AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 25 mars 2003
¿ | 0905 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
M. Gary Gould (conseiller de traité et de revendications territoriales, Conseil des peuples autochtones du Nouveau Brunswick) |
Le président |
Gary Gould |
Le président |
Gary Gould |
Le président |
Le chef Betty Ann LaVallée, CD (Présidente, Conseil des peuples autochtones du Nouveau Brunswick) |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
Le président |
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne) |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Maurice Vellacott |
Le chef Betty Ann LaVallée |
¿ | 0930 |
M. Maurice Vellacott |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Maurice Vellacott |
Le chef Betty Ann LaVallée |
Gary Gould |
Le président |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
¿ | 0935 |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Pat Martin |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Pat Martin |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Pat Martin |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Pat Martin |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Pat Martin |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Pat Martin |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Pat Martin |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Pat Martin |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.) |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Gary Gould |
¿ | 0940 |
M. Larry Bagnell |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Gary Gould |
M. Larry Bagnell |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Gary Gould |
M. Maurice Vellacott |
M. Gary Gould |
¿ | 0945 |
M. Maurice Vellacott |
M. Gary Gould |
M. Maurice Vellacott |
M. Gary Gould |
M. Maurice Vellacott |
M. Gary Gould |
Le président |
M. Pat Martin |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Pat Martin |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Pat Martin |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Pat Martin |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Pat Martin |
Le chef Betty Ann LaVallée |
Le président |
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.) |
¿ | 0950 |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Gary Gould |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
¿ | 0955 |
M. Gary Gould |
M. Maurice Vellacott |
M. Gary Gould |
Le président |
M. Pat Martin |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Pat Martin |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Pat Martin |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
À | 1000 |
Le président |
Le chef Betty Ann LaVallée |
M. Gary Gould |
Le président |
À | 1005 |
Le chef Betty Ann LaVallée |
Le président |
M. Brian Bartibogue (Conseil Mawiw des Premières nations) |
À | 1015 |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
M. Brian Bartibogue |
À | 1020 |
M. Maurice Vellacott |
M. Brian Bartibogue |
M. Maurice Vellacott |
M. Brian Bartibogue |
M. Maurice Vellacott |
M. Brian Bartibogue |
M. Maurice Vellacott |
M. Brian Bartibogue |
M. Maurice Vellacott |
M. Brian Bartibogue |
M. Maurice Vellacott |
M. Brian Bartibogue |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Pat Martin |
À | 1025 |
M. Brian Bartibogue |
M. Pat Martin |
M. Ronald Gaffney (Conseil Mawiw des Premières nations) |
Le président |
M. Larry Bagnell |
M. Brian Bartibogue |
M. Larry Bagnell |
À | 1030 |
M. Brian Bartibogue |
M. Larry Bagnell |
M. Brian Bartibogue |
M. Larry Bagnell |
M. Brian Bartibogue |
M. Ronald Gaffney |
Le président |
M. Brian Bartibogue |
À | 1035 |
Le président |
Mme Christine Augustine (À titre individuel) |
À | 1040 |
Le président |
Mme Christine Augustine |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Mme Christine Augustine |
M. Maurice Vellacott |
Mme Christine Augustine |
M. Maurice Vellacott |
Mme Christine Augustine |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Pat Martin |
Mme Christine Augustine |
M. Pat Martin |
Mme Christine Augustine |
M. Pat Martin |
Mme Christine Augustine |
M. Pat Martin |
Mme Christine Augustine |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Charles Hubbard |
À | 1045 |
Le président |
M. Bruce Simon (membre du «Aboriginal Individual Rights Organization», À titre individuel) |
À | 1050 |
À | 1055 |
Le président |
M. Bruce Simon |
Le président |
M. Bruce Simon |
Le président |
M. Bruce Simon |
Le président |
M. Bruce Simon |
Le président |
Mme Margaret Tusz-King (animatrice, «Lnapskuk - The Neighbours Project») |
Á | 1100 |
Á | 1105 |
Le président |
gkisedtanamoogk (directeur principal, «Wabanaki Nations Cultural Resource Centre») |
Le président |
gkisedtanamoogk |
Á | 1110 |
Le président |
M. Terry Young (Coalition pour les droits des autochtones - Atlantique) |
Le président |
Le chef Jeff Tomah (Première nation Woodstock, Coalition pour les droits des autochtones - Atlantique) |
Le président |
Le chef Jeff Tomah |
Á | 1115 |
Á | 1120 |
Le président |
Mme Juanita Perley (À titre individuel) |
Á | 1125 |
Le président |
Mme Juanita Perley |
Le président |
Mme Hart Perley (À titre individuel) |
Le président |
Mme Hart Perley |
Le président |
Mme Juanita Perley |
Le président |
Mme Juanita Perley |
Á | 1130 |
Le président |
M. Rick Hatchette (À titre individuel) |
Le président |
M. Rick Hatchette |
Le président |
Á | 1135 |
M. Rick Hatchette |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 25 mars 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) : Bonjour à tous. Nous reprenons nos audiences publiques sur le projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.
Nous accueillons le chef Betty Ann Lavallée, présidente du New Brunswick Aboriginal Peoples Council, et Mary Gould, trésorière et conseillère en revendications territoriales.
Bienvenue et bonjour. Nous avons une heure à passer ensemble. Dès que vous serez installées, nous allons vous inviter à faire votre exposé, qui sera suivi, nous l'espérons de questions et réponses.
Quand je donne quatre minutes à un député pour une question, c'est quatre minutes pour la question et la réponse. J'espère donc que les députés ne poseront pas de longues questions nécessitant de longues réponses.
Oh, c'est Gary Gould.
M. Gary Gould (conseiller de traité et de revendications territoriales, Conseil des peuples autochtones du Nouveau Brunswick): Mary, c'était ma mère. C'est elle qui est la cause de tous ces problèmes. C'était elle, l'Indienne Maliseet.
Le président : Vous n'êtes pas mariés, c'est certain. Je vais rectifier votre nom sur la liste.
M. Gary Gould : J'ai entendu pire.
Le président : Cela nous arrive à tous. Je fais de la politique depuis 26 ans.
Commencez.
M. Gary Gould : Alors vous êtes un néophyte.
Le président : Oui.
Le chef Betty Ann LaVallée, CD (Présidente, Conseil des peuples autochtones du Nouveau Brunswick) : Bonjour. Je suis Betty Ann Lavallée, chef du New Brunswick Aboriginal Peoples Council.
Au nom de la population représentée par le NBAPC, plus de 7 500 Indiens inscrits et non inscrits vivant hors réserve au Nouveau-Brunswick, j'ai le plaisir de venir présenter aujourd'hui au Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles nos réflexions, opinions et recommandations sur le projet de loi C-7, le projet de loi sur la gouvernance des Premières nations.
Avant de vous présenter notre exposé, permettez-moi, au nom de nos membres malécites, de vous souhaiter la bienvenue dans la patrie et le territoire traditionnel de la Nation malécite, le magnifique Wolastokuk, qu'on nomme maintenant rivière Saint-Jean. J'espère que vous avez fait un voyage agréable pour arriver dans cette terre de la Nation Maliseet, et que votre retour dans votre famille et auprès de vos êtres chers se passera sans encombre.
Honorables membres du comité, je vais maintenant prendre quelques moments pour vous parler du NBAPC et de notre peuple. Ces informations vous seront très utiles pour comprendre notre point de vue non seulement sur le projet de loi C-7 et la Loi sur les Indiens, mais aussi sur les nombreuses autres questions qui concernent les intérêts et les droits des Micmacs, Malécites et autres peuples autochtones résidant au Nouveau-Brunswick.
Le New Brunswick Aboriginal Peoples Council remonte à 1972. À l'époque, c'était l'Association des Indiens non inscrits du Nouveau-Brunswick. Notre principal objectif au départ était de répondre à la nécessité d'avoir une voix pour parler au nom des personnes de descendance malécite et micmaque qui vivaient hors réserve au Nouveau-Brunswick et étaient des Indiens non inscrits. Il s'agissait notamment d'Indiennes qui avaient perdu leur statut à cause de la Loi sur les Indiens, essentiellement de l'alinéa 12(1)b); d'Indiens qui n'avaient jamais vécu en réserve et n'avaient jamais été inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens; d'Indiens qui avaient perdu leur statut parce qu'ils avaient été volontairement ou involontairement dépossédés de leurs droits; et de descendants de toutes ces personnes.
Quand nous avons commencé à prendre contact avec toutes ces personnes et à les organiser, nous nous sommes rendu compte des conditions sociales et économiques lamentables dans lesquelles elles vivaient et nous avons été rapidement confrontés aux multiples problèmes de leur vie quotidienne.
Comme nous étions des Indiens non inscrits, nous n'avions pas droit à l'aide du ministère des Affaires indiennes et nous devions nous en remettre aux programmes d'application générale du gouvernement fédéral et, dans une moindre mesure, du gouvernement provincial. Nous avons élaboré divers mécanismes et organismes de service pour remédier aux difficultés sociales et économiques du peuple autochtone oublié du Nouveau-Brunswick.
Parmi ces mécanismes ou organismes figure la Skigin-Elnoog Housing Corporation, une société de logement sans but lucratif appartenant à des Autochtones et gérée par eux qui a construit ou acquis plus de 1 000 logements sociaux pour des familles à faible revenu autochtones et non autochtones du Nouveau-Brunswick.
La Wabanaki Development Corporation est un organisme de développement économique du NBAPC qui a créé de multiples occasions de formation, d'emploi et de développement économique pour les Autochtones de la province vivant hors réserve.
En administrant de multiples programmes et services pour Développement des ressources humaines Canada, le NBAPC aide depuis 30 ans les Autochtones à recevoir une formation, à améliorer leur instruction et à acquérir des compétences professionnelles et un emploi.
Le programme d'aide à l'éducation du NBAPC a permis à de nombreuses familles autochtones à faible revenu et à leurs enfants d'accorder une plus grande importance à l'éducation dispensée dans les écoles publiques, en reconnaissant l'excellence et en aidant des étudiants autochtones hors réserve à suivre des études postsecondaires.
Le camp d'été du NBAPC, le Camp Rising Sun à Little Lake au Nouveau-Brunswick, permet à des enfants autochtones de milieux défavorisés d'échapper chaque été pendant quelques semaines aux conditions économiques et sociales déplorables auxquelles ils sont souvent soumis, de rencontrer d'autres Autochtones et de renouer avec divers aspects de leur patrimoine autochtone.
Ce ne sont là que quelques exemples des multiples services, institutions et programmes administrés ou créés par le NBAPC depuis 30 ans à l'intention de la communauté des Autochtones vivant hors réserve au Nouveau-Brunswick.
Il est hors de question de comprendre pleinement le NBAPC, son rôle, son but et nos préoccupations concernant la Loi sur les Indiens ou la question de la gouvernance autochtone si l'on ne connaît pas bien la démographie de la population autochtone au Nouveau-Brunswick. Il faudrait énormément de temps pour énumérer page après page de statistiques sociales, économiques et démographiques attestant avec une rigueur implacable des conditions déplorables dans lesquelles vivent les Autochtones hors réserve, mais ce n'est pas l'objet de cet exposé.
Nous allons cependant vous présenter quelques statistiques démographiques et vous renvoyer aux statistiques socio-économiques compilées dans de nombreuses études commandées par Statistique Canada et Patrimoine Canada et dans le volume deux du rapport final de la Commission royale sur les peuples autochtones.
Le recensement de 1996 a révélé que sur environ 17 000 personnes d'ascendance autochtone résidant au Nouveau-Brunswick, 5 500 vivaient en réserve. Les 11 500 Autochtones restants se répartissaient en 4 500 Indiens inscrits vivant hors réserve et 7 000 Indiens non inscrits et Métis.
Les propres chiffres des dossiers du NBAPC et du ministère des Affaires indiennes et du Nord montrent que 32 p. 100 des Indiens inscrits des réserves provinciales vivent hors réserve, soit environ 3 200 personnes. En outre, environ 1 000 Indiens inscrits non territoriaux et Inuits ont élu domicile au Nouveau-Brunswick.
Quand on ajoute à cela les quelque 3 300 Indiens non inscrits, c'est-à-dire les personnes d'ascendance micmaque et malécite qui ne peuvent pas être inscrites en vertu de la Loi sur les Indiens, il est clair que 52 p. 100 des Autochtones, soit environ 7 500 personnes, vivent hors réserve dans la province. C'est donc un nombre important d'Autochtones auxquels les tribunaux ont reconnu un droit non négligeable à participer aux questions autochtones, et ce sont des chiffres qui étayent notre affirmation que l'accès aux programmes, aux services, aux droits issus des traités et à l'autonomie gouvernementale ne doit pas être fondé sur le lieu de résidence ou l'inscription en vertu de la Loi sur les Indiens.
En fait, honorables députés, le projet de loi n'est pas l'outil favori du NBAPC pour aborder le problème de la gouvernance. Bien que ce projet de loi C-7 aborde diverses questions importantes pour les bandes et les conseils de bande et propose plusieurs solutions dont le besoin se faisait sentir depuis bien longtemps, nous craignons qu'une fois devenu loi, il devienne le mécanisme exclusif de reconnaissance de la gouvernance autochtone, ce qui déboucherait sur des décennies de contentieux juridiques entre les membres des bandes et les institutions de gouvernance de ces bandes.
Le NBAPC espère que les engagements du ministre à s'attaquer à des problèmes comme l'appartenance à une bande et le statut d'Indien, la reconnaissance d'une nation et l'accès des Autochtones hors réserve à divers programmes et services se traduiront par des consultations et des initiatives ciblant les Autochtones résidant en milieu urbain et rural. C'est le groupe autochtone qui progresse le plus rapidement au Canada, un groupe trois fois plus important que celui de ses cousins vivant en réserve, un groupe que le gouvernement persiste malgré tout à ignorer en dépit de multiples études et malgré le fait que des organismes comme la Commission canadienne des droits de la personne et la Commission royale sur les peuples autochtones ont réclamé l'adoption de mesures positives au profit des Autochtones hors réserve.
Notre population est généralement d'avis que le projet de loi C-7 ne répond pas vraiment à ses attentes en matière de gouvernance. Le NBAPC a cependant décidé de participer au processus du projet de loi C-7 tout simplement parce que c'est le seul moyen que nous avons de faire progresser nos positions. Nous espérons que les multiples problèmes que nous n'avons cessé de souligner à l'occasion de ces consultations feront l'objet des processus de consultation futurs qui aboutiront à un changement dans la relation entre le Canada et ses peuples autochtones vivant hors réserve.
Je précise pour le compte rendu et pour l'information des membres du comité que le NBAPC a participé aux consultations sur l'affaire Corbiere qui ont résulté de la décision rendue par la Cour suprême le 20 mai 1999 et à toutes les phases subséquentes de consultation sur l'initiative de gouvernance des Premières nations.
Au cours de ces trois années, le Conseil a tenu de nombreuses réunions locales, régionales, provinciales et interprovinciales avec les peuples autochtones du Nouveau-Brunswick et des Maritimes. À la suite de ces consultations et séances d'information avec des Autochtones vivant hors réserve et, dans certains cas, des Micmacs et des Malécites vivant en réserve, il est devenu clair que la solution préférée serait de lancer une initiative législative visant fondamentalement à remplacer la Loi sur les Indiens par une Loi sur les peuples autochtones, un peu comme ce qui était proposé dans le rapport final de la CRPA en 1996.
Il est clair pour nos concitoyens que le projet de loi C-7 est insuffisant à cet égard et que nous allons devoir attendre encore plus longtemps la justice, la reconnaissance et l'action sur les multiples questions d'importance pour les Autochtones vivant hors réserve, ce segment le plus important de la société autochtone qui demeure pourtant marginalisé et oublié.
J'aimerais maintenant vous faire part de nos préoccupations et recommandations touchant plusieurs aspects du projet de loi C-7. Je vous signale à cet égard que dans bien des cas ce que je vous dirai vous semblera peut-être très familier car il s'agira peut-être de choses qui ont déjà été proposées par d'autres groupes qui ont comparu devant votre comité.
Je tiens à vous assurer que toute ressemblance éventuelle n'a rien à voir avec un complot autochtone ou avec du plagiat; c'est simplement le résultat du fait que les problèmes des Autochtones sont les mêmes d'un océan à l'autre, du nord au sud, et résultent du traitement qui leur a été infligé en vertu d'une Loi sur les Indiens désuète aux connotations colonialistes, racistes et assimilationnistes. Cette histoire et ce traitement infligé de façon identique à travers tout le Canada ont entraîné des réactions identiques de la part des Micmacs, des Malécites, des Cris, des Ojibway, des Saulteux, des Dogrib ou des Salish.
¿ (0910)
Je voudrais tout d'abord préciser que notre participation au processus de discussion du projet de loi C-7 ne doit en aucune façon être considérée comme un aval de la démarche fragmentée que le ministre a choisi de suivre pour réformer la Loi sur les Indiens. Comme nous l'avons dit auparavant dans cet exposé, le NBAPC préférerait qu'on remplace la Loi actuelle sur les Indiens par une Loi sur les peuples autochtones. Le NBAPC a souvent eu de la difficulté à limiter la discussion aux considérations étroites de statut et de capacité juridiques, de choix des dirigeants et de responsabilité politique, de structures et pouvoirs de gouvernance, et de gestion et d'imputabilité financière, alors que les Autochtones et les Indiens non inscrits qui ne résident pas en réserve sont affectés par de multiples autres problèmes connexes.
Prenons par exemple la définition d'un Indien. Les articles 6.1 et 6.2 de la Loi sur les Indiens dictent les conditions dans lesquelles on est membre d'une bande et soulèvent la question de l'autodétermination des Premières nations. Cela débouche par extension sur un débat sur les droits des Autochtones qui ne sont pas admis actuellement à être inscrits ou à faire partie d'une bande en vertu de la Loi sur les Indiens.
Deuxièmement, le NBAPC invite instamment le comité à ne pas se laisser piéger par l'approche erronée et méprisante qui consiste à appeler les bandes des Premières nations. Les bandes de Tobique, Woodstock, Saint Mary's, Oromocto, Big Cove, Burnt Church, Red Bank, etc. ne sont pas des Premières nations. Ce sont des composantes importantes des nations micmaque et malécite, mais si l'on remplace le terme «bandes» utilisé dans la Loi sur les Indiens par «Premières nations», on ne fera que saper la reconstitution des Premières nations traditionnelles et de leur gouvernement qu'a demandée la CRPA et que le NBAPC et de nombreux autres groupes autochtones réclament depuis plus de 30 ans.
Ma dernière remarque à ce stade sera pour vous parler de la nécessité de recommander au gouvernement de passer à l'acte sur des questions dont il doit s'occuper d'urgence.
Il y a tout d'abord la reconstitution des formes traditionnelles de gouvernance qui doit faire intervenir les membres des Premières nations en réserve et hors réserve. Les gouvernements doivent mettre sur pied une procédure officielle afin d'organiser le débat sur la question et d'établir un statut équitable pour les membres des Premières nations non inscrits et des institutions parallèles d'autonomie gouvernementale pour ceux qui vivent hors réserve.
La deuxième question consiste à revoir les dispositions de la Loi sur les Indiens qui concernent l'appartenance à une bande et le statut d'Indien pour éliminer la discrimination constante et résiduelle que subissent les Indiens non inscrits et les Indiens inscrits vivant hors réserve. Les paragraphes qui nous dérangent particulièrement sont les paragraphes 75(1), 75(2) et 77(2).
Le dernier problème concerne l'accès aux programmes, services et ressources pour les membres de bandes vivant hors réserve.
J'ai plusieurs recommandations précises sur le projet de loi C-7. Il faudrait tout d'abord prévoir une clause de non-exemption. On a beaucoup parlé du besoin de protection des droits ancestraux et issus de traités. De multiples Autochtones ont ressassé leur crainte que ce processus ne soit un prétexte pour leur retirer leurs droits. Il faut trouver un mécanisme pour garantir aux Autochtones visés par le projet de loi C-7 que les intentions du gouvernement sont honorables. Le NBAPC estime que la meilleure formule consiste à utiliser une clause de non-exemption.
Le NBAPC recommande de reprendre l'expression «il est entendu» que l'on trouve dans un certain nombre de lois fédérales:
Il est entendu que la présente loi n'a pas pour effet d'abroger ou de déroger à un droit ancestral ou issu de traités dont jouissent les Autochtones du Canada en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. |
L'inclusion de cette clause atténuerait considérablement la crainte des Autochtones et concrétiserait l'engagement que le ministre Nault a donné aux Autochtones en leur garantissant que les modifications n'empiéteraient pas sur les droits issus de traités et ancestraux existants.
Nous aurions une autre recommandation au sujet de l'intervention ministérielle. En vertu du paragraphe 10(3) du projet de loi C-7, le ministre peut prendre des mesures correctives si la situation financière de la bande compromet la prestation des programmes et services essentiels, si les états financiers n'ont pas été mis à la disposition du public dans le délai imparti de 120 jours après la fin de l'année, et s'il y a eu récusation d'opinion ou opinion défavorable de la part du vérificateur relativement aux états financiers. Ces pouvoirs d'intervention sont considérables et contredisent les affirmations du ministre quand il prétend vouloir réduire le rôle du gouvernement dans les affaires des bandes.
¿ (0915)
En outre, l'absence de clarté soulève des doutes sur les droits issus de traités dont peuvent jouir les membres de bande hors réserve, qui sont des droits issus de traités protégés par la Constitution. Le NBAPC invite instamment le comité à préciser les financements sur lesquels le ministre peut intervenir et à protéger les droits issus de traités des membres de bande vivant hors réserve, qui ne devraient pas être pénalisés par la faute d'actions des dirigeants vivant en réserve sur lesquelles ils n'ont guère de contrôle.
Troisièmement, il faut établir un organisme indépendant de protection du citoyen. Depuis une dizaine d'années, les peuples autochtones réclament la création d'un bureau d'ombudsman indépendant pour s'occuper de diverses questions. Il s'agirait notamment d'entendre les plaintes des membres de bande contre les dirigeants ou l'administration d'une bande; de traiter les appels lors des élections; de faciliter les pratiques de bonne gouvernance; et de limiter l'intervention du ministre dans les affaires internes des bandes.
La Commission royale sur les peuples autochtones recommandait la création d'une telle institution. Or, pour l'instant, le projet de loi ne prévoit ni un ombudsman, ni une institution indépendante. Il ne propose que la création d'un groupe de bande ou d'un conseil des Aînés pour régler ces questions.
Le NBAPC estime que, si l'on s'en remet à plus de 630 groupes, on va créer plus de problèmes qu'on ne va en régler, et que la plupart, sinon la totalité de ces groupes locaux seront inefficaces en raison des liens de parenté existants. Le NBAPC recommande donc la création d'un bureau national d'ombudsman également représentatif dans ses interventions et son personnel des membres des bandes vivant en réserve et hors réserve.
Quatrièmement, en ce qui concerne l'inéquité du processus de sélection des dirigeants, actuellement les bandes peuvent s'appuyer sur les dispositions de l'article 74 de la Loi sur les Indiens ou suivre les lois coutumières pour le choix de leurs dirigeants. Dans sa version actuelle, le projet de loi C-7 ne donne pas aux bandes visées par l'article 74 la possibilité d'opter pour la procédure coutumière, alors que les bandes agissant selon leurs coutumes peuvent continuer à exercer cette option. Ceci crée une inégalité entre les bandes visées par l'article 74 et les bandes coutumières, et il faut donc rectifier ce problème. Le NBAPC recommande donc de donner aux bandes visées par l'article 74 la possibilité d'opter pour les processus coutumiers de choix des dirigeants et d'exercer les choix prévus à l'article 74.
Cinquièmement, à propos des pouvoirs de perquisition et de saisie, le projet de loi C-7 prévoit la désignation d'agents de la bande disposant de pouvoirs de perquisition, de saisie et de droits de circulation dans une propriété privée. Bien que le NBAPC reconnaisse que la Loi actuelle sur les Indiens pose d'importants problèmes d'application des règlements des bandes, nous nous inquiétons de l'étendue et des risques potentiels d'abus de ces vastes pouvoirs de perquisition et de saisie. En outre, de nombreuses questions se posent toujours sur les pouvoirs de police de ces agents, que l'on a peur de voir se transformer en hommes de main du conseil de bande. Il faudrait aussi préciser les pouvoirs de ces agents.
Nous proposons de laisser de côté cet article du projet de loi C-7 pour l'instant. Nous pensons qu'il serait préférable de donner aux forces de police existantes des instructions plus claires sur leurs pouvoirs et leur rôle en matière de maintien de l'ordre dans les réserves.
Sixièmement, concernant la question de l'équilibre dans l'affaire Corbiere, la Cour suprême a pris grand soin dans sa décision de 1999 sur cette affaire de souligner la question de l'équilibre des intérêts des membres vivant en réserve et de ceux qui vivent hors réserve lors des votes. Le projet de loi C-7 ne se prononce pas de façon satisfaisante sur la question; il précise simplement que les bandes peuvent régler la question de l'équilibre au moyen de codes électoraux.
Or, cet équilibre est tellement complexe qu'il est important de donner des directives claires pour l'exécution des intentions formulées par la Cour suprême. Permettez-moi de vous rappeler ces passages de la décision Corbiere: «Ce qu'il faut, c'est plutôt un système qui tienne compte de la place importante des non-résidents au sein de la bande», et «le régime de droit de vote ne peut pas, comme il le fait maintenant, nier complètement aux membres non résidents des bandes indiennes le droit de participer au système électoral de représentation sans entraîner la violation du paragraphe 15(1). Cette participation ne saurait non plus être minimale, insignifiante ou uniquement symbolique.»
¿ (0920)
Le projet de loi C-7 ne donne aucune directive ni explication claire sur la question de l'équilibre et élude d'autres dispositions discriminatoires de la Loi sur les Indiens comme l'ignoble paragraphe 77(1) évoqué dans la décision Corbiere.
En vertu des paragraphes 75(1) et 75(2), les membres particuliers d'une bande sont obligés de résider sur la réserve pour être proposés comme membres du conseil ou pour proposer ou appuyer la nomination de quelqu'un, et le paragraphe 77(2) demeure intact, avec l'expression choquante «réside ordinairement sur la réserve».
Le NBAPC invite donc instamment le comité à recommander au ministre de donner aux bandes des directives plus claires pour qu'elles élaborent des lignes directrices et des critères clairs sur l'équilibre à réaliser entre les intérêts des membres vivant en réserve et ceux des membres vivant hors réserve. Sinon, on ne peut que s'attendre à d'autres contestations en vertu de la Charte.
Je remercie le comité de m'avoir écoutée et je vais m'efforcer de répondre maintenant à vos questions.
¿ (0925)
Le président : Merci beaucoup pour cet excellent exposé.
Avant de passer aux questions, j'ai quelques remarques. Tout d'abord, l'article 52 du projet de loi C-7 précise que les articles 74 à 80 seront abrogés. Cela répond donc à une de vos objections.
On ne vous accusera pas de participer à un complot d'information, car votre exposé est l'un des très rares exposés à avoir porté sur la question du projet de loi C-7. La plupart des exposés n'ont pas porté sur le projet de loi auquel nous consacrons nos audiences.
Personne n'a à s'excuser de critiquer le projet de loi C-7. Si nous ne voulions entendre que des opinions favorables, nous pourrions le faire directement à Ottawa. Nous voyageons pour écouter les personnes qui sont contre le projet de loi C-7 et savoir pourquoi, et à cet égard votre contribution nous a été très précieuse.
Je précise pour mes collègues que nous avons aussi un problème avec la clause de non-exemption. J'estime personnellement que le gouvernement--le ministre, le premier ministre et le Cabinet--doit se prononcer clairement sur cette notion car nous ne pouvons pas continuer indéfiniment à nous heurter à ce problème à chaque fois qu'il y a un nouveau projet de loi.
Le ministre a clairement dit qu'il n'était pas question de faire ce genre de choses, mais je crois qu'il faut que le gouvernement le dise clairement aussi. S'il ne le fait pas, je pense que c'est notre comité qui va devoir le faire à sa place. J'espère donc que quelqu'un au Cabinet du premier ministre nous écoute et qu'on va régler ce problème une fois pour toutes, car je comprends très bien vos préoccupations. Il faut que quelqu'un se prononce publiquement, sinon il faudra que le comité le fasse lui-même.
Je ne parle pas au nom du comité, je parle simplement en mon nom personnel.
Monsieur Vellacott, vous avez cinq minutes.
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne) : Merci.
Merci, Betty Ann, d'être là, et merci aussi à vous Gary.
Ce n'est pas la première fois que les représentants de diverses bandes et communautés de notre pays nous disent que chaque bande n'est pas une nation.
Je me pose une ou deux questions à ce sujet, et j'aurais ensuite d'autres questions aussi. Je vais donc vous poser celle-ci et vous pourrez y répondre à l'occasion d'autres questions ultérieurement.
Pensez-vous qu'on peut parvenir rapidement à un consensus sur ce point, ou croyez-vous que cette reconstitution des «Premières nations» d'origine va susciter la controverse? Peut-être pourriez-vous garder cela à l'esprit, si vous voulez y répondre, parce qu'avec plus de 600…
Franchement, je pense que ce qui dérange le public canadien, c'est cette notion de 600 entités qui s'autogouvernent au pays qui est un peu difficile à comprendre. Nous avons fait tous ces préparatifs à travers tout le pays, et il serait peut-être un peu plus raisonnable d'avoir une soixantaine d'entités pour l'ensemble du pays.
Mon autre question concerne les avantages dont devraient bénéficier les Indiens hors réserve. Pensez-vous qu'ils devraient venir directement du gouvernement, ou que cela devrait continuer à passer par la bande locale ou la «Première nation», ou qu'il y aurait un moyen…?
Il y a des gens qui ont dit qu'il faudrait que les dirigeants aient moins de contrôle sur les gens au moment des élections, etc. Si les prestations destinées aux Indiens hors réserve, et même à ceux qui vivent en réserve, étaient adressées directement aux individus au lieu de… Vous avez une idée là-dessus, Betty Ann?
Le chef Betty Ann LaVallée : Pouvez-vous préciser? Vous voulez dire qu'on adresserait un chèque directement à chaque individu?
M. Maurice Vellacott : Je ne comprends pas très bien ce que vous dites. Comme vous avez des problèmes à recevoir ces prestations, est-ce que vous dites qu'il faudrait qu'elles vous soient transmises par l'intermédiaire de votre Première nation, ou que vous voudriez pouvoir les toucher directement si vous vivez en ville ou hors réserve?
Le chef Betty Ann LaVallée : Personnellement--et c'est mon opinion personnelle--mes intérêts ont été bien servis par l'organisation que je dirige actuellement. Mais, comme nous le disons dans notre mémoire, je pense que le gouvernement fédéral devrait définir d'autres mécanismes ou structures de gouvernance pour desservir les Autochtones hors réserve.
Nous faisons bien les choses depuis plus de 30 ans. Du début jusqu'à maintenant, nous avons fait du travail excellent. Nous sommes parfaitement ouverts. Nous présentons des états financiers vérifiés chaque année.
¿ (0930)
M. Maurice Vellacott : Bon. Je pense que je vous comprends. Vous pensez qu'il faudrait que l'argent soit versé à votre groupe qui chapeaute tout un ensemble de Premières nations pour qu'il répartisse ensuite cet argent entre les individus. C'est bien votre point de vue?
Le chef Betty Ann LaVallée : Disons que ce serait une possibilité. Je crois que l'essentiel, c'est que les peuples autochtones puissent choisir comme n'importe quel autre citoyen canadien.
M. Maurice Vellacott : Mais qui choisit? Est-ce que c'est chaque individu qui décide de passer par le conseil autochtone, par la Première nation ou de toucher l'argent directement? Qui va faire ce choix?
Le chef Betty Ann LaVallée : Je crois que c'est à chaque individu de le faire. Je devrais avoir le droit de choisir l'organe qui va me représenter.
M. Gary Gould : Il y a aussi la question des membres non territoriaux de Premières nations. Dans le mémoire, nous disons qu'il y a un millier d'Autochtones d'autres Premières nations--Cris, Saulteux, Inuits--qui vivent au Nouveau-Brunswick. Actuellement, notre organisation offre des services et des programmes à ces gens-là. Dans bien des cas, il leur serait extrêmement difficile de faire des milliers de milles pour retourner chez eux s'ils voulaient avoir accès à ces programmes, des programmes et des services d'éducation, de santé, etc.
Il y a un autre problème dont il faut que les députés s'occupent, c'est le fait qu'avec la loi C-31, un grand nombre de personnes qui sont des Indiens inscrits maintenant n'ont jamais eu le moindre rapport avec la communauté à laquelle ils sont liés, et que, il faut bien le reconnaître, beaucoup de ces personnes sont mal acceptées dans leur communauté même si elles sont considérées comme des Indiens en vertu de la Loi actuelle sur les Indiens. On les considère comme des Indiens inscrits ou visés par un traité de deuxième classe. Le gouvernement devrait rectifier cela.
Dans la reconstitution des Premières nations traditionnelles, nous pensons qu'il faut reconnaître que la Nation malécite est composée de gens qui vivent en réserve, hors réserve, d'Indiens inscrits ou non inscrits, et qu'à l'avenir certains de ces non-inscrits pourront très bien s'ajouter à la liste, s'il faut en croire ce que le ministre et le gouvernement nous ont dit en déclarant qu'ils allaient revoir ces articles--et qu'il faut élaborer des instruments de gouvernance pour offrir des programmes et services à ces gens-là en particulier.
Est-ce que cela veut dire…
Le président : Merci beaucoup. Les cinq minutes sont passées.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) : Merci, monsieur le président.
Merci, chef Lavallée pour cette exposé très utile. Il est utile parce qu'il formule des remarques générales mais qu'il comporte aussi des recommandations précises sur le projet de loi.
Contrairement au président, j'estime personnellement que tous les mémoires que nous avons entendus portaient précisément sur le projet de loi C-7, et la plupart du temps avec beaucoup de détails. Beaucoup d'entre eux exposaient presque textuellement les arguments que vous avez cités, et je pense que les représentants de la majorité au moins ont eu l'impression d'une sorte de cabale dans tout le pays pour bloquer ce projet de loi. En fait, je crois que si tous les intervenants citent les mêmes articles, c'est parce que ces articles sont fondamentalement erronés et inacceptables. Cela saute aux yeux quand on a un tant soit peu d'objectivité.
Vous présentez d'excellentes recommandations, et vous êtes en excellente compagnie puisque partout au pays il y a un mouvement massif d'opposition au projet de loi et aux articles que vous avez mentionnés, entre autres.
Ce qu'on nous dit, c'est que le fait d'imposer des codes de gouvernance sape la notion même d'autonomie gouvernementale. L'autonomie gouvernementale, c'est de toute évidence le droit de concevoir des institutions adaptées à ses propres coutumes, traditions, etc., et le projet de loi C-7 est un échec dans presque tous ces domaines.
Cela dit, j'aimerais revenir au début de votre mémoire et vous interroger sur le processus de consultation. Le ministre, dans ses remarques d'ouverture--il a été le premier de nos témoins--nous a dit que le projet de loi avait été rédigé en consultation directe avec 10 000 Autochtones de tout le pays--autrement dit, il a laissé entendre qu'il y avait eu un vaste processus de consultation et que les interlocuteurs avaient abondamment contribué au contenu du projet de loi. Avez-vous eu l'impression de pouvoir contribuer à ce contenu du projet de loi C-7?
¿ (0935)
Le chef Betty Ann LaVallée : Nous avons tenu des réunions communautaires partout dans la province. La dernière a eu lieu dimanche dernier à Dalhousie. Je le sais, parce que cela a représenté 18 heures de route pour moi. Nous avons aussi organisé une commission à la suite de laquelle deux livres ont été rédigés.
Nous avons un groupe de coordination ici dans les Maritimes et nous avons pu réunir…
M. Pat Martin : Nous les avons entendus hier et nous avons des exemplaires du livre.
Le chef Betty Ann LaVallée : Eh bien, c'était nous.
M. Pat Martin : Sauf que rien de ce qui figure dans ces livres ne s'est retrouvé dans le projet de loi C-7, puisque le projet de loi C-7 était déjà rédigé au moment où vous avez tenu vos consultations…
Le chef Betty Ann LaVallée : Peut-être, mais au niveau national nous avons aussi communiqué notre point de vue à notre organisation nationale, le Congrès des peuples autochtones. Nous avons siégé au groupe consultatif ministériel mixte et en tant que représentante du Nouveau-Brunswick, j'ai été tenue au courant de chaque réunion. J'ai reçu les procès-verbaux de chaque réunion, qui ont été transmis à Gary, notre conseiller pour les traités, élu par le peuple pour accomplir cette fonction.
M. Pat Martin : Autrement dit, ce que vous trouvez dans le projet de loi C-7, ce sont les choses que vous avez demandées lors des consultations.
Le chef Betty Ann LaVallée : Pas toutes.
M. Pat Martin : Il y en a?
Le chef Betty Ann LaVallée : Certaines, mais pas autant que nous l'aurions souhaité.
L'une des questions que nous posons, c'est de savoir pourquoi nous faisons cela petit à petit. Si l'on doit remplacer la Loi sur les Indiens, qu'on le fasse.
M. Pat Martin : Mais la Loi sur les Indiens n'a rien à voir avec les Indiens non inscrits, donc les dirigeants des Premières nations ne veulent pas entendre parler du projet de loi C-7.
Le chef Betty Ann LaVallée : Peut-être que les dirigeants ne…
M. Pat Martin : Les dirigeants, au nom des gens qu'ils représentent, ont universellement dénoncé le projet de loi C-7 en l'accusant d'être insultant, colonialiste…
Le chef Betty Ann LaVallée : Eh bien, peut-être qu'ils sont…
M. Pat Martin : Paternalistes.
Le chef Betty Ann LaVallée : Je dois dire que je ne suis pas d'accord parce qu'il y a des dirigeants de réserves qui ont participé au processus.
M. Pat Martin : Nous n'avons pas encore vu cela.
Le chef Betty Ann LaVallée : Pourtant, il y a des chefs de Premières nations élus qui ont participé à ce processus. Lors de notre rencontre à l'Université Dalhousie dimanche, il y avait des gens des Premières nations de la réserve de Papineau qui étaient présents. Nous avons eu des gens des Premières nations de diverses réserves qui ont participé à nos réunions. Nous avons largement ouvert nos portes. Et je sais donc personnellement que des gens vivant en réserve ont participé au processus.
M. Pat Martin : Bon.
Le président : Merci beaucoup.
Monsieur Bagnell.
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.) : Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer et de nous avoir accueillis sur votre territoire, mahsi cho, ainsi que pour votre excellent exposé.
Je pense qu'il devrait servir de modèle pour les autres exposés à divers comités du gouvernement, car vous avez souligné des aspects précis du projet de loi en nous donnant un bon historique et en nous présentant d'excellentes propositions de changement. C'était donc extrêmement utile.
Je suis heureux que vous ayez confirmé qu'on vous avait consultés et que vous avez pu apporter des idées. Vous avez laissé entendre de façon diplomatique que le projet de loi C-7 n'était pas votre approche favorite. Vous avez probablement utilisé les termes les plus diplomatiques que nous ayons entendu à ce sujet.
Je vous pose cette question pour ma propre information, car les débats portent en bonne partie sur les Indiens hors réserve, et les conditions de vie en réserve ne sont pas parfaites non plus. Nous avons énormément de travail à faire sur les conditions de base des Indiens vivant aussi bien en réserve que hors réserve. À votre avis, est-ce que la situation est aussi déplorable dans les deux cas, ou est-ce qu'elle est pire en moyenne pour l'un de ces deux groupes que pour l'autre?
Le chef Betty Ann LaVallée : Je crois que dans le dernier rapport des Nations Unies sur les droits de la personne on compare la situation socio-économique des Autochtones du Canada vivant hors réserve à celle d'un pays du Tiers monde. Donc je pense que l'écart n'est pas très important.
M. Gary Gould : Votre propre ministère de la Santé a récemment publié un rapport montrant que la situation sanitaire des Autochtones vivant hors réserve est aussi mauvaise, sinon pire, que celle de ceux qui vivent en réserve. Ce sont vos propres institutions ministérielles qui publient ces statistiques.
Il y a des preuves, et nous sommes souvent confrontés à ce dilemme. Nous reconnaissons que les conditions sont déplorables dans les réserves, mais cela ne devrait pas être une excuse pour continuer à ne pas tenir compte de nous et à marginaliser les membres de bande qui vivent en dehors des réserves et les Indiens non inscrits.
¿ (0940)
M. Larry Bagnell : Je suis entièrement d'accord. Je suis heureux que le gouvernement semble faire un beaucoup plus gros effort pour élaborer une stratégie, car très souvent les gens vivant hors réserve sont des laissés pour compte dans tous les programmes et services.
J'ai été président d'un Centre d'amitié. Nous essayions de nous occuper de ce problème, mais nous ne pouvions pas faire grand-chose alors qu'il y a énormément de travail à faire.
C'est pour cela que vous avez une recommandation de réparation du préjudice, et je crois en effet qu'il est important de s'en occuper. Si je comprends bien votre recommandation, vous voudriez qu'on remplace le mécanisme de réparation individuelle pour chaque bande ou chaque nation par un bureau national d'ombudsman.
J'ai l'impression que ce serait quelque chose de très lointain, surtout pour les gens qui auraient un problème dans des régions très reculées du pays. Vous pensez que cela pourrait résoudre la question du redressement des préjudices?
Le chef Betty Ann LaVallée : Je crois que si nous n'avons pas un organisme indépendant, distinct de la communauté, comme nous le disons dans notre mémoire, nous allons provoquer des conflits d'une famille à une autre. Nous avons déjà ces problèmes.
C'est pour cela que notre nation est si complexe, si diversifiée, si divisée avec des gens vivant en dehors des réserves et non inscrits. C'est parce que la Loi sur les Indiens n'a pas cessé de monter les Indiens les uns contre les autres.
M. Gary Gould : On pourrait donner un caractère régional à cette institution nationale en la dotant de mécanismes de résolution régionaux ou mêmes tribaux. À notre avis, ce n'est certainement pas en ayant 633 institutions individuelles qu'on trouvera une solution. On ne fera qu'aggraver les problèmes.
Nous sommes plutôt d'accord avec ce que la CRPA a proposé, et nous avons analysé ces situations parce que nous avons constamment des parents qui viennent nous parler de leurs problèmes dans leur communauté. Nous souhaitons avoir une institution nationale qui pourrait très bien avoir des sous-composantes.
M. Larry Bagnell : Ce que vous dites me semble plus logique parce que c'est équilibré. Si ce n'est pas l'autonomie gouvernementale, c'est quelqu'un d'Ottawa qui intervient encore pour renverser la décision. Ce que vous voulez, c'est que les gens contrôlent leur existence et même le mécanisme de redressement. Ce que vous dites me paraît logique.
Merci.
Le président : Merci. Nous allons maintenant passer à des tours de trois minutes.
Monsieur Vellacott.
M. Maurice Vellacott : Je crois que l'autre problème délicat, c'est celui de la décision Corbiere. Je ne comprends pas vraiment tout. Je reçois des réponses différentes selon les personnes quand je les interroge sur l'utilisation des fonds étant donné que le projet de loi C-31 affecte diverses communautés des Premières nations qui peuvent recevoir ou non un financement. Certains disent qu'il n'y en a pas.
Mon autre question concerne la décision Corbiere. À votre avis, est-ce que c'est une solution relativement simple et claire au problème des personnes vivant hors réserve? Est-ce qu'on peut régler le problème de façon claire et nette avec quelques phrases?
Le chef Betty Ann LaVallée : Je vais renvoyer la question à M. Gould qui a été animateur de la discussion sur l'affaire Corbiere.
M. Gary Gould : Il y a un problème qui a été évident dans tout ce processus du projet de loi C-7, c'est que le gouvernement a totalement esquivé la question de l'équilibre. La Cour suprême du Canada a vraiment évité de l'aborder. On s'est contenté de tout un verbiage pour dire qu'il fallait reconnaître la question et s'en occuper.
Je crois que certaines des propositions sont une insulte à la démocratie. Suggérer qu'on donne un siège spécial aux membres de bande vivant hors réserve, quand dans certains cas ce sont 70 p. 100 des membres, par exemple dans la bande à laquelle je suis affilié, qui vivent en dehors des réserves, c'est une plaisanterie. Il faut qu'il y ait un véritable changement démocratique.
M. Maurice Vellacott : Vous me permettez d'intervenir, Gary?
Dans la mesure où il y a des règlements ou des lois qui ne concernent que les gens vivant en réserve, il me semble évident que les gens vivant hors réserve ne s'en soucient pas vraiment.
Je ne sais pas quelles autres comparaisons nous pourrions faire dans le pays, que ce soit au niveau provincial ou fédéral ou autre.
Vous comprenez ce que je veux dire? Certaines de ces choses ne vous intéressent même pas.
M. Gary Gould : C'est une façon très simpliste de voir les choses. Vous pensez que quelqu'un qui vit hors réserve ne s'intéresse pas aux chiens dans les réserves s'il vient rendre visite à des parents dans la réserve et qu'il y a toute une meute de chiens là?
Allons à Saint Mary's et nous en parlerons de l'autre côté de la rivière.
Les gens qui vivent hors réserve s'occupent beaucoup de certaines questions d'intérêt communautaire. Mais je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a beaucoup de choses auxquelles ils ne participent pas parce qu'ils ne vivent pas dans les réserves.
¿ (0945)
M. Maurice Vellacott : C'est un choix.
M. Gary Gould : C'est un choix, mais dans certains cas ce n'est pas leur choix. Il n'y a pas d'emplois, il n'y a pas d'infrastructure, de logements ou de services qui permettraient à tous les membres de la bande de rester sur place.
M. Maurice Vellacott : Vous voulez dire que nous devrions les laisser participer à toutes les décisions?
M. Gary Gould : Non. Ce que je vous dis, c'est qu'on peut certainement trouver une solution pour les questions qui relèvent directement de l'administration locale.
M. Maurice Vellacott : Oui.
M. Gary Gould : Pour les gens vivant en réserve, on peut avoir une double majorité. On a parlé de ces notions dans les discussions constitutionnelles à propos des questions de langue et de diverses autres questions.
On peut trouver des mécanismes, mais le projet de loi et le gouvernement ont soigneusement évité la question. Je pense que nous pouvons nous attendre à de nouvelles contestations en vertu de la Charte devant les tribunaux.
Le président : Merci beaucoup.
Monsieur Martin, vous avez trois minutes.
M. Pat Martin : Merci.
Dans votre mémoire, vous dites:
Notre population est généralement d'avis que le projet de loi C-7 ne répond pas vraiment à ses attentes en matière de gouvernance. Le NBAPC a cependant décidé de participer au processus du projet de loi C-7 tout simplement parce que le est le seul moyen que nous avons de faire progresser nos positions. |
Vous vous en êtes servi comme tribune, et c'est tout à fait légitime. Si l'on ouvre la Loi sur les Indiens à des modifications, on l'ouvre complètement. Vous êtes parfaitement en droit de faire valoir vos points de vue maintenant.
C'est le point de vue qu'ont soutenu vos homologues de la Nouvelle-Écosse qui témoignaient hier--c'était le NSAP?
Le chef Betty Ann LaVallée : C'était le NCNS.
M. Pat Martin : Merci. Il y avait aussi le Maritime…?
Le chef Betty Ann LaVallée : Le Maritime Aboriginal Peoples Council.
M. Pat Martin : Oui.
Tous les deux ont demandé qu'on retire le projet de loi parce qu'ils estiment qu'il est faussé, et qu'on recommence tout en partant des recommandations de la Commission royale et en mettant en place quelque chose de plus solide pour modifier la relation entre le gouvernement et les peuples autochtones des Premières nations au Canada.
Selon vous, le gouvernement devrait-il retirer le projet de loi C-7 et reprendre le travail avec un projet de loi plus complet qui répondrait aux questions que vous avez soulevées?
Le chef Betty Ann LaVallée : Je crois que nous le disions bien dans notre exposé. Au lieu d'une approche fractionnée, nous préférerions qu'on revoie complètement la Loi sur les Indiens et qu'on la remplace par une Loi sur les peuples autochtones qui respecterait et reconnaîtrait la diversité des communautés autochtones du Canada.
Nous ne sommes pas différents de la collectivité non autochtone. Nous avons tous des points de vue différents, des idéologies différentes. Nous sommes tous différents.
M. Pat Martin : L'argument est noté, mais je n'ai qu'une minute.
Plus précisément, voulez-vous qu'on retire le projet de loi C-7?
Le chef Betty Ann LaVallée : Si ce n'est pas pour suivre la méthode que nous préférons, non. Il vaut mieux travailler étape par étape. On y arrivera. Cela prendra peut-être encore 125 ans, mais je préfère quand même qu'on avance.
M. Pat Martin : Le gouvernement va se servir de cela, parce que vous avez pris l'argent pour tenir ces consultations alors que l'APN a refusé. Ils vont se servir de votre mémoire pour dire qu'il y a des Autochtones qui aiment bien ce projet de loi. Le gouvernement va se servir de cela pour faire la promotion du projet de loi C-7. Vous le savez?
Le chef Betty Ann LaVallée : Monsieur Martin, je connais bien le mode de fonctionnement du gouvernement. Je vis sous un régime qui m'a ignorée pendant une centaine d'années, qui m'a privée de mon identité indienne parce que j'avais l'audace de servir mon pays. Je sais très bien que c'est un régime qui ne reconnaît pas mon fils alors qu'il sert ce pays. Je sais très bien ce qui arrive à des gens comme moi.
Alors est-ce qu'on va m'accuser d'être vendue? Oh oui, j'ai déjà entendu bien des fois cette accusation. Est-ce que j'en souffre? Non, tout simplement parce que si on ne participe pas, on n'a pas le droit de se plaindre.
Le président : Merci beaucoup.
Je précise pour le compte rendu que nous savons tous autour de cette table que le comité ne peut pas retirer le projet de loi. Tout ce que nous pouvons faire au maximum, c'est voter contre ces 59 articles. Or, l'un d'eux dit qu'il y aura au moins une réunion par an, et il est donc difficile de voter contre celui-là.
Nous n'avons pas ce choix, tout le monde le sait bien.
Madame Karetak-Lindell.
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci beaucoup pour votre exposé.
Je vais essayer de me faire l'avocate du diable car je suis Autochtone moi aussi. Les gens utilisent des arguments différents pour promouvoir des causes différentes, mais j'aimerais bien avoir votre point de vue sur un ou deux articles.
À propos des pouvoirs de perquisition et de saisie, on nous a dit que ces pouvoirs allaient au-delà de ce qui est octroyé aux autorités municipales, provinciales et fédérales. Pourtant, dans l'affaire Corbiere, vous demandiez à pouvoir voter même si vous n'êtes pas normalement présent dans le réserve. Or, pour pouvoir voter au niveau municipal, provincial ou fédéral, il faut être résident local. Je trouve donc que vous en demandez plus.
J'essaie de savoir quand on veut en avoir plus et quand on veut en avoir moins.
J'aurais aussi une autre toute petite question à propos de l'ombudsman. Vous ne nous avez pas dit comment vous voudriez qu'on choisisse cette personne.
Pouvez-vous répondre à tout cela dans le peu de temps qu'il vous reste?
¿ (0950)
Le chef Betty Ann LaVallée : En ce qui concerne les pouvoirs des agents de la paix et des responsables de la protection, personnellement je n'aimerais pas que quelqu'un vienne défoncer ma porte en pleine nuit sous un faux prétexte, parce que je ne suis pas d'accord avec le chef et que j'exprime publiquement mon point de vue. Aucune personne autochtone--ni aucun citoyen canadien, d'ailleurs--ne saurait tolérer ce genre de comportement. Par conséquent, j'estime que les gens doivent être régis par un code d'éthique strict comparable ou égal à celui qui s'applique à la population générale du Canada.
En ce qui concerne l'ombudsman, je crois que c'est un problème…encore une fois, nous demeurons très ouverts sur cette question. Il en faut un, et c'est une question dont il faut discuter avec les dirigeants autochtones nationaux et le gouvernement du Canada.
C'est une question d'honneur de la Couronne, de juste consultation. Un comité pourrait faire ce travail. Cela s'est déjà fait dans le passé, et peut-être devrait-on mettre à contribution les responsables des droits de la personne.
Pour ce qui est de l'équilibre à réaliser entre les membres vivant en réserve et hors réserve, c'est très délicat. Je ne sais pas. Ce n'est pas facile.
M. Gary Gould : J'ai quelques problèmes. Actuellement, avec la loi, depuis Corbiere, les non-Canadiens peuvent voter à des élections de bande. Vous le saviez? Si vous êtes un membre d'une bande qui n'a jamais mis les pieds au Canada et qui est né aux États-Unis, on vous inscrit sur la liste d'électeurs de la bande et vous pouvez voter. Vous n'avez pas besoin d'être citoyen canadien pour voter aux élections d'une bande en vertu de la Loi actuelle sur les Indiens, et il y a beaucoup de gens qui le font au Canada. Ils reçoivent leur bulletin de vote par la poste et on leur demande de voter pour leur oncle, leur cousin ou quelqu'un comme cela.
Nous estimons que les gens--et quand je dis «les gens»--je ne parle pas de l'administration des bandes, mais des peuples des Premières nations--devraient se réunir pour élaborer leur propre système électoral. Ce n'est pas le cas, et cela ne va probablement pas se réaliser parce que nous savons bien dans quels paramètres ceci se déroule.
Nous espérons que le ministre va examiner ces articles et faire en sorte qu'ils puissent être précisés et modifiés ultérieurement. Nous avons toutes sortes de recommandations que nous pourrions faire à ce sujet, mais ce n'est pas la peine… Enfin, comme on dit ici dans l'est, c'est un proverbe de Terre-Neuve en réalité: quand on pisse contre le vent, ça vous revient dans la face. Cela ne sert à rien de faire cela, c'est du gâchis.
Nous aimerions discuter de ce qui est sur la table. Nous pensons qu'il n'y a pas suffisamment de choses, et qu'il faut le dire au gouvernement. Je suis sûr que la plupart des groupes autochtones sont de cet avis.
Est-ce que nous sommes contre le projet de loi? Ce serait plus facile pour nous de venir dire qu'il faut le mettre à la poubelle, un point c'est tout. Mais cela ne servira à rien. À rien si ce n'est encore une fois un grand titre dans les journaux à propos d'un groupe d'Autochtones disant: «Un groupe d'Autochtones réclame qu'on mette le projet de loi à la poubelle», parce que c'est la seule chose qui intéresse les médias. Les journalistes ne vont pas parler de changements positifs. C'est comme cela, et nous le savons bien.
Mme Nancy Karetak-Lindell : Merci.
Le président : Monsieur Vellacott, vous avez deux minutes.
M. Maurice Vellacott : Vous dites ici que si nous supprimons ou si nous n'acceptons pas la partie du projet de loi qui concerne les vastes pouvoirs de perquisition et de saisie, il faudrait donner aux forces de police des instructions claires sur leurs pouvoirs et leurs rôles en matière d'application de la loi et de maintien de l'ordre dans les réserves.
J'aimerais bien avoir des exemples précis, car j'ai l'impression que la GRC a le sentiment d'avoir les mains liés. Si les gens se plaignent de leur chef et de leur conseil, la GRC les renvoient au chef et au conseil. Évidemment, ça ne marche pas la plupart du temps. C'est comme si on essayait de clouer du jello sur un mur. Je suis d'accord avec vous sur ce point, mais comment pouvez-vous leur donner des instructions plus précises s'ils n'ont de toute façon pas beaucoup de pouvoirs et risquent de se trouver dans une situation où ils vont provoquer un sérieux conflit entre des familles, etc.?
Pourriez-vous me dire précisément à quoi vous pensez, et comment et de quelle façon pourrait-on leur donner des instructions plus claires?
¿ (0955)
M. Gary Gould : En réalité, ce que vous proposez, c'est encore plus dangereux que le recours à des policiers qualifiés. Ce que vous proposez, c'est de créer une institution qui disposera de pouvoirs policiers sans aucuns paramètres.
Notre problème, et c'est aussi ce que nous disent les gens qui vivent en réserve, c'est que nous avons très peur de ces individus nommés qui n'auront pas de formation policière claire ni de légitimité claire en vertu de la Charte des droits et liberté. Il y a des dispositions dans la Charte des droits et libertés sur les perquisitions et ce genre de choses.
M. Maurice Vellacott : J'ai un problème. Ce n'est pas moi qui ai proposé cela, mais cette partie du projet de loi m'inquiète. Vous dites qu'il faut s'adresser à la GRC, parce que c'est souvent son…
M. Gary Gould : Ou aux policiers locaux qui s'occupent des réserves en leur donnant un mandat clair. C'est l'une des questions: est-ce qu'ils ont ou non un mandat? Il faut tirer cela au clair.
Le président : Merci beaucoup.
Premièrement, si quelqu'un venait défoncer votre porte en pleine nuit, ce serait illégal parce qu'on n'a pas le droit de pénétrer dans les logements.
Ensuite, vous dites qu'on fait tout sans établir des paramètres, mais quand on établit des paramètres, on accuse le gouvernement de tout vouloir décider au nom des Premières nations. Par contre, si le gouvernement laisse les Premières nations élaborer ces paramètres, on l'accuse de légiférer sans paramètres. J'imagine que cela doit être un problème pour les gens concernés, mais je préférerais que ce soit eux plutôt que le Cabinet qui élaborent ce genre de disposition. Je voulais simplement le signaler.
Monsieur Martin, vous avez deux minutes.
M. Pat Martin : Merci.
Une des dispositions sur lesquelles on a attiré notre attention parce que les gens ne sont pas du tout d'accord, c'est le paragraphe 9(3), où l'on dit que les états financiers «sont mis à la disposition du public». Il ne s'agit pas simplement des membres de la bande, mais de toute personne qui en fait la demande. Il s'agit aussi des états financiers d'une entreprise que vous pourriez avoir dans votre réserve et qui est en concurrence directe avec une autre entreprise ailleurs. Donc le concurrent pourrait très bien venir à votre bureau de bande et exiger de voir les états financiers de votre entreprise privée à but lucratif. Que pensez-vous de cet article?
Le chef Betty Ann LaVallée : Au NBAPC, pour tous les fonds que nous recevons, nous avons un vérificateur indépendant qui est élu par la population et qui lui présente directement ses rapports. Chaque année, il présente un état de sa vérification financière à la communauté lors d'une assemblée générale annuelle. Cet état est ensuite transmis aux divers ministères et il doit être conforme aux directives du Conseil du Trésor énoncées par le gouvernement fédéral.
Est-ce que cela me pose un problème? Pas du tout, je le fais chaque année.
M. Pat Martin : Donc cela ne vous dérange pas qu'un étranger puisse se présenter au bureau de bande et demander à voir les états financiers de votre entreprise, de votre fabrique ou de votre usine de transformation du poisson, ça ne vous pose pas de problème qu'un concurrent direct vienne voir…
Le chef Betty Ann LaVallée : Pas du tout.
M. Pat Martin : Vous faites manifestement partie de ceux qui poussent en faveur de ce projet de loi, et vous avez bien fait votre travail…et je suis certain que le gouvernement va se servir de vos remarques pour imposer ce projet de loi aux Premières nations. Félicitations.
Le chef Betty Ann LaVallée : Merci.
M. Pat Martin : Je n'ai pas d'autres questions.
Le président : Si j'avais une médaille à distribuer, je vous la donnerais.
M. Pat Martin : Vous avez enfin trouvé quelqu'un qui aime le projet de loi, monsieur le président.
Le président : Ça fait quatre semaines qu'il me fait des misères.
M. Pat Martin : Vous avez dû attendre quatre semaines pour réussir à trouver quelqu'un qui est pour le projet de loi.
Le président : Ce n'est pas un scandale national d'être pour un projet de loi. Cela ne devrait déranger personne.
Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) : Merci, monsieur le président.
M. Martin a fait de son mieux pour faire savoir partout dans le pays que son parti n'était pas favorable à ce projet de loi. En fait, la plupart des membres du comité ne partagent pas son interprétation de cet article à propos de l'imputabilité, pas plus que ne le ferait un représentant quelconque d'entreprise.
Aliant, par exemple, la grande compagnie de téléphone du Canada atlantique, ne présente pas tous ses dossiers, mais elle présente chaque année un rapport annuel de ses activités--mais peu importe.
Je vous félicite tous les deux de votre excellent exposé qui est très percutant. M. Martin s'en est probablement rendu compte.
Je vais faire cette remarque pour le compte rendu car elle concerne les gens que vous représentez. Nous nous sommes déjà rencontrés. Je sais qu'ici au Nouveau-Brunswick, de nombreuses personnes qui appartiennent à votre conseil ont été privées de leurs droits en 1940 ou 1950, parce que quand on vivait hors réserve, souvent on n'était pas considéré comme faisant partie des Indiens inscrits au Canada. C'est un problème qui remonte à bien longtemps au Nouveau-Brunswick, monsieur le président.
Des gens ont perdu leur statut,comme on dit, en vertu d'autres parties de la Loi sur les Indiens. Je sais que ce groupe défend énergiquement cet argument depuis des années, et je pense bien que la nation canadienne va devoir tôt ou tard se pencher sur cette question de statut. Pourquoi quelqu'un qui a voté aux élections fédérales de 1950 perdrait-il son statut d'Indien inscrit?
Dans le temps qui reste, peut-être que Betty Ann pourrait nous parler brièvement des problèmes des gens qu'elle représente.
À (1000)
Le président : Il ne reste plus de temps, vous avez utilisé les deux minutes.
Chef Lavallée, vous avez trois minutes pour conclure. Vous pouvez parler de cette question ou faire vos propres…
Le chef Betty Ann LaVallée : Je vais en parler. Personnellement, j'ai été membre des Forces armées canadiennes pendant 17 ans, j'ai la CD et la Médaille du jubilé de la Reine. Mon père en a été membre pendant 38 ans et demi avant moi, et à un moment nous nous sommes croisés.
Il a participé aux conflits en Corée et en Égypte durant la Guerre des six jours, et avant lui il y a eu mon grand-père. Mon fils est actuellement au 3e RCR à Petawawa et il se prépare pour sa troisième ou quatrième mission en Afghanistan en août.
Nous avons une longue tradition de service militaire. À cause de cela, parce que nous avons servi notre pays, honoré nos obligations en vertu des traités et épaulé nos amis coloniaux, on nous a pénalisés. On nous a dépouillés de notre identité d'Indiens inscrits.
J'ai été doublement pénalisée. J'ai épousé un non-Autochtone. Par conséquent, alors que mon fils aurait été considéré comme Indien inscrit une fois les traités réglés, en vertu de la Loi sur les Indiens actuelle, il ne peut pas être inscrit, alors que les enfants de mon frère le peuvent. Avec la Loi sur les Indiens, le sexisme et le racisme se portent bien au Canada.
Pour ce qui est de participer au processus du projet de loi C-7, comme je l'ai déjà dit, le NBAPC a toujours pris position. On ne peut pas passer son temps à geindre et à se plaindre de sa situation si, quand on a la possibilité d'essayer d'améliorer les choses, on refuse de participer. C'est trop facile de se plaindre sans rien faire. Il faut de l'audace, du courage et de la force morale pour dénoncer haut et fort la situation, parler ouvertement et réclamer le pouvoir pour les peuples autochtones. C'est là qu'il faut s'exprimer et faire le maximum.
Aurons-nous toujours ce que nous demandons? Non, et nous le savons bien. Nous accusera-t-on d'être des vendus? Bien sûr, mais j'ai les épaules larges. Sinon, mon peuple ne m'aurait pas élue pour servir ses intérêts.
Je vais laisser à Gary les quelques minutes restantes pour conclure.
M. Gary Gould : Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce qu'a dit Betty Ann. Disons simplement que le conseil a pour tradition de participer aux processus et aux amendements constitutionnels. C'est simplement parce que quand la porte est ouverte, on profite de l'ouverture. On glisse son pied, et ensuite on passe les épaules et la tête. C'est plus facile de profiter d'une porte ouverte que de se heurter à une porte fermée.
Nous ne sommes pas du tout d'accord avec le projet de loi. Nous allons insister pour que le ministre respecte son engagement à apporter des modifications futures pour répondre aux problèmes de notre peuple. C'est l'histoire qui sera juge. Soyez sûrs que si ce gouvernement, ou un autre après lui, revient sur ses promesses, il entendra parler de nous. Nous pensons que nous pouvons faire changer les choses ensemble.
Nos cousins dans les réserves ont un programme différent. Il n'y a pas 36 possibilités. Beaucoup d'entre eux vont s'exprimer contre ce projet de loi. Ils peuvent expliquer leur point de vue.
Le président : Merci beaucoup.
Nous constatons, et on nous l'a encore rappelé ce matin, qu'il reste encore beaucoup de travail à faire. Ceci n'est qu'une petite partie du travail que le gouvernement doit accomplir.
Je peux vous dire que les gens que vous représentez ont de la chance de vous avoir. Votre intervention nous sera très utile lorsque nous procéderons à l'étude article par article. Je suis sûr qu'on en reparlera. Merci beaucoup.
À (1005)
Le chef Betty Ann LaVallée : Merci.
Le président : Je vais maintenant inviter Ronald Gaffney et Brian Bartibogue du Mawiw Council of First Nations, à s'approcher. Bienvenue. Nous avons 30 minutes à passer ensemble. Nous vous invitons à faire votre exposé, en espérant que vous allez nous laisser du temps pour vous poser des questions. Allez-y.
M. Brian Bartibogue (Conseil Mawiw des Premières nations):
Je souhaite la bienvenue aux honorables membres du comité permanent, aux invités et observateurs et à toutes les personnes présentes.
Merci de l'invitation et de la possibilité offerte aux commettants micmacs et malécites du Conseil Mawiw de faire connaître leurs vues sur le projet de loi C-7, Loi sur la gouvernance des Premières nations.
La première impression que j'aimerais que les membres du comité permanent retiennent du présent exposé, c'est le dégoût et l'insatisfaction extrêmes que ce texte de loi inspire aux Micmacs, et aux Malécites du Nouveau-Brunswick. Ce n'est pas ce que nos gens souhaitent, ce n'est pas ce dont ils ont besoin, et ce n'est pas ce qu'on leur a promis.
Les Micmacs et les Malécites voient dans le projet de loi une nouvelle menace contre leur culture et leur statut de société distincte. Il semble bien que nous en sommes arrivés aux stades finals des efforts déployés pour faire en sorte que notre peuple n'exerce jamais son droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Le projet de loi est un expédient dans le meilleur des cas et une insulte aux Premières nations dans le pire. Il illustre simplement la faillite de l'approche du Canada dans le dossier de la gouvernance des Indiens.
En 1983, le Premier ministre du Canada, Pierre E. Trudeau, a déposé, à l'occasion de la conférence constitutionnelle sur les droits des Premières nations, une proposition visant l'inclusion dans une charte constitutionnelle:
des droits des peuples autochtones [et] des institutions liées à diverses formes de gouvernement autochtone dans le respect de la Constitution des lois du Canada pour répondre aux besoins respectifs de leurs collectivités [...] |
En 1984, le Parlement a introduit le projet de loi C-52, portant sur l'autonomie gouvernementale des nations indiennes, qui énumérait des pouvoirs poussés pour les gouvernements indiens.
En 1992, on reconnaissait dans l'Accord de Charlottetown les gouvernements indiens comme l'«un des trois ordres de gouvernement au Canada».
En 1996, le projet de loi S-9, Loi prévoyant l'autonomie gouvernementale des Premières nations du Canada, a été déposé au Sénat du Canada. On tentait d'y doter les Premières nations d'une liste de pouvoirs législatifs poussés, allant du contrôle par les Premières nations de leurs terres, de leurs biens et de leur argent, à l'octroi de permis en passant, entre autres choses, par une mainmise sur les entreprises, les soins de santé, le mariage, l'aide et le bien-être sociaux, l'adoption et la garde des enfants, l'éducation de même que l'administration de la justice.
Dans le préambule de la loi, on lisait:
[...]il convient, par souci d'équité et dans l'intérêt public, que les nations, tribus et collectivités indiennes soient libres d'administrer leurs populations et de gérer leurs terres et leurs ressources, en disposant à cet effet des moyens de gouvernance voulus. |
Nous sommes tombés bien bas.Au milieu des années 80 et au début des années 90, le Canada était disposé à reconnaître les aspects inhérents de la souveraineté administrative des Premières nations, représentant un troisième ordre de gouvernement au Canada. Voilà aujourd'hui qu'on a déposé et qu'on étudie le projet de loi C-7.
Le projet de loi vise simplement à faire taire quelques critiques bruyants qui prétendent que les Indiens, astreints au carcan de la Loi sur les Indiens, doivent désormais rendre des comptes plus poussés à l'endroit des mesures qu'ils prennent et des fonds que leur verse le Parlement.
Après force consultations et débats internes, la vaste majorité des commettants micmacs et malécites des collectivités Mawiw sont d'avis que le projet de loi C-7, Loi sur la gouvernance des Premières nations, a très peu à voir avec la gouvernance en soi.
Il s'agit plutôt d'un modèle organisationnel qu'on veut imposer aux Premières nations: en utilisant les mécanismes décisionnels d'une entreprise à but lucratif, les Premières nations, espère-t-on, seront en mesure de régler leurs problèmes en s'intégrant--ou plutôt, je devrais dire en s'assimilant--à l'économie dominante. Dans le projet de loi, on définit pour les gouvernements indiens un cadre qui n'est ni nécessaire ni revendiqué par les citoyens des Premières nations eux-mêmes.
La plupart des Premières nations et les organisations qui les représentent ont boudé le processus de consultation qui a précédé le dépôt du projet de loi. Ce dernier n'a pas été rédigé en concertation avec nos dirigeants ou nos assemblées.
Prenez, par exemple, la Partie 1 qui concerne la gouvernance des bandes, plus particulièrement l'alinéa 5(1)b) et les normes minimales qu'il instaure relativement au code de sélection des dirigeants. Le projet de loi oblige une bande à adopter un code:
établissant la façon de choisir les membres du conseil de manière que la majorité d'entre eux soient élus. |
À quoi nous exposons-nous?
En présence d'indications et de lignes directrices laissant entendre que la disposition a pour but d'intégrer les personnes occupant une position traditionnelle ou héréditaire reconnue dans le processus décisionnel relatif au conseil, les Premières nations verraient peut-être les choses sous un jour plus favorable. À l'évidence, cependant, ce critère général représente un recul par rapport aux principes de la démocratie représentative et invite des comptables, des avocats et des cogestionnaires ou d'autres personnes du genre à obtenir une représentation ouverte au conseil des Premières nations, sans y avoir été élus. On pourrait même imaginer que des non-Indiens soient en mesure d'exercer un droit de vote décisif au sein d'organismes directeurs des Premières nations.
Je suis certain que vous êtes au fait des critiques adressées à l'article 5 du projet de loi, lequel contraint les collectivités des Premières nations à utiliser ou à perdre les règles selon la coutume pour la sélection de leurs dirigeants. Elles doivent adopter un nouveau code conforme à leurs coutumes dans une période de deux ans ou se faire imposer des règles de sélection très différentes.
Cette approche montre bien l'incompréhension des rédacteurs du projet de loi C-7 face aux gouvernements des Premières nations fondés sur la tradition et leur insensibilité à cet égard. Bon nombre de coutumes sur lesquelles des Premières nations se fondent pour choisir leurs dirigeants découlent de la tradition orale et de pratiques ancestrales séculaires. Si, aux yeux de certains non-Indiens, les règles d'élections selon la coutume peuvent paraître vagues ou imprécises, elles n'en constituent pas moins un lien avec le passé des Premières nations, un consensus précieux qu'une collectivité peut ne pas vouloir modifier, étoffer ou codifier à seule fin de satisfaire à l'idée que quelqu'un d'autre se fait de la notion de clarté.
À la faveur de vos déplacements, vous avez entendu dire, j'en suis certain, que le mot «chef» avait d'une façon ou d'une autre disparu de ces modifications majeures de la Loi sur les Indiens Vous aurez beau lire le projet de loi C-7 en long et en large, vous ne trouverez pas le rôle prévu pour nos chefs en vertu de ce nouveau modèle de gouvernance indienne. Il est clair qu'il n'y en a pas. Le mot «chef» et la charge qu'il décrit ne font pas partie du nouveau projet de loi. Pourquoi cette omission?
À l'origine, les chefs étaient reconnus par la Loi sur les Indiens parce que la dépendance à l'égard des chefs, des sachems, des sagamores ou des notables à titre de représentants de la tribu et de ses vues auprès des non-Indiens représentait l'une des principales caractéristiques de la plupart des gouvernements tribaux. Il existe un lien solide entre cette charge et notre passé. Aux termes d'une modification majeure du processus de sélection des dirigeants des Premières nations, on abandonne la continuité de la direction au bon vouloir des rédacteurs de nos codes de sélection.
Naturellement, les parlementaires diront que ces codes de sélection seront adoptés par le peuple, pour le peuple. Si des habitants des Premières nations s'opposent aux idées des membres désignés du conseil ou qu'ils souhaitent que leur gouvernement indien soit dirigé par un chef, ils n'approuveront pas de code affirmant le contraire. N'oublions pas ceci: tandis que, dans le premier cas, la Loi sur les Indiens exige toujours qu'une majorité d'électeurs de la bande approuvent toute cession de terres d'une réserve, le projet de loi C-7, au paragraphe 4(2), porte qu'une bande peut adopter un nouveau code de sélection des dirigeants avec la participation de seulement 25 p. 100 des électeurs admissibles.
Deuxièmement, n'oublions pas non plus que le projet de loi C-7 n'a pas été élaboré par des Premières nations ni avec elles. Il est étranger. Nos gens ne s'y reconnaissent pas. En l'absence d'appropriation communautaire, des personnes sans scrupules tendent à profiter de cette absence d'engagement. Le mode de politique implacable favorisé et créé par le régime de la Loi sur les Indiens incitera certaines personnes à tenter de manipuler les dispositions du nouveau projet de loi pour préserver le statu quo et empêcher les personnes aujourd'hui confinées aux lignes de touche d'exercer une influence sur les leviers de pouvoir.
Ces codes de sélection des dirigeants ne ressemblent en rien aux constitutions des Premières nations. Comme le précise l'article 4 du projet de loi, c'est le «conseil de la bande», et non ses membres, qui élaboreront les codes en question. Certains conseils tenteront peut-être d'élaborer et de faire adopter rapidement des codes qui préservent simplement des intérêts politiques et économiques particuliers au sein des collectivités des Premières nations. Il est certain qu'un tel mécanisme favorisera une division encore plus grande dans bon nombre de réserves. Voilà ce qui arrive lorsque le Canada se mêle de dire aux Premières nations ce qui est bon pour elles.
Nous pourrions poursuivre longuement sur les aspects négatifs du projet de loi C-7. Par exemple, qui assumera les coûts énormes de l'élaboration et de la mise en oeuvre des codes? Aura-t-on droit à un autre projet de loi C-31, ou à un projet de loi sur la réintégration de membres en vertu de la Loi sur les Indiens,en vertu duquel ce sont les collectivités indiennes qui, pendant des années, peuvent assumer les coûts et les retombées du mécanisme imposé?
Le projet de loi, on n'en sort pas, est pour le Canada et non pour nous. C'est un modèle générique de gouvernement qui normalise les procédures et prévoit un semblant de reddition de comptes.
En vertu de la Loi sur les Indiens et des accords financiers existants, le Canada pourrait dès aujourd'hui obliger les gouvernements des Premières nations à assurer une responsabilité comptable et une équité de la procédure véritables. Il s'agit simplement de faire appliquer les règles qui existent déjà. On n'a pas besoin de nouvelles dispositions législatives. Ce que nous prévoyons plutôt, c'est que le gouvernement adoptera une nouvelle loi vouée à l'échec puisque les personnes qui ne se conforment pas aux anciennes règles manipuleront tout simplement les nouvelles.
La véritable conformité doit s'accompagner d'un sentiment d'obligation, de responsabilité et d'appropriation. On ne peut la légiférer de cette façon.
Les Malécites et les Micmacs s'opposent au projet de loi C-7, pas tant en raison des dispositions qu'il renferme que de la perception qu'ils ont qu'il s'agit d'obligations étrangères qu'on leur impose contre leur volonté collective. Avec un peu de chance, ce ne sera pas le cas.
Il y a une solution de rechange. Le Canada pourrait faire ce qu'il se disait disposé à faire au milieu des années 80 et dans les années 90: reconnaître les gouvernements des Premières nations, préserver les pouvoirs souverains inhérents du gouvernement sur des aspects fondamentaux des relations au jour le jour qui concernent les citoyens et investir dans les ressources pour que les Premières nations se dotent de constitutions communautaires et culturelles dans le respect de paramètres mutuellement acceptés.
Nous avons une tradition dans le domaine de l'établissement de consensus et de lois. Pour reprendre les mots du projet de loi S-9, permettez-nous d'administrer nos populations et de gérer nos terres et nos ressources. Certains prétendront que le projet de loi C-7 n'est qu'une solution intérimaire sur la voie d'un véritable gouvernement indien. Au Nouveau-Brunswick, nous connaissons trop bien les accords de récolte et de pêche intérimaires qui durent année après année, sans conclusion en vue.
Nous pensons que le projet de loi C-7 n'est que la première étape d'un projet visant à détourner l'attention de nos peuples des droits et des traités en échange d'une promesse fallacieuse de développement économique grâce à l'intégration à la société en général. La tentative est vouée à l'échec, mais elle engendrera des douleurs et des frustrations énormes. Le projet de loi est un nouveau chapitre dans l'histoire de l'assimilation. Nous considérons qu'il contrevient aux droits de la personne en ce sens qu'il tente d'amoindrir les administrations des Premières nations afin qu'elles répondent aux attentes du Canada.
Ce n'est pas nécessaire. Le Canada n'a pas à nous dire ce qu'il faut faire. Au moyen de mécanismes comme le projet de loi C-7, nous pouvons conclure un véritable partenariat et en arriver à des accommodements à condition d'ouvrir l'oreille, et d'écouter et de tirer des leçons les uns des autres.
Sur ces mots, je vous soumets respectueusement notre mémoire.
À (1015)
Le président : Merci beaucoup d'un excellent exposé et de votre position sur le projet de C-7. Nous vous en savons gré : c'est précisément l'aide que nous sommes venus chercher. Vous nous avez été très utile.
Monsieur Vellacott, pour une ronde de quatre minutes.
M. Maurice Vellacott : En ce qui concerne le projet de loi C-7, dois-je comprendre que vous préféreriez la Loi sur les Indiens actuelle, les problèmes qu'elle pose et le statu quo à toute autre solution dans l'attente de l'autonomie gouvernementale pleine et entière?
M. Brian Bartibogue : De toute évidence, le statu quo pose des problèmes. Si le statu quo était convenable ou satisfaisant, nous ne serions pas témoins des problèmes et des conflits qui se posent actuellement un peu partout au pays.
Franchement, je pense que nous sommes nos propres héros et que nous avons nos propres solutions. À titre de Premières nations, nous comprenons notre situation. Si on nous donne l'occasion de prendre notre destinée en mains, je suis certain que nous le ferons.
À (1020)
M. Maurice Vellacott : Cela n'est-il pas lié de très près aux accords sur l'autonomie gouvernementale et le reste? Que faire jusqu'à ce que de tels accords aient été conclus? Préférez-vous rester avec la Loi sur les Indiens?
M. Brian Bartibogue : À ce stade-ci, le projet de loi C-7 est si insultant que, en l'absence d'autres solutions de rechange, nous préférerions, je pense, conserver la Loi sur les Indiens.
M. Maurice Vellacott : Y a-t-il dans la plupart des nations ou des groupes que vous représentez des codes écrits de sélection des dirigeants outrepassant probablement les exigences du projet de loi C-7?
M. Brian Bartibogue : Voulez-vous parler du conseil tribal ou des collectivités individuelles?
M. Maurice Vellacott : Les collectivités individuelles.
M. Brian Bartibogue : En ce qui concerne la sélection des dirigeants, les collectivités sont aujourd'hui régies par la Loi sur les Indiens, mais il existe aussi un gouvernement traditionnel qui n'est jamais disparu. Il existe toujours.
M. Maurice Vellacott : Dans certaines régions du pays, on est allé de l'avant et on a pris l'initiative, même, je crois, au niveau local. Les intéressés ont probablement eu des démêlés avec le Ministère en ce qui concerne l'utilisation ou l'application de telles dispositions. Mais vous nous dites que votre conseil tribal a adopté des codes de sélection des dirigeants ou quelque chose de comparable. Les aspects financiers et administratifs sont-ils touchés dans le projet de loi? Tout est déjà prévu?
M. Brian Bartibogue : Permettez-moi de clarifier les choses. Je viens tout juste de consulter notre conseiller juridique pour m'assurer que les trois Premières nations fonctionnent actuellement aux termes de la Loi sur les Indiens et des codes qu'elle renferme. Il est certain que nous avons de nombreuses Premières nations tout à fait capables d'élaborer ce genre de codes à la demande du chef et du conseil.
M. Maurice Vellacott : Elles ne l'ont pas fait, mais, ce que vous nous dites, c'est qu'elles pourraient le faire si on leur en donnait la permission.
De votre point de vue, Brian, il n'y a donc absolument rien de valable dans le projet de loi C-7?
M. Brian Bartibogue : Pour vous répondre très franchement, non. Il ne nous appartient pas. Il est étranger. Il faudra un jour que le gouvernement renonce à son approche paternaliste et nous demande ce que nous voulons. Comment allons-nous façonner notre avenir? Comment allons-nous surmonter nos problèmes? Ce n'est pas ce qu'on fait.
M. Maurice Vellacott : Avez-vous participé aux consultations ou à tout autre...
M. Brian Bartibogue : Non. De nombreuses personnes ont boycotté les consultations parce que, à leurs yeux, elles n'avaient pas été conçues adéquatement. Nous n'avons pas participé à l'élaboration du projet de loi. Il avait donc plus d'opposants que de participants, et je pense que vous êtes très conscients de cette réalité d'un bout à l'autre du pays.
M. Maurice Vellacott : Merci.
Le président : Monsieur Martin, quatre minutes.
M. Pat Martin : Merci, monsieur le président. Merci, messieurs Bartibogue et Gaffney, de votre exposé.
Vous soulevez de nombreux points valables, et, comme je l'ai indiqué plus tôt, vous êtes en bonne compagnie. Vous avez raison. Partout dans le pays, nous avons rencontré une vive opposition au projet de loi, pour bon nombre de motifs que vous avez exposés. Merci, donc, de votre clarté et d'avoir souligné pour nous certains de ces motifs.
Je pense que, à votre avis, le gouvernement pousse le projet de loi sous prétexte de favoriser la reddition de comptes. Il a commencé par une campagne de désinformation en laissant entendre que de si nombreuses Premières nations sont si mal administrées qu'on doit avoir la main lourde ou, à tout le moins, préparer la voie.
Mais l'objectif secondaire qui semble remonter à la surface aujourd'hui, c'est qu'il tente de se dégager de ses responsabilités de fiduciaire qui, il s'en rend compte et les tribunaux le confirment, sont très lourdes. Il va devoir trouver des accommodements avec vous pour votre vie durant, et il préférerait refiler aux bandes et aux conseils son obligation fiduciaire.
Vous avez soulevé la question des coûts. Les consultations elles-mêmes, qui, à tous points de vue, ont été une imposture et une farce, ont coûté de 10 à 15 millions de dollars. Il en coûtera 110 millions de dollars par année pour imposer cet ensemble de règles à des personnes qui n'en veulent pas et qui n'en ont pas besoin, et nous pensons que l'estimation est basse.
L'imposition de règles à 633 Premières nations qui n'en veulent pas pourrait être, du point de vue des dépenses superfétatoires, le prochain équivalent de l'enregistrement des armes à feu. Nous courons à la catastrophe.
Voici ce que je veux vous demander : êtes-vous d'accord avec le point de vue dominant que nous entendons, c'est-à-dire que le projet de loi C-7 devrait être retiré et supprimé et que le comité, si nous voulons redéfinir les liens entre les Premières nations et le gouvernement du Canada, devrait le retirer et tout reprendre depuis le début, peut-être sur la foi des recommandations de la commission royale.
À (1025)
M. Brian Bartibogue : À mon avis, ce serait un très bon point de départ, mais il faudrait à tout prix prévoir un mécanisme très inclusif et accueillant pour les Autochtones.
J'ai suivi les délibérations à la Chaîne d'affaires publiques par câble (CPAC), et c'est difficile. Sans vouloir offenser personne, je dois dire que le fait de voir de nombreux non-Autochtones décider du destin de mon peuple une fois de plus me met en colère. Je suis frustré. Je fais de gros efforts pour n'avoir ni ressentiment ni haine parce que, en vertu d'un schéma reconduit au pays depuis l'arrivée des bateaux, c'est toujours vous qui avez les solutions.
M. Pat Martin : Je ne vous blâme pas.
L'un des témoins que nous avons accueillis est l'auteur de l'étude fondamentale menée à Harvard sur le développement économique au sein des collectivités des Premières nations, et il a souligné que des codes de gouvernance sans souveraineté avaient autant de chance de réussir que la souveraineté sans bonne gouvernance. En d'autres termes, nous avons mis la charrue avant les boeufs.
Si nous en revenions à la mise en oeuvre des traités et à la véritable autonomie gouvernementale, les nations souveraines pourraient élaborer des codes de gouvernance.
Êtes-vous d'accord pour dire que c'est à ce stade-là que les choses devraient se passer?
M. Ronald Gaffney (Conseil Mawiw des Premières nations): Oui, certainement, je suis d'accord avec ce que vous avez dit, mais, en même temps, il existe une procédure de rechange. Elle vient tout juste de se mettre en route. Il faut faire preuve de beaucoup de circonspection à ce sujet, mais je fais référence au processus que dirige le négociateur en chef, Tom Molloy, relativement à la mise en oeuvre des traités.
Les Premières nations sont beaucoup plus à l'aise à l'idée d'utiliser leurs droits et les traités comme assises que de tenter de se conformer à des solutions imposées par des dispositions législatives dans lesquelles elles ne se reconnaissent pas. Elles veulent donc travailler du point de vue de la souveraineté inhérente, de la prise en main de leur propre destinée, de la protection de leurs droits et de leurs traités, et non se faire imposer un cadre de gouvernance, même si on leur dit en même temps qu'il ne représente qu'une solution provisoire, car elles n'y croient pas vraiment. Voilà ce que laisse croire la réaction de la collectivité.
Le président : Merci beaucoup.
Monsieur Bagnell, quatre minutes.
M. Larry Bagnell : Merci, merci aux témoins d'être venus aujourd'hui.
Je suis absolument d'accord lorsque vous dites ici qu'aucune loi, vieille ou nouvelle, ne peut fonctionner sans l'aval des personnes qu'elle est appelée à régir.
J'ai deux questions. La première a trait à une chose que vous dites à la page 8, vers la quatrième ligne, soit: «empêcher les personnes aujourd'hui confinées aux lignes de touche d'exercer une influence sur les leviers de pouvoir». Je pense que l'un des aspects importants envisagés dans le projet de loi C-7 a précisément trait au redressement des torts subis par les personnes relégués aux lignes de touche et que l'article 11 et, dans une mesure moindre, les articles 41 et 42 visent à le faire.
Avez-vous des commentaires ou des suggestions à faire sur le mécanisme de redressement prévu dans le projet de loi, qui permettrait aux personnes reléguées aux lignes de touche d'interjeter appel?
M. Brian Bartibogue : Je pense que vous devriez retirer le projet de loi. L'idée d'y aller au cas par cas, de changer telle ou telle disposition, me déplaît. Tout cela nous est étranger. Je ne veux pas répéter tout ce que nous avons dit, mais je vais le faire s'il le faut. Je ne veux pas entrer dans un débat sur des articles précis d'un projet de loi qui nous est étranger.
M. Larry Bagnell : Je vais poser une autre question parce que nous sommes ici pour étudier le projet de loi C-7 et obtenir vos réactions concernant divers aspects sur lesquels les membres du comité seront appelés à voter.
À la page 5, vous relevez une formulation du projet de loi, c'est-à-dire «établissant la façon de choisir les membres du conseil, de manière que la majorité d'entre eux soient élus», puis vous énumérez les raisons qui font que cela n'est pas acceptable. J'essaie de comprendre ce que vous dites.
Est-ce parce que certaines personnes ne sont pas élues que les comptables, les avocats et des cogestionnaires n'appartenant pas à des Premières nations siégeraient à un conseil, ou est-ce que parce que certaines personnes ne sont pas élues que des Autochtones occupant un statut héréditaire siégeraient à un conseil? Je veux être sûr de comprendre ce que vous voulez dire.
À (1030)
M. Brian Bartibogue : Ce qu'il y a, c'est que nous demandons à quoi nous nous exposons et que la disposition en question ouvre une porte sans distinction claire au sujet des moyens d'accéder au conseil. Étant donné la façon dont le ministère des Affaires indiennes a mis en oeuvre l'administration par une tierce partie et la cogestion au sein de nombreuses Premières nations, je pense qu'on est en droit de craindre que des personnes n'appartenant pas à des Premières nations siègent au conseil, prennent des décisions pour les Premières nations, sans comprendre les préjudices que les Premières nations ont subies aux mains de la Couronne. Il y a aussi la possibilité que ces personnes exercent un vote prépondérant à titre de représentants élus.
La disposition est donc vague au point d'être effrayante. On pourrait très bien se retrouver avec des non-Autochtones siégeant à des conseils indiens.
M. Larry Bagnell : Même si c'est à la bande que reviendrait le soin de choisir la méthode. Je comprends ce que vous voulez dire. En ce qui...
M. Brian Bartibogue : Qu'arrive-t-il si le projet de loi est adopté?
M. Larry Bagnell : Vous voudriez cependant une disposition que certaines Premières nations ou bandes pourraient utiliser pour des personnes occupant un statut héréditaire. Elles sont membres de la bande, mais elles ont un statut héréditaire. Elles ne sont pas élues; c'est héréditaire.
M. Brian Bartibogue : Vous voulez répondre, Ron?
M. Ronald Gaffney : Si la loi s'orientait en ce sens, je pense que les Premières nations la verraient sous un angle légèrement plus favorable. Mais de telles dispositions sont comprises, et elles n'ont pas fait partie de la campagne de présentation du projet de loi. Les Premières nations n'en voient pas l'utilité. Elles aimeraient créer des gouvernements constitutionnels pour leurs groupements tribaux ou les communautés des Premières nations, sans avoir à deviner ce qui se passe.
Vous avez déclaré que la décision concernant le sens de la disposition reviendrait à la bande par le truchement du processus d'élaboration du code de sélection. Mais ce n'est pas la bande. Le conseil de la bande élabore le code de sélection des dirigeants et le soumet à la collectivité. Il suffit de la participation d'aussi peu que 25 p. 100 des électeurs admissibles.
La philosophie qui sous-tend le projet de loi suscite donc beaucoup de crainte et d'inquiétude. En présence d'un tel degré d'incertitude, on ne veut pas s'avancer dans un processus aussi important que la sélection des dirigeants.
Le président : Merci beaucoup.
Nous avons trois minutes pour les remarques de clôture. Je vous invite à les faire maintenant.
M. Brian Bartibogue : Je ne vais prendre qu'une minute, et peut-être Ron va-t-il en prendre une lui aussi.
Je pense que la déclaration dominante... pour moi, c'est un peu plus personnel. Je sais que l'honorable Charles Hubbard, membre du comité, me connaît et il est courant de conflits auxquels j'ai été associé.
Tout problème a des symptômes. Au Canada, il y a un problème avec les Autochtones. Ça ne fait aucun doute. À la lumière de situations comme celles d'Oka, Gustafson Lake, Ipperwash et Burnt Church, on doit conclure à l'existence d'un problème.
De nombreux membres des Premières nations du pays ne se considèrent pas comme des Canadiens, ni des Néo-Brunswickois ni des habitants de la province où ils résident. Il y a donc un fossé philosophique. En ce qui me concerne, je ne me considère pas comme canadien. Les membres de ma famille ne se considèrent pas comme canadiens. Il n'est pas commode d'appartenir à un pays qui traite sans cesse les Peuples autochtones comme des adversaires.
Personnellement, je ne vous considère ni comme mes héros ni comme mes sauveurs. Ces gens, je les trouverai parmi les miens. J'espère que le Canada se rendra un jour compte de l'atout que représentent les Autochtones du pays et qu'il traitera avec eux de façon honnête et équitable, à titre de partenaires du développement et de l'avenir du pays. Peut-être alors pourrons-nous nous considérer comme canadiens. D'ici là, nous suivrons le mouvement à contrecoeur. Voilà mon sentiment personnel.
Merci.
À (1035)
Le président : Merci beaucoup d'avoir présenté un excellent exposé.
Nous invitons maintenant Mme Christine Augustine à témoigner, à titre individuel. Nous disposons de 10 minutes ensemble. Nous vous invitons à présenter votre exposé, puis, il est à espérer, nous pourrons poser des questions par la suite, s'il reste du temps. Sinon, nous comprenons.
Mme Christine Augustine (À titre individuel): Bonjour.
Je suis heureuse de pouvoir m'adresser au comité aujourd'hui. Je m'appelle Christine Augustine. Je suis membres de la Première nation d'Eel Ground du Nouveau-Brunswick.
Je suis ici aujourd'hui pour faire connaître les préoccupations que j'entretiens en tant que femme autochtone, que mère et que militante communautaire. Depuis un an, j'ai pu en apprendre sur les craintes et les espoirs des femmes autochtones dans toute la province, à titre de membre associée responsable des questions autochtones au Conseil consultatif de la situation de la femme du Nouveau-Brunswick.
Mes observations aujourd'hui s'articuleront autour de quatre champs de préoccupations reliés à la Loi sur la gouvernance des Premières nations qui est proposée.
Ma première préoccupation concerne le processus de consultation. Je ne crois pas que cette étape ait suffisamment inclus les femmes autochtones, les aînés et les enfants du Nouveau-Brunswick. Selon les résumés affichés sur votre site Web concernant les séances de consultation, il n'y a eu que 80 femmes et 70 hommes qui ont assisté aux réunions communautaires tenues au Nouveau-Brunswick en 2001.
Il est difficile de rassembler et d'unir les femmes de nos 15 Premières nations. Notre population est relativement peu nombreuse et elle est dispersée dans les collectivités des réserves et hors-réserve partout au Nouveau-Brunswick. Comme nombre des femmes autochtones auxquelles je me suis adressée le mois dernier n'étaient pas conscientes de l'existence du projet de loi, j'ai décidé d'organiser une séance d'information à l'Institut autochtone Red Sky, dans le secteur de Miramichi, en janvier.
Partout au Nouveau-Brunswick, les femmes des Premières nations ont affirmé qu'elles avaient besoin de connaître davantage l'incidence du projet de loi sur leur vie et celle de leurs enfants. Le problème réside en partie dans le fait que nos dirigeants de bande n'aient pas fourni une information adéquate sur les modifications proposées. À la racine du problème se trouve la position marginalisée des femmes au sein de notre communauté autochtones.
Pour les femmes autochtones du Nouveau-Brunswick, l'injustice c'est comme un oignon. Une des premières couches de discrimination, c'est l'absence d'influence des femmes quand vient le temps de diriger les affaires de la communauté. Les femmes sont, pour une grande part, exclues des postes décisionnels. À l'heure actuelle, il n'y a qu'une seule femme chef au Nouveau-Brunswick, et les conseillères de bande sont rares. Dans un grand nombre de communautés des Premières nations, il n'y a qu'une femme qui siège au conseil de bande.
Il est très difficile pour les femmes en question de faire entendre leur point de vue. Nombre de femmes des milieux populaires gardent le silence, parce qu'elles ont peur ou parce qu'elles se sentent impuissantes. Le taux élevé de violence physique et sexuelle au sein de notre communauté lui aussi nuit à l'estime de soi des femmes.
Quant au projet de loi C-7 lui-même, je m'inquiète de ce que les modifications proposées puissent mettre en péril les droits constitutionnels des peuples autochtones et rendre les femmes encore plus vulnérables aux abus de pouvoir.
Les gouvernements des bandes comportent de nombreux problèmes, notamment pour ce qui touche les comptes à rendre, mais le gouvernement fédéral devrait se servir des pouvoirs existants pour contraindre nos dirigeants à respecter des critères plus élevés, plutôt que de proposer des modifications draconiennes à la Loi sur les Indiens. À mon avis, le projet de loi C-7 comprend des dispositions qui pourraient servir à renforcer la situation subordonnée des femmes au sein de nos communautés autochtones.
Le faible degré de soutien populaire nécessaire à l'approbation des codes de gouvernance de la bande représente une source importante de préoccupations. La loi proposée permettrait aux bandes de concevoir leur propre code communautaire régissant le choix des dirigeants, la gestion des finances, les comptes à rendre et le gouvernement de la bande. Tout de même, l'approbation de ces instruments importants n'exigerait l'assentiment que de 26 p. 100 au minimum des votants admissibles. Or, les intérêts des femmes pourraient rester lettre morte sur toute la ligne en ce qui concerne l'élaboration des règles d'élections, de contrôle des finances et de comptes à rendre.
Je crains que les codes de gouvernance puissent inclure des dispositions discriminatoires qui aggravent la position des femmes au sein des communautés autochtones. Les conseillers et chefs de bande pourraient continuer à s'attacher aux ressources naturelles pour négliger des problèmes sociaux pressants comme la violence, la pauvreté, le logement, le soin des enfants et l'éducation.
Enfin, je suis troublée de constater l'étendue des pouvoirs conférés aux agents de la bande dans le projet de loi C-7. Les Premières nations sont habilitées à nommer des agents de la bande qui seraient chargés de traiter des cas de transgression des lois de la bande. Ces agents en question pourraient émettre les avis d'amende, pénétrer en tous lieux de la bande dans la réserve et y faire une inspection, et disposeraient des pouvoirs voulus sur le plan des perquisitions et des saisies. Comme l'Association nationale des femmes autochtones l'a fait remarquer, ce sont des pouvoirs trop vastes qui pavent la voie à des abus. Les femmes, les enfants et les aînés pourraient devenir plus vulnérables que jamais à l'intimidation et à la violence.
Je vous incite vivement à envisager des modifications de la Loi sur la gouvernance des Premières nations à la lumière des préoccupations que j'ai fait valoir aujourd'hui. Ma plus grande crainte, c'est que la loi, sous sa forme actuelle, ne fasse rien pour améliorer notre situation, et qu'elle l'aggrave peut-être même. Ce projet de loi doit prévoir certaines mesures permettant de protéger et de faire valoir les intérêts des femmes, des enfants et des aînés autochtones au sein du gouvernement de la bande et de les protéger contre les structures de pouvoir dominées par les hommes qui y sont enracinées.
À (1040)
Par ailleurs, le projet de loi C-7 fait peu de choses pour s'attaquer aux nombreux niveaux d'injustice que vivent les femmes des Premières nations. En janvier, le comité des Nations Unies responsable de l'examen du rapport du Canada sur le respect de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes a mis en relief la discrimination persistante et systémique à laquelle font face les femmes autochtones dans tous les aspects de leur vie.
Le comité a insisté pour dire que le Canada doit adopter des mesures efficaces et proactives pour s'assurer que les femmes autochtones peuvent exercer leurs droits de tous les points de vue. De même, il a dit craindre que la Loi sur la gouvernance des Premières nations n'élimine en rien les dispositions juridiques discriminatoires prévues dans d'autres lois, y compris en ce qui concerne le mariage, les droits de propriété, le statut d'Indien et les questions relatives à l'appartenance à la bande.
L'évolution des communautés autochtones dépend d'une participation pleine et égale des femmes aux affaires publiques. Il y a longtemps qu'une modification de la gouvernance des bandes s'impose, mais, pour cela, il faut tenir compte de la situation défavorisée des femmes au sein de nos communautés. Nous avons besoins de freins et de contrepoids en ce qui concerne le pouvoir conféré à nos dirigeants.
Il nous faut également des mesures spéciales pour combattre les attitudes et les usages patriarcaux, et pour accroître le rôle des femmes dans le processus décisionnel.
Merci.
Le président : Nous vous remercions au plus haut point.
Nous n'avons pas assez de temps pour une série complète de questions, à moins que les membres n'acceptent de s'en tenir à une minute. Cela veut dire une minute pour la question et la réponse à la fois; si la question prend 45 secondes, cela veut dire qu'il n'y a pas vraiment beaucoup de temps pour la réponse, n'est-ce pas?
Mme Christine Augustine : Non.
Le président : J'espère qu'ils écoutent.
Monsieur Vellacott.
M. Maurice Vellacott : Croyez-vous qu'il convient pour les Autochtones, hommes et femmes, d'être assujettis pleinement à la Loi canadienne sur les droits de la personne?
Mme Christine Augustine : Oui, je suis d'accord avec cette partie-là. Tout de même, dans la société générale, ce n'est pas un instrument utile. Comme vous le savez très bien, cela prend beaucoup de temps; ce ne serait dont pas un instrument très utile pour nos communautés en ce moment.
M. Maurice Vellacott : Est-ce que ce serait mieux pour vous de pouvoir recourir à un ombudsman national qui serait doté des pouvoirs voulus pour régler les problèmes qui se présentent dans les réserves tout comme ailleurs?
Mme Christine Augustine : J'imagine que je préférerais une solution du genre, quelque chose qui a plus de mordant.
M. Maurice Vellacott : D'accord.
Mme Christine Augustine : Je ne sais pas si vous comprenez, mais, pour faire valoir la cause de la plupart des femmes dans nos communautés, il faut une mesure qui suppose des pouvoirs accrus.
M. Maurice Vellacott : Merci.
Le président : C'est merveilleux. En 42 secondes, nous avons posé deux questions et obtenu deux réponses.
Nous avons presque fini notre consultation. On commence à comprendre.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin : Premièrement, je n'ai pas les pages 1, 2 et 4 de votre mémoire. Je n'ai que la page 3. J'aimerais obtenir un exemplaire. J'ai beaucoup aimé votre mémoire.
Mme Christine Augustine : Pas de problème.
M. Pat Martin : Deuxièmement, avez-vous informé la Commission de la situation de la femme du Nouveau-Brunswick de ce mémoire?
Mme Christine Augustine : Oui, les gens m'y ont aidée à le préparer.
M. Pat Martin : Est-ce qu'ils sont d'accord avec les points de vue que vous y exprimez?
Mme Christine Augustine : Oui.
M. Pat Martin : Recommanderiez-vous que le projet de loi C-7, sous sa forme actuelle, soit retiré, que le comité recommande que le gouvernement retire le projet de loi C-7?
Mme Christine Augustine : Je ne sais pas si j'irais jusqu'à dire que les femmes se sont mises d'accord là-dessus quand je les ai consultées.
Tout de même, comme je l'ai dit, nous avons besoin de freins et de contrepoids qui puissent s'exercer sur le travail de nos dirigeants, pour aider à faire disparaître certaines des « couches » d'inégalités qui persistent au sein de nos communautés.
M. Pat Martin : Merci.
Le président : Si vous laissez le document à la greffière, nous allons le faire traduire et en remettre un exemplaire à tout le monde.
Monsieur Hubbard, vous avez une minute.
M. Charles Hubbard : Monsieur le président, je tiens seulement à remercier Christine d'être venue. Elle a certainement fait honneur au groupe de la situation de la femme et à la province du Nouveau-Brunswick, ayant présenté un exposé très concis et très détaillé en dix minutes. J'aimerais l'en remercier.
C'était certainement très bien fait, Christine.
À (1045)
Le président : Merci beaucoup d'avoir présenté un excellent exposé.
J'invite maintenant M. Bruce Simon, membre de la Coalition pour les droits des Autochtones, à présenter un exposé.
Bienvenue, monsieur. Nous disposons de 10 minutes ensemble, et je vous demanderais de présenter votre exposé.
M. Bruce Simon (membre du «Aboriginal Individual Rights Organization», À titre individuel): Je viens de Big Cove, au Nouveau-Brunswick, et je suis fier d'être membre de la Première nation micmaque.
Mesdames et messieurs les membres du Comité et autres parties associées au Comité, permettez-moi d'abord de vous expliquer que je ne suis pas un avocat ni un politicien, mais une personne qui ne veut pas qu'on lui enlève son identité, qu'on abolisse ses droits, et (ou) qu'on porte atteinte aux traités que sa nation a signés.
Un grand nombre d'Autochtones à travers le Canada s'opposent au projet de loi C-7. Bien des membres de ma nation le condamnent à cause de son incidence sur notre mode de vie. D'ailleurs, l'effet de cela s'apparente plutôt à un génocide politique.
Le projet de loi C-7 et les accords conclus dernièrement suffisent pour comprendre que nos droits et traités pourraient être menacés ou abolis, comme cela a été fait avec le livre blanc de 1969, qui devait être mis au rebut. Cela semble encore être la démarche du gouvernement, qui affirmait alors que les droits et traités autochtones n'étaient plus pertinents dans la société d'aujourd'hui.
Je suis d'avis qu'il s'agit d'un génocide politique et de dommages culturels. Après la guerre du saumon, au début des années 80, un dirigeant politique a déclaré à la télévision qu'il fallait avoir une langue ou une culture pour pouvoir revendiquer des terres au pays, et il a poursuivi comme cela. Le fait qu'un politicien déprécie de cette manière les Premières nations à la télévision révèle que certaines personnes ont une grande influence sur le gouvernement et le poussent à s'en prendre aux Autochtones du pays.
Les Premières nations ont exprimé par des paroles et des gestes leur opposition aux projets de loi qui empêchaient leurs membres de pourvoir aux besoins de leur famille et de leurs nations. Ils se sont opposés également à la manière dont on s'y est pris pour faire avaliser un tel processus, pour que quelques personnes seulement puissent profiter de l'accord et prospérer, au détriment des droits d'autres membres des Premières nations.
Si on regarde le «Big Cove tract», on voit que cela interdisait aux Autochtones de pêcher dans la région alors que, soit dit en passant, des secteurs de pêche étaient vendus à des gens de l'extérieur, aux États-Unis.
Le conflit de Burnt Church en est un autre où les Autochtones ont été renversés par les bateaux du ministère des Pêches.
Il y a eu la crise d'Oka, où les Autochtones ont refusé que l'on empiète sur un cimetière sacré pour agrandir un terrain de golf, et qui s'est soldé par une intervention militaire.
Et il y a eu les pensionnats autochtones où les enfants ont souffert d'abus sexuels, ont supporté des punitions terribles et ont servi de cobayes dans des expériences semblables à celles du projet «paper clip».
Certains d'entre vous auront probablement la permission de fouiller cette question. C'est un document très secret.
On a refusé aux Autochtones l'accès à leurs ressources, ressources dont ils avaient besoin pour faire vivre leur famille. Par conséquent, un grand nombre d'entre eux, dans les réserves et ailleurs, se sont sentis dévalorisés et se sont tournés vers le suicide. Nous savons que les cas de suicide ont augmenté du fait d'une piètre estime de soi.
Notre peuple craint de s'opposer aux décisions faites sans son consentement--en craignant le projet de loi C-36. Le projet de loi a été adopté au Parlement en 2001. Tout juste après, le 17 novembre, sur le territoire des Secwepemc, «la GRC a perdu le contrôle»: les policiers tentaient d'arrêter un jeune qui portait un vêtement de camouflage. Selon un témoin, ils se sont servi du gaz poivré et ont brutalement jeté par terre une jeune femme.
À (1050)
Il existe d'autres cas du genre qui, plus ou moins, nous caractérisent comme étant des terroristes.
Si les dirigeants de la bande concluent un accord avec le gouvernement du Canada sans le consentement des membres de la réserve, l'accord est quand même valide. Même si la communauté continue de s'y opposer, le conseil de bande a la priorité en la matière.
Par exemple, l'accord sur l'exploitation forestière et la pêche a été signé sans le plein consentement des membres de la bande. Une majorité importante d'entre nous était contre; nous étions d'avis que le projet aurait un effet néfaste sur notre mode de vie et qu'il ne profiterait qu'à quelques privilégiés.
Même si une majorité des membres sont présents pour voter contre la décision des dirigeants, ça ne change rien.
Le paragraphe 4(2) du projet de loi C-7 se lit comme suit:
Le code est adopté si, d'une part, il est par écrit et si, d'autre part, il reçoit l'appui de la majorité des électeurs de la bande qui participent à un vote tenu par le conseil en conformité avec les règlements et que plus de 25 p. cent de tous les électeurs de la bande se sont exprimés en sa faveur. |
Selon moi, cela ne donne qu'à quelques personnes l'occasion de voter.
Nous sommes soumis à une règle ainsi adoptée, et ce n'est qu'une poignée de personnes qui prennent la décision. Il n'y a qu'à réunir un groupe de personnes. C'est la porte ouverte à un conflit d'intérêts, et c'est très sérieux pour notre peuple.
De même, en allant un peu plus loin, on voit que... les modifications effectuées sans le consentement de la majorité peuvent passer inaperçues jusqu'à l'échéance du délai d'appel. Le peuple autochtone se trouve donc dans une situation extrêmement vulnérable parce qu'un gouvernement de l'extérieur pourrait le dominer ou lui imposer sa volonté. Cela fait trop longtemps que je vois notre peuple bafoué en rapport avec certaines de ces questions.
De même, cela ressort bien des codes d'appartenance prévus à l'article 6 de la Loi sur les Indiens, étant donné qu'un non-Autochtone peut être considéré comme un Indien alors qu'il n'a pas une once de sang indien, tandis que d'autres qui en sont se voient dépouillés de ce titre.
Selon la partie 2 du projet de loi sur la gouvernance, la bande a le droit de disposer de ses droits et de ses biens. Cela peut être très dangereux dans le cas où une décision à cet égard est soumise à un vote secret en application du paragraphe 4(2). Il y a aussi la réglementation de nos activités commerciales, aux paragraphes 16(1) et (2), qui peut empiéter sur notre droit de gagner notre vie convenablement.
Même en cas d'incompatibilité entre une loi adoptée en application de cette disposition et une loi adoptée par le Parlement ou la Loi elle-même, le règlement l'emporte. Qu'en est-il alors de nous? Est-ce que nous nous opposons à une décision? Le Parlement du Canada dit: eh bien, nous avons l'occasion d'instaurer ce projet de loi.
Le projet de loi du gouvernement sera la porte ouverte au déclin de notre peuple.
À (1055)
Le président : Cela fait 10 minutes. Je vais vous donner une minute supplémentaire.
M. Bruce Simon : Essentiellement, je vais essayer de vous en révéler la dernière partie.
Le président : Je dirai, monsieur, que si vous laissez le document à la greffière, elle le fera traduire et le remettra à tous les membres.
M. Bruce Simon : Le projet de loi C-7 semble aller à l'encontre des Premières nations, de plusieurs points de vue.
Ce que j'essaie de dire, c'est que quand on vous fait cadeau de couvertures infectées à dessein par les Britanniques en 1763, vous avez tendance à être très prudent quand on vous donne quelque chose. Aujourd'hui, le gouvernement dit: nous sommes vos amis; nous allons honorer vos traités. Le gouvernement n'a pas encore respecté la responsabilité fiduciaire qui lui revient et la situation applicable en ce qui concerne l'affaire Vanderpeet. Où est-ce que la Couronne a des relations avec les gens des Premières nations?
Le président : Merci beaucoup.
M. Bruce Simon : Je savais que je n'avais que quelques minutes.
Le président : C'était un excellent exposé. Si vous choisissez de laisser le document ici, nous allons nous assurer que tout le monde en obtient une copie.
M. Bruce Simon : Je crois que tout le monde en a une copie.
Le président : J'ai tendance à écouter, plutôt qu'à suivre les documents. Nous l'avons bel et bien.
Merci beaucoup.
J'invite maintenant à la table Mme Margaret Tusz-King, animatrice, du Lnapskuk-The Neighbour's Project.
Bienvenue. Nous disposons de 10 minutes. Je vous invite à présenter votre exposé.
Mme Margaret Tusz-King (animatrice, «Lnapskuk - The Neighbours Project»): Merci.
Bonjour. Je m'appelle Margaret Tusz-King et je travaille à un projet ayant pour nom Lnapskuk-The Neighbours Project. Il s'agit d'un partenariat régional à caractère communautaire qui réunit une organisation non autochtone et une organisation autochtone; pour une grande part, il est financé par les Églises comme la Conférence des évêques catholiques du Canada, l'Église Unie du Canada et la Conférence religieuse canadienne, région de l'Atlantique. J'incarne la moitié non autochtone du personnel chargé du projet, et je suis heureuse de pouvoir m'adresser aujourd'hui à vous pour donner notre perspective sur le projet de loi C-7.
Le projet Lnapskuk a pour but de promouvoir la paix, la justice et la réciprocité entre les Premières nations et les peuples non autochtones dans les Maritimes. Nous proposons des ateliers instructifs, nous favorisons l'acquisition de compétences et nous travaillons en réseau et en liaison avec d'autres intervenants dont le travail tourne également autour de l'idée de cultiver des relations fructueuses dans notre région. L'objectif de notre projet concorde avec les objectifs clés de l'engagement pris en 1997 par le gouvernement canadien dans le contexte de «Rassembler nos forces». Les fondements de notre projet se trouvent dans le Traité de paix et d'amitié conclu en 1761, qui a tout autant force de loi aujourd'hui qu'à l'époque où il a été signé, selon notre Constitution de 1982.
Les Canadiens se soucient des problèmes graves et répandus auxquels font face les gens des Premières nations en ce qui concerne la santé, la dimension sociale, l'économie et la justice. Nous savons que le gouvernement du Canada est bien au fait de ces questions lui aussi, étant donné le travail de la Commission royale sur les peuples autochtones. La réponse du Canada aux travaux de la Commission royale, «Rassembler nos forces», a servi à exprimer la promesse de régler les questions en jeu en faisant appel au principe du partenariat pour définir les pouvoirs, les comptes à rendre et les responsabilités qui reviendraient au Canada aussi bien qu'aux nations autochtones dans le cadre d'une relations dite renouvelée.
La position forte et positive qu'a adoptée le gouvernement du Canada a inspiré de nombreux Canadiens, dont moi-même, aussi bien que de nombreuses Premières nations, qui espèrent voir l'instauration d'une relation vraiment réciproque et coopérative entre le Canada et les nations autochtones. Toutefois, le projet de loi C-7, avec les hypothèses sur lesquelles il repose, son contenu et son processus d'élaboration, va à l'encontre de l'esprit de la Commission royale sur le peuples autochtones et de l'engagement pris dans «Rassembler nos forces», soit de travailler en partenariat avec les Premières nations. On dirait une tentative de dernière heure faite pour préserver le paternalisme propre à l'époque de la Loi sur les Indiens et d'imposer des limites et des systèmes externes encore plus compliqués à ceux qui ont le droit inhérent de créer leurs propres systèmes et limites, en dehors du gouvernement canadien.
Les Canadiens croient qu'une relation réciproque avec les Premières nations est possible. Nous voulons qu'il y ait justice pour nos voisins des Premières nations. Les uns et les autres souhaitent être dignes de confiance. Je vous félicite tous du travail que vous effectuez; vous écoutez un si grand nombre d'entre nous qui se soucient vraiment des Premières nations et qui se soucient de la qualité des relations que nous cultivons entre nous.
J'aimerais vous rappeler les propos tenus par l'honorable Robert Nault, le ministre des Affaires indiennes, à l'intention du présent comité, le 27 janvier 2003. Je le cite:
Le projet de loi sur la gouvernance des Premières nations n'est pas coulé dans le béton et je veux lui apporter des améliorations. Comme vous le savez, en tant que parlementaires, si le projet de loi a été soumis à l'étude du Comité après la première lecture plutôt qu'après la seconde, c'est pour que vous puissiez, ainsi que les témoins que vous entendrez, avoir l'occasion d'en discuter librement. |
Il a renchéri:
Si vous jugez qu'il comporte des lacunes, vous pouvez y proposer des amendements importants […] Si, en fait, lors des discussions, il est prouvé que nous n'avons pas fait de notre mieux pour améliorer la vie des membres des Premières nations, vous pourriez me donner des recommandations quant à la façon de modifier le projet de loi […] Je crois qu'il s'agit d'une excellente occasion de prouver à ceux qui pensent le contraire que les députés peuvent être de bons législateurs en apportant des changements fondamentaux en comité à l'étape de la première lecture, plutôt qu'à l'étape de la deuxième lecture, alors que vous avez déjà accepté en principe le projet de loi et que vous pouvez y apporter très peu de changements, seulement le fignoler. |
Je vous rappelle ces affirmations parce que mes collègues, partout au Canada, m'ont dit que le Comité avait révélé aux témoins qu'il n'était nullement habilité à remettre en question l'un quelconque des principes ou des processus sous-jacents, ce qui permettrait de montrer que le projet de loi ne représente pas la meilleure solution possible. À l'évidence, vous disposez bel et bien du pouvoir et de la responsabilité dont il est question.
Au point où nous en sommes, vous avez entendu des dizaines de fois déjà qu'il faut simplement abandonner le projet de loi C-7 en raison des problèmes liés aux principes fondamentaux qu'il sous-tend: il suppose un processus de consultation oblique qui n'inclut pas tout le monde; il a préséance sur les droits inhérents et les droits issus de traités prévoyant l'autodétermination et l'autonomie gouvernementale chez les Autochtones; il réaffirme le pouvoir du ministre sur les Premières nations en ce qui concerne les comptes à rendre et les pouvoirs; et il est incompatible avec le genre de relation que les Canadiens ont dit souhaiter que leur gouvernement ait avec les Premières nations --c'est-à-dire une relation fondée sur la réciprocité et le respect.
Á (1100)
Vous aurez eu droit également à des dizaines de suggestions sur la manière d'améliorer le projet de loi. Par exemple, j'ai en main ici une copie des recommandations soumises par les chefs des deux nations de l'Île-du-Prince-Édouard, Lennox Island et Abegweit, et les recommandations du conseil tribal des Kaskas. Je vous encourage à les étudier avec attention.
Durant les audiences du Comité permanent sur le projet de loi C-6, le projet de loi sur les revendications particulières, vous auriez reçu une quarantaine de recommandations visant à améliorer le texte, mais une seule aurait été adoptée. Cela n'est pas de bon augure pour la séance de consultation d'aujourd'hui. Ce bilan nous oblige à nous poser la question suivante: à quoi bon toutes ces audiences, toutes ces recommandations qui proviennent de témoins et le travail du comité permanent, si tout cela ne débouche sur rien?
Mon travail consiste à cultiver la relation entre les Canadiens et les Premières nations dans cette région. Ce travail concorde avec la voix du Canada qui s'exprime dans «Rassembler nos forces». Il concorde avec la vision des grandes Églises, qui se repentent de leurs efforts de collusion passés à l'encontre de la culture et de la survie des Premières nations, et qui travaillent à la réconciliation et à l'établissement de relations correctes. Ce travail concorde avec la volonté des Canadiens de toutes les régions, qui sont troublés par les réalités que vivent actuellement les gens des Premières nations et qui ne souhaitent plus soutenir un système et une relation qui sont paternalistes, injustes et malsains.
Vous, qui travaillez au sein du comité, avez l'occasion de participer à la création d'un legs d'espoir, de confiance et de justice pour les Premières nations. Vous pouvez nommer les façons dont les valeurs exprimées du Canada ne se retrouvent pas dans le projet de loi C-7. Vous pouvez recommander courageusement que le projet de loi soit abandonné; vous pouvez écouter les modifications pertinentes et réfléchies que nos frères et soeurs des Premières nations ont recommandées à votre intention et les intégrer à votre travail; sinon, vous pouvez aller encore plus loin et recommander la création d'un nouveau processus intergouvernemental pour le dossier des Premières nations, qui inclurait vraiment les Premières nations, de manière réciproque, comme cela est dit dans «Rassembler nos forces». Nous qui établissons des relations correctes avec les gens des Premières nations dans le contexte de la vie quotidienne que nous menons en tant que Canadiens, nous vous demandons d'aller ainsi un peu plus loin.
Cette semaine, vous vous trouvez parmi des gens courageux si vous appuyez la position du gouvernement du Canada. Quand le ministre Graham a dit aux Américains que nous n'allions pas faire la guerre avec eux, en raison de ce que nous sommes--des gens pacifiques qui aiment la justice--voilà qui a inspiré et encouragé les gens. Nous avons applaudi la clarté et le courage du gouvernement.
Appliquez cette clarté et ce courage à nos relations avec les Premières nations. Nous sommes des gens pacifiques qui aiment la justice. Vous avez la volonté et la capacité à la fois de prendre les bonnes mesures pour les bonnes raisons.
Merci.
Á (1105)
Le président : Merci beaucoup de cet excellent exposé.
Juste une petite anecdote pour montrer comment on peut obtenir des résultats de diverses façons--il y a de nombreuses façons de faire les choses comme il faut--nous avons demandé à trois reprises, par les voies habituelles, qu'on augmente le chauffage dans cette pièce, car nous gelions, et, finalement, M. Hubbard s'est rendu au thermostat et a augmenté le chauffage. Parfois, les solutions sont plus simples qu'on ne le croit. Alors, cela s'applique un peu à notre situation.
Oui, notre comité jouit d'une occasion unique, spécifiquement parce que nous avons obtenu le projet de loi après la première lecture, et je suis convaincu que les membres apporteront des modifications notables.
Merci beaucoup.
Je cède maintenant la parole à M. gkisedtanamoogk, principal directeur, du Wabanaki Nations Cultural Resource Centre.
Comment était ma prononciation?
gkisedtanamoogk (directeur principal, «Wabanaki Nations Cultural Resource Centre»): Bonjour. Je salue votre effort. Je me souviens de l'époque où j'étais à l'école de droit, lorsque vous preniez les présences, vous arriviez à mon nom et vous deviez vous contenter de regarder si j'étais là.
Le président : Il y a seulement cinq lettres dans mon nom, et parfois je ne réponds pas lorsqu'on m'appelle, car ce qu'ils disent ne ressemble en rien à Bonin.
Bienvenue, monsieur. Nous avons dix minutes ensemble. Nous vous écoutons.
gkisedtanamoogk: Je crois que je ne prendrai que quelques-unes de ces dix minutes.
Premièrement, je tiens à vous remercier de vos travaux.
Je ne veux pas perdre de vue un point très important dans les contrées indiennes: il existe une très forte volonté d'entretenir des relations positives avec la Couronne, malgré toutes les choses qui se sont produites. Le fait que nous ayons établi la notion de paix et d'amitié sur la côte Est, malgré tout ce qui s'est produit, et que nous convoitions toujours la paix et l'amitié, tient presque du miracle. Il faut que la démarche soit honnête et sincère.
Quand les représentants gouvernementaux tentent de s'adresser publiquement aux Premières nations, je les entends souvent exprimer leur bonne foi et insister sur cet aspect. Malheureusement, et je suis assez certain que votre expérience le montre aussi, il y a très peu de gestes de bonne foi qui nous font dire que nous réalisons enfin des progrès. Nous sommes venus près avec l'arrêt Marshall, où on a constaté une volonté d'envisager une relation historique avec les premiers peuples et les Premières nations. J'estime que nous avons manqué une occasion fantastique de faire progresser nos relations. De plus, à la lumière des recommandations du dernier témoin, je vous encourage à faire preuve de courage et de volonté.
Je suis certain que vous avez entendu ce message au cours de vos voyages, et je sais que le ministre Nault l'a entendu : il y a quelque chose de fondamentalement mauvais dans ce processus. À mon avis, c'est le processus. C'est le manque de volonté d'écouter les gens et de travailler avec eux.
Ces traités de paix et d'amitié, qui remontent à l'avant-Confédération, visaient à nouer des liens positifs formidables se fondant non pas sur un langage politico-juridique, comme c'est le cas avec les traités et les lois modernes, mais bien sur la façon de créer des familles.
J'aimerais seulement relater un fait historique: les confédérations existaient dans notre partie du monde avant l'arrivée de Colomb. Autrement dit, nous avions trouvé un moyen de résoudre nos conflits, et c'était par la paix. C'était par l'établissement de relations économiques et sociales. Je crois qu'à l'époque où Colomb est arrivé ici, nous étions dotés de systèmes commerciaux qui s'étendaient jusqu'au Mexique. Nous connaissions les gens du continent.
L'un des principaux éléments des relations tient au fait qu'on ne lutte pas contre sa famille. Nous trouvons des moyens valables de débattre des idées ainsi que des moyens rationnels de réaliser cette harmonie. C'est un principe fondamental toujours bien vivant dans les cultures et dans la spiritualité des Premières nations.
D'une certaine façon, je suis un nouveau venu dans cette région. Ma population tribale provient du sud de la Nouvelle-Angleterre. Je me sens privilégié de faire partie de la communauté micmaque de Burnt Church. Je suis ici depuis 20 ans. Je me considère comme un porte-parole du peuple.
J'ai vu et connu la lutte du peuple pour trouver des moyens valables et substantiels d'échapper à ce que j'appellerais une pauvreté orchestrée par l'État. Il est déterminé à trouer une porte de sortie. Malheureusement, cela ne semble pas être la position du gouvernement.
Je tiens à vous encourager en vous disant que, fondamentalement, nous voulons promouvoir la paix, tant au sein de notre communauté qu'avec le gouvernement.
Á (1110)
Lorsque nous envisageons l'avenir, nous voyons un peuple Abénaquis sain. Pour assurer notre bien-être dans la Wabanaki, il faut que nous entretenions des relations positives avec vous.
Vous avez mes commentaires sur papier, alors je m'arrête là.
Le président : Merci beaucoup. C'était très touchant et inspirant.
J'invite maintenant Aboriginal Rights Coalition de l'Atlantique à prendre la parole: Terry Young; le chef Jeff Tomah, de la Première nation de Woodstock; et le conseiller Terry St. Jacques, de la Première nation de Tobique.
Bienvenue. Nous avons dix minutes, et nous vous invitons à commencer votre exposé immédiatement.
M. Terry Young (Coalition pour les droits des autochtones - Atlantique): Bonjour. Je m'appelle Terry Young et je suis membre de la Première nation de Kingsclear, à quelques minutes en amont de la rivière. Je suis seulement ici par respect pour les deux dirigeants qui sont avec moi. Je représente l'Aboriginal Rights Coalition de l'Atlantique.
J'aimerais commencer par dire que je suis vraiment déçu que cette rencontre, qui met l'accent sur les peuples des Premières nations, n'ait pas lieu dans l'une des communautés. Nous disposons des ressources nécessaires, tout juste de l'autre côté de la rivière, à Saint Mary's pour tenir une telle rencontre. Cette communauté possède une grande salle et toute la technologie, ainsi que des services de traiteurs. On y trouve tout ce qu'il faut. Il fallait que je le dise, car si vous comptez mettre l'accent sur les peuples des Premières nations, eh bien, je regarde autour de moi, et je constate qu'ils ne sont pas là.
Les représentants de l'ARC ont décidé d'accorder les dix minutes qui nous sont allouées au chef Jeff Tomah de Woodstock et à Terry St. Jacques. Je me sens privilégié de cette occasion de témoigner avec eux.
Merci.
Le président : Merci.
Je devrais mentionner qu'à titre de chef, si vous vous étiez inscrit à temps, on vous aurait accordé une demi-heure.
Le chef Jeff Tomah (Première nation Woodstock, Coalition pour les droits des autochtones - Atlantique): Ah, vraiment? Je n'ai pas besoin d'une demi-heure.
Le président : Veuillez procéder.
Le chef Jeff Tomah: Honorables membres du Comité permanent, invités spéciaux et observateurs, mesdames, messieurs, je tiens tout d'abord à vous souhaiter la bienvenue en territoire malécite.
J'aimerais profiter de l'occasion pour remercier Aboriginal Rights Coalition d'avoir eu la générosité de nous permettre de parler à sa place à l'égard de questions qui, comme celle-ci, influent profondément sur notre peuple et notre avenir. Nous sommes les Wolastokwiyik, communément connus sous le nom de Malécites du fleuve Saint-Jean. Nous sommes venus afin de veiller à ce que le Comité entende notre réponse à l'attaque du ministre Nault contre les peuples autochtones du pays.
Le projet de loi C-7 est colonialiste. La seule différence, c'est que le siège du colonialisme est non pas à Londres, mais bien à Ottawa.
Le projet de loi C-7 parle d'obligation de rendre compte. Or, l'obligation de rendre compte existe déjà. Toutes les ententes que nous concluons exigent que nous divulguions l'information au Canada et aux membres de nos communautés respectives. Si nous refusons de divulguer l'information financière aux membres de la communauté, le Canada peut le faire à notre place, et il le fait. Le projet de loi C-7 constitue en réalité la réaction du gouvernement aux doutes sur sa propre obligation redditionnelle et sur son omission d'assumer les obligations que lui confèrent les ententes de financement.
Pourquoi un si grand nombre des communautés des Premières nations est-il en cogestion ou relève-t-il d'un tiers gestionnaire? C'est parce que le Canada a omis de consentir un financement adéquat ou de contrôler les ententes existantes. Le projet de loi C-7 ne corrigera pas la situation. Le projet de loi C-7 se contente de renvoyer la balle à quelqu'un d'autre. Le projet de loi C-7 n'améliorera pas la vie du peuple malécite. C'est une tentative du Canada d'éviter des questions au Parlement et de pointer d'autres parties du doigt.
Le projet de loi C-7 est une violation flagrante des droits des Autochtones et des droits que nous confèrent les traités, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, la Proclamation royale, et l'article 35, le paragraphe 35(1) et l'article 25 de la Constitution canadienne, ainsi qu'un pacte international signé par le Canada en 1976, pacte qui garantit le droit des peuples autochtones à l'autodétermination. Le projet de loi soumis par le ministre Nault va à l'encontre de ce doit à l'autodétermination, est interventionniste et est considéré par notre nation comme une menace directe à sa culture, à son identité et à son statut de nation. Nous ne sommes pas canadiens, nous sommes wolastrokwiyik. Nous choisissons de ne pas être canadiens.
Les droits ancestraux et issus de traités des Wolastokwiyik sont des droits inhérents. Il s'agit de droits qui plongent leurs racines spirituelles dans la terre qui relie nos ancêtres aux générations actuelles. Le peuple malécite continue de maintenir son titre autochtone sur la terre et les ressources qu'elle offre.
Sur nos terres traditionnelles et au-delà, nous, le peuple malécite, avons maintenu le droit de déterminer notre avenir, avec le consentement de nos citoyens, de gouverner notre destinée selon nos propres structures et institutions, lesquelles sont fondées sur nos valeurs culturelles et les normes de nos sociétés. Nous sommes de nouveau insultés par le Canada, qui croit savoir ce dont nous avons besoin et qui ignore tout de notre culture et fait fi de nos traités.
Le Canada ne doit pas perdre de vue que des traités sur ce territoire ont été signés en 1725 et ratifiés par les Wolastorkwiyik en 1726; il s'agissait d'une entente entre deux nations, fondée sur la paix et l'amitié seulement. Les Malécites n'ont jamais accepté d'être gouvernés sous la tutelle de l'État canadien; tout cela a été imposé. L'état actuel des communautés autochtones de partout au Canada découle de cet abus. Il n'y avait aucun manque de bonne gouvernance.
La structure imposée au peuple autochtone est corrompue, elle l'a toujours été et elle le sera toujours. Ce projet de loi et toute autre loi future ne peuvent résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les peuples autochtones d'aujourd'hui et de demain. On ne pourra résoudre ces problèmes que lorsque le Canada abrogera la législation raciste qui a fait tant de ravages dans nos vies et permettra aux peuples autochtones de saisir les rênes de leur propre destinée.
Á (1115)
Les Européens ont découvert la démocratie lorsqu'ils sont venus ici; ce n'est pas quelque chose qu'ils ont apporté dans leurs bateaux. Notre peuple misait sur une vraie démocratie, sur une démocratie forte, où l'obligation de rendre compte, la responsabilité et la durabilité avaient leur place.
Le Canada n'a pas le droit de modifier la Loi sur les Indiens afin d'établir l'obligation de rendre compte. Les lois sont en vigueur depuis longtemps. Au cours des 15 à 20 dernières années, le ministère des Affaires indiennes a fait la sourde oreille, fermé les yeux et adopté une politique de non-intervention. S'il y a déjà eu des lacunes au chapitre de la reddition de comptes, c'est de la part du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.
Au fil des décennies, notre peuple a dit au ministère des Affaires indiennes que les politiques n'étaient pas respectées et que ses agents n'agissaient pas au mieux des intérêts de notre peuple. Notre peuple a témoigné à de nombreuses reprises devant des comités parlementaires afin de parler d'injustice, et rien n'a été fait. On ne nous a pas écoutés, et on nous a fait taire. Nous voulons veiller à ce que le Canada commence à nous écouter. Le ministre ne nous a pas consultés, et nous ne serons pas consultés à l'égard d'une loi que nous n'avons pas contribué à élaborer. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord a fait de l'obligation de rendre compte un enjeu politique.
Notre peuple veut un gouvernement responsable et stable, c'est vrai. Il veut des dirigeants solides qui sont choisis non pas d'une façon dictée par une société aux valeurs différentes des siennes, mais bien d'une façon respectueuse. L'iniquité et la dépendance dominent nos communautés depuis bien trop longtemps. Si le Canada désire sincèrement aider les peuples autochtones à se gouverner eux-mêmes, il doit se montrer disposé à nouer de nouvelles relations fondées sur le respect réciproque des cultures et des valeurs.
Pour aider à briser la dépendance et l'iniquité du passé, le Canada doit écouter et entendre ce que les peuples autochtones ont à dire. Le projet de loi C-7 est fondé sur les très malsaines relations que nous avons entretenues dans le passé avec le Canada. Nous devons communiquer d'égal à égal. Le projet de loi C-7 fait partie intégrante de la politique du livre blanc et de la politique du «saut de bison» appliquée par le Canada pendant les années 80, et il devrait être retiré de la Chambre des communes.
Nos aînés se sentent violés et trahis. Ils n'étaient pas d'accord avec la législation proposée. Si on les avait consultés, ils n'auraient certainement pas donné leur consentement. Nous n'avons pas consenti à cette modification proposée de la Loi sur les Indiens, car elle encourage la privatisation, l'assujettissement au capital, l'assimilation et une forme étrangère de démocratie. Ce sont des violations claires et directes des valeurs et des droits qui sont enchâssés dans notre culture et dans notre nation. Nous ne pouvons accepter d'être gouvernés par une loi qui est contraire aux enseignements du Créateur et qui encourage l'effondrement de notre existence à titre de peuple distinct, et nous ne l'accepterons pas.
Nous les Malécites réagissons à l'attaque de Nault en mettant l'accent sur notre nation et sur notre processus de renforcement. Nous comprenons la valeur de nos traités et nous voulons réunifier notre peuple. Nous avons amorcé un processus nécessaire à la protection de notre culture distincte. Nous avons besoin de temps pour établir efficacement nos lois en ce qui concerne l'obligation de rendre compte, les recours, la sélection des dirigeants, la redistribution des terres et des ressources de notre territoire, le renforcement de l'infrastructure et des capacités, la rédaction et la ratification d'une constitution pour le peuple malécite, et, enfin, la mise en oeuvre de nos droits issus de traités et de nos droits inhérents.
Nous demandons au comité parlementaire permanent de retirer le projet de loi et d'encourager le Canada à agir de façon respectueuse et responsable auprès des peuples autochtones du pays. Il est inacceptable que le gouvernement fédéral cède ses responsabilités fiduciaires aux autres sans s'attarder aux vrais enjeux auxquels sont confrontés nos peuples aujourd'hui.
Ce projet de loi n'est pas la solution miracle que le ministre souhaitait. C'est une approche uniformisée qui s'assortit d'ultimatums que le peuple malécite considère comme inacceptables.
Merci.
Á (1120)
Le président : Merci beaucoup, c'est un excellent exposé.
Nous passerons maintenant aux présentations spontanées. S'il y a quelqu'un ici qui n'a pas témoigné, qui n'a pas de présentation prévue et qui souhaite prendre la parole pour deux minutes, vous n'avez qu'à vous inscrire à la table qui se trouve à l'extérieur.
Nous commencerons avec Mme Hart Perley, suivie de Juanita Perley.
Mme Juanita Perley (À titre individuel): Nous effectuerons nos présentations simultanément, puisque vous ne nous accordez que deux minutes.
Á (1125)
Le président : Vous auriez pu en avoir dix si vous vous étiez inscrites à temps. Tous vos chefs ont été avisés. Les exposés de deux minutes sont une occasion supplémentaire que nous offrons. On nous critique partout. Les gens nous disent : « Seulement deux minutes? » Normalement, nous n'offrons même pas cela. C'est quelque chose que nous avons choisi de faire afin d'ouvrir le débat.
Mme Juanita Perley: D'après ce que j'ai compris, vous êtes ici jusqu'à midi.
Le président : Non. Votre présentation durera deux minutes. L'horaire a été établi.
Veuillez procéder.
Mme Hart Perley (À titre individuel): Mesdames, messieurs, je suis venue vous donner mon opinion à titre de mère du clan de la Tortue, ce qui signifie que je représente un groupe traditionnel de personnes sélectionnées par notre méthode traditionnelle.
Cette loi sur la gouvernance qu'on impose aux nations autochtones du Canada est une autre preuve de l'iniquité, de l'injustice et du mépris total de l'humanité envers les nations autochtones au Canada.
Quand l'Allemagne et le Japon ont été défaits et détruits, le Canada a rebâti leurs villes, leurs industries, leurs économies, leur statut de nation, leur autosuffisance et leur autonomie gouvernementale. Le Japon et l'Allemagne se sont rétablis en 50 ans. On a indemnisé les Japonais pour leurs pertes au cours de la Seconde Guerre mondiale, pour les déplacements et les pertes.
Toutefois, la nation malécite n'a jamais été indemnisée de sa perte et de son déplacement. Au cours des 250 dernières années, aucune industrie n'est apparue dans notre nation afin de nous permettre d'être autonomes. Nous n'avons aucun développement économique. On nous a privés de notre autonomie nationale, de notre territoire et de nos ressources naturelles, et nos traités ne sont pas respectés par le Canada.
La nation malécite fait l'objet d'une sanction depuis plus de 250 ans, et ce n'est pas fini. Quand le Canada cessera-t-il d'adopter des lois discriminatoires contre la nation malécite?
Nous rejetons fermement le projet de loi connu sous le nom de Loi sur la gouvernance. Le temps est venu pour le Canada de s'excuser d'avoir échoué en ce qui concerne sa responsabilité fiduciaire à l'égard de tous les peuples autochtones du Canada. Vous pouvez commencer par reconnaître et exécuter les droits inhérents que nous confèrent les traités.
Obligation de rendre compte, dites-vous? Oui, nous voulons voir les gouvernements fédéral et provinciaux rendre compte de toutes les sommes qui sont censées être dans notre fonds de fiducie. En vertu de la Loi sur les Indiens, nous sommes sous la tutelle de Sa Majesté la Reine. La Couronne et le gouvernement fédéral sont les gardiens, et, par conséquent, nous les Indiens de la nation malécite exigeons qu'une vérification soit effectuée afin qu'on rende compte de toutes les redevances liées à nos ressources naturelles. Ces ressources ont été extraites de nos territoires, lesquels n'ont jamais été cédés ou abandonnés.
De vos primes sur les scalps jusqu'à la Loi sur la gouvernance, en passant par votre loi de mise en valeur, votre Loi sur les Indiens et votre politique du livre blanc, tous ces instruments sont liés. Cette loi sur la gouvernance est planifiée depuis longtemps. Cela ne s'est pas produit du jour au lendemain. Peu importe le nombre de lois que vous adoptez pour justifier la dissimulation de l'exploitation des territoires malécites, un vol est un vol.
Le président : Merci beaucoup.
Mme Hart Perley: Le peuple malécite n'a jamais été un fardeau pour le Canada...
Le président : Un moment, je vous prie.
Juanita, souhaitez-vous partager le temps qui vous est alloué?
Mme Juanita Perley: Je vous demanderais de ne pas interrompre.
Le président : D'accord.
C'est la fin de votre présentation. Si vous soumettez votre document, nous veillerons à ce qu'il soit traduit et distribué à tous les membres.
Nous passons donc à votre exposé, allez-y.
Mme Juanita Perley: Je vous remercie des deux minutes allouées à mon peuple.
Un examen des divers exposés qui vous ont été présentés jusqu'à maintenant renforce notre opinion et notre conviction selon laquelle le gouvernement canadien ne respectera pas ni ne reconnaîtra la capacité des peuples autochtones de se gouverner eux-mêmes. L'imposition de la Loi sur la gouvernance des Premières nations n'est ni votre solution à notre problème, ni notre solution à votre problème.
Dans toutes les contrées indiennes, il existe déjà un système redditionnel connu sous le nom de PGC, c'est-à-dire le plan de gestion corrective, et il y a le plan de gestion par un tiers, le plan de foresterie provincial, et le plan fédéral de gestion des pêches, et je passe sous silence les quelques autres que notre peuple a respectueusement appliqués afin de maintenir la paix entre nos nations et la vôtre, même s'il s'est avéré que vos plans de gestion sont imparfaits.
Ensuite, il y a la sélection des dirigeants, effectuée conformément au processus électoral prévu dans la Loi sur les Indiens. Mais qu'en est-il de l'administration? Nos dirigeants élus ne sont-ils pas déjà les administrateurs de nos communautés? N'est-ce pas ainsi que les perçoivent vos dirigeants? Quant aux modifications pertinentes d'autres lois, combien de lois adoptées par votre gouvernement influent sur les peuples autochtones?
Mon peuple a en sa possession un document--ou plutôt devrais-je dire des documents--et les outils de régie que votre gouvernement semble déterminé à imposer. Nous avons la responsabilisation, la sélection des dirigeants, l'administration et les outils pour apporter les modifications nécessaires. Nous avons la Grande loi, qui régit le comportement, juridique ou autre, de nos nations.
Nous sommes aussi dotés d'un régime gouvernemental traditionnel qui l'emporte sur tout système que votre gouvernement peut nous imposer. Nous avons la Confédération abénaquise, devant laquelle tout notre peuple est responsable de son comportement, et cela s'applique à toutes les tribus de la région de l'Atlantique, y compris celles du nord du Maine.
Votre Loi sur la gouvernance des Premières nations compte de nombreuses failles, et une des erreurs--la plus importante--est l'exclusion de notre peuple lorsque ce document a été rédigé. Ainsi, pourquoi croyez-vous que mon peuple a lutté continuellement contre les injustices créées par la Loi sur les Indiens? Pourquoi contestons-nous si fortement cette loi? C'est parce que nous avons été exclus du processus initial.
Vos systèmes n'ont pas favorisé le mieux-être de mon peuple, avant, et ne fonctionneront pas maintenant. Pourtant, vous continuez de faire la sourde oreille lorsque mon peuple s'adresse à votre gouvernement concernant l'inclusion et l'exclusion, les querelles intestines découlant des divisions créées par ceux qui croient que votre mode de vie est le meilleur.
Á (1130)
Le président : Merci beaucoup. Votre microphone a été coupé.
Fin de l'audience. Arrêtez l'enregistrement.
Nous vous remercions beaucoup.
Nous invitons maintenant Rick Hatchette à prendre la parole pour deux minutes.
Et à ceux qui estiment que le président est impoli ou grossier--je suis sûr que certains croient cela--je tiens à signaler que nous sommes allés dans toutes les provinces et que maintenant nous allons au Québec, et que nous appliquons ces règles partout. Si je dévie du règlement, on me critique et on m'accuse de laisser parler plus longtemps les partisans du projet de loi et de couper ceux qui s'y opposent. J'ai donc appliqué la règle de façon constante, avec tout le monde. Je m'en excuse.
Monsieur, je regrette de vous avoir interrompu. Vous ne serez pas pénalisé. Nous commençons maintenant. Veuillez procéder.
M. Rick Hatchette (À titre individuel): Je m'appelle Rick Hatchette. Je suis un technicien non autochtone qui travaille pour un conseil tribal. Je n'avais aucune intention de participer aujourd'hui, mais en assistant à cette démarche, je me suis senti plutôt offensé.
À force de travailler avec les peuples autochtones, j'ai appris que la concertation fonctionne, que le fait de s'asseoir et de discuter d'un enjeu, de prendre tout le temps qu'il faut, fonctionne. Ce que vous faites ne fonctionne pas. Nous sommes assis ici, et des gens sont interrompus, faute de temps.
Je regarde autour de moi et, à une exception près, peut-être, les non-Autochtones prennent des décisions pour les Autochtones. En quoi sommes-nous habilités à prendre des décisions pour eux?
Le président : Merci.
Je tiens à vous signaler que notre comité ne prend de décision pour personne.
M. Rick Hatchette: Mais lorsque vous retournez...
Le président : Vous pouvez accuser le gouvernement, vous pouvez accuser la Chambre des communes. Le président de la Chambre a demandé à notre comité de prendre un projet de loi de la Chambre des communes, d'aller en parler avec les gens, et, si possible, de soumettre une version améliorée, et c'est ce que nous faisons.
Nous parlons aux Autochtones. Nous consacrons neuf semaines à cette modification d'une loi. L'an dernier, notre comité a travaillé pendant trois mois. Alors, nous parlons aux gens, et, à la lumière de leur témoignage, nous améliorons ce projet de loi, et c'est tout ce que nous avons à faire. Nous ne sommes pas habilités à négocier des ententes pour le gouvernement. Nous ne sommes pas un comité du Premier ministre, du ministre ou du gouvernement. Nous sommes un comité de la Chambre des communes. Pourquoi les Canadiens ne le comprennent pas... c'est comme ça depuis la Confédération. Et le rôle du comité est limité.
Je ne cherche à critiquer personne ici, mais tout au long de notre consultation, nous avons essuyé des insultes qui auraient dû s'adresser à d'autres personnes à Ottawa. Nous les avons acceptées, mais, au bout du compte, nous essayons seulement de faire notre travail. Et je peux dire à tout le monde ici, afin qu'on le mentionne au compte-rendu, que les membres du comité, tous les membres, ont suffisamment d'expérience pour siéger à un comité qui fait le tour du monde. C'est un comité difficile et un travail difficile. Nous acceptons de le faire parce que c'est un enjeu important pour nous. Tous les membres du comité, même ceux qui sont absents, accordent de l'importance à cette question et souhaitent améliorer les choses.
Nous tenons à vous remercier, vous et tous les autres témoins, car vous nous aidez à faire un meilleur travail.
Á (1135)
M. Rick Hatchette: J'aimerais ajouter quelque chose, car je ne crois pas que mes deux minutes soient écoulées.
Vous exercez d'autres fonctions. Vous êtes tous des députés de la Chambre. Vous serez tous au Parlement lorsque ce projet de loi fera l'objet d'un vote. Vous aurez l'occasion de parler de ce projet de loi avec vos collègues...
Le président: Effectivement.
M. Rick Hatchette: Alors je ne m'adresse pas uniquement à un comité permanent. Je vous parle à titre de parlementaires et de membres de partis politiques qui peuvent parler à leur caucus et répéter ce qu'ils ont entendu aujourd'hui.
Le président : Merci beaucoup.
Cela termine nos audiences publiques à Fredericton. Nous remercions tout le monde d'avoir contribué à une audience très productive. Nous avons obtenu beaucoup d'informations utiles.
Nous reprendrons nos audiences à Montréal, à 17 heures. L'autocar partira à moins dix.
La séance est levée.