. British Energy n'avait jamais déboursé autant pour acheter une installation qu'elle ne l'a fait pour louer celle de Bruce. Or, plus on y pense, plus c'est logique. Ne seriez-vous pas prêts à payer davantage pour louer une centrale nucléaire que vous pouvez rendre à son propriétaire, que pour vous en porter acquéreur pour l'éternité ou jusqu'à ce que vous trouviez un acheteur consentant, afin qu'elle remplisse sa fonction utile jusqu'à ce qu'elle n'ait plus rien à offrir que des problèmes?
Cela nous amène à imaginer ce que la Banque TD, la CIBC et la Caisse de retraite des employés municipaux de l'Ontario pourraient concevoir pour essayer de se protéger contre la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires qui est modifiée par le projet de loi C-4. Je pense qu'il n'est pas impossible qu'ils se protègent de façon à ce qu'un terrain contaminé le reste longtemps.
Le président: Merci.
Ceci met fin à ce tour de table. Il y a encore des membres qui veulent poser des questions; je vais donc vous accorder une minute à chacun pour poser des questions, et vous pourrez y répondre dans votre mot de la fin.
[Français]
Monsieur Cardin, vous avez une minute pour poser votre question.
M. Serge Cardin: Merci, monsieur le président. Si c'est la dernière, je veux dire qu'il semblerait, à la lumière des propos tenus par les membres de ce comité qui ont parlé, qu'ils s'entendent tous, ou presque, sur la nécessité de tenir un débat sur le nucléaire. Même Mme May nous a dit qu'il n'y avait jamais eu de débat sur le nucléaire au Canada. Il est donc urgent d'en avoir un. Par contre, ceux qui font la promotion de ce projet de loi nous disent qu'il faut procéder rapidement.
Il n'y a pas de débat. Par contre, on veut favoriser la privatisation et, donc, probablement la prolifération du nucléaire. C'est l'art de mettre la charrue devant les boeufs. Le travail de base n'a pas été fait et on essaie de nous passer, comme ça, littéralement, un projet de loi qui va sûrement à l'encontre des conclusions auxquelles on arriverait si on avait un vrai débat sur le nucléaire.
Donc, je garde toujours la même opinion. Je crois qu'il serait préférable que ce comité dise tout simplement non à l'amendement et qu'il renvoie le gouvernement faire ses devoirs.
[Traduction]
Le président: Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: Ma question s'adresse à M. Rubin, et peut-être aussi à M. Stensil. Il me semble qu'il y a encore de la confusion à propos des deux mesures législatives, alors pouvez-vous être bien clairs? La Loi sur la responsabilité nucléaire prévoit une limite de 75 millions de dollars, mais elle s'applique seulement aux accidents et aux dommages qui surviennent à l'extérieur du site. Par contre, la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires vise précisément la contamination et les problèmes sur le site, si je peux m'exprimer ainsi, et il n'y a pas de limite à ce sujet. Pouvez-vous me confirmer cela?
· (1300)
M. Norman Rubin: Oui, c'est exactement ce que je comprends.
Le président: Je vais vous accorder trois minutes pour formuler vos dernières observations, parce que les députés ont été brefs.
Monsieur Stensil.
M. Shawn-Patrick Stensil: Je ne sais pas si je vais parler pendant trois minutes mais, pour résumer, comme vous l'avez peut-être entendu, il y a des divergences d'opinions parmi nous, quant à savoir qui est pour ou contre le projet de loi. En fait, comme M. Godfrey l'a dit, on ne peut pas fonder un projet de loi sur un seul cas, et j'encouragerais le comité à approfondir la question.
Bruce Power continue d'avoir des problèmes financiers. Actuellement, la CCSN se demande si l'entreprise respecte les obligations de son permis, en raison des difficultés avec British Energy. C'est donc un problème que vous voudrez peut-être examiner.
Les gens ont fait remarquer que le débat ne porte pas sur l'énergie nucléaire, mais l'énergie nucléaire est appuyée depuis 50 ans par toute une série de subventions et de mesures de soutien qui lui permettent de survivre. Et les choses continuent comme si de rien n'était. On avance toujours aveuglément dans la même direction sans se poser de sérieuses questions. Les promesses de l'énergie nucléaire se sont évanouies. Personne ne parle de construire un nouveau réacteur nucléaire au Canada. Le débat est engagé dans les provinces, à propos de la centrale de Point Lepreau, et aussi au Québec. C'est une question très pertinente actuellement.
Pour ce qui est du projet de loi, nous proposons que vous y renonciez, pour les raisons énoncées. Comme Mme May l'a souligné, il accorde un pouvoir discrétionnaire, et nous pensons que la CCSN l'interprète sans logique.
Je pense que je vais donner la parole à Norm.
M. Norman Rubin: Merci, Shawn-Patrick.
Pour revenir sur le dernier point dont Shawn-Patrick a parlé, je pense qu'il faut comprendre quel problème le projet de loi cherche à résoudre et pour qui. C'est apparemment le problème de Bruce Power, ce qui nous amène à nous demander ce qui arriverait si la modification n'était pas adoptée ou mise en oeuvre. Il est possible que l'entreprise aurait du mal à se restructurer ou à obtenir la marge de crédit dont elle a besoin pour une raison quelconque. Il est possible que cela entraîne le démantèlement du consortium de Bruce Power; le bail ne serait pas respecté et les réacteurs seraient exploités de nouveau par la société d'État Ontario Power Generation. Je ne sais pas. Ce sont seulement des hypothèses. Il serait intéressant de savoir quel scénario catastrophique l'incite à faire pression pour que le projet de loi soit adopté. Je suis d'accord avec M. Godfrey. Plus j'imagine ce qui lui fait peur, moins je veux la rassurer. Je veux l'encourager à inciter ses prêteurs à prévenir le scénario qui entraînerait la catastrophe.
Bien sûr, on émet bien des hypothèses. On se demande ce qui se passerait si le sol est contaminé davantage, si c'est la responsabilité de Bruce Power et si l'entreprise est apparemment incapable de payer. Autrement, il n'y a pas de problème. Alors, le projet de loi aiderait peut-être ceux qui pourraient payer autrement et, ainsi, les contribuables vont payer et le site ne sera pas décontaminé. Aucune de ces possibilités n'est une solution ou ne sert l'intérêt public, aucune n'est souhaitable. Par conséquent, résoudre le problème en crée un autre.
Donc, si vous pouvez amender le projet de loi pour qu'il n'en reste plus rien—je ne sais pas exactement par quel moyen votre comité peut s'opposer à une mesure—si vous pouvez d'une façon ou d'une autre le rejeter, ce serait probablement une façon d'améliorer la sécurité publique au Canada. Pour agir dans l'intérêt public et préserver l'environnement, il vaudrait mieux faire cela que l'adopter.
Merci de votre temps.
· (1305)
Le président: Merci beaucoup. Merci à tous nos témoins.
Chers collègues, nous allons passer à ce qui est prévu à l'ordre du jour pour 13 heures, c'est-à-dire l'examen, non pas article par article, mais de l'article du projet de loi. Au sujet de l'article 1, je vous signale que M. Comartin veut présenter un amendement.
Monsieur Comartin, voulez-vous nous expliquer votre amendement?
M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.
Je peux peut-être expliquer où je veux en venir à propos de mon amendement et de la modification proposée par le gouvernement. Si, conformément aux paragraphes 46(1) et (2), la Commission détermine, à l'issue d'une audience publique, qu'un lieu est contaminé et que l'exploitant ou la personne ayant un intérêt reconnu en droit dans ce lieu est responsable, elle doit rendre une ordonnance. Voilà mon amendement. Encore une fois, je tiens à préciser que je m'oppose à ce que le gouvernement modifie la loi pour supprimer les mots «ayant un intérêt reconnu en droit dans ce lieu». Je veux combiner les deux éléments. Je propose de modifier la loi en vigueur pour supprimer les mots «peut ordonner» et les remplacer par «ordonne», mais aussi de rejeter la modification du gouvernement, qui propose de supprimer les mots «ayant un intérêt reconnu en droit dans ce lieu».
Le président: Pour plus de précision, l'amendement à l'étude vise seulement à remplacer les mots «peut ordonner» par «ordonne».
M. Joe Comartin: Oui.
Le président: Vous expliquez votre intention?
M. Joe Comartin: Oui.
Le président: Bien, merci.
M. Joe Comartin: Je ne veux absolument pas que ma proposition donne l'impression que j'approuve la modification du gouvernement. Je tiens à le préciser en commençant.
L'amendement vise à faire en sorte que le gouvernement et les parlementaires du pays obligent la Commission, qui détermine qu'un lieu est contaminé à l'issue d'une enquête, à exiger que l'exploitant, ou toute autre personne ayant un intérêt reconnu en droit dans ce lieu, prenne les mesures pour le décontaminer. Monsieur le président, les témoins qui ont comparu aujourd'hui nous ont expliqué la nature de l'industrie nucléaire, le genre de dommages que la contamination cause à la société, et qu'il n'y a peut-être pas de limite de temps dans le cas de cette sorte de contamination.
Il est évident que la Chambre des communes avait une intention très claire quand elle a adopté, en 1997, la loi que le projet de loi modifie. Je pense que c'est à ce moment-là qu'il aurait fallu imposer cette obligation d'agir à la Commission. Je le dis en raison des risques inhérents de l'industrie nucléaire. Nous voyons ce qui se passe ailleurs dans le monde. Chernobyl est probablement l'exemple le plus frappant, mais il y en a d'autres.
Nous avons entendu parler de Three Mile Island, mais je ne pense pas que beaucoup de gens savent que, quand le projet de loi a été déposé pour la première fois au printemps, à peu près au même moment, le Congrès et le Sénat américains étaient aussi saisis d'un projet de loi. Dans ce cas, un site s'est retrouvé entre les mains du gouvernement, et je pense que nous aurons le même problème si nous adoptons la modification proposée par le gouvernement. À l'époque, les lois américaines ne prévoyaient pas cette situation, et la réglementation était insuffisante. Ce site—qui se trouve au Delaware, je pense—était l'un des premiers. Un bon nombre d'expériences y ont été effectuées pour mettre au point des armes nucléaires durant la Seconde Guerre mondiale. Les recherches se sont poursuivies très brièvement par la suite, avant que l'exploitation et la surveillance du site ne soient confiées au secteur privé pendant un certain temps. Puis, l'installation a été abandonnée. Bien sûr, nous savons ce qui est arrivé—c'est le gouvernement qui s'en est retrouvé responsable.
Le projet de loi a franchi toutes les étapes à la Chambre, il a été adopté par le gouvernement, et approuvé par le président, je pense; je crois donc que la loi est en vigueur et que le gouvernement fédéral va dépenser 7 milliards de dollars américains pour décontaminer le site. C'est ce que l'opération va coûter. C'est le genre de dépenses à prévoir si Bruce Power ne fait pas son travail. C'est le montant qu'il faudra imposer aux contribuables de notre pays. Il ne pouvait pas en être autrement. On devait décontaminer le site en transportant le sol—puisque c'est tout ce qui restait sur le site—d'une façon quelconque pour aller l'entreposer en lieu sûr en Caroline du Nord. À elle seule, l'opération de décontamination du site, sa désaffection et le transport du sol et de l'équipement contaminé qui peut y rester, coûte 7 milliards de dollars américains. Cela équivaut à 10 ou 12 milliards de dollars canadiens. C'est le genre de montant dont on parle. C'est le prix que les contribuables canadiens risquent de payer si nous n'adoptons pas mon amendement et si nous ne rejetons pas la modification du gouvernement.
· (1310)
Vous avez encore entendu de nombreux témoignages aujourd'hui, qui viennent s'ajouter aux interventions faites devant ce comité alors qu'il examinait la question des déchets nucléaires, quant aux conséquences possibles des activités de cette industrie pour les contribuables canadiens. Si nous faisons porter cette responsabilité au secteur, si nous accordons à la commission un pouvoir de contrôle supplémentaire, nous enverrons également à l'exploitant, au propriétaire, à l'occupant et à toute autre personne ayant un droit ou un intérêt à l'égard de la propriété, un message leur disant que nous nous attendons à ce qu'ils exploitent la centrale dans une optique de sécurité et en disposant des fonds suffisants pour régler les problèmes de contamination du site.
Si, au lieu d'adopter mon amendement, nous adoptons l'amendement du gouvernement, nous leur enverrons un message différent, qui dira aux financiers de ne pas se préoccuper de la situation et que même s'ils devaient être tenus responsables, la commission les laisserait tranquilles, ne les poursuivrait pas et ne leur ferait pas payer les dommages causés ni décontaminer le site. Ce message dirait au propriétaire, à l'exploitant et aux financiers qu'ils peuvent être moins prudents et faire des économies car nous ne pensons pas qu'au bout du compte ils seront tenus absolument responsables. C'est le message que nous leur transmettrions.
Quelqu'un a dit, je pense qu'il s'agit Mme May, qu'en 1979, le gouvernement conservateur avait rapidement étudié la question. Nous étions sur le point d'effectuer une étude sur l'industrie nucléaire. À cause de Bob Rae, qui avait présenté la motion visant à annuler le projet de loi sur les finances, ce gouvernement avait perdu le pouvoir au profit du gouvernement précédent, lequel n'a absolument rien fait à ce chapitre. Le gouvernement actuel non plus, d'ailleurs.
Plusieurs personnes, de l'autre côté de la table, ont dit que cela n'était pas important et que c'était un amendement mineur. Ce n'est pas ainsi que l'on rédige des lois, ce n'est pas une façon pour les parlementaires de gérer leurs dossiers. Il y a des conséquences importantes. Cela devrait faire partie d'une étude globale de l'industrie. Cette attitude particulière à l'égard de cet amendement est, très franchement, répugnante pour quiconque considère le processus comme un moyen pour les parlementaires d'assumer leurs responsabilités. Il faut, dans un cas comme celui-ci, faire une étude globale de l'industrie au lieu d'essayer de faire adopter à toute vapeur un amendement de quelques mots. C'est le problème auquel nous sommes confrontés actuellement. Dans cette affaire, nous n'agissons pas comme nous le devrions. C'est aussi simple que cela.
· (1315)
Il est évident qu'un exploitant privé a communiqué avec ce gouvernement, et je me demande s'il savait ce qui se passait à l'époque. Il a dit: écoutez, nous sommes dans un beau pétrin. Nous avons signé ce contrat avec le gouvernement provincial, nous voulons mettre en service quatre autres réacteurs, deux immédiatement et les autres un peu plus tard, conformément à nos plans à long terme. Cela va nous coûter cher et nos financiers ne veulent pas payer si vous n'amendez pas la loi. J'en ai conclu, d'après les discussions que j'ai eues avec le ministre, que ceci s'était passé aux environs du mois d'avril de cette année. Et un mois après, un projet de loi était présenté à la Chambre. Il serait intéressant de savoir combien de fois c'est arrivé par le passé, monsieur le président. Il serait intéressant de demander au ministre et aux dirigeants de Bruce Power s'ils avaient révélé la gravité de la situation financière de la centrale, qui est devenue apparente avant l'été, c'est-à-dire deux ou trois mois après cette conversation. Et on a rapidement procédé à la rédaction du projet de loi. Nous ne savons rien parce que Bruce Power et le ministre n'ont rien dit.
Ce que nous savons, en revanche, c'est que la centrale éprouve de sérieuses difficultés financières et que nous sommes sur le point de lui signer un chèque en blanc. J'ai trouvé intéressant le témoignage de M. Rubin, aujourd'hui, particulièrement ses spéculations sur ce qui pourrait arriver. Nous avons une garantie de 222 millions de dollars qui expire dans neuf jours. Cela permet de diriger les opérations pendant six mois. L'argent peut aussi servir à payer certains travaux de décontamination, si cela devient nécessaire. Mais la garantie expirera dans huit ou neuf jours et nous sommes sur le point d'adopter quelque chose qui leur permettra peut-être d'avoir une certaine marge de manoeuvre. Mais qu'adviendra-t-il de l'exploitation? Nous ne le savons pas, mais nous sommes prêts à faciliter la tâche à un exploitant du secteur privé qui s'avance sur un terrain très glissant.
La société mère qui a garanti ces 222 millions de dollars, établie au Royaume-Uni est techniquement en faillite. Le gouvernement britannique lui a accordé son soutien financier, mais il n'est pas du tout clair qu'il continuera de le faire. Ce comité et le gouvernement ont très peu de renseignements, particulièrement le comité, pour déterminer si nous pouvons les aider financièrement. En attendant, on est peut-être tous en train de prolonger la durée de contamination du site. Qui sait si ce qu'ils font est sécuritaire? Ne sont-ils pas en train de lésiner sur les dépenses justement parce qu'ils sont dans une situation financière difficile?
Ainsi, monsieur le président, mon parti considère qu'il serait extrêmement dangereux d'adopter un tel amendement. Évidemment, j'appuie fortement mon propre amendement, puisqu'il permettrait de faire porter une responsabilité supplémentaire à l'exploitant et aux financiers dans la mesure où ils correspondent à la description faite dans la loi actuelle.
Soit dit en passant, j'ai trouvé très intéressants les témoignages des représentants de l'Association nucléaire canadienne qui ont comparu devant ce comité, monsieur le président. Je pense que c'est M. Cardin qui avait demandé s'ils n'existaient pas déjà en 1997. Bien sûr qu'ils existaient, et depuis très longtemps. Avaient-ils contribué à faire adopter ce projet de loi en Chambre? Oui, nous sommes formels. Par contre, nous savons qu'ils n'ont présenté aucune note au sujet du paragraphe 46(3). À l'époque, ils ne s'y étaient pas opposés. Rien n'a changé depuis, si ce n'est pour Bruce Power qui a pris en charge la gestion de ce site. C'est l'unique chose qui a changé. Nous savons que nous ne disposons pas de toutes les données concernant leur situation financière.
M. Stensil a rappelé aujourd'hui la longue—et permettez-moi d'ajouter sordide—histoire sur le financement de cette industrie. M. Rubin a déclaré que cela avait coûté à la société entre 30 et 40 milliards de dollars. Et que faisons-nous maintenant? Nous ne faisons que perpétuer la situation, un peu plus ou un peu moins. Ces 30 ou 40 milliards de dollars peuvent sembler peu de chose, mais si la centrale continue de fonctionner et qu'elle finit par s'effondrer, nous serons coincés, en tant que gouvernement et que société, et devrons nous occuper de la décontamination et de la gestion du site. Et que se passe-t-il si on va plus loin? Que se passe-t-il si Point Lepreau passe entre les mains du privé? Évidemment, le gouvernement du Nouveau-Brunswick n'a ni l'argent ni l'intérêt pour s'en occuper. Nous nous retrouverions alors avec un deuxième problème sur les bras pour avoir adopté cet amendement et laissé faire le secteur privé sans le tenir entièrement responsable de ses actes.
· (1320)
J'ai présidé le conseil d'administration d'une caisse populaire assez importante pendant plusieurs années et je sais quel type de contrôles financiers on effectue de temps en temps. Il peut vous sembler que ce sont les propriétaires exploitants qui prennent toutes les décisions, mais s'ils sont en difficulté financière, comme l'est Bruce Power, ils ne décident plus rien. Ce sont les financiers qui décident à leur place et qui leur disent très clairement et très directement quoi faire. Même si, en apparence, ce sont les propriétaires exploitants qui contrôlent la situation, la réalité est toute autre, et s'ils veulent continuer à recevoir du financement, ils devront suivre les instructions du financier, qu'il s'agisse d'une banque ou de quelqu'autre prêteur. C'est une loi du marché. Ainsi, dans une certaine mesure, toute la question de la protection des grandes institutions financières de ce pays, qu'il s'agisse des compagnies d'assurance ou des banques, ignore cette réalité très concrète concernant le type de contrôle qui s'exerce. Tout cela nous ramène encore à Bruce Power et à ses terribles difficultés financières.
Monsieur le président, Bruce Power doit envoyer des représentants pour témoigner devant ce comité. Il serait absolument irresponsable de procéder autrement.
Plusieurs d'entre vous ont participé aux séances du comité lorsqu'il étudiait la question des déchets nucléaires. Nous ne pouvons pas prétendre que nous ne comprenons pas les implications de tout ceci. Dire qu'il s'agit d'un amendement mineur, ne pas s'en préoccuper, comme l'a dit M. Shpyth l'autre jour... Je dois retrouver ses mots. Il a dit qu'il s'agissait d'une anomalie, d'une erreur.
· (1325)
Le président: Monsieur Comartin, si je puis me permettre, je n'ai pas l'intention de vous couper la parole, mais j'aimerais vous faire part de mes intentions pour que vous puissiez agir en conséquence. La séance devrait être levée à 13 h 30. À ce moment-là, je demanderai aux membres du comité s'ils souhaitent rester jusqu'à ce que nous ayons fini l'examen article par article, suivre l'ordre du jour ou lever la séance et reprendre plus tard, auquel cas vous auriez encore la parole. C'est ainsi que j'ai l'intention de procéder.
Poursuivez.
M. Joe Comartin: Je pense que vous devinerez, monsieur le président, que je préfère la deuxième option à la première. J'aime mieux continuer et ne pas céder ma place.
Je regarde de part et d'autre de la table, j'observe certains autres membres de ce côté-ci. Nous savons—et vous devriez le savoir aussi—quelles sont les implications. Vous devriez connaître le projet de loi que nous sommes sur le point de balancer aux contribuables canadiens et les échéanciers très serrés auxquels nous faisons face. C'est une réalité que nous devons affronter.
À mon avis, on se trompe en voulant minimiser cet amendement, dire qu'il ne compte que quelques mots, qu'il n'est pas très important et qu'il ne fait que corriger une anomalie et quelques erreurs qui ont été faites. Ce comité n'a d'ailleurs pas eu la preuve qu'il s'agissait d'une erreur. Le comité qui avait fait adopter le projet de loi en Chambre à l'origine ne pensait pas qu'il s'agissait d'une erreur. En droit, les tribunaux—puisque ce sont eux qui, en bout de ligne, interprètent la loi—diraient qu'ils s'en tiennent aux faits. Vous ne pouvez produire de preuves qu'il y a eu erreur, c'est très clair pour tout le monde. Personne ne peut produire de notes ou de témoignages disant qu'il s'agissait d'une erreur, que le comité parlementaire et l'ensemble des députés de la Chambre des communes qui ont adopté ceci ne savaient pas ce qu'ils faisaient et n'avaient aucune idée des conséquences. Ils avaient des raisons d'agir ainsi à l'époque, et celles-ci sont évidentes.
J'en ai évoqué quelques-unes, en partie pour dire qu'elles n'étaient pas favorables à la privatisation, et pourtant c'est ce que l'on préconise. Ce gouvernement n'a donné aucune indication—vous pouvez entendre ce qu'il a dit à ce sujet—prouvant qu'il appuyait la privatisation de l'industrie nucléaire, même si, dans une certaine mesure, il la facilite, comme c'est certainement le cas avec Bruce Power et potentiellement le cas avec Lepreau, lorsqu'un propriétaire exploitant privé veut s'occuper d'une centrale nucléaire et est prêt à dépenser des milliards pour décontaminer le site et le rendre fonctionnel.
Nous n'avons pas obtenu ce signal ni une expression directe du gouvernement. Tout ce qu'il a fait, c'est affaiblir le processus. Il a minimisé la portée de l'amendement. Si le gouvernement, en fait, doit appuyer la privatisation, comme l'a fait le gouvernement conservateur de l'Ontario, alors soyons honnêtes et jouons cartes sur table. Il faut que le public canadien sache quelle est la position de son gouvernement pour réagir. Organisons des séances de comité sérieuses pour qu'encore, le public canadien sache pleinement ce que tout cela signifie.
N'essayons pas de nous esquiver, comme nous sommes en train de le faire. Il s'agit tout simplement d'adopter une approche globale, en tant que parlementaires, d'être honnêtes avec le reste de la Chambre et particulièrement avec les contribuables canadiens. Disons-leur que nous sommes sur le point d'adopter une loi qui va accroître votre responsabilité. Celle-ci est déjà très importante, compte tenu des sites que nous possédons, et nous sommes sur le point de l'étendre. Nous envisageons d'ouvrir deux réacteurs à la centrale de Bruce Power et peut-être deux autres dans quelques années. Il se peut que Lepreau ne soit pas fermée, mais qu'elle continue de fonctionner. Vous serez exposés. Dites cela aux Canadiens. N'essayez pas de vous échapper par la porte d'en arrière, ce serait malhonnête.
· (1330)
Le président: Monsieur Comartin, il est 13 h 30 et j'aimerais demander aux membres du comité, sans débat, s'ils souhaitent continuer de siéger jusqu'à ce que nous ayons terminé le travail ou s'ils préfèrent que nous levions la séance. À ce moment-là, nous choisirions un autre moment pour permettre à M. Comartin de poursuivre son intervention.
Après un vote, la séance est levée.