AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 31 mars 2003
¿ | 0925 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
Le grand chef Carol McBride (Secrétariat de la Nation Algonquin) |
¿ | 0930 |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
Le président |
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne) |
¿ | 0945 |
Le grand chef Carol McBride |
M. Maurice Vellacott |
Le grand chef Carol McBride |
M. Maurice Vellacott |
Le grand chef Carol McBride |
M. Maurice Vellacott |
Le grand chef Carol McBride |
M. Maurice Vellacott |
¿ | 0950 |
Le grand chef Carol McBride |
M. Maurice Vellacott |
Le grand chef Carol McBride |
M. Maurice Vellacott |
Le grand chef Carol McBride |
Le président |
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.) |
Le grand chef Carol McBride |
¿ | 0955 |
Le président |
Le grand chef Carol McBride |
Le président |
Le grand chef Carol McBride |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Le grand chef Carol McBride |
À | 1000 |
M. Maurice Vellacott |
Le grand chef Carol McBride |
M. Maurice Vellacott |
Le grand chef Carol McBride |
M. Maurice Vellacott |
Le grand chef Carol McBride |
Le président |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
Le grand chef Carol McBride |
À | 1005 |
Le président |
Le grand chef Carol McBride |
Le président |
Le grand chef Jimmy Hunter (Le conseil tribal de la Nation Algonquine Anishinabeg) |
À | 1010 |
À | 1015 |
À | 1020 |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
À | 1025 |
Le grand chef Jimmy Hunter |
M. Maurice Vellacott |
Le grand chef Jimmy Hunter |
M. Maurice Vellacott |
Le grand chef Jimmy Hunter |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Stan Dromisky |
À | 1030 |
Le grand chef Jimmy Hunter |
M. Stan Dromisky |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
À | 1035 |
Le grand chef Jimmy Hunter |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le grand chef Jimmy Hunter |
M. Charles Hubbard |
Le grand chef Jimmy Hunter |
M. Charles Hubbard |
Le grand chef Jimmy Hunter |
M. Charles Hubbard |
Le grand chef Jimmy Hunter |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
À | 1040 |
Le grand chef Jimmy Hunter |
M. Maurice Vellacott |
Le grand chef Jimmy Hunter |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Stan Dromisky |
Le grand chef Jimmy Hunter |
M. Stan Dromisky |
Le grand chef Jimmy Hunter |
M. Stan Dromisky |
Le président |
Le grand chef Jimmy Hunter |
À | 1045 |
Le président |
Le grand chef Jimmy Hunter |
Le président |
Le chef Steeve Mathias (Première nation Long Point) |
Le président |
Le chef Steeve Mathias |
À | 1050 |
À | 1055 |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Le chef Steeve Mathias |
M. Maurice Vellacott |
Le chef Steeve Mathias |
M. Maurice Vellacott |
Á | 1100 |
Le chef Steeve Mathias |
M. Maurice Vellacott |
Le chef Steeve Mathias |
M. Maurice Vellacott |
Le chef Steeve Mathias |
Le président |
Le chef Steeve Mathias |
Le président |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) |
Le chef Steeve Mathias |
Á | 1105 |
M. Yvan Loubier |
Le chef Steeve Mathias |
Á | 1110 |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le chef Steeve Mathias |
M. Charles Hubbard |
Le chef Steeve Mathias |
Á | 1115 |
Le président |
Le chef Steeve Mathias |
Le président |
Chef Lance Haymond (Première nation Eagle Village - Kipawa) |
Á | 1120 |
Á | 1125 |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Chef Lance Haymond |
Á | 1130 |
M. Maurice Vellacott |
Chef Lance Haymond |
M. Maurice Vellacott |
Chef Lance Haymond |
M. Maurice Vellacott |
Chief Lance Haymond |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Chef Lance Haymond |
M. Charles Hubbard |
Chief Lance Haymond |
M. Charles Hubbard |
Chief Lance Haymond |
M. Charles Hubbard |
Chef Lance Haymond |
Á | 1135 |
M. Charles Hubbard |
Chef Lance Haymond |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Chef Lance Haymond |
M. Yvan Loubier |
Á | 1140 |
Chef Lance Haymond |
Le président |
Chef Lance Haymond |
Le président |
Chef Lance Haymond |
Le président |
Chef Lance Haymond |
Le président |
Chef Lance Haymond |
Le président |
Chief Lance Haymond |
Le président |
M. Stan Dromisky |
Chef Lance Haymond |
M. Stan Dromisky |
Á | 1145 |
Chef Lance Haymond |
Le président |
Chef Lance Haymond |
Le président |
Chef Lance Haymond |
Le président |
Le chef James Papatie (Communauté anicinape de Kitcisakik) |
Á | 1150 |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
Le chef James Papatie |
Á | 1155 |
 | 1200 |
 | 1205 |
 | 1210 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
 | 1215 |
Le chef James Papatie |
Le président |
M. Stan Dromisky |
Le chef James Papatie |
 | 1220 |
Le président |
Chef Harry St-Denis (Première nation de Wolf Lake) |
 | 1225 |
Le président |
Chef Harry St-Denis |
Le président |
 | 1230 |
M. Maurice Vellacott |
Chef Harry St-Denis |
M. Maurice Vellacott |
Chef Harry St-Denis |
M. Maurice Vellacott |
Chef Harry St-Denis |
M. Maurice Vellacott |
Chef Harry St-Denis |
M. Maurice Vellacott |
Chef Harry St-Denis |
M. Maurice Vellacott |
Chef Harry St-Denis |
M. Maurice Vellacott |
 | 1235 |
Chef Harry St-Denis |
Le président |
Chef Harry St-Denis |
 | 1240 |
Le président |
M. Daniel Pien (À titre individuel) |
Le président |
M. Daniel Pien |
 | 1245 |
Le président |
M. Daniel Pien |
Le président |
M. Edouard Kistabish (À titre individuel) |
Le président |
M. Edouard Kistabish |
Le président |
M. Lucien Wabanonik (À titre individuel) |
 | 1250 |
Le président |
M. Albert Tenasco (À titre individuel) |
 | 1255 |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 31 mars 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0925)
[Français]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)):
À l'ordre. Le comité continue son étude du projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.
[Traduction]
C'est avec plaisir que je souhaite la bienvenue au grand chef Carol McBride, du Secrétariat de la Nation Algonquin. Bienvenue grand chef. Nous avons 45 minutes à passer ensemble. Nous vous invitons à faire votre présentation, et j'espère que nous aurons le temps de vous poser des questions ensuite.
Le grand chef Carol McBride (Secrétariat de la Nation Algonquin): Je vous remercie.
Bonjour. Au nom de nos membres, je tiens à vous souhaiter la bienvenue au nord du territoire algonquin, et aussi à vous remercier de cette occasion de m'adresser au comité. Je suis heureux d'être ici, avec mon homologue grand chef Jimmy Hunter et d'autres dirigeants et membres de la population algonquine qui sont présents. La dernière fois que j'ai comparu devant ce comité, c'était à Ottawa, à l'autonome 2002, quand nous avons fait une présentation sur le projet de loi C-6 sur les revendications particulières. Bien que nous soyons heureux de vous voir venir dans le nord du Québec, il aurait été encore beaucoup mieux que vous puissiez prendre le temps de visiter nos collectivités pour vous faire une meilleure idée de notre situation. Néanmoins, nous saisissons cette occasion de vous faire connaître nos points de vue.
J'aimerais commencer en dressant pour vous le profil de notre nation. La Nation Algonquin se compose de dix collectivités, dont neuf au Québec et une en Ontario. Notre population compte plus de 9 000 sujets. Nous conservons notre titre et nos droits ancestraux sur notre territoire traditionnel, qui englobe les terres, les lacs et les rivières qui s'écoulent dans la rivière des Outaouais, des deux côtés de la frontière entre l'Ontario et le Québec. La raison pour laquelle nous tenons encore à notre titre ancestral est que d'autres gouvernements ont choisi de ne pas tenir compte de nos droits et de prendre nos terres et nos ressources sans traité, sans notre consentement et sans nous indemniser. L'ouverture de nos territoires a apporté richesse et prospérité à d'autres, mais nous a laissé dans un état de pauvreté et de sous-développement. Même des éléments fondamentaux que d'autres Premières nations tiennent pour acquis nous ont été refusés. Jusqu'aux années 1960, la plupart de nos collectivités n'avaient même pas de territoires de réserve ou les programmes et services qui vont de pair avec eux. Même aujourd'hui, 25 p. cent des soi-disant bandes indiennes sans terre du Canada, qui n'ont pas de réserve, sont algonquines, et pour ceux d'entre nous qui avons des terres de réserve, dans bien des cas, elles sont trop petites pour contenir notre propre population, et encore moins suffire au développement économique.
Le Secrétariat de la Nation Algonquin est un conseil tribal qui défend les droits et les intérêts de trois Premières nations algonquines, Barriere Lake, Wolf Lake, et Timiskaming. J'ai été invité, en tant que grand chef, à faire cette présentation ici, aujourd'hui.
Nous comprenons que les objectifs déclarés du projet de loi C-7 sont de favoriser une bonne gouvernance, la reddition des comptes et le développement économique. Le ministre des Affaires indiennes a dit, et le projet de loi C-7 le confirme, que ce n'est qu'une mesure provisoire en attendant la conclusion des négociations et l'entrée en vigueur du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Le ministre a aussi dit que ce projet de loi, s'il est fait loi, améliorera la qualité de vie de nos membres au niveau de la communauté. Nos collectivités appuient de tout coeur une bonne gouvernance, la reddition des comptes et le développement économique. Nous appuyons aussi les mesures qui nous aideraient à faire des progrès vers la reconnaissance et l'entrée en vigueur de nos droits inhérents à l'autonomie gouvernementale, et nous sommes profondément déterminés à améliorer la situation de nos membres dans la collectivité. Malheureusement, le projet de loi C-7 ne fera rien de cela. De fait il nous éloignera encore plus de nos objectifs vitaux. J'aimerais prendre un moment pour expliquer comment.
Peut-être l'un des quelques avantages de ne pas avoir de réserve est-il qu'une bonne partie de nos collectivités ont été entièrement exclues de la Loi sur les Indiens jusqu'aux années 1970. À l'instar des membres de notre conseil tribal, les bandes Wolf Lake et Barriere Lake n'ont jamais été assujetties aux dispositions relatives aux élections de la Loi sur les Indiens. Elles ont toujours fonctionné selon leurs coutumes, qui sont maintenant codifiées. La bande Timiskaming a conçu et adopté son propre code d'élections traditionnelles il y a quelques années. Nos coutumes, nos pratiques et nos traditions sont ce que nous sommes et qui nous sommes, et nous avons lutté pendant des générations pour les protéger.
L'une des grands problèmes que nous pose le projet de loi C-7 est qu'il empiète directement sur un élément vital de notre droit inhérent à nous gouverner nous-mêmes, le choix des dirigeants, et qu'il élargit les pouvoirs du ministre des Affaires indiennes de se mêler à nos affaires internes. Il fera aussi de nos modes traditionnels de gouvernement des créatures de la loi fédérale, en rompant nos liens avec les coutumes, les pratiques et les traditions de nos ancêtres. C'est une attaque directe contre nos valeurs fondamentales et notre identité, sans parler de nos droits constitutionnels.
Je ne suis pas avocat, et je ne peux pas vous exposer une analyse juridique intégrale de cet aspect, mais j'aimerais porter votre attention sur un avis juridique qu'a rédigé David Nahwegahbow, un avocat Anishnabe de l'Ontario, membre de l'Union of B.C. Indian Chiefs, pendant l'été 2002. Bien que son avis porte principalement sur le projet de loi C-61, comme il était appelé à l'époque, la plus grande partie de son analyse et de ses préoccupations s'appliquent directement au projet de loi C-7 aussi. J'aimerais remettre cet avis juridique au comité, dans l'espoir qu'il vous aidera à mieux comprendre les menaces que pose le projet de loi.
¿ (0930)
Vous devez être avisés du fait que ce projet de loi ne tient pas compte des deux rapports décisifs qui portaient directement sur l'autonomie gouvernementale des Indiens, le rapport Penner des années 1980, qui a eu l'aval de tous les partis, et le rapport final et les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones, qui a été diffusé en 1996. Vous devriez être très inquiets du fait que cette initiative du projet de loi C-7 a complètement mis de côté les données de la consultation et les recommandations de ces importants rapports. Pourquoi le ministre a-t-il choisi de contourner et de saborder ces deux rapports décisifs? Le rapport de la Commission royale reconnaît que tenter de rafistoler la Loi sur les Indiens ne ferait que perpétuer le statu quo. Il dit aussi que la gouvernance ne pourrait s'améliorer sans que nos collectivités aient plus accès aux terres et aux ressources de nos territoires traditionnels et à l'autosuffisance qui vient avec une saine économie.
Nous n'avons pas besoin de loi pour améliorer nos économies, ce qu'il nous faut, c'est un meilleur accès aux terres et aux ressources qui se trouvent dans nos territoires ancestraux et une plus grande part des revenus qui en découlent. Mais ce gouvernement n'a rien fait pour nous aider à obliger le Québec ou l'Ontario à nous donner une part équitable des ressources ou des revenus. De fait, ce gouvernement et ce ministre ont tourné le dos à deux ententes conclues avec la collectivité de Barriere Lake, qui visaient directement à améliorer les conditions de vie locales et l'accès aux terres et aux ressources. Je n'ai jamais pensé voir le jour où je dirais que certaines de nos collectivités se font mieux traiter par le gouvernement séparatiste du Québec que par le gouvernement fédéral, mais c'est ce qui arrive à Barriere Lake.
Si vous l'avez déjà fait, vous devriez examiner le rapport final de la Commission royale et le rapport du comité Penner, parce qu'ils vous donneront une idée beaucoup plus claire de ce qu'il faut pour relever les défis qui se posent maintenant à nous en matière de gouvernance. Si vous me demandez de vous proposer une alternative à la vision superficielle du projet de loi C-7, je dirais examinez de près les recommandations de la Commission royale, parce que c'est là qu'est votre réponse.
Autre chose dont je voudrais vous parler, c'est le processus qui a mené à l'élaboration de ce projet de loi et la manière dont il est décrit. Nous avons entendu à maintes reprises le ministre et ses représentants dire que ceci répond aux voeux des Premières nations et qu'il a été influencé par la plus vaste consultation des Indiens de toute l'histoire. Je fais preuve de retenue en vous disant seulement que ce sont des affirmations trompeuses.
Pendant l'autonome 2001, le ministère des Affaires indiennes a tenu une série de soi-disant consultations sur le territoire algonquin. Ces consultations ne peuvent être décrites que comme de la supercherie. J'aimerais remettre au comité un sommaire des résultats de ces soi-disant consultations, pour que vous puissiez vous en faire vous-même un idée. Au total, 55 personnes ont été consultées, sur une population algonquine de plus de 9 000 sujets, et d'après les rapports que nous avons reçus, sur ces 55 personnes, un bon nombre n'étaient même pas des Autochtones, mais plutôt des non-Indiens locaux. En même temps, le ministère des Affaires indiennes n'a fait aucun effort véritable pour nous fournir les ressources pour analyser ce projet de loi ou pour entendre nos points de vue. De fait, les Affaires indiennes ont feint d'ignorer notre propre opposition à ce projet de loi et l'opposition de la grande majorité des dirigeants politiques élus et de leur communauté.
Tout cela est un contraste assez gênant avec les consultations et les résultats du rapport Penner sur l'autonomie gouvernementale et de la Commission royale des peuples autochtones. Les recommandations que contiennent ces rapports sont le résultat d'un effort authentique et sincère pour consulter non seulement les Premières nations, mais les Canadiens en général. La Commission royale a tenu trois séries d'audiences publiques, a offert des programmes d'intervenants pour encourager les Premières nations à participer, et a rédigé un rapport détaillé pour appuyer ces recommandations. En comparaison, les consultations du ministère des Affaires indiennes ne peuvent être décrites que comme un exercice cynique de langage ambigu. Avec tout cela, l'opposition à ce projet de loi qui en a découlé ne peut être une surprise.
¿ (0935)
La Commission royale a conclu que le ministère des Affaires indiennes ne devrait avoir aucun rôle dans la réforme des politiques indiennes, parce que le ministère est trop biaisé par le conflit d'intérêts et parce que l'intégralité de sa culture est fondée sur le contrôle et la manipulation des Premières nations. Les fausses consultations et le processus dont est né ce projet de loi illustrent tout à fait ce dont parlait la Commission royale.
Comme je le disais au départ, nous appuyons pleinement la reddition des comptes, la démocratie et la transparence. Nous appliquons activement ces principes, et si nous avons le respect qui nous est dû, nous réussirons. Ce que j'aimerais savoir, c'est pourquoi le gouvernement du Canada n'est pas, lui aussi, disposé à appliquer ces principes.
Le projet de loi C-7 met vivement l'accent sur l'imputabilité financière, mais il n'en est pas de même de ce gouvernement. Depuis plus de 130 ans, le gouvernement du Canada a administré des fonds en fiducie pour la Première nation Timiskaming, mais il ne nous accorde pas de vérification. Il refuse de rendre compte de la gestion de notre fonds en fiducie et ne peut même pas nous donner les registres et les états financiers du fonds. Au lieu de cela, nous sommes forcés de trouver et de recueillir des documents aux archives et à d'autres endroits et de passer des années rien qu'à réunir l'information, soumettre une demande et prendre place dans une file d'attente. Le projet de loi C-6 sur les revendications particulières n'augmentera pas nos chances de résoudre ces revendications non plus, pour des raisons que je vous ai expliquées lorsque j'ai fait une présentation sur le projet de loi, l'automne dernier. J'aimerais bien voir les Affaires indiennes venir expliquer la mauvaise gestion qui a été faite de nos biens à une réunion publique à notre centre communautaire, ou même nous remettre les résultats d'une règne aussi un petit doute sur les nombreux millions de dollars qui ont été dépensés pour imposer le projet de loi C-7 au Parlement, en dépit de l'opposition massive de nos dirigeants et de notre peuple. Est-ce que le gouvernement du Canada est prêt à s'expliquer là-dessus? Si on tient compte de tout cela, je ne pense pas que notre gouvernement ait beaucoup à nous enseigner en matière de reddition des comptes.
Le projet de loi C-7 parle aussi beaucoup de principes démocratiques, et pourtant, depuis deux ans, le ministre actuel des Affaires indiennes et ses collaborateurs ont mené une campagne virtuelle pour discréditer et contourner les dirigeants autochtones de ce pays. Il ne rencontre pas les chefs en assemblée. Il a tenu de nombreuses entrevues où il a sous-entendu que nous sommes corrompus et que nous ne pouvons gérer nos propres affaires. Il a dit que nous profitons du statu quo, alors il doit passer par-dessus nos têtes pour consulter nos membres. Autrement dit, il a fait à peu près tout en son pouvoir pour montrer son mépris pour nos dirigeants démocratiquement élus et se mettre au service des éléments les plus intolérants de notre société en s'appuyant sur les stéréotypes et des généralisations. Les Canadiens et les députés devraient être choqués et consternés par cette conduite et ces tactiques. Si l'un de nous disait ce genre de choses de vous, il y aurait branle-bas de combat, et nous pourrions même être accusés d'incitations à la haine, mais apparemment, ce genre de langage est accepté dans la mesure seulement où il est dirigé contre les Indiens. C'est pourquoi je ne pense pas que vous ayez beaucoup à nous enseigner en matière de respect de la démocratie.
Quant à la transparence, le projet de loi C-7, tel que conçu par le gouvernement, est fondée sur des affirmations trompeuses, l'abus de procédures, des manipulations et des demi-vérités. Comme je l'ai déjà dit, la seule chose qui m'étonne est que vous et vos collègues de la Chambre ne sembliez même pas en être gênés. Cela ne fait qu'ajouter à l'impression que ce gouvernement s'attend à une norme de conduite bien plus élevée de notre part que celle qu'il est prêt lui-même à appliquer.
¿ (0940)
Monsieur le président et membres du comité, en conclusion, je vous demande de recommander que le projet de loi C-7 soit retiré. Il est trop irrécupérable. Le processus par lequel il a été conçu est trop contaminé pour qu'il puisse avoir la moindre légitimité. Loin d'améliorer nos vies et de nous munir des outils dont nous avons besoin pour devenir autonomes, ce projet de loi confirme les pouvoirs du ministre des Affaires indiennes et lui permet de continuer d'imposer sa volonté à nos collectivités. D'après l'avis que nous avons reçu de notre conseiller juridique, ce projet de loi constitue une infraction injustifiée à nos droits ancestraux. Notre comparution devant le comité ne devrait pas être perçue comme une justification de cette violation ou comme une consultation. En même temps, je peux vous promettre que si ce projet de loi est adopté, nous nous unirons avec d'autres Premières nations de tout le pays pour nous y opposer activement, sur la scène politique et par d'autres mesures. Le moment est venu où le gouvernement fédéral doit cesser d'imposer sa volonté à nos peuples, et si vous allez de l'avant avec ce projet de loi, les futurs gouvernements hériteront du conflit et de l'opposition que ce gouvernement a cultivés. Des amendements ne résoudront pas le problème que pose ce projet de loi. Il doit être retiré.
J'aimerais vous rappeler qu'en tant que membres de l'Assemblée législative, vous avez un devoir de pondération de la branche exécutive du gouvernement . Cela signifie que vous devriez agir pour promouvoir et protéger le processus démocratique et l'honneur de l'État, et non pas seulement approuver systématiquement ce que fait le ministre du jour. Malheureusement, avec le projet de loi C-6, nous avons vu que ces principes étaient laissés de côté, quand les membres libéraux de ce comité ont décidé de suivre les directives du ministre en dépit de l'opposition en masse des Premières nations elles-mêmes. Certaines personnes disent que cela arrivera encore, que les membres libéraux du comité agiront comme des agents du ministre et appuieront le projet de loi, en dépit du grand mouvement d'opposition des Premières nations, en dépit des semblants de consultations et en dépit des lacunes irrémédiables du projet de loi lui-même. De mon côté, j'espère que vous aurez l'intégrité de faire ce qu'il faut, et je vous demande de recommander le retrait du projet de loi C-7. L'enjeu est gros, non pas seulement pour l'avenir de nos collectivités, mais pour votre propre crédibilité et la légitimité du Parlement lui-même. Si vous décidez de laisser ce projet de loi aller de l'avant, vous aurez trahi les principes mêmes de la démocratie et l'honneur que le Parlement est censé défendre. À vous de faire le choix.
Meegwetch. Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer aux questions.
[Français]
Nous passons maintenant à la période de questions.
[Traduction]
Monsieur Vellacott, vous avez sept minutes.
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui, Carol, pour parler de ce sujet.
Ma première question, vous en avez glissé un mot dans vos commentaires, concerne la consultation, ou l'absence de consultation. Beaucoup de commentaires ont été faits dans tout le pays à ce sujet. Qu'est-il arrivé en particulier dans cette partie du pays de la tentative de consultation, ou quelque chose est-il arrivé? Y a-t-il eu des lettres du ministre invitant les gens à participer aux consultations? Y a-t-il eu décision du grand chef et d'autres, ici, d'y participer ou de s'en abstenir? Qu'est-il arrivé?
¿ (0945)
Le grand chef Carol McBride: Tout d'abord, c'était une consultation par téléphone, ou ce que vous voulez l'appeler, et à notre avis c'était une très mauvaise idée. Comment pouvez-vous savoir qui téléphone, si ce sont des Indiens, des non-Indiens, ou quoi que ce soit? C'est la première chose, et selon nous ce processus ne pouvait être légitime.
M. Maurice Vellacott: Donc, aucune tentative n'a été faite pour avoir des rencontres en personne, seulement par téléphone, une espèce d'émission radiophonique?
Le grand chef Carol McBride: C'était une ligne téléphonique que le gouvernement, je suppose, avait organisée. D'après ce que j'ai compris, rien ne permettait de voir si c'était un Autochtone ou un non-Autochtone qui téléphonait. Nous ne pouvons donc pas être sûrs que ce sont nos gens qui ont téléphoné.
Je m'inquiète aussi de certaines choses qu'a dit le ministre, particulièrement quand on va à une rencontre de tous les chefs ou une réunion de la Confédération. Il a dit à maintes reprises, semant ce genre d'idée dans l'esprit des Canadiens, que nous sommes corrompus et que nous ne nous exprimons pas au nom du peuple. Avec ce genre de déclaration de la part du ministre qui est censé nous représenter, comment pouvons-nous avoir foi en ce processus de consultation, quand il peut avec autant de facilité se retourner et dire que nous ne sommes qu'une bande de voleurs et que nous ne représentons pas notre peuple?
M. Maurice Vellacott: Donc, est-ce que le ministre a tenté le moindrement, ou avez-vous, vous-même, tenté d'avoir des rencontres en personne pour informer vos membres, pour dire, voici la nature de ce projet de loi, et voici pourquoi nous, en tant que chefs, nous y opposons? Est-ce que vous avez pu faire ce genre de chose?
Le grand chef Carol McBride: Oui, nous l'avons fait. En tant que grand chef, je fais des comptes rendus aux chefs, et ils parlent avec leurs collectivités respectives. J'ai aussi siégé au comité de mise en oeuvre, avec l'Assemblée des premières nations, et j'ai fait connaître nos préoccupations à ce groupe, aux réunions de tous le chefs, aux réunions de la Confédération, sur des tribunes où nous, en tant que chefs, avons eu l'occasion de nous exprimer et d'analyser les aspects du projet de loi.
M. Maurice Vellacott: Est-ce que les membres, en général, comprennent vraiment la nature de ce projet de loi, vos diverses bandes et les collectivités? Est-ce qu'ils ont la moindre idée de ce dont il s'agit ici?
Le grand chef Carol McBride: Si nous avions eu les ressources qu'il fallait pour procéder à une consultation en bonne et due forme, ce qui préoccupait le ministre au début de tout ceci, nos gens auraient pu être correctement informés et ne nous auraient pas laissé la responsabilité d'analyser tous les aspects du projet de loi. Nous n'avions pas ces ressources. Aujourd'hui, je suis seul ici, je ne pouvais me permettre d'amener notre conseiller juridique, je n'avais pas les moyens de me faire accompagner de notre personnel technique. Alors, si vous me posez une question technique aujourd'hui, je ne serai pas très bien placé, parce que ce gouvernement ou le ministre ne nous ont pas donné les ressources nécessaires.
M. Maurice Vellacott: Vous avez fait allusion à l'une des collectivités qui fonctionne selon la coutume de la bande et n'a jamais été assujettie à la Loi sur les Indiens. Est-ce qu'il serait vrai de tous ceux que vous représentez, en tant que grand chef, qu'ils sont en voie de formuler un code en ce qui concerne tous les domaines dont traite le projet de loi, l'administration, l'aspect financier, le choix des dirigeants, etc.? Est-ce que vous diriez que toutes les Premières nations différentes que vous représentez ont déjà quelque chose de prévu pour tout cela, ou est-ce qu'ils sont en train de rédiger des codes sur tous ces aspects?
¿ (0950)
Le grand chef Carol McBride: Deux des collectivités n'ont jamais appliqué le processus d'élection prévu par la Loi sur les Indiens et ils ont maintenant fait codifier leur processus d'élection. La Première nation Timiskaming, en vertu de la Loi sur les Indiens, a établi ses procédures d'élection, et alors...
M. Maurice Vellacott: Qu'en est-il des autres domaines, l'administration, la transparence financière, la reddition des comptes? Est-ce qu'ils ont aussi écrit quelque chose là-dessus, des procédures, des manuels, etc.?
Le grand chef Carol McBride: La Première nation Timiskaming est en train d'élaborer des politiques pour la reddition des comptes et la transparence; nous y travaillons depuis quelque temps. Il en est de même pour les bandes Wolf Lake et Barriere Lake; ils sont en train de rédiger leurs politiques internes de reddition des comptes.
M. Maurice Vellacott: Donc, vous préféreriez continuer de travailler là-dessus en-dehors de ce projet de loi particulier. Combien de temps faudrait-il pour qu'il y ait des ententes d'autonomie gouvernementale négociées, dans la mesure où vous pouvez le prévoir?
Le grand chef Carol McBride: Je pense que le plus important à quoi nous devons nous atteler maintenant, c'est qu'il faut commencer à négocier et à rendre nos collectivités beaucoup plus saines. Peut-être devrions-nous commencer à négocier au sujet des ressources et des revenus qui sont pris à nos territoires.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Dromisky, vous avez sept minutes.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup pour votre présentation.
C'est, vous le réalisez, une question très profonde, remplie d'émotion. Ce qui me gêne, au sujet de toute votre présentation, c'est que le tableau que vous dressez de nous, le gouvernement, est le même que vous nous reprochez de dresser de votre peuple, en généralisant de telle manière que tout est mal ou tout est bien, tout le monde est voleur ou personne ne l'est. Mais nous avons un problème, et je crois que vous pourrez nous aider à le résoudre. Vous parlez du genre de chose que le projet de loi s'efforce réellement de faire par l'entremise des membres des collectivités des Premières nations.
Vous parlez de démocratie. Vous savez, et je sais, et nous savons depuis des années, que dans certaines collectivités des Premières nations, il n'existe rien de tel que des pratiques démocratiques. Nous savons qu'il y a d'autres choses qui doivent être corrigées, mais nous ne pouvons pas les corriger, la Loi sur les Indiens ne nous le permet pas, et les collectivités des Premières nations ne font rien pour corriger les pratiques qui ne devraient pas se perpétuer dans d'autres collectivités. Que pouvez-vous recommander? Je suis sûr que vous et vos chefs en avez discuté. Comment pouvez-vous aider les autres? Comment pouvez-vous aider d'autres citoyens des Premières nations à composer avec un chef qui n'a jamais autorisé la tenue d'élections, qui n'a jamais permis à quiconque de savoir le chiffre des recettes et la nature des dépenses? Ils ne savent pas combien il est payé, ou combien les membres de son conseil se font payer et il y a bien d'autres choses qu'ils ne savent pas. Il n'y a pas de démocratie. Si vous soulevez une question, un doute, vous avez des problèmes avec le chef. Vous pourriez même être mis à la porte de la réserve et être envoyé vivre en ville. Les vivres pourraient vous être coupés. Les études de votre adolescent à l'école secondaire voisine, à un collège communautaire ou à l'université ne seront pas subventionnées. Ce genre de situation existe. Comment pouvons-nous aider ces gens-là? Que peut faire le gouvernement pour faire qu'il soit légal de laisser s'épanouir, survivre et prospérer la démocratie? Cela existe déjà sur tellement de réserves, chez tellement de peuples des Premières nations.
Le grand chef Carol McBride: Je suis très vexé par certaines des choses dont vous avez parlé. Je suis chef communautaire de ma propre Première nation, Timiskaming, depuis 17 ou 18 ans, et je ne me suis jamais engagé dans de telles activités dans ma collectivité, si quelqu'un était contre moi ou posait des questions, le fait de m'attaquer personnellement...
¿ (0955)
Le président: Je vais intervenir ici. Il n'était pas question de désigner qui que ce soit.
Le grand chef Carol McBride: Eh bien, je suis un chef, et il parle de certains chefs. Je voulais seulement clarifier ce point.
Le président: Monsieur est un député qui s'acquitte d'une tâche pour le pays. Il a entendu des témoignages dans tout le pays, et il ne parle pas d'une collectivité particulière des Premières nations, mais de problèmes qui ont été portés à l'attention de députés dans leur bureau par des membres de Premières nations. Je voudrais que ce soit clair, parce que je ne permettrais à personne de s'attaquer à une collectivité particulière.
Le grand chef Carol McBride: Je n'ai jamais été témoin de telles activités. De fait, nous nous efforçons de mettre en place nos propres politiques pour pouvoir rendre compte de nos activités à nos gens. Je sais que, pour la Première nation Timiskaming, il n'a jamais été question de ne pas se réunir pour une élection. Permettez-moi de vous dire que dans notre collectivité, là-bas, comme il doit y avoir des élections au milieu de l'année, les gens s'y préparent et il ne pourrait être question de les annuler, ou quoi que ce soit du genre.
Je crois qu'avec une consultation en bonne et due forme, de nation à nation, de gouvernement à gouvernement, le dialogue aurait pu être bien meilleur. Actuellement, en tant que chef, je considère que le projet de loi C-7 est imposé. Pourquoi le gouvernement ne pouvait-il pas s'adresser aux dirigeants et dire «Écoutez, travaillons là-dessus ensemble, de gouvernement à gouvernement, de nation à nation?» Accordez-nous la reconnaissance que nous méritons. Nous avons beaucoup de responsabilités dans nos collectivités. Nos collectivités vivent, dans bien des régions, dans la pauvreté, et nous avons la responsabilité de fournir des programmes et des services à nos peuples avec un budget très limité.
Comme je l'ai dit dans la présentation, nous avons essayé de nous faire rendre des comptes par le gouvernement du Canada, et nous ne pouvons obtenir cette information à moins de dépenser des milliers et des milliers de dollars. Pourquoi le gouvernement du Canada ne donne-t-il pas l'exemple en matière de reddition des comptes? Pourquoi attend-il cela de nos Premières nations? Je suis sûr que la majorité des Premières nations ont des politiques en place. Je suis sûr, d'après la manière dont les gens vivent dans tout le pays, qu'ils ne permettraient pas à leurs collectivités... On dirait presque que c'est le leader ou le chef qui va rendre la vie impossible sur la réserve. Je n'ai jamais vu de telle situation, et peut-être est-ce pour cela que j'ai été tellement vexé par vos propos.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Vellacott, vous avez trois minutes.
M. Maurice Vellacott: Pour revenir sur mes commentaires de tout à l'heure, où en sont ces ententes d'autonomie gouvernementale? Est-il difficile de savoir ce qui en est? Je suppose que vous faites affaire avec un gouvernement provincial et avec le gouvernement fédéral. Pouvez-vous me donner une estimation approximative et décrire ce qui, selon vous, prendra autant de temps? Est-ce qu'il faudra cinq ans, dix, vingt, cinquante, cent ans avant que ces ententes soient en vigueur?
Le grand chef Carol McBride: Je pense qu'avant que nous puissions conclure une entente sur l'autonomie gouvernementale, qu'il nous faudra nous assurer que nos collectivités aient les ressources nécessaires, que le revenu et les ressources tirés de nos terres soient négociés, pour que nous puissions servir nos peuples comme il se doit. Ce qui empêche la nation algonquine de progresser, en ce qui concerne les terres, c'est la politique qui est en vigueur actuellement, la politique sur les revendications globales. En tant qu'ancien chef de ma collectivité et que grand chef, je ne peux pas recommander à mon peuple de négocier en vertu de cette politique, parce qu'au bout du compte, nous devons renoncer à nos droits, et je ne peux le faire pour la prochaine génération. Alors je pense que cette politique doit être retirée ou examinée, et une fois que les revendications territoriales sont négociées, je pense que nous pourrons parler d'autonomie gouvernementale.
À (1000)
M. Maurice Vellacott: Je vois. Je remarque que vous évitez de me donner une réponse directe sur le nombre d'années, et je veux bien le respecter.
Le grand chef Carol McBride: Je ne peux pas vous en donner une.
M. Maurice Vellacott: C'est difficile. Ce pourrait être très rapide, mais ce pourrait être très long aussi.
Le grand chef Carol McBride: Cela dépend du gouvernement du jour et des politiques que nous devons observer. Actuellement, nous ne croyons pas en une politique de revendication globale. Je ne peux pas recommander à mon peuple d'aller négocier en vertu de cette politique. Elle les désavantage et je ne peux pas m'y résigner.
M. Maurice Vellacott: Votre situation n'est pas pire avec la Loi sur les Indiens, alors autant en rester là, avec tous ses défauts et les problèmes et les difficultés qu'elle pose, plutôt que d'adopter le projet de loi C-7? Vous n'avez rien à perdre en conservant la Loi sur les Indiens, jusqu'à ce qu'il y ait quelque chose de mieux.
Le grand chef Carol McBride: Eh bien, disons les choses ainsi : nous connaissons les problèmes que pose la Loi sur les Indiens. Ce que nous réserve le projet de loi C-7 est inconnu et je pense que c'est bien pire que ce que nous avons actuellement. N'allez pas penser que je sois un activiste favorable à la Loi sur les Indiens—je m'en passerais volontiers. J'espère que nous pouvons nous réunir pour oeuvrer ensemble sur quelque chose qui pourra remplacer la Loi sur les Indiens, sans que ce nous soit imposé. Faisons-le entre nations, entre gouvernements. Travaillons ensemble, c'est cela que je dis.
Le président: Merci beaucoup.
Ceci n'est pas un gouvernement, c'est un comité de la Chambre des communes. Ce n'est pas ce comité qui fera qu'il y ait dialogue entre les nations, et je pense que ce serait une insulte à vous faire que de considérer que ceci puisse l'être. C'est un comité de la Chambre des communes, ce n'est pas le gouvernement, et nous parlons d'un projet de loi qui a des défauts. Je ne vous découragerai pas de travailler sur une approche de gouvernement à gouvernement, mais ce n'est pas ici que cela arrivera.
Monsieur Hubbard, vous avez trois minutes.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président, et bonjour chef.
Dans votre présentation, vous dites avoir la plus grande partie de ce que nous aimerions réaliser avec le projet de loi. Vous passez le plus clair de votre temps à parler du fait que la consultation est le principal problème, et il y a une minute seulement, vous avez dit à M. Vellacott que le projet de loi C-7 est pire que la Loi sur les Indiens de 1876. En quoi voyez-vous que le projet de loi C-7 soit pire, quelles parties du projet de loi? Sur quoi fondez-vous vos affirmations?
Le grand chef Carol McBride: Au début de tout cela, je me rappelle avoir entendu le ministre dire que cette loi supprimerait ou limiterait les pouvoirs du gouvernement ou du ministre, et ce n'est pas le cas. Le ministre intervient plus, à mon avis, qu'avec la Loi sur les Indiens actuelle. Je pense que le projet de loi C-7 n'a aucun droit de traiter de notre gouvernance. Je pense que cela devrait être laissé aux collectivités. Le projet de loi C-7 éviscère notre structure de leadership, quelle qu'elle soit. Le projet de loi C-7 nous prive de cela. Il y a des collectivités qui fonctionnent avec des chefs héréditaires. Ce projet de loi les empêchent de faire ce qu'elles font depuis toujours, il les prive de leurs traditions, de leur culture. Il y a bien des points de ce projet de loi qui, selon moi, pourraient nous causer des problèmes. Comme je l'ai dit tout à l'heure, j'aimerais bien pouvoir être plus spécifique, mais je n'avais pas les ressources nécessaires pour me faire accompagner de mon personnel technique ici, et je ne prétendrai pas être avocat, je suis un leader.
À (1005)
Le président: Merci beaucoup.
Nous avons trois minutes pour terminer.
Le grand chef Carol McBride: Merci.
Je demande aujourd'hui, ici, à ce comité, de prendre tout ce que vous avez entendu dans tout le pays, et je sais qu'il y a eu une opposition écrasante à ce projet de loi, et de vraiment réfléchir à ce que vous allez faire si vous consentez à aller de l'avant avec ceci. J'espère que vous pouvez appliquer les principes du projet de loi et ne pas passer à l'examen article par article, parce qu'alors, selon moi, ce serait le reconnaître.
J'ai lu une déclaration d'un collègue, qui dit «le colonialisme est dangereux pour notre santé et fatal pour notre avenir», et pour moi, c'est ce qu'est le projet de loi C-7. C'est ma conclusion, et j'espère que vous pourrez vous en souvenir et faire ce qui est juste.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup.
Avant d'inviter notre invité suivant, je vais expliquer le rôle du comité. Nous n'avons pas le choix de ne pas faire l'examen article par article. Le projet de loi que nous avons devant nous nous a été référé par le Président de la Chambre, et nous devons procéder à un examen article par article. Nous devons examiner chaque article, puis renvoyer le projet de loi à la Chambre. L'objet de notre voyage dans tout le pays est de demander aux gens de nous aider à renvoyer le projet de loi à la Chambre en meilleur état que lorsqu'il nous est arrivé. Donc les témoignages que nous recevons dans tout le pays, nous tirons parti des commentaires qui concernent le projet de loi C-7. Les autres commentaires sont intéressants et constituent de très bonnes leçons d'histoire, mais ils ne concernent pas le projet de loi.
[Français]
J'invite maintenant le Conseil Tribal de la Nation Algonquine Anishinabeg.
[Traduction]
J'invite maintenant le grand chef Jimmy Hunter, du conseil tribal de la Nation algonquine Anishinabeg. Nous avons 45 minutes à passer ensemble. Nous vous invitons à faire votre présentation, et nous vous poserons des questions ensuite.
Le grand chef Jimmy Hunter (Le conseil tribal de la Nation Algonquine Anishinabeg): [Le témoin s'exprime dans sa langue]
Bonjour, mesdames et messieurs.
Le conseil de la Nation algonquine Anishinaabe a son siège social à Kitigan Zibi et représente les Premières nations Abitibiwinni, Eagle Village, Kitcisakik Anishinaabe, Kitigan Zibi Anishinaabe, lac Simon Anishinaabe, Long Point First Nation et Wahgoshig First Nation. Elles sont réparties en Abitibi-Témiscamingue, en Outaouais et en Ontario. Si l'on doit décrire en un mot la caractéristique principale de la nation algonquine, il faut choisir le terme «diversité». Chacune des collectivités a en effet des différences propres tant sur le plan géographique, des ressources, de la langue et de la population qu'en matière de structure administrative, économique et politique. Tout en ayant une histoire commune, chacune de nos collectivités a, au fil des ans, adopté un style de vie particulier et atteint un niveau de développement qui lui est propre. La démographie de la nation algonquine Anishinaabe démontre que notre population totale se situe à plus de 6 000 membres. Près de 42 p. 100 de notre population est âgée de moins de 25 ans. Cette situation amène des défis de taille pour les dirigeants des communautés, nous devons trouver des moyens concrets pour assurer un avenir prometteur. Les propositions unilatérales récemment déposées par le gouvernement fédéral, le projet de loi du ministre Nault sur la gouvernance, n'apportent pas les changements que notre nation désire et dont elle a besoin. Seule notre nation peut décider de la direction et du rythme des changements à apporter.
Les Algonquins Anishinaabe ont une vision très claire de la souche et des origines de notre droit à l'autonomie gouvernementale. Pour nous, c'est un droit inhérent, comme la source des croyances spirituelles, du langage, de la culture, du lien avec la terre. Le droit à l'autonomie gouvernementale et le droit à l'autodétermination nous viennent du Créateur. Cette vision est bien ancrée dans la culture, les traditions et les gouvernements du peuple Anishinaabe. Le gouvernement fédéral et les tribunaux canadiens ont aussi reconnu et affirmé cette vision, ainsi que le droit inhérent des Premières nations à l'autonomie gouvernementale. L'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 constitue l'expression et l'affirmation des plus claires de cette reconnaissance.
Nous avons clairement énoncé les principes en ce qui concerne le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Ces principes reposent sur deux éléments fondamentaux: premièrement, ce droit inhérent est octroyé par le Créateur au peuple Anishinaabe; deuxièmement, le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale n'est pas tributaire des ententes, des procédés ni des lois d'autres gouvernements. Il repose plutôt sur une restructuration des pouvoirs, une réédification de notre nation, un accès à notre territoire et l'accès aux ressources naturelles sur notre territoire ancestral.
Une décision récente de la Cour suprême du Canada fait référence à la négociation de bonne foi concernant tous les droits couverts par le paragraphe 35(1) de l'Acte constitutionnel de 1982. En accord avec cette même reconnaissance vient la capacité des Anishinaabe de faire nos propres lois. La Proclamation royale de 1763, qui constitue une partie fondamentale de la Constitution canadienne et, dans ce sens, demeure une partie intégrante de la loi suprême du Canada, reconnaît déjà les gouvernements de notre nation comme ordre de gouvernement fondamental de ce pays.
À (1010)
Le développement de l'autonomie gouvernementale de notre nation doit avant tout comporter la résolution des problèmes sociaux, des services éducatifs et judiciaires adéquats, des solutions à la crise du logement, la restauration de l'identité culturelle et linguistique de notre peuple. Il faudra la création de structures et d'institutions efficaces pour garantir les valeurs fondamentales de la nation algonquine Anishinabeg. Le projet de loi sur la gouvernance ne nous donne pas les moyens de régler ces problèmes de taille qui sévissent dans nos collectivités, la gestion de crise étant devenue constante. En fait, le système de réserve était et demeure une tentative d'assimilation forcée et d'intégration éventuelle dans un système canadien. Ce projet de loi sur la gouvernance qui vise encore une fois un processus d'assimilation, ne fera que perpétuer le contexte colonialiste de notre existence et de crise dans nos collectivités.
Malgré la situation de crise, le système de réserve n'a pas atteint son objectif d'assimilation, grâce à une forte volonté d'exister. Il a cependant causé profondément de torts et de blessures à notre nation par l'effondrement de notre système politique et la perte de l'identité culturelle et linguistique résultant des problèmes sociaux et économiques que nous connaissons aujourd'hui. Il nous faut mettre en place des institutions et des gouvernements efficaces et pleinement légitimes. Afin d'y arriver, le peuple Anishinabe doit avoir la liberté, le temps, l'encouragement et les ressources nécessaires à l'élaboration de ses propres institutions politiques et administratives. Le contrôle par notre nation d'un processus d'élaboration de notre constitution est beaucoup plus important que l'imposition d'une gouvernance à modèle unique provenant de l'extérieur. Comment pouvons-nous rendre compte de structures et d'institutions qui nous sont imposées, plutôt que développées par nous? Le projet de loi sur la gouvernance impose ce modèle universel aux collectivités autochtones du pays. Il omet totalement de consentir à une diversité parmi les Premières nations du pays et à une diversité entre les différentes collectivités d'une même nation.
D'ailleurs, la Commission royale des peuples autochtones l'a confirmé et recommande que les structures internes et les statuts d'autorité d'un gouvernement et de ses différentes entités soient définis dans une constitution, une charte, des lois et des conventions orales qui reflètent les normes culturelles de la nation et ses valeurs sociales et traditionnelles. Notre constitution en tant que nation nous mènera à l'établissement des institutions gouvernementales élémentaires, notamment le développement de lois et des tribunaux adaptés à nos besoins et nos valeurs. Il nous sera aussi permis de refléter le caractère distinctif de chacune des collectivités qui constituent la nation algonquine Anishinabeg. Ainsi, la nation algonquine Anishinabeg sera alors en mesure de gérer ses propres écoles, de maintenir ses propres services sanitaires et sociaux, de s'occuper des problèmes familiaux, de réglementer plusieurs activités économiques, de cultiver et de protéger sa langue, sa culture et son identité, de réglementer l'usage de ses terres, de ses eaux et de ses ressources naturelles, de s'occuper des questions de droit et de procédures criminelles et de manière générale, de maintenir une paix et une sécurité sur notre territoire. De plus, notre constitution nous permettra de nous occuper des questions reliées au choix de nos dirigeants et aux élections locales.
À (1015)
Les Anishinabeg Algonquins sont une société distincte avec un langage, une histoire et un territoire communs et, en tant que tels, sont reconnus par les droits international et national comme une nation avec un pouvoir d'autonomie gouvernementale incluant la responsabilité exigée par les défis nouveaux et imminents. Il nous faut pour notre nation des pouvoirs suffisants et appropriés. Notre gouvernement Anishinabeg doit occuper une place de premier plan dans la Constitution du Canada, une place qui nous situe sur un pied d'égalité avec les gouvernements fédéral et provinciaux et qui ne soit pas tributaire de lois étrangères ni de tribunaux relevant de compétence ne nous appartenant pas. L'efficacité de notre gouvernement Anishinabeg dépendra de notre capacité à déployer les efforts nécessaires à l'amélioration de la qualité de notre statut légal. En d'autres termes, le droit à l'autonomie gouvernementale du peuple Anishinabeg doit être reconnu.
La réédification de la nation est cruciale. Notre peuple doit avoir une richesse collective adéquate qui lui est propre, sous forme de territoire et de ressources naturelles. Il faut minimiser notre dépendance envers les sources de financement externes et les contraintes politiques qui les accompagnent. La santé économique et la viabilité à longue échéance de la Nation algonquine Anishinabeg ne pourront être assurées par des transferts financiers annuels et des programmes de financement parrainés par le gouvernement fédéral. Il faut une redistribution des terres et des ressources pour mener à une véritable gouvernance par notre nation. Voilà la seule voie pouvant mener à la santé, à la viabilité et à la stabilité de nos collectivités.
En terminant, l'autodétermination et l'autonomie gouvernementale sont des éléments cruciaux et essentiels à la survie comme peuple distinct des Anishinabeg Algonquins. Entendez-moi bien, nous ne somme pas opposés à l'imputabilité. Cependant, nous sommes d'avis que la véritable responsabilité doit provenir d'institutions et de structures qui sont légitimes aux yeux de la population. Les institutions et structures légitimes sont celles qui sont développées par les gens des collectivités et qui répondent aux besoins particuliers des collectivités; elles ne sont pas imposées aux collectivités par un autre gouvernement. Les règles imposées par la Loi sur la gouvernance des Premières nations peuvent avoir pour objectif d'assurer l'imputabilité, mais elles le font de manière illégitime et, en conséquence, elles ne pourront jamais être acceptées par les gens de nos collectivités.
Voilà ce que représente la Loi sur la gouvernance pour la Nation Anishinabeg: La délégation d'une forme normative d'autonomie gouvernementale et une approche unilatérale par le gouvernement fédéral afin de modifier la Loi sur les Indiens; une approche fragmentaire de l'autonomie gouvernementale des Premières nations, approche contradictoire et préjudiciable à l'autonomie gouvernementale et à l'autodétermination des Anishinabeg Algonquins; l'approche de ce processus du projet de loi sur la gouvernance est irrespectueuse de la hiérarchie d'autorité de nos leaders politiques élus; un procédé de domination, de soumission, d'exploitation et de contrôle par le gouvernement fédéral qui contribue à diminuer la relation de confiance entre le peuple Anishinabeg et la Couronne; une perpétuation du colonialisme et un reniement injuste de nos droits Anishinabeg Algonquins en matière de compétence comme l'affirme la Commission royale sur les peuples autochtones: «La colonisation force les peuples autochtones à abandonner leurs structures de gouvernance traditionnelle».
À (1020)
En l'occurrence, la Nation algonquine Anishinabeg ayant adopté les résolutions 65 et 77, réitère son opposition totale face à ce projet de loi sur la gouvernance des Premières nations proposé par le Canada.
Chi-meegwetch.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité.
[Français]
Nous allons maintenant inviter les membres du comité à poser des questions.
[Traduction]
Monsieur Vellacott, sept minutes.
M. Maurice Vellacott: Merci beaucoup, grand chef, d'être parmi nous aujourd'hui.
Vous dites dans votre exposé qu'il est crucial de réédifier la nation, puis vous donnez quelques suggestions. Plusieurs de vos déclarations m'intéressent. Vous dites à propos de la réédification et d'une richesse collective adéquate qu'il faut «minimiser notre dépendance envers les sources de financement externes et les contraintes politiques qui les accompagnent.» Au paragraphe suivant, vous dites: «La santé économique et la viabilité à longue échéance de la Nation algonquine Anishinabeg ne pourront être assurées par des transferts financiers annuels et des programmes de financement parrainés par le gouvernement fédéral.» Dois-je comprendre que, d'après vous, si vous disposiez des terres et des ressources adéquates, le gouvernement fédéral n'aurait plus à vous financer?
À (1025)
Le grand chef Jimmy Hunter: Je pense que l'obligation de fiduciaire du gouvernement fédéral continue d'exister, mais ce que nous essayons de dire, c'est qu'il faudrait admettre un peu plus que nous sommes propriétaires du titre foncier de ce territoire et des ressources naturelles qui s'y trouvent; par contre, si les ressources de ce territoire nous rapportaient de l'argent, cela ne voudrait pas dire que le gouvernement n'aurait pas l'obligation de fiduciaire de continuer à aider financièrement les Premières nations. Pourtant, tant que nous dépendons du financement du gouvernement chaque année, tôt ou tard, nous serons coincés en ce qui concerne le développement économique.
M. Maurice Vellacott: Vous dites donc que vous voulez les deux, que vous préféreriez pouvoir décider davantage de vos destinées et de vos affaires, disposer des ressources et ne pas dépendre du gouvernement dans une telle mesure?
Le grand chef Jimmy Hunter: Si je vous disais véritablement ce que je voulais maintenant pour mon peuple, je ne pense pas que le gouvernement aurait suffisamment d'argent pour nous dédommager. Ce serait ma réponse.
M. Maurice Vellacott: D'accord. Par conséquent, vous ne pouvez pas aspirer complètement à... mais pour ce qui est de l'avancement et de la santé de votre peuple grâce à l'autonomie gouvernementale, etc., vous êtes véritablement... Un témoin précédent a également dit que le territoire et les ressources disponibles sont essentiels pour assurer le développement et la réussite économiques de toute nation.
Le grand chef Jimmy Hunter: C'est exact.
M. Maurice Vellacott: Merci.
Le président: Monsieur Dromisky, sept minutes.
M. Stan Dromisky: Merci beaucoup.
Votre document est fascinant et renferme tellement de concepts que j'aimerais pouvoir passer quelques jours avec vous pour en discuter ligne par ligne, concept par concept. Toutefois, nous n'en avons pas le temps. Essentiellement, je suis d'accord avec la plupart de ce que vous dites en ce qui concerne certaines collectivités des Premières nations, mais je considère, quant à moi, que le projet de loi C-7 permet aux collectivités des Premières nations d'élaborer leurs propres codes. Bien sûr, le projet de loi précise trois domaines distincts. Peut-être va-t-il trop loin, peut-être est-ce trop demander à n'importe quelle collectivité des Premières nations sur une période de temps aussi courte, je ne le sais pas. Il semble par contre qu'il y ait beaucoup d'opposition contre l'essentiel du projet de loi qui prévoit que ce sont aux gens eux-mêmes de décider des codes et que le même code ne s'applique pas uniformément à l'échelle du pays.
J'ai de la difficulté à comprendre ce qui nous oppose véritablement en ce qui concerne l'élaboration des codes. D'après le projet de loi, vous élaborerez les codes, or, vous dites, que vous ne voulez pas le faire et que par conséquent, vous rejetez le projet de loi. Que voulez-vous vraiment?
À (1030)
Le grand chef Jimmy Hunter: Vous venez de le dire vous-même, lorsque vous avez parlé du temps. Vous venez juste de m'indiquer que vous aimeriez passer quelques jours avec nous. C'est exactement ce que le gouvernement refuse de faire. Il ne passe pas assez de temps avec les peuples des Premières nations pour véritablement comprendre ce qu'ils veulent. Je pense qu'il faut prendre du temps et ne pas simplement se contenter de rencontrer des fonctionnaires ou le ministre des Affaires indiennes qui viennent nous serrer la main, etc. À mon avis, c'est là que se situe le problème. Vous l'avez dit vous-même, nous devrions examiner la question pendant deux ou trois jours. C'est, selon moi, l'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés: il s'agit de cerner les divergences d'opinion entre nous et le gouvernement; d'après moi, elles sont considérables. Nous connaissons bien nos gens. Comme je travaille pour mon peuple depuis 30 ans, je le connais bien et je sais comment se passent les choses au sein des collectivités. La différence, c'est que nous savons bien quel genre de codes ou de systèmes nous pouvons implanter pour notre propre peuple.
M. Stan Dromisky: D'accord, merci.
Le président: Monsieur Dromisky, vous dites que ce serait bien si nous pouvions siéger deux ou trois jours. Nous avons consacré trois mois au printemps dernier à la question et c'est la huitième semaine que nous siégeons à plein temps. Êtes-vous en train de dire que si nous pouvions siéger deux ou trois jours, nous nous rapprocherions d'un accord et d'une entente, et qu'au bout de trois mois et huit semaines supplémentaires, nous avons fait certains progrès, mais pas beaucoup, car nous ne nous penchons pas sur la question? C'est pour tenir des consultations au sujet du projet de loi C-7 que nous nous déplaçons à l'échelle du pays et ce n'est pas ce dont nous parlons?
Monsieur Vellacott, trois minutes.
M. Maurice Vellacott: J'aimerais bien saisir ce que représente le projet de loi C-7 et en connaître le contexte général dans lequel s'inscrit la question. J'aimerais revenir aux observations dont j'ai fait mention un peu plus tôt. J'essaye de bien comprendre, puisqu'il s'agit souvent de rapports de nation à nation. Je connais suffisamment bien l'histoire pour savoir qu'après le rapatriement de la Constitution de la Grande-Bretagne, nous ne recevons plus de fonds de la Grande-Bretagne, ce qui est le cas depuis quelque temps, et que nos rapports sont des rapports de nation à nation. Je comprends l'obligation de fiduciaire et la relation de confiance si vous dites que les Premières nations continuent d'être dans un état de dépendance, qu'elles sont en tutelle et que la Reine en est le fiduciaire, si vous voulez. J'ai besoin de précision à cet égard. Si les États-Unis nous versaient de l'argent pour financer nos systèmes de santé et d'éducation, etc., nous n'aurions pas de ressources, nous ne serions pas sur un pied d'égalité, si vous voyez ce que je veux dire. Par conséquent, j'aimerais bien comprendre et savoir si nous parlons véritablement de Premières nations en tant que nations à part entière, et de rapports de nation à nation comme ceux qui existent entre les États-Unis et le Canada, entre les États-Unis et la Grande-Bretagne, entre le Canada et la Grande-Bretagne, etc. À partir du moment où vous disposez des ressources, si vous continuez à recevoir régulièrement des fonds, ne vous retrouvez-vous pas toujours dans la position d'une nation dépendante—j'imagine que c'est probablement la meilleure façon de décrire la situation actuelle? C'est la raison pour laquelle je voulais explorer ce concept de rapports de nation à nation. De toute évidence, les rapports dont nous parlons ici ne sont pas les mêmes que ceux qui existent entre le Canada et les États-Unis, entre le Canada et la Grande-Bretagne, entre le Canada et n'importe quel autre pays, mais qu'il s'agit de relations de dépendance. Qu'en pensez-vous?
À (1035)
Le grand chef Jimmy Hunter: Je ne sais pas si je peux vraiment répondre à votre question, mais ce que nous essayons de dire, c'est que nous sommes une nation distincte, la Nation algonquine Anishinabeg, et c'est bien là le problème. Il s'agit que notre nation soit reconnue comme la Nation algonquine, alors que le titre et la propriété de ce territoire ne sont pas envisagés avec sérieux. Nous sommes sur cette terre depuis plusieurs milliers d'années et nous sommes une nation, la Nation algonquine Anishinabeg. Ce sont les Européens, j'imagine, qui nous ont donné le nom algonquin. Nous sommes en fait des Mamiwinnik Anishinabe. C'est ce que nous sommes, c'est notre nation.
Le président: Merci.
Monsieur Hubbard, trois minutes.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président, et bonjour, grand chef.
Je suis probablement hors sujet, mais jusqu'où s'étend le territoire algonquin vers le sud?
Le grand chef Jimmy Hunter: Il s'étend aussi loin que vous le voulez, mais d'après ce que j'ai pu voir récemment, il s'étend jusqu'à Trois Rivières, Montréal, longe les deux rives de la rivière des Outaouais et remonte jusqu'au lac Abitibi. Je n'ai pas de carte ici pour vous le montrer.
M. Charles Hubbard: Je suis probablement hors sujet, mais je suis sûr que le territoire était aussi vaste que vous le dites.
Nous examinons ici la situation de 9 000 personnes, 6 000 d'après les chiffres que vous nous présentez. Combien y a-t-il de Premières nations algonquines?
Le grand chef Jimmy Hunter: Il y a neuf collectivités algonquines au Québec et au moins trois en Ontario, ce qui représente près de 10 000 personnes, selon moi.
M. Charles Hubbard: Pour en revenir à Corbiere et au fait que les Autochtones qui vivent à l'intérieur et hors des réserves ont le droit de participer aux élections de bande et à celles organisées pour choisir leur chef, peut-on dire que c'est en fait ce qui se passe actuellement chez les Algonquins?
Le grand chef Jimmy Hunter: Je ne peux parler que de ma propre collectivité, la Première nation Long Point; il y a toujours de nos membres qui vivent hors de la réserve qui participent à nos élections.
M. Charles Hubbard: Vous dites que la plupart des bandes ou des Premières nations ont déjà leurs propres codes. D'après le projet de loi, au lieu d'adopter le système actuel d'élections tous les deux ans, il vous serait possible de tenir des élections tous les quatre ou cinq ans afin de donner aux conseils davantage de temps pour travailler. Est-ce un problème en ce qui vous concerne?
Le grand chef Jimmy Hunter: Je ne veux pas répondre à cette question tout de suite, car je crois que la collectivité elle-même peut y répondre. J'occupe un poste régional et je crois que d'autres chefs feront des exposés. Je ne suis pas en mesure de répondre maintenant.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Vellacott, quatre minutes.
M. Maurice Vellacott: J'essaie de comprendre et je parle avec des amis et des connaissances autochtones et des Premières nations; pourtant quelque chose m'échappe et j'avoue qu'il faudrait peut-être redéfinir les choses. Il me semble que les Premières nations, leur longue histoire, leur forme de gouvernance, etc. sont uniques en leur genre. On ne peut pas bien sûr les comparer à un État moderne, comme le Danemark, la Pologne ou n'importe quel autre pays qui dispose de ses propres forces militaires, qui a sa monnaie, qui mène une politique commerciale internationale, etc. Ces pays ne vivent pas une situation de dépendance—ils ne le reconnaissent pas à tout le moins—en matière de ressources ou de recettes. Ils disposent de leurs propres ressources, certains en ont moins, mais la question qui nous intéresse est tout à fait autre. C'est ce que j'essaie de comprendre. Est-ce qu'une Première nation doit se comparer à la Pologne, au Danemark, à la Norvège, à la Suède ou à n'importe quel autre pays au monde? Parlons-nous ici de monnaie, de forces militaires, de commerce international, etc., ainsi que de ressources faisant en sorte qu'une Première nation ne dépend pas financièrement d'un autre gouvernement, le gouvernement canadien en l'occurrence?
À (1040)
Le grand chef Jimmy Hunter: Je ne peux pas comparer la Nation algonquine à d'autres Premières nations d'autres pays. Toutefois, je pense avoir été clair il y a quelques instants. Il est très facile de comprendre que s'il était admis que nous pouvions assurer la gestion, la cogestion, si vous voulez, de ces ressources, nous serions en mesure de mieux nous organiser au sein des collectivités. Nous n'aurions pas nécessairement de forces militaires, mais nous aurions nos propres institutions, comme je l'ai dit plus tôt.
M. Maurice Vellacott: Lorsque vous parlez de l'ensemble du Québec, etc., y a-t-il chevauchement, y a-t-il des revendications contradictoires, si je puis dire, avec d'autres groupes des Premières nations?
Le grand chef Jimmy Hunter: Il y a des chevauchements, mais nous sommes capables de régler ces situations avec d'autres Premières nations.
M. Maurice Vellacott: En quelque sorte, ces questions peuvent être réglées.
D'accord, merci.
Le président: Monsieur Dromisky, quatre minutes.
M. Stan Dromisky: Parmi les collectivités des Premières nations algonquines dont vous avez fait mention y en a-t-il qui connaissent un certain développement économique, qui ont une industrie, une entreprise relevant entièrement d'elles ou qu'elles gèrent en partenariat avec une autre entité, comme une société, une société de foresterie ou une société minière?
Le grand chef Jimmy Hunter: Je ne sais pas si de gros fabricants se trouvent dans des collectivités algonquines, mais je suis sûr qu'il doit y avoir des ententes avec des sociétés de foresterie ou de petits entrepreneurs. Il reste malgré tout que cela ne suffit pas à soutenir l'économie de notre collectivité. À mon avis, il faut aller plus loin que la conclusion de petites ententes.
M. Stan Dromisky: Y a-t-il des scieries ou entreprises du genre?
Le grand chef Jimmy Hunter: Pas à ma connaissance. On retrouve de petites entreprises dans chaque collectivité, des épiceries, des choses du genre. Je ne pense pas qu'il y ait de grosses entreprises.
M. Stan Dromisky: D'accord, merci.
Le président: Merci beaucoup.
Ainsi se termine la période de questions.
[Français]
On vous offre maintenant l'occasion de faire des commentaires de clôture.
[Traduction]
Nous vous invitons maintenant à conclure.
Le grand chef Jimmy Hunter: J'espère que le message que nous tentons d'envoyer au gouvernement fédéral au nom de la Nation algonquine sera bien compris. Comme je l'ai dit, nous habitons un territoire où il existe beaucoup de droits de tiers. Les Algonguins n'ont jamais cédé leurs terres et n'ont jamais fait la guerre à quiconque pour obtenir le territoire. Ils appartiennent à cette terre. Il leur importe beaucoup qu'on le reconnaisse. Je ne parle pas uniquement pour moi-même. Aujourd'hui, je parle de l'avenir de nos enfants et de nos petits-enfants. Nous espérons que le gouvernement va commencer à comprendre qu'il faut que nous prenions en charge nos propres destinées. C'est la seule façon dont je peux l'exprimer.
À (1045)
Le président: Merci beaucoup.
Le grand chef Jimmy Hunter: Meegwetch.
Le président: Meegwetch.
[Français]
J'invite maintenant la Première Nation de Long Point.
[Traduction]
J'invite maintenant à prendre la parole le chef Steeve Mathias de la Première nation de Long Point. Soyez le bienvenu, chef. Nous vous avons réservé trente minutes.
[Français]
Préférez-vous parler en français ou en anglais?
[Traduction]
Le chef Steeve Mathias (Première nation Long Point): Je vais parler en anglais.
Le président: Je vous invite à faire votre exposé, en espérant que vous nous laisserez un peu de temps à la fin pour vous poser des questions.
Le chef Steeve Mathias: Je vous remercie.
Kwe. Bonjour. Mes salutations à tous.
J'aimerais commencer par souhaiter la bienvenue en territoire algonquin au Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles. Je tiens aussi à remercier le comité de me donner l'occasion de prendre la parole au nom de ma collectivité concernant le projet de loi C-7, Loi sur la gouvernance des premières nations. En tant que chef de la Première nation de Long Point, j'ai officiellement invité le comité à tenir son audience dans la collectivité, mais pour une raison que j'ignore, il a refusé mon invitation. Je persiste à croire qu'il aurait mieux valu tenir ces audiences dans des collectivités de Premières nations. Le comité permanent aurait ainsi eu la chance d'entendre ce qu'ont à dire nos gens au sujet du projet de loi C-7 et de mieux comprendre la réalité sociale, économique et politique de notre collectivité. Par conséquent, je réitère mon invitation et demeure convaincu qu'il serait avantageux pour vous de visiter notre collectivité avant de présenter votre rapport.
Afin de vous donner un bref aperçu de ma collectivité, je vais commencer par vous donner une idée d'où nous sommes situés. La Première nation de Long Point se trouve à Winneway, soit à 160 kilomètres environ au sud-ouest de Val-d'Or. Le seul moyen de s'y rendre est un chemin de terre construit essentiellement pour l'exploitation forestière. Winneway est un établissement de 91 acres créé il y a environ 60 ans. Bien qu'il compte en tout 700 âmes presque, il ne possède que 80 maisons pour accueillir les 350 personnes qui vivent dans la collectivité. Nos ancêtres ont dû se réinstaller à deux occasions distinctes. La collectivité initiale de Long Point se trouvait sur le lac des Quinze, qui fait partie de la rivière des Outaouais, une région où nos ancêtres avaient vécu selon le mode traditionnel de vie pendant des milliers d'années. Vers le début du XXe siècle, la construction d'un barrage et les inondations qui ont suivi nous ont obligés de déménager. Nos ancêtres sont alors allés s'installer à Sand Point, à quelques kilomètres en amont de Long Point. Enfin, parce que le gouvernement avait promis à nos ancêtres qu'il construirait une route s'ils s'installaient ailleurs, nos ancêtres ont encore une fois déménagé jusqu'à notre emplacement actuel, Winneway. À l'époque, nos ancêtres avaient la même vision qui nous est si chère, soit de bâtir une collectivité forte et de façonner un avenir prometteur pour nos enfants. Ce rêve n'est pas encore réalisé.
Le ministre prétend que le projet de loi C-7 améliorera la qualité de vie des membres de nos collectivités. En toute sincérité, nous estimons que le projet de loi nous enlève notre droit autochtone de nous gouverner nous-mêmes. Le projet de loi à l'étude ne nous donnera pas de nouvelles maisons, ne contribuera en rien à l'infrastructure communautaire. Il n'améliorera pas notre condition sociale et ne réglera pas des problèmes comme la pauvreté qui sévit dans notre collectivité. Il ne créera pas de nouveaux emplois pour nos membres. À notre avis, la raison pour laquelle le projet de loi à l'étude a été déposé unilatéralement est de donner suite aux motifs du gouvernement fédéral en ce qui concerne une présumée mauvaise gestion des conseils de bande.
À (1050)
À titre indicatif, je signale que notre collectivité a été priée par le MAINC de mettre en oeuvre un plan de gestion corrective de manière à éliminer notre déficit collectif accumulé surtout en raison de la mise en place de deux grands projets de développement communautaire destinés à réduire notre dépendance à l'égard du gouvernement fédéral. Bien que nous ayons fait économiser au gouvernement fédéral des centaines de milliers de dollars d'aide sociale, le MAINC n'a pas reconnu notre effort. Comme on exige que nous adoptions un plan de gestion corrective et étant donné l'attitude du MAINC, nous avons conclu que nos relations fiscales avec le gouvernement fédéral continuent d'être très problématiques.
Les restrictions imposées dans notre accord de financement avec le gouvernement fédéral n'ont rien fait pour nous aider à réduire notre dette. Le genre actuel d'accord de financement passé avec le gouvernement fédéral est limité et ne laisse pas beaucoup de latitude, s'il en laisse, pour gérer et administrer convenablement nos programmes et services essentiels. Nous avons soumis deux plans de gestion corrective au bureau régional depuis que le MAINC en a fait la demande et, les deux fois, le ministère l'a rejeté. Malgré tout, nous avons décidé de régler nous-même le problème. Nous sommes fiers de vous informer qu'en deux ans, nous avons réussi à éliminer une grande partie de notre dette.
Pour ce qui est de l'autonomie gouvernementale, le conseil de la Première nation de Long Point a adopté officiellement le projet de première nation intitulé «First Nations Governance from a First Nations Perspective», lors d'une réunion du conseil dûment convoquée, décision qui a été ratifiée par l'assemblée générale. Le projet de première nation est notre cadre pour traiter des questions d'autonomie gouvernementale et d'autodétermination.
Long Point appuie aussi entièrement les arguments présentés dans les exposés de la Nation algonquine Anishinabeg et du Secrétariat de la Nation algonquine. À notre avis, il ne faudrait pas que nos collectivités soient tenues seules responsables d'un régime de gouvernement auquel nous n'avons pas contribué et qui ne reflète pas la réalité de notre collectivité, qui semble plutôt refléter les intérêts d'un autre gouvernement. Dans la loi sur la gouvernance, on s'attend que les Premières nations vont répondre aux attentes du gouvernement fédéral, plutôt qu'aux attentes de leurs membres.
Il est évident, depuis la signature de notre accord de financement annuel, que nous serons incapables de répondre aux besoins de notre population. Il n'y a pas de processus de négociation en cours pour redresser la situation. Pourtant, ces accords nous tiennent responsables d'offrir des services de qualité et de voir aux questions sociales, économiques et culturelles. De plus, ces accords de financement nous sont envoyés à la toute dernière minute et on nous fait bien comprendre que, si nous ne les signons pas tout de suite, nous ne recevrons pas de fonds pour assurer la prestation et le fonctionnement de nos programmes et services essentiels. Ainsi, chaque année, nous n'avons d'autre choix que de signer les accords sous la contrainte afin d'éviter une interruption de nos services essentiels.
En guise de conclusion, j'aimerais dire que nous sommes en désaccord complet avec les déclarations du ministre selon lesquelles le projet de loi C-7 améliorera la qualité de vie des membres de notre collectivité. Ce n'est certes pas en modifiant la Loi sur les Indiens ou en présentant un nouveau projet de loi comme le projet de loi C-7 qu'on effectuera des changements de fond. Ce n'est selon nous que dans le cadre d'un processus de négociation que nous trouverons les solutions à court et à long terme aux problèmes avec lesquels nous sommes aux prises chaque jour au sein de nos collectivités. L'autre choix est de nous concentrer sur divers autres changements nécessaires, comme de rebâtir la nation, de redistribuer les terres et les ressources, d'établir une nouvelle relation fiscale et de négocier et de mettre en oeuvre un traité pour notre nation. Nous sommes sincèrement convaincus que le processus de renforcement de la gouvernance des Premières nations doit être lancé par la Première nation. Notre choix actuel est le projet de première nation. Étant donné la diversité des Premières nations et l'approche universelle adoptée face à la gouvernance, le projet de loi C-7 n'entraînera qu'inefficacités, lacunes et plus de frustrations, de conflits et d'affrontements pour tous.
À (1055)
Enfin, nous exigeons que le comité permanent recommande au gouvernement fédéral de retirer le projet de loi C-7 dans son intégralité. Quand il aura reconnu notre droit inhérent à l'autodétermination et à l'autonomie gouvernementale et qu'il l'aura soutenu grâce à des activités visant à nous donner les moyens d'agir, à effectuer les changements institutionnels et à nous faire participer à l'économie canadienne, nous serons en harmonie avec le reste du Canada.
Je vous remercie. Meegwetch.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Vellacott, vous avez cinq minutes.
M. Maurice Vellacott: Je vous remercie, chef, d'être des nôtres.
Vous avez mentionné le projet de première nation, le cadre qui permettra de traiter d'autonomie gouvernementale et d'autodétermination. Dois-je comprendre que le projet porte sur la sélection des dirigeants, sur la gestion des finances publiques, sur la reddition de comptes et sur l'administration du gouvernement ou s'agit-il d'une discussion plus générique de l'autodétermination et de l'autonomie gouvernementale? Est-il question de codes ou de manuels s'appliquant à tous ces domaines?
Le chef Steeve Mathias: Il s'agit d'un cadre très général, d'un modèle plutôt que d'un plan détaillé. Je ne crois pas que le projet de première nation préparé par l'Assemblée des Premières nations fournisse le détail dont vous parlez. Toutefois, pour ce qui est de notre collectivité, nous avons toujours tenu nos élections, jusqu'en 1998, en fonction d'une convention qui n'est pas écrite, en fonction de nos coutumes. Depuis 1998, nous avons un code électoral consigné par écrit. D'après notre expérience, il complique beaucoup les choses. Nous n'y sommes pas habitués, et cela nous cause beaucoup de difficultés. Il n'y avait jamais eu contestation des élections avant que nous ayons un code électoral écrit.
M. Maurice Vellacott: C'est donc quelque chose qu'en tant que Première nation, vous avez pris l'initiative d'élaborer?
Le chef Steeve Mathias: Oui, nous l'avons fait entre nous, et l'assemblée et les membres ont pu y participer. Tous les dirigeants ne sont pas élus simultanément au sein de notre collectivité. La moitié du conseil seulement se soumet à des élections.
M. Maurice Vellacott: Seulement la moitié sont élus chaque fois, dites-vous?
Á (1100)
Le chef Steeve Mathias: C'est cela. C'est pour assurer une certaine stabilité, je suppose, et une certaine continuité au sein du conseil.
M. Maurice Vellacott: En raison des complications causées par le code écrit et la procédure d'appel, êtes-vous en train de dire que vous préféreriez conserver votre code oral, puisque les codes écrits sont compliqués et qu'ils créent plus de stress?
Le chef Steeve Mathias: Voilà une question que je me pose et à laquelle je n'ai pas encore trouvé de réponse. J'ai vu l'étude de Harvard qui dit que des collectivités des États-Unis s'en sortent très bien, sur le plan du développement général, et que certaines d'entre elles n'ont même pas de code électoral, n'ont pas d'élection du tout, et que tout va bien. J'ai lu cette partie et je vois ce qui se passe chez nous. Voilà que nous commençons à avoir des appels, parce que les gens prennent le document et essaient de trouver n'importe quelle raison pour contester l'élection. Cela nous crée certains problèmes.
M. Maurice Vellacott: C'est effectivement un dilemme. Je suppose que dans la tradition orale, il existait des procédures d'appel, mais il est vrai qu'au sein d'une société où plus de gens savent lire et écrire, sont plus alphabétisés, il semble souvent... J'ai entendu des membres de la base dire qu'ils souhaitaient avoir des codes écrits, mais il y a ce dilemme. On lira parfois les menus détails; ils n'ont pas accepté les résultats de l'élection et ils veulent en appeler. Mais l'appel en particulier dont vous nous parlez ne serait-il pas justifié du fait que les gens en savent plus, qu'ils connaissent mieux leurs droits parce que le code est écrit?
Le chef Steeve Mathias: Pour le bien des générations futures, nous avons essayé de documenter nos usages et nous sommes en train d'essayer d'incorporer au code ces valeurs traditionnelles. Permettez-moi de vous en donner un exemple. Le jour des élections, quand est venu le temps de dénombrer les voix, nous avons invité toute la collectivité à venir assister au décompte des bulletins de vote. Nous avons toujours procédé ainsi. C'est pourquoi, je crois, les élections n'étaient pas contestées dans le passé. Maintenant, ce sont davantage les aspects techniques du code qui servent de fondement à des appels. On remet en question ou conteste certains éléments du code. Voilà ce que je voulais dire quand je parlais des problèmes que cela nous crée.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Comprenez-vous le français? Si vous ne le comprenez pas, il va falloir que vous utilisiez un écouteur pour comprendre ce que dit M. Loubier.
[Français]
Le chef Steeve Mathias: Ça ne pose pas de problème, je comprends le français.
Le président: Monsieur Loubier, cinq minutes.
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Chef Mathias, bienvenue. Je suis très heureux de votre exposé, d'autant plus que j'aimerais d'abord vous féliciter d'avoir réussi, comme administrateur, à réduire substantiellement la dette, même presque à l'éliminer. Et vous avez réussi cette bonne gestion malgré le ministère des Affaires indiennes.
Trop souvent depuis le début de la consultation sur le projet de loi C-7, on a entendu toutes sortes d'histoires d'horreur sur la mauvaise gestion des nations autochtones, alors que la réalité est tout autre. Dans la majorité des communautés, il y a de bons gestionnaires. Il y a même des gestionnaires qui gagneraient à donner des recettes au gouvernement fédéral, qui a une dette de 530 milliards de dollars. Même la vérificatrice générale a mis le doigt sur des problèmes de mauvaise administration. Ça ne venait pas des communautés autochtones, ça venait du ministère des Affaires indiennes, avec ses nombreuses demandes de formulaires annuels qu'on prend et qu'on met finalement dans les poubelles sans les avoir considérés. Alors, félicitations.
Deuxièmement, j'aimerais savoir si le ministre vous a consulté avant d'élaborer le projet de loi C-7. Parce que ce qui revient depuis le début de la consultation d'est en ouest du Canada, c'est qu'il n'y a pas eu une véritable consultation, alors que Robert Nault ne cesse de nous dire qu'il y a eu une vaste consultation et que ce projet de loi correspond aux aspirations des nations autochtones canadiennes.
Le chef Steeve Mathias: Premièrement, je vous remercie pour votre appui envers les réalisations de ma communauté.
En ce qui concerne le ministre, personnellement, je participe activement à des réunions au niveau provincial avec l'APNQL, l'Assemblée des Premières Nations du Québec-Labrador, avec M. Ghislain Picard. Je participe aussi, au niveau national, à l'Assemblée des Premières Nations, avec Matthew Coon Come. À toutes ces occasions, surtout au cours des trois dernières années, je dois vous l'admettre, on invite le ministre, mais le ministre ne veut pas venir nous rencontrer, pour des raisons qu'on ignore encore. Je ne sais pas pourquoi il ne veut pas venir nous rencontrer. On trouve cela très déplorable.
J'entendais tout à l'heure le discours entre le grand chef et les gens d'ici sur la nécessité de se parler. Il faut avoir un dialogue, mais pour avoir ce dialogue, il faut se rencontrer, s'asseoir et se parler. Ce n'est pas ça qui arrive.
On a demandé au ministre de voir s'il pouvait venir dans ma communauté lors des consultations parce que c'est nous qui allons être affectés par ce projet de loi, mais sans succès. On nous dit toujours soit de se rendre à Val-d'Or, soit d'aller à Ville-Marie ou encore à Rouyn-Noranda. On est obligés de se déplacer nous-mêmes vers ces endroits-là, mais on n'a pas toujours les moyens et les ressources pour le faire. Je trouve ça malheureux au point que je trouve même ça malsain. Il y a des limites. Il faut qu'on vienne à bout de se parler parce que les gens de la région, ici, en ont plein leur casque aussi. Ils disent qu'il faut que les choses changent, qu'elles changent pour le mieux, pas pour le pire.
En ce qui concerne le projet de loi et la consultation, je trouve qu'on ne nous donne pas les moyens et qu'on ne se déplace pas pour venir dans nos communautés.
Á (1105)
M. Yvan Loubier: Tout à l'heure, vous avez souligné le fait que le projet de loi C-7 ne traite pas des véritables problèmes des communautés autochtones au Québec et au Canada.
Si vous aviez à définir les problèmes ou les défis qui confrontent votre communauté, quels seraient-ils? Si on avait à s'attaquer aujourd'hui, en ordre prioritaire, à ces problèmes, à ces défis, quels seraient-ils?
Le chef Steeve Mathias: Je crois que ma première nation et les premières nations en général doivent reprendre le contrôle de leur vie, et ce n'est pas ce qui se passe avec la Loi sur les Indiens. Ce n'est pas ce qui est proposé dans le projet de loi que le ministre a soumis.
Je trouve que nous avons de gros défis devant nous, et ce sont aussi de beaux défis qui nous attendent. J'ai pris le temps de me déplacer et j'ai des résolutions de certaines municipalités qui appuient mes démarches et qui admirent mon intervention et notre vision, parce que nous pensons à la manière dont nous allons occuper le territoire, mais aussi à la manière dont nous allons partager la richesse de ce territoire-là.
J'ai voyagé avec un de mes sages pour venir à cette réunion. On emprunte un chemin de forêt et on arrive à Malartic, sur l'asphalte. D'ici à Malartic, il y a à peu près une quinzaine de milles, 20 milles au maximum. Et le sage m'a dit: «Regarde, Steeve, de chaque côté de l'autoroute, et dis-moi ce que tu remarques». Il y avait plusieurs pancartes de maisons à vendre, de maisons à louer, et tout le monde avait des garages. Tous les gens ont des véhicules dans leur cour.
Ce n'est pas ce qui se passe chez nous. Ce sont des gens qui n'ont pas de lieu où habiter. On vit dans la pauvreté. C'est pour ça que nous disons qu'il n'y a pas de partage, et je crois que c'est ça que notre communauté veut avoir. On veut cohabiter sur le même territoire et partager les richesses. C'est ça qu'on veut avec la société canadienne.
Á (1110)
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
Monsieur Hubbard, vous avez cinq minutes.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président, et bonjour à vous, chef.
Le projet de loi C-7 parle d'élections, et la plupart des Premières nations tiennent maintenant des élections tous les deux ans. Avec les codes dont vous pouvez vous doter, il pourrait s'écouler entre quatre et cinq ans entre chaque élection, de manière à favoriser l'élaboration de plans et d'une vision pour vos Premières nations. Que recommanderiez-vous : conserver le régime de deux ans ou passer à des élections tous les quatre ou cinq ans?
Le chef Steeve Mathias: Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons modifié notre façon de tenir des élections en 1998 et nous avons décidé qu'un mandat de trois ans était ce qu'il y avait de mieux pour l'instant. Nous avions fait auparavant l'expérience de mandats de deux ans, mais nous estimions que ce n'était pas suffisant pour s'installer dans de nouvelles fonctions et maîtriser tous les dossiers. Par le temps que la personne l'avait fait, son mandat était fini. Nous avons donc décidé qu'il fallait des mandats de trois ans au minimum. Il est trop tôt pour dire vraiment ce qui est dans notre meilleur intérêt puisque nous n'avons eu que deux élections en fonction de ces modalités.
M. Charles Hubbard: Vous commencez la nouvelle année le 1er avril et, subitement, il y a une semaine d'après ce que vous dites, quelqu'un vous a dit combien vous obtiendriez du MAINC. Si c'est vrai, ce n'est pas bien. Toutefois, le projet de loi C-7 parle d'essayer de faire en sorte que tous les membres des Premières nations sachent d'où vient l'argent et comment il est utilisé. Vous dites que des réunions ont lieu au sein de votre Première nation. Si l'on s'arrête à toutes vos sources de revenus, je suppose que le Québec vous verse également un montant annuel pour avoir été déplacés. Vous disposez d'un budget de tant de dollars. Est-ce que tous vos membres sont conscients de la manière dont est réparti l'argent? Un rapport annuel est-il soumis à votre collectivité?
Le chef Steeve Mathias: Nous produisons des états financiers chaque année. Depuis quelques années, nous préparons aussi des états financiers intermédiaires, documents qui sont mis à la disposition de la collectivité. Ils ont été distribués lors de l'assemblée générale. Nous aimerions pouvoir en faire davantage, être plus transparents et partager l'information avec nos membres. J'ai parlé de notre plan de gestion collective dans mon exposé. Nous avons engagé une firme comptable de l'extérieur de la région. Nous sommes allés à Québec parce que nous tenions à traiter avec des experts comptables d'expérience. Ils sont venus dans notre collectivité, ils ont exécuté leur mandat et ils n'en revenaient pas de la complexité des accords de financement. C'est incroyable le nombre d'exigences qui nous sont faites sur le plan des rapports. Ils se sont également rendu compte que notre système informatisé, dans nos locaux, ne convient pas à la gestion des accords de financement. Ils l'ont même dit aux fonctionnaires du MAINC. Le MAINC a exigé des rapports trimestriels. Le comptable principal a dit que c'était impossible—qu'il ne fallait même pas s'attendre à en avoir tous les six mois, parce que nous étions incapables de les produire, que nous n'avions pas les bons logiciels et le bon équipement pour produire ce genre de rapports.
Á (1115)
Le président: Il nous reste une minute. Je vais la donner au chef Mathias pour qu'il nous fasse quelques dernières observations.
Le chef Steeve Mathias: J'aimerais vous en dire un peu plus au sujet du sentiment qui anime ma collectivité. Comme je l'ai expliqué dans mon exposé, il est tout à fait inacceptable de déraciner une collectivité et de la réinstaller ici et là sans indemnisation, sans accords provisoires pour que tout se déroule sans heurt. C'est ce que nous avons dû vivre, et nous en subissons encore les contrecoups. Il est très malheureux que nous devions encore travailler dans ces conditions aujourd'hui. J'ignore, si rien ne change, ce que l'avenir nous réserve, parce que moi et mon peuple en avons assez. Nous sommes prêts à nous battre, si c'est ce qu'il faut. Nous avons réussi jusqu'ici à garder le couvercle sur la marmite, mais je ne sais pas pendant combien de temps nous pourrons continuer de le faire, parce que c'est là une tâche épuisante qui absorbe beaucoup de temps. Depuis quelques années, chaque fois que nous donnons de l'information, nous nous retrouvons en pleine crise. C'est ainsi que nous vivons dans la région. Les députés de la région savent de quoi je parle. Je crois que vous devriez prendre le temps de les rencontrer.
C'est tout ce que j'avais à dire. Je vous remercie beaucoup.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
[Français]
J'invite maintenant la Première Nation Eagle Village - Kipawa à prendre la parole.
[Traduction]
J'invite maintenant le chef Lance Haymond, représentant la Première nation Eagle Village, de Kipawa, à prendre la parole. Soyez le bienvenu, chef Haymond. Nous disposons de 15 minutes. Je vous prie donc de nous faire votre exposé. S'il nous reste du temps au terme de votre intervention, nous vous poserons quelques questions.
Chef Lance Haymond (Première nation Eagle Village - Kipawa): Bonjour à tous.
Je vous remercie à mon tour de me donner l'occasion de témoigner au sujet du projet de loi C-7.
J'aimerais commencer par vous parler un peu de la collectivité que je représente, la Première nation Eagle Village. Nous sommes une petite communauté algonquine d'environ 690 personnes dont 460, soit à peu près 65 p. 100, vivent à l'extérieur de la réserve. Notre collectivité s'étend sur un territoire d'une superficie totale de 23 hectares et elle est entourée par la municipalité de Kipawa. Il y a longtemps que nous ne vivons plus au coeur de notre territoire ancestral; cela tient au développement rapide des industries d'exploitation des ressources naturelles qui ont ravagé nos terres et aussi à la création de réserves indiennes. Ces deux facteurs nous ont rendu dépendants d'un gouvernement qui ignore depuis toujours les véritables problèmes auxquels nous sommes confrontés, comme le prouve notamment le projet de loi C-7, une mesure législative qui n'améliorera pas forcément le sort de notre communauté. En fait, il s'agit d'une manoeuvre destinée uniquement à nous empêcher de trouver des solutions aux problèmes concrets de nos collectivités et de notre nation.
Je ne suis pas venu pour vous parler nécessairement du projet de loi C-7 puisque nous avons, tout comme beaucoup d'autres Premières nations, rejeté l'approche qu'il propose, comme en témoignent les résolutions que nous avons prises en accord avec d'autres membres de la nation algonquine Anishinabek. J'aimerais plutôt faire état des nombreux problèmes auxquels se heurtent ma communauté et ma nation et vous proposer une approche axée sur un changement véritable et le développement futur de notre peuple.
Je suis ici aujourd'hui à titre de chef dûment élu. Tous les membres de ma communauté, qu'ils vivent à l'intérieur ou à l'extérieur de la réserve, ont et conserveront le droit de s'exprimer ou de voter pour choisir leurs dirigeants. Ceux que je représente m'ont chargé de vous exposer les problèmes auxquels fait face ma collectivité, entre autres, et ma nation tout entière, dans le but de trouver des solutions qui nous aideront à améliorer notre qualité de vie, à progresser et à nous préparer pour le jour où nous deviendrons une nation autonome. Cela représente un défi de taille car les paramètres restrictifs de la Loi sur les Indiens ne nous permettent pas de bénéficier des ressources, des outils et de la latitude requis.
Nous ne prétendons pas avoir des réponses à tous nos problèmes, mais je suis convaincu que le projet de loi C-7 n'améliorera pas de manière appréciable la situation de la nation algonquine et des membres de ma communauté. Nous devons adopter une approche fondée sur la collaboration pour trouver des solutions réelles et concrètes aux problèmes sociaux qui affligent notre nation plutôt que de laisser le gouvernement fédéral décider seul ce qui est bon pour les Autochtones.
En tant que nation, nous croyons fermement avoir des droits et des titres ancestraux non éteints sur nos territoires en plus de posséder un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, comme le confirme la Constitution. L'enjeu consiste à perpétuer et à défendre ce droit en dépit d'un plan d'action gouvernemental qui cherche continuellement à faire passer des lois non adaptées à notre réalité au terme d'un processus de consultation inadéquat, qui définit unilatéralement nos meilleurs intérêts et entretient au sein du reste de la population canadienne l'idée selon laquelle nous devons rendre davantage de comptes et faire preuve de plus de transparence. Tout ceci ne fait que nous éloigner des vrais défis et de la possibilité de trouver des solutions concrètes aux problèmes qui affectent nos communautés.
Pour être une nation autonome, nous devons commencer par trouver des solutions appropriées et tangibles aux fléaux sociaux qui sévissent dans nos collectivités. Nous aurons besoin d'outils pour régler nos grands problèmes, pallier le sous-financement chronique de nos programmes et corriger les politiques inflexibles et irréalistes qui nous forcent, en tant que dirigeants, à prendre des décisions difficiles pour les membres de notre communauté. Nous devons faire des changements et régler les problèmes suivants si nous voulons créer nos propres entités pour le bien de la nation.
Nous aurons besoin de services éducatifs adaptés, y compris dans l'enseignement postsecondaire et la formation spécialisée, tout comme de services sanitaires et sociaux capables de venir à bout de nos problèmes sociaux quotidiens, qui prennent d'ailleurs des proportions alarmantes. Il faudra investir massivement dans le domaine du logement et des infrastructures pour répondre à nos besoins actuels et futurs et garantir à nos jeunes des conditions de vie et de logement décentes pour élever leur famille.
Á (1120)
Il faudra également porter une attention spéciale au développement et à la formation de la main-d'oeuvre. C'est un domaine particulièrement important. Vous voulez que nous rendions des comptes à tous nos membres, alors que nous ne disposons pas des ressources suffisantes pour répondre aux besoins de ceux qui vivent à l'extérieur de la réserve. Nous sommes d'ailleurs la cible de leurs critiques puisque nous sommes incapables de leur fournir les services dont ils ont besoin, alors que la source du problème tient au manque de volonté du gouvernement fédéral de donner les ressources nécessaires aux communautés pour leur permettre de combler ces besoins. Le gouvernement devrait nous aider à développer des entités, des politiques et des critères qui prennent en considération les particularités de nos collectivités et de notre nation plutôt que d'essayer de nous imposer un modèle prédéterminé.
Il reste aussi deux problèmes à régler et nous croyons qu'ils sont d'une importance vitale pour l'épanouissement futur de notre nation. Nous voulons avoir accès à nos terres et tirer parti des revenus générés par l'extraction et la transformation de nos ressources naturelles. Cela nous permettrait de développer et de préciser notre propre vision de l'avenir, conformément à notre objectif d'autosuffisance et d'autonomie gouvernementale, tout en devenant moins dépendants des deniers publics et des politiques et programmes inadaptés à nos besoins.
Comme vous le savez, nous faisons face à de nombreuses difficultés dans notre vie quotidienne et, en tant que chefs, nous devons trouver des solutions. Nous ne pouvons pas y parvenir seuls, mais d'un autre côté, nous ne voulons pas que le gouvernement fédéral décide sans nous consulter ce qui est dans notre meilleur intérêt, comme il l'a fait avec le projet de loi C-7 et d'autres mesures législatives adoptées auparavant. Nous avons la capacité et la volonté de faire des changements positifs pour nos communautés puisque nous sommes au coeur du processus. Si le gouvernement a vraiment l'intention de nous aider, il doit nous écouter et nous fournir les ressources adéquates. Comme je l'ai dit, nous n'avons pas réponse à tout, mais je suis convaincu qu'en établissant une véritable relation de partenariat et de collaboration, nous pourrons créer des outils et des mécanismes qui nous permettront de venir à bout des maux qui nous affligent et de combler nos lacunes. Ceci nous aidera à réduire notre dépendance, à limiter les contraintes que nous impose le gouvernement et à espérer une situation meilleure pour les générations futures.
En guise de conclusion, je tiens à dire que nous rejetons le projet de loi sur la gouvernance des Premières nations, pas parce que nous sommes contre l'obligation de rendre compte et la transparence—nous avons d'ailleurs adopté des politiques locales dans ce sens—, mais tout simplement parce que le projet de loi C-7 n'améliorera en rien la situation des membres de ma communauté et de ma nation. Je le répète, si le gouvernement fédéral a vraiment l'intention d'améliorer le sort des Premières nations et de reconnaître leurs droits, il doit travailler avec elles pour régler les problèmes qu'elles ont cernés. Ensemble, nous devrions mettre au point un plan de travail visant la recherche de solutions viables pour l'avenir. Nous ne pouvons pas continuer à travailler en vase clos comme cela a été le cas pendant trop longtemps. Nous devons étudier les problèmes à fond pour dégager des solutions possibles. Travailler unilatéralement ne mènera nulle part.
Il existe beaucoup d'excellents rapports contenant des recommandations qu'il conviendrait de mettre sérieusement en oeuvre. Je pense en particulier à celles émanant du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Il n'est pas nécessaire de réinventer la roue. Si nous voulons obtenir des résultats satisfaisants pour tout le monde, il suffit d'y mettre le temps, l'énergie et les ressources.
Á (1125)
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Vellacott, vous disposez de cinq minutes.
M. Maurice Vellacott: Merci.
Chef...
Le président: Je vous prie de m'excuser, monsieur Vellacott, mais avant de poursuivre, je tiens à informer tous ceux qui le souhaitent qu'ils peuvent s'adresser au comité en français car nous disposons de l'équipement nécessaire.
[Français]
Si vous souhaitez parler en français au comité, sentez-vous à l'aise.
[Traduction]
M. Maurice Vellacott: Monsieur le président, lors de ces audiences, vous rappelez souvent aux gens qu'ils ont la possibilité de faire des témoignages à titre personnel.
Le président: Vous avez raison, et trois personnes se sont déjà manifestées.
Si quelqu'un dans la salle souhaite faire un témoignage à titre personnel de deux minutes à la fin de la séance, il lui suffit de venir s'inscrire à la table.
[Français]
S'il y a des gens qui veulent faire une présentation spontanée de deux minutes à la fin des présentations, ils peuvent s'inscrire à la table à l'entrée. Ça s'adresse aux gens qui n'ont pas fait de présentation et qui ne sont pas inscrits à l'horaire pour faire une présentation plus tard.
[Traduction]
Ceci concerne uniquement les personnes qui ne se sont pas présentées ou dont l'intervention n'est pas prévue au programme.
Monsieur Vellacott, la parole est à vous.
M. Maurice Vellacott: Merci.
Merci aussi à vous, chef Haymond, d'être ici parmi nous aujourd'hui.
Considérez-vous que le projet de loi C-7 est un irritant, un moyen de se détourner de plusieurs de vos priorités et de vos préoccupations ou bien est-ce pire encore? En votre qualité de chef, vous avez souligné de manière pertinente quelques-uns des grands problèmes auxquels fait face votre communauté, ainsi que vos inquiétudes et vos priorités. J'aimerais donc savoir si vous pensez que le projet de loi C-7 est appelé à dérailler et de nature à nous détourner d'enjeux plus pressants ou bien si c'est une mesure législative qui vous semble acceptable et vous permettra de vous attaquer aux problèmes que vous avez évoqués.
Chef Lance Haymond: Nous n'avons pas besoin que le gouvernement fédéral légifère en matière de responsabilisation, de transparence, d'élaboration de politiques et de questions connexes. Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous avons entamé ce processus en 1999. Nous nous sommes dotés d'une politique de gestion et d'administration complète, mise au point et approuvée par notre population. Nous sommes maintenant en phase de développer notre propre processus électoral; je crois qu'il ne reste qu'une ou deux collectivités algonquines élisant encore ses dirigeants en vertu de la Loi sur les Indiens. Nous sommes donc en train d'élaborer ces politiques en collaboration avec la collectivité. Nous faisons beaucoup de consultations. Le processus de ratification de décisions importantes, comme celles entourant la création d'un code électoral, requiert l'approbation de l'ensemble de la population au moyen d'un référendum. Si nous consacrons tout notre temps au traitement de ces questions, nous ne pourrons pas nous occuper des vrais problèmes à l'ordre du jour. Cela n'a peut-être pas été formulé clairement, mais nous avons déjà commencé à élaborer ces processus, tout comme beaucoup de collectivités algonquines, pas parce que le gouvernement veut que nous rendions davantage de comptes, mais pour répondre aux souhaits et aux exigences de notre propre population.
Á (1130)
M. Maurice Vellacott: Par conséquent, si vous deviez prendre le projet de loi C-7, comme vous l'avez probablement déjà fait, et comparer ce qu'il demande avec ce que vous avez déjà accompli dans différents domaines, pourriez-vous dire, à la lumière de vos réalisations, que vous vous conformez aux exigences de cette mesure législative? Vous pourriez dire que c'est ce que vous faites déjà, que vous vous occupez de ces questions et que vous n'avez pas besoin d'y passer beaucoup de temps compte tenu du chemin parcouru.
Chef Lance Haymond: Oui, mais cela reflète uniquement la réalité de ma propre communauté, pas nécessairement celle de la nation tout entière. Cela compromettrait, je crois, notre capacité d'agir en tant que nation et, en ce qui me concerne, ce serait reconnaître que ce que propose le gouvernement au travers du projet de loi C-7 est légitime. Comme je l'ai dit précédemment, nous sommes contre ce projet de loi pour la bonne et simple raison que nous avons été tenus à l'écart de son processus d'élaboration.
M. Maurice Vellacott: Dois-je en déduire que certaines collectivités autochtones n'ont pas fait autant de progrès que vous dans l'élaboration de codes sur le choix des dirigeants, la gestion financière, la reddition des comptes et l'administration? Est-ce bien ce que je dois comprendre?
Chef Lance Haymond: Probablement, mais j'estime que la situation dans laquelle nous sommes est une indication de la voie que nous suivons. Nous sommes en constante évolution, et il y a tant de diversité au sein de notre nation que nous ne pouvons pas nous retrouver tous au même point en même temps. Nous sommes dans cette situation en raison de notre situation géographique et de nos réalités. Ainsi, je ne pense pas qu'il soit juste de dire que d'autres collectivités ne sont pas au même niveau compte tenu de la grande diversité de notre nation. C'est un peu comme si vous compariez des pommes avec des oranges. Chaque collectivité commence à prendre les mesures qui s'imposent, mais il va sans dire qu'elles ne sont pas toutes au même niveau.
M. Maurice Vellacott: Est-ce que ce projet de loi pousse d'autres collectivités à bouger dans cette direction, c'est-à-dire à se pencher sur ces questions?
Chief Lance Haymond: Pas nécessairement. Je pense qu'elles l'ont fait avant le dépôt du projet de loi C-7. Chaque collectivité a travaillé en fonction de ses réalités particulières.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Hubbard, je vous accorde cinq minutes.
M. Charles Hubbard: Merci et bonjour, chef.
Je suis vraiment consterné par les chiffres que vous nous avez présentés: 230 personnes et 23 hectares de terres. Avez-vous d'autres ressources, fournies par la province ou qui que ce soit d'autre, à part ces 23 hectares?
Chef Lance Haymond: Non. Nous avons 23 hectares pour les 275 personnes vivant dans la réserve—je n'inclus pas les 45 non-Autochtones qui résident dans ma collectivité; je ne parle que de nos membres. En outre, je tiens à préciser que 80 familles attendent toujours de pouvoir s'installer dans la réserve en raison du manque de terrains disponibles. Nous avons examiné le projet d'agrandissement de la réserve du ministère des Affaires indiennes et nous devrions parvenir à un règlement—je l'espère—au cours de cet exercice financier, mais cela fait neuf ans que nous travaillons sur ce dossier et nous ne savons toujours pas si l'agrandissement de notre réserve permettra de répondre à nos besoins futurs.
M. Charles Hubbard: Quand a-t-elle été créée? Est-ce une réserve ancienne ou récente?
Chief Lance Haymond: La collectivité s'est établie en 1973, après qu'on ait fait venir les derniers membres de notre communauté de Hunter's Point, une région qui fait partie de notre territoire ancestral. Ils ont donc été relocalisés dans une réserve qui ne compte que 23 hectares, mais à l'époque, notre population dépassait à peine les 100 habitants. Avec l'adoption du projet de loi C-31, notre population a augmenté de 100 p. cent. Tous les programmes, services et politiques du ministère n'ont pas suffi à répondre adéquatement à cet accroissement rapide, et d'après toutes les indications dont je dispose, ils ne suffiront pas non plus à combler nos besoins futurs.
M. Charles Hubbard: Depuis la décision Corbiere, combien de personnes ayant le droit de vote vivent à l'intérieur et à l'extérieur de la réserve? Réussissez-vous à suivre leur trace? Vivent-elles près de la collectivité ou sont-elles disséminées un peu partout au pays?
Chief Lance Haymond: Il y en a dans chaque province. En 2001, nous avons tenu un processus électoral en respectant la décision Corbiere. Certains de nos membres résident à l'intérieur et autour des municipalités environnantes, dans d'autres provinces; il y en a aussi qui habitent aux États-Unis et à Hawaii. Tous ces membres se sont prévalus de leur droit de participer au processus électoral.
M. Charles Hubbard: Pensez-vous que ce serait faisable si le choix du chef et du conseil devait se faire en fonction des dispositions prévues dans le projet de loi C-7 et si certains des membres du conseil devaient vivre à l'extérieur de la réserve?
Chef Lance Haymond: Bien sûr. Je considère que c'est une approche tout à fait équilibrée et, comme je l'ai dit, nous avons déjà mis au point une ébauche de code électoral. Nous n'avons pas été en mesure de l'adopter à temps pour les élections de juin prochain parce que le ministère des Affaires indiennes insiste pour l'examiner afin de s'assurer qu'elle respecte bien la décision Corbiere et n'enfreint pas la Charte canadienne des droits et libertés. Avant de pouvoir ratifier notre propre code électoral, nous devons encore obtenir l'approbation du ministère des Affaires indiennes au niveau régional. Nous avons beaucoup fait par nous-mêmes, conformément aux orientations données par la collectivité. Le document propose une vaste gamme d'options, dont la durée du mandat, la représentation des membres vivant à l'extérieur de la réserve, qui ne sont pas pour l'instant admissibles en vertu de la Loi sur les Indiens. Étant donné que 65 p. cent de notre population réside à l'extérieur de la réserve, je pense qu'il est tout à fait approprié et déterminant que ces membres soient représentés au sein de notre conseil.
Á (1135)
M. Charles Hubbard: Quelle partie de votre budget global consacré à l'éducation, la santé ou l'aide sociale est la plus difficile à gérer avec l'argent qui entre dans votre réserve?
Chef Lance Haymond: Comme je viens de le dire, après l'adoption du projet de loi C-31, la population de notre bande a doublé. Mais en même temps, le ministère a gelé tout soutien financier à des collectivités comme la mienne, ce qui fait que notre niveau de financement est maintenant semblable à ce qu'il était au début des années 1990. Dans ces circonstances, il ne nous est pas vraiment possible d'administrer et d'offrir les programmes dont nous avons besoin. L'éducation, la santé et les services sociaux, l'aide financière accordée aux bandes ainsi que tous les domaines visés par les programmes n'ont pas obtenu le financement requis puisque l'ensemble de nos réalités n'a pas été pris en compte.
Le président: Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: J'aurais juste une petite question, monsieur le président.
Chef Haymond, vous avez mentionné tout à l'heure que votre communauté a été déménagée en 1973. Pouvez-vous me dire pourquoi votre communauté a été déménagée? Il semblerait que ce soit une pratique courante, depuis les 60 dernières années, que de déplacer des communautés pour diverses raisons. La plupart du temps, c'est pour des raisons économiques, mais dont vous ne bénéficiez pas.
[Traduction]
Chef Lance Haymond: Cela fait précisément partie du problème. Je pense qu'avant 1973, nos membres étaient reconnus comme appartenant à une bande, mais c'était une bande sans terre. Nous avons vécu, résidé et tenté de rester sur notre territoire ancestral, mais avec l'arrivée de l'industrie forestière sur nos terres, notamment, le chef qui m'a précédé a jugé bon de créer une réserve. Il a choisi de l'établir dans la localité de Kipawa et depuis ce temps-là, la majorité de nos membres s'y sont installés. Il y avait donc essentiellement deux raisons, la première était économique et la seconde tenait au fait que nous ne pouvions plus perpétuer notre style de vie traditionnel à cause du développement rapide sur nos terres des industries axées sur l'exploitation des ressources naturelles.
[Français]
M. Yvan Loubier: On a donc déplacé votre communauté pour satisfaire les exigences des compagnies forestières qui, elles, ont fait de l'argent avec votre territoire ancestral. On vous a déplacés une deuxième fois à cause, justement, de l'exploitation à outrance par des sociétés forestières, qui étaient les seules à en profiter. Vous n'y avez rien gagné, rien du tout. On vous a déplacés parce que vous n'aviez plus de territoire pour pratiquer la chasse, la pêche et la trappe. Donc, toutes les fois qu'on déménage les communautés autochtones, c'est pour satisfaire les besoins économiques d'autres gens, et vous n'en tirez jamais aucun bénéfice. C'est ce que je comprends depuis qu'on a débuté cette tournée.
Á (1140)
[Traduction]
Chef Lance Haymond: Oui, il y a quelques avantages, mais ils sont minimes. J'estime qu'il y a encore place pour beaucoup d'améliorations, et tant que nous n'aurons pas établi de processus adéquat, nous ne pourrons tirer pleinement profit du développement et de l'exploitation qui se poursuivent depuis de nombreuses années.
Le président: Avant de donner la parole à M. Dromisky, j'aimerais savoir si vous revendiquez toujours les terres sur lesquelles vous étiez établis avant d'être déplacés?
Chef Lance Haymond: Oui.
Le président: Font-elles partie des 23 hectares ou bien est-ce à part?
Chef Lance Haymond: C'est à part.
Le président: Quelle est leur superficie?
Chef Lance Haymond: Cela représente une partie du territoire de la nation algonquine. Je ne pense pas que nous puissions parler directement de territoire individuel car nous utilisons tous ce territoire et le grand chef vous a donné des indications quant à sa superficie.
Le président: Mais il pourrait y avoir des plaintes devant les tribunaux pour que vous repreniez possession d'une grande partie de ce territoire, n'est-ce pas?
Chef Lance Haymond: Je ne crois pas que les tribunaux soient nécessairement le mécanisme approprié pour régler ce type de problème. Je pense qu'il convient plutôt d'entamer des discussions, des dialogues et des négociations vraies et ouvertes. Mais, comme l'a dit l'ancien grand chef, pas dans le cadre de la politique globale actuelle en matière de revendications territoriales. Je partage son avis, nous ne pouvons pas nous permettre de nous lancer dans un processus qui hypothéquerait le bien-être de nos générations futures et au terme duquel nous verrions nos droits ancestraux abolis. C'est la raison pour laquelle je dis que nous devons nous pencher sur les véritables problèmes. Je pense que nous sommes ouverts à cela et je ne crois pas que la meilleure approche à adopter soit de nous lancer dans des batailles juridiques.
Le président: Mais vous avez revendiqué plus de terres que les 23 hectares dont nous avons parlé.
Chief Lance Haymond: Absolument.
Le président: Très bien. C'est ce que je voulais clarifier.
Monsieur Dromisky.
M. Stan Dromisky: Il me semble très évident, d'après tout ce que j'ai pu entendre au cours des dernières semaines, que la grande priorité est le règlement des revendications territoriales et de tous les conflits qui s'y rattachent. Autrement dit, le projet de loi C-7 n'est la priorité numéro un de personne. Ce qu'il importe vraiment de faire, c'est de régler tous ces grands problèmes auxquels vous êtes confrontés depuis des années. Combien de collectivités autochtones de votre région négocient actuellement avec le ministère des Affaires indiennes sur des questions de revendications territoriales ou autres en vue d'un règlement?
Chef Lance Haymond: Je pense que pour l'instant, personne ne bouge sur la question des revendications territoriales. Nous sortons tout juste d'un processus entrepris avec des représentants du gouvernement fédéral visant à déterminer comment nous pourrions en arriver à une entente, mais cela s'est fait dans le cadre de notre propre conseil de bande, et un grand nombre de collectivités continuent de faire des recherches historiques, comme je le fais moi-même, pour appuyer nos revendications selon lesquelles nous avons des droits et des titres ancestraux non éteints concernant nos territoires ancestraux. Alors, on peut dire qu'il y a une combinaison de facteurs, mais qu'à l'heure actuelle, personne ne négocie vraiment. Nous sommes à l'étape de la préparation; nous cherchons à nous assurer que les faits sont bien étayés, à cause de la politique qu'utilise le gouvernement fédéral actuellement pour régler les revendications et, plus particulièrement, les revendications territoriales.
M. Stan Dromisky: Je vais maintenant prendre une approche différente. Supposons, hypothétiquement, que le Président de la Chambre des communes décide d'aller de l'avant avec le projet de loi C-7 et que le projet est adopté, avec tous ses amendements et tout le reste. Y a-t-il une possibilité que ce projet de loi lui-même puisse être accepté ou rejeté par des collectivités de Premières nations individuelles? En d'autres mots, elles pourraient l'utiliser si elles le veulent, mais elles ne seraient pas tenues de le faire, parce qu'elles offrent déjà la plupart des éléments contenus dans ce projet de loi. Beaucoup de gens sont venus nous dire qu'il se fait beaucoup de progrès au niveau de la transparence, de la gestion des fonds, des élections, etc., partout au pays. Pensez-vous qu'il soit possible de permettre que certaines Premières nations acceptent le projet de loi ou le rejettent pour la bonne raison qu'elles offrent déjà à leurs membres ce que le projet de loi cherche à mettre en oeuvre?
Á (1145)
Chef Lance Haymond: Non, je ne crois pas. Je pense que l'ensemble du processus qui a mené à l'élaboration du projet de loi C-7 comporte des lacunes, que le projet de loi lui-même en comporte et que, toujours dans notre propre perspective, il ne permettra pas vraiment de résoudre les questions et les problèmes fondamentaux qui nous touchent au quotidien. Je ne peux parler au nom d'autres collectivités ou dire comment elles voient les choses, mais je ne pense pas qu'il devrait y avoir une approche à la pièce qui permettrait de choisir uniquement ce qui fait notre affaire. Il doit s'agir soit de quelque chose que nous pouvons appuyer entièrement soit, comme c'est le cas du projet de loi actuel, de quelque chose que nous pouvons rejeter entièrement, à partir du raisonnement que l'ensemble du processus est faussé et qu'il mène à un texte de loi qui présente de graves lacunes.
Le président: Merci beaucoup.
Nous vous invitons maintenant à faire vos observations finales.
Chef Lance Haymond: Je réaffirme ce que j'ai dit. Bien que le gouvernement ait choisi d'élaborer un texte de loi, je pense qu'il est d'une importance capitale qu'au début d'un processus, avant même de commencer à envisager le type de projet de loi qui est nécessaire, le gouvernement vienne consulter nos communautés, vienne consulter notre nation et tente de comprendre les réalités auxquelles nous devons faire face. Comme je l'ai dit, nous sommes tout à fait prêts à travailler dans le cadre d'un processus qui respecte nos droits et qui ne vient pas imposer la volonté d'un autre gouvernement sur les rêves et les aspirations que nous avons en tant que Nation algonquine. Laissez-nous prendre la place qui nous revient de droit, donnez-nous les outils qui nous permettront de prendre notre destinée en main et de nous affranchir du gouvernement fédéral. Je pense que nous pouvons y parvenir si nous travaillons ensemble, mais dans la mesure où le gouvernement adopte un programme qui ne fait pas vraiment place à nos besoins, nous allons continuer de débattre de ce genre de questions dans l'avenir; le gouvernement doit accepter notre approche et nous accorder la reconnaissance dont nous avons besoin.
Voilà ce que j'avais à dire.
Le président: Merci beaucoup.
Chef Lance Haymond: Merci.
[Français]
Le président: J'invite maintenant la Communauté anicinape de Kitcisakik.
[Traduction]
J'invite le chef James Papatie de la communauté Anicinape de Kitcisakik à prendre la parole. Soyez le bienvenu, chef, vous avez 30 minutes en tout. Veuillez faire votre exposé et nous espérons qu'il restera du temps pour les questions.
Le chef James Papatie (Communauté anicinape de Kitcisakik): [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone]
Á (1150)
M. Maurice Vellacott: Est-il possible d'avoir les services d'un interprète? J'aimerais savoir ce qu'il dit.
Le président: Nous n'avons pas cette ressource.
M. Maurice Vellacott: Bon; je ne comprends pas.
Le président: Personne ne comprend.
Le chef James Papatie: [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone]
Á (1155)
[Français]
Mon nom est Jimmy Papatie. Je suis chef de la communauté de Kitcisakik, qui compte 330 membres dans la communauté ici. Parmi les Algonquins Anishinabeg, on est probablement les derniers membres de la communauté à ne pas avoir de statut de réserve. Notre communauté est considérée comme la plus pauvre de l'est du Canada. Contrairement à ce qui se passe dans d'autres communautés, il n'y a chez nous ni développement ni outils. On a encore cette forme de liberté.
Dans ma présentation, je vous disais qu'il y a une centaine d'années, votre gouvernement est arrivé avec ce qu'on appelle la Loi sur les Indiens, qui a modifié complètement notre relation avec la terre.
Votre gouvernement, par ses politiques, a établi que notre spiritualité et notre façon de prier avec le Créateur devaient changer; cela a été remplacé par les religions existantes.
Vos gouvernements ont décidé que notre langue devait changer et qu'il fallait la remplacer par le français ou l'anglais.
Votre gouvernement a aussi établi une politique visant à enlever nos enfants et à établir des pensionnats indiens partout au Canada, au nom de la civilisation et du progrès, parce que nous étions considérés comme une race inférieure.
Autrefois, les Algonquins, le peuple Anishinabeg, se promenaient sur ce territoire, qui est un territoire non cédé. Nous n'avons pas signé de traité avec votre gouvernement; nous n'avons pas été conquis non plus. Nous nous rencontrions partout sur le territoire pour discuter et échanger. Nous nous parlions parfois de tout et de rien, mais nous étions en communion avec la base même de notre existence: la terre.
Au cours des années 1950, votre gouvernement a décidé de créer les réserves indiennes. Cela a cassé le peuple algonquin. On nous a parqués dans des réserves, et aujourd'hui, celles-ci coûtent extrêmement cher à l'État. Au nom de quoi? Du progrès. Le gouvernement a décidé que l'Anishinabeg n'était pas capable de gérer ses affaires et de prendre des décisions. Il était considéré comme une race inférieure.
En 1980, 1985 et 1988, votre gouvernement nous a demandé de déterminer qui était Indien et qui ne l'était pas, qui était Anishinabeg et qui ne l'était pas. Notre chef de l'époque a consulté son peuple. On a établi une définition qui déterminait qui était un citoyen Anishinabeg de Kitcisakik et qui ne l'était pas. Elle était écrite en langue algonquine, qui est notre langue. Votre gouvernement l'a rejetée parce qu'elle n'était pas rédigée dans une des langues officielles du pays.
Quand on considère avec un certain recul tous les développements que les communautés ont connus au cours des dernières années, on voit qu'il s'agit simplement d'une dépossession du territoire et d'un génocide à feu doux qui, par les politiques d'assimilation du gouvernement, vise à éliminer un peuple de la surface de la terre. Mais je vais vous dire une chose: si notre langue et notre culture sont encore en vie, c'est parce que quelque chose a encore une valeur pour nous, et c'est la liberté et le lien qu'on a avec la terre. On la considère comme notre mère.
 (1200)
Et aujourd'hui, vous dites que vous venez pour nous sonder sur notre façon de penser. Nous avons aussi des gens intelligents dans nos communautés. Nous sommes un peuple oral. La transmission orale se fait quand nous connectons nos enfants avec la terre.
Vous nous demandez notre opinion sur la gouvernance dans les projets de lois C-7, C-6, C-31, la Loi sur les Indiens en général, parce que votre gouvernement nous voit comme une gang d'administrateurs qui ne savent pas gérer de l'argent, qui ne savent pas rendre service. Il veut nous présenter comme une gang qui cache des choses à ses membres.
Ce n'était pas comme ça dans notre structure avant que l'étranger arrive. Nous avions une structure ovale où tout le monde pouvait participer aux prises de décision de notre communauté. Ce que la Loi sur les Indiens a fait pour les communautés, c'est tout simplement établir les paramètres d'une structure pyramidale, ce qui est différent de notre façon de voir les choses.
Je suis en accord sur les principes de transparence et de loyauté, de dire toujours la vérité à nos gens, mais cette vérité-là doit être utilisée de façon à faire bouger les choses pour le mieux.
On nous présente dans les médias, nous les chefs, comme des gens qui vivent sur le dos de leurs membres, ce qui n'est pas le cas. Il faut savoir que dans la majorité des premières nations au Canada, les chefs ont un salaire de base de 20 000 $ à 30 000 $. Et aujourd'hui, si on regarde les politiques et tout ça, on nous dit de nous prendre en charge. Prendre en charge notre pauvreté? Non, merci.
Ce que nos gens disent est bien simple: rendez-nous nos terres que vos gens, votre gouvernement nous ont prises. Donnez-nous les ressources nécessaires pour que nous puissions construire une société basée sur le développement de ces ressources et le partage des ressources, comme c'était le cas autrefois chez nous. Venez donc nous voir dans nos communautés. Venez nous expliquer ce que vous voulez changer dans notre vie.
Ce n'est pas une carte de statut d'Indien qui dit qu'on est indien chez nous, c'est notre langue. Ce n'est pas un système non plus qui nous dit qu'on l'est.
Ce que je veux vous dire, dans le fond, c'est de regarder la situation du peuple algonquin aujourd'hui. C'est un peuple qui demande seulement à être respecté. C'est un peuple qui refuse de mourir. C'est un peuple qui veut se faire respecter, qui ne veut pas être regardé comme des numéros. Nous ne voulons pas être comme ça, nous. Nous ne l'avons jamais été et nous ne le serons jamais.
Ce qu'on vous demande de faire, c'est d'informer le gouvernement. Vous allez retourner faire vos recommandations à votre gouvernement parce que vous travaillez pour le gouvernement, de toute façon. Vous avez un mandat du gouvernement, celui de venir nous voir et de nous demander notre opinion sur les projets de loi qui existent sur la gouvernance. Vous allez faire un rapport. Dites-leur bien que le gouvernement du Canada n'a pas de leçons à nous donner sur la façon dont nous gérons nos communautés. Il n'a pas de leçons à nous donner sur les déficits qui sont encourus, parce que ces déficits existent tout simplement parce que nous réparons les dégâts sociaux qu'a causés la Loi sur les Indiens. Vous avez brisé un peuple, et c'est le leadership d'aujourd'hui qui paie vos pots cassés. C'est le leadership d'aujourd'hui qui met en place des programmes et des services pour soulager la souffrance de nos membres, pour éliminer les suicides, pour créer de l'emploi.
 (1205)
Ce que ça a coûté, au cours des 150 dernières années, pour maintenir le peuple algonquin dans une situation de dépendance n'est que la pointe de l'iceberg. Ce n'est qu'une fraction de ce que vous allez payer pour restaurer le climat social de nos communautés afin qu'elles retrouvent leur équilibre politique, économique et social.
On vous demande tout simplement de considérer à quel point le fait de maintenir des communautés dans une situation de dépendance vous coûte cher et coûte cher aussi à vos contribuables. À la base, l'effet qu'a eu la Loi sur les Indiens a été de nous infantiliser, alors que nous n'étions pourtant pas des enfants. Nous ne sommes pas des enfants.
Comment auriez-vous réagi si c'était nous qui vous avions enlevé votre langue, votre culture et votre spiritualité et qu'après vous avoir tout enlevé, nous avions enfoncé nos valeurs et nos croyances dans la gorge de vos enfants? Comment auriez-vous réagi? Est-ce que vous auriez demandé justice? Est-ce que vous auriez demandé qu'on s'excuse?
À l'heure actuelle, les chefs algonquins et les leaders que je connais partout au Québec et au Canada s'emploient à nettoyer les dégâts causés par la Loi sur les Indiens. Leur rôle est de créer un avenir, mais ce n'est pas l'adoption d'un projet de loi sur la gouvernance qui va régler des problèmes. Au contraire, vous allez en créer d'autres. Ce n'est pas ce que nous voulons; nous voulons trouver des solutions.
Quand votre gouvernement va-t-il nous demander réellement ce que nous voulons, ce que nous pensons de nous-mêmes? Quand va-t-il vraiment écouter? Pour le moment, ça n'augure pas bien; il ne semble pas prêt à écouter.
Vous vous souvenez de la crise d'Oka. Or, ce matin, aux nouvelles, on apprend qu'il y a encore des problèmes. Pourquoi? Parce que la relation entre le gouvernement fédéral et les autochtones est fondée sur une loi qui est discriminatoire, qui vise la colonisation, voire un régime colonialiste et paternaliste. Il faut changer cela, mais c'est à nous de jeter les bases de ce changement. Ce n'est pas au ministre ou au ministère des Affaires indiennes de le faire, encore moins au gouvernement fédéral. Tout ce qu'on demande, c'est que vous nous respectiez.
Si j'ai parlé dans ma langue, c'est pour vous dire que la langue algonquine est encore vivante, qu'on est encore là et qu'on refuse de mourir. En tant que peuple, on refuse de s'éteindre parce qu'on a encore à donner et à partager avec vous. On a encore des choses à vous montrer.
C'est tout ce que j'avais à dire ce matin. Il reste que je suis d'accord sur les principes et les paroles de mes collègues, ainsi que sur les questions qui ont été soulevées et les points de vue qui ont été échangés. Je les appuie parce que je suis comme eux. Je suis là à tous les jours pour travailler au mieux-être de ma communauté. C'est tout.
 (1210)
Le président: Merci beaucoup pour votre excellente présentation. Je vous félicite pour la partie que vous avez présentée dans votre langue.
J'ai présidé le comité en 1996-1997, au moment où on a fait une étude sur l'éducation des premières nations, et le plus gros problème dont on a entendu parler, c'était la perte de la langue pour toute une génération. On s'inquiétait pour les enfants et on se demandait comment on pouvait corriger cela. Comme Franco-Ontarien, je sais de quoi il s'agit. N'allez pas penser que les choses ont été faciles pour les Franco-Ontariens. Les mêmes lois visant l'assimilation visaient aussi les francophones.
On a voyagé partout au pays. Or, dans l'Ouest, on a rencontré de nombreux représentants, des chefs de premières nations qui avaient des noms français mais qui ne parlaient plus français et qui avaient été assimilés. L'assimilation des autochtones et des francophones était une chose calculée et voulue. Alors, je comprends exactement ce dont vous parlez.
Encore une fois, je vous félicite et je suis heureux pour vos enfants que vous parliez encore votre langue. J'espère que c'est le cas dans toute votre communauté, parce que c'est quelque chose qu'un peuple ne peut pas perdre s'il veut survivre. La langue, la culture, la religion, chacun la sienne. Ce sont des ingrédients qui se complètent, et s'il manque un ingrédient dans un gâteau, ça ne fait pas un gâteau. Alors, je comprends exactement ce dont vous parlez, je vous félicite et je vous admire. Vous l'avez fait sans notes en plus, alors vous le vivez.
On a cinq minutes. Je vais accorder deux minutes à chaque parti pour les questions et réponses. Après, on verra.
Monsieur Loubier, vous pouvez même faire un commentaire, si vous voulez.
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.
Chef Papatie, je vous remercie infiniment pour votre présentation et je peux vous assurer que même si je ne comprenais pas la première partie de votre exposé, même si je ne comprenais pas votre belle langue, j'ai noté certaines choses que j'ai cru déceler. Lorsqu'on écoute quelqu'un qui ne parle pas notre langue et dont on ne connaît pas la langue, on peut quand même déceler des messages dans les intonations, par exemple. Et ce que j'ai noté c'était « fierté et dignité » et « rage » aussi de ne pas être respecté. Je pense que je ne me suis pas trompé.
La suite de votre exposé en français a confirmé que j'avais compris votre message principal. Je suis très heureux de vous avoir entendu comme ça, dans votre belle langue.
J'aurais peut-être une suggestion à faire au comité. Lorsqu'on est devant une organisation de nations unies, comme c'est le cas à l'heure actuelle ici, parce qu'il y a deux nations, même trois, à savoir algonquine, canadienne et québécoise, normalement on s'arrange pour se faire comprendre et pour traduire aussi. Alors, lorsqu'on vient rencontrer des nations autochtones, ce serait peut-être une bonne idée, monsieur le président, de prévoir une interprétation, une traduction simultanée dans la langue des gens que l'on visite. Je pense que c'est le minimum de respect qu'on leur doit.
Chef Papatie, vous avez dit que votre première nation était la dernière première nation, la nation algonquine, qui n'était pas reconnue comme telle et qui n'avait pas de territoire dévolu. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi c'est comme ça? Y a-t-il espoir que cela change, si on ne détourne pas vos énergies et vos ressources à des stupidités comme le projet de loi C-7?
 (1215)
Le chef James Papatie: Je vais apporter une correction. Nous, nous savons bien que les Algonquins sont une nation, mais le Québec n'est pas une nation, selon les standards internationaux, parce qu'il n'a pas encore acquis son indépendance. La société canadienne est une nation au sens propre.
En ce qui concerne Kitcisakik, la raison pour laquelle on est encore comme ça aujourd'hui, c'est que le ministère des Affaires indiennes, dans les années 1960, 1970, 1980, a toujours essayé de nous présenter un modèle de création de réserve basé sur celui des autres, des 640 et quelques communautés qui existent au Canada, mais ce modèle-là ne plaît pas à la communauté. Il ne permettait pas, à l'époque, de nous garantir la protection du territoire qui nous reste, dans le fond, et il n'était pas non plus basé sur l'accès aux ressources. On voyait bien que c'était des étrangers. On avait déjà plusieurs communautés autour de nous. On les voyait vivre la vie en réserve et on voyait qu'elles ne pouvaient pas subvenir économiquement à leurs besoins. Elles ne pouvaient pas acquérir une certaine forme d'indépendance. On voyait aussi de plus en plus que la terre de la réserve ne leur appartenait pas. Elle appartenait encore à la Couronne, au gouvernement du Canada. Même toutes les infrastructures qui existaient dans la réserve appartenaient au gouvernement. C'était le même concept qu'une base militaire.
À Kitcisakik, la raison pour laquelle les gens ont beaucoup tenu à ne pas accepter ce modèle, c'est qu'ils ne voulaient pas perdre le lien avec la terre, parce que ce lien avec la terre est sacré. Les gens, trois fois en tout cas... Je me souviens que j'étais jeune et que j'entendais souvent ça. Je pense que le dernier modèle a été refusé parce que les gens du gouvernement avaient déjà décidé combien de maisons on aurait, quelle serait la couleur de chaque maison, où le cimetière allait être. Imaginez-vous ça. C'était vraiment offensant de nous faire imposer un modèle alors que nous, nous disions ce que nous voulions.
Ce que nous proposons depuis quand même un certain temps, c'est un autre modèle, qui va tout simplement être un projet d'excellence au Canada et qui va mettre fin, dans le fond, au système des réserves.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Dromisky, vous avez deux minutes.
M. Stan Dromisky: Merci de votre exposé.
J'ai quelques questions personnelles à vous poser. À mes yeux, vous semblez très jeune. Je suis beaucoup plus âgé que vous et c'est peut-être pourquoi je vous trouve si jeune. Où avez-vous appris votre langue? L'avez-vous apprise à l'école ou après l'école dans des classes particulières, est-ce que vos grands-parents vous l'ont enseignée, ou vos parents? Pouvez-vous me donner une idée de la façon dont vous avez appris votre langue?
[Français]
Le chef James Papatie: Je n'ai pas appris la langue dans un livre d'école. Je l'ai apprise en retournant vers la terre, en me promenant sur le territoire avec mon père, ma mère, les gens de la communauté, en les écoutant parler leur langue, en identifiant le monde dans lequel je vivais. C'est une langue vivante. La langue algonquine est une langue qui ne peut pas être enseignée directement à des gens enfermés entre des murs. Pour que la langue puisse vivre, il faut que nous retournions à la terre, parce que c'est notre monde. On a un monde basé sur la terre.
La majorité des jeunes chez nous et ceux qui ont mon âge qui ont pu garder leur langue l'ont fait en retournant vers la terre, comme moi; ce n'est pas à l'école qu'ils l'ont apprise. C'est sûr que beaucoup ont décroché du système scolaire pour pouvoir garder leur langue.
 (1220)
Le président: Merci beaucoup. C'est facile de voir qu'autour de la table, nous avons développé une grande admiration pour vous. Merci pour votre excellente présentation.
[Traduction]
Accueillons maintenant le chef Harry St. Denis ou chief Harry St. Denis de la Première nation de Wolf Lake.
Chef Harry St-Denis (Première nation de Wolf Lake): Cela n'a pas d'importance, car ni l'un ni l'autre n'est algonquin. Contrairement au chef Papatie, je ne parle pas la langue algonquine et c'est la conséquence directe des politiques du gouvernement fédéral et de l'intervention de ce dernier dans la vie quotidienne du peuple algonquin.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à mes collègues chefs, aux grands chefs et aux autres citoyens algonquins qui sont présents ici aujourd'hui ainsi qu'aux membres et au personnel du comité permanent. Au nom de la communauté algonquine de Wolf Lake, je tiens à vous remercier de l'occasion qui m'est donnée ici aujourd'hui de vous faire connaître notre position.
Pour mettre les choses en perspective, le territoire de la Première nation de Wolf Lake est situé à proximité du cours supérieur de la rivière Dumoine dans le nord-ouest québécois et dans l'ouest de l'Ontario. Nous somme la plus petite collectivité algonquine qui existe, car notre groupe de compte qu'environ 250 membres. Nous sommes également une bande sans terre, ce qui signifie que nous n'avons pas de réserve qui pourrait servir à établir un centre de services communautaires. Bien que nous maintenions toujours nos relations avec notre territoire traditionnel et que nous soyons installés dans les endroits mêmes où vivaient nos ancêtres il y a des siècles, un bon nombre de nos membres vivent dans des centres urbains en périphérie du territoire. Nous sommes actuellement en train de négocier avec le gouvernement du Canada pour essayer d'obtenir des terres de réserve pour ériger un centre communautaire pour notre peuple. Comme nous n'avons jamais vécu sur une réserve, la Loi sur les Indiens ne s'est jamais vraiment appliquée à notre collectivité, bien qu'à différents moments, le ministère des Affaires indiennes ait tenté de le faire. Nous continuons de gérer nos affaires selon la coutume, y compris les élections. Notre procédure électorale, dérivée de la coutume, a été codifiée.
Notre collectivité se dit très préoccupée par le projet de loi C-7 pour un certain nombre de raisons que j'aimerais vous expliquer maintenant.
Un gouvernement autonome stable et ouvert est important si nous voulons progresser en tant que peuple algonquin et nous respectons ces valeurs d'ouverture, de transparence et de reddition des comptes. Toutefois, nos défis vont bien au-delà de ces questions et dans le projet de loi C-7, le gouvernement ignore les approches recommandées par la Commission royale sur les peuples autochtones. Il s'agit là d'une préoccupation importante à nos yeux. La Commission royale a passé des années à tenir des audiences et à étudier toute la question. Les consultations de la Commission royale étaient réelles, contrairement au simulacre de consultation auquel s'est livré le ministère des Affaires indiennes sur la gouvernance des Premières nations. Les commissaires ont beaucoup réfléchi sur la façon d'améliorer la vie quotidienne de notre peuple ainsi que sur la façon d'améliorer nos relations avec les gouvernements et ils ont dépensé environ 60 millions de dollars pour le faire. Après tout ce travail, ils n'ont même pas jugé bon de recommander le rapiéçage de la Loi sur les Indiens. Ils ont conclu que c'eût été une perte de temps. La Commission a plutôt tracé un plan fondé sur le renouvellement de nos nations et de nos instances de gouvernement fondé sur nos coutumes propres. Elle a conclu que nous avions le droit inhérent de nous gouverner nous-mêmes dans certains domaines clés, ce qui comprend le choix de nos dirigeants et de nos membres. Elle a également conclu que d'autres gouvernements n'avaient aucun droit d'intervenir dans ces domaines. Pourquoi alors le présent gouvernement a-t-il choisi d'ignorer les recommandations de la Commission royale et de faire exactement le contraire? Les membres du comité devraient réfléchir à cette question. Cela devrait allumer un signal d'alarme quant aux véritables intentions qui se cachent derrière ce projet de loi.
La Commission royale avait également affirmé que si nous voulions que l'autonomie gouvernementale fonctionne et que si nous voulions améliorer le sort de nos collectivités, nous devions avoir un accès plus grand à nos terres et à nos ressources, à l'intérieur de nos territoires. Vous avez beau avoir les meilleures structures gouvernementales du monde, sans une économie qui fonctionne, cela ne sert à rien. Et pourtant, le gouvernement actuel n'a vraiment rien fait de positif pour régler la question des terres sur le territoire algonquin ou pour améliorer notre accès à la terre et aux ressources ainsi qu'aux bienfaits qui en découlent.
 (1225)
En ce qui concerne la reddition des comptes et la transparence, j'ai déjà dit que la Première nation de Wolf Lake avait codifié sa procédure électorale fondée sur la coutume. Nous avons également adopté des politiques financières et administratives qui font en sorte que nos membres ont accès à cette information et que les dirigeants ont des explications à leur donner. Nous avons déjà fait ces choses et, de toute façon, le ministère peut les exiger, et le fait, dans le cadre des accords de contribution. Alors, ma question est la suivante: si nous faisons déjà ces choses et si le ministère dispose d'autres façons de les exiger, pourquoi avons-nous besoin du projet de loi C-7? Il s'agit d'une insulte pour les collectivités qui ont déjà pris des mesures pour résoudre ces problèmes et qui ont appliqué ces réformes. Notre responsabilité et notre autorité nous viennent de notre peuple, de nos coutumes et de nos traditions. Nous n'avons aucunement besoin d'une autre de vos lois pour nous donner cette autorité ou pour nous dire quoi faire.
Cela m'amène à parler d'une question qui devrait tous nous préoccuper. Les membres du comité devraient également être préoccupés par la façon dont ce projet de loi a été mené de l'avant en dépit de l'opposition manifestée par nos dirigeants élus et nos membres. Comment le ministre Nault peut-il parler de promouvoir les principes démocratiques lorsqu'il nous dénigre en tant que dirigeants et qu'il insiste pour nous imposer quelque chose que nous rejetons clairement. C'est comme s'il cherchait à nous provoquer, à commencer une querelle, à créer un conflit. Ce qui m'inquiète, c'est que son désir pourrait bien se réaliser et cette situation n'est pas attribuable uniquement au projet de loi C-7, mais au fait que depuis des années, le gouvernement cherche à imposer toutes sortes de choses à nos collectivités.
Notre population compte de nombreux jeunes gens et les mesures que prend le gouvernement actuel auront pour effet d'empirer la situation plutôt que de l'améliorer. À l'heure actuelle, les jeunes expriment leur colère et leur frustration en s'en prenant les uns aux autres, comme en témoignent les statistiques épouvantables concernant le suicide chez les jeunes et la violence dans nos communautés. Mais tôt ou tard, ils dirigeront cette frustration ailleurs. La Commission royale a également parlé de cette question, mais il semble que le gouvernement fait la sourde oreille. Nous entendons déjà la jeunesse nous dire qu'il ne sert à rien de négocier ou de parler avec gouvernement, parce que le gouvernement n'est pas sincère et qu'il ne cherche qu'à s'immiscer encore une fois dans nos vies. Et nous voilà devant un gouvernement qui fait la preuve qu'ils ont raison. En essayant d'imposer sa volonté à notre peuple, le gouvernement est en train de jeter les bases d'un très long conflit. Vous devriez vous demander si c'est vraiment de cette la façon que vous voulez traiter avec notre peuple et si vous voulez vraiment de cet héritage de conflit. Si ce projet de loi devient loi, nos collectivités continueront de s'y opposer dans l'arène politique et dans les cours de justice. Beaucoup de gouvernements et beaucoup de ministres sont passés et, nous, nous sommes toujours ici. Notre opposition à ce projet de loi se poursuivra et vous pouvez être certain que le prochain gouvernement fédéral devra ramasser les pots cassés si le présent gouvernement insiste pour continuer dans cette voie.
En terminant, je demande respectueusement au comité de recommander que le projet de loi C-7 soit retiré. Ce projet de loi ne peut être réparé et, de nos jours, le processus qui a été utilisé pour l'imposer à notre peuple est honteux et indigne d'un pays censé être fier de son respect des droits de la personne. Si vous voulez une solution de remplacement positive, commencez par nous parler, dans le cadre d'un véritable partenariat, de la façon de mettre en oeuvre les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones.
Bien que je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de prendre la parole devant vous ici aujourd'hui, je dois également ajouter que cela ne doit pas être considéré comme de la consultation et que ma présence devant vous ne peut être utilisée pour justifier l'atteinte portée aux droits de ma communauté.
Merci. Meegwetch.
Le président: Merci.
Chef Harry St-Denis: Monsieur le président, avant d'aller plus loin, j'aimerais préciser que j'avais l'intention de déposer un document qui démontre clairement que nous avons déjà adopté des garde-fous en matière de reddition des comptes et tout cela, mais je n'ai pas apporté d'exemplaire avec moi. Si je le pouvais, j'aimerais pouvoir en poster un à la greffière du comité.
Le président: Oui. Nous en serions heureux. Je devrais dire à tous ceux qui ont donné ou qui donneront un exposé aujourd'hui et qui ont des documents à déposer, que ces documents seront traduits et distribués à tous les membres du comité, même à ceux qui ne pouvaient être ici aujourd'hui. Merci de nous avoir rappelé ce point.
Monsieur Vellacott, un tour de cinq minutes.
 (1230)
M. Maurice Vellacott: Merci, chef, de votre présence.
Vous avez parlé de cet accord de contribution et j'aimerais creuser cette question davantage. Je me demande quelle somme, si vous acceptez de la divulguer ici, vous recevez du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et en vertu de cet accord de contribution. S'agit-il d'une information que vous accepteriez de partager dans le présent contexte?
Chef Harry St-Denis: Parce que nous sommes une collectivité qui ne vit pas sur une réserve, nous n'avons pas accès aux programmes habituels offerts par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nous recevons essentiellement un financement de base qui est d'environ 105 000 $ par année. Le reste, c'est un soutien à l'éducation; il s'agit d'argent qui entre dans une main et qui sort de l'autre pour aider les étudiants.
M. Maurice Vellacott: C'était là ma deuxième question. Cette somme de 105 000 $ sert à financer vos activités de base.
Chef Harry St-Denis: C'est pour tout.
M. Maurice Vellacott: Très bien. Et l'argent destiné à l'éducation ne fait qu'entrer et sortir, comme vous dites.
Chef Harry St-Denis: Oui, pour les frais de scolarité et les allocations de subsistance.
M. Maurice Vellacott: D'accord.
Pensez-vous que, dans un avenir assez rapproché, vous aurez des terres, que vous aurez une réserve? Est-ce quelque chose que vous souhaitez voir arriver? Vous avez dit que vous êtes un bande sans terre et que vous ne disposez pas d'une réserve qui pourrait servir pour établir un centre de services communautaires.
Chef Harry St-Denis: C'est le mandat qui m'a été confié par le peuple de Wolf Lake. Cette demande, essentiellement que le peuple de Wolf Lake dispose de sa propre collectivité, remonte aux années 1800 et on a évoqué différents prétextes pour refuser. La plupart du temps, le gouvernement fédéral a blâmé la province. Dans les années 1980, la province s'est rangée de notre côté et, soudainement, le gouvernement fédéral s'est retrouvé avec un problème: cela n'était pas conforme à sa politique. Mais c'est quelque chose que la collectivité souhaite obtenir.
M. Maurice Vellacott: Ainsi, une bonne partie du projet de loi C-7, parce qu'il traite de l'adoption de lois ou de règlements dans les réserves, etc., ne s'appliquerait même pas dans votre situation actuelle ni tant que vous n'aurez pas de réserve?
Chef Harry St-Denis: Oui, à l'heure actuelle la plus grande partie de ce projet de loi ne s'applique pas, mais dans l'éventualité où nous aurons une réserve, il s'appliquera. La Loi sur les Indiens ne s'applique pas à nous dans bien des situations, mais elle finira par s'appliquer. Mais cela ne nous touche pas, surtout dans le domaine de nos pratiques électorales coutumières. Nous l'avons toujours fait conformément aux traditions en vigueur chez le peuple de Wolf Lake. Nous ne voyons absolument pas pourquoi le gouvernement fédéral a besoin d'adopter une loi qui nous forcera à nous conformer aux dispositions de toute nouvelle loi.
M. Maurice Vellacott: Alors, vous faites de votre mieux pour assurer, avec ce budget limité, certains services de base. En effet, vous êtes une Première nation hors réserve, si vous voulez, comme tant d'autres qui ont comparu devant nous. Alors, dans l'élection de votre chef et de votre conseil, tous les membres hors réserve, car votre collectivité se compose uniquement de membres hors réserve, ont droit de vote. Croyez-vous que plus tard, lorsque vous aurez obtenu une réserve, une entente relative au territoire, etc., vous continuerez d'accorder le droit de vote à vos membres qui vivront hors réserve pour l'élection du chef et du conseil et pour tous les autres détails de l'administration de votre Première nation?
Chef Harry St-Denis: Tous nos membres ont toujours eu le droit de participer aux décisions importantes de la communauté. Que je sache, c'est quelque chose qui ne changera jamais, et le fait que nous avons adopté notre propre code électoral le démontre clairement.
M. Maurice Vellacott: Parfois, nous entendons parler de certaines querelles. Les gens qui vivent sur la réserve disent que les fonds sont déjà très limités et on ne sait pas trop si on devrait partager cet argent avec les gens qui vivent en dehors de la réserve, mais votre situation est différente et vous avez une empathie évidente, parce qu'en ce moment même vous vivez en dehors d'une réserve. Alors, vous dites que, lorsque vous aurez une réserve, les gens qui vivent hors réserve devraient avoir une participation pleine et entière dans toutes les questions et ce, pour toujours.
 (1235)
Chef Harry St-Denis: Oui, très certainement. Je peux comprendre les problèmes que cela peut entraîner pour certaines communautés dont le financement est fondé sur une formule qui ne tient compte que de la population vivant sur la réserve, mais c'est ici qu'entre en ligne de compte les propos importants, surtout des deux grands chefs, sur l'ensemble de la question de la redistribution des terres et des ressources à la communauté de la Première nation à qui elles appartiennent de droit, pour être en mesure d'inclure tout le monde. Si nous retrouvons nos terres, il n'y a pas de problème à trouver de l'argent pour tout le monde. La question ici, c'est la terre. Si vous n'avez pas de terres, vous ne pouvez avoir d'économie. Vous avez entendu le chef Haymond dire qu'il possède 23 hectares. Comment pouvez-vous même penser au développement économique dans une collectivité qui se mesure en acres seulement? C'est ridicule.
Le président: Merci.
Comme il n'y a pas de questions, nous vous invitons à faire vos observations finales et vous avez tout le temps que vous voulez.
Chef Harry St-Denis: Je pensais qu'il y aurait plus de questions, mais j'aimerais bien dire un mot sur le rapport de la Commission royale. Je pense que ce rapport a suscité de grands espoirs chez de nombreux peuples des Premières nations. Le gouvernement fédéral a dépensé environ 60 millions de dollars pour obtenir le point de vue de tout le monde. Les Premières nations, le grand public, les fonctionnaires, tout le monde a été invité à participer à la préparation de ce rapport. Des personnes d'excellente qualité ont coprésidé la commission, le juge Dussault et Georges Erasmus, deux personnes grandement respectées. Le rapport contenait de très bonnes recommandations qui recevaient l'appui des Premières nations partout au pays. J'ignore ce qu'il en est advenu. Où s'est-il retrouvé? Sur une tablette, quelque part, à ramasser la poussière. Nous ne serions pas ici en train de parler du projet de loi C-7 si les recommandations présentées dans le rapport de la Commission royale avaient été mises en application.
J'en suis venu à ma propre conclusion quant au problème véritable qui se cache derrière le rapport de la Commission royale et c'est une affaire de rivalité entre partis politiques fédéraux. Comme il s'agissait d'une initiative des conservateurs, les libéraux ont préféré placer le rapport sur une tablette plutôt que de donner crédit au gouvernement conservateur, et c'est une honte, parce qu'il s'agissait d'un très bon rapport.
C'est toujours comme cela lorsque vous traitez avec les Premières nations. Nous devons traiter avec le gouvernement fédéral, nous devons traiter avec des gouvernements provinciaux. Les Premières nations se retrouvent toujours coincées entre les deux. À mes yeux, le processus que nous vivons actuellement n'était absolument pas nécessaire. Il ne servira pas à améliorer la vie de nos gens. Le peuple de Wolf Lake est parfaitement capable de décider par lui-même, comme vous pouvez le voir. Nous avons adopté notre propre code électoral. Je suis désolé pour les communautés qui seront forcées de faire ce travail, parce que, nous, nous avons eu beaucoup de temps pour le faire et les membres poussaient pour faire avancer le processus. Il a fallu trois envois postaux différents et je ne sais combien de réunions communautaires, et notre communauté ne compte qu'environ 150 électeurs. Ce n'est pas quelque chose qui a commencé avec ces réunions communautaires; c'est un processus qui dure depuis 15 ans. Nous avons essayé d'apporter des changements fondés sur les tâches distinctes du chef et du conseil. Nous avons essayé de mettre en oeuvre une partie de la réforme une année et l'autre l'année suivante, nous avons changé les mandats, la durée des mandats. Il nous a fallu beaucoup de temps pour adopter ce code et cela ne fait pas deux ans que nous avons commencé à le mettre sur papier. Alors, je ne sais pas comment on peut s'attendre que ces collectivités parviennent à faire ce travail dans les délais prévus par le gouvernement.
Alors, pour nous, le projet de loi est tout à fait inutile, parce que nous faisons déjà toutes ces choses. Cela n'améliorera aucunement la vie des gens de Wolf Lake. Nous devons examiner sérieusement quelle est l'intention de ce projet de loi parce que, chose certaine, il n'améliorera pas nos vies. Ce qui améliorera nos vies, c'est l'accès à des terres et à des ressources et la capacité de traiter de toutes les questions qui nous concernent sans y être forcés par la loi. Il est certain que ce n'est pas la bonne voie à suivre. Je sais que l'intention, c'est de conclure des ententes d'autonomie gouvernementale, et qu'il s'agit d'une mesure intérimaire, mais, à mon avis, cela ne fonctionnera jamais. Si ce projet de loi est imposé aux peuples autochtones de ce pays et qu'il devient la base de négociation pour les ententes d'autonomie gouvernementale, il restera toujours un goût amer dans la bouche des Autochtones, parce qu'on leur aura imposé cette mesure contre leur gré. Je pense que le gouvernement devrait prendre cette question en considération sérieusement.
Je demande respectueusement au comité de recommander au gouvernement fédéral de retirer ce projet de loi et de revenir à la table de négociation avec les peuples autochtones de ce pays, parce que ce projet de loi les concerne eux et personne d'autre.
Merci.
 (1240)
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant aux présentations spontanées.
[Français]
Nous invitons Daniel Pien pour deux minutes.
Bienvenue.
M. Daniel Pien (À titre individuel):
Bonjour. Je suis le chef de la communauté Lac-Simon, qui est située à peu près à 35 kilomètres au sud de la route 117.
Je vais tenter de faire un bref historique de la divulgation de renseignements sur l'imputabilité de ma communauté. En ce qui me concerne, quand j'étais jeune, je participais souvent aux assemblées annuelles de mon conseil de bande, avec les anciens élus.
Il ne faut jamais oublier nos gens. Consulter une population n'est pas uniquement lui rendre des comptes; c'est aussi assurer la sécurité en forêt. Quant on parle de territoire d'occupation, il est nécessaire qu'ils nous rapportent ce qui se passe au plan politique pour qu'on puisse intervenir à des moments précis auprès des compagnies forestières ou des pourvoiries qui font sans cesse des activités sans nous consulter. De la même façon, les sentiers de motoneige qui traversent le Québec touchent nos territoires. Ce n'était qu'un aperçu de la situation.
Je ne suis chef que depuis le 8 février de cette année. À mon avis, au Conseil des chefs, nous n'avons jamais abandonné l'orientation de notre esprit ni notre façon d'être, qui est rattachée à notre Terre Mère.
À l'heure actuelle, cependant, ce qui est irritant pour nous, est le fait qu'un intermédiaire nous représente, alors qu'il y a des lois qui représentent quelqu'un qui est en perte. Quand un individu subit un accident, par exemple, et qu'il ne peut répondre à des questions, quelqu'un peut alors le représenter en vertu d'un mandat en cas d'inaptitude.
Le président: Je dois vous interrompre. Vous parlez depuis deux minutes et demie. Je vais vous allouer 20 secondes supplémentaires seulement.
M. Daniel Pien:
Nous sommes capables de prendre nos décisions, de déterminer nos orientations politiques et de choisir comment traiter nos gens. Nous n'avons jamais perdu cet état d'esprit.
 (1245)
Le président: Merci beaucoup. Je tiens à mentionner qu'il est regrettable que vous n'ayez été élu qu'au mois de février. Celui ou ceux qui étaient chefs avant vous ont reçu l'invitation l'automne passé; si elle vous avait été transmise, vous auriez bénéficié d'une demi-heure. Nous aurions aimé entendre les autres choses que vous aviez à dire, mais nous devons nous limiter à deux minutes.
Merci beaucoup. J'invite Edouard Kistabish.
M. Daniel Pien:
Merci.
[Traduction]
Le président : J'invite M. Edouard Kistabish. Je vous rappelle que vous avez deux minutes.
[Français]
Vous avez deux minutes.
M. Edouard Kistabish (À titre individuel):
Et demie.
Le président: Je sais déjà que vous êtes politicien et que si je dis deux minutes et demie, vous en prendrez trois. Deux minutes deviendront donc deux minutes et demie.
M. Edouard Kistabish:
[Le témoin s'exprime dans sa langue]
Bonjour à tous.
J'ai regardé les trois premiers points précisés dans le projet de loi. La communauté Abitibiwinni a déjà son propre règlement électoral. Nous faisons des assemblées annuelles pour la vérification des livres depuis les années 1960. On fait déjà tout ce qui est demandé.
Je crois, en tant que chef, que le projet de loi C-7 ne fait que cacher les vrais problèmes des communautés. En tant qu'autochtones, nous faisons déjà ce que le gouvernement demande, et je ne pense pas que ce dernier soit en mesure de nous montrer de quoi nous sommes capables.
Depuis les années 1990, grâce à nos bons administrateurs, nous maintenons une saine gestion et nous n'avons pas de déficit. C'est un fait que le gouvernement ne peut nier. Il faudrait qu'il en parle, plutôt que de répéter uniquement que les Indiens sont de mauvais administrateurs. On est fiers d'être Algonquins, et on le sera toujours. Merci beaucoup.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Des voix: Bravo!
Le président: Je crois que c'est important de le noter parce qu'on a voyagé partout au pays--je pense que nous en sommes à la 18e région--, et il est faux de penser que toutes les communautés des premières nations sont de pauvres administrateurs. La majorité sont de bons administrateurs. On a vu des exemples extraordinaires et on a vu des exemples qui pourraient servir de leçon au gouvernement, à tous les gouvernements, sans aucun doute.
Le but du projet de loi est d'aider aux quelques communautés qui ont plus de difficultés. Espérons que tout le monde sera sincère en développant les règlements et les codes, afin que le résultat de cette étude soit un partage de vos meilleures pratiques avec les communautés qui ont plus de difficultés.
Mais ce que je veux souligner, c'est qu'il est injuste pour certains d'entre vous que tant de gens peinturent avec le même pinceau toutes les premières nations. On en a dans nos circonscriptions. Dans ma circonscription, il y a des personnes qui sont promptes à critiquer les premières nations. C'est ma responsabilité de vous défendre, et je sais que tous les députés le font ou, du moins, devraient le faire. Il y a beaucoup, beaucoup d'exemples de bonne administration, de très bonne administration, et le comité en est conscient.
Je souhaite la bienvenue à Lucien Wabanonik et je l'invite à prendre la parole.
[Traduction]
M. Lucien Wabanonik (À titre individuel) : Le témoin s'exprime dans une langue autochtone
 (1250)
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
J'invite maintenant Albert Tenasco.
[Traduction]
J'invite maintenant M. Albert Tenasco à prendre la parole.
M. Albert Tenasco (À titre individuel) : Le témoin parle dans une langue autochtone
Bon après-midi à chacun d'entre vous. Je vais parler anglais. Je préférerais parler dans ma propre langue, mais pour que tout le monde puisse comprendre, je vais parler anglais.
J'aimerais vous souhaiter la bienvenue aujourd'hui en territoire algonquin. Nous sommes un peuple non soumis à un traité. Nous n'avons jamais cédé nos terres. J'ai entendu ici beaucoup d'exposés différents qui sont semblables à des choses que j'ai entendues avant, concernant les frustrations que nous éprouvons dans chacune de nos collectivités. Je suis né il y a 72 ans. J'ai entendu les représentants de notre propre conseil tribal, de la nation Anishinabe. Et j'ai vu beaucoup de choses dans toutes ces années où j'ai participé aux activités. J'ai été élu pour la première fois au sein du conseil de ma communauté en 1969. C'était l'année où toutes les réserves indiennes du pays devaient être abolies. Alors, ce que je vois aujourd'hui, ce n'est rien de nouveau. Nous avons lutté pour notre survie, pour être reconnus comme des êtres humains dans notre propre pays. Nous ne sommes pas des animaux. Un des membres du comité a demandé quelles histoires communes nous avions dans notre communauté. Vous venez juste d'entendre un chef présenter un exposés dans lequel il dit que la taille de la réserve permet d'accueillir 400 personnes. À quoi vous attendez-vous? De quoi le gouvernement pense-t-il que ces gens vont se nourrir?
 (1255)
Le président: Merci beaucoup. Nous vous remercions de votre exposé.
[Français]
Je tiens à remercier toutes les personnes de la région de Val d'Or qui ont contribué à la séance de ce matin. Vos propos seront utiles et permettront au comité de faire son travail.
[Traduction]
Je tiens à remercier tous les gens de la région de Val-d'Or qui ont participé et contribué à ces audiences. Nous vous remercions de votre aide et nous tenons à vous assurer que notre travail nous tient à coeur et que nous ferons de notre mieux.
Notre prochaine réunion aura lieu demain à 9 heures dans la pièce 237-C de l'édifice du Centre. La séance est levée.