AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 17 mars 2003
 | 1235 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
Le chef Earl Commanda (président, Première nation de Serpent River, North Shore Tribal Council) |
 | 1240 |
 | 1245 |
 | 1250 |
 | 1255 |
· | 1300 |
Le président |
M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Alliance canadienne) |
Le chef Earl Commanda |
· | 1305 |
M. Reed Elley |
Le chef Earl Commanda |
Le président |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
· | 1310 |
Le président |
M. Pat Martin |
Le chef Earl Commanda |
Le président |
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.) |
· | 1315 |
Le chef Earl Commanda |
Le président |
· | 1320 |
Le chef Earl Commanda |
Le président |
M. André Émond (professeur agrégé, Université Laurentienne) |
· | 1325 |
Le président |
M. André Émond |
· | 1330 |
· | 1340 |
· | 1345 |
Le président |
M. André Émond |
Le président |
M. Reed Elley |
Le président |
M. Reed Elley |
Le président |
M. André Émond |
M. Pat Martin |
· | 1350 |
M. André Émond |
Le président |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
M. André Émond |
Le président |
M. André Émond |
Le président |
M. André Émond |
Le président |
¸ | 1400 |
Le chef Patrick Madahbee (Aundeck Omni Kaning, United Chiefs and Councils of Manitoulin) |
Le chef Franklin Paibomsai (Première Nation Whitefish River; United Chiefs and Councils of Manitoulin) |
¸ | 1405 |
¸ | 1410 |
Le chef Patrick Madahbee |
¸ | 1415 |
¸ | 1420 |
M. Terry Debassige (membre, Première nation M'Chigeeng; United Chiefs and Councils of Manitoulin) |
Le chef Franklin Paibomsai |
¸ | 1425 |
Le président |
Le chef Franklin Paibomsai |
Le président |
Le chef Franklin Paibomsai |
Le président |
Le chef Franklin Paibomsai |
Le président |
M. Reed Elley |
Le chef Franklin Paibomsai |
M. Reed Elley |
Le chef Franklin Paibomsai |
M. Reed Elley |
Le président |
M. Pat Martin |
¸ | 1430 |
Le président |
M. Stan Dromisky |
¸ | 1435 |
Le président |
Le chef Patrick Madahbee |
Le chef Franklin Paibomsai |
¸ | 1440 |
Le président |
Son excellence Monseigneur Caleb Lawrence (évêque de Moosonee, Église anglicane du Canada) |
¸ | 1445 |
¸ | 1450 |
Le président |
M. John M. Corbière (À titre individuel) |
¸ | 1455 |
¹ | 1500 |
Le président |
M. John M. Corbière |
Le président |
M. John M. Corbière |
Le président |
M. John M. Corbière |
Le président |
M. John M. Corbière |
Le président |
M. John M. Corbière |
Le président |
M. John M. Corbière |
Le président |
Mme Connie A. Couchie (À titre individuel) |
Le président |
Mme Connie A. Couchie (À titre individuel) |
¹ | 1505 |
¹ | 1510 |
Le président |
M. Reed Elley |
Mme Connie A. Couchie |
Le président |
M. Pat Martin |
Mme Connie A. Couchie |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
¹ | 1515 |
Mme Connie A. Couchie |
Le président |
Mme Connie A. Couchie |
Le président |
Mme Anna McLeod (à titre individuel) |
Le président |
Le président |
Mme Eva Pitt (à titre individuel) |
¹ | 1520 |
Le président |
Mme Eva Pitt |
Le président |
Mme Esther Osche (à titre individuel) |
¹ | 1525 |
Le président |
Mme Esther Osche |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 17 mars 2003
[Enregistrement électronique]
 (1235)
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) : Nous reprenons notre étude du projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes, et modifiant certaines lois.
Nous accueillons le chef Earl Commanda, président de la Première nation de Serpent River, du North Shore Tribal Council, et Harvey Trudeau.
Au nom de tout le monde, je vous remercie beaucoup d'avoir accepté de témoigner tôt, ce qui aidera énormément le comité qui doit se rendre ensuite à Thompson, au Manitoba. Merci beaucoup.
Nous avons 45 minutes à passer ensemble et je vous invite donc à faire immédiatement votre déclaration, après quoi nous passerons aux questions.
Le chef Earl Commanda (président, Première nation de Serpent River, North Shore Tribal Council): Meegwetch. Bonjour.
À mes frères cris, wah chei yay. Je tiens à souhaiter la bienvenue aux membres du Comité permanent des affaires autochtones sur le territoire Anishinabek. Je dis meegwetch au chef Gail et à nos frères et soeurs de la Première nation de Whitefish Lake qui nous permettent de nous réunir sur leurs territoires traditionnels.
Je suis le chef Earl Commanda. Mon nom ojibway est Minighii Zhatdo Nini. Je suis du Clan des oiseaux, l'oiseau-mouche, de la Première nation de Serpent River, président de Mamamweswen, le North Shore Tribal Council. Je suis accompagné d'un conseiller de la Première nation Sagamok Anishinabek, Harvey Trudeau, du North Shore Tribal Council.
Afin de donner le plus de temps possible à la discussion, je vais essayer d'être bref dans ma déclaration liminaire, d'autant plus que vous avez reçu notre mémoire. Je vais me concentrer sur les éléments essentiels.
Le North Shore Tribal Council est une organisation autochtone regroupant sept Premières nations situées entre Sudbury et Sault Ste. Marie.
En ce qui concerne notre rôle comme conseil tribal, l'une des priorités du ministère des Affaires indiennes, au début des années 80, consistait à élaborer une politique sur les conseils tribaux et à encourager les Premières nations à organiser des conseils tribaux entre elles. Le but du ministère était de rationaliser et de transférer des responsabilités. Autrement dit, il souhaitait rationaliser les services et fermer ses bureaux de district, ce qui entraînerait une réduction du personnel et de l'accès des Premières nations aux services du ministère. Celui-ci avait conclu qu'il fallait mettre sur pied des conseils tribaux et les doter des ressources essentielles pour dispenser certains services consultatifs de base, par exemple de gestion financière, de gouvernance des bandes, de planification communautaire et de développement économique.
À l'heure actuelle, le ministère procède à une révision de sa politique sur les conseils tribaux. Chaque activité du ministère est sujette à un renouvellement, qu'il s'agisse d'activités reliées à l'éducation ou à d'autres questions.
Évidemment, la Loi sur la gouvernance des Premières nations figurera au premier plan du renouvellement et de la modernisation de la politique sur les conseils tribunaux. Ce point est clairement énoncé dans la documentation du ministère des Affaires indiennes, qui parle notamment de: «Mise en oeuvre des fonctions centrales de la LGPN: choix des dirigeants, gouvernance, gestion financière et codes de reddition de comptes, établissement et exécution de règlements et élaboration de mécanismes d'appel et de recours pouvant engendrer de nouveaux rôles pour les conseils tribaux».
Outre la Loi sur la gouvernance des Premières nations, la documentation du ministère permet également de penser que les conseils tribaux joueront aussi un rôle en ce qui concerne le projet de Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations, et la mise sur pied de ce qu'on a qualifié des services de deuxième palier pour les programmes sociaux et éducatifs.
Selon la documentation du ministère, la moyenne des conseils tribaux, pour ce qui est des services consultatifs, s'établit à 5,14 années-personnes, mais 40 des 78 conseils existants comptent moins de cinq années-personnes pour dispenser l'ensemble de ces cinq services consultatifs.
Les conseils tribaux concluent par ailleurs des ententes avec d'autres ministères fédéraux—Santé Canada et DRHC—pour dispenser des programmes et services. La documentation du ministère révèle également que, «considérant l'obligation d'offrir les cinq services obligatoires, il est difficile aux conseils tribaux de se spécialiser dans un domaine et de devenir des centres d'excellence pour la prestation de certains services». On ajoute également dans la documentation que «plus de regroupement (c.-à-d., moins de conseils tribaux représentant plus de Premières nations) déboucherait sur une répartition plus efficiente des ressources consacrées aux services consultatifs».
Quand on réfléchit au rôle que joueraient les conseils tribaux dans un modèle de mise en oeuvre de la Loi sur la gouvernance des Premières nations, cette réalité est troublante.
 (1240)
Nous constatons que l'alinéa 3b) du projet de loi dispose que l'un des buts de la Loi est «de permettre [aux bandes] de satisfaire plus efficacement à leurs besoins et aspirations, notamment leur capacité de collaborer à certaines fins».
Notre conseil tribal, comme d'autres, a été mis sur pied en fonction de la politique du ministère, en grande mesure. Certes, nous avons bénéficié de cette collaboration, mais nous aurions pu évoluer de manière plus adéquate et satisfaisante si les conseils tribaux avaient décidé entièrement de leur gré de collaborer.
Je fais cette remarque parce que vous avez certainement entendu parler de certaines discussions concernant les relations reliées aux traités. Le concept de conseil tribal est bon mais il comporte ses propres problèmes étant donné la pénurie de services. Il ne fait aucun doute que les services dispensés dans les Premières nations ont décliné suite aux changements apportés il y a 20 ans, et nous ne voulons pas que cette expérience se répète aujourd'hui avec cette nouvelle Loi sur la gouvernance des Premières nations.
En conséquence, le conseil tribal invite le comité à s'informer sur ces questions et à demander au ministère des Affaires indiennes, c'est-à-dire au ministre et à ses fonctionnaires, dans quelle mesure la Loi sur la gouvernance des Premières nations--et, comme vous l'avez entendu récemment de M'Chigeeng, l'intimidation et le chantage financier du ministère--imposeront un système de gouvernance par conseil tribal aux collectivités des Premières nations, et quelle taille un conseil tribal devra atteindre pour devenir plus efficient dans la distribution des ressources affectées aux services consultatifs.
Collectivement, nous n'avons pas peur d'assumer plus de responsabilités. Toutefois, la planification des Affaires indiennes, qui ne semble pas vouloir garantir que les Premières nations désirent les mêmes résultats en matière de politique sur les conseils tribaux ni recevoir des ressources adéquates, créera plus de problèmes que de solutions.
Je voudrais maintenant parler brièvement de la bureaucratie des Premières nations. Nous avons entendu certaines personnes vous dire que la disponibilité et la rémunération de personnes compétentes pour assumer des rôles et responsabilités de gouvernance constituent un facteur crucial pour assurer une bonne gestion publique.
Lors de sa comparution devant le comité, le ministre a déclaré que: «Les meilleures institutions de gouvernance--les outils financiers les plus sophistiqués--ne servent pas à grand-chose si les gens n'ont pas d'eau potable, de logement adéquat ou de services éducatifs». Il est vrai aussi que les meilleures institutions de gouvernance, qui ne seront pas nécessairement établies par la LGPN, ne serviront pas à grand-chose s'il n'y a personne pour les faire fonctionner de manière efficace.
À notre avis, le projet de loi sur la gouvernance des Premières nations est déficient du point de vue des questions de capacité. En outre, nous savons que la vérificatrice générale du Canada a invité votre comité à se pencher sérieusement sur cette question de capacité et sur les coûts reliés à la mise en oeuvre d'un régime comme celui de la LGPN.
Il est facile de comprendre les préoccupations de la vérificatrice générale quand on voit avec quelle négligence le gouvernement, et ce n'est qu'un exemple, a sous-estimé d'au moins un milliard de dollars le coût de création d'un registre national des armes à feu. Dans ce fiasco, on avait envisagé de mettre sur pied un registre national. Avec la Loi sur la gouvernance des Premières nations, on envisage de transformer le régime administratif communautaire de quelque 600 Premières nations, régime dont les fonctions dépasseront largement celles d'un simple registre d'armes à feu.
Le ministre a déclaré que le coût supplémentaire devrait être de 110 millions de dollars seulement. Nous savons bien que le ministre a dit à ses collègues du Cabinet, pour faire approuver son projet, qu'aucune nouvelle somme ne serait nécessaire. C'est en tout cas ce que nous supposons.
À notre avis, cette somme de 110 millions de dollars est grossièrement inadéquate et ne provient vraisemblablement d'aucun processus sérieux d'évaluation et d'établissement des coûts. Il est plutôt probable que ce chiffre ne représente qu'une estimation rapide et grossière des sommes du budget du MAINC qui peuvent facilement être réaffectées sans que personne ne s'en rende compte.
 (1245)
Si l'on voulait sérieusement parler de bonne gouvernance, on admettrait dès le départ qu'il s'agit d'un exercice de développement des capacités destiné à offrir aux personnes et aux organisations au sein desquelles elles travaillent les outils et compétences nécessaires pour exécuter leurs fonctions de manière efficace, efficiente et durable.
Une approche axée sur le développement des capacités exigerait d'abord que l'on évalue les capacités existantes. Si le comité veut adresser des recommandations quelconques au Parlement, il est clair qu'il devra d'abord en formuler une sur le développement des capacités. L'initiative lancée en 2000 n'était manifestement pas axée sur cet objectif, ce qui est un oubli grave constituant de la négligence. C'est un autre exemple du fait que le gouvernement fédéral ne respecte pas son obligation fiduciaire d'agir dans le meilleur intérêt des bénéficiaires, les Premières nations.
Nos communautés autochtones manquent gravement de ressources humaines et financières adéquates pour assumer leurs fonctions actuelles. Le fait que nos services de gouvernement répondent tant bien que mal à des besoins et attentes écrasants est la preuve que nos membres sont absolument déterminés à survivre et à progresser.
Toutes nos communautés se sont dotées d'institutions gouvernementales oeuvrant avec un personnel qui assume généralement une multitude de fonctions reliées à la gestion, à l'élaboration de politiques, à la production de rapports, à la prestation de services, au travail de comités, etc., et qui exécute ces fonctions généralement sans assistance. Notre personnel est dévoué mais stressé.
Nous nous efforçons de maintenir un niveau de gouvernance élémentaire qui ne répond certainement pas aux normes d'efficacité et de qualité, mais ce n'est pas de notre faute. Il n'y a pas de gras dans nos institutions gouvernementales.
La Loi sur la gouvernance des Premières nations va nous poser de nouveaux problèmes mais il semble que personne n'en ait mesuré l'ampleur ni n'ait évalué le personnel et la formation supplémentaires qui seront nécessaires, sans parler de la manière dont les ressources existantes pourraient être utilisées plus efficacement pour assurer une gouvernance efficace.
L'approche de la Loi sur la gouvernance des Premières nations a été de déterminer arbitrairement les exigences de reddition de comptes et de transparence, de les baptiser «bonne gouvernance» et d'établir arbitrairement des estimations de coûts peu élevées de façon à abaisser les attentes. Le gouvernement fédéral se prépare à une autre gabegie. Pis encore, il va faire plus de mal que de bien à nos communautés.
Nous savons ce qui peut arriver quand le gouvernement fédéral ne tient pas compte des problèmes de mise en oeuvre de ses initiatives. Des exemples comme le projet de loi C-31 et, plus récemment, la mise en application du nouveau règlement sur les élections post-Corbiere, se sont traduits par le transfert aux gouvernements des Premières nations de responsabilités et obligations additionnelles sans transfert correspondant des ressources financières nécessaires pour obtenir les outils qu'exigent la gestion et le respect des nouvelles politiques et règles.
En ce qui concerne les relations et principes liés aux traités, personne ne sera surpris d'apprendre que les membres des Premières nations de North Shore croient que les solutions destinées à corriger les défauts de la Loi sur les Indiens, en matière de gouvernance des Premières nations, reposent sur le rétablissement et la révision de la relation fondée sur les traités qui existe actuellement entre les Premières nations, votre gouvernement et les gens que vous représentez.
La relation fondée sur les traités est une relation de gouvernement à gouvernement. Le fait que nous, chefs des Premières nations, devions comparaître devant un comité parlementaire n'est pas conforme à la relation d'origine. Sans vouloir vous offenser, je dois vous dire que nous devrions traiter avec la branche exécutive du gouvernement et non pas sa branche législative.
La Commission royale sur les peuples autochtones a dit que
La conclusion de traités permet de mettre de côté les différences les plus profondes en faveur d'une relation consensuelle et pacifique. Les parties à un traité n'ont pas besoin d'abandonner leurs préceptes culturels fondamentaux pour pouvoir accepter de coexister. Elles n'ont qu'à exprimer leur désir commun de vivre ensemble en paix, d'adopter leurs propres lois et institutions, de se respecter mutuellement et de tenir leurs promesses réciproques. |
 (1250)
Les membres du conseil tribal de North Shore sont signataires du Traité Robinson-Huron de 1850. Les chefs et dirigeants des Premières nations qui ont participé aux négociations à Sault Ste. Marie l'ont fait à titre de dirigeants légitimes de leurs communautés, conformément à leurs propres coutumes de choix des dirigeants. Ils ne l'ont pas fait à titre de dirigeants élus en vertu de la Loi sur les Indiens, et la Couronne n'avait aucune intention de vérifier leur qualité de chefs.
À notre avis, toute mesure législative du gouvernement fédéral devrait être destinée à mettre en application la recommandation 2.2.8 de la CRPA demandant au gouvernement fédéral de déposer une loi complémentaire sur les traités afin d'appuyer la recommandation 2.2.11 qui s'énonce comme suit:
«Les questions suivantes doivent faire l'objet de discussion dans les processus de négociation, de mise en oeuvre et de renouvellement des traités: la gouvernance, y compris les systèmes judiciaires; les ententes financières de longue durée, y compris les transferts fiscaux, et les autres ententes intergouvernementales; les terres et les ressources; les droits économiques, y compris les rentes et les droits de chasse, de pêche et de piégeage issus des traités; les questions incluses dans les traités spécifiques (p. ex., l'éducation, la santé et la fiscalité); et les autres questions touchant les relations fondées sur les traités, identifiées par l'une ou l'autre des parties aux traités».
Je veux maintenant dire quelques mots sur la cohésion sociale et l'intégrité sociétale. On demande toujours aux Premières nations ce qu'elles veulent. La réponse est que nous voulons des collectivités saines, stables et productives, qui continueront d'exister et d'évoluer sous la forme nécessaire pour servir aux générations futures comme elles l'entendent. Toutefois, pour assurer cette santé et cette stabilité de nos collectivités, nous avons besoin de gouvernements efficaces.
Des études récentes comme celle de la Commission royale sur les peuples autochtones, l'étude de Harvard sur l'épanouissement des nations, ou le travail accompli dans le cadre du Programme de développement économique des Nations Unies révèlent que c'est la cohésion sociale qui fonde et favorise l'intégrité à long terme d'une société.
Les Premières nations de North Shore ont la ferme conviction que ces études sont justes. Il suffit de se pencher sur l'histoire de nos communautés pour comprendre et apprécier le fait que les principes de partage, d'amitié et de respect mutuel dans un contexte communautaire font beaucoup pour assurer l'harmonie et l'autonomie de nos collectivités. Celles-ci sont régies par des systèmes de clans ou de familles qui ont assuré l'intégration communautaire du point de vue des consultations, des délibérations et des décisions.
Ces systèmes ont aussi garanti que les membres des collectivités connaissaient leurs responsabilités et rôles particuliers pour assurer l'harmonie et la reddition de comptes. Nos systèmes communautaires de protection sociale ont permis de tenir compte des besoins et intérêts de chacun. Et ces systèmes ont été préservés par le respect des coutumes et traditions que chacun savait être fondamentales et essentielles au bien-être individuel et collectif.
C'est notre cohésion sociale qui a été tellement perturbée par les lois et politiques du gouvernement fédéral au cours du siècle dernier. Ce sont ces lois et politiques qui ont déchiré nos collectivités et les ont fait tomber dans des degrés divers de dysfonctionnement social et politique et de dépendance économique. Le système de la Loi sur les Indiens a favorisé les droits politiques individuels, a compartimenté la gouvernance, et a imposé la dépendance envers un pouvoir extérieur pour faire approuver quasiment chaque aspect de la vie communautaire.
La Loi sur la gouvernance des Premières nations continue dans la même voie et ne fait strictement rien pour favoriser l'harmonie communautaire. Bien au contraire, elle véhicule l'idée qu'il ne faut pas faire confiance aux chefs et dirigeants des communautés autochtones, justifiant ainsi toutes les mesures qu'elle contient en matière de reddition de comptes et de transparence. Autrement dit, la Loi sur la gouvernance des Premières nations repose sur le négativisme.
 (1255)
En ce qui concerne les exigences actuelles de reddition de comptes, il est clair qu'elles constituent la pierre angulaire de la Loi sur la gouvernance des Premières nations. En conséquence, tout ce qu'on dit sur le transfert de pouvoirs n'est que manipulation médiatique. Les gouvernements autochtones rendent déjà des comptes. Les gouvernements autochtones travaillent dans le cadre de systèmes de reddition de comptes juridiques, politiques et administratifs. C'est la Loi fédérale sur la gestion des finances publiques qui assure la bonne marche du gouvernement fédéral. Cette loi a aussi une incidence profonde et directe sur les gouvernements autochtones.
L'incidence de la Loi sur la gestion des finances publiques sur les gouvernements autochtones se reflète dans la politique du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada sur les paiements de transfert. Il devrait y avoir une entente écrite entre le ministère et le bénéficiaire d'une contribution indiquant les conditions d'octroi de la contribution, les résultats attendus, les obligations des parties concernées et les modalités de paiement.
Sans vouloir insister, l'incidence complète de la Loi sur la gestion des finances publiques et de la politique sur les paiements de transfert est énoncée dans les ententes globales de financement entre Sa Majesté et les Premières nations, les conseils tribaux et les autres organismes autochtones touchant des crédits fédéraux.
Dans toutes les collectivités autochtones du North Shore, des élections se tiennent en vertu de la Loi sur les Indiens, une fois tous les deux ou trois ans. Ces élections à intervalles réguliers se tiennent à scrutin secret, ce qui donne le droit de vote à tout membre d'une bande, sur la réserve ou en dehors, à condition qu'il ait au moins 18 ans et ne soit pas privé du droit de vote en raison d'incapacité mentale.
Tous les gouvernements des Premières nations de North Shore se sont dotées d'une structure et d'une organisation qui se sont développées malgré la Loi sur les Indiens. Ce niveau d'organisation est tout à fait remarquable étant donné que la plupart de nos gouvernements autochtones n'ont qu'une trentaine d'années d'existence.
La Loi sur la gouvernance des Premières nations n'offre aucune compétence juridique ou institutionnelle complémentaire. Elle vise plutôt à prendre le contrôle du développement de nos communautés pour le confiner à une version moderne du régime de la Loi sur les Indiens. En fin de compte, la LGPN se contente de donner une forme législative aux exigences existantes de reddition de comptes et de transparence mais elle le fait en étouffant l'évolution gouvernementale des Premières nations par l'imposition d'un colonialisme du XXIe siècle.
Passons maintenant aux problèmes touchant le ministère et le gouvernement fédéral. En octobre 1996, après cinq années de consultations, de recherche, d'analyse et de délibérations, la Commission royale sur les peuples autochtones a conclu que:
Une condition essentielle de changement est l'établissement d'organismes efficaces par le truchement desquels le gouvernement fédéral peut s'acquitter des engagements demandés dans nos recommandations. Si les dernières décennies ont révélé quoi que ce soit au sujet de l'administration fédérale des affaires autochtones, c'est qu'aucun changement réel ne se produira sans agences structurées de manière à faciliter le changement, dotées d'un personnel dévoué et pouvant travailler sans être entravé par des politiques contradictoires. |
C'est moi qui ai mis l'accent sur la phrase centrale.
En conséquence, pour assurer le changement, la Commission a recommandé que
...le gouvernement du Canada dépose un projet de loi portant abolition du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien afin de le remplacer par deux nouveaux ministères : un ministère des Relations autochtones et un ministère des Services indiens et inuits. |
Ceci provient de la recommandation 2.3.45.
Personne ne peut nier qu'un changement est nécessaire et souhaité sur les questions de gouvernance autochtone. Il y a cependant une bonne et une mauvaise manières de changer les choses. La bonne manière est de changer les relations, les lois, les politiques et les attitudes qui visent à donner le contrôle de la vie des collectivités autochtones à des forces extérieures.
La Loi sur la gouvernance des Premières nations n'est pas un outil de changement mais plutôt un outil de maintien du statu quo.
· (1300)
En conclusion, nous estimons que le projet de loi C-7 est contraire aux droits de la personne, à une recherche indépendante et de qualité, à l'expérience internationale et aux pratiques exemplaires, à des consultations légitimes et, en fin de compte, au bon sens. La position des Premières nations du Conseil tribal de North Shore est que nous nous opposons à la Loi sur la gouvernance des premières nations parce que nous considérons qu'elle ne contribue aucunement à faire avancer la notion de gouvernance, de gouvernement autochtone, d'autonomie gouvernementale et d'épanouissement des nations. Nous estimons que ce projet de loi ne fera strictement rien pour nous aider à avancer vers l'épanouissement des Premières nations et de notre conseil tribal.
Yah w^ko. Meegwetch.
Le président: Merci beaucoup.
Il nous reste 20 minutes. Nous ferons un premier tour de cinq minutes, ce qui devrait vous laisser quatre ou cinq minutes pour conclure.
Monsieur Elley.
M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie d'être venu nous faire un exposé très éloquent sur la manière dont vous et les membres de votre nation réagissez au projet de loi. Si celui-ci ne répond pas aux normes des communautés autochtones en matière de reddition de comptes financiers et d'élections, ou en matière de gouvernance, que devrions-nous faire, d'après vous, pour apporter certains des changements qui vous semblent nécessaires dans vos collectivités, comme vous venez de le dire avec éloquence? Que devrions-nous faire?
Le chef Earl Commanda: Quand nous analysons tout ce qui s'est passé avec la Loi sur les Indiens—c'est-à-dire la «Grande-mère blanche» au début, puis le ministre des Affaires indiennes, aujourd'hui—nous concluons que l'on s'est de plus en plus éloigné de la relation de gouvernement à gouvernement. Si vous tenez à adopter ce projet de loi, vous devrez certainement adopter un projet complémentaire.
Quand nous analysons les négociations des Premières nations sur les questions de gouvernance autochtone dans tout le pays—et en tout cas quand nous examinons les exemples les plus récents—on en voit un exemple parfaitement clair dans la Loi sur les Cris et les Naskapis. On en trouve un autre exemple en Colombie-Britannique. Quand nous parlons des ressources nécessaires, nous savons que la responsabilité fiduciaire n'existe que pour assurer les besoins élémentaires. Quand va-t-on aller au-delà des besoins élémentaires pour se pencher sur ce dont les communautés ont besoin pour devenir autonomes? Je sais que cela touche non seulement notre relation avec le gouvernement fédéral mais aussi, et sans doute plus, notre besoin d'instaurer une meilleure relation avec la province, sur des questions telles que le partage des recettes issues des ressources.
La relation fondée sur les traités ne porte pas seulement sur ce dont nous avons besoin pour survivre—l'alimentation, l'habillement, etc. Il s'agit en fait d'une question globale d'épanouissement en termes d'entrepreneuriat et d'activités commerciales. Je veux dire par là que nous voulons être plus actifs dans les secteurs de la forêt, de la pêche commerciale, et des mines si nécessaire. Avec ce nouveau projet de loi—vous venez certainement d'en avoir un exemple—nous serons obligés de tenir un référendum pour faire approuver la cession de terrains si nous voulons aménager ne serait-ce qu'un parc industriel sur une réserve indienne.
Je pense qu'une bonne partie de ces changements ont été envisagés en vue de certaines formes d'autonomie gouvernementale. Nous sommes sur le territoire Anishnabek. Nous avons tenté d'analyser ce que pourrait devenir le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale pour rendre la compétence aux Premières nations. Je pense que les élections sont l'une des questions qui ne devraient pas relever d'une nouvelle Loi sur les Indiens.
Quand vous parlez de normes, nous savons bien qu'il faut modifier la Loi sur les Indiens, la mettre à jour et la moderniser. Ça fait plusieurs années que nous recommandons divers changements en ce sens. Celui qui est proposé aujourd'hui ne porte que sur la reddition de comptes et la gestion des ressources. Nous sommes pourtant prêts à travailler avec le gouvernement pour envisager d'autres changements qui seront compatibles avec ce que veulent les Premières nations du point de vue de leur statut de nation.
· (1305)
M. Reed Elley: Je viens de la Colombie-Britannique et, dans nos négociations de traités, nous sommes passés de traités généraux à des traités ponctuels, qui permettent de s'attaquer aux choses vraiment difficiles…pas aux choses vraiment difficiles mais plutôt aux choses qu'on peut faire tout de suite, sans attendre.
Pensez-vous que nous devrions rouvrir les traités de façon à ce qu'il y ait des consultations individuelles entre les Premières nations et le gouvernement, d'un bout à l'autre du pays, plutôt que d'agir de manière globale comme on semble le faire avec ce projet de loi?
Le chef Earl Commanda: Ce qui marche en Colombie-Britannique ne marche pas nécessairement en Ontario, et ce qui marche en Ontario ne marche pas nécessairement en Saskatchewan.
Si vous prenez notre concept de traités, vous verrez que nous n'avons jamais cédé les terres qui nous avaient été réservées et que nous avons conservé dans nos traités nos droits traditionnels de chasse, de pêche, de piégeage et de collecte. Selon nous, c'est à partir de cela qu'il faudrait négocier l'autonomie gouvernementale, dans le cadre d'une relation de gouvernement à gouvernement au sein du Canada. Si c'est ainsi que l'on voit les traités, nous affirmons qu'ils représentent plus que les 4 $ par an qu'on nous verse actuellement. Il s'agit plutôt de partager les recettes issues des ressources.
Le président: Merci.
Monsieur Martin, pour cinq minutes.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, monsieur le président.
Merci, chef Earl Commanda, de votre excellent exposé. Il était très complet. Je n'aurai pas le temps d'y faire justice.
Vous avez parlé de l'étude de Harvard comme étant l'un des documents dont le gouvernement aurait pu s'inspirer. L'auteur de cette étude nous a adressé un mémoire dans lequel il indique clairement que ce projet de loi mine l'idée même d'autonomie gouvernementale--or c'est l'auteur du document le plus fécond et le plus convaincant en matière d'autonomie gouvernementale autochtone. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je vais vous poser toutes mes questions d'un seul coup.
Dans votre conclusion, vous avez dit que ce projet de loi pourrait fort bien représenter une infraction aux droits de la personne. Il y a dans le texte deux dispositions sur lesquelles j'aimerais connaître votre avis. L'article 24 autoriserait un agent de la bande à pénétrer en tout lieu de la réserve de la bande à n'importe quel moment, sans préavis, pour y procéder aux visites qu'il estime nécessaires. L'aspect fouille et perquisition de cet article constitue certainement une infraction aux droits de la personne.
En ce qui concerne la protection des renseignements personnels, quand vous dites que le développement économique et la gestion des ressources sont la voie du futur, savez-vous que le paragraphe 9(3) exige que tous les états financiers de la bande soient rendus publics pour pouvoir être consultés par n'importe qui, pas seulement par les membres de votre bande mais même, éventuellement, par les concurrents de l'entreprise que vous auriez créée dans votre collectivité?
Pensez-vous que ces articles constituent des infractions à vos droits à la protection des renseignements et aux droits de la personne?
· (1310)
Le président: Avant d'obtenir la réponse, je tiens à apporter une précision. La Loi dit que l'agent peut entrer n'importe où «à l'exception d'un local d'habitation». Je pensais utile de le préciser.
M. Pat Martin: D'accord. Il ne pourra pas défoncer la porte d'un local d'habitation mais il pourra défoncer toutes les autres portes.
Le chef Earl Commanda: Nous avons beaucoup de mal avec la notion de droits collectifs d'une nation--ou, dans notre cas, de collectivités issues des traités--par rapport aux droits des particuliers. Il est clair que le Code canadien des droits de la personne constitue une amorce d'ingérence envers ce que nous appelons nos droits autochtones et issus des traités.
Quand y aura-t-il un processus qui nous permettra de commencer à concilier ce que nous souhaitons préserver en matière de droits collectifs autochtones--de droits collectifs fondés sur les traités--et ce qui serait une norme acceptable en matière de droits humains des membres de nos communautés?
Il est certain que votre propre gouvernement ne tolérerait jamais l'incidence que la divulgation de ce genre d'information pourrait avoir sur le droit à la protection des renseignements personnels. Nous en sommes aujourd'hui au point où on nous demande de consentir à ce que Santé Canada partage nos informations médicales avec des compagnies d'assurances et d'autres organismes. D'après nous, cela va au-delà de ce qu'on pourrait vous demander à vous, gouvernement ou citoyen canadien. Pourquoi y aurait-il des normes différentes pour les Autochtones?
Pour ce qui est des droits humains, il est vrai que les changements apportés à l'origine à la Loi sur les Indiens visaient à corriger certaines des infractions en la matière. On a toutefois réalisé que l'incidence à long terme du projet de loi C-31 est qu'il y aurait moins d'Indiens, statistiquement parlant, parce qu'on tentait de limiter la relation de descendance des enfants ou petits-enfants à un quart de sang indien.
Que deviennent donc les droits humains si la collectivité est prête à reconnaître ses enfants, voire à les adopter comme membres, mais que la Loi sur les Indiens leur refuse le statut d'Indien? L'appartenance à une bande ou la citoyenneté a manifestement une incidence profonde sur nos collectivités.
Je suis d'accord avec vous au sujet de l'étude de Harvard. Au niveau communautaire, le projet de loi engendre des divisions. Si la Loi sur les Indiens dit que, dommage, Joe, tu n'es plus un Indien, nous n'aurons plus le pouvoir de lui dispenser des services, de lui donner de l'argent, de lui laisser son logement, etc. Cela engendre des divisions et des conflits.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Dromisky, pour cinq minutes.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup.
Envisageons une situation hypothétique avec un chef hypothétique possédant des pouvoirs hypothétiquement dictatoriaux. Les droits humains dont nous parlons n'ont aucune valeur dans cette collectivité hypothétique où l'on constate toutes sortes d'injustices, d'actes immoraux et de corruption.
Vous savez, le projet de loi C-7 tente dans une certaine mesure de faire face à ces situations hypothétiques--dans ces réserves hypothétiques où existent ces situations hypothétiques.
J'aimerais que vous me répondiez en me donnant des exemples de la manière dont, hypothétiquement, vous recommanderiez que l'on redresse certains des abus commis par des chefs dictatoriaux, abus qui, bien sûr, comme beaucoup de gens qui sont venus témoigner devant ce comité l'ont dit, existent à peine. C'est juste un cas de temps en temps.
J'entends depuis longtemps toutes sortes d'histoires--et ce ne sont que des histoires, je ne les ai pas vécues--concernant des situations de ce genre qui sont totalement injustes et immorales. J'aimerais qu'un chef me dise comment on pourrait aider ces gens qui sont exploités, économiquement et socialement, dans une situation hypothétique.
Comment pourriez-vous les aider? Que devraient faire les gouvernements? Que devraient faire les Premières nations? À l'heure actuelle, elles prétendent s'entraider alors que chaque chef en connaît d'autres qui font des choses qui sont tout à fait injustes, mais sans rien faire pour aider les membres de la réserve ou de la collectivité concernée. Ils gardent le silence et préservent le statu quo.
· (1315)
Le chef Earl Commanda: C'est une accusation très grave que vous portez là--même si c'est hypothétique--quand vous dites qu'il y a des chefs dictatoriaux, à notre époque, dans une démocratie appelée le Canada. Au fond, ce ne serait pas permis en vertu des droits de la personne.
Je conçois que cela ait pu se produire autrefois et je pourrais vous donner un exemple. Si quelqu'un n'aimait pas un membre de sa bande, le chef pouvait aller le voir et lui dire: «Tu es banni. Tu es expulsé de la réserve. Tu n'as plus aucun droit dans cette communauté. Tu n'es plus accepté dans cette communauté.»
Nous devrions peut-être recouvrer ce pouvoir de bannir certaines personnes, dans une certaine mesure, lorsque le besoin s'en fait sentir. Il y a des cas où les gens doivent être remis à leur place en usant de ce genre de pouvoir.
Maintenant, si l'on abuse de ce pouvoir, la communauté doit… On a essayé de régler cela avec les élections coutumières dans les bandes. Un chef fait l'objet d'une évaluation une fois tous les deux ans. Si les gens prennent au sérieux le droit de ces individus d'exercer leur pouvoir de gouvernement, ils peuvent participer au vote, une fois tous les deux ans. S'ils ne sont pas satisfaits de leur chef, ils peuvent s'en débarrasser. Celui-ci ne devrait pas être autorisé à se représenter.
Si vous dites que ce système ne réduit pas les pouvoirs dictatoriaux au sein de la communauté, parce que le chef a une grande famille, par exemple, je pense que l'examen de la situation… Voici ce que je recommande, et c'est ce qui a été recommandé par le conseil tribal: qu'il y ait un deuxième palier de recours, à un niveau plus élevé. Dans notre cas, ce serait le niveau du conseil tribal.
Il y a souvent des situations où nous sommes dans un contexte quasi judiciaire, où nous aimerions pouvoir soumettre un problème à un conseil indépendant d'Anciens, ou à un groupe de chefs, qui pourrait examiner les deux points de vue et prendre une décision ou faire une recommandation. Je pense que nous pourrions mettre en place quelque chose de cette nature.
Ce que vous avez oublié de dire, c'est que nous avons déjà connu des situations de ce genre dans nos communautés et que nous y avons fait face en fonction de notre propre système, le système des clans. Les mères de clans ont beaucoup de pouvoir dans une communauté. Ce sont les femmes qui savent et qui, souvent, possèdent le pouvoir de décision ultime dans ce genre de situation, même si nous, les hommes, pensons avoir le dernier mot sur tout.
Je pense que le système de clans est toujours très vivant et que c'est le processus traditionnel qui permettrait de régler le genre de pouvoirs dictatoriaux dont vous parlez.
Le président: Merci beaucoup. Cette période est terminée mais il reste deux minutes pour une conclusion.
· (1320)
Le chef Earl Commanda: Je tiens à féliciter le comité permanent pour les efforts qu'il déploie afin de modifier le projet de loi. Certes, nous maintenons notre opposition, comme beaucoup d'autres Premières nations. Le projet de loi ne correspond pas à ce que nous souhaitons et nous profitons de cette occasion pour réitérer notre opposition, étant donné qu'il ne nous fait aucunement avancer vers notre vision, notre notion d'une Loi sur la gouvernance des Premières nations.
Meegwetch.
Le président: Merci beaucoup pour un excellent témoignage.
Je souhaite maintenant la bienvenue au professeur André Émond, de l'Université Laurentienne.
[Français]
Professeur, nous avons 30 minutes ensemble. Nous vous invitons à faire une présentation, en espérant qu'il restera un peu de temps pour les questions des membres du comité.
Je vous invite à prendre la parole.
[Traduction]
M. André Émond (professeur agrégé, Université Laurentienne): Merci, monsieur Bonin.
Comme vous le savez, je suis Francophone et j'aimerais faire toute ma présentation en français, mais j'aimerais aussi que les gens autour de moi me comprennent. Donc, contrairement à mes principes, je vais faire mon exposé en anglais. Certaines des choses que j'ai à dire vont peut-être vous surprendre.
Les droits autochtones sont ma spécialité. C'est ce que j'ai étudié et c'est là-dessus que j'ai fait ma thèse de doctorat--la relation fiduciaire entre la Couronne et les Autochtones.
Autre chose : comme vous avez tous entendu que l'anglais n'est pas ma première langue, je vais improviser en anglais et je vais donc vous demander votre indulgence. Puisque lire mon texte serait ennuyeux, je vais improviser, même si c'est en anglais.
Le document que j'ai adressé au comité ne porte pas directement sur votre intérêt primordial, la Loi sur la gouvernance. Il y a cependant dans la Loi sur la gouvernance une disposition qui est destinée à modifier l'article 88 de la Loi sur les Indiens. C'est l'article 56 de la Loi sur la gouvernance.
L'article 88 de la Loi sur les Indiens--c'est de cela que je vais parler maintenant--est très important. Plus que cela, en fait, c'est l'article principal qui régit la relation entre le Parlement fédéral et les assemblées législatives provinciales. Cet article 88 de la Loi sur les Indiens remonte à 1951. Avant cela, c'était l'article 87, avec le même texte.
Pour vous aider à comprendre son importance, je vais vous donner un bref cours d'histoire. La base de la relation fiduciaire entre la Couronne et les Autochtones remonte plus ou moins à 1754, date à laquelle la Couronne a rencontré les Autochtones, essentiellement les Six nations, à Albany. C'était juste avant la guerre qui s'est terminée par la conquête du Canada par les Anglais.
À l'époque, les Anglais ont décidé de ne pas s'en remettre aux colonies pour la gestion des affaires indiennes étant donné qu'elles étaient très mauvaises gestionnaires et que les Anglais avaient besoin des Indiens comme alliés dans leur guerre contre les Français. Ils ont donc pris l'engagement de protéger les droits collectifs des Indiens, leurs droits autochtones et leurs droits de traités, contre toute fraude et tout empiétement par des non-Indiens. Il y avait eu dans le passé des cas de fraude dans les colonies, lors de la vente de terres autochtones, et des cas d'empiétement sur les terres des Indiens.
Voilà donc l'engagement fondamental qui avait été pris à l'époque au nom de la Couronne impériale, la Couronne britannique. Depuis lors, la gestion des affaires indiennes a relevé d'un seul gouvernement, à l'exclusion de tous les autres. Le gouvernement britannique ne s'en était occupé que pour s'assurer qu'il exerçait le contrôle.
Il y eut ensuite une autre guerre, en 1812, contre les Américains. Ce fut notre première guerre. La dernière n'était pas très vieille mais peu importe. Après 1812, les Indiens sont devenus moins importants pour le gouvernement. Toutefois, quelle que fut la situation politique à l'époque, le Parlement britannique continua de protéger leurs droits et jugea important de le faire dans le cadre d'un serment moral même si, à l'époque, le gouvernement britannique constata que s'occuper des Autochtones représentait un fardeau financier considérable.
· (1325)
Le gouvernement britannique dit à la colonie du Canada, avant même que nous ne devenions une fédération, que, lorsque des Indiens céderaient leurs terres, celles-ci appartiendraient à la colonie, qui pourrait en bénéficier, à condition de payer l'argent correspondant aux Indiens. Il y eut donc un transfert de compétence entre 1850 et 1860. En 1860, il était terminé. À ce moment-là, c'est le gouvernement de la colonie du Canada qui devenait responsable des affaires indiennes, responsabilité qui fut ensuite transférée au gouvernement fédéral, en 1867. Le gouvernement fédéral détenait alors une compétence exclusive à l'égard des Indiens et des terres des Indiens. Ce transfert de responsabilité s'accompagnait du serment de protéger les droits collectifs des Autochtones contre tout empiétement ou fraude, tout comme l'avait fait le gouvernement impérial auparavant.
Pouvoir et responsabilité vont de pair. Le gouvernement fédéral ne peut être tenu responsable de protéger les terres et les droits des Autochtones contre tout empiétement et fraude s'il ne détient pas une compétence exclusive à l'égard des affaires indiennes. Cela exclut les gouvernements provinciaux.
Les gouvernements provinciaux et les assemblées législatives ne peuvent modifier, restreindre ou limiter de quelque manière que ce soit les droits des Autochtones en adoptant des lois ou des règlements. Ils ne gèrent pas les affaires indiennes. Ils ne gèrent pas les droits des Indiens. Afin de ne pas porter atteinte--comment on pourrait dire ça--de...
Le président: Enfreindre.
M. André Émond: C'est cela, «enfreindre». C'est le mot que je cherchais.
Une assemblée législative provinciale ne peut adopter une loi qui enfreint les droits des Autochtones. Si c'est ce qu'elle veut faire, il faut transformer la loi provinciale en une loi fédérale.
Voilà le but fondamental de l'article 88 de la Loi sur les Indiens qui dispose, en résumé, que toutes les lois provinciales d'application générale doivent être incorporées à une loi fédérale pour pouvoir s'appliquer aux Autochtones et à leurs droits. Le Parlement fédéral possède ce pouvoir.
Précisons que cette procédure ne transforme pas une loi provinciale anticonstitutionnelle en une loi constitutionnelle simplement parce qu'elle porte sur les Autochtones...
Il s'agit des lois d'application générale, adoptées par la province dans ses propres champs de compétence, dans ses propres domaines, au sujet de, disons, la gestion des forêts, la gestion de la faune, etc. Ce sont les lois qui intéressent le plus les Autochtones.
Ces lois ne peuvent donc toucher les droits autochtones, ne peuvent toucher les droits issus des traités, ne peuvent s'appliquer si elles restent des lois provinciales. Elles ne peuvent s'appliquer que si elles sont intégrées à une loi fédérale. Tel est le but fondamental de l'article 88 de la Loi sur les Indiens.
S'il n'y avait pas d'article 88 de la Loi sur les Indiens, ces lois ne pourraient pas s'appliquer, à cause du partage des pouvoirs, à cause de la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral qui est entérinée par l'article 91, paragraphe 24, de la Loi constitutionnelle de 1867, notre ancien Acte de l'Amérique du Nord britannique.
Pourquoi le gouvernement fédéral a-t-il donc adopté l'article 88? C'est très simple : s'il ne l'avait pas fait, il aurait dû adopter lui-même l'équivalent de toutes les lois provinciales, l'une après l'autre, pour chaque province, car ces lois sont différentes d'une province à l'autre, étant donné qu'il s'agit normalement de champs de compétence provinciaux. Le Parlement fédéral aurait dû réadopter toutes ces lois et les modifier aussi souvent que les modifient les provinces, afin de la harmoniser, pour les appliquer ensuite aux Indiens, car les Indiens aussi doivent être régis par des lois concernant l'écologie, l'environnement, la protection des espèces, etc.
C'est donc pour des raisons d'ordre essentiellement pratique que le Parlement fédéral a dû adopter cette loi. Comme je vous l'ai dit, elle a été adoptée pour la première fois en 1951 et elle reste en vigueur depuis. Le texte est resté le même, il n'a pas changé du tout, même si notre interprétation de la loi a beaucoup évolué depuis, c'est le moins que l'on puisse dire, car, quand on examine les statistiques, on constate qu'il y a une décision de la Cour suprême du Canada sur les droits autochtones environ une fois tous les cinq ans, avec croissance exponentielle. Depuis 1960, le nombre double presque chaque année.
Notre compréhension de la loi a donc évolué, de manière incroyable, ce dont ne tient pas compte l'article 88. Voilà pourquoi j'y propose certains changements.
Tout d'abord, l'article 88 de la Loi sur les Indiens ne s'applique pas aux Métis, aux Inuits ou aux Indiens non conventionnés--personnes qui possèdent toutes des droits en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il y a donc là un vide juridique. Comme ces personnes possèdent des droits protégés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, les lois provinciales ne peuvent s'appliquer à elles.
· (1335)
Il existe donc une norme différente selon que l'on est un Indien des traités ou un Inuit, un Métis ou un Indien non conventionné. Les lois provinciales s'appliquent différemment à ces catégories de personnes.
La Cour suprême est actuellement saisie d'une affaire concernant les Métis, et vous pouvez être sûrs d'une chose: c'est que l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 veut dire quelque chose. Il n'est pas dénué de sens. La Cour suprême du Canada va donc au minimum leur reconnaître le droit de pêcher et de chasser pour s'alimenter. Sinon, l'article ne veut rien dire, mais nous savons que la Cour suprême a déjà interprété la Constitution, dans le passé, en disant qu'elle a un sens. Si l'on a le choix entre deux interprétations, l'une étant que la Constitution n'a aucun sens et l'autre qu'elle en a un, elle choisira la deuxième.
On a donc ces lois provinciales, comme les lois générales adoptées par les assemblées de l'Ontario, du Québec, etc., qui ne s'appliqueront pas aux Métis, aux Inuits du Labrador, dans le nord du Québec.
Il importe peu de savoir quand une entente ou un traité a été conclu car, dans le traité moderne, et pratiquement toutes les études le démontrent, on sait déjà ce qu'on va faire dans ce cas. Mais, pour toutes les personnes qui ne sont pas encore touchées par un traité moderne, l'article 88 de la Loi sur les Indiens reste très important.
Voilà donc la première chose. La deuxième qui est importante au sujet de l'article 88 de la Loi sur les Indiens est que sa rédaction porte à croire qu'il ne s'applique peut-être pas aux terres indiennes. Il s'appliquait aux Indiens mais pas aux terres indiennes. Cela n'a jamais été mis à l'épreuve devant les tribunaux mais a seulement fait l'objet d'un «arbiter», expression latine désignant un commentaire de la Cour suprême.
Peut-être ne s'applique-t-il pas aux terres indiennes. Si tel est le cas, que veut dire l'expression «terres indiennes»? Nous n'en sommes pas sûrs--les terres des réserves, certainement, c'est-à-dire les réserves au sens de la Loi sur les Indiens.
Peut-être ne s'applique-t-il pas aux titres de propriété indiens, lorsque les Indiens possèdent un droit exclusif d'occupation de terres. En droit, un titre de propriété indien débouche sur des droits autochtones individuels, comme le droit de pêcher ou de chasser. Quand on détient un droit de possession exclusif, on parle de titre de propriété indien. Je ne suis pas sûr que l'article 88 de la Loi sur les Indiens s'applique dans un tel cas.
Voilà donc le deuxième problème que pose l'article 88, en tout cas selon les tribunaux. Je cite dans mon mémoire quelques arrêts mettant ces problèmes en relief, allant de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique à la Cour suprême du Canada.
Un autre problème qui a été identifié par la Cour suprême du Canada est que l'article 88 commence par les mots… Je ne me souviens plus de la terminologie exacte mais on y dit que, nonobstant tout traité… C'est plus ou moins le texte, qui dit que l'article 88 protège les droits issus des traités.
La Cour suprême du Canada a dit qu'elle ne sait pas précisément si cette protection est absolue par rapport aux lois provinciales. Peut-être y aura-t-il une sorte de critère ou de justification que pourraient invoquer les gouvernements pour aller à l'encontre des droits issus des traités—sous réserve cependant d'un critère de justification selon l'article 88 de la Loi sur les Indiens. Mais la Cour suprême du Canada a dit que le Parlement fédéral devrait réduire la portée de cet article. Pourquoi? Parce que nous avons aujourd'hui l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui protège les droits autochtones et les droits issus des traités. Il est donc moins important aujourd'hui d'avoir cette protection dans une loi, la Loi sur les Indiens.
La Cour suprême a donc pratiquement suggéré au Parlement de revoir l'article 88 pour éliminer cette protection, car il n'y a aucune raison pour qu'un droit autochtone et un droit issu des traités bénéficient d'une protection différente. Il n'y a aucune logique à cela.
Il existe déjà un critère de justification dans l'article 35. Si le gouvernement veut empiéter sur un droit autochtone ou issu des traités, il doit passer par ce critère très rigoureux. Vous le connaissez tous car vous vous intéressez tous aux droits indiens, étant donné le poste que vous occupez. Ce critère de justification est très proche d'une justification au titre de l'article 1 de la Charte des droits et libertés, qui déclare qu'aucun droit n'est absolu et que, si l'on désire empiéter sur ce droit, on doit absolument prouver que cet empiétement, ou cette limite, est justifié dans une société libre et démocratique. Ce n'est donc pas la même chose que l'article 35, qui demande au gouvernement de prouver que sa mesure législative est conforme à la relation de fiducie qu'il possède avec les Autochtones.
Il n'est plus nécessaire d'avoir dans l'article 88 une protection différente des droits issus des traités et je vous suggère donc de l'abroger.
J'ai trois autres suggestions à vous faire. Certes, on ne change pas la Loi sur les Indiens tous les huit jours, parce que c'est très dangereux et que c'est politiquement difficile. Ce que je propose ne vous mettra pas à la une des journaux demain matin, c'est quelque chose qui est très technique et qui ne porte pas sur les grands principes.
Je peux cependant vous assurer que, si vous ne faites pas cela, vous vous retrouverez tôt ou tard devant les tribunaux avec un Métis disant: «L'article 88 ne s'applique pas à moi. Il s'applique à mes amis indiens qui sont Indiens des traités, mais pas à moi». Et je peux vous dire que cela risque d'aller à l'encontre de l'article 15 de la Charte sur les droits et libertés. Selon le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, le Parlement du Canada a compétence à l'égard des Indiens. Vous pouvez donc légiférer au sujet des Indiens parce que c'est une compétence législative qui est reliée à la race. Vous ne pouvez pas dire: «J'ai accordé un traitement de faveur aux Indiens»… On ne peut pas vous attaquer parce que ça va à l'encontre de l'article 15 de la Charte des droits et libertés. Mais vous n'êtes censés faire aucune discrimination entre deux catégories d'Indiens, si je peux m'exprimer ainsi. J'affirme donc que l'article 88 va peut-être à l'encontre de la Constitution.
Nous avons aussi besoin de protéger les traités. Depuis 1982, il n'y a plus aucune raison d'avoir l'article 88 sous sa forme actuelle car vous faites une différence entre les droits autochtones et les droits issus des traités. Pourquoi cette différence? La Cour suprême du Canada a dit: «Eh bien, il y a peut-être un critère de justification mais nous ne savons pas ce qu'il est». Tout ça, c'est pain bénit pour les avocats. J'en suis un mais je prends souvent position contre la profession. Si l'on peut agir sans s'adresser à un tribunal, tant mieux. Cela fait économiser beaucoup d'argent aux Canadiens et aux Indiens.
· (1340)
Voilà donc les problèmes qui ont été identifiés. Je pense que le moment est peut-être venu d'agir puisque vous modifiez l'article 88 de la Loi sur les Indiens avec le projet de loi sur la gouvernance. J'ajoute en passant que c'est peut-être une bonne chose d'améliorer l'article 88 pour éviter tous ces problèmes qui apparaîtront tôt ou tard devant les tribunaux, vous pouvez en être certains.
Je n'ai pas étudié votre projet de loi beaucoup plus que cela. Je l'ai lu, et il m'a beaucoup intéressé. La raison pour laquelle je ne l'ai pas étudié en détail est que j'estime qu'il appartient au Parlement de décider des mesures à prendre. Je pense que vous avez le pouvoir d'adopter une telle loi, et je ne pense pas que cela aille à l'encontre de la relation fiduciaire de la Couronne avec les Autochtones ni du droit constitutionnellement protégé à l'autonomie gouvernementale.
Les gens qui sont ici n'en sont peut-être pas conscients mais il n'y a pas--j'espère que personne n'a apporté de tomates--de droits constitutionnellement protégés à l'autonomie gouvernementale qui puissent englober pratiquement tout. C'est un peu comme les pouvoirs du Parlement fédéral et des assemblées législatives provinciales. Dire que vous possédez le droit à l'autonomie gouvernementale, c'est une chose, mais quelle est exactement la nature de ce gouvernement? Le Parlement fédéral possède divers types de pouvoirs au titre de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867. Plus encore, vous possédez tous les pouvoirs qui étaient auparavant consentis aux provinces.
Dans l'affaire Pamajewon, de 1993 ou 1994, je ne me souviens plus--j'ai le document avec moi mais je n'ai pas une très bonne mémoire--la Cour suprême du Canada a dit qu'il n'existe pas de tel droit général. S'il y a un droit à l'autonomie gouvernementale, et il y en a un, le pouvoir des Autochtones sera de gérer les droits qui leur sont reconnus par l'article 35. En ce qui concerne ces droits autochtones, comme le droit de pêcher et de chasser et, peut-être, le droit de pêcher et de chasser à des fins commerciales, vous devrez prouver l'existence de ce droit et, après cela, nous reconnaîtrons que vous possédez le droit de gérer ce droit. Le droit à l'autonomie gouvernementale touche tous ces autres droits dont les Autochtones peuvent faire la preuve.
On dit dans le projet de loi que:
«fonds de la bande» [signifie] les avoirs en argent et éléments d'actif appartenant à la bande, notamment a) les recettes de la bande…[mais] la présente définition exclut l'argent des Indiens, au sens de la Loi sur les Indiens, ainsi que les sommes reçues par la bande pour le compte d'un particulier. |
Ce que je comprends ici, bien que ce ne soit pas parfaitement clair, c'est que, si vous ne souhaitez pas imposer une méthode de gérer l'argent que les Indiens reçoivent au titre des droits issus des traités, cela ne relève pas de l'autonomie gouvernementale puisque c'est protégé par la Constitution. Le Parlement fédéral a donc le pouvoir d'adopter une telle loi si c'est ce que cet article veut dire. S'il veut dire que vous pouvez gérer l'argent relié aux traités, vous avez peut-être un problème. Par contre, s'il veut dire que vous n'avez pas l'intention de vous occuper de la gestion de l'argent issu des traités, cela veut dire que vous allez vous ingérer dans la gestion de l'argent que vous allez donner aux Indiens.
Il y a une chose que je n'ai pas dite. Quand je donne mon cours, je dis à mes étudiants qu'il y a trois types de droits collectifs appartenant aux Indiens: les droits autochtones, qui leur appartiennent parce que leurs ancêtres les possédaient avant l'arrivée des Européens; les droits issus des traités, qui leur ont été consentis dans la plupart des cas en échange de leurs droits autochtones; et des droits qui leur ont été donnés ex gratia, comme on dit en latin, sans obligation juridique antérieure.
· (1345)
Ces droits que vous donnez sans obligation, qui ne font pas partie de la relation de fiducie entre la Couronne et les Autochtones, laquelle touche les droits autochtones et issus des traités, pas ces droits qui sont donnés indépendamment de tout procès ou de toute obligation légale.
Donc, au sujet de ces droits que vous donnez aux Autochtones sans obligation légale antérieure, vous pouvez imposer tout ce que vous voulez à cause du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 et parce que ces droits que vous donnez aux collectivités autochtones ne sont pas protégés par l'article 35.
Si ça ne tombe pas dans le champ des droits autochtones et issus des traités, vous pouvez faire ce que vous voulez. Quand je lis que «fonds de la bande» veut dire ceci, ceci et cela, c'est ce que je comprends, et j'ai vu que, dans votre loi, vous respectez les gouvernements traditionnels des bandes. Si les Autochtones veulent que les choses continuent de cette manière, c'est tout à fait possible.
Cela fait donc aussi partie des droits autochtones et issus des traités.
Disons que j'ai terminé.
Le président: Vous avez trois minutes. Nous n'avons pas le temps d'ouvrir une période de questions et vous pouvez donc continuer.
M. André Émond: Si vous avez des questions, je suis tout à fait prêt à y répondre. Le but de ma comparution était d'attirer votre attention sur l'article 88 de la Loi sur les Indiens, qui n'est pas à jour, c'est le moins qu'on puisse dire. Vous devez tenir compte de ce qui s'est passé dans les tribunaux au cours des 50 dernières années.
Le président: Nous allons permettre à un représentant de chaque parti de faire un commentaire de 45 secondes mais pas de poser de question.
M. Reed Elley: Merci beaucoup.
Je ne suis pas avocat et je ne prétends pas avoir compris tout ce que vous avez dit mais j'ai le sentiment que c'est important. Je me demande si nous pourrions demander à nos recherchistes et à nos juristes d'analyser ce témoignage et de nous donner un avis, afin que nous ayons un deuxième point de vue sur cette question avant d'envisager de recommander un amendement au projet de loi.
Le président: Avec nos recherchistes et avec le jurisconseil qui voyage avec nous, du ministère de la Justice, nous obtiendrons cet avis.
M. Reed Elley: Merci.
Le président: Monsieur Martin.
M. André Émond: J'ai cité plusieurs arrêts judiciaires sur lesquels vous pourrez vous fonder. J'ai aussi inclus des arguments de mon cru, par exemple en disant que vous ne pouvez traiter différentes catégories d'Indiens de manière différente, pour des raisons évidentes.
M. Pat Martin: Merci. C'est très intéressant. J'ai pris quelques notes et je vais vous poser une très brève question. Peut-être pourriez-vous y répondre.
Dans votre troisième catégorie de droits, ceux qui sont accordés sans obligation, vous dites qu'on peut les changer à volonté. Est-ce que l'on n'en serait pas empêché par la doctrine de la préclusion si l'on a laissé quelque chose se faire pendant x années? Est-ce que le concept de préclusion s'appliquerait?
· (1350)
M. André Émond: Non.
Le président: Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): L'AANB dispose que les Indiens relèvent de la compétence de leur gouvernement fédéral mais, du point de vue de notre administration et du MAINC, depuis plus d'une centaine d'années, cette règle a porté surtout sur les Indiens vivant sur les réserves.
Cela n'a jamais été contesté devant les tribunaux, à ma connaissance, mais je pense qu'il nous appartient d'examiner très attentivement cette question étant donné que beaucoup vivent aujourd'hui en dehors de leur territoire d'origine.
M. André Émond: Et sur les arrêts judiciaires.
Le président: Merci.
Je vous donne maintenant vos deux minutes supplémentaires pour conclure. Allez-y.
M. André Émond: La règle dont vous parlez est une règle de common law qui peut être supplantée par une loi. C'est simple: en droit, il y a la Constitution, tout en haut, avec les lois, les règlements puis les règles de common law.
Depuis 1689, en Grande-Bretagne, avec la Révolution anglaise, nous avons décidé que le Parlement est souverain. Ici, au Canada, nous avons ajouté une cerise sur le gâteau, une Constitution super législative, ce que les Anglais n'ont pas fait. Cela dit… Veuillez m'excuser, je vous ai perdu.
Le président: Sur quoi devrions-nous concentrer nos efforts, du point de vue de nos relations?
M. André Émond: Je pense que vous n'avez pas le choix. Vous ne l'avez pas parce que vous avez certaines obligations en matière d'affaires indiennes et, comme l'a décidé la Cour suprême il y a quelque temps, vous ne pouvez faire de distinction entre les Indiens des réserves et les Indiens hors réserve. Les deux relèvent de la compétence fédérale, pas seulement les premiers.
Dans un sens, un problème que nous avons depuis 1850, lorsque nous avons commencé à légiférer au sujet des Indiens, vient du fait que le Parlement fédéral, depuis 1867, n'a jamais légiféré pour tout intégrer dans son champ de compétence. Il a laissé de côté les Inuits et les Métis. Je ne sais pas pour quelle raison mais il n'a jamais légiféré au sujet de ces personnes, qui font maintenant partie de la Constitution, depuis 1982, parce que l'article 35 en parle. Et vous, le Parlement, n'avez pas légiféré à leur sujet auparavant parce que vous avez concentré vos efforts sur les Indiens vivant sur les réserves. Toutefois, de récents arrêts ont décidé que, même en ce qui concerne l'élection des conseils de bande, vous devez être très prudents pour ne pas faire de discrimination envers les Indiens qui vivent en dehors des réserves.
Le président: Je vous remercie beaucoup de cet excellent exposé. Dans quelques brèves années, je ferai partie de l'âge d'or et, même si je suis diplômé de l'Université Laurentienne, je m'inscrirai peut-être à l'un de vos cours. C'est très intéressant.
M. André Émond: Je ne suis pas sûr mais je pense que votre fils est mon médecin de famille.
Le président: Il y a donc un conflit d'intérêts.
Merci beaucoup.
L'un des principes des fils médecins est qu'ils ne traitent pas les membres de leur famille. Je ne peux pas dire la même chose.
Je souhaite maintenant la bienvenue au chef Franklin Paibomsai, de la Première nation de Whitefish River, des United Chiefs and Councils of Manitoulin; au chef Patrick Madahbee, de Aundeck Omni Kaning; et à Terry Debassige, membre de la Première nation M'Chigeeng.
Vous avez 45 minutes. Je vous souhaite la bienvenue et vous invite à faire votre exposé, en espérant qu'il restera assez de temps pour vous poser des questions.
¸ (1400)
M. Gordon Waindubence (ancien, United Chiefs and Councils of Manitoulin):
[Le témoin parle dans sa langue autochtone]
Le chef Patrick Madahbee (Aundeck Omni Kaning, United Chiefs and Councils of Manitoulin): Je n'ai pas l'intention de traduire mot pour mot ce que notre Ancien a dit mais, en résumé, il vous remercie de nous avoir invités à venir témoigner devant vous. Toutefois, nous n'avons pas l'habitude d'être régis par une horloge, comme vous venez de le proposer. Si vous vouliez vraiment nous écouter, vous devriez le faire correctement.
Nous avons apporté avec nous certains de nos symboles traditionnels, alors que vous avez encore une fois apporté du papier, comme vos ancêtres. Vous nous demandez d'être d'accord avec ce que vous proposez mais il dit qu'il va nous demander de nous exprimer au nom des UCCM. Il tenait à souligner que les choses doivent se faire correctement. Vous auriez dû avoir une personne Anishnabek au sein de votre comité pour vraiment écouter et comprendre ce que nous avons à vous dire, d'autant plus que ces audiences sur les questions des Premières nations se tiennent dans une langue étrangère. Vous auriez dû avoir une personne Anishnabek avec vous pour vraiment comprendre ce que les Anishnabek ont à vous dire.
Allez-vous encore interpréter les choses à votre manière, en nous obligeant à aller vite et en utilisant cette horloge? Ce n'est pas notre manière.
Il tient à dire que nous avons apporté certaines des ceintures wampum qui parlaient de nos relations avec le gouvernement, ou la Couronne, pour vous rappeler que ce processus n'est pas le bon processus de consultation et de discussion avec nous. Nous devrions avoir de vraies consultations, sans qu'une horloge régisse des questions aussi importantes que celle-ci. C'est pourquoi il est venu avec son personnel et avec nos ceintures wampum, pour vous rappeler que nous venons ici pour dire la vérité, mais êtes-vous vraiment prêts à entendre ou voulez-vous juste entendre ce que vous voulez entendre?
Je ne fais que paraphraser certaines des remarques de l'Ancien.
Je vais maintenant demander au chef Paibomsai de lire notre déclaration.
Le chef Franklin Paibomsai (Première Nation Whitefish River; United Chiefs and Councils of Manitoulin): Merci, Pat.
Une disposition du préambule dit ceci:
Attendu que la démocratie représentative--qui se manifeste notamment par la tenue régulière d'élections par scrutin secret--la transparence et la responsabilisation sont des valeurs auxquelles les Canadiens sont attachés; |
Voilà le critère par lequel les Autochtones sont jugés. Il est tout à fait évident que les valeurs canadiennes ne sont pas adaptées aux sociétés Anishnabek et aux systèmes de clans.
L'article 3 dit que l'objet de la loi est celui-ci:
offrir aux bandes des outils de gouvernance plus efficaces en attendant la négociation du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et sa mise en oeuvre. |
Si je comprends bien, vous voulez dire que nous n'avons aucune idée de comment gérer nos affaires.
Je suis sûr que vous êtes préoccupés par les remarques de Stan au sujet des chefs et conseils hypothétiques agissant comme des fous sur l'île Manitoulin et sur la côte nord. Pourtant, nous sommes extrêmement respectés par nos municipalités voisines et par les milieux d'affaires, en grande mesure parce que nous avons adopté nos propres politiques et règlements pour assurer la stabilité et la prospérité. En grande mesure, ces politiques vont au-delà des codes du projet de loi C-7 et, pour ce qui est de la gestion, la loi est inutile. Considérant les motifs douteux des Affaires indiennes dans le passé, nous craignons que le projet de loi C-7 n'ait un autre objectif. Après tout, l'essentiel du projet de loi porte sur des politiques administratives qui n'exigent pas vraiment de législation spéciale.
En outre, si nous possédons le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, garanti dans la Constitution et réaffirmé dans le récent arrêt Campbell en Colombie-Britannique, les Affaires indiennes n'ont tout simplement pas le droit de nous dicter les modalités de cette autonomie gouvernementale. De même, on dit dans le préambule que ni la Loi sur les Indiens, ni cette loi n'ont pour but de définir la nature et l'étendue de tout droit à l'autonomie gouvernementale. Cette loi indique pourtant ce qui sera acceptable.
Le paragraphe 4(2) dispose que:
Le code est adopté si, d'une part, il est par écrit et si, d'autre part, il reçoit l'appui de la majorité des électeurs de la bande qui participent à un vote tenu par le conseil en conformité avec les règlements et que plus de 25 p. 100 de tous les électeurs de la bande se sont exprimés en sa faveur. |
À moins que nous n'obtenions l'accès aux bases de données du gouvernement, dresser des listes d'adresses à jour et fournir des piles de documents aux électeurs et électrices hors réserve coûtera extrêmement cher et prendra beaucoup de temps. Comme 50 p. 100 de nos membres résident en dehors de la réserve, il nous sera difficile de respecter ces conditions, du moins au début.
De même, l'alinéa 6(3)a) impose un très lourd fardeau. Il oblige le conseil à donner un préavis public suffisant du projet de texte législatif pour permettre aux membres de la bande et aux personnes résidant dans la réserve de présenter des observations sur le texte avant son adoption. Il faut que le coût de cette disposition soit assumé par les Affaires indiennes car nous n'avons aucun budget pour couvrir ces nouvelles responsabilités administratives locales.
Nous nous inquiétons également de l'utilisation des mots «personnes résidant dans la réserve». Est-ce que les non-Autochtones auront leur mot à dire sur les affaires de la bande? D'autres textes de loi semblent indiquer que les personnes ne faisant pas partie de la bande, qualifiées de tierces parties, auront leur mot à dire en ce qui concerne notre gouvernance.
Nous savons tous qu'il y a beaucoup de gens qui s'opposent avec véhémence aux droits autochtones et issus des traités. Il suffit d'écouter les déclarations du parti de l'Alliance. Ceci donnera aux gens qui pensent de cette manière l'occasion de miner les sociétés et institutions gouvernementales Anishnabek.
Le paragraphe 5(3) dispose que:
Le code ne peut être constitué des règles issues de la coutume de la bande que s'il est adopté dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur du présent article. |
Tout d'abord, le gouvernement coutumier n'est que la continuation de milliers d'années de gouvernement par les Anishnabek. On a tort de traiter les bandes coutumières comme des anomalies et de traiter les bandes de l'article 74 comme des arrangements naturels. En fait, la loi devrait être formulée pour donner aux Premières nations l'option de devenir des bandes au titre de l'article 74 de la Loi sur les Indiens ou au titre du projet de loi C-7. Ce type de valeurs canadiennes n'indique pas que la plupart des bandes ont relevé de la Loi sur les Indiens parce que les gouvernements des années 1800 ont tout simplement fait fi du leadership traditionnel et ont donné le pouvoir à ceux qui suivaient leurs ordres.
Le commerce avec les Autochtones dans l'île Manitoulin fut interdit pour briser le leadership traditionnel par des moyens économiques. Considérant les coupures budgétaires imposées à l'APN, au Traité 3 et à la Première nation M'Chigeeng, vous pouvez voir que les Affaires indiennes continuent d'utiliser les stratégies qui leur ont si bien réussi dans le passé.
Deuxièmement, on ne prévoit que des options non autochtones. Au bout de deux ans, on n'aura aucune chance de rétablir les systèmes de gouvernance traditionnels. Nous nous demandons parfois comment il se fait que la culture, la langue, la religion, l'autonomie et le système de gouvernement du Québec sont reconnus, alors qu'ils ont perdu la guerre. Nous, par contre, étions devenus votre allié le plus important.
¸ (1405)
L'article 52 du projet de loi abroge les articles 74 à 80 de la Loi sur les Indiens, concernant les élections des bandes. Les paragraphes 74(1) et 74(2), l'alinéa 74(3)a), le sous-alinéa 74(3)a)(ii), les paragraphes 77(1), 78(1), 78(2) et 78(4), et l'article 79 font tous spécifiquement référence au poste de chef. Curieusement, le projet de loi C-7 ne contient aucune mention de cette fonction, à moins que l'on estime que c'est le sens de l'alinéa 5(1)a) qui parle de règles «prévoyant le nombre des membres du conseil et sa composition».
Nous croyons que le soutien financier du poste de chef sera compromis. Le poste de chef sera compromis. Le poste de chef englobe une grande responsabilité politique étant donné que c'est lui qui dirige généralement nos combats avec Affaires indiennes, et ceci est un moyen pour réduire notre opposition. Le fait que ce poste ne soit pas mentionné est également une tentative d'élimination du rôle politique des conseils.
Notre opposition globale au projet de loi C-7 provient du fait qu'il ne traite pas les conseils de bande dans le contexte des fonctions extralégales de leurs membres. Les droits issus des traités sont reliés à des territoires et nous croyons que notre leadership a le devoir inhérent de protéger notre intérêt à l'égard des terres et des ressources, tout en maintenant nos valeurs traditionnelles et spirituelles reliées à ces territoires. Rien dans cette loi ne nous donne ce pouvoir.
Nous assumons également des responsabilités à l'égard des membres de nos bandes de leur naissance jusqu'à leur mort. Quels autres dirigeants en Ontario, au sein des gouvernements provincial ou fédéral, détiennent une telle responsabilité? Quels autres dirigeants assistent aux funérailles des citoyens?
En fait, la partie 2 du projet de loi C-7, «Pouvoirs du conseil», précise que ces pouvoirs sont limités à la réserve même. Le paragraphe 5(5) nous oblige à tenir compte des «intérêts différents, notamment ceux des membres de la bande résidant dans la réserve et hors de celle-ci». Alors qu'on nous interdit d'exercer nos pouvoirs en dehors de la réserve et de fonder notre développement économique sur les ressources de ces petits territoires, nous serons légalement obligés de dispenser des services à tous les membres, dans certains cas dans le monde entier.
On prétend que le projet de loi C-7 vise à donner aux Premières nations des outils de gouvernance en indiquant leurs obligations dans le code de choix des dirigeants, article 5, dans le code administratif, article 6, et dans le code de gestion financière et de reddition de comptes, article 7. Pourtant le gouverneur en conseil conserve un contrôle absolu en vertu du paragraphe 32(1):
Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements sur les questions pouvant faire l'objet d'un code en vertu des articles 5, 6 ou 7, à l'exception de l'alinéa 5(2)b). |
En vertu de cette disposition, ces règlements pourront être illimités et dangereusement inconnus. Je dis «dangereusement» parce que le ministère a toujours eu la main lourde.
On veut aussi donner au gouverneur en conseil des pouvoirs de réglementation illimités avec les articles 31 et 33. Cela ne fait-il pas penser à une mentalité colonialiste? De plus, l'alinéa 10(3)a) dispose que:
Le ministre peut évaluer la situation financière de la bande et, s'il l'estime nécessaire, exiger que des mesures correctives soient prises s'il est informé de l'une ou l'autre des situations suivantes: a) la situation financière de la bande s'est détériorée à un point tel qu'elle compromet la prestation des programmes et services essentiels; |
Sans vouloir défendre les cas de mauvaise gestion, le ministre n'a pas hésité à abuser de ce genre de pouvoir illimité pour réprimer l'opposition politique. Songeons à la situation de Pikangikum, où le ministre abuse de son pouvoir.
L'alinéa 16(1)l) dispose que:
Le conseil d'une bande peut prendre des textes législatifs à des fins locales applicables dans sa réserve concernant: l) la garde des animaux sauvages et domestiques, sauf les poissons, et les activités afférentes; |
Or, on indique au paragraphe 2(1), qui est l'article d'interprétation, que «poisson» s'entend au sens de la Loi sur les pêches. Pourquoi invoque-t-on la Loi sur les pêches dans une loi qualifiée d'outil de gouvernance? L'application de la Loi fédérale sur les pêches est remise en question, et le doute est levé par le paragraphe 16(2):
Les dispositions de toute loi fédérale ou d'un règlement pris en vertu de celle-ci l'emportent sur les dispositions incompatibles d'un texte législatif pris en vertu du présente article. |
Que le lien soit ténu ou non, nous pensons que ce projet de loi ouvre d'un seul coup la porte à la réglementation de nos droits de pêche avant qu'ils n'aient été complètement définis.
En conclusion, je voudrais citer le Dr Jeffrey Reading, qui a témoigné devant le sous-comité de la Chambre des communes sur la jeunesse autochtone:
…ce n'est pas un problème qui a été créé par les Autochtones.… C'est un problème historique et un problème politique qui est intégral à l'économie politique qui a vu le Canada devenir un État-nation. |
Cette question est expliquée de manière plus détaillée dans le rapport de la CRPA. C'est à la mise en oeuvre de ce rapport que nous devrions consacrer notre énergie, pas à ce projet de loi qui est inacceptable du point de vue de la consultation.
¸ (1410)
Ce projet de loi sert en fait à apporter des changements superficiels pour dissimuler l'effet réel des changements profonds qu'il aura sur les affaires autochtones. Ne laissons pas le rapport de la CRPA, Vers un ressourcement sur les oubliettes, comme beaucoup d'autres documents du MAINC concernant les Anishnabek.
Meegwetch.
Le chef Patrick Madahbee: En ce qui concerne certains éléments de cette Loi sur la gouvernance, nous voici à nouveau dans une situation où le MAINC pense savoir ce qu'il y a de mieux pour nos communautés. Bon nombre d'entre nous mettons en oeuvre des processus de gouvernance depuis de nombreuses années et cette nouvelle loi viendra peut-être entraver le travail des communautés qui ont déjà mis en oeuvre un certain nombre de politiques.
Je vais vous donner une brève liste de certaines des choses qui existent déjà dans la plupart de nos collectivités. Nous avons mis en oeuvre des politiques ou règlements sur l'emploi et le personnel; sur l'emploi occasionnel; sur le logement; sur la rénovation; sur la gestion des forêts; sur la gestion de l'alcool; sur les élections coutumières des conseils de bande; sur le contrôle des chiens; sur la résidence; sur le développement des conseils; sur le transport médical; sur les services d'urgence; sur les biens matrimoniaux; sur l'appartenance aux bandes; sur les pow-wow; sur la pêche commerciale; sur les méfaits et le vandalisme; sur l'éducation, allant du jardin d'enfants jusqu'à l'éducation élémentaire, secondaire et postsecondaire; sur les loisirs; sur la collecte de fonds; et même sur le tabagisme. Voilà donc quelques exemples seulement de ce que nous faisons dans nos collectivités depuis de nombreuses années.
À titre d'exemple, ma collectivité a déjà tenu cinq élections sans aucun problème, selon les procédures coutumières élaborées il y a des années. Maintenant, avec ce projet de loi C-7, on va essayer de changer quelque chose qui est parfaitement accepté dans notre communauté et qui a été formulé au moyen d'une consultation communautaire extrêmement large, mis en oeuvre par les membres de notre communauté et accepté par 86 p. 100 d'entre eux.
Il y a dans ce texte beaucoup de choses qui ne feront strictement rien pour faciliter le développement de nos communautés. Vous pouvez utiliser tous les mots à la mode que vous voulez, comme «autodétermination» ou «autonomie gouvernementale», mais, en fin de compte, ce qu'il faut vraiment favoriser, c'est le développement communautaire.
Quand nous parlons de développement de nos communautés, nous parlons du développement politique et je dois dire que les scénarios hypothétiques et les histoires d'horreur qu'on raconte dans le pays ne sont que des cas extrêmement rares. On ne parle pas assez, par contre, des bonnes choses qui se font dans les communautés autochtones, et des progrès politiques qui ont été réalisés même au cours des deux dernières décennies, avec la mise en oeuvre de l'article 35 de la Constitution sur les droits autochtones et les droits issus des traités. Plusieurs arrêts de la Cour suprême confirment nos droits autochtones et issus des traités.
N'essayez pas de traiter tout le monde de la même manière simplement parce qu'il y a eu quelques problèmes dans certaines régions. Allez plutôt dans ces régions et réglez ces problèmes-là. Quant à nous, laissez-nous fonctionner dans nos communautés très efficientes. D'ailleurs, on ne cesse de nous féliciter pour notre bonne gestion financière. Nous avons des lettres du gouvernement fédéral qui nous félicitent pour ce que nous faisons dans nos communautés.
Nous avons besoin de l'accès aux ressources pour assurer le développement de nos communautés. Voilà de quoi il s'agit. Nous sommes comme tout le monde, nous voulons simplement assurer l'épanouissement des membres de nos communautés. Quand on voit l'argent que l'on a consacré à ce processus, l'argent qui a été investi dans la Commission royale sur les peuples autochtones, l'argent consacré au rapport Penner, l'argent consacré au rapport du groupe de travail Nielsen…
Vous dites que vous tenez en ce moment une audience mais nous écoutez-vous vraiment? Écoutiez-vous lorsque le rapport de la CRPA a été publié? Je disais au président…lui et notre député, Brent St. Denis, ont assisté récemment à une réunion des chefs de Robinson-Huron. Ils étaient là pour nous écouter mais ils ne nous ont pas entendus. Quand ils sont rentrés à Ottawa, ils ont voté en faveur de cette loi en première lecture, contrairement à l'expression de notre opposition. Nous sommes pourtant aussi leurs électeurs mais ils ne veulent pas écouter les gens qui sont le plus directement touchés par cette chose.
Nous vous implorons d'écouter les Autochtones et de bien comprendre ce qu'ils vous ont dit, pas seulement dans ce processus mais aussi dans le processus global de la CRPA. Quand M. Bonin m'a interrogé sur le rapport de la CRPA, il a dit qu'il était irréaliste d'envisager sa mise en oeuvre, pour des questions de coûts, et je lui ai répondu que nous n'avions aucunement l'illusion que cela se ferait du jour au lendemain.
¸ (1415)
Pour ce qui est de l'évolution de nos communautés, il faudrait peut-être 20 ans pour mettre en oeuvre les recommandations de la CRPA car les communautés ne sont pas toutes à la même étape de développement et elles sont très diversifiées.
Dans notre région, nous avons recommandé que l'on aille au bout des pourparlers constitutionnels qui ont commencé dans les années 80. Au cours de la dernière conférence constitutionnelle, nos préoccupations ont été mises de côté parce que la séparation du Québec était revenue sur la scène. Et il y a d'ailleurs beaucoup de préoccupations autochtones qui ont été mises de côté. Ces pourparlers constitutionnels non terminés sont censés porter sur les champs de compétence, c'est-à-dire sur ce qui relève du fédéral, ce qui relève du provincial, ce qui relève des Premières nations, et ce qui est partagé.
Il s'agit là de questions très sérieuses qui nous touchent dans notre vie quotidienne. Je vais vous donner un exemple. À une certaine époque, tous les services de police étaient assurés par la Gendarmerie royale, organisme de compétence fédérale. Ensuite, c'est la Police provinciale de l'Ontario qui s'en est chargé. Plus tard, c'est devenu un programme autochtone. Aujourd'hui, nous avons nos propres services de police.
Voilà un exemple simple de la manière dont la compétence peut évoluer en matière de police. Et c'est la même chose en ce qui concerne les services de garde d'enfants, l'éducation et beaucoup d'autres secteurs.
Le ministre des Affaires indiennes et le gouvernement fédéral ne savent pas comment fonctionnent les communautés autochtones. Nous, nous le savons. Je pense que les députés se sont fait passer un sapin avec ce projet de loi parce qu'on leur a fait croire qu'il allait résoudre nos problèmes.
Je me trouvais récemment à Ottawa pour faire du lobbying auprès des députés et certains m'ont dit qu'il serait peut-être possible de modifier ce texte. Ce n'est cependant pas la bonne réponse. Mettons-le à la poubelle et reprenons ce qui avait commencé avec les pourparlers constitutionnels et avec les recommandations de la CRPA, car c'est ainsi que l'on fera quelque chose de vraiment utile.
Vous avez entendu des Autochtones de tout le pays mais vous ne les avez pas écoutés. Maintenant, vous recommencez la même chose. Aujourd'hui, vous nous avez autorisés à prendre quelques minutes pour présenter notre point de vue mais quelques minutes ici ou là dans le pays ne servent strictement à rien quand il s'agit d'un texte qui va toucher profondément nos vies.
Personnellement, je n'ai pas choisi d'être ici. Je ne pense pas que cette tribune soit la bonne pour discuter de nos affaires. Nous devrions nous trouver autour d'une table constitutionnelle, en tant que Premières nations, ce qui serait la seule chose valable. Voilà où le gouvernement devrait nous écouter.
Je tenais à ajouter ces remarques à notre exposé. Je suppose que nous pouvons répondre à quelques questions.
Terry, voulez-vous ajouter quelque chose?
¸ (1420)
M. Terry Debassige (membre, Première nation M'Chigeeng; United Chiefs and Councils of Manitoulin): Je veux faire une remarque. J'ai constaté qu'il y a quelqu'un qui ne cessait de revenir… Vous voulez axer ce débat sur les bandes qui sont mal gérées, et qui sont très peu nombreuses, et sur les choses horribles qu'elles font à leurs membres.
Je trouve cela étrange car c'est le ministère des Affaires indiennes qui a créé ces bandes. C'est le ministère qui a créé ces chefs hypothétiques car, chaque fois qu'il voulait nos ressources et nos terres… Il y a des pétitions, vous pourrez les trouver dans les archives. Il y a eu de nombreuses pétitions pour se plaindre des gens qui venaient réclamer les signatures de nos chefs. C'est comme cela qu'on a perdu l'île Manitoulin. On a complètement écarté nos chefs élus et on a mis à leur place… Vous savez, une personne avait mis «je suis soûl» comme signature sur le traité. Est-ce que c'est acceptable?
Il y a donc eu ce précédent, on a récompensé ces gens, ces incompétents, et maintenant vous vous en plaignez. Ce n'est pas nous qui les avons créés.
En outre, vous avez essayé de dire que cette loi est axée sur le gouvernement, simplement sur une politique administrative. Dans ses notes, cependant, le ministre Nault dit que «ce projet de loi correspond à notre politique globale». Il a de profondes ramifications. Il ne porte pas simplement sur cela et nous estimons qu'il porte sur de nombreuses questions. Il n'est pas aussi innocent que vous semblez l'indiquer.
L'autre chose qui m'a fait rigoler, en écoutant la plupart des discours, c'est que nous ne semblons pas parler du même projet de loi. Je sais maintenant où sont partis travailler tous les gens de K-Tel quand la compagnie est tombée en faillite.
C'est tout ce que j'ai à dire.
Le chef Franklin Paibomsai: J'ai d'autres remarques à faire. Les députés et les membres de ce groupe se sont-ils rendus dans des collectivités autochtones pour bien comprendre l'impact que pourrait avoir ce projet de loi sur les Anishnabek de notre territoire? Vous devriez vraiment venir voir vous-mêmes nos communautés. Comme vous voulez changer pour toujours les Anishnabek et ma communauté, la moindre des choses serait que vous veniez voir ma communauté. Venez donc passer un peu de temps avec nous.
Je ne parle pas ici d'y passer une heure ou de venir faire un discours. Venez et passez vraiment du temps avec nous. Vous êtes ici autour de cette salle comme groupe de--je ne sais pas quel mot utiliser--d'adultes. Vous avez tous fait des études. Je suis ingénieur. Pourquoi ne venez-vous pas passer quelque temps chez nous, dans nos communautés? Vous verriez l'impact. Vous verriez les mesures que les Anishnabek ont déjà prises.
Dans notre communauté, la Première nation de Whitefish River a reçu une prime de 10 000 $ du ministère des Affaires indiennes pour avoir été la première à remettre une vérification annuelle, l'an dernier, comme l'exigeait le ministère.
¸ (1425)
Le président: Pourrions-nous passer aux questions?
Le chef Franklin Paibomsai: J'y arrive. Calmez-vous.
Le président: Vous avez 30 ou 45 minutes pour témoigner.
Le chef Franklin Paibomsai: Je vous ai entendu et maintenant--
Le président: Veuillez m'excuser, c'est moi qui préside la séance.
Quand je parle, fermez votre micro.
Si vous préférez qu'il n'y ait pas de période de questions, c'est votre choix, mais j'aimerais que vous accordiez quand même au moins trois minutes par parti pour la période des questions, car c'est à peu près le temps qu'il nous reste.
Continuez.
Le chef Franklin Paibomsai: Cela s'explique par les mesures rigoureuses de contrôle administratif et financier et de reddition de comptes adoptées par nos membres. Comme toutes les communautés, Whitefish River s'est dotée des mêmes politiques de gouvernance, d'élection, de gestion financière, du gestion du personnel et de gestion administrative. Patrick les a toutes mentionnées.
J'aimerais savoir si votre groupe va aussi commencer à enquêter sur les processus et procédures des Affaires indiennes car c'est ce ministère, avec le ministre des Affaires indiennes, qui va être chargé de la mise en oeuvre de la Loi sur la gouvernance des Premières nations.
Les questions de gestion financière, de rapports et de transparence gouvernementale figurent déjà dans les documents que l'on nous demande de signer depuis un certain temps pour les contributions de financement annuelles. Nous adressons donc déjà des rapports aux Affaires indiennes confirmant la prudence avec laquelle nous gérons nos ressources.
Prenez donc la peine d'examiner ces ententes de contribution. L'un des documents que je signe, au nom de notre communauté, a 28 pages de long et indique en détail toutes les choses qui se trouvent dans votre Loi sur la gouvernance--et c'est pour 10 000 $. Il y a donc là un régime exhaustif de reddition de comptes. Si nous ne signons pas ces ententes, il y a un mécanisme de défaut et, finalement, nous n'avons pas l'argent. Ces arrangements existent donc déjà.
Merci.
Le président: Merci. Nous allons faire un tour de trois minutes.
Monsieur Elley.
M. Reed Elley: Je n'ai pas de question. J'aimerais cependant parler une minute à Franklin.
Je vous ai entendu dire de manière assez véhémente et éloquente qu'il n'y a pas eu de consultation adéquate. Si vous et moi étions assis dans un restaurant, quelque part, en prenant une tasse de café, nous pourrions avoir une consultation sérieuse. Si j'avais la possibilité d'entendre votre histoire, et vous la mienne, et si vous pouviez vous mettre à ma place, et moi à la vôtre, nous pourrions apprendre des choses utiles l'un sur l'autre, qui pourraient engendrer de meilleurs sentiments l'un envers l'autre.
Cela fait près de 35 ans que je travaille dans le domaine de la réconciliation. Si vous voulez vérifier mon curriculum vitae, vous comprendrez pourquoi.
Le chef Franklin Paibomsai: Ça fait des milliers d'années que nos ancêtres font ça.
M. Reed Elley: Oui, mais nous le faisons individuellement, petit à petit, et nous faisons ce que nous pouvons.
J'ai quatre enfants autochtones chez moi, à l'heure actuelle. Je vis avez des enfants autochtones depuis 25 ans et je travaille avec des collectivités autochtones. Je sais pourquoi vous parlez de la douleur. Je comprends pourquoi vous parlez de changement. Je comprends pourquoi la Loi sur la gouvernance des Premières nations ne vous donne pas satisfaction.
Au fond, si nous voulons vraiment chercher des solutions pour les choses qui comptent le plus pour vous, et pour les choses qui comptent pour moi aussi, pour nos enfants et petits-enfants, vous et moi allons devoir nous asseoir autour de la même table. Vous allez devoir venir chez moi et je vais devoir aller chez vous.
Le chef Franklin Paibomsai: Eh bien, vous serez le bienvenu chez moi dès ce soir.
M. Reed Elley: J'en suis très heureux, et je serais très heureux de vous accueillir chez moi.
Voilà ce que je souhaite. Voilà comment nous nous comprendrons.
Le président: Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci.
Nous n'avons pas le temps d'aller beaucoup dans les détails mais je comprends certainement pourquoi vous dites que tout le processus de consultation n'a été qu'une vaste blague, pour un ensemble d'amendements aussi exhaustif et complexe.
Vous avez fait une bonne analyse de tous les détails. Il y a beaucoup de petites Premières nations qui n'ont peut-être pas les ressources ou les personnes qualifiées pour préparer un mémoire aussi complet.
En ce qui concerne la représentation au sein de ce comité, je suis d'accord avec vous quand vous dites que, si nous étions sérieux, nous aurions invité d'autres membres, comme on l'a fait pour l'enquête Penner… En fait, j'avais déposé une motion à cet effet il y a quelques mois. Une seule personne a voté pour moi à cette occasion--c'était un Libéral--et nous avons perdu d'une voix. Nous aurions pu avoir un représentant de l'Assemblée des Premières nations, avec droit de participation mais pas de droit de vote, une représentante de l'Association des femmes autochtones du Canada et un représentant du CPA. Cela leur aurait au moins permis de participer à la consultation.
Je suis allé à Pic il y a quelques mois, pour une journée. Je suis aussi allé à Pauingassi, Poplar River, Little Grand et une poignée d'autres communautés, et j'avais amené le chef de notre parti pour montrer de quoi nous parlons et pourquoi le NPD est si vivement opposé à l'accord de gouvernance des Premières nations. Je voulais que notre chef, le nouveau, voie personnellement certaines des communautés de ma province du Manitoba et du nord-ouest de l'Ontario.
Je suis donc d'accord avec vous, avec le peu de temps que nous avons.
J'ai suivi la ronde autochtone de Charlottetown en 1992. À l'époque, on s'était engagé à entreprendre une révision exhaustive de la répartition des pouvoirs constitutionnels, étant entendu que les Premières nations seraient à la table et qu'une décision serait prise une fois pour toutes. Tout cela a déraillé avec le référendum de 1995 au Québec, peut-être--je ne sais pas--ou c'est peut-être que le public en a eu assez des débats constitutionnels.
Quoi qu'il en soit, ceci est tout à fait contraire à l'esprit et à l'intention de ce que voulait le pays. C'est une nouvelle mouture du Livre blanc de 1969. Je n'hésite absolument pas à le dire car c'est le commentaire que nous avons entendu de chaque Première nation, d'un bout à l'autre du pays, et c'est aussi le commentaire que nous entendons à Ottawa, en coulisses, où les gens disent que Jean Chrétien n'avait pas réussi à réduire les droits issus des traités, en 1969, avec un Livre blanc. Il avait alors donné naissance à une nouvelle génération de militants et, aujourd'hui, juste avant de partir, il se sert de Bob Nault pour finir le travail qu'il avait commencé en 1969.
Vous avez donc absolument raison de vous opposer de manière militante et véhémente à cette initiative, avec tous les instruments à votre disposition.
S'il me reste du temps, j'aimerais entendre--
¸ (1430)
Le président: Merci, il ne vous reste pas de temps.
Je pense que M. Dromisky avait demandé la parole.
M. Stan Dromisky: Oui. Merci beaucoup. Je serai bref.
Tout d'abord, je suis prêt à reconnaître que nous n'entendons pas tout. Je crois à l'écoute sélective, et vous n'entendez que ce que vous voulez entendre, tout comme je n'entends que ce que je veux entendre. C'est la nature humaine.
Je ne vais donc pas me mettre sur la défensive et vous dire maintenant que je vais tout rejeter. J'écoute les Autochtones depuis de très nombreuses années, depuis 1961 et 1962, et je suis parfaitement au courant de certaines de ces histoires car je suis allé sur beaucoup de réserves.
Je n'accepte pas une seconde que, simplement parce que vous avez réussi à formuler et à mettre en place des stratégies si merveilleuses avec votre communauté, pour résoudre beaucoup de vos problèmes, la même chose devrait se faire, peut se faire et sera faite dans chaque autre communauté autochtone. Ce n'est pas possible.
Si on laisse les choses telles quelles, comme vous le voulez, les gens décideront de ce qui leur convient le mieux, pour eux et pour leurs communautés. J'ai rencontré beaucoup de gens qui m'ont dit ce qu'il y avait de mieux pour leurs communautés, mais c'était impossible à mettre en oeuvre simplement parce que la manière dont le contrôle était exercé sur cette réserve, par le chef et le conseil, faisait que ce ne serait jamais autorisé parce qu'ils auraient peur de perdre le contrôle.
Il y a beaucoup d'autres facteurs qui entrent en jeu, à part la peur de perdre le contrôle du personnel et des membres de la bande. Je ne sais donc pas quelle est la solution ultime.
Quelque part, je ne sais quand, les choses merveilleuses que vous avez seront partagées. Je sais que ça prend de l'argent. Il faut que ces communautés, d'un bout à l'autre du pays, partagent les expériences merveilleuses et dynamiques qui apparaissent dans chacune des collectivités autochtones, et ne pas se contenter du statu quo et rester sur la défensive en faisant fi de ce que font vos frères et vos soeurs dans le reste du pays, ceux qui sont victimisés--et ils le sont. Ça ne concerne pas qu'une ou deux réserves mais beaucoup.
J'ai un avis très passionné là-dessus. Je ne sais pas si le gouvernement fédéral réussira jamais à mettre en place un processus produisant le genre de changements que vous demandez dans ces communautés autochtones. Je n'en sais vraiment rien. Si les dirigeants ne veulent pas vraiment instaurer un changement démocratique, juste et équitable, ça ne se fera pas.
¸ (1435)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Dromisky.
Il nous reste quatre minutes pour la conclusion et vous pouvez les utiliser comme vous voulez.
Le chef Patrick Madahbee: La solution a déjà été énoncée dans le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones et dans le dialogue déjà exhaustif qui a été entrepris pendant les pourparlers constitutionnels. Mettre en oeuvre le rapport de la CRPA est la réponse que vous cherchez au sujet de ces communautés qui ne sont pas aussi avancées que les autres. On y parle de tous ces processus, et nous pensons que les audiences de la CRPA avaient vraiment permis d'écouter directement les Autochtones, d'un bout à l'autre du pays. Le genre de processus qui se tient maintenant me rappelle beaucoup le processus de fusion des municipalités, qui a été imposé. Ça ne marche pas pour elles, elles ne l'aiment pas. Elles n'aiment pas qu'on leur impose ce genre de chose.
Comment pourriez-vous donc vous imaginer que nous allons accepter qu'on nous impose cette loi? Vous savez, il faut obtenir notre adhésion. Vous devez obtenir notre participation. Pour le moment, vous ne l'avez pas et je suis sûr que cette chose va finalement s'effondrer.
Je prépare déjà ma fille, et d'autres dirigeants préparent déjà leurs membres, pour la prochaine ronde de batailles avec le gouvernement fédéral sur des choses comme celle-ci. Vous venez ici et vous pensez: «Nous pourrions améliorer cette loi; elle n'est pas parfaite et nous pouvons apporter un petit amendement ici, et un petit amendement là, ça devrait les calmer.» Non, ça n'arrivera pas. Ce n'est pas quelque chose que nous voulons. C'est quelque chose que nous allons continuer de rejeter. C'est quelque chose que nos enfants rejetteront et que nos petits-enfants rejetteront. Nous avons vu passer des premiers ministres et des ministres des Affaires indiennes mais nous sommes encore ici. Nous n'avons pas l'intention de nous en aller. Le processus requis pour rendre la justice, dans ce pays, est facile à trouver. Je pense que nous continuerons à chercher d'autres recours pour le développement de nos communautés.
Nous ne croyons pas que ce projet de loi soit assez fort. Voilà pourquoi nous recommandons de retourner aux pourparlers constitutionnels. N'importe quel gouvernement peut changer une loi. Aujourd'hui, c'est le gouvernement libéral qui est au pouvoir. Qui va lui succéder? Nous n'avons pas de boule de cristal pour le savoir. Nous avons entendu des membres du parti de l'Alliance qui ne reconnaissent pas les droits autochtones issus des traités. S'ils prenaient jamais le pouvoir, ils pourraient adopter une nouvelle loi pour se débarrasser de celle-ci. Cette loi ne nous donne pas la protection du processus constitutionnel.
Nous vous disons que vous pouvez consulter tant que vous voulez, il n'empêche que tous ces documents, comme le disait le chef, restent sur les tablettes. Les réponses existent déjà. Appliquez le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Certes, ça ne se fera pas du jour au lendemain. Retournez à la table constitutionnelle et commencez à négocier avec les représentants des Premières nations.
Ne punissez pas les chefs qui ne sont pas d'accord avec tout ce que vous dites. Nous en avons vu des exemples ici-même, ce matin. Nous avons constaté des tactiques financières en vertu desquelles si nous ne sommes pas d'accord avec le gouvernement, on nous punit en éliminant les dollars qui venaient dans nos communautés. Nous avons tous connu ça.
Notre Assemblée des Premières nations vient de se faire couper les jambes parce qu'elle s'oppose à cette Loi sur la gouvernance. Voici un cas où il ne faut pas appliquer la règle d'or: «Celui qui possède l'or établit les règles». Vous vous servez de coercition financière pour essayer de nous ramener au pas. Ce n'est pas comme ça que devrait être géré ce pays qu'on appelle le Canada et que nous partageons avec tout le monde.
Je ne sais pas si mes collègues ont quelque chose à ajouter. J'en reste là.
Le chef Franklin Paibomsai: Oui, je voudrais faire quelques remarques de conclusion.
Quelle partie de ce projet de loi améliorera notre situation économique? Quelle partie de ce projet de loi permettra aux Premières nations de parvenir à de meilleures ententes pour les services municipaux et le logement?
C'est seulement la mise en oeuvre du rapport de la CRPA—en rassemblant nos forces—c'est-à-dire le développement des capacités, l'accès aux terres et ressources de nos territoires, que l'on pourra répondre aux besoins des Anishnabek. Voilà ce que nous voulons.
¸ (1440)
Le président: Merci beaucoup. Cela met un terme à votre témoignage, dont je vous remercie.
Nous invitons maintenant à la table le Révérend Caleb J. Lawrence, Évêque de Moosonee, de l'Église anglicane du Canada.
Chers collègues, nous n'avons pas suspendu la séance. Nous avons un invité à la table des témoins.
Je demande aux députés de revenir à la table, s'il vous plaît. Monsieur Elley, puis-je vous demander de revenir à la table. Nous n'avons pas suspendu la séance.
Révérend Lawrence, veuillez accepter mes excuses. Comme vous témoignez à titre individuel, vous avez 10 minutes et je vous donne immédiatement la parole.
Son excellence Monseigneur Caleb Lawrence (évêque de Moosonee, Église anglicane du Canada): Merci beaucoup.
Honorables députés, membres du Comité permanent des affaires autochtones, quand je suis entré dans cette pièce tout à l'heure, j'ai entendu Elder Gordon vous dire qu'il était très difficile, dans sa culture, de se plier aux exigences d'une montre ou d'un calendrier. Je n'appartiens pas à cette culture, mais les évêques anglicans sont connus pour leur difficulté à conclure. C'est pour cette raison que j'ai rédigé mon texte et que je vais vous le lire. Je crois d'ailleurs qu'on vous l'a remis.
Merci de m'avoir donné cette occasion de vous faire un bref exposé sur la Loi sur la gouvernance des Premières nations, qui porte encore le nom de projet de loi C-7. Je m'appelle Caleb Lawrence et je suis évêque anglican du diocèse de Moosonee qui englobe une grande partie du territoire visé par le Traité 9 du Nord-Est de l'Ontario et la quasi-totalité de la région du Québec visée par le Traité de la Baie James, actuellement du ressort du gouvernement régional de Eeyou Astchee.
Ce mois-ci, je fête le 40eanniversaire de mon ordination dans l'Église anglicane où j'ai été successivement diacre, prêtre, puis évêque. Depuis ce jour là, depuis le début de 1965, je travaille au contact des Premières nations dans cette région du Nord du Canada. J'ai constaté que mon eucharistie a évolué dans le temps pour passer d'un ministère venant essentiellement de l'Église mais étant fort bien accueilli par les Premières nations à un ministère synonyme de partenariat complet sur les plans de l'administration et du leadership.
L'expérience, les dons et la vision que ces fidèles apportent à l'Église ont enrichi et transformé le diocèse de Moosonee de même que l'Église anglicane à l'échelle nationale, et cela bien plus que ce à quoi on aurait pu s'attendre au départ de cette odyssée apostologique, à la fin des années 60.
Nous avons pu réaliser cela grâce au respect croissant des peuples des Premières nations pour les enseignements de la foi chrétienne, enseignements qui sont exprimés par les principes fondamentaux contenus dans les Saintes Écritures. Il est souvent arrivé que ces mêmes peuples autochtones, à qui nous apportions l'eucharistie, nous rappellent ces principes fondamentaux et nous mettent au défi de vivre et d'agir en conséquence.
C'est cet engagement, fondé sur les enseignements de notre foi, à reconnaître et à accepter les Chrétiens des Premières nations en tant que partenaires égaux dans notre odyssée de la vie qui nous a donné la motivation, le courage et la force nécessaires pour changer. Il est arrivé que l'odyssée soit difficile et que ayons à prendre acte des attitudes et des actions erronées du passé, et de lutter pour appliquer, dans l'avenir, de nouvelles façons de faire que nous savons justes et respectueuses des principes universels de la justice et de l'interdépendance au sein de la famille humaine.
Deux des hypothèses malheureuses et condamnables sur lesquelles nous nous sommes appuyés dans le passé et que nous avons essayé de cerner à l'heure même où nous luttions pour les rejeter, découlent de la doctrine de la découverte qui a conditionné l'attitude des découvreurs du Nouveau monde à partir du XVe siècle et à une politique d'assimilation des Autochtones résidents des territoires découverts.
Mes relations avec les peuples des Premières nations, depuis que je suis parmi eux en qualité de membre de l'Église anglicane du Canada, sont caractérisées par une appréciation et un respect croissants de leur rôle de partenaire au sein de notre communauté chrétienne. Parlant de cette communauté, Mgr William Temple, archevêque de Canterbury au début de la Seconde Guerre mondiale, a dit qu'elle est la seule institution sur terre qui existe principalement pour ceux et celles qui n'en font pas partie.
¸ (1445)
Fort de cette expérience, je vous exhorte à chercher un moyen de corriger les défauts de la Loi sur les Indiens en misant sur la collaboration avec les leaders et les membres choisis et reconnus des ressorts de Première nation du Canada. Je vous unvite à le faire à l'occasion de l'examen de ce projet de loi en vous fondant sur le principe fermement établi de la reconnaissance mutuelle entre nations.
Beaucoup, au sein ou hors de notre Église, Autochtones comme non-Autochtones, estiment que le projet de loi sur la gouvernance des Premières nations a été préparé sans négociation et sans que ceux qui vont être directement touchés par ces dispositions soient correctement consultés. On n'a pas tenu compte de la voix pourtant très importante des organismes représentatifs autochtones, comme l'Assemblée des Premières nations et d'autres organisations de gouvernance, et ce projet de loi a été soumis à la hâte au processus législatif.
Beaucoup y voient une autre tentative d'assimilation tout à fait contraire aux principes énoncés dans les ententes de nation à nation, que l'on retrouve pourtant dans plusieurs garanties historiques comme la Proclamation royale de 1763, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, la Loi sur les Indiens de 1876, les différents traités historiques, la Loi constitutionnelle de 1982 et le rapport de la Commission Royale de 1996.
Aujourd'hui, je vous exhorte à examiner très soigneusement le projet de loi C-7 au regard de ces ententes historiques qui ont donné forme aux relations et obligations entre les Premières nations d'un côté et les représentants de nos ancêtres, de l'autre, venus d'un peu partout en Europe. Ces ententes ont été interprétées et confirmées à l'occasion de nombreuses décisions juridiques.
Qui plus est, je vous exhorte à conduire cet examen en étroite collaboration avec les leaders reconnus des peuples autochtones du Canada qui seront directement touchés par cette mesure législative, et je vous invite à le faire de nation à nation.
Le parti gouvernemental dispose d'une telle majorité qu'il est à même d'adopter n'importe quelle mesure législative, mais j'invite les députés à faire preuve de courage pour répondre et agir dans le respect du principe de la participation ouverte à ce genre d'audience et de processus de consultation. C'est ainsi qu'il sera possible de miser sur le droit et le potentiel des Premières nations à s'affirmer, et que nous pourrons laisser un riche héritage aux générations à venir.
Pour terminer, sachez que je vous appuie pleinement à l'occasion de ces audiences et du travail accompli au sujet du projet de loi C-7. Nous avons toujours été favorables à ce genre de travail au sein de notre Église. Le premier évêque de Moosonee, John Horden, a en effet entretenu une correspondance régulière avec le gouvernement du Canada au nom de ceux et de celles qui résidaient dans cette vaste région couverte par son diocèse. George Holmes, le troisième évêque de Moosonee, a accompagné l'équipe de négociation du Traité no 9 et usé de son influence pour convaincre les Premières nations de le signer.
Mon Église a travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement du Canada dans le cadre de l'administration de trois pensionnats dans le diocèse de Moosonee. Des centaines d'enfants autochtones ont été éduqués dans ces établissements. Malheureusement, certains ont subi des torts énormes et nous venons juste de conclure un accord de règlement avec le gouvernement, afin de permettre un recours à ceux qui désirent s'en prévaloir et d'aider les anciens élèves dont les plaintes sont fondées.
Il est vrai que nous avons commis des erreurs dans le passé, mais nous nous sommes aussi interpellés mutuellement pour conduire toutes nos activités dans le respect de la justice et de l'intégrité. Notre peuple vous soutient toujours par la prière, en public comme en privé, et je me joins à lui.
Merci de m'avoir accordé le privilège de m'adresser à vous.
¸ (1450)
Le président: Merci beaucoup et merci pour tout ce que vous faites au contact des Premières nations.
Vous avez utilisé les 10 minutes qui vous étaient allouées.
Je vais maintenant inviter John Corbiere à venir témoigner à titre individuel. Bienvenue, monsieur Corbiere. Comme vous disposez de 10 minutes, je ne vais pas empiéter sur votre temps. Vous pouvez commencer.
M. John M. Corbière (À titre individuel): Messieurs les membres du comité permanent, j'ai trois documents avec moi et je vais commencer par le premier, pour me présenter.
Je m'appelle John Corbiere et j'appartiens à la bande indienne des Obadjiwon de Sault Ste. Marie, en Ontario. Je me suis marié en 1957 et ma femme et moi avons déménagé dans la réserve de Rankin en 1958, contre son gré. Elle n'était pas du tout disposée, à l'époque, à déménager dans cette réserve où il n'y avait rien et qui n'avait pas d'avenir.
Quand nous y avons déménagé pour y bâtir notre maison, sans l'aide du gouvernement, il n'existait pas de structure de gouvernance et la réserve n'avait aucun plan de développement. On y trouvait six bâtiments insalubres et aucune infrastructure; pas de route, pas d'eau courante ni d'électricité. La terre y était marécageuse et non exploitée. C'est à cela que ressemblait la réserve, malgré sa proximité de Sault Ste. Marie.
Quand j'ai été élu chef en 1966, j'ai hérité d'une bande au bord de la faillite, sans plan et sans espoir d'avenir, avec un budget annuel de 1 000 $ seulement. J'ai été élu 14 années de suite. Pendant tout ce temps, ma femme et moi étions employés d'Algoma Steel.
Tout ce que nous avons fait, nous l'avons fait grâce à nos excellentes relations de travail avec le MAINC et parce que nous avons veillé à être de bons administrateurs, dévoués. De 1966 au début des années 70, ma femme et moi avons assumé personnellement toutes les dépenses associées à notre travail de développement économique et communautaire autochtone. Nous avons réalisé un projet d'envergure dans les limites du petit budget dont nous disposions.
Je n'ai pas été au-delà du primaire que j'ai fait entre l'école de Garden River Reserve et le pensionnat Shingwauk à Sault Ste. Marie.
Pendant mon mandat, j'ai pris des cours en économie et en développement industriel à l'Université de Waterloo. J'ai concentré sur deux ans un cours de trois ans. J'ai aussi suivi une formation en développement économique donnée par un enseignant privé membre de l'Association de développement industriel de l'Université de Waterloo. J'ai suivi des cours en gestion et exploitation maritimes à l'Université de Guelph et à l'Université Laurentienne de Sudbury. J'ai aussi suivi différents cours universitaires et étudié les sciences politiques de même que le droit autochtone.
Deux des principes fondamentaux de la Loi sur les Indiens, de la Loi sur les Premières nations, ont été rédigé par Robert A. Reiter, juriste d'Edmonton, en Alberta. J'ai regroupé tout ce que j'ai pu trouver comme écrits sur les indiens d'Amérique du Nord, notamment un texte intitulé «Bury My Heart at Wounded Knee».
De 1960 à 1980, les membres de la bande indienne Batchewana ont été éparpillés dans toute la région, sur des terres marécageuses et non exploitées, mais nous sommes alors parvenus à établir la plus forte migration jamais enregistrée dans l'histoire de la bande, migration vers des terres nous appartenant, grâce à nos projets de développement communautaire.
Nous avons d'abord créé un lotissement entièrement aménagé, dans les limites de la réserve; nous avons fait poser des réseaux d'adduction d'eau et de mise à l'égout avec notre propre système de pompage et nous avons fait installer des lampadaires dans les rues.
Deuxièmement, nous avons construit des bureaux pour y loger les services administratifs de la bande.
Troisièmement, nous avons créé une garderie qui est devenue la première garderie intégrée à une réserve au Canada. De plus, ma femme et des employés de la bande ont lancé le premier grand projet de logements assurés par la SCHL. Le même genre de programme est maintenant en vigueur dans de nombreuses réserves un peu partout au Canada.
Quatrièmement, nous avons fait construire huit immeubles d'habitation.
Tout cela, nous l'avons fait avec un personnel de sept employés, dont moi-même.
¸ (1455)
Cinquièmement, nous avons fait bâtir l'aréna Rankin. Il s'agit d'une grande patinoire couverte qui est logée dans le bâtiment communautaire. Cette installation comporte aussi un bar et une salle des fêtes pouvant accueillir 300 personnes. Nous y organisons des réceptions de mariage, des bingos et d'autres activités de loisir.
La cantine qui s'y trouve, outre qu'elle nous rapporte de l'argent, est un excellent employeur dans le coin. À l'époque où nous l'avons construite, l'aréna Rankin était la deuxième installation sportive couverte en importance à Sault Ste. Marie. Nous avons réglé une première revendication territoriale de la bande Batchewana et en avons entamé une autre qui a abouti récemment.
Septièmement, nous avons créé le premier bulletin de la bande afin de tenir les membres au courant des activités de leur conseil. Pendant la durée de mon mandat, il y en a eu huit.
Nous avons conçu et fait construire un lotissement entièrement aménagé : eau courante et mise à l'égout, rue goudronnées, lampadaires et desserte au gaz naturel. Les 47 unités de logement ont été subventionnées par le ministère des Affaires indiennes de 1966 à 1978 à raison de 10 000 $ par unité pour un total de 470 000 $. La première phase de ce projet assurée par la SCHL a porté sur 48 unités dont des immeubles de quatre logements.
Voici ce que nous ont coûté ces infrastructures: prolongement des réseaux d'adduction d'eau et d'égout de Sault Ste. Marie, 250 000 $; réseau communautaire d'adduction d'eau et d'égout et système de pompage, 100 000 $.
Réseau de rues: nivellement et revêtement, 220 000 $; lampadaires, 4 000 $.
Revendication territoriale: 65 000 $.
Installations administratives et récréatives: planification et développement du parc industriel, 250 000 $; bâtiments administratifs en 1975, 600 000 $; garderie et garage métallique, 5 000 $; patinoire couverte, 100 000 $; service au parc industriel, 382 000 $; autobus scolaire et camionnettes, 20 000 $; équipement récréatif, 100 000 $.
Total des immobilisations: 4 901 000 $.
Grâce à tous ces projets, nous avons créé de nombreux emplois et cela, je vous le rappelle, à partir d'un budget annuel de bande très limité de 1 000 $ par an en 1966, budget qui a cependant été très nettement augmenté à partir du milieu des années 70 et au cours des années 80.
Peter Lesaux, qui était à l'époque sous-ministre adjoint aux Affaires indiennes, m'a appuyé dans tous les cours que j'ai pris de 1973 à 1978, notamment en économie et en développement industriel.
Le ministère des Affaires indiennes avait aussi retenu les services de Ron Cooksley, directeur de l'Association des commissaires industriels de l'Ontario, pour me dispenser une formation en cours d'emploi dans la réserve même, en économie et en développement industriel. À cette occasion, j'ai notamment été appelé à participer à une formation sur place, au contact de commissaires industriels de plusieurs villes: Oshawa, Belleville, Toronto, Mississauga, Burlington, Ste. Catherines, Niagara Falls et Guelph. J'ai aussi pris part à des activités de formation au contact de cadres supérieurs du milieu bancaire, du CN, du CP et de leurs agents de développement économique dans la région de Toronto.
En 1975, je suis devenu membre de l'Association canadienne de développement industriel.
De 1980 à 1988, ma femme et moi avons créé une société privée. Nous en étions les deux seuls administrateurs. Nous avons ainsi pu louer nos terres à cette société en vertu du paragraphe 58(3) de la Loi sur les Indiens.
¹ (1500)
Le président: Je vais vous demander de conclure, car vous avez épuisé vos 10 minutes. Nous allons vous donner une minute de plus pour terminer. Cela vous va-t-il?
M. John M. Corbière: Je n'y arriverai pas.
Le président: Eh bien, je vais tout de même être obligé de vous interrompre dans une minute. Vous m'en voyez désolé.
M. John M. Corbière: Grâce à notre société, nous avons pu emprunter à la banque.
Bon, je vais tout de suite passer à mon troisième document.
Le président : Nous n'en aurons pas le temps et vous devriez peut-être...
M. John M. Corbière: J'ai juste trois pages à lire.
Le président: Non, nous n'aurons pas le temps pour cela. Vos 10 minutes sont épuisées. Nous n'avons pas encore parlé du projet de loi C-7 et je dois donc...
M. John M. Corbière: J'y viens.
Le président : Malheureusement, monsieur, vous avez épuisé votre temps. Nous n'avons plus de temps et je vous remercie pour votre présentation.
Je vais maintenant inviter John Corbiere à faire une présentation de 10 minutes... Excusez-moi, j'étais sur le point de vous accorder 10 minutes de plus. Je veux plutôt parler de Connie Couchie.
M. John M. Corbière: Dix minutes de plus?
Le président: Non, votre temps est épuisé, monsieur.
Chers collègues, cela n'est pas nouveau, nous voyageons depuis trois semaines et il arrive de temps en temps...
M. John Corbiere: Puis-je déposer mes documents?
Le président: Si vous nous laissez vos documents, je veillerai à ce qu'ils soient traduits et distribués auprès de tous les membres du comité, même des trois qui n'ont pu être présents aujourd'hui. Ça vous va?
M. John M. Corbière: Oui.
Le président: Merci. Excusez-moi. Je n'aime pas couper la parole aux gens, mais c'est la règle que le comité a établie avant de quitter Ottawa.
Bienvenue, Connie Couchie. Je vous en prie vous pouvez commencer.
Mme Connie A. Couchie (À titre individuel): Salut!
Le président : Bienvenue. Je vous invite à nous faire une présentation pour laquelle vous avez 10 minutes.
Mme Connie A. Couchie (À titre individuel) : Fort bien. Je m'appelle Connie Couchie et je suis de la réserve no 10 de Nipissing, à côté de North Bay. Dans mon intervention, je vais essayer de vous faire part de notre réaction au projet de loi C-7.
J'espère que le régime de gouvernance prévu dans ce projet de loi va nous permettre de mettre un terme aux tactiques actuellement utilisées par le chef, le conseil et l'administration. Il faut protéger nos droits civiques de membres de la bande, droits à obtenir des comptes de nos élus pour tout ce qui touche au financement et aux élections, mais aussi pour tout ce qui concerne notre code des droits sur la réserve. Tout cela devrait être confirmé dans une loi.
Nous pourrions nommé des mandataires dans la réserve même qui seraient chargés de garantir le processus démocratique. Comme bien d'autres, notre réserve est administrée par une structure quasi-politique qui ne tient même pas compte des droits démocratiques civiques les plus fondamentaux. Dans notre réserve, il n'y a ni équité ni justice.
Je n'insisterai jamais assez sur le fait que nous sommes contrôlés par un régime. Tous les chefs et membres du conseil emboîtent systématiquement le pas à leurs prédécesseurs. Tout n'est qu'abus de pouvoir et de contrôle. Si l'autonomie gouvernementale revient à avaliser ce genre de gouvernement de pacotille, les tactiques employées ne feront que se multiplier au détriment de la population autochtone et du contribuable canadien dont nous participerons à vider les poches.
Tout n'est que gabegie. Dès que quelqu'un essaie de faire face aux responsables de la bande, il en subit les conséquences: il peut être mis sur la liste noire ou sa demande de logement, d'accès à une terre commerciale, de réparation immobilière, d'inscription à des cours ou autres peut se «perdre» ou ne jamais être traitée. De plus, les membres de sa famille peuvent subir le même traitement.
Je vais vous en donner un exemple, celui de Anna et de Tom McLeod et de leur famille. Ils ont été pris à partie par le chef qui les a fait bannir à vie. Cette vendetta a atteint son paroxysme quand Tom, pourtant très doux, a été abusivement incarcéré pendant sept ans.
Il faut mettre un terme à l'anarchie politique dont nous sommes les témoins depuis 35 à 40 ans. Il va falloir repenser les conditions d'adhésion à la bande, de succession et d'adoption. Il y a beaucoup d'activités très contestables qui se produisent dans ces trois domaines et je ne parlerai pas du processus d'élection.
Jamais personne ne conteste les infractions commises sur le plan des élections parce que nous sommes tout à fait conscients qu'il ne sert à rien de se battre puisque tous les règlements de la réserve sont adoptés sans représentation, avant que les voix ne soient comptées. Les principaux élus de la bande n'ont pas pour objectif d'assurer un bon gouvernement; ils veulent se remplir les poches, accumuler le plus d'avoirs possible et voyager le plus longtemps possible et même faire bénéficier de certains de ces avantages aux membres de leur famille élargie et à leurs amis. Cette cupidité acharnée se constate chez tous ceux qui ont une charge publique au sein de la bande, notamment chez le chef et les membres du conseil de même que chez les responsables des services d'enseignement, de l'administration, des services sociaux, des services d'administration foncière, etc.
Si tout va tellement bien dans la réserve, pourquoi est-ce que tellement de membres de la bande expriment leur mécontentement? J'en ai entendu dire: «j'ai peur de ces gens là; je suis dévasté par ce qu'ils m'ont fait et par ce qu'ils ont fait à ma famille; je suis révolté par ces gens là; j'ai été congédié de mon emploi à cause d'eux; ils m'ont pris ma maison; ils m'ont menacé de me couper l'eau». Le commentaire le plus révélateur est celui-ci: «il n'y a rien à faire».
Je tiens à signaler que les résidents non-autochtones de la réserve, notamment les conjoints et les conjoints de fait des membres de la bande, les locataires fonciers, les locataires de logements et les chefs d'entreprise ont aussi fait l'objet d'injustice. L'un des meilleurs exemples que je puisse vous donner est le fiasco de la compagnie Rainbow Concrete. Les entreprises et les gens dont je viens de parler ne sont pas plus à l'abri que nous.
Je dois aussi souligner que les résidents de la réserve qui n'en sont pas membres, mais qui sont comptés dans le calcul du financement accordé à la bande, ne reçoivent presque rien au chapitre du partage des recettes.
Eh bien, si tout «baigne dans l'huile» sur le plan du financement, comment ce fait-il que les familles appartenant à la hiérarchie de la bande ont des revenus combinés qui dépassent les 80 000 $ et qu'elles se prévalent de la subvention partielle au chapitre des emprunts hypothécaires, qui est de 65 000 $, pour acheter une autre propriété même si leur maison est en bon état? Cinq prêts d'accès à la propriété sont accordés chaque année, mais les noms de ceux qui en auraient le plus besoin sont en bas d'une liste d'attente si longue qu'il faudrait 300 ans pour arriver dans les premiers.
¹ (1505)
Parallèlement à une telle prévarication, il y a lieu de se demander pourquoi les responsables fonciers n'ont pas effectué la décontamination pourtant nécessaire de toute la zone habitée de la réserve no 10 de Nipissing qui est maintenant irradiée? Cette zone représente un risque sanitaire majeur pour les résidents, à cause de la catastrophe environnementale qui s'y est produite.
Les effectifs de la réserve ont diminué, pas uniquement parce que la région où se trouve la bande est une zone morte sur le plan de l'emploi, mais aussi à cause du chaos politique qui y règne.
Dans un article paru dans le National Postdu 24 février 2003, sous le titre «Empower Canada's native rank and file» (Donner le pouvoir à la base autochtone), l'auteur met le doigt sur le fond du problème en soulignant que 1,3 million d'Autochtones reçoivent 7 milliards de dollars par an, soit 70 000 $ par famille.
Si c'est le cas, pourquoi est-ce que des gens comme M. et Mme Pitt, qui sont des personnes âgées et handicapées, réclament-elles d'être raccordées au réseau d'eau courante et d'égout depuis plusieurs années--Mme Eva Pitt est présente ici--et pourquoi n'ont-ils encore pas obtenu satisfaction? Il s'agit pourtant là d'un service de base qu'on leur refuse systématiquement. Pourquoi est-ce que nos routes sont en si mauvais état? En revanche, là où vivent et travaillent nos patrons, les routes sont en très bon état.
Avec le projet de loi C-7, le gouvernement du Canada, afin d'honorer les traités de la Couronne, peut faire beaucoup pour renverser le type de gouvernance caractéristique du régime en place et de bien d'autres ailleurs.
Pour que le gouvernement autonome soit efficace, chaque bande doit se doter d'une industrie mise sur pied à partir de ses profits, plutôt que de puiser continuellement dans les poches du contribuable. Le chef et le conseil, en tant qu'organe de gouvernance, devraient être éliminés et remplacés par un conseil d'administration chargé de veiller aux affaires de la bande. La principale mission de ce conseil d'administration serait d'engager des professionnels instruits et ayant le sens des affaires.
Le gouvernement fédéral doit remplir le rôle de chien de garde pour tout ce qui touche à l'environnement et à l'utilisation de l'argent des contribuables pour faire en sorte que les bandes soient rentables dans leur fonctionnement, mais aussi pour réduire la corruption et protéger nos droits civiques.
J'ai ici une lettre signée de Perry MacLeod et adressée aux membres de la bande. Elle montre le genre de tactiques qu'applique le régime en place dans la réserve. J'ai aussi une photocopie de l'article du National Post, au cas où quelqu'un veuille le lire pendant la période des questions.
Merci pour tout ce que vous faites à propos du projet de loi C-7. J'ai apprécié d'avoir pu prendre la parole devant vous aujourd'hui. Merci.
¹ (1510)
Le président: Merci beaucoup.
Nous n'aurons pas de temps pour une véritable série de questions, à moins que vous puissiez vous limiter à une minute par parti, question et réponse comprises. Nous voulons donc des questions et des réponses brèves.
Monsieur Elley, pour une minute.
M. Reed Elley: Madame Couchie, merci beaucoup de vous être déplacée et d'avoir témoigné devant nous.
Je tiens à vous dire que j'ai siégé à de nombreuses séances de règlement de compte entre Autochtones, un peu partout au Canada, et que j'ai entendu des récits comme le vôtre, à vous faire dresser les cheveux sur la tête. Je sais qu'ils n'illustrent pas la situation de tous les peuples autochtones au Canada, que seules quelques bandes éprouvent ce genre de problèmes, mais ils existent et il convient de s'y attaquer.
J'ai eu l'occasion de soulever certaines de ces préoccupations à la Chambre des communes et de m'entretenir directement avec le ministre à propos de certaines de ces choses.
Pensez-vous que la Loi sur la gouvernance des Premières nations, tel qu'elle se présente actuellement, devrait permettre de répondre à ce genre de préoccupation en ce qui concerne les bandes?
Mme Connie A. Couchie: C'est difficile à dire. Je ne sais pas si elle va avoir un effet quelconque. J'espère qu'à un moment donné quelqu'un va intervenir pour mettre un terme à nos problèmes. Les choses ne sont vraiment pas gaies pour les membres de la bande. Nous sommes systématiquement mis de côté. Prenez Eva, par exemple. Elle a 76 ans. Elle doit transporter son eau et tout le reste chez elle. C'est ridicule à notre époque.
Le président: Merci.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin : Merci. Vous venez de nous faire part d'une longue liste de griefs. Je tiens à faire miens les commentaires de M. Elley quant aux changements très importants que le projet de loi C-7 devrait apporter à la Loi sur les Indiens en ce qui concerne les problèmes de gestion que vous avez constatés dans votre région. Ce projet de loi vise à modifier la reddition de comptes dans chacune des 633 Premières nations.
Vous avez énoncé des griefs tout à fait légitimes qui, je l'espère, seront réglés dans le cadre des paramètres existants, mais je n'ai pas bien perçu le rapport avec le projet de loi C-7, si ce n'est que vous êtes scandalisée par ce qui se passe dans votre circonscription. Quant à la révision de la Loi sur les Indiens, vous dites que c'est une bonne chose.
Avez-vous vraiment étudié le projet de loi C-7?
Mme Connie A. Couchie: Pas du tout, parce que je suis une vraie néophyte. Je ne suis pas juriste et je ne m'intéresse pas à l'histoire. L'histoire, pour moi, ne signifie rien. C'est le présent et l'avenir qui m'intéressent. Si ce projet de loi est susceptible d'améliorer nos conditions de vie aujourd'hui et durant les cent prochaines années, alors je suis d'accord.
Ce n'est pas ce qui s'est produit avant qui compte ni ce qui arrivera dans cent ans d'ici, parce que qui sait ce qui va se passer dans le futur. C'est le présent qui est important et ce qui va arrivé dans 50 ans, parce que tout cela sera modifié en profondeur et que la Loi sur les Indiens sera changée.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Neville, pour une minute.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci pour votre exposé qui était très poignant.
Même si vous n'avez pas examiné le projet de loi C-7, je crois comprendre, d'après ce que vous avez dit, que vous espérez que quelque chose va changer.
Je suis intriguée par ce que vous nous avez dit au sujet des mesures de rétorsion prises contre ceux qui osent élever la voix. Que risque-t-il de vous arriver, à vous, qui êtes venue vous exprimer ici aujourd'hui?
¹ (1515)
Mme Connie A. Couchie: Comme cela se déroule derrière des portes fermées, ce que j'apprécie, je ne m'attends pas à avoir beaucoup de problèmes. J'ai une petite entreprise. Mon fils est sergent de police dans la réserve et cela m'aide. Mon autre fils vit avec moi. Je ne cherche pas à obtenir d'argent ni d'emploi ni quoi que ce soit d'autre de ces gens là. Ils ne m'ont jamais aimée depuis que j'ai dénoncé par écrit leur régime de gouvernance, il y a sept ou huit ans. Tant pis! Je leur ai dit que j'allais venir témoigner pour que personne n'aie l'impression que j'essaie de faire les choses en cachette. J'aurai effectivement des petits problèmes, mais rien de majeur. Je suis âgée. Qui se préoccupe de moi?
Le président: Merci beaucoup. Sans prendre partie pour qui que ce soit dans cette affaire, je dois vous dire qu'il faut beaucoup de courage pour faire ce que vous avez fait et je vous en félicite.
Mme Connie A. Couchie: Merci.
Le président: Je vais maintenant inviter les témoins spontanés à prendre la parole pour deux minutes.
Anna Mcleod. D'après votre numéro de téléphone, vous venez de Sturgeon Falls. Vous avez deux minutes.
Mme Anna McLeod (à titre individuel): Sans répéter tout ce que Connie a dit, je dois vous préciser que je viens de la même réserve qu'elle. Je m'appelle Anna Mcleod et moi aussi j'ai été ciblée par la Première nation de Nipissing pour m'être prononcée contre le régime en place.
Un des membres de la bande a dit plus tôt que jamais personne du gouvernement n'était venu dans les réserves. Eh bien, je ne suis pas d'accord, parce qu'un député de l'Alliance canadienne, à l'époque où c'était encore le parti réformiste, Myron Thompson, nous a rendu visite dans notre réserve et a constaté ce qui s'y passait.
Dans ma seule famille, nous sommes sept membres votants, mais trois n'ont jamais eu l'occasion de participer à un scrutin dans la réserve à cause d'une interdiction prononcée par le chef. Nous n'avons eu aucun recours. J'espère que le projet de loi C-7 va permettre de corriger cette situation dans notre réserve, parce que nous sommes effectivement face à un abus de pouvoir et à une gabegie financière. Quatre ans de suite on a refusé à mes enfants l'accès à des cours de formation, ce qui les empêche d'avancer dans la vie et de s'épanouir.
Connie vous a parlé de Rainbow Concrete. Au début, la société employait 10 personnes. Il s'agissait d'une industrie non-autochtone venue s'installer dans notre réserve. Elle y est restée 25 ans environ. À la fin, elle avait près de 60 employés, dont 23 étaient des membres de la bande. La société a été éjectée de la réserve à une semaine de préavis. Ce fut difficile pour nous, parce que mon mari y travaillait depuis 23 ans. Cette société rapportait un demi million de dollars par an à notre réserve. Cette situation a troublé énormément de membres de la bande. Nous nous sommes sentis impuissants parce que nous n'avons rien pu faire pour arrêter cela. Lors des réunions de bande, des agents de police étaient présents pour nous empêcher de dire ce que nous voulions. Dès que quelqu'un voulait dire quelque chose que le chef et le conseil ne voulaient pas entendre, on nous disait de nous taire quand on ne nous expulsait pas carrément.
Le président: Merci beaucoup pour cette excellente présentation de deux minutes. Je sais qu'il est très difficile de faire des exposés en si peu de temps, mais c'est une formule nouvelle pour nous, puisque les comités ne font habituellement pas cela. Nous avons décidé d'ouvrir les débats et d'accorder deux minutes à toute personne désireuse de prendre la parole devant nous. Merci beaucoup. Félicitations pour votre courage.
Mme Anna Mcleod: Merci.
Le président: Eva Pitt. À en juger d'après votre numéro de téléphone, vous venez de North Bay.
Mme Eva Pitt (à titre individuel): Je m'appelle Eva Pitt et j'aurai 76 ans en avril. Je réside dans la réserve depuis que j'ai 17 ans. Je me suis mariée en 1948 et je suis revenue dans la réserve en 1990, pensant que j'allais m'y installer à demeure. J'ai vécu 42 ans dans la vallée. Je n'ai pas vraiment été à l'école parce que je suis allée au pensionnat en 1936, que j'en suis sortie pour revenir à la maison durant un hiver pour y retourner en 1937.
Je suis malvoyante. Je suis aveugle de l'oeil gauche et je vois à peine de l'oeil droit.
Je n'ai pas beaucoup d'instruction, juste une deuxième année.
Je ne savais vraiment pas où aller. Je suis une des personnes auxquelles s'applique le projet de loi C-31. Je suis toutefois rentrée chez moi croyant que nous pourrions nous établir. J'avais besoin d'aide. Je me suis donc tournée vers la réserve. On m'a dit qu'on m'aiderait, mais on ne s'est jamais montré. Je me suis ensuite adressée aux Métis. Ils voulaient bien m'aider, mais il fallait pour cela qu'ils signent un désistement--un document disant que la bande n'avait pas de responsabilité à mon égard. Ils ont refusé de le signer, de sorte que je ne suis pas plus avancée.
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Le président: Merci beaucoup...
Mme Eva Pitt: Je ne sais pas que vous dire au juste. J'ai trouvé cela très difficile à l'école. L'hiver où je n'y suis pas allée, c'est parce que j'étais malade, que j'avais ce qu'on appelle des ulcérations de la cornée. C'est pour ça que j'ai beaucoup de cicatrices dans mes yeux.
Je ne sais pas vers qui me tourner aujourd'hui. J'ai honte de me présenter devant vous pour vous raconter tous mes problèmes. Excusez-moi.
Le président: Merci beaucoup pour votre témoignage. Vous n'avez pas à avoir honte. Il faut beaucoup de courage pour faire ce que vous avez fait et nous vous admirons pour cela. Nous avons reçu votre document et nous allons le faire traduire afin de le remettre à tout le monde.
J'invite maintenant Esther Osche à s'avancer. J'ai peut-être mal prononcé votre nom. Corrigez-moi s'il vous plaît.
Mme Esther Osche (à titre individuel): Je m'appelle Esther Osche et je suis de Whitefish River. Je ne suis pas venue ici pour insulter qui que ce soit, mais je veux faire entendre une autre voix.
«Consultations» vous dites? Quelles consultations? Vous ne vous êtes pas adressés à notre collectivité pour obtenir notre consentement quant aux conditions de ces échanges d'aujourd'hui. Votre projet de loi vient retirer à nos enfants leur droit à l'autodétermination, droit fondé sur nos enseignements, nos us et coutumes et nos traditions.
Le gouvernement, dans sa soi-disant sagesse, vient nous retirer, comme un voleur, la possibilité d'agir et de fonctionner de façon indépendante des régimes gouvernementaux, de déterminer notre propre avenir, à nos propres conditions.
Combien de temps encore allez-vous nous déshonorer? Combien de temps allez-vous déshonorer notre existence en affirmant, dans vos nombreux jugements, que vous devez nous imposer une loi parce que nous ne sommes pas capables de nous occuper de nous-mêmes? Combien de temps allez-vous insister sur le fait que vos façons de faire sont meilleures que les nôtres? Or, vos méthodes n'ont pas permis de guérir la paralysie sociale, économique ou politique dans laquelle la Loi sur les Indiens nous a plongés, nous, nos enfants et nos petits-enfants.
Nous sommes opprimés et ce n'est pas à cause de nos chefs ni de notre conseil de bande, ni même de nos administrateurs. C'est à cause de la façon dont nous devons vivre, c'est à cause d'un fiduciaire qui veut maintenant se débarrasser d'un fardeau et de problèmes qu'il a lui-même créés dans notre collectivité, en adoptant une nouvelle loi.
Cela ne résoudra rien. Cette loi n'est qu'un pansement. Elle n'a pas été conçue par le peuple qui va devoir l'appliquer. Ainsi, elle ne va faire qu'ajouter des problèmes à ceux que nous subissons déjà pour avoir été contraints à un mode de vie qui n'est pas le nôtre.
Ne venez pas nous dire que vous allez améliorer la vie de notre peuple quand, du même souffle, vous empêchez nos chefs de dire ce qu'ils veulent vous dire. Vous avez renvoyé des jeunes de cette salle parce que vous avez estimé que leurs propos étaient offensants. Où est votre tribune pour les anciens, pour nos sages, pour ceux qui pourraient parler de notre agréable mode de vie d'antan, de celui de nos aïeuls?
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Le président: Je dois vous arrêter ici parce que vous avez déjà parlé trois minutes.
Merci beaucoup pour votre intervention.
Mme Esther Osche: Merci.
Le président: Voilà qui met un terme à nos audiences de Sudbury. La séance est levée. Nous reprendrons nos audiences à Thompson, au Manitoba.