AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 12 mai 2003
¹ | 1535 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
Le président |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) |
Le président |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
¹ | 1550 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
¹ | 1555 |
Le président |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
Le président |
M. Pat Martin |
º | 1600 |
M. Yvan Loubier |
M. Pat Martin |
º | 1605 |
Le président |
M. Pat Martin |
º | 1610 |
º | 1615 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
º | 1620 |
M. Yvan Loubier |
º | 1625 |
Le président |
M. Charles Hubbard |
º | 1630 |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
M. Yvan Loubier |
M. Pat Martin |
º | 1635 |
º | 1640 |
Le président |
Le président |
M. Yvan Loubier |
º | 1645 |
º | 1650 |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
º | 1655 |
» | 1700 |
Le président |
M. Pat Martin |
» | 1705 |
» | 1710 |
Le président |
M. Pat Martin |
» | 1715 |
» | 1720 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
» | 1725 |
» | 1730 |
Le président |
M. Pat Martin |
» | 1735 |
» | 1740 |
» | 1745 |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Yvan Loubier |
» | 1750 |
» | 1755 |
Le président |
Le président |
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne) |
¼ | 1825 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
¼ | 1830 |
¼ | 1835 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
¼ | 1840 |
¼ | 1845 |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
M. Paul Salembier (avocat-conseil, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien) |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Pat Martin |
¼ | 1850 |
¼ | 1855 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
½ | 1900 |
½ | 1905 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
½ | 1910 |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
½ | 1915 |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
Le président |
M. Pat Martin |
½ | 1935 |
Le président |
M. Charles Hubbard |
½ | 1940 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
½ | 1945 |
½ | 1950 |
Le président |
M. Pat Martin |
½ | 1955 |
¾ | 2000 |
Le président |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
Le président |
M. Charles Hubbard |
¾ | 2005 |
M. Paul Salembier |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Yvan Loubier |
¾ | 2010 |
¾ | 2015 |
Le président |
M. Jeremy LeBlanc (greffier à la procédure) |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
¾ | 2020 |
Le président |
Le président |
M. Pat Martin |
¾ | 2025 |
¾ | 2030 |
Le président |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
¾ | 2035 |
¾ | 2040 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
¾ | 2045 |
¾ | 2050 |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 12 mai 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Bonjour, et bienvenue à tous. Nous reprenons notre étude détaillée du projet de loi C-7, loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois. Nous sommes rendus à la page 189, amendement BQ-40, monsieur Loubier.
(Au sujet de l'article 30—Recueil des textes législatifs)
Le président: M. Hubbard a une objection à soulever.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Monsieur le président, j'aimerais que vous preniez une décision à l'égard de l'amendement BQ-40, car il suppose certaines dépenses, qui, je crois, vont au-delà du mandat de notre comité.
Le président: Nous obtiendrons une décision sur ce sujet.
Cet amendement remplace la disposition du projet de loi qui suggère la création d'un recueil, et on interprète l'amendement comme recommandant un type d'infrastructure similaire. Par conséquent, le commis législatif recommande qu'on l'accepte. Je l'accepte.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Il y a un problème d'interprétation; le volume est très faible.
[Traduction]
Le président: Nous prendrons une pause de 10 minutes, jusqu'à ce que nous puissions entendre convenablement.
¹ (1537)
¹ (1548)
Le président: Monsieur Loubier, concernant l'amendement BQ-40, page 189.
[Français]
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.
J'aimerais juste savoir, avant de commencer, pourquoi la séance n'est pas télévisée aujourd'hui. Je croyais que, selon la demande qu'a faite M. Hubbard lundi dernier, les séances seraient tout le temps télévisées. Or, j'apprends que celle d'aujourd'hui ne l'est pas. Y a-t-il une raison à cela?
[Traduction]
Le président: Jeudi dernier, quand j'ai décidé de lever la séance et de reprendre aujourd'hui, pour seulement six heures—il semble que le fait que nous nous réunissions pour seulement six heures soit un scandale national; je croyais que c'était une longue séance pour un comité—, j'ai aussi décidé de ne pas inviter les caméras, en raison du spectacle désolant et de l'embarras dans lequel sont mis les Canadiens qui témoignent devant le comité.
Voilà pourquoi nous n'avons pas de caméras. C'est ma décision, et je n'y dérogerai pas.
[Français]
M. Yvan Loubier: Vous dites qu'en expliquant aux Canadiens ce qu'il y a dans le projet de loi C-7, on leur impose un embarras? C'est assez incroyable d'entendre des choses comme ça. Si les travaux sont télévisés, c'est justement pour informer la population de ce que le gouvernement est en train de décider concernant les premières nations. On est là pour informer la population.
Si vous, dans votre for intérieur, trouvez que c'est inutile et qu'on embête les gens, vous avez le droit de le penser, mais le système n'est pas fait seulement pour vous, monsieur le président, il est fait pour la population en générale, et jusqu'à présent, on n'a eu que de bons échos. Justement, j'ai reçu des courriels dans mon bureau, et probablement que Pat Martin en a reçu aussi, sur le fait que, pour une fois, on informait la population sur les vrais enjeux concernant les premières nations, et non pas sur des enjeux futiles comme ceux qu'on peut trouver dans le projet de loi C-7. Alors, je suis estomaqué d'entendre que c'est nuisible à la population que de l'informer sur les véritables intentions du gouvernement concernant les premières nations. Je ne suis pas d'accord là-dessus.
On pourra en discuter tout à l'heure, mais j'ai bien l'intention de contester cette décision, d'autant plus que M. Hubbard, lorsqu'il a demandé lundi dernier que les travaux soient télévisés, n'a pas dit que c'était pour la semaine. Il a précisé que c'était pour l'ensemble des travaux, alors je suis un peu déçu.
¹ (1550)
[Traduction]
Le président: Pat Martin.
[Français]
M. Yvan Loubier: C'est M. Hubbard qui a proposé que les séances soient télévisées. On va retrouver la motion, on va sortir les « bleus ».
[Traduction]
Avez-vous suggéré que nous ayons des caméras de télévision?
Une voix: Oui.
M. Yvan Loubier: Oui, et M. Hubbard lui aussi, si je me rappelle bien, lundi dernier.
Le président: Quand nous y sommes allés dans ce local et que la séance était télévisée, c'était parce que M. Pat Martin en avait fait la demande. Mon bureau avait avisé le bureau de M. Martin qu'il pourrait effectuer un sondage auprès des membres et qu'on pourrait demander ce local et des caméras si les membres appuient l'initiative.
C'était une bonne suggestion. Nous l'avons fait pendant une semaine, jusqu'à 4 h 30 du matin. Maintenant, la séance a toujours lieu dans ce local, mais il n'y a plus de caméras.
[Français]
M. Yvan Loubier: Comment pourrait-on retrouver la caméra, monsieur le président? Est-ce en vous en faisant la demande et en espérant que le prince voudra bien acquiescer à la demande de ses sujets? Comment peut-on fonctionner?
[Traduction]
Le président: M. Martin avait fait cette demande pour une seule séance. J'ai laissé les caméras tourner pendant toute la semaine.
Nous en sommes maintenant à l'étude article par article. Vous êtes sur vos 10 minutes, et il y a 3 minutes et 25 secondes d'écoulées.
[Français]
M. Yvan Loubier: Oui, mais je vais prendre le temps qu'il faudra; ce sont mes minutes à moi. Si je vous demande que les travaux soient télévisés jusqu'à la fin de l'analyse article par article du projet de loi, allez-vous accueillir favorablement ma demande, puisque vous avez accueilli favorablement celle de M. Martin? Je pose la question et je fais la requête: nos séances peuvent-elles être télévisées tout le long des travaux concernant le projet de loi C-7 jusqu'à son adoption?
[Traduction]
Le président: Faites ce que M. Martin a fait—interrogez les membres. Si la majorité des membres du comité permanent est d'accord avec vous, je me plierai toujours aux souhaits du comité. Je suis président depuis longtemps, et le comité prend toujours ces décisions.
Mais on ne le fera pas maintenant. Après la séance, vous pourrez demander leur soutien à tous les membres.
[Français]
M. Yvan Loubier: Je suis un peu déçu, mais je ferai une demande formelle et j'essaierai d'obtenir les mêmes privilèges que ceux qu'a eus M. Martin pour la semaine dernière. Mais moi, j'avais compris que ce serait jusqu'à la fin des débats.
Mon amendement BQ-40 vise à enlever ce que nous avons toujours dénoncé depuis le début de l'analyse du projet de loi C-7, c'est-à-dire les pouvoirs du ministre de décider pour les premières nations de ce qui est bon pour elles. D'ailleurs, dans le libellé initial, on dit que:
Le ministre veille à l'établissement d'un recueil national dans lequel sont versés les codes et textes législatifs. |
Nous, nous avons dit depuis le début que le rôle du ministre, comme celui du gouvernement fédéral, est un rôle de fiduciaire, c'est-à-dire qu'il faut soutenir des initiatives qui viennent des premières nations, mais pas tenter d'imposer aux premières nations des choses comme l'établissement d'un recueil national dans lequel on aurait versé les codes et les textes législatifs et que le public pourrait consulter. Il y a tout un préalable à cela. D'ailleurs, les premières nations ont demandé au gouvernement fédéral, de façon très claire, des ressources additionnelles, justement pour permettre de concevoir ces codes-là.
Dans l'ordre actuel des choses, les ressources manquent chez les premières nations. Leurs ressources sont très limitées. D'ailleurs, elles ont tellement de besoins pour servir leurs communautés que c'est beaucoup leur demander que de vouloir qu'elles utilisent ces ressources pour concevoir des codes tels que ceux requis par le projet de loi C-7, qui ne serviront à rien parce que le prochain premier ministre n'appliquera pas ce projet de loi-là.
On demande aux premières nations d'utiliser des ressources humaines et financières pour faire des codes et des textes législatifs afin de répondre à un projet de loi dont elles ne veulent pas. C'est quand même une demande assez brutale. Mettez-vous à leur place: vous leur demandez de faire des codes et des textes législatifs, vous ne les épaulez pas comme on aurait été en droit de s'y attendre de la part du gouvernement central, vous ne prévoyez pas, dans le projet de loi, leur donner de ressources supplémentaires, et vous exigez toutes sortes de conditions qui, au bout du compte, n'amélioreront en rien, mais en rien, leur situation.
Je sais que vous n'êtes pas vraiment réceptifs à nos amendements. On dirait que tout ce qui vise à améliorer le projet de loi vous énerve et que vous avez simplement envie de dire avec allégresse, comme le fait le président depuis une semaine, « defeated », avec un sourire incroyable. Mon amendement vise justement à améliorer les choses avec la création d'un centre national de la gouvernance qui va aider les premières nations à définir elles-mêmes ces codes-là si elles le veulent et comme elles le veulent, toujours avec cette philosophie qui doit nous guider dans nos relations avec les premières nations.
Je relisais encore, cette fin de semaine, parce que le sujet m'intéresse au plus haut point, le rapport du Comité spécial sur l'autonomie politique des Indiens au Canada pour voir quelles en étaient la vision et l'approche. On y proposait justement que ce soit les premières nations, mais uniquement les premières nations, qui définissent leurs codes, leur législation, leurs structures de gouvernement, qui définissent aussi leur système démocratique en fonction de leur culture, de leur histoire, en fonction même, dans plusieurs communautés, de ce qui a déjà existé avant l'arrivée des Européens. Et la seule chose qu'on demandait, c'est que le gouvernement fédéral puisse, dans son rôle de fiduciaire, guider, en fournissant des ressources, l'élaboration de ces façons de faire du troisième ordre de gouvernement autochtone.
D'ailleurs, nous avons entendu des témoignages ici, à Ottawa, où on nous disait à quel endroit et comment certaines expériences américaines de reconstruction des premières nations avaient fonctionné. Ce ne sont pas des expériences où on a vraiment imposé des choses aux premières nations, ce sont des expériences où on les a épaulées, appuyées, aidées à réaliser leurs structures de gouvernance en fonction de leurs besoins, des besoins de leurs membres, de leur culture, de ce qui a déjà existé avant l'arrivée des Européens aussi. Je crois que ce centre national serait vu d'un meilleur oeil que le fait que le ministre veille à l'établissement d'un recueil national. Ce n'est pas le fait de mettre les règles et les codes de gouvernance dans un recueil national qui va changer quoi que ce soit. Ça, c'est après coup, une fois qu'on aura demandé aux premières nations de mettre des ressources considérables dans l'élaboration de codes dont elles ne veulent pas. Ce dont elles ont besoin, à l'heure actuelle, c'est d'être soutenues. Il y a certaines petites communautés, on peut en convenir--d'ailleurs, j'en ai discuté aujourd'hui avec une journaliste--, qui pourraient avoir besoin d'un coup de main encore plus grand que la majorité des premières nations. D'ailleurs, ce sont surtout ces petites communautés isolées qui, à un moment donné, peuvent avoir un problème de gouvernement. C'est pour cela qu'il faut les appuyer, pas leur imposer des choses, mais les appuyer. Mais on n'a pas besoin....
¹ (1555)
Le président: Merci, monsieur Loubier.
Monsieur Martin.
[Traduction]
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, monsieur le président.
Nous nous retrouvons au point où nous avions arrêté la semaine dernière. Certains d'entre nous avons ressenti un brin d'espoir et d'optimisme, croyant que le gouvernement change peut-être d'avis au sujet de ce projet de loi, que nos arguments au cours des quelque 95 heures de débat autour de la table du comité ont été écoutés et entendus, et que le gouvernement avait peut-être même revu certaines des nombreuses propositions soumises.
Le président: Monsieur Martin, si vous le permettez, le gouvernement fait peut-être cela, mais ceci n'est pas le gouvernement, et nous ne le saurons que lorsque nous remettrons le projet de loi à la Chambre. Nous ne sommes pas le gouvernement, alors qui sait? Ils sont peut-être en train d'y penser, mais envoyons-le pour le découvrir.
M. Pat Martin: Je le concède, mais je crois qu'il est clair que le ministre a un rôle très direct à jouer dans le cadre des activités de notre comité permanent, et il y a eu des exemples très directs d'ingérence du ministre et de son cabinet en ce qui concerne le rôle de notre comité, notamment la vigoureuse campagne de relations publiques qu'on mène actuellement partout au pays, assortie de lettres ouvertes aux comités de rédaction, etc.—une campagne qui, en réalité, tente de renforcer le soutien à l'égard de ce projet de loi, alors qu'au même instant le public découvre à quel point ce projet de loi est imparfait et fondamentalement inadmissible. La population du pays comprend de plus en plus que les activités de notre comité sont fondamentalement inacceptables, que le processus est aussi insultant que le contenu du projet de loi, et que nous prenons ces décisions sans consulter les gens dont l'existence sera touchée par ce projet de loi, ni les inviter à participer.
M. Loubier a proposé un amendement dans le cadre de nos efforts pour tenter d'atténuer certains des détails plus insultants ou les enjeux liés au projet de loi qui offensent le plus les Premières nations. Avec cet amendement, il fait de son mieux pour établir que la création d'un recueil central des codes de gouvernance devrait être considéré comme un centre d'excellence pour aider les Premières nations, si elles le veulent, à examiner les pratiques actuelles, à évaluer le type de développement qui a eu lieu au sein des Premières nations de partout au pays, et à miser sur ces pratiques exemplaires qu'on pourrait trouver dans d'autres régions du pays.
Nous voyons la différence entre la disposition actuelle du projet de loi et ce que M. Loubier recommande dans son amendement BQ-40. Nous ignorons qui a rédigé le projet de loi; nous n'avons certainement pas participé à sa rédaction, et les peuples des Premières nations non plus. Mais le projet de loi C-7 dit ce qui suit :
Le ministre veille à l'établissement d'un recueil national dans lequel sont versés les codes et textes législatifs, que le public peut consulter durant les heures normales de bureau. |
Le ministre peut faire ce qu'il veut, en vérité. Qu'est-ce que cela peut bien faire que le ministre décide d'établir une liste des codes qui sont élaborés dans tout le pays? Nous ne nous opposons pas particulièrement à cette idée. Le ministre a le droit de créer une telle liste. Une telle liste existerait, je suppose, du fait même que ces codes seraient soumis au ministère de toute façon. Et la mention des heures auxquelles on peut les consulter est si futile, j'avancerais qu'il n'y a pas lieu de mentionner cela dans un texte législatif. D'ailleurs, c'est le genre de détails qu'on arrête dans le règlement.
Mais les raisons qui justifieraient qu'on mentionne « durant les heures normales de bureau » dans ce projet loi me dépassent. À quel point voulons-nous être normatif ici? Devrions-nous préciser le type de papier sur lequel les codes doivent être imprimés, le type de tablette sur lequel on devrait les entreposer? Finalement, on tente de microgérer l'impact de ce projet de loi.
M. Loubier cherche à supprimer cela...
º (1600)
M. Yvan Loubier: C'est comme l'histoire des biscuits...
M. Pat Martin: C'est ce dont nous parlions plus tôt. Ils cherchent à nous microgérer au point de nous dire quel type de réunions devraient avoir lieu, où on devrait les tenir et à quelle fréquence, quel type de lait et de biscuits on devrait servir pendant la réunion, etc. Aussi bien pousser la chose jusqu'au ridicule. Jusqu'où peut aller notre paternalisme lorsqu'on tente de repousser les limites? Jusqu'où peut-on pousser le paternalisme dans un seul projet de loi? Il semble que ce soit l'objectif ici.
M. Loubier suggère qu'on prenne le noyau d'un concept et qu'on en fasse quelque chose d'utile. Il propose que le ministre prévoie l'établissement d'un centre national de gouvernance, d'un centre d'excellence où les gens peuvent présenter leurs pratiques exemplaires, les comparer, et en tirer des leçons et les analyser et les évaluer et s'en inspirer. Et les collectivités plus modestes, qui n'ont peut-être pas la capacité administrative nécessaire, pourraient emprunter des idées d'un centre d'excellence.
Cela existe partout au pays, dans de nombreux domaines et dans le cadre de nombreuses initiatives, qu'il s'agisse d'un centre d'excellence en matière de santé ou pour l'industrie—pour à peu près n'importe quoi.
Ainsi, selon moi, l'idée de créer un centre d'excellence pour la gouvernance est pleine de bon sens. Si nous sommes d'accord, ou si le gouvernement estime que les enjeux touchant la gouvernance des collectivités des Premières nations sont dignes d'attention, alors il serait logique de déployer des efforts et des ressources et de s'orienter vers l'établissement d'un centre de gouvernance qui aidera les bandes et les Premières nations à élaborer des codes de gouvernance.
C'est comme ça qu'il faudrait procéder. C'est le langage et le ton qui seraient acceptés d'emblée, car on offre de l'aide de bonne foi. Je crois que ce serait un bon investissement, franchement.
M. Hubbard, le secrétaire parlementaire, a mentionné que cela pourrait être considéré comme un facteur de coût et qu'il ne s'agirait donc pas d'un amendement approprié.
Eh bien, même si c'est un facteur de coût, j'avancerais que c'est un facteur de coût justifiable. Et ce serait un meilleur investissement que les 1,3 million de dollars que le gouvernement dépense sur une campagne de publicité pour promouvoir un projet de loi que personne ne veut. Ce serait un meilleur investissement que les 15 millions de dollars que le gouvernement a dépensés dans cette imposture qu'on qualifie de processus de consultation, alors que nous savons tous qu'il n'en est rien.
Je peux appuyer cela. Monsieur le président, je vois l'intérêt de cet amendement.
Alors, selon la proposition de M. Loubier, le ministre veillerait à l'établissement d'un, et je cite :
centre national de la gouvernance qui aidera les bandes ou les Premières nations à développer des codes portant sur la gouvernance. |
Maintenant, si notre réunion était télévisée, je crois que cette idée serait largement acceptée partout au pays. Puisqu'on a mentionné mon nom lorsque M. Loubier a soulevé la question de la télédiffusion de la réunion, j'ai proposé et recommandé que les réunions de notre comité soient télévisées et diffusées. Je crois que nous avons eu tort de prendre part à cet exercice sans la participation ni même la pleine connaissance des collectivités des Premières nations de partout au pays.
Si on diffusait les réunions sur CPAC, les gens dont la vie sera touchée par ce projet de loi pourraient au moins écouter et formuler des commentaires, ou peut-être des directives, par l'entremise de leurs dirigeants, afin que les messages nous parviennent.
Monsieur le président, je critique le fait que vous ayez décidé, de façon arbitraire et unilatérale, de mettre fin à la partie télévisée de ces réunions, car nous recevons des commentaires de collectivités aussi éloignées que le nord du Manitoba.
Je ne sais pas si M. Loubier a reçu des commentaires de petites collectivités au Québec. Nous recevons des conseils de collectivités éloignées et isolées qui font de leur mieux pour suivre ce processus avec beaucoup d'intérêt.
On refuse l'accès au comté. Cela devient une question de justice naturelle.
Les gens n'avaient pas accès au comité pendant le processus de consultation. Ils ne jouissaient même pas d'un accès valable pendant la tournée de notre comité, quand nous avons fait le tour du pays, car, de toute évidence, aucune de leurs propositions n'a été écoutée ou enchâssée dans le produit final. Et maintenant, nous limitons encore plus cet accès en éteignant le téléviseur. Ainsi, nous sommes maintenant dans un local assez grand pour accueillir des invités et des témoins, mais nous ne télédiffusons pas les réunions.
Je ne suggérerais qu'une seule amélioration à l'amendement de M. Loubier. Je crois que l'idée d'un centre national de gouvernance est bonne, mais je ne suis pas certain qu'elle soit pratique.
º (1605)
Je proposerais un sous-amendement qui changerait le libellé de la façon suivante :
établissement de centres régionaux de la gouvernance qui aideront les bandes et les Premières nations à développer des codes portant sur la gouvernance conformes à la culture, à leurs traditions, à leurs traités et à leurs droits inhérents. |
Puisqu'il s'agit d'un amendement favorable, je suggère qu'on modifie ce projet de loi. J'ai couché le sous-amendement sur papier pour les membres du comité, et je serai heureux de le signer.
Le président: Monsieur Martin, concernant votre sous-amendement.
M. Pat Martin: Je suis heureux. J'ai l'impression que ce sous-amendement suscite déjà un certain enthousiasme. J'espère qu'il jouira d'un appui étendu lorsque nous l'examinerons. Je ne suggère ceci que pour améliorer un amendement déjà valable et pour renforcer la notion introduite par M. Loubier, et je suis vivement intéressé par l'établissement d'un centre de la gouvernance. J'aimerais même formuler des hypothèses sur ce que cela pourrait vouloir dire.
Il arrive souvent, lorsqu'on crée un établissement comme cela, qu'on invite des conférenciers et des sommités en matière de gouvernance à prononcer des discours, ou même à devenir président d'honneur du conseil d'administration, par exemple, pour un an. Parmi les personnes que ces centres régionaux de la gouvernance pourraient inviter, je suggérerais une personne comme Derek Lee, député qui a participé aux séances du comité et qui fait autorité dans le domaine de la gouvernance; il a même écrit des livres sur le sujet de la gouvernance dans diverses cultures, dans divers contextes, par exemple, dans le Bloc oriental, où l'on crée ce que nous considérons comme des démocraties multipartites, etc.
Les enjeux touchant la gouvernance dans les pays en développement du tiers monde suscitent beaucoup d'intérêt et ont mené à de nombreuses recherches. Lorsqu'on examine la fourniture d'aide à des pays africains, par exemple, on découvre que l'aide s'assortit souvent de l'obligation du pays bénéficiaire de revoir ses structures de gouvernance afin d'introduire des démocraties multipartites, etc. Alors, on a fait beaucoup de travail sur ces enjeux. C'est beaucoup d'expertise. Je crois que ce serait le prolongement naturel de notre réflexion d'aujourd'hui.
Si on devait créer de tels établissements et instituts, nous pourrions imaginer un endroit suscitant un si vif intérêt que des étudiants universitaires de partout au pays voudraient se rendre dans ces centres de gouvernance. Des personnes dont les études supérieures portent sur la gouvernance pourraient être extrêmement intéressées à visiter un centre d'excellence au Canada qui concrétiserait les expériences et les efforts des collectivités des Premières nations pour incorporer toutes les valeurs et tous les principes dont parle notre comité à des codes de gouvernance.
Vous serez peut-être intéressés à nouer des liens avec les gens qui étudient ces enjeux à l'Université de l'Arizona. Il s'agissait de Stephen Cornell, qui a témoigné devant notre comité à titre d'expert, bien sûr, des collectivités autochtones nord-américaines et des structures de gouvernance de ces collectivités. C'est lui qui a signalé au comité, ainsi qu'à l'occasion d'autres rencontres avec des agents ministériels, qu'il croyait que les modèles efficaces de développement économique dépendent de la bonne gouvernance et de la gouvernance autonome, et y sont inexorablement liés. Il y a un lien direct et indéniable entre le succès des modèles de développement économique et l'établissement de codes de pratique indépendants et autonomes dans les collectivités.
Je crois que ce serait excitant si le Canada était à l'avant-garde en ce qui concerne cette idée progressiste. Compte tenu de nos antécédents honteux en ce qui concerne nos relations avec les peuples des Premières nations, pourquoi le Canada ne pourrait-il pas être perçu... Je crois que cela serait perçu comme un geste de bonne volonté si, de fait, on intégrait une telle initiative au processus de guérison qui doit nécessairement découler de notre reconnaissance des pratiques honteuses du passé afin d'établir des institutions de gouvernance—à mon avis, des centres régionaux de la gouvernance—pour aider les bandes et les Premières nations à élaborer des codes de gouvernance conformes à leur culture, à leurs traditions, à leurs traités et à leurs droits inhérents.
Je ne connais aucune autre institution dans le monde qui pourrait servir de source pour ce type d'étude sur la gouvernance. De plus, l'initiative s'assortirait d'une composante très réelle et pratique, car les Premières nations qui souhaitent consulter cet ensemble de connaissances pourraient le faire à un seul endroit, en consultant une seule source.
º (1610)
Je crois que c'est une possibilité enthousiasmante, monsieur le président. Il s'agit en quelque sorte d'un boni à notre étude du projet de loi, car la majeure partie du processus n'a été qu'agonie. Je crois que tout le monde conviendra que l'exercice s'est révélé douloureux en ce qui concerne l'examen d'un grand nombre de dispositions. Mais la disposition qui nous intéresse, dans sa forme modifiée, pourrait donner de l'espoir, pourrait nous laisser espérer que l'attitude de notre nation évolue envers une démarche plus progressiste et positive, au lieu de la négativité, de l'acrimonie et de l'hostilité qui, avouons-le, ce sont manifestées autour de cette table dans le cadre de nos efforts liés à ce projet de loi.
Ainsi, à l'opposé de ce qu'on ne peut décrire que comme une expérience frustrante jusqu'à maintenant, nous nous retrouvons, au début d'une nouvelle semaine, frais et dispos, devant une disposition qui pourrait favoriser l'optimisme des collectivités, de nous-même ou, qui sait, même les personnes les plus blasées à cette table—et il y a des gens, je sais, qui sont terriblement frustrés et blasés devant leur propre échec pour ce qui est de réagir aux nombreux enjeux pressants des Premières nations.
Je sais que de nombreuses personnes autour de la table ressentent un poids énorme sur leurs épaules, car ils ont omis d'accepter le défi d'aborder les problèmes sociaux urgents des collectivités des Premières nations, et nombre des personnes installées à cette table reconnaissent dans leur coeur l'occasion perdue, l'échec intentionnel, la réticence intentionnelle à faire quoi que ce soit de constructif et de positif, choisissant plutôt de s'attarder à des questions qui exacerbent les problèmes et aggravent d'autant plus les problèmes qui existent dans les collectivités des Premières nations.
Ainsi, dans un esprit de bonne volonté, au début d'une nouvelle semaine, M. Loubier et moi-même offrons une suggestion très constructive, un amendement qui ne peut être perçu que comme une initiative très positive, et il atténue peut-être ce sentiment de négativité que nous entretenons à l'égard de pratiquement toutes les autres dispositions du projet de loi.
J'ai remarqué l'acceptation générale de cette disposition lorsqu'on l'a lue la première fois. J'aimerais entendre ce que les membres des autres parties ont à dire sur cette idée. Mais je ne crois pas qu'il soit indiqué de préciser dans le projet de loi ce que le ministre doit ou ne doit pas faire en ce qui concerne l'établissement d'un recueil des codes et des lois. Je n'ai que faire des heures de la journée où ce recueil pourra être consulté par le public. Je crois que cette information est superflue, par comparaison aux choses dont nous parlons, et qu'elle n'a pas sa place. Nous devrions ressentir de l'optimisme et de l'espoir devant le fait que nous pouvons remplacer cette information inutile par des éléments plutôt constructifs et positifs.
Alors, si nous croyons qu'il est indiqué de mandater l'établissement de ces centres régionaux de la gouvernance, cela pourrait, de fait, libérer le gouvernement de l'impression selon laquelle il doit imposer des codes de gouvernance, croyant que les Premières nations n'ont peut-être pas la capacité de le faire eux-mêmes. Eh bien, cet amendement donnerait aux collectivités l'outil dont elles ont besoin.
Je crois que c'est inacceptable, et que le gouvernement fait preuve d'arrogance en supposant que les codes de gouvernance n'existent pas au sein des collectivités des Premières nations tant que le gouvernement fédéral ne les applique pas. Mais si le gouvernement s'embourbe dans cet esprit, si c'est l'attitude négative qu'il adopte, il pourrait au moins offrir son aide sur cette question. Il pourrait offrir un outil utile, un instrument utile, que les collectivités des Premières nations pourraient utiliser.
º (1615)
Imaginez la délégation d'une collectivité qui, dans le cadre du réexamen de son propre processus électoral, aurait la possibilité de se rendre à un tel centre et d'étudier le bagage de connaissances actuelle dans le domaine, d'examiner les pratiques exemplaires de partout au pays, qui seraient regroupées dans une bibliothèque liée à un tel centre de la gouvernance, et d'avoir la possibilité de parler à des universitaires et à des professionnels, agissant peut-être à titre de conférencier invité, qui pourraient orienter et soutenir les collectivités qui revoient leur propre expérience et déterminent s'ils sont intéressés à adopter certaines des normes nationales qui pourraient être élaborées.
Le président: Merci, monsieur Martin.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.
C'est là qu'on reconnaît la grande sagesse de mon collègue et ami Pat Martin. Il a enrichi mon amendement comme je ne m'y attendais pas. C'est vrai qu'en tenant compte des différences régionales--et son sous-amendement le dit--, il est important d'avoir plusieurs petits centres de gouvernance disséminés un peu partout sur le territoire. C'est un grand territoire et, pour rejoindre toutes les communautés, il devient extrêmement important de prendre en considération le facteur régional. J'aurais dû y penser moi-même. Je suis un peu déçu de ne pas l'avoir fait. C'est une idée géniale que vous avez là. Moi qui suis sensible à toute la question des régions et des populations à faible densité, j'aurais dû y penser. Je m'en veux encore de ne pas y avoir pensé.
L'autre aspect de votre sous-amendement est aussi fort intéressant. Nous n'arrêtons pas, depuis le début de ce débat sur le projet de loi C-7, de dire qu'il faut reconnaître ce que sont les premières nations. Il faut reconnaître qu'elles ont des cultures différentes, des traditions, qu'il existe des traités que nous nous devons aussi de respecter. Ils existent depuis des temps immémoriaux, et les premières nations ont surtout un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. C'est un droit que personne ne peut leur enlever puisqu'il leur est donné par le Créateur.
Alors, ceux et celles qui prétendent définir ici, autour de la table, ce qu'est le droit inhérent et de donner seulement de petites parcelles de pouvoirs ou de droits dans un projet de loi sont dans l'erreur. Il est évident que vous êtes dans l'erreur. Non seulement ce droit inhérent à l'autonomie gouvernementale est-il reconnu par la Constitution canadienne, mais il l'est aussi par la Charte des droits et libertés et par l'Organisation des Nations Unies, qui reconnaît ce droit inaliénable et indéformable des premières nations.
On ne peut pas, avec la conception que nous avons et que nous nous faisons de l'autonomie gouvernementale des autochtones, définir ce que nous pensons que devrait être la gouvernance. On ne le peut pas du tout. De quel droit faisons-nous cela? Quelle prétention avons-nous de redéfinir ce qui a été donné depuis toujours aux premières nations et que nous leur avons enlevé pendant 130 ans en vertu de la Loi sur les Indiens?
On n'est pas là pour leur donner quoi que ce soit. On est là pour, premièrement, reconnaître que les premières nations ont ces droits à s'autodéterminer. Deuxièmement, on est là pour les accompagner. Troisièmement, pour les accompagner correctement. Il faut que ce soit elles-mêmes qui puissent définir ces codes selon leur culture, leur histoire, leurs traditions et aussi selon ce qu'elles sont, c'est-à-dire de véritables nations. C'est à elles de définir ces codes de gouvernance.
Alors, je trouve que le sous-amendement de Pat Martin est fort intéressant à cet égard. Non seulement on se dote d'un outil formidable, qui est un centre national de la gouvernance pour soutenir les premières nations, mais de plus, M. Martin a proposé de transformer ce centre national en plusieurs petits centres un peu partout sur le territoire, pour justement pouvoir rejoindre les communautés, pour éviter le geste que l'on fait trop souvent, c'est-à-dire celui de centraliser en oubliant que la principale clientèle est disséminée sur un vaste territoire comme le territoire canadien.
J'entends de la musique. Je crois qu'il y a un party des libéraux ce soir. C'est un party des libéraux.
Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
º (1620)
M. Yvan Loubier: Je commence à comprendre pourquoi, avec des amendements et des sous-amendements aussi formidables, le gouvernement a décidé de ne plus téléviser les débats ici. De plus en plus la population commençait à comprendre ce que le gouvernement était en train de faire et elle condamnait cela.
J'ai eu des appels téléphoniques de gens qui avaient écouté les débats et qui ont condamné fortement l'attitude de certains représentants libéraux, une attitude qu'ils ont jugée irresponsable et provocatrice face aux premières nations. Par contre, j'ai eu beaucoup de félicitations pour les interventions faites par M. Martin, M. Vellacott ainsi que celles que j'ai faites. Ce sont des interventions qui aident à la bonne compréhension du projet de loi C-7, mais surtout à la compréhension de là où nous sommes rendus dans l'histoire au chapitre de nos relations avec les premières nations.
Il n'y avait pas beaucoup de gens dans la population--maintenant il y en a beaucoup plus--qui savaient ce qu'était le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Très peu savaient à quoi nous conviait cette commission royale. Il y avait très peu de gens qui connaissaient l'existence de ce fabuleux rapport du Comité spécial sur l'autonomie politique des Indiens au Canada.
Personne ne savait qu'il y avait eu un tel rapport, qui a été déposé en 1983. Les membres étaient constitués à parts égales de représentants autochtones et de représentants non autochtones. Ils ont pondu ce rapport sous la direction de l'honorable Warren Allmand, un libéral. Ce rapport était comme une espèce d'amorce de réflexion sur l'autonomie politique des premières nations.
Cette amorce a conduit à une espèce d'extension avec la Commission royale sur les peuples autochtones, dont le rapport a été rendu public en 1997. À peu près personne n'avait entendu parler de ces conclusions. Vous savez, on pense ici qu'à partir de ce que nous faisons, des discours que nous prononçons ou des projets de loi que nous analysons, la population sait ce qui se passe. En réalité, pour savoir ce qui se passe, il faut qu'on lui explique et aussi qu'on télévise ces débats. Maintenant qu'on a enlevé le droit à la télévision, il y a une question qui me revenait tout à l'heure et j'ai oublié de la poser, mais je vais me la poser publiquement, même si cela va rester entre nous.
On voit comment la situation est quand même assez drôle, dans un certain sens. On est en train d'analyser un projet de loi sur la transparence et sur l'imputabilité des décisions des premières nations. En gros, il y a une partie du projet de loi qui touche à cela. Or, on est dans un comité où on vient de refuser la transparence. En refusant de poursuivre la télédiffusion de ces travaux, c'est comme si on disait qu'on va faire cela en vase clos. Lorsqu'on télévise nos travaux, la population commence à réagir et à dire que ce qu'on est en train de faire n'a pas de sens. Comme la population en général n'aime pas la chicane, lorsqu'ils voient les tensions qu'on est en train d'attiser avec les premières nations, les gens disent qu'ils ne s'embarquent pas là-dedans, que cela ne fonctionne pas.
Cela prend un débat transparent. Or, on vient de nous enlever la transparence et on veut l'imposer, par l'entremise du projet de loi C-7, à toutes les premières nations parce qu'on dit qu'elles manquent supposément toutes de transparence. L'imputabilité des décisions est aussi un autre aspect important du projet de loi C-7. Il faut rendre les conseils de bande imputables de leurs décisions.
Or, ici, on prend des décisions et le gouvernement fédéral prend des décisions. Toutefois, il ne veut pas être imputable devant la population puisqu'il ne télévise pas les débats. Vous voyez l'espèce de situation vaudevillesque. C'est une situation qui, à un moment donné, est digne des meilleurs romans de type kafkaïen.
Revenons au fabuleux sous-amendement de mon ami M. Martin. On essaie depuis le début--mais c'est un bon exercice de rédaction--de résumer dans nos amendements et sous-amendements l'espèce de vision que nous devrions tous partager ici, autour de la table, parce que c'est là où nous sommes rendus dans ce pays. C'est une vision qui commande que nous soyons respectueux. Je dis bien respectueux. C'est une vision qui commande qu'on mette au diapason de nos relations avec les premières nations toute la question de la dignité retrouvée. Je dis bien la dignité.
º (1625)
On doit reconnaître que les premières nations ont des droits, que ces droits sont inaliénables et que nous devons travailler en respectant ces droits liés à l'autonomie gouvernementale. Ce sont des droits inhérents ou liés aux traités qui datent de temps immémoriaux.
Or, on aurait aimé poursuivre l'éducation de la population, avec la présence de la télévision. Je me suis aperçu, en particulier la semaine dernière, que la question du projet de loi C-7 n'avait pas vraiment percé dans les médias québécois. Toutefois, en fin de semaine, dans les médias québécois, deux bonnes choses sont arrivées. Il y a eu, à la télévision de Radio-Canada, l'émission de M. L'Heureux, à 5 h 30 le matin. On y a fait un bon reportage d'à peu près 8 à 10 minutes sur ce qu'était le projet de loi C-7 et sur le fait que Pat Martin et moi-même avions été honorés de la plume d'aigle. C'est un privilège que nous chérissons.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Loubier.
Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
Je tiens à signaler que je suis déçu que vous n'ayez pas rejeté l'amendement du Bloc parce qu'il qu'il empiète sur la prérogative royale de dépenser de l'argent pour créer une institution.
Deuxièmement, monsieur le président, en ce qui concerne le sous-amendement, je suis très déçu par le fait que vous êtes allé même jusqu'à en permettre le dépôt, et le fait que l'amendement demande l'établissement de centres régionaux de la gouvernance qui, selon moi--et je suis certain que votre adjoint législatif me contredira peut-être encore de nouveau. Il est décevant de constater qu'il ne reconnaît pas que cela s'inscrit dans la prérogative royale du ministre et du gouvernement du Canada.
Nous discutons en long et en large d'un amendement et d'un sous-amendement, et, à titre de secrétaire parlementaire, j'estime que ni l'un ni l'autre ne s'inscrit dans le mandat de notre comité.
Merci, monsieur le président.
º (1630)
Le président: Quelqu'un d'autre?
Madame Neville.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Monsieur le président, j'aimerais brièvement déclarer que je suis d'accord avec le secrétaire parlementaire : je crois que ce n'est ni le moment ni l'endroit pour aborder la question d'un centre de la gouvernance des Premières nations. J'ai une certaine ouverture à l'idée, mais je crois que ce n'est ni le moment ni l'endroit pour aborder une question qui supposerait peut-être d'importantes dépenses.
Le président: Merci.
Monsieur Martin, avec le mot de la fin.
M. Pat Martin: Monsieur le président, je n'accepte pas les arguments des deux députés libéraux concernant l'argent. Nous ignorons si l'établissement de ces centres régionaux de la gouvernance coûteraient plus cher que les mesures déjà prévues dans le projet de loi, où « le ministre veille à l'établissement ». Nous avons seulement changé les détails concernant ce que le ministre établira.
Nous savons que le budget de ce projet de loi est de 550 millions de dollars sur cinq ans, chiffres que nous considérons comme atroces et qui... Même si tout l'argent était dépensé, nous doutons que la dépense de ces 550 millions de dollars donnera des résultats à long terme. Alors je crois qu'il est très mesquin et avare de la part du secrétaire parlementaire de vouloir refuser qu'on prenne dix minutes ou d'avancer que c'est une perte de temps de prendre dix minutes pour examiner l'idée d'établir des centres d'excellence pour la gouvernance.
De plus, il est désolant de voir qu'il s'objecterait à ce qu'on dépense la somme relativement modeste que suppose l'établissement de ces centres d'excellence, alors que le gouvernement envisage de dépenser 550 millions de dollars sur un projet de loi dont personne ne veut, et que les gens, d'un bout à l'autre du pays, rejettent unaniment en faisant valoir qu'il va à l'encontre de leurs souhaits. Le projet de loi n'est pas simplement dénué d'intérêt pour eux : il va complètement à l'encontre des souhaits qu'ils ont exprimés très clairement à titre de témoins devant le comité.
Si quelqu'un devrait avoir le droit de contester, ce serait les peuples des Premières nations de partout au pays, qui ont le droit de contester l'absence de vision exprimée par les membres du comité qui n'ont même pas le coeur de débattre d'une disposition raisonnable qui, de fait, pourrait procurer des avantages à long terme aux peuples des Premières nations. Mais ils sont disposés à dépenser beaucoup de temps et d'efforts pour imposer ce projet de loi à des gens qui ont clairement dit qu'ils n'en voulaient pas, qu'ils ne l'aimaient pas. Ces gens l'ont lu, le comprennent et le rejettent, sans aucune ambiguïté.
Pour ce qui est de la perte de temps, j'avancerais que c'est l'intransigeance du gouvernement et son refus d'envisager des amendements raisonnables proposés par des centaines et des centaines de témoins qui se sont présentés de bonne foi devant le comité, qui ont lancé un appel au gouvernement, qui ont humblement approché le gouvernement...
Monsieur le président, j'éprouve beaucoup de difficulté à garder le fil de ma pensée, en raison de la musique et du bruit qu'on entend dans le local. Je proteste.
Le président: Monsieur Martin, je suis d'accord avec vous. Je demanderai que cette porte soit verrouillée. Pourriez-vous verrouiller cette porte, s'il vous plaît? Cela nous aidera un peu. Je veux dire verrouiller à clé. Nous avons trois autres sorties, alors je crois que la situation est sécuritaire.
Veuillez poursuivre, monsieur Martin.
M. Yvan Loubier: Que ferons-nous en cas d'incendie?
M. Pat Martin: M. Loubier se demande dans quelle direction il doit courir en cas d'incendie. Il pourrait y avoir combustion spontanée ou quelque chose comme ça.
M. Yvan Loubier: Il n'y a pas de fumée sans feu.
M. Pat Martin: Cela m'intéresse de constater que certains, au cours de la fin de semaine, se sont occupés à des activités constructives en préparant leurs arguments concernant ces amendements, et que d'autres visent plutôt des fins destructrices.
Je fais allusion, monsieur le président, au lobbying. Les adjoints du ministre ont dû être très occupés au cours de la fin de semaine, à tenter d'influencer les journalistes et les comités de rédaction de partout au pays, et à diffuser des messages qu'on ne peut qualifier que d'incendiaires, comme cette citation du ministre :
Lorsqu'on évalue l'opposition au projet de loi, il faut prendre soin de ne pas mesurer la relation d'Ottawa avec les Premières nations en fonction de sa relation avec le grand chef Coon Come. J'estime que la position des dirigeants de l'APN ne correspond pas à celle des gens qu'elle prétend représenter. |
Plus loin, il affirme ce qui suit :
De nombreuses personnes des Premières nations ont trop peur de manifester leur appui à l'égard du projet de loi, car elles craignent des représailles. |
Je suis certain que le ministre sait à quel point ces commentaires sont insultants pour les collectivités des Premières nations et les dirigeants démocratiquement élus des peuples des Premières nations, qui font leur travail et représentent le point de vue du peuple en contestant ce projet de loi, et qui voient le ministre formuler partout au pays des déclarations publiques qui aggravent les problèmes liés au projet de loi.
Monsieur le président, certaines personnes ont affirmé clairement leur opinion selon laquelle ce projet de loi cherche à miner et à violer des droits constitutionnellement reconnus. Il est intéressant de constater l'existence d'une tendance liée à ce but.
J'ai en ma possession un document de travail ministériel rédigé par un ex-sous-ministre aux Affaires indiennes. Il s'agit d'une série de diapositives destinée au comité du Cabinet concernant la planification et les priorités, où l'on dresse la liste des droits perdus par les peuples autochtones—autrement dit, on fait état des progrès réalisés en ce qui concerne la réduction des droits des peuples autochtones et la cause de cette réduction. Sous la rubrique culture, il déclare que le droit d'exercer ses coutumes est limité ou interdit, et il ajoute que la Loi sur les Indiens en est la cause; il ajoute que le droit de préserver la culture indienne est minée par les lois sur les Indiens, avant et après la Confédération, ajoutant que la loi ne reconnaît pas la diversité culturelle des Indiens, pourtant reconnue par l'article 27 de la charte concernant le multiculturalisme, ainsi que l'article 35. Il a raison.
Dans la section portant sur l'appartenance, l'entrée en matière se lit comme suit :
Les Indiens et les communautés indiennes ont toujours exercé un vaste éventail de droits, qualifiés de droits autochtones ou de droits issus de traités. Aujourd'hui, ces droits traditionnels ont été énormément réduits. La liste suivante énumère ces droits et fournit la raison directe de l'érosion de ces droits. |
Toujours dans la section qui porte sur l'appartenance, on peut lire ce qui suit :
Le droit de déterminer qui appartient à la communauté indienne est refusé par la Loi sur les Indiens. Le droit collectif d'établir les droits individuels des membres est miné par la disposition de la Loi sur les Indiens liée au certificat de possession. Le droit d'être un Indien peut être refusé en vertu de la disposition de la Loi sur les Indiens qui porte sur la discrimination sexuelle et l'émancipation. |
Dans la section portant sur l'autonomie gouvernementale—celle-ci est particulièrement à propos—, le sous-ministre aux Affaires indiennes, expliquant au cabinet quels droits sont minés par les dispositions relatives à l'autonomie gouvernementale, dit ce qui suit :
(1) Le droit aux formes traditionnelles de gouvernement est éliminé par la Loi sur les Indiens; (2) Le droit de déterminer qui fait partie d'une communauté indienne est établi par la Loi sur les Indiens, le ministre ou le gouverneur en conseil; (3) Le droit de prendre des décisions et de gérer des affaires est éliminé ou limité par la Loi sur les Indiens; (4) Les droits accordés à une personne physique sont refusés aux communautés indiennes par la Loi sur les Indiens; (5) Le droit d'une communauté indienne d'exercer ses pouvoirs traditionnels est refusé par la Loi sur les Indiens. |
Je vous rappelle qu'il s'agit d'un exposé présenté au Cabinet par un ancien sous-ministre aux Affaires indiennes. Je suis toujours disposé à montrer le document à quiconque a raison de douter de son authenticité.
Sous la rubrique citoyenneté :
Le droit de voter aux élections fédérales n'a pas été accordé avant 1961, et les provinces ont accordé le droit de vote par la suite. Le droit traditionnel de traverser les frontières est limité par la non-reconnaissance du traité Jay. |
Concernant le territoire :
Le droit de gérer et de contrôler les terres de réserves est limité ou éliminé par l'article 18 de la Loi sur les Indiens. Le droit à l'utilisation traditionnelle de l'assise territoriale a été réduit par les cessions, les traités et les règlements en matière de revendications territoriales. Le droit d'utiliser l'assise territoriale traditionnelle a été éliminé par les traités et les règlements de revendications globales. |
º (1635)
Dans la section portant sur l'administration de la justice et le droit coutumier, le sous-ministre énonce les droits qui ont disparu : le droit aux formes traditionnelles de justice tribale interdites par les lois fédérales, y compris l'article 88 de la Loi sur les Indiens; le droit de mettre au point et d'appliquer le droit coutumier, miné par les lois d'application générale du Canada, comme l'adoption; le droit d'appliquer les lois du Canada déterminées par le gouvernement fédéral, c'est-à-dire les services policiers.
En ce qui concerne les ressources non renouvelables—c'est sous cette rubrique que nous avons parlé des entreprises de gravier au moment d'examiner un si grand nombre de dispositions de ce projet de loi—, le sous-ministre dit ce qui suit :
Le droit de contrôler, d'utiliser et de tirer avantage des réserves de minéraux, de pétrole et de gaz établi en vertu de la Loi sur les Indiens, d'ententes fédérales-provinciales et de la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes. |
C'est à ce point-ci, monsieur le président, que je voulais signaler qu'en vertu des dispositions relatives au pétrole et au gaz...j'aimerais vous expliquer ce que cela veut vraiment dire lorsqu'on parle de contrôle des ressources naturelles, des terres et des ressources.
º (1640)
Le président: Merci beaucoup.
M. Pat Martin: Je le ferai peut-être la prochaine fois.
Le président: Nous passons directement à un vote par appel nominal sur le sous-amendement à l'amendement BQ-40 de la page 189.
(Le sous-amendement est rejeté à 9 voix contre 2)
Le président: Concernant l'amendement, monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.
Je trouve dommage qu'on ait rejeté un amendement aussi parfait. Il correspondait à ce que veulent les premières nations; lorsqu'on a effectué notre tournée, on a entendu les premières nations, on a pu également lire les mémoires que les premières nations ont pris du temps à rédiger afin de les présenter et de répondre aux besoins de ce comité. C'est un peu dommage parce que la question régionale relative aux outils de soutien pour les communautés des premières nations afin de les aider à se redéfinir, à se reconstruire elles-mêmes, faisait partie des suggestions qui étaient faites.
Il en va de même lorsqu'on parle d'avoir plusieurs centres régionaux de gouvernance pour leur venir en aide. Cela aussi correspondait à un besoin de rejoindre les communautés là où elles sont, c'est-à-dire sur leur territoire, tout en ayant le souci de les soutenir, comme je le mentionnais.
J'aimerais revenir à mon amendement; on parle de la création d'un centre de gouvernance qui aidera les bandes ou les premières nations à développer des codes portant sur la gouvernance. C'est bien entendu une suggestion que je fais à partir de mots que j'ai choisis moi-même, mais des témoignages nous ont appris que plusieurs personnes, même en dehors des premières nations, partageaient cette préoccupation. Cela ferait en sorte que le ministre ou le ministère des Affaires indiennes ne puisse pas inféoder les premières nations, et lorsqu'à l'article 30 on parle des pouvoirs du ministre des Affaires indiennes, on heurte la conception qu'on doit avoir des relations avec les premières nations.
Je me rappelle fort bien que M. Bradford Morse, professeur à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa, disait ceci, et je le cite:
L'exigence: que chaque Première nation maintienne un recueil de ses propres codes et lois est visiblement nécessaire tout comme la nécessité d'avoir un recueil national. Cependant,... |
Il fait là une nuance.
...on rate ici une occasion, étant donné que le paragraphe 30(2) devrait être modifié afin que le recueil national soit une institution indépendante du gouvernement et relevant du Parlement... |
Il parle même de la création d'une commission consultative afin d'aider les premières nations, commission qui serait à peu près fidèle aux commissions consultatives qu'on a connues dans le domaine de la fiscalité indienne il y a plus de 10 ans.
C'est la même chose à propos des Algonquins de Pikwakanagan. Au cours de notre séance no 19, ils ont été clairs. Ils ont présenté un mémoire à cet égard dans lequel ils disaient:
...le projet de loi C-7 confère de nouveaux pouvoirs au Ministre autorisant celui-ci à superviser un registre national des lois des Premières Nations. |
Je continue de citer les Algonquins de Pikwakanagan:
Le gouvernement du Canada a jusqu'à présent géré de façon déplorable les registres... |
Ils ajoutent que cette option ne devrait pas être retenue. C'est pour cela que nous enlevons la référence à la première version, dans laquelle on disait: « Le ministre veille à l'établissement d'un recueil national... »; il n'a pas à veiller à quoi que ce soit, ce ministre. D'ailleurs, dans leur mémoire, les Algonquins de Pikwakanagan disent qu'en matière de tenue de registre pour les autochtones, le gouvernement fédéral n'a pas une très bonne réputation. Alors, ce ne serait pas une bonne idée que le ministre des Affaires indiennes veille à l'établissement d'un recueil national dans lequel sont versés les codes et textes législatifs.
Par contre, la création d'un centre national pour soutenir la gouvernance réfère aussi à ce que nous avons entendu ici même à Ottawa au cours des premiers témoignages. M. Cornell, professeur à l'Université d'Arizona, qui est une sommité dans ce domaine, nous disait qu'il fallait regarder ce qui avait marché. Ce qui a marché, ce sont des expériences dans lesquelles nous étions pour offrir notre appui pour la construction de leurs propres institutions, pas pour dire aux premières nations ce qu'elles devaient faire.
º (1645)
Je crois qu'un tel centre de gouvernance ayant pour but d'aider les premières nations à développer des codes portant sur la gouvernance, des codes faits à partir de leur propre conception de ce que devrait être un code de gouvernance, ou la sacralisation de ce que sont, à l'heure actuelle, leurs codes de gouvernance, c'est plus positif, c'est plus constructif et ça ne crée pas les tensions qu'on peut observer à l'heure actuelle entre le gouvernement fédéral et les premières nations.
Si vous n'êtes pas capables d'écouter les députés de l'opposition, vous devriez écouter les gens de votre parti, entre autres Warren Allmand. Lorsque nous avons tenu des rencontres à Montréal, il était là. À trois occasions, j'ai lu ce qu'il avait à dire dans des journaux. Il dit qu'il est en désaccord total sur le projet de loi C-7. À Montréal, il disait que le gouvernement fédéral fait fausse route avec un projet de loi comme celui-là. Il n'a pas toujours été de cet avis et d'ailleurs, il est assez honnête pour le dire.
On évolue dans certains dossiers, et vive l'évolution! L'évolution, ce n'est pas donné à tout le monde; il y a des gens qui restent avec leurs premières idées et qui mourront avec. Ainsi va la vie. Ma mère me disait qu'il y a seulement les fous qui ne changent pas d'idée. Warren Allmand disait vrai lorsqu'il a dit, à Montréal, qu'il n'a pas toujours eu cette idée-là, mais qu'aujourd'hui, quand il regarde le projet de loi C-7 et ce que le gouvernement fédéral est en train de faire avec l'imbrication des projets de loi C-6 et C-19, il se dit qu'on est rendus plus loin que cela au Canada.
D'ailleurs, M. Allmand a déjà été impliqué de très près dans le dossier des affaires indiennes. Alors, quand quelqu'un de votre gang, de votre groupe, de votre conseil de bande, si vous voulez, vous dit que vous faites fausse route, il faut l'écouter. Quand l'aspirant chef du Parti libéral vous dit aussi qu'il est mal à l'aise face à cela, que le nouveau premier ministre qui entrera en fonction au mois de novembre dit qu'il est mal à l'aise face à ce projet de loi, qu'on entend des rumeurs à l'effet que si les libéraux qui appuient le futur premier ministre votaient contre ce projet de loi, M. Chrétien pourrait déclencher des élections anticipées, c'est quand même assez spécial.
Finalement, c'est le projet de loi d'un seul homme, ça. C'est le projet de loi de M. Chrétien, qui veut se reprendre pour le Livre blanc de 1969. Il avait été vertement semoncé, et le Livre blanc avait été vertement dénoncé par les premières nations. Je crois que M. Chrétien, qui a été ministre des Affaires indiennes pendant six ans, n'a jamais digéré cela. Il n'a jamais digéré le fait que, lorsqu'il a présenté un livre blanc en pensant que c'était la solution, les premières nations aient dit que ce n'était pas la solution, que ce n'étaient pas ce qu'elles voulaient. Elles l'ont combattu avec force et vigueur. C'est comme si M. Chrétien disait qu'avant de partir, il allait imposer aux premières nations un projet de loi conforme à son Livre blanc de 1969. Il y a comme un esprit de vengeance derrière le fait qu'on veuille imposer un rouleau compresseur. M. Chrétien pense même à déclencher des élections anticipées. Il y a beaucoup de gens qui ne seraient pas contents si cela arrivait.
Ainsi, même si le prochain premier ministre dit qu'il n'appliquera pas cette loi, on se retrouve avec des collègues libéraux qui appuient pourtant le futur premier ministre et qui continuent à travailler sur un projet de loi tout à fait inutile.
Moi, je comprends pourquoi on nous a enlevé la télédiffusion de nos réunions. Ce doit être horrible pour un libéral qu'on dise ce genre de vérité, de se dire que son gouvernement, son parti est en train de faire de telles choses: le parti est en train de se déchirer; le prochain premier ministre refuse ce projet de loi là; le premier ministre sortant veut l'enfoncer dans la gorge des premières nations.
On ne nous a pas habitués à cela au sein du Parti libéral du Canada. D'habitude, les chicanes se faisaient à l'interne et il ne se passait pas de choses aussi visibles. Je trouve cela assez grave que la gouverne d'un pays se fasse à partir du ressentiment d'un premier ministre sortant et d'une chicane entre le premier ministre sortant et le premier ministre entrant. Cela donne une drôle d'image de ce pays et de ce qui motive les gouvernants à vouloir imposer un projet de loi dont les premières nations ne veulent pas.
º (1650)
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Loubier.
Sommes-nous prêts pour la question touchant l'article 30?
M. Yvan Loubier: J'aimerais qu'on procède à un vote par appel nominal.
Le président: Nous effectuerons un vote par appel nominal sur l'amendement BQ-40.
M. Pat Martin: Désolé, monsieur le président, j'aimerais seulement ajouter que lorsqu'on soumet une notion, c'est l'occasion pour nous de débattre la validité de la disposition dont il est question.
Le président: C'est pourquoi j'ai demandé si nous étions prêts à voter.
M. Pat Martin: C'est pourquoi j'ai levé la main. Je ne crois pas que nous soyons prêts à voter.
Le président: Vous ne voterez pas. Monsieur Martin, vous avez la parole.
M. Pat Martin: La question--
Le président: Un instant.
M. Pat Martin: Il faut déterminer si l'amendement devrait être adopté, et je ne crois pas qu'il devrait même faire l'objet d'un vote.
Le président: Un moment, monsieur Martin. Nous voterons sur l'amendement. Vous avez donné votre opinion sur l'amendement. Maintenant, nous parlerons de la disposition.
Vote par appel nominal sur l'amendement BQ-40, page 189.
(L'amendement est rejeté à 9 voix contre 2)
Le président: Concernant l'amendement BQ-41, page 190, monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, j'avais cru comprendre que vous n'aviez pas remarqué que d'autres amendements à l'article 30 suivaient et que, par conséquent, on ne discuterait pas de cet article comme tel par la suite.
Le président: L'article comme tel va faire l'objet d'une discussion après qu'on aura fait les amendements.
M. Yvan Loubier: Après trois amendements, donc. D'accord.
Monsieur le président, cet amendement qui émane de mon parti vise encore une fois à souligner que ce sont les premières nations qui doivent décider de ce qui doit s'appliquer à elles ainsi qu'à leurs membres. Vous aurez remarqué qu'au paragraphe 30(3), on dit:
Dès l'adoption du code ou la prise du texte législatif, l'original est déposé dans le recueil de la bande et la date du dépôt est inscrite sur l'original. Une copie certifiée conforme par la personne autorisée par la bande est en outre versée au recueil national dans les quatorze jours suivant l'adoption du code ou la prise du texte législatif. |
Au lieu de poursuivre avec une prescription comme celle-là, j'ai voulu terminer avec l'expression «recueil de la bande». Autrement dit, on maintient le dépôt de l'original dans le recueil de la bande mais on coupe court à des prescriptions à toutes fins inutiles, voire ridicules. On prétend offrir aux premières nations le droit de se gouverner et affirmer que ce sont elles qui décident des textes législatifs et des codes; or, lorsqu'on prend en considération tous les articles prescriptifs qui se trouvent dans le projet de loi C-7, on constate qu'en réalité, il en va tout autrement.
On ne peut pas, d'un côté, reconnaître que les pouvoirs législatifs leur reviennent et qu'elles ont le pouvoir de définir elles-mêmes les codes s'appliquant à différents égards de leur vie politique ainsi que la planification des territoires qui leur sont dévolus, et, d'un autre côté, leur prescrire jusqu'à la couleur du papier qu'elles doivent utiliser, ou leur dire qu' « une copie certifiée conforme par la personne autorisée par la bande est en outre versée au recueil national dans les quatorze jours suivants l'adoption du code ou la prise du texte législatif. »
Laissons aux premières nations la latitude de définir elles-mêmes le processus conduisant, dans chacune des communautés autochtones, au choix des modalités. Le souci de tout prescrire devrait être évacué de notre approche. Nous devrions nous rendre compte que nous ne sommes plus dans les années 1920. L'époque où on prescrivait aux premières nations ce qu'elles devaient faire, avec tous les détails que cela comportait, est révolue.
Au début de l'analyse du projet de loi, je disais à la blague qu'il faudrait déterminer la grosseur du pot de café et le type de biscuits qui seraient servis durant les sessions des conseils de bande. Or, on en est presque là. Cela en devient exaspérant.
Cessons donc de vouloir prescrire toutes sortes de choses aux premières nations. Respectons ces dernières pour ce qu'elles sont et permettons-leur de choisir elles-mêmes leurs modes de gouvernance et surtout les détails visant à définir l'expression de leur troisième ordre de gouvernement. Ce que j'ai proposé va dans ce sens-là.
On a entendu des témoignages durant cette tournée, et à Ottawa, on a procédé à l'analyse du projet de loi. Or, il est assez étonnant que personne ici, si on tient compte des amendements présentés par le gouvernement depuis le début et de ceux qui suivent, incluant même les professeurs d'université qui ont témoigné, n'ait retenu les propositions faites par les membres des premières nations visant précisément à abolir ces prescriptions. Cela s'applique même aux collègues de M. Allmand. Pourtant, ce dernier, dans sa grande sagesse, dénonce ce projet de loi. Je trouve tout à fait honnête de sa part de dire qu'il a changé d'avis au cours des 20 dernières années et qu'il se met maintenant au parfum d'un nouveau courant de pensée qui devrait constituer un genre de tremplin visant à relancer les relations entre le gouvernement fédéral et les membres des premières nations.
On devrait tenir compte des remarques qui ont été faites dans le cadre de nos consultations et dans celui des mémoires qui nous ont été présentés. Il ne s'agit pas ici uniquement d'améliorer l'écriture du projet de loi, mais aussi d'inclure dans ce dernier des mécanismes correctifs qui pourraient s'inspirer des présentations des nombreux témoins qui ont défilé devant nous.
º (1655)
Ne retenir pratiquement aucune suggestion de la part de ceux qui éprouvent des craintes incroyables et qui sont offusqués du libellé du projet de loi, c'est comme dire qu'on a fait des consultations, qu'on a reçu des mémoires, qu'il y a des gens qui ont travaillé à l'élaboration de ces mémoires, et que peu importe les conclusions de leurs analyses, on n'en tiendra pas compte. On en est à l'article 30, et en révisant, entre autres, tous les résumés des mémoires qui nous ont été présentés ici, après les avoir lu aussi au complet, de A à Z, je m'aperçois qu'il n'y a rien dans le projet de loi qui soit conforme aux nombreuses critiques présentées par des gens aussi intentionnés et compétents que Bradford Morse, de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa, ou des gens qui sont encore plus compétents que lui--sans vouloir être insultant envers lui--, soit les gens qui vivent au jour le jour sur le territoire autochtone, dans des communautés autochtones, c'est-à-dire les membres des premières nations, qui sont beaucoup plus compétents que ne le serait n'importe quel professeur d'université et n'importe qui autour de la table ici pour définir et appliquer ce qu'ils veulent comme membres des premières nations. Moi, je me pose encore la question suivante; mon ami Pat Martin se la pose aussi depuis le début: comment se fait-il qu'il n'y ait pas de membres des premières nations autour de la table ici? Et comment se fait-il que ces membres des premières nations soient obligés d'être dans la salle comme observateurs, alors qu'on est en train de décider de leur avenir et du cadre qui doit s'appliquer à leurs communautés?
Les membres des premières nations, hommes et femmes, sont dans la salle depuis le début de nos délibérations. Plusieurs d'entre eux et elles ont été là jusqu'aux petites heures de la nuit lorsqu'on étudiait de façon tout à fait effrénée les articles de ce projet de loi.
Si on faisait venir un observateur de l'Organisation des Nations Unies ici, par exemple, et s'il écoutait nos délibérations, s'il voyait notre attitude et s'il observait que dans la salle il y a des membres des premières nations, ce représentant de l'Organisation des Nations Unies, qui serait un peu responsable et s'imprégnerait aussi de la Déclaration universelle des droits de l'homme, trouverait qu'il y a une espèce d'injustice incroyable à nous voir traiter de la vie des premières nations et à voir les membres qui sont affectés directement par nos discussions dans la salle, sans avoir le droit de parole, ni de représentation, ni le droit de s'exaspérer en entendant des propos offusquants de la part de collègues libéraux depuis le début de l'analyse du projet de loi. Il trouverait injuste aussi de voir qu'à toutes les fois que nous proposons des amendements ou des sous-amendements sur la base de ce que nous avons entendu durant les délibérations, sur la base de ce que les premières nations nous ont demandé de modifier dans le projet de loi, ils sont rejetés du revers de la main sans même que les collègues libéraux en débatte. C'est tout à fait dommage de voir ça, mais j'imagine que s'il y avait un observateur dans la salle habilité à comprendre ce qui se passe ici, faisant la concordance avec la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'ONU, il aurait de quoi faire un rapport à l'Organisation des Nations Unies. J'en suis persuadé.
S'il y avait aussi un représentant du Conseil de l'Europe ici, du Parlement européen de Strasbourg, qui s'est déjà impliqué il y a quelques années dans l'analyse des événements d'Oka... Et à ce moment-là, les relations entre le gouvernement du Québec et les premières nations n'étaient pas ce qu'elles sont aujourd'hui. Il y avait des tensions aussi. Mais on a compris, à partir de ce genre d'événements, qu'on ne pouvait pas continuer comme ça, à se crêper le chignon, comme on dit. Des gens du Conseil de l'Europe sont venus voir ce qui se passait et ont dénoncé ce qui se passait. Et le fait de se faire dire par des gens de l'extérieur qu'on ne fait pas bien, on dirait quelquefois que ça nous secoue.
» (1700)
[Traduction]
Le président: Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.
Je comprends l'objectif de l'amendement BQ-41 du Bloc, et j'appuie cet objectif, car il permet d'atténuer l'une des qualités les plus énervantes de ce projet de loi, c'est-à-dire cette tendance à vouloir microgérer au détail près comment les gens exercent leurs activités. On reconnaît sur papier, à défaut de le reconnaître en pratique, que les Premières nations sont autonomes et ont le droit de se gouverner elles-mêmes. Le langage prescriptif et détaillé de ce projet de loi va à l'encontre des politiques du gouvernement, il va à l'encontre du préambule du projet de loi, il va à l'encontre des droits reconnus constitutionnellement, et il faudrait l'éliminer. Le langage que cet amendement cherche à supprimer devrait être rejeté d'emblée par quiconque est assis à cette table.
Je peux lire la disposition afin qu'elle figure au compte rendu. C'est dommage qu'on ne télédiffuse plus ces procédures, mais ce que M. Loubier tente d'accomplir avec cet amendement, c'est de supprimer la description de la façon dont un code nouvellement adopté doit être versé dans le recueil de la bande.
Sous sa forme actuelle, le projet de loi C-7 prévoit qu'au moment de l'adoption d'un code ou de l'élaboration d'un texte législatif en vertu de cette loi, la version originale sera déposée dans le recueil de la bande et portera la date de dépôt, et qu'une copie, certifiée conforme par une personne désignée par la bande, devra être versée dans le recueil national dans les 14 jours qui suivent l'adoption du code ou l'élaboration du texte législatif.
Je dois poser la question : qu'est-ce qu'on veut laisser entendre ici? Veut-on laisser entendre que si on n'établit aucune ordonnance spécifique à cette fin, aucune Première nation ne jugera opportun de regrouper ses codes et textes législatifs dans une forme de recueil? Veut-on laisser entendre qu'il y a un complot en vue d'agir dans le secret et de ne pas mettre cette information en commun? C'est la conclusion que tirerait un tiers objectif en lisant ce projet de loi : que le gouvernement accuse les Premières nations d'être irresponsables ou malhonnêtes, et qu'elles omettraient d'appliquer la pratique commune en matière de classement de ces codes si on ne leur ordonnait pas spécifiquement de le faire--et on ne se contente pas uniquement de leur donner l'ordre : elles doivent le faire dans les 14 jours et faire notarier le document, ou quelque chose comme ça. Cela laisse supposer que, sans la main de fer gouvernementale, les Premières nations adopteraient des pratiques inacceptables ou tenteraient délibérément de dissimuler cette information afin de prévenir l'accès par des gens qui ont le droit d'y accéder.
Mais la réalité est tout à fait contraire. Les Premières nations ont témoigné devant le comité et se sont vantées très ouvertement des codes et règlements administratifs adoptés dans leurs communautés, et de leur pratique relative à la mise en commun de cette information, etc.
Je mettrais le gouvernement au défi de nous montrer en quoi la lourdeur des exigences du projet de loi est justifiée. Je crois que tout le monde ici concède qu'un code ou un règlement administratif devrait être déposé dans le recueil de la bande et être mis à la disposition des membres de la bande. C'est pratique commune partout au pays. Encore une fois, on ne nous a fourni aucun exemple pour nous amener à croire le contraire, à croire qu'il existe un grave problème à ce chapitre.
J'aime l'idée soumise par M. Loubier selon laquelle nous affirmons simplement, sous la version modifiée de cette disposition, qu'au moment de l'adoption d'un code ou de l'élaboration d'un texte législatif en vertu de cette loi, la version originale doit être versée dans le recueil de la bande afin qu'un document permanent figure au dossier. Nous savons qu'il sera accessible et qu'il sera consulté par ceux qui exécutent la loi, et on peut présumer que le texte sera mis à la disponibilité des gens de la communauté. Il serait vraiment insultant, pour les membres de la communauté, de laisser entendre qu'il en soit autrement.
» (1705)
S'ils voulaient apporter des améliorations ou préciser la manière dont ces règlements administratifs sont enregistrés, ils pouvaient renvoyer aux pratiques normales concernant le dépôt de documents officiels. Par exemple, la plupart des règles régissant le dépôt de documents officiels préciseront dans quelle langue officielle ces documents doivent être déposés et enregistrés. Je crois que le gouvernement, s'il avait été intéressé à tenir compte des traditions et de la culture dans ce projet de loi, aurait pu agir de façon constructive et recommander que ces codes et règlements administratifs soient enregistrés dans l'une des langues officielles et dans la langue officielle de la nation. Il s'agirait à tout le moins d'une reconnaissance de la langue de la Première nation. Je crois que ce serait un geste important.
Encore une fois, il est peut-être déjà pratique courante, dans un grand nombre de communautés de partout au pays de fournir l'accès à ces documents. Monsieur le président, je crois vous avoir lu une description de certaines procédures d'élaboration de règlements administratifs portées à notre attention par certaines communautés; dans le cadre du processus de consultation concernant la ratification de ces règlements administratifs, les codes ont été traduits en cri et en cri syllabique pour les membres de cette... je crois que c'est la nation de Whitefish qui nous a parlé de cette pratique. Cela a renforcé l'impression que la loi laisse sur eux, car, comme nous l'ont déclaré des aînés qui ont témoigné devant le comité... et je pense en particulier aux Premières nations du nord manitobain, dont un aîné, dans un témoignage très convaincant, nous a dit : « Nos lois sont dans notre langue ». Il ne voulait pas seulement dire que les lois sont exprimées dans leur langue; il voulait dire que leurs lois font partie intégrante de leur langue, dans son sens le plus large.
C'est ce que j'essaie de dire. Aucun effort n'a été déployé pour veiller à ce que ce projet de loi soit culturellement adapté aux groupes qu'il vise. Il n'y a même pas une once de bonne volonté à cet égard. Il aurait été si facile d'en tenir compte à l'égard de cette disposition particulière du projet de loi, qui prévoit où et comment ces codes doivent être déposés, et qui exige que le code soit notarié, qu'il soit certifié conforme, par un tiers externe--une personne désignée par la bande.
Cela laisse entendre que, sans directives spécifiques, on aurait affaire à une bande d'idiots qui se prennent les pieds dans le tapis et qui n'auraient aucune idée de ce qu'il faut faire pour consigner l'important travail effectué par le conseil de bande au moment d'élaborer ou d'adopter un code ou un règlement administratif. On se demande comment les gens ont réussi à s'en sortir sans l'aide généreuse du gouvernement fédéral pour leur dire comment faire les choses, car c'est certainement l'impression que donne cette disposition.
Le comité consultatif ministériel conjoint, et Jim Aldridge, pour lequel le gouvernement semble avoir beaucoup de temps, rejettent les amendements et les exposés présentés par tout autre intervenant au pays, mais il semble que le comité écoute parfois ses propres recommandations. Voici ce qu'a dit Jim Aldridge au comité :
Ce serait négligent de notre part d'omettre de signaler que le projet de loi ne prévoit pas l'adoption et l'enregistrement des textes législatifs des Premières nations dans leur propre langue. Certains membres du CCMC estiment qu'une telle mesure faciliterait la protection et le renforcement des langues des Premières nations du Canada. Vous trouverez une analyse approfondie de cette question à la page 27 de notre rapport, à l'annexe 1. |
Ainsi, dans son rapport, le comité consultatif ministériel conjoint recommande que si on décide de microgérer l'enregistrement ou le dépôt de ces codes et règlements administratifs dans un recueil, on devrait à tout le moins mentionner qu'il est non seulement acceptable, mais aussi souhaitable que ces codes et règlements administratifs soient disponibles dans la langue de la Première nation.
» (1710)
Monsieur le président, je crois qu'il m'incombe de chercher à améliorer davantage l'amendement présenté de bonne foi par mon collègue du Bloc québécois, en ajoutant à l'amendement BQ-41, après « recueil de la bande », les mots suivants : « en français ou en anglais, ainsi que dans la langue de la Première nation ». Je proposerai cela à titre de sous-amendement.
Le président: Monsieur Martin, concernant votre sous-amendement.
M. Pat Martin: Monsieur le président, je crois qu'il serait intéressant pour nous d'examiner cela, car l'idée n'est pas de moi. C'est l'idée de Jim Aldridge. Elle a peut-être, de fait, des chances d'être adoptée. Je sais que tout ce que je propose est rejeté d'emblée, de mauvaise foi, mais, en réalité, cette idée n'est pas la mienne. Alors je tiens à ce que ce soit clair. Je n'invente pas tout cela. Cet aspect a été porté à notre attention par le comité consultatif du ministre.
Ainsi, les membres libéraux du comité écouteront peut-être cette proposition, pour faire changement.
Je crois que tous les membres, en particulier le secrétaire parlementaire, auraient avantage à revoir de temps à autre le rapport du comité consultatif ministériel conjoint, en particulier la page 27, l'annexe 1. Je crois que c'est là que vous trouverez des arguments que vous trouverez encore plus convaincants que les miens.
Sous sa forme actuelle, le paragraphe 30(3) est un exemple de disposition exquisément détaillée qu'élabore le ministère des Affaires indiennes et du Nord pour maintenir sa position coloniale.
La question est examinée de façon encore plus détaillée sur le site Web du ministère des Affaires indiennes et du Nord, sous la rubrique « Dépôt à un registre et attestation des lois et des codes sur la gouvernance conçus par une bande ». C'est là qu'on explique, avec forces détail, aux Indiens comment mettre un pied devant l'autre pour se rendre à l'endroit où ils doivent déposer et enregistrer le règlement administratif. On y explique aussi comment tendre la main, prendre le règlement administratif et le transporter jusqu'à la table afin de l'y déposer. C'est le genre de détail que vous trouverez sur le site Web du ministère des Affaires indiennes et du Nord concernant le dépôt à un registre et l'attestation des lois et des codes sur la gouvernance conçus par une bande.
Nous sommes tous au courant de la crédibilité dont jouit le site Web du ministère des Affaires indiennes et du Nord. On y apprend que j'appuie le projet de loi, ce qui, je tiens à le réitérer, est un mensonge éhonté. J'espère que les correctifs nécessaires ont été apportés au cours de la fin de semaine, de façon à ce que je n'aie pas à poursuivre quelqu'un. Maintenant que je les ai mis au courant du préjudice qu'ils causent à ma crédibilité et à ma carrière, je compte réclamer des dommages-intérêts, à moins que ces propos soient supprimés immédiatement et qu'on me fasse des excuses.
Nous savons comment cela se déroule généralement, monsieur le président. La Loi sur la gouvernance des Premières nations habiliterait les bandes à adopter des codes concernant l'administration gouvernementale, la sélection des dirigeants, la gestion financière et la reddition de comptes. Et les bandes qui n'adoptent pas de tels codes seraient visés par le régime réglementaire par défaut décrit dans la Loi sur la gouvernance des Premières nations.
C'était la formulation utilisée par le site Web. On peut y lire ce qui suit :
Les bandes posséderaient également des compétences législatives dans un certain nombre de domaines énoncés dans la loi. |
Et pour savoir cela, nous devons consulter d'autres documents.
La suite se lit comme suit :
Dans la Loi sur la gouvernance des Premières nations, on préciserait à quel moment les codes et les lois entreraient en vigueur et en application, et on énoncerait la façon dont les parties intéressées pourraient en prendre connaissance. |
Ensuite, on peut lire ceci :
Aux termes de la loi, une bande devrait mettre à la disposition du public un registre de loi consignant les codes et les lois qu'elle a adoptés. Ce recueil devrait pouvoir être consulté au bureau administratif principal de la bande durant les heures normales de bureau. |
Le code ou la loi entreraient en vigueur le jour suivant leur inscription au registre de la bande, à moins qu'une date ultérieure y ait été fixée. En plus d'un recueil accessible de la communauté, le ministère devrait veiller à l'établissement d'un registre national que le public peut consulter. |
Une fois adoptés, le code ou la loi devraient être inscrits au registre tenu par la bande; une copie certifiée devrait être versée au registre national dans les 14 jours suivant l'adoption du code ou du texte législatif en question. |
C'est là un brillant exemple de la gloire de la bureaucratie, c'est comme quand l'Angleterre coloniale a établi une bureaucratie en Inde, pendant les beaux jours du colonialisme. On peut détruire tous les vieux documents si on les reproduit en trois exemplaires. C'est le point de vue colonial de la chose. En quoi cela est-il pertinent avec la question de la gouvernance?
Dans le site, on peut lire ce qui suit :
La mesure relative à la gouvernance vise à procurer aux Premières nations les outils dont elles ont besoin pour instaurer un gouvernement efficace et rendant des comptes ainsi que pour stimuler le développement économique. Conformément à ce type d'objectif, la Loi sur la gouvernance des Premières nations prévoirait la mise en vigueur et en application des codes et des lois conçus par une bande. |
Une fois que les codes et les lois seraient inscrits au registre tenu par la bande et, de ce fait, qu'ils entreraient en vigueur, le respect de la double exigence liée à l'enregistrement permettrait de mettre en place un processus transparent qui assure l'accès tant à l'échelle locale que nationale. |
Pour administrer le registre local, on définirait des conditions souples de manière à permettre aux communautés concernées de donner à leur recueil la simplicité ou la complexité voulue. Une telle façon de procéder éviterait d'imposer aux Premières nations des lourdeurs administratives inutiles tout en faisant en sorte que les textes soient accessibles et que les membres et les diverses parties en soient informés. |
» (1715)
Voilà que ça se poursuit :
En étant inscrits, les codes et les lois sur la gouvernance des bandes seraient plus faciles à mettre en application. Des dispositions connexes, notamment celles qui prévoient une connaissance d'office par les tribunaux, rendraient plus facile la présentation des lois et des codes comme éléments de preuve dans le cadre de procédures devant les tribunaux et autres instances. |
Malheureusement, le terme « band registry » a déjà un sens au sein des Premières nations. Il désigne le registre sur les membres que tient le ministère des Affaires indiennes et du Nord. Les gens se voient remettre des cartes du registre, de sorte qu'il y a un dédoublement et la possibilité d'un malentendu.
Cet article du projet de loi représente une autre tentative faite, selon nous, pour contraindre les Premières nations à s'insérer dans un cadre intégré de conception fédérale, pour qu'elles n'exercent pas leurs droits inhérents. Ce sont les conclusions que nous tirons de la consultation du site Web portant sur ce projet de loi particulier.
Le sous-amendement que je propose aujourd'hui, monsieur le président, quant à lui... inclure une mention de la langue, ce qui, à mes yeux, est important.
Je suis particulièrement sensible à cette question. J'ai étudié moi-même le cri à l'école secondaire, plutôt que le français comme vous le savez. Je vous l'ai déjà dit. Il n'y a rien qui rend plus sensible à la culture des gens des Premières nations que l'étude de la langue et l'analyse des concepts dans des langues qui, souvent, se traduisent mal en français ou en anglais, l'une ou l'autre de nos langues officielles. Cela a alimenté en partie la frustration que nous avons éprouvée dans la négociation des traités au fil des ans.
En fin de semaine, monsieur le président, je révisais un peu d'histoire concernant l'élaboration du processus de négociation des traités, dans la préhistoire. Certains des problèmes linguistiques associés à la négociation des traités se manifestent encore aujourd'hui même, et prennent la forme d'un malentendu entre ce à quoi une partie croit consentir et ce qui, aux yeux de l'autre partie, ne peut être qu'un oubli.
Pour ce qui touche la langue, j'ai remarqué que le gouvernement fédéral vient de réserver une somme d'argent considérable à la préservation et à la promotion des langues des Premières nations. De fait, Winnipeg sera le bénéficiaire d'une partie des dépenses ainsi prévues pour l'établissement d'instituts de promotion des langues en question, car ce sont des langues qui disparaissent rapidement.
Je me suis rendu chez les Hurons-Wendat en dehors de Montréal et je me suis présenté en cri, la langue que j'ai apprise. Je leur ai expliqué qui j'étais et ce que je faisais là. Le chef des Hurons-Wendat, une femme, s'est levée--son nom m'échappe pour l'instant--et s'est présentée, elle-même, avant de présenter sa bande et son conseil. Elle a dit, sur un ton marqué par beaucoup de regrets, que la dernière personne à avoir parlé la langue de leur communauté, les Hurons-Wendat du sud du Québec, est morte il y a plus de 100 ans.
La langue est une chose vivante. Le fait d'inclure et d'employer la langue, d'abord et avant tout, est beaucoup plus égalitaire, car il y a des locuteurs qui sont encore élevés dans la langue de la Première nation et qui sont peut-être plus à l'aise s'ils peuvent consulter les nouveaux règlements ou codes dans leur propre langue. Deuxièmement, un tel emploi de la langue renforce celle-ci et lui insuffle une certaine vie. Et, troisièmement, inclure la langue dans le projet de loi, cela ferait voir que les gens qui se trouvent ici autour de la table, tout au moins, ont un souci ou un intérêt en ce qui concerne la promotion de la tradition et de la culture en tant qu'aspect ou élément de n'importe quel projet de loi portant sur les peuples autochtones ou les Premières nations.
Je ne crois pas que cela coûte très cher. De fait, je crois que, du point de vue des coûts, cela ne coûtera rien, sinon les coûts sont minimes. Je ne vois pas de raison de s'opposer à ce sous-amendement, pour dire la vérité, monsieur le président. Je ne peux m'imaginer que quiconque, parmi les personnes qui se trouvent ici autour de la table, puisse s'opposer vivement à l'inclusion de la langue, qui servirait à soutenir et à reconnaître les langues des Premières nations en tant que partie intégrante de la culture et de la communauté.
J'aimerais revenir à mon idée originale.
Un aîné du nord du Manitoba--je crois que c'était peut-être même le grand chef Francis Flett du MKO--a présenté un exposé des plus convaincants pour dire que nos lois se trouvent dans notre langue--
» (1720)
Le président: Merci, monsieur Martin.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.
Cet amendement me fait particulièrement plaisir parce que tout ce qui est question de langue m'intéresse au plus haut point, depuis que je suis au monde, d'ailleurs.
Mon peuple, c'est-à-dire le peuple québécois, s'est toujours débattu d'abord pour la survivance de sa langue et après pour la promotion du français. Au Québec, on est particulièrement sensibles lorsque vient le temps de reconnaître la richesse d'une langue, tant et si bien que plusieurs documents qui émanent du gouvernement du Québec, en particulier du Secrétariat aux Affaires autochtones, sont produits dans les 11 langues des nations qui sont sur le territoire québécois. On essaie de plus en plus de généraliser cette pratique, surtout lorsqu'il s'agit de politiques qui peuvent toucher les premières nations ou des négociations territoriales ou même des projets d'entente, comme l'entente avec les Innus, par exemple. L'entente est en français, en anglais et en langue montagnaise, en langue innue. C'est une pratique qui devrait se généraliser. Pour ma part, je le souhaite et je vais travailler pour que ça se généralise.
Il n'y a pas plus respectueux, du moins en apparence, que quelqu'un qui respecte la langue d'une nation, parce que la langue d'une nation, c'est la première expression de la culture de cette nation. Si vous respectez la langue, cela veut dire que vous respectez in extenso la culture de ces nations. La langue est le premier point de rencontre, le premier outil de rencontre entre les communautés.
Lorsque les Européens sont arrivés pour la première fois en terre d'Amérique et qu'ils ont entendu ces langues riches, j'imagine qu'ils ont été saisis par cette richesse des langues. Malheureusement, la considération n'a pas suivi. C'est à nous de réparer aujourd'hui cet affront que nous avons fait aux premières nations en leur interdisant même, à partir de l'application de la Loi sur les Indiens, d'utiliser leur langue.
J'écoutais un jeune autochtone l'autre jour, un autochtone d'environ 40 ans--c'est encore jeune--, qui disait que lorsqu'il allait à l'école primaire et secondaire, même à cette époque qui est aussi la mienne, on lui tapait sur les doigts s'il parlait dans sa langue maternelle. On empêchait ce jeune autochtone qu'il était et qu'il est toujours d'échanger avec son petit copain de la même communauté que lui dans sa langue maternelle. J'ai trouvé cela tellement poignant que je me suis demandé comment ça se passait pour moi quand j'avais cet âge-là. Si on m'avait frappé sur les doigts à toutes les fois que je parlais français afin de m'obliger à parler l'anglais--ou le français au Québec, parce qu'au Québec aussi, ça a été comme ça pendant plusieurs décennies--, comment aurais-je réagi aujourd'hui? Je me suis demandé à quel point j'aurais été blessé dans ma dignité de ne pas pouvoir parler ma langue. Je pense que j'aurais été délinquant et que j'aurais continué à parler ma langue jusqu'à ce qu'on me frappe à mort, j'imagine. La langue, c'est ce qui me fait, c'est ce qui fait un membre d'une communauté et c'est un objet de fierté incroyable.
D'ailleurs, lorsqu'on est allés à Montréal pour les besoins des audiences du projet de loi C-7, il y avait, à un moment donné, des représentants Mohawks de Kahnawake. Il y avait Billy Two Rivers, si ma mémoire est bonne, et il y avait Joe Norton, qui est le grand chef de Kahnawake. Joe Norton était accompagné de deux de ses enfants ou de ses petits-enfants. Je n'oserais pas dire qu'il s'agissait de ses petits-enfants au cas où il s'agirait de ses enfants et qu'il se sentirait offusqué parce je l'ai vieilli, mais si ce sont ses petits-enfants, il a l'air très jeune, M. Norton; si ce sont ses enfants, il est encore très jeune.
Mais ces deux enfants, un jeune garçon et une jeune fille d'à peu près 6 ou 7 ans, pendant environ dix minutes, ont présenté dans leur langue, la langue iroquoienne, une histoire qui était liée à la spiritualité des Mohawks de Kahnawake. Personne ne comprenait autour de la table, mais c'était d'une fascination incroyable que d'entendre des enfants de cet âge-là parler leur langue. Ce n'était pas important qu'on ne comprenne pas. Il s'agissait d'entendre la richesse des sons, des intonations, de les entendre s'exprimer dans leur langue aussi facilement avec un engouement et une fierté incroyable dans l'âme.
» (1725)
J'ai compris que si ces enfants-là avaient été privés du droit qu'ils avaient aujourd'hui de s'exprimer dans leur langue, cela aurait été catastrophique, non seulement pour ces deux enfants-là mais pour nous aussi, de se priver d'entendre une si belle langue, une langue chantante, profonde, spirituelle et qui vous « poigne aux tripes », comme on dit en bon français.
Alors, le fait d'apporter un sous-amendement comme celui-là, je trouve ça extraordinaire, et ça me rappelle ces deux enfants mohawks qui nous ont présenté, de façon admirable, des incantations, une espèce d'histoire spirituelle liée à leur nation. Un autre exemple: on s'est retrouvé, à un moment donné, en Abitibi, où un jeune Cri d'à peu près une quarantaine d'années s'est présenté devant nous et, pendant cinq minutes, nous a exprimé dans la langue crie ce qu'il ressentait face au projet de loi C-7. La langue est tellement communicative, et on est tellement sensible aux langues lorsque cette langue est présentée avec chaleur et avec fierté que même sans comprendre exactement les mots, on a compris le message. On discutait, Pat Martin et moi, par la suite... J'ai même dit dans une de mes interventions que je n'avais pas compris exactement ce qu'il avait dit, mais que le sentiment de rage incroyable qu'il ressentait s'était transposé, selon moi, dans la force et la vigueur de la langue qu'il avait employée.
Effectivement, ce jeune Cri dénonçait à tour de bras le projet de loi C-7, parce qu'il ne respectait pas ce qu'il était et qu'il avait l'impression, comme les générations auparavant, d'être floué encore une fois par ce projet de loi. Pendant cinq minutes, il a tenu à nous l'exprimer dans sa langue, sachant pertinemment qu'on ne comprenait pas cette langue, mais sachant aussi qu'il y avait une sensibilité qui se dégageait de chacune des intonations de cette langue, pour nous dire que ça commençait à faire, qu'il en avait assez, que a fait assez de générations que mon peuple souffre et qu'il n'a pas le droit de s'exprimer comme il devrait s'exprimer.
Aujourd'hui, je tiens à féliciter M. Martin qui, avec un amendement comme celui-là, fait preuve d'une sensibilité vraiment ultra-fine quant aux besoins des nations, des premières nations en particulier, et quant à la fierté qu'elles pourraient ressentir à voir des textes de loi que l'ensemble de la communauté pourrait comprendre écrits dans leur langue et même enregistrés oralement. Cela serait une contribution extraordinaire.
Je reviens à ce qu'on disait la semaine dernière, à savoir qu'il ne faut pas se priver de richesses. Sur le plan culturel, on est dans un monde qui s'uniformise un peu partout sur la planète à cause des échanges commerciaux, de la mondialisation et de la globalisation. Si on a la chance inouïe de compter des dizaines de langues sur notre territoire, des langues qui ne sont pas encore exploitées ni connues, il faut faire connaître ces langues-là. Il faut faire connaître l'expression de cette culture-là parce que c'est une richesse incroyable dont il faut profiter.
On ne doit pas voir cela comme un inconvénient, mais comme une richesse. Tout le monde court après la diversité culturelle. Tout le monde essaie de l'exprimer à sa façon, étant donné la langue, les façons de faire sur le plan culturel, ainsi que l'histoire qui est liée à cette construction culturelle, cette construction historique de chacun des peuples. N'allons pas priver l'humanité d'une richesse incroyable comme celle-là.
C'est une belle contribution, d'après moi, que de voter pour le sous-amendement de M. Martin qui demande que non seulement les textes législatifs soient disponibles en français ou en anglais, mais qu'ils le soient aussi dans la langue de la communauté, dans la langue des premières nations qui sont concernées. Il me semble que cela serait un pas en avant et que cela serait une reconnaissance d'où on est à l'heure actuelle.
Je rêve du jour où nous pourrons, nous aussi, comprendre les langues autochtones. Je sais que Pat Martin parle un peu le cri. D'ailleurs, il a toujours été gêné un petit peu de parler en cri avec moi, mais je l'envie de savoir quelques mots, quelques phrases en cri. J'aimerais cela moi aussi. D'ailleurs, je commence à apprendre un peu quelques expressions dans la langue innue, mais moi aussi, je suis très timide. C'est une langue qui est tellement exprimée avec le coeur qu'il faut être issu des communautés autochtones pour pouvoir la parler avec toute la chaleur, la vigueur et la sensibilité requises pour parler une langue comme une langue autochtone.
» (1730)
Alors, je vais appuyer d'emblée ce sous-amendement de M. Martin, en espérant aussi que lorsqu'on va parler d'écrire les...
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Loubier.
Monsieur Martin, vous avez dix minutes pour les remarques finales. Après M. Martin, nous allons suspendre les travaux pour 20 minutes, pour que les membres du comité puissent souper.
M. Pat Martin: Je suis surpris et quelque peu déçu de constater que personne d'autres ne souhaite participer à ce débat, sur un sujet comme celui-là. Je crois que ce serait un geste de bonne volonté de notre part, envers les nombreux membres des Premières nations qui ont été exclus de la démarche. Si nous adoptons le sous-amendement que je propose, il y aurait tout au moins une mention, une reconnaissance de l'importance de la langue et de la culture dans la détermination de toute structure ou règle de gouvernance susceptible d'être mise en place par les Premières nations elles-mêmes, d'autant plus si elle leur est imposée.
Je tiens à remercier mon collègue du Bloc d'avoir signalé l'importance de la question de la diversité culturelle. Partout dans le monde, des cultures disparaissent à jamais. Des langues disparaissent à jamais. Une grande harmonisation se fait--et qu'il s'agisse de Walt Disney ou de McDonald's ou encore de l'occidentalisation des cultures, non seulement en Amérique du Nord, mais partout dans le monde--nous n'adoptons pas les mesures voulues pour valoriser la diversité culturelle en tant que richesse de notre planète. Nous reconnaissons la biodiversité. Nous reconnaissons à quel point il est important de préserver les espèces et les plantes et les animaux et les écosystèmes, mais, au même rythme où disparaissent les éléments biologiques, les cultures disparaissent aussi, surtout les cultures originales ou les cultures nées avant l'arrivée des Européens.
L'argument que je fais valoir aujourd'hui, monsieur le président, s'ancre dans le fait que les gens des Premières nations n'ont pu participer à toute cette démarche. On nous rappelle maintes et maintes fois en quoi il est fondamentalement répréhensible pour nous, qui nous nous trouvons ici autour de la table et qui ne sommes pas de descendance autochtone, de légiférer, de créer des lois, alors que les gens qui seront touchés par ces lois sont réduits au statut d'observateur.
Nous avons parmi nous aujourd'hui des leaders des Premières nations de tout le pays, et j'aimerais signaler, car on a porté cela à mon attention, que nous avons parmi nous le grand chef Raymond Martin du Conseil des Mohawks d'Akwesasne; nous avons parmi nous le chef Angie Barnes du Conseil des Mohawks d'Akwesasne et le chef Pat Madahbee des Ojibway de Sucker Creek. Je souligne leur présence et je les remercie d'être là. Nous avons également parmi nous le chef Franklin Paibomsai de la Première nation de Whitefish River, en Ontario.
Nous avons donc parmi nous des experts et des autorités du domaine de la gouvernance en tant qu'ils s'appliquent aux communautés des Premières nations, mais qui sont relégués au second plan, sur les bancs qui se trouvent derrière la table, alors que nous, pompeusement, poussons toujours un projet de loi dont les gens ne veulent pas et qui leur déplaît--ils ont su le dire sans aucune équivoque--et que nous adoptons ces mesures pour moderniser le colonialisme.
La langue est un élément intégral de l'approche du colonisateur ou de la méthodologie du colonisateur. J'ai lu l'histoire du colonialisme en tant qu'elle se rapporte aux Premières nations et la méthodologie propre au génocide culturel-- et je n'emploie pas le terme pour être sensationnaliste. Les colonisateurs européens ont employé une méthodologie précise. D'abord, vous envoyez les missionnaires pour aller miner la religion locale; vous déstabilisez la collectivité en dépêchant d'abord sur les lieux les missionnaires. Ensuite, vous vous attaquez à la structure collective, la structure des familles qui est souvent en petites cellules ou en groupes de familles réunies, quelle que soit la structure que vous trouvez là, et quand vous réussissez à défaire la structure, vous en déplacez des éléments d'une façon qui n'est pas naturelle. Ensuite, la troisième chose à faire, c'est d'attaquer la langue. Vous minez la langue.
Une fois que vous avez miné la religion, défait la structure traditionnelle de la culture au sein de la collectivité et miné la langue, vous êtes bien en voie d'assimiler les gens à la culture colonisatrice. Voilà la méthode. C'est écrit dans le livre. Il y a aujourd'hui des livres qui montrent le procédé. Et nous avons été coupables de cela.
» (1735)
Cela me rappelle l'histoire que m'a racontée Matthew Coon Come, chef national de l'Assemblée des premières nations, à propos de l'époque où on l'a pris chez ses parents pour l'envoyer à l'internat. Il se souvient d'avoir été battu le premier jour, dans la salle des douches, pour avoir parlé sa propre langue avec son petit frère. C'est une image que je porterai avec moi durant toute ma vie. Quand son petit frère l'a regardé et lui a demandé dans sa propre langue s'il devrait se laver entre les orteils, il a été battu pour avoir parlé sa propre langue, ce qui allait à l'encontre des règles de l'internat. Si ce n'était que pour compenser les horreurs associées au refus délibéré de laisser quelqu'un parler sa propre langue comme c'est son droit, si ce n'était que pour cela, nous devrions adopter cet article particulier de ce projet de loi particulier, et inclure la langue des Premières nations dans ce texte de loi.
Vous constaterez, monsieur le président, à la lecture de l'article 2 de la Charte des droits et libertés, le droit garanti à la libre expression qui a été confirmé comme incluant l'usage de sa propre langue, qu'il s'agisse de l'une des langues officielles du pays ou non. Rien ne nous empêche, autour de cette table, d'ajouter la langue à tout ce que nous faisons, monsieur le président.
Je devrais souligner que dans le document présenté au Cabinet, dont l'auteur est un ex-sous-ministre, il est question de l'éventail des droits des Autochtones qui ont été réduits ou qui se sont érodés ou qui ont été éliminés. C'était une question...je vais en faire la lecture :
Veuillez trouver en annexe, comme suite à la demande formulée à la dernière réunion du groupe de travail, une liste des droits perdus des peuples autochtones. |
Il s'agit du sous-ministre qui conseille le Cabinet. Sous la rubrique de la langue, il affirme :
La politique de l'éducation interdisait l'emploi des langues autochtones dans les internats jusqu'à récemment. |
Sous la rubrique de la langue aussi, il dit :
Sauf quelques rares exceptions, le droit d'apprendre une langue autochtone n'est pas consenti dans les écoles provinciales. |
Le sous-ministre doit signaler aux membres du Cabinet que l'article 2 de la Charte des droits et libertés prévoit la liberté d'expression, ce qui englobe les langues autochtones. |
Bon, à l'époque où j'ai fréquenté l'école secondaire, il n'y avait à Winnipeg qu'une école qui proposait des cours de cri. Quand j'ai étudié le cri, il fallait nous sortir de l'école et nous amener à un endroit distinct où des aînés cris venaient nous enseigner. Heureusement, l'école Children of the Earth et l'école Wi Wabigooni à Winnipeg ainsi que l'école secondaire Red Feather existent maintenant. Il y a des endroits où les gens peuvent étudier leur langue première, et nous croyons que cela concorde peut-être avec un certain mûrissement, selon nous, de la culture des Premières nations--que nous reconnaissions les langues autochtones dans les lois, particulièrement en ce qui concerne cet article-ci. Quand vient le temps d'inscrire les règlements des conseils de bande ou les codes de gouvernance dans le recueil de la bande, vous le faites dans l'une ou l'autre des langues officielles et dans la langue première de la Première nation en question.
Je crois que cela serait vu et apprécié comme un geste de bonne volonté si les gens qui se trouvent autour de la table jugent bon de reconnaître cette réalité et adoptent l'amendement simple dont il est question. Je ne saurais dire quel genre d'excuse, pour être franc, les membres du comité pourraient trouver pour ne pas coopérer en ce sens.
Je dirais à nouveau comment la question a été portée à l'attention du comité par Jim Aldridge, du comité consultatif ministériel mixte, et je le cite :
Ce serait négligent de notre part d'omettre de signaler que le projet de loi ne prévoit pas l'adoption et l'enregistrement des textes législatifs des Premières nations dans leur propre langue. Certains membres du CCMC estiment qu'une telle mesure faciliterait la protection et le renforcement des langues des Premières nations du Canada. |
Il parle encore, pour ceux qui souhaitent plus de renseignements et plus de précisions, de la page 27 du rapport du comité. Si je l'avais entre les mains, j'en ferais la lecture pour le compte rendu, car c'est là le genre de sensibilité que nous espérions voir. Nous espérions qu'il y aurait suffisamment de volonté autour de cette table pour, tout au moins, apprécier... même si les Libéraux parmi les membres du comité ne sont pas prêts à accepter que ce qu'ils font est répréhensible de tous les points de vue, tout au moins, il y aurait un certain désir d'agir--une volonté sinon un désir--en vue d'essayer d'atténuer certains des effets les plus flagrants des oublis perpétrés, tout au moins, en faisant une mention minime de l'idée que la culture et la tradition et la gouvernance sont trois choses intégrées qu'on ne saurait dissocier et qu'on ne saurait traiter isolément.
» (1740)
On ne saurait éliminer l'élément culturel de la capacité législative des Premières nations et des communautés autochtones, et si je me fie à ce que je sais des sociétés autochtones, c'est là l'élément intégral. De ce point de vue, nous cherchons à supprimer en partie la nature prescriptive du projet de loi et, en même temps, de prévoir une certaine reconnaissance de l'importance de la culture et de la tradition dans le projet de loi, à tous les articles que nous avons devant les yeux.
Monsieur le président, vous pouvez donc compter sur l'engagement que nous avons pris de formuler toujours cet argument jusque dans la nuit, et demain, et le lendemain, et le surlendemain, de rappeler au comité ses échecs, de rappeler au comité ses oublis et de proposer des recommandations utiles et de présenter des suggestions utiles dans le contexte.
» (1745)
Le président: Merci, monsieur Martin.
Nous allons procéder à un vote par appel nominal à propos du sous-amendement de l'amendement BQ-41, page 190.
(Le sous-amendement est rejeté par 8 voix contre 2)
Le président: Nous poursuivrons avec l'amendement. Nous écouterons les remarques finales au sujet de l'amendement de la part de M. Loubier, puis nous procéderons à la mise aux voix.
Monsieur Loubier.
M. Pat Martin: Monsieur le président, est-ce l'amendement BQ-41?
Le président: Oui, ce sont les remarques finales au sujet de l'amendement BQ-41.
[Français]
M. Yvan Loubier: Excusez-moi, monsieur le président, si j'ai tardé à réagir. Je suis encore sous le choc parce que je trouvais que l'amendement de M. Martin était excellent.
J'étais en train de lire des extraits du rapport Erasmus-Dussault concernant la langue et j'ai trouvé quelque chose d'assez extraordinaire. C'est un poème qui avait été écrit sur les langues autochtones. Il a été écrit par Rita Joe et il s'intitule: J'ai perdu ma langue. C'est assez poignant. Je me demande si, tout à l'heure, je n'aurais pas dû vous présenter ce court texte, parce que cela donne déjà une bonne idée de l'importance qu'on doit apporter aux langues autochtones.
Rita Joe dit:
J'ai perdu ma langue
La langue que vous m'avez volée.
Lorsque j'étais petite fille
À l'école de Shubenacadie.
Vous me l'avez arrachée:
Je parle comme vous
Je pense comme vous
Je crée comme vous
La confuse ballade du monde qui est le mien.
J'ai deux façons de parler.
Avec les deux je vous dis:
la vôtre est plus puissante.
Doucement donc, je vous tends la main:
Laissez-moi retrouver ma langue.
Pour que je puisse me révéler à vous.
J'aurais peut-être dû citer ce beau texte sur la langue de la part d'une représentante autochtone. Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de le faire tout à l'heure.
Il y a une autre belle phrase, une unique phrase sur la langue, qui avait été rapportée par Mary Lou Fox, qui est une ancienne de la Fondation culturelle Ojibwe, à Sudbury. Elle a dit ceci, en rapportant les paroles d'un ancien: « Sans la langue, nous ne sommes que des corps sans esprit. »
Je pense que cela donne à réfléchir. Malheureusement, la réflexion étant une ressource rare et limitée en ce comité, on n'a pas vu plus loin que le bout de son nez lorsqu'on a voté sur l'amendement, sur l'excellent amendement de M. Martin concernant la langue des premières nations, dont il serait question dans le dépôt des lois relatives aux premières nations.
Je trouve cela extrêmement triste. D'ailleurs, le chef d'Akwesasneétait là lorsque MM. Billy Two Rivers et Joe Norton ont comparu devant le comité avec les deux petits enfants qui parlaient la langue mohawk. Il pourrait témoigner de la beauté de ce texte.
J'aurais bien aimé qu'on puisse voter sur ce sous-amendement. Peut-être que le grand chef Raymond Mitchell aurait pu se rappeler lui-aussi des deux enfants mohawks qui ont lu des textes assez incroyables lors de leur comparution à Montréal. Il l'ont fait dans la langue iroquoienne.
Cela étant dit, je suis extrêmement déçu de la tournure des événements. D'ailleurs, on est rendus à l'article 30. Il y a je ne sais combien de dizaines d'amendements et de sous-amendements que nous avons étudiés. Rares sont les amendements et les sous-amendements qui ont été acceptés, même s'ils avaient beaucoup de mérite et surtout celui de correspondre à ce que les premières nations veulent dans ce projet de loi. Tous ceux et celles qui ont comparu, et aussi les non-autochtones, nous disaient qu'il y a des améliorations à apporter. On a beau apporter ces améliorations, on a beau suggérer des amendements et des sous-amendements qui témoignent du respect qu'on doit avoir pour les premières nations, pour leurs langues, pour leur culture, pour leurs religions, pour ce qu'elles étaient avant que les Européens décident de démolir ce qu'elles étaient, rien n'y fait. On a présenté ces amendements et ces sous-amendements, et très rares furent les fois où on les a acceptés.
Pourtant, je suis persuadé que ce sont des amendements qui avaient tout leur sens. D'ailleurs, si nos travaux avaient été télévisés, on aurait continué justement à recevoir des commentaires de la population qui nous écoute. Nous en aurions reçus autant de la part des membres des premières nations que des membres non autochtones. On aurait pu continuer à recevoir ces appréciations pour les commentaires et les analyses que nous faisons concernant les premières nations.
La population au Québec et au Canada est rendue beaucoup plus loin que les gens qui sont ici autour de la table. D'ailleurs, en fin de semaine dernière, j'étais à un colloque sur le développement rural au Québec; j'étais le rapporteur officiel, soit celui qui faisait la synthèse après chacune des plénières concernant des sujets particuliers.
On m'a, bien entendu, présenté comme étant le député de Saint-Hyacinthe--Bagot, comme étant aussi un économiste, mais on a surtout dit que j'avais eu l'honneur--c'est d'ailleurs ce que j'ai eu--de recevoir la plume d'aigle de la part des premières nations.
» (1750)
Savez-vous ce qui s'est passé? C'étaient des gens des régions rurales qui étaient dans la salle, des gens de tout le territoire québécois. Ce sont des gens qui côtoient des membres des 11 nations reconnues qui sont sur le territoire québécois, leur territoire, en réalité. Les gens se sont levés et ont applaudi. Cela vous donne une idée de leur état d'esprit.
Vous pensez que les gens ne comprennent pas ce qui se passe? Les gens comprennent ce qui se passe et ils ont compris depuis 1983 ce qui s'est passé comme évolution ici. Ils ont compris aussi qu'on est rendu beaucoup plus loin que le projet de loi que nous avons, qui ressemble étrangement à ce qu'on pouvait retrouver en Afrique du Sud avant l'émancipation des Noirs.
D'ailleurs, on devrait inviter Nelson Mandela à venir faire un petit tour ici pour voir comment on inféode les premières nations avec ce projet de loi et peut-être écouter ce qu'il a à dire. Il a présidé à l'émancipation du peuple africain en Afrique du Sud et aussi à sa libération. Avant qu'il fasse le combat de sa vie--il a passé presque 35 ans en prison, retenu par des chaînes--, le peuple africain était victime de discrimination. On ne cessait de discriminer à son égard et de dire qu'il était incapable de se gouverner lui-même. Avec l'émancipation, on s'est aperçu que l'Afrique du Sud allait beaucoup mieux qu'avant l'émancipation sous le régime de l'apartheid. Je suis sûr que Nelson Mandela comprendrait ce qu'on est en train de faire avec ça. C'est sûr, c'est subtil. C'est un peu plus subtil, un peu plus moderne. Avec un langage alambiqué, on essaie encore une fois de rentrer dans la gorge une espèce de réflexe colonialiste, un réflexe de mépris envers les premières nations.
Je ne peux pas croire qu'ici, autour de la table, on ne comprenne pas cette situation, qu'on ne comprenne pas ce qu'on est en train de faire avec un projet de loi de cette nature. Je pense que la meilleure chose à faire, c'est encore des représentations internationales. Qu'on invite des représentants internationaux ici pour qu'ils viennent juger sur place ce que le Canada est en train de faire avec ce qu'il présente comme étant supposément la deuxième phase des relations entre les premières nations et le gouvernement fédéral. Je pense que ça ne prendrait pas la tête à Papineau pour découvrir, chez les étrangers qui regarderaient de l'extérieur ce que le gouvernement fédéral est en train de faire, qu'on est en train de reproduire le vieux système qui a présidé au développement des premières nations ou au sous-développement des premières nations pendant presque 130 ans. On dit vouloir remplacer cela par le projet de loi C-7, alors que c'est tout à fait faux.
D'ailleurs, je parlais avec une journaliste cet après-midi. Elle m'a dit des choses à faire dresser les cheveux sur la tête. Lorsqu'elle m'interviewait, elle m'a mentionné qu'au bureau du ministre, ce n'est pas ce qu'on dit. Je lui ai donc demandé ce qu'on leur dit au bureau du ministre. Or, on dit, au bureau du ministre, que de façon générale, dans les communautés des premières nations, il y a des problèmes de gouvernance incroyables. C'est ce qu'elle m'a dit. Elle m'a demandé si c'est vrai. Je lui ai répondu que ce que j'en sais à l'heure actuelle et ce que la vérificatrice générale en sait aussi, c'est que la très grande majorité des communautés des premières nations, soit 95 p. 100 d'entre elles, déposent annuellement des rapports de vérification. Elle a ajouté qu'on leur dit le contraire au bureau du ministre, qu'on leur dit qu'il y a des problèmes de gouvernance et aussi des problèmes de transparence dans la gestion des affaires des premières nations. Je lui ai dit que s'il y a des problèmes de transparence, ceux-ci se retrouvent au ministère des Affaires indiennes, pas dans les communautés autochtones.
C'est au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qu'on en a appris des vertes et des pas mûres lorsqu'on a fait la tournée. Je pense entre autres aux salaires des gestionnaires et des cogestionnaires qui, pour du travail à temps partiel, reçoivent 60 000 $. Alors, s'ils ont 10 travaux à temps partiel comme ça, font-ils 600 000 $ par année? On n'a justement pas de transparence au ministère des Affaires indiennes, on ne sait pas ce qui se passe de façon assez claire.
Savez-vous ce qu'on dit au ministère des Affaires indiennes? La journaliste me mentionnait qu'on dit que le projet de loi C-7 doit remplacer la Loi sur les Indiens. Elle demandait comment il se fait que nous disons que c'est un projet de loi infâme, que nous le dénonçons à tour de bras et que tout le monde le dénonce, comment il se fait que nous sommes contre. Je lui ai répondu que premièrement, il est faux de dire que ça remplace la Loi sur les Indiens, d'arrêter de dire cela. Je lui ai dit que c'est Robert Nault qui dit cela et que c'est le premier ministre sortant qui dit que cela remplace la Loi sur les Indiens, et que même l'Association du Barreau canadien et le Barreau québécois sont en désaccord là-dessus. Selon nous, on ajoute le projet de loi C-7 par-dessus la Loi sur les Indiens, par-dessus la Constitution et la Charte des droits et libertés. Il y a même des articles contradictoires qui risquent de faire en sorte qu'on aie des poursuites interminables devant les tribunaux. Je lui ai dit d'arrêter de prendre ce genre de chose pour acquis. Mais elle me disait qu'au bureau du ministre, on dit cela. On dit aussi que les réunions publiques qu'on tient sont insuffisantes et qu'on n'invite pas les membres des premières nations suffisamment longtemps à l'avance.
» (1755)
Le président: Merci, monsieur Loubier.
[Traduction]
Maintenant, nous allons procéder directement au vote par appel nominal.
(L'amendement est rejeté par 9 voix contre 2)
Le président: Nous allons suspendre les travaux pour 20 minutes, puis nous reviendrons à l'amendement CA-45, page 191.
» (1757)
¼ (1824)
Le président: Reprenons les travaux.
Monsieur Vellacott.
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Nous avons déjà vu un amendement semblable. Dans ce cas, l'amendement disait « le paiement de droits minimes n'excédant pas le coût d'impression, une copie, certifiée conforme... », mais, dans ce cas-ci, c'est quelque peu modifié, pour que cela devienne un « coût de reproduction ».
J'étais sur le point de conclure que je devrais peut-être retirer l'amendement, puisqu'une proposition a déjà circulé un peu à ce sujet--même si elle était un peu différente. Tout de même, en y pensant un peu plus, je crois vraiment que je trahirais les membres des Premières nations que je fréquente depuis quelques années si je faisais cela. À nos yeux, cela paraît négligeable--le simple fait de verser des droits en vue d'obtenir une copie d'un texte législatif, mais, croyez-moi, chez les Indiens, là où j'ai pu m'entretenir avec les gens, le niveau de pauvreté est tel que cela devient hors de portée. Ils n'ont pas la capacité, si quelqu'un veut être un peu difficile en rapport avec cela...
Je sais que même l'expression « droits raisonnables » est censée avoir un sens du point de vue de la jurisprudence ou du droit, et on pourrait peut-être étirer cela un peu, mais je souhaitais que l'article soit tel que quiconque a besoin d'une copie d'un texte législatif qui le touche si directement, dans sa propre réserve, Première nation ou bande, devrait pouvoir le faire sans se heurter à quelques moyens d'obstruction, sans que personne ne puisse lui mettre d'une manière ou d'une autre des bâtons dans les roues.
C'est un amendement assez élémentaire, que je proposerais pour modifier l'article 30 du projet de loi C-7, à la ligne 20, page 18. En ce moment, cela se lit comme suit : « La bande fournit à quiconque en fait la demande, moyennant le paiement de droits raisonnables, une copie, certifiée conforme par la personne autorisée par la bande, du code ou du texte législatif. » C'est très spécifique et très détaillé, et je ne souhaite pas ergoter, mais, plutôt que de parler du « paiement de droits raisonnables », nous proposons de dire « le paiement de droits minimes n'excédant pas le coût de reproduction, une copie, certifiée conforme » par la personne autorisée par la bande, du code ou du texte législatif.
Nombre des personnes présentes autour de la table et même des membres de notre auditoire aujourd'hui comprennent un peu ce dont il s'agit. Parfois, les gens sont tellement pauvres qu'ils n'ont pas les moyens de verser des droits. On ne saurait dire même si des droits de 10 ou 15 $ seraient jugés raisonnables. De fait, ce serait peut-être le cas parce que, parfois, il y a les frais administratifs dont il faut tenir compte, monsieur le président. Par conséquent, parfois, quand les gens fixent des droits raisonnables sous le régime provincial ou municipal, par exemple, cela comprend de fait le temps qu'il a fallu à quelqu'un pour trouver le document, le rendre accessible et le certifier et ainsi de suite. Il peut donc y avoir des droits raisonnables de 15 $, sinon d'un autre montant.
Dans le cas qui nous occupe, nous demandons simplement le paiement de droits « minimes n'excédant pas le coût de reproduction ». Le but est simple et direct; ce ne sera pas 15 ou 20 $, ou je ne sais encore quel montant, pour un texte législatif quelconque, mais plutôt le montant qu'il faut. Je présume que le coût serait très variable, incluant le coût de reproduction. C'est peut-être 5c. ou 10c. la copie, mais ça ne sera extrêmement pas plus de 20c. la copie. Il suffit d'alimenter le photocopieur, puis s'il s'agit de 10 pages, alors les droits minimes s'élèvent à 2 $.
À mon avis, cela va de soi. Il ne saurait avoir d'obstacle à la tentative pour quelqu'un d'obtenir une copie d'un texte législatif qui, de fait, peut être la raison même pour laquelle il se trouve dans le pétrin pour ainsi dire. La personne doit pouvoir savoir ce qui s'applique à elle et connaître les textes législatifs particuliers dont il est question. À juste titre, elle doit pouvoir savoir cela et être en mesure de comprendre les conséquences de cela pour elle.
Voilà donc le but que j'avais, présenté de bonne foi. J'aurais pu retirer l'amendement, afin de ne pas trahir ces gens des Premières nations et afin de pouvoir aller les revoir et les regarder dans les yeux, je dois tout au moins faire une tentative et voir si certains sont prêts à accepter cette simple substitution à la ligne 20, page 18, l'article 30 du projet de loi C-7.
Merci, monsieur le président.
¼ (1825)
Le président: Merci, monsieur Vellacott.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président. Je peux comprendre ce que vise M. Vellacott par son amendement.
Il est d'ailleurs clair. S'il est question de frais, de droits ou de paiements raisonnables, il est beaucoup plus précis de dire: « paiement de droits minimes n'excédant pas le coût de reproduction, une copie, certifiée conforme ». Je considère que le souci de ne pas faire payer indûment le prix des copies a une certaine valeur.
La seule chose que je peux reprocher à l'amendement de M. Vellacott, c'est qu'il est aussi dirigiste que le texte du paragraphe 30(5), où il est écrit: « le paiement de droits raisonnables ». Depuis quand des gens normalement constitués demandent-ils le paiement de droits déraisonnables? Je n'ai jamais vu, quant à moi, de demandes de ce genre.
Encore une fois, je ne m'attaque pas aux intentions de M. Vellacott. Il est fort louable de penser aux gens qui peuvent ne pas avoir les moyens de payer des copies du code ou du texte législatif et de vouloir adopter, comme dans plusieurs administrations municipales, ce genre de disposition qui stipule, par exemple, « paiement de droits minimes n'excédant pas le coût de reproduction, une copie, certifiée conforme ».
Une certaine attitude m'agace. Si nous étions membres des premières nations et si nous avions à discuter de notre mode de gouvernance, je serais peut-être le premier à dire qu'il faudrait faire en sorte que les frais demandés à nos membres soient minimes. Mais je ne suis pas membre d'une première nation et je n'ai pas à prescrire la façon dont sera traitée la question du paiement des droits pour une copie certifiée conforme de textes législatifs ou de codes. Je ne me sens donc pas habilité à donner des détails de cette nature.
Le texte original me semblait aussi inacceptable. Il est écrit au paragraphe 30(5):
(5) La bande fournit à quiconque en fait la demande, moyennant le paiement de droits raisonnables, une copie... |
De quel droit exigeons-nous des premières nations des paiements de droits raisonnables? C'est à elles, et pas à nous, de mettre en place leur système de tarification des copies. Le texte de départ est le suivant:
...une copie, certifiée conforme par la personne autorisée par la bande, du code ou texte législatif... |
L'amendement le transforme ainsi:
...des coûts minimes n'excédant pas le coût de reproduction, une copie, certifiée conforme... |
C'est le type d'article, en fait, qu'on a condamné depuis le début de l'analyse de ce projet de loi présenté par le gouvernement.
Vous avez de bonnes intentions, monsieur Vellacott, et votre amendement n'est pas sans valeur. Votre préoccupation en faveur des plus démunis est bienvenue. Par contre, je crois qu'il faut d'abord reconnaître aux premières nations le droit à la gouvernance avant de leur prescrire quoi faire, de leur dire de prélever des droits sur des copies réputées conformes, droits qu'on pourrait distribuer aux personnes habitant sur le territoire de la bande qui en feraient la demande.
Je vais devoir m'opposer à cet amendement malgré le fait qu'il soit socialement intéressant. Malheureusement, on y trouve le même défaut que dans le texte initial.
Le même problème subsiste partout, d'ailleurs, et ce genre d'approche commence à m'énerver royalement. On donne des détails sur le mode de gouvernance et sur ce que les premières nations sont obligées de faire. On stipule que les textes ne doivent pas être en contradiction avec les textes fédéraux, sinon ceux-ci ont préséance. Le ministre fait ceci, le ministre fait cela, le ministre décide, les premières nations ont des obligations en fonction des règles de gouvernance imposées par le gouvernement fédéral.
¼ (1830)
J'espère que nous allons continuer ce travail au mois de novembre. Sans aller jusqu'à devenir libéral et appuyer M. Martin, je vois en ce dernier un allié circonstanciel, si on se fie à ses déclarations récentes. Il semble avoir compris. Du moins, je l'espère. On le jugera selon les gestes qu'il va poser. J'espère qu'il ne décevra pas trop de gens lorsqu'il sera à la tête du pays au mois de novembre. Il s'est engagé plus d'une fois à ne pas appliquer le projet de loi C-7. Il a pris cet engagement public envers les premières nations à trois reprises. Je pense qu'il y a très peu de doutes qu'il va gouverner au mois de novembre. J'espère qu'il a compris, lorsqu'il a lu le projet de loi et qu'il s'est prononcé à son sujet, que ce qui est inacceptable est de reconnaître le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale des premières nations d'une part, et, d'autre part, leur nier ce droit, faire décider le ministre à leur place et établir que les textes de lois fédéraux ont plus de valeur que les textes législatifs des premières nations. Ou il s'agit bien d'un troisième ordre de gouvernement ou ce n'en est pas un. Ou ils ont des droits, liés entre autres aux traités ancestraux, ou ils n'en ont pas. On ne peut tolérer qu'ils aient une moitié de droit et que l'autre moitié leur soit imposée. Un droit est un droit. Un demi ou un tiers de droit n'existent pas. On a un droit, un point c'est tout. Les droits inhérents des premières nations ont été reconnus par les tribunaux, par l'Organisation des Nations Unies, par la Constitution et par la Charte des droits et libertés. Ce sont donc des droits; ce ne sont pas des moitiés ou des tiers de droits. On ne peut laisser une partie de ces droits entre les mains du gouvernement fédéral. Ou ils sont habilités à gouverner et vous reconnaissez le droit inhérent des premières nations à l'autodétermination, ou vous ne le reconnaissez pas. On ne peut pas le reconnaître à moitié. Il faut le reconnaître en entier ou le rejeter. C'est la vie. Ce n'est pas noir, ce n'est pas blanc. Vous avez des droits ou vous n'en avez pas. On ne peut pas parler des deux côtés de la bouche en même temps. Cela ne peut pas continuer de cette façon.
L'évolution, au cours des trois dernières décennies, de la réflexion à l'égard des premières nations nous le confirme. On ne peut pas accepter en 2003 qu'on soit encore motivé par de vieux réflexes dépassés. Je pense que le gouvernement a été doublé par la population canadienne, qui veut qu'on établisse des relations harmonieuses avec les premières nations, qu'on vive ensemble, comme partenaires, comme bons voisins, et qu'on évite ce qui s'est passé au cours des dernières décennies, alors qu'on a laissé les premières nations se débrouiller seules ou vivre sous tutelle à cause de la Loi sur les indiens, sans chercher à apporter des changements. On tente aujourd'hui d'apporter des changements, mais les mauvais changements. Je n'accepte pas cela.
Vous comprendrez, monsieur Vellacott, que je n'appuie pas votre amendement à cause de son aspect dirigiste, et non à cause de son aspect progressif. Je vous félicite, d'ailleurs, parce que vous êtes député allianciste et vous adoptez une position un peu à gauche de celles de beaucoup de vos collègues. C'est bien, mais votre amendement souffre d'être dirigiste, comme le reste du projet de loi.
Afin d'améliorer votre amendement, j'aimerais présenter un sous-amendement. Votre amendement se lit comme suit: « minimes n'excédant pas le coût de reproduction, une copie, certifiée conforme », et j'y ajouterais: « et dans la langue de la première nation concernée. » On a parlé de souci linguistique plus tôt. Il serait donc intéressant à cet égard d'ajouter un sous-amendement qui se lirait comme suit: « et dans la langue de la première nation concernée ». Ce serait un sous-amendement intéressant, vous en conviendrez.
Je vous observais d'ailleurs, lorsque vous m'écoutiez parler de langue lors de l'étude du sous-amendement de M. Martin. Vous aviez l'air très intéressé par mon analyse, qui portait sur l'importance de la langue chez les premières nations.
Mon sous-amendement se lirait donc comme suit: « et dans la langue de la première nation concernée ».
¼ (1835)
Le président: Monsieur Loubier, vous avez la parole sur votre sous-amendement.
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, tout à l'heure, nous n'avons pas eu l'occasion de vider toute la question de l'importance de la langue dans les relations entre les nations; d'ailleurs, nous n'aurons jamais cette occasion.
On parle de langues, de promotion de langues, comme la langue française ou comme les différentes langues des premières nations. Il est important, surtout dans un texte de loi les concernant, qu'il n'y ait pas uniquement le français et l'anglais qui puissent faire l'objet de transaction comme celle dont il est question au paragraphe 30(5) où on parle de « copie certifiée conforme du code ou du texte législatif ».
Cela devrait être une chose commune. Le gouvernement fédéral devrait prévoir des fonds pour les conseils de bande, afin qu'ils puissent faire traduire les codes et les textes législatifs. Cela ne devrait pas être seulement en français et en anglais, mais dans la langue concernée sur le territoire de cette première nation.
J'écoutais récemment un reportage au canal autochtone, ATPN, si ma mémoire est bonne. On parlait de plusieurs communautés en reconstruction qui avaient décidé de miser sur la vigueur de leur langue maternelle. On revenait à l'apprentissage par de jeunes enfants de la langue de cette première nation, une langue qui avait été perdue par à peu près 95 p. 100 de la communauté visée par ce reportage; on se rappropriait cette langue. En se rappropriant cette langue, on se rapproprie en quelque sorte l'âme de la nation autochtone. Sans sa langue, une nation n'est pas tout à fait une nation. C'est l'expression même de cette différence.
Lorsqu'on parle d'un projet de loi qui a pour titre « Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois », il faut prévoir une traduction, dans la langue des premières nations concernées, de ces textes adoptés et des copies certifiées conformes distribuées par le conseil de bande. Le gouvernement fédéral devrait prévoir des fonds spécifiques à l'égard de la promotion littéraire de ces langues. Je ne vois pas pourquoi ce serait incongru d'avoir des textes en langue iroquoienne, en langue innue, ou en langue crie aussi qui pourraient être accessibles aux gens de la communauté.
On fait revivre une langue non seulement en l'apprenant, mais en la pratiquant aussi. Une langue, il faut la parler. Il faut aussi pratiquer sa lecture, connaître les caractéristiques de son alphabet ou des pictogrammes présents dans cette langue. Pour se rapproprier la langue, il faut qu'elle soit utilisée couramment, qu'elle soit d'un usage courant.
On ne peut pas utiliser une langue uniquement lors de spectacles culturels, par exemple, et nous, de notre côté, applaudir en se disant: « Ah, quelle richesse! » Il faut aussi que la première nation concernée puisse faire vivre sa langue. La meilleure façon de faire vivre ces diverses langues, c'est de traduire les textes législatifs pour qu'ils soient accessibles dans les langues des premières nations, auprès des membres de ces premières nations.
Lorsqu'on parle de distribuer des textes législatifs et des codes, ce serait très intéressant qu'il y ait, par exemple, un fonds spécial de promotion des langues autochtones, qu'une partie de ce fonds spécial serve à rendre disponibles dans les langues des premières nations les textes législatifs les concernant, y compris les codes pour le choix des dirigeants et autres.
Un tel amendement serait très important, si on se souvient de l'histoire et de l'application de la Loi sur les Indiens. On a fait ce que j'appellerais de « l'inculturation » des peuples autochtones. Pendant plusieurs décennies, on a interdit à leurs enfants de parler leur langue et on est même allés jusqu'à les frapper, à les battre parce qu'ils osaient parler leur langue.
¼ (1840)
Il me semble qu'aujourd'hui, on devrait s'en repentir et se dire qu'au nom des souffrances imposées aux jeunes autochtones, à différentes époques depuis 130 ans, cela vaudrait la peine de poser un geste, comme par exemple d'être prêt à donner les fonds nécessaires aux premières nations pour qu'elles se rapproprient leur langue. Cela pourrait se traduire dans le projet de loi sur la gouvernance, en permettant aux premières nations d'avoir accès à tout ce qui se fait pour elles dans leur langue.
On a souvent parlé du respect de la dualité canadienne, le français et l'anglais. Je pense qu'on devrait élargir cela afin que ce ne soit plus seulement une dualité, mais le respect de la diversité linguistique. Dans cette diversité, dans cette richesse, on retrouve les langues autochtones présentes sur le territoire québécois et canadien; je suis étonné qu'on n'ait pas cette sensibilité.
Tout à l'heure, M. Martin a présenté un sous-amendement qui ressemblait au mien concernant la promotion des langues autochtones, et on a procédé au vote. Il me semble indispensable, étant donné cet aspect qui va de soi, finalement, qu'on puisse reconnaître les langues autochtones, puisque ce sont des projets de loi de gouvernance des autochtones. Lorsqu'on a procédé au vote, j'étais sûr que les collègues libéraux se réveilleraient, au moins pour une fois, et appuieraient cet amendement. Mais non, j'ai eu la surprise de voir que tous les libéraux, sans exception, ont refusé de reconnaître l'importance de la préservation et de la promotion des langues autochtones. C'est ce que ça veut dire.
Étant donné qu'on parle de la création d'un troisième ordre de gouvernement avec les premières nations, on a nié à ces gouvernements autochtones le droit de se gouverner dans leur langue, de s'autogouverner dans leur propre langue; on n'a même pas reconnu cela. Du côté des libéraux, on a présenté un amendement de cette nature et on n'a pas reconnu cela. C'est incroyable.
Je comprends pourquoi vous ne voulez plus que nos réunions soient télévisées: c'est une honte monumentale de se comporter comme vous l'avez fait. Surtout chez nous, où les questions de langue ont une résonnance assez extraordinaire, imaginez-vous qu'on propose un amendement portant sur le respect des langues autochtones, et vous scrapez cet amendement. On a pu entendre quelqu'un pousser un cri presque joyeux: « Defeated » Joyeusement, avec enthousiasme et avec honneur, on dit: « Defeated! » On rejette la différence, on rejette le droit pour les premières nations de disposer de leurs langues, de se rapproprier leurs langues, d'utiliser ces langues pour s'autogouverner, et on est fiers de dire non, non, non.
Il serait temps qu'on ait des observateurs de l'Organisation des Nations Unies ici. Un article de la Déclaration universelle des droits de l'homme dit qu'on ne doit pas discriminer en fonction de la langue, de la religion ou de la race. Ici, on est en train de discriminer en fonction de la langue, parce qu'on ne reconnaît même pas l'existence des langues autochtones, et a fortiori, on ne reconnaît pas le droit des premières nations d'utiliser leurs langues pour s'autogouverner. C'est quand même assez incroyable.
Je souhaite qu'il y ait un observateur. La semaine passée, un observateur des Nations Unies a parcouru certains territoires des réserves indiennes au Canada. En entrevue, il se disait estomaqué de voir que dans un pays comme le Canada, qu'on dit riche, dans un des huit pays les plus industrialisés, on trouve des réserves où il n'y a pas d'eau potable, où il y a des logements en décrépitude, un sous-emploi chronique, des terres et des forêts des premières nations qui ont été dévastées pour faire de l'exploitation pétrolière, de l'exploitation forestière, des coupes à blanc, et qu'on continue à parler de tout et de rien alors que c'est un désastre sur le plan national. Il faudrait que cet observateur de l'Organisation des Nations Unies soit dans la salle pour voir de quelle façon on traite les peuples autochtones, non seulement dans les réserves, si l'on s'en tient à l'aspect pratique, mais également comment on traite leur avenir de façon surréaliste. Cela n'a aucun bon sens.
Je réitère ce sous-amendement pour revenir à l'importance de la diversité culturelle et de la dignité des peuples autochtones. J'espère que vous aurez au moins la finesse, la gentillesse, la courtoisie et le respect d'accepter cet amendement relatif à ce qui traduit le plus les cultures autochtones au Canada. Ce serait une deuxième catastrophe si vous refusiez ce sous-amendement.
¼ (1845)
[Traduction]
Le président: D'accord.
Monsieur Vellacott.
M. Maurice Vellacott: Je n'avais pas pensé à cela avant que mon collègue, M. Loubier, ne soulève la question.
J'imagine que la question peut s'adresser à M. Johnson ou à M. Salembier. Quelle est l'intention du législateur chaque fois qu'il est question de textes législatifs établis par écrit et tout le reste? La Loi sur les langues officielles s'applique-t-elle? Le texte doit-il figurer en anglais, en français et (ou) dans une troisième langue, ou appartient-il simplement aux gens de choisir de le faire dans la langue de la Première nation uniquement, sinon dans les trois? Quelle est l'intention du législateur?
M. Paul Salembier (avocat-conseil, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Comme il s'agit d'un décret-loi, la Loi sur les langues officielles et la Loi constitutionnelle s'appliqueraient. Selon la Loi constitutionnelle de 1982, à l'article 16, je crois, les langues officielles sont le français et l'anglais; par conséquent, il faudrait que cela soit établi tout au moins dans l'une des langues officielles. Les bandes indiennes sont dispensées de l'obligation de produire les textes législatifs dans les deux langues officielles en application de la Loi sur les langues officielles, mais, afin de se conformer à la Loi constitutionnelle, il faudrait établir le texte dans au moins une des deux langues officielles.
M. Maurice Vellacott: D'accord, je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Merci.
Est-ce que quelqu'un d'autre veut traiter de ce sous-amendement?
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: J'aimerais aussi formuler quelques observations au sujet du sous-amendement. Je crois que celui-ci a pour fondement la question que j'ai soulevée plus tôt en proposant le sous-amendement. C'est l'occasion pour nous de commencer à reconnaître la culture et la tradition autochtones tandis que nous allons de l'avant avec ce projet de loi à un rythme d'enfer. Je crois que le moment est venu de ralentir quelque peu et de prendre en considération certaines de ces questions avant de commettre une terrible erreur. Je crois que le fait de passer ces articles à l'hâte, à un rythme déraisonnable, nous empêche de donner à ces questions toute l'attention qu'elles méritent et qu'elles justifient.
C'est la faute aux secrétaires parlementaires d'aujourd'hui et d'hier si nous avons cette difficulté, si nous ne pouvons consacrer un temps adéquat à ces questions, car ce sont eux qui ont proposé de clore le débat et de limiter le temps que nous pouvons employer pour explorer ces questions et convoquer encore plus de témoins, afin, vraiment, d'ouvrir pleinement le débat comme il devrait l'être.
Comme la procédure nous limite, qu'elle fait que nous agissons pieds et poings liés, nous allons probablement adopter une loi bâclée. Ce sera cela malgré tous les bons efforts que nous ferons, mais, vraisemblablement, le produit de l'exercice présentera des lacunes et ne sera pas accepté dans les collectivités ou il sera imposé aux gens. Les gens vont le rejeter. Il va être remis en question.
Le gouvernement provisoire de Paul Martin s'est prononcé; il a dit qu'il ne se réjouit pas—pour le moment où il deviendra le gouvernement et non plus seulement le gouvernement provisoire—à l'idée de toutes les causes qui seront portées devant les tribunaux. Le gouvernement provisoire de Paul Martin s'est prononcé sur la question en disant qu'il n'appréciait pas du tout le fait de devoir porter inutilement l'odieux de ce projet de loi avec toutes les conséquences prévisibles qu'il comporte, c'est-à-dire les contestations et causes judiciaires.
Au début de la soirée, avant la pause que nous avons prise pour souper, nous avons entendu les représentants de l'organisme KAIROS—les Initiatives canadiennes oecuménique pour la justice des grandes Églises canadiennes—l'Église unie, l'Église anglicane, l'Église luthérienne. Et nous avons entendu David Pfrimmer, qui est à la tête de l'Église évangélique luthérienne du Canada, qui s'oppose avec véhémence à ce projet de loi, qui est venu prêter main-forte et rendre hommage aux quelques-uns d'entre nous qui, vaillamment, essaient de faire de leur mieux pour que ce projet de loi ne soit pas adopté. Nous avons entendu James B. Marschall, de l'Église unie du Canada, également venu montrer qu'il appuie ceux qui s'opposent au projet de loi.
Dans le contexte des langues, relativement au sous-amendement que M. Loubier a proposé, je me rappelle que l'évêque de Moosonee, dont le nom m'échappe pour l'instant, monsieur le président...je l'ai dans mes notes. Je crois qu'il s'appelle Caleb...je m'excuse, je n'ai pas son nom. Il a fait la remarque suivante :
Notre position est donc la suivante : il faudrait retirer du feuilleton le projet de loi C-7 et établir un meilleur processus de consultation. La discussion devrait être fondée sur le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones et avoir pour point de départ une reconnaissance claire de la Loi constitutionnelle de 1982... |
Je suis d'accord avec l'évêque de Moosonee. La raison pour laquelle j'ai parlé de l'Église anglicane dans le contexte de la langue, c'est que les manuels scolaires que nous avions, étant enfants, en langue crie, étaient l'oeuvre de l'Église anglicane du Canada. Nous avions un dictionnaire cri-anglais, anglais-cri. J'ai dans mon bureau un exemplaire de ce dictionnaire, que j'ai déjà apporté à nos séances.
L'Église anglicane comprenait que, pour communiquer efficacement avec les peuples autochtones, non seulement à des fins commerciales, mais aussi pour tout le reste... C'est dans les années 30 qu'ils ont conçu le premier dictionnaire global du maskegon. Le cri des plaines est le dialecte « Y »; le maskegon des forêts boréales du Nord est la langue que nous apprenions. C'était dans le secteur où la Compagnie de la Baie d'Hudson faisait le commerce des pelleteries et ainsi de suite; on n'avait donc pas besoin de ce dictionnaire pour le commerce. On avait besoin de ce dictionnaire pour communiquer réellement et pour avoir une approche plus nuancée face aux relations avec les Premières nations.
¼ (1850)
Il est assez simple d'échanger des biens sans bien maîtriser la langue, dans la mesure où il ne s'agit que de biens qu'on essaie de décrire, dans les limites du vocabulaire que l'on possède, mais si on essaie de formuler les questions plus complexes liées à une relation, à ce moment-là, il faut comprendre ce que l'autre dit.
Voilà le rôle qui était joué, et j'admire cela. Quels que soient les problèmes associés à la relation de l'Église anglicane avec les gens des Premières nations, dans le contexte des internats, tout au moins, les gens en question étudiaient la langue en tant qu'aspect important de la culture. Même à titre d'agent d'une force d'occupation, si vous voulez, l'Église anglicane reconnaissait tout au moins l'importance de la langue, si on aspire sérieusement à communiquer avec les gens et à cultiver avec eux des liens.
Lorsque les deux représentants de KAIROS, dont l'Église anglicane fait partie... Quand je vois que toutes les grandes Églises s'opposent ensemble à ce projet de loi, cela me rappelle que ce ne sont pas seulement les dirigeants de l'Assemblée des premières nations qui s'y opposent, comme le ministre voudrait vous le faire croire. Dans une circulaire récente qu'il a transmise aux députés libéraux, il a cité une série d'éditoriaux que les intéressés ont réussi à faire publier dans les journaux de tout le Canada. Et la circulaire était accompagnée d'une lettre disant : nombre d'entre vous avez peut-être entendu dire qu'il n'y a pas que les chefs de l'APN qui s'opposent à ce projet de loi—puis, il finit par expliquer que, à son avis, cela n'est pas vrai. Même moi, je me fie aux exposés que nous avons entendus, et je dirais que 95 p. 100, au bas mot, des témoins que nous avons entendus aux séances du comité permanent s'opposaient vigoureusement au projet de loi, y compris de nombreux représentants non autochtones de la société civile.
Toutes les grandes Églises, toutes, et nombre d'universitaires respectés, de professeurs de droit, d'associations du barreau, voire l'ancien ministre des Affaires indiennes sont venus témoigner pour dire que, à leur avis, le projet de loi C-7 empiète sur les droits constitutionnels et droits issus de traités, sur l'article 15 de la Charte et sur les conventions internationales concernant le droit à l'autodétermination dont le Canada est signataire.
L'amendement modeste que propose mon collègue vise à modifier les observations de l'Alliance canadienne à propos de l'article 30, en ce qui concerne l'ampleur des droits exigés.
Quelle que soit l'ampleur des droits exigés, j'espère que nous aurons l'occasion de débattre de l'amendement principal, après coup, si le temps le permet. J'ai quand même certaines observations à formuler à propos du paiement de droits n'excédant pas le coût de reproduction, mais, pour ce qui est de l'allusion à la langue, j'admire la finesse avec laquelle mon collègue du Bloc a essayé d'introduire des mesures visant à reconnaître la nature délicate de la culture et de la tradition en ce que celle-ci se rapporte à toutes les questions de gouvernance ou de législation.
Cela me rappelle un ouvrage de M. Harold Cardinal que je suis en train de lire. M. Cardinal est un ex-chef national de ce qui s'appelait alors la Fraternité des Indiens du Canada, aujourd'hui l'Assemblée des premières nations; et sa façon d'aborder la question de légiférer, non seulement dans le contexte des documents de politique comme celui dont je cite des extraits, mais aussi dans le contexte des réflexions historiques qu'il a à propos du Livre blanc.
À l'époque, tandis qu'il était, de fait, président de l'Indian Association en Alberta, en 1969, au moment d'organiser une activité politique dans l'Ouest, il lançait des accusations publiques contre le ministre de l'époque, Jean Chrétien, en disant qu'il avait contre lui une vendetta pour avoir s'être opposé au livre blanc de 1969.
M. Cardinal, dans un récit très bien fouillé qui parle de cette époque, affirme que M. Chrétien, à l'époque, estimait que le livre blanc mettait en jeu sa crédibilité politique, sinon son avenir. Il semble que les deux employaient la Loi sur les Indiens comme instrument de négociation, mais il est évident que si les Indiens y voyaient un levier à leur avantage, une expérience de plus de 100 ans prouvait que c'était un levier plus important pour le gouvernement fédéral.
C'est dans le contexte de la célèbre décision rendue dans l'affaire Lavell, où Jeanette Lavell...
¼ (1855)
Le président: Merci, monsieur Martin.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, j'espère que mes collègues appuieront ce sous-amendement, d'autant plus qu'avec le temps, on a reconnu que la langue d'un peuple était l'expression directe de ce que ce peuple pouvait être et prétendre être comme peuple souverain vivant sur cette planète.
Dans le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, en 1997, il y avait une partie qui traitait de l'importance de la langue. Plus tard, je vous citerai d'autres textes, mais permettez-moi ici de citer le rapport de cette commission:
La langue est l'un des principaux instruments qui permet de transmettre la culture d'une génération à l'autre... |
Si on ne reconnaît pas ce principal instrument de transmission de la culture d'une génération à l'autre, cela veut dire qu'on brime la survie et même le développement des premières nations. Si on n'est pas capables ici de reconnaître l'importance de la langue, c'est parce qu'on ne veut pas reconnaître que cet instrument pourrait contribuer, pour des générations à venir, à faire en sorte que les premières nations continuent d'exister et croissent en importance. D'ailleurs, le taux de croissance démographique des autochtones est à peu près deux fois supérieur à celui qu'on peut trouver chez les non-autochtones au Canada.
Dans le rapport Erasmus-Dussault, on disait aussi, à la section des langues vivantes:
La langue est l'un des principaux instruments qui permet de transmettre la culture d'une génération à l'autre et d'interpréter l'expérience collective.Au Canada, on trouve 11 grandes familles linguistiques autochtones et plus de 50 langues différentes. |
Imaginez la richesse que représentent, sur notre territoire, ces 50 langues différentes.
On disait aussi dans ce rapport:
Le nombre des locuteurs de langue autochtone ne représente qu'une fraction de la population autochtone: environ une personne sur trois chez les cinq ans et plus. |
Donc, il y a seulement une personne sur trois chez les cinq ans et plus qui est capable de s'exprimer dans les langues autochtones:
Même les langues les plus utilisées--le micmac, le montagnais, le cri, l'ojibwa, l'inuktitut, certaines langues dénées--sont menacées d'extinction parce que les jeunes les parlent de moins en moins. |
D'ailleurs, j'aimerais vous exposer la situation linguistique des premières nations, qu'on peut tirer du recensement de 2001. Si cela vous intéresse d'avoir des détails, il était intitulé: Peuples autochtones du Canada : Un profil démographique. Lorsqu'on regarde dans la section concernant la langue, on peut voir des renseignements fort intéressants sur l'évolution des langues autochtones au Canada. On sait qu'il y a 50 langues différentes. Quelle richesse! On a, sur notre territoire, 50 langues qu'on ne connaît pas, qu'on gagnerait à connaître parce que c'est une richesse incroyable et on nie le droit de pouvoir en faire la promotion chez les premières nations.
Lors du recensement de 2001, on disait, et je cite:
Le quart des Autochtones pouvaient soutenir une conversation dans une langue autochtone. |
C'est quand même une bonne nouvelle, mais c'est seulement le quart, alors que cela devrait être 100 p. 100 si on faisait un effort et si le gouvernement fédéral jouait vraiment son rôle de fiduciaire et donnait les moyens aux premières nations de faire la promotion de leurs langues.
Dans ce rapport de Statistique Canada, lorsqu'on a fait l'analyse de l'utilisation des langues maternelles autochtones, on a conclu qu'il y avait une condition à la préservation et même à la croissance de l'utilisation de ces langues, c'est que l'utilisation régulière d'une langue est essentielle pour la préserver. Si vous n'utilisez pas une langue de façon régulière, elle se perd.
D'ailleurs, je suis persuadé qu'autour de la table, plusieurs de mes collègues n'ont pas parlé une langue qu'ils avaient apprise par le passé et qu'à un moment donné, ils se sont aperçus qu'ils avaient perdu cette langue. Cela m'est arrivé. Après un cours intensif d'espagnol, je pouvais tenir une conversation incroyable, même parler de politique du Chili sous Allende, mais n'ayant pas parlé cette langue pendant 15 ans, elle se perd. Elle peut revenir, mais il faut travailler et il faut l'utiliser quotidiennement pour la préserver.
Si les premières nations n'utilisent pas une des 50 langues autochtones du Canada, si cette langue n'est pas utilisée tous les jours ou dans des textes relatifs à l'avenir des premières nations, comme des textes législatifs ou des codes pouvant les définir, il est certain que cette langue servira moins, qu'elle sera moins utilisée et moins parlée par les communautés des premières nations.
½ (1900)
J'entendais plus tôt M. Salembier nous dire qu'il faut que cela se fasse dans l'une des deux langues officielles. Cela veut dire qu'une première nation pourrait jouer son rôle législatif, définir sa loi dans sa langue maternelle, mais qu'elle aurait l'obligation de la verser dans le registre soit en français et en anglais, soit uniquement en anglais ou uniquement en français, vu que les premières nations sont privées de moyens techniques et financiers par le gouvernement fédéral, et elle devrait sacrifier sa propre langue. Cela n'a aucun sens.
Il faudrait non seulement prévoir cette référence aux langues autochtones dans le projet de loi, mais on devrait prévoir, par ailleurs, une politique féroce du gouvernement fédéral pour que ces 50 langues soient parlées par 100 p. 100 des premières nations. On dit que le quart des autochtones peuvent soutenir une conversation dans une langue autochtone, mais il faudrait que ce soient 100 p. 100 des autochtones qui puissent le faire. Ce serait une richesse incroyable.
Alors pourquoi, dans un texte de gouvernance qui concerne les premières nations, n'a-t-on aucune référence au fait que les premières nations pourraient définir des textes législatifs et des codes dans leurs langues, et que ces codes-là, dans leurs langues, pourraient être déposés dans le recueil des codes tel que demandé par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien?
Ces statistiques du recensement sont très intéressantes. D'ailleurs, je les avais vues rapidement il y a quelques années, mais je ne m'y étais pas attardé plus qu'il ne le fallait. Mais aujourd'hui, puisqu'on parle de langues, ça devient fort intéressant de revoir ces statistiques-là. On dit:
Un total de 235 075 personnes, ou environ le quart (24 p. 100) des 976 305 personnes qui se sont identifiées comme étant des Indiens de l'Amérique du Nord, des Métis ou des Inuits en 2001, ont déclaré avoir assez de connaissances d'une langue autochtone pour soutenir une conversation. Cette proportion était en baisse par rapport à celle de 29 p. 100 enregistrée en 1996. |
Si on a constaté une baisse de 5 p. 100, est-ce que ça voudrait dire qu'on n'a pas fait l'effort de soutenir financièrement et techniquement le désir des communautés autochtones de reprendre possession de leurs langues, de reprendre possession de leur âme, parce que la langue, c'est l'âme des peuples? Est-ce que, comme fiduciaire, on n'a pas fait le travail qu'on devait faire? On a laissé si peu de ressources aux premières nations et tant de besoins primaires qui ne sont pas comblés, comme l'accès à l'eau potable par exemple. On a oublié de prévoir suffisamment de fonds pour ces besoins essentiels et, en plus, des fonds pour faire la promotion des langues autochtones au Canada. Lorsqu'on regarde le recensement de 2001, on constate une baisse.
Par contre, il y a certains signes encourageants. On s'aperçoit que dans une partie des communautés qui ont signé des ententes d'autonomie gouvernementale, qui ont été dans la première vague, avant que cette vague ne se brise sur le récif du projet de loi C-7, et qui ont avancé au niveau de l'autonomie gouvernementale, il y a une croissance de l'utilisation de ces langues-là. On dit:
Cependant, le nombre de personnes ayant des connaissances d'une langue autochtone n'a pas fléchi pour toutes les langues autochtones. Huit des 14 langues parlées par au moins 2 000 personnes en 2001 ont enregistré une hausse depuis 1996, tandis que six d'entre elles ont connu une baisse. |
C'est quand même encourageant d'une certaine façon, mais il reste des efforts à faire, c'est certain. Et le premier de ces efforts, c'est de reconnaître l'existence des 50 langues autochtones, d'en faire la promotion et d'appuyer les premières nations qui veulent que ces langues-là reprennent vie et que 100 p. 100 des membres d'une communauté puissent parler leur langue.
Moi, je répète ce que je disais tout à l'heure au sujet de la diversité culturelle. J'écoutais parler Mme Copps, qui s'est associée à Mme Beaudoin quand elle était ministre québécoise des Relations internationales pour faire la promotion de la diversité culturelle. On ne peut pas faire la promotion de la diversité culturelle sur le plan international et ignorer qu'ici, on a une diversité culturelle qu'on boude, dont on ne fait pas la promotion et qui est en chute dans le cas de plusieurs de ces langues qui sont liées à des cultures et à des histoires incroyables.
Il y a quand même une lueur d'espoir, mais si les peuples autochtones avaient attendu le gouvernement fédéral pour sauver leurs langues ou pour redonner une espèce de vitalité aux langues qui sont en croissance, alors ils auraient attendu longtemps, parce que le gouvernement fédéral n'a pas vraiment fait d'effort, comme fiduciaire, pour encourager la reprise de contrôle sur un élément culturel de premier ordre, qui est la langue maternelle des peuples autochtones.
½ (1905)
On dit qu'un total de 31 945 personnes ont...
Le président: Merci, monsieur Loubier.
M. Yvan Loubier: Je reviendrai sur cela, parce que c'est d'intérêt public.
[Traduction]
Le président: Nous allons maintenant procéder à un vote par appel nominal à propos du sous-amendement touchant l'amendement CA-45, page 191.
(L'amendement est rejeté par 8 voix contre 2)
½ (1910)
Le président: L'amendement est rejeté, et je rappellerai aux membres du comité qu'il n'y a aucune disposition prévue pour les abstentions. Si vous ne souhaitez pas voter, éloignez votre chaise de la table.
Revenons à l'amendement, monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.
Je suis heureux de pouvoir parler de l'amendement de M. Vellacott, qui vise à modifier l'article 30 de telle sorte qu'il sera encore question d'imposer des droits à quiconque souhaite obtenir une copie d'un texte législatif, d'un règlement ou d'un code et tout le reste. C'est le libellé qui, plus que tout autre chose, m'inquiète. En fait, j'aimerais mieux que nous soyons là à débattre de la ligne tout juste au-dessus de celle que M. Vellacott souhaite modifier, car il nous faudrait voir la disposition dans son ensemble. Le paragraphe 30(5) se lit comme suit :
La bande fournit à quiconque en fait la demande, moyennant le paiement de droits raisonnables, une copie, certifiée conforme par la personne autorisée par la bande, du code ou du texte législatif. |
Je suppose que le terme « droits raisonnables » nous rassure quelque peu sur le fait qu'une bande n'aura pas à porter un fardeau excessif en étant obligée de fournir les copies des codes en question à quiconque en fait la demande, mais quand il dit « à quiconque en fait la demande », je me demande vraiment ce à quoi les législateurs pensaient. Si c'était « à quelque membre de la bande qui en fait la demande », j'y verrais une mesure raisonnable. Où qu'ils résident, ils devraient, de fait, avoir accès à ces codes sans frais. Je crois qu'ils ne devraient même pas payer les photocopies. Pour les membres de la bande, il devrait y avoir un accès facile et gratuit.
Mais « quiconque » peut vouloir dire vous ou moi, monsieur le président ou n'importe quel étudiant qui se penche sur la question. Souvent, nous recevons des appels de la part d'étudiants qui peuvent faire un travail sur la gouvernance au Canada, et il est difficile de trouver du temps, en tant que député, pour répondre à ce qui semble une série de questions innocentes de la part de quelques étudiants. Ici, nous obligeons une bande, avec les moyens limités dont elle dispose, à répondre à toute demande, en tout temps, provenant de quiconque souhaite se faire envoyer une copie du règlement du conseil de la bande ou autre chose. Je n'aime pas cela, mais ce n'est pas de cette ligne que nous débattons ici.
L'amendement de M. Vellacott trouve à redire à l'expression « droits raisonnables », car, si je ne m'abuse, il se soucie du fait que des gens aux revenus modestes ne puissent acquitter même ce que la bande considère comme des droits raisonnables. Il souligne que les droits ne devraient pas excéder le coût de reproduction, et je présume qu'il parle là des photocopies. Tout de même, je crois que le terme « droits raisonnables » peut se prêter à de nombreuses interprétations.
J'ai dû me procurer récemment des ouvrages de droit. J'ai dû acheter un nouvel exemplaire du Brown and Beatty, ayant perdu le mien; cela m'a coûté 245 $ pour un exemplaire de l'ouvrage de Brown et Beatty sur l'arbitrage et les relations de travail. Et j'ai acheté un exemplaire de Palmer, c'est-à-dire l'ouvrage que nous employons beaucoup en droit du travail. Cela se vendait 120 $. Un exemplaire du Code criminel, selon Martin, coûte 80 $. Les lois que nous avons dans nos bureaux, que nous attribue la Chambre des communes, si jamais on les perd ou qu'on en fait cadeau à quelque activité, coûtent 5 000 $; il ne faut donc pas les perdre.
J'ai soulevé la question de savoir ce qui est raisonnable en ce qui concerne les publications à tirage limité. Ce ne sont pas des best sellers, et il n'est nullement possible, en vendant des milliers de copies, de recouvrer les coûts de production. Plutôt que d'inscrire ce qu'une personne en particulier peut juger raisonnable, il vaut peut-être mieux laisser là le terme « droits raisonnables », plutôt que de dire que cela se limite aux coûts de reproduction d'un document, comme cela est envisagé dans l'amendement de M. Vellacott.
Monsieur le président, combien de temps ai-je à ma disposition?
Le président: Cinq minutes et demie. Je ne suis pas responsable du chronomètre, soit dit en passant.
M. Pat Martin: De fait, monsieur le président, vous l'êtes, puisque vous nous dites toujours de cesser de parler à un moment donné.
½ (1915)
Le président: Concluons un marché. À l'avenir, je vous dirai quand c'est terminé, mais si vous voulez le savoir autrement, achetez-vous une montre.
M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.
Pour ce qui est de l'idée de M. Vellacott, où la pauvreté d'une personne peut justifier la mesure, je comprends son point de vue, mais je ne conviens pas de dire que c'est mieux que ce qui se trouve déjà dans le texte. Je dirais que, pour mieux amender l'article en question, en songeant à la personne qui fait la demande, il faudrait que cela soit : « à un membre de la bande qui en fait la demande... » Cette mention me paraît correcte.
Je sais que M. Vellacott a d'abord dit que, lui aussi, il sait que nous nous engageons là dans une microgestion très pointue de la chose, en dictant même qu'il faudrait que ce soit 5c. la page ou 7c. la page, pour les photocopies. Il suffit d'aller chez Kwik Copy pour l'avoir à 4c. la page; il faudrait peut-être donc mentionner l'endroit où il faudrait faire les photocopies.
On ne saurait aller jusqu'à définir ce détail. Plutôt que de traiter des questions générales associées aux droits de notre Première nation à l'autodétermination et à la possibilité de concevoir son propre code de gouvernance, voilà que nous essayons de dire comment, et pour qui, et pour combien un bout de papier sera copié. Je ne veux pas verser dans le sarcasme, mais il est difficile de ne pas le faire quand on voit certaines des dispositions que nous sommes appelés à étudier ici.
Nous disposons de très peu de temps pour traiter des questions de fond, mais il semble que nous ayons un temps infini pour traiter de toutes sortes de vétilles et d'insignifiances. À mon avis, c'est tragique : les arbres nous empêchent de voir la forêt.
Je crois que nous pourrions probablement améliorer le libellé si je proposais un sous-amendement visant l'amendement de M. Vellacott. Encore une fois, de bonne foi et avec bonne volonté, je propose une autre idée, qui deviendrait un sous-amendement de l'amendement à CA-45. Mon sous-amendement est le suivant : à l'article 30, je propose de modifier l'article par substitution, à la ligne 20, page 18, de ce qui suit : « le paiement de droits fixés par l'administrateur de la bande et rajustés tous les ans en fonction de l'indice des prix à la consommation, établi par le gouvernement fédéral... » Je propose cet amendement.
Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Martin, à propos de votre sous-amendement.
M. Pat Martin: Monsieur le président, à ce moment-là, cela me paraît être un sous-amendement raisonnable... S'il nous fallait microgérer la façon dont les Premières nations se conduisent sous ses aspects les plus infimes, il n'est pas moins ridicule, vraiment, d'inclure le gouvernement fédéral dans--
M. Charles Hubbard: J'invoque le Règlement, monsieur le président.
Le président: C'est un rappel au Règlement, monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard: Monsieur le président, il serait utile pour nous, de ce côté-ci, d'avoir une copie de cet amendement ou sous-amendement.
Le président: Nous allons nous arrêter jusqu'à ce que tout le monde en ait une copie. Dans les deux langues officielles, ou sous la forme où l'amendement a été présenté?
M. Charles Hubbard: Pour moi, ce serait probablement en micmac et en anglais.
Le président: Nous allons suspendre les travaux jusqu'à ce que tout le monde ait une copie en langue anglaise.
½ (1918)
½ (1922)
Le président: Le temps file.
M. Pat Martin: Voilà.
Maintenant que les autres membres ont l'avantage d'avoir devant les yeux le libellé que je propose--et je ne sais pas encore s'ils l'ont lu--je crois que ce que je propose ici est raisonnable. C'est le genre de détail qui devrait être laissé à l'administrateur de la bande, car s'il s'agit de recouvrer les coûts, c'est l'administrateur de la bande et non pas le chef ou les conseillers, qui sauraient à quoi se chiffrent réellement les coûts administratifs associés au fait de transmettre cette information à quelqu'un.
C'est la question du temps qui m'inquiète davantage. Je m'inquiète de deux choses. Je m'inquiète du fait que n'importe quelle personne, peu importe de qui il s'agit, puisse simplement le demander n'importe quand, et la bande doit se mettre à danser au son de son tambour et produire la copie. Je m'inquiète aussi du délai établi pour la présentation de ces choses. Je m'interroge sur les sanctions associées, sur les conséquences associées au fait de ne pas présenter cela à temps.
Je sais que le gouvernement arrivera bientôt avec un amendement pour admettre, essentiellement, que le délai ne saurait servir d'excuse pour qu'un code n'entre pas en vigueur. Je crois qu'il sera intéressant de voir ce que le gouvernement a à dire. Je ne suis pas avocat, mais je sais que les délais sont uniquement établis pour donner une idée. Habituellement, un délai peut être changé.
Monsieur le président, je crois qu'il y a un problème de quorum.
Le président: L'absence du quorum est signalée. Nous allons suspendre les travaux.
½ (1924)
½ (1930)
Le président: Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.
Certaines des personnes à qui j'ai eu l'occasion de parler pendant l'intermission m'ont rappelé que nous en sommes à la première lecture du projet de loi. En étudiant les amendements—je sais que le président a été très généreux et qu'il a permis que des amendements soient présentés et, de manière générale, la question de la pertinence n'a pas été soulevée—, le secrétaire parlementaire a tout de même essayé de faire obstacle à un amendement particulier parce que, selon lui, la création d'instituts de gouvernance ou de centres d'excellence en gouvernance dans tout le Canada aurait supposé des coûts.
Nous devons nous rappeler le fait que, à la première lecture, le projet de loi n'est pas établi ni accepté en principe. Cela se fait après la deuxième lecture. De fait, le projet de loi devrait être considéré comme étant très malléable en ce moment. Il est possible, même souhaitable de proposer des concepts nouveaux, des idées nouvelles à cette étape, même si l'amendement ne porte pas que sur le texte de l'un des articles du projet de loi. L'avantage d'étudier un projet de loi à cette étape-ci devrait être que cela nous permet d'introduire et d'envisager des concepts nouveaux et des initiatives nouvelles et radicales qui deviendraient alors un élément du projet de loi accepté en principe à la deuxième lecture.
Nous ne devrions pas oublier ce fait, surtout dans le contexte de ce que M. Loubier vient d'essayer d'introduire, des questions associées au libellé, et des questions que j'ai essayé moi-même d'introduire en rapport avec la création des instituts de gouvernance. Tout cela est pertinent, et il est difficile de déclarer—et je fais remarquer, encore une fois, que le président a été généreux et qu'il n'a pas déclaré irrecevables ces propositions—, mais nous devrions garder l'esprit ouvert face à nombre de ces concepts.
Les droits minimes ou droits raisonnables dont il est question dans la proposition que je fais maintenant représentent une question que j'aborde presque avec sarcasme, car il est ridicule que nous ayons à traiter de vétilles de cette nature. Cela me semble regrettable, mais si nous devons nous pencher sur une question aussi insignifiante que celle qui consiste à savoir quel droit peut être exigé de quelqu'un qui demande la photocopie d'un bout de papier, tout au moins faut-il faire le lien avec quelque chose de raisonnable.
Cela devrait être indexé tous les ans, pour que nous n'ayons pas à modifier une loi pour que le prix de la photocopie passe de trois cents à quatre cents la feuille, à un moment donné. Ça devrait être l'affaire de l'administrateur de la bande, parce que c'est lui qui, au bureau de la bande, s'occupe de ce genre de chose et qui a pour responsabilité de faire une photocopie et de la remettre à la personne qui en fait la demande. Et le lien avec une disposition d'indexation semble raisonnable aussi. Chaque fois qu'il est question d'un barème fixe, il faut lier cela à une disposition d'indexation, pour ne pas avoir à rouvrir le dossier et revoir le projet de loi afin d'apporter une modification simple comme un rajustement qui se fait en fonction du coût de la vie.
Depuis la dernière fois où nous avons apporté une modification de fond à cette loi, le coût de la vie a augmenté de 450 p. 100. Voilà un changement important, monsieur le président. Il y a même eu un changement important depuis la dernière fois où le premier ministre a trouvé un ministre des Affaires indiennes originaire du Nord de l'Ontario et qui était prêt à faire passer par la force ces modifications de la Loi sur les Indiens.
Cela me rappelle tout le malaise associé aux dernières années du règne de Ron Irwin en tant que ministre des Affaires indiennes, époque à laquelle il assumait difficilement la responsabilité d'apporter nombre de modifications très semblables, de la hargne qui est née de tout cela et de la triste histoire du mandat de ce ministre des Affaires indiennes en particulier.
Maintenant, voilà que nous avons trouvé un autre ministre des Affaires indiennes, originaire, encore une fois, du nord de l'Ontario, et qui a aussi pour responsabilité d'essayer de mettre en place le livre blanc de 1969 du premier ministre. Essentiellement, on pourrait dire que le livre blanc de 1969 a connu trois échecs. Il a connu l'échec en 1969. Autre échec avec le saut de bisons orchestré sous le règne d'Erik Neilsen. Autre échec encore, sous la férule de Ron Irwin au début des années 90; et encore aujourd'hui, un échec sous la direction de Bob Nault.
Comme le diraient mes collègues des États-Unis, dans la fédération à laquelle j'appartiens, « That dog ain't gonna hunt »—autrement dit, son chien est mort. Après un certain temps, il faut admettre que son chien est mort, et ce projet de loi particulier, cet ensemble d'amendements touchant la Loi sur les Indiens, est mort, au sens où il ne sera pas accepté de toute façon.
½ (1935)
À étudier l'amendement et à regarder l'amendement CA-45 et mon sous-amendement touchant ce dernier, nous devrions nous en remettre à M. Harold Cardinal, dont j'ai parlé plus tôt. Il nous rappelle, et je cite :
Nos aînés nous avertissent : il faut aborder avec une grande prudence la question d'élaboration des lois--ils veulent s'assurer que les équilibres et relations qui existent entre les diverses sphères des lois des Premières nations sont bien respectés et pris en considération. |
Cela me paraît être un sage conseil. Le passage est tiré du livre de M. Cardinal, intitulé First Nation Law-Making--Historical & Contemporary Context, et fait voir, je crois, un aspect très utile... Eh bien, cela a été préparé à l'intention de l'initiative conjointe concernant l'élaboration de politiques, et c'est un travail que nous semblons avoir oublié, un travail qu'il semble que nous refusions de voir.
Entre les échecs du genre, il y a du bon travail qui se fait, puis qui s'oublie. D'où une certaine frustration. Dans le cas d'un échec comme le projet de loi C-79 de Ron Irwin, il y a un bon travail qui se faisait, et qui était noté, au profit de la prochaine génération, pour qu'elle puisse concevoir quelque chose de fructueux. Mais cela s'oublie aussi.
Je cite les responsables de l'initiative conjointe concernant l'élaboration de politiques :
La capacité de créer des lois est un élément central de toute notion d'autonomie et d'autodétermination. Du point de vue des Premières nations, le défi qui se présente est à la fois redoutable et complexe. Les Premières nations doivent obtenir une reconnaissance de leur capacité de légiférer à l'intérieur d'un État fédéral existant et chercher à établir un cadre juridique dans lequel leurs textes législatifs peuvent être compris, respectés et acceptés. En même temps, elles doivent considérer et, dans de nombreux cas, mettre au jour l'essence même de la capacité de légiférer des Premières nations, y compris leurs valeurs, traditions et croyances, dont bon nombre ont été systématiquement attaqués par la colonisation depuis bien au-delà d'un siècle. |
Bon, de sa part, ce n'est pas une plainte ni, comme il est dit dans un des articles que le ministre a fait circuler aujourd'hui, de jérémiades--c'est de cette façon qu'il décrit cela dans les articles qu'il souhaite que vous preniez pour vrais. Je cite-là le document de l'initiative conjointe des politiques qui réunit le MAINC et l'Assemblée des premières nations.
Le président: Merci, monsieur Martin.
Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
Au sujet du député de Winnipeg-Centre, je dois dire que je ne sais pas très bien ce que l'histoire va retenir du travail que nous effectuons depuis 14 semaines. Nous sommes probablement près d'avoir consacré 100 heures à une étude directe de ce projet de loi.
Il est troublant de constater, monsieur le président, que nous nous installons autour de cette table et écoutons les propos de membres qui n'ont aucunement l'intention d'essayer d'améliorer le projet de loi, mais qui, simplement, veulent que nous ne le renvoyons pas à la Chambre. Je crois que tout le monde sait que nous avons reçu ce projet de loi après l'étape de la première lecture et qu'il nous donne, en tant que parlementaires, l'occasion de participer vraiment à l'exercice en soulignant les problèmes qu'il comporte et en apportant des modifications en vue de l'améliorer, ce qui peut profiter à tous les membres des Premières nations, partout au Canada.
Tout de même, monsieur le président, j'ai été très surpris d'apprendre que, après que nous avons consacré du temps à l'étude de quelque 29 articles du projet de loi, à propos des codes et des textes législatifs, il y a quelqu'un, c'est-à-dire le député du Québec ici présent, qui laisse entendre que le commis ou l'administrateur de la bande, quelqu'un, enfin, au bureau de la bande, doit subitement produire dans plus d'une langue un texte législatif ou un système de codes à l'intention de quelqu'un qui en veut. Il n'avait jamais été question d'écrire les textes législatifs dans plus d'une langue.
S'ils avaient été de bons législateurs, ils auraient reconnu avoir eu amplement l'occasion, déjà, de proposer des modifications pour que le projet de loi évoque diverses langues aux articles que nous avons déjà adoptés, qui s'agisse du cri, du micmac, de l'anglais, du français et je ne sais quoi encore. Par contre, revenir là-dessus et faire que tous ces gens doivent consacrer leur temps... Je crois que c'est le général Wellington qui a dit que le bien le plus précieux que nous ayons est le temps. Il y a des voleurs qui essaient de nous prendre une part de notre temps, chacun d'entre nous ayant un temps limité pour parcourir le monde merveilleux que nous habitons et pour connaître le grand pays que nous avons. Voler le temps aux gens, voilà une des pires choses que l'on puisse faire.
Bon, l'honorable député a parlé d'un chien il y a quelques minutes. Je n'ai pas beaucoup chassé avec des chiens, mais je connais quand même ces bêtes. Je dirais, monsieur le président, que, quand l'honorable député parle de la chasse, qu'il s'agisse d'y aller avec arc et flèches ou avec une carabine, enfin, il devrait reconnaître le fait que, depuis 90 heures, il va lui-même à la chasse avec un boomerang. Et le boomerang va revenir le frapper, lui aussi bien que son parti, là où il le mérite. Vous savez comment les aborigènes d'Australie utilisent le boomerang.
Il parle de son parti, mais je n'ai pas vu des foules de membres des Premières nations qui veuillent participer aux activités de son parti, quand vient le temps de se présenter aux élections fédérales. Tout de même, de ce côté-ci, nous avons plusieurs personnes. Pendant un certain nombre d'années--ou, de fait, pendant une assez longue période--j'ai eu pour voisin de banquette Elijah Harper. Par contre, son parti a quitté, ce qui fait que Elijah Harper a dû quitter lui aussi le Parlement du Canada.
Nous voulons nous assurer d'étudier ce projet de loi avec toute la diligence voulue; par conséquent, j'espère que nous allons en revenir à ne pas vouloir frapper quelqu'un à la tête avec un boomerang. Si le membre honorable de Winnipeg-Centre, M. Martin, veut un boomerang--je crois qu'il en lance depuis longtemps.
Merci, monsieur le président.
½ (1940)
Le président: Merci, monsieur Hubbard.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président. On dit qu'on vole du temps aux gens qui sont ici, mais je rappellerai à M. Hubbard qu'on a volé aux premières nations 130 ans de leur existence.
Le président: Monsieur Loubier, j'ai demandé à M. Hubbard de ne pas utiliser de noms. Je vous demande la même chose.
M. Yvan Loubier: Je dirai à mon collègue qui m'a précédé que nous avons volé aux premières nations 130 ans de leur existence et que nous sommes en train de nous arranger pour leur en voler 130 autres.
Au point de vue historique, je crois que notre travail sera plutôt jugé sur les faits suivants: on va considérer qu'après 130 ans d'application de la Loi sur les Indiens, nous n'avons rien appris. Nous voulons encore une fois mettre en oeuvre un système visant à assujettir les premières nations. En outre, dans les comptes rendus des débats, ils pourront prendre connaissance de la blague tout à fait plate et déplacée émise plus tôt par le secrétaire parlementaire. Ce dernier a dit, avec un air de mépris, qu'il fallait traduire à la fois en anglais et en mi'kmaq et ce, alors que nous parlons depuis une heure de l'importance de la culture et des langues autochtones et que nous prenons connaissance de statistiques indiquant que ces langues sont en grande partie en train de disparaître. Cette blague est tout à fait méprisable et raciste; j'en ai été totalement écoeuré. Voilà ce que l'histoire va retenir, M. Hubbard.
Le président: Monsieur Loubier, je vous demande de ne pas utiliser de noms et de ne pas faire d'attaques. De plus, l'utilisation d'un terme comme « raciste » correspond à votre propre jugement; ce n'est pas nécessairement le nôtre. Il n'y avait rien de raciste dans ce que M. Hubbard a dit. Je vous invite à retourner à l'ordre, s'il-vous-plaît.
M. Yvan Loubier: Je vais dire ce que je veux bien dire parce que la liberté de parole existe dans ce pays. Il nous reste encore cette liberté-là; les premières nations, par contre, ne l'ont pas.
On peut chasser au boomerang, mais on peut aussi chasser à la fronde. À la fronde, on dirige la pierre devant soi et non vers son front. Vous devriez apprendre cela, monsieur le secrétaire d'État.
Pour en revenir à l'amendement de M. Martin, je précise que suis d'accord sur sa première partie, mais que la deuxième me pose certaines difficultés. M. Martin commence probablement à être fatigué. Je le suis moi aussi, comme tout le monde ici, d'ailleurs. Mais les libéraux commencent à déteindre sur vous, M. Martin. Cela n'a aucun sens. Il ne faudrait pas que cela continue ainsi.
Je suis parfaitement d'accord sur la première partie; je la trouve très bien. On dit que les paiements de droits sur les documents doivent être déterminés par l'administration de la bande. J'achète cela d'emblée.
Mais après cela, lorsqu'on parle d'indexer les prix annuellement en fonction de l'indice des prix à la consommation, c'est une autre histoire. M. Martin, c'est une prescription qu'on est en train de faire là. Si j'avais à présenter un sous-sous-amendement à votre sous-amendement, il est certain que je bifferais cette partie-là. Mais je peux vous pardonner: à un moment donné, on devient fatigués. En plus, ce n'est quand même pas bien grave. On ne parle pas ici d'affront aux traits distinctifs des premières nations. Il s'agissait ici tout simplement d'un souci de précision, comme ce fut le cas plus tôt pour M. Vellacott. Cela a donné comme résultat une proposition d'indexation à l'indice des prix à la consommation.
Mais j'adhère à la première partie dans laquelle on dit que les tarifs doivent être déterminés par les premières nations. Je pense qu'il doit en être ainsi. On ne peut pas voir ça autrement. Si on est favorable à la gouvernance, à l'autodétermination et au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale des premières nations, il faut permettre que ce droit s'exerce.
Pour ma part, je trouve désolant que dans un projet de loi comme celui-là, on en arrive à une précision presque chirurgicale. On décortique tant et plus ce projet de loi. On se dit qu'on ne va pas se priver d'imposer des choses aux premières nations et qu'elles vont y goûter. Dans chacun des articles, on va leur dire qu'elles ont le droit de faire une telle chose, mais que par contre, elles n'ont pas le droit de le faire. On va leur donner toute latitude, mais le ministre va décider à leur place. Elles auront toute latitude de légiférer, mais il ne faudra pas que ça aille en contradiction avec les lois fédérales ou tout autre règlement fédéral, sinon, elles n'auront plus le droit de gouverner.
Ainsi, on permet de gouverner, pour ensuite l'interdire. C'est un pied devant, un pied derrière. Cela ressemble à des danses qu'on apprenait dans les années 1970. Le hip-hop? Non le hip-hop, c'est aujourd'hui. Mais il y avait des danses où on avançait, on reculait, on avançait et on reculait. Avec le projet de loi C-7, j'ai l'impression qu'on est rendus à ce point. On permet, mais on ne permet pas.
Dans le libellé du préambule, c'est assez extraordinaire, on vient de faire un pas en avant en reconnaissant le droit à l'autonomie gouvernementale. Or, aussitôt qu'on entre dans le coeur du projet, on revient en arrière, et c'est comme ça d'un bout à l'autre. On peut penser qu'on vole du temps aux gens, mais pour ma part, je ne crois pas que ce soit le cas. En fait, vous nous volez du temps d'antenne en ne permettant pas que les débats soient télédiffusés. Lorsqu'il y a télédiffusion, les membres des premières nations écoutent ces débats. La population les écoute, s'aperçoit qu'on se livre à ce genre de danse--une danse égyptienne, peut-être; je n'en ai aucune idée--et qu'on n'avance pas.
Cela est dû au fait qu'on présente des amendements inutiles. En ce qui nous concerne, par contre, depuis le début des 98 heures--au fait, il ne s'agit pas de 100 heures, mais bien de 98 heures et 8 minutes--, nous tentons d'améliorer le projet de loi. Nous avons tout dit. Vous regarderez les « bleus »; cela pourrait vous rappeler ce que nous avons dit depuis le début des 98 heures. Nous voulions améliorer le projet de loi et aider le gouvernement.
Pour la première fois depuis que je suis ici je veux aider le gouvernement. Je suis bon envers le gouvernement fédéral. Vous savez pourquoi? Parce que tout le monde--les premières nations, les spécialistes, l'Association du Barreau canadien, le Barreau québécois et l'Association du Barreau autochtone--nous a dit que ce projet de loi était truffé de trous et d'objets de contestation et ce, que ce soit à l'égard de la Constitution ou de la Charte des droits et libertés. Or, dans votre grande sagesse, vous refusez qu'on vous aide. À un moment donné, nous allons arrêter de vouloir vous aider. Nous sommes bons et gentils avec vous. Nous vous offrons notre amitié, et vous la refusez carrément, avec cynisme en plus.
Les premières nations vous offrent, elles aussi, leur amitié. D'ailleurs, elles devraient être autour de la table. Elles nous ont déjà offert de travailler avec nous pour améliorer ce projet de loi ou pour repartir à neuf, puisqu'il semble nécessaire de le récrire presque complètement. Elles ont même suggéré de venir écrire avec nous le projet de loi, mais en étroite concordance avec les conclusions du rapport Dussault-Erasmus et celles du Comité spécial sur l'autonomie politique des Indiens. Il me semble qu'on ne devrait pas refuser des offres d'amis comme celles-là. Vous devez être très malheureux dans la vie si vous refusez de l'amour comme cela, si vous refusez de l'amitié.
½ (1945)
On a essayé de vous aider. On vous a offert notre amitié, et vous l'avez refusée. Là, vous êtes pris dans une espèce d'environnement politique surréaliste digne des plus grandes créations surréalistes de Breton dans les années 1930-1940. On est dans un environnement politique assez incroyable. Vous vous retrouvez dans une espèce de merdier politique sans précédent où on continue à analyser un projet de loi qui est déjà rejeté par le futur premier ministre. La plupart d'entre vous appuient sa candidature. Cela doit être dur à vivre que de refuser l'amitié, de refuser de l'amour, mais d'aimer et en même temps de trahir. C'est ce qu'on est en train de faire.
Si on continue à analyser ce projet de loi, si on favorise son succès, ça veut dire qu'on est en train de travailler à l'encontre du prochain premier ministre. On ne peut pas l'appuyer et en même temps lui faire dans les mains.
Ça les fâche qu'on parle de cela. Ils n'aiment pas se faire mettre devant cette espèce d'environnement kafkaien. Je les comprends. Je n'aimerais pas être acteur dans un environnement politique comme celui-là. Je me sentirais vraiment mal à l'aise. Je ne sais pas comment je vivrais cela.
Est-ce que je pourrais me lever le matin et me regarder dans le miroir en disant que je fais mon job correctement, alors que je suis en train d'analyser un projet de loi et que je rejette tout amendement pour l'améliorer, que mon futur chef refuse ce projet de loi, mais que je continue quand même à faire perdre du temps à plusieurs personnes et à être cynique avec les premières nations? Ça fait beaucoup de poids de l'histoire à supporter.
Je peux comprendre que le secrétaire d'État aient les épaules voûtées. Lorsqu'il a commencé, il y a 98 heures, il semble qu'il avait les épaules carrées. Maintenant, c'est peut-être le poids de l'histoire qui commence à peser, et à peser très lourd.
Tout ça pour dire, monsieur Martin, que pour la première fois, je ne pourrai pas appuyer votre sous-amendement et j'en suis vraiment désolé. Mais peut-être qu'à un moment donné, on va se ressaisir et que les prochains sous-amendements vont être encore meilleurs. C'est la seule erreur depuis le début des 98 heures. J'en ai également fait une. Je ne me rappelle toutefois pas laquelle parce que c'était au cours de la 32eheure. De toute façon, on en est à la 98e heure, et vous n'aviez pas encore fait d'erreur. C'est la première fois. Je vous félicite, monsieur Martin, mais en même temps, je ne pourrai pas appuyer votre amendement. Je suis vraiment déçu. C'est la première fois, mais vous restez mon ami et aussi mon frère, parce qu'on est liés par l'honneur qu'on nous a fait de nous remettre le plus grand honneur que l'on retrouve chez les peuples autochtones, c'est-à-dire la plume de l'aigle.
½ (1950)
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Loubier.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Loubier, de votre analyse éclairée de mon amendement. Je vois que vous l'avez étudié de manière approfondie. C'est tout ce que je demande, que les gens autour de la table prennent mes recommandations assez au sérieux pour en faire une analyse détaillée.
Je m'en remets à votre jugement en rapport avec ces affaires, car je sais que vous avez traité avec rigueur de ces nombreuses questions abstraites et qu'il est difficile, parfois, d'accorder à ces questions toute l'attention qu'elles méritent dans un temps limité et suivant les contraintes qui s'imposent. Il est même difficile, parfois, d'explorer pensées et idées et de nourrir un débat à leur sujet, compte tenu des limites que nous a imposées le secrétaire parlementaire par son attribution du temps à l'étape de l'étude en comité du projet de loi.
J'ai été scandalisé d'apprendre—quand nous devons traiter de questions qui se rapportent aux droits des Autochtones, aux questions constitutionnelles et à des questions relatives à la Charte des droits et libertés—que les responsables de l'affaire proposent d'appliquer la clôture à de tels sujets. J'ai été scandalisé et indigné d'apprendre que, maintenant que nous ouvrons la Loi sur les Indiens pour la première fois depuis 35 ans afin d'essayer de l'améliorer ou d'essayer d'en atténuer certains des pires facteurs d'irritation, dans ce contexte, nous décidions que nous n'avons pas vraiment le temps de faire cela de façon approfondie; à ce moment-là, nous allons le faire à la hâte et faire passer par la force la volonté du gouvernement, sans prendre en considération la volonté des gens qui, eux-mêmes, seront touchés par ce projet de loi.
Alors, si déçu que nous puissions être face à la démarche que nous vivons et aux limites imposées au sujet, je crois qu'il est excusable que, de temps à autre, nous nous engagions bien dans une question particulière, dans ce cas-ci, le sarcasme de M. Loubier, car, en vérité, c'est le fait que j'ai présenté l'idée d'ajuster le montant demandé à une indexation annuelle qui est fonction de l'indice des prix à la consommation... Je présente cela et je le dépose comme façon d'illustrer à quel point il est ridicule de même dicter, de quelque façon que ce soit, le montant que doivent payer les gens pour la photocopie d'un bout de texte législatif. Cela banalise le sujet important que représente la réalité quotidienne des Autochtones dans les réserves des Premières nations—que le gouvernement du jour s'attache à la question de la photocopie. Il faudrait laisser cela à Xerox, peut-être, et aux gens qui se soucient peut-être de cette question. Quant à moi, j'estime que c'est rendre un mauvais service aux communautés des Premières nations, étant donné les nombreuses crises sociales pressantes qu'elles vivent, que de nous empêtrer dans ces vétilles, à savoir comment, quand ou pourquoi une communauté des Premières nations irait photocopier un projet de loi en vue de le remettre à quelqu'un qui en fait la demande.
J'accepte le fait que ce sous-amendement particulier n'obtiendra peut-être pas de grands appuis. Certains de mes sous-amendements ne parviennent pas à susciter la passion des gens autour de la table. Souvent, ils suscitent une réaction de la part du secrétaire parlementaire, mais disons qu'il est facilement irrité. Parfois, je crois que ses souliers sont trop serrés, car il présente un visage irritable. Si nous étions dans une clinique, on dirait qu'il vient consulter parce qu'il présente certains des symptômes qui sont associés à des souliers trop serrés. C'est souvent le cas quand on rencontre quelqu'un qui, tout simplement, prend mal des recommandations autrement constructives comme celles que j'ai proposées ici aujourd'hui.
Je crois qu'il vaut la peine de citer encore une fois une des personnes qui a présenté un exposé au comité, le responsable de la Première nation Ojibway de Keeseekoowenin, traité no 2, la bande de Riding Mountain. Ses observations étaient les suivantes :
Il est à la fois obscène, ridicule et tout à fait inacceptable que, à l'aube du XXIe siècle, nous soyons là à vous supplier, à nous défendre contre le colonialisme. Il est obscène que nos enfants aient à nous regarder en train de nous protéger de cette façon, car ils vont devoir vivre leur vie comme nous avons vécu la nôtre, en sachant qu'ils doivent constamment être sur la défensive, être à l'affût des impositions et que nos aînés seraient assujettis à cette indignité. |
½ (1955)
Voilà une remarque assez profonde formulée par une des personnes qui est venue témoigner devant le comité pour exprimer sa frustration et sa déception face à toutes les questions que le gouvernement aurait pu chercher à régler, en ce qui concerne la crise sociale qui existe au sein des Premières nations--qu'on touche à des détails administratifs, jusqu'à ergoter sur le paragraphe 30(5) que nous cherchons à amender ici aujourd'hui.
Que le prix demandé pour la reproduction d'une photocopie d'un règlement soit raisonnable, minime, ou encore lié à l'indice des prix à la consommation--tout cela est vide de sens. C'est tout à fait ridicule. C'est « obscène, ridicule et tout à fait inacceptable »--pour reprendre les termes employés par la personne que j'ai citée--que nous soyons saisis de cette question et que nous soyons là à gaspiller du capital, des ressources et de l'énergie qui seraient autrement mieux orientés, par exemple, vers la lutte contre l'épidémie de diabète qui sévit dans ma circonscription chez les membres des Premières nations. C'est de plus en plus courant. Tous les jours, on voit maintenant des gens amputés de deux membres qui circulent en fauteuil roulant, dans les rues du centre-ville de Winnipeg, parce que l'épidémie de diabète est tellement... C'est maintenant répandu partout dans le nord. On trouve ça tout simplement partout.
Monsieur le président, je suis déçu, au sens où il n'y aura pas de larges appuis exprimés en rapport avec le sous-amendement que je présente ici aujourd'hui, mais nous allons continuer à présenter des sous-amendements et à parler des amendements qui, à nos yeux, sont constructifs. Je crois que le prochain amendement du gouvernement concernant l'article 30 pourrait être utile, au sens où il permet d'admettre, tout ou moins, qu'aucune des mesures que nous adoptons--à savoir s'il faut--à savoir si un code ou un texte législatif est soumis ou enregistré--a quelque rapport que ce soit avec l'exécution de la loi. Le gouvernement reconnaît que le délai imposé--14 jours pour enregistrer le texte dans un recueil national--n'a rien à voir avec le droit de toute Première nation de se donner ses propres codes et règlements. Je crois qu'il reconnaît qu'il y a là une contestation fondée sur la Charte ou une contestation dans les tribunaux qui se concrétiserait de façon très prévisible, s'il ne l'avait pas vu venir et n'avait amendé le passage.
Nous nous débattons donc avec tous ces articles qui traitent de la façon dont une bande doit faire cela--elle doit l'inscrire dans les 14 jours, et cela doit être au moyen d'un acte notarié, et il faut le faire verser au recueil national dans un certain délai, et il faut fournir des photocopies à quiconque en fait la demande. Tout cela est également vide de sens. De fait, je crois que le gouvernement va admettre que c'est vide de sens dans son prochain amendement, car les Premières nations ont le droit de concevoir leurs propres règlements et codes, et ceux-ci ne sont pas invalidés seulement parce qu'ils n'ont pas été déposés ou publiés dans quelque recueil national. Cela ne suffit pas pour établir qu'un code n'est pas pertinent ou qu'il n'a pas force de loi, ou encore qu'une Première nation n'a pas le droit d'établir ses propres conditions.
Tout cet exercice s'est donc révélé frustrant pour nous tous jusqu'à maintenant. Nous avons toujours espoir que le gouvernement cherchera peut-être une façon de se sortir du fatras qu'il a créé lui-même. Une personne, une seule personne, semble être à l'origine de cette affaire. La seule personne au pays qui puisse dire quelque chose de positif à propos du projet de loi, c'est le ministre lui-même, suivant les ordres du premier ministre, je suppose. Par contre, nous n'avons rien entendu qui laisserait croire que quelqu'un veut de ce projet de loi. De fait, tout ce que nous avons vu, ce sont des témoignages provenant de gens qui s'opposent avec véhémence au projet de loi.
La question devient alors la suivante : de quel premier ministre s'agit-il, du gouvernement provisoire ou du gouvernement du jour? C'est déroutant pour bon nombre d'entre nous.
Voici les propos du Kwakiutl District Council :
Une autre des raisons pour lesquelles cela ne va pas fonctionner, c'est que le modèle législatif repose sur une délégation des pouvoirs, plutôt que sur la reconnaissance des droits des Premières nations. Et le projet de loi établit des normes minimales et accorde des pouvoirs limités aux Autochtones. |
¾ (2000)
Il « accorde des pouvoirs limités », plutôt que de reconnaître que c'était déjà fait avant que les pouvoirs ne soient attribués ou délégués aux Premières nations par le gouvernement fédéral. Donc, pour une question de principe--
Le président: Merci, monsieur Martin.
Nous allons maintenant procéder à un vote par appel nominal à propos du deuxième sous-amendement touchant l'amendement C-45, page 191.
(L'amendement est rejeté par 8 voix contre 1 )
Le président: Nous allons maintenant entendre M. Vellacott, qui prononcera ses dernières remarques sur l'amendement CA-45.
M. Maurice Vellacott: Monsieur le président, j'ai vraiment ouvert ici une boîte de Pandore. Des gens bien plus éloquents que moi ont parlé en long et en large de cette question; je vais donc laisser tomber pour que nous procédions tout de suite à la mise au voix.
Le président: Nous allons procéder à un vote par appel nominal au sujet de l'amendement CA-45, page 191.
(L'amendement est adopté par 8 voix contre 2)
Le président: Nous allons maintenant écouter M. Hubbard, qui parlera de l'amendement G-11.9.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
L'article 30, encore une fois--nous parlons de la ligne 30, page 18, au paragraphe 30(7). Cela se lit comme suit :
(7)Les codes et les textes législatifs qui ont été versés dans le recueil national et publiés selon les modalités réglementaires |
À la partie b) de l'amendement, nous ajoutons, après la ligne 34, page 18, sous la rubrique « Omission de verser les codes ou les textes législatifs », dans la colonne droite :
30.(9) Les codes ou les textes législatifs ne sont pas invalides au seul motif qu'ils n'ont pas été versés dans le recueil national ou non publiés. |
Encore une fois, un nouveau paragraphe :
30.(10) Personne ne peut être condamné pour violation d'un texte législatif qui, à la date du fait reproché, n'était pas versé dans le recueil national ou non publié, sauf s'il est prouvé que, à la date du fait reproché, des mesures raisonnables avaient été prises pour que la personne soit informée de la teneur du texte législatif. |
Monsieur le président, peut-être que nos témoins, Paul ou Warren, pourraient nous expliquer brièvement cet article.
¾ (2005)
M. Paul Salembier: Bien sûr.
Ce que prévoit l'amendement du paragraphe 30(7), c'est que par exemple, si la Couronne souhaite qu'un tribunal reconnaisse judiciairement un texte législatif, le tribunal va vouloir s'assurer qu'il y a accès, de façon à pouvoir en vérifier la teneur; sinon, le tribunal ne sera simplement pas prêt à reconnaître judiciairement le texte en question, et il va demander que l'existence de la loi soit confirmée et si celle-ci figure uniquement dans un registre particulier.
L'amendement ajoute également au paragraphe 30(7) le concept selon lequel ces textes législatifs sont publiés. Je crois qu'un autre amendement du gouvernement vous fera voir qu'il y aura un pouvoir de réglementation prescrivant la façon dont ces textes législatifs seront publiés. Ce genre de détail sera alors accessible.
Les paragraphes 30(9) et 30(10) ne font qu'énoncer les mêmes règles ou les mêmes dispositions, mises en garde, pour les textes législatifs qui existent en rapport avec la réglementation fédérale. C'est une règle que vous allez trouver au paragraphe 11(2) de la Loi sur les textes réglementaires. Encore une fois, il s'agit seulement d'appliquer aux textes législatifs le régime qui s'applique aux décrets-lois.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Hubbard.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.
Je suis vraiment étonné, et même exaspéré, de voir que dans le projet de loi, comme on eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, il y a une espèce de souci quasi maladif, même maniaque, de parler des transgressions aux codes ou aux lois. On a mis tellement de lignes, de paragraphes, d'articles pour présenter les choses négativement, pour dire que si jamais un membre de la communauté ne respecte pas telle chose, il sera pénalisé de telle ou telle façon, on a tellement mis l'accent sur l'explication des transgressions par rapport à l'ordre établi que cela donne l'impression que chez les peuples des premières nations, on ne vit que des transgressions. Cela fait paraître les membres des premières nations comme étant des gens qui ne respectent pas leurs propres règles, celles qu'ils se sont imposées dans la plupart de leurs communautés.
D'ailleurs, cette espèce d'écriture négative dans le projet de loi est partout présente. Par exemple, on met beaucoup l'accent sur la transparence et la reddition de comptes. D'ailleurs, cet après-midi, une journaliste avec qui j'ai parlé me faisait des remarques qui venaient du bureau du ministre Robert Nault, selon lesquelles il y aurait, chez les nations autochtones, un problème de reddition de comptes, un problème de transparence, un problème de gouvernance, un problème de respect des règles élémentaires de saine gestion. C'est grave qu'au bureau du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, on répande des stupidités et des calamités de cette nature. On peut défaire un par un, de manière très simple, tous ces éléments d'analyse par rapport aux nations autochtones, analyse noire qui fait partie de la liste noire des analyses du gouvernement fédéral.
Simplement en ce qui concerne la reddition de comptes et la transparence au niveau de la gestion des affaires de la bande, quand vous dites que 95 p. 100 des communautés des premières nations déposent des rapports de vérification, est-ce que ce n'est pas une bonne moyenne? C'est quand même étrange de trouver, dans ce projet de loi, une écriture noire qui dépeint de manière négative la gestion des premières nations au chapitre des réunions démocratiques, du choix des leaders et des convocations d'assemblées publiques.
En ce qui a trait aux convocations d'assemblées publiques, on en a entendu des vertes et des pas mûres ici, autour de la table. On disait presque qu'il n'y avait aucune communauté où on invitait la population suffisamment à l'avance pour qu'elle puisse assister aux assemblées publiques du conseil de bande. C'est une accusation grave.
Et là, on se retrouve avec un amendement du gouvernement qui traite justement des codes et des textes législatifs qui ne seraient pas respectés, peu importe qu'ils aient été versés dans le recueil national ou non, publiés ou non. Même l'écriture est négative. Cela devient un peu philosophique, mais regardez. On dit:
Les codes ou les textes législatifs ne sont pas invalides au seul motif qu'ils n'ont pas été versés dans le recueil national ou non publiés. |
Il y a trois négations pour deux lignes et demie. C'est incroyable. On aurait pu avoir une approche positive dans la rédaction de cet article-là, on aurait pu dire « les codes ou les textes législatifs sont valides même s'ils n'ont pas été versés dans le recueil national ou qu'ils n'ont pas été publiés. » Mais non, on utilise « ne sont pas invalides au seul motif qu'ils n'ont pas été versés... »
Tout est négatif dans ce projet de loi-là. C'est assez incroyable. L'approche qui dépeint la bande est noire, et on laisse même croire aux journalistes sérieux qu'il y a des problèmes graves au niveau de la gouvernance. Et pourtant, lorsqu'on regarde les faits, ce n'est pas le cas. Dans la très grande majorité sinon la quasi-totalité des communautés des premières nations, il n'y a pas de problèmes de gestion ni de transparence. Le problème qu'il y a, c'est un manque de fonds pour répondre à des besoins primaires.
Comme tous les gens autour de cette table sans doute, j'ai été estomaqué d'apprendre que dans plusieurs communautés des premières nations, l'eau potable n'était pas une ressource courante. J'ai failli tomber sur le dos. D'ailleurs, l'observateur de l'Organisation des Nations Unies qui s'est promené un peu partout au Canada la semaine dernière est allé visiter deux réserves, je crois. Il n'en revenait pas. Il trouvait incroyable que le Canada, qui est un pays riche, membre du groupe des huit pays les plus industrialisés, ne puisse pas assurer aux premières nations, comme fiduciaire, un plus haut niveau de développement que celui qu'on retrouve sur la plupart des réserves et des territoires autochtones de ce pays. Si on se fait dire ce genre de chose par un observateur de l'Organisation des Nations Unies, c'est que la situation est extrêmement grave.
¾ (2010)
Et on se retrouve encore avec une négation dans un amendement présenté par le gouvernement. D'ailleurs, regardez tous les amendements qui ont précédé, c'est toujours de la négation. En plus de cela, ils traitent des pénalités que pourraient encourir les premières nations si elles ne respectent pas telle ou telle clause, si elles ne font pas telle ou telle chose, si elles ne souscrivent pas aux prescriptions ou au pouvoir discrétionnaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.
À un moment donné, il va falloir cesser d'avoir cette approche négative face aux premières nations et reprendre le travail qu'on a laissé en plan depuis 1997, depuis le dépôt du rapport de la Commission Erasmus-Dussault. Ce n'est vraiment pas à ça qu'on nous préparait.
Moi, je suis encore sous le choc lorsque je regarde la détermination avec laquelle on veut faire adopter ce projet de loi C-7. On veut aussi faire adopter le projet de loi C-6 parce qu'il va tout à fait écraser les revendications particulières des premières nations. On dirait qu'on s'est appliqués à un exercice de démolition, un derby de démolition en règle, en disant que cette fois-ci, contrairement à ce qui s'est passé en 1969, on va faire en sorte que les premières nations avalent la couleuvre qu'elles ont refusée en 1969.
Je suis encore étonné qu'on présente des amendements de cette nature. C'est vrai que lorsqu'on a préparé ces amendements, du côté du gouvernement, on n'avait pas eu les 99 heures et quelques minutes de débat sur le projet de loi. Je peux comprendre que lorsqu'on a rédigé ces amendements, on n'était pas tout à fait informés et éduqués par rapport à la véritable approche qu'on devrait avoir par rapport aux premières nations. Mais tout de même, il y a un minimum de décence à observer lorsqu'on rédige des amendements ou qu'on rédige un projet de loi. Il faut faire attention à ne pas dépeindre les problèmes comme s'ils étaient une réalité généralisée. Il ne faut pas dépeindre, dans le projet de loi et les amendements, la réalité comme étant tout à fait noire, en faisant croire aux gens que de façon généralisée, ça va mal. Il faut faire attention à ça.
Je suis étonné que des gens intelligents puissent proposer de telles choses et ce, avec une écriture aussi négative, qui présente avec une précision maladive les sanctions qu'encourraient les premières nations qui ne respecteraient pas les textes de loi.
En plus de ça, on se retrouve avec le même problème de la langue utilisée. On parle des codes et des textes législatifs « qui ont été versés dans le recueil national et publiés selon les modalités réglementaires ».
On ne sait pas dans quelle langue. M. Salembier parlait tout à l'heure d'une des deux langues officielles. J'aimerais peut-être ajouter un amendement à cet amendement du gouvernement. On pourrait ajouter, après « publiés », ce qui suit: « dans l’une ou l’autre langue officielle ou dans la langue de la première nation ».
Là, ça aurait du sens. On respecterait l'une ou l'autre des deux langues officielles, mais on laisserait aussi aux premières nations la liberté d'écrire dans leur langue maternelle ces textes législatifs versés dans le recueil national. Ça pourrait être un bon début.
Peut-être que les libéraux peuvent se reprendre, avec mon sous-amendement. Tout à l'heure, ils ont voté contre trois amendements de cette nature qui concernaient les langues autochtones. Peut-être que cette fois-ci, ça va changer. Dans un débat, c'est ce qui est intéressant.
Je vais arrêter un peu pour qu'on puisse lire à nouveau mon amendement. Je ne sais pas si mes collègues libéraux l'ont entendu.
¾ (2015)
[Traduction]
Le président: Votre sous-amendement n'est pas acceptable. Je vais demander à notre greffier législatif d'en expliquer la raison.
M. Jeremy LeBlanc (greffier à la procédure): Plus tôt, le comité a étudié un sous-amendement de l'amendement BQ-41, selon lequel le code ou le texte législatif versé dans le recueil l'aurait été obligatoirement dans une des langues officielles ou dans la langue de la Première nation elle-même. Le sous-amendement en question a été rejeté. Par conséquent, exiger ici que les codes de vos textes législatifs soient versés dans le recueil national, encore une fois, dans une langue ou l'autre... Le comité a déjà décidé qu'il ne voulait pas de cette mesure; ce serait donc incompatible avec une décision prise plus tôt au sujet de ce sous-amendement. Pour ces raisons, la proposition est irrecevable.
Le président: Merci, monsieur le greffier.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Cette décision m'étonne, monsieur le président. À mon avis, il s'agit de deux choses distinctes. Même si nous n'avons pas adopté l'amendement concernant le versement du code dans la langue de la Première nation dans le recueil de la bande, le fait de savoir si cela doit être versé dans le recueil national constitue une question tout à fait distincte. Cela est intéressant, car le recueil national sera peut-être la source que consulteront les gens en dehors de la réserve pour se renseigner sur les codes.
Par exemple, dans le cas d'un membre expatrié d'une Première nation qui vit à Ottawa, plutôt que dans le nord du Manitoba où se trouve sa collectivité d'origine, il serait plus commode pour lui d'accéder à un recueil national qu'au recueil de la bande. Il serait d'autant plus pertinent, de fait, que, à l'échelle nationale, le changement de langue se fasse, même si ce n'est pas requis de la part de la bande elle-même. Cela permettrait de s'assurer que c'est accessible au nombre maximal de personnes. Le recueil national est le lieu indiqué pour cet exercice. De fait, le recueil national peut avoir des ressources--
Le président: Monsieur Martin, pour que je suive votre exposé, dites-moi si vous débattez de l'amendement ou si vous débattez de celui qui vient tout juste d'être rejeté?
M. Pat Martin: Je veux débattre de l'amendement G-11.9.
Le président: Merci.
M. Pat Martin: Mais, en guise d'introduction, je disais que je ne comprends pas en quoi un empêcherait l'autre. Par contre, c'est la sagesse... Si cela doit être interdit, cela sera interdit.
À propos de l'amendement G-11.9, je dirais que je suis d'accord avec certains points. L'omission de verser un texte dans le recueil national ne devrait pas être un facteur qui, à lui seul, permet de déclarer le texte invalide. On commettrait une faute élémentaire en faisant cela, surtout que le délai qui est associé à la démarche est serré. Ailleurs, dans le projet de loi, il est dit que le code ou le texte ratifié par la bande doit être versé dans les 14 jours dans le recueil national. Bon, je crois que c'est là un délai déraisonnable, et je crois qu'à peu près tout le monde n'en tiendra pas compte. Je ne crois pas que les gens considèrent comme très prioritaire le fait de verser le texte dans le recueil. À leurs propres fins et pour l'usage qui en sera fait au sein de la collectivité, verser le texte dans le recueil de la bande est la question la plus importante; le verser dans le recueil national serait considéré comme secondaire, au mieux, sinon nettement moins important que cela.
À maintes reprises, dans nombre de contextes--judiciaires et quasi judiciaires--, il a été établi que le manquement à un délai n'est pas une raison pour invalider quoi que ce soit, si le code...
Monsieur le président, je crois que nous avons un problème de quorum.
¾ (2020)
Le président: L'absence du quorum est signalée.
¾ (2020)
¾ (2023)
Le président: Monsieur Martin, je vous en prie.
M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.
À propos de l'article 30, je suis heureux de savoir que le gouvernement reconnaît qu'il faut l'amender et qu'il a mis de l'avant un amendement qui touche à un des problèmes fondamentaux du projet de loi. La liste des exigences et des délais associés à chacune de ces étapes est telle que le tout est presque conçu pour se solder par un échec. C'est presque voué à l'échec parce que le respect intégral des nombreuses dispositions est très peu probable.
Tout de même, le législateur affirme qu'il faut établir ou verser une copie certifiée du code ou du texte législatif dans le recueil de la bande et dans le recueil national, et le responsable officiel doit établir que c'est une copie certifiée, etc., etc. Plus loin, on dit que le manquement à l'un quelconque de ces paramètres... vous savez, il y a là des sorties, des portes de sortie qui sont comme des portes de grange. Voici tout ce que vous devez faire, que vous devez absolument faire dans le délai fixé par la loi, mais, si jamais vous ne faites pas tout cela, il n'y a pas vraiment de problème.
Par exemple, il est dit au paragraphe 30(6) :
Sauf preuve contraire, la copie certifiée conforme du code ou du texte législatif déposée dans le recueil de la bande fait foi du texte original du document en cause et de la date de son dépôt, sans qu'il soit nécessaire de prouver l'authenticité de la signature qui y est apposée ou la qualité officielle du signataire. |
Tout cela équivaut un peu à contredire, il semble, le passage au paragraphe (3) où il est question de la copie certifiée conforme par la personne autorisée par la bande.
Voilà maintenant qu'on présente les nouveaux paragraphes (9) et (10), qui disent, dans le premier cas, que le code et le texte législatif doivent être déposés dans le recueil national, et déposés et publiés dans le recueil national afin de pouvoir entrer en vigueur, mais, ensuite, au paragraphe (9) qui est proposé, nous voyons qu'aucun code ni aucun texte ne serait être invalide au seul motif qu'il n'a pas été déposé dans le recueil national ou publié.
Voilà une perte d'espace et une perte de temps pour tout le monde, pour être franc, monsieur le président--microgérer les Premières nations sans même le faire comme il faut, ou même microgérer avec quelques pouvoirs législatifs, car, à la fin de tous les articles associés à l'article 30, il y a un article contradictoire. Vous devez faire ceci, mais si vous ne le faites pas, pas de problème. Vous devez faire cela, mais si vous ne le faites pas, cela n'a pas vraiment d'importance. Cela me semble absurde, monsieur le président.
Je crois qu'on pourrait proposer un amendement, un sous-amendement qui servirait à éclaircir le nouveau paragraphe (10), et je vais envisager moi-même d'en proposer un. Mais le nouveau paragraphe (10) dit :
Personne ne peut être condamné pour violation d'un texte législatif...sauf s'il est prouvé que...des mesures raisonnables avaient été prises pour que la personne soit informée de la teneur du texte législatif. |
Il faut donc déposer le texte dans le recueil national dans les 14 jours, sous peine de Dieu sait quoi--je suppose que ce serait une intervention du ministre et la catastrophe imminente--, mais, ensuite, si vous ne le faites pas à temps, il est encore possible que la personne soit condamnée pour violation du texte législatif au moment où l'infraction présumée ne figurait pas dans le recueil national ou n'était pas publiée.
Alors, c'est lequel? Est-ce qu'il faut le faire, oui ou non? Et pourquoi dire, au même article, à l'article 30, que, premièrement, il faut le faire, puis, ensuite, deuxièmement, ce n'est pas obligatoire? Tout cela se trouve dans le même article du projet de loi.
Cela défie vraiment la logique, et ça sert à illustrer que tout l'exercice a été mal conçu, mal pensé, mal mis en place, mal débattu, mal justifié. Les gens qui comprennent le projet de loi, les gens qui ont vraiment lu le projet de loi et qui en ont une bonne idée et qui ont l'expertise voulue pour apporter des éléments constructifs à son sujet, n'ont pas été consultés. De fait, ils ont été exclus à dessein. Les gens en question sont les chefs et les dirigeants des Premières nations de tout le pays, que le ministre a délibérément et précisément écartés de la démarche, dans sa grande volonté de remplir son devoir envers le premier ministre en imposant ce projet de loi par la force.
¾ (2025)
On ne voulait pas de positions mûrement réfléchies, ni de positions ayant fait l'objet d'une recherche approfondie ou nées de l'expérience, contrairement aux positions mises de l'avant, alors on s'est adressé à quelqu'un d'autre. On n'a même pas pu trouver un grand nombre de personnes, mais on a cherché à contourner les dirigeants légitimement élus et on s'est adressé à la base.
Encore là, on n'a pas réussi à trouver un très grand nombre de personnes, à la base, qui avaient quoi que ce soit à dire à propos de ce projet de loi. Quand les consultations ont eu lieu dans tout le Canada, les gens qui se sont présentés n'étaient pas là pour parler des détails administratifs ou bureaucratiques de la Loi sur les Indiens; ils souhaitaient plutôt parler de logements, de soins de santé, d'éducation, d'eau potable, des grands problèmes de santé dans les réserves, de l'absence d'occasions et de l'absence de développement économique. Ce sont des choses que les gens à la base ont voulu aborder au moment des consultations.
Durant l'exercice de consultations, personne n'a apporté une contribution vraiment utile en ce qui concerne les articles précis du projet de loi parce que la plupart des gens sur le terrain et dans les collectivités, pour être franc, ne possédaient pas l'expertise voulue pour dire si le libellé juridique était bon, ou non, ou dire si c'était contraire ou non à la Constitution. Les gens qui sont les experts dans ces domaines sont les dirigeants élus, qui ont été exclus de la démarche. Or, ils ont été élus parce qu'ils s'y connaissent dans ces domaines.
¾ (2030)
Le président: Merci, monsieur Martin.
M. Hubbard n'est pas là pour les dernières observations; nous allons donc passer directement à un vote par appel nominal à propos de l'amendement G-11.9, page 192.
(L'amendement est adopté par 6 voix contre 3)
Le président: Nous passons maintenant à l'article amendé.
M. Pat Martin: À propos de cet article, nous avons tout de même le droit de...
Le président: Monsieur Martin, les dix minutes sont à vous.
M. Pat Martin: Monsieur le président, l'article 30 devrait être abandonné, tout comme l'article d'avant et l'article d'après.
Si nous prêtions quelque attention à ce que nous disent les témoins partout au pays, nous n'aurions pas l'audace ou le culot de nous asseoir ici et d'adopter une loi qui a une incidence sur la vie des gens des Premières nations, sans que ceux-ci puissent y participer et y consentir--le terme consentement étant le mot clé, monsieur le président.
Le président: Depuis 14 semaines, j'ai permis aux membres du comité de parler de tout sauf ce qui figure vraiment à l'ordre du jour. Nous allons maintenant commencer à débattre des articles tels que modifiés, j'insisterai donc pour que vous traitiez de l'article. Tenez-vous en à la question abordée; sinon, je passe directement à la mise aux voix.
M. Pat Martin: J'aimerais bien, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
M. Pat Martin: Je croyais que c'était ce que je faisais.
Je vais parler de l'article. L'article traite essentiellement de l'élaboration, de l'inscription et de la présentation de lois, de règlements--de codes de gouvernance--à des recueils de bande, des recueils nationaux--et des conséquences de cela, de la démarche qu'il faut suivre pour bien inscrire un texte législatif nouvellement ratifié. La question de la ratification a été abordée ailleurs; j'espère que vous n'allez donc pas déclarer mon intervention irrecevable si je parle du processus de ratification, car on ne saurait parler de l'inscription du règlement ou du code sans tout au moins parler du processus d'élaboration du code et du processus de ratification du code, puis des conditions très rigides et très normatives associées à l'inscription et au dépôt des règlements et codes en question, d'abord dans le recueil de la bande, puis, ensuite, par prolongement, dans le recueil national.
À étudier l'article 30 tel qu'il est modifié, nous notons que la bande doit maintenir dans ses bureaux administratifs principaux un recueil contenant ses codes et textes législatifs. Personne n'y a trouvé à redire. De fait, c'est un usage qui prévaut dans tout le pays. Pour n'importe lequel des codes et textes législatifs adoptés par le conseil sous le régime de la loi, les gens doivent avoir un accès raisonnable. De fait, cet article de microgestion dicte même qu'on doit pouvoir les consulter durant les heures normales de bureau. Les gens n'ont pas manifesté une grande opposition, même si nous nous opposons à un principe--le caractère limitatif, étroit et prescriptif de ces articles--,mais la question des heures normales de bureau semble être raisonnable, dans la mesure où il serait nécessaire de dicter dans de tels détails la conduite des Premières nations.
Je crois qu'il serait déraisonnable pour quiconque de devoir produire les codes et textes en question à minuit ou à n'importe quel moment, dans la mesure où quelqu'un en fait la demande. C'est la plus grande question concernant l'article 30 tel que modifié. Cela ne modifie pas l'exigence déraisonnable selon laquelle n'importe qui, à n'importe quel moment, ou du moins durant les heures normales de bureau, peut exiger d'obtenir une copie de n'importe quel code ou texte législatif.
Bon, il peut paraître parfaitement raisonnable qu'un membre de la bande, quel qu'il soit, puisse exiger, à un moment raisonnable, de recevoir--la bande aurait à le produire--un exemplaire des codes, mais pas n'importe qui, n'importe quand. Je ne crois pas avoir le droit d'exiger de la Première nation de Putkatawagan, au Manitoba, qu'elle produise et remette une copie de son code de gouvernance. C'est simplement là une nuisance administrative qui trouve son origine, je crois, dans la prémisse fondamentale selon laquelle si on ne leur ordonnait pas de le faire, les bandes ne fourniraient à personne des copies de leurs textes et règlements.
Eh bien, je vois que M. Bryden, qui est doué comme pas un pour se mettre à dos les gens, se fait antagoniste une fois de plus en disant que c'est vrai. Le député de l'autre côté me harcèle, moi et les gens des Premières nations qu'ils peuvent se trouver ici, en laissant entendre qu'il est vrai que, si ce n'était une consigne claire de la part du gouvernement, les membres et les conseils ne rendraient pas accessibles à leurs membres les codes et les textes législatifs qu'ils adoptent. Ce gars-là a du toupet, monsieur le président, sinon on verrait qu'il a du front tout le tour de la tête!
J'attendrai des applaudissements polis ou quelques rires. C'était une de mes meilleure blagues. J'espérais des rires plus nourris que cela.
Je crois donc que l'article 30 ne répond pas aux critères que se donneraient quelques personnes raisonnables, à savoir de quel droit le comité s'ingère dans le droit à l'autodétermination des Premières nations. Je crois que nous aurions dû prendre pour référence le document de politique préparé au sujet du pouvoir de légiférer par le ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada et l'Assemblée des premières nations, en coopération, qui nous ont rappelé dans ce document, qui, comme je l'ai dit, a été préparé conjointement, que les Premières nations rejettent toute tentative de limitation du pouvoir de légiférer des Premières nations à des pouvoirs fédéraux délégués.
¾ (2035)
Le plus souvent, les pouvoirs fédéraux délégués s'appliquent, du côté des Premières nations, quand le gouvernement fédéral insiste, par exemple, dans le cas de l'obligation d'adopter une règle et de procéder à un référendum pour désigner des terres destinées au développement économique dans les réserves. Pour certaines Premières nations, cela fait si longtemps que les gens vivent avec le régime de la Loi sur les Indiens qu'ils en sont venus à adopter le système de conseil de bande et les pouvoirs municipaux limités que cela suppose comme la seule forme de gouvernement local à leur disposition.
Pour d'autres Premières nations, les systèmes de gouvernance traditionnels ont survécu, par exemple les systèmes de clan, malgré l'imposition du régime de la Loi sur les Indiens. Eh bien, je vous dirais, monsieur le président, que dans les nombreuses Premières nations où les systèmes traditionnels de gouvernance ont survécu, les gens seraient offusqués si vous leur proposiez ces pouvoirs délégués limitatifs.
Il y a quelque chose de grossier à ne même pas faire semblant d'écouter quelqu'un quand il parle, mais je commence à m'habituer. Nombre des témoins qui sont venus nous voir ont signalé à mon attention que cela est tellement contraire et contradictoire, si on envisage l'usage des Premières nations, de ne pas écouter les gens quand ils parlent—cela dénote un manque de respect envers la personne qui parle, mais aussi envers les questions dont elle essaie de faire part. Cette table est incroyablement incompatible avec tous les aspects de la culture traditionnelle des Premières nations, et dans sa façon de procéder, et dans le matériel qu'elle aborde.
La plupart des Premières nations en sont à une étape de transition—celles avec qui nous avons communiqué au sujet de ce projet loi particulier—et délaissent progressivement le régime de la Loi sur les Indiens pour reprendre leur compétence intrinsèque. Durant cette période de transition, selon le document de politique en question, les Premières nations ont recours à un éventail d'ententes gouvernementales et quasi gouvernementales afin d'exercer différents types de pouvoirs législatifs, y compris les gouvernements traditionnels des Premières nations, les conseils de bande prévus à l'article 74 de la Loi sur les Indiens, les conseils conformes aux coutumes, les traités, les ententes sur l'autonomie gouvernementale et les revendications globales, les structures de gouvernance régionale comme les conseils primaux ou les organisations provinciales.
Nombre de Premières nations, monsieur le président, nous ont signalé clairement qu'elles ont une vision sans équivoque de la portée et de la teneur des pouvoirs qui leur reviennent, pour ce qui est de légiférer, et des structures de gouvernance qui bénéficient des appuis des gens. Prétendre autrement équivaut à ne pas tenir compte des faits, monsieur le président. De temps à autre, notre comité accueille des touristes qui viennent harceler les gens avec leurs élucubrations. Je suppose qu'ils rendent un mauvais service aux gens qu'ils représentent.
Monsieur le président, ces Premières nations ont une vision claire de la portée et de la teneur des pouvoirs de législation qui leur reviennent et elles réassument progressivement l'exercice de leurs pouvoirs législatifs inhérents; elles s'offusquent de l'article 30 tel que modifié et s'y opposent. En leur nom, je m'y oppose et je proteste, et, pour qu'il n'y ait aucune équivoque, je vous dis que nous ne pouvons appuyer l'article 30 tel que modifié dans le contexte. Nous ne croyons pas qu'il y ait eu une modification de fond ou une modification suffisante pour répondre à nombre des préoccupations que nous avons soulevées.
M. Loubier a présenté des amendements utiles qui nous semblaient bons pour essayer de reconnaître les traditions et les coutumes des Premières nations. Nous sommes déçus de constater qu'aucun d'entre eux n'a été adopté. Je crois que le gouvernement devrait considérer ces politiques en matière d'autonomie gouvernementale comme l'occasion de négocier la mise en oeuvre du droit inhérent à l'autodétermination, et non pas de dicter et de prescrire aux Première nations des structures sur lesquelles elles se sont prononcées avec la plus grande clarté : elles ne veulent pas de ce degré particulier d'ingérence et d'intervention et n'en ont pas besoin non plus.
¾ (2040)
Le président: Merci, monsieur Martin.
Est-ce qu'on est prêt à répondre à la question?
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Je m'interroge sur le fait qu'on puisse adopter l'article 30 tel qu'amendé. Je regarde toutes les critiques qui ont été faites lors de nos délibérations et je suis étonné. Relativement aux témoignages portant sur l'article 30, qui ont été bien synthétisés par la Bibliothèque du Parlement, on se retrouve avec des amendements qui ont été rejetés lorsque c'était nous qui les présentions, alors qu'ils correspondaient aux problèmes soulevés par nos nombreux témoins. Les seuls amendements qui ont été adoptés sont ceux du gouvernement, sauf un de M. Vellacott portant sur le prix des photocopies ou du texte conforme à l'original. Ces amendements du gouvernement ne répondent pas à ces préoccupations soulevées relativement à l'article 30, notamment par M. Bradford Morse, professeur à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa.
Je pense qu'il vaudrait la peine de revoir le mémoire qu'il a présenté; je vous invite à le faire. Il s'agissait de la séance no20. C'était assez clair. D'après lui, même avec ces modifications présentées par le gouvernement, l'article 30 était tout à fait inacceptable. Je voudrais citer son mémoire présenté à la séance no 20 ici, à Ottawa:
L'exigence que chaque Première nation maintienne un recueil de ses propres codes et lois est visiblement nécessaire tout comme la nécessité d'avoir un recueil national. |
Il ne nie pas cela. Je continue à lire ce qu'a dit ce professeur de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa:
Cependant, on rate ici une occasion, étant donné que le paragraphe 30(2) devrait être modifié afin que le recueil national soit une institution indépendante du gouvernement et relevant du Parlement... |
Je me rappelle bien ce qu'il nous a dit--et si ce n'est pas lui, c'est un autre professeur émérite--quand il a dit qu'il fallait absolument que le gouvernement fédéral, l'exécutif, sorte de la gestion des registres parce que les registres avaient été tellement mals gérés par le gouvernement fédéral dans le passé qu'on ne voulait pas que les nouveaux registres soient aussi mals gérés.
C'est la même chose au sujet de l'article 30, tel qu'il était au début. Même amendé, il ne répond pas aux préoccupations des Algonquins de Pikwakanagan. Ils ont comparu à la séance no19, et je vous invite aussi consulter le mémoire qu'ils ont présenté:
Le projet de loi C-7 confère de nouveaux pouvoirs au Ministre autorisant celui-ci à superviser un registre national des lois des Premières nations. Le gouvernement fédéral ayant dans le passé géré de façon déplorable les registres, cette option ne devrait pas être retenue. |
Comme vous le voyez, eux aussi disent la même chose.
Or, on se retrouve avec l'article 30 et on voit que la situation tant décriée du texte original n'a pas été corrigée par les amendements présentés.
Un mémoire a été présenté à titre individuel, en Alberta, lors de la séance no27. Je n'ai malheureusement pas pu participer à cette réunion, mais j'ai lu le mémoire.
À Red Deer, un monsieur présentait un mémoire dans lequel il disait:
Il est scandaleux et absurde que le projet de loi C-7 prévoie que la Loi sur les textes réglementaires ne s’applique pas aux codes ni aux textes législatifs des bandes, parce qu’il n’y aura absolument rien pour garantir que les codes et les textes législatifs des bandes ne vont pas au-delà des dispositions du projet de loi C-7. |
Il a mis le doigt sur une vérité qu'on retrouve à l'article 30, mais dans tous les autres articles aussi, soit le fait qu'on ne connaît pas les limites de ce projet de loi. On ne sait pas jusqu'à quel point ce projet de loi, l'article 30 comme d'autres articles, ne mènera pas à des contestations judiciaires interminables. C'est une espèce de bar ouvert aux contestations juridiques. Je trouve que c'est une très mauvaise idée que de procéder en adoptant l'article 30.
Pat Martin et moi avons essayé sans succès de faire en sorte que l'article 30 soit modifié. Lorsqu'on parle de codes et de textes législatifs, lorsqu'on parle du recueil de ces textes-là, M. Salembier a dit qu'il fallait qu'ils soient rédigés dans l'une ou l'autre des deux langues officielles. On a essayé de faire modifier cela pour que, à l'article 30, la rédaction puisse se faire dans la langue des premières nations, qu'elles aient la possibilité de légiférer, de déposer ces codes ou ces mesures législatives dans le recueil.
¾ (2045)
Il y en a autour de la table qui ne respectent rien de toute façon, mais lorsqu'on parle du respect des cultures, on doit parler du respect des langues. On a essayé de faire accepter le fait qu'on puisse introduire ce respect des langues. Est-ce qu'on demande, par exemple, au gouvernement italien de légiférer en anglais ou en langues slaves? Ce serait d'un ridicule consommé. Est-ce qu'on demande au gouvernement américain de légiférer en espagnol, par exemple? Est-ce qu'on demande au gouvernement espagnol de légiférer en anglais ou en allemand? Non. Est-ce qu'on demande à un troisième ordre de gouvernement autochtone de légiférer dans une langue qui n'est pas la sienne? Oui, assez curieusement. C'est inacceptable, et on nous demande d'adopter l'article 30 qui n'a subi aucune modification à ce chapitre, ce qui est fondamental. Vous ne pouvez pas reconnaître un niveau de gouvernement et l'empêcher de légiférer dans sa propre langue; c'est impossible.
Ce fait peut paraître absurde lorsqu'on le présente avec des exemples de nations à travers le monde, mais tout à fait logique et acceptable lorsqu'il est question des nations autochtones. Pourtant les nations autochtones sont reconnues au sein de l'Organisation des Nations Unies comme étant de vraies nations. Alors, si ce sont de vraies nations, elles ont le droit de transposer ce caractère national dans l'expression la plus pure de la culture autochtone, c'est-à-dire les langues autochtones.
Dans ce recueil des codes et des textes législatifs, dans l'adoption de textes législatifs et de codes, on nie, par l'article 30, la possibilité pour les premières nations d'utiliser la langue de leur choix et, au premier chef, leur propre langue. On leur nie le droit de déposer dans ce recueil des textes législatifs ou des codes concernant la gouvernance, dans leur propre langue. Ce recueil sera géré par le ministre. On n'a pas le choix, car l'article 30 n'a pas été modifié à cet égard.
Je suis complètement renversé. On nous écoute lorsqu'on donne ces exemples. Cela semble incongru lorsqu'on parle de langues étrangères appliquées dans la gouvernance d'un certain pays, mais cela devient tout à fait banal si l'on parle de la non-utilisation de langues autochtones dans la gouvernance des autochtones. C'est quelque chose qui ne m'entre pas dans la tête.
Probablement que quelque chose m'échappe, probablement que je ne comprends pas où les premières nations veulent aller sur la question de la prise en charge de leur destinée, de la renaissance de leur langue et de leur culture. Il me semblerait tout à fait correct, tout à fait normal et naturel qu'un gouvernement autochtone puisse exprimer ses textes législatifs et son droit d'exister et de parler dans sa propre langue. Il serait normal pour les membres d'une communauté qui parlent une certaine langue de pouvoir s'exprimer dans cette langue.
Cela représenterait le respect que nous avons à l'égard de ces langues. Avec M. Martin, nous avons présenté trois ou quatre sous-amendements. Chaque fois, je me suis dit qu'on s'était peut-être mal expliqués; on va répéter ce qu'on veut faire avec l'article 30 et nos modifications. Même en répétant cela et en présentant les exposés qui appellent au gros bon sens, au respect des peuples et de ce qu'ils sont à travers le monde, ou en tenant un discours qui en appelle à enrichir la diversité culturelle, on a obtenu un accueil tellement moche de la part de nos collègues libéraux que je suis encore sous le choc.
Nous n'avons pas pu modifier l'article 30, malgré des considérations aussi hautes et aussi naturelles qui concernent les intérêts supérieurs des nations. Ici, on pourrait parler des intérêts supérieurs des nations. À part la nation canadienne, qu'ils prétendent vouloir défendre, il n'y a point de salut. De toute façon, nous avons vécu cette médecine pendant des années, sinon des décennies, mais maintenant, on la sert aux premières nations, chose qui ne devrait pas avoir cours dans une disposition comme l'article 30. Cet article a été amendé, mais d'une façon à laquelle ne s'attendait pas, étant donné les témoignages entendus.
S'il y a un enseignement à tirer des discussions que nous avons eues ici, c'est qu'on a un bon bout de chemin à faire.
¾ (2050)
Le président: Monsieur Loubier, merci.
[Traduction]
(L'article 30 tel que modifié est adopté par 8 voix contre 2)
Le président: Si nos cinq leaders parlementaires prêtent attention à ce que fait notre comité, ils noteront le fait, à la lecture du compte rendu, que nous avons consacré cinq heures et demi à un seul et unique article.
La séance est levée.