AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 26 novembre 2002
Á | 1100 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
L'hon. Robert Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) |
Á | 1105 |
Á | 1110 |
Á | 1115 |
Le président |
Á | 1120 |
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
M. Robert Nault |
M. Maurice Vellacott |
M. Robert Nault |
M. Maurice Vellacott |
M. Robert Nault |
Á | 1125 |
M. Maurice Vellacott |
M. Robert Nault |
M. Maurice Vellacott |
M. Robert Nault |
M. Maurice Vellacott |
M. Robert Nault |
M. Maurice Vellacott |
M. Robert Nault |
Á | 1130 |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) |
M. Robert Nault |
Á | 1135 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
M. Robert Nault |
The Chair |
M. Dick Proctor (Palliser, NPD) |
M. Robert Nault |
Á | 1140 |
M. Dick Proctor |
M. Robert Nault |
Le président |
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC) |
Á | 1145 |
M. Robert Nault |
M. Inky Mark |
M. Robert Nault |
Le président |
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.) |
Á | 1150 |
M. Robert Nault |
M. John Godfrey |
M. Robert Nault |
Le président |
M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Á | 1155 |
Le président |
M. Dick Proctor |
Le président |
M. Inky Mark |
Le président |
M. Robert Nault |
 | 1200 |
M. Yvan Loubier |
M. Robert Nault |
Le président |
M. Phil Fontaine (commissaire en chef, Commission des revendications des Indiens) |
 | 1205 |
 | 1210 |
 | 1215 |
Le président |
M. Brian Pallister |
M. Phil Fontaine |
M. Brian Pallister |
M. Phil Fontaine |
M. Brian Pallister |
M. Phil Fontaine |
 | 1220 |
M. Brian Pallister |
Mme Renée Dupuis (commissaire, Commission des revendications des Indiens) |
M. Brian Pallister |
Mme Kathleen Lickers (conseillère de la Commission, Commission des revendications des Indiens) |
M. Brian Pallister |
Mme Kathleen Lickers |
 | 1225 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Mme Kathleen Lickers |
M. Phil Fontaine |
M. Yvan Loubier |
 | 1230 |
M. Phil Fontaine |
M. Yvan Loubier |
Mme Renée Dupuis |
The Chair |
M. Dick Proctor |
M. Phil Fontaine |
M. Dick Proctor |
 | 1235 |
M. Phil Fontaine |
M. Dick Proctor |
Mme Kathleen Lickers |
M. Dick Proctor |
Mme Renée Dupuis |
Le président |
M. Inky Mark |
 | 1240 |
M. Phil Fontaine |
M. Inky Mark |
M. Phil Fontaine |
M. Inky Mark |
M. Phil Fontaine |
M. Inky Mark |
M. Phil Fontaine |
M. Inky Mark |
M. Phil Fontaine |
Le président |
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.) |
 | 1245 |
Mme Renée Dupuis |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
Mme Kathleen Lickers |
 | 1250 |
Le président |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
Mme Kathleen Lickers |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Dick Proctor |
Le président |
M. Inky Mark |
Le président |
M. Benoît Serré (Timiskaming—Cochrane, Lib.) |
Le président |
M. Phil Fontaine |
 | 1255 |
Mme Kathleen Lickers |
Mme Renée Dupuis |
· | 1300 |
The Chair |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 26 novembre 2002
[Enregistrement électronique]
Á (1100)
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Mesdames et messieurs, bonjour.
Nous examinons aujourd'hui le projet de loi C-6, Loi constituant le Centre canadien du règlement indépendant des revendications particulières des premières nations en vue de permettre le dépôt, la négociation et le règlement des revendications particulières, et modifiant certaines lois en conséquence.
Nous avons le plaisir d'accueillir l'honorable Robert Nault, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, qui est accompagné de MM. Bob Winogron et Barry Dewar.
Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue et je vous invite à nous présenter votre exposé, lequel sera suivi d'une période de questions et réponses. Ce volet de la réunion durera une heure, jusqu'à midi.
Monsieur le ministre.
L'hon. Robert Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Merci beaucoup, monsieur le président et chers collègues.
Comme l'a mentionné le président, je suis accompagné de M. Winigrom, du ministère de la Justice, et de M. Barry Dewar, sous-ministre adjoint responsable des revendications et du gouvernement indien.
Monsieur le président, comme j'ai l'habitude de le faire, je vais d'abord présenter mon exposé et ensuite répondre à vos questions.
Vous n'êtes pas sans savoir que j'ai instauré au cours des derniers mois une série de mesures progressistes dans le but de permettre aux Premières nations d'accélérer leur transition vers l'autonomie gouvernementale et une plus grande indépendance économique. Parmi ces mesures figurent les projets de loi sur la gouvernance des Premières nations et sur la gestion financière et statistique des Premières nations, ainsi que de récentes démarches pour élargir l'application de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations.
Chacune de ces mesures législatives dote les Premières nations de nouveaux instruments d'autosuffisance économique. Chacune exerce un rôle fondamental et complémentaire dans la mise en oeuvre de notre plan d'action visant à édifier des collectivités plus fortes et plus saines et à assurer une meilleure qualité de vie pour les Autochtones.
Le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui revêt une importance tout aussi capitale. Il découle des engagements pris dans le Livre rouge du Parti libéral et représente l'aboutissement de plusieurs années d'études et de discussions sur la meilleure façon de régler les nombreuses revendications particulières qui ont fait surface dans le contexte de la relation entre le Canada et les Premières nations.
En présentant la Loi sur le règlement des revendications particulières, notre but est tout simplement d'améliorer le processus actuellement utilisé pour régler de telles revendications. La Loi sur le règlement des revendications particulières qui est proposée procurera un solide fondement pour un traitement et un règlement plus rapides, plus équitables et plus transparents des revendications particulières.
Le Centre canadien du règlement indépendant des revendications particulières des Premières nations, dont la création est prévue dans cette loi, éliminera un obstacle majeur au développement économique en améliorant l'accès des Premières nations aux terres et aux ressources. Il permettra aux Premières nations de s'engager dans le développement de leurs collectivités, d'attirer les investissements et de façonner leur propre destinée.
Comme le soulignait le récent discours du Trône, c'est là notre objectif incontournable depuis que le présent gouvernement est au pouvoir. Nous avons reconnu qu'il nous fallait trouver de nouvelles façons de résoudre ces problèmes de longue date. Nous avons pris acte du fait que les Autochtones avaient des griefs légitimes en suspens depuis longtemps et qu'il était de notre devoir de les régler, en tant que nation.
Certains de ces griefs résultent du manquement, par des générations successives, aux promesses faites par nos ancêtres. À cette époque, la Couronne avait convenu de donner aux Premières nations suffisamment de terres et de réserves et d'administrer ces terres et d'autres biens des Premières nations conformément à des normes de conduite élevées. Au fil des ans, les plaintes des Premières nations sur la façon dont la Couronne s'acquittait de ses responsabilités ont augmenté.
Autrefois, les moyens de corriger la situation étaient rares. Par exemple, entre 1927 et 1951, la Loi sur les Indiens faisait obstacle aux Premières nations en exigeant d'elles qu'elles obtiennent la permission du gouvernement si elles voulaient utiliser leur propre argent pour faire progresser leurs revendications. Par conséquent, les griefs se sont accumulés et la relation entre les Premières nations et le gouvernement fédéral en a souffert.
En 1973, le gouvernement libéral de l'époque a réagi au problème en annonçant la création d'un processus de règlement des revendications particulières destiné à trouver une solution à l'amiable à ces problèmes. Le but premier était non seulement de respecter nos obligations légales, mais aussi—et cela est aussi important—de commencer à se pencher sur le sentiment d'injustice ressenti par de nombreuses Premières nations, sentiment qui freinait les progrès dans d'autres domaines de notre relation.
Depuis, notre politique a été précisée et élargie à deux reprises—une première fois en 1982, et à nouveau en 1991. Tout comme aujourd'hui, le but était alors d'instaurer une plus grande équité et une meilleur efficacité dans le processus. Nous avons connu une certaine réussite dans le règlement de ces griefs historiques.
Á (1105)
En effet, monsieur le président, à l'heure actuelle, un total de 232 ententes d'une valeur de plus de 1,3 milliard de dollars ont été ratifiées, représentant un ajout de plus de 16 000 kilomètres carrés de terres de réserve dans l'ensemble du pays. Si l'on fait un calcul rapide, on voit que cela revient, en moyenne, à environ 5,6 millions de dollars par revendication.
Même si notre approche s'est révélée productive, près de 600 revendications se sont ajoutées, depuis, à l'inventaire des revendications non réglées. Le nombre grandissant de revendications est attribuable en partie à la capacité de recherche améliorée dans toutes les régions du Canada. Des éléments autrefois obscurs de notre histoire nationale ont maintenant été clarifiés grâce aux efforts d'historiens ainsi qu'à ceux de chercheurs spécialisés en revendications territoriales du gouvernement et des Premières nations.
Cette augmentation s'explique aussi en partie par les causes devant les tribunaux qui ont précisé la portée de la doctrine juridique qui sous-tend la relation du Canada avec les Premières nations. Plusieurs revendications intérieures, rejetées en se fondant sur notre interprétation du droit à l'époque, font maintenant l'objet d'une réévaluation et se sont ajoutées à la liste des revendications particulières en suspens.
Honnêtement, cette augmentation du nombre de revendications est aussi attribuable à notre incapacité de les faire avancer rapidement dans l'actuel processus des revendications particulières. Les délais dans le règlement des revendications se révèlent coûteux parce que les revendications particulières sont de nature historique. Plus elles demeurent sans solution, plus il en coûte pour les régler et plus les Premières nations doivent attendre avant de recevoir une juste réparation.
Monsieur le président, en dépit des améliorations apportées en 1991—nous avons augmenté les ressources humaines et financières allouées au règlement des revendications—le processus actuel est encore trop long et il gruge trop de ressources internes du gouvernement. Il n'est pas surprenant que de nombreuses Premières nations éprouvent de la frustration et du ressentiment à l'endroit de l'ensemble du processus de règlement des revendications. Elles en sont venues à se méfier d'un système qu'elles considèrent mal équilibré et injuste.
Les Premières nations ont l'impression que le Canada est en conflit d'intérêts parce qu'il contrôle les fonds servant à leur participation aux négociations, décide des revendications qu'il est disposé à négocier et établit les critères en fonction desquels l'indemnisation sera calculée. Le manque de confiance envers le processus peut compliquer les négociations et incite certaines Premières nations à recourir aux tribunaux. Toutefois, monsieur le président, les solutions dans lesquelles tout va au gagnant comportent aussi des risques pour toutes les parties concernées. Nous savons que la négociation est préférable à la confrontation. Les Premières nations elles-mêmes nous l'ont dit.
Nous voulons créer un processus plus indépendant pour régler les revendications de manière plus efficace. Nous souhaitons avant tout un système qui permettra aux Premières nations de capitaliser sur des possibilités accrues de développement économique en favorisant un climat de confiance, de coopération et de certitude.
Comme vous le savez sans doute, il y a quelques années, un groupe de travail mixte regroupant des experts-conseils du Canada et des Premières nations a examiné le processus des revendications et s'est appuyé sur des études réalisées pendant les dernières décennies pour concevoir une entité modèle de règlement des revendications. La Loi sur le règlement des revendications particulières qui est proposée s'inspire des principaux éléments de ce modèle idéal, tout en tenant compte—et j'insiste là-dessus—des réalités financières actuelles.
Le projet de loi qui est devant vous établirait un centre de règlement des revendications comportant deux divisions. La première serait une commission pour faciliter le règlement négocié à l'aide des techniques modernes de règlement des conflits. La deuxième, un tribunal quasi judiciaire, prendrait les décisions finales sur le bien-fondé des revendications et les indemnisations accordées pour les revendications jusqu'à concurrence de 7 millions de dollars—soit la majorité d'entre elles, monsieur le président—si le processus ne peut déboucher sur une solution négociée. Les deux divisions seraient supervisées par un directeur général, dont la responsabilité serait de gérer l'administration au quotidien de la nouvelle entité.
Á (1110)
Le centre remplacerait la Commission sur les revendications particulières des Indiens créée en 1991 à titre de mesure intérimaire, alors que la notion d'une entité indépendante faisait l'objet de discussions avec les Premières nations. La Commission sur les revendications particulières des Indiens—dont le mandat se limite à donner des conseils au Canada et à offrir aux parties en cause des services de médiation et d'autres services de règlement extrajudiciaire des conflits—a elle-même demandé la création d'une entité indépendante capable de prendre des décisions exécutoires.
Monsieur le président, il ne faut pas oublier non plus que la Commission sur les revendications particulières des Indiens a connu une certaine réussite durant son existence, et je suis certain que le commissaire en chef va en parler dans son exposé. Elle a démontré l'utilité d'élaborer un dossier historique complet, lequel comprend les témoignages de vive voix et l'histoire orale, de consulter les aînés et de faire participer la collectivité aux audiences publiques. Avant tout, elle a démontré que les processus de règlement extrajudiciaire des conflits étaient efficaces.
Monsieur le président, je m'attends à ce que le nouveau centre mise sur l'expérience et la compétence de la Commission sur les revendications particulières des Indiens dans l'élaboration de ses propres processus et procédures. Je m'attends aussi à ce que la Commission sur les revendications particulières des Indiens joue un rôle de premier plan dans la conception des mesures de transition entre les modalités actuelles et celles qui prévaudront lorsque le centre sera opérationnel. Même si de nombreux revendicateurs souhaitent demeurer dans le processus actuel, d'autres voudront peut-être transférer leur revendication immédiatement au nouveau centre. Dans de tels cas, il est impératif que leurs droits soient protégés et que les progrès réalisés jusqu'à maintenant dans leur revendication soient sauvegardés lors de leur transition vers le nouveau centre.
À mon avis, les Premières nations voudront faire entendre leur point de vue, tout comme la Commission sur les revendications particulières des Indiens, sur la façon d'assurer une transition harmonieuse des revendications en cours vers le nouveau centre lorsque ce dernier sera fonctionnel.
Monsieur le président, le nouveau centre aura pour objectif principal de procurer une indépendance accrue, une plus grande efficacité, de la transparence et un caractère définitif au processus de règlement des revendications. Les Premières nations se plaignent depuis longtemps du processus actuel. Cette nouvelle façon de faire devrait contribuer à répondre à leurs préoccupations.
Le centre aiderait le Canada et les Premières nations à négocier dans la coopération plutôt que dans la confrontation. Par exemple, avec le projet de loi C-6, les parties à la négociation auraient accès à des service de facilitation, de médiation, d'arbitrage non exécutoire et—sous réserve d'un accord mutuel—d'arbitrage exécutoire sous l'égide de la Commission. Il fournirait des techniques modernes de règlement des conflits qui nous aideraient à concilier nos divergences de manière à ce que nous puissions négocier plus rapidement des ententes.
Monsieur le président, le centre disposerait de nouveaux instruments constructifs qui viendraient appuyer le fait que le gouvernement fédéral et les Premières nations préfèrent négocier que recourir à la confrontation. Il éliminerait également la forte impression de parti pris qui existe en prenant en charge la gestion du financement de la participation des Premières nations au processus, élément qui est actuellement administré par mon ministère. L'accent étant mis sur la négociation, le tribunal ne serait utilisé qu'en dernier recours. Je répète, monsieur le président—et j'espère que ce sera le cas—le tribunal ne serait utilisé qu'en dernier recours. Dans l'éventualité où la négociation n'aboutirait pas au règlement de la revendication, le tribunal serait en mesure de rendre des décisions exécutoires sur le bien-fondé des revendications d'une valeur allant jusqu'à 7 millions de dollars et sur l'indemnisation afférente.
Certains ont demandé, «Ce qu'il adviendrait des revendications plus importantes?» Nous croyons qu'il vaut mieux transiger avec ces conflits dans le contexte de négociation permettant aux parties d'en arriver à des solutions avec l'aide de la nouvelle commission. Cela permettrait au tribunal de se concentrer sur la résolution d'impasses et le règlement des revendications plus simples.
Monsieur le président, dans l'intérêt de la rentabilité, de l'efficience et de l'équité envers les autres requérants, nous ne voulons pas que le tribunal soit ralenti par un ou deux cas de très grande importance, ce qui diminuerait l'accès au tribunal pour les autres. Cela irait à l'encontre de l'un des objectifs de la création du tribunal.
Á (1115)
Dans l'éventualité où des revendications plus importantes et plus complexes ne connaîtraient pas de solution, les tribunaux continueraient d'offrir un forum où les éléments compliqués pourraient faire l'objet d'un examen minutieux et où les parties pourraient en appeler des décisions qu'elles jugeraient injustes.
Monsieur le président, vous entendrez certainement certains représentants des Premières nations dire que ce projet de loi ne répond pas à leurs attentes. Ils préféreraient le modèle idéal proposé par le groupe de travail mixte, modèle qui reposait sur une augmentation considérable du budget alloué au règlement des revendications. Je suis franchement du même avis. Mais une telle proposition est tout simplement irréaliste dans le contexte économique actuel, le gouvernement étant aux prises avec tant de priorités concurrentes. Nous ne disposons tout bonnement pas de l'argent, des ressources humaines ou du temps nécessaires pour nous pencher sur chacun des problèmes qui minent les relations entre le Canada et les Première nations, en nous fondant sur le modèle proposé conjointement par le gouvernement et les Premières nations.
Toutefois, monsieur le président, nous pouvons aller de l'avant avec des mesures qui nous permettent de progresser, et c'est là la raison pour laquelle je propose cette démarche. Je propose de passer à l'action et de régler ces revendications au moyen de cet ajout positif au processus actuel. Donnons au nouvel organisme la chance de faire ses preuves et de réussir.
Nous reviendrons ensuite à la question du financement et nous miserons sur ses réussites. La loi proposée sur le règlement des revendications particulières représente une amélioration considérable par rapport à la façon dont nous traitons actuellement de telles revendications. Nous n'éliminerons pas du jour au lendemain le nombre de cas en suspens, mais le centre offrira une méthode plus efficace et plus rentable de régler les revendications.
Le traitement plus rapide des revendications permettra que se réalisent plus vite, pour les Premières nations, les avantages économiques découlant du règlement des revendications, et éliminera l'actuel climat d'incertitude qui nuit au développement des ressources dans certaines régions du Canada.
Monsieur le président, il ne s'agit pas là de simples mesures administratives, mais de mesures qui sont le reflet d'une réconciliation longtemps préparée et depuis trop longtemps attendue. Le projet de loi C-6 contribuera à établir les assises d'une relation renouvelée entre les Premières nations et le gouvernement du Canada.
Dans cet état d'esprit, je tiens à rappeler un élément que j'ai soulevé maintes et maintes fois dans d'autres contextes: l'amélioration de la qualité de vie des Premières nations ne peut se réaliser sans l'existence d'une base économique.
Le règlement des revendications se traduira par de l'argent et des terres. Mais, il ne s'agit là que d'une partie seulement de la solution. L'élimination d'un obstacle à long terme qui nuit à l'établissement de relations plus saines est tout aussi important. Le projet de loi vise à atteindre ces deux objectifs. Mon but aujourd'hui est de vous inciter à saisir le potentiel de cette mesure législative progressiste.
Le changement, pour qu'il se concrétise, exige du leadership. Nous devons l'exercer tous ensemble pour qu'il se réalise. Allons donc de l'avant avec ce projet de loi.
Monsieur le président, je vous remercie de votre attention. Je répondrai volontiers à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre. Avant de passer aux questions, je tiens à vous dire que le comité a décidé, à la suite d'un vote, de tenir deux audiences publiques de deux heures chacune sur le sujet, une aujourd'hui et une autre jeudi, avant de procéder à l'étude article par article du projet de loi.
Or, comme j'ai reçu plusieurs demandes de comparution, les membres du comité m'ont autorisé à tenir une réunion de consultation demain, de 15 h 30 à 21 h 30, de sorte que le comité disposera de six heures pour entendre les personnes qui ont demandé à comparaître. Il a changé ses plans pour donner la parole à ceux qui voulaient se faire entendre, et je l'en félicite.
Chers collègues, la question aujourd'hui porte sur le règlement des revendications particulières. Nous allons donc vous demander de poser des questions précises. Le premier tour sera de quatre minutes. Êtes-vous d'accord? Voulez-vous qu'il y en ait un deuxième, ou préférez-vous un premier tour plus long, de sorte qu'il ne serait pas nécessaire d'en tenir un deuxième?
Á (1120)
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Monsieur le président, je m'excuse, mais je pensais qu'on accordait d'abord neuf minutes à l'opposition, et que les interventions suivantes étaient de sept minutes, en alternance.
Le président: Je vais m'en tenir à la règle de neuf et de sept minutes, mais cela veut dire que nous n'aurons même pas le temps de finir le premier tour.
M. Maurice Vellacott: Ce n'est pas grave.
Le président: Voulez-vous qu'on procède de cette façon?
Une voix: Oui.
Le président: D'accord. Monsieur Vellacott, vous avez droit à neuf minutes—neuf minutes pour la question et la réponse. Je vais interrompre le ministre au bout de neuf minutes, même s'il est mon collègue. Je vais faire la même chose avec les autres membres du comité.
Monsieur Vellacott.
M. Maurice Vellacott: Merci, Monsieur le ministre, d'être venu aujourd'hui.
Il y a un document dont vous connaissez probablement l'existence, qui prétend que sur les 120 revendications dont a traité la CRI, trois seulement ont été réglées pour moins de 7 millions de dollars. Alors dans le but de traiter un plus grand nombre de réclamations et de faire avancer la chose, et aussi d'assurer un processus transparent, etc. je suis curieux de savoir pourquoi nous avons un plafond de 7 millions de dollars lorsqu'en réalité, seulement trois des 120 revendications ont été réglées pour moins que ce montant. Ce serait ma première question.
M. Robert Nault: Monsieur le président, je me demande d'où le député a obtenu ce renseignement. La CRI n'approuve pas de revendications; par conséquent, elle ne pourrait pas avoir ce type de structure. La CRI recommande au gouvernement du Canada la validation d'une revendication particulière et son rôle s'arrête là à cet égard.
Sans vouloir entrer dans les détails, à ce que nous avons compris, les revendications qui ont été approuvées depuis quelques années ont été réglées au coût moyen de 5,6 millions de dollars, pour un total de 1,3 milliard de dollars. Et comme vous le savez, il y a un retard accumulé de 600 revendications qui restent à régler.
M. Maurice Vellacott: Voulez-vous dire que la CRI a réglé plus de 120 revendications? Dois-je comprendre que c'est ce que vous dites ?
Ma source, Mme Kathleen Lickers, l'avocate de la Commission sur les revendications des Indiens, dit que de ces 120 revendications qu'a réglé la CRI, seules trois ont été réglées, au bout du compte, pour moins de 7 millions de dollars. Je crois que c'est là un élément d'information essentiel si nous voulons fixer le plafond à 7 millions de dollars.
Il se peut que ce soit une espèce de camouflage si, en réalité, très peu de revendications doivent être réglées par cet organe particulier. J'ai besoin de quelques éclaircissements puisqu'il semble que nous ayons affaire à des données différentes, si vous vous appuyez sur d'autres moyennes.
M. Robert Nault: Monsieur le président, tout ce que je peux dire à monsieur le député se fonde sur les réclamations qui ont été réglées. Si vous parlez des 120 revendications que la CRI a examinées et de celles qui ont été approuvées jusqu'ici, nous pouvons vous fournir ce renseignement. Pour l'instant, cependant, je ne les ai pas à portée de main.
M. Maurice Vellacott: Si les faits et chiffres que j'ai obtenus de Mme Kathleen Lickers, l'avocate de la Commission sur les revendication des Indiens, sont exacts, j'affirmerais qu'à défaut de mieux... Je pense, à prime abord, que cela signifie qu'il ne s'agit que de très peu de revendications, si même il y en a, et ce ne serait en fait que du camouflage. Je veux sincèrement croire que votre ministère souhaite certainement les voir progresser—vraiment—mais, cependant, les faits et les chiffres donnent à penser le contraire.
La question suivante que j'ai à poser est celle-ci: quel montant votre ministère engagerait annuellement pour régler ces revendications, si nous ne nous en tenons plus à la période antérieure de cinq ans?
M. Robert Nault: Monsieur le président, je vous répondrai sans détour : le budget annuel de règlement de revendications particulières est de 75 millions de dollars. J'ajouterais cependant qu'en réalité, nous ne nous ne nous somme jamais, jusqu'ici, arrêtés à ce montant. Ainsi, l'année dernière, nous avons dépensé 150 millions de dollars sur le règlement de revendications.
Toute revendication que nous réglons à plus fort prix est acheminée au Conseil du Trésor et au ministère des Finances pour en obtenir les ressources financières, parce qu'autrement, à lui seul, pareil règlement épuiserait le budget des revendications. Par exemple, nous avons réglé une revendication hier en Saskatchewan, pour 95 millions de dollars. Il est évident que nous ne pourrions par régler cette facture avec notre budget de 75 millions de dollars. Pour votre information, au cours de l'exercice 1999-2000, le ministère a dépensé 99 millions de dollars sur les revendications; en 2000-2001, 94 millions et, comme je l'ai déjà dit, en 2001-2002, 150 millions de dollars.
Ainsi, il est évident que l'enveloppe de 75 millions de dollars constitue, comme dans tous les gouvernements, un structure administrative qui permet de faire rapport au Parlement. Au-delà ce cela, nous devons vous rendre compte des autres revendications que nous avons réglées grâce au cadre budgétaire et à l'entente que nous avons avec le Conseil du Trésor et le ministère des Finances, qui stipule que nous devons leur présenter les importantes revendications au cas par cas en vue de leur règlement.
Deuxièmement, je voudrais revenir à votre première question parce que vous laissez entendre que le tribunal constitue l'essentiel du processus. Le tribunal se veut une solution de dernier recours. La véritable, l'importante structure, dans ce processus, c'est la Commission. Elle existe pour négocier toutes les revendications, quel que soit le montant, que ce soit 7 millions ou 100 millions de dollars. Sa raison d'être, c'est de contribuer, avec l'apport des outils modernes de la médiation, de l'arbitrage et de la résolution de conflits, ainsi qu'avec l'impartialité des membres indépendants de la Commission, à trouver une solution aux revendications sans avoir recours aux tribunaux. Et bien que le tribunal de la Commission constitue un autre processus, rien n'empêche les Premières nations ou le gouvernement du Canada de choisir d'aller en procès plutôt que de régler les revendications par la négociation.
Á (1125)
M. Maurice Vellacott: Je comprends, bien sûr, qu'on veuille éviter ce long et fastidieux processus, je laisserai donc les autres poursuivre dans cet ordre d'idée. Cependant, je persiste à croire que cela concerne très peu de dossiers, étant donné que celui dont vous avez parlé hier n'aurait de toute évidence pas été arbitré dans ce genre de contexte ou par l'entremise de ce nouveau centre.
M. Robert Nault: Le député se trompe. Il a tort, aussi, d'affirmer que la revendication qui a été réglée hier pour 95 millions de dollars ne passerait pas par la Commission. De fait, elle le serait.
M. Maurice Vellacott: Elle passerait par le tribunal.
M. Robert Nault: Elle ne pourrait pas passer par le tribunal. Elle le pourrait s'ils voulaient bien accepter un plafond de 7 millions de dollars.
M. Maurice Vellacott: Mais ils ne l'accepteraient pas.
M. Robert Nault: Il n'en demeure pas moins que nous avons réglé cette revendication à l'amiable il y a quelques mois, et elle a été ratifiée hier. Cette revendication passerait par la Commission, comme n'importe quelle autre revendication. Il est donc trompeur de donner l'impression aux personnes présentes que ces revendications ne pourraient pas passer par la Commission.
M. Maurice Vellacott: En théorie, on pourrait le soutenir, mais il y aurait un énorme arriéré, ne serait-ce qu'à cause du mécanisme mis en place ici, semble-t-il.
Par ailleurs, nous voulions faire avancer tout cela, mais il n'y a pas d'échéancier—du moins je n'en vois nulle-part ici. Pouvez-vous nous expliquer l'absence de délai légal pour le traitement des revendications particulières? Pourquoi n'y a -t-il pas de délai d'une année, ou toute autre échéance? Autrement, le gouvernement se trouve bien placé pour, disons, retarder le règlement, pour une raison ou une autre, sans même avoir à fournir de motifs. Je pense donc que c'est préoccupant et, peut-être que vous avez un moyen de régler ce problème.
M. Robert Nault: Je crois que c'est là la particularité de ce modèle, qui diffère du modèle en place aujourd'hui. Il ne faut pas oublier que ce sont des discussions juridiques et des arguments juridiques que s'échangent nos avocats ou nos négociateurs du ministère de la Justice qui sont chargés du dossier, le plus souvent des avocats, pour débattre de la question de savoir si nous pensons être juridiquement tenus de régler une revendication particulière qui est présentée au gouvernement.
Il ne faut jamais l'oublier dans toutes ces discussions, parce que ce que vous avez soulevé offre au Canada la possibilité de soutenir devant le tribunal que nous n'avons pas d'obligation juridique d'avancer des ressources financières et, éventuellement, des terres, dans ce cas précis.
Quant à votre question sur le meilleur moyen de progresser vers l'objectif d'avancement plus efficace de ces revendications dans le système, je crois savoir qu'à l'heure actuelle, il faut environ cinq ans pour valider une revendication, et il pourrait encore en être de même avec l'ancien système.
Selon le nouveau système, on s'attend à ce que le gouvernement du Canada, le ministère, doive rendre compte tous les six mois à la Commission des motifs de rejet d'une revendication. Si nous sommes disposés à valider la revendication mais qu'il nous faut plus de temps, nous devons le demander à la Commission et lui en exposer les motifs. On cherche, ainsi, à faire le gouvernement bouger et agir plus rapidement qu'il ne le fait aujourd'hui.
Nous espérons que dans six mois, ou plus si nous signalons à la Commission qu'il nous faut plus de temps pour préparer des arguments juridiques très éloquents...
Á (1130)
M. Maurice Vellacott: Si je peux vous interrompre...
[Français]
Le président: Monsieur Loubier, vous avez sept minutes.
[Traduction]
Monsieur Vellacott, je vous avais donné 30 secondes de plus pour obtenir des éclaircissements.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président. Bonjour, monsieur le ministre.
Lorsque je lis votre projet de loi et lorsque je vous entends, monsieur le ministre, je suis un peu sceptique, parce que vous répétez toujours que les nouvelles entités seront plus indépendantes et qu'il y aura plus d'objectivité dans le traitement des revendications, alors que dans le processus de nomination, vous intervenez de façon tout à fait directe. Alors, je me pose cette question sur l'objectivité: est-ce que vous pouvez être à la fois juge et partie dans l'analyse des revendications particulières des nations autochtones et revendiquer, d'un autre côté, d'être face à un nouveau processus qui est indépendant et qui peut rendre des décisions tout à fait objectives? Je suis sceptique autant que les premières nations peuvent l'être devant de telles déclarations, d'une part, et à la lumière du projet de loi, d'autre part.
[Traduction]
M. Robert Nault: L'objectif de ces travaux est le même depuis plusieurs années. Pour rafraîchir votre mémoire, ce débat discussion sur la constitution d'une commission indépendante et d'un tribunal remonte aux années cinquante. Si je connais bien mon histoire, ceci est la troisième tentative. Nous n'avons jamais été si loin de parvenir à une entente entre le gouvernement et les Premières nations en vue de la constitution d'une commission et d'un tribunal de cette nature.
Avons-nous une histoire à ce chapitre? La réponse est non. Est-ce là une tentative, de bonne foi, de la part du Canada pour améliorer la manière dont nous traitons les revendications particulières? Je crois que la réponse est résolument oui. Avons-nous des garanties de succès? La réponse est non. De toute évidence, le meilleur commentaire que nous ayons reçu du groupe de travail mixte, de nos propres conseillers juridiques et de ceux qui pratiquent cette profession depuis longtemps, c'est que cela aura une incidence en augmentant nos capacités de régler plus rapidement les revendications—et plus équitablement, sans que le gouvernement ne soit juge et partie, comme l'a dit M. Loubier. C'est cela, le but de l'exercice.
Comme vous avez pu le constater dans ce projet de loi, nous avons prévu un examen au bout de trois ou cinq ans. Il nous permettrait, ainsi qu'aux Premières nations—représentées au sein du groupe de travail conjoint par l'APN—, de constater les succès de la Commission ou du tribunal et de les examiner, sur la prémisse que s'il n'y a pas de besoins financiers, comme le suggèrent certains ici présents, et si le plafond a joué pour beaucoup dans notre capacité de nous acquitter de notre tâche, ils seront révisés et modifiés par le biais de la réglementation.
Parallèlement, Monsieur le président, il n'y a aucune garantie que cela sera respecté et que les gens auront recours au tribunal. Son objectif est de s'assurer qu'une décision est finale et réglée, et que la décision est respectée. Maintenant, si une Première nation ou le gouvernement du Canada ne souhaite pas avoir recours au tribunal pour régler une revendication, c'est leur prérogative en vertu du projet de loi. Ceci ne fonctionnera que si à la fois le gouvernement et les gouvernements des Premières nations respectent ce processus.
C'est dire l'importance de l'enjeu. Nous reconnaissons effectivement qu'il n'y a rien de semblable ailleurs dans le monde. Il existe des variantes de ce modèle ailleurs, mais ceci n'a jamais été tenté. C'est pourquoi nous avons prévu l'examen triennal ou quinquennal, pour régler certains de ces questions et contrer le scepticisme de certains qui soutiennent que ce ne soit pas un pas en avant. Je peux vous assurer, monsieur le président, que je ne serais pas ici si je n'étais pas convaincu que c'est un pas en avant.
Á (1135)
[Français]
Le président: Monsieur Loubier, la période de sept minutes vous appartient. Si vous désirez interrompre le témoin, c'est acceptable.
M. Yvan Loubier: J'allais vous le proposer, monsieur le président, parce que les réponses sont très longues. Je me serais contenté d'une réponse assez courte.
Le président: [Note de la rédaction: inaudible]
M. Yvan Loubier: Je vous remercie, monsieur le président.
J'aurais une autre question à poser au ministre. Vous parlez de confiance et vous dites aussi que le processus peut marcher et qu'il peut être plus efficace que ce qu'on a connu jusqu'à présent, mais en même temps, pour qu'un processus soit efficace, monsieur le ministre, il faut y mettre des ressources. Quand vous dites que les ressources sont limitées, je veux bien croire qu'il y a d'autres priorités concurrentes, mais lorsqu'on traîne des dossiers depuis des décennies et des décennies, s'il y a une volonté politique de les régler--vous l'avez mentionné tout à l'heure que vous vouliez faire progresser ces causes--, il faut y mettre les ressources adéquates. Or, il n'y a pas d'augmentation de ressources considérables pour régler, une fois pour toutes, ces revendications. À l'heure actuelle, on est devant un équilibre budgétaire qui est pas mal dépassé avec des surplus qui, depuis cinq ans, dépassent les 9 ou 10 milliards de dollars par année. Votre gouvernement préfère mettre tout cela sur la dette plutôt que de rétablir l'équilibre face à différents besoins, dont ceux des premières nations. Alors, on doute beaucoup de votre sincérité et de la volonté politique que vous mettez à nous dire que vous voulez améliorer les choses, que vous voulez que ça s'accélère pour éviter d'avoir recours aux tribunaux.
Lorsque je regarde, à l'heure actuelle, la non-objectivité dans la nomination des membres et le peu de ressources, je vois toutes les conditions réunies, y compris l'insatisfaction des premières nations, pour qu'on continue, du coté des premières nations, à passer par les grands tribunaux, car depuis 30 ans, contrairement au gouvernement, ces derniers ont donné raison aux premières nations.
Alors, qu'est-ce que vous répondez à cela? Je suis un peu sceptique face à votre projet de loi, pour toutes ces raisons. Je le suis aussi parce que vous dites qu'il y a une volonté politique, mais qu'en même temps, vous n'arrivez pas à aller chercher les ressources adéquates auprès de votre Conseil des ministres.
[Traduction]
M. Robert Nault: Monsieur le président, je voudrais souligner que le budget annuel de 75 millions pour le règlement des revendications est une exigence de la loi. La Loi sur la gestion des finances publiques stipule que nous devons établir un budget pour ces aspects particuliers de notre mandat.
J'insiste sur le fait que nous avons également mis au point un processus qui nous permet de ne pas nous en tenir qu'à ces 75 millions de dollars. Comme je l'ai dit, l'année dernière, nous avons consacré 150 millions de dollars aux revendications, alors je pense que nous avons démontré que nous sommes convaincus, comme, je pense, tous les députés, que si nous avons une obligation juridique de régler les revendications et nous avons déjà prévu ces passifs dans les comptes du gouvernement du Canada, il est à notre avantage de trouver des moyens de le faire, rapidement.
The Chair: Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup, Monsieur le président.
Je crois, Monsieur le ministre, qu'il y aurait beaucoup de Canadiens qui ne seraient pas d'accord avec votre toute première phrase voulant que ce soient là des mesure progressistes. Si vous regardez la réponse de l'APN et d'autres organisations, elles les jugent très rétrogrades, dictatoriales et unilatérales. Vous avez dit, il y a une minute, en réponse à la question de M. Loubier, que les deux parties doivent respecter le processus.
Je crois alors que ma première question est la suivante, n'êtes-vous pas préoccupé par la réaction qu'a entraînée ce projet de loi, que nous démarrons du mauvais pied en l'occurrence?
M. Robert Nault: Non, monsieur le président. Si M. Proctor veut bien vérifier le compte rendu, l'APN n'a jamais été d'accord avec un projet de loi du Parlement depuis que je suis député, et je soupçonne depuis plus longtemps encore. Elle s'est toujours montrée, comme c'est son droit, préoccupée de certains aspects des projets de loi.
En toute franchise, j'ai l'impression que la structure de l'APN fait qu'il lui est très difficile, compte tenu de tous les intérêts qu'elle représente d'un bout à l'autre du pays, de s'asseoir en face de nous et de dire qu'elle appuie sans réserve un projet de loi du gouvernement du Canada. Je ne suis donc pas étonné que l'APN n'appuie pas celui-ci dans son intégralité. Je suis cependant convaincu que dans nos dialogues, un grand nombre de personnes à qui j'ai parlé sont persuadées qu'il s'agit là d'un pas dans la bonne direction.
Évidemment, nous pouvons ne rien faire et garder le système actuel. C'est une option, mais je ne crois pas qu'elle soit très bonne. Je considère ceci comme une mesure extrêmement favorable.
Est-ce tout ce que l'APN et d'autres voudraient? Absolument pas, car dans un monde parfait... Si, en tant que représentant des agriculteurs vous vous présentiez devant le Parlement... ils n'obtiennent pas toujours ce qu'ils veulent.
Nous avons un budget que nous devons accepter. Oui, je l'ai dit publiquement et j'ai fait remarquer que nous espérions avoir plus d'argent dans notre budget. Nous ne savons pas encore si nous en avons besoin, tant que la commission et le tribunal n'auront pas été créés et démontré leur efficacité.
Allons-nous au-delà de notre budget? Oui, nous le faisons. J'ai parlé des trois derniers exercices qui illustrent la bonne volonté du gouvernement et nos obligations juridiques. Devrions-nous donc aller de l'avant uniquement si nous avons l'approbation de l'APN ou d'autres groupes? Monsieur le président, je pense que ce serait une grave erreur. Nous avons l'obligation morale et juridique d'améliorer la vie des citoyens des Premières nations. Si nous attendons d'être en accord complet avec tout le monde, nous continuerons de faire du sur place, comme nous l'avons fait ces 30 dernières années.
Á (1140)
M. Dick Proctor: Merci.
Monsieur le ministre, ne trouvez-vous pas quelque peu effarant que vous veniez ici aujourd'hui affirmer que vous aimeriez faire davantage, mais que l'argent est un obstacle, que nous n'avons tout simplement pas les ressources qu'il faut? Nous pouvons dépenser un milliard de dollars pour la sécurité. Jeudi, on nous demandera des milliards de dollars supplémentaires pour les soins de santé. Nous pouvons dépenser 100 millions de dollars sur de nouveaux avions. Mais lorsqu'il s'agit des Premières nations, de gens qui sont au bas de la liste depuis la Confédération, nous leur disons en fait qu'ils doivent attendre encore un peu plus, que nous n'avons pas les ressources. Je ne peux m'empêcher d'être ébahi par ce genre de raisonnement.
M. Robert Nault: Monsieur le président, permettez-moi de revenir sur la question qu' posé l'Alliance, rien que pour donner à M. Proctor une idée de ma perspective de tout cela.
Si, de fait, nous acceptons que chaque revendication validée peut être soumise aux processus de résolution modernes de la Commission, notamment, bien entendu, la médiation, la facilitation et l'arbitrage, à la fois exécutoires et non exécutoires et si, de fait, l'une de ces revendications est réglée pour 50 millions de dollars—prenons cet exemple pour les gens qui nous écoutent—et nous nous entendons, le ministre aura l'obligation juridique de retourner au ministère des Finances et au Conseil du Trésor pour obtenir cet argent, mais nous devons d'abord et avant tout avoir un budget pour lancer le processus.
Ce que nous vous disons depuis le tout début, c'est que l'argument avancé, que cela ne fonctionnera pas parce qu'il n'y a pas assez d'argent—alors qu'en réalité nous avons toujours dépensé plus que notre budget—ne tient pas vraiment. Le fait est que cet argument est erroné. Nous allons avoir l'argent nécessaire pour nous acquitter de nos obligations juridiques. Notre problème aujourd'hui ce n'est pas l'argent; c'est le processus qui fait qu'il faut entre trois et cinq ans pour obtenir une simple validation—et que nous nous retrouvons, en bout de ligne, juge et partie. Le but visé est de créer un processus qui rend le système plus impartial.
Monsieur le président, c'est ce sur quoi, j'espère, vous allez vous concentrer. Jusqu'à maintenant, personne n'a cherché à savoir si le processus fonctionne. On s'intéresse davantage à savoir combien d'argent le gouvernement est disposé à injecter. Bref, nous ne pouvons pas contourner le fait que nous devons payer pour une série de revendications, parce qu'elles sont déjà validées et nous sommes déjà en train de les négocier. En toute franchise, si c'est le seul argument que vous présentent ceux qui vous informent, je dirais que nous avons quelque chose de vraiment pas mal ici, car c'est réellement le processus qui me préoccupe.
Le président: Monsieur Mark.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC): Dans le fond, monsieur le président, c'est pour cette raison que nous sommes ici aujourd'hui. C'est notre processus démocratique qui est à l'oeuvre, et je sais que les Canadiens veulent que cette question soit réglée; ils veulent passer à autre chose. Ils veulent aussi un processus équitable, un processus d'accès à la prise de décisions et un processus qui respecte leurs droits ancestraux.
Vous avez dit que l'équilibre doit être trouvé entre plus d'équité et d'efficacité, mais je dois revenir sur toute la question du processus car c'est la critique que j'entends: le processus qui vous a amenés à présenter ce projet de loi, le processus d'accès aux contributions. Comme vous le savez, on a consacré de nombreuses années au groupe de travail mixte, alors c'est l'une des questions qui se posent. Il y a beaucoup d'inquiétudes.
À prime abord, cela semble raisonnable. Nous avons ici une mesure législative qui va régler un problème qui traîne depuis de nombreuses années. Ensuite, j'entends que par ailleurs la collectivité autochtone pourrait, comme vous l'avez souligné, ne pas être d'accord avec votre processus et recourir aux tribunaux. De ce point de vue, qu'avons-nous à gagner? En même temps, vous désignez tous les membres de la commission. Quel sorte de processus est-ce là? À mon avis, il n'est pas très démocratique.
Á (1145)
M. Robert Nault: Monsieur le président, permettez-moi de répondre à M. Mark.
Cela fait un certain temps déjà que j'entends ce discours au sujet de la nomination des commissaires. D'un côté, des personnes assises autour de cette table disent qu'elles tiennent vraiment à la CRI: «C'est un organisme fantastique et nous voulons le garder». En passant, je vous rappelle que nous avons nommé ces commissaires par décret. J'aimerais donc que nous fassions preuve d'un peu plus de logique dans notre argumentation. Si nous jugeons que notre gouvernement a fait du bon travail en nommant des gens de qualité et crédibles à la CRI, nous ne pouvons pas dire du même souffle combien il est dommage que le processus de nomination par décret—qui se fait à tous les niveaux de gouvernement: provincial, territorial et fédéral—ne nous permette pas de retenir des gens de qualité.
Monsieur le président, je pense que notre gouvernement et notre pays ont démontré que nous pouvions nommer des personnes de qualité pour faire le travail au sein des commissions et des tribunaux d'un bout à l'autre du Canada. Nous travaillerons de concert avec les organismes des Premières nations, comme nous l'avons fait par le passé. Je pense que les commissaires de la CRI sont des gens compétents, capables de faire un excellent travail, malgré un mandat très rigoureux et restreint, qui repose sur une mesure provisoire mise en place par les conservateurs en 1991.
Ceux d'entre vous qui étaient ici à ce moment-là se souviendront—et si je remonte jusqu'en 1991, c'est parce que j'étais député à l'époque; je pense même que j'étais membre de ce comité—que l'APN y était déjà opposée. Elle prétend maintenant que c'est quelque chose de fantastique, mais elle était contre la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Aujourd'hui, elle dit: «Premières nations? Comment en faire partie rapidement?». Je réfute donc l'argument invoqué parfois, selon lequel nous n'avons pas accompli de progrès et nous sommes incapables de nommer des commissaires compétents.
J'aurais préféré, monsieur le président, que ce soit peut-être un peu différent. J'aurais dû établir, comme vous le savez, un précédent et supprimer la prérogative du premier ministre et le processus de nomination par décret. Je crois d'ailleurs comprendre que la plupart des gens considèrent que ce n'est pas la chose à faire. Nous ferons donc de notre mieux pour nommer les meilleurs commissaires qui soient afin de rendre crédible le processus, car l'enjeu est de taille.
M. Inky Mark: Le problème n'est pas tant que ce soit vous qui fassiez les nominations, mais plutôt de savoir qui doit être nommé. Là est toute la question. Autrement dit, vous devriez demander aux Autochtones qui, selon eux, jouit d'une crédibilité suffisante pour siéger à cette commission. Mais personne ne remet en question votre pouvoir de procéder aux nominations.
M. Robert Nault: Monsieur le président, sans faire preuve d'une grande partisanerie, d'après certains Autochtones, M. Fontaine n'était pas un bon candidat pour occuper le poste de commissaire. Je ne suis évidemment pas d'accord avec eux puisque je suis un peu pour quelque chose dans la nomination de M. Fontaine. C'est donc vraiment une question épineuse.
Allons-nous demander conseil? Bien sûr. Faudra-t-il trouver un juste équilibre entre commissaires autochtones et non autochtones? Je pense que oui. Aurons-nous les meilleurs légistes? On me dit—car je n'ai pas suivi le processus jusqu'à son terme—que de nombreuses personnes compétentes nous contactent déjà pour nous manifester leur désir de faire partie de la commission et du tribunal car elles estiment qu'il y a une très nette amélioration par rapport au processus actuel.
Tout cela pour vous dire que je pense que cela fonctionne et que cela a déjà fonctionné. Par exemple, monsieur le président, les membres de la Commission des droits de la personne sont nommés par le gouvernement. Considérez-vous qu'ils ne sont pas indépendants? Lisez leurs rapports et vous constaterez qu'ils sont capables de prendre des mesures actives et de faire un excellent travail. J'estime que le Canada a acquis la réputation de nommer des gens aptes à faire preuve d'une grande indépendance.
Le président: Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le ministre, d'être venu aujourd'hui nous expliquer les tenants et les aboutissants de cette mesure législative.
À mon avis, nous sommes confrontés d'une part à une force irrésistible et à quelque chose d'immuable, je veux parler du processus, et d'autre part à des questions d'argent.
J'ai été très réconforté de vous entendre mentionner que le groupe de travail mixte constituait vraiment le modèle idéal pour lequel vous opteriez dans un monde parfait, même s'il y a des contraintes financières.
Ce que j'essaie de clarifier dans mon esprit, c'est que le modèle le moins parfait laisse supposer qu'il y aurait moins d'argent et, dans une certaine mesure, un traitement moins efficace des revendications, ce qui, en bout de ligne, aurait pour effet d'engager des sommes plus importantes.
Cela ne me causerait aucun problème si j'étais convaincu que le traitement des revendications serait ainsi plus efficace, plus juste et plus rapide et qu'en fin de compte, vous seriez mieux placés pour traiter les revendications entraînant un dépassement du coût de 75 millions de dollars par année, et qu'il y aurait davantage de revendications validées, prêtes à être examinées et présentées au Conseil du Trésor que ce n'est actuellement le cas. Autrement dit, le simple fait de pouvoir traiter les revendications plus rapidement—peut-être pas aussi rapidement que nous le souhaiterions, mais plus rapidement quand même—justifie vraiment l'augmentation des fonds alloués annuellement.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Á (1150)
M. Robert Nault: Monsieur le président, une des questions importantes qui se pose au sujet du processus est la suivante: En quoi cela accroît l'efficacité du gouvernement à régler plus rapidement les revendications en instance, par exemple?
La structure de la commission permet aux commissaires d'exercer une pression énorme sur le gouvernement et sur le ministre pour qu'ils réagissent aux revendications déjà validées. Pour ce faire, les commissaires exigent notamment que le ministre fasse rapport tous les six mois des progrès réalisés et de l'état d'avancement des dossiers.
En outre, monsieur le président—fait extrêmement important—, la commission peut rédiger un rapport annuel que le ministre doit déposer devant le Parlement. Je considère que la pression exercée et le fait que nous ne soyons plus juges et parties auront des effets, car il s'agit là d'une commission tout à fait indépendante. Contrairement à ce que prétendent de nombreuses personnes, les commissaires seront nommés en fonction de leurs compétences et pas de leurs liens avec quelque parti politique que ce soit. J'estime que nous avons bien fait jusqu'à présent et que cela devrait continuer.
Je pense que le projet de loi, notamment en ce qui a trait au fonctionnement de la commission, permet d'exercer des pressions pour régler ces revendications et au ministre de faire valoir qu'il a besoin de plus d'argent, car force est de constater que c'était extrêmement difficile en vertu du processus actuel—ceci s'adresse plus particulièrement à M. Godfrey. J'ai dit au ministre des Finances, je peux vous l'assurer, que je m'attends à ce que nous respections nos obligations juridiques, en tant que gouvernement, car ce sont désormais celles du pays. La position du ministre est la suivante: «Prouvez-moi que vous avez besoin de plus d'argent et nous serons disposés à examiner la situation».
Je vous le dis en toute franchise, c'est là l'objectif visé par ce ministre et ce gouvernement.
M. John Godfrey: Ainsi, lorsque nous ferons l'examen triennal, une des façons d'évaluer notre réussite sera de voir si nous avons effectivement continué à accroître les fonds alloués chaque année par le gouvernement du Canada pour régler les revendications puisque cela permettrait d'en traiter davantage, d'exercer plus de pression et d'avoir un processus plus transparent.
M. Robert Nault: Non, monsieur le président, pas exactement. Je pense que ce qui comptera, c'est le nombre de revendications réglées, pas les sommes dépensées. Une revendication d'un 1 million de dollars aura autant d'importance qu'une de 100 millions. Je pense que nous devons nous concentrer sur cette question. Le problème est que nous mettons énormément de temps à régler même les petites revendications, à cause de la façon dont le processus est structuré, et que le nombre de revendications en instance ne cesse de croître. Je ne vois pas nécessairement les choses sous cet angle, mais le fait est que si nous avons dépensé 150 millions de dollars l'an dernier et que nous envisageons de dépasser les 200 millions cette année, il est évident que nous nous acquittons de nos obligations en vertu de l'ancien système, ou du moins que nous essayons de le faire. Je crois toutefois que le nouveau système nous soumettra à davantage de pression.
Le président: Chers collègues, je donne à ceux qui le souhaitent 30 secondes pour poser leur question. Si le ministre le veut bien, il y répondra dans son mot de la fin. J'insiste donc pour que la durée des questions ne dépasse pas 30 secondes.
Monsieur Pallister.
M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne): Merci, monsieur le ministre, de comparaître devant nous aujourd'hui. Dans le Livre rouge de 1993, votre parti s'est engagé à organiser un processus conjoint de nomination, ce qu'a aussi recommandé le GTM par la suite. Pourquoi n'avez-vous pas suivi cette recommandation et tenu votre promesse?
Le président: Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Vous dites, dans votre exposé:
...j'ai instauré [...] une série de mesures progressistes dans le but de permettre aux Premières nations d'accélérer leur transition vers l'autonomie gouvernementale et une plus grande indépendance économique. |
Je voudrais vous demander, monsieur le ministre, si vous avez l'intention de reprendre contact avec Ted Moses, le grand chef des Cris, qui attend que la participation du fédéral soit établie dans le cadre du traité signé avec le gouvernement du Québec, appelé communément la Paix des braves. Il attend votre appel depuis deux semaines.
Á (1155)
[Traduction]
Le président: Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor: Monsieur le ministre, vous avez dit que l'APN n'a jamais accepté quoi que ce soit venant du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. En outre, j'ai relevé quelque 67 objections au projet de loi C-6. Comment pouvez-vous affirmer alors qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction?
Le président: Monsieur Mark.
M. Inky Mark: Dans les circonstances, le ministre invoquera-t-il le délai de six mois, et cela pourra-t-il se reproduire?
Le président: Les députés du parti ministériel ont-ils des commentaires?
Monsieur le ministre, vous avez la parole pour le mot de la fin.
M. Robert Nault: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je commencerai par répondre à la dernière question au sujet des six mois. Si je ne me trompe pas, en vertu du projet de loi actuel, je devrai justifier tout dépassement du délai de six mois.
Par exemple, dans le cas de revendications très importantes, très complexes et comportant d'innombrables arguments juridiques, le ministère de la Justice aura besoin de temps pour préparer son analyse et conseiller le ministre sur la marche à suivre. Il nous faudra donc nous justifier, ce que nous ne faisons pas actuellement puisque nous ne sommes pas tenus, pour l'instant, d'expliquer pourquoi la validation prend cinq, sept ou dix ans dans certains cas. D'après moi, cela ne fera que renforcer notre capacité à travailler ensemble.
En ce qui concerne le grand chef, monsieur Loubier, sachez que je ne manquerai pas de l'appeler s'il cherche à communiquer avec moi. J'ignorais qu'il voulait me parler. Je le ferai car j'entretiens avec lui d'excellentes relations.
 (1200)
M. Yvan Loubier: Cela fait deux semaines.
M. Robert Nault: Je ne le savais pas.
Quant aux nominations, monsieur le président, elles se font par décret. Vouloir changer cette prérogative impliquerait une modification de la façon dont les provinces et le gouvernement fédéral procèdent aux nominations depuis la création du Canada. Nous croyons qu'après consultation des Premières nations, nous pouvons nommer des commissaires crédibles, indépendants et capables de s'acquitter efficacement de leurs tâches.
En ce qui concerne les problèmes techniques soulevés hier, je peux certainement demander à mes avocats de vous exposer l'ensemble des arguments prouvant que nous avons pris une excellente décision. Je sais qu'il existe un document technique dans lequel on explique ce qui pourrait se produire et ce qui n'est pas censé arriver.
Je ne peux pas en dire plus pour l'instant car la création d'une telle commission ou d'un tel tribunal constitue une première au Canada, et je doute fortement que quiconque puisse prédire avec certitude que nous réussirons ou que nous échouerons dans cette tentative. Conformément à nos engagements, le gouvernement et moi-même essaierons de ne plus être juge ni partie. Comme je l'ai dit, le modèle n'est pas parfait puisqu'il nous reste à régler certaines questions fiscales. Je crois néanmoins que la commission facilitera l'utilisation d'outils modernes pour régler les différends sans recourir aux tribunaux et que le tribunal nous permettra de régler, en dernier recours, des revendications d'un montant maximal de 7 millions de dollars.
Vous savez peut-être aussi qu'à l'origine, le projet de loi nous exigeait d'aller devant le Parlement pour demander le relèvement du plafond. J'ai voulu que ce soit inscrit dans le Règlement de sorte que si lors de l'examen triennal la somme de 7 millions de dollars pose problème, je pourrais faire valoir devant mes collègues que cette somme doit être augmentée car je tiens vraiment à ce que cette mesure soit couronnée de succès. C'est en quelque sorte un moyen supplémentaire de régler ces revendications, bien que nous en ayons déjà d'autres tout aussi valables. Nous espérons que cela renforcera le processus. Et même si certains d'entre vous considèrent que ce modèle n'est pas parfait, je vous demande d'approuver cette amélioration importante dans le but de régler des revendications et des différends passés car ils ont une incidence économique énorme et les conséquences sur nos relations sont décisives.
Lorsque je rencontre des chefs et des membres de conseils de bande, je m'aperçois qu'ils attachent de l'importance au fait que je consacre du temps à l'examen d'une revendication de 200 000, de 300 000, de 400 000 ou de 500 000 $, tant en raison des motifs justifiant de telles revendications que des sommes en jeu. Nous devons donc régler ces revendications.
Monsieur le président, je profite des quelques instants de parole qui me restent pour remercier le comité. Je crois comprendre que nous nous reverrons plusieurs fois dans les mois à venir, et j'ai bien hâte de connaître vos recommandations dans le but ultime d'améliorer le sort des Autochtones. C'est bien beau de discuter, mais tôt ou tard, il faudra prendre les mesures qui s'imposent pour améliorer la vie de ces gens. Cela tombe sous le sens.
Ceci dit, je vous remercie, monsieur le président, et sachez que tous mes voeux vous accompagnent.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre; merci aussi à vos collègues.
Nous passons maintenant au prochain groupe de témoins, de la Commission des revendications des Indiens. Je vous invite à vous joindre à nous. Il n'y aura pas de suspension de séance; je préfère poursuivre les travaux.
Nous accueillons, de la Commission des revendications des Indiens, Phil Fontaine, commissaire en chef; Renée Dupuis, commissaire; et Kathleen Lickers, conseillère de la commission.
Bienvenue à tous. Je vous invite à faire un exposé d'une durée maximale de 15 minutes, après quoi, nous passerons aux questions.
Monsieur Fontaine.
M. Phil Fontaine (commissaire en chef, Commission des revendications des Indiens): Merci, monsieur le président et chers membres du comité.
Je suis heureux de comparaître devant vous aujourd'hui pour vous faire part du point de vue de la Commission des revendications des Indiens au sujet du projet de loi C-6. Comme l'a fait remarquer le président, je suis accompagné de la commissaire Renée Dupuis et de Kathleen Lickers, conseillère principale de la Commission des revendications des Indiens. D'autres membres de la commission et de notre personnel cadre sont également dans la salle.
Je dois vous dire qu'avant d'asseoir notre position, au cours de la dernière année, nous avons rencontré le chef Edward John, agent de liaison du ministre, des fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes ayant participé à l'élaboration du projet de loi, ainsi que des représentants de l'Assemblée des Premières Nations.
Même si ces discussions ont été utiles et instructives, et je suis convaincu que tous ceux que nous avons rencontrés vous le diront, nous avons notre propre expérience et notre propre histoire. Nous sommes un organisme unique au Canada. Il n'y en a pas d'autre possédant l'expérience de la Commission des revendications des Indiens. Comme la commission existe maintenant depuis 11 ans, nous avons un point de vue unique sur la question, susceptible de vous intéresser.
Les membres du comité ont reçu un mémoire détaillé concernant notre position au sujet des revendications particulières et plus précisément du projet de loi C-6. Je n'ai pas l'intention de vous lire ce document. Je mettrai toutefois en lumière quelques-unes de ses parties et je répondrai ensuite à vos questions.
Comme vous pouvez le constater à la lecture de ce document, le dépôt du projet de loi C-6 n'est que l'une des nombreuses initiatives prises au cours des 57 dernières années dans le cadre des revendications territoriales particulières. Le gouvernement fédéral a examiné le processus des revendications pour la première fois en 1946, puis régulièrement par la suite.
C'est en 1948 que l'on a proposé pour la première fois de créer une commission des revendications. Notre commission a été créée par décret en 1991. Elle faisait alors l'objet d'une mesure provisoire. Onze ans après, rien n'a changé.
Chaque année, depuis 1994, nous recommandons la création d'un organisme indépendant chargé des revendications. Ce dossier a une longue histoire. Je pourrais facilement prendre tout le temps qui nous est imparti pour vous énoncer la litanie des bonnes intentions et des tentatives timides qui se sont succédées.
Au lieu de cela, monsieur le président et chers membres du comité, je préfère vous exposer directement notre point de vue sur le projet de loi C-6. Comme je l'ai dit plus tôt, nous sommes un organisme unique qui a une perspective unique. Notre expérience nous porte à croire qu'il faut tenir compte de plusieurs principes fondamentaux—et j'insiste sur «principes fondamentaux»—dans la création d'un organisme indépendant des revendications.
La liste que nous avons dressée n'est pas exhaustive. Elle reflète notre conviction selon laquelle les Canadiens réclament justice et veulent un règlement équitable des revendications particulières. Nous croyons qu'un tel organisme doit être indépendant, avoir un pouvoir décisionnel exécutoire, offrir une solution de rechange viable à la procédure judiciaire, donner le droit aux Premières nations de présenter un témoignage oral de leur histoire, comporter des mécanismes de règlement extrajudiciaire des différends, assurer l'accès à la justice et à l'information et enfin, garantir la primauté de la relation de fiduciaire entre les Premières nations et le gouvernement fédéral.
Monsieur le président, j'aimerais préciser chacun de ces principes, en commençant par celui de l'indépendance. À notre avis, l'indépendance d'un organisme signifie une autonomie gouvernementale dont la validité ne dépend pas d'une entité extérieure, comme le ministère ou le ministre. Dans le contexte de l'organisme des revendications, indépendance signifie également impartialité, neutralité, équité procédurale et objectivité. Nous croyons que pour que le nouveau centre envisagé dans le présent projet de loi ait une chance de réussite, il est essentiel que la notion d'indépendance, et ce qu'elle implique, existe de facto et soit perçue comme telle par les parties concernées et le public. Cette perception serait plus claire si on instaurait un processus de consultation des représentants des Premières nations pour les nominations au sein de la commission et du tribunal. Nous craignons également que l'indépendance du centre ne soit compromise par l'impossibilité de celui-ci à forcer les parties en cause à agir.
 (1205)
Deuxièmement, il est nécessaire qu'un organisme indépendant ait le pouvoir de rendre des décisions exécutoires afin de garantir un traitement juste et équitable des revendications. Il est important que ce pouvoir s'applique aux procédures de traitement et à la détermination du résultat final. Nous savons, de par notre expérience, à quel point il peut être frustrant de voir une partie entraver le processus en imposant des retards ou des obstacles déraisonnables. Le projet de loi comporte des dispositions qui habilitent le ministre à déterminer si la commission ou le tribunal peut agir et à quel moment. Ces dispositions enlèvent au centre la capacité de contrôler ses propres procédures.
Troisièmement, pour que le nouveau centre et son fonctionnement soient une réussite, les Premières nations doivent le considérer comme une solution de rechange viable au recours aux tribunaux et aux procédures judiciaires. Il doit permettre d'obtenir à leurs yeux une décision rapide, rentable et définitive.
Quatrièmement, notre commission, et plus récemment les tribunaux, ont reconnu l'importance de l'histoire orale des Premières nations dans le processus des revendications. Nous sommes heureux de constater que le projet de loi reconnaît cela, et nous aimerions dire à quel point il est essentiel de prendre les dépositions verbales dès le commencement du processus.
Cinquièmement, il est nécessaire d'élaborer un mécanisme de règlement extrajudiciaire des différends car c'est un volet important du traitement des revendications. Nous n'insisterons jamais assez sur la nécessité de favoriser le RED et de prévoir les ressources humaines et financières nécessaires afin de garantir le bon déroulement du processus pour l'ensemble des parties.
Le sixième point vise l'accès à la justice. Les Premières nations doivent pouvoir raisonnablement accéder au processus afin de s'assurer que justice est faite ou semble avoir été rendue. La compilation des dépositions orales et un financement adéquat de la participation des Premières nations au processus sont donc importants. Nous craignons qu'un accès restreint au tribunal, en particulier le plafond financier imposé au tribunal et les limites applicables au financement requis, à ce jour inconnues, ne soient quelques-uns des aspects de la nouvelle mesure législative susceptibles de compromettre sérieusement l'accès à la justice.
Le septième principe est celui de l'accès à l'information. Les Premières nations qui veulent recourir au processus des revendications ne peuvent librement accéder au contenu des documents gouvernementaux pertinents, ce qui les empêche de bien se préparer en vue de leur comparution devant la commission. C'est tout simplement une question d'équité et d'efficacité.
Le dernier point sur notre liste concerne la primauté de la relation fiduciaire entre les Premières nations et le gouvernement fédéral. Nous sommes heureux que le projet de loi présente les obligations fiduciaires comme un élément du type de revendications que les Premières nations peuvent présenter. Cependant, nous craignons que le transfert de responsabilités à des tiers—en particulier les provinces—ne mette en péril le principe constitutionnel. Malheureusement, le projet de loi comporte plusieurs dispositions qui limitent la responsabilité du fédéral.
Notre obligation, en tant que commission, a toujours été de lutter en faveur de la justice sociale. On doit disposer des fonds nécessaires pour régler les revendications. L'absence d'une indemnisation adéquate entraînerait toute une série de problèmes. Nous avons peine à concevoir que l'on puisse parvenir à un règlement définitif sans donner leur juste part aux Premières nations.
Compte tenu de ses 11 années d'expérience, la commission croit qu'il convient de respecter ces huit principes fondamentaux dans le traitement des revendications particulières des Premières nations. Nous ne disons pas au comité comment intégrer ces principes dans la mesure législative, mais nous l'invitons à en tenir compte dans les dispositions, au moment de l'étude article par article du projet de loi.
Nous pensons que certains articles du projet de loi C-6, notamment en ce qui a trait au respect du principe d'indépendance, du pouvoir décisionnel exécutoire, de l'accès à la justice et à la primauté de la relation de fiduciaire, laissent à désirer. Nous avons décrit plus en détail quelques-unes de nos préoccupations dans le document qui vous a été remis.
 (1210)
Ceci dit, nous appuyons certains aspects du projet de loi C-6. Ce sont les éléments que la commission préconise depuis un certain temps déjà et dont elle est convaincue qu'ils sont essentiels à l'établissement d'un nouvel organisme chargé des revendications. Nous sommes favorables à la création d'un tribunal complètement indépendant, au règlement extrajudiciaire des différends, à l'ajout, dans la mesure législative, du principe d'obligation fiduciaire, à la prise en compte des témoignages oraux dans le traitement des revendications, et nous appuyons aussi un processus d'examen indépendant, réalisé conjointement par la commission, les Premières nations et le gouvernement fédéral.
En guise de conclusion, monsieur le président, je dirais que nous sommes convaincus que le projet de loi C-6 comporte des points forts et des points faibles. Nous vous demandons de tenir compte, dans la mesure législative, des principes que nous avons énoncés pour tenter de trouver un équilibre entre les deux.
Je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.
Monsieur le président et chers membres du comité, je vous propose de nous écarter de la procédure suivie pour l'exposé précédent en ce qui a trait aux échanges entre les membres du comité et nous-mêmes, et que la commissaire Dupuis ainsi que la conseillère en chef de la Commission, Kathleen Lickers, prennent part aux discussions. Le cas échéant, nous aimerions pouvoir faire appel aux autres membres de la Commission ici présents puisqu'ils connaissent bien mieux que moi-même ou que la commissaire Dupuis l'évolution des rouages de la Commission des revendications depuis 11 ans.
Merci.
 (1215)
Le président: Merci beaucoup de votre exposé, monsieur Fontaine. J'invite les membres à bien gérer les quelques minutes que je leur accorde et je les encourage vivement à participer pour obtenir le plus d'information possible. En outre, je suis aussi d'accord pour donner la parole aux personnes les mieux placées pour répondre aux différentes questions.
Nous commencerons par l'opposition officielle, qui dispose de neuf minutes.
Monsieur Pallister.
M. Brian Pallister: Mes salutations, monsieur.
Que pensez-vous de la décision du gouvernement de ne pas entériner le processus de nomination conjointe des membres du Centre canadien du règlement indépendant des revendications particulières des Premières nations, comme on le lui avait recommandé et comme il s'était engagé à le faire?
M. Phil Fontaine: Nous croyons que le témoin précédent, le ministre des Affaires indiennes, a déjà répondu à cette question et que d'autres témoins qui comparaîtront devant le comité y répondront également. Comme vous le savez, par le passé, le gouvernement consultait les organisations autochtones avant la nomination des commissaires, ce qui a permis de constituer un groupe hétérogène au sein de la commission.
Pour parler en termes généraux du succès qu'a connu la Commission des revendications des Indiens au cours des 11 dernières années, je dirais que l'approche retenue était satisfaisante et a porté fruit. Mais comme je l'ai mentionné précédemment, je m'attends à ce que les témoins à venir abordent cette question plus en détail.
M. Brian Pallister: Je demande seulement si vous pensez que cela devrait être inclus dans le projet de loi. Devrions-nous exiger que l'APN soit consultée au chapitre des nominations au sein de la commission?
M. Phil Fontaine: Dans le mémoire que nous avons présenté, et dans lequel nous faisons référence à huit principes fondamentaux, dont l'indépendance et l'accès, nous disons qu'il faudra sérieusement étudier la question quand le moment sera venu de créer cet organisme.
M. Brian Pallister: Deuxièmement, et ceci est une question un peu particulière, je voudrais savoir si vous appuyez la recommandation émanant du rapport du groupe de travail mixte selon laquelle il faudrait garantir une représentation régionale dans le processus de nomination?
M. Phil Fontaine: Compte tenu du travail que nous avons accompli au cours des 11 dernières années et du fait que nous sommes un organisme qui s'est toujours efforcé de rester neutre, ce principe nous tient évidemment à coeur. Mais c'est une question de politique gouvernementale à laquelle doivent répondre le témoin précédent, l'Assemblée des Premières Nations et d'autres. Manifestement, c'est une question qui a fait l'objet de nombreuses discussions et qui, j'en suis convaincu, recevra énormément d'attention au cours des prochains jours.
 (1220)
M. Brian Pallister: Craignez-vous que l'indépendance à laquelle vous avez fait allusion, et qui est tellement essentielle au succès de votre organisation, ne soit compromise à cause du fait que le ministre chargé de défendre le gouvernement dans le cas des revendications est également celui qui, en vertu de la présente proposition, recommande actuellement toutes les nominations?
[Français]
Mme Renée Dupuis (commissaire, Commission des revendications des Indiens): Si vous me le permettez, je vous dirai qu'à mon avis, la commission actuelle, à laquelle siègent des gens nommés par le gouvernement sur recommandation du ministre des Affaires indiennes, comme c'est le cas d'ailleurs dans le cadre d'autres instances administratives fédérales, a démontré, au cours des 11 années de son existence, qu'on pouvait très bien obtenir une représentation suffisamment large. En effet, on y trouve à la fois des représentants des premières nations, des personnes non autochtones et des individus qui représentent toutes les régions. Cela a son importance puisque les revendications particulières portent sur des problèmes qui peuvent varier d'une région à l'autre.
[Traduction]
M. Brian Pallister: Nous manquons de temps. Ce n'est pas ce que je demande.
Je m'excuse d'intervenir, mais nous ne disposons pas de beaucoup de temps. Je crois comprendre, monsieur Fontaine, que vous avez dit publiquement, avant le dépôt de cette mesure législative, que l'actuel processus était inéquitable et qu'il créait nettement un conflit d'intérêts. Pour défendre l'actuel processus... Je suis tout simplement curieux. Il semble y avoir une contradiction.
Peut-être que vous ne faites pas référence aux questions dont je parle, les questions de nomination. Vous pourriez peut-être nous préciser en quoi l'actuel processus est inéquitable et provoque un conflit d'intérêts étant donné que le gouvernement ne propose pas de grands changements à la procédure de nomination au sein de votre commission. S'il y a actuellement une situation de conflit d'intérêts, cela devrait perdurer si rien n'est fait pour modifier la procédure de nomination.
Mme Kathleen Lickers (conseillère de la Commission, Commission des revendications des Indiens): Je pourrais peut-être essayer de vous répondre, monsieur le président et monsieur Pallister. Lors de la comparution des coprésidents de la Commission sur les revendications particulières des Indiens en mai 2002 devant le comité permanent, nous avions présenté un document d'information qui parlait du statu quo et du rôle de juge et partie que joue le gouvernement du Canada. Le ministre a d'ailleurs parlé de ce concept ce matin.
Dans notre présentation d'aujourd'hui, nous avons parlé de l'indépendance et du rôle que le ministre jouera dans le fonctionnement du centre. En outre, nous précisons dans ce document comment notre définition du principe fondamental d'indépendance peut s'appliquer au nouveau centre. Je vous conseille donc de lire ce document.
M. Brian Pallister: Mais je suppose que ce n'est pas dans le projet de loi.
Voici ma question, rapidement. C'est vous, madame Lickers, qui avez dit que 3 des 120 revendications étaient inférieures au plafond de 7 millions de dollars, n'est-ce donc pas un problème? Ce nouvel organisme n'est-il que la poudre aux yeux? Que va-t-il régler, 3 revendications sur 120? Je suppose qu'avec le temps, l'inflation et de tout le reste, ce nombre pourrait grandement diminuer au point de devenir nul. J'ai de la difficulté à créer un organisme et tout ce qu'il comporte pour ne régler finalement que très peu de revendications, voire aucune.
Mme Kathleen Lickers: J'aimerais parler de la source que vous citez, monsieur Vellacott.
Lorsque l'Assemblée des Premières Nations nous a posé des questions sur l'expérience de la Commission sur les revendications particulières des Indiens, j'ai répondu, et je continue de le dire, que depuis 11 ans, nous avons examiné plus de 100 demandes, à la fin du processus. Lorsque les Premières nations ont fait appel à la Direction des revendications particulières, le ministre a décidé de rejeter la validité de leur revendication. Mais celles-ci peuvent demander une révision de cette décision devant la Commission sur les revendications particulières des Indiens. En 11 ans, seules trois revendications étaient inférieures ou égales à 7 millions de dollars.
Je ne peux vous parler que de ce que je connais.
 (1225)
[Français]
Le président: Monsieur Loubier, vous avez la parole.
M. Yvan Loubier: Je vais revenir à ce que Mme Lickers disait plus tôt. À la lumière de toutes les choses gentilles que nous a dites le ministre, j'aurais aimé, moi aussi, poser à ce dernier d'autres questions sur l'indépendance de la commission et du tribunal. D'abord, une chose ne me semble pas claire jusqu'à présent: comment peut-on dire que le processus va être indépendant, alors que le gouvernement maintient son contrôle sur à peu près tout le processus, que ce soit la nomination, la durée ou les indemnisations? Comment peut-on prétendre à l'objectivité et à l'indépendance?
Ensuite, pour ce qui est de la réponse que vous venez de nous donner, je dirai que l'objectivité est un beau concept, mais que lorsque des partenaires comme les autochtones sont absents du processus de nomination, l'apparence d'objectivité est ce qui devient important, comme elle l'est dans des cas de conflits d'intérêt. C'est ce que je comprends du dossier jusqu'à présent.
Il y a à peine quelques mois que je suis porte-parole de mon parti, mais en ce qui concerne ce dossier, j'en suis venu à la conclusion que deux choix étaient possibles. La première possibilité est qu'on négocie de nation à nation et d'égal à égal; dans ce cas, lorsqu'arrive la mise en oeuvre d'un processus, incluant de nouvelles institutions et des représentations, le choix des personnes représentées dans le cadre de ces institutions doit être fait d'un commun accord. L'autre possibilité est de poursuivre comme avant avec la Loi sur les Indiens et de déterminer que le gouvernement prend les décisions, même si le processus en place depuis une trentaine d'années n'a pas mené à des résultats très concluants en termes de règlement des dossiers.
J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet, étant donné qu'il me laisse plutôt confus. J'entends le ministre et je vous entends également parler d'indépendance et d'objectivité, alors qu'en faisant de l'extérieur une analyse froide de la chose, on constate qu'il s'agit en fait d'absence d'objectivité et d'indépendance.
[Traduction]
Mme Kathleen Lickers: Monsieur le président, lorsque le comité délibérera et que vous aurez examiné en détail notre mémoire, n'oubliez pas de vous reporter à la page 17 du document. Mais pour répondre à votre question, d'après la commission, le rôle attribué au ministre en vertu de ce projet de loi et sa relation avec le centre vont au-delà d'un simple rôle de supervision et de l'idée dont nous et la commission nous faisons du principe d'indépendance. Comme nous le disons à la page 17, notre plus grande inquiétude concerne l'absence de pouvoir de la commission à contraindre toutes les parties à agir, c'est-à-dire pas seulement le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien à titre de partie dans le processus, mais aussi les Premières nations.
M. Phil Fontaine: Puis-je intervenir très brièvement?
Si nous n'avons pas répondu assez clairement tout à l'heure à la question des nominations à la commission, je vous demanderais de vous reporter à la page 18 de notre mémoire détaillé où il en est question de façon plus précise.
Pour les fins du compte rendu, je pourrais peut-être indiquer qu'une consultation sur les nominations auprès des représentants des peuples ou des organisations autochtones est essentielle pour assurer la qualité et la représentativité des commissaires et des membres du tribunal autochtones et non autochtones, ainsi que du personnel. À notre avis, c'est essentiel à l'ensemble du processus.
[Français]
M. Yvan Loubier: Parfait, monsieur Fontaine. J'aurais une dernière question à vous poser. Je voulais la poser au ministre tout à l'heure, mais je n'ai pas pu le faire à cause des restrictions que nous avons au niveau du questionnement. D'après l'argument que nous a apporté le ministre concernant le plafond de 7 millions de dollars par cause, cela ne nous empêcherait pas d'avoir des règlements hors cour de plusieurs dizaines de millions de dollars, même s'il y a un plafond de 7 millions de dollars lié au processus qui nous mène jusqu'au nouveau tribunal.
Alors, j'aurais aimé poser la question suivante au ministre, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez, monsieur Fontaine, madame Dupuis ou madame Lickers. Pourquoi laisser ce plafond à 7 millions de dollars, finalement, s'il n'est pas si important que cela et qu'on peut aller au-delà, qu'on peut avoir des règlements hors cour, et que le gouvernement est obligé de respecter ses obligations comme fiduciaire et ses obligations légales?
 (1230)
[Traduction]
M. Phil Fontaine: Seule notre expérience des 11 dernières années nous permet d'en juger. Encore une fois, notre mémoire détaillé traite plus longuement de la question. Pour nous essentiellement, une restriction de cette nature va limiter l'accessibilité.
Depuis 1991, la commission a effectué des enquêtes pour examiner 56—c'est le chiffre exact—revendications rejetées. Sur ce nombre, 24 ont été réglées ou remises en négociation. Comme l'a fait remarquer l'avocate de la commission, dans tous les cas, sauf trois, le règlement a dépassé 7 millions de dollars. C'est ce qui nous amène à penser que ces revendications seront, dans une grande proportion, exclues d'une bonne partie du processus qui leur est destiné.
Comme nous l'avons dit—et nous voulons bien insister là-dessus—pour nous, l'enjeu essentiel dans le cas du règlement des revendications particulières, ce ne sont pas les programmes sociaux, mais les obligations légales découlant d'anciennes transactions.
[Français]
M. Yvan Loubier: D'accord. J'ai juste une question de précision. J'ai peut-être mal entendu, mais les témoignages de tradition orale, par exemple, jusqu'à présent, ne sont pas retenus dans l'analyse de vos revendications. Ai-je mal compris? Est-ce qu'ils ne sont pas retenus du tout? On sait fort bien que la tradition orale est fort importante dans l'histoire des nations autochtones.
Mme Renée Dupuis: Si vous allez à la page 20 de la version anglaise de notre mémoire, vous allez voir que notre commission se réjouit du fait que la possibilité de recourir à l'histoire orale est incluse dans le projet de loi, puisque c'est déjà dans la pratique et les procédures de la commission actuelle. Donc, on s'en réjouit et on insiste sur le fait que, comme c'est un aspect crucial de la démonstration que les premières nations ont à faire, cela devrait être inscrit très tôt dans le processus.
[Traduction]
The Chair: Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor: Merci, monsieur le président, et merci à la CRI.
Dans le témoignage qu'il a fait juste avant vous, le ministre a dit, il me semble, au sujet de la consultation sur les nominations, qu'il avait consulté par le passé, et il a pour ainsi dire encouragé les gens à lui faire confiance et à croire qu'il allait consulter à l'avenir.
Est-ce que cela rassure la commission, ou pensez-vous toujours qu'il faut apporter des modifications à la question de la consultation sur les nominations?
M. Phil Fontaine: Comme nous l'avons indiqué, et j'espère avoir été assez clair là-dessus, il était en effet d'usage qu'on nous consulte sur les nominations. Par voie de décret, le gouvernement faisait son choix en fonction de la consultation effectuée. Il en est ainsi depuis la nomination des premiers commissaires, en 1992.
D'après notre expérience, les nominations faites ont été judicieuses et elles nous ont permis d'accomplir un travail fructueux au cours de nos 11 années d'existence. Pour parvenir à une décision à propos des revendications dont elle est saisie, la commission fonctionne par consensus.
Dans la mesure du possible, la représentation géographique et celle des hommes et des femmes a été assurée au sein de la commission. À certains moments, il y a eu plus de commissaires d'origine autochtone. Aujourd'hui, la commission compte quatre commissaires qui n'ont pas d'origines autochtones et trois qui en ont. Il y a donc eu un équilibre au cours de nos années.
M. Dick Proctor: Certains ont exprimé leur inquiétude à propos de la représentation régionale et le fait que le bureau se trouve à Ottawa. Qu'est-ce que vous en pensez? Trouvez-vous que la représentation convient aussi dans ce cas?
 (1235)
M. Phil Fontaine: L'exigence qui veut que le bureau se trouve dans la capitale nationale ne pose pas, du moins d'après nous, de problème majeur, et ne devrait vraiment pas en poser dans l'avenir.
M. Dick Proctor: Que pense la CRI du plafond fixé? Certains nous disent qu'il va nuire au processus, d'autres qu'il va l'accélérer. Je suis au courant de la réponse concernant les «trois sur 120» mais, en général, pensez-vous qu'il pourrait accélérer l'étude et le règlement de certaines revendications ? Quel est l'avis de la CRI là-dessus, compte tenu de votre expérience?
Mme Kathleen Lickers: Monsieur le président et monsieur Proctor, permettez-moi de répondre à cette question. La commission s'est demandé si le plafond financier assurait l'accès à la justice et une meilleure participation des Premières nations compte tenu des objectifs du centre. La formule compliquée qui est prévue dans le projet de loi nous préoccupe. D'après nous, elle pourrait en fait limiter l'accès de certaines premières nations à la commission et au tribunal.
Nous ne connaissons pas encore la portée exacte du financement proposé dans le projet de loi. Certaines limites n'ont pas encore été précisées, et je parle tout particulièrement du montant d'argent qui sera prévu pour le fonctionnement du tribunal. Le lien entre les activités de la commission et le moment où elle peut renvoyer une question au tribunal nous préoccupe tout particulièrement, autant pour ce qui est de la possibilité des Premières nations de recourir au processus que de leur accès à la commission.
M. Dick Proctor: Je crois que le ministre a dit, dans sa déclaration, que le délai moyen dans le cas de ces revendications était d'environ cinq ans. Pensez-vous que le changement proposé peut accélérer la processus? Quelqu'un s'est-il penché là-dessus?
[Français]
Mme Renée Dupuis: Dans notre document, nous avons essayé d'indiquer à votre comité un certain nombre de conditions qui feraient en sorte que le processus soit plus efficace et que les premières nations aient accès aux dossiers gouvernementaux qui déterminent la possibilité d'établir leurs revendications. L'objectif serait que l'accès soit direct, que le centre lui-même soit le maître de sa procédure, c'est-à-dire qu'il ne soit pas dépendant du ministre pour accélérer le processus, et que la résolution des règlements des différends soit contrôlé, bref, que la commission ait réellement l'autorité de mener des processus et des mécanismes de règlement des différends, par exemple, dans le cadre d'échéances précises.
À notre avis, un certain nombre de conditions sont nécessaires pour réaliser cet objectif.
[Traduction]
Le président: Monsieur Mark.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.
Bienvenue parmi nous. Je sais que votre indépendance, comme on l'a souligné, est très importante, ainsi que le travail que vous faites depuis 11 ans.
Je vais d'abord lire ce qui figure au deuxième paragraphe de la première page de votre mémoire, parce que nous avons besoin de votre aide ainsi que de votre point de vue. Vous dites: «À nos yeux, la question que vous devrez, en bout de ligne, vous poser est celle de savoir si le texte législatif proposé représente, eu égard à ces principes»—je crois qu'il s'agit de vos «principes fondamentaux»—«le meilleur moyen de résoudre ces différends de longue date.»
Est-ce que le projet de loi C-6 résiste à l'examen de vos «principes fondamentaux»?
 (1240)
M. Phil Fontaine: Dans notre bref exposé, nous avons essayé de faire remarquer que le projet de loi est déficient à l'égard de certains principes, et nous avons indiqué de quelle façon. Nous expliquons plus en détail dans notre mémoire les principes de l'indépendance, du pouvoir décisionnel exécutoire, de l'accès à la justice et de la primauté de la responsabilité fiduciaire.
Nous indiquons également que nous approuvons le fait qu'il y ait un tribunal complètement indépendant. L'importance accordée aux autres mécanismes de règlement des différends, l'inclusion dans loi de l'obligation fiduciaire—ce qui, je dois dire, crée un précédent et est vraiment important—et l'inclusion de l'histoire orale, dont la Commission sur les revendications particulières des Indiens tenait déjà compte quelques années avant que la Cour suprême rende sa décision dans l'affaire Delgamuukw...
M. Inky Mark: Êtes-vous en train de me dire que, dans le contexte actuel, le projet de loi est une mesure favorable et qu'au fond, vous appuyez le projet de loi?
M. Phil Fontaine: Ce que nous avons dit, si je peux revenir encore une fois aux principes que nous jugeons essentiels pour assurer la justice et l'équité...
M. Inky Mark: Vous posez la question aux membres du comité, n'est-ce pas? Mais c'est moi maintenant qui vous la pose.
M. Phil Fontaine: Monsieur Mark, nous vous avons demandé d'évaluer le projet de loi en fonction de critères qui sont pour nous fondamentaux, de principes de base qui devraient vous aider à vous prononcer. Nous avons essayé d'indiquer clairement que le projet de loi comporte certains aspects positifs, et aussi certaines lacunes.
M. Inky Mark: Il reste que, dans l'ensemble, c'est une mesure favorable pour ce qui est du règlement des revendications.
M. Phil Fontaine: Je vais revenir sur ce que j'ai dit. Je ne veux pas engager de débat avec vous, monsieur Mark. J'essaie seulement de m'assurer que nous exprimons clairement notre position sur le projet de loi.
Compte tenu de nos 11 ans d'expérience et de la neutralité de notre organisme, nous ne représentons ni les intérêts du gouvernement ni ceux des groupes de revendicateurs, et nous estimons que cet aspect sera pris en considération par d'autres qui viendront témoigner devant vous.
M. Inky Mark: Je comprends mais, en toute logique, une mesure nous fait soit piétiner, soit reculer, soit avancer.
C'est donc la seule question que je pose. Le projet de loi C-6 nous fait-il avancer?
M. Phil Fontaine: Monsieur Mark, je vais encore essayer d'être clair à ce sujet, nous croyons qu'un certain nombre d'aspects sont maintenant prévus dans la loi, ce qui est un progrès important. Je pense que c'est incontestable.
M. Inky Mark: Merci.
Le président: Madame Karetak-Lindell.
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Mes questions vont porter sur la partie de votre mémoire qui traite de la primauté de la relation fiduciaire entre les Premières nations et la Couronne fédérale, et le fait que vous estimez qu'il y a certaines dispositions du projet de loi qui prévoient la participation de tierces parties. Vous êtes d'avis que le processus pourrait être ralenti s'il faut transiger avec des gouvernements provinciaux peu intéressés à régler des revendications. Mais, pour vous, est-ce que les tierces parties comprennent aussi les groupes touchés par des questions qui se chevauchent, comme d'autres revendications territoriales déjà réglées?
Nous savons que, pour certaines revendications, et même dans le cas de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, il y a des problèmes communs et des plaintes sur la façon dont le territoire a été cédé dans les accords. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
Je n'ai rien lu sur les délais prévus pour les tierces parties dans votre mémoire et j'aimerais aussi avoir votre avis là-dessus. Pensez-vous que, s'il y avait un délai de réponse pour les tierces parties, cela pourrait accélérer l'étude des revendications? Je sais qu'on se plaint surtout du temps et de l'argent nécessaires à l'étude des revendications.
Je voulais aussi vous demander, comme M. Mark l'a déjà fait, si cette mesure contribue au moins à régler certaines des revendications existantes.
Merci.
 (1245)
[Français]
Mme Renée Dupuis: En réponse à la première partie de votre question, je dirai qu'à notre avis, l'inclusion dans la loi de l'obligation de fiduciaire de la Couronne fédérale est une bonne chose, dans le sens où cette relation privilégiée se voit ainsi confirmée.
On vise à établir un système qui serait plus efficace et qui apporterait un règlement final aux questions de revendications; or, on croit que l'obligation de fiduciaire de la Couronne fédérale serait amoindrie si le tribunal avait la possibilité de diviser la responsabilité entre la Couronne fédérale et une Couronne provinciale, par exemple.
Présentement, nous nous employons à éviter qu'un tel processus soit utilisé pour créer une difficulté nouvelle. Cela pourrait éventuellement forcer une première nation à suivre deux procédures: une première dans le présent contexte et une deuxième devant une autre cour et ce, pour obtenir un paiement qui serait de responsabilité provinciale, et parce que le tribunal ici aurait décidé que 40 p. 100 relève du fédéral et 60 p. 100 d'une province.
[Traduction]
Mme Nancy Karetak-Lindell: Vous avez répondu à ma question sur les provinces, mais qu'en est-il des questions qui se chevauchent ou de celles qui touchent un autre accord de revendication territoriale? En est-il question dans la rubrique qui traite des tierces parties dans votre mémoire, à la page 28?
Mme Kathleen Lickers: Monsieur le président, pour répondre à la question, nous ne les considérons pas comme des questions faisant intervenir de tierces parties, comme vous dites. Il y a des dispositions dans la loi qui autorisent le centre à regrouper les questions soumises par des Premières nations, parce qu'elles ont trait à la même assise territoriale ou à une même ressource, mais nous ne les avons pas considérées comme faisant appel nécessairement à une tierce partie, mais il est certain que cela soulève la question de l'autorité et du pouvoir de la commission sur ses activités, et la loi autorise sûrement la commission à définir ses propres règles de fonctionnement. Ce sera assurément à elle de déterminer quand et comment faire intervenir d'autres parties à une revendication particulière.
Nous avons indiqué clairement qu'il serait fort utile que le projet de loi accorde à la commission et au centre le pouvoir de contraindre les parties à agir. Nous avons donné notre avis sur le fait qu'une disposition du projet de loi enlève à la commission le pouvoir de trancher une question avant que le ministre se prononce sur une revendication.
Au cours de nos 11 années d'existence, nous avons présumé que ces revendications allaient être rejetées. Dans le projet de loi tel qu'il est actuellement rédigé, on dit bien qu'on ne peut présumer qu'une revendication va être rejetée si le ministre tarde à prendre une décision, et nous en discutons dans notre mémoire.
 (1250)
Le président: Vous avez 20 secondes.
Mme Nancy Karetak-Lindell: Quand vous avez dit que le centre allait avoir le pouvoir d'établir des règles et des règlements, cela comprend-il les délais de réponse des tierces parties?
Mme Kathleen Lickers: Oui, cela peut sûrement faire partie des modalités à définir, mais le projet de loi n'accorde pas le pouvoir de faire exécuter les modalités.
Le président: Merci. Je peux vous donner une minute pour poser des questions, comme nous l'avons déjà fait, et les témoins pourront vous répondre quand ils feront leurs derniers commentaires, ce qui leur laissera environ cinq minutes.
Monsieur Vellacott, vous avez une minute.
M. Maurice Vellacott: Oui. Étant donné qu'on n'accorde pas plus d'indépendance, et en fait je n'en vois pas étant donné qu'il n'y a pas de processus d'approbation conjoint, et si on ajoute à cela le fait que les indemnités que le tribunal peut autoriser sont plafonnées à 7 millions de dollars et que le gouvernement peut reporter le délai indéfiniment, pouvez-vous me dire, et je m'adresse ici à l'avocate, madame Lickers, ce qu'il y a de formidable là-dedans, quel progrès y a-t-il, strictement...? Je sais que c'est difficile pour vous de répondre, en tant que membres de la commission. Vous devez être prudents parce que le ministre va lire la transcription de nos délibérations, mais pouvez-vous me dire comment le projet de loi améliore la situation existante quand on n'accorde pas plus d'indépendance, que le gouvernement peut prolonger les délais indéfiniment et qu'il y a un plafond pour le tribunal de 7 millions de dollars, ce qui veut dire que la commission va régler bien peu de revendications, de toute façon?
[Français]
Le président: Monsieur Loubier, vous avez la parole.
M. Yvan Loubier: J'aimerais savoir ce qui est prévu dans le cadre du nouveau processus pour les cas--il y en a déjà eu par le passé, et ça pourrait se reproduire--où les revendications particulières touchent des juridictions provinciales. Comment la commission traite-t-elle ce type de revendications?
Je vais poser une deuxième question, si vous me le permettez, monsieur le président. Monsieur Fontaine, vous venez de m'expliquer que depuis plusieurs années, il y avait une représentation assez équitable de nations autochtones et autres au sein de la commission, et que jusqu'à présent, cela avait donné de bons résultats.
Compte tenu de cette expérience, n'y aurait-il pas lieu, pour d'autres types de projets de loi, entre autres, celui sur la gouvernance, d'associer des membres des premières nations aux travaux du comité? On l'a proposé, et cela a été rejeté par la majorité libérale, mais n'y aurait-il pas lieu d'adopter ce genre de collaboration plus constructive entre les deux nations?
[Traduction]
Le président: Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor: Merci. Je ne sais pas si le mémoire de la CRI a été distribué à l'avance mais, comme je remplace un collègue, je n'ai pas eu l'occasion d'en prendre connaissance avant aujourd'hui.
Je suis surpris de constater que la CRI traite longuement dans son mémoire de toute la question de l'indépendance. Vous citez des décisions de la Cour suprême et vous indiquez que le ministre intervient. Après avoir lu ces trois pages et demie, je me demande si la CRI a des conseils à nous donner sur la façon dont nous pourrions mieux régler cette question d'indépendance.
Le président: Monsieur Mark.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.
La CRI indique que le processus actuel de règlement des revendications est injuste et crée une situation de conflit d'intérêts. J'aimerais avoir des précisions là-dessus. Qu'est-ce qui crée la situation de conflit actuellement, et comment le projet de loi C-6 l'élimine-t-il?
Le président: Monsieur Serré.
[Français]
M. Benoît Serré (Timiskaming—Cochrane, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai une question bien simple à poser à Mme Dupuis; elle s'inscrit dans la même ligne de pensée que celle de M. Mark. J'espère obtenir une réponse assez claire. Je sais que vous avez relevé des lacunes dans le projet de loi C-6, mais si vous aviez le choix entre le statu quo et ce projet de loi, lequel des deux choisiriez-vous?
[Traduction]
Le président: J'invite maintenant les témoins à faire un dernier commentaire et à répondre aux questions qui ont été posées, s'ils le désirent.
Monsieur Fontaine.
M. Phil Fontaine: Si vous me le permettez, je vais faire quelques observations d'ordre général et, comme un des membres du comité l'a demandé, je vais inviter l'avocate de la commission, Kathleen Lickers, ou la commissaire Dupuis à prendre la parole.
Au cours de ses 11 années d'existence comme organisme provisoire, la Commission sur les revendications particulières des Indiens a préconisé la création d'un organisme indépendant pour s'occuper des revendications particulières et je dirais que, malgré les limites qui nous ont été imposées, nous avons fait du bon travail. Nous avons fait preuve de l'équité nécessaire et les rapports et les recommandations claires que nous avons présentés au gouvernement ont eu des résultats fort avantageux pour les groupes de revendicateurs. La revendication Kahkewistahaw, dont le ministre a parlé dans son exposé, en est le plus récent exemple.
Nous avons donc profité de toutes les occasions pour indiquer clairement que les limites qui nous étaient imposées étaient inacceptables et qu'il fallait un organisme indépendant. Comme nous l'avons dit, nous vous demandons humblement d'examiner le projet de loi en fonction des principes que nous avons énumérés et que nous jugeons absolument essentiels.
Nous avons essayé d'être bien clairs là-dessus. À notre avis, le projet de loi ne va pas assez loin et laisse à désirer à certains égards. Il y a d'autres aspects qui résistent à l'examen de nos critères. Nous voulons donc indiquer clairement le genre d'équilibre que nous jugeons absolument essentiel. Mais nous vous laissons le soin d'en juger.
 (1255)
Mme Kathleen Lickers: Monsieur le président, je vais essayer de répondre aux questions posées par MM. Vellacott et Proctor au sujet de l'indépendance.
Dans son mémoire et dans son exposé d'aujourd'hui, la Commission sur les revendications particulières des Indiens a dit, à propos de l'indépendance, qu'on améliorerait la situation actuelle si la commission avait le pouvoir de contrôler ses activités, de décider du moment et des questions à renvoyer au tribunal, sans que la décision ne soit liée de trop près à celle du ministre des Affaires indiennes.
C'est ce que nous avons dit et, monsieur Vellacott, quand vous parlez de la suppression ou peut-être du maintien du rôle de juge et de partie qui resterait inchangé d'après le ministre et d'autres, selon nous, même si le projet de loi semble éliminer la situation de conflit d'intérêts, nous avons consacré trois pages et demie de notre mémoire à expliquer ce principe parce que si, de prime abord, on semble supprimer ce rôle, en y regardant de plus près, on se rend compte qu'il ne s'agit peut-être pas du pouvoir décisionnel de juge et de partie que le ministre a eu jusqu'ici. Mais il y a d'autres éléments des rouages de la commission et du centre qui sont trop étroitement reliés. C'est ce que nous expliquons en détail et c'est la raison pour laquelle il en est question pendant trois pages et demie.
[Français]
Mme Renée Dupuis: J'ajouterais rapidement, si vous me le permettez, le fait qu'on invite le comité en disant très clairement que les éléments du projet de loi que l'on appuie se résument, ultimement, à la création d'un tribunal totalement indépendant du gouvernement et qui aura l'autorité de trancher les questions de validité et d'indemnisation des revendications particulières; le fait que cela soit inscrit dans une loi, contrairement à ce qui existe à l'heure actuelle; le fait que l'obligation de fiduciaire soit reconnue et incluse dans la législation, et enfin le fait que la preuve de l'existence des communautés, fournie par l'histoire orale, y soit également incluse. De toute évidence, il s'agit là d'améliorations au processus actuel.
· (1300)
[Traduction]
The Chair: Je vous remercie beaucoup. Votre témoignage est précieux pour les membres du comité.
Le comité doit se réunir de nouveau à 15 h 30 pour traiter d'un autre sujet. Merci à tous.
La séance est levée.