AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 26 novembre 2002
¹ | 1530 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD) |
¹ | 1535 |
Le président |
M. Benoît Serré (Timiskaming—Cochrane, Lib.) |
Le président |
M. Joe Comartin |
¹ | 1540 |
M. Benoît Serré |
Le président |
M. Benoît Serré |
M. Joe Comartin |
Le président |
¹ | 1545 |
M. Joe Comartin |
¹ | 1550 |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
Mr. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
º | 1605 |
º | 1610 |
º | 1615 |
º | 1620 |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
Mme Joanne Kellerman (avocate générale, ministère des Ressources naturelles) |
Le président |
º | 1625 |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Mme Susan Baldwin (greffière à la procédure) |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
º | 1630 |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.) |
Le président |
M. Clifford Lincoln |
Le président |
M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Joe Comartin |
º | 1635 |
Le président |
Mme Joanne Kellerman |
Le président |
M. David Chatters |
Mme Joanne Kellerman |
Le président |
º | 1640 |
M. John Finlay (Oxford, Lib.) |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
º | 1645 |
º | 1650 |
º | 1655 |
Le président |
M. Joe Comartin |
» | 1700 |
» | 1705 |
» | 1710 |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
» | 1715 |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
» | 1720 |
Le président |
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ) |
» | 1725 |
Le président |
M. Serge Cardin |
» | 1730 |
Le président |
M. Serge Cardin |
Le président |
M. Serge Cardin |
Le président |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 26 novembre 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1530)
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.
Nous reprenons nos travaux du jeudi 21 novembre. Nous en étions à l'étude article par article, même s'il n'y a qu'un article dans le projet de loi.
Nous étudions un amendement proposé par M. Comartin, qui a été le dernier à parler jeudi et qui reprend la parole aujourd'hui.
Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir sur la position dans laquelle se trouve notre comité quant à la situation de Bruce Power et prendre quelques instants pour bien la décrire de sorte que le comité comprenne bien l'insécurité dans laquelle la société se trouve actuellement.
Au cours d'une réunion—je pense qu'il s'agissait d'audiences à l'échelle provinciale—M. Hawthorne, PDG de Bruce Power, a été interrogé et appelé à s'exprimer sur les conditions dans lesquelles se trouvent la société et sa capacité de respecter ses obligations financières, plus particulièrement sa capacité de déposer la caution requise aux fins de déclassement et de décontamination du lieu. Au cas où certains ne se rappelleraient pas bien de la dernière réunion, la société doit respecter les obligations qui lui sont imposées par le contrat de gestion qu'elle a signé avec la province de l'Ontario et les organismes de réglementation de la sûreté nucléaire.
Lors de cette audience, M. Hawthorne a dit, en réponse à une question sur les conditions dans lesquelles se trouve la société: «Ce dont j'ai parlé au personnel, c'est de l'éventail de moyens que pourrait prendre Bruce Power pour éviter de se trouver dans une position d'insolvabilité». Le PDG reconnaît donc que la société se trouve effectivement dans une position d'insolvabilité, et plus particulièrement que la société mère se trouve dans une position d'insolvabilité.
Il poursuit en confirmant cette position d'insolvabilité potentielle de la société mère en énumérant certaines mesures que la société pourraient prendre, «comme de souscrire une assurance nous protégeant en cas d'arrêts, d'élaborer notre propre cote d'insolvabilité». Puis il ajoute une petite phrase que je trouve très intéressante au sujet de la cote de solvabilité en disant que cette option «serait très probable compte tenu de nos antécédents à ce jour», puis il ajoute «si certains changements législatifs que nous espérons sont adoptés» et il termine en précisant que cela leur permettrait «d'établir notre propre fonds de roulement».
Le PDG reconnaît donc lui-même que la société mère, qui possède environ 85 p. 100 des installations, est insolvable ou près de l'être. Je vais avoir autre chose à dire à ce sujet.
À mon avis, il semble très important pour la société canadienne que cette modification soit adoptée pour qu'elle puisse poursuivre ses activités. Sa capacité de fonctionnement est très limitée sans la modification proposée par le gouvernement dans le projet de loi C-4.
Par ailleurs, monsieur le président, je dois dire que comme il s'agit d'une installation nucléaire qui devra être un jour ou l'autre être déclassée et qui pourrait se trouver confrontée à un problème de contamination, il serait tout simplement insensé que ce comité, que la Chambre des communes, que le gouvernement envisage d'accorder une telle réduction de responsabilité à une société qui connaît des problèmes de fonctionnement et a du mal à respecter les exigences de la province de l'Ontario et de la Commission de la sûreté nucléaire.
Monsieur le président, simplement pour mettre les gens au courant, je vais vous lire un extrait de la presse d'Angleterre qui décrit la situation de British Power au Royaume-Uni. Je n'en vois pas la date. Je crois que l'article a été publié hier; sinon, il l'a été en fin de semaine.
On y lit—et encore une fois, je crois que c'est un article de lundi—ce qui suit:
La ministre du Commerce, Patricia Hewitt, a révélé hier que le gouvernement n'avait toujours pas décidé du sort du géant affaibli de l'énergie nucléaire, British Energy, malgré l'arrivée imminente d'une échéance financière critique. |
À la conférence annuelle du CBI, qui s'est tenue à Manchester, Hewitt a déclaré que British Energy se trouvait dans une situation très difficile, puisque son prêt vient à échéance vendredi. |
Le prêt auquel la ministre fait allusion est celui que le gouvernement britannique a concédé à British Energy de façon temporaire afin d'éviter à la société de se trouver dans une position d'insolvabilité. Une partie de ce prêt a été utilisée pour garantir le cautionnement exigé de Bruce Power au Canada.
La ministre a ajouté :
Aucune décision n'a encore été prise, mais dès que ce sera le cas, je vais l'annoncer au Parlement. Cette situation a de graves incidences sur le marché. |
Encore une fois, monsieur le président, je suis absolument sidéré que la sûreté et le degré de certitude entourant le fonctionnement d'une centrale, ici au Canada, en Ontario, dépende d'une situation «qui a de graves incidences sur le marché». Cela n'a rien à voir avec la sûreté ou la sécurité, mais avec les lois du marché.
L'article continue:
Le prêt d'urgence controversé de 650 millions de £ que le gouvernement a octroyé à British Energy vient à échéance vendredi. |
L'article continue:
Les actions de la société établie à East Kilbride ont fait un saut de 32,5 p. 100, pour passer un peu au-delà de 13 p hier en raison des rumeurs qu'une entente de sauvetage soit conclue avec l'exploitant de centrale nucléaire administré par l'État, British Nuclear Fuels, d'ici la fin de la semaine. |
Il y a donc encore de l'espoir, monsieur le président, que le gouvernement britannique prenne effectivement des mesures pour sortir la société du pétrin. Mais ce comité ne le sait pas encore. Nous ne savons pas ce qui va arriver et nous ne devrions pas adopter ce projet de loi avant de le savoir.
¹ (1535)
Le président: Monsieur Serré.
M. Benoît Serré (Timiskaming—Cochrane, Lib.): J'invoque le Règlement, monsieur le président; pourrions-nous lire l'amendement dont le député parle? Il n'a pas été lu au début.
Le président: Ce n'est pas un rappel au Règlement, mais acceptez-vous, monsieur Comartin, que nous lisions votre amendement? Pourriez-vous le faire, s'il vous plaît?
M. Joe Comartin: Bien sûr, monsieur le président, je peux le faire.
Cet amendement remplace la ligne 7, page 1, par ce que suit:
En outre, elle ordonne au proprié- |
Le président: Merci beaucoup, monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: Ça va. Je veux que le comité comprenne bien l'objet de notre examen, soit le risque que le Canada encourrait s'il y avait effectivement un problème de contamination. Ce projet de loi, en dépit de son libellé, ne vise qu'à réduire la responsabilité de Bruce Power. Ainsi, nous devons étudier ce que la loi actuelle prescrit ainsi que l'effet que l'amendement aura sur elle.
À cet égard, je vois qu'il y a un certain nombre de membres nouveaux au sein du comité. La loi actuelle est permissive, puisqu'elle autorise la Commission, après avoir mené une audience, à imposer des dommages-intérêts ou une responsabilité en général à toute personne ayant un intérêt reconnu en droit dans ce lieu, qu'il s'agisse du propriétaire-exploitant ou de toute autre personne ayant un intérêt dans le lieu. Cet amendement aurait pour effet de rendre l'imposition de dommage-intérêt obligatoire dès que la Commission découvre quelque chose. Ainsi, il contraindrait les personnes visées à s'acquitter de tous les coûts de décontamination du lieu pour les dommages qu'elles y ont causés.
Encore une fois, pour ceux qui sont nouveaux au sein de ce comité aujourd'hui, cela n'a rien à voir avec la Loi sur la responsabilité nucléaire, qui impose une responsabilité quant à la contamination et aux dommages causés en dehors du lieu. Nous ne concentrons donc que sur les dommages causés sur le lieu.
Pour revenir à l'article, il y a encore un point ou deux que j'aimerais souligner. L'article indique qu'on s'attend à ce que la ministre annonce sa recommandation au Parlement jeudi, donc dans deux jours. Il mentionne également, comme je l'ai dit à la dernière séance, la vente de Bruce Power au Canada.
Vous vous souvenez, monsieur le président, de l'article paru dans le Globe and Mail du samedi il y a une semaine et qui donnait le nom des sociétés susceptibles de vouloir l'acquérir. Très peu de renseignements y étaient donnés quant à l'expérience des candidats en matière d'exploitation de centrales nucléaires, à leur capacité d'en exploiter ou aux chances que la province de l'Ontario et l'organisme de réglementation de la sûreté nucléaire les autorise à reprendre l'administration de la société. Il y avait toute une série de points d'interrogation.
L'auteur de l'article précisait que le prix de la société pouvait s'élever jusqu'à 500 millions de livres sterling. Il poursuivait en parlant des autres parts que British Energy pouvait vendre et affirmait que malgré cette vente, si les chiffres sont aussi exacts et optimistes qu'on le prévoit, ce ne serait toujours pas assez pour renflouer British Energy. Il serait donc probable que la société disparaisse à un moment ou un autre, soit pour des raisons d'insolvabilité, soit parce qu'elle a été mise sous séquestre. Il y a une très grande controverse en Angleterre qui entoure le prêt d'urgence que le gouvernement britannique a concédé jusqu'à maintenant à la société et la possibilité qu'il lui prête encore davantage.
¹ (1540)
La Commission européenne s'en mêle également, monsieur le président. En effet, elle a le droit, de même que la responsabilité, d'approuver ce prêt de 650 millions de livres sterling. L'auteur de l'article avance que la CE aurait de grandes réserves et pourrait ne pas l'approuver, en fait. Ce prêt doit non seulement recevoir l'approbation du gouvernement britannique, mais aussi celle de la Commission européenne.
De plus, monsieur le président, le groupe environnementaliste Greenpeace s'est vu reconnaître le droit, vendredi dernier en Angleterre, de récuser la légalité de ce prêt. L'audition visant à déterminer si le gouvernement britannique peut octroyer un tel prêt ne se tiendra pas avant janvier 2003. Comme le mentionne le journaliste, cela ne fera que mettre encore plus de bâtons dans les roues du gouvernement, put further spanner in the works, une belle expression britannique qui signifie que cela risque de bien bousiller l'affaire.
En effet, un tribunal pourrait, en janvier, décider que le prêt ne relève pas de la compétence du gouvernement britannique, mais ni le gouvernement britannique ni la Commission européenne ne peuvent encore prévoir l'issue du procès.
M. Benoît Serré: J'invoque le Règlement, monsieur le président.
Le président: Allez-y, monsieur Serré.
M. Benoît Serré: Monsieur le président, avec tout le respect que je dois à mon collègue du NPD, je crois qu'il a amplement eu la chance de discuter de cet amendement à la dernière séance et aujourd'hui. J'aimerais proposer que nous limitions le débat sur cet amendement à 10 minutes.
Une voix: C'est impossible.
M. Benoît Serré: Oui, c'est possible, par vote.
M. Joe Comartin: Un député de l'autre côté vient de dire ce que je voulais dire: c'est impossible. Si vous voulez procéder ainsi, vous devez le faire avant que nous commencions.
Le président: Un moment. Il faut attendre d'avoir la parole. On peut pas interrompre un orateur qui présente une motion. Je suis vraiment désolé.
Monsieur Comartin, vous pouvez continuer.
¹ (1545)
M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.
Bref, et je pense que c'est très actuel aujourd'hui, monsieur le président, notre loi actuelle nous permet d'imposer des dommages-intérêts, même après avoir attesté la responsabilité du propriétaire exploitant ou de personnes ayant un intérêt dans le lieu. L'amendement que je propose rendrait cette mesure obligatoire.
Mais regardons de l'autre côté de la médaille. À quel risque nous exposons-nous? Je le répète, il ne s'agit que de Bruce Power. Selon les témoignages que nous avons entendus jusqu'ici, personne d'autre dans ce pays n'a besoin ou demande particulièrement cette modification proposée par le gouvernement.
La seule société qui en a besoin se trouve en situation financière très précaire et très incertaine. La situation de sa société mère et divers problèmes en Angleterre compromettent sa viabilité à long terme. La société pourrait s'effondrer dans deux ou trois jours seulement. Si elle survit, elle pourrait s'effondrer n'importe quand dans les prochains mois.
Encore une fois, je répète que c'est elle qui garantit ce cautionnement. M. Hawthorne de Bruce Power a dit clairement que dans les circonstances actuelles, Bruce Power n'avait pas les moyens de déposer cette caution. Elle doit s'en remettre à sa société mère, qui éprouve de graves difficultés financières.
D'un autre côté, les rumeurs veulent que Bruce Power pourrait être vendue à une autre société, mais ce comité n'en sait rien de source sûre, ni ne connaît bien les rumeurs qui courent, si je peux présenter la chose ainsi. À ce que le gouvernement nous dit, nous nous apprêtons à apporter une toute petite modification à une loi, qui a des ramifications très importantes dont nous ne savons que très peu de choses. Or, nous sommes assis ici, prêts à le faire, du moins cela semble-t-il être la position du gouvernement.
Pour ce qui est de la situation de Bruce Power—je veux être sûr d'avoir des bonnes lettres et les bons chiffres—il y a deux ensembles de réacteurs à Bruce. Il y a Bruce A et Bruce B. Je pense que c'est juste. Les réacteurs de Bruce A fonctionnent tous et produisent de l'énergie. Ceux de Bruce B ont été arrêtés à un moment donné.
Bruce Power propose de réactiver deux de ses réacteurs—et elle aura besoin de fonds pour ce faire—puis de réactiver les deux autres plus tard.
Si je me rappelle bien, les représentants de l'organisme de la sûreté nucléaire que nous avons accueillis il y a une semaine ont affirmé que cette demande était toujours en suspens, et d'après que je lis en ce moment, la société réclame un permis de deux ans et demi, qui autoriserait en bout de ligne la réactivation de ces deux réacteurs arrêtés.
¹ (1550)
Monsieur le président, ce qui est grave, c'est que la responsabilité que cela impose au peuple canadien sera accrue considérablement si la réactivation de ces deux réacteurs est autorisée, puis celle des deux autres plus tard.
Il est important de souligner que les quatre réacteurs en question ont en fait été arrêtés en mars 1998 en raison de problèmes techniques, de faible rendement et de problèmes de gestion. Cet arrêt n'était pas volontaire de la part de l'exploitant à l'époque. L'organisme de réglementation de la sûreté nucléaire s'inquiétait beaucoup des trois aspects que je viens de nommer: des problèmes techniques, un faible rendement et des problèmes de gestion. Elle aurait exigé ces arrêts s'ils n'avaient pas été fait volontairement à ce moment-là.
Comme il y a actuellement quatre réacteurs en activité, la responsabilité à laquelle s'exposent les contribuables canadiens augmentera de 50 p. 100 dès le départ, si l'on fait un simple petit calcul. Quand les deux autres seront réactivés, si la société en obtient l'autorisation, cette responsabilité augmentera de 100 p. 100. Bref, si la modification du gouvernement est adoptée, nous allons accroître notre degré de responsabilité.
Le président: Monsieur Comartin, pouvez-vous vous en tenir à votre amendement, s'il vous plaît.
M. Joe Comartin: Oui, j'essaie seulement de le mettre en contexte, comme je vais le faire pour la plupart de mes commentaires.
Le président: Vous devez reconnaître la capacité des membres du comité de comprendre en partie ce que vous dites au sujet de la modification.
M. Joe Comartin: Je connais très bien la capacité de compréhension des députés, monsieur le président.
Il faut toutefois qu'ils comprennent bien l'ampleur que cette responsabilité pourrait prendre. Il y a actuellement quatre réacteurs en fonction et il pourrait y en avoir quatre autres. D'après ce que nous avons entendu, ceux-ci ne seront pas réactivés si nous n'adoptons pas cette modification. Je pense que les commentaires de M. Hawthorne, que j'ai cité il y a quelques instants, confirment que nous ne pouvons pas exposer le public canadien à ces responsabilités, à ce risque, si le projet de loi du gouvernement n'est pas adopté. S'il l'est, alors l'amendement que je propose est d'autant plus important, parce qu'il va obliger vraiment la Commission à imposer une responsabilité, du moins dans ce contexte, au propriétaire exploitant.
Pour ce qui est de la chronologie des événements, monsieur le président, la demande de réactiver ces deux réacteurs, que Bruce appelle les réacteurs 3 et 4, a été présentée le 6 avril 2001.
Ceux-ci sont datent de 24 et 23 ans. S'ils sont réactivés, c'est un point très important, ils auront les canaux de combustible les plus vieux de tous les réacteurs au Canada. Je le répète, c'est un argument à prendre en considération pour le comité en ce qui concerne la responsabilité à laquelle nous exposons le peuple canadien.
Le président: Monsieur Comartin, êtes-vous prêt...?
Mr. Joe Comartin: J'essaie de sauver un peu de temps, monsieur le président.
Le président: Eh bien vous pouvez arrêter.
M. Joe Comartin: Je veux porter à l'attention des membres du comité d'autres réacteurs nucléaires auxquels s'intéresse British Energy. Il est intéressant de noter que l'un d'eux est celui de Three Mile Island. Je pense que nous en connaissons tous l'histoire.
Le président: Monsieur Comartin, veuillez vous en tenir à l'amendement. Vous venez de nous dire que nous en savions tous quelque chose, mais nous avons besoin que vous partagiez de l'information avec nous. Nous allons être patients, mais notre temps est précieux et nous voulons vous laisser tout le temps que vous désirez pour témoigner à propos de cet amendement. S'il vous plaît.
M. Joe Comartin: Monsieur le président, avant de revenir à cette histoire, j'aimerais soulever un dernier point. Je viens juste de mettre la main sur ce document.
Nous ne savons rien des sociétés susceptibles d'acquérir Bruce Power, nous n'avons aucune information à ce propos. Mon point, c'est que de toutes les sociétés qu'on soupçonne d'envisager l'acquisition de Bruce Power, à ce que nous sachions, aucune n'a d'expérience de l'exploitation—donc de l'exploitation et de la gestion—d'une centrale productrice d'énergie nucléaire.
La principale société qu'on croit susceptible de vouloir acquérir Bruce Power est Cameco, une société canadienne. On croit qu'elle pourrait augmenter son... Elle possède déjà une petite partie des actions de l'entreprise, 15 p. 100, je crois.
Ce que je veux dire, c'est que si cette information est juste, cette société, qui ne participe absolument pas à la gestion ou à l'exploitation quotidienne en tant que société de Bruce Power à l'heure actuelle, en deviendrait propriétaire sans aucune expérience. C'est tout de même l'une des sociétés considérées comme acheteur potentiel. Cela nous porte à nous interroger à savoir si sa candidature sera approuvée. Cela m'inquiète et je crois que le comité devrait s'inquiéter aussi, parce que si c'est cette société qui l'acquiert, obtiendra-t-elle l'approbation des organismes de réglementation de la sûreté nucléaire?
Monsieur le président, je crois qu'il faut aussi avoir une idée de certains problèmes qu'a connu Bruce par le passé. Le Toronto Star a fait état—je crois que c'était le 10 octobre—d'un accident d'entretien survenu à Bruce Power en juin dernier. La tubulure a été endommagée. Ce qu'il importe de noter, c'est qu'il y a une responsabilité financière additionnelle dans ce cas, que la société pourrait ne pas être en mesure d'assumer, d'après ce que nous pouvons voir.
Or, le fait est qu'il y a eu un accident d'entretien en juin dernier. Les tubes de l'un des réacteurs de Bruce B ont été endommagés, après quoi le réacteur a été hors d'état de fonctionner pendant un mois. C'était le 11 juin. Le dispositif d'entretien a été inséré dans un tube de force du coeur du réacteur, puis le dispositif a surchauffé et a accidentellement, je cite, percé le tube de force et le tube de cuve qui le contenait.
Il a fallu presque 24 heures pour maîtriser la situation et finalement arrêter le réacteur. Celui-ci devait préalablement être réactivé le 22 juillet, mais ne l'a finalement pas été avant le mois d'août, je crois, mais je ne me rappelle pas de la date exacte, soit presqu'un mois après la date prévue à l'origine.
La société a donc déjà dû assumer cette responsabilité financière additionnelle, elle n'a pas les moyens de se sortir de son propre endettement, ni de garantir le cautionnement nécessaire. C'est donc une situation difficile, voire impossible, que nous devons examiner et sur laquelle porte ce projet de loi.
Si mon amendement est adopté, Bruce Power ne pourra probablement pas, d'après ce que l'on peut voir de manière raisonnable et objective, être tenue responsable, parce qu'elle risque de faire faillite, selon toute vraisemblance, avant même que le comité n'ait terminé son examen et que le projet de loi n'ait passé toutes les étapes de la Chambre et du Sénat.
¹ (1555)
Il serait plus logique, monsieur le président, de suspendre les travaux du comité en attendant que cela se produise, mais d'après les commentaires qui ont été faits jusqu'à maintenant, je sais pertinemment que cela n'arrivera pas. En ajoutant l'amendement que je propose, à tout le moins, on confère à la Commission le pouvoir d'imposer une responsabilité et des dommages-intérêts.
Monsieur le président, je veux aussi attirer l'attention du comité sur les arrangements intervenus entre la société, Bruce Power, et la province de l'Ontario, lorsque cette dernière lui a cédé la gestion et les opérations du Complexe nucléaire. Je vais vous citer un passage d'une analyse du bail:
Bruce Power ne peut être poursuivie pour avoir sous-financé les coûts éventuels liés à la gestion de combustibles nucléaires irradiés et au déclassement du Complexe nucléaire de Bruce |
Voilà ce qui figure dans le bail. La société ne sera pas tenue responsable à cet égard en vertu du bail.
Je suppose, monsieur le président, qu'après qu'un avocat ait décortiqué les dispositions du paragraphe 46(3), les exploitants de Bruce ont compris, après avoir pris le contrôle et conclu le bail, que même si ce dernier n'exigeait pas d'eux qu'ils assument cette responsabilité, la loi les y obligeait. Le comité doit savoir que rien dans le bail n'oblige les dirigeants du Complexe de Bruce à assumer la totalité des coûts éventuels, comme le prévoit la loi.
L'analyse dit aussi:
En vertu du bail conclu avec le Complexe nucléaire de Bruce, l'Ontario Power Generation |
a la responsabilité, en tant que propriétaire, de veiller à la gestion des déchets et au déclassement futurs du complexe nucléaire de Bruce. Le bail prendra fin avec la fermeture permanente des centrales. |
Par conséquent, à ce moment-là, Bruce Power qui appartient en grande partie à British Energy, tire simplement son épingle du jeu. On ne prend pas en compte les gains financiers qu'elle a pu acquérir au cours de cette période, et elle est dégagée de toute responsabilité en vertu du bail en vigueur au cours de la période.
Autrement dit, tout au long de la période d'exploitation, pendant qu'elle assumait la gestion et après qu'elle ait mis la clé dans la porte, cette société n'a aucune responsabilité aux termes du bail. J'estime que c'est important car à la suite d'une observation du représentant de l'Association nucléaire—si je ne m'abuse—,j'avais cru comprendre—et peut-être que d'autres membres du comité ont entendu la même chose--, que Bruce Power avait d'autres responsabilités en vertu du bail, mais en fait, ce n'est pas le cas. La seule responsabilité de cette société en ce qui concerne les coûts de déclassement et de décontamination du site est couverte par le cautionnement dont nous avons entendu parler. Autrement dit, toute la responsabilité relevait du bail et de l'agence de sûreté nucléaire qui l'avait obligée à fournir cette garantie.
º (1600)
Le président: Monsieur Comartin, je veux simplement vous signaler que si vous voulez obtenir des précisions au sujet de ce que vous venez de dire, les représentants du ministère sont ici. Si vous n'êtes pas certain de ce que vous avancez ou que vous vouliez convaincre les membres du comité de la véracité de certaines observations, vous pourriez demander l'aide des représentants du ministère.
M. Joe Comartin: Très bien. Je vous remercie de cette information, monsieur le président. À vrai dire, je n'aurais pas cru cela possible étant donné que nous discutons de la relation entre une société de la Couronne provinciale et un exploitant—que nous n'avons pas entendu, bien sûr. Je ne sais trop dans quelle mesure ils ont des informations détaillées. Je suppose qu'il serait peut-être intéressant d'explorer cela à un moment donné avec eux, mais je ne sais pas trop de quelle information ils disposent. Je ne pense pas que quiconque d'entre nous ait évoqué cet aspect lorsque les fonctionnaires ont témoigné ou répondu aux questions. Je ne pense pas que l'on ait abordé ce point en particulier. Il a été mis sur le tapis lors de la comparution de l'Association nucléaire.
Le président: Oui. Je faisais cette suggestion simplement pour donner aux députés la possibilité de décider par eux-mêmes s'ils souhaitent se prévaloir de l'information des représentants du ministère qui travaillent sur ce dossier à temps plein ou de celle d'un membre d'un comité.
M. Joe Comartin: Je voudrais continuer à citer l'analyse qui a été effectuée pour essayer de comprendre la portée de la responsabilité. Les auteurs poursuivent en disant:
C'est uniquement lorsque les travaux de démantèlement auront commencé que l'on connaîtra avec certitude la totalité des coûts du déclassement du réacteur. |
Étant donné que la province de l'Ontario est actionnaire de l'OPG, les coûts non provisionnés seront au bout du compte assumés par les contribuables pendant plusieurs décennies à venir. |
C'est en supposant, bien sûr, qu'il n'y aura pas d'accident nucléaire ou de contamination au cours de la période d'exploitation. Mais si c'est le cas—si nous traversons cette période sans accident ou contamination—,il faudra attendre plusieurs décennies après le déclassement pour connaître le coût de la facture.
Toutefois, si l'on continue dans cette logique—et c'est l'un des arguments que j'ai essayé d'avancer—,les auteurs de l'analyse disent:
D'énormes incertitudes entourent la prévision des coûts liés à la responsabilité concernant le nettoyage futur des déchets et de déclassement futurs des centrales. En 1989, Hydro-Ontario a estimé ces coûts à l'égard des centrales nucléaires de l'Ontario. Au total, cela représente 18,7 milliards de dollars, la part de Bruce s'élevant à 2,8 milliards de dollars pour le du déclassement et à 4 milliards pour la gestion des déchets. |
La garantie devant protéger le cautionnement se chiffre à 222 millions de dollars, ce qui représente 10 p. 100 de la part de Bruce uniquement pour le déclassement et environ la moitié—soit 5 p. 100—pour la gestion des déchets. Ce cautionnement de 222 millions de dollars est la seule somme à notre disposition. C'est tout ce qu'exigeait le bail.
Monsieur le président, pour que l'on comprenne bien la teneur du bail et la portée de la responsabilité—parce que nous n'avons guère eu de détails à ce sujet—, je précise que le bail court sur 18 ans. Au moment où Bruce Power a signé ce bail, elle a versé 85 millions de dollars pour acheter les inventaires. C'est la somme qui a été payée à l'OPG, l'Ontario Power Generation. De plus, la société a fait un paiement initial de 500 millions de dollars au titre du bail. D'après ce que je sais, ces paiements ont bel et bien été effectués. En outre, le bail exige le versement de 63 millions de dollars en 2003. Cette somme augmente de deux millions par année jusqu'à concurrence de 92 millions en 2018.
Je mentionne ces chiffres, monsieur le président, pour que les membres du comité comprennent—compte tenu de l'instabilité financière de Bruce Power—que si la société était à court d'argent ou en difficultés financières, il y a tout lieu de supposer, compte tenu des pratiques commerciales habituelles, qu'elle ferait ces versements en premier afin de pouvoir continuer à opérer ou à générer des revenus pour elle-même.
Lorsqu'on examine la situation financière de Bruce, il est évident qu'elle ne sera pas en mesure de respecter ses obligations si British Energy fait banqueroute, si le gouvernement britannique ne vient pas à la rescousse de British Energy, ou encore, si le gouvernement britannique est prêt à intervenir mais que la Commission européenne ou les tribunaux anglais,le lui interdisent. Dans bien des cas de figure, British Energy ne sera pas dans le portrait. À ce qu'il semble, Bruce Power se préoccuperait au premier chef de ses dépenses d'exploitation sans se soucier du cautionnement exigé.
º (1605)
Reste à savoir, évidemment, ce que l'OPG fera pour assurer le respect des conditions du bail, qui exige d'eux qu'ils maintiennent cette caution en bonne et due forme.
D'après notre expérience de cet été, nous savons déjà que les responsables de la sécurité nucléaire étaient très inquiets quant à leur capacité de conserver cette caution, et qu'ils sont même allés aux renseignements. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'ils ont tenu des audiences officielles, mais ils se sont enquis de la situation et ont exprimé leurs inquiétudes quant à la capacité de Bruce Power d'assurer la caution.
Selon certaines rumeurs, l'agence de sécurité nucléaire était tellement inquiète en août que si la caution n'avait pas été garantie par l'entremise d'un prêt temporaire du gouvernement britannique à British Energy, elle aurait pris des mesures pour obtenir une garantie... Les mesures en question n'étaient pas précisées, mais chose certaine, l'une d'entre elles aurait fort bien pu être d'exiger de l'OPG qu'elle reprenne en main le complexe nucléaire, qu'elle mette un terme au bail et qu'elle recommence à en assurer l'exploitation elle-même.
Je juge important, à ce stade-ci, d'évoquer ce qui se passerait en pareil cas. D'aucuns pourraient dire: «Très bien, s'ils ne peuvent respecter les exigences du bail et que British Energy ne peut venir à leur rescousse, laissons l'OPG, laissons le gouvernement de l'Ontario reprendre les rênes.» Personnellement, je vous avoue que c'est l'option que je préférerais. Je pense que si le gouvernement était présent dans l'équation, la sécurité s'en trouverait rehaussée. Je suis convaincu qu'il s'intéresserait davantage à l'aspect sécurité qu'une société privée— surtout une société privée en difficultés financières.
Monsieur le président, ce qui m'inquiète, c'est que si l'OPG reprend les centrales une fois que mon amendement et l'amendement proposé par le gouvernement seront adoptés, l'OPG se trouvera à endosser une responsabilité accrue. Évidemment, cela suppose que Bruce Power pourra obtenir le financement nécessaire pour prendre de l'expansion et démarrer les deux réacteurs nucléaires qu'elle envisage dans l'immédiat et, par la suite, les deux autres.
À un moment donné, si l'empire financier s'écroule et que l'OPG reprend le complexe, ce n'est pas quatre réacteurs nucléaires en bon état de fonctionnement et quatre réacteurs mis au rancart qui sont - ou qui étaient- raisonnablement sûrs qu'elle prendra. Elle se retrouvera plutôt avec six et peut-même huit réacteurs nucléaires en service, avec les déchets additionnels qui auraient été générés pendant ce temps. Sans oublier les risques et les coûts supplémentaires liés au déclassement non pas de quatre, mais de six ou même huit réacteurs. À mon avis, ce sont là des facteurs dont il faut tenir compte.
Je tiens à signaler également que l'OPG est titulaire de la dette restante visant à indemniser la province de l'Ontario. Pour ceux qui ne seraient pas de l'Ontario, cette dette restante correspond à la dette accumulée par l'ensemble des centrales nucléaires. On nous promettait d'ouvrir une centrale nucléaire pour 2, 4 ou 6 milliards et au bout du compte, il en coûtait trois, quatre ou cinq fois plus cher.
En dépit du fait que les centrales étaient opérationnelles et généraient des revenus, cela n'a jamais été suffisant pour réduire la dette. Lorsque la province de l'Ontario a opté pour la déréglementation—et dans le cas de Bruce Power, pour la privatisation—l'industrie nucléaire, la province de l'Ontario elle-même et l'OPG se sont retrouvées avec une dette de 21 milliards de dollars sur les bras.
Ce qui risque d'arriver—et c'est une chose qu'il faut bien comprendre—, c'est que si Bruce Power s'effondre, si le complexe est repris par l'OPG, c'est elle qui se retrouvera aux prises avec la dette. Comme elle n'a pas la capacité de payer, compte tenu de l'importance des sommes en cause, c'est la province de l'Ontario qui sera responsable. Et au bout du compte, monsieur le président, le gouvernement fédéral, lui aussi, sera responsable. Si la province de l'Ontario était confrontée à une facture aussi astronomique estimée il y a deux ans à plus de 6 milliards—rien que pour Bruce, avec les quatre réacteurs en état de fonctionner seulement—, pouvez-vous imaginer ce que cela donnerait si les huit réacteurs en service et Bruce faisaient faillite?
º (1610)
Mon amendement proposé fait en sorte d'imposer la responsabilité, potentiellement, à Bruce Power. Or, l'amendement du gouvernement lui enlève cette responsabilité. Lorsqu'on examine la situation, on se dit «À ce moment-là, la responsabilité revient au propriétaire, le gouvernement de l'Ontario, sous la forme de l'OPG». Or, l'OPG n'a pas la capacité de payer. Au bout du compte, ce seront les contribuables de l'Ontario et de l'ensemble du Canada qui resteront collés avec la facture du nettoyage. D'ailleurs le coût du nettoyage que nous sommes sur le point de faciliter, si l'amendement du gouvernement est adopté, se trouvera sensiblement accru. Il pourrait même doubler par rapport à ce qu'il est présentement.
Monsieur le président, je voudrais parler pendant quelques minutes des coûts qui nous attendent et communiquer au comité l'information que j'ai obtenue au sujet de l'opération de nettoyage après Chernobyl. Je commencerai par vous parler des coûts de nettoyage de Chernobyl. Je vais vous citer certains chiffres... mais nous ne savons pas encore quel est le coût total de la facture puisque ce nettoyage n'est pas encore terminé. Compte tenu de la situation des gouvernements responsables du dossier, nous ne saurons peut-être jamais quel est le coût total. En fait, dans un avenir prévisible, ces gouvernements n'auront pas la capacité financière de mener à bien l'opération de nettoyage, de sorte que la contamination continuera d'être présente en Russie et en Biélorussie.
D'après un article que j'ai en main, la plus grande catastrophe socioéconomique survenue en temps de paix dans l'histoire est l'accident de Chernobyl. Il a entraîné des coûts plus élevés que toutes autres catastrophes auxquelles nous avons dû faire face. Les sommes qui encore aujourd'hui sont consacrées au nettoyage à Chernobyl représentent—je vous le donne en mille—7 p. 100 du budget actuel de l'Ukraine. On estime qu'en fait, le pays devrait y consacrer 20 p. 100 de son budget pour de longues années à venir.
Voilà les dépenses que nous devrons assumer advenant un accident grave, et nous augmentons le risque que cela se produise en optant pour cette démarche. Voilà le genre de fardeau que nous imposerions aux contribuables canadiens.
Évidemment, les conséquences déborderaient le site immédiat du complexe de Bruce, si un accident devait subvenir. À Chernobyl, il reste à enlever et à traiter d'une manière ou d'une autre 25 millions de mètres cubes de terre arable. On calcule qu'il faudra sans doute raser 160 hectares de forêt, sans compter qu'il faudra régler le cas de ces arbres et du sol dans lequel ils ont poussé. Voilà l'ampleur des dépenses qu'il faudrait envisager.
Je vais vous communiquer un dernier chiffre au sujet de Chernobyl. Il émane d'un ministre de Biélorussie responsable du dossier qui a suivi de près la situation. D'après lui, pour assurer le nettoyage à partir du moment où l'accident s'est produit en 1986 et 2015—et je répète encore une fois que cela ne sera peut-être pas suffisant pour tout nettoyer—la catastrophe de Cherbonyl aura coûté 235 milliards de dollars US. Voilà l'ordre de grandeur des dépenses que nous devons envisager.
Par conséquent, lorsque j'entends des députés de l'autre côté dire qu'il s'agit seulement d'un amendement de sept mots, monsieur le président, il ne faut pas en négliger les ramifications. Pensez-y, 235 milliards de dollars US pour ce seul site. Voilà les risques auxquels nous nous exposons également dans la province de l'Ontario.
º (1615)
º (1620)
Monsieur le président, en ce qui a trait aux dépenses, je voulais soulever un autre point. Mais comme je n'ai pas mes notes à ce sujet, je vais mettre fin à mon exposé au sujet de cet amendement. Je rappelle que j'ai aussi proposé un second amendement, dont je parlerai séparément.
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires? Non?
Monsieur Comartin, vous avez été le premier et le dernier intervenant au sujet de cet amendement.
Nous sommes prêts à passer au vote.
M. Joe Comartin: Monsieur le président, une question de procédure. Je ne suis pas sûr d'avoir présenté mon premier amendement. Si je ne l'ai pas déjà présenté officiellement, je suis disposé à le faire maintenant.
Le président: Nous allons nous assurer que c'est fait.
Nous n'avons pas besoin de comotionnaire. Nous sommes prêts à passer au vote.
(L'amendement est rejeté)
Le président: Nous allons revenir à la motion principale.
Je crois avoir compris que vous avez un amendement à la motion principale?
M. Joe Comartin: C'est exact, monsieur le président. Je suppose que la greffière l'a distribué.
Le président: Non, il ne l'a pas été. Pourriez -vous lire votre amendement?
M. Joe Comartin: Oui.
Je propose que le projet de loi C-14, à l'article 1, soit modifié par adjonction, après la ligne 11, page 1, de ce qui suit:
(3.1) Le propriétaire ou l'occupant du lieu, ou toute autre personne ayant un intérêt reconnu en droit dans ce lieu, doit détenir une assurance minimum de 10 milliards de dollars pour couvrir les frais de déclassement et de décontamination. |
Le président: Avant d'accepter votre amendement, et je ne dis pas que je ne le ferai pas, j'aimerais demander au ministère de dire au comité si la responsabilité est prévue ailleurs dans le projet de loi ou dans d'autres lois. Si c'est le cas, je ne pourrais pas accepter votre amendement, sous réserve d'appel, bien entendu. Dans le cas contraire, bien sûr, nous en parlerons.
Mme Joanne Kellerman (avocate générale, ministère des Ressources naturelles): Merci, monsieur.
La Loi sur la responsabilité nucléaire prévoit la responsabilité de l'exploitant en dehors d'une centrale nucléaire, et elle dispose que l'exploitant assume entièrement la responsabilité d'un tiers. C'est donc pour la responsabilité hors de la centrale, et ce pourrait être n'importe quelle responsabilité à l'égard d'un tiers sur les lieux d'une centrale nucléaire. Mais étant donné que cet article de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires ne concerne pas la responsabilité à l'égard des personnes mais ne porte que sur la question de contamination d'un lieu, la responsabilité sur les lieux, en vertu de la Loi sur la responsabilité nucléaire, ne viserait pas cette situation.
Il n'y a certainement aucune autre disposition de la loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires qui traite d'exigences en matière d'assurance. Elle habilite la commission à exiger une garantie financière comme condition à l'octroi d'une licence.
Le président: Donc, je devrais accepter l'amendement.
Monsieur Comartin, acceptez-vous qu'il soit photocopié pour que tout le monde puisse l'avoir avant que je décide de l'accepter ou non?
D'après l'information que nous avons reçue, j'accepterai votre amendement.
º (1625)
M. Joe Comartin: Puis-je en parler?
Le président: Oui, monsieur Comartin, vous avez la parole.
M. Joe Comartin: Monsieur le président, nous essayons, en fait, de trouver un compromis en permettant à quelqu'un qui est «toute autre personne ayant un intérêt reconnu en droit dans le lieu»...
Le président: Excusez-moi, monsieur Comartin; je regrette de devoir vous interrompre.
J'apprends que ceci pourrait être hors de la portée du projet de loi. Je demanderais encore à nos conseillers juridiques d'expliquer au comité pourquoi il en est ainsi. Quelqu'un a dit que ce pourrait être hors de la portée du projet de loi.
M. Joe Comartin: Je voudrais au moins en parler.
Mme Susan Baldwin (greffière à la procédure): Le seul changement réel au projet de loi est la partie soulignée, «en ayant l'administration et la responsabilité». Le projet de loi lui-même est très mince, et ne vise qu'à augmenter l'éventail des catégories de personnes à qui la Commission canadienne de sûreté nucléaire peut commander de prendre des mesures. Cela n'a rien à voir avec l'assurance, et il s'agit ici de responsabilité et d'assurance.
Le président: [Note de la rédaction—difficulté technique]... réagir à cela? Je réserverai ma décision définitive, à savoir si nous pouvons l'accepter ou non.
J'admets avoir effectivement dit l'accepter, mais nous allons essayer de collaborer pour voir si nous pouvons surmonter cette difficulté. Le jugement final sera que j'ai effectivement dit que je l'accepterai. Par conséquent, mon erreur, si c'en est une, ferait subir au comité... j'allais dire «le calvaire», mais je ne veux pas être vexant... du débat.
M. Joe Comartin: La joie, monsieur le président, la joie.
Le président: Monsieur Comartin, veuillez répondre à ce qui vient d'être dit.
M. Joe Comartin: Je n'y manquerai pas. De fait, ce que j'allais dire sur le contexte et l'objet de ceci concerne directement cette question de portée.
Je soutiens vigoureusement que ceci est du domaine du projet de loi que nous examinons. D'un côté, vous avez la loi actuelle, qui a le potentiel d'imposer une responsabilité absolue, et non limitée. C'est ce que nous avons maintenant au paragraphe 46(3). Ce que nous proposons, de notre côté—c'est-à-dire, l'amendement du gouvernement —est d'éliminer complètement la responsabilité pour une certaine catégorie de personnes, soit «toute autre personne ayant un intérêt reconnu en droit dans». Nous allons éliminer cela complètement. Ce que je fais, avec cet amendement, c'est que j'impose la responsabilité à mi-chemin. Ils n'auront pas, comme l'exige la loi en vigueur actuellement, une responsabilité illimitée absolue et ils n'y aura pas non plus absence de toute responsabilité, mais plutôt une certaine responsabilité limitée en ce sens qu'ils devront souscrire cette police d'assurance qui garantirait une protection pouvant aller jusqu'à 10 milliards de dollars. Si la loi actuelle peut le faire, l'autre le peut aussi, et je me situe à mi-chemin, en affirmant que c'est nettement du domaine de cet amendement.
Ce que je suggère, de fait, monsieur le président, c'est que dans l'amendement relatif à l'assurance, si je peux m'exprimer ainsi, je ne suis prêt à assigner qu'une responsabilité partielle à la personne qui a un intérêt reconnu en droit. Je me satisfais tout à fait d'un entre-deux, entre ce que nous avons maintenant et ce vers quoi nous nous dirigeons. C'est clairement du domaine du projet de loi.
º (1630)
Le président: Ce qu'on dit, c'est qu'il est traité de la responsabilité dans une autre partie de la loi, que nous avons pas devant nous. Comprenez-vous cela? Je devrais vous revenir après...
M. Joe Comartin: Nous avons déjà entendu Mme Kellerman qui nous a dit qu'il n'y a pas de disposition relative à l'assurance dans cette loi. Ce genre de dispositions se trouvent dans la Loi sur la responsabilité nucléaire.
Le président: Oui, mais nous n'avons pas devant nous l'autre partie de la loi.
M. Joe Comartin: Je ne propose pas de modifier la Loi sur la responsabilité nucléaire. Ce que je propose de modifier, c'est la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.
Le président: Monsieur Lincoln, voulez-vous parler de la recevabilité de l'amendement?
M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Oui.
Le président: Vous avez la parole.
M. Clifford Lincoln: Sans présumer que 10 milliards de dollars soient trop ou trop peu et sans parler du montant que suggère M. Comartin, dans l'amendement du gouvernement, soit le projet de loi C-4, on lit clairement «peut ordonner au propriétaire ou à l'occupant du lieu, ou à toute autre personne en ayant l'administration et la responsabilité, de prendre les mesures réglementaires pour le décontaminer». Je dirais que c'est une mesure. L'amendement que présente M. Comartin traite de toute évidence de décontamination. Je suis sûr qu'il convient, puisqu'il n'en est question nulle part ailleurs, de prévoir une assurance pour couvrir les coûts de la décontamination par le propriétaire ou l'occupant, dans le cadre des mesures prescrites par la loi. C'est pourquoi je pense qu'on pourrait soutenir que c'est du domaine du projet de loi actuel.
Le président: Monsieur Chatters.
M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne): Je ne suis pas nécessairement en désaccord avec M. Lincoln. Mais les mesures réglementaires dont il est question ici sont celles qui ont été dictées par la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Elles figurent dans une autre partie de la loi. Si cette commission voulait imposer ceci comme l'une des mesures réglementaires, elle pourrait le faire. Je crois qu'elle en a le pouvoir maintenant. Mais le pouvoir de la Commission d'imposer ces mesures réglementaires n'est pas affirmé dans ce paragraphe particulier, alors je ne crois pas que sa place soit là.
Le président: Y a-t-il des commentaires sur la recevabilité de l'amendement?
Un dernier mot de M. Comartin.
M. Joe Comartin: Pour répondre à ce que disait M. Chatters, et à l'autre sujet aussi, nous ne devrions pas trop nous arrêter l'assurance, parce qu'en fait, ce n'est que le mécanisme. Si nous n'indiquons simplement que le chiffre de 10 milliards de dollars, pensons-y un moment; ils n'avaient pas à souscrire d'assurance, mais ils devaient déposer une caution de 10 milliards dollars.
À ce sujet, précisément, monsieur Chatters, il n'y a certainement rien, dans la loi, qui interdise à l'assemblée législative d'imposer ce type d'obligation. Cela ne fait que permettre à la Commission qui procède l'audience d'avoir, en vertu de cet article, une certaine somme d'argent à laquelle elle doit se limiter, parce que c'est le maximum pour lequel elle peut faire assumer une responsabilité.
Mon argument est en deux parties. C'est qu'il n'y a rien pour nous empêcher, ou pour empêcher une assemblée législative, de le faire, et c'est clair, ni dans cette partie du projet de loi, ni ailleurs. Nous ne devrions absolument pas nous bloquer sur l'utilisation de l'assurance. L'assurance dont je parle ici n'est qu'un actif. Ce pourrait être une caution, ou même une garantie en espèces. Ce n'est rien de sorcier. Que ce soit l'un ou l'autre, c'est un élément d'actif. Là où je veux en venir, c'est que la Commission qui procède à l'audience se fait imposer une limite, qu'elle n'a pas actuellement, sur le montant qu'elle serait en mesure d'exiger de quiconque, que ce soit le propriétaire exploitant ou toute autre personne qui a un intérêt dans le lieu.
Vous devez donc voir les choses selon cette perspective. Ce n'est qu'un élément d'actif. Le fait que ce soit une assurance, très franchement, facilite un peu les choses pour les propriétaires exploitants ou la personne qui a un intérêt dans le lieu, et lui évite d'avoir à déposer une garantie en espèces ou sous forme de caution. Ainsi, ils peuvent, de fait, payer une prime et la donner en caution, sous forme d'élément d'actif.
Le résultat est conforme à la loi actuelle et, dans une certaine mesure, va dans le sens de ce que s'efforce de faire le gouvernement en éliminant toute responsabilité d'une personne ayant un intérêt pour, dans mon cas, fixer plutôt une limite à cette responsabilité, au lieu de ce que nous avons maintenant, où il n'y a pas de limites. C'est tout ce que cela fait.
º (1635)
Le président: Nous allons poursuivre notre discussion sur la recevabilité de l'amendement. Je veux seulement dire au comité qu'à un moment donné, il pourrait m'être plus facile de l'accepter et de régler cela plutôt que d'en débattre toute la nuit pour finir par l'accepter de toute façon.
Avant de prendre ma décision, je demanderai aux représentants officiels s'ils ont de l'information pour les membres du comité. Lorsque j'aurai pris ma décision, elle pourrait être contestée, et les membres auront la possibilité de voter là-dessus.
Mme Joanne Kellerman: J'aimerais répondre, monsieur, à ce que disait M. Lincoln au sujet du sens des «mesures réglementaires» dans le contexte du paragraphe 46(3). Dans la loi, cela signifie «imposé par le règlement».
Alors, pour déterminer le pouvoir de la Commission d'imposer des règlements, il faut examiner la portée de l'article 44, et je ne crois pas que le pouvoir de réglementation signifie le pouvoir d'imposer une exigence en matière d'assurance.
Le président: Je vais donner la possibilité à notre conseillère juridique de donner toute information au comité qui pourrait nous éclairer. C'est de ce côté-là de la table que nous avons entendu que cela pourrait déborder de nos pouvoir.
Monsieur Chatters.
M. David Chatters: Monsieur le président, j'aimerais avoir des précisions de la conseillère juridique du ministère.
Le président: Poursuivez, donc.
M. David Chatters: Dans ce projet de loi, la Commission de sûreté nucléaire, en tant que condition à l'octroi d'une licence, n'est pas habilités à imposer ceci ou toute autre mesure réglementaire au propriétaire exploitant, etc., d'une centrale?
Mme Joanne Kellerman: Les mesures réglementaires sont dictées par règlement. Quand on parle de mesures «imposées par la loi», cela signifie par règlement. Le pouvoir de la Commission d'exiger une garantie financière est prévu à l'article 24 de la loi. Le pouvoir de la Commission de définir des règlements est prévu à l'article 44 de la loi.
Le président: Monsieur Finlay a la parole en premier.
º (1640)
M. John Finlay (Oxford, Lib.): Je m'inquiète, monsieur le président, du libellé. Il me semble, qu'en disant qu'il faut souscrire une assurance minimale de 10 milliards de dollars pour couvrir les frais de déclassement et de décontamination, que nous fixons un plafond. Est-ce que nous nous occupons de couvrir les frais? M. Comartin essaie de trouver un juste milieu. Est-ce que nous le faisons ou est-ce que nous ne faisons qu'embrouiller toute cette affaire?
Le président: Mon problème n'est pas de répondre à cette question, mais plutôt de savoir si, oui ou non, je devrais accepter l'amendement. C'est le dilemme auquel je suis confronté pour l'instant.
Monsieur Lincoln. Non?
Par conséquent, je vais prendre une décision. Je vais suivre l'avis de la conseillère juridique et je n'accepterai pas l'amendement. Bien entendu, il est possible de faire appel de cette décision.
Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: On m'a dit, d'après notre expérience récente, que je suis censé contester cette décision formellement.
Le président: C'est vrai.
M. Joe Comartin: Je précise donc, aux fins du compte rendu, que je conteste cette décision.
Le président: La décision de la présidence est contestée. Je vais mettre la question aux voix.
La question est la suivante—si je me souviens bien de sa formulation—la décision de la présidence doit-elle être maintenue? Ou un petit moment; je crois que je devrais quitter le fauteuil, et que c'est au greffier de poursuivre, puisque c'est ma décision qui est contestée. S'il y a égalité, elle est adoptée.
Non, je suppose que je peux le faire moi-même.
La décision de la présidence est-elle maintenue?
M. Joe Comartin: Pouvons-nous avoir un vote par appel nominal?
Le président: Ce sera donc un vote par appel nominal.
(La décision de la présidence est maintenue--Voir le Procès-verbal)
Le président: Nous revenons à la motion principale. Y a-t-il des commentaires sur cette motion, sur l'article?
Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: J'ai oublié, monsieur le président; le temps est-il limité pour ceci?
Le président: Personne n'a dit à la présidence de fixer une limite. J'ai lancé le débat, alors il est trop tard pour le faire.
M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.
Le président: Et je le regrette. Cependant, je peux vous assurer qu'il en sera question à une très prochaine réunion.
M. Joe Comartin: Monsieur le président, en ce qui concerne la motion principale du gouvernement, et elle soulève réellement la question des répercussions, dont j'ai mentionné certaines, je ne peux insister assez sur l'importance de ceci dans le contexte d'ensemble de l'industrie nucléaire au Canada. Ce que nous faisons, avec cet amendement, c'est ceci. De façon détournée, il n'y a vraiment aucune autre façon de l'interpréter, le gouvernement se montre disposé à permettre la privatisation de l'industrie nucléaire dans notre pays.
Et en dépit de certaines choses que nous avons entendu de la part de l'Association nucléaire, la réalité, c'est que l'industrie nucléaire, depuis ses tous débuts au Canada, a été une industrie dirigée et exploitée, que ce soit directement ou indirectement, par les gouvernements provinciaux ou fédéral. C'est donc que le gouvernement a exercé un contrôle, que ce soit directement ou indirectement, même sur les plus petits réacteurs que nous avons pour les radio-isotopes à des fins médicales. Du point de vue historique, donc, ce sera la première fois que le gouvernement fédéral se sera engagé dans la privatisation de l'industrie.
Il ne fait pas de doute qu'en prenant la décision de conclure un bail avec Bruce Power, le gouvernement progressiste-conservateur de l'Ontario acceptait explicitement que cela constitue une première étape vers la privatisation de l'industrie en Ontario.
Le gouvernement fédéral n'a pas participé à cette décision et, en fait, à aucune autre décision que je sache, et je crois avoir examiné la question assez en profondeur. Jusqu'à la présentation de cet amendement, le printemps dernier, le gouvernement fédéral n'avait jamais envisagé de permettre, d'admettre, d'accepter, ou quelle que soit la façon dont vous voulez l'appeler, la privatisation de l'énergie nucléaire, des réacteurs nucléaires, d'aucun aspect de l'industrie. Et c'est cela le gros enjeu.
Étant donné le risque inhérent qui fait partie de la nature de cette industrie, aucune décision ne devrait être prise en un amendement formulé en quelques mots. Une décision devrait suivre, très franchement, un examen approfondi de la situation de l'industrie nucléaire et de l'énergie nucléaire et, aussi, du rôle qu'elle aura dans l'apport énergétique à notre société. Qui peut, au mieux, fournir l'énergie, tant du point de vue de la sécurité, ce qui doit être, avec ce type d'industrie, une priorité absolue et, en deuxième place, loin derrière, des priorités, quel serait, bien entendu, l'intérêt financier que ferait ressortir cet examen.
Je suis vivement opposé à l'adoption de cette approche par le gouvernement. Il est foncièrement irresponsable de permettre la privatisation, de l'appuyer, de la faciliter si cet amendement est adopté sans qu'il y ait eu un tel examen.
Dans mes interventions antérieures, j'ai évidemment exposé certaines des conséquences que, selon moi, subiront les contribuables canadiens. Et si nous procédions à un examen approfondi, je soutiens que nous constaterions aussi que nous augmentons le risque de contamination de la population canadienne.
º (1645)
Je pense que les faits entourant la question de Bruce Power viennent appuyer ma position, dans le sens que nous avons ici une société qui, d'après la démonstration que j'ai faite devant le comité, n'est pas viable économiquement sans une aide de l'extérieur; il s'agit d'une question très sérieuse en ce moment. Ce n'est même pas quelque chose dont on peut débattre. Cette société a admis elle-même qu'elle n'était pas viable sans l'aide de British Power et, évidemment, British Power est sur le point de devenir insolvable.
Monsieur le président, du point de vue de la sécurité, le risque, c'est qu'au fur et à mesure que l'argent se fait rare, c'est la sécurité qui en souffre. Combien de fois avons-nous vu ce genre de situation dans toutes sortes d'autres industries?
Nous l'avons vu, jusqu'à un certain point, dans l'accident de Three Mile Island. Il a fallu pratiquer des coupures, et ces coupures ont été décidées à partir de considérations qui n'avaient rien à voir avec la sécurité, mais qui avaient tout à voir avec le bilan financier de l'entreprise qui exploitait les installations à ce moment-là.
Je suppose que l'industrie, le secteur privé, pourrait dire que les gouvernements aussi doivent sabrer dans les dépenses de temps en temps pour des considérations financières. Il suffit de regarder la situation de Walkerton en Ontario pour s'en convaincre. Je crois qu'il serait naïf de prétendre qu'il n'arrive jamais aux gouvernements, aux sociétés d'État et aux organismes gouvernementaux de mettre indûment l'accent sur le bilan plutôt que sur la santé publique ou sur la sécurité publique. Mais étant donné la nature des deux secteurs, public et privé, il est beaucoup plus probable que la sécurité soit compromise, à un degré plus important, pour des raisons financières par le secteur privé que par le secteur public, tout simplement parce que les gouvernements ont plus d'argent.
Pour ce qui est du type d'examen qui s'impose véritablement, ce n'est pas ce que nous avons vu ici, c'est-à-dire deux jours de témoignage, un pour, un contre...et, maintenant, si j'ose dire, une journée et demie d'étude article par article. Je pense que nous n'avons pas même effleuré la question. C'est deux jours d'audience et moins de quatre heures d'étude article par article pour une question qui est aussi fondamentale que je le crois.
L'examen qui s'impose ici pour déterminer si la société canadienne est prête à accepter la privatisation de l'industrie nucléaire, est un examen qui comprend des audiences très poussées, la confrontation des preuves et des témoignages d'experts des deux côtés de la question et, probablement, une étude des répercussions de la privatisation dans d'autres pays, ainsi qu'une étude de la situation dans d'autres pays qui n'ont jamais privatisé leur industrie et qui l'ont toujours gardée dans le secteur public. Je suppose qu'il nous faudrait aussi examiner des cas où d'autres gouvernements, d'autres pays, auraient tenté une approche mixte, privée et publique, et le type de réglementation ou de cadre réglementaire adopté par ces pays pour tenir compte de cette approche particulière.
Si nous décidons de nous engager dans la privatisation, allons-nous donner plus de latitude à nos organismes de réglementation en matière de sécurité nucléaire? Allons-nous leur accorder plus de pouvoir? Allons-nous leur accorder plus de ressources pour qu'ils puissent procéder à plus d'inspections? Allons-nous étendre leurs compétences? Ce ne sont là que quelques exemples de questions auxquelles il faudra répondre si nous pensons emprunter cette voie.
º (1650)
Par contre, si nous décidons de garder cette industrie dans le secteur public, aurons-nous besoin de procéder à un examen aussi poussé? Je pense que non. Cette industrie a fait l'objet de plusieurs examens, mais jamais dans ce contexte particulier.
Je pense que les gens qui travaillent dans le domaine de la réglementation en matière de sécurité nucléaire tentent régulièrement de trouver des améliorations et nous les examinons au fur et à mesure qu'elles sont proposées et nous les traitons de la manière appropriée. Mais si nous décidons de nous engager dans cette voie—et, il est évident que nous le faisons, si nous adoptons cet amendement—, nous allons devoir réaliser un examen plus approfondi. On ne peut faire passer cette question en douce, par la porte arrière.
Je l'ai dit à d'autres occasions, cette fois-ci, notre attention est centrée sur Bruce Power, parce que, de toute évidence, c'est elle qui a exercé des pressions sur le gouvernement pour qu'il agisse, étant donné qu'elle en a besoin en ce moment, mais je crois qu'il a été dit en passant que le réacteur de Point Lepreau, au Nouveau-Brunswick, allait être déclassé et retiré du service au cours des prochaines années. Nous aurons peut-être à faire face à sa privatisation, et non seulement du point de vue de l'exploitation, mais également du point de vue de la propriété réelle des installations.
D'après mes lectures et les recherches que j'ai effectuées, le Nouveau-Brunswick a clairement fait savoir qu'il n'avait pas l'intention—et, j'ajouterais, qu'il n'en a pas les moyens—de procéder à la mise à niveau des installations qui s'impose à Point Lepreau. La position exprimée par le premier ministre au cours des derniers mois est claire et sans équivoque, parce que la province n'a pas l'intention de répéter les erreurs commises par l'Ontario au sujet de la dette restante. Je crois qu'il trouve ici un exemple très clair de ce qu'il ne faut pas faire et un précédent très éloquent.
La question suivante est: le secteur privé—des gens comme British Energy, certains grandes sociétés américaines, ou d'autres provenant d'ailleurs dans le monde—sera-t-il intéressé à exploiter ces installations? Nous ne le savons pas. Mais c'est le genre d'examen que nous devrons entreprendre pour comprendre les conséquences de l'amendement qu'on nous propose ici. Encore une fois, si nous avons l'intention de nous orienter vers la privatisation de l'industrie, alors, allons-y ouvertement.
Mais nous n'avons rien entendu à ce sujet, devant ce comité, de la part d'un des membres du côté du gouvernement. Cette nouvelle orientation n'a certainement pas été annoncée par le ministre devant Chambre ou dans une autre déclaration. Aucun document de politique n'a été publié sur cette question. Rien n'a été dit au public canadien au sujet du fait que nous allons privatiser l'industrie nucléaire. C'est vraiment assez...je ne veux pas employer le mot «malhonnête», mais on n'a pas expliqué de manière appropriée à tous ces organismes, et au public canadien en particulier, les implications de cet amendement.
Pour ce qui est de savoir maintenant si d'autres éléments en découleront, je suppose qu'encore une fois, cela devra faire partie de l'examen que nous devrons entreprendre. Il faut supposer que si nous nous dirigeons vers la privatisation, Point Lepreau reviendra dans les discussions. La prochaine étape ne sera-t-elle pas l'achat pur et simple de Bruce par une entreprise privée quelconque?
º (1655)
Ou bien Bruce Power finira par retrouver sa santé financière ou bien une autre société privée se présentera et dira qu'elle exploite la centrale et qu'elle a un bail de 18 ans. En passant, la durée du bail correspond probablement d'assez près à la vie utile des réacteurs existants qui sont en marche et de ceux que l'on se propose de réactiver...
Je veux informer le comité que c'est mon épouse qui vient d'appeler, et que malgré l'importance de l'auteure de l'appel, j'estime qu'il est encore beaucoup plus important que je continue de m'adresser au comité.
Une voix: Rayer cela du compte rendu.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Peut-être a-t-elle un bon conseil à vous offrir.
M. Joe Comartin: C'est bien possible, mais je suis sûr que si j'avais écouté ce conseil, j'aurais perdu ma place, et je sais à quel point le comité en aurait été peiné.
Je viens juste de perdre le fil de ma pensée. Mon épouse réussit à me faire le coup sur une base régulière.
Le point au sujet de l'achat de Bruce n'est pas que simple spéculation. En fait, si vous regardez la durée du bail, c'est certainement une possibilité très réelle. Étant donné la responsabilité que le paragraphe 46(3) proposé imposerait au propriétaire, si Bruce décidait d'acheter les installations, allons-nous devoir étudier un autre court amendement qui aurait pour effet d'éliminer d'autres responsabilités en vertu de ce paragraphe, ou l'article sera-t-il complètement éliminé? Allons-nous nous retrouver devant cette situation dans un an ou deux si Bruce Power parvenait d'une manière ou d'une autre à remettre de l'ordre dans ses finances et envisageait d'acheter la centrale, ou encore, allons-nous être placés devant cette situation si Point Lepreau se retrouve sur le marché?
Ce n'est pas de cette manière que nous devrions écrire la législation et mener les affaires législatives. Le gouvernement laisse entendre qu'il s'agit d'un amendement sans conséquence et qu'il n'a pas beaucoup d'importance, mais s'il n'a pas beaucoup d'importance, pourquoi l'étudions-nous? Il y a des conséquences très sérieuses.
L'autre point qui est soulevé par cette situation, c'est quelle est la probabilité à long terme que l'industrie nucléaire continue de survivre au Canada? Nous n'avons pas bâti de réacteurs nucléaires au Canada depuis le milieu des années 70 et aucun réacteur additionnel n'a été réactivé. Voilà que maintenant, nous avons cette proposition et la proposition au sujet de Pickering.
Le site de Pickering est beaucoup plus jeune que celui de Bruce. Les activités y sont quelque peu différentes, parce que le site est plus neuf. La technologie est un peu plus avancée. Si un site doit être réactivé, il serait certainement plus sensé qu'il s'agisse de celui de Pickering.
Ce qui fait peur dans l'histoire de Bruce, c'est que pour la première fois en plus de 25 ans, presque 30, nous assistons à une expansion de l'industrie nucléaire. Il y a quelques années, la plupart des gens dans l'industrie auraient dit: «Nous allons continuer d'exploiter ces centrales et nous fournirons une autre source d'énergie en le faisant, et lorsque les centrales ne seront plus viables, elles seront déclassées et au cours des 20 à 40 prochaines années, l'industrie nucléaire disparaîtra au Canada.» Si cet amendement est adopté, le message que nous envoyons à l'industrie c'est: «Il y a de l'espoir que ce ne soit pas le cas. Vous avez un certain droit de vous attendre que ce gouvernement vous aidera à faire croître l'industrie.»
J'ignore quel autre message nous allons envoyer; si j'étais membre de l'Association nucléaire, c'est certainement le message que je retiendrais si cet amendement était adopté.
Une partie du message que ce gouvernement transmet, par le biais de cet amendement, à d'autres segments du secteur privé c'est: «Regardez Point Lepreau. Si vous avez besoin d'une refonte de la loi, nous sommes prêts à le faire. Nous l'avons fait cette fois-ci dans le cas de Bruce. Si vous avez besoin d'aide, la prochaine fois, il pourra s'agir d'un paragraphe, d'une page d'un projet de loi ou d'une loi, ou peut-être même l'adoption d'une toute nouvelle loi, mais nous sommes prêts à faire cela pour vous.» C'est là le message que le secteur privé retiendra de toute cette affaire.
» (1700)
Monsieur le président, j'aimerais passer à un autre point, et il s'agit de la question du message qui est envoyé à la communauté financière, que ce soit au Canada même ou à l'étranger. Je crois qu'on leur envoie le même genre de message.
Dans sa forme actuelle, le paragraphe 46(3), envoie un message que les avocats leur ont expliqué. Le message, c'est le suivant: si vous acceptez de participer à une activité industrielle à très haut risque, comme le prévoit la loi actuelle, vous allez devoir accepter que vous puissiez être tenus responsables.
Je n'ai jamais trouvé que cela était quelque chose d'offensant, monsieur le président, à cause de la nature de l'industrie. Ce que nous disons vraiment par le biais du paragraphe 46(3) aux financiers—qu'il s'agisse des banques, de l'industrie de l'assurance, des investisseurs de capital risque, ou qui que ce soit d'autres—ou ce que le gouvernement disait, je crois, lorsqu'il l'a adopté—et dont l'industrie dit qu'il s'agissait d'une erreur—était: «Il s'agit d'une industrie à haut risque. Il en coûtera aux contribuables des sommes astronomiques s'il y a un problème au moment du déclassement ou s'il y a un accident majeur, et même parfois, un accident de gravité légère à modérée. Nous allons être responsables et nous voulons que vous—et il s'agit ici d'un message subtil—, l'industrie financière, interveniez du côté de la sécurité; alors, si vous prêtez de l'argent—et c'est là le coeur du message—,vous êtes mieux de vous assurer que l'exploitant ou le propriétaire se conduise de manière à respecter le maximum absolu en matière de sécurité pour ce genre d'activité.
Alors, dans les faits, ils font partie du filet de sécurité que nous avons bâti. Ce n'est pas seulement le propriétaire ou l'exploitant; ce n'est pas seulement l'organisme de réglementation; ce n'est pas le gouvernement; ce n'est pas la législation: c'est un ensemble—et «vous, à titre de financiers, faites partie de cet ensemble.» C'est le message que nous leur faisons parvenir. C'est le message, je crois, que le législateur a tenté de leur faire parvenir lorsque ce projet de loi a été adopté à l'origine, avec le paragraphe 46(3).
Je ne peux trouver aucun commentaire, sauf celui de l'industrie, où on indique qu'il s'agit là d'une anomalie, d'une erreur, de quelque chose qu'il faut corriger... quels que soient les mots utilisés. Ce n'est pas de cette façon que la législation est adoptée. Je pense que pour une minute, je porte mon chapeau d'avocat, mais si j'apportais cette affaire devant un juge, je sais que c'est de cette manière qu'il l'interpréterait, et c'est le message que nous envoyons, que le législateur avait clairement l'intention d'envoyer, à savoir: «Vous êtes responsables.»
À mes yeux, cette position de politique du gouvernement fédéral avait beaucoup de bon sens. Cela avait du bon sens au moment où le gouvernement a adopté cette loi et c'est encore le cas aujourd'hui. L'autre choix, c'est de voir les établissements financiers accepter de soutenir une entreprise qui est un peu chancelante du côté de la sécurité, un peu chancelante du côté des finances, parce qu'ultimement, ils ne portent aucune responsabilité. Ils vont faire le montage financier en ayant pour objectif de se protéger eux-mêmes le plus possible.
Mais en ce moment, si l'amendement est adopté, ils n'ont aucune obligation et pour dire vrai, aucune raison particulière de vouloir prendre en considération l'aspect sécurité de la question, pour encourager l'exploitant ou le propriétaire à maximiser les facteurs de sécurité. Le message que nous leur envoyons, c'est: «Vous n'êtes pas responsables. Vous pouvez être aussi prudents ou imprudents que vous le voulez.»
» (1705)
S'ils éprouvent des difficultés financières et que vous vous inquiétez pour votre sécurité, vous pouvez alors faire en fait certaines recommandations qui, soit en raison d'un manque de connaissance ou par cupidité, finiront par diminuer la responsabilité en matière de sûreté; c'est le message que nous leur transmettons si nous adoptons cet amendement.
Quant aux répercussions pour les Canadiens, je veux simplement vous en parler davantage. Je suis convaincu que si vous demandiez maintenant dans la rue à des Canadiens moyens s'il est un tant soit peu conscient du fait qu'au niveau fédéral nous privatisons l'industrie nucléaire, vous pouvez être à peu près sûrs que près de 100 p. 100 de ceux qui répondront à votre question ne seront pas au courant. Nous ne faisons rien pour sensibiliser la population ou diffuser de l'information. Nous n'avons pas essayé de nous faire une idée de l'industrie et de ses divers aspects, y compris les groupes environnementaux qui n'ont cessé de s'opposer résolument à cet amendement de même qu'à l'expansion ou à la prolifération de l'industrie. Nous ne leur en avons pas parlé du tout, à part les quelques minutes au cours desquelles nous les avons entendus la semaine dernière et, en ce qui concerne les Canadiens, rien du tout, aucun signal de la part du gouvernement. C'est vraiment une honte étant donné le changement radical que nous allons apporter.
Si l'amendement est adopté, et je m'attends à ce qu'il le soit, étant donné la position du gouvernement, tant vous que le comité, et s'il est adopté à la Chambre des communes, je m'attends à qu'un peu plus d'information soit diffusée dans la collectivité, mais pas beaucoup, et que les ramifications de ce que nous avons fait ici, tout simplement les modifications très précises consistant à ficher la paix à ceux qui ont un intérêt reconnu en droit et le fait que nous avons ouvert la porte, ne deviendront de notoriété publique peut-être avant des années voire des décennies.
Ça n'arrivera pas, en fait, tant que quelqu'un achètera bel et bien une installation nucléaire et en deviendra l'unique propriétaire, ne se contentant pas de la louer et de l'administrer ou tant qu'il n'y aura pas d'accident et que le fardeau financier nous sera refilé.
Si nous pensons que n'importe laquelle des provinces, même l'Ontario, est en mesure d'assumer cette responsabilité, nous leurrons. Le projet de loi, cette facture, finira par nous être refilée, au gouvernement fédéral s'entend, si un accident grave voire de moyenne envergure se produisait. Je vous ai déjà fait part des chiffres en ce qui a trait à Tchernobyl et je vous ai parlé de la gravité de la situation.
» (1710)
Le président: Exactement, monsieur Comartin. Nous commençons à nous redire. C'est, la troisième fois. Je vous demanderais donc de nous faire part de faits nouveaux.
M. Joe Comartin: Eh bien! On vient tout juste de me remettre beaucoup de renseignements sur Three Mile Island. Permettez-moi donc de vous en parler pour que nous puissions nous rendre compte de la situation.
L'accident s'est produit en 1979. Je crois que nous sommes tous conscients de l'importance de cet accident, une des premières fusions du coeur d'un réacteur, ou quasi fusion, à se produire et dont nous avons été mis au courant. Une certaine rumeur veut qu'il y a peut-être eu un réacteur ou deux en Russie dont nous n'avons jamais entendu parler et qui ont été fermés hermétiquement.
Le président: Monsieur Comartin, nous passons de redites à spéculation. Les membres du comité sont patients et je suis convaincu que tout le monde est prêt à rester ici jusqu'à la vieille de Noël à condition d'être productifs, mais je crois que vous devriez montrer du respect aux membres et au personnel du comité de même qu'aux observateurs qui ont des familles. Nous avons consacré le temps qu'il fallait à cette question, mais je pense que nous devons nous respecter les uns les autres et éviter les redites.
M. Joe Comartin: Ce qui s'est produit à Three Mile Island était en fait, au bout du compte, un accident de petite à moyenne envergure, par rapport à celui de Tchernobyl qui a été de toute évidence le plus grave que nous ayons jamais eu sur la planète. Et en 1979, en dépit du fait que la contamination a été limitée au site seulement et qu'il n'y a eu aucune répercussion néfaste sur la santé—pas de décès, pas de blessures—, à tout le moins dans la première ou la deuxième année, étant donné qu'il s'agissait d'un accident de petite à moyenne envergure, le nettoyage du site à lui seul a coûté 973 millions de dollars américains.
» (1715)
Le président: Nous avons déjà entendu cela, monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: Non, c'est la première fois que je parle de Three Mile Island. J'ai dit que je n'avais pas ces chiffres. Je cherchais à les obtenir, mais je ne les avais pas entre les mains.
Le président: Je vais être honnête avec vous. Il semble que les règlements relatifs à la procédure contiennent des dispositions qui prévoient ce qui suit: si le comité estime que nous nous répétons et que nous ne nous en tenons pas à l'article, il pourrait demander que l'on mette fin à la discussion. Je ne veux pas aller jusque là, mais cela devient... Vous vous répétez et ce que vous dites ne s'applique pas toujours à l'article que nous examinons.
Je vous prie donc à vous en tenir au sujet dont nous discutons. J'ai demandé aux membres du comité si l'article 1 était adopté. C'est là où nous en sommes pour l'instant.
M. Joe Comartin: Je suis désolé. Je ne vous ai pas entendu.
Le président: La question que j'ai posée aux membres du comité, au début de la réunion,t pas celle d'aujourd'hui mais jeudi dernier, était si l'article 1 est adopté C'est ce dont nous parlons maintenant de sorte que j'espère que nous allons nous concentrer sur l'article 1.
M. Joe Comartin: Je crois que je me concentre sur l'article 1 et ses répercussions, monsieur le président.
Le président: Oui, mais si c'est pour la cinquième fois nous disons que c'est beaucoup trop insister.
M. Joe Comartin: Monsieur le président, c'est la première fois que j'ai eu à ma disposition pour le comité les chiffres concernant Three Mile Island. J'y ai fait allusion, mais je ne les avais pas.
Comme je le disais, en 1979, cet incident a coûté 973 millions de dollars américains; cependant, je signale qu'il a fallu attendre presque 12 ans pour le nettoyage. Si nous extrapolons ces chiffres en dollars actuels, ce serait environ deux fois et demie ce montant, progressivement près de trois fois; si nous extrapolons ensuite en dollars canadiens actuels, nous parlons, pour un accident de petite à moyenne envergure comme celui-là, d'un minimum de 3 milliards de dollars.
Et, je répète, ce n'est que pour le nettoyage du site même. Je ne parle pas de la responsabilité nucléaire. Par conséquent, si un accident de ce genre se produit, ce sont des montants de ce genre que nous, en tant que collectivités, auront à débourser, pour un site où la caution est de 222 millions de dollars. C'est ce que nous avons maintenant et il va sans dire que la fiabilité de cette caution est très suspecte.
N'oubliez pas que Three Mile Island était le site d'un seul réacteur avec lequel ils ont eu des problèmes. Dans le cas d'un site comme Bruce, vous auriez probablement, comme c'est le cas à l'heure actuelle, quatre réacteurs, voire six à huit à un moment donné; il faudrait alors multiplier ce chiffre plusieurs fois pour avoir une idée précise de ce qui nous attend.
En résumé, monsieur le président, la responsabilité est à très haut risque dans cette industrie, l'administrateur actuel du lieu n'ayant pas la capacité de prendre des mesures pour le décontaminer ou le déclasser. Les ressources nécessaires dans les limites des exigences du bail et les exigences d'organisme de réglementation en matière de sûreté nucléaire de 222 millions—loin de la capacité d'assumer les frais à ce niveau. Les messages que nous transmettons tant au secteur financier qu'au secteur privé potentiel, sans l'examen que cela devrait englober, sont bien au-delà de ce à quoi nous devrions nous attendre,d'avalise, en tant que comité.
Cela dit, il nous faut soutenir vigoureusement que cet amendement ne devrait pas être adopté.
Je vais m'interrompre maintenant.
» (1720)
Le président: Merci, monsieur Comartin.
[Français]
Monsieur Cardin.
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Merci, monsieur le président.
Malgré l'apparente simplicité de cet amendement à la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, il n'en demeure pas moins qu'il est apparu évident, dès le départ, qu'on lançait le débat sur la privatisation et le développement des centrales nucléaires, ce que le gouvernement n'a jamais voulu accepter et que les gens du comité n'ont jamais voulu voir ou comprendre. Pourtant, dans les représentations qui ont été faites, autant par Bruce Power que par l'Association nucléaire canadienne, on a démontré sans l'ombre d'un doute que ça donnait la possibilité de développer les centrales nucléaires et surtout de les privatiser. Dans un document qu'on a reçu du directeur des affaires juridiques et secrétaire de l'entreprise Bruce Power, il était écrit, de façon on ne peut plus claire:
D'une façon générale, la législation a des conséquences négatives sur la capacité de l'entreprise privée d'investir dans des centrales nucléaires, au détriment du développement futur de l'industrie nucléaire canadienne. |
Là, c'était quand même passablement clair: «...d'investir dans les centrales nucléaires...». Donc, on ne peut que constater que le but visé était vraiment le développement des centrales nucléaires par le privé.
L'Association nucléaire canadienne est aussi venue nous le confirmer, à toutes fins pratiques. Quand on consulte ses documents, on y lit ceci:
Le libellé actuel du paragraphe limite les investissements |
Dans son libellé actuel, le paragraphe 46(3) de la Loi a pour effet non intentionnel d'empêcher les entreprises privées du secteur nucléaire d'avoir recours au financement par emprunt, du fait que les banques refusent d'assumer la responsabilité extraordinaire que prévoit la Loi. |
Dans cet énoncé, par exemple, il faut quand même regarder un élément, soit le « non intentionnel ». Il m'apparaît aberrant de penser que le législateur, en 1997, lorsque cet article de la loi est apparu, n'avait pas une intention préméditée--je dis bien préméditée--d'empêcher, à toutes fins pratiques, le financement des centrales nucléaires par le privé, par les institutions financières, c'est-à-dire, la possession par le privé de centrales nucléaires comme telle. À ce moment-là, on pouvait être convaincu à l'époque où cela a été accepté, qu'il y avait une intention du législateur dans ce sens-là et que le débat était dorénavant lancé pour privatiser et développer le nucléaire. On disait aussi:
Le libellé actuel représente une anomalie |
On ne trouve dans aucune autre loi canadienne relative à l'environnement un libellé similaire au libellé actuel de ce paragraphe. De ce fait, celui-ci constitue un obstacle important aux investissements du secteur privé dans l'industrie nucléaire, et il met l'énergie nucléaire dans une position désavantageuse par rapport à d'autres moyens utilisés pour la production d'électricité. |
Donc, il prouve indirectement que les préoccupations, autant celles de M. Comartin que celles du Bloc québécois, étaient effectivement qu'on ne lançait même pas le débat, mais qu'on prenait pour acquis que l'ensemble de la population canadienne était d'accord sur la prolifération des centrales nucléaires et, pire encore, sur sa gestion par le privé. Surtout dans ce cas-ci--parce qu'on avait vérifié auprès du représentant de l'Association nucléaire canadienne--, car il n'y avait pas eu de demandes à cet effet-là avant qu'un privé investisse dans les centrales nucléaires. De plus, ce même privé a quand même des problèmes financiers importants. On sait que dans à peu près toutes les entreprises environnementales, dirais-je, qu'il s'agisse de la gestion des déchets domestiques, de la gestion du nucléaire ou encore la production au niveau des centrales nucléaires, tout ce qui touche à la sécurité ou qui a potentiellement des conséquences énormes sur la sécurité et l'environnement, on ne devrait pas nécessairement laisser aller le secteur privé comme tel parce que le premier élément pour eux, c'est de se limiter en termes de responsabilités.
» (1725)
Cela peut avoir des conséquences énormes. Donc, à ce moment-là, c'est facile, par l'entremise d'une compagnie qui en possède une autre, de limiter les responsabilités, et cela peut faire en sorte que les compagnies qui, justement, ont des problèmes financiers vont souvent faire leurs premières coupures--on le sait très bien--au niveau des éléments de sécurité qui coûtent énormément cher dans le contrôle sécuritaire de ces entreprises.
Monsieur le président, je pense que le débat a été lancé par cette proposition d'amendement à la loi, sauf qu'il y a une erreur fondamentale, qui est celle de prétendre que l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes étaient d'accord sur le développement des centrales nucléaires. On a vu, il n'y a pas tellement longtemps, certains sondages selon lesquels plus de 60 p. 100 des Canadiens et des Canadiennes étaient contre le recours à des centrales nucléaires pour la production d'électricité.
Le président: Monsieur Cardin, s'il vous plaît, nous allons parler de la disposition en question.
M. Serge Cardin: C'est exactement ce que je fais, monsieur le président.
» (1730)
Le président: Je ne pense pas que cela va changer la mesure législative de savoir si, par le passé, les gens étaient d'accord ou non. C'est une réalité. J'aimerais que vous parliez de l'article 1, s'il vous plaît.
M. Serge Cardin: C'est exactement ce que je fais. Ce que j'essaie de faire aujourd'hui, c'est de faire comprendre que cet article-là va beaucoup plus loin que la simplicité financière, aussi simple que cela puisse paraître de donner à l'entreprise des avantages pour développer le nucléaire.
Donc, je l'ai dit l'autre fois et je le répète, monsieur le président, on met la charrue devant les boeufs. On ne sait même pas si l'ensemble du Canada est d'accord sur le développement de l'énergie nucléaire, et on va favoriser le développement des compagnies privées et la prolifération des centrales nucléaires. Je pense que c'est d'une pertinence on ne peut plus claire, mais c'est caché derrière une simplicité aussi désarmante que celle-là. Donc, à ce moment-là, monsieur le président--et même des gens du gouvernement, des députés libéraux et des témoins l'ont aussi dit pendant les délibérations du comité--, il n'y a jamais eu de consultations sur le nucléaire, et ce qu'on veut faire, c'est l'augmenter de façon quasi éhontée.
De plus, monsieur le président, la semaine dernière, Énergie atomique du Canada limitée a déposé un rapport et a parlé de son nouveau réacteur nucléaire. Les prévisions de ventes pour les prochaines années, si je me souviens bien, sont d'une centaine. La réalité nucléaire, monsieur le président, est complètement différente. Tant au Canada que dans les pays étrangers, mais surtout dans les pays étrangers, le nucléaire est de plus en plus mis de côté, et au Canada, il n'y a pas d'autres développements. Alors, le gouvernement, par l'entremise de ceci, va favoriser le développement de l'énergie nucléaire. Je crois donc que j'étais exactement dans la bonne filière du nucléaire en parlant de cet amendement dans ce sens-là, monsieur le président.
Ce que je voulais quand même porter à l'attention des députés libéraux d'en face en ce qui a trait à cet amendement à la loi, c'est qu'on déborde de notre mandat, parce que nous fonctionnons, je crois, de façon très illégitime en matière de développement de centrales nucléaires au Canada et du développement du nucléaire, globalement.
Je sais bien que l'Association nucléaire canadienne, dans son rapport, a toujours parlé du secteur nucléaire, parce que, effectivement, depuis que cette clause existe, tout le secteur nucléaire, mis à part les centrales, a pu se financer, parce que les responsabilités ou les dangers présents dans ces domaines spécifiques, qu'ils soient municipaux ou autres, mais autres que les centrales nucléaires, représentaient potentiellement beaucoup moins de dangers. Donc les sociétés financières investissaient. Mais si c'est dangereux pour l'ensemble de l'environnement et pour l'ensemble de la population, les institutions financières verront que c'est dangereux pour elles sur le plan strictement monétaire, mais au-delà des dangers monétaires pour les sociétés financières, on ne s'est jamais questionné sur le débat qu'il devrait y avoir sur le nucléaire.
Par contre, le gouvernement est prêt à aller au-delà de cela en disant aux messieurs et aux dames du privé qu'ils peuvent maintenant acheter les nouveaux réacteurs nucléaires d'Énergie atomique du Canada, qui sont apparemment plus efficaces, moins coûteux, moins dangereux. Donc, le gouvernement, avec ses entreprises et avec le lobbying qui s'est fait au niveau de l'Association nucléaire et même aussi au niveau de l'entreprise privée, qui est là principalement pour faire de l'argent, répond à cette attente et, d'après moi, va au-delà de sa légitimité, parce qu'il favorise le nucléaire, allant ainsi contre la volonté des Canadiens et des Canadiennes.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
[Traduction]
Y a-t-il d'autres observations?
[Français]
M. Serge Cardin: Monsieur le président, vous procédez un peu vite et la traduction n'est pas assez rapide. Je voudrais que l'article 1 fasse l'objet d'un vote par appel nominal.
Le président: J'accepte votre argument: nous aurons un vote par appel nominal.
(L'article 1 est adopté par 8 voix contre 3)
[Traduction]
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le président: Adopté.
Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Des voix: Non.
Le président: Adopté.
Puis-je faire rapport du projet de loi à la Chambre?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté.
Merci beaucoup. La séance est levée.