AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 17 mars 2003
¾ | 0855 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
M. Nelson Toulouse (chef adjoint du Grand Conseil, Nation Anishinabek) |
¿ | 0900 |
¿ | 0905 |
¿ | 0910 |
Fred Bellefeuille (Self Government Manager, À titre individuel) |
¿ | 0915 |
Le président |
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.) |
Fred Bellefeuille |
M. John Godfrey |
Fred Bellefeuille |
M. John Godfrey |
Fred Bellefeuille |
M. John Godfrey |
M. Nelson Toulouse |
¿ | 0920 |
M. John Godfrey |
M. Fred Bellefeuille |
M. John Godfrey |
M. Fred Bellefeuille |
M. John Godfrey |
M. Fred Bellefeuille |
M. John Godfrey |
M. Nelson Toulouse |
M. John Godfrey |
M. Nelson Toulouse |
Le président |
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.) |
¿ | 0925 |
M. Nelson Toulouse |
M. Stan Dromisky |
M. Nelson Toulouse |
M. Stan Dromisky |
M. Nelson Toulouse |
M. Stan Dromisky |
Le président |
M. Stan Dromisky |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Fred Bellefeuille |
Le président |
M. Stan Dromisky |
Le président |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
M. Nelson Toulouse |
M. Charles Hubbard |
¿ | 0935 |
M. Nelson Toulouse |
M. Charles Hubbard |
M. Nelson Toulouse |
M. Charles Hubbard |
M. Nelson Toulouse |
M. Charles Hubbard |
M. Nelson Toulouse |
Le président |
M. John Godfrey |
¿ | 0940 |
M. Nelson Toulouse |
M. John Godfrey |
M. Nelson Toulouse |
Le président |
M. Stan Dromisky |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Stan Dromisky |
M. Nelson Toulouse |
Le président |
M. Stan Dromisky |
M. Fred Bellefeuille |
M. Stan Dromisky |
Le président |
¿ | 0950 |
M. Charles Hubbard |
M. Nelson Toulouse |
M. Charles Hubbard |
M. Nelson Toulouse |
M. Charles Hubbard |
M. Nelson Toulouse |
¿ | 0955 |
M. Charles Hubbard |
M. Nelson Toulouse |
Le président |
M. Nelson Toulouse |
Le président |
À | 1000 |
Le chef Vernon Syrette (Première nation des Batchewana) |
Le président |
Le chef Vernon Syrette |
À | 1005 |
À | 1010 |
À | 1015 |
À | 1020 |
Le président |
Le chef Vernon Syrette |
À | 1025 |
À | 1030 |
Le président |
Chef Vernon Syrette |
Le président |
Chef Vernon Syrette |
Le président |
Le chef Gail Shawbonquit (Première nation de Whitefish Lake) |
À | 1035 |
À | 1040 |
À | 1045 |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le chef Gail Shawbonquit |
M. Charles Hubbard |
Le chef Gail Shawbonquit |
M. Charles Hubbard |
Le chef Gail Shawbonquit |
M. Charles Hubbard |
Le chef Gail Shawbonquit |
M. Charles Hubbard |
Le chef Gail Shawbonquit |
M. Charles Hubbard |
À | 1050 |
Le chef Gail Shawbonquit |
M. Charles Hubbard |
Le chef Gail Shawbonquit |
M. Charles Hubbard |
Le chef Gail Shawbonquit |
Le président |
Le chef Gail Shawbonquit |
Le président |
Le chef Gail Shawbonquit |
M. John Godfrey |
Le chef Gail Shawbonquit |
M. John Godfrey |
Le chef Gail Shawbonquit |
M. John Godfrey |
À | 1055 |
Le chef Gail Shawbonquit |
M. John Godfrey |
Le chef Gail Shawbonquit |
M. John Godfrey |
Le chef Gail Shawbonquit |
M. John Godfrey |
Le président |
M. Stan Dromisky |
M. John Godfrey |
M. Stan Dromisky |
Á | 1100 |
Le chef Gail Shawbonquit |
M. Stan Dromisky |
Le président |
Le chef Gail Shawbonquit |
Le président |
Á | 1105 |
Le chef Norman Hardisty (Première Nation Moose Cree) |
Le président |
Le chef Norman Hardisty |
Á | 1110 |
Á | 1115 |
Á | 1120 |
Le président |
M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Alliance canadienne) |
Le chef Norman Hardisty |
Á | 1125 |
M. Reed Elley |
Le chef Norman Hardisty |
M. Dave Fletcher (conseiller, Première Nation Moose Cree) |
Le président suppléant (M. Stan Dromisky) |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
Le chef Norman Hardisty |
Á | 1130 |
M. Pat Martin |
Le chef Norman Hardisty |
Le président |
M. John Godfrey |
Le chef Norman Hardisty |
M. Dave Fletcher |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Á | 1135 |
Le chef Norman Hardisty |
M. Charles Hubbard |
Le chef Norman Hardisty |
M. Charles Hubbard |
Le chef Norman Hardisty |
Le président |
Le chef Norman Hardisty |
Le président |
M. Joe Hare (conseiller, Première nation de M'Chigeeng) |
Le président |
M. Alan Corbiere (coordonnateur de recherche, Première nation de M'Chigeeng) |
Á | 1140 |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
M. Joe Hare |
Le président |
M. Alan Corbiere |
Á | 1150 |
M. Joe Hare |
Á | 1155 |
 | 1200 |
Le président |
M. Alan Corbiere |
Le président |
M. Reed Elley |
 | 1205 |
M. Alan Corbiere |
M. Reed Elley |
M. Alan Corbiere |
Le président |
M. Pat Martin |
M. Joe Hare |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
M. Joe Hare |
 | 1210 |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
|
l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 17 mars 2003
[Enregistrement électronique]
¾ (0855)
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Bonjour à tous et bienvenue dans le grand Sudbury.
Nous avons quelques points à régler avant neuf heures. Ensuite nous pourrons déclencher le chronomètre à l'heure juste.
Nous reprenons nos audiences publiques sur le projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois. Quelques membres du comité sont bloqués par le brouillard à Toronto, notamment M. Reed Elley de l'Alliance canadienne, M. Pat Martin du NPD et Mme Anita Neville du parti libéral. Nous croyons savoir qu'ils seront ici vers dix heures.
Sont présents aujourd'hui le secrétaire parlementaire du ministre, Charles Hubbard, ainsi que les membres du comité Stan Dromisky et John Godfrey. Je suis Ray Bonin, président du comité.
Nos premiers témoins étant ici, nous pouvons commencer. Nous disposons d'une heure. Pour la gouverne de tous ceux qui sont présents, je voudrais préciser que nous travaillons avec un chronomètre et que nous respecterons le programme à la minute près. Après les exposés, quand nous dirons que nous commençons le tour de table de quatre minutes, cela signifie qu'un membre du comité peut poser une question et que les quatre minutes comprennent et la question et la réponse. Par conséquent, si un membre met trop longtemps à poser sa question, c'est le témoin qui en est victime. Toutefois, j'essaie de laisser quelques minutes au témoin pour des observations finales qui peuvent porter sur n'importe quel sujet.
Nous souhaitons la bienvenue, de la nation Anishinabek, à Nelson Toulouse, chef adjoint du Grand Conseil, et à Fred Bellefeuille, directeur, Autonomie gouvernementale.
Je vous invite à présenter votre exposé, qui sera suivi de questions. La parole est à vous.
M. Nelson Toulouse (chef adjoint du Grand Conseil, Nation Anishinabek): Bonjour, monsieur le président, membres du comité et membres de l'auditoire.
[Le témoin parle dans sa langue autochtone.]
Je m'appelle Nelson Toulouse. Je suis chef adjoint du Grand Conseil de l'Union of Ontario Indians et, ce qui est plus important, je suis également membre du clan du Brochet.
Je suis heureux de cette occasion de m'adresser au comité. Je voudrais tout d'abord présenter mon camarade, M. Fred Bellefeuille, qui est notre conseiller en autonomie gouvernementale.
À notre avis, le processus lancé par le gouvernement fédéral avec le dépôt du projet de loi C-7 est vicié. La raison pour laquelle je dis cela, c'est que le processus a essentiellement consisté pour le ministre à parler, semble-t-il, aux membres des Premières nations. Pour nous, les modalités de ce dialogue sont douteuses. Je crois aussi que les chiffres produits à l'issue de ce processus sont également douteux. Je peux difficilement imaginer que l'auteur d'un sondage puisse se faire une opinion en se basant sur ces chiffres. Si l'on considère l'ensemble de la population autochtone du Canada et le nombre de répondants, on ne peut sûrement pas conclure avec une certitude quelconque, en se fondant sur ces répondants, que les gens appuient ce projet, car ils n'étaient pas présents en nombre suffisant.
Nous contestons tout le processus de présentation de ces idées. Ce processus revient pour le gouvernement fédéral à concevoir un système pour nous aider. C'est une façon de procéder qui est très paternaliste. Vous voulez établir vous-mêmes des dispositions sur le choix de nos chefs, sur notre façon de nous administrer et sur les systèmes financiers à établir pour rendre des comptes. Ensuite, le ministre demande aux députés et aux sénateurs s'ils pensent que le projet de loi est assez bon pour nous aider. Cette façon de procéder est fondamentalement mauvaise.
Nous croyons que le processus devrait prévoir que les dirigeants des Premières nations soient élus par leurs membres et parlent à leurs membres. Ils le font. S'il y a des chefs responsables dans ce pays, c'est dans les Premières nations qu'il faut aller chercher. Nos dirigeants s'acquittent constamment de leur tâche. Les Premières nations établissent ce qui est utile pour elles, puis leurs membres sont invités à se prononcer sur l'utilité de ce qui a été établi. Non seulement les Premières nations conçoivent elles-mêmes ce qu'il leur faut, mais après que tout a été dit, elles peuvent aussi ratifier ce qui leur est proposé.
Voilà le problème fondamental du projet de loi C-7 et du processus mis en oeuvre pour l'élaborer.
¿ (0900)
Nous sommes cependant d'accord sur un point. C'est le fait que la loi est désuète. Lorsqu'on a tenté dans le passé de modifier la Loi sur les Indiens, elle a toujours été défendue par le ministère. Il est agréable de penser que nous sommes du même côté quand il s'agit de la loi: elle est désuète et doit être modifiée.
Nous formulons des recommandations. La première, fondée sur une résolution du Grand Conseil, dit que le projet de loi C-7, loi envisagée sur la gouvernance des Premières nations, ne devrait pas être adopté. Nous recommandons également que les ressources considérables nécessaires à l'élaboration et à la mise en oeuvre de cette loi soient réparties selon de nouvelles modalités par les Premières nations pour renforcer la gouvernance et les capacités existantes, conformément à ce que les membres des Premières nations jugent approprié et adapté aux besoins et priorités de leurs collectivités.
Ces recommandations se basent sur le fait que l'Union of Ontario Indians tient actuellement des discussions avec le gouvernement fédéral et qu'elle est sur le point de finaliser l'accord de principe sur la gouvernance, qui traite justement de ces choses dont nous parlons. Nous en sommes au stade de la négociation, que nous menons au nom de nos 43 Premières nations membres. Une fois que nous aurons signé l'accord de principe, la mise en oeuvre de l'accord définitif permettra aux Premières nations de partager leurs succès, leurs politiques et leur processus.
J'ai noté une chose qui s'est manifestée tout le long de ces audiences et peut-être même au cours des discussions initiales sur l'avant-projet de loi. Nous sommes toujours présentés comme des gens irresponsables, qui manquent de leadership et qui ne rendent pas compte de leurs activités. Je ne nie pas que certaines collectivités—je dis bien certaines—ont des difficultés, mais ce n'est pas du tout le cas de la majorité des Premières nations du Canada, et certainement pas celui des Premières nations membres de l'Union of Ontario Indians.
Nous avons élaboré différentes politiques. À ma connaissance, toutes les Premières nations rendent compte de leurs activités. Elles ont des systèmes comprenant des assemblées générales des membres, des bulletins, de l'information diffusée aux membres et, dans certains cas, des livraisons réelles porte à porte. Il n'y a pas de doute que nous avons de la responsabilité. Cela est établi. Nous avons pris des initiatives qui ont réussi. Je crois que le projet de loi fait abstraction de ces succès, ce qui n'est pas acceptable.
Dans le cadre de l'accord que nous négocions actuellement, nous organisons des ateliers de création de capacités en gouvernance. Ce processus fait intervenir les membres de la collectivité. Il permet des discussions réelles sur ce que les membres croient que la gouvernance doit comprendre. C'est un processus qui permet de séparer la politique de l'administration. Il permet également aux gens de se réunir pour s'occuper de planification stratégique et de règlement des conflits et des différends, pour ne nommer que ceux-là.
¿ (0905)
À notre avis, s'il est adopté, le projet de loi aura pour effet de réduire ou d'éliminer les succès dont je viens de parler en imposant l'approche du gouvernement fédéral en matière d'amélioration de la gouvernance. Je crois que nos peuples font l'objet de tant de recherches et de sondages que cela engendre beaucoup de confusion. Nous croyons que nous sommes engagés dans un processus qui devrait nous permettre de clarifier beaucoup de choses et de faire intervenir la collectivité.
Lorsque des processus gouvernementaux sont appliqués, ils ont tendance à créer de la confusion parmi les membres des Premières nations. Je sais que nos membres nous disent qu'ils en ont assez d'être étudiés. Nous avons des classeurs pleins d'études à notre sujet. Je crois que nous savons assez bien ce que nous voulons et connaissons les problèmes qui existent.
Quant aux effets du projet de loi, il nous enlève encore une fois la faculté d'apprendre par nous-mêmes et la possibilité pour nos Premières nations de participer à un processus d'apprentissage. Il va créer de la dépendance. Je veux dire par là que le gouvernement fédéral adopte une loi parce qu'il juge qu'il y a un problème sans nous avoir vraiment consultés. Comme je l'ai dit, il y a des difficultés—très légères, à mon avis—, mais voilà le gouvernement fédéral qui vient nous dire, sur un ton très paternaliste, qu'il va résoudre nos problèmes. Quels sont les effets sur nos dirigeants? Quels sont les effets sur la capacité de nos collectivités de résoudre leurs propres problèmes?
Je crois que le processus dans lequel nous sommes actuellement engagés a créé une attitude très positive et a engendré beaucoup d'énergie parmi les membres de la collectivité. Par contre, ce projet de loi va sûrement réduire tout cela, sinon l'éliminer complètement.
Quel rôle la politique fédérale peut-elle avoir? Le gouvernement fédéral peut avoir un rôle très positif en appuyant nos efforts. Nous croyons que nos efforts sont positifs car ils ont l'appui des collectivités des Premières nations. Le travail que nous faisons grâce à ces ateliers porte sur le développement constitutionnel, l'élaboration de lois dans des domaines prioritaires, l'établissement et la reconnaissance de mécanismes de reddition de comptes qui appartiennent vraiment aux collectivités des Premières nations, sans détermination préalable sur la base des exigences fédérales. Je crois que cela reflète bien ce qui se passe. Si on est bien intentionné, qu'on veut le bien des gens et qu'on souhaite les faire participer, il est décourageant de voir où cela va nous mener. Le processus de changement doit être dirigé par les Premières nations.
¿ (0910)
Ces choses que je tiens, ces plumes, représentent quelque chose de très légitime pour nos gens. À vos yeux, ce ne sont peut-être que des plumes d'aigle. Pour nous, c'est beaucoup plus. Elles représentent la légitimité, la vérité, l'honnêteté. Pour moi, tenir ces plumes et parler autrement serait un sacrilège. Je serais excommunié si j'étais dans une église.
Voilà qui conclut mes observations. Je ne sais pas si mon...
Fred Bellefeuille (Self Government Manager, À titre individuel): Bonjour à tous.
Je veux souligner que l'une des qualités que l'on attribue au projet de loi C-7, la Loi sur la gouvernance des Premières nations, c'est de créer de la légitimité. C'est là un des facteurs les plus importants qui soient requis pour rendre les collectivités des Premières nations économiquement autonomes, car le rôle du gouvernement d'une collectivité des Premières nations est de créer un environnement propice au développement économique.
Le projet de loi envisagé n'établit pas le cadre voulu pour créer un tel environnement. Le seul environnement qu'il est possible d'établir à l'aide du projet de loi est un environnement de dépendance. En effet, le projet de loi fait partie d'un processus proposé par un ministre qui ne fait pas partie de notre communauté. De plus, il est proposé à des parlementaires qui, tout bien intentionnés qu'ils soient, ne font pas non plus partie de notre communauté.
Lorsqu'un processus est élaboré au niveau de la collectivité, il a plus de chances d'être légitime et plus de chances d'avoir les effets voulus. Ce n'est pas le cas du projet de loi C-7. Le seul processus qui puisse réussir doit être dirigé par la collectivité. Un processus de négociation constitue probablement le meilleur atout du gouvernement fédéral s'il veut créer un environnement propice au développement économique. La légitimité n'est pas une qualité qu'on peut acheter. C'est une qualité que seule la collectivité peut réaliser.
C'est tout.
¿ (0915)
Le président: Cela nous laisse 43 minutes pour les questions. Nous aurons donc assez de temps.
À vous d'abord, monsieur Godfrey. Vous avez sept minutes. Nous ferons probablement un second tour de table.
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Monsieur Bellefeuille, je trouve très intéressant votre titre de directeur de l'Autonomie gouvernementale. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre nation et sur votre place dans la structure? Depuis combien de temps votre poste existe-t-il? Quelles sont vos fonctions?
Fred Bellefeuille: Je suis employé de l'Union of Ontario Indians. L'Union est une corporation qui regroupe 43 Premières nations membres. Malheureusement, elle a dû recourir à une structure de société pour exercer son activité, alors que les Premières nations membres existaient bien avant la mise en place de la Loi sur les corporations canadiennes.
Mon rôle à l'Union est de favoriser l'établissement de régimes d'autonomie gouvernementale. Je travaille pour l'Union of Ontario Indians depuis trois ans et demi. Nous avons essayé pendant ce temps de négocier un accord. Nous avons de grandes difficultés à cause de la politique fédérale et du processus fédéral. Le ministre serait probablement le premier à admettre que les mécanismes d'approbation des ententes est extrêmement long dans le système fédéral. C'est le rôle que je joue à l'Union.
M. John Godfrey: Je suis en train de lire votre mémoire et j'essaie de comprendre comment cela fonctionne. Je lis en haut de la page 2: «Nos Premières nations membres...» Je suppose qu'il s'agit des 43 Premières nations.
Fred Bellefeuille: C'est exact.
M. John Godfrey: Je trouve aussi: «Ces réussites sont mises à contribution et à profit dans le cadre des négociations sectorielles entourant l'entente de principe d'autonomie gouvernementale avec les Premières nations de la nation Anishinabek.» Est-ce que cette nation fait partie des 43 en question? Comment cela marche-t-il?
Fred Bellefeuille: En fait, la nation Anishinabek... Je crois que Nelson serait probablement mieux placé pour vous expliquer cela.
Comme je l'ai dit, la corporation de l'Union of Ontario Indians compte 43 membres. C'est ainsi qu'elle peut avoir des activités. En réalité, les collectivités de l'Union sont réputées former la nation Anishinabek, sauf que personne ne reconnaît cette nation, à part...
M. John Godfrey: ...à part les 43, plus ou moins.
Vous pouvez sans doute expliquer cela.
M. Nelson Toulouse: C'est par souci de commodité que nous parlons de 43 Premières nations. Le fait que nous soyons Anishinabek implique beaucoup plus que 43. Lorsque nous nous réunissons comme 43 Premières nations, est-ce que cela représente spécifiquement une nation? La nation Anishinabek en soi est assez importante. Pour exercer ces activités et à des fins de reddition de comptes, nous travaillons dans le cadre d'une corporation. C'est ce qui explique l'existence de l'Union of Ontario Indians.
¿ (0920)
M. John Godfrey: Vous avez actuellement des difficultés à obtenir cet accord de principe sur la gouvernance. Les négociations ont lieu entre vous, c'est-à-dire l'Union of Ontario Indians, et le gouvernement fédéral, mais cela n'a rien à voir avec le projet de loi que nous examinons, n'est-ce pas? S'agit-il d'un problème antérieur? Pouvez-vous nous dire pourquoi les choses ne vont pas mieux?
M. Fred Bellefeuille: Nous parlons de gouvernance, non? Le processus de négociation dans lequel nous sommes engagés a pour objet de consolider les succès que nous avons réalisés en matière de gouvernance. Par contre, ce projet de loi dit aux collectivités des Premières nations : « Oublions tout ce que vous avez fait. Voici une nouvelle loi, voici de nouveaux règlements. » Le projet de loi remet en question des processus électoraux coutumiers légitimes, qui n'ont jamais occasionné des difficultés. En fait, le projet de loi supprime la légitimité de ce que nous faisons.
M. John Godfrey: Toutefois, les difficultés que suscite l'accord précèdent le projet de loi, n'est-ce pas?
M. Fred Bellefeuille: La difficulté que nous avons à négocier cet accord, c'est que la plupart du temps, les processus fédéraux sont extrêmement lents.
M. John Godfrey: Il n'y a pas de difficultés du côté des 43. Vous savez ce que vous voulez. La difficulté à obtenir l'accord vient du côté du gouvernement fédéral. Est-ce exact?
M. Fred Bellefeuille: C'est exact.
M. John Godfrey:
Mon autre question est peut-être attribuable au fait que je ne comprends pas très bien cette phrase. Au milieu de la page 5, il y a le paragraphe suivant:
Les textes législatifs que la Première nation membre élabore doivent viser les domaines de préoccupation prioritaires de celle-ci. Même si les Premières nations adoptent des lois dans les domaines prévus aux termes du projet de loi C-7, tels que «Textes législatifs: gouvernance de la bande» en vertu de l'article 18 et «Textes législatif pour les besoins de la bande» en vertu de l'article 17, il ne s'agit pas de domaines prioritaires pour les Premières nations membres. |
Quand je lis cela, je me demande—je suis peut-être le seul à le faire—si la gouvernance en soi ne constitue pas un secteur prioritaire ou bien si c'est la gouvernance, telle qu'elle est définie dans cet article, qui n'est pas prioritaire. Qu'est-ce que vous voulez dire dans ce passage de votre mémoire?
M. Nelson Toulouse: Je crois que cela revient à demander: quels sont les priorités des Premières nations? Dans certains cas, je dirais peut-être que la gouvernance n'est pas une priorité. Nous avons dans nos coutumes des lois qui existent depuis un bon moment. Elles ont actuellement beaucoup de succès. Il s'agit de celles que nous avons adoptées à l'échelle de la collectivité. Par conséquent, la gouvernance n'est probablement pas une priorité. Nous en avons d'autres.
M. John Godfrey: Pouvez-vous nommer quelques-unes de ces autres priorités?
M. Nelson Toulouse: La santé figure en très bonne place. Les services sociaux aussi. Permettez-moi de vous dire que nous avons été étudiés à mort. Il y a toutes sortes d'études qui révèlent que la santé est un grand problème. On y dit habituellement que nos moyennes sont trois ou cinq fois pires que la moyenne nationale. Nous avons donc beaucoup de priorités. Du côté social, il n'y a pas de doute que le logement est un autre problème.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Dromisky.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Si vous avez suivi les audiences du comité, vous savez sans doute que je suis un membre relativement récent. Par conséquent, j'en suis encore à l'étape où j'ai beaucoup de choses à apprendre pour arriver à comprendre les problèmes exposés par les chefs, un peu partout dans le pays.
Quand vous parlez de 43 collectivités, s'agit-il de 43 réserves? Pouvez-vous éclaircir ce point? De quoi parlons-nous exactement dans ce cas?
¿ (0925)
M. Nelson Toulouse: Oui, c'est exact. Nous préférons parler de Premières nations, mais si on s'en tient au texte de la loi, il s'agit bien de réserves.
M. Stan Dromisky: C'est très bien.
Combien de personne y a-t-il dans ces 43 Premières nations?
M. Nelson Toulouse: Je n'ai pas le nombre exact, mais je dirais qu'il y a environ 45 000 personnes.
M. Stan Dromisky: Très bien, environ 45 000 personnes. Vous êtes venu nous dire que vous êtes totalement opposé aux lois proposées par le gouvernement, et surtout au projet de loi C-7. Pouvez-vous me dire de quelle façon vous avez obtenu le consensus ou l'appui des 45 000 membres de votre collectivité pour vous opposer au projet de loi, alors que nous savons que la très grande majorité, avant que vous ne fassiez votre déclaration, n'avait aucune idée du contenu du projet de loi?
Les chefs font des déclarations publiques sur les raisons pour lesquelles ils sont opposés au projet de loi, tandis que la très grande majorité des membres des Premières nations n'ont aucune idée de ce dont vous parlez. J'aimerais donc que vous me donniez une idée de la façon dont vous avez procédé pour savoir qu'environ 40 000 membres de votre collectivité sont opposés au projet de loi. Dites-moi quelle stratégie vous avez utilisée.
M. Nelson Toulouse: Oui, je vais répondre à cette question, mais je voudrais aussi en poser une par la suite.
D'abord, en ce qui concerne les structures de gouvernance de l'Union of Ontario Indians, le chef du Grand Conseil et moi-même, en qualité de chef adjoint, sommes bien entendu élus par les chefs. À leur tour, les chefs sont élus par leurs membres.
Il y a eu beaucoup de communication avec les membres des Premières nations. Je ne peux pas affirmer que chacune de ces 45 000 personnes ou plus a reçu l'information, mais nous savons qu'il y a eu différents dialogues dans les collectivités. Les chefs suivent les instructions de leur conseil et présentent leurs décisions à notre Grand Conseil, qui nous donne à son tour ses instructions. Voilà donc la structure de gouvernance dans le cadre de laquelle nous fonctionnons.
La question que je veux vous poser est la suivante. Si vous voulez parler de chiffres, parlons-en. Le gouvernement va de l'avant avec ce projet de loi sur la base de réponses reçues de 8 000 personnes sur un total de 600 000. Si je sais bien compter, l'écart est plutôt important.
M. Stan Dromisky: Me reste-t-il du temps?
Le président: Vous avez du temps.
Toutefois, je vais prendre quelques instants parce que je crois que le président du comité doit répondre au commentaire qui vient d'être fait.
Certains soutiennent qu'il n'y a pas eu de consultation. En fait, 10 millions de dollars y ont été consacrés. Nous avons des copies des lettres qui ont été envoyées à tous les chefs et à tous les intéressés. Est-ce que la consultation a été suffisante? Je ne peux pas me prononcer. Cependant, par la suite, notre comité a passé trois mois le printemps dernier à étudier le projet de loi et a invité tous les chefs et les dirigeants à venir nous faire part de leur point de vue. Maintenant, nous consacrons neuf semaines à la modification du projet de loi, dont quatre pour voyager.
Nous sommes ici par conséquent pour vous consulter. Je dois vous dire que nous en sommes à notre troisième semaine et qu'il est très difficile jusqu'ici de persuader n'importe qui de parler du projet de loi C-7. C'est vrai, mais nous sommes ici, et nous dépensons beaucoup d'argent pour voyager d'un bout à l'autre du pays afin de demander aux gens touchés par le projet de loi C-7 ce qu'ils pensent de cette mesure législative. Malheureusement, nous n'obtenons pas l'information que nous recherchons. Cela fait deux semaines que nous ne l'obtenons pas, à part les trois semaines que nous avons passées à Ottawa. Par conséquent, à titre de président du comité, je vous affirme que notre objectif est d'atteindre et de consulter tout le monde.
Voilà. Nous allons maintenant remettre le chronomètre en marche.
M. Stan Dromisky: Je vais revenir à la seule province d'Ontario. Je sais qu'on y a tenu 91 séances d'information et de consultation. Nous avons dit que 10 millions de dollars ont été consacrés, dans tout le pays, au processus de consultation avec les membres des Premières nations. C'est un chiffre que nous connaissons depuis longtemps. Je crois cependant que nous aurons largement dépassé les 10 millions quand nous aurons fini. Cela aussi, nous le savons.
Des lettres ont été envoyées. Les directeurs régionaux suppliaient les chefs et les représentants des différentes collectivités de venir. Personne n'a voulu les écouter. De très nombreux chefs ont simplement déclaré qu'ils n'étaient pas intéressés. Voilà pourquoi je suis un peu surpris au sujet de la représentation et du processus consultatif.
Tous les efforts possibles ont été déployés pour assurer la représentation, pour faire connaître vos préoccupations au comité et à d'autres comités qui ont été établis par le ministre et qui ont parcouru les différentes régions du pays.
Par conséquent, je n'ai rien de négatif à dire du processus de consultation. Je crois que les chefs des Premières nations doivent faire preuve à l'égard de leurs membres d'une responsabilité allant au-delà du simple fait de dire: oublions cela, car nous y sommes opposés.
À votre congrès national, il n'y avait même pas 50 p. 100 des gens qui assistaient. Vous avez toujours eu moins de la moitié. Pour moi, nouveau venu à ce comité, cela montre que même si des gens se sont prononcés contre le projet de loi au congrès national, ces gens ne représentaient pas vraiment 100 p. 100 des membres. Ils ne représentaient qu'une proportion beaucoup, beaucoup plus petite.
Les chiffres dont nous parlons et les jeux que nous jouons ici sont très frustrants et créent une grande confusion, non seulement pour moi, mais aussi, j'en suis sûr, pour les membres des Premières nations. Beaucoup de gens se sont présentés à titre individuel devant le comité pour nous donner une multitude de raisons pour lesquelles le projet de loi devrait être adopté.
¿ (0930)
Le président: Monsieur Bellefeuille.
M. Fred Bellefeuille: Lorsque le Parlement siège, avez-vous l'appui de 100 p. 100 de la population du Canada?
Lorsque nos chefs siègent, ils font de leur mieux pour défendre les intérêts de leur peuple. Ils ont été élus, exactement comme les députés, qui font également de leur mieux pour représenter leurs électeurs. S'ils ne le font pas, ils ne sont pas réélus. Le processus est semblable. C'est le mieux que nous puissions faire.
Nous avons une résolution du Grand Conseil qui dit que nous sommes opposés au projet de loi C-7. La raison, c'est que c'est une solution fédérale à un problème indien.
Le président: Je vous remercie.
M. Stan Dromisky: Ça va, je me reprendrai plus tard.
Le président: Monsieur Hubbard, sept minutes.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président.
Nous n'avons pas encore beaucoup parlé des dispositions du projet de loi, mais l'un des éléments clés mentionnés récemment est la différence entre les résidents des réserves et ceux de l'extérieur. Pouvez-vous nous donner votre point de vue, à titre de représentant de 43 Premières nations, sur ce problème ainsi que les recommandations que vous auriez sur la façon dont notre gouvernement devrait y faire face dans le projet de loi à l'étude?
M. Nelson Toulouse: Tout d'abord, les gouvernements des Premières nations n'ont jamais séparé leurs membres vivant en dehors de la réserve. C'est la formule du ministère des Affaires indiennes qui a créé cette distinction. Nous avons toujours été financés sur la base de nos membres résidents. Ce n'est que récemment, je crois, depuis la décision Corbiere, que les membres hors réserve ont le droit de vote. Auparavant, les règlements établis en vertu de la Loi sur les Indiens ne permettait pas à ces membres de voter. Par conséquent, nous ne sommes pas responsables de la décision de séparer les membres hors réserve. Ce sont les lois qui l'ont fait.
Les collectivités des Premières nations s'occupent certainement de leurs membres. En ce qui concerne notre organisation, nous avons commencé, il y a quelques années, à engager un dialogue avec d'autres organisations de l'extérieur de nos collectivités, comme les centres d'amitié et les autres groupes d'intérêts. Nous avons donc engagé le dialogue depuis un certain temps déjà. Nous avons été bloqués depuis la présentation du projet de loi et les discussions qui en ont découlé. Nous n'en sommes pas moins ouverts au dialogue. Nous l'avons toujours été et le serons toujours.
M. Charles Hubbard: Compte tenu du fait que près de la moitié des membres des Premières nations vivent hors réserve, qu'est-ce que vous pensez, qu'est-ce que vos 43 Premières nations pensent de la proposition accordant à tous le droit de vote, qu'ils vivent dans la réserve ou à l'extérieur?
Quelles sont à votre avis les conséquences pour les quelque 600 collectivités des Premières nations si les gens hors réserve ont plus de pouvoir politique que les résidents?
¿ (0935)
M. Nelson Toulouse: Eh bien, les conséquences sont probablement déjà là.
Encore une fois, je crois que si on nous avait permis de garder nos systèmes de choix de nos dirigeants, les choses auraient été très différentes. J'ai dit, lorsque je me suis présenté, que j'étais membre d'un clan. Ce clan particulier représente un système de gouvernement très traditionnel qui existait ici avant l'arrivée des Européens. Nous n'avions pas ces problèmes alors.
On peut moderniser n'importe quoi. Il y a donc là des solutions. Il s'agit de parler aux Premières nations et de les faire participer à ce processus.
M. Charles Hubbard: Avec les 43 membres de votre groupe, vous avez élu des chefs, et vous parlez aussi de méthodes coutumières de choix des chefs. Parmi vos 43 Premières nations, combien ont des processus électoraux suivant la méthode dite européenne et combien choisissent leur chef selon le mode traditionnel ou coutumier?
M. Nelson Toulouse: Je dirais que moins de 50 p. 100 fonctionnent selon le système traditionnel.
M. Charles Hubbard: Pouvez-vous parler au comité de ce mode traditionnel?
M. Nelson Toulouse: Je ne suis pas vraiment sûr de la façon dont chaque système se distingue des autres. Le système particulier est conçu par la collectivité. C'est donc une question à poser à certaines des collectivités qui vont comparaître ce matin. Je suis sûr que l'une d'entre elles fonctionne selon le mode coutumier.
De toute façon, je ne crois pas qu'il y ait un système qui puisse convenir partout. Comme les systèmes sont conçus par la collectivité, ils sont différents les uns des autres.
M. Charles Hubbard: À votre avis, est-ce que la transition vers un système électoral comportant des mandats de quatre ou cinq ans serait une amélioration par rapport au système actuel ou bien causerait des problèmes?
M. Nelson Toulouse: Je crois pouvoir dire sans crainte de me tromper que des mandats plus longs seraient avantageux pour les chefs. Il n'y a pas de doute que les mandats actuels de deux ans ne leur permettent pas de remplir leurs engagements. Un mandat de deux ans n'est pas assez long. Il revient essentiellement à la collectivité de déterminer ce qui lui convient le mieux, qu'il s'agisse d'une durée de quatre ans ou même de la façon dont le processus est structuré. Voilà ce qui est vraiment important.
Le président: Très bien, nous allons faire un autre tour de table avec quatre minutes pour chacun.
Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey: Monsieur Toulouse, j'ai d'abord un commentaire, puis je vous poserai une question.
Je comprends très bien la difficulté que vous avez eue à répondre à la question de mon ami Stan Dromisky, parce que les députés auraient la même difficulté. Combien d'entre nous ont officiellement sondé leurs électeurs pour savoir ce qu'ils pensent de la participation du Canada à la guerre contre l'Irak? Nous n'avons pas fait de sondages, mais nous savons. D'ailleurs, nous n'aurions pas à aller très loin pour avoir une idée assez concrète de la situation.
Le comité a des difficultés. À part la question de savoir si le processus de consultation a été ou non adéquat, il faut dire que les résultats obtenus ont été assez négatifs jusqu'ici. Un certain nombre de personnes approuvent cette initiative, mais nous avons beaucoup de peine à trouver des témoins qui puissent nous dire que cela représente un grand progrès.
Je ne sais pas si c'est notre faute ou celle de quelqu'un d'autre, mais je crois que nous devons reconnaître honnêtement que c'est là que nous en sommes, que nous soyons d'accord ou non.
Chef Toulouse, je voudrais en savoir davantage sur votre clan, puisque vous en avez parlé. Si j'en savais plus sur ce clan particulier, sa situation géographique, sa composition—est-ce que c'est une ou plusieurs des 43 Premières nations?—, sa façon d'organiser des élections, ses membres hors réserve et ainsi de suite, j'aurais une idée concrète plutôt qu'abstraite de sa façon de vivre.
¿ (0940)
M. Nelson Toulouse: Tout d'abord, le clan du Brochet faisait partie du clan du Poisson. À ce titre, j'aurais normalement dû être assis non pas ici, mais à côté de quelqu'un du clan de la Grue, comme conseiller. Le clan du Poisson est l'un des sept clans, sa principale fonction étant de conseiller les autres clans et d'agir comme intermédiaire entre eux.
L'éducation est un long processus. Le changement implique l'éducation. C'est de cela que nous nous occupons, comme organisation. C'est ce qu'on appelle l'édification d'une nation. Cela consiste à tenir des discussions et à parler du changement et de la façon de faire participer les Anishinabe au processus.
Comme nous avons subi ce régime pendant si longtemps—je ne crois pas avoir besoin de parler des effets de la politique d'éducation infligée à notre peuple—, il est difficile de changer les choses rapidement. Nos gens ont été assujettis à la Loi sur les Indiens et ne connaissent rien d'autre. Ce n'est qu'en 1951 que le gouvernement a abrogé les dispositions de la loi qui nous interdisaient de tenir nos cérémonies traditionnelles.
Nous devons éduquer nos gens, et c'est cela que nous faisons. C'est un processus lent, mais n'importe qui au Canada peut constater que nous recommençons à tenir nos cérémonies traditionnelles. Même les panneaux sur les routes sont en train de changer. Les gens l'acceptent progressivement et participent à ce processus particulier.
Je ne suis pas sûr d'avoir répondu à votre question.
M. John Godfrey: J'essaie encore de comprendre... Je peux imaginer que le clan du Brochet fait partie du clan du Poisson, mais j'aimerais savoir si ces clans font partie des 43 nations et si vous pouvez me dire que tels membres du clan du Brochet vivent à telle place, telle réserve, telle nation, etc. J'essaie simplement de comprendre les rouages, pour ma propre culture générale, si vous n'y voyez pas d'inconvénients.
M. Nelson Toulouse: Les clans ne se situent pas dans une région géographique particulière. Ils se trouvent sans doute dans toutes les collectivités. Si un clan ne réside pas dans une collectivité, nous avons un processus permettant d'adopter un clan.
Encore une fois, l'enseignement traditionnel que j'ai reçu ne m'a pas vraiment préparé à parler de ces choses. Nous comptons sur un conseil des aînés, qui sont nos professeurs.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Dromisky.
M. Stan Dromisky: Merci beaucoup, monsieur le président.
On a affirmé que l'un des problèmes du projet de loi C-7 est qu'il constitue une solution fédérale aux problèmes des Premières nations. Je ne vois pas les choses ainsi. Je trouve que c'est une occasion pour les Premières nations de créer des règles, des processus et des stratégies pour résoudre une multitude de leurs propres problèmes. En d'autres termes, des libertés seront accordées. Au niveau local, au niveau de la circonscription, cela n'avait jamais existé auparavant.
Je suis de Thunder Bay. Vous connaissez la nation de Fort William et vous savez sans doute combien ses membres sont enthousiastes face aux changements qui se produisent là. J'étais là depuis le tout début, depuis 1988, et j'ai été témoin des problèmes qu'ils ont eus avec le gouvernement fédéral. J'étais consterné par le fait qu'ils n'avaient pratiquement aucun contrôle sur leur propre destin, que, pour obtenir n'importe quoi, ils devaient engager un long processus et y consacrer énormément d'énergie, d'argent et de temps. J'ai l'impression que le projet de loi C-7 va éliminer toutes ces formalités inutiles et permettre aux Premières nations d'établir des règlements qu'elles créeraient et respecteraient elles-mêmes pour maîtriser leur propre destin.
Je présente peut-être un point de vue simpliste, mais c'est ainsi que je vois les choses. C'est cette situation par opposition à l'horreur que les Premières nations ont connue dans le nord-ouest de l'Ontario, surtout dans leurs relations avec le gouvernement fédéral et dans les règlements qui existaient et qui existent encore jusqu'ici.
¿ (0945)
Le président: J'attends encore une question.
M. Stan Dromisky: J'aimerais connaître leur réaction à la situation que je viens de décrire.
M. Nelson Toulouse: Je connais bien le chef Peter Collins et j'aime bien rendre visite à cette collectivité. En fait, je dois y aller cette semaine.
Voici ce que j'ai à dire à ce sujet. S'il est possible d'éliminer des obstacles qui entravent le développement, nous y sommes très favorables, et nous l'avons toujours dit. Au sujet des membres de la collectivité de Fort William, je voudrais dire ceci : si je m'adressais à eux dans ma langue spirituelle, l'anishinaabemowin, ils auraient de la difficulté à trouver quelqu'un qui me comprenne. Quand on parle du statut d'une collectivité ou même d'une nation, c'est la culture et la langue qui en sont le fondement, mais cet élément manque à cet endroit.
Cela montre qu'il y a des choses à faire. Il y a le développement économique, mais il faut aussi développer les gens. L'une des choses que nous devons faire—vous en avez sûrement entendu parler—, c'est le processus de guérison. C'est un élément essentiel de l'édification d'une nation : la guérison, l'apprentissage et le réapprentissage de la culture, le facteur essentiel étant d'apprendre la langue.
Le président: Il vous reste une minute, monsieur Dromisky.
M. Stan Dromisky: Fred, avez-vous des commentaires à formuler? Pourquoi les chefs sont-ils tellement opposés à l'initiative du gouvernement qui tente de leur donner l'occasion de jeter les fondations de leur propre destinée?
M. Fred Bellefeuille: En fait, je ne pensais pas que c'était de cela que vous parliez. La première question que vous avez posée était: pourquoi les Premières nations sont-elles opposées aux dispositions du projet de loi C-7 et à l'occasion, comme vous le dites, de concevoir des processus pouvant accroître l'efficacité et tout le reste? Vous avez mentionné la Première nation de Fort William qui avait consacré beaucoup d'énergie à certaines choses. Je n'en doute pas du tout.
Pour répondre à votre question, je dois me demander si le projet de loi C-7 permettrait à une collectivité d'établir les politiques et les processus qui lui conviennent et qu'elle juge responsables et légitimes. Je crois que le projet de loi C-7 n'est pas assez souple pour cela. En fait, il établit des exigences concrètes que les collectivités des Premières nations doivent respecter pour adopter un code administratif ou financier. Ces exigences sont tellement étroites que les collectivités n'ont pas vraiment de décisions à prendre. Les choix permis sont tellement limités que le résultat ne peut pas être légitime.
Prenons par exemple les élections organisées selon la coutume de la bande. Beaucoup de collectivités ont un système électoral coutumier qu'elles appliquent actuellement. La simple présentation du projet de loi C-7 et toute l'idée du réexamen du système électoral suppriment la légitimité de ce qui existe déjà et met en doute des codes que les gens croyaient légitimes.
Oui, il y a sûrement des collectivités qui ont des difficultés électorales, mais il ne convient pas de mettre tout le monde dans le même sac. Il en est de même pour la gestion financière et la gestion administrative. Beaucoup des 43 Premières nations que nous représentons n'ont aucune difficulté sur ces plans.
M. Stan Dromisky: Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Dromisky.
En qualité de président du comité, je ne pose pas moi-même de questions, mais je dirais que la grande majorité des nombreux chefs à qui j'ai parlé et qui dirigent des collectivités qui réussissent et s'occupent de développement économique m'ont dit qu'ils ne s'opposent pas aux dispositions du projet de loi, qu'ils appliquent déjà. Ils sont opposés à la façon de procéder. Je crois que personne n'est en désaccord avec ce que je viens de dire.
Nous sommes ici pour étudier le projet de loi. Je tiens à dire que ce comité ne représente ni le premier ministre ni le ministre des Affaires indiennes. Ce comité ne représente pas le gouvernement. Il fait partie de la Chambre des communes. Nous ne relevons ni de Bob Nault ni de Jean Chrétien. Nous relevons de Peter Milliken, le Président de la Chambre. Notre seul intérêt, c'est la tâche qui nous a été confiée, c'est-à-dire le projet de loi C-7. J'espère que cela est clair.
Je veux dire à tous ceux qui sont présents ici que les membres du comité, quel que soit leur parti, font bien attention à ne pas mettre tout le monde dans le même sac. Certains de nos électeurs ont tendance à le faire, mais nous résistons à la tentation car nous savons, grâce à nos voyages, qu'il y a un grand nombre de vrais succès.
Vous voudrez peut-être savoir que nous faisons partie de ce comité parce que nous trouvons notre travail très important et que nous voulons faire quelque chose. Tous les membres du comité ont suffisamment d'ancienneté et auraient pu, s'ils l'avaient souhaité, faire partie du Comité des affaires étrangères ou d'un autre comité qui fait de prestigieux voyages partout dans le monde. Mais nous préférons siéger à un comité très difficile. Je félicite les membres de tous les partis, qu'ils soient présents ici ou qu'ils soient restés à Ottawa pour s'occuper des projets de loi budgétaires présentés cette semaine. Les députés qui siègent à ce comité sont des gens dévoués, car le travail est difficile.
À vous, monsieur Hubbard, pour quatre minutes. Nous disposerons ensuite de quatre minutes pour les dernières observations.
¿ (0950)
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
Nous avons parlé à plusieurs reprises d'édification d'une nation. Nous avons également entendu parler d'économies viables dans les collectivités des Premières nations. Beaucoup d'entre nous ont connu des groupes des Premières nations qui ont eu des difficultés de gestion. Ces groupes ont ce qu'on appelle la gestion par des tiers. Cela leur impose des limites très strictes sur les plans budgétaire et opérationnel, le chef et le conseil n'ayant plus alors beaucoup de marge de manoeuvre.
Il semble que ce projet de loi leur accordera beaucoup plus de latitude pour s'occuper de gestion financière. N'est-ce pas exact de dire que le projet de loi offre plus de flexibilité et de contrôle en matière de planification?
M. Nelson Toulouse: Je crois que, pour répondre, je préférerais attendre de voir les règlements d'application.
M. Charles Hubbard: Avez-vous des observations à formuler sur la gestion par des tiers? Y en a-t-il, parmi vos Premières nations, qui aient ce problème?
M. Nelson Toulouse: Oui, mais certainement pas dans la proportion dont j'ai entendu parler. Dans notre groupe de 43 Premières nations, nous en avons probablement moins de 10 p. 100.
M. Charles Hubbard: Une autre partie du projet de loi traite des recours. Certains ont suggéré qu'une sorte d'ombudsman serait utile. Vous avez, dans votre cas, 43 Premières nations qui travaillent ensemble. Le projet de loi parle d'une procédure de recours pour chaque Première nation. Il y a des gens qui croient qu'une seule procédure de recours pourrait servir à de plus grands groupes.
Dans le cas des 43 Premières nations que vous représentez, est-ce qu'un seul bureau de recours suffirait, par opposition aux 43 qui seraient établis d'après les dispositions actuelles du projet de loi?
M. Nelson Toulouse: C'est une question intéressante, qui est soulevée dans le cadre des discussions sur la gouvernance que nous avons actuellement. Je dois discuter de l'idée d'un ombudsman ou d'un mécanisme de recours avec les collectivités. Je ne peux pas prévoir d'avance le résultat. Seuls les membres des Premières nations peuvent se prononcer, mais nous faciliterons et animerons les discussions et les ateliers.
¿ (0955)
M. Charles Hubbard: Je crois que vous avez éludé la plupart des questions que nous vous avons posées.
Vous parlez de consultation. Nous nous sommes occupés de consultation, comme le président l'a dit, pendant une longue période. En fonction de la réponse que vous venez de me donner, croyez-vous que les consultations auxquelles vous procédez aboutiront à une conclusion dans un an, cinq ans, dix ans? Combien de temps votre processus de consultation va-t-il durer?
M. Nelson Toulouse: Il est difficile de fixer une durée. Pour nous, les consultations sont permanentes. Comme je l'ai dit, les gens doivent se sentir à l'aise pour discuter de différentes questions. Nous vivons sous ce régime depuis 150 ans. Les membres des Premières nations ont toujours pensé qu'ils étaient opprimés. L'attitude est en train de changer, mais il est difficile de fixer une durée. Nos discussions sur le processus de négociation en cours se poursuivent et vont probablement durer un certain temps. Les gens craignent beaucoup le changement, ce qui est facile à comprendre. Si on fixe une durée et qu'on ne respecte pas l'échéance, c'est assez décourageant. Le fait de ne pas respecter un délai est parfois très négatif et peut entraîner beaucoup de découragement.
Le président: Merci beaucoup.
Chef Toulouse, vous avez quatre minutes pour conclure.
M. Nelson Toulouse: Je voudrais remercier le comité de nous avoir accueillis aujourd'hui. J'espère sincèrement que cela vous a appris quelque chose. Notre organisation peut vous en apprendre davantage si vous le souhaitez. Nous avons un institut à cette fin.
Je crois que nous avons bien présenté nos arguments. Sur le plan du processus, nous devons participer d'une façon très active. Je peux vous dire ce que cela signifie. Cela ne consiste sûrement pas à parler à un petit nombre de personnes. Pour les membres des Premières nations, et compte tenu de nos attitudes et de nos aspirations, c'est un processus d'éducation. Vous devez le comprendre. Pour ce qui est des délais, il est difficile de fixer une durée. Réaliser des changements n'est pas facile.
Notre organisation participe actuellement à un processus qui, nous le croyons, devrait aboutir à des résultats positifs. Il met en cause des gens au niveau de la base. Encore une fois, je ne peux pas parler au nom de 100 p. 100 de nos membres. Personne ne peut le faire. Je suis sûr que vous le comprendrez facilement à titre de députés. C'est un processus auquel les gens ont la possibilité de participer dans le cadre de différentes discussions tenues au cours d'ateliers. Nous animons ces discussions auxquelles beaucoup de gens participent. C'est l'occasion pour eux d'exprimer leur préoccupation et aussi d'apprendre. Ce sont les choses que nous faisons dans notre champ de compétence.
Comme je l'ai déjà dit, nous nous occupons également d'édification d'une nation. C'est un processus de guérison. Il s'agit de relever les aspirations des gens comme peuple, comme membres de la nation Anishinabek. Pour moi, c'est vraiment ce qui compte. Nous pouvons aller de l'avant, proposer et élaborer des lois, mais comment faire pour que tout cela serve vraiment aux gens? Voilà ce qui compte. Il faut que les gens participent. Nous avons engagé un processus qui permet d'amener les gens à s'engager. Nous espérons aboutir à un consensus. En fait, c'est ce que les gens veulent et c'est ce que nous nous efforçons de faire.
Meegwetch.
Le président: Merci beaucoup. Nous avons trouvé votre exposé intéressant et utile. Il est évident que vous êtes très sincère et très dévoué à votre cause. Je vous félicite. Je crois que les gens que vous représentez ont de la chance de vous avoir. Merci beaucoup.
Je voudrais maintenant souhaiter la bienvenue au chef Vernon Syrette de la Première nation de Batchewana. Chef Syrette, nous sommes heureux de vous accueillir au comité. Nous disposons de 30 minutes. Je vois que vous êtes accompagné d'une collègue, que nous vous prions de présenter.
Veuillez présenter votre exposé. Nous espérons qu'il restera assez de temps ensuite pour que les membres du comité puissent vous poser des questions.
À (1000)
Le chef Vernon Syrette (Première nation des Batchewana): [Le témoin parle dans sa langue autochtone.]
Bonjour à tous. Je suis le chef Vernon Syrette de la Première nation de Batchewana. Je suis accompagné de la gestionnaire de ma bande, Mme Margaret Lesage. Je suis heureux d'être ici ce matin.
Le texte intégral de l'exposé occupe environ 27 pages. J'espère que le comité prendra le temps de l'examiner. J'ai l'intention de le passer en revue du mieux que je peux. Je crois que vous y trouverez beaucoup de bonnes choses concernant notre collectivité et aussi la Loi sur la gouvernance des Premières nations.
Le président: Chef, je peux vous dire que votre document sera traduit et distribué à tous les membres du comité, même ceux qui ne sont pas présents aujourd'hui. Il figurera dans le compte rendu, comme tout ce que vous direz ici.
Le chef Vernon Syrette: Meegwetch.
Je vais commencer par le sommaire, qui contient une table des matières. Je vais compter sur Margaret pour répondre à certaines de vos questions si elles sont trop techniques pour moi.
Je commence donc par le sommaire.
La Première nation ojibway de Batchewana demande aux membres du comité d'examiner son histoire, ses problèmes et ses conflits qui les éclaireront sur notre position concernant le projet de loi et sur nos préoccupations au sujet de ses motifs, du processus suivi et de la mise en oeuvre. Si le comité est disposé à prendre des décisions touchant notre avenir, il devrait se familiariser avec notre passé.
La loi envisagée sur la gouvernance des Premières nations ne constitue pas une haute priorité pour la Première nation de Batchewana, qui s'est déjà occupée d'autonomie gouvernementale, qui a participé aux négociations sur les droits inhérents qui ont échoué et qui s'est battue pendant des années devant les tribunaux dans l'affaire Corbiere.
La gouvernance des Premières nations n'est une priorité pour la Première nation de Batchewana en ce moment que parce qu'il est nécessaire de prendre des mesures de protection et de prévention contre la Loi sur la gouvernance des Premières nations, qui menace nos droits.
La Première nation de Batchewana s'oppose au projet de loi C-7, Loi sur la gouvernance des Premières nations, parce qu'elle cherche à imposer unilatéralement la volonté fédérale à notre Première nation. Elle constitue une violation des relations de gouvernement à gouvernement qui existent avec le Canada, une violation de notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, qui est protégé par la Loi constitutionnelle de 1982, une mesure incomplète qui ne reflète pas les réalités de la réglementation future et ne garantit pas le soutien de la mise en oeuvre, et le fruit d'un processus politique vicié, source de discorde et incompatible avec les obligations fiduciaires et l'honneur de la Couronne.
Le gouvernement fédéral a faussement présenté la Loi sur la gouvernance des Premières nations comme le produit de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Corbiere, et comme un processus de consultation populaire. La Loi sur la gouvernance des Premières nations n'applique pas la décision Corbiere puisqu'elle ne supprime même pas le passage de la Loi sur les Indiens déclaré inconstitutionnel par la Cour.
Les principaux éléments de la Loi sur la gouvernance des Premières nations ont été révélés dans l'énoncé de politique intitulé Rassembler nos forces et avait été conçu bien avant que la décision Corbiere ne soit rendue. Toutefois les garanties intergouvernementales et de partenariat énoncés dans cette politique ont été complètement ignorés dans la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Le processus de consultation des collectivités était une imposture, qui n'a rien changé au programme fédéral et qui n'avait d'autre but que de tromper les gouvernements des Premières nations.
Nos Premières nations membres s'intéressent de toute évidence aux questions de gouvernance. Ce sont les gouvernements des Premières nations qui devront assumer le fardeau de la Loi sur la gouvernance des Premières nations et trouver les ressources nécessaires pour s'acquitter des obligations qui leur sont imposées.
Ni les Premières nations membres ni leur gouvernement n'acceptent l'intervention unilatérale du gouvernement fédéral qui empiète sur leur droit inhérent à l'autodétermination, ce droit qui représente quelque chose de très concret pour les Premières nations, mais qui ne constitue qu'un simple sujet abordé dans la politique fédérale.
L'absence d'une consultation adéquate des gouvernements des Premières nations avant l'élaboration du mandat et du programme fédéral a donné un coup fatal à ce projet de loi, qui ne sera jamais jugé acceptable par les Premières nations, surtout quand sa pleine portée et son vrai coût seront connus, ce qui met en évidence le manque actuel d'information.
La Première nation de Batchewana demande au comité d'informer la Chambre dans son rapport que le projet de loi C-7 est impopulaire, impossible à appliquer et impossible à réviser à cause de l'absence d'une information complète et du manque de fiabilité de ses promoteurs. La Première nation de Batchewana demande également au comité de s'assurer qu'une version de consultation du règlement soit disponible pour examen et commentaire avant de présenter son rapport sur le projet de loi C-7. Le comité doit également veiller à ce que les Premières nations soient assurées de recevoir des ressources suffisantes pour s'acquitter des obligations qui leur seront unilatéralement imposées par la Loi sur la gouvernance des Premières nations. S'il lui est impossible de rejeter catégoriquement cette loi, le comité devrait y ajouter une disposition qui la rende facultative et réservée aux Premières nations qui souhaitent l'appliquer au moment de leur choix, après avoir reçu l'assurance d'obtenir des ressources suffisantes. Cela permettrait en outre de simplifier considérablement ce projet de loi complexe. Il faudrait aussi impérativement y inscrire une disposition de non-dérogation et s'engager à tenir d'autres consultations après la deuxième lecture du projet de loi, ce qui n'a pas été le cas du projet de loi établissant le Centre canadien du règlement indépendant des revendications particulières des Premières nations.
Enfin, la Première nation de Batchewana demande au comité d'obtenir du gouvernement fédéral l'engagement ferme et exécutoire de reprendre ce processus d'une manière compatible avec les relations de gouvernement à gouvernement décrites dans le document Rassembler nos forces, dans lequel le Canada s'est engagé à trouver des solutions en collaboration, au lieu de ramasser des miettes après coup, à négocier plutôt qu'à faire des procès, à communiquer, à engager les Premières nations dans des consultations utiles et à agir promptement pour apaiser leurs préoccupations avant que les positions ne se durcissent.
La Loi sur la gouvernance des Premières nations et le processus qui a servi pour la présenter constituent de grossières violations de ces principes.
À (1005)
Je passe maintenant à notre document sur la Première nation de Batchewana et nos collectivités. L'assemblée administrative de la Première nation ojibway de Batchewana se trouve dans la réserve de Rankin, dans la ville de Sault Ste. Marie, délimitée à l'est par la Première nation de Garden River.
La Première nation de Batchewana compte environ 2 200 habitants, dont 700 vivent dans la réserve et environ 1 500 hors réserve. La majorité de la population résidente vit dans la réserve de Rankin. Même si elle ne faisait pas partie de nos premiers lieux d'établissement, la réserve a été acheté par la Première nation de Batchewana avec ses propres fonds en fiducie dans les années 40, pour mettre fin à la période de perte de terres décrite ci-dessous. La réserve de Rankin a une superficie de 1 510 hectares.
La deuxième collectivité en importance se trouve à Goulais Bay, sur le lac Supérieur, à 40 minutes de route de Rankin. Ces terres ont été achetées comme réserve dans le cadre de deux transactions conclues au XIXe siècle, à un moment où la Première nation de Batchewana n'avaient presque plus de terres. La superficie de la réserve s'élève à 645 hectares.
Deux petites réserves de 68 acres se trouvent à Batchewana Bay, à 80 km au nord du Sault, et dans l'île Whitefish. En fait, l'île Whitefish est la seule de nos réserves actuelles qui soit mentionnée dans notre traité. Nous l'avons récupérée comme réserve en 1999, après une expropriation frauduleuse au début du siècle dernier.
Le gouvernement de la Première nation de Batchewana est élu par le chef et les huit conseillers.
La Première nation ojibway de Batchewana est affiliée au Conseil tribal de North Shore et à l'Association of Iroquois and Allied Indians.
Nous souhaitons vous informer que nous connaissons plusieurs problèmes critiques auxquels il importe de s'attaquer. Ce sont l'éducation, le développement économique, les terres et les ressources, le logement et l'infrastructure communautaire, la santé et l'environnement, les droits ancestraux et issus de traités, la pleine protection constitutionnelle et internationale ainsi que les revendications territoriales et la gouvernance.
À (1010)
En ce qui concerne nos origines, comme tous les Anishinabe ou les Ojibway, les ancêtres de la Première nation de Batchewana sont arrivés dans la région des Grands Lacs venant de l'Est, où ils partageaient leurs origines avec d'autres peuples algonquins. La nature de cette migration a été préservée pendant des générations et a été consignée par les premiers Européens qui sont venus parmi nous. La date exacte de ces événements n'est pas connue, mais elle remonte à des milliers d'années. Le Créateur a fait don aux Ojibway des Grands Lacs supérieurs et des riches terres de l'arrière-pays dans lesquelles nous avons vécu à travers les âges.
Les rapides situés au détroit des lacs Supérieur et Huron, aujourd'hui connus sous le nom de rapides de Sault Ste. Marie, ainsi que la rivière St. Mary, connue sous le nom d'Obadjiwan ou Lieu de la Brume, sont des dons spéciaux faits à la Première nation de Batchewana. À cet endroit, nos ancêtres étaient les gardiens de l'une des plus importantes pêches d'eau douce du monde. Les gens des Premières nations venaient de tous les coins de Grands Lacs pour acheter leur poisson, et particulièrement le corégone.
Les observateurs européens ont noté les talents particuliers nécessaires pour prendre le poisson en canot au milieu des rapides. Alexander Henry, par exemple, a observé qu'un pêcheur habile pouvait prendre 500 poissons en deux heures pendant l'automne. Ces talents au canot et à la pêche ont amené nos ancêtres à aller loin, aussi bien pour trouver plus de ressources que pour faire le commerce. Tandis que la majorité des collectivités ojibway de la région constituaient des communautés riveraines établies à l'embouchure des rivières, utilisant celles-ci pour accéder à l'arrière-pays, nos ancêtres étaient des Indiens des lacs, qui pêchaient dans les détroits en saison et parcouraient un vaste territoire pendant le printemps et l'été.
Nos lieux traditionnels se trouvaient près du Sault et dans les baies et les ruisseaux au nord de Sault Ste. Marie, notamment à Goulais Bay, Agawa River, devenu maintenant le parc provincial du lac Supérieur, et l'île Michipicoten.
Les membres de la Première nation de Batchewana continuent à s'occuper de pêche, principalement à des fins commerciales. Après le premier contact avec les Européens au XVIIe siècle, nos ancêtres ont pendant 200 ans fait le commerce du poisson avec la Compagnie de la Baie d'Hudson et l'American Fur Company ainsi qu'avec d'autres Premières nations.
Vers le milieu du XIXe siècle, entre 2 000 et 4 000 barils de poisson étaient exportés chaque année de Sault Ste. Marie vers les deux côtés de la frontière. Jusqu'en 1875, 70 p. 100 des pêches commerciales de la région appartenaient à des membres des Premières nations. Tout cela a commencé à changer très rapidement pour trois raisons.
Premièrement, le gouvernement a commencé à ruiner les pêches des Premières nations et à supplanter leurs pêcheurs en accordant des permis de pêche à des non-Autochtones.
Deuxièmement, l'industrialisation, et surtout les Aciers Algoma en amont des rapides, a fait du tort aux pêches.
Troisièmement, la construction du barrage international sur la rivière a mis fin aux énormes migrations passées du corégone. Les pêches de la région ne se sont jamais rétablies.
Nous, de la Première nation de Batchewana, sommes fiers de notre héritage et de notre histoire d'Ojibway. Nous sommes fiers de nos réalisations comme gestionnaires de l'une des plus importantes ressources des Grands Lacs, et nous avons été attristés par leur destruction. Nous défendons avec vigilance nos droits de pêche et de chasse pour préserver ces droits à l'intention des générations futures de notre peuple.
Le Traité Robinson-Huron de 1850 avait été signé par notre chef héréditaire Nebenaigoching. Son père et son beau-père Shinguacouse avaient été décorés par le Canada pour leur rôle dans la guerre de 1812. Les deux chefs s'étaient opposés à l'intrusion des sociétés minières dans leurs territoires traditionnels.
À la suite d'un raid destiné à évincer des mineurs à la rivière Montréal, au nord du Sault, ils avaient été arrêtés et emmenés à Toronto. Ils avaient alors été reconnus à cause de la contribution de leur collectivité à l'effort de guerre, et des mesures ont été prises pour régler leurs griefs.
Après la prise d'un recensement et une enquête sur les terres traditionnelles des différentes Premières nations des Grands Lacs supérieurs, William Benjamin Robinson s'est rendu à Sault Ste. Marie pour négocier les termes d'un traité, qui a été signé quelque temps plus tard. La Première nation de Batchewana a obtenu un droit ancestral à l'égard de l'île Whitefish et des rapides, à titre de lieux de pêche traditionnels, ainsi qu'une grande réserve entre Gros Cap et Batchewana Bay, près de 40 milles au nord et 10 milles vers l'intérieur des terres, sur toute la distance.
Le commissaire Robinson a garanti dans le traité, au nom de la Couronne, les droits de pêche et de chasse dans tout le territoire cédé à la Première nation, à l'exception de certaines zones prescrites. Il a dit au chef que les terres cédées par traité avaient peu de valeur, saufs quelques gisements minéraux isolés. Il a précisé que si la valeur augmentait, les rentes augmenteraient également « de temps à autre ». C'est les mots utilisés.
À (1015)
Après la Confédération, il est effectivement arrivé une fois que le Canada augmente les rentes d'un dollar. Le gouvernement fédéral a alors poursuivi l'Ontario pour recouvrer le montant mais, ayant perdu sa cause, sans aucune participation de la part des Premières nations, il n'a jamais plus accordé d'autres augmentations.
Les promesses faites dans les traités ont été violées d'une façon flagrante de plusieurs manières. Lorsque la grande réserve promise a été arpentée, elle a été disposée à 10 milles vers l'intérieur des terres à partir du point situé le plus à l'ouest et non, comme prévu, «sur toute la distance». Il y a eu un différend à ce sujet à l'époque, qui n'a jamais été réglé.
Les droits de chasse et de pêche de la Première nation de Batchewana et de ses membres ont été violés à différentes reprises depuis 1850, et plus encore depuis 1982, en dépit de la protection constitutionnelle dont ils jouissaient en principe à partir de cette date. Malgré beaucoup de bonnes paroles venant de la Cour suprême du Canada au sujet des obligations fiduciaires et de l'honneur de la Couronne, le gouvernement du Canada n'a jamais levé le petit doigt pour protéger nos droits issus de traités. Ainsi, la Première nation de Batchewana n'a pas pu conserver la réserve promise dans le traité.
En ce qui concerne le Traité de Pennefather, le gouvernement, sans se laisser décourager par les tentatives manquées précédentes, a réussi en 1959 à persuader les Premières nations de Batchewana, de Garden River et de Thessalon de renoncer à d'importantes parties de leurs terres de réserve. Dans le cas de la Première nation de Batchewana, cette cession portait sur toute la réserve de 350 milles carrés. En contrepartie, le gouvernement avait promis aux membres de la Première nation des logements et des terres à Garden River. Encore une autre promesse non tenue, parce que le gouvernement ne pouvait pas attribuer des terres de River Garden qu'à des membres de cette Première nation.
Beaucoup de nos membres ont séjourné là pendant près d'un siècle, sans aucune participation au gouvernement de cette collectivité et sans garantie de leur régime foncier. Un petit nombre de membres de la Première nation vivent encore à Garden River. Le gouvernement n'a jamais rendu compte à la Première nation de Batchewana de la vente de ses anciennes terres de réserve ou des terres cédées mais non vendues dans lesquelles la Première nation de Batchewana avait un intérêt, y compris des intérêts miniers et autres sur des terres vendues. La question de la superficie de la réserve prévue par traité n'a jamais été réglée, et la Première nation de Batchewana n'a reçu aucune indemnisation pour la vente ou l'utilisation de terres qui auraient dû être comprises dans l'arpentage initial.
Pendant près de vingt ans après le Traité de Pennefather, la Première nation de Batchewana n'avait que la petite réserve de l'île Whitefish, qui était régulièrement inondée, à cause des terres basses et des rapides.
Dans les années 1880, des terres ont été acquises à Goulais Bay et, beaucoup plus tard, à Rankin. La Première nation de Batchewana a dû payer elle-même pour ces terres en dépit du fait que le problème était dû au gouvernement.
Même si l'île Whitefish a échappé à la rapacité générale des auteurs du Traité de Pennefather, elle n'a pas échappé aux opportunistes. Les compagnies de chemin de fer ont en effet procédé à trois expropriations qui leur ont laissé toute l'île pour une somme dérisoire. Pourtant, on n'a jamais eu besoin de l'île et on ne l'a jamais utilisée à des fins ferroviaires.
Curieusement, pendant la Première Guerre mondiale, le Canada a repris l'île aux compagnies de chemin de fer, leur restituant ce qu'elles avaient payé avec l'intérêt. Les compagnies ont refusé le montant et ont réussi, en s'adressant à la Cour de l'échiquier, à obtenir la vraie valeur marchande qu'elles n'avaient pourtant pas payée elles-mêmes, et que le Canada n'avait pas su obtenir pour la Première nation.
La Première nation de Batchewana a présenté une revendication particulière à l'égard de l'île en mai 1980 et obtenu un règlement en 1993. Elle a recouvré l'île en 1999, après six ans de démarches, en dépit du fait que toutes les terres étaient fédérales. Aucune indemnisation n'a été versée à l'égard du retard.
Autre incident dans l'histoire de la revendication de l'île Whitefish, dans le cadre de l'expropriation par les compagnies de chemin de fer, trois familles avaient été réinstallées à Gros Cap, où des terres leur ont été données. En 1990, le Canada a vendu ces terres sans verser d'indemnité à la Première nation de Batchewana. Le dernier incident n'est pas encore consigné parce que la Première nation de Batchewana n'a jamais reçu d'indemnité pour la perte de ses immenses pêches à proximité des lieux de pêche ancestraux.
À (1020)
En ce qui concerne le projet de loi C-31, cette mesure législative de 1985 avait pour objet d'inscrire les dispositions d'égalité de la Charte dans la Loi sur les Indiens. Les dispositions qui privaient les femmes indiennes de leur statut et de leur appartenance à la bande si elles épousaient un non-Indien tout en accordant le statut aux femmes non indiennes qui épousaient des Indiens ont finalement été abrogées. De plus, la nouvelle loi a permis de rétablir le statut de ceux qui l'avaient perdu.
Le gouvernement a sérieusement affaibli les dispositions de rétablissement. Le nombre de personnes qui ont recouvré leur statut dans la Première nation de Batchewana conformément au projet de loi C-31 a été considérablement plus élevé que prévu. La promesse faite par le gouvernement, selon laquelle les bandes ne souffriraient pas financièrement ou autrement par suite de la demande accrue de services d'éducation, de logement et autres, n'a pourtant pas assuré aux Premières nations des fonds suffisants à cet égard. Dans le cas de l'éducation, par exemple, lorsque l'importance réelle de la demande a pu être déterminée, la réponse du Canada n'a pas consisté à offrir des fonds supplémentaires. À court terme, le Canada a fixé un plafond aux fonds offerts. Encore une fois, on promet beaucoup et on tient peu.
Certains fonds étaient disponibles quelque temps après 1985, mais les Premières nations n'ont jamais eu des sommes suffisantes pour loger les membres rétablis et les nouveaux membres qui souhaitaient vivre dans les réserves. Pour ce qui est des budgets d'éducation, y compris l'enseignement postsecondaire, nous craignons toujours de ne pas en avoir assez ou de voir nos besoins augmenter par suite du financement provenant des Premières nations, y compris la Première nation de Batchewana.
Le président: Chef, je dois vous interrompre. Nous avons utilisé 20 de nos 30 minutes. Les membres du comité seraient heureux de connaître vos préoccupations au sujet du projet de loi C-7, qui nous aideront dans nos délibérations et nous permettront d'améliorer cette mesure dans l'intérêt des gens que vous représentez.
Il nous reste dix minutes. Nous pouvons les utiliser à votre guise, mais je voulais attirer votre attention sur les préoccupations des membres du comité. Ils vont prendre des notes lorsque vous parlerez du projet de loi C-7.
Le chef Vernon Syrette: Je suis vraiment désolé de ne pas pouvoir lire le texte intégral de ce mémoire que j'ai écrit, car je pense qu'il est important pour votre comité d'en prendre connaissance. J'allais en venir à l'affaire Corbiere, qui est à l'origine de la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Je vais peut-être récapituler rapidement, puis je passerai à ce que nous voyons dans la Loi sur la gouvernance des Premières nations.
La Première nation de Batchewana a une connaissance particulière de l'affaire Corbiere, dont on dit qu'elle a été la base de la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Les demandeurs étaient membres de la Première nation de Batchewana, qui était elle-même intimée dans l'affaire. Par conséquent, nous avions certains de nos membres des deux côtés. La Première nation n'était pas partie au procès parce qu'elle n'avait pas les moyens de payer un avocat, mais elle a été représentée à la Cour d'appel fédérale et à la Cour suprême du Canada.
Devant les deux cour d'appel, la Première nation a réclamé la possibilité de résoudre elle-même le problème. Avant cette affaire, nous avions l'impression d'être mieux placés pour en arriver à un consensus sur l'orientation future à prendre que des décideurs extérieurs, qu'il s'agisse du Parlement ou des tribunaux.
La Cour suprême a noté ainsi notre position:
La bande demande à notre Cour de ne pas rendre d'ordonnance quant à la validité de la disposition législative pour l'instant, mais plutôt de déclarer celle-ci inconstitutionnelle et d'ordonner à la bande d'établir, de concert avec ses membres résidents, ses membres hors réserve et le ministre, ses propres règles relatives au droit de vote fondées sur la coutume et conformes aux principes de la Charte. Elle prétend que si, à l'expiration du délai qui serait imparti pour faire rapport, la loi n'avait pas été modifiée de la manière appropriée, la Cour devrait alors rendre une ordonnance formelle. Subsidiairement, elle suggère qu'une déclaration d'invalidité dont la prise d'effet serait suspendue constituerait une réparation convenable. |
La Cour n'a pas accepté de nous laisser trouver notre propre solution, mais elle a accordé une déclaration suspendue d'invalidité. Sa décision comprenait donc trois éléments. J'aurais aimé les aborder, mais je vais passer directement à la page 19, aperçu de la Loi sur la gouvernance des Premières nations.
La Première nation de Batchewana considère que le processus de la Loi sur la gouvernance des Premières nations se compose généralement de quatre phases. La première, préalable au dépôt du projet de loi, est une phase de consultation. Pour les raisons mentionnées ci-dessous et pour d'autres raisons bien connues du comité, la Première nation de Batchewana considère que les consultations tenues étaient une imposture.
Passons à la deuxième phase. Pour le moment, nous nous occuperons seulement du processus de ce comité et du contenu de la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Nous considérons que les audiences du comité constituent une occasion pour la Première nation de Batchewana d'exprimer son opposition à la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Nous rejetons également le contenu du projet de loi parce qu'il ne tient pas compte de nos priorités et ne respecte pas nos droits et nos façons de procéder, à titre de Premières nations autonomes. Il n'offre qu'un moyen extrêmement encombrant de réaliser ce qui peut être fait constitutionnellement et efficacement avec la participation active des Premières nations, en dehors de toute machination.
Passons maintenant à la troisième phase. Il est peu rassurant de constater que personne ne connaît le contenu des règlements envisagés. Dans beaucoup de cas, sinon la majorité, pour diverses raisons, ce ne sera pas la Loi sur la gouvernance des Premières nations que les Premières nations devront appliquer. Les vraies exigences figureront dans les règlements, et ce comité manquerait à son devoir s'il permettait l'adoption de la Loi sur la gouvernance des Premières nations sans avoir pris connaissance de ces règlements.
La quatrième phase est la mise en oeuvre. Qu'une nation adopte ses propres codes, comme le prévoit la Loi sur la gouvernance des Premières nations, ou qu'elle soit assujettie à la réglementation, elle aura une charge de travail supplémentaire. C'est un domaine où le gouvernement ne prévoit jamais suffisamment de ressources. S'il est permis au gouvernement d'imposer cet ultimatum aux Premières nations, il incombe au comité de veiller à lui en faire payer le prix.
Comme on peut le constater d'après ce très bref aperçu, la Première nation de Batchewana a de graves préoccupations au sujet de cette mesure législative établie sur de fausses hypothèses. Elle est entourée de secret et fait cyniquement abstraction de ce que les Premières nations souhaitent. Dans l'ensemble, il y a beaucoup trop d'inconnues.
À (1025)
Lors du dépôt du projet de loi antérieur, le C-61, à la Chambre des communes le 17 juin 2002, le ministre Nault avait déclaré :
Les Premières nations ont grandement contribué à la rédaction de cette mesure législative, qui est le résultat de notre dialogue avec les gens que nous servons et de leurs opinions. Lorsque nous avons lancé le projet d'autonomie gouvernementale des Premières nations il y a plus d'un an, nous avons volontairement entrepris de consulter ceux qui seraient le plus directement touchés. |
La Première nation de Batchewana doute que quiconque au Canada soit assez naïf pour croire à de telles affirmations. On trouve quelque chose de plus proche de la réalité dans la lettre ouverte que le ministre a adressée au chef national le 20 septembre 2001. Il y dit en effet :
Je demeure disposé à examiner ces questions tant que le mandat essentiel que m'a confié le gouvernement est respecté. |
À (1030)
Le président: Nous vous avons bien demandé de faire un exposé de cinq minutes
Chef Vernon Syrette: Pour ce qui est du projet de loi, cette phase comporte deux éléments. La Première nation de Batchewana reconnaît que certains éléments de la LGPN visent des objectifs que nous partageons et qui sont avantageux pour nos gens. Cela ne fait cependant pas du projet de loi une mesure populaire. C'est une mesure de gouvernance qui aura des conséquences très directes et très profondes sur les gouvernements des Premières nations, définissant leurs priorités – si elles se laissent faire – et imposant une charge de travail considérable aux chefs, aux conseillers et au personnel.
Bref, la Loi sur la gouvernance des Premières nations offrira peut-être en définitive certains avantages aux membres des Premières nations, mais ce ne sont pas ces membres qui feront le travail ou trouveront l'argent nécessaire pour la mise en oeuvre. Si une Première nation choisit d'élaborer tous les codes et dispose de ressource pour le faire, il incombera à son gouvernement de persuader les membres d'adopter ces codes, puis d'élaborer les politiques et les structures correspondantes et de trouver les fonds voulus à cette fin.
En conclusion, la Première nation de Batchewana a démontré que les explications du gouvernement fédéral quant au moment choisi et aux motifs invoqués pour présenter la Loi sur la gouvernance des Premières nations sont complètement fausses. Le 11 février, M. Johnson a dit au comité que tout cela découle de la décision Corbiere et c'est seulement alors qu'on a découvert que tout un éventail d'autres questions devaient être examinées.
Le fait est que les principaux éléments de la Loi sur la gouvernance des Premières nations se retrouvent dans le documentRassembler nos forces, publié plus d'un an avant que la Cour suprême rende sa décision dans l'affaire Corbiere. Ce ne sont pas des pensées après coup. Tout était prévu depuis 1997 au plus tard ou aurait pu être annoncé en janvier 1998.
La Première nation de Batchewana formule un certain nombre de suggestions et de recommandations dans son mémoire écrit. Nous les présentons au comité à titre d'idées constructives dans les circonstances. Le meilleur résultat possible pour nous serait le retrait du projet de loi. La seule autre possibilité que nous pouvons juger acceptable est une mesure législative dont la mise en oeuvre serait facultative.
Quelle qu'en soit la forme, la Loi sur la gouvernance des Premières nations doit comprendre une disposition de non-dérogation et une reconnaissance du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, tel qu'inscrit dans la Constitution, et pas seulement aux fins de commodité, de politique ou de relations publiques du gouvernement. Le comité pourrait s'inspirer du libellé de l'ancien projet de loi C-79 pour trouver un texte approprié à insérer dans la Loi sur la gouvernance des Premières nations.
Très franchement, la Première nation de Batchewana croit que rien de bon ne peut découler de ce processus si la Loi sur la gouvernance des Premières nations est adoptée dans une forme quelconque. Les dommages qu'elle a déjà causés aux relations entre les Premières nations et le Canada sont manifestes et pourraient bien devenir irrémédiables.
Le président: Chef, je vous prie de conclure dans la prochaine minute.
Chef Vernon Syrette: Si le gouvernement fédéral doit s'inspirer du document Rassembler nos forces, la Première nation de Batchewana croit qu'il devrait trouver son inspiration dans l'énoncé de principes que je vous ai lu tout à l'heure. Il devrait être évident pour les membres du comité que la Loi sur la gouvernance des Premières nations viole chacun de ces principes. Elle ne mérite pas de survivre dans sa forme actuelle.
Voilà le message que j'avais à vous transmettre. Je demande encore une fois que le comité prenne le temps de passer en revue et d'étudier le contenu de notre mémoire.
Le président: Merci beaucoup. Les attachés de recherche nous signaleront les parties de l'exposé qui portent sur le projet de loi C-7, dont nous tiendrons sûrement compte.
Collègues, je m'excuse, mais il ne reste pas de temps pour des questions, puisque 31 minutes sont déjà écoulées.
Merci beaucoup de votre exposé.
J'invite maintenant, de la Première nation de Whitefish Lake, le chef Gail Shawbonquit.
Tandis que le chef s'approche, je voudrais mentionner à tout le monde que si nous avons du temps pendant la journée, puis en fin de journée, nous inviterons quiconque le souhaite à présenter des observations pendant deux minutes. Nous accorderons deux minutes à toute personne qui n'a pas comparu et ne doit pas comparaître devant le comité.
Bienvenue. Nous disposons de 30 minutes. Nous vous invitons à présenter un exposé, après lequel nous espérons avoir l'occasion de poser des questions.
Le chef Gail Shawbonquit (Première nation de Whitefish Lake): Vous avez mon exposé sous les yeux. Je vous ai également remis des photos de notre bureau de bande et notre organigramme, dont j'ai parlé ce matin.
Tout d'abord, bonjour à tout le monde, à tous les délégués et aux membres du comité. Je suis heureuse d'être ici pour vous présenter le point de vue de la Première nation de Whitefish Lake sur la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Mon exposé sera fondé là-dessus: le point de vue de la Première nation de Whitefish Lake sur le projet de loi.
Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de parler au comité permanent du projet de loi C-7, Loi sur la gouvernance des Premières nations. Je m'appelle Gail Shawbonquit et je suis le chef de la Première nation de Whitefish Lake.
Je voudrais vous donner aujourd'hui le point de vue d'une Première nation et vous montrer comment la Première nation de Whitefish Lake fait les choses.
Je ne peux me faire l'interprète des autres Premières nations, mais je sais qu'un grand nombre d'entre elles partagent le point de vue que je vais exprimer aujourd'hui. Souvent, nous voulons parler de ce qui ne va pas dans la direction des Premières nations, l'administration et la prestation des programmes. Nous passons à côté de nos réussites, et c'est le genre de chose dont je voudrais parler aujourd'hui.
Un mot de Whitefish Lake. Notre Première nation compte une population de 784 personnes. Environ 310 d'entre elles habitent dans la réserve et 474 en dehors, dont une grand nombre dans la région de Sudbury.
La principale langue qui se parle à Whitefish Lake est l'anglais. Nous sommes des Ojibways. Seulement quelques personnes, surtout des personnes âgées, parlent l'ojibwa, parce que beaucoup de membres de la bande sont allés dans les pensionnats et que nous habitons tout près de Sudbury. De plus, nos enfants vont à l'école en dehors de la réserve depuis les années 60.
Notre Première nation a des terres de 43 755 acres. Nous sommes donc responsables d'un grand territoire. Le relief est accidenté, rude et rocailleux, avec de beaux lacs et de vastes forêts qui entourent la localité et font vivre la collectivité. Nous sommes situés à une quinzaine de kilomètres de l'agglomération de Sudbury.
La Première nation de Whitefish Lake est signataire du Traité Robinson-Huron de 1850. À ce titre, nos droits inhérents de chasse et de pêche sont protégés et nos membres les exercent encore. Ces droits leur sont très chers. Le territoire visé par le traité est énorme. Il est bordé par Parry Sound au sud, Sault Ste. Marie au nord, le parc Algonquin à l'est et les rives du lac Huron à l'ouest. Le chef Shawenakeshick a signé un traité pour la Première nation de Whitefish Lake en 1850. Le Traité Robinson-Huron nous garantissait un versement de 4 $ par année, ce qu'on appelait un paiement prévu par traité.
Notre structure de gouvernement actuelle se compose d'un chef et de sept conseillers, et nous sommes régis par la Loi sur les Indiens. Les membres de la Première nation de Whitefish Lake proposent des candidatures et votent pour leurs dirigeants respectifs, dont le mandat est de deux ans. Il y a un conseiller pour 100 personnes.
Le conseil se réunit toutes les deux semaines pour étudier les questions de gestion publique et tous les mois pour discuter de questions financières. Le procès-verbal des réunions est affiché à la réception, où les membres de la bande et tous ceux qui viennent au bureau peuvent le consulter. Une fois l'an, nous remettons un rapport à la collectivité pour informer nos membres de nos réussites. Nous faisons rapport de la prestation des programmes et présentons une vérification annuelle.
Quelques mots sur notre structure d'organisation. Je vous ai remis notre organigramme. Nous avons 30 personnes qui travaillent à temps plein pour le gouvernement, et nous avons du personnel temporaire. Nous avons un organigramme, des descriptions de poste et des échelles salariales approuvés.
À (1035)
Un directeur général se charge des activités courantes en appliquant les politiques approuvées: personnel, finances, utilisation du territoire, logement, forêts, emploi et formation, santé, etc.
Le chef et le conseil ne se mêlent pas d'administration. Ils ont adopté une politique leur interdisant d'être des employés de la bande. De plus, les membres du personnel qui veulent se présenter aux élections doivent prendre un congé.
Il y a actuellement cinq programmes en place qui sont gérés par des directeurs. Il y a la santé et les services communautaires, comprenant les services à l'enfant et à la famille et les services sociaux. Nous avons aussi un programme d'infrastructure communautaire, un programme de planification et de développement, et les finances et l'administration. La direction fonctionnelle est assurée par le directeur général
Divers postes sont rattachés à chaque programme, et les programmes offrent des services aux membres de la bande qui habitent dans la réserve. Lorsque les ressources le permettent, des services sont aussi offerts aux membres hors réserve.
Qu'en est-il de notre financement? La source principale des fonds de fonctionnement de notre bureau est Affaires indiennes et Développement du Nord Canada. Nous recevons environ 2,3 millions de dollars, dont 383 000 $ pour le soutien de la bande, montant qui sert à financer notre service d'administration financière et à payer les honoraires du chef et du conseil et les frais de déplacement. Nous recevons également 580 000 $ de Santé Canada et d'autres versements fédéraux-provinciaux de 273 000 $
Beaucoup d'information qui arrive à notre bureau au sujet des audiences porte sur l'argent remis aux Premières nations. C'est pourquoi je voulais donner ces chiffres, pour que vous sachiez combien nous recevons, pour chacun des membres de notre collectivité.
Si on divise par le total de notre population, 784, l'argent que nous recevons du gouvernement, soit 3,1 millions de dollars, on obtient pour chacun des membres de notre Première nation environ 4 000 $. C'est loin des 25 000 $ par homme, femme et enfant avancés dans le débat sur le budget le 24 février 2003. Si ce chiffre était véridique, nous recevrions 19 millions par année pour offrir nos programmes. Ce n'est pas le cas. Notre Première nation serait heureuse de recevoir cet argent, et les membres de notre collectivité se considéreraient comme très à l'aise, mais nous savons que ce n'est pas le cas.
Notre taux de chômage est élevé—60 p. 100, d'après nos estimations, même si nous sommes à proximité de Sudbury. Nous sommes en train de créer un parc industriel qui comprendra 18 terrains que nous envisageons de louer à des entreprises autochtones et autres. Avant de le faire, nous devons nous conformer aux règlements fédéraux, par exemple sur la désignation de terres pour location. C'est une démarche très lourde. Il faut que nos membres votent pour céder ces terrains. Les localités non autochtones échappent à ce type de règlement. Les Premières nations hésitent beaucoup à céder des terres, et celle de Whitefish Lake ne fait pas exception. Nous travaillons sur ce parc depuis sept ans, et nous ne sommes pas plus près de la réalisation qu'il y a sept ans.
Nous espérons que le parc industriel donnera des emplois à nos gens et des recettes pour nos programmes, car nous subventionnons beaucoup de programmes financés par le gouvernement. Nous avons des fonds en fiducie et les rentrées du Casinorama, et nous avons une revendication qui a été réglée il y a quelques années. Nous avons donc de l'argent pour cela, mais l'argent que nous recevons ne suffit pas pour offrir nos programmes.
Notre gouvernement est fort en ce sens qu'il a des politiques et procédures sur les finances, le personnel et la gestion. Nous tenons régulièrement des réunions. Notre structure administrative est solide. Nous rendons des comptes aux organismes de financement dans le cadre d'accords de contribution et aux termes de diverses exigences de rapport. Nous rendons des comptes à nos membres au moyen de réunions annuelles et de vérifications.
Je voudrais maintenant expliquer un peu pourquoi nous nous opposons au projet de loi. Nous en avons discuté, Ray, et vous vouliez savoir comment on pourrait amender le projet de loi.
À (1040)
J'ai étudié le projet de loi, je l'ai lu et relu, et j'ai réfléchi à la façon de l'amender. Je n'ai rien pu trouver qu'on puisse amender. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il faut le rejeter.
La Première nation de Whitefish Lake n'appuie pas la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Nous l'avons rejeté par une résolution et par une pétition de nos membres, et nous avons tenu des réunions. Selon nous, la loi proposée est complètement inutile. Elle ne porte pas sur la gouvernance, mais sur l'administration.
Nous estimons que la Loi sur la gouvernance des Premières nations vient ajouter au fardeau qui existe déjà. De toute évidence, elle ne porte pas sur la bonne gouvernance. Elle viole nos trois ancestraux et nos droits issus de traités et, par-dessus tout, elle perpétue l'attitude coloniale du gouvernement fédéral.
Les droits ancestraux et issus de traités sont protégés par la Constitution canadienne. Les Autochtones ont un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Nous n'y avons pas renoncé. Il nous a été enlevé par des lois comme la Loi sur les Indiens. Le projet de loi, au lieu d'affranchir les Indiens de toute intervention, prolongera de 100 ans encore l'intervention fédérale dans nos affaires courantes.
Est-ce que c'est le legs que le gouvernement du Canada veut laisser? Les 633 Premières nations du Canada sont très diverses. Les besoins, les problèmes, les populations sont différents. Les niveaux de compétence en gestion aussi, et leurs assises territoriales aussi, car certaines sont riches en terres et en ressources et d'autres très pauvres.
Il est très important que le comité le comprenne. Nous ne pouvez pas tous nous mettre dans le même panier, parce que nous sommes différents. Beaucoup de Premières nations assurent leur gestion et accomplissent des progrès. Par contre, d'autres ont du mal, et c'est d'elles que vous devriez vous occuper. Vous devez vous attaquer aux vrais problèmes locaux: pauvreté, financement insuffisant, problèmes de santé, problèmes sociaux et économiques. Ce sont les vrais enjeux.
La vérificatrice générale a dit que les Premières nations étaient tenues de présenter des rapports excessifs sur les programmes, mais elles ne reçoivent pas des ressources suffisantes pour engager tout le personnel nécessaire pour répondre à ces exigences en matière de rapports.
Selon nous, le comité et les députés qui devront se prononcer sur le projet de loi ont été menés en bateau. La loi proposée n'améliorera pas notre qualité de vie. Elle ne nous rendra pas plus responsables et transparents, pas plus démocratiques. Elle nous rendra plus dépendants des décisions et des ressources financières de l'État.
La cause profonde du problème, ce n'est pas ce qu'il y a dans le projet de loi, mais le colonialisme, que des lois comme la Loi sur la gouvernance des Premières nations perpétuent.
Voilà ce que j'avais à dire. Merci beaucoup.
À (1045)
Le président: Merci beaucoup.
Chers collègues, la Première nation de Whitefish Lake se trouve dans ma circonscription, et je peux confirmer ce qui vous a été dit. L'administration est excellente, et une grande partie du mérite vous en revient, chef.
Voyons, nous avons 15 minutes. Cinq minutes pour chacun. Nous allons suivre la séquence habituelle : M. Hubbard, M. Godfrey et M. Dromisky.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
Chef, votre exposé a été très impressionnant. Je ne veux pas m'attarder à certains faits que vous avez présentés au sujet des budgets. Je suis plutôt étonné que votre budget ne soit pas plus considérable. Est-ce que l'éducation, par exemple, en fait partie?
Le chef Gail Shawbonquit: Oui. L'éducation se rattache à nos services communautaires, et au développement économique.
M. Charles Hubbard: Vous payez donc à la ville un certain montant pour que vos enfants fréquentent l'école?
Le chef Gail Shawbonquit: Oui. Les enfants de l'élémentaire vont à l'école de jour dans une localité voisine, Naughton, mais la plupart de nos enfants vont à l'école à Sudbury ou à Lively.
M. Charles Hubbard: Environ combien d'enfants avez-vous qui fréquentent l'école?
Le chef Gail Shawbonquit: Entre 70 et 80 à l'élémentaire et une trentaine au secondaire. Notre population est jeune.
M. Charles Hubbard: Je dirais que cela représente probablement plus d'un million de dollars sur votre budget. Vous avez une trentaine d'employés, ce qui coûte encore un million, probablement. Vous n'avez donc pas beaucoup d'argent pour...
Le chef Gail Shawbonquit: Dans le rapport, j'ai essayé de montrer combien nous recevions d'argent pour offrir les programmes. Je n'ai pas parlé des autres ressources que nous consacrons à diverses autres initiatives dans la collectivité.
Je voulais vous montrer... J'ai suivi les délibérations du comité et j'ai pris connaissance d'un certain nombre de rapports qui disaient... Au moins un rapport que j'ai lu disait que les Premières nations recevaient environ 70 000 $ par homme, femme et enfant. Voilà ce que nous dénonçons. Je voulais vous dire que ce n'est pas le cas, et préciser combien nous recevons , en réalité. Si un certain montant se dépense dans les collectivités, c'est que nous subventionnons les programmes avec des ressources qui viennent d'ailleurs, avec les recettes qui proviennent des collectivités.
M. Charles Hubbard: Chef, dans les arrangements financiers, nous parlons de transparence, de la possibilité, pour tous les habitants des réserves, tous les membres des Premières nations, de connaître les budgets, les dépenses, etc. Est-ce que cela se fait chez vous?
Le chef Gail Shawbonquit: Chez nous, oui. Nous avons un processus budgétaire rigoureux. Le personnel et les dirigeants travaillent sur un budget et le présentent à la collectivité : voici le budget de l'année, voici ce que nous dépensons.
Les comptes rendus des réunions portant sur les finances sont disponibles à la réception. Les membres peuvent les consulter et poser des questions, soit à moi, soit au directeur général.
M. Charles Hubbard: Sur ce plan, le projet de loi C-7 n'occasionnerait donc aucun problème. Ce qu'il prévoit pour les élections présenterait-il des difficultés pour votre Première nation?
À (1050)
Le chef Gail Shawbonquit: Dans les années 80, probablement, lorsque nous travaillions sur le processus de l'autonomie gouvernementale avec notre conseil tribal, le Conseil tribal de North Shore, nous avons prévu un processus pour le leadership et les élections.
Au moyen de comités, d'un travail dans la collectivité et d'un dialogue, nous avons élaboré notre propre code électoral. Tout est prêt. C'est sur les tablettes. Ce n'est plus qu'une question de ratification et de mise en oeuvre. Cela dépend de nos priorités. En ce moment, notre priorité est de trouver des emplois pour nos gens, de faire travailler nos jeunes gens. Une grande partie de nos efforts ont porté là-dessus. Pour ce qui est du leadership, nous pourrions faire le nécessaire.
M. Charles Hubbard: Pour ce qui est de l'emploi, je suis étonné que, si près d'un grand centre industriel comme Sudbury, le taux de chômage soit de 60 p. 100.
Quelle est la grande cause, selon vous? L'éducation? Les débouchés? Le degré d'acceptation de vos gens dans la région? Selon vous, quel est le grand obstacle? Dans cette région de l'Ontario, le chômage est d'environ 9 p. 100. Votre taux est donc sept fois plus élevé que la moyenne.
Le chef Gail Shawbonquit: C'est beaucoup une question d'éducation. Bien des jeunes quittent l'école très tôt. C'est probablement à cause d'un manque de bons conseils sur les débouchés, par exemple. Il y a aussi que les gens ne veulent pas partir de chez eux.
Dans la société d'aujourd'hui, nous faisons tous face... Il en est question dans différents médias : aujourd'hui, les jeunes préfèrent rester chez eux. Il y a autre chose. Nous avons une importante assise territoriale, et nous avons travaillé en vue de...
M. Charles Hubbard: J'essayais de m'insinuer.
Le chef Gail Shawbonquit: Je sais. Je vous voyais faire
Le président: Permettez-moi de vous interrompre. Le taux de chômage dont vous parlez, c'est pour les habitants de la réserve ou l'ensemble...
Le chef Gail Shawbonquit: Les habitants de la réserve.
Le président: Un grand nombre de vos membres ont donc décidé de partir pour travailler ailleurs. Je voudrais rassurer ceux qui se formalisent un peu quand je les interromps en leur disant que j'ai interrompu le ministre deux fois lorsqu'il a comparu devant le comité.
Monsieur Godfrey.
Le chef Gail Shawbonquit: C'est ce que fait un bon président.
M. John Godfrey: Pour poursuivre dans le même ordre d'idées, je vous demanderais, par curiosité quel est le taux de chômage des 474 membres qui habitent hors de la réserve.
Le chef Gail Shawbonquit: Nous ne le savons pas. L'une des choses que nous voulons faire, et cela a un lien avec notre parc industriel, c'est faire une enquête et un rapport sur le taux de chômage, le niveau des compétences, etc. Nous voulons essayer d'élaborer une stratégie pour renforcer les capacités de notre Première nation dans la réserve, mais aussi à l'extérieur.
M. John Godfrey: Toujours pour préciser les chiffres, lorsque vous parlez de 70 enfants au primaire et de 30 au secondaire, c'est pour 310 membres ou 784?
Le chef Gail Shawbonquit: C'est 70 pour 374 membres
M. John Godfrey: C'est 70 enfants pour les 310 habitants de la réserve. Vous n'avez donc pas à payer les autorités scolaires pour les enfants inscrits qui n'habitent pas dans la réserve. Lorsqu'on calcule le coût par habitant de vos services sociaux, par exemple... Vous dites que la moyenne doit être de 4 000 $ pour 784 personnes, mais la plupart des services sociaux dont vous parlez, comme la santé et le logement, sont sans doute offerts seulement aux 310 habitants de la réserve. C'est là que la demande doit se situer, ou d'autres gens reviennent-ils?
À (1055)
Le chef Gail Shawbonquit: Parfois oui, je dirais, mais parfois non. En santé, des services sont offerts aux membres qui habitent hors de la réserve. Sur les 580 000 $ que la Première nation reçoit pour le programme, une partie sert à financer des services pour les membres hors réserve, mais non de façon directe. C'est pourquoi je voulais bien situer le contexte. On ne peut pas dire que les Premières nations reçoivent 70 000 $ ou 25 000 $ par habitant. Ce n'est pas le cas.
M. John Godfrey: Pour en revenir à la question de M. Hubbard, vous dites que vous avez étudié le projet de loi et qu'il ne vaut pas la peine de l'amender. Je crois que M. Hubbard a alors dit que les choses marchent si bien pour ce qui est de la gestion publique, de la transparence, de la reddition des comptes, des codes électoraux. Il y a tout ce qu'on peut souhaiter... Je suis conscient que ce n'est pas une priorité, puisque tout marche bien. Vous dites : ne réparez pas ce qui n'est pas cassé. Sur le plan pratique, comment le projet de loi C-7 vous dérangerait-il, sur le plan administratif, s'il était adopté tel quel ou amendé? J'ai l'impression que vous êtes prêts à faire tout ce qui est proposé dans le projet de loi. Sur le plan pratique, est-ce que le projet de loi serait très encombrant?
Le chef Gail Shawbonquit: Je pourrais répondre par une question : pourquoi adopter une loi dont personne ne veut, surtout pas les Premières nations et les dirigeants, alors qu'on peut agir par d'autres moyens? Ce qu'on a fait, du reste, dans bien des cas. Voyez la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Cette loi est d'application facultative, même si, à mon avis, elle est probablement de nature très administrative, par opposition à quelque chose qui nécessite une intervention législative. Pourquoi voudrions-nous nous engager dans cette voie?
M. John Godfrey: Je saisis, mais ma question est la suivante: même si la loi n'était pas d'application facultative, mais obligatoire pour tous—il est certain que certains sont moins bien administrés que votre peuple, mais à votre point de vue, pour ce que vous avez à faire dans votre Première nation—pensez-vous que répondre aux exigences serait très difficile, ou le travail est-il déjà fait?
Le chef Gail Shawbonquit: J'ai fait mon exposé en me plaçant du point de vue de la Première nation de Whitefish Lake, mais je m'inquiète beaucoup des autres Premières nations du Canada qui n'ont pas une situation aussi enviable que la nôtre. J'affirme avec force que ce sera un très lourd fardeau pour elles. Il y aura beaucoup de résistance, car les gens se diront que, même si la loi est adoptée, ils n'y donneront pas suite.
M. John Godfrey: Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Dromisky.
M. Stan Dromisky: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais prendre quelques risques, et j'espère que personne ne va m'interrompre.
M. John Godfrey: Nous sommes prêts.
M. Stan Dromisky: Je m'occupe des Premières nations depuis les années 50. Dans les années 70, nous avions un programme spécial à l'Université Lakehead. L'été, nous invitions des chefs de tout le Canada à assister à des sessions de quatre semaines. Il y en a eu environ trois. La majorité des participants à ces programmes étaient des femmes. Il y avait très peu d'hommes. Deux ou trois en trois étés. La semaine dernière, j'ai eu une autre expérience en Saskatchewan. Deux femmes et un homme m'ont dit que les meilleurs chefs dans l'ouest du Canada étaient des femmes. C'est là que je prends des risques.
Nous avons ici un bon exemple. Chef Gail, je suis étonné de ce qui se passe dans votre collectivité. Je comprends que vous vous opposiez à une grande partie du projet de loi C-7, puisque vous faites déjà ce qui y est prévu. Nous voudrions que toutes les autres collectivités fassent comme la vôtre, si possible.
Je m'interroge donc sur votre répugnance à demander au gouvernement fédéral d'accélérer le processus par ce projet de loi. Que d'autres en profitent, comme vous le faites, sur le plan de la gouvernance et du bien-être de la population. Je ne suis pas d'accord avec certains témoins qui ont comparu. Il y a dans certaines réserves des pratiques très contestables, illégales et immorales, et elles doivent changer. Dans bien des réserves, le statu quo est inadmissible. Vous nous donnez un exemple splendide de ce qu'on peut faire.
Pourquoi ne pourrions-nous pas accélérer le processus dans d'autres réserves au moyen du projet de loi C-7?
Á (1100)
Le chef Gail Shawbonquit: J'ai dit dans mon rapport que bien d'autres Premières nations au Canada faisaient exactement comme nous. Il faut utiliser ces exemples pour aider à renforcer les capacités des Premières nations.
Par contre, beaucoup de Premières nations ont du mal et travaillent fort pour parvenir là où nous en sommes rendus. Il peut s'agit de petites nations d'une centaine de personnes. Comment gérer, comment faire quelque chose avec l'argent accordé pour une population de 100 personnes? Nous avons une population de 784, dont 310 habitent dans la réserve. Nous pouvons faire appel à d'autres sources de recettes. Bien d'autres Premières nations n'ont pas cette chance.
M. Stan Dromisky: Je conteste cette prémisse. Un groupe est toujours un groupe, qu'il compte sept, huit ou neuf personnes qui participent aux décisions ou 700. Il est toujours possible de concevoir un excellent modèle, comme vous l'avez fait. Peu importe. L'essentiel est que les gens participent aux décisions. Il y a bien des gens qui ne participeront jamais, avec le statu quo, et qui ne l'ont jamais fait.
Il y a bien des choses qui me dérangent dans les pratiques administratives, et je voudrais qu'on y mette bon ordre. Depuis 1988, il y a plus de gens qui sont venus me voir pour des problèmes de Premières nations ou de Métis que pour la réglementation des armes à feu, et bon nombre n'étaient pas de ma circonscription, mais de celles de Robert Nault et de Joe Comuzzi, et beaucoup venaient du Manitoba. Je voudrais qu'il y ait des changements. Je ne vais pas me fier au hasard, parce que bien des gens vont souffrir pendant des années si nous ne faisons rien et tolérons le statu quo.
Je crois que votre modèle est magnifique, cela ne fait aucun doute.
Le président: Merci, monsieur Dromisky.
Je vous invite à conclure en deux minutes.
Le chef Gail Shawbonquit: Je vais conclure et répondre aux observations du député. Le projet de loi ne fera pas ce que vous souhaitez. Cela ne va pas se passer. Je crois qu'il y a d'autres moyens de s'y prendre. Il s'agit de renforcer les capacités et de préciser un peu les idées sur ce qu'on entend par gouvernance. Il ne s'agit pas de rester dans le vague, comme si cela existait dans les airs, quelque part. Il faut montrer concrètement comment nous pourrions apporter ce genre de changement. Le projet de loi ne va rien donner.
Voilà la conclusion que je veux vous laisser.
Le président: Chef Gail, merci beaucoup. Votre exposé a été très instructif et impressionnant. Je suis très fier d'être le député de votre circonscription, car vous êtes un exemple pour le Canada. J'espère que les pratiques exemplaires aideront d'autres collectivités, et vous y avez certainement contribué.
Trois collègues se joignent à nous. Les conditions météo ont permis à leur avion d'atterrir. Nous accueillons la libérale Anita Neville et le néo-démocrate Pat Martin. Reed Elley se joindra à nous sous peu.
J'invite maintenant à la table le chef Norman Hardisty, de la Première nation Moose Cree.
Pendant que nous nous installons, j'annonce un changement de programme. Nos délibérations ne reprendrons pas à 13 heures, mais à 12 h 30. Nous accueillerons alors le Conseil tribal de North Shore, puis un professeur de l'Université Laurentienne, André Émond. Ensuite, nous reprendrons le programme à 13 h 45.
Bienvenue, chef Norman. Vous êtes invité à présenter votre collègue. Nous avons 40 minutes en tout, et j'espère que vous nous laisserez le temps de poser des questions. Je vous en prie.
Á (1105)
Le chef Norman Hardisty (Première Nation Moose Cree): Tout d'abord, bonjour à tous. Je suis le chef Norm Hardisty, de la Première nation Moose Cree. Nous nous trouvons dans la région de la baie James. Sur la carte, vous pouvez voir la baie d'Hudson, et la baie James, en bas. Nous sommes tout au bas.
Je vous présente mon collègue, Dave Fletcher, ancien chef de la Première nation Moose Cree. Il est aujourd'hui conseiller auprès du bureau du chef.
En plus de mon exposé, nous allons vous présenter trois documents. L'un d'eux expose notre conception de l'autonomie gouvernementale. C'est un projet de constitution. Il a déjà été envoyé au cabinet du ministre, et il a été présenté au ministre lui-même. Il y a ensuite mon exposé. Le dernier document qui a été remis au comité est la pétition de mes membres qui protestent contre le contenu de la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Ces documents sont à votre disposition.
Nous allons commencer par mon exposé.
Le président: Je dois signaler que, si vous avez une pétition, il est possible de nous la laisser ici, mais vous pouvez aussi demander à votre député de la déposer à la Chambre des communes. Vous avez le choix.
Le chef Norman Hardisty: Oui, merci. Nous avons des exemplaires qui ont été distribués.
Merci encore, monsieur le président et membres du comité. Merci d'avoir réservé cette période pour entendre mon exposé.
Je vous transmets les salutations de mon peuple, les membres de la Première nation Moose Cree. Vous et vos familles êtes cordialement invités à visiter notre territoire traditionnel. Nous serons heureux de vous faire voir notre culture, notre mode de vie et la façon dont nous nous sommes adaptés à l'ère moderne.
La Première nation Moose Cree existe à la baie James depuis des temps immémoriaux. Nous y vivons en harmonie avec notre terre et ses ressources et, depuis plus de 300 ans, nous partageons notre terre en paix avec les peuples européens.
Pendant toute cette période, nous avons vécu du produit de la terre et de ses riches ressources. Notre terre nous a permis de prospérer au point que nous comptons aujourd'hui plus de 3 500 membres. Notre nation a grandi malgré les influences extérieures qui nous ont apporté des difficultés, des maladies et d'autres dures réalités de la colonisation. Elle a grandi malgré l'imposition sans consultation et l'application de lois qui nous ont empêchés de suivre notre mode de vie traditionnel.
Seules une volonté de fer et notre capacité d'adaptation nous ont permis de défendre les avantages obtenus par la signature de notre traité, en 1905. De façon répétée, nous avons affronté dans des audiences comme celle-ci ou devant des tribunaux ceux qui contestent nos droits issus du traité et veulent nier notre propre responsabilité en nous imposant des changements massifs.
Nous avons bâti ce pays de nos mains, avec notre travail et notre sang. Pour protéger le Canada, nous avons participé à vos guerres, où nous avons perdu beaucoup des nôtres et où beaucoup ont été blessés. Aujourd'hui, au Canada, nos gens ont beaucoup de difficultés. J'espère que vous avez pu vous renseigner là-dessus. Ils vivent dans des conditions dignes du quart-monde : une pauvreté désespérée, des logements minables, de l'eau non potable, l'absence d'eau courante dans les logements, des écoles inadéquates, aucune installation de loisirs et des services de santés qui ont du mal à répondre même aux besoins les plus élémentaires.
Ces conditions ont donné des catastrophes à répétition partout au Canada. Nous savons tous qu'une des causes fondamentales de ces problèmes est que votre gouvernement ne reconnaît pas nos droits issus de traités et n'accorde pas un financement suffisant aux Premières nations pour offrir des services.
Où obtenir des améliorations? Où trouver les moyens de réparer les torts? Où chercher les ressources pour commencer à bâtir nos collectivités pour qu'elles prospèrent et répondent à leurs propres besoins?
Votre gouvernement a présenté le projet de loi C-7 au Parlement. Beaucoup d'entre vous croient honnêtement que la Loi sur la gouvernance des Premières nations changera mon monde pour le mieux. Je ne suis pas d'accord. Dans moins de trois ans, ce sera le centenaire de notre traité. Votre gouvernement aura de belles choses à dire sur le traité et les promesses qui nous ont amenés à le signer. Il y aura certainement des célébrations, mais en l'honneur de promesses creuses qui ont été reniées, à moins qu'il ne s'agisse de célébrer les promesses que nous vous avons faites et que nous avons tenues: vivre en paix et partager notre terre avec vous.
À propos de promesses, je me rappelle celles qu'on a faites à nos anciens combattants qui ont risqué leur vie dans vos guerres. Près de 50 ans après la fin de la Second Guerre mondiale, votre gouvernement vient tout juste de prendre une mesure modeste mais concrète en offrant à chacun d'eux 20 000 $. Je déplore que beaucoup d'entre eux soient décédés avant qu'on leur fasse cette offre.
Pourtant, vous me demandez de vous faire confiance: le projet de loi C-7 améliorera ma situation.
Á (1110)
Ma réserve fait 88 milles carrés de marécage. Vos négociateurs de traité ont veillé à ce que nous n'ayons pas de terres utiles. Il n'y a pas de quoi créer une industrie forestière. Il n'y a plus de minéraux à exploiter. Il n'y a pas de sites naturels comme les chutes Niagara pour attirer les touristes. Il n'y a rien qui puisse servir de base à notre économie. Nous vivons dans la pauvreté, sans emplois sinon dans les activités gouvernementales comme les services de l'hôpital.
Le projet de loi C-7 ne fera pas de miracle pour rétablir la situation.
En 1969, votre gouvernement a proposé un livre blanc infâme, qui visait à notre assimilation totale dans la société majoritaire. mais, en dehors d'un exode massif de nos réserves vers vos villes où nous vivrions de l'aide sociale, que proposait-on qui puisse garantir plus d'indépendance à notre peuple?
Vous avez entendu ma description de notre réserve. Je vous le demande, qui pourrions-nous imposer pour obtenir des recettes fiscales? Nos gens? Ils n'ont même pas de quoi payer les choses les plus simples que votre société tient pour acquises?
Aujourd'hui, nous sommes ici pour parler d'un autre document, le projet de loi C-7. L'esprit est le même que celui du livre blanc, mais l'approche est différente. Vous avez d'autres propositions qui iront de pair avec la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Je crois que vous les avez délibérément gardées à l'écart, mais il est évident qu'elles seront complémentaires du C-7. Des lois comme la Loi sur la gestion des terres des Premières nations et la Loi sur les relations et les institutions financières compléteront sûrement vos plans pour faciliter notre élimination.
Monsieur le président, j'ai étudié votre projet de loi C-7 des points de vue juridique et philosophique. J'ai des sentiments mitigés. Je ne crois pas qu'il s'agit de consultations sérieuses. Je ne veux pas que ma comparution donne l'impression que je le crois, mais je comparais pour expliquer mon opposition au projet de loi. Je n'ai pas d'amendement à proposer au projet de loi C-7 parce que je crois que ce texte et les autres lois connexes sont tellement imparfaites qu'on ne peut les améliorer. Il faut retirer ce projet de loi et lui substituer un meilleur processus, une approche qui respecte nos gens et nos droits.
Aujourd'hui, monsieur le président, je voudrais exposer certaines de mes nombreuses inquiétudes au sujet de la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Ces préoccupations sont partagées par mes frères de tout le Canada. Je comprends aussi que vous n'êtes pas ici pour discuter des points que j'avance, mais pour écouter et transmettre mes propos à Ottawa.
Monsieur le président, j'ai consulté mes membres, et j'interviens avec l'assurance de vraiment parler en leur nom.
Le projet de loi C-7 établit et prescrit tous nos droits en matière de gouvernance, ce qui est contraire à la Constitution canadienne et à notre traité. Nous voulons parler à votre gouvernement d'autonomie gouvernementale, mais nous pouvons le faire seulement dans le cadre d'un processus ouvert avec toute notre collectivité, sans que les résultats soient prédéterminés.
Nous ne pouvons accepter cette loi qui décrit arbitrairement le fonctionnement de notre gouvernement. Votre loi va jusqu'à nous dire quand convoquer des réunions, qui doit prendre les notes, comment nos employés doivent être payés, etc.
C'est une conception illégitime, étroite et limitée de notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, et nous ne pouvons l'accepter. Contrairement à ce que dit le gouvernement, soit que cette loi confiera des pouvoirs et un contrôle aux Premières nations, cette loi donne plus de pouvoir au ministre. Il aura le dernier mot sur les appels au sujet d'élections et il pourra intervenir dans nos affaires financières. La loi nous donne beaucoup de nouvelles responsabilités et tâches bureaucratiques, mais sans nous céder plus de ressources.
Á (1115)
Le gouvernement se décharge sur nous, purement et simplement. Il nous cède ses responsabilités de fiduciaire, mais sans les ressources pour les assumer. Nous n'accepterons pas qu'il abdique ainsi ses responsabilités.
La loi nous permettra d'adopter des lois à nous, mais pourquoi faire, si nous n'avons pas les moyens de les faire respecter?
Nous n'avons pas besoin de lois pour nous dire comment choisir nos dirigeants, et nous ne les accepterons pas. La Première nation de Moose Cree a toujours choisi ses dirigeants et continuera de le faire.
Votre nouvelle loi nous obligera à concevoir de nouveaux codes. Nous n'aurons pas la capacité de les élaborer, ni de les appliquer. Nous nous retrouverons avec le régime par défaut prévu dans votre loi, élaboré et dicté par votre cabinet. Autrement dit, ce sera une approche uniforme, ce qui n'a jamais marché avec notre peuple et ne fera que perpétuer le régime colonial.
Monsieur le président, comme je l'ai dit, j'ai consulté mon peuple, et il s'est exprimé. Je vous présente une pétition contre le projet de loi C-7. C'est un des documents que je vous ai remis. Elle est signée par 53 p. 100 des membres inscrits de la Première nation de Moose Cree en âge de voter. J'espère que vous accepterez cette pétition qui montre ce que nous pensons de la loi et dit que nous croyons que votre gouvernement essaie encore de nous desservir de façon honteuse, alors que vous avez promis de nous protéger.
Je crois dans le changement constructif, et des changements progressistes s'imposent dans le développement des Premières nations. Je ne suis pas venu uniquement pour blâmer votre gouvernement. Je veux aussi proposer une autre solution, qui exige une confiance mutuelle et un objectif commun.
La loi proposée sur la gouvernance ne nous considère pas comme de vrais partenaires dans l'élaboration de nos propres constitutions. Elle nous impose une solution qui ne marchera pas.
Rien ne montre qu'il faut faire adopter le projet de loi C-7 à toute vitesse au Parlement. Il faut plutôt une volonté sincère du gouvernement de travailler avec nous comme avec des partenaires pour élaborer les lois qui permettront à nos nations de croître et de prospérer.
Vous connaissez bien la Constitution canadienne, selon laquelle il faut justifier solidement toute loi qui nuit aux droits ancestraux. Il n'y a pas la moindre justification pour cette loi. La Constitution, respecte, sagement, le droit de toutes les Premières nations à l'autonomie gouvernementale et l'obligation du gouvernement de nous respecter et de traiter avec nous comme avec des gouvernements égaux.
La Première nation Moose Cree a besoin d'une constitution fidèle à l'esprit de notre peuple et de notre nation. Nous avons besoin de notre loi, qui définira très clairement le fonctionnement de notre gouvernement. Nous devons l'élaborer nous-mêmes à partir de nos besoins et de nos aspirations. Votre gouvernement doit nous respecter et reconnaître notre droit de choisir notre forme d'autonomie gouvernementale.
La Première nation Moose Cree veut évoluer vers l'autonomie gouvernementale et l'autarcie. Nous voulons pouvoir développer nos propres institutions et lois, selon un processus dans lequel votre gouvernement sera un partenaire, non un dictateur. Nous voulons le faire d'après nos croyances et traditions de façon que nous puissions prendre notre avenir en main.
Notre constitution doit être fondée sur notre traité, sur une confiance et des promesses mutuelles. Votre gouvernement doit accepter ses obligations, comme nous avons accepté les nôtres envers vous.
Vous serez sans doute tous d'accord avec moi pour dire qu'il faut agir avec ouverture et transparence. Nous n'avons rien à cacher. Nous rendons déjà des comptes à notre population, et nous n'avons pas d'objection à vous promettre que cela ne changera jamais.
Je ne suis pas ici que pour critiquer le projet de loi. Je veux aussi présenter notre vision. Je suis fier de vous soumettre notre proposition, intitulée A Vision of Self-Governance, qui a été remise au comité. Je vous demande de l'accepter, de l'examiner et de la communiquer aux autres députés et au ministre, M. Robert Nault. J'espère sincèrement que nous pourrons travailler ensemble dans l'intérêt de votre peuple et du mien.
Á (1120)
Merci, monsieur le président et messieurs les députés de votre intérêt et de votre attention pendant que j'ai exprimé mes idées sur le plan que mon peuple a élaboré pour son avenir.
Voilà mon exposé, monsieur le président. S'il y a des questions, j'espère pouvoir faire appel à mon collègue pour m'aider à y répondre.
Le président: Merci beaucoup de votre exposé.
Nous aurons une série d'interventions de quatre minutes, c'est-à-dire quatre minutes par parti, ce qui comprend la question et la réponse. Il est préférable que la question soit brève pour que notre témoin ait le temps de répondre.
Monsieur Elley, c'est à vous, pour quatre minutes. Je vous souhaite la bienvenue.
M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis désolé de n'avoir pu arriver au début de la réunion. Bien des choses échappent au contrôle des députés, dont les conditions météorologiques.
Je tiens à remercier la Première nation de Whitefish Lake de nous accueillir sur son territoire traditionnel aujourd'hui pour nos audiences. Je vous félicite de votre exposé.
J'ai assisté à un certain nombre d'audiences dans tout le pays et, dans le climat parfois émotif que cela suscite, nous entendons beaucoup de colère et d'amertume, mais souvent, on ne nous remet pas des exposés étoffés qui nous expliquent ce que veulent les peuples autochtones. Vous nous en avez remis un, et je vous en remercie. Cela nous permet de savoir ce que vous pensez et ce que vous souhaitez.
La Loi sur la gouvernance des Premières nations porte sur deux choses principales : la responsabilité financière et la gouvernance des bandes, par les élections. D'autres éléments sont venus se greffer à cela. Je sais que vous nous avez remis une proposition très étoffée.
Ce que nous avons entendu, c'est que le processus de consultation n'a pas été mené correctement, que les Autochtones se sentent exclus. Pourriez-vous nous expliquer comment nous pourrions faire marche arrière et ce que nous devrions faire, selon vous, pour intégrer les idées et les convictions qui devraient être prises en considération avant qu'on ne présente des projets de loi au Parlement du Canada?
Le chef Norman Hardisty: Tout d'abord, je présente des excuses: je remercie moi aussi la Première nation de Whitefish Lake de nous accueillir dans son territoire traditionnel.
Je tiens à souligner quelques points sur la responsabilité financière. De quoi d'autre avez-vous parlé?
Á (1125)
M. Reed Elley: Toute la question de la gouvernance, avec les élections dans les bandes, etc.
Le chef Norman Hardisty: Notre Première nation a toujours été transparente et responsable. Quant aux élections, nous avons toujours pu les tenir de façon équitable. Cela n'a jamais été un problème. Nous avons toujours pu rendre les comptes exigés de la Première nation Moose Cree.
Nous nous sommes toujours bien débrouillés sur les plans de l'administration, des finances et de la gestion. Nous nous sommes aussi bien débrouillés avec les services des programmes, et j'espère que nous progresserons encore.
Mon collègue pourrait peut-être parler du reste.
M. Dave Fletcher (conseiller, Première Nation Moose Cree): Merci, monsieur le président.
Vous avez posé une question fondamentale sur les consultations qui auraient dû précéder la présentation de la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Si vous considérez les protestations qui se sont fait entendre dans tout le pays, vous constaterez qu'on dit que le problème est dû au fait que le ministre a présenté un peu trop rapidement le projet de loi C-61—qui porte maintenant un autre numéro.
Des consultations sérieuses auraient dû avoir lieu avec notre peuple avant que le ministre ne présente le projet de loi au Parlement. C'est notre grande objection. Si on veut que nous participions à l'élaboration d'une loi, ce doit être dès le départ. Quand je dis «nous», il s'agit de la base, des gens que j'ai laissé derrière moi, dans la réserve. Ce sont eux qui doivent collaborer à l'élaboration de mesures législatives qui vont nous toucher tous.
Le président suppléant (M. Stan Dromisky): Merci beaucoup.
Nous allons passer à Pat Martin, qui a quatre minutes.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux de votre mémoire. Je représente le NPD, et nous avons collaboré étroitement avec les Premières nations de tout le pays pour lutter contre le projet de loi, précisément pour les raisons que vous venez d'énumérer. Merci de l'avoir expliqué aussi clairement. Votre mémoire est excellent.
Je suis d'accord avec vous. Vous avez raison de vous méfier du gouvernement fédéral au sujet du projet de loi. Nous croyons que c'est une tentative calculée et préméditée pour saper et réduire vos droits actuels issus de traités. Il est certain qu'il existe un consensus croissant pour dire que c'est un effort délibéré et conscient du gouvernement, et vous avez raison de vous y opposer.
Vous avez dit que vous n'accepteriez pas l'imposition de ces nouveaux codes de gouvernance. Le projet prévoit alors que le mécanisme par défaut vous sera imposé. C'est ce qui arrivera aux 633 Premières nations. Les coûts en énergie, en ressources et en argent seront stupéfiants, et l'argent viendra directement du budget des services votés des Affaires indiennes. De l'argent qui pourrait servir à l'éducation, au logement, à la satisfaction de besoins de base sera utilisé pour imposer par la force aux Autochtones des dispositions dont ils ne veulent pas.
Avez-vous songé à tout l'argent que le gouvernement flambe, environ 110 millions, pour imposer tout cela à des nations qui n'en veulent pas? Qu'en pensez-vous?
Le chef Norman Hardisty: Nous devons être justes si nous voulons nous prononcer sur les ressources dont nous aurons besoin. Une question, peut-être: à quoi doivent servir les crédits du gouvernement? Combien a-t-il reçu pour faire ce genre de travail? Nous avons aussi besoin de ce genre de financement. J'ai toujours cru que, si quelqu'un doit gouverner la Première nation Moose Cree, ce sont les membres de la nation, pas moi ni le conseil. Ce sont les membres, les gens de la base. J'ai toujours cru que, si on veut faire quelque chose correctement, il faut le faire une fois, et bien.
Dans ce cas, il faut des millions pour faire ce que j'ai proposé au comité et au ministre Nault. Il y a notre constitution, qui sera ratifiée par mon peuple. À partir de là, nous aurons des négociations constructives avec le gouvernement sur la façon dont nous nous gouvernerons, comme Première nation.
Á (1130)
M. Pat Martin: Recommanderiez-vous de retirer le projet de loi C-7 ou de chercher à l'amender—faire marche arrière et tout recommencer?
Le chef Norman Hardisty: Bien sûr.
Notre intention n'est pas... Je peux vous dire tout de suite que nous faisons déjà entre 80 et 90 p. 100 de ce qui est prévu dans le projet de loi C-7. La majeure partie est déjà chose faite.
Il ne s'agit pas de rejeter l'ensemble du projet de loi C-7. Il y a des dispositions du projet de loi qui ne peuvent pas marcher dans notre cas. Notre pétition, notre référendum dit qu'il faut soit retirer le projet de loi C-7, soit y apporter des amendements prévoyant qu'il soit soumis à notre Première nation pour approbation par voie de référendum. Voilà ce que dit notre pétition. Nous nous opposons à certains éléments de la Loi sur la gouvernance des Premières nations, mais pas à tout.
Le président: Merci beaucoup.
Quatre minutes pour les libéraux.
Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey: Je vous souhaite la bienvenue.
Je voudrais revenir sur vos derniers propos. J'ai parcouru votre document, y compris votre plan d'élaboration de constitution. Je me demande, puisque je n'ai pas retrouvé cela dans notre exposé, si vous pourriez expliquer plus en détail les amendements que vous souhaiteriez, si le projet de loi va de l'avant. Vous pourriez vous contenter des grandes lignes, des principaux sujet de préoccupation.
Le chef Norman Hardisty: Mon collègue va répondre.
M. Dave Fletcher: Si on considère certains aspects du projet de loi, une chose qui ressort clairement, c'est que beaucoup de Premières nations au Canada, dont la nôtre, ont leur processus traditionnel propre pour choisir leurs dirigeants.
Le projet de loi sur la gouvernance, dans sa forme actuelle, ne nous permet pas de conserver les aspects traditionnels de nos processus de sélection. Voilà un point. Nous avons la capacité et le droit de dire : voici comment nous avons toujours choisi nos dirigeants, et c'est ainsi que nous allons continuer à le faire.
L'autre chose, bien entendu, et cela a un lien avec les observations et les questions de Pat, c'est que, à propos du renforcement des capacités, il faut dire d'où les ressources viendront. Au sujet des capacités, c'est notre principale inquiétude.
Pour venir ici, nous avons dû emprunter. Nous n'avions pas l'argent nécessaire. Des dispositions sont prévues, dans le cadre des audiences, pour payer le logement, les déplacements, etc., mais cela ne permet pas de payer la préparation des mémoires.
Voilà le genre de problème dont nous avons déjà parlé. Il n'y a pas de ressources à la disposition des Premières nations pour qu'elles puissent accepter tel quel le code de gouvernance.
Le président: Quelqu'un d'autre du côté des libéraux? Il nous reste une minute.
Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard: Dans cet autre document que vous avez présenté, vous parlez de votre budget annuel. D'autres témoins nous ont donné des indications à ce sujet. Avez-vous des ressources propres? Quelle partie des 30 millions de dollars provient du gouvernement fédéral et de ses différents ministères?
Á (1135)
Le chef Norman Hardisty: Je dirais qu'environ 95 p. 100 de nos ressources financières viennent du gouvernement.
M. Charles Hubbard: Qu'en est-il de votre gestion? L'une des pires choses dont on nous parle concerne l'administration par une tierce partie. Il y a parfois des difficultés et il arrive que ce type d'administration ne soit pas très acceptable, dans la façon dont le ministère travaille avec les Premières nations. Avez-vous éprouvé des problèmes avec votre...?
Le chef Norman Hardisty: Je suis très heureux de dire nous n'avons jamais eu d'administration par un tiers ni aucun autre type de cogestion. Nous nous sommes bien débrouillés. Nous avons bien réussi à nous adapter à ce qui nous a été proposé.
M. Charles Hubbard: À propos du projet de loi C-7 et de la reddition des comptes, comme vous l'avez dit, il n'y a aucun problème de transparence dans votre travail?
Le chef Norman Hardisty: Nous sommes tout à fait transparents, non seulement envers le gouvernement, mais aussi envers notre peuple. Comme un autre chef l'a dit, nous communiquons l'information à nos membres également, au bureau.
Le président: Merci beaucoup.
Il nous reste une minute pour conclure, si vous souhaitez faire quelques observations.
Le chef Norman Hardisty: Merci encore de m'avoir offert cette occasion. J'ai vraiment l'impression que, lorsque nous parlons d'autonomie gouvernementale, de constitution, du projet de loi C-7, tout se résume à une chose: je suis au service de mon peuple. C'est vrai du groupe qui se trouve ici, de ce qu'on trouve dans cet immeuble. Je suis au service de mon peuple, et il est très important que nous tenions compte de la base, des gens que nous servons. Ce sont eux qui vont choisir le type de gouvernement que je vais avoir chez moi. Il est vraiment important de ne pas l'oublier.
Merci beaucoup.
Le président: Vous avez raison, et nous vous remercions beaucoup de votre excellent exposé.
Nous invitons maintenant à la table, représentant la Première nation de M'Chigeeng, le directeur de recherche Alan Corbiere et le conseiller Joe Hare.
Là encore, nous disposons de 30 minutes. Je vais vous demander de présenter ceux qui vous accompagnent et de passer immédiatement à votre exposé. J'espère que nous pourrons poser des questions.
M. Joe Hare (conseiller, Première nation de M'Chigeeng): Je vais prendre un instant pour m'organiser, monsieur le président.
Le président: C'est votre temps. Nous avons 30 minutes.
M. Alan Corbiere (coordonnateur de recherche, Première nation de M'Chigeeng): [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]
Nous comparaissons aujourd'hui pour exposer nos préoccupations au comité permanent. Nous vous remercions de prêter attention et d'ouvrir votre coeur à ce que nous avons à dire. Au nom de la Première nation de M'Chigeeng, notre plus cordiale bienvenue.
Nous voudrions commencer par vous montrer une ceinture wampum que nous avons fabriquée. Elle a été donnée en 1764, après le siège de Detroit, après la guerre de Pontiac, après 1763, année de la proclamation royale. Elle symbolise la relation entre gouvernements qui existe entre les autorités coloniales britanniques et le gouvernement du Canada, qui leur a succédé, et le peuple anishnabek de Turtle Island.
C'est ce qu'on appelle la chaîne de covenant. Nous avons deux personnes, une qui représente la Couronne britannique et l'autre le peuple anishnabek. Leurs deux coeurs sont représentés et ils sont reliés, attachés par cette chaîne. C'est la chaîne de covenant, et elle est faite d'argent. L'argent a été choisi parce que c'est un métal précieux et qu'il est facile d'en effacer la ternissure ou l'oxydation. C'est aussi une matière très résistante. Elle symbolise la relation qui existe entre nos peuples. Voilà dans quel esprit nous abordons l'audience d'aujourd'hui. C'est notre histoire qui a modelé notre opinion sur le projet de loi C-7.
Je le répète, les Anishnabek estiment avoir une alliance avec les autorités coloniales britanniques et le gouvernement du Canada, qui leur a succédé. Nous n'avons jamais été conquis. Comme la Constitution canadienne le garantit, nous avons un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, et nos droits ancestraux et issus de traités doivent être respectés, défendus, revendiqués.
En 1862...
Á (1140)
Le président: Un instant, s'il vous plaît.
Nous ne pouvons tolérer les pancartes dans la salle. Nous vous demandons de les retirer. J'ajoute que le temps court; nous rognons sur la période accordée à nos témoins.
M. Pat Martin: Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
Le président: Je me suis prononcé sur l'utilisation de pancartes. Nous attendons qu'elles soient retirées. S'il vous plaît.
M. Pat Martin: Monsieur le président, pourriez-vous entendre mon rappel au Règlement, ou ma question de privilège, si vous préférez?
Le président: Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Question de privilège, monsieur le président. Je ne connais rien, dans le Règlement ou les règles des comités permanents qui traite de la présence de pancartes dans les salles de réunion.
Le président: C'est ici.
Nous vous demandons de retirer les pancartes. Vous privez les témoins de leur temps de parole. Le temps file.
M. Pat Martin: Monsieur le président, vous êtes injuste envers le témoin.
M. Joe Hare: Pourquoi abréger notre exposé à cause de ce que d'autres personnes font? J'estime que vous avez le pouvoir de nous accorder intégralement nos 30 minutes.
Le président: Nous ne sommes pas inflexibles à ce point. Nous serons justes envers vous, mais, si nous devons rester ici toute la journée avec des pancartes, aussi bien monter à bord de l'avion et aller tout de suite à Thomson.
Nous voulons que les pancartes soient retirées de la salle. Vous ne rendez pas service aux témoins. Merci beaucoup.
Nous allons vous rendre le temps que nous venons d'utiliser.
M. Alan Corbiere: En 1862, nous avions trois chefs à M'Chigeeng, qui s'appelait alors Mitchikewedinong, ce qui veut dire lieu de la lance, lieu du harpon à poisson. C'est l'endroit où notre chef Debassige a cherché les moyens de subsistance du peuple et des générations à venir. Ce devait être la pêche et l'agriculture.
À l'époque, la bande comptait trois chefs, les chefs Itawashkash, Debassige et Paimoquonaishkung. C'est ce dernier qui a rédigé une pétition en 1862 énonçant les effets de cette relation entre gouvernements et décrivant la ceinture wampum que nous venons de vous montrer
De plus, en 1862, les chefs de Manitoulin ont écrit ensemble une pétition au gouverneur général dénonçant la conduite du surintendant local, Ironside, en 1860, pendant la visite du prince de Galles. À l'époque, M. Ironside, a essayé de décerner des médailles à des personnes qui n'étaient pas des chefs. La pétition, rédigé en ojibwa, disait, et il s'agit d'une citation:
Nous ne pouvons pas nous empêcher d'émettre cette réflexion : pour en venir au vif du sujet, devons-nous nommer de nouveaux chefs pour nous déposséder de nos terres? Et ce n'est pas la première fois qu'on essaie de le faire. Quant à nous, nous désirons choisir nos chefs selon la coutume indienne. |
Pendant longtemps, nous avons eu comme chefs les descendants de nos ancêtres, et nous voulons être dirigés par eux.
Les temps ont changé. Nous n'avons plus de chefs héréditaires, mais notre coutume veut que nous choisissions le chef et notre façon de nous gouverner. C'est la coutume.
En 1888, sir John A. MacDonald a proposé un système électif à imposer aux Premières nations. Il a alors déclaré:
Il vaut la peine de voir s'il y aurait lieu de légiférer pour établir une forme de système municipal dans les bandes jugées assez avancées pour justifier l'essai. On espère qu'on pourra adopter un système qui aura pour effet d'habituer les Indiens aux modes de gouvernement qui existent dans les localités blanches qui les entourent, et que cela contribuera à les préparer à une amalgamation plus rapide à l'ensemble de la population du pays. |
Il y a là les mêmes arguments que nous reprenons aujourd'hui à propos du projet de loi C-7. Les membres de la Première nation de M'Chigeeng sont ceux qui veulent combattre l'assimilation et l'amalgamation. Nous voulons pouvoir nous gouverner comme nous le jugeons bon. Notre chef, notre conseil et notre administration rendent des comptes aux Affaires indiennes et, plus important encore, aux membres de notre nation.
Tout comme le chef Gail Shawbonquit et le chef de la Première nation Moose Cree, notre chef et notre conseil affichent le compte rendu des réunions du conseil de bande. De plus, nous avons la chaîne TV 22, une chaîne communautaire locale qui diffuse toutes les réunions du chef et du conseil. Nos membres ont amplement l'occasion de se renseigner sur ce que font le chef et le conseil. Il y a également beaucoup d'appels auxquels nous donnons suite dans les meilleurs délais.
Pour en revenir à l'usurpation de nos modes traditionnels de nomination des chefs, en 1897, le surintendant adjoint des Affaires indiennes a également déclaré:
La politique du ministère, par conséquent, a été d'éliminer graduellement le système héréditaire et d'implanter un système électoral, de sorte que, dans la mesure où les circonstances le permettent), ces chefs et conseillers occupent dans la bande le poste qu'un conseil municipal occupe dans une collectivité blanche. |
Ce que nous essayons de dire explicitement, c'est la façon dont vous gouvernez votre collectivité est également un moyen de nous assimiler. Voilà ce que nous, le peuple anishnabek, essayons de combattre.
Comme le chef Nelson Toulouse l'a dit ce matin, nous connaissons une période de renouveau culturel. C'est pendant cette période qu'il nous faut plus que les deux ans prévus dans le projet de loi C-7 pour définir et implanter une forme de gouvernance plus enracinée dans notre culture, au niveau communautaire.
C'est pourquoi nous demandons que le projet de loi C-7 respecte notre droit de nous gouverner et que, fidèlement à la Constitution, le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale soit respecté.
En 1999, la Première nation M'Chigeeng a mis sur pied un comité de gouvernance. En novembre de cette année-là, le ministère des Affaires indiennes a financé l'initiative de gouvernance selon la coutume. Le MAINC nous a financés pour élaborer notre code électoral selon la coutume. On nous a fourni la politique de conversion, que nous avons suivie, parce que nous pensions ainsi accélérer le processus. À l'hiver de 1999 et au printemps de 2000, la Première nation M'Chigeeng, le chef, le conseil et le comité ont multiplié les réunions pour élaborer ce code électoral selon la coutume. Il y a eu aussi beaucoup d'envois postaux et de séances avec la collectivité. En juillet 2000, nous avons eu un plébiscite. Les membres habilités à voter, les électeurs, ont accepté le code. En novembre 2000, la Première nation M'Chigeeng l'a présenté aux Affaires indiennes.
Le 20 novembre 2000, le ministère des Affaires indiennes a publié son nouveau règlement sur la politique de conversion au code selon la coutume. Au départ, il n'a pas confirmé notre code électoral, disant qu'il avait changé la politique de conversion. Nous avons donc demandé cette deuxième politique. Nous avons constaté que c'était la même. Selon nous, nous avions rempli toutes les exigences du ministère des Affaires indiennes. Nous avons joué le jeu, mais notre code a tout de même été rejeté en vertu de l'article 74 de la Loi sur les Indiens.
En même temps que le plébiscite, nous avons tenu une élection complémentaire, dont le ministère a accepté les résultats, mais, pour une raison quelconque, ceux du plébiscite, tenu au même moment, ont été rejetés.
En septembre 2001, la Première nation M'Chigeeng a tenu sa première élection en appliquant le code électoral selon la coutume. Le ministère n'en a pas reconnu les résultats. Nous avons donc un chef et un conseil qui ne sont pas reconnus. Cependant, les membres de la Première nation les reconnaissent. Nous n'avons eu aucune protestation au sujet des modalités d'élection, puisqu'elles avaient été approuvées par le peuple. Elles n'ont pas été approuvées par le ministre Nault ni par son ministère.
En juillet 2002, les membres de la Première nation M'Chigeeng ont fait une marche sur Ottawa pour remettre en main propre au ministre Nault ou au premier ministre Jean Chrétien une pétition de 140 ans, disant que nous voulons choisir nos chefs selon la coutume indienne. Aucun représentant du gouvernement du Canada n'était là pour nous recevoir. Nous sommes allés sur la colline du Parlement pour un ralliement, mais personne ne nous a accueillis ni rencontrés.
Parce que le chef et le conseil ne sont pas reconnus, le ministre Nault et son ministère retiennent les fonds de nos programmes de logement et de santé et de bien d'autres programmes. Tout cela à cause du code électoral que le peuple de M'Chigeeng a accepté. Nous savons donc déjà comment le ministre Nault va réagir avec ceux qui ne se comportent pas comme il le souhaite.
La Première nation M'Chigeeng a été menacée de se faire imposer une administration par un tiers, même si nous avons reçu un note du directeur régional des services de financement des Affaires indiennes, Ron Hanley, félicitant notre Première nation de son bon travail et disant qu'elle était de nouveau en bonne situation financière. Pour ce qui est de la reddition des comptes, que le C-7 prétend améliorer, notre Première nation la pratique déjà, et sa situation financière est solide. Elle n'a été menacée que lorsque nous avons dérogé aux règles du ministère des Affaires indiennes et du ministre Nault.
Nous constatons que, avec ce genre de régime, le projet de loi C-7 va renforcer l'emprise du ministre Nault sur notre code électoral selon la coutume, notre chef et notre conseil. Tant que le ministre des Affaires indiennes pourra écarter le chef et le conseil, nous estimons qu'il n'aura pas vraiment cédé son pouvoir. En fin de compte, sa volonté l'emportera, s'il a le pouvoir de resserrer les cordons de la bourse, comme il l'a fait par le passé et le fait encore.
Nous avons maintenant un litige sur ce point. Nous insistons sur notre droit inhérent de choisir nos dirigeants comme bon nous semble, à la manière des Anishinabek.
Je cède maintenant la parole au conseiller Joe Hare.
Á (1150)
M. Joe Hare: Merci, Alan. Bonjour.
Je voudrais revenir sur des questions soulevées tout à l'heure, parce qu'elles s'appliquent directement à nous. J'ai entendu dire ce matin que le projet de loi était censé aider les Premières nations à mieux faire leur travail. Mais elles font déjà du bon travail. Pourquoi s'inquiéter?
Selon moi, quand on contrôle les gens, qu'on les parque pendant 140 ans, comme on l'a fait pour M'Chigeeng, on les paralyse. C'est l'effet que la Loi sur les Indiens a eu sur la Première nation M'Chigeeng et d'autres Premières nations. Le projet de loi proposé par le ministre Nault ira encore beaucoup plus loin. Le gouvernement asservit les Premières nations. Elles doivent obéir à quelqu'un, même si ce qu'elles font est sensé et ressemble à ce que font les êtres humains du monde entier.
Quand on asservit les gens, on les démotive. Ils doivent demander la permission de faire des choses qui se font tout normalement ailleurs. On les prive de leur ambition, de leur avenir. Voilà l'effet des politiques, lois et règlements coloniaux auxquels nous avons dû nous soumettre. Vous nous enlevez notre liberté. Il ne faudrait pas faire cela aux membres des Premières nations.
Vous causez un grand tort psychologique, aux jeunes surtout, lorsque vous les amenez à se sentir inutiles, de trop. Il est important de tenir compte de cet aspect. Continuer à causer des préjudices aux Premières nations, c'est mal. Je crois que vous devriez aller voir M. Nault et lui dire de se ressaisir, de retirer ce projet de loi, puisque, comme nous le savons tous, d'autres possibilités s'offrent à lui.
Par exemple, il négocie des accords d'autonomie gouvernementale avec des Premières nations. Dans ces accords, les parties acceptent que de nombreuses dispositions de la Loi sur les Indiens ne s'appliquent plus. Pourquoi le ministre ne nous traite-t-il pas, nous, surtout les M'Chigeeng, de la même manière? Il peut accepter que nous fassions nos élections comme nous l'avons fait, sans nous punir pour ne pas l'avoir écouté.
C'est exactement ce qu'il a fait, nous punir. Nous vous avons laissé des exemplaires d'un journal que nous publions. Il explique comment le ministre des Affaires indiennes continue de punir les M'Chigeeng. C'est injuste. Le gouvernement du Canada ne devrait pas faire cela aux Premières nations.
Le projet de loi devrait autoriser les Premières nations qui le souhaitent à élire leurs dirigeants à leur façon, selon leurs définitions et leurs coutumes et traditions, sans risquer d'être pénalisés.
Voilà notre position actuelle. Le projet de loi ne nous plaît pas du tout. C'est un scandale que nous devions accepter ces saloperies.
Á (1155)
Excusez ces mots-là. Je m'emporte.
Toute ma vie, j'ai lutté contre les systèmes imposés aux Indiens, et tous ces gens-là l'ont fait aussi. Nous avons vu défiler bien des ministres. L'un d'eux venait d'ici, Doug Frith. Nous l'avons rencontré ici même, lorsqu'il était ministre des Affaires indiennes. Tous ont proposé d'améliorer notre sort, mais ils ne l'ont jamais fait. Il y a eu beaucoup de premiers ministres aussi. Nous répétons toujours le même message : pas la peine de réprimer les Indiens, ni de les rabaisser; pas la peine de les maltraiter.
Une fois de plus, j'exhorte le comité à transmettre notre point de vue et nos messages au gouvernement du Canada.
Monsieur le président, lorsque nous tenions les élections selon la Loi sur les Indiens, il y avait presque toujours un appel. Quelque chose se passait mal. Aux trois dernières élections, les élections générales et les deux complémentaires, il n'y a eu ni problème ni appel.
Il faudrait retarder l'adoption du projet de loi. Vous devriez tenir d'autres réunions tout l'été et discuter avec d'autres membres des Premières nations—au moins jusqu'à ce que nous ayons un nouveau ministre des Affaires indiennes et un nouveau premier ministre.
Au pire, par souci de justice pour ce que nous faisons, nous avons saisi les tribunaux de notre cause. La Cour fédérale n'a pas encore entendu la cause, mais doit le faire cet été. Il faudrait retarder tout projet de loi sur les Premières nations jusqu'à ce que les tribunaux aient rendu leur décision. J'espère que les tribunaux seront plus sensés que les ministres et qu'ils concluront que ce que nous faisons a plus de bon sens. Cela donne un regain d'enthousiasme aux gens, leur rend leur liberté. Cela nous redonne notre avenir, nous permet d'être plus ambitieux, de faire des plans, de faire toutes sortes de bonnes choses.
Arrêtez de nous rabaisser. Nous en avons assez.
Megweetch.
 (1200)
Le président: Cela met fin à votre exposé?
M. Alan Corbiere: Je voudrais ajouter une chose encore.
Nous demandons que, aux termes du projet de loi, le ministre ne détienne pas le pouvoir de confirmer le chef et le conseil et qu'on prévoie un autre mécanisme, comme un sénat des aînés ou des chefs du niveau du conseil tribal pour confirmer ou non qu'une élection s'est faite selon les pratiques de la collectivité en cause.
De plus, M'Chigeeng a reçu son nom d'après le harpon utilisé pour la pêche, et c'est un lieu où nous pratiquons toujours la pêche. Le projet de loi dispose expressément que, malgré nos droits ancestraux et issus de traités, nous serons désormais assujettis aux règlements du ministère des Pêches et des Océans. Nous estimons que c'est là une atteinte à nos droits ancestraux ou à nos droits issus de traités.
C'est dit en toutes lettres ici. Je viens de couper l'herbe sous le pied à quelqu'un d'autre, mais ils auront bien d'autres choses à dire.
Je voulais ajouter cela parce que, lorsque le chef Debassige est venu s'installer à M'Chigeeng, il cherchait un endroit où nous, ses descendants, pourrions tirer notre subsistance des ressources. Il a constaté qu'il y avait à M'Chigeeng beaucoup de poisson et de terres arables.
Nous estimons que le projet de loi contribuera à nous confiner dans notre réserve plutôt que dans notre territoire, qui comprend bien plus de terres et d'étendues d'eau que ce que prévoit le projet de loi.
Megweetch.
Le président: D'accord. Merci beaucoup.
Les questions seront limitées à deux minutes, et nous devrons nous y tenir, parce que nous avons au plus 20 minutes pour déjeuner
Monsieur Elley, deux minutes pour la question et la réponse.
M. Reed Elley: Merci beaucoup d'être venus nous présenter votre point de vue. Vous nous avez fait part d'une histoire déplorable. Vous avez négocié de bonne foi avec le gouvernement du Canada, et on vous a laissés tomber de façon lamentable. J'en suis consterné. C'est scandaleux.
Toutefois, cela confirme quelque chose que j'ai entendu partout au Canada, peu importe à quel titre. C'est que, s'agissant des Affaires indiennes, le projet de loi essaie d'appliquer une approche uniforme à tous les Autochtones, pour leur gouvernance. Or, nous constatons que les collectivités autochtones du Canada sont très différentes les unes des autres, qu'il n'y a aucune uniformité dans vos cultures, par exemple. Bien des choses vous rapprochent les uns des autres, mais il y a des différences.
Nous avons donc ici une autre différence, et ce projet de loi sur la gouvernance n'est pas adapté à votre situation. Beaucoup de nations nous disent qu'elles n'ont pas les capacités voulues. Elles sont trop petites ou n'ont pas assez d'argent, par exemple, pour appliquer le projet de loi.
Ce que je dis tient debout?
 (1205)
M. Alan Corbiere: Oui.
M. Reed Elley: Pourriez-vous préciser ce que vous en pensez?
M. Alan Corbiere: Nous pourrions toujours accepter plus d'argent. Simplement pour élaborer une politique, le temps qu'il faut pour lire le projet de loi, le comparer à la Loi sur les Indiens et examiner le droit inhérent d'adopter des politiques et la Constitution... Tout le travail nécessaire pour formuler notre argumentation... Nous ne sommes pas financés pour faire ce travail, alors que vous avez de l'argent. J'imagine que vous avez un salaire ou des honoraires pour faire toute cette lecture, vous déplacer, écouter les témoins. Nous sommes tous des membres du conseil de M'Chigeeng et délégués. Nous ne recevons pas d'argent pour pouvoir monter une argumentation solide et analyser cette mesure législative.
Si nous avions nos propres sources de revenus, nous le pourrions, avec un meilleur accès aux ressources de notre territoire. C'est ce que nous réclamons toujours, une plus grande partie du territoire.
Le président: Merci.
Monsieur Martin, vous avez deux minutes.
M. Pat Martin: Merci de nous avoir raconté l'histoire étonnante qui vous a menés là où vous en êtes.
Comme nous n'avons que deux minutes, j'en reste moi aussi aux questions d'argent. J'apprends avec horreur, ici et ailleurs, que votre appui pour le projet de loi ou votre droit à votre propre code électoral est lié à une récompense ou à une punition de nature financière.
Autrement dit, vous et d'autres avez l'impression que, si vous n'approuvez pas ces changements considérables, on vous menacera de vous couper les vivres ou de vous imposer la gestion par un tiers, par exemple.
Ce n'est pas la première fois que la question surgit. Pouvez-vous expliquer comment, selon vous, on peut établir ce lien?
M. Joe Hare: Tout d'abord, lorsqu'un traitement semblable nous est réservé, les gens commencent à douter de leurs dirigeants. Ils disent que ce que font les dirigeants n'est pas tout à fait juste et acceptable. Deuxièmement, c'est la population qui est punie, parce qu'elle est privée de services et de programmes.
Ce qui me dérange beaucoup, c'est que le ministre et certains de ses collaborateurs disent que le financement n'est pas touché. Je peux vous dire qu'ils mentent. Aujourd'hui encore, lorsque nous demandons de l'argent pour certains programmes, on nous répond que c'est impossible parce que le chef et le conseil ne sont pas reconnus.
Cela me semble tellement absurde. Lorsque nous dénonçons le problème et réclamons un peu de bon sens, ils font la sourde oreille. Ils entendent, mais ils ne font rien.
Le président: Merci beaucoup.
Deux minutes pour vous, madame Neville.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci.
Merci beaucoup de votre exposé et de cette histoire. Vos observations m'intriguent.
Pouvez-vous nous dire au juste ce que le ministère trouve à redire dans votre code selon la coutume? Je voudrais connaître la cause du désaccord.
Savez-vous que la nouvelle loi fera disparaître l'exigence de l'approbation ministérielle des codes selon la coutume?
M. Joe Hare: Nous en sommes très conscients, mais cela ne nous plaît pas en ce qui concerne les élections. Nous avons eu des élections complémentaires, dont M. Corbiere a parlé. Ils reconnaissent que ces élections sont légitimes, mais ils ne reconnaissent pas les résultats. Cela ne tient pas debout.
L'autre problème précis est que le nombre d'électeurs qui ont voté ne leur semble pas suffisant. Nous insistons sur l'importance d'avoir l'occasion de voter. Que les électeurs se prévalent de leur droit ou non, cela est leur affaire. C'est leur choix personnel, mais ils ont l'occasion de s'exprimer.
Autre élément de réponse à votre question, le ministère voulait que nous ayons des bulletins de vote postal. D'autres Premières nations nous ont dit que cela posait une foule de problèmes. Nous voulons que nos gens viennent dans la localité pour voter de façon qu'ils connaissent les dirigeants pour qui ils votent et rétablissent le lien avec la collectivité, car un grand nombre partent de chez eux. Plus de 55 p. 100 de nos membres ont quitté nos Premières nations. Certains enfants des membres qui sont partis ne sont jamais venus dans la localité de notre Première nation. Nous pensons qu'ils devraient rétablir le lien et participer à ce renouveau de notre culture et de nos valeurs, de tout ce qui nous est cher et important, pour nous tous.
 (1210)
Le président: Merci beaucoup.
Voilà qui met fin à cette partie de nos audiences publiques. Merci beaucoup de votre excellent exposé.
Nous allons suspendre la séance jusqu'à 12 h 35. Nous accueillerons alors le Conseil tribal de North Shore.