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AANR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 26 mai 2003




¿ 0910
V         Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.))
V         M. Charles Hubbard (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien)
V         Le président
V         M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD)

¿ 0915

¿ 0920
V         Le président
V         M. Jeffrey LeBlanc (greffier législatif)
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Pat Martin

¿ 0925

¿ 0930
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         M. Pat Martin
V         Le président

¿ 0935
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)

¿ 0940

¿ 0945
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin

¿ 0950

¿ 0955
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

À 1000

À 1005
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

À 1010

À 1015
V         Le président
V         M. Pat Martin

À 1020

À 1025
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

À 1030

À 1035
V         Le président
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne)
V         Le président
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott

À 1040
V         Le président
V         M. Pat Martin

À 1045

À 1050
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

À 1055
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         M. Warren Johnson (sous-ministre adjoint, Services fonciers et fiduciaires, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien)
V         M. Yvan Loubier

Á 1100
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         M. Jeffrey LeBlanc
V         M. Yvan Loubier
V         M. Jeffrey LeBlanc
V         M. Yvan Loubier
V         M. Jeffrey LeBlanc
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         M. Charles Hubbard
V         Le président

Á 1105
V         M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)
V         M. Warren Johnson
V         M. John Godfrey
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin

Á 1110

Á 1115

Á 1120
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

Á 1125

Á 1130
V         The Chair
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

Á 1135
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

Á 1140
V         Le président
V         M. Pat Martin

Á 1145

Á 1150
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin

 1200
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

 1205

 1210
V         Le président
V         M. Pat Martin

 1215

 1220
V         Le président
V         Le président
V         M. John Godfrey
V         M. Paul Salembier (avocat-conseil, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien)
V         M. John Godfrey
V         M. Paul Salembier
V         M. Warren Johnson

 1225
V         M. John Godfrey
V         M. Warren Johnson
V         M. John Godfrey
V         M. Warren Johnson
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

 1230

 1235

 1245
V         Le président
V         M. Charles Hubbard

 1250
V         M. Paul Salembier
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin

 1255

· 1300
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         M. Pat Martin
V         M. Yvan Loubier

· 1305

· 1310
V         Le président
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Pat Martin

· 1315

· 1320
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

· 1325

· 1330
V         Le président
V         M. Charles Hubbard

· 1335
V         M. Paul Salembier
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin

· 1340

· 1345
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

· 1350

· 1355
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


NUMÉRO 076 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 26 mai 2003

[Enregistrement électronique]

¿  +(0910)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Nous poursuivons l'étude du projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.

    Il nous reste 32 amendements à examiner, ou 33, en incluant celui dont nous venons d'entamer l'examen, l'amendement BQ-42. N'en avons-nous pas terminé avec cet amendement? Nous passons donc à l'amendement CA-48, à la page 212. Aucune représentant de l'Alliance canadienne n'est là. C'est pourtant l'Alliance canadienne qui l'a proposé.

    Il est nécessaire d'avoir une discussion sur l'amendement CA-48. Monsieur Martin.

    Oh, nous avions commencé à discuter de celui-là la dernière fois. C'est M. Vellacott qui avait la parole. Nous continuons la discussion.

    Vous serez le suivant, monsieur Martin.

    Monsieur Hubbard.

+-

    M. Charles Hubbard (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Je passe mon tour pour l'instant.

+-

    Le président: Monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Je vous remercie, monsieur le président.

    Nous sommes lundi matin et il est 9 h 10. La réunion de notre caucus ne commence pas avant 9 h 30 et, par conséquent, je me demande ce qui est tellement urgent pour que l'on nous convoque pour cette heure-ci. Je me demande ce qui peut être assez urgent en ce qui concerne ce projet de loi pour que nous prenions des mesures extraordinaires et l'examinions en toute hâte comme s'il s'agissait d'une urgence nationale ou d'une question d'importance cruciale, comme si le pays allait être paralysé si nous ne nous réunissions pas jusqu'à minuit pour recommencer le lundi matin à 9 heures, alors que les autres députés ont une réunion de caucus pour examiner les nombreux problèmes auxquels le pays est confronté à l'heure actuelle.

    De toute apparence, imposer ce projet de loi de force aux Indiens à la hâte est plus important que tous les autres travaux du Parlement. C'est la seule conclusion que l'on puisse tirer de l'approche que le gouvernement a adoptée en ce qui concerne ce projet de loi.

    Il y a des dizaines de questions que les Canadiens et les Canadiennes aimeraient que nous examinions au Parlement. De toute apparence, le gouvernement fédéral a une grande priorité, à savoir imposer ces modifications de force aux Indiens malgré l'opposition qu'elles suscitent à l'échelle du pays et en dépit du fait que les plus grands spécialistes et des personnes qui font autorité en matière législative ont recommandé au gouvernement de ralentir, d'arrêter et de renoncer à son projet, pour employer des termes courants. C'est ce que les gens disent, le gouvernement doit arrêter.

    J'ai manqué une journée des audiences sur ce projet de loi, celle de jeudi dernier, parce que nous avons participé à une manifestation dans la circonscription du ministre, à Kenora (Ontario). Nous avions été invités à prendre la parole au cours de cette manifestation qui a réuni de 2 000 à 3 000 Autochtones désireux d'exprimer leur opposition au projet de loi C-7.

    C'est curieux que le gouvernement n'arrive pas à trouver des défenseurs du projet de loi C-7 alors que nous arrivons à réunir, à court préavis, 2 000 personnes prêtes à donner de leur temps et à payer tous les frais de déplacement à Kenora (Ontario) pour bien faire savoir qu'elles s'opposent à ce projet de loi.

    Nous étions assis sur l'estrade avec l'évêque anglican de la région de Kenora--Rainy River. Son évêché va jusqu'au nord-est du Manitoba et jusqu'au nord-ouest de l'Ontario. Nous étions sur l'estrade avec les conseillers municipaux de Kenora et avec des non-Autochtones comme l'évêque, qui étaient tous contre ce projet de loi.

    Oui, 3 000 personnes écoutaient les discours, mais plus de 8 000 personnes au total étaient venues à Kenora ce jour-là. Il y avait 3 000 personnes sous la tente. Nous avions une tente plus grande que l'édifice du Parlement. Les gens—des aînés, des enfants et des femmes—étaient venus sous la tente pour écouter des discours et pour danser. Il y avait des tambours. Ces personnes étaient là parce qu'elles voulaient exprimer leurs inquiétudes au sujet de cette nouvelle intervention du gouvernement fédéral dans leurs affaires car elles s'y opposent. Elles n'acceptent pas cette ingérence et manifestent leur opposition de façon on ne peut plus claire.

    Pendant ces audiences et ces consultations, et même pendant la tournée que le comité a faite à travers le pays, qui était de la véritable consultation... Je n'approuve pas les premières consultations. Je ne pense pas qu'on puisse de quelque façon que ce soit les considérer comme de véritables consultations. Cependant, lorsque ce comité permanent de la Chambre des communes a fait une tournée à travers le pays, c'était de la véritable consultation et, au cours de cette tournée, 191 témoins se sont opposés au projet de loi et 10 seulement l'ont appuyé, dont le ministre lui-même.

    Par conséquent, malgré l'opposition d'une écrasante majorité composée de professeurs de droit, d'universitaires, d'experts en droit constitutionnel, de ministres, de dirigeants, de dirigeants nationaux de pratiquement toutes les principales Églises du pays et malgré que toutes ces personnes aient recommandé au gouvernement d'arrêter, nous siégeons toute la nuit pour nous réunir à nouveau le lundi matin à 9 heures, ce qui est inhabituel pour la Colline du Parlement, parce que d'habitude, les députés se préparent pour les débats à la Chambre des communes au lieu de participer à une réunion de comité permanent. Nous sommes certainement le seul comité, dans tout le pays, qui siège en ce moment même.

    Même le débat sur la création d'un registre national des délinquants sexuels, qui est une question d'intérêt national cruciale, n'est pas jugé assez important pour se réunir un lundi matin à 9 heures. Si le gouvernement avait une saine notion des priorités, on aurait convoqué de toute urgence une réunion spéciale du comité de la justice pour examiner la question de la mise en place d'un registre national des délinquants sexuels. Ce serait justifiable, étant donné qu'il s'agit d'une question d'importance nationale et qu'il semblerait qu'elle fasse l'objet d'un consensus à l'échelle provinciale et à l'échelle nationale. Dans ce cas, il serait justifié de siéger toute la nuit pour discuter des amendements. Il serait justifié, dans ce cas-là, de se réunir le lundi matin à 9 heures plutôt que d'attendre l'heure habituelle et de préparer ses commentaires ou de se préparer pour la journée à la Chambre des communes.

¿  +-(0915)  

    Ce projet de loi ne répond nullement aux critères de l'urgence nationale. D'une part, on atteint le summum de l'arrogance coloniale et paternaliste en présumant qu'une bande de Blancs en tenue de ville s'installent autour de cette table pour apporter des changements qui auront une incidence sur la vie des membres des Premières nations sans solliciter leur opinion, sans leur participation ou leur consentement. En effet, ils n'ont pas eu l'occasion d'exprimer leurs opinions, ni de participer ou de donner leur consentement et pourtant, le gouvernement est bien décidé à foncer.

    J'ai discuté hier soir avec un ministre qui m'a demandé ce qui se passait. Il m'a demandé pourquoi nous étions aussi déterminés. C'est un ministre qui a d'autres questions intéressantes à examiner dans son ministère. Il attend en fait la présentation d'un projet de loi à la Chambre. Tout est bloqué à cause de cette priorité insensée.

    Mon message est que nous devrions abandonner l'étude article par article de ce projet de loi. Nous devrions cesser de nous intéresser à ce projet de loi. C'est ce que nous devrions faire, ne fût-ce que pour la seule raison que le gouvernement refuse de communiquer les documents réclamés à maintes reprises qui permettraient de déterminer si ce projet de loi porte atteinte aux droits ancestraux ou issus de traités des Autochtones, reconnus dans la Constitution. Nous devrions tous retourner immédiatement dans nos bureaux pour nous préparer pour la séance d'aujourd'hui à la Chambre des communes.

    Le gouvernement a refusé systématiquement de divulguer de l'information, pas seulement à nous, mais aussi à l'Indigenous Bar Association. Celle-ci demande de l'information en vertu de la liberté d'accès à l'information depuis 18 mois.

    Nous savons que les documents et les avis juridiques demandés existent, mais nous avons également de bonnes raisons de croire qu'ils révèlent que ce projet de loi porte atteinte aux droits issus de traités des Autochtones, reconnus par la Constitution. Sinon, le gouvernement nous montrerait ces documents. Nous avons en effet des avis juridiques qui indiquent que ce projet de loi empiète sur ces droits. Si le gouvernement a des avis différents, pourquoi ne les dépose-t-il pas au comité, devant les personnes qui sont responsables de la rédaction des lois sur les Premières nations? Pourquoi n'avons-nous pas accès à cette information?

    Toutes les personnes ayant un sens de la démocratie refuseraient tout bonnement d'aller plus loin, comme devant le Comité des comptes publics ou le Comité des opérations gouvernementales, sous la direction d'un président différent. Plusieurs députés libéraux qui sont membres de ce comité ont refusé de poursuivre l'étude tant que le gouvernement n'aurait pas déposé les documents. Ils ont suspendu l'examen du projet de loi C-25, le projet de loi sur la fonction publique, pour les raisons mêmes pour lesquelles nous devrions suspendre le débat sur le présent projet de loi. C'est une grossière erreur de procéder de la sorte.

    Même si vous n'acceptez pas mes arguments et même si vous n'approuvez pas du tout mes commentaires, vous pourriez au moins reconnaître que nous devrions avoir l'information sur laquelle le gouvernement s'est basé pour élaborer ce projet de loi, au sujet de l'incidence qu'il aura sur les affaires judiciaires en instance ou futures, et sur les droits ancestraux et issus de traités reconnus par l'article 35 de la Constitution. Sans cette information, nous ne débattrions même pas les amendements de l'Alliance canadienne concernant la Loi sur l'accès à l'information.

    L'amendement CA-48 de l'Alliance canadienne est, à mon avis, incomplet s'il ne s'applique pas à la documentation produite par le conseil de bande. Monsieur le président, il est incomplet s'il ne s'applique pas aux documents qui peuvent être commandés par le conseil de bande.

    Je voudrais présenter un sous-amendement indiquant que la Loi sur l'accès à l'information s'applique à tous les documents produits ou commandés par le conseil d'une bande. C'est l'amendement que je voudrais déposer pour examen.

    Je n'ai pas encore fait référence à mes notes. Si des représentants de l'Alliance étaient présents, on pourrait présenter les amendements. L'opposition officielle ne se comporte pas comme une opposition officielle.

¿  +-(0920)  

+-

    Le président: Votre sous-amendement, monsieur Martin.

+-

    M. Jeffrey LeBlanc (greffier législatif): L'amendement consiste à ajouter, après le mot «produits» les mots «ou commandés». L'amendement se présenterait donc comme suit: «à tous les documents produits ou commandés par le conseil d'une bande».

+-

    Le président: Monsieur Martin.

+-

    M. Charles Hubbard: Je voudrais faire un rappel au Règlement, monsieur le président. Je pense que «produits par» et «commandés par» sont synonymes. Serait-il possible d'obtenir un avis juridique?

+-

    Le président: J'en ai demandé un. Je pensais que ce n'était peut-être pas acceptable. Peut-on accorder le droit d'accès à un document qui n'appartient pas à la bande mais qui est utilisé par elle?

    Tous les avis indiquent que l'amendement est acceptable. Nous l'accepterons donc.

    Monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin: Monsieur le président, je pense qu'il est facile de voir pourquoi je voudrais ajouter les mots «ou commandés». C'est précisément parce que, comme je l'ai déjà mentionné, le gouvernement n'a pas donné suite à nos demandes d'information en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et des demandes d'information que nous avons faites ici.

    Selon la formulation de nos demandes, nous voudrions voir tous les documents produits par le gouvernement qui contiennent des avis juridiques indiquant si ce projet de loi porte atteinte à la Constitution ou s'il a une incidence sur des affaires judiciaires en instance ou futures ou tous les documents qui auraient été commandés par le gouvernement à cette fin.

    En d'autres termes, le gouvernement a peut-être consulté des sources extérieures et engagé des personnes pour établir ces avis juridiques et c'est pourquoi nous réclamons les documents produis à l'interne ou commandés à l'extérieur par le gouvernement. Nous pensons en effet qu'il est utile de le préciser.

    En toute franchise, je signale que je voterai contre cet amendement, même si mon sous-amendement est adopté. L'amendement CA-48 me choque pour plusieurs raisons. Il ne me choque toutefois pas autant que le fait que l'Alliance canadienne, qui constitue l'opposition officielle, ne se donne même pas la peine d'être présente à des audiences aussi importantes que celle-ci.

    Les Premières nations ont toujours eu des difficultés d'accès à l'information. Comme je l'ai déjà mentionné, l'Indigenous Bar Association a eu de la difficulté à obtenir du gouvernement un accès à l'information. Je signale qu'il ne s'agit pas d'un organisme indépendant qui s'intéresse aux questions autochtones. C'est une association qui est le conseiller juridique officiel des Premières nations et qui les représente.

    J'ai écouté les exposés de ses représentants la nuit dernière, à 2 heures du matin. On a rediffusé le reportage intégral sur la Conférence sur l'autonomie gouvernement qui a eu lieu le 25 avril, au Château Laurier. Nous n'avions pas pu y assister parce que nous siégions pratiquement 24 heures par jour. Nous n'avions donc pas pu assister à ce qui est peut-être la conférence la plus importante sur l'autonomie gouvernementale de ces dernières années. Certains d'entre nous ont toutefois pu voir le reportage rediffusé sur la Chaîne parlementaire par câble hier soir, ou plutôt ce matin. L'émission a commencé vers 11 h 30 et s'est prolongée tard dans la nuit.

    Dans le mémoire qu'elle a présenté au comité le 4 janvier 2002, l'Indigenous Bar Association a signalé qu'elle avait envoyé des demandes au Bureau de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels du ministère des Affaires indiennes—et elle l'a à nouveau mentionné au cours de sa conférence du 25 avril 2002—, pour les affaires mentionnées par le ministre. Celui-ci avait en effet signalé dans ses discours que la présentation de ce projet de loi s'appuyait sur quelques 200 affaires judiciaires en instance et l'Association voulait savoir quelle incidence aurait le projet de loi sur ces affaires judiciaires et comment il réglerait les questions en litige. L'Association a également mentionné ceci:

    «Le Bureau de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels du ministère n'a pas été en mesure de nous aider. Une plainte officielle a ensuite été déposée au Bureau du Commissaire à l'information. La demande initiale a été faite il y a beaucoup plus d'un an—on était le 4 janvier 2002 et la demande avait été faite un an auparavant—mais nous n'avons pas du tout reçu d'information demandée avant la troisième semaine de février 2003. C'était après que le processus de consultation d'Affaires indiennes et du Nord Canada ait été terminé et après que le projet de loi C-7 ait été présenté. Le fait qu'AINC n'ait pas communiqué l'information à temps est très troublant.»

    Les dirigeants de l'association sont beaucoup plus diplomates que moi. Ils sont très modérés dans leurs propos. Ils disent que c'est troublant. Quant à moi, je dis que c'est ridicule, que c'est absurde et que le gouvernement a du culot d'imposer les exigences en matière d'accès à l'information aux Premières nations alors qu'il est passé maître dans l'art de s'esquiver. C'est lui qui a préparé le document sur l'escamotage de l'information et sur la dissimulation alors qu'il n'est pas transparent du tout lui-même.

    L'association a aussi déclaré: «En outre, l'Indigenous Bar Association a demandé au ministère de l'information sur l'incidence potentielle du projet de loi C-7 sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et sur la relation fiduciaire entre l'État et les Indiens».

    Un document de recherche de la Bibliothèque du Parlement mentionne que le ministre a déclaré clairement que les modifications à la loi ne doivent pas porter atteinte aux droits issus de traités des Autochtones et qu'elles ne doivent pas modifier la relation fiduciaire. Il l'a dit officiellement.

¿  +-(0925)  

    Le 14 août 2002, l'IBA a envoyé une lettre au Bureau de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels du ministère des Affaires indiennes afin d'obtenir toute information du ministère des Affaires indiennes ou du ministère de la Justice qui confirmerait ou démentirait ces déclarations du ministre. Autrement dit, si ce sont les instructions du ministre, l'Association demandait qu'on la rassure et qu'on lui démontre qu'aucune disposition de ce projet de loi n'empiète, comme l'a mentionné le ministre, sur les droits issus de traités des Autochtones ou ne modifie la relation fiduciaire.

    Pourtant, le ministère des Affaires indiennes et le ministère de la Justice ont refusé de révéler la nature des avis juridiques, en invoquant le privilège du secret professionnel de l'avocat. Nous savons pourtant, et j'ai déjà cité des passages de décisions de la Cour suprême, que le privilège n'entre pas en ligne de compte lorsqu'une relation fiduciaire est en place. En raison de l'obligation du ministre de tenir compte de l'intérêt supérieur des Indiens, puisque ce doit être sa principale préoccupation—c'est l'obligation fiduciaire—, l'argument du secret professionnel de l'avocat n'est pas valide.

    L'Association a en outre signalé ceci:

Jusqu'à présent, nous n'avons reçu absolument aucune information du ministère au sujet de ces hypothèses, malgré les efforts de nos membres et ceux du Bureau du Commissaire à l'information. L'information existe, mais nous n'arrivons pas à y avoir accès. Dans la lettre qu'il nous a envoyée le 16 octobre 2002, le Bureau de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels d'AINC nous a avisés que l'information demandée ne serait pas communiquée parce qu'il s'agit de «documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada.»

    C'est la même réponse que celle que j'ai obtenue lorsque j'ai posé ces questions autour de cette table. Lorsque j'ai posé la question aux conseillers juridiques, qui ont donné des avis juridiques sur l'impact de ce projet de loi, ils ont refusé de répondre. Ils ont dit qu'ils étaient désolés mais qu'ils ne pouvaient pas révéler l'information.

    Je suis député. Je suis membre du Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles et, pourtant, on refuse de me révéler l'information nécessaire pour examiner ce projet de loi en toute connaissance de cause, c'est-à-dire en sachant quel en sera l'impact.

    Imaginez-vous ce que c'est? On dirait que nous sommes dans un monde étrange. Tout est sens dessus dessous. C'est absurde. Si la population savait que c'est la façon de procéder au Parlement... Non, ce n'est pas au Parlement, mais plutôt à ce comité, monsieur le président. On le plonge dans l'obscurité et on s'applique à ne pas divulguer l'incidence qu'aura ce projet de loi sur les obligations fiduciaires, sur les affaires judiciaires en instance ou futures et sur les droits ancestraux issus des traités reconnus par la Constitution.

    D'après les avis juridiques que nous avons obtenus, il aura une influence néfaste sur tous ces plans et le gouvernement a en fait marqué un point contre zéro pour les Indiens dans ce scénario. C'est pourquoi nous présentons ces amendements.

    Je suis outré que le gouvernement agisse sans avoir même consulté ses hauts fonctionnaires. Je pense qu'il n'a même pas l'appui des cadres supérieurs de son ministère, monsieur le président. Je pense que c'est une mission qui lui a été confiée directement par le Cabinet du premier ministre, par le premier ministre lui-même, sans tenir compte des opinions des fonctionnaires d'AINC. Pourquoi sinon aurait-il refusé de rencontrer son sous-ministre pendant les trois premiers mois qui ont suivi sa nomination? C'est absurde.

    L'IBA a mentionné par ailleurs que:

À cause de cette relation fiduciaire, le gouvernement du Canada a l'obligation de révéler intégralement l'information qu'il possède au sujet de l'incidence que pourrait avoir le projet de loi sur les droits visés par l'article 35 et sur la relation fiduciaire entre l'État et les Indiens. Jusqu'à présent, l'information n'a pas été révélée et nous pensons que l'honneur de l'État est compromis.

    Je pense que c'est effectivement le cas. On en est arrivé au point où c'est l'honneur de l'État qui est en jeu, parce que notre comité se déshonore en refusant de révéler l'information en s'entourant de mystère et en faisant des cachotteries et, ironiquement, dans le cadre de la discussion sur divers aspects de la question de l'accès à de l'information qui fera partie des règles et des codes de gouvernance imposés aux Premières nations.

¿  +-(0930)  

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Martin.

    Monsieur Hubbard.

+-

    M. Charles Hubbard: Je vous remercie, monsieur le président. Il est manifeste que les attitudes de certaines personnes à l'égard du projet de loi C-7 n'ont pas changé. Je pensais pourtant qu'une semaine de congé aurait eu une influence bénéfique à cet égard.

    Monsieur le président, je signale, aux fins du compte rendu, que nous avons déjà consacré plus d'une centaine d'heures à ce projet de loi. C'est une des plus longues tentatives qu'ait fait un comité depuis quelques années pour produire un projet de loi de qualité.

    Le député soulève beaucoup de questions et je n'ai pas à le rappeler au comité mais, étant donné qu'il continue de jouer la même comédie, je signale que le projet de loi que nous examinons a été préparé il y a plus de deux ans. Les chefs des Premières nations canadiennes ont eu l'occasion de participer à la rédaction et à la préparation du projet de loi mais, après mûre réflexion, ils ont décliné l'invitation. Des consultations ont été tenues à travers le Canada pendant plus d'un an, au cours de centaines de réunions. Le projet de loi C-7 a ensuite été présenté à la Chambre au mois de juin 2002, soit il y a un an.

    Après le discours du Trône, il a été présenté à nouveau sous la même forme et son libellé est identique. Par conséquent, les membres du comité, les représentants de tous les partis et les Canadiens et Canadiennes ont eu largement l'occasion, depuis un an, d'examiner le projet de loi C-7 à la loupe.

    En outre, notre comité a tenu des audiences à travers le pays. Nous avons entendu des centaines de témoins. Nous avons vu et entendu des témoins qui s'opposent à ce projet de loi, mais aussi un bon nombre de témoins qui l'appuient, et d'autres qui ont fait des suggestions susceptibles de l'améliorer, ce qui est le but du processus parlementaire.

    Après avoir reçu le projet de loi à la première lecture, nous avons eu l'occasion d'examiner à la Chambre, à l'étape du rapport, les amendements que nous y apporterons. D'après mes calculs, nous avons déjà apporté quelque 37 amendements et nous avons fait des efforts louables. Nous progressons.

    Le plus décevant, c'est que les deux collègues d'en face tentent de soulever toutes sortes de questions qui ne nous concernent pas en réalité. Il semblerait qu'ils veuillent retarder l'étude du projet de loi et empêcher son renvoi à la Chambre.

    Ils ont fait des critiques à l'égard de nos témoins, qui sont nos invités. Je me demande d'ailleurs pourquoi ceux-ci restent alors que deux individus comme les députés d'en face critiquent leurs intentions et leurs objectifs en tentant de faire consigner au compte rendu des propos n'ayant aucun rapport avec la réalité. Ce n'est pas acceptable de la part de députés...

+-

    M. Pat Martin: J'invoque le Règlement.

    Monsieur le président, le secrétaire parlementaire... Nous ne savons pas de quoi il parle, mais il porte apparemment des accusations...

+-

    Le président: Ce rappel au Règlement n'est pas recevable. Il n'a nommé personne. Tant pis si vous vous sentez visé.

    Monsieur Hubbard.

¿  +-(0935)  

+-

    M. Charles Hubbard: Je vous remercie, monsieur le président.

    Je n'ai pas mentionné Winnipeg Centre. Je ne pense pas que Winnipeg Centre soit la toile de fond pour la société Fisher-Price, mais cela ressemble à un de ces jouets que l'on remonte, fonctionnent pendant dix minutes et puis s'arrêtent. C'est toujours la même lamentation et la même rengaine qu'on entend. Ces commentaires n'ont aucun rapport avec l'amendement à l'étude.

    Monsieur le président, c'est pitoyable de voir des députés qui croient représenter des citoyens de ce pays mais ne les représentent pas, en fait. C'est comme l'histoire de la forêt et des arbres. Ils sont tellement affairés à compter quelques arbres qu'ils ne voient pas la magnifique forêt que représentent les membres des Premières nations, les près de un million de membres des Premières nations du Canada qui bénéficieront de ce projet de loi. Ils ne parlent que de quelques arbres.

    Monsieur le président, j'espère que nous pourrons progresser assez vite...

    Une voix: Ils sont des milliers.

    Une voix: M. Hubbard a raison. Je suis certain que la foule veut l'entendre.

    M. Charles Hubbard: Monsieur le président, nous voulons avancer. Nous voulons renvoyer à la Chambre le projet de loi de la meilleure qualité que nous pouvons produire et ce, malgré la terrible diatribe qu'on nous impose et qui, la plupart du temps, n'a aucun rapport avec les amendements, et malgré les tentatives de présenter des sous-amendements dans le seul but de gagner du temps...

    Le député a fait des commentaires sur le fait que l'on siège un lundi matin, à 9 heures. Ce n'est pas mon désir que l'on commence si tôt; si on commence si tôt, c'est à cause du temps que nous a fait perdre le député.

    Je suis certain qu'en s'appuyant sur le compte rendu, on pourrait prouver que plus de 80 de la centaine d'heures que nous avons consacrées à l'étude de ce projet de loi ont été mobilisées par nos deux collègues d'en face. Nous ne tenons certes pas à faire perdre du temps au comité ni au Parlement. Nous tenons à nous assurer que les discussions portent sur le sujet et à produire le meilleur projet de loi possible, à renvoyer à la Chambre pour l'étude à l'étape du rapport.

    Je vous remercie, monsieur le président.

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Hubbard.

    Monsieur Loubier.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président.

    Je vais m'en tenir à l'amendement, parce que le secrétaire parlementaire est en train d'errer. Je croyais qu'après une semaine comme ça, il aurait laissé ses états d'âme à la maison. Je m'attendais au moins à cela, mais non, on répète encore le même schéma. Monsieur le secrétaire parlementaire a toujours le tour d'utiliser le sling shot à l'envers et de tirer sur lui-même.

    Lorsqu'il dit qu'on traite ici de questions qui n'intéressent personne, c'est son opinion. C'est un jugement de valeur assez considérable et grossier même, surtout lorsqu'on regarde les préoccupations qui sont dans l'amendement, qui sont celles relatives à la Loi sur l'accès à l'information. Il y a même le Groupe d'étude de l'accès à l'information qui a publié une étude très fouillée, dans son rapport 21, sur la façon de traiter la Loi sur l'accès à l'information au niveau des peuples autochtones.

    Il y a quelque chose de très particulier qui existe déjà entre différentes provinces, entre autres la Colombie-Britannique, et les gouvernements des premières nations, ceux qui existent à l'heure actuelle. Ce sont des dispositions très bien définies qui font en sorte que lorsqu'il est question de divulgation de renseignements, on se montre très sélectifs parce qu'il y a certaines de ces informations qui peuvent mettre en péril les négociations d'autonomie gouvernementale entre les premières nations et les gouvernements. Il n'existe pas, à l'heure actuelle, de distinction au niveau de la Loi sur l'accès à l'information fédérale concernant les peuples autochtones, et si c'est une question qui n'intéresse pas le secrétaire parlementaire, il y a des milliers de personnes à travers le Canada qui sont intéressées par tout ce qui concerne l'accès à l'information et le bon fonctionnement de la démocratie.

    L'amendement proposé par M. Vellacott nous permet d'aborder cette importante question, et le sous-amendement présenté par mon collègue Pat Martin aussi. Comment le gouvernement fédéral va-t-il traiter la question de l'application de la Loi sur l'accès à l'information à l'intérieur de ce projet de loi, donc disposer d'un amendement comme celui proposé par M. Vellacott, alors qu'on n'a pas réglé, par ailleurs, cette question de l'application de la Loi sur l'accès à l'information en ce qui a trait aux informations confidentielles qui pourraient être utilisées dans les négociations entre le gouvernement fédéral et les premières nations, surtout celles qui ont trait à l'autonomie gouvernementale?

    Je vous inviterais à lire dans vos temps perdus, si vous en avez encore, monsieur le secrétaire parlementaire, le rapport numéro 21 du Groupe d'étude de l'accès à l'information, qui traite des préoccupations des peuples autochtones concernant la Loi sur l'accès à l'information. À l'article 5.2, on dit quelque chose qui devrait retenir notre attention lorsqu'on examine un tel amendement, ou même le sous-amendement de M. Martin. Je cite:

La législation de la Colombie-Britannique comme celle de la Nouvelle-Écosse prévoit une exemption discrétionnaire lorsque les renseignements risquent de porter préjudice à la conduite des relations entre la province et un gouvernement autochtone. La législation de la Colombie-Britannique fait un renvoi explicite à une exemption dans le cas de renseignements dont la divulgation porterait préjudice à la conduite des négociations relatives à l'autonomie gouvernementale ou aux traités avec des peuples autochtones.

    Donc déjà, cette préoccupation de ne pas divulguer à qui mieux mieux toutes les informations sans faire aucune distinction fait partie des recommandations du groupe d'étude concernant la Loi sur l'accès à l'information et les relations entre le gouvernement fédéral et les peuples autochtones. On dit aussi:

Il semblerait que la négociation de traités et d'autres ententes avec des gouvernements autochtones mérite autant une protection que la conduite des affaires fédéro-provinciales.
 

    Il existe une telle législation signée entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux qui protège certaines informations qui pourraient contrevenir, par exemple, au bon fonctionnement d'une négociation sur des sujets particuliers, que ce soit au niveau de la fiscalité ou de toute affaire intergouvernementale conduite entre les provinces et le gouvernement fédéral. Mais, je le répète, il n'existe aucune distinction au niveau de l'application de la Loi sur l'accès à l'information concernant les relations entre le gouvernement fédéral et les peuples autochtones. Cela devient fort important, parce que si la conduite des bonnes affaires et des relations fédérales-provinciales commandent qu'il y ait une telle exception dans la divulgation des informations, il devrait y avoir exactement la même exception pour les informations fournies par les conseils de bande qui pourraient, en quelque sorte, venir nuire au processus normal de négociation d'autonomie gouvernementale.

¿  +-(0940)  

    Le groupe a été très studieux dans son rapport 21 concernant cette question, et on dit qu'une des options possibles pour éviter ce genre de situation serait de modifier l'article 14 de la Loi sur l'accès à l'information de manière à protéger l'information lorsqu'on peut s'attendre, de manière raisonnable, à ce qu'elle porte préjudice aux relations fédérales avec les gouvernements autochtones.

    Donc, on pourrait avoir cette modification-là en dehors du projet de loi C-7. Mais comme on doit s'attarder au projet de loi C-7, qu'on ne doit pas en sortir et qu'on ne peut pas faire ici la proposition de modifier l'article 14 de la Loi sur l'accès à l'information, la seule façon d'éviter que des informations soient divulguées sur demande par n'importe qui, par les conseils de bande et qu'elles mettent en péril le processus de négociation de l'autonomie gouvernementale avec le gouvernement fédéral, ce serait de faire en sorte qu'on accélère, dans chacune des bandes, en plus de l'autonomie gouvernementale, l'adoption d'une législation concernant l'accès à l'information par les conseils de bande qui le désirent et qui veulent justement avoir une certaine restriction sur la divulgation d'informations.

    L'autre possibilité, qui pourrait compléter la première, c'est de faire une exception directement dans le coeur de la loi. Si on doit adopter une référence à la Loi sur l'accès à l'information, on pourrait faire une exception qui pourrait justement mettre en exergue le fait qu'on doit avoir une certaine discrétion dans la divulgation de ces informations, pour ne pas mettre en péril soit l'application de traités ou la négociation d'autonomie gouvernementale.

    Il y a toute une autre question aussi, qu'on ne pourra peut-être pas aborder dans le cadre de ce projet de loi mais qui commande un débat au niveau de l'accès à l'information, c'est toute l'accessibilité des informations découlant des lieux sacrés. En Australie, on a adopté une législation où des informations qui pourraient mettre en péril tout le système spirituel des premières nations là-bas font justement exception au niveau de la divulgation des informations.

    Mais pour en revenir au sous-amendement de M. Martin, je suis d'accord avec lui, je suis d'accord sur son sous-amendement, mais je ne suis pas d'accord sur l'amendement comme tel qui est proposé par M. Vellacott, parce qu'il ne fait pas ces distinctions fondamentales entre les informations qui doivent être divulguées et les informations qui ne doivent pas être divulguées parce qu'elles peuvent mettre en péril l'application de traités ou bien la bonne poursuite des négociations sur l'autonomie gouvernementale.

    Alors, je vais voter en faveur du sous-amendement de M. Martin, parce que c'est une précision, et on ne fait pas de sémantique en disant que lorsqu'on parle de produire et de commander, ce ne sont pas des synonymes. Lorsqu'on produit, ça veut dire qu'on fait notre propre production, une autoproduction, et lorsqu'on commande, on commande à un tiers, on commande une étude qu'on s'approprie par la suite. La distinction est importante. Par contre, je ne pourrai pas voter en faveur de l'amendement général de l'Alliance canadienne.

¿  +-(0945)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Loubier.

[Traduction]

    Veuillez faire vos derniers commentaires, monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin: Monsieur le président, je me demande si d'autres collègues aimeraient faire des commentaires sur mon sous-amendement. Je vois que M. Vellacott vient d'arriver.

+-

    Le président: Vous avez la parole pour vos derniers commentaires et, par conséquent, ils arrivent trop tard.

+-

    M. Pat Martin: C'est une honte. Je pense que c'est un des problèmes lorsqu'on commence une réunion à 9 heures du matin pendant que, dans les autres pays, les députés assistent à des réunions de caucus et se préparent pour la journée au Parlement. L'urgence nationale associée à ce projet de loi exige que nous commencions à 9 heures et même mes collègues de l'opposition ont de la difficulté à se présenter un lundi matin, à 9 heures, alors que partout ailleurs, on s'occupe d'autres affaires importantes.

    J'ai proposé un sous-amendement à l'amendement CA-48 de M. Vellacott pour apporter une précision et pour mettre l'accent sur le fait que, si nous considérons que c'est un aspect essentiel de toute bonne gouvernance, l'accès à l'information ne s'applique pas uniquement aux documents produits par le conseil d'une bande ou par un gouvernement qui puisse intéresser un tiers, mais aux documents «produits ou commandés par». Par exemple, si l'on faisait faire une étude ou établir de l'information à l'extérieur et que cette information devienne la propriété du gouvernement ou de la bande en question, elle devrait faire partie des documents ou informations auxquels d'autres parties devraient avoir accès—du moins celles qui sont admissibles.

    Je tenais à le préciser parce que c'est précisément sur ce point que porte la discussion que nous avons aujourd'hui avec le gouvernement en ce qui concerne la divulgation de l'information concernant ce projet de loi et son obstination ou son refus catégorique de la communiquer. Nous savons que le secrétaire parlementaire est en possession de cette information; il sait l'incidence que ce projet de loi aura sur les droits constitutionnels, sur les affaires judiciaires en instance ou futures et sur les obligations fiduciaires. Nous savons qu'il est en possession de cette information et pourtant, il continue de nous bousculer pour faire adopter ce projet de loi à la hâte; c'est une honte. Il refuse de communiquer aux autres membres du comité cette information qui nous permettrait d'élaborer des lois de qualité.

    Tous les jours, nous ouvrons la séance à la Chambre des communes par une petite prière dans laquelle nous demandons la force de faire de bonnes lois. Dans un moment de silence et de méditation, nous demandons ceci: «Donnez-nous les outils et la force nécessaires pour faire de bonnes lois». Le gouvernement refuse néanmoins de nous donner ces outils.

    Monsieur le président, ce dont je discute en l'occurrence, c'est de la question de l'accès à l'information. Je voudrais citer des passages du rapport du Groupe d'étude de l'accès à l'information. Je pense que lorsqu'on discute de questions liées à l'accès à l'information, on aurait intérêt à consulter les textes récents qui font autorité. C'est le cas d'un document interne visant à donner des conseils au gouvernement en ce qui concerne les demandes d'accès à l'information. Il s'agit d'un document qui appartient à une catégorie spéciale, à savoir le rapport 21 du Groupe d'étude de l'accès à l'information intitulé «Préoccupations des peuples autochtones». Au chapitre 5 de ce rapport, il est question d'une catégorie particulière intitulée «la communication à des tiers de l'information reçue des peuples autochtones ou ayant pour eux un intérêt spécial». On ne peut trouver mieux que cette étude récente pour recueillir quelques informations à ce sujet.

    Dans cette étude, on s'attarde à trois secteurs de préoccupation faisant intervenir la communication de renseignements à des tiers:

    «D'abord, les renseignements obtenus à titre confidentiel des peuples autochtones ne font pas l'objet d'une interdiction de divulguer l'information. Et ensuite, l'information dont la communication risquerait de porter atteinte aux relations fédérales avec les peuples autochtones, y compris à la ratification de traités, ne bénéficie d'aucune protection particulière.» Par conséquent, les membres de ce groupe d'étude sont préoccupés par les incidences qu'ont les questions d'accès à l'information sur cette donnée. «Le dernier secteur de préoccupation porte sur la communication des renseignements ayant une importance culturelle ou n'ayant été divulgués, par tradition, que de façon restreinte.»

    Je pense que nous n'avons tenu compte d'aucune de ces trois préoccupations dans l'amendement présenté par M. Vellacott—qui est en réalité signé par M. Chatters. On ne précise même pas qui peut avoir accès à cette information. Il serait intéressant d'entendre les commentaires des représentants de l'Alliance. Envisageaient-ils que l'information soit accessible à quiconque en fait la demande, ou uniquement à des membres de la bande? Est-ce qu'ils tiennent compte de la crainte que la communication des renseignements ayant une importance culturelle ou n'ayant été divulgués, par tradition, que de façon restreinte puisse porter atteinte aux traditions ou aux habitudes culturelles de la collectivité?

¿  +-(0950)  

    Ce groupe d'étude mentionne également ceci: «Il faudra procéder à une certaine réforme législative si on veut régler ces préoccupations. Comme nous l'avons indiqué précédemment, la Loi offre un droit d'accès à tous les citoyens, sous réserve uniquement des exemptions précisées. Si les peuples autochtones devaient bénéficier d'un droit d'accès plus large, on pourrait répondre à leurs besoins en instaurant un régime alternatif. Toutefois, la restriction des droits d'accès de tierces parties ne peut se faire que de trois façons. D'abord, les exemptions prévues par la Loi peuvent être modifiées.»

    Les députés devraient être inclus dans les exemptions parce qu'apparemment, ils n'ont pas le droit d'obtenir de l'information concernant les peuples autochtones.

    «Ensuite, un autre régime législatif restreignant l'accès aux renseignements relatifs aux Autochtones pourrait être établi et inclus à l'annexe II de la Loi.» C'est prévu dans la Loi sur l'accès à l'information.

    «Finalement, un régime législatif distinct pourrait être mis sur pied, notamment une disposition précisant qu'il a préséance sur le mécanisme indiqué dans la Loi»—un autre régime législatif distinct.

    En fait, ces mesures correctives s'appliquent à la Loi sur l'accès à l'information, en ce qui concerne les peuples autochtones. La première préoccupation est que le gouvernement fédéral ne considère pas les Premières nations comme des gouvernements aux termes de la loi. Ce que je signale, et j'aimerais que certains autres collègues soient présents quand je le fais, c'est qu'une autre considération entre en ligne de compte dans ce cas-ci: on ne peut pas prétexter le secret professionnel de l'avocat pour refuser de communiquer de l'information lorsqu'une relation fiduciaire est en place.

    Autrement dit, le ministre est le fidéicommis ou a une obligation fiduciaire à l'égard des Indiens. Les Indiens font des démarches auprès du ministre pour obtenir des avis juridiques et de l'information et les avocats répondent qu'ils ne peuvent pas communiquer cette information aux Indiens ou à leurs représentants ou encore à des députés parce que cette information tombe sous le privilège du secret professionnel. C'est un argument fallacieux. Plusieurs jugements récents de la cour indiquent qu'il n'est pas valide lorsqu'on a affaire à une relation fiduciaire. Le ministre concerné a l'obligation de n'agir que dans l'intérêt supérieur des Indiens et ceux-ci ont le droit d'être au courant des avis juridiques qui ont été donnés à ce sujet.

    On ne peut pas invoquer le secret professionnel pour s'esquiver. Le secrétaire parlementaire lui-même a recours à ce subterfuge pour refuser de communiquer l'information qu'il a. Ce n'est qu'un prétexte. C'est précisément parce qu'il a de l'information que nous n'avons pas qu'il arbore souvent un petit sourire narquois. De nombreuses personnes pensent que c'est pour rigoler. Ce n'est pas pour rigoler, mais parce qu'il a la chance d'avoir l'information que nous devrions avoir, que nous devrions tous avoir.

    Je suis heureux que le représentant de l'Alliance ait abordé la question de l'accès à l'information parce que les députés assis autour de cette table ont le droit plus que quiconque d'avoir accès à l'information que le gouvernement a en sa possession. Il est déjà assez regrettable que nous élaborions un projet de loi sans consulter les Indiens, sans leur participation au processus. Ce qui est encore plus choquant, c'est qu'on nous refuse l'accès à l'information que le gouvernement a en sa possession sur les incidences que ce projet de loi aura sur les droits ancestraux et les droits issus de traités qui sont protégés par la Constitution, ou sur les affaires judiciaires en instance ou futures.

    Ce projet de loi ne serait-il pas en quelque sorte un cheval de Troie étant donné que le gouvernement prétend que son but est la reddition de comptes et la transparence alors qu'en fait, il est de lui permettre de se soustraire à ses obligations fiduciaires ou de s'accorder un répit en ce qui concerne les quelque 200 affaires judiciaires en instance? Quel est le but réel de ce projet de loi? Nous avons le droit de le savoir.

    Le ministre a déclaré à plusieurs reprises: «Il est nécessaire de modifier la loi parce que 200 affaires judiciaires sont en instance». Il l'a déclaré publiquement, à trois ou quatre occasions. Il était donc logique de poser la question suivante: «Quel est l'objectif que vous essayez d'atteindre en ce qui concerne ces 200 affaires judiciaires par le biais de ce projet de loi?»

    Le gouvernement répond qu'il ne peut pas révéler l'information parce que cela irait à l'encontre des intérêts de l'État, et il invoque le privilège du secret professionnel. Quelle foutaise!

¿  +-(0955)  

    Telle est la situation, chers collègues. Vous souhaiteriez peut-être tenir cette séance à huis clos, fermer la porte et débrancher les micros. Cependant, les députés assis autour de cette table et les Indiens qui seront touchés par ce projet de loi ont plus que quiconque le droit d'obtenir cette information.

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Martin.

    Nous procédons à un vote par appel nominal sur le sous-amendement 1 à l'amendement CA-48, à la page 212.

    Le sous-amendement est rejeté par 9 voix contre 3)

    Le président: M. Loubier a la parole pour faire des commentaires au sujet de l'amendement.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président. Il me fait plaisir de parler de cet amendement parce qu'il soulève toute la question de la Loi sur l'accès à l'information et les paramètres qui doivent encadrer cet accès à l'information en ce qui a trait à l'information divulguée par les bandes.

    Je dirai d'abord que je n'accepte pas le libellé tel qu'il est présenté, parce qu'il est encore motivé par l'esprit qui sous-tend ce projet de loi, c'est-à-dire de toujours vouloir assujettir les premières nations aux lois fédérales plutôt que de leur donner l'occasion d'adopter leurs propres lois, comme le leur permettent leur droit à l'autonomie gouvernementale et les nombreux traités qui ont été reconnus successivement par tous les gouvernements fédéraux depuis l'adoption de la Charte des droits et libertés et le rapatriement unilatéral de la Constitution de 1982.

    La Cour suprême aussi a tranché en leur faveur, inutile de le rappeler. Tous les jugements des 20 dernières années ont donné raison aux premières nations en ce qui a trait à l'exercice de leur droit à l'autodétermination, qui leur donne justement la possibilité d'adopter leurs propres lois et leurs propres règlements.

    La question de l'accès à l'information est une question très, très délicate. Il y a d'ailleurs disparité de traitement au Canada selon que nous soyons en Colombie-Britannique, en Ontario ou dans les Maritimes. C'est différent aussi lorsque vient le temps pour le gouvernement fédéral de négocier des traités ou l'exercice du droit à l'autonomie gouvernementale des premières nations, car le gouvernement a des relations un peu ambiguës avec elles. J'ai eu l'occasion d'expliquer cela succinctement un peu plus tôt.

    Il existe en Colombie-Britannique une loi qui régit la divulgation d'information sur les premières nations ainsi que la divulgation d'information par le gouvernement provincial aux premières nations lorsqu'elles en font la demande, afin de ne pas nuire aux pourparlers lorsqu'elles négocient au niveau territorial ou au niveau de l'établissement de leur propre gouvernement, par exemple. La Nouvelle-Écosse dispose aussi d'une loi qui régit ses relations avec les premières nations, surtout en regard de la gestion de la Loi sur l'accès à l'information. Elle prévoit que les premières nations et le gouvernement provincial peuvent restreindre l'accès à l'information s'il y a négociation sur l'autonomie gouvernementale ou le respect des traités.

    Il existe un régime d'exception semblable restreignant la divulgation d'information qui pourrait mettre en péril, par exemple, des négociations entre le gouvernement fédéral et les provinces. Que ce soit sur le plan fiscal ou le pouvoir nouveau sur des champs particuliers d'intervention, il y a des exceptions qui permettent, dans le cadre de relations fédérales-provinciales, qu'il y ait exemption pour protéger la conduite de certaines négociations. C'est une question fort délicate.

    De plus, il faut aussi considérer la question des lieux sacrés et des renseignements concernant les lieux sacrés. Le rapport 21 du Groupe d'étude de l'accès à l'information a été très clair à cet égard. On manque de respect pour ces lieux sacrés si on assujettit toutes les informations sur ces lieux sacrés à la Loi générale sur l'accès à l'information comme le propose M. Vellacott. D'ailleurs, on a été très sensible en Australie à cette question. Les membres du comité sur l'accès à l'information en Australie ont proposé dans leur rapport de 1998 une loi, qui a été adoptée d'ailleurs, qui fait en sorte qu'il y ait une exemption discrétionnaire visant l'information considérée sacrée par tradition ou assujettie à des restrictions en matière de communication.

À  +-(1000)  

    On dit que cette loi-là est conforme à l'honneur de l'État. Alors, si on doit être conformes à l'honneur de l'État, il faut absolument prévoir, dans le cadre de notre analyse du projet de loi C-7, et en dehors aussi lorsqu'on parle de la Loi sur l'accès à l'information, un régime d'exception comme on peut en retrouver soit en Australie, soit dans les relations fédérales-provinciales ou soit dans la législation de Colombie-Britannique et de Nouvelle-Écosse dans leurs relations avec les peuples autochtones.

    Donc, il y a deux aspects fort importants: premièrement, tenir compte du fait qu'on ne doit pas mettre en péril par la diffusion d'information la concrétisation des traités ou la négociation de l'automomie gouvernementale; deuxièmement, que toute la question des lieux sacrés soit considérée de la même façon qu'en Australie.

    Mais en ce qui à trait à notre projet de loi comme tel et à l'amendement de M. Vellacott, c'est-à-dire l'amendement de l'Alliance canadienne, il manque beaucoup de précautions, si vous voulez, à cet amendement. Je crois qu'une des meilleures façons de parvenir à éviter qu'il y ait, avec une telle proposition, des situations fâcheuses qui pourraient remettre en cause même les négociations entre le gouvernement fédéral et les premières nations et qui pourraient même compromettre les négociations... Je pense qu'il serait louable de dire que de façon générale, la Loi sur l'accès à l'information peut s'appliquer aux documents produits ou aux documents commandés par le conseil d'une bande, mais il faut faire exception pour les bandes qui auraient rapidement adopté un régime d'accès à l'information, justement une loi, et pour aussi faire en sorte qu'il n'y ait pas de cas particulier qui mette en péril les négociations d'autonomie gouvernementale.

    Alors, je vais proposer un sous-amendement à l'amendement de M. Vellacott, on dirait à la toute fin:

sauf dans le cas d'une bande qui a adopté sa propre loi sur l'accès à l'information ou dans un cas particulier quand cela pourrait nuire aux affaires autochtones fédérales.

    Ce serait mon sous-amendement pour faire en sorte qu'on ne puisse pas se retrouver dans une situation fâcheuse.

À  +-(1005)  

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Loubier, au sujet de votre sous-amendement.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.

    Ce sous-amendement à l'amendement de l'Alliance canadienne vise justement à éviter qu'avec une diffusion trop large des informations, on se retrouve dans des situations où les négociations entre le gouvernement fédéral, le gouvernement des provinces et les gouvernements autochtones puissent être mises en péril. Et ce n'est pas un régime d'exception qui est marginal dans le régime général qu'on connaît à l'heure actuelle.

    Comme je vous le mentionnais, dans de nombreuses négociations fédérales-provinciales, il y a de ce régime d'exception. Les gouvernements des provinces et le gouvernement fédéral peuvent se mettre sous la protection de ce régime d'exception pour ne pas divulguer d'information qui pourrait compromettre la bonne tenue ou la conduite de négociations concernant plusieurs sujets d'intérêt public. C'est la même chose, comme on a pu le voir dans le rapport 21 du Groupe d'étude de l'accès à l'information.

    Il existe aussi, de façon parcimonieuse, ce genre de lois d'exception qui président aux négociations entre les gouvernements provinciaux et les gouvernements autochtones, qui s'apparent justement au régime fédéral-provincial, mais qui s'appliquent aux premières nations, par exemple, de la Colombie-Britannique, où le gouvernement a adopté ce genre de régime d'exception. Celui de la Nouvelle-Écosse a aussi fait de même, puisqu'il y a beaucoup de négociations en cours avec les premières nations pour déterminer l'exercice du droit inhérent à l'autodétermination.

    Monsieur le président, ce sous-amendement pourrait corriger, si je puis dire, le manque de précaution qu'on peut retrouver à l'amendement présenté par l'Alliance, qui propose--probablement avec toute la bonne volonté--de façon tout à fait libérale, au sens littéraire du terme, l'application de la Loi sur l'accès à l'information sans égard aux possibilités bien concrètes de remise en cause des négociations ou aux possibilités qu'il y ait des informations sur des lieux sacrés qui soient divulguées, ce qui, à l'instar de ce qui s'est produit en Australie, pourrait conduire à des situations tout à fait inacceptables et indignes d'un État qui doit être conforme à son honneur, comme on dit dans le jargon législatif.

    Encore une fois, c'est un amendement qui, à l'instar des autres amendements que nous avons présentés et qui ont été rejetés pour la plupart... Je vous signalerais qu'au cours des 110 heures de débat, il n'y a pas beaucoup d'amendements de l'opposition qui ont été adoptés. J'entendais tout à l'heure le secrétaire parlementaire dire que sur ces 110 heures, il y en avait probablement 80 qui avaient été accaparées par l'opposition. Je répondrais tout simplement ceci dans le vif de cette discussion: vous aviez le choix d'utiliser ou non ces heures. C'est vous-même qui avez proposé une motion pour encadrer, pour bâillonner l'opposition à 10 minutes lors de la présentation des amendements. Si vous aviez eu la possibilité et les idées ainsi qu'une espèce de sens de l'analyse de nos propositions qui, j'en suis persuadé, étaient là pour améliorer le projet de loi et non pas pour mettre des bâtons dans les roues, vous vous seriez aperçu après-coup que vous auriez utilisé une partie des 80 heures qui nous étaient imparties en vertu de votre propre bâillon. Si vous ne l'avez pas fait, c'est un autre problème.

    Revenons sur le projet de loi comme tel. D'autres l'ont mentionné avant moi, mais on a eu des consultations et on a surtout eu des mémoires qui ont été présentés concernant les différents articles de ce projet de loi. Contrairement à ce que le secrétaire parlementaire mentionnait tout à l'heure, par respect pour les témoins qui ont comparu devant nous et pour ceux et celles qui nous ont soumis des mémoires, on devrait prendre ce projet de loi, le mettre de côté et recommencer le travail, parce que sur 201 comparutions et mémoires, 191 étaient contre ce projet de loi. Si on enlève le ministre Robert Nault, il en reste neuf qui étaient en faveur. Et si on enlève tous les organismes et les organisations qui ont des intérêts un peu discutables à l'endroit du gouvernement fédéral, il n'en reste plus beaucoup qui sont en faveur de ce projet de loi. Alors, par respect pour ces gens qui ont dénoncé ce projet de loi article par article ou de façon globale, si les députés de l'autre côté de la Chambre faisaient correctement leur travail, ils auraient compris il y a longtemps, tout comme nous, que ce projet de loi doit être mis de côté et qu'on doit recommencer le travail. Ce n'est pas sur cette base que les gens veulent qu'on relance les relations avec les premières nations.

À  +-(1010)  

    C'est quand même assez curieux. Il y a deux semaines à peine, avant que nous soyons en congé, nous avons communiqué avec le bureau politique du ministre pour demander une copie du rapport de la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones, le rapport Erasmus-Dussault. Le premier membre du cabinet qui nous a répondu nous a demandé ce que c'était qu'Erasmus-Dussault. C'est quand même assez spécial. Le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones de 1997, c'est quelque chose de majeur sur l'échiquier des relations entre le gouvernement fédéral et les premières nations. Et le deuxième qui nous a rappelés nous a dit que lui non plus ne le connaissait pas, mais qu'il ferait des recherches. Alors, on ne connaît pas le rapport Erasmus-Dussault au bureau du ministre. On ne connaît pas non plus l'autre appellation, qui est la Commission royale sur les peuples autochtones. Mais à quel ministre, à quel bureau de ministre a-t-on affaire?

    C'est une pièce majeure sur l'échiquier des relations fédérales avec les autochtones, ce rapport de 1997 de la Commission royale sur les peuples autochtones qui a fait consensus auprès des peuples autochtones et auprès des représentants fédéraux du temps, et on se demande encore, au niveau de la garde rapprochée du ministre des Affaires indiennes, quel est ce rapport Erasmus-Dussault, quel est ce rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. On n'est pas sortis du bois si ces gens-là, qui conseillent le ministre Robert Nault dans la conduite des affaires au niveau des relations entre le gouvernement fédéral et les autochtones, ne sont même pas au courant de la plus vaste commission royale d'enquête qui a mobilisé des représentants des peuples autochtones, des représentants fédéraux, qui a fait en sorte qu'on ait enfin une analyse objective de la situation actuelle et de la direction que devraient prendre nos relations avec les peuples autochtones. Si ces premiers conseillers politiques ne connaissent même pas l'existence du rapport Erasmus-Dussault, le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, on n'est pas sortis du bois.

    Cela veut dire qu'ils connaissent encore bien moins le rapport de 1983 du Comité spécial sur l'autonomie politique des Indiens, et c'est grave, parce qu'à partir de 1982, avec le rapatriement unilatéral de la Constitution assorti d'une Charte canadienne des droits et libertés qui reconnaît explicitement les droits des premières nations, il y a eu tout un mouvement qui s'est amorcé, un tas d'espoirs qui se sont installés.

    Entre autres, en 1983, il y a un important comité constitué de représentants autochtones et non autochtones à parts égales qui a produit ce fabuleux rapport sur l'autonomie politique des Indiens intitulé L'Autonomie politique des Indiens au Canada, rapport du comité spécial, qui dressait justement la table pour qu'on pousse plus loin et qui a conduit à Erasmus-Dussault, quelques années plus tard, à la Commission royale sur les peuples autochtones. Les premiers concernés, les premiers interpellés dans ce débat-là, c'est-à-dire la garde rapprochée du ministre des Affaires autochtones et du Nord canadien à Ottawa, ne connaissent même pas l'existence de ces rapports et de celui qui est plus récent encore, celui de 1997. Ça ne fait pas 130 ans que ce rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones a été déposé, ça fait cinq ans. Ils ne connaissent pas l'existence de ce rapport. C'est incroyable!

    On dit qu'on a des idées pour l'avancement des relations avec les peuples autochtones. Depuis le début de l'analyse de nos amendements, nous ne cessons de nous référer à Erasmus-Dussault et à la Commission royale sur les peuples autochtones, et nous nous apercevons que personne ne connaît ce rapport-là au niveau des principaux conseillers politiques au cabinet du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Il faut le faire! C'est assez surprenant.

À  +-(1015)  

    Le fait que cette garde rapprochée du premier ministre ne connaisse pas ce rapport de la commission royale est un manque flagrant de professionnalisme. C'est aussi un manque flagrant de respect pour les peuples autochtones et pour tout le travail qui a été fait pendant des années par cette Commission royale sur les peuples autochtones. C'est aussi se priver de connaître une analyse incroyable.

[Traduction]

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Loubier.

    Monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin: Monsieur le président, en ce qui concerne le sous-amendement, je comprends les raisons pour lesquelles M. Loubier le juge nécessaire.

    Si l'on envisage sérieusement d'inclure dans le projet de loi C-7 une disposition concernant l'accès à l'information en ajoutant, comme l'Alliance canadienne souhaiterait qu'on le fasse, l'article proposé 35.1 qui dit: «La Loi sur l'accès à l'information s'applique à tous les documents produits par le conseil d'une bande», je comprends pourquoi M. Loubier souhaite ajouter une précision.

    Si nous comptons appliquer l'accès à l'information à tous les documents «produits par la bande», et j'ai même suggéré «ou commandés par la bande», et si nous voulons inclure cette disposition dans ce projet de loi, des termes analogues à ceux que propose M. Loubier seraient absolument essentiels.

    Je n'envisage pas que l'on puisse appuyer l'amendement CA-48 de M. Vellacott sans accepter au préalable le sous-amendement de l'Alliance canadienne. Je pense qu'il y aurait plusieurs précisions à apporter, si nous avions davantage de temps pour examiner cette question avec toute l'attention qu'elle mérite. Si nous disposions d'un délai raisonnable pour examiner ces questions, nous ferions plusieurs commentaires sur la façon dont la Loi sur l'accès à l'information devrait s'appliquer aux Premières nations.

    Une série d'études ont été faites sur cette question, monsieur le président, en raison de la situation très particulière dans laquelle se trouve le gouvernement fédéral, par rapport aux Premières nations. Nous devons tenir compte du fait que, il faut le reconnaître, les peuples autochtones ne sont généralement pas considérés comme des gouvernements sous le régime actuel. Le gouvernement actuel n'accepte pas que les Premières nations autochtones soient considérées comme des gouvernements dans plusieurs contextes.

    En fait, le seul contexte où les Premières nations sont considérées comme des nations est celui du jeu de la crosse. La nation iroquoise joue contre le Canada. La nation iroquoise joue contre l'Écosse. En fait, la fin de semaine dernière, la nation iroquoise a battu l'Écosse dans un tournoi de crosse. C'était amusant que cette nation-ci batte cette nation-là. C'était peut-être instructif pour les Canadiens de le voir dans ce contexte. Ensuite, les Iroquois ont joué contre le Canada. Le gouvernement du Canada a joué contre la nation iroquoise. Il a gagné. Il a probablement fait venir des joueurs experts par avion.

    En fait, monsieur le président, M. Loubier soulève des questions importantes qui augmenteraient la qualité du projet de loi.

    Je comprends pourquoi le parti de M. Vellacott, l'Alliance, demande que la Loi sur l'accès à l'information s'applique à ces documents. C'est une demande presque automatique que font les partis de l'opposition qui partagent la frustration engendrée par les efforts déployés pour convaincre le gouvernement fédéral de donner accès à l'information dans divers contextes.

    Le gouvernement fédéral actuel est le gouvernement le plus cachottier qui ait jamais été au pouvoir au Canada. Le gouvernement actuel ne communique pas l'information malgré la Loi sur l'accès à l'information qui, à première vue, paraît relativement contraignante. Il refuse de communiquer l'information. Il fait des cachotteries. Comme je l'ai mentionné, les instructions émanent en fait de quelques dirigeants non élus du Cabinet du premier ministre qui décident quelle information on accepte de divulguer et quand on le fait.

    Je ne critique même pas les membres du caucus libéral. Je ne critique même pas les membres du cabinet libéral parce qu'ils n'ont pas leur mot à dire. Les décisions sont prises en haut lieu, par qui vous savez. C'est une réincarnation du Livre blanc de 1969.

    Ce sous-amendement améliore l'amendement CA-48, monsieur le président. Nous devons tenir compte des questions relatives à l'accès à l'information qui ont été soulevées par le groupe d'étude dans son récent rapport en ce qui concerne les peuples autochtones.

    En vertu de l'article 13 de la Loi sur l'accès à l'information, les renseignements obtenus à titre confidentiel des gouvernement, y compris des gouvernements provinciaux et des administrations municipales, sont exemptés, compte tenu des intérêts de ces gouvernements et de la nature de ces renseignements.

    Compte-t-on prévoir une exemption semblable en ce qui concerne les Premières nations? En d'autres termes, si elles voulaient mettre de l'information à l'abri de demandes d'accès à l'information, pourraient-elles le faire en confiant cette information au gouvernement fédéral?

À  +-(1020)  

    Le gouvernement fédéral n'est pas obligé de divulguer des renseignements qu'il obtient d'un autre palier de gouvernement. Donc, s'il est disposé à considérer la nation iroquoise comme une nation dans le contexte des tournois de crosse... Vous voyez qu'il est nécessaire d'examiner ces questions à fond. Le délai de 10 minutes dont nous disposons pour faire des commentaires ne nous permet même pas de présenter le sujet avec toute l'attention qu'il mérite, et encore moins de discuter de certains problèmes prévisibles que le projet de loi pourrait engendrer.

    Je signale pour votre gouverne qu'en vertu de l'article 13 de la Loi sur l'accès à l'information, les renseignements obtenus à titre confidentiel des gouvernements, y compris les gouvernements régionaux et les administrations municipales, sont exemptés. Par conséquent, cet article tient compte des intérêts de ces gouvernements et de la nature de ces renseignements.

    Est-ce que ce serait applicable à l'information qu'Affaires indiennes et du Nord Canada a obtenue des Premières nations? Est-ce que l'article 13 de la Loi sur l'accès à l'information s'applique dans ce cas? Si oui, ne serait-il pas facile de protéger cette information en incitant la Première nation concernée à la confier à la garde du gouvernement fédéral car dans ce cas, on ne serait jamais obligé de la divulguer puisque la Loi sur l'accès à l'information ne s'appliquerait pas?

    L'article 13 précise également que «le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements obtenus à titre confidentiel de...», notamment un gouvernement autochtone, à moins que ce gouvernement ne rende les renseignements publics ou ne consente à la communication. C'est ce que dit la loi actuellement.

    Cependant, le paragraphe 13.(3) indique que l'expression «gouvernement autochtone» s'entend uniquement du gouvernement nisga'a au sens de l'Accord définitif nisga'a. C'est la seule Première nation qui ait conclu un traité moderne et nous sommes fiers d'avoir participé à son élaboration. Que deviennent les autres Premières nations dans tout cela? Le paragraphe 13(3) indique que l'expression «gouvernement autochtone» s'entend uniquement du gouvernement nisga'a.

    Ce n'est pas ce qu'indique l'information que j'ai. Ce document porte un drapeau dans sa partie supérieure. Il s'agit d'un feuillet d'information du gouvernement du Canada. Croyez-le ou non, nous avons eu le temps de faire quelques recherches à ce sujet, parce que nous nous appliquons légitimement et de façon désintéressée à améliorer ce projet de loi. Disons que nous nous appliquons à atténuer les répercussions néfastes qu'aura ce projet de loi. Nous avons à tout point de vue épuisé notre capacité de recherche qui est restreinte; d'ailleurs, l'équipe au complet est derrière moi. Ces personnes ont fait de l'excellente recherche, malgré les délais serrés imposés par le gouvernement dans l'espoir de nous museler, de museler les membres des Premières nations dont nous sommes les intermédiaires pour participer à l'élaboration de ce projet de loi.

    Le gouvernement a imposé la clôture et limité la durée du débat entourant l'élaboration du projet de loi C-7, ce qui est odieux. Je prévois qu'il imposera également la clôture à la Chambre des communes parce que c'est la seule façon de faire adopter de force ce projet de loi peu apprécié, malgré l'opposition écrasante dont il fait l'objet à travers le pays. Le gouvernement devra une fois de plus fouler la démocratie aux pieds pour faire adopter ce projet de loi de force.

    La nuit dernière, quand j'ai regardé la conférence à laquelle je n'ai pas pu assister, c'était M. Godfrey qui assurait la présidence au moment où je «zappais» avec ma télécommande, à 2 heures du matin; la chaîne parlementaire sur câble a retransmis la conférence intégralement. M. Godfrey a présenté un dénommé John Whyte, de la Commission du droit de la Saskatchewan, qui est un brillant juriste. Il faisait alors des commentaires sur l'opinion publique et mentionnait, en exprimant son opposition au projet de loi C-7, que le gouvernement avait mal interprété l'opinion publique. Le gouvernement n'avait écouté que quelques agitateurs qui tentent de faire croire que toutes les Premières nations sont corrompues ou incompétentes.

À  +-(1025)  

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Martin.

    Monsieur Loubier.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je vous présente cet amendement dans un souci d'améliorer quelque peu les choses à l'égard de ce projet de loi. Je tiens surtout à exprimer mon respect envers l'analyse qui a été faite par le Groupe d'étude de l'accès à l'information. Cette dernière, qui est fort sérieuse, recommandait de ne pas appliquer de façon large la Loi sur l'accès à l'information sans au préalable prendre certaines précautions. On parlait alors d'information ayant trait aux premières nations et étant susceptible de servir à parfaire une négociation d'autonomie gouvernementale dans le but de concrétiser des traités ancestraux.

    Cette mise en garde a été faite par un groupe de sages, en l'occurence un groupe de personnes qui connaissent probablement beaucoup plus que nous cette question concernant la Loi sur l'accès à l'information. Ce sont des gens qui y travaillent depuis des années, soit strictement au plan de la loi comme telle ou dans une perspective plus large mettant en interaction la Loi sur l'accès à l'information et les négociations sur l'autonomie gouvernementale des peuples autochtones. De cette façon, on s'assure que dans le cadre de l'application du projet de loi, il y ait moins de risques que de telles situations se présentent.

    Lorsqu'une demande d'accès à l'information est formulée, des renseignements circulent. Dans de tels cas, la bande serait obligée de faire circuler cette information. Or, cela créerait un préjudice à l'égard des premières nations puisque de l'information pouvant servir à la négociation serait divulguée.

    J'ai présenté cet amendement qui avance l'idée qu'en dépit des vertus de la Loi sur l'accès à l'information, on pourrait faire des exceptions. La première exception porterait sur les cas où les conseils de bande adopteraient une loi autochtone concernant l'accès à l'information. Il s'agit ici de leur propre droit d'ailleurs; le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. C'est ce que cela signifie. Il ne s'agit pas de leur présenter une approche aussi colonialiste et dépassée que celle du projet de loi C-7.

    La deuxième exception s'appliquerait dans des cas particuliers où la divulgation de cette information pourrait compromettre les affaires fédérales autochtones, en particulier, dans la conduite des négociations sur l'autonomie gouvernementale.

    Lors des audiences, les mémoires qui nous ont été présentés n'ont qu'effleuré la question de l'accès à l'information. Il n'y a pas eu vraiment d'analyse poussée concernant cette question. Or, l'Alliance canadienne présente les choses de façon assez crue en disant que la Loi sur l'accès à l'information doit s'appliquer à tous les documents des conseils de bande. Par contre, le groupe dont je vous ai fait mention plus tôt a présenté des recommandations assez particulières concernant l'application de la Loi sur l'accès à l'information à des peuples autochtones. Ces dernières allaient dans le sens des propositions qui s'offrent à nous.

    Il pourrait y avoir, à l'extérieur du projet de loi C-7, une modification à la Loi sur l'accès à l'information prévoyant la non-divulgation d'information pouvant compromettre les négociations entre le gouvernement fédéral et les gouvernements autochtones. Avant de faire des modifications à la Loi sur l'accès à l'information, il serait aussi possible d'intégrer au coeur même du projet de loi C-7, pour éviter des situations fâcheuses et en prenant acte de l'amendement de M. Vellacott, toute la question de l'exception à la divulgation des informations.

    Ceux et celles qui ont proposé cela au comité ne sont pas des gens qui ne connaissent pas le sujet puisque dans la plupart des cas, il s'agit d'une matière qu'ils enseignent. Ce ne sont pas non plus des gens qui ne connaissent pas l'existence du rapport de la Commission Erasmus-Dussault, soit la Commission royale sur les peuples autochtones. Autrement dit, ce ne sont pas non plus des gens du cabinet du ministre Robert Nault. Ce sont des gens qui connaissent le sujet.

    Parmi eux, Hamar Foster, professeur de droit à l'Université de Victoria, enseigne et fait de la recherche dans un certain nombre de domaines. Il a publié, entre autres, deux recueils d'essais avec, comme co-éditeur, John McLaren, et environ 50 articles portant surtout sur le droit des autochtones et l'historique du droit et du droit criminel à cet égard. Il travaille présentement à un livre portant sur les débuts du dossier des terres indiennes en Colombie-Britannique. Il s'intéresse de très près à la question autochtone et aux négociations concernant les territoires.

À  +-(1030)  

    Il y a aussi, à ce comité qui a fait les principales recommandations, Murray Rankin, qui est un associé du cabinet d'avocats Arvay Finlay dont les bureaux se trouvent à Victoria et à Vancouver. Il détient des diplômes en droit de l'Université de Toronto et du Harvard Law School. Il a enseigné le droit à l'Université de Victoria pendant plus de 12 ans. Ses domaines de spécialisation comprennent le droit administratif, le droit environnemental, le droit en information et à la protection des renseignements personnels et le droit des autochtones. C'est quelqu'un qui s'y connaît pas mal plus que nous en matière de droit, et je pense qu'on devrait prendre acte de ces considérations et les introduire dans le sous-amendement, comme j'ai pu vous le proposer quelques minutes plus tôt.

    Il y a Catherine Parker aussi, qui est diplômée de la Faculté de droit de l'Université de Victoria. Elle a été nommée au Barreau de la Colombie-Britannique en 1998. Ses domaines de pratique de droit comprennent le contentieux des affaires civiles, le droit administratif, le droit du travail et le droit des autochtones. Il y a enfin M. Mark Stevenson, qui est lui aussi quelqu'un d'assez ferré en la matière puisqu'il possède une vaste expérience de la négociation de traités, des négociations constitutionnelles, du droit autochtone. Il a même travaillé au Conseil privé--c'est quelqu'un de votre gang--, à Ottawa, entre 1983 et 1987. Ah non, ce n'était pas tout à fait votre gang. En 1983, c'était la fin du régime libéral et le début du régime conservateur. Bref, il a survécu aux deux régimes, ça doit être quelqu'un de compétent. Il a travaillé à la fois pour les libéraux et ensuite pour les conservateurs. Il a été fortement impliqué dans le processus constitutionnel touchant les autochtones. Je pense qu'il s'y connaît vraiment lorsqu'il s'agit de déceler des accrocs à la Charte canadienne des droits et libertés et aux nombreux articles touchant les peuples autochtones dans la Constitution. Il donne des cours sous le titre «Autochtones et la négociation de traités» à la Faculté de droit de l'Université de Victoria et est présentement président de l'Indigenous Bar Association.

    Lorsque des gens comme ceux-là font des suggestions, que nous nous en emparons et que, par souci de professionnalisme, nous les ramenons ici pour éviter que le projet de loi ne soit doté d'articles ou d'amendements qui puissent travestir l'analyse récente et sérieuse qui a été faite eux, vous devriez nous remercier. Vous ne devriez pas dire comme le secrétaire parlementaire qui dit qu'on traite de questions qui ne nous intéressent pas, qui n'intéressent personne et qui sont complètement futiles, et qui nous accuse d'avoir accaparé 80 heures des 110 heures de débat. Ils avaient la liberté de les prendre, ces 80 heures, mais à toutes les fois qu'on présentait des choses aussi étoffées, aussi étudiées et soutenues par des gens qui sont solides comme Rankin, Parker, Stevenson et Foster, ils les ont toutes rejetées. D'ailleurs, je me demande quelquefois s'ils écoutent les arguments qu'on leur présente ou s'ils disent tout simplement que c'est toujours la même chose, la même rengaine, et que ce sont des questions qui ne les intéressent pas. Si les questions autochtones et les questions de droits fondamentaux et d'accès à l'information ne les intéressent pas, mais qu'est-ce qu'ils font ici? Qu'est-ce qu'il fait comme secrétaire parlementaire si ces questions ne l'intéressent pas? Comment dit-on en anglais? Shame on you; c'est ça.

    J'espère que mes collègues vont apporter une attention particulière à ce sous-amendement qui n'est pas banal. Comme je vous le mentionnais, il se rapporte directement aux conclusions du Groupe d'étude de l'accès à l'information, qui a vraiment mis beaucoup de temps, d'énergie et de talents à mettre sur papier, dans son rapport 21, les préoccupations des peuples autochtones.

    Ce ne sont pas seulement les préoccupations des peuples autochtones, c'est un souci de partir sur des bases solides, des bases qui respectent...

À  +-(1035)  

[Traduction]

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Loubier.

    Nous procédons à un vote par appel nominal sur le deuxième sous-amendement à l'amendement CA-48, à la page 212.

    Le sous-amendement est rejeté par 7 voix contre 3)

+-

    Le président: Monsieur Vellacott, avant de vous donner la parole pour faire des observations finales, je voudrais annoncer que vous remportez le prix de la plus longue obstruction systématique sur un amendement. Nous en discutons depuis 11 jours.

    Monsieur Vellacott, veuillez faire les observations finales.

+-

    M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Mes observations seront brèves.

    Comme je l'ai mentionné quand j'ai présenté mon amendement, je pense que c'est un principe de base de la démocratie et de la gouvernance transparente, ce qui est précisément, du moins dans une certaine mesure, l'objet du projet de loi. Je pense que c'est nécessaire et qu'il faut établir les paramètres adéquats, comme on a tenté de le faire avec certains amendements, pour que cet accès soit accordé aux membres d'une bande, au même titre qu'il l'est au gouvernement fédéral, aux gouvernements provinciaux et aux administrations municipales. Ils pourraient demander de l'information sans devoir le faire par l'intermédiaire de la bande ou du conseil, ou de AINC.

    M. John Reid, le Commissaire à l'information, a exprimé l'opinion que la Loi sur l'accès à l'information s'applique aux bandes. Je pense que la transparence et la reddition de comptes sont tributaires de l'accessibilité à l'information gouvernementale. Je me demande pourquoi le gouvernement n'a pas inclus cette disposition dans le projet de loi d'emblée. Je tente de faire insérer cet amendement dans le but sincère d'améliorer le projet de loi à cet égard.

    Je pense que nous devrions tenir un vote par appel nominal sur l'amendement, monsieur le président.

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Vellacott.

    Nous procédons à un vote nominal sur l'amendement CA-48, à la page 212.

    (L'amendement est rejeté par 9 voix contre 1)

+-

    Le président: Le nouvel article 35.1 ne sera par conséquent pas inséré dans le projet de loi.

    Nous passons à l'amendement CA-49, à la page 213. Monsieur Vellacott.

    Article 36—Suspension de l'application des règlements)

+-

    M. Maurice Vellacott: C'est assez simple. Je ne me lancerai pas dans de longues explications. Cet amendement modifierait essentiellement le projet de loi C-7, à l'article 36, ligne 34, page 19, pour indiquer que les règlements ne s'appliqueront à la bande que dans les «trois ans suivant l'entrée en vigueur».

    L'article en question se présenterait donc comme suit:

    36. Les règlements pris en vertu de l'article 32 ne s'appliquent pas à la bande dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur de l'article 4, sauf si les électeurs de la bande en décident autrement par un vote tenu de la même manière que s'ils adoptaient un code.

    Nous remplaçons donc «deux ans» par «trois ans», pour prolonger un peu le délai. De nombreux témoins, à travers le pays, ont protesté et ont exprimé des préoccupations au sujet du délai. Nous le prolongeons donc de 50 p. 100 pour le porter à trois ans, afin de l'aligner sur le délai mentionné dans nos autres amendements, dont certains ont déjà été adoptés.

À  +-(1040)  

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Vellacott:

    Quelqu'un a-t-il d'autres commentaires à faire?

    Monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin: Monsieur le président, je n'ai pas de difficulté particulière à approuver la suggestion de M. Vellacott, à savoir prolonger le délai de deux ans à trois ans. Je suis toutefois déçu que l'amendement qu'il propose ne tienne pas compte de l'aspect plus général des codes par défaut. C'est ce qu'ont mentionné un grand nombre de témoins qui sont opposés à ce projet de loi.

    De nombreux témoins ont en effet comparé le projet de loi C-7 à un cheval de Troie parce qu'il tente de définir ce que l'on entend par «autonomie gouvernementale». En d'autres termes, les codes qui prescrivent dans le menu détail la teneur des codes de gouvernance en ce qui concerne l'administration de la communauté choque les susceptibilités des personnes qui ont fait des exposés.

    D'une façon générale, c'est donc le gouvernement fédéral qui prescrira les exigences en matière de choix des dirigeants, d'administration de la gouvernance, d'administration financière pour le compte des Premières nations, sans leur participation.

    C'est à ce niveau que l'on aurait pu, et que l'on aurait peut-être dû, apporter à ce projet de loi des amendements ne consistant pas uniquement à imposer un code par défaut à la communauté des Premières nations. On aurait pu présenter des amendements précisant que les règlements pris en vertu de l'article 32 ne s'appliquent à une bande que si elle a remis au ministre un avis juridique indiquant que ces règlements ne définissent pas la nature et la portée du droit de cette bande à l'autodétermination et à l'autonomie gouvernementale et ne remplissent de quelque façon que ce soit les obligations et les engagements du gouvernement du Canada en ce qui concerne la reconnaissance et la négociation des accords sur l'autonomie gouvernementale.

    Autrement dit, nous ne tenons pas à ce que quiconque présume que, quand il a imposé ces codes par défaut, le gouvernement a respecté ses engagements à l'égard des accords en matière d'autonomie gouvernementale en dictant la teneur de ces accords.

    Ce sont quelques-unes des préoccupations fondamentales qui ont été exprimées dès le premier jour, dès que nous avons appris que le gouvernement ne se contentait pas d'élaborer des outils efficaces pour les Premières nations mais qu'il concevait les règles de gouvernance de toutes les Premières nations et que celles-ci ont été élaborées sans avoir consulté les Premières nations ou sans leur participation.

    Cet article-ci offrait une belle occasion de signaler vigoureusement en quoi ce projet de loi fait fausse route. Par conséquent, la prolongation du délai de deux à trois et la décision de ne pas imposer notre vision du gouvernement avant trois ans plutôt que deux est une bien piètre consolation pour des personnes qui n'admettent pas du tout qu'un groupe de bureaucrates fédéraux blancs dictent aux Premières nations les conditions des codes portant sur le choix des dirigeants et sur d'autres questions.

    Ce qui est amusant, c'est que, même abstraction faite des codes portant sur le choix des dirigeants qui seront imposés dans deux ans ou dans trois ans, si cet amendement est adopté, la Loi sur les Indiens contient déjà des dispositions très précises en ce qui concerne l'élection des chefs et des conseils de bandes. Des pratiques bien établies sont déjà en place à travers le pays en ce qui concerne l'élection des chefs et des conseils de bandes—pratiques découlant des coutumes, de la tradition et de la Loi sur les Indiens. Ces pratiques sont déjà en place et, par conséquent, même s'ils ont déjà un certain contrôle sur l'administration des collectivités des Premières nations, le gouvernement ou le ministre veulent le contrôle absolu.

    Lorsque l'article 36 entrera en vigueur et lorsque les dispositions transitoires ou les codes par défaut entreront en vigueur, en imposant notre volonté aux communautés des Premières nations, le ministre des Affaires indiennes deviendra l'agent des Indiens le plus puissant de tous les temps. Il deviendra l'agent suprême des Indiens. Il aura le contrôle sur pratiquement tous les aspects de l'administration courante et sur toutes les activités des communautés des Premières nations. Le chef et le conseil seront aussi inutiles que les députés de l'arrière-ban à cause du pouvoir dictatorial conféré par ce...

    Une voix: Uniquement dans votre parti.

    M. Pat Martin: Rien n'est plus inutile qu'un député libéral de l'arrière-ban. Je ne pense pas que je pourrais venir travailler ce matin si j'en étais un. Je n'aurais pas le courage de venir tous les jours et de me faire traiter ainsi.

À  +-(1045)  

    Je considère par conséquent que si M. Vellacott présente une fois de plus de légers amendements, le problème est que l'Alliance canadienne ne s'oppose pas vraiment à ce projet de loi. En dénonçant de façon constante, et sans le moindre fondement, la mauvaise administration des communautés des Premières nations, les représentants de ce parti tentent de nous convaincre que ce projet de loi est indispensable.

    Le gouvernement fédéral a adhéré immédiatement à ce type de raisonnement parce qu'il gouverne à coups de sondages. Je présume qu'il a fait un sondage révélant que la plupart des Canadiens sont racistes de nature et sont prêts à croire que la corruption règne au sein des communautés des Premières nations et que l'administration des bandes et des conseils de bandes est si mauvaise que le grand père blanc doit s'en charger. Le gouvernement estime nécessaire de mettre de l'ordre dans ces collectivités. Il pense qu'il est nécessaire d'indiquer aux Indiens comment ils doivent gérer leurs affaires. C'est ce qu'il a fait en présentant ce projet de loi. Par conséquent, les codes par défaut sont les témoins de cette mentalité.

    La frustration du gouvernement dont témoigne l'article 36 est une manifestation de l'hostilité accumulée envers les Indiens qui tiennent des manifestations à travers le pays depuis environ deux ans. On accepte de négocier des accords sur l'autonomie gouvernementale et on négocie de mauvaise foi, année après année, mais on se rend compte que les Indiens ne resteront pas tranquilles s'ils n'ont pas un certain contrôle sur leur territoire et sur leurs ressources; la frustration s'installe et on trouve une personne qui est prête à foncer, comme l'actuel ministre des Affaires indiennes. On trouve qu'on a assez négocié et qu'on a déjà assez perdu de temps et investi des ressources pour tenter d'en arriver à un règlement équitable. On en a assez. En fait, le gouvernement a même dit qu'il n'était plus question de discuter de droits et de redressement. Il en a assez de ces discussions et il estime qu'il est temps de s'intéresser uniquement au développement économique. C'est le code pour le changement d'orientation. Au lieu de tenir compte des droits ancestraux issus de traités et de prévoir un redressement pour les injustices commises dans le passé, démarche qui était à l'origine de la mise en place de la Loi sur les Indiens, le gouvernement a décidé de changer de cap. La première étape consiste à éroder le droit à l'autonomie gouvernementale et à l'autodétermination et à mettre en oeuvre les politiques d'assimilation du Livre blanc de 1969 qui ont suscité une telle réaction de rejet cette année-là, qu'elles ont engendré une génération de militants et d'activistes chez les membres des Premières nations et même à une génération de chefs ayant une formation et une instruction solides, monsieur le président.

    Je suis certain que ce projet de loi engendrera une nouvelle vague de contestations en cour. Il semblerait toutefois que le gouvernement ait tout prévu, car les Premières nations ont de plus en plus de difficulté à obtenir justice en s'adressant aux cours. Les députés libéraux n'ont certainement pas oublié l'argument que Pierre Trudeau avait présenté, à savoir que les frais judiciaires élevés en l'absence d'un système universel d'aide juridique faisaient du droit à l'égalité devant la loi une mascarade. Qui a les moyens de défendre tous ces principes jusqu'en Cour suprême?

    De toute apparence, le projet de loi C-7 mobilisera des ressources considérables car je prévois la première vague de contestations judiciaires qui déferlera dès que ce projet de loi aura reçu la sanction royale. Ce sera le début d'une période d'une dizaine d'années qui sera marquée par de l'acrimonie et par des contestations en série. C'est prévisible dès maintenant.

    Il n'est pas possible d'évaluer dans toute son ampleur l'impact de l'article 36 sur la question de l'autonomie gouvernementale sans connaître le contenu des règlements proposés en vertu des articles 31 et 32. C'est la première étape. On propose maintenant d'imposer ces règlements dans trois ans au lieu de deux ans, mais ils seront de toute façon imposés. Nous ne savons toutefois même pas à quoi ils ressemblent. Ils n'ont même pas encore été rédigés et personne ne pense que les Première nations auront l'occasion de participer à la rédaction de ces règlements puisqu'elles n'ont même pas eu l'occasion de participer à celle de ce projet de loi qui aura des conséquences catastrophiques. Il faudrait être naïf pour le croire.

À  +-(1050)  

    Le ministre veut se faire rassurant et promet de tenir des consultations en bonne et due forme avant de rédiger ces règlements. Mon oeil! Il n'y aura pas plus de consultations qu'il n'y en a eu pendant la rédaction de ce projet de loi. Quelle mascarade! Certaines personnes nous ont averti...

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Loubier.

+-

    M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.

    Moi aussi, je suis heureux de l'amendement de M. Vellacott puisque tout ce qui peut augmenter les délais d'application du projet de loi C-7 est le bienvenu. Plusieurs témoins qui nous ont soumis des mémoires disaient que les délais impartis pour l'application de ce projet de loi C-7 étaient beaucoup trop restreints et qu'il fallait penser à augmenter les délais d'application, surtout lorsqu'on voit les nombreuses exigences qui sont contenues à l'intérieur du projet de loi C-7.

    Même l'Association du Barreau canadien et particulièrement le Barreau québécois, à Montréal, ont mis le doigt sur le fait que les délais qui sont prévus dans le projet de loi sont beaucoup trop courts. Donc, toutes les initiatives, comme celle de M. Vellacott, qui consistent à augmenter les délais sont les bienvenues. Bien entendu, cela ne change rien au niveau du projet de loi comme tel puisqu'il est tout à fait inacceptable.

    D'ailleurs--mon collègue Martin en a parlé tout à l'heure--, il y a une semaine et demie, le mercredi précédant notre départ pour la relâche, nous étions à Kenora tous les deux. Jack Layton, son chef, était là aussi, et nous avons participé à une manifestation. De l'avis même des policiers de la GRC et des policiers municipaux de Kenora, il y avait 8 000 personnes à cette manifestation-là, 8 000 personnes qui ont marché au rallye des tambours justement pour s'opposer au projet de loi C-7.

    Alors, lorsque Robert Nault ou le premier ministre dit que seulement les chefs des premières nations s'opposent à ce projet de loi, nous, on a pu constater de visu que 8 000 personnes ont marché dans les rues. Il y avait des hommes, des femmes, des enfants en âge de comprendre, des adolescents qui criaient des slogans disant qu'il faut abattre le FNGA, qu'il faut combattre le néocolonialisme du gouvernement fédéral. Il y avait d'autres slogans qui disaient que le projet de loi C-7 était tout à fait comme l'apartheid en Afrique du Sud avant l'émancipation des populations noires. Quand on est rendu à faire des accusations aussi fortes que celle-là, c'est parce qu'il y a un problème, et les seuls à ne pas reconnaître qu'il y a un problème, ce sont les quelques députés libéraux présents ici, le premier ministre et le ministre des Affaires indiennes. Mais à l'heure actuelle, la mobilisation est très grande.

    Kenora n'est qu'un exemple. On était au coeur de la circonscription du ministre des Affaires indiennes. Je me rappelle être ensuite revenu en taxi. Les chauffeurs de taxi entendent beaucoup de choses, et lorsqu'on leur pose des questions, ils sont pas mal au courant du pouls de la population qu'ils desservent. Or, le chauffeur de taxi me disait que Robert Nault n'avait rien compris, que Robert Nault était en train de se caler avec le projet de loi C-7, que pour sa part, de mémoire d'homme, il n'avait jamais vu de manifestation aussi grande, même pas à Winnipeg, qui est à quelque 250 kilomètres de là. Il n'avait jamais vu une manifestation aussi importante. Toutes les générations étaient là. Il y avait des anciens, il y avait de jeunes adultes, il y avait des chefs spirituels, il y avait des chefs régionaux, il y avait des membres des premières nations comme tels, qui étaient en très, très grande majorité. Ils étaient 8 000 dans les rues. Je pense qu'on va arrêter de dire des sornettes, de dire que ce sont simplement les chefs de l'Assemblée des Premières Nations qui s'opposent à ce projet de loi; tout le monde s'y opposait.

    Ce qui est pas mal intéressant aussi, c'est que si vous accrochiez quelqu'un dans cette manifestation-là, un jeune ou un plus vieux, il pouvait vous dire pourquoi il s'opposait au projet de loi C-7. Ce n'était pas pour des raisons tout à fait futiles et politiques avec des slogans; il vous expliquait pourquoi on n'est pas rendus là dans nos relations avec les premières nations, pourquoi on est rendus beaucoup plus loin et avec une espèce de scénario beaucoup plus noble que ce qu'on nous présente dans le projet de loi C-7.

    Je pose toujours la même question aux fonctionnaires depuis le début de l'analyse. Qu'est-ce qu'on va faire si, dans les délais qui sont impartis en vertu du projet de loi, les premières nations refusent de se conformer, de rentrer dans le rang? Je pense que M. Johnson n'avait pas son appareil quand j'ai posé la question. Je lui pose la question de nouveau. Est-ce que M. Johnson m'écoute?

    Il est question des délais d'application de la loi. Je vous ai souvent posé la question à savoir quelles seraient les représailles contre les peuples autochtones si jamais plusieurs des premières nations ne voulaient pas concrétiser les termes qui sont dans le projet de loi C-7. Qu'est-ce que vous allez faire avec les premières nations récalcitrantes? Allez-vous envoyer l'armée canadienne? Allez-vous avoir recours à la GRC? Allez-vous les foutre en prison, ou quoi?

À  +-(1055)  

+-

    Le président: Monsieur Loubier, je ne vous permets pas de poser cette question. Il n'appartient pas aux fonctionnaires de défendre les politiques d'un gouvernement. Je n'autorise pas votre question.

+-

    M. Yvan Loubier: Je lui demande ce qui est prévu dans le projet de loi.

+-

    Le président: Qu'est-ce qui est prévu dans le projet de loi? D'accord.

+-

    M. Yvan Loubier: Qu'est-ce qui est prévu dans le projet de loi comme mesures de représailles si les premières nations sont récalcitrantes à respecter les termes de ce projet de loi dont elles ne veulent pas? Je vous pose la question de nouveau. Est-ce qu'on va tous les mettre en prison? Ils sont un million au Canada.

[Traduction]

+-

    M. Warren Johnson (sous-ministre adjoint, Services fonciers et fiduciaires, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Le député était peut-être absent lorsque nous avons eu une longue discussion sur cette question.

    Nous n'avons pas prévu de mesures de représailles comme telles. Aucune mesure d'intervention n'est prévue dans les dispositions du projet de loi. La Loi sur la gouvernance des Premières nations a été établie en s'appuyant sur les opinions qui ont été exprimées au cours des consultations, en vertu desquelles, les citoyens des Premières nations, et pas le ministre ou le gouvernement fédéral, devraient obliger leurs gouvernements à rendre des comptes. Alors que ce ne sont que de pures hypothèses, je pense, pour résumer les commentaires que nous avons faits la dernière fois, que l'inobservation de la loi par une Première nation se manifesterait d'abord et avant tout dans les agissements des citoyens des Premières nations.

    Le seul pouvoir discrétionnaire qui subsisterait dans ce domaine important après l'entrée en vigueur du projet de loi C-7, sous son libellé actuel, n'interviendrait qu'en cas de préoccupation financière majeure compromettant le maintien de programmes et services essentiels. C'est donc la seule circonstance où le ministre aurait le pouvoir d'intervenir en cas d'inobservation. Sinon, l'intervention serait celle des citoyens qui, voyant que leur gouvernement ne respecte pas la loi qui leur a donné cette autonomie, pourraient réagir et s'adresser aux cours pour obtenir des mesures de redressement ou avoir recours à d'autres approches pour faire respecter leurs droits reconnus dans le projet de loi C-7.

    À l'exception de ces recours, comme sous le régime actuel de la Loi sur les Indiens, on n'a pas prévu d'intervention automatique ou de possibilité d'intervention, de réprimandes ou de mesures de représailles, puisque le député a employé ce terme, de la part du gouvernement fédéral.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: J'étais là, monsieur Johnson, quand vous avez donné cette réponse et je n'étais pas satisfait de cette réponse.

    J'aimerais présenter un sous-amendement à cet amendement. Je propose qu'on ajoute, après les mots «dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur», les mots «si le conseil en décide ainsi ou dans les».

    Je vais déposer mon sous-amendement et j'en discuterai ensuite.

Á  +-(1100)  

[Traduction]

+-

    Le président: D'après l'avis que l'on me donne, ce sous-amendement n'est pas recevable. Voulez-vous une explication? Do you wish an explanation?

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Pourquoi le sous-amendement n'est-il pas acceptable?

+-

    M. Jeffrey LeBlanc:

    Ce que vous proposez d'ajouter viendrait à la fin de l'amendement «suivant l'entrée en vi». La ligne se termine par la première syllabe du mot «vigueur». Alors, puisque le mot «vigueur» n'est pas écrit au long, vous ne pouvez pas ajouter «si le conseil en décide ainsi» au milieu du mot «vigueur».

+-

    M. Yvan Loubier: Non, non, une seconde. Moi, c'était «si le conseil en décide ainsi, dans les trois années suivant l'entrée en vi...».

+-

    M. Jeffrey LeBlanc: À la fin de l'amendement.

+-

    M. Yvan Loubier: Non, au début. Je l'ai dit, d'ailleurs: «si le conseil en décide ainsi, dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur».

+-

    M. Jeffrey LeBlanc:

    C'est écrit à la fin.

+-

    Le président: C'est écrit à la fin, alors ce n'est pas acceptable.

+-

    M. Yvan Loubier: C'était au début. Je vous l'ai dit, d'ailleurs.

+-

    Le président: Vous avez écrit at the end.

+-

    M. Yvan Loubier: C'est une erreur, parce que c'est au début.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Hubbard.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Monsieur le président, j'ai un rappel au Règlement.

+-

    Le président: Monsieur Loubier.

+-

    M. Yvan Loubier: Ce que j'ai dit, oralement, c'est différent. J'ai dit qu'il fallait le mettre au début et non pas à la fin. On était pressés par la rédaction, alors c'est probablement pour cette raison que j'ai fait cette erreur.

+-

    Le président: Votre erreur est pardonnée, mais on passe maintenant à M. Hubbard.

+-

    M. Yvan Loubier: Je n'ai pas besoin de votre pardon.

[Traduction]

+-

    M. Charles Hubbard: Je vous remercie, monsieur le président.

    J'ai mentionné il y a deux semaines qu'on jettera à un moment ou l'autre un regard historique sur ce qui se passe ici aujourd'hui et qu'on trouvera qu'il est impensable qu'un député, alors que ce sous-amendement a été proposé il y a plus d'un mois, décide, sur l'inspiration du moment, de rédiger un sous-amendement dans le seul but de ralentir les travaux du comité. C'est absolument impensable.

    Je pense que toutes les personnes assises autour de cette table... Je ne disais pas que nous sommes frustrés par cette manoeuvre, car c'est plus fort que cela. Je suis également préoccupé au sujet de certaines déclarations qui ont été faites dernièrement en ce qui concerne l'amendement à l'étude.

    Le député de Winnipeg-Centre a mentionné l'hostilité manifestée à l'égard des membres des Premières nations. Je ne pense pas que les Canadiens manifestent de l'hostilité à leur égard, monsieur le président. Le député parle peut-être des habitants de sa circonscription ou de son quartier, mais pas de la population du Canada en général, lorsqu'il fait de telles déclarations. Il a également abordé la question du redressement. Le projet de loi donne un recours aux peuples des Premières nations dans leurs relations avec leurs chefs et leurs conseils mais le député veut les priver de ce recours.

    L'autre député cite des chiffres. Nous avons mentionné un millier de personnes. Il n'a pas mentionné qu'il avait été témoin d'une manifestation mais qu'il y avait participé. Il a probablement aidé à l'organiser. Il a mentionné un millier de personnes. Un autre député a mentionné qu'il y avait environ 2 000 participants. On a ensuite parlé de 5 000 et même de 8 000. Je n'ai jamais entendu... Il doit s'agir du monde imaginaire de M. Martin ou de M. Loubier. Ce n'est certainement pas celui qui est présenté à la télévision ou dans les journaux, par exemple.

    Ces collègues ont mentionné que 10 organisations seulement sur 191 étaient en faveur du projet de loi. D'après le compte rendu des délibérations du comité, au cours d'une période de quatre semaines, 280 personnes des diverses régions du Canada ont témoigné. Quelque 97 témoins ont appuyé la Loi sur la gouvernance des premières nations qui est proposée ou ont fait des critiques constructives en suggérant des améliorations. Quarante et un autres témoins n'ont pas soulevé de problèmes au sujet...

    Des voix: Oh, oh!

    M. Charles Hubbard: Ils n'aiment pas entendre la vérité, monsieur le président. La vérité blesse, surtout quand on a déformé la vérité comme ils l'ont fait.

    Quarante et un témoins n'ont pas signalé de problèmes en ce qui concerne la Loi sur la gouvernance des premières nations proposée et 136, soit moins de la moitié des témoins, ne s'y sont pas opposés.

    Il est donc clair que l'on est en droit de se demander si les 191 organismes qu'ils ont mentionnés ce matin existent. Les chiffres qu'ils ont avancés sont-ils exacts? Ils n'hésitent donc pas à déformer les faits.

    Il faut se rappeler également, monsieur le président, qu'au cours de notre dernière réunion—je pense que c'était le 15 mai—, un député qui a plus de 30 années d'ancienneté, un ex-premier ministre de notre pays, a donné un petit cours sur la façon de procéder en ce qui concerne ce projet de loi. Il a posé des questions à des témoins, aux experts qui ont participé à la rédaction de ce projet de loi. Il a tenté de démontrer à ses collègues comment il faut procéder pour faire du bon travail. C'était très bien. Ils n'ont toutefois pas profité de cette leçon. Même s'ils ont eu l'occasion d'y réfléchir pendant une dizaine de jours, ils adoptent ce matin la même attitude qu'il y a deux jours, ils se conduisent tout aussi mal et font le même type d'interventions.

    J'ai mentionné Fisher-Price. On remonte un jouet et il fonctionne pendant une dizaine de minutes. C'est ce qui se passe en fait, monsieur le président. Nous appuyons cet amendement. Il concorde avec deux amendements qui ont déjà été adoptés. Nous tenons, bien entendu, à produire un projet de loi qui soit cohérent et qui améliore les conditions de vie des peuples autochtones. Nous tenons à renvoyer un projet de loi de qualité à la Chambre, à l'étape du rapport.

    Je vous remercie, monsieur le président.

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Hubbard.

    Monsieur Godfrey.

Á  +-(1105)  

+-

    M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Ma question s'adresse aux représentants du Ministère. Peuvent-ils expliquer l'interaction de l'amendement proposé avec les modifications qui ont déjà été faites pour prolonger le délai de deux à trois ans? Autrement dit, il s'agit d'un effet d'entraînement. Étant donné que le délai pour l'entrée en vigueur des dispositions intégrales du projet de loi serait de trois ans, si cet amendement était adopté quel délai supplémentaire faudrait-il pour que les règlements en question soient en place à partir de l'adoption du projet de loi?

+-

    M. Warren Johnson: Le processus consiste à rechercher une certaine uniformité en ce qui concerne ce que l'on pourrait appeler la période de transition. Après avoir finalisé la structure du projet de loi à la lumière des recommandations du comité, il faudra, comme nous l'avons déjà mentionné, prévoir un délai d'au moins un an pour les consultations et la mise en oeuvre d'autres règlements.

    On proposait initialement une période de transition de deux ans pour l'entrée en vigueur des règlements... Le comité propose de porter ce délai à trois ans dans tous les cas où c'est préférable. Le délai sera donc porté de deux à trois ans en ce qui concerne les dispositions majeures.

    Une Première nation disposerait d'un délai de trois ans pour confirmer qu'elle souhaite continuer d'appliquer les règles issues de la coutume en ce qui concerne les règles relatives à l'élection visées à l'article 5.

    Elle disposerait donc d'un délai de trois ans au lieu de deux pour examiner les règlements qui auront été élaborés afin de déterminer si elle veut les remplacer, intégralement ou en partie, par ses propres codes. Ce délai de trois ans concorderait avec le délai déjà accordé aux Premières nations pour déterminer si elles désirent maintenir le régime des règles issues de la coutume.

    Ce serait le même délai que celui de trois ans dont dispose une Première nation pour obtenir une exemption parce qu'un accord sur l'autonomie gouvernementale est imminent. Dans ce cas, il ne serait pas très efficace de se placer sous le régime des dispositions du projet de loi C-7 pour être soumis peu de temps après au régime de l'autonomie gouvernementale.

    Les trois initiatives seraient assujetties à un délai uniforme après l'adoption de cet amendement prévoyant un délai de trois ans après l'entrée en vigueur des règlements.

+-

    M. John Godfrey: Merci beaucoup.

+-

    Le président: Nous procédons à un vote par appel nominal sur l'amendement CA-49, à la page 213.

    (L'amendement est adopté par 9 voix contre 0)

    Le président: L'amendement BQ-43 est par conséquent annulé.

    Le vote porte maintenant sur l'article 36 modifié.

+-

    M. Pat Martin: Monsieur le président, je ne sais plus très bien où on en est dans le débat sur l'article 36. J'ai cru comprendre que l'amendement G-13, présenté par le gouvernement, portait également sur l'article 36.

+-

    Le président: Il s'agit de l'article 36.1, monsieur Martin. Ce serait un article distinct.

+-

    M. Pat Martin: Je comprends.

    En ce qui concerne l'article 36 et l'opportunité de l'adopter, je signale que je m'y oppose. Je ne pense pas qu'il convienne de l'adopter, même après y avoir apporté ces modifications, parce qu'il concerne les nombreux éléments du projet de loi C-7 qui ne sont pas acceptables. En fait, cet article porte sur les dispositions du projet de loi C-7 que nous, et la plupart des Autochtones, trouvons inacceptables.

    La présente discussion n'aurait pas lieu si l'on voulait suivre les suggestions qui ont été faites par certains témoins et si l'on tenait compte des opinions des Premières nations. Notre ordre du jour serait complètement différent.

    Nous pourrions discuter par exemple des questions concernant le territoire et les ressources ou de la mise en oeuvre des traités ou encore de la négociation de traités modernes. Nous pourrions discuter de l'émancipation des Autochtones et de l'abrogation pure et simple de la Loi sur les Indiens, au lieu d'un léger remaniement.

    Monsieur le président, je pense que l'on reconnaîtra que l'adoption de l'article 36 aurait pour seul effet de modifier des articles de la Loi sur les Indiens et d'intégrer à la loi des conditions qui sont déjà prévues dans les politiques de sorte que, lorsqu'une politique est enfreinte, le ministre pourrait imposer des sanctions. Le ministre peut déjà imposer en fait la gestion par un tiers. Le ministre a l'absolue capacité, en vertu du pouvoir de la loi, de faire respecter les politiques déjà en place dans les accords de contribution et dans le volumineux guide opérationnel d'Affaires indiennes et du Nord Canada.

    Je l'ai ici, monsieur le président. Le guide sur l'administration des fonds est déjà aussi volumineux que l'annuaire téléphonique de Manhattan. Ces politiques passeront en loi. En outre, si l'on n'établit pas des règles de gouvernance qui correspondent exactement à ce qui a été entendu ou à la conception qu'en a le ministre, ces mêmes règles de gouvernance seront imposées dans un délai de trois ans. Le gouvernement dictera les règles. Il les imposera à votre communauté.

    Il est inimaginable de prendre une question aussi importante à la légère. Il est inimaginable d'adopter une approche aussi maladroite, dictatoriale et fasciste, sans tenir un débat en bonne et due forme et sans tenir compte de l'incidence d'un tel projet de loi sur les communautés des Premières nations.

    Nous ne pouvons pas dicter des règles de gouvernance à un autre gouvernement national ou à des pays qui sont nos partenaires commerciaux, ou aux pays membres des Nations Unies. Nous ne pouvons pas leur dicter nos règles en ce qui concerne la façon de se gouverner. Comment peut-on dès lors envisager de dicter des règles de gouvernance aux Premières nations si on accepte de les considérer comme des nations souveraines indépendantes?

    Pourtant, nous n'avons pas de préoccupations semblables en ce qui concerne nos autres collègues de la Société des nations, lorsque nous participons aux délibérations de l'Organisation des Nations Unies. Nous ne nous appliquons pas à imposer une conception eurocentrique de la gouvernance à d'autres pays. En fait, nous accordons volontiers de l'aide extérieure à des pays où l'absence de reddition de compte et de transparence sont bien plus graves qu'en ce qui concerne nos Premières nations. Et pourtant, nous n'hésitons pas à dicter aux conseils de bandes les critères qu'ils doivent respecter en ce qui concerne l'administration de leurs collectivités.

    L'article 36 ne devrait donc pas être adopté. Il serait nécessaire de le modifier radicalement. Nous avons raté l'occasion de modifier le ton général de ce projet de loi et de le rendre moins agressif en omettant de proposer des amendements constructifs à l'article 36. Nous ne l'avons que légèrement modifié en portant le délai de deux à trois ans.

    Il eut été préférable de mentionner à cette occasion dans l'article 36 que tous ces codes sont facultatifs. C'eut été l'effet de l'amendement de M. Loubier, s'il n'avait pas été victime d'une manigance s'appuyant sur la procédure. Si nous avions eu l'occasion de discuter de l'amendement de M. Loubier, nous aurions pu déterminer si ces principes devaient servir de guide ou si leur mise en application est obligatoire.

    Le fait qu'avant les élections de 1997, notre comité permanent avait examiné un projet de loi concernant les affaires autochtones, visent à mettre en place des normes nationales en matière de reddition de comptes et de pratiques comptables, dont l'application aurait été facultative, mérite d'être mentionné. Par conséquent, les Premières nations pouvaient avoir recours à ces critères nationaux et les appliquer dans leurs communautés si elles avaient besoin d'aide ou de points de repère.

    Il semblerait que l'attitude à l'égard des Premières nations ait tourné au vinaigre depuis lors. L'attitude du gouvernement à l'égard des Premières nations repose sur des intentions malveillantes puisqu'il a décidé d'imposer désormais sa loi. Il est fatigué d'en discuter. Il a décidé de passer à l'action. C'est pourquoi bon nombre d'entre nous ont l'impression que ce projet de loi est une réincarnation du Livre blanc.

Á  +-(1110)  

    Ce Livre blanc, qui a été présenté au Parlement il y a une trentaine d'années, décrétait qu'une assimilation complète devait être réalisée dans un court délai, que toutes les lois concernant les Indiens devaient être abrogées, ce qui aurait privé ceux-ci des droits qui avaient été reconnus, et que tous les services devaient être fournis par les provinces. Le Livre blanc n'accordait plus aucune importance aux traités et aux revendications territoriales dans le débat sur l'avenir des Indiens. Ce document d'ordre stratégique ne contenait pas de recommandations constructives marquantes visant le bien-être des Indiens. La préoccupation majeure n'était pas leur bien-être ni leur intérêt; son objectif essentiel était de briser définitivement les liens entre les indiens et le gouvernement fédéral.

    Comme dans le cas de l'Accord du lac Meech, même s'il a été rejeté, on l'impose graduellement. Par conséquent, même si vous avez voté contre le Livre blanc, il vous est imposé graduellement. Il est mis en place progressivement par un gouvernement qui tente de se soustraire à ses obligations fiduciaires.

    Il est regrettable que l'on n'ait pas donné à l'ex-premier ministre qui a présenté un mémoire au comité l'occasion de faire une intervention plus longue parce qu'à une certaine époque, à celle de l'Accord de Charlottetown, en 1992, M. Clark avait déclenché une vague d'optimisme. Je me souviens qu'avant la tenue des réunions sur l'Accord de Charlottetown, M. Clark, Ovide Mercredi et les dirigeants de l'Assemblée des Premières nations se réunissaient très souvent en petit comité afin de discuter et d'élaborer les amendements constitutionnels qui auraient donné tout son sens à l'article 35 de la Constitution.

    Il y a une dizaine d'années, on s'est engagé dans la bonne voie pendant une certaine période—quoique très brève—en réexaminant la nature de la relation entre le gouvernement fédéral et les Premières nations. Cette occasion a été gâchée et, selon les dires du futur premier ministre, on ne peut plus revenir en arrière.

    En ce qui concerne l'article 36, nous aurions pu y apporter un amendement s'inspirant des suggestions de M. Loubier afin de désamorcer quelques bombes à retardement que constituent certaines dispositions de ce projet de loi en mentionnant—comme il l'a proposé, si je ne me trompe—que si le conseil décidait de mettre en oeuvre ces codes ou les règlements dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur de l'article 4, il pourrait le faire; ce serait une question de choix.

    Je pense qu'on aurait pu également supprimer toute référence à un délai. Si vous aviez accepté la recommandation de M. Loubier, il n'aurait peut-être plus été nécessaire de prévoir un délai de deux à quatre ans, parce que ce serait facultatif. Ce serait un outil efficace auquel les Premières nations pourraient avoir recours. Si elles estiment ne pas avoir la capacité administrative d'élaborer elles-mêmes des codes, elles auraient alors accès aux outils nécessaires.

    Le fait que c'était ainsi bien avant que le projet de loi C-7 ne tombe comme une bombe et ne détruise en bonne partie les relations mérite d'être mentionné. On tenait des réunions à un très haut niveau. On organisait des tables rondes à l'échelle nationale—entre l'Assemblée des Premières nations et l'Institut canadien des comptables agréés, par exemple, dans le but d'élaborer des normes nationales en ce qui concerne les pratiques comptables des Premières nations—dans le but d'échanger des compétences administratives et non d'imposer «notre conception», voire d'insinuer que sans la poigne ferme du gouvernement fédéral, l'administration des fonds des bandes est dans un état chaotique; c'est précisément à cela que je faisais allusion en mentionnant que la campagne de désinformation à travers le pays reposait sur des intentions malveillantes.

Á  +-(1115)  

    Si l'honorable secrétaire parlementaire pense sincèrement qu'il ne s'agissait pas d'une campagne délibérée soigneusement orchestrée, c'est qu'il n'est pas très observateur. Le gouvernement a mené de façon très délibérée une campagne ayant pour but de convaincre les Canadiens que la situation est extrême...

Á  +-(1120)  

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Martin.

    Monsieur Martin, je dois admettre qu'aucun des 191 amendements n'a proposé une clause offrant cette option. Je dois reconnaître que je suis étonné; c'est ce que j'ai cherché lorsque j'ai reçu tous les amendements. personne n'a toutefois présenté d'amendement à cet effet. C'est vous qui avez abordé le sujet.

    Monsieur Loubier.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Je m'excuse, mais au début de l'étude du projet de loi C-7, on a proposé une clause de dérogation dans le coeur de...

    À un moment donné, il faut arrêter de jouer au fou aussi. Si on vous a proposé déjà plusieurs clauses de dérogation au cours de l'étude de ce projet de loi et que vous avez toujours refusé d'introduire une clause formelle de non-dérogation, eh bien, on ne répétera pas 25 fois la même proposition.

    Pour moi aussi, l'article 35 tel que libellé, même amendé à trois ans, demeure inacceptable, parce que c'est toute une question d'écriture législative aussi. Qu'on arrête de vouloir imposer des façons de faire aux première nations, de leur mettre le couteau sur la gorge et de leur dire qu'il faut qu'elles fassent telle chose dans un délai donné sinon, on ne sait trop ce qui va arriver. Je reviendrai sur cette question plus tard parce que j'ai été un peu surpris de la réponse de M. Johnson tout à l'heure.

    Mais revenons à l'article 35. Si on lit les interventions qui ont été faites devant nous... On peut bien, comme le secrétaire parlementaire, donner toutes sortes de visions tout à fait étriquées et déformées de la réalité, mais un fait demeure: 191 témoins ont comparu ou ont déposé des mémoires qui s'opposent au projet de loi C-7 pour différentes raisons. De façon particulière, seulement neuf, si on exclut le ministre, sont d'accord sur des articles précis comme l'article 36. C'est la réalité. C'est une compilation faite par la Bibliothèque du Parlement et par nous aussi. On a vérifié chacun des mémoires déposés: 191 d'entre eux s'y opposent contre 9 qui l'appuient et une abstention. J'enlève le ministre parce que s'il n'est pas convaincu de son affaire, il a un problème. Alors, c'est la réalité.

    Si on doit tenir compte des consultations qu'on a faites et si on doit tenir compte de la réalité politique actuelle, il y a une très forte opposition quasi consensuelle. Tout le monde s'entend pour dire que ce projet de loi ne doit pas être adopté. Même Paul Martin dit qu'on ne doit pas l'adopter, que de toute façon, même s'il est adopté, il n'en tiendra pas compte. Je pense que vous avez oublié cela.

    C'est vrai qu'une semaine de vacance à un moment comme celui-ci, pour certains qui ne travaillent pas trop dans leur comté, ça peut ramollir le cerveau. Mais avant qu'on parte, la situation était celle-là et elle est encore la même. Paul Martin refuse le projet de loi C-7 et c'est lui qui va être le premier ministre bientôt. Alors, il y a quelque chose qui cloche. C'est en quelque sorte vaudevillesque que de poursuivre l'étude d'un projet de loi comme celui-là dont personne ne veut ni du préambule, ni de l'article 1, ni de l'article 36, même modifié afin de prévoir un délai de trois ans plutôt que de deux ans.

    Je suis toujours surpris des réponses qu'on me donne lorsque je pose la même question depuis le début. Contrairement à ce que M. Johnson a dit, j'ai été ici pas mal souvent. J'étais là lorsqu'il a répondu de la façon dont il m'a répondu tout à l'heure concernant les délais. Si jamais les premières nations n'ont pas réalisé les dispositions du projet de loi C-7, qui va devenir une loi si jamais le Parlement l'adopte, que va-t-il arriver? Il répète toujours la même chose. J'étais là la première fois qu'il l'a dit et je suis là la dernière fois aussi, car il l'a dit il y a quelques minutes. Il a dit que ce sera aux citoyens des premières nations de décider de ce qu'ils vont faire de l'orientation du conseil de bande. Mais les citoyens des premières nations, dont plus de 8 000 étaient à Kenora, ne veulent pas du projet de loi C-7. Alors, savez-vous ce que les citoyens des premières nations vont dire? Ils vont dire au conseil de bande qu'il a raison de ne pas appliquer le projet de loi C-7, parce qu'ils ne veulent pas de cette cochonnerie-là. C'est tout ce qu'ils vont dire.

    J'ai écouté aussi la seconde partie de la réponse de M. Johnson et cela m'a fatigué un peu. Ils attendent d'avoir 40 000 personnes sur la Colline parlementaire; ce gouvernement-là ne fonctionne qu'à coups de pied au derrière. Mais j'ai été surpris de la deuxième partie de la réponse donnée par M. Johnson. Il a dit que lorsque les premières nations et les citoyens verront que cela leur cause des préjudices financiers que de ne pas réaliser le projet de loi C-7, les choses vont changer. Est-ce que ce ne sont pas là des menaces à peine voilées, des menaces qui diraient aux premières nations que si leur conseil de bande n'entreprend pas des démarches pour réaliser dans un délai de deux ans ou trois ans le projet de loi C-7, on va leur couper les vivres? Est-ce que c'est ce qu'on est en train de dire?

    Il faut rappeler--et je pense qu'on l'a dit à plusieurs reprises ici--qu'il y a une espèce de culture de l'intimidation au niveau du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. On a pu le réaliser aussi: intimidation et menaces à peine voilées. Je pense qu'on est encore en train de recevoir des réponses de cette nature. Quand les citoyens des premières nations vont voir qu'ils perdent de l'argent ou qu'ils risquent de perdre de l'argent, ils vont se secouer. Est-ce qu'on est encore en train de faire des menaces de cette façon? L'intimidation, ça peut marcher pour le crime organisé; j'en sais quelque chose.

Á  +-(1125)  

Par contre, pour des parlementaires et pour un ministère qui compte des fonctionnaires responsables, on ne doit pas fonctionner de cette façon. Alors moi, ça m'énerve d'entendre ce genre de réponse qui dit que peut-être qu'ils y réfléchiront deux fois si on leur coupe les vivres.

Il faut se rappeler--et on en avait parlé avant de se quitter--qu'il y a des associations autochtones au Québec et au Canada qui, aussitôt qu'elles se sont opposées au projet de loi C-7, se sont vu couper les vivres, soit par le ministère du Patrimoine canadien, soit par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. C'est le cas, entre autres, de l'Association des Femmes Autochtones du Québec, qui a vu l'essentiel de son budget être coupé par le gouvernement fédéral aussitôt que sa porte-parole a commencé à semer des doutes sur le projet de loi C-7 et à dire publiquement que ce n'était pas la réponse pour améliorer le sort des femmes autochtones sur les territoires actuels des premières nations. On a coupé les vivres de cette association-là.

Est-ce que c'est la façon de procéder? Est-ce que, si les premières nations ne veulent pas appliquer ce projet de loi qui ressemble plus à un déchet qu'à autre chose, on va les menacer de couper leurs subventions pour les écoles, par exemple? Est-ce qu'on va augmenter, par exemple, les inspections surprises?

    Je n'ai jamais vu un système de fou comme celui-là, où un inspecteur du ministère des Affaires indiennes peut arriver dans n'importe quelle école, et si 40 enfants donnant droit à des subventions sont inscrits officiellement et qu'il y en a 37 à l'école cette journée-là--trois enfants de moins, ça peut arriver--, on leur coupe la subvention pour faire fonctionner le système d'éducation sur la réserve. Est-ce que c'est comme ça qu'on va fonctionner? À coup d'inspections? Est-ce qu'on va poursuivre un peu avec un régime de terreur si jamais les termes de la loi C-7, si le projet de loi devient loi, ne sont pas réalisés par les premières nations? Il faudrait le dire, non pas à mots couverts, mais il faudrait dire que les premières nations pourraient être victimes de représailles si jamais elles ne rentraient pas dans le rang.

    Je crois que ça fait assez de décennies qu'on les fait fonctionner comme ça pour que ça continue. D'ailleurs, à l'article 36 comme aux autres articles, il y a eu beaucoup de critiques qui disaient que non seulement le libellé des articles était pourri, mais que l'esprit même du projet de loi allait tout à fait à l'encontre de l'évolution de la société moderne où nous sommes rendus à l'heure actuelle.

    Je vous donne quelques exemples de témoignages qui pourront peut-être rafraîchir la mémoire du secrétaire parlementaire en particulier, qui semble avoir une mémoire très sélective et un don d'étirer les chiffres de façon éhontée sur la représentation des témoins qui appuyaient le projet de loi. Honte à vous, effectivement, monsieur le secrétaire parlementaire, et aux autres qui croient de telles sornettes.

    Au sujet de l'article 6, le Aboriginal Rights Coalition de Colombie-Britannique disait dans son mémoire:

La Loi sur la gouvernance des premières nations établit la procédure que devront suivre les Premières Nations pour élaborer des codes régissant les élections, la gestion [...] On s'attend des Premières Nations qu'elles assument ces tâches compliquées sans fonds additionnels, alors qu'elles manquent déjà d'argent et de personnel.

    Aucune première nation n'a eu de garantie quelconque quant à l'augmentation des budgets pour pouvoir réaliser les termes de ce projet de loi. Il n'y a pas eu d'engagement ferme du gouvernement, encore moins du ministre Robert Nault, quant aux sommes et aux ressources additionnelles qu'on pourrait dégager pour réaliser le projet de loi C-7, en particulier l'article 36.

    L'Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique disait, à Nanaimo:

36. Les règlements pris en vertu de l'article 32 ne s'appliquent pas à la bande, sauf si les électeurs de la bande en décident autrement par un vote tenu de la même manière que s'ils adoptaient un code.

Cet article ne doit plus faire partie des dispositions transitoires et doit [...] 

Á  +-(1130)  

[Traduction]

+-

    The Chair: Merci.

    (L'article 36 modifié est adopté par 7 voix contre 2)

+-

    Le président: Nous examinons maintenant l'amendement G-13, c'est-à-dire le nouvel article 36.1.

    Monsieur Hubbard.

+-

    M. Charles Hubbard: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Avec votre permission, je voudrais que l'on remette à plus tard l'examen de l'amendement G-13, présenté par le gouvernement.

    (L'amendement est réservé)

+-

    Le président: Nous examinerons cet amendement et ce nouvel article plus tard, à la fin.

    (Article 37—Règlements administratifs)

    Le président: Nous examinons maintenant l'article 37 et l'amendement G-14.

+-

    M. Charles Hubbard: Monsieur le président, je voudrais que l'on remette à plus tard également l'examen de cet amendement.

+-

    Le président: Vous devez d'abord faire un rappel au Règlement.

+-

    M. Charles Hubbard: J'invoque le Règlement. Je voudrais que l'amendement soit réservé.

    (L'amendement est réservé)

+-

    Le président: Nous sommes maintenant à la page 219, amendement BQ-44.

    Monsieur Loubier.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Monsieur le président, cet amendement a pour but d'allonger les délais qui sont prévus à l'article 37, en réponse aux nombreuses critiques qui ont été faites. Le vérificateur général, notamment, parlait d'obtenir plus de temps pour développer des codes. Il y a aussi de nombreux témoignages dont j'ai brièvement parlé un peu plus tôt.

    En ce qui concerne les délais, la London District Chief's Council, par exemple, disait dans son mémoire présenté à Toronto, et dont j'ai pu prendre connaissance ici, qu'il y aurait lieu d'envisager un processus d'une durée d'une génération ou deux. On ne parlait pas d'un processus qui s'établirait sur des périodes restreintes, mais on parlait d'une génération ou deux.

    Tout à l'heure, j'écoutais M. Martin. Je trouve que ce serait une excellente idée que d'enlever finalement toute référence à des délais dans le projet de loi. On avait, il me semble, dressé la table au début des années 1980, avec la nouvelle Charte des droits et libertés. On avait dressé la table pour des relations plus harmonieuses que celles qu'on est en train de préparer à l'heure actuelle avec les premières nations, des relations qui ne se feraient pas sous les auspices de menaces perpétuelles ou de couteaux sur la gorge, stipulant qu'il faut qu'ils acceptent cela dans un délai donné et qu'il n'est pas question de leur donner plus de ressources pour réaliser tel ou tel traité et telle ou telle loi.

    On avait bâti nos relations sur un respect mutuel et sur une négociation d'égal à égal, et non pas sur l'application du rouleau compresseur et sur des articles disant que si les lois adoptées par des gouvernements autochtones ne sont pas conformes à ce que le ministre des Affaires indiennes ou le gouverneur en conseil pourrait décider, c'est ce dernier qui aura raison. C'est à quelque chose d'un peu plus respectueux des réalités autochtones que nous avaient préparés le rapport de 1983 du Comité spécial sur l'autonomie politique des Indiens au Canada et, a fortiori, l'extension institutionnelle de la Commission royale sur les peuples autochtones, où les commissaires se sont penchés pendant plusieurs années sur la situation vécue par les peuples autochtones.

    Il y a le fait aussi que plusieurs négociations sur l'autonomie gouvernementale qui sont encore paralysées devraient débloquer. Mais au lieu de faire débloquer les négociations sur l'autonomie gouvernementale ou la réalisation de traités qui souvent remontent à des temps immémoriaux, on est là à s'obstiner sur des délais, sur des points et des virgules, sur le fait aussi que les premières nations doivent respecter ce à quoi on les astreint en présentant un projet de loi de cette nature.

    Je suis un petit peu désolé que l'Alliance canadienne ne soit pas présente, parce que la question des délais d'application intéressait particulièrement les gens de l'Alliance canadienne.

Á  +-(1135)  

[Traduction]

+-

    M. Charles Hubbard: Monsieur le président, j'invoque le Règlement.

+-

    Le président: Monsieur Hubbard, à propos d'un rappel au Règlement.

+-

    M. Charles Hubbard: Je pense qu'il est très indélicat de signaler l'absence des représentants de l'Alliance. Je pense que c'est antiréglementaire.

+-

    Le président: Ce rappel au Règlement n'est pas recevable, mais j'approuve. Nous tenterons d'éviter de mentionner qui est absent, comme à la Chambre.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Il faudrait que vous appliquiez le même raisonnement à M. Johnson, qui a dit plus tôt que j'étais absent lorsqu'il avait donné l'explication. De quel droit parlait-il de mon absence?

+-

    Le président: D'accord, monsieur Loubier. On va demander à tout le monde de ne plus avoir recours à cette pratique.

+-

    M. Yvan Loubier: C'est une très bonne idée, monsieur le président.

    Des critiques ont été faites partout où on est passé, et tous les mémoires qui ont été présentés, contrairement à ce que peut prétendre le secrétaire parlementaire, nous disaient que les délais n'ont pas de sens et qu'en plus, il n'y a pas de ressources, qu'il n'y a pas de ressources humaines supplémentaires dont les première nations pourraient disposer. Elles sont déjà étranglées par leurs obligations face aux membres des premières nations.

+-

     Il y a des problèmes criants; je pense que vous allez être d'accord avec moi là-dessus. On parle de problèmes d'eau potable, de problèmes au niveau de l'éducation. On dit qu'il y a actuellement 1 000 étudiants autochtones potentiels qui attendent d'avoir du financement pour pouvoir aller poursuivre leurs études dans les universités. C'est quand même grave. Le niveau de sous-emploi est considérable aussi et il y a des problèmes liés à la polytoxicomanie. Il y a des problèmes réels et concrets auxquels on doit faire face, et il y a déjà très peu de ressources pour faire face à ces problèmes fondamentaux. Or, en plus de cela, on demande aux premières nations de réaliser une loi dans un délai très serré, en tenant compte des exigences du gouvernement fédéral et non de leurs propres exigences de construction ou de reconstruction comme nations. En faisant cela, on leur retire des ressources dont elles ont extrêmement besoin pour répondre à des problèmes criants pour leurs citoyens et citoyennes.

    La méthode la plus constructive aurait consisté à ne pas parler de délais, mais plutôt à se mettre à table avec les représentants des premières nations afin d'accélérer les processus d'autonomie gouvernementale et de reconstruction des premières nations.

    Je me répète, mais à l'heure actuelle, il y a 500 revendications particulières qui sont mises de côté et il y en aura 500 autres qui s'ajouteront au cours des deux prochaines années. Il me semble que ça aurait été plus constructif à la fois pour nous et pour vous de discuter de la façon d'accélérer le processus de négociation sur l'autonomie gouvernementale et de trouver des façons et même des budgets, en vue du prochain budget, pour rehausser les ressources qui sont attribuées aux premières nations pour relever tous les défis incroyables en matière d'éducation, de santé, de gestion du territoire, d'eau potable, etc. Vous auriez eu, j'en suis persuadé, ma collaboration indéfectible et celle de Pat Martin.

    Nous aurions mis autant d'énergie et de vigueur dans les débats pour trouver de vraies solutions pour l'avancement des causes autochtones que nous en mettons à l'heure actuelle à combattre ce projet de loi. Ce n'est pas intéressant pour nous de travailler de façon négative et de dire que tel article ne vaut rien, qu'un autre ne vaut rien, d'essayer d'améliorer les choses et de vous voir rejeter les améliorations que nous proposons. Ce serait beaucoup plus constructif et on aurait d'ailleurs un meilleur moral, Pat Martin et moi--vous aussi d'ailleurs--, si on s'était assis ensemble et si on avait travaillé avec les premières nations autour d'une table afin de discuter de la façon de réaliser leur autonomie gouvernementale et de s'autogouverner.

    Ce sont eux, les autochtones, qui doivent s'autogouverner. Ils ont ce droit, qu'on appelle le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Ils ont des traités, des dizaines et des dizaines de traités, que nous avons signés avec les premières nations et qui remontent à plusieurs dizaines sinon à des centaines d'années et qui souvent n'ont pas été respectés, justement, par les premiers descendants des Européens et par leurs successeurs.

    On a maintenant une occasion idéale, avec toute la relance sur l'autonomie politique des premières nations, de relancer le débat sur des bases solides et correctes. Mais encore faut-il connaître ces bases-là. Moi, je suis encore estomaqué face au fait qu'on appelle au bureau du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et que même ses principaux conseillers ne connaissent pas l'existence des rapports qui ont modulé cette nouvelle vision que nous devrions avoir dans nos relations de partenariat d'égal à égal avec les nations autochtones. On ne connaît pas le rapport du Comité spécial sur l'autonomie politique des Indiens au Canada de 1983. On ne connaît pas non plus...

    Je vois quelqu'un du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien en arrière qui trouve ça drôle, mais c'est moins drôle...

Á  +-(1140)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Loubier.

    Mr. Martin.

[Traduction]

+-

    M. Pat Martin: Monsieur le président, je n'aurai pas assez de dix minutes pour faire les commentaires que j'aurais à faire sur l'amendement de M. Loubier. J'aimerais examiner plusieurs suggestions concernant la question du dépôt des règlements administratifs dans le recueil de la bande et dans le recueil national qui seront créés. C'est ce que nous examinons pour le moment.

    Je comprends le raisonnement de M. Loubier qui tente de gagner du temps pour faire en sorte que ce concept soit plus raisonnable. Le délai proposé dans le projet de loi C-7 est le suivant: «dans les six mois suivant l'entrée en vigueur» du projet de loi, la «bande dépose les règlements administratifs en question...», etc., dans le recueil de la bande et dans le recueil national créé aux termes de l'article 30.

    M. Loubier a fait allusion aux problèmes qu'auraient les bandes qui ne peuvent pas ou ne veulent pas respecter ces délais et il a exposé divers scénarios. Puisque le gouvernement n'a pas révélé la nature des sanctions qui seraient imposées aux bandes qui ne peuvent pas ou ne veulent pas respecter ces délais, il a mentionné que si vous n'arrivez même pas à dire quelles sanctions sont prévues, il n'est pas recommandé d'imposer la rigidité d'un délai de six mois. Il serait recommandé de le remplacer par un délai d'au moins deux ans, ce que M. Loubier a proposé dans son amendement, monsieur le président.

    Le secrétaire parlementaire me harcèle et, par conséquent, j'éprouve de la difficulté à de ne pas perdre le fil de mes idées. Je voudrais aborder des notions très complexes, monsieur le président. C'est précisément à ce niveau qu'intervient la comparaison avec le cheval de Troie, à savoir que ce projet de loi en apparence inoffensif aurait ou pourrait avoir en fait des répercussions très graves pour les bandes qui ne respectent pas ce délai de six mois. La proposition de M. Loubier de porter le délai à deux ans au minimum nous laisserait le temps d'examiner les conséquences.

    Nous avons demandé quelles sanctions seraient imposées aux bandes qui ne respecteraient pas le délai. On nous a déjà signalé que plusieurs Premières nations ne tiennent pas du tout à ce qu'on leur impose ces codes. On se heurtera à une certaine résistance. Je ne dis pas qu'il s'agira de désobéissance civile par un refus délibéré de déposer ces règlements administratifs dans un recueil national qui n'aura pas été créé par les bandes et qui ne les intéresse en aucune façon, mais je pense que le respect des dispositions de l'article 37 dans un délai de six mois pourrait poser des problèmes. Par conséquent, le délai de deux ans que propose M. Loubier paraît raisonnable.

    Je préférerais à vrai dire qu'aucun délai ne soit imposé et je suis même préoccupé par les possibilités d'accès à l'information que contiendra ce recueil national. À l'article 30, c'est-à-dire l'article concernant la création d'un recueil national contenant «les codes adoptés par la bande et les textes législatifs pris par le conseil en vertu de la présente loi, que le public peut consulter», certains problèmes de confidentialité et d'accès à l'information seront une fois de plus traités à la légère.

    Nous n'avons pas eu le temps d'examiner les conséquences des changements radicaux associés à ce projet de loi et nous n'en aurons plus le temps autour de cette table puisque je ne disposerai même plus d'assez de temps, du moins je le pense, pour exposer les préoccupations que nous avons associées à l'accès à l'information et qui sont mentionnées dans le rapport du groupe d'étude, celui que le gouvernement a créé précisément pour examiner la question de l'accès à l'information.

    Nous n'aurons certainement pas le temps d'examiner les sanctions qui seront imposées aux bandes qui ne respecteront pas ces dispositions de la loi. Chaque fois qu'on pose la question aux représentants du Ministère, il leur suffit de dire que la loi n'en fait pas mention. Si la loi ne fait pas mention des sanctions... C'est injuste d'imposer une loi à des personnes qui ne sont pas au courant des conséquences auxquelles elles s'exposent si elles ne la respectent pas. C'est pourquoi dans toute les lois pénales, les sanctions associées au non-respect ou à la violation de la loi sont toujours précisées.

    En l'occurrence, on ne peut que présumer—étant donné que ce projet de loi est associé étroitement à des manquements—qu'en l'absence de toute indication précise de la nature des sanctions, le ministre aura les pleins pouvoirs de décision en cas de non-respect des dispositions de la loi dans les délais prévus.

Á  +-(1145)  

    Nous savons que le ministre est tout puissant. Il peut imposer la gestion par un tiers, ce qui constitue en fait un cadeau pour ses petits amis, pour les cabinets d'experts comptables et autres amis du ministre, étant donné que les contrats de gestion par un tiers sont extrêmement lucratifs, et constituent des cadeaux de 30 000 $ par mois. C'est mieux que Groupaction. C'est mieux que d'être une des entreprises privilégiées impliquées dans le scandale des communications libérales. C'est plus lucratif que de faire partie de Communication Coffin et de Groupaction Communications, parce que cette gestion par un tiers est en fait un cadeau.

    Je crains que cet article n'aggrave davantage la situation et n'amplifie le scandale national que constitue la gestion par des tiers des réserves indiennes de notre pays. Quand on pense qu'un comptable du centre-ville de Kenora touche 30 000 $ par mois pour administrer une réserve d'une Première nation dans laquelle il n'a jamais mis les pieds; tout ça pour quelques transactions financières!

    On nous a signalé que l'administration financière associée à une petite réserve comme celle de Pikangikum, dans le nord de l'Ontario, dont la facture s'élève à 30 000 $ par mois, est comparable à l'administration financière d'un petit magasin de quartier ou d'une petite entreprise familiale. Cela se résume à peu près à faire un relevé du nombre de chèques encaissés et du nombre de chèques émis mensuellement.

    Je connais un avocat autochtone qui était gestionnaire pour plusieurs collectivités. Il facturait environ 1 500 $ par mois pour l'administration financière complète des collectivités concernées. C'est un avocat autochtone connu du Manitoba.

    Par conséquent, même si l'on se base sur les tarifs des avocats, on ne peut pas exiger plus de 1 500 $ à 2 000 $ par mois pour l'administration financière par un tiers alors que ces gens-là touchent 30 000 $ par mois parce que... parce que, nous le savons très bien, ils ont des relations. C'est parce qu'on fait partie d'une clique. C'est parce qu'on a des relations.

    C'est horrible. Nous sommes décidés à faire toute la lumière sur certains scandales. Dès que nous aurons fini de tenter d'empêcher l'adoption de ce projet de loi, nous réclamerons une enquête approfondie sur les scandales et sur les abus associés à la gestion par un tiers qui sera, à mon avis, la conséquence prévisible du non-respect des dispositions de cet article du projet de loi. C'est absolument atroce.

    Je propose sur-le-champ un amendement qui modifierait l'amendement à l'étude et qui remplacerait «Dans les deux ans suivant l'entrée en» par «Dans les dix années suivant l'entrée en».

Á  +-(1150)  

+-

    Le président: Monsieur Martin, vous avez la parole pour faire des commentaires sur votre sous-amendement...

+-

    M. Pat Martin: Monsieur le président, si je propose un délai aussi long en ce qui concerne cet article, c'est parce que...

    Il est vrai qu'un délai de 10 ans est court par rapport aux 130 années pendant lesquelles les Premières nations ont connu des souffrances et la persécution, sous le régime de la Loi sur les Indiens. J'ai soigneusement choisi ce délai. Je pense en effet qu'une période de 10 ans est le temps qu'il faudra pour renverser le gouvernement actuel et pour le remplacer par un gouvernement sensible aux problèmes des Premières nations et disposé à abroger la Loi sur la gouvernance des premières nations.

    Je laisse donc encore un mandat au gouvernement, parce qu'il sera difficile de le défaire aux prochaines élections. Ça fait donc quatre ans. Je prévois que, vers la fin de cette période de quatre ans, un nouveau gouvernement remplacera le gouvernement libéral. Au cours de son premier mandat, il abrogera la Loi sur la gouvernance des premières nations et, par conséquent, cet article ne présentera plus aucun intérêt.

    Comme le délai que je propose est de 10 ans, cette mission sera accomplie d'ici là et les Premières nations ne seront jamais obligées de se conformer à cet article.

    Voilà donc le raisonnement que je tiens. C'est une question de bon sens. Ce n'est pas aussi efficace que de mettre un terme immédiatement à cette folie, mais j'espère que d'ici 10 ans, le pays aura retrouvé la raison. J'espère que dans 10 ans, l'opinion publique forcera le gouvernement à abandonner une loi aussi grotesque que la Loi sur la gouvernance des premières nations.

    La plus grave erreur du gouvernement actuel est d'avoir mal interprété l'opinion publique en ce qui concerne les questions autochtones. Il s'appuie sur le tableau brossé par l'Alliance canadienne, s'attachant à décrire les Premières nations comme un milieu où règne la corruption ou l'incompétence. C'est l'opinion de l'Alliance canadienne...

+-

    Le président: Monsieur Martin, vous savez que les usages veulent que l'on évite d'attaquer les partis politiques représentés ici. Vous êtes au courant des usages, monsieur.

+-

    M. Pat Martin: C'est une remarque très pertinente, monsieur le président.

+-

    Le président: J'apprécie votre réaction. Je vous remercie.

+-

    M. Pat Martin: Les critiques que je ferai à l'endroit des Conservateurs seront plus modérées.

    Je pense que certains partis de l'opposition ont brossé un tableau bien plus sombre de l'incurie financière qui règne dans les communautés autochtones que ce n'est le cas en réalité et je pense que le gouvernement libéral a été influencé par leurs opinions.

    Je pense que celui-ci n'a pas évalué la situation avec précision ou qu'il n'a pas fait une interprétation sérieuse de la conception qu'ont la plupart des Canadiens de nos relations avec les Premières nations. La plupart des Canadiens baissent la tête de honte devant la situation socioéconomique des Premières nations et sont prêts ou disposés à accepter un remaniement en profondeur de la Loi sur les Indiens, et pas seulement de légères modifications.

    C'est ce qui me fait penser que le gouvernement a manqué le coche en ce qui concerne ce projet de loi. Je regretterai peut-être de ne pas avoir tenté de porter tous les délais prévus dans cette loi à 10, 20 ou 30 ans, pour donner au gouvernement le temps de prendre le pouls de l'opinion publique et d'évaluer l'attitude réelle de la plupart des Canadiens qui font en fait preuve d'une grande générosité en ce qui concerne le règlement final des revendications territoriales en instance, les négociations sur les traités et la mise en oeuvre des droits ancestraux ou des droits issus de traités.

    Les Canadiens en ont assez que les tribunaux doivent faire le travail qui aurait dû être accompli par le gouvernement. À titre d'exemple, je mentionnerai le cas de la bande des Six nations de la rivière Grand. En 1924, le gouvernement avait déclaré que la bande devrait tenir des élections sous le régime de la Loi sur les Indiens. Les membres de la bande avaient refusé. Ils avaient refusé de participer parce que, depuis 1793, ils étaient en relation avec le gouverneur Simcoe qui leur avait accordé un droit sur le territoire des Six nations de la rivière Grand. Par conséquent, ils étaient soumis au régime héréditaire ancestral. Ils avaient empêché l'accès à la salle du conseil au conseil élu sous le régime de la Loi sur les Indiens. Le gouvernement avait donc décidé de mettre un terme aux élections selon les coutumes ancestrales et avait décidé que la bande devait élire ses membres du conseil sous le régime de la Loi sur les Indiens. Le gouvernement avait décidé d'établir une bande, même si la communauté n'était pas structurée de cette façon parce qu'il estimait qu'elle devait être structurée comme une bande, sous la direction d'un chef et d'un conseil, conformément au régime de la Loi sur les Indiens. Par conséquent, il avait imposé des élections de force. Les membres de la Première nation qui étaient attachés aux coutumes ancestrales avaient alors interdit l'accès la salle du conseil aux nouveaux membres.

    Je pense que le délai de six mois prévu pour le dépôt dans les recueils est largement insuffisant. Il ne sera probablement pas respecté—et pas par désobéissance civile, mais pour diverses raisons qui empêcheraient un conseil de bande de se conformer à un délai aussi rigide ou le pousseraient à refuser de s'y conformer. J'admire M. Loubier pour la perspicacité dont il a fait preuve en prévoyant les difficultés associées à un délai aussi court mais je voudrais que ce délai soit porté à 10 ans.

    Dans 10 ans, cette pagaille aura probablement disparu d'elle-même. Nous en aurons terminé avec nos amendements d'ici là. Le gouvernement aura disparu—le gouvernement actuel et son approche insensée aux questions autochtones. Le pays sera dirigé par un autre premier ministre et un autre parti politique sera au pouvoir. Je pense qu'une des premières initiatives de ce gouvernement fraîchement élu sera de mettre un terme à cette tragédie sociale qui dure depuis 130 ans et qui est la pire honte nationale et met la plupart des Canadiens dans l'embarras, sur la scène intérieure comme sur la scène internationale.

    Je pense qu'un futur gouvernement prendra conscience du fait que, s'il ne règle pas les questions des Premières nations autochtones en s'appuyant sur des motifs moraux et éthiques, comme il se doit, il serait peut-être indiqué de le faire dans un intérêt personnel éclairé. Ils se rendront peut-être compte que le Canada n'a aucun intérêt à ce que se maintienne en permanence une classe marginale d'un million de citoyens vivant dans des conditions comparables à celles qui règnent dans le tiers monde, au lieu de jouer un rôle actif au sein de l'économie et de contribuer à la prospérité nationale. Il est possible que, dans une dizaine d'années, un nouveau gouvernement veuille régler ces questions.

    Même s'il est de prime abord inoffensif, cet article est étroitement lié à l'article 30. L'article 37 dit: «Dans les six mois après l'entrée en vigueur de l'article 30». Il est dès lors nécessaire de faire le rapprochement avec les dispositions de cet article.

    C'est à cause de tout ce jargon juridique que la plupart des citoyens ordinaires auraient de la difficulté à comprendre certaines de nos objections vigoureuses concernant des articles à première vue inoffensifs. On ne sais pas très bien pourquoi on remplacerait un délai de six mois par un délai de 10 ans avant d'avoir examiné ce qu'impliquent les dispositions de l'article 30, à savoir l'établissement d'un recueil national «que le public peut consulter», et même «durant les heures normales de bureau»... Nous avons tenté de modifier l'article 30 il y a deux semaines, si je ne me trompe. Nous avons tenté de le modifier considérablement afin de tenir compte des problèmes de protection des renseignements personnels et de la Loi sur l'accès à l'information.

    Monsieur le président, j'attire votre attention sur les exceptions à la Loi sur l'accès à l'information—et c'est précisément pour cette raison que j'aurais besoin et que j'aurais le désir de disposer de plus de temps. On a jugé bon de décréter que les documents concernant des affaires intergouvernementales sont exempts de l'application des règles concernant la divulgation. Je pourrais citer l'article 13 de la loi qui précise que «le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements obtenus à titre confidentiel... d'un gouvernement autochtone» à moins que celui-ci ne rende les renseignements publics ou ne consente à leur communication.

    Il semblerait que ce libellé soit spécifiquement choisi en fonction de l'article 13. L'information est actuellement protégée sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information, mais elle ne le sera pas sous le régime de ce projet de loi. Cela aurait dû être signalé comme une des conséquences du projet de loi C-7; si l'on voulait être honnête au sujet de l'impact du projet de loi C-7, nous aurions dû être avisés que...

  +-(1200)  

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Loubier.

    Vous avez mentionné que vous auriez besoin de plus de temps. Vous disposerez de 10 minutes supplémentaires pour faire vos derniers commentaires, et vous le savez.

    Monsieur Loubier.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.

    Je suis beaucoup moins pessimiste que mon collègue Martin, mais je vais quand même appuyer son sous-amendement visant à porter cela à 10 ans. Moi, j'aurais peut-être parlé de cinq ans, le temps de faire en sorte que la tendance qu'on a pu observer lors des élections dans le sud-ouest de l'Ontario, qui ont valu un siège supplémentaire aux conservateurs et qui a multiplié par deux le taux d'adhésion au Nouveau parti démocratique, puisse se confirmer lors d'une élection générale. J'aurais mis cinq ans.

    Lors des prochaines élections, c'est certain qu'au Québec, le Bloc va remporter plus de sièges qu'il n'en a à l'heure actuelle; c'est bien évident. Je souhaite au NPD d'en faire autant en Ontario et dans les Maritimes, particulièrement. Je vais acheter votre 10 ans, mais pas en vertu des mêmes analyses que vous. Je crois que dans cinq ans, même dans moins de cinq ans, les gens vont en avoir assez d'un gouvernement comme celui-là qui met le feu en espérant que ça passe parce que ces gens-là sont convaincus.

    Le gouvernement libéral est convaincu qu'il va pouvoir entrer le projet de loi C-7 dans la gorge des premières nations et qu'elles vont rentrer dans le rang, surtout avec des menaces comme on a pu en entendre ce matin quant aux possibilités qui pourraient s'offrir au gouvernement si les premières nations n'acceptaient pas de réaliser les termes de la Loi sur la gouvernance. On pourrait leur couper les vivres; ça m'est apparu assez clair. D'ailleurs, cette attitude suscite beaucoup de questions auprès du gouvernement, mais c'est une attitude que nous avons pu noter à partir de témoignages que nous avons eus. On a vu l'attitude du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, qui a érigé en une espèce d'institution le fait qu'on puisse intimider les premières nations lorsque celles-ci n'ont pas le goût de faire comme il l'entend lorsqu'il prétend avoir la bonne solution.

    Pat Martin avait raison plus tôt lorsqu'il parlait des cogestionnaires. D'ailleurs, on a commencé une petite recherche sur les cogestionnaires. On aura l'occasion d'y revenir à un moment donné, mais c'est assez intéressant de voir qui sont les cogestionnaires, qui ont des contrats assez mirobolants au niveau de la cogestion des réserves indiennes. C'est assez intéressant de voir qui donne ces contrats, qui les reçoit et quelles sont les relations entre ces cogestionnaires et le Parti libéral du Canada. On aura l'occasion de revenir là-dessus.

    D'ailleurs, Groupaction et tout cela, les commandites et les contrats de cogestion, ça ressemble un peu à ce qu'on a pu observer jusqu'à présent. L'octroi par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien de tels contrats de cogestion remet un peu en question l'éthique au niveau gouvernemental. Mais je crois qu'en temps et lieu, on aura l'occasion de s'adresser aux personnes les plus directement concernées.

    Cela dit, revenons au projet de loi C-7. Je pense qu' à l'instar de ce que mon collègue du NPD a dit tout à l'heure, les gens au Québec comme au Canada sont rendus beaucoup plus loin dans leur évaluation de ce que doivent être les relations entre les gouvernements et les premières nations. Seulement dans mon parti, il y a deux mois à peine, le congrès du Bloc réunissait au moins 500 mililtants habilités à voter. À part deux d'entre eux, donc la quasi-unanimité, tous ont voté en faveur de la poursuite des négociations entreprises par les gouvernements et la nation innue au Québec, négociations qui ont été présentées comme des négociations d'égal à égal entre nations, des négociations où le respect de la dignité et des droits fondamentaux des premières nations a été l'essence même de la négociation et où, en partant--et j'ai eu l'occasion de rencontrer à la fois le négociateur du gouvernement du Québec et celui des autochtones--, on s'est dit motivé par le fait qu'au cours des 20 dernières années, il y a eu des déblocages incroyables dans la compréhension de ce qui doit présider à nos relations entre les gouvernements et les premières nations.

    Les négociateurs me disaient qu'ils avaient pris acte du fait que, premièrement, les premières nations ont un droit à l'autonomie gouvernementale; c'est un droit inhérent, naturel et inaliénable. Ils étaient partis de ce premier paramètre pour commencer la négociation. Ça commence bien lorsqu'on dit au départ quels sont les droits. Eh bien, celui-là, c'est le droit inhérent, c'est celui duquel vont découler toutes les négociations et tout l'esprit aussi de cette négociation.

    Ensuite, on a examiné la question des traités ancestraux. Là aussi, il y a des traités à respecter et d'une génération à l'autre, il faut respecter les ententes et les traités qui ont été signés ou convenus sur une poignée de main dès l'arrivée des premiers bateaux européens.

  +-(1205)  

    Lorsqu'on parle du wampoum, ce n'est pas rien. Le wampoum, c'était justement ce qui concrétisait les ententes qu'il pouvait y avoir de façon usuelle entre les premiers Européens, qu'ils soient d'origine française ou britannique, et les premières nations. Donc, c'était un projet d'entente avec les Innus, projet d'entente d'égal à égal, avec un vrai gouvernement autochtone, un gouvernement qui se respecte, avec de vrais pouvoirs sur un territoire donné et sur un territoire plus large où des activités ancestrales se sont exercées, c'est-à-dire le Nitassinan. Pour en arriver à négocier ce projet d'entente avec les Innus, ils ont été motivés par ce nouveau regard que nous devons avoir dans nos relations avec les premières nations.

    La population est rendue beaucoup plus loin que ce projet colonialiste qu'on nous présente, le projet de loi C-7. Vous avez raison, monsieur Martin, de dire que la population veut qu'on règle les choses, et qu'on les règle de façon durable. Elle comprend que les premières nations sont des nations qui ont des droits qui ont été reconnus par de nombreux jugements de la Cour suprême. Ils sont même reconnus dans la Charte canadienne des droits et libertés et dans la Constitution canadienne. L'Organisation des Nations Unies n'a eu de cesse de répéter que le premier devoir des pays industrialisés était d'en arriver à des ententes respectueuses de ce que sont les premières nations et de ce à quoi elles aspirent comme nations.

    En ce qui concerne le projet de loi C-7, c'est certain qu'en ajoutant 10 ans à mon amendement, alors que le texte initial disait: «Dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de l'article 30, la bande dépose les règlements administratifs en question dans le recueil de la bande et dans le recueil national», ça pourrait améliorer les choses, mais ce n'est que cosmétique, ce n'est que pour tenter au moins d'étirer le temps de l'application de l'article 37 pour que les membres des premières nations n'aient pas à s'empêtrer avec des conditions complètement inutiles à l'avancement de leur cause. Fondamentalement, je pense qu'on doit convenir ensemble que même en ajoutant 10 ans, le fond de ce projet de loi est tellement vicié que le seul sort qu'on doit lui réserver, et je crois que le futur premier ministre du Canada, M. Paul Martin, l'a compris--ce n'est pas votre frère, en passant, Paul Martin, it's not your brother--, c'est le jeter à la poubelle, parce que ce n'est pas une base, et recommencer. Mais ce n'est pas tout à fait recommencer. On n'a pas à recommencer au complet, parce que le travail a été fait dans les années 1980 et dans les années 1990 aussi, avec deux rapports, le rapport du comité spécial et le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, le rapport Erasmus-Dussault.

    Je reviens à une situation dont je parlais tout à l'heure au sujet du rapport Erasmus-Dussault, dont on devrait s'inspirer fortement. Nous avons fait des appels au bureau du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je voyais un fonctionnaire, tout à l'heure, qui trouvait ça drôle, mais ce n'est pas tout à fait drôle. Nous avons appelé plus d'une fois, et on nous a rappelés. La première fois, nous appelions pour demander une copie du rapport Erasmus-Dussault. C'était au cabinet politique du ministre. Ils ne comprenaient pas ce que nous demandions. Alors, nous avons demandé le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, et ils ne comprenaient toujours pas. Là, c'est le supérieur qui a rappelé en demandant ce que nous voulions avoir au juste. Nous voulions avoir le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, le fameux rapport qu'on a mis cinq ans à rédiger. Ce rapport a coûté des millions et des millions.

  +-(1210)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Loubier.

    Mr. Martin.

[Traduction]

+-

    M. Pat Martin: Monsieur le président, je pense que le sous-amendement que je propose pour remplacer le libellé de l'amendement BQ-44 par «dans les 10 années suivant l'entrée en vigueur de l'article 30» est fondé, parce qu'il répond aux nombreuses préoccupations qui ont été exprimées dans les exposés faits par des personnes qui ont investi des efforts et des ressources considérables dans l'examen de ce projet de loi, pour coucher leurs opinions sur papier et faire un exposé au comité. Les principaux sujets de préoccupation mentionnés par ces personnes à propos du projet de loi sont précisément les problèmes examinés dans le contexte de cet article.

    Nous aurions tort de faire la sourde oreille. Nous aurions tort de ne pas tenir compte de quelques-unes des nombreuses opinions qui ont été portées à notre attention. Je rappelle à mes collègues qu'on nous avait précisément promis que le projet de loi nous serait renvoyé à l'étape de la première lecture pour nous permettre de voyager à travers le pays pour consulter la population et pour y apporter ensuite des modifications substantielles.

    Nous savons maintenant quelles sont les opinions des Canadiens et quels changements ils souhaitent et pourtant, le gouvernement fait la sourde oreille. Il s'accroche à la version originale du projet de loi qu'il a rédigée sans avoir consulté les Premières nations.

    Nous tentons maintenant d'apporter certains de ces changements. Nous tentons de présenter des amendements qui soient un reflet fidèle des opinions qui ont été exprimées. Je suis frustré et même déçu que le gouvernement n'ait pas tenu sa promesse, à savoir qu'il tiendrait compte des opinions exprimées et modifierait le projet de loi en conséquence. On est loin du compte.

    Ce qui nous préoccupe en ce qui concerne le dépôt des règlements administratifs et des codes dans le recueil de la bande et dans le recueil national dans un délai de six mois est que, chaque fois que l'on emploie certains termes dans un projet de loi ou dans un contrat, de quelque type que ce soit, l'inobservation des articles de ce projet de loi ou de cette loi ou des clauses du contrat a toujours des répercussions. Nous ignorons les conséquences de cette disposition. Nous ignorons quelles mesures seront prises si une bande est dans l'incapacité ou refuse de faire ce qui lui est ordonné par ce projet de loi dans un délai de six mois.

    Nous avons de très bonnes raisons d'imaginer les conséquences. On peut présumer que, compte tenu de la lourde menace économique qu'il fait peser sur la tête des Premières nations, le ministre les mettra sous tutelle à titre de mesure disciplinaire. C'est ce qu'on appelle la gestion par un tiers, qui est fondamentalement injuste, monsieur le président.

    Si les délais étaient prolongés de six mois à 10 ans, le ministre ne serait du moins pas en mesure de s'en servir comme prétexte pour mener une campagne de représailles afin d'imposer sa volonté aux Premières nations. À première vue, il semblerait qu'il s'agisse d'une infraction assez mineure mais, étant donné que les sanctions ne sont pas précisées dans le projet de loi—alors que toutes les autres questions sont décrites avec une grande précision—, le ministre pourrait avoir recours à la sanction capitale pour une infraction relativement mineure.

    La sanction capitale est la gestion par un tiers. Si la Première nation a des agissements qui indisposent le ministre et se met en infraction en regard de cette disposition relativement mineure, le gouvernement pourrait faire d'une pierre deux coups grâce à la sanction suprême que constitue la mise sous tutelle et la gestion par un tiers. Nous tentons donc de régler quelques problèmes par l'intermédiaire de cette modification apparemment inoffensive du délai.

    Nous avons toutefois tenté d'apporter des changements substantiels dans le cadre de l'examen de l'article 30 en proposant un certain nombre d'amendements concernant cet article et le concept de la création d'un recueil national, ainsi que la question de l'accès. Nous n'avons pas pu faire adopter nos amendements concernant l'article 30 et pourtant, nous aurions dû réussir parce que cette disposition est une des dispositions qui ne survivront pas aux contestations judiciaires.

    Le Groupe d'étude de l'accès à l'information créé par le gouvernement a pourtant mentionné les restrictions applicables à la divulgation d'information concernant les lieux sacrés ou de l'information dont la divulgation est restreinte par tradition. Il est possible que certains des règlements administratifs qui seront pris et qui devront être déposés dans le recueil national, qui pourra être consulté par toute personne qui en fait la demande, contiennent des renseignements sur des lieux sacrés dont la divulgation risque de poser des problèmes délicats sur le plan de la culture et des traditions.

  +-(1215)  

    La directive du gouvernement en ce qui concerne l'accès à l'information concernant les lieux sacrés est la suivante:

Certains régimes d'accès offrent une protection particulière à l'information dont la divulgation risque de porter atteinte aux sites ayant une valeur patrimoniale, ou de leur nuire. (29) Dans son rapport de 1998, la Law Reform Commission de l'Australie recommandait que des modifications soient apportées à l'Archives Act et à la Freedom of Information Act pour protéger l'information qui, suivant les traditions indigènes, est confidentielle ou assujettie à des restrictions particulières en matière de communication. L'Information Act proposée par le gouvernement du Territoire du Nord comprend également des exemptions relatives à l'information concernant un lieu sacré aborigène ou des traditions aborigènes.

    Aucune exemption semblable n'est envisagée dans ce cas-ci, monsieur le président—même si les règlements administratifs dont il est question à l'article 37 portent sur des lieux sacrés, sur l'histoire, la culture, les traditions, l'art ou la religion. Tous les règlements administratifs doivent être déposés dans ce recueil qui peut être accessible à quiconque en fait la demande.

    Les Autochtones ont des sociétés secrètes. Ils ont des sociétés des faux visages. Ils organisent des cérémonies du potlatch. Ils organisent des cérémonies de «suerie» auxquelles les Bancs ne sont pas invités à participer ou n'ont pas accès.

    Le secrétaire parlementaire trouve cela amusant. Ce n'est pourtant pas amusant pour certaines personnes. Si ce projet de loi avait été soumis à un examen dans le but de déterminer s'il ne portait pas atteinte à la religion, à la culture ou aux traditions, il n'aurait certainement jamais réussi l'épreuve. Aucun mécanisme de protection n'est prévu dans le contexte de l'obligation dans laquelle se trouve une bande de déposer les règlements administratifs en question dans le recueil de la bande et dans le recueil national.

    Quand on vérifie en quoi consiste ce recueil national, on constate que «le public peut (le) consulter durant les heures normales de bureau»—pas seulement les membres de la bande ou les Indiens, mais toute personne qui en fait la demande. Je pourrais aller sur place et demander la permission de consulter ces recueils. En fait, je pourrais même demander que l'on me fasse une photocopie de certains documents que je pourrais alors garder. On a même fixé le tarif pour les photocopies.

    Par conséquent, tous les aspects liés à ce recueil ont été prévus dans les moindres détails, sauf que l'on n'a pas tenu compte des dispositions de notre Loi sur l'accès à l'information et d'autres lois analogues qui prévoient des exemptions en ce qui concerne les traditions autochtones sacrées et l'information liée à des lieux sacrés:

Il semblerait qu'une exemption discrétionnaire visant l'information considérée sacrée, par tradition, ou assujettie à des restrictions en matière de communication serait conforme à l'honneur de l'État.

—et je rappelle qu'il s'agit d'un document publié par le gouvernement, donc qui ne vient pas de moi—

Les détails relatifs à une telle exemption devraient faire l'objet de consultations auprès des groupes autochtones.

    C'est le principe. Quelle bonne idée! Certaines personnes tiennent compte du fait que ce projet de loi aurait dû faire l'objet de négociations avec des groupes autochtones plutôt qu'il leur soit imposé par nous tous réunis autour de cette table, sans leur demander leur avis ou sans leur participation.

    Sous la rubrique «Résumé et conclusions», le Groupe d'étude de l'accès à l'information du gouvernement fédéral mentionne ce qui suit:

On peut faire appel à tout un éventail d'instruments législatifs et de politiques pour régler un certain nombre de préoccupations soulevées par les peuples autochtones au sujet de l'accès aux documents de l'administration fédérale.



Les préoccupations relatives au temps requis et aux coûts de l'accès à l'information en vertu de la Loi peuvent se régler en mettant en place ou en élargissant des procédures simplifiées.



Les préoccupations relatives à la communication de renseignements aux requérants autochtones peuvent se régler en grande partie en établissant un programme d'éducation à l'intention des personnes qui mettent la Loi en application, pour s'assurer qu'ils comprennent les droits spéciaux des peuples autochtones et les circonstances où il peut exister un rapport fiduciaire. Une telle formation devrait permettre de garantir que les exemptions discrétionnaires prévues dans la Loi sont mises en oeuvre d'une manière qui respecte les droits spéciaux des peuples autochtones.

  +-(1220)  

    Comme c'est bien dit! Le projet de loi C-7 n'est pas du tout conforme à ces principes parce qu'on n'a pas prévu d'exemptions en ce qui concerne ce recueil national. Aucune disposition ne permet à une bande de déposer de l'information dans le recueil national en précisant toutefois qu'elle ne tient pas à ce qu'elle soit divulguée parce qu'elle concerne des lieux sacrés.

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Martin.

    Nous procédons à un vote par appel nominal sur le sous-amendement 1 à l'amendement BQ-44, à la page 219.

    (L'amendement est rejeté par 7 voix contre 2)

+-

    Le président: Monsieur Godfrey, au sujet de l'amendement.

+-

    M. John Godfrey: J'avoue qu'après avoir entendu tout cela, j'ai les idées embrouillées.

    Je voudrais que les représentants du Ministère expliquent s'il s'agit uniquement des règlements administratifs existants d'une bande. Est-ce bien ce qui est visé? S'il s'agit des règlements administratifs existants, pourquoi un délai de six mois est-il nécessaire pour les photocopier et les faire inscrire dans un recueil national?

+-

    M. Paul Salembier (avocat-conseil, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Il s'agit bien des règlements administratifs existants. C'est donc une disposition strictement administrative qui exige que l'on fasse une copie des règlements et qu'ils soient déposés dans ce délai. Je ne pense pas qu'une loi ou un règlement puisse contenir de l'information qui ne puisse être divulguée en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, étant donné que les lois et les règlements ne sont pas secrets dans notre pays. Aucun gouvernement ne peut prendre une loi ou un règlement secret et refuser de les rendre publics.

+-

    M. John Godfrey: Est-il possible que des règlements administratifs d'un gouvernement de bande autochtone ou d'un autre gouvernement soient assimilables à un lieu sacré?

+-

    M. Paul Salembier: Nous ne prévoyons pas cette possibilité.

    Allez-y.

+-

    M. Warren Johnson: Il faut être prudent. Aux termes du projet de loi C-7, les Premières nations ont le contrôle sur l'accès à l'information qui relève d'elles. C'est indiqué à l'alinéa 6(4)c)—elles ont déjà ce pouvoir. Elles peuvent en outre prendre des textes législatifs concernant la préservation de la culture et de la langue (alinéa 17(1)c)). Les Premières nations ont déjà le pouvoir de défendre et de promouvoir leur culture et leur langue dans le contexte de la mise en oeuvre du projet de loi C-7 ou de prendre des règlements dans d'autres domaines, comme la protection des lieux sacrés. Elles ont déjà ce pouvoir.

    Comme l'a mentionné mon collègue, on a de la difficulté à imaginer les raisons pour lesquelles une bande voudrait passer un règlement administratif concernant un lieu sacré et en restreindre l'accès aux membres de la bande ou à quelques-uns d'entre eux, en refusant d'en divulguer le contenu à toute autre personne. Ce serait difficile à mettre en application.

    Je voudrais répondre à la deuxième partie de la question, parce qu'il s'agit finalement de la question de l'exécution de la loi. Aucune sanction n'est associée au projet de loi C-7. Les conséquences de l'inobservation de cette disposition ou de toute autre disposition par les Premières nations seraient qu'elles devraient renoncer aux avantages de la disposition en question. J'insiste sur le fait que le ministre n'aura pas le pouvoir discrétionnaire d'intervenir, sauf dans de très rares circonstances que vous avez déjà examinées, celles qui sont mentionnées au paragraphe 10(3) du projet de loi.

    Un trait important du projet de loi C-7 est le renforcement des dispositions concernant l'application des règlements administratifs d'une bande. Il s'agit d'un problème universellement reconnu. Le projet de loi C-7 intervient dans trois secteurs clés. D'abord, les amendes et peines associées à l'application des règlements administratifs d'une bande sont beaucoup plus sévères qu'avant; elles sont alignées sur les normes en vigueur en ce qui concerne les autres gouvernements, ce qui rend leur application beaucoup plus efficace pour les cours et le système judiciaire.

    Ensuite, les dispositions de l'article 30 concernant l'inscription et la publication des textes législatifs qui sont associés à l'admission d'office renforcent suffisamment le statut des textes législatifs des Premières nations devant la cour, parce que ces dispositions sont comparables à celles concernant tous les autres gouvernement. Le délai qui s'écoule entre l'entrée en vigueur d'un texte réglementaire d'une Première nation et son inscription devrait toutefois être le plus court possible parce que les dispositions du projet de loi concernant l'inscription au recueil et la publication, lorsqu'elles sont inscrites publiquement, règlent la question de l'admission d'office. Entre-temps, la cour chargerait la Première nation concernée de prouver qu'elle a porté le texte réglementaire à l'attention de l'accusé mais celle-ci serait libérée de cette obligation dès qu'elle aurait déposé ses textes réglementaires et les publie. C'est un avantage important pour les Premières nations.

    Il ne s'agit pas en l'occurrence d'accorder des pouvoirs supplémentaires en matière de réglementation. Il s'agit de renforcer l'application des textes réglementaires existants pris sous le régime de la Loi sur les Indiens. Il s'agit tout simplement de les photocopier, de les placer dans un classeur dans le bureau de la bande pour le recueil de la bande et de les envoyer au recueil national. On pense que cela pourrait se faire dans un délai assez court et le comité peut examiner l'opportunité de raccourcir ou de prolonger ce délai. Il s'agit toutefois simplement de photocopier les textes réglementaires existants que la Première nation désire faire entrer en vigueur pour bénéficier des dispositions plus efficaces du projet de loi C-7 en matière d'application, et d'en envoyer une copie au recueil national.

  +-(1225)  

+-

    M. John Godfrey: L'adoption de l'amendement qui porterait le délai à deux ans, ou du sous-amendement qui le porterait à dix années, aurait nui à l'autonomie de la bande parce qu'elle ne serait pas en mesure de faire appliquer ses propres règlements administratifs avant qu'ils... Ils sont admis d'office dès qu'ils sont déposés au recueil. Les deux amendements réduisent en fait le pouvoir des bandes de passer et de faire appliquer leurs règlements administratifs, alors que c'est un des objectifs de la présente loi.

+-

    M. Warren Johnson: Je précise que les bandes conserveraient ce pouvoir mais qu'elles n'auraient pas droit avant deux ans à l'admission d'office au recueil national, dans le contexte des dispositions concernant la publication que le comité a déjà examinées.

+-

    M. John Godfrey: L'adoption de cet amendement aurait donc pour effet de retarder de deux ans le transfert d'une autonomie accrue aux bandes indiennes.

+-

    M. Warren Johnson: Oui.

+-

    Le président: Monsieur Loubier.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je n'ai pas fini de digérer les questions et les réponses de M. Godfrey et de M. Johnson. Je trouve assez incroyable qu'ils puissent dire de telles choses. Nous avons devant nous un projet de loi dont personne ne veut. Il n'y a absolument personne parmi les principaux intéressés par l'application du projet de loi C-7 qui veut de ce projet de loi. On voudrait que les premières nations respectent les échéanciers prévus par ce projet de loi même s'ils n'en veulent pas et même si le projet de loi les écoeure fondamentalement.

    On prétend que si on allongeait les délais, cela priverait les membres des premières nations des avantages du projet de loi, que cela les priverait de l'augmentation des pouvoirs prévus par le projet de loi. Il faut être très effronté pour dire de telles choses. Tout le monde dit qu'il n'y a pas d'avantages à ce fichu projet de loi. Personne ne veut de ce maudit projet de loi et personne n'y voit d'avantages ni d'augmentation de pouvoirs.

    De l'avis même de l'Association du Barreau canadien et du Barreau du Québec, vous êtes en train, avec ce projet de loi, de priver les premières nations de véritables droits fondamentaux, et on ose nous dire, au moyen d'une mascarade de questions et réponses en cascade, que si on n'applique pas rapidement les mesures prévues selon l'échéancier contenu dans le projet de loi, les premières nations seront privées des avantages de la loi. Mais de quels avantages parle-t-on? Depuis le début de l'analyse de ce projet de loi, nous vous demandons quels sont ces avantages et vous nous répondez par des maudites futilités ou le ministre prétend que le projet de loi va remplacer la Loi sur les Indiens. Mon oeil! Personne d'autre que lui ne dit une chose pareille. Aucun analyste sérieux de ce projet de loi ne prétend que c'est ainsi; au contraire, ils disent tous qu'il y aura chevauchement des deux lois. En plus, cela va compliquer les choses parce que plusieurs des articles du projet de loi vont à l'encontre de la Charte des droits et libertés et de la Constitution même du Canada. Alors, qui sera privé des avantages de la loi proposée? Cela priverait d'avantages certains les juristes et les avocats qui vont travailler à recueillir des preuves contre le gouvernement fédéral lors des différentes causes qui vont s'ajouter à celles qui existent déjà. Ceux qui seraient privés d'avantages seraient les avocats.

    Vu le nombre de poursuites qui seront intentées contre le gouvernement fédéral suite à l'adoption de ce projet de loi, il y aura une ou deux catégories de gens qui vont profiter de la nouvelle situation. Il y aura d'abord les avocats, qui vont s'enrichir grâce aux poursuites incroyables qui ne manqueront pas d'être intentées, de l'avis même du Barreau du Québec et de l'Association du Barreau canadien. Il y aura ensuite peut-être les cogestionnaires, qui seront obligés de travailler encore plus parce qu'il y aura un fouillis monumental lors de l'application de ce projet de loi.

    Je trouve très frustrant qu'on présente les choses comme cela et surtout qu'on parle de désobéissance civile. Pour qu'il y ait désobéissance civile, il faut que des sanctions soient appliquées. Il ne s'agit pas de désobéissance civile lorsque les gens ne respectent pas les lois parce qu'ils n'en veulent pas et qu'ils se sentent lésés. S'il s'agissait de désobéissance civile, il y aurait des peines prévues pour ces gestes.

    Mais je crois qu'il s'agit plutôt d'un essai. On tente d'imposer aux premières nations un projet de loi dont elles ne veulent pas, on essaie de faire miroiter toutes sortes d'avantages qui n'existent pas, on inscrit dans le préambule la reconnaissance de plusieurs droits qu'on ne retrouve pas dans le coeur de la loi, à part quelques légères références à une éventuelle réalisation de l'autonomie gouvernementale. Mon oeil! Ce projet de loi ne pave pas la voie à l'autonomie gouvernementale, mais plutôt à une confrontation avec les premières nations. La population s'émeut lorsqu'elle voit qu'on bloque un chemin forestier dans la réserve de Manouane ou le pont Mercier dans la région de Montréal.

    Je peux vous dire que le blocus du petit pont Mercier ou de la petite route de Manouane sembleront peu importants en comparaison de ce qu'on verra si on impose ce projet de loi aux premières nations, avec tous ses libellés, y compris l'article 37. J'ai entendu quelqu'un dire de façon tout à fait irresponsable qu'ils ne pourraient bénéficier de tous les avantages ou ne recevraient pas toutes les subventions prévues pour l'éducation, l'assainissement des eaux et d'autres besoins fondamentaux comme les besoins en santé par exemple. Il faut faire attention de ne pas écoeurer les gens impunément. Les gens sont capables d'endurer beaucoup de choses, mais jusqu'à un certain point. C'est pareil pour les peuples. Ils peuvent endurer des choses jusqu'à un certain point. Jusqu'à présent, les premières nations ont été très patientes. Considérant tous les espoirs qui se sont brisés sur un rocher au cours des dernières années, je les trouve bien patients et bien sereins. On leur a fait miroiter beaucoup de choses, surtout après les nombreux travaux de la Commission royale sur les peuples autochtones. Ces travaux élargissaient leur horizon de façon assez incroyable. On utilisait l'image d'un chantier qui s'étalerait sur une période de 20 ans où on pourrait reconstruire certaines nations, où les premières nations pourraient se reprendre en main, négocier de façon accélérée tous les projets d'autonomie gouvernementale, faire en sorte qu'on redéfinisse une relation d'égal à égal entre les peuples autochtones et nous, qu'elles puissent retrouver leur dignité et qu'on puisse panser la blessure des 130 années d'application de la Loi sur les Indiens.

  +-(1230)  

    Or, on se retrouve avec des stupidités analytiques comme celles-là. Je n'en reviens pas. Cela fait 104 ou 106 heures qu'on discute du projet de loi. Depuis le début, personne n'a été capable de nous prouver que ce projet de loi améliorait la situation des premières nations.

    S'il améliorait autant la situation des premières nations, ne croyez-vous pas que les premières nations seraient d'accord sur le projet de loi? Est-ce que les gens des premières nations font exprès pour s'opposer à un projet de loi qui devrait améliorer leur sort et favoriser l'éclosion de l'autonomie gouvernementale comme par magie? Pensez-y donc deux minutes avant de dire des stupidités comme celles-là, de dire que les premières nations se battent contre un projet de loi qui va leur apporter des avantages incroyables et des dispositions qui priveraient les premières nations qui veulent profiter du renforcement de leurs pouvoirs.

    Là encore, non seulement les premières nations, mais même les représentants qu'on a eus devant nous, les juristes qui travaillent sur cette question-là depuis longtemps, nous ont dit que le projet de loi affaiblit justement le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et fait en sorte qu'on biaise de façon éhontée la négociation qu'on devrait avoir avec les premières nations. On en est rendu à municipaliser les premières nations alors qu'on devrait parler d'un troisième ordre de gouvernement, d'un gouvernement autonome reconnu comme tel même par l'Organisation des Nations Unies.

    Monsieur le président, je continue à croire que ce projet de loi est voué à mourir. Un de vos anciens collègues, M. Warren Allmand, a répété à qui mieux mieux depuis un mois que ce projet de loi est voué à l'échec parce qu'il n'a pas l'assentiment des principaux intéressés. Je commence à le croire, à moins qu'on soit à ce point aveuglé et que le premier ministre sortant soit à ce point orgueilleux, mais tellement orgueilleux qu'il veuille laisser un héritage, qu'il veuille laisser sa marque. Il y a deux ans, c'était avec les bourses du millénaire et maintenant, c'est avec la nouvelle loi sur les peuples autochtones.

    À moins qu'il soit à ce point bouché, qu'il veuille qu'on sache que cette nouvelle loi qui doit relancer les relations entre les peuples autochtones et le gouvernement fédéral doit être adoptée à tout prix parce que pour lui, c'est la reproduction de son Livre blanc de 1969. À moins d'être bouché comme ça, de penser qu'on détient tellement la vérité et d'être arrogant, mais d'une arrogance terrible, parce qu'on sait que peut-être qu'au cours de la prochaine élection, le gouvernement libéral va être encore en place... S'il vous plaît, arrêtez d'être arrogant comme ça avec des peuples.

    À un moment donné, les gens sont écoeurés de se faire taper sur la tête. C'est la même chose pour les peuples aussi. Je pense qu'on dépasse les bornes à l'heure actuelle avec le projet de loi C-7 et en disant toutes sortes de sornettes, en disant qu'il n'y a que les chefs de l'Assemblée des Premières Nations qui s'opposent à ce projet de loi.

    Quand on est allés à Kenora. Il n'y avait pas 8 000 chefs des premières nations; il n'y en a pas 8 000 chefs des premières nations. Il ne faut pas devenir fou avec cela! Il y avait des gens du peuple qui étaient là et des gens qui comprenaient pourquoi ils s'opposaient au projet de loi C-7, des gens qui auraient pu vous donner plusieurs leçons de démocratie, plusieurs leçons aussi de respect des droits fondamentaux. Il n'y avait pas que Matthew Coon Come qui était là; il y avait des gens du peuple, il y avait des représentants des premières nations.

  +-(1235)  

[Traduction]

    Le président: Je vous remercie, monsieur Loubier.

    Nous procédons à un vote par appel nominal sur l'amendement BQ-44, page 219.

    (L'amendement est rejeté par 7 voix contre 2)

    Le président: Nous passons à l'amendement BQ-45, à la page 220. Monsieur Loubier.

[Français]

     M. Yvan Loubier: Monsieur le président, par mon amendement, je propose d'éliminer la référence au recueil national parce que, d'une part, on n'en voit pas l'utilité. Si le conseil de bande qui prend des textes législatifs ou administratifs n'éprouve pas le besoin de déposer ces textes dans le recueil national, cela ne veut pas dire qu'il manque de transparence, cela veut dire qu'il prend la décision, comme conseil de bande autonome, comme troisième ordre de gouvernement, de ne pas déposer ces textes dans le recueil national. Cela devient quelque chose de fondamental lorsqu'on tient compte du fait que les premières nations sont de véritables nations au sens de l'Organisation des Nations Unies et qu'elles ont le droit de se doter de gouvernements choisis à partir des méthodes traditionnelles ou autres dont elles peuvent décider d'adopter pour le choix de leurs gouvernants, que les premières nations peuvent décider elles-mêmes des discussions qu'elles peuvent avoir, à partir de leurs gouvernements, avec d'autres gouvernements à travers le monde, qu'elles ont le choix--et la question de choix est très importante à cet égard--de se gouverner comme elles l'entendent et de déposer ou non dans un recueil national les textes législatifs ou les règlements administratifs pris par la bande et dont on requiert, dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de l'article 30, qu'ils soient déposés dans un recueil national.

    Le même problème était présent lorsque nous avons discuté un peu plus tôt de la Loi sur l'accès à l'information. Il y avait M. Vellacott qui suggérait un amendement visant à appliquer la Loi sur l'accès à l'information à tous les textes produits par la bande. Ça, c'est une chose qui dépasse nos affaires, une chose qui ferait dire à des observateurs avertis qu'on ne se mêle pas de nos affaires lorsqu'on exige cela des conseils de bande, que ces derniers sont libres de faire ce qu'ils veulent dans la limite de la loi, mais pas dans la limite de ce que nous leur imposons comme encadrement administratif dans l'exercice de pouvoirs qui n'en sont pas à partir du projet de loi C-7. Cela va aussi dans l'esprit du discours que nous tenons depuis la première des 106 heures d'étude du projet de loi C-7: ou bien on reconnaît que les premières nations sont de véritables nations au sens de l'Organisation des Nations Unies, ou bien on ne les reconnaît pas. Et si on les reconnaît, on ne peut pas les reconnaître au dixième, au quart ou à moitié; on doit les reconnaître à 100 p. 100. Et si on les reconnaît à 100 p. 100, cela change toute la dynamique de négociation et de discussion entre le gouvernement fédéral et les premières nations, esprit qui devrait nous animer, mais dont on ne retrouve aucune trace dans la rédaction ni dans tout le contexte de présentation du projet de loi C-7.

    Après 106 heures--j'aimerais qu'on me donne le nombre exact d'heures consacrées à l'étude du projet de loi--, je ne peux pas croire qu'on en soit encore à discuter du fait que les nations autochtones sont des nations au même titre que n'importe quelle nation et qu'elles doivent être respectées. Le fait de leur demander--cela a l'air anodin--de faire des photocopies et de les déposer dans un recueil national, cela n'a rien de banal ni d'anodin. Cela traduit en quelque sorte cet esprit colonialiste qui nous fait demander aux premières nations de faire ceci, de faire cela, de les encadrer de cette façon, de leur dire que dans un délai de six mois, elles doivent faire cela et que si elles ne le font pas... C'est une espèce d'approche punitive comme on pouvait en avoir avec des enfants il y a quelques générations quand on leur disait de faire quelque chose sans leur donner d'explication et qu'on les menaçait d'une tape sur la main s'ils ne le faisaient pas. C'est un peu comme ça que j'entrevois toute l'écriture du projet de loi, les textes comme celui du paragraphe 2 de l'article 37 où on dit:

(2) Dans les six mois suivant l'entrée en vigueur [...] la bande dépose [...] dans le recueil national.

    Il me semble que c'est saccadé, c'est guerrier, c'est d'imposer, c'est colonialiste, c'est complètement à l'encontre de ce que nous devons avoir comme approche avec les premières nations.

    On nous préparait à autre chose que ça. J'ai été étonné lorsque j'ai vu le projet de loi C-7, parce que j'ai commencé mon incursion du monde autochtone l'été dernier lors du projet d'entente avec quatre des communautés innues du Québec. Je voyais de quelle façon c'était fait, vraiment d'égal à égal et dans le cadre de discussions sans prétention, mais de discussions qui respectaient la dignité de chacune des parties et surtout où on avait ce souci de reconnaissance du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.

    En voyant ce que le gouvernement fédéral a fait avec les Nisga'as, en comparant le cheminement fait avec ces derniers et le cheminement proposé dans le projet de loi C-7, c'est comme si on était sur une autre planète que celle où on est à l'heure actuelle, en train d'analyser le projet de loi depuis maintenant 106 heures. C'est comme s'il y avait deux mondes: le monde moderne, reflété par Nisga'as, et le monde ancien, reflété par le projet de loi C-7 et qui se raccroche au Livre blanc de 1969 de M. Chrétien. C'est comme si M. Chrétien disait: «On a essayé, en 1969, de vous imposer une municipalisation des pouvoirs autochtones, de se départir du pouvoir fiduciaire et de vous faire avaler n'importe quoi, et vous avez refusé, vous m'avez même contesté, moi, comme ministre des Affaires indiennes en 1969, et je ne l'ai pas pris. Maintenant, en 2003, je vais me rattraper et avant de partir pour la retraite, je vais vous imposer ce que je voulais vous imposer en 1969.» Mais il s'est passé plusieurs années entre 1969 et 2003. Les choses ont changé, et ce qu'on voit comme traduction de l'esprit actuel qui doit nous motiver dans nos relations avec les premières nations, ce qu'on voit dans le texte, ce n'est vraiment pas ça. C'est complètement différent, c'est d'un autre âge, d'un autre monde. C'est bourré de références colonialistes et tout à fait rétrogrades. Ça n'a pas de sens de faire les choses de la façon dont on le fait. D'ailleurs, les nombreux témoins que nous avons consultés, les mémoires qui ont été présentés sont clairs à cet égard.

    Faisons une espèce de bilan. La plupart nous disaient que le texte présentait des problèmes au niveau de l'interprétation juridique, qu'il pouvait y avoir des interprétations juridiques très conflictuelles entre le projet de loi C-7, la Loi sur les Indiens, la Charte canadienne des droits et libertés et même la Constitution. Le Barreau du Québec est même allé plus loin, il a ajouté aussi certains niveaux de réglementation fédérale, en particulier la réglementation touchant la Loi sur le travail, premièrement.

    Deuxièmement, on nous a dit que contrairement à l'esprit qui avait animé Érasmus-Dussault, on n'était pas dans la mouvance du respect mutuel et du fait de la reconnaissance de nation à nation et du partenariat. Ça, ça existe dans les discours. Les discours politiques paraissent bien, mais dans les faits, en regard du projet de loi C-7, on ne retrouve pas cet esprit, même pas dans l'écriture ou le contenu. On ne retrouve pas cette préoccupation de dresser un vaste chantier comme la Commission Érasmus-Dussault nous invitait à le faire. Ça, c'est la deuxième constatation faite par à peu près tout le monde, même par ceux et celles qui ne sont pas directement concernés, c'est-à-dire qui ne sont pas des membres des premières nations. On nous a mis en garde face à ces choses-là.

    Troisièmement, la clause de non-dérogation est un problème qui demeure entier. Plusieurs l'ont énoncé...

  +-(1245)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Loubier.

    Mr. Hubbard.

[Traduction]

+-

    M. Charles Hubbard: Je vous remercie, monsieur le président.

    Je mets en doute l'honnêteté des motifs de certains d'entre nous parce que je pense qu'au cours de la discussion sur l'amendement précédent, on a expliqué clairement qu'il était important de faire inscrire les règlements administratifs des bandes dans un recueil. J'ai pu constater moi-même au cours des contacts que j'ai eus avec des chefs et des conseils de bandes, et je le sais d'après les problèmes qu'ils ont à mettre ces règlements en application, que c'est un très gros problème dans la plupart des cas.

    Nous pourrions probablement demander à nos experts d'expliquer une deuxième fois pourquoi il est important que les règlements administratifs d'une bande soient inscrits. Monsieur Salembier, vous pourriez peut-être nous l'expliquer à nouveau.

    Monsieur le président, notre but est de renvoyer un projet de loi de très haute qualité à la Chambre, d'éviter de rendre la situation plus difficile pour les chefs et les conseils de bande après l'adoption du projet de loi, sinon il sera nécessaire de le modifier à nouveau à la Chambre pour qu'il obtienne leur approbation. Je me demande une fois de plus pourquoi nous consacrons tout ce temps-là à un amendement qui aura des conséquences néfastes pour les peuples des Premières nations canadiennes.

    Monsieur Salembier, vous pourriez peut-être expliquer pourquoi ce recueil national est important, comment fonctionne le système des règlements administratifs et les raisons pour lesquelles les chefs et les conseils de bande tiennent à ce que les habitants des collectivités des Premières nations soient au courant des règlements qui sont en place et soient conscients de leur importance.

  +-(1250)  

+-

    M. Paul Salembier: Le dépôt dans un recueil national a pour but de faciliter l'applicabilité des règlements administratifs des bandes. La reconnaissance officielle d'un règlement administratif d'une bande par une cour qui n'y a pas librement accès, puisqu'il n'a pas été publié, pose des problèmes. Sans l'aide d'un recueil national et la publication des règlements administratifs, il y aurait un danger qu'une cour exige que les Premières nations publient tous leurs règlements administratifs pour qu'ils soient applicables.

    Il ne faut pas oublier que l'application de ces règlements est assurée par une cour qui n'est pas située dans la réserve. Il pourrait s'agir par exemple d'une Première nation de l'Alberta qui voudrait faire appliquer ses règlements par le biais d'une cour de Calgary. La cour n'aurait pas aisément accès aux règlements administratifs déposés dans le recueil de la bande et devrait donc exiger que la bande établisse la preuve de son existence avant de tenter de le mettre en application. Par conséquent, la création d'un recueil national a pour but d'aider les bandes à faire appliquer leurs règlements administratifs en cour.

+-

    M. Charles Hubbard: Monsieur le président, après ces explications, je me demande bien pourquoi le député présente cet amendement qui compliquerait la tâche des peuples des Premières nations. Je n'arrive pas à comprendre son raisonnement. Il pourrait donc peut-être nous l'expliquer dans ses observations finales.

+-

    Le président: Monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin: Je vous remercie, monsieur le président.

    Je voudrais avoir l'occasion de parler de l'amendement de M. Loubier. Ce n'est pas un sous-amendement que nous examinons. M. Hubbard a parlé de sous-amendement, mais c'est l'amendement que nous examinons. Est-ce bien cela? Nous examinons un amendement concernant cet article.

    Je pense que M. Hubbard omet de tenir compte du fait qu'on a manifesté de la résistance et de l'opposition...

+-

    Le président: Monsieur Martin, veuillez dire «le député d'en face». Je vous remercie.

+-

    M. Pat Martin: Je suis désolé, il est entendu que nous ne désignons personne par son nom.

    À en juger d'après leurs commentaires, certains députés d'en face, notamment le secrétaire parlementaire, n'apprécient pas l'opposition au principe de la création d'un recueil national et à l'obligation de déposer des documents dans ce recueil; ils ne sont en outre pas conscients de l'opposition que suscitent la question ou les dispositions concernant l'administration, le contrôle et l'accès à ce recueil national. Le concept même a suscité une vive opposition.

    Par conséquent, je présume que le fait que mon collègue bloquiste cherche à faire biffer toute référence à l'instauration d'un recueil national aux termes de l'article 30—et je ne peux pas parler en son nom, mais il pourra donner des précisions à ce sujet dans ses observations finales—signifie que l'on ne s'oppose pas à ce que la bande dépose les règlements administratifs visés par le paragraphe (1) dans le recueil de la bande pour que les membres de la bande y aient accès et puissent les examiner ou en prendre connaissance, mais on s'oppose vivement à ce que l'on aille plus loin que cela. Ce recueil national n'a pas été réclamé par les Premières nations et elles n'ont pas été consultées à ce sujet. La question n'a jamais été abordée avec elles. C'est un produit de l'imagination d'un fonctionnaire fédéral qui voulait imposer cela aux Premières nations. Elles s'y opposent.

    En outre, le principe selon lequel un règlement administratif n'a réellement d'importance qu'à partir du moment où il bénéficie de cette reconnaissance, fait fi de la tradition et de la culture des collectivités des Premières nations dans lesquelles jusqu'à il y a quelques années, la plupart des règlements étaient en fait transmis par la voie orale. Le fait qu'un règlement administratif ne soit pas inscrit au recueil national ne diminue pas ou n'augmente pas sa validité dans une collectivité des Premières nations. C'est de l'arrogance de présumer qu'il n'est valide qu'à partir du moment où il est inscrit conformément à notre conception eurocentrique, catalogué et dûment déposé dans un recueil national. C'est cette mentalité qui empoisonne les négociations entre les Premières nations et les Européens depuis le début du processus d'élaboration des traités.

    J'ai lu un article intéressant dans La revue du Barreau canadien, écrit par le professeur Slattery. Il y mentionne que parfois, au cours processus d'élaboration d'un traité, les parties anglaises rédigeaient certaines des conditions dans un document écrit concis qu'on demandait parfois aux parties indiennes de signer. Ce type de document a parfois été considéré comme le traité, mais c'était une erreur. Cette conclusion est généralement non fondée. Dans la plupart des cas, le traité était l'accord oral et le document écrit n'était qu'un extrait en quelque sorte de cet accord, comparable à la ceinture wampum à deux rangs et aux ceintures utilisées par diverses parties indiennes dans les Prairies. La plupart de ces documents se sont avérés être des guides non fiables en ce qui concerne les traités oraux. Par conséquent, c'est une naïveté, un malentendu et une erreur d'interprétation qui empoisonnent nos relations depuis toujours et continuent de les empoissonner.

    Les traités écrits ne font généralement mention que des questions qui intéressaient en particulier les parties anglaises et omettaient certaines questions importantes pour les parties indiennes. L'argument présenté depuis des temps immémoriaux par les Premières nations est que ce document n'est pas une réplique fidèle de l'accord. Les Premières nations pensaient parfois signer un document qui n'était qu'une attestation de l'accord qui avait été passé et ne représentait pas l'accord proprement dit. Par conséquent, le traité proprement dit n'était pas une liste définitive et absolue de ce qui avait été convenu. Ce document attestait qu'à telle date et à tel endroit, les deux parties avaient passé un traité. Le professeur Slattery mentionne également que mêmes les conditions inscrites ne représentent peut-être pas une image précise ou équilibrée de l'accord oral proprement dit.

    Les documents écrits ont souvent été traduits à l'intention des parties indiennes de façon à laisser de nombreuses possibilités d'erreur d'interprétation et d'obscurcissement. C'est, comme nous pouvons le constater, une façon de procéder que le gouvernement continue d'affectionner. En effet, la plupart des Premières nations n'ont pas vendu leurs terres. Elles n'ont pas prescrit leur droit de propriété. Elles n'ont pas renoncé à leur souveraineté. Elles ne se sont pas assujetties au pouvoir et au contrôle de l'État. Non. L'État, c'est-à-dire le gouvernement fédéral, a dérobé aux Premières nations leur titre—et ce n'est pas moi qui ai inventé cela; c'est l'Association du Barreau canadien qui l'a écrit—, il leur a dérobé leurs droits, leurs ressources, leurs richesses, leurs pouvoirs et leur souveraineté. Ce projet de loi ne contribuera en aucune façon à mettre un terme à cette injustice.

  +-(1255)  

    Les Premières nations ont fait preuve d'une générosité extrême en acceptant de partager les terres et les ressources avec les colons blancs et d'entretenir des relations amicales et pacifiques avec eux, mais sous des régimes de gouvernement distincts. Le Canada a commis une des fraudes les plus monstrueuses et il a volé leurs richesses aux Premières nations. Le Canada a assujetti unilatéralement à son contrôle les Premières nations libres et souveraines.

    Le paragraphe 91(24) de la Constitution et la Loi sur les Indiens n'ont toutefois aucune capacité juridique en droit international. De quel droit le Canada s'est-il approprié le contrôle sur des nations souveraines et indépendantes et l'a-t-il légalisé? Où est la logique dans tout cela? Le professeur Slattery de La revue du Barreau canadien mentionne également que:

Si les Premières nations étaient indépendantes autrefois, comment ont-elles perdu leur indépendance? Si l'on invoque les «découvertes» européennes, on applique des critères ethnocentriques qui ne répondent pas à des normes neutres. En outre, quand on s'appuie uniquement sur la conquête ou la cession, on ne tient pas compte des arguments invoqués par plusieurs groupes autochtones, à savoir qu'ils n'ont jamais été conquis par l'État ou qu'ils n'ont jamais accepté volontairement son autorité.

    Le professeur Burrows a été encore plus direct dans un article publié dans le Osgoode Hall Law Journal. Il a écrit ceci:

Comment les territoires possédés par les Autochtones pendant des siècles peuvent-ils être rétrécis par l'affirmation de la souveraineté d'une autre nation? Il est ridicule de pouvoir s'approprier un titre de propriété légal de cette façon.

    En d'autres termes, il suffit de dire que le territoire m'appartient. Il suffit de dire qu'il appartient à ma famille...

·  +-(1300)  

+-

    Le président: Monsieur Hubbard, à propos d'un rappel au Règlement.

+-

    M. Charles Hubbard: Monsieur le président, ce document-là, dont notre collègue cite de longs passages, ne devrait-il pas être déposé?

+-

    Le président: Ce rappel au Règlement n'est pas recevable.

    Monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin: C'est une remarque pertinente. Je suis disposé à répondre à la question du député. Le document est déposé, puisqu'il s'agit du mémoire présenté le 20 mars 2003 par un professeur de commerce de l'université York. Le député a donc ce document.

    Je voudrais présenter un sous-amendement qui compléterait bien l'amendement de M. Loubier. Le sous-amendement est le suivant: «que, au paragraphe 37(2), à la ligne 10, le terme 'dépose' soit remplacé par 'peut déposer'».

    Je ferai volontiers des commentaires sur l'amendement si l'on m'en donne l'occasion.

+-

    Le président: Le sous-amendement n'est pas acceptable parce que l'amendement concerne les lignes 12 et 13 et que le sous-amendement porte sur une autre ligne.

    Je donne donc la parole à M. Loubier pour ses observations finales.

+-

    M. Pat Martin: Monsieur le président, si vous n'aimez pas ce sous-amendement, je peux en présenter d'autres.

    Ne me reste-t-il pas une minute?

+-

    Le président: La présentation d'un sous-amendement met fin au délai dont on dispose pour les commentaires. C'est une règle que j'ai déjà appliquée. M. Loubier sourit. On lui a déjà appliqué cette règle également.

    Monsieur Loubier, pour les observations finales.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Ce sont des choses qui arrivent; cela m'est arrivé tout à l'heure. Nous allons tout de même reprendre le temps pour pouvoir expliquer de façon plus constante notre point de vue. Je suis vraiment étonné de votre témoignage. C'était le professeur Fred Lazar, n'est-ce pas, qui...?

[Traduction]

+-

    M. Pat Martin: Oui, le professeur Fred Lazar.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: C'est ça. Je suis étonné parce que je me rappelais justement cette présentation-là, pour le bénéfice du secrétaire parlementaire. C'est tout de même symptomatique de ce qui arrive ici, autour de la table. Vous mentionnez des extraits du témoignage qui a été présenté ici et le secrétaire parlementaire demande que vous déposiez ce document parce qu'il le trouve intéressant, alors que le mémoire a déjà été déposé ici. Alors, cela dénote un peu le manque de sérieux du gouvernement, du secrétaire parlementaire en particulier, qui demande de déposer à nouveau un mémoire qui a déjà été présenté devant nous ici et qu'il trouve intéressant. Peut-être que si on déposait à nouveau devant lui tous les mémoires qui ont été déposés au comité, on aurait plus de chance de se faire comprendre. Cela dit aussi une chose, c'est que contrairement à ce que nous avons fait, nous qui avons lu tous les mémoires qui ont été présentés ici, du côté du gouvernement, le secrétaire parlementaire lui-même n'a pas lu les mémoires. Il était tout étonné des conclusions et de l'analyse du professeur Lazar, alors que le mémoire a déjà été déposé. C'est quand même assez spécial.

    Est-ce qu'on doit déposer auprès du secrétaire parlementaire tous les mémoires déjà déposés pour qu'il puisse comprendre ce qui s'est passé ici depuis plusieurs mois? Moi, je suis estomaqué de cette demande. Probablement qu'il l'a faite avec de la bonne volonté, mais cela prouve une chose, c'est qu'il y a un manque de sérieux au niveau du travail d'appréciation du projet de loi C-7 autour de la table. J'étais étonné depuis le début des débats entourant les articles, mais là, je suis doublement étonné, parce que lorsque le secrétaire parlementaire nous a dit un peu plus tôt qu'il y avait plusieurs mémoires qui étaient en accord avec le projet de loi C-7, il disait n'importe quoi. Il n'en a pas lu un et il nous demande de déposer à nouveau celui du professeur Lazar. C'est un peu inquiétant de voir quelqu'un qui a un poste comme celui de secrétaire parlementaire s'étonner du témoignage de Fred Lazar, alors qu'il devrait être au courant que le professeur Lazar a déjà fait une prestation ici, devant nous. Son mémoire est disponible, tellement disponible que tout le monde le reprend parce qu'on trouve que son analyse a du sens.

    J'ai une explication à donner par rapport à mon amendement. Je pensais l'avoir mentionnée tout à l'heure, mais je crois que le secrétaire parlementaire ne l'a pas comprise. L'argumentation est la suivante. Ou bien vous reconnaissez que les nations autochtones sont des nations au sens où l'entend l'Organisation des Nations Unies, qui a reconnu elle-même que les premières nations constituaient des nations au sens de l'ONU, et dans ce cas-là, vous laissez aux premières nations la latitude de se définir elles-mêmes des modes de gouvernance, de définir elles-mêmes leurs façons de procéder et de décider si elles vont déposer ou non leurs textes administratifs ou autres dans un recueil national...

    Pour en revenir à ce que M. Martin disait tout à l'heure, un recueil national, c'est une idée de fonctionnaire. À quoi rime ce recueil national-là? Cela ne veut pas dire qu'il y aura un manque de transparence du côté des premières nations. Les premières nations déposeraient leurs textes et règlements administratifs dans le recueil de la bande. Ce recueil de la bande pourrait être accessible à quiconque pourrait vouloir jeter un coup d'oeil sur les lois et les règlements administratifs pris par la bande.

    Pourquoi cette obligation de déposer cela dans les six mois dans un recueil national? Est-ce que c'est par souci de conserver des archives ou parce qu'on veut scruter à la loupe les règlements administratifs qui ont été adoptés par les bandes et voir, à partir du recueil national, s'il n'y aurait pas lieu de contrecarrer certaines décisions qui ont été prises par elles? C'est peut-être cela. Alors, qu'est-ce qui oblige un gouvernement souverain à déposer dans un recueil national des textes administratifs pris par la bande? De quel droit serions-nous habilités à exiger que dans les six mois, dans l'année ou dans les deux ans suivant l'adoption de règlements administratifs, les conseils de bande soient obligés de déposer ces textes administratifs dans un recueil national?

·  +-(1305)  

    Si un tel recueil existait, peut-être que de façon volontaire et autonome, les conseils de bande pourraient décider d'y déposer les règlements. Mais de quel droit leur imposons-nous de déposer leurs textes dans un recueil national dans un délai de six mois? La question n'est pas le fait de déposer ou non. J'écoutais les commentaires ridicules tout à l'heure, alors qu'on parlait de photocopies. Franchement, on ne parle pas de photocopies, on est dans un débat d'une plus grande auteur que ça. Ce n'est pas le fait de produire ces documents et de les déposer dans un recueil national qui pose problème, mais le fait qu'on oblige les premières nations à le faire.

    Alors d'un côté, dans le préambule, qui de l'avis même de l'Association du Barreau canadien et du Barreau du Québec n'a même pas une valeur interprétative, soit dit en passant, on parle de reconnaissance au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Ça paraît tellement bien. C'est comme dans les discours du Trône. Dans tous les discours du Trône, il y a toujours cette référence au droit à l'autonomie gouvernementale. On parle des autochtones par ici et des autochtones par là, mais quand vient le temps de poser des gestes concrets, c'est toute une différence.

    Le libellé de cet article où on parle d'une obligation de déposer les documents dans un recueil national m'agace, et je crois que cela agace aussi les premières nations qui, d'un côté, se font dire dans le préambule qu'elles ont droit à l'autonomie gouvernementale, qu'on va respecter leurs traités et que ça va bien aller dans le meilleur des mondes, alors que d'un autre côté, on arrive avec le projet de loi qui, depuis le premier article jusqu'au trente-septième, contient exactement le même relent de colonialisme. C'est difficile pour le gouvernement fédéral de se départir de ce relent de colonialisme-là. Même dans l'écriture des projets de loi, on retrouve ce relent-là. Alors, c'était le sens de mon amendement.

    Tout à l'heure, le secrétaire parlementaire a fait des remarques sur l'utilité de notre travail et sur le fait qu'il voit bien où s'en va, sur le fait qu'on veut faire de l'obstruction. Ici, nous sommes tout simplement des porte-parole de la population qui nous a dit, autant du côté des non-autochtones que des autochtones, que personne ne voulait de ce projet de loi. Nous sommes les porte-voix de la majorité justement, et lorsqu'on parle de la majorité, on parle aussi de la très grande majorité des témoins qui ont comparu devant nous. Et parce que les membres des premières nations ne peuvent même pas, à cause de la Constitution et à cause du fonctionnement de nos institutions parlementaires, être autour de la table pour débattre du projet de loi avec nous alors que c'est un projet de loi qui les concerne directement--ce sont eux et elles qui sont visés par ce projet de loi--, on essaie bien modestement de traduire leur opposition. C'est bien modeste, parce qu'il n'y a pas mieux placé qu'un membre d'une première nation pour venir défendre les premières nations; c'est la logique même.

    Alors, c'est une chance qu'elles peuvent compter sur nous parce que dans le processus, premièrement, le ministre des Affaires indiennes nous a dit qu'il avait consulté. Lorsque nous, on consulte les membres des premières nations, on apprend qu'ils n'ont pas été consultés du tout.

    Vous avez déposé ce projet de loi C-7 en première lecture et ensuite, on peut toujours essayer de proposer des amendements et de proposer même de récrire le projet de loi; c'est impossible. Or, en procédant de cette façon-là, justement, le ministre et sa garde serrée savaient qu'on ne pourrait pas revenir en arrière, qu'on ne pourrait pas prendre le projet de loi et le modifier de fond en comble, en modifier l'esprit. Ils savaient qu'on pourrait seulement y apporter quelques amendements cosmétiques comme on a pu en apporter du côté gouvernemental depuis le début de l'étude du projet de loi. Ils savaient fort bien que fondamentalement, ce projet de loi serait inchangé. C'est une méthode dictatoriale de fonctionner que de l'avoir déposé en première lecture en disant: «Maintenant, amusez-vous.» On s'est amusés, bien sûr. On a fait des consultations. Il y a eu 191 mémoires tout à fait contre ce projet de loi alors que neuf étaient en faveur et maintenant, on est en train de l'adopter presque intégralement.

·  +-(1310)  

[Traduction]

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Loubier.

    Nous procédons à un vote par appel nominal porte sur l'amendement BQ-45, à la page 220.

    (L'amendement est rejeté par 7 voix contre 2)

+-

    Le président: Nous passons à l'amendement G-15, à la page 222.

    Monsieur Hubbard.

+-

    M. Charles Hubbard: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je voudrais que l'examen de l'amendement soit remis à plus tard.

    Des voix: D'accord.

+-

    Le président: L'amendement est réservé par trois voix contre deux. C'est ma façon de vous faire savoir que si vous ne levez pas le bras, je ne vous compte pas.

    Comme l'amendement G-15 est réservé, l'article 37 est réservé également.

    (L'article 37 est réservé)

    (Article 38—Mandat des membres du conseil en place: code)

    Le président: On ne tient pas de discussion lorsque aucun amendement n'a été présenté. Ah oui? Je suis désolé.

    Monsieur Martin, à propos de l'article 38.

+-

    M. Pat Martin: Monsieur le président, je ne pense pas que l'article 38 devrait être adopté et je tenterai d'expliquer pourquoi. C'est pour cette raison que je pense qu'il est important d'avoir l'occasion à cette étape de débattre le projet de loi article par article.

    Le paragraphe 38(1) est l'article qui concerne le mandat des membres du conseil en place. Il dit ceci:

    Les membres du conseil de la bande en poste à l'entrée en vigueur de son code portant sur le choix des dirigeants sont réputés être les membres du conseil jusqu'à la fin de leur mandat existant ou, si elle est postérieure, jusqu'à la date où leurs successeurs entrent en fonction en conformité avec le code.

    Le NPD s'oppose à l'article 38 parce que... En fait, il y a aussi le paragraphe 38(2) qui dit ceci:

    Les membres du conseil de la bande en poste au moment où le règlement sur l'élection des dirigeants de la bande s'applique à la bande sont réputés être les membres du conseil jusqu'à la fin de leur mandat existant ou, si elle est postérieure, jusqu'à la date où leurs successeurs entrent en fonction en conformité avec le règlement.

    Nous sommes contre le principe général de l'imposition des codes sur le choix des dirigeants, monsieur le président. Nous nous opposons avec vigueur aux paragraphes 38(1) et 38(2) parce qu'ils reposent sur le principe voulant que des codes sur le choix des dirigeants puissent être imposés en vertu des mécanismes par défaut de cette loi.

    Il est possible qu'une bande ou qu'un conseil de bande ait déjà mis en place un code sur le choix des dirigeants qu'il a ratifié et mis en oeuvre ou reconnu et inscrit. Il est possible qu'il n'ait pas encore de code et qu'en vertu de ce projet de loi, le gouvernement impose à ses membres un nouveau code sur le choix des dirigeants.

    La raison pour laquelle j'ai mentionné ce qui s'est passé en 1924 au sujet des Six nations de la rivière Grand est que les dispositions très précises et très prescriptives des alinéas 38(1) et 38(2) ont précisément pour but d'exclure la possibilité d'une réaction d'indépendance comme celle que ces Six nations ont eue cette année-là. Ces dispositions donnent une description détaillée de ce qui se passera à compter de la date d'imposition du nouveau code sur le choix des dirigeants jusqu'à ce que les règles de ce nouveau code prennent effet et entrent en vigueur.

    Nous nous opposons à ces dispositions et à bien d'autres dispositions du projet de loi qui imposent les codes aux Premières nations parce que nous n'en avons pas le droit. Nous n'avons pas plus le droit d'imposer de force aux Premières nations les codes sur le choix des dirigeants que nous n'avons le droit d'affirmer notre souveraineté sur le territoire d'une autre nation.

    J'ai mentionné les commentaires faits par le professeur Burrows dans le Osgoode Hall Law Journal en 1999—c'est-à-dire il n'y a pas très longtemps—qui a notamment écrit ceci: «comment un territoire appartenant à des peuples autochtones depuis des siècles peut-il être rétréci par l'affirmation de la souveraineté d'une autre nation»? Le fait qu'une autre nation puisse affirmer sa souveraineté sur un territoire en Irlande, par exemple, ne nous donne pas automatiquement le droit de le faire ici. C'est apparemment accepté dans ce pays-là.

    Le juge en chef Marshall de la Cour suprême des États-Unis a fait la remarque suivante:

C'est une idée extravagante et absurde. C'est une position encore moins défendable sur le plan moral et sur le plan politique lorsque cette affirmation n'est pas une déclaration neutre et noble, mais qu'elle sert les intérêts de l'État au détriment de ceux des habitants de ce territoire. Il semblerait que le recours à des affirmations de souveraineté dans la société contemporaine perpétue l'injustice chronique que les colonisateurs, qui n'ont pas respecté les cultures distinctes des sociétés préétablies, ont commise à l'égard des peuples autochtones.

    Ce sont des commentaires du juge en chef Marshall de la Cour suprême des États-Unis.

    Lorsque nous mentionnons le terme «colonisateurs», on nous accuse d'employer des termes d'un romantisme inutile. Le ministre lui-même reconnaît qu'il ne connaît pas la signification de ce terme. Il n'accepte pas les termes «souveraineté» et «colonisateurs» dans le contexte du présent débat sur les Autochtones. D'autres personnes utilisent ce type de termes. De plus grands experts que nous utilisent pourtant les termes «colonisateurs» et «souveraineté» dans leur analyse de l'histoire des peuples autochtones de l'Amérique du Nord.

·  +-(1315)  

    Monsieur le président, je devrais mentionner en tout premier lieu que l'objectif du projet de loi que nous examinons aujourd'hui était soi-disant de faciliter aux Premières nations la transition vers l'autonomie gouvernementale et d'être le fondement de leur prospérité économique. Je n'ai cessé de signaler que ce projet de loi ne permettrait d'atteindre ni l'un ni l'autre de ces objectifs. J'ai mentionné qu'il s'agissait en fait de la plus récente manifestation du véritable dessein du gouvernement, à savoir l'assimilation paternaliste. C'est pourquoi nous nous opposons aux alinéas 38(1) et 38(2). Nous voterons contre l'article 38 quand nous en aurons l'occasion. Nous comptons voter contre cet article quand ce sera le moment de voter et nous ne voyons aucun inconvénient à ce que l'on tienne un vote par appel nominal pour que tout le monde sache que nous nous y opposons.

    J'ai puisé des renseignements historiques dans la Buffalo Law Review, publication dans laquelle un dénommé Richard Bartlett a écrit ceci il y a 25 ans: «L'objectif ultime de l'assimilation est exposé de façon explicite dans la Civilization of Indian Tribes Act de 1857».

    C'est l'objectif visé également par le Livre blanc de 1969, produit sous les auspices de l'actuel premier ministre. Il est indéniable que les objectifs du gouvernement étaient alors les mêmes que ceux du présent projet de loi, bien que l'on n'ait pas utilisé les mêmes termes dans ce dernier que dans le Livre blanc. Le gouvernement avait une très bonne raison, comme nous l'expliquerons au cours de cette séance qui durera certainement toute la nuit, jusqu'à demain. Nous aurons l'occasion de faire des comparaisons.

    Le Livre blanc qui avait été présenté au Parlement il y a plus de 30 ans mentionnait que l'assimilation totale devait se faire dans un très court délai. Tous les textes législatifs concernant spécifiquement les Indiens devaient être abrogés, ce qui aurait privé les Autochtones des droits spéciaux qu'ils ont en vertu de leur statut très particulier dans la société canadienne. En fait, ce document visait à mettre un terme à la reconnaissance de leur statut particulier.

    Tous les services auraient été fournis par les provinces. Le Livre blanc considérait que les traités et les revendications territoriales étaient négligeables dans le cadre du débat sur l'avenir des Indiens. La politique de 1969 ne contenait pas de suggestions positives majeures concernant le bien-être des Indiens, ce qui est totalement à l'opposé de l'obligation fiduciaire que le ministre a d'agir dans l'intérêt des Autochtones. Son principal objectif était de rompre tous les liens entre les Indiens et le gouvernement fédéral.

    Le gouvernement fédéral tente de mettre l'absence de bonnes pratiques en matière de gouvernance, l'absence de démocratie et l'absence de reddition de comptes sur le compte de la situation défavorisée des Premières nations sur le plan économique. Comme je l'ai déjà mentionné, le gouvernement fédéral n'a de toute apparence pas de préoccupations semblables en ce qui concerne un grand nombre de ses partenaires aux Nations Unies. La démocratie et la reddition de comptes ne sont pas une des priorités du gouvernement fédéral dans ses relations avec ces pays.

    Si ce ne sont pas des priorités, c'est d'abord parce qu'Ottawa ne peut pas avoir de contrôle sur d'autres pays alors qu'il pense avoir le droit d'avoir la haute main sur toutes les affaires des Premières nations. La Loi sur les Indiens a été le principal instrument de contrôle et elle a soi-disant légitimé le droit de contrôle. Le projet de loi à l'étude aurait pour effet de perpétuer ce contrôle unilatéral et injustifié.

    Par ailleurs, Ottawa veut que les Premières nations rendent compte de la façon dont elles dépensent les fonds de l'État. Pourquoi les Premières nations devraient-elles être assujetties à une norme d'imputabilité plus stricte que celle qui s'applique au gouvernement lui-même?

·  +-(1320)  

    C'est une erreur de croire que ce sont des fonds qui appartiennent à l'État. C'est précisément là que je voulais en venir, monsieur le président. Depuis la dernière fois que nous vous avons vu, nous avons fait des calculs au sujet de l'obligation de rendre compte et de la transparence...

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Martin.

    Monsieur Loubier.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.

    J'abonde dans le sens de mon collègue du NPD. Le libellé est aussi détestable que celui des 37 premiers articles en ce qu'il ne respecte pas l'approche qui doit présider à nos relations avec les premières nations au XXIe siècle. Le fait de donner des directives comme celles-là témoigne de ce réflexe que nous avons développé envers les premières nations pendant ces 130 années d'application de la Loi sur les Indiens, au cours desquelles nous les avons assujetties. On se croit investis d'une mission divine qui consiste à leur dire comment mener leurs affaires et comment pratiquer leur autonomie gouvernementale ou leur souveraineté.

    Le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones ne nous préparait pas à ce genre de cadre normatif à imposer aux premières nations; on nous préparait à quelque chose de vraiment différent. Il semble, au ministère des Affaires indiennes, qu'on ait déjà oublié ce rapport, et certains se questionnent à ce sujet. Ne serait-ce que pour vous donner une idée de l'esprit qui aurait dû nous guider dans l'élaboration de ce projet de loi, je crois qu'il vaut la peine que je cite certains extraits de ce rapport:

Pour voir comment les traités peuvent être employés dans le contexte contemporain, les Canadiens doivent mieux les comprendre. En gros, les traités sont:
Des promesses échangées entre la France, la Grande-Bretagne ou le Canada, d'une part, et les peuples autochtones, d'autre part.
Pour assurer la paix ou conclure des alliances avec les nations autochtones, pour avoir des droits d'occupation et de mise en valeur des terres autochtones, les Couronnes de France, de Grande-Bretagne et, par la suite, du Canada ont promis aux peuples autochtones la protection, des avantages et une part des richesses - à perpétuité. Il incombe maintenant aux gouvernements canadiens de tenir ces promesses.

    Jusqu'à présent, pour ce qui est de la part des richesses à perpétuité, on a plutôt vécu le contraire. Il y a eu appropriation des richesses qui appartenaient initialement aux premières nations sur le sol, dans le sous-sol et dans la mer.

    Il y a loin de la coupe aux lèvres en ce qui concerne chacun des libellés et l'écriture de ce projet de loi, qui comporte certaines prescriptions. On parlait plus tôt d'accords de nation à nation. On peut lire: «Les traités ne consacrent pas une défaite ou l'assujettissement.» C'est bien important. Je continue:

Les traités ne consacrent pas une défaite ou l'assujettissement. Les signataires ne renoncent pas à leur identité nationale, ni à leur façon de vivre, de travailler et de se gouverner.

    C'est aussi fort important.

    Pourquoi les premières nations seraient-elles assujetties au projet de loi C-7, au bon vouloir du gouverneur en conseil et du ministre, et accepteraient-elles des prescriptions comme celles se trouvant à l'article 38 alors qu'elles n'ont jamais, en vertu des traités, abandonné leur identité nationale ou leur capacité de se gouverner? De quel droit se retrouve-t-on aujourd'hui à les assujettir de cette façon? Je poursuis:

Ils reconnaissent plutôt leur désir commun de vivre dans la paix et l'harmonie, conviennent de règles de coexistence, puis s'efforcent de remplir leurs engagements les uns envers les autres

    Aucun des nombreux wampoums qui ont été conclus entre les premières nations et les Européens ne dit que les premières nations ont abandonné leur capacité de s'autodéterminer et de se présenter comme une véritable nation au sens de l'Organisation des Nations Unies. Il n'a jamais été dit nulle part qu'on céderait tous les territoires des autochtones et qu'un jour, le gouvernement fédéral se retrouverait avec un projet de loi comme le C-7. Il n'était indiqué nulle part qu'il y a 130 ans, une loi servirait à parquer les premières nations dans des réserves et à les priver des ressources et des territoires dont ils avaient la gouverne avant l'arrivée des Européens. Ce n'est pas inscrit dans ces traités ou dans ces accords. Il faut se réjouir du fait que la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones ait revu la signification profonde des relations passées. Aujourd'hui, en 2003, elles devraient trouver un écho favorable dans ce que nous faisons. Je ne parle pas de cet écho farfelu qu'est le projet de loi C-7. Ce n'est pas là le rendez-vous historique auquel nous sommes conviés.

    Que signifiait le respect des engagements pris en vertu des traités? C'était des engagements sacrés et permanents. Au départ, si les premières nations avaient eu une boule de cristal et qu'elles avaient pu se projeter dans l'avenir, elles auraient pu prévoir toute la supercherie qui allait caractériser les décennies suivant les accords conclus avec les Européens, particulièrement la Loi sur les Indiens.

·  +-(1325)  

    À mon avis, elles n'auraient pas conclu d'ententes avec les premiers Européens. Je crois qu'elles n'auraient pas non plus tenté de vivre en harmonie et en paix. Mais on leur promettait tant de bonnes choses: la paix, la sérénité et le partage du territoire. Elles ont donc accepté que ce territoire soit partagé pour en tirer des ressources naturelles.

    Or, les Européens et leurs descendants ont pris des plis vraiment détestables et colonialistes. Cela n'était pas prévu par les engagements sacrés et permanents conclus entre les premières nations et les Européens. On doit aujourd'hui respecter la conclusion de ces accords, parce que le temps ne les a pas effacés.

    En fait, tous ces traités et l'esprit de ces derniers ont été fondus dans la Loi constitutionnelle de 1982, dans la Charte canadienne des droits et libertés. Assurément, cela représentait quelque chose dans l'évolution du pays. Pourtant, aujourd'hui, quand on considère le projet de loi C-7, et l'adoption de l'article 38, à laquelle je vais, moi aussi, m'opposer, on croirait qu'on a tout oublié ou--et c'est aussi une possibilité--que l'ignorance mène le monde. C'est ce que disait mon père qui, malheureusement, est décédé depuis des années; il disait un jour que l'ignorance menait le monde et le lendemain, que c'était l'argent qui menait le monde. Il faut souhaiter que l'argent et l'ignorance n'aillent pas nécessairement de pair.

    On a en quelque sorte fait table rase de tout ça. On a oublié où avaient commencé nos relations avec les premières nations et comment elles devaient se poursuivre. Pour ma part, je crois qu'elles doivent se poursuivre dans le même esprit qui prévalait lors de l'arrivée des premiers Européens, c'est-à-dire une coexistence pacifique, un partenariat, une utilisation partagée et respectueuse du territoire et un partage des richesses.

    L'esprit des wampoums et des traités conclus avec les Européens allait dans le sens du partage croissant des richesses au fur et à mesure que ces dernières augmentaient. Il ne s'agissait pas de céder les richesses et les territoires ou de s'humilier en s'assujettissant à une Couronne. Cela ne doit pas non plus être l'esprit qui anime nos relations. Je propose donc qu'on revienne à de meilleures dispositions.

    À mon avis, l'idée la plus géniale que pourrait avoir ce gouvernement serait de laisser ce projet de loi mourir au Feuilleton. Si j'étais à sa place, c'est ce que je ferais. J'attendrais une ère nouvelle. Je ne pensais jamais parler en faveur de Paul Martin au cours de ma vie politique, mais selon moi, lorsqu'on n'est pas capable de faire le travail, il faut laisser les autres le faire.

    M. Chrétien en est à sa deuxième tentative depuis 1969 et ça ne fonctionne pas. Je crois qu'il devrait laisser la place à d'autres. Ne vous laissez pas embarquer dans une aventure aussi folichonne que le projet de loi C-7; mettez cela de côté. Présentement, les cartes sont en train d'être brouillées; Nault a besoin de l'appui de Martin. Nault dit que Martin appuie son projet de loi. Robert Nault, le ministre des Affaires indiennes, dit dans le journal The Gazette que Paul Martin appuie le projet de loi C-7. Cela vient après la manifestation de Kenora, où 8 000 représentants des premières nations se sont retrouvés dans les rues de sa propre circonscription. Il commence probablement à se sentir un peu mal. Mais vous n'êtes pas obligés de mourir politiquement avec lui. Tenez-vous debout et attendez le prochain premier ministre. Vous n'êtes pas obligés de faire cela. Mais qu'est-ce que Robert Nault représente pour vous? Quelqu'un qui ose dire publiquement que Paul Martin est derrière son projet de loi et qu'il l'appuie?

    C'est incroyable! Pendant des débats, trois fois plutôt qu'une...

·  +-(1330)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Loubier.

    Mr. Hubbard.

[Traduction]

+-

    M. Charles Hubbard: Je vous remercie, monsieur le président.

    Il est manifeste que les deux collègues qui viennent de faire des commentaires tiennent de tels propos par malveillance. Je ne vois que cette possibilité. J'hésiterais à me fier à ce que mon pauvre père, qui est décédé, disait, mais c'est à ce type de conclusion que nous avons recours en ce qui concerne l'article 38.

    Je suis étonné que les deux collègues d'en face ne tiennent pas à instaurer un système de gouvernement ordonné chez les peuples des Premières nations du Canada.

    M. Pat Martin: Ordonné selon vos critères.

    M. Charles Hubbard: L'article 38 indique tout simplement que le nouveau conseil élu sous le régime d'un code que la bande instaure continuera de diriger la bande jusqu'à ce qu'un nouveau conseil soit en place.

    Je ne vois pas pourquoi mes collègues voudraient semer le trouble car c'est bien de cela qu'il s'agit. Ce n'est que par malveillance qu'ils font de tels commentaires au sujet de l'article 38.

    Nos experts pourraient peut-être expliquer, aux fins du compte rendu, ce que disent les dispositions de l'article 38 en ce qui concerne une gouvernance ordonnée pour tous les membres des Premières nations.

·  +-(1335)  

+-

    M. Paul Salembier: Comme vous l'avez mentionné, l'article 38 a pour seul but d'assurer une transition ordonnée à un nouveau gouvernement. Sans cette disposition et sans ce projet de loi, le manquement n'est pas lié à l'autonomie gouvernementale ni au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Si ce projet de loi n'est pas adopté, le problème est que les Premières nations resteront sous le régime de la Loi sur les Indiens et, par conséquent, des pouvoirs contraignants et des règles actuellement en place.

    C'est une illusion de penser qu'aucune règle n'est en place en ce qui concerne le choix des dirigeants dans les Premières nations et le fonctionnement des conseils de bande. Des règles très contraignantes sont en place. En fait, ce projet de loi donne aux Premières nations l'option de s'affranchir de ces règles et d'établir elles-mêmes un processus.

    Je pense qu'il ne faut pas perdre de vue que l'alternative à ce projet de loi n'est pas l'autonomie gouvernementale mais un type de gouvernance soumis au régime très contraignant de la Loi sur les Indiens.

+-

    M. Charles Hubbard: Je vous remercie, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci, monsieur Hubbard.

    Nous procédons au vote sur l'article 38.

    (L'article 38 est adopté avec dissidence)

    (Article 38—Organisme d'examen)

+-

    Le président: L'amendement CA-50 a été retiré.

    Tient-on une discussion sur l'article 39? Je passe au vote sur l'article 39.

+-

    M. Pat Martin: Nous n'en avons pas discuté.

+-

    Le président: J'ai posé la question et j'ai attendu. Il faut répondre quand je pose la question.

    Monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin: Monsieur le président, j'ai des commentaires à faire au sujet de l'article 39. Je m'excuse de ne pas l'avoir fait savoir assez vite. Je présumais qu'on passait à l'amendement suivant.

    Monsieur le président, ce serait une erreur d'adopter l'article 39 sans faire de commentaires sur cet «organisme d'examen». L'article 39 dit ceci: «Le conseil de la bande prend le texte législatif au titre de l'article 11 dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur de cet article». Par conséquent, il est nécessaire d'examiner l'article 11 pour expliquer pourquoi nous nous opposons au présent article.

    L'article 11 dit ceci: «Le conseil d'une bande attribue, par un texte législatif de la bande—il s'agit donc, une fois de plus, d'un libellé normatif—, à une personne impartiale ou à un organisme impartial établi en vertu de l'article 18, le pouvoir d'examiner équitablement et avec diligence la plainte provenant d'un membre de la bande ou d'une personne résidant dans la réserve qui: a) allègue tout manquement à un code par le conseil ou un employé de la bande; ou b) conteste toute décision prise contre lui dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire par le conseil ou un employé de la bande.»

    L'alinéa 11(2) dit ceci:

Le texte législatif confère à la personne ou à l'organisme chargé d'examiner la plainte le pouvoir:

a) de décider s'il y a eu manquement au code et, le cas échéant, d'ordonner au conseil ou à l'employé de la bande de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin au manquement; ou

b) d'ordonner au conseil ou à l'employé d'examiner à nouveau leur décision.

    Le paragraphe 11(3) se présente comme suit:

La décision rendue en vertu du présent article est communiquée par écrit au plaignant et à la partie dont l'acte ou l'omission fait l'objet de la plainte.

    Enfin, le paragraphe 11(4), intitulé «Conflit d'intérêts» indique que:

Est incompétent pour examiner une plainte la personne ou le membre de l'organisme qui se trouve en situation de conflit d'intérêts de nature financière, familiale ou personnelle par rapport à la plainte.

    L'alinéa 11(5) indique que:

Est soustraite à l'application du texte législatif la décision dont il peut être interjeté appel en vertu d'un code.

    C'est la section du projet de loi portant sur les plaintes et les mesures de redressement, monsieur le président, sur laquelle divers commentaires ont été faits. Plusieurs témoins avaient une conception ou une vision personnelle de ce que pourrait être la fonction d'arbitre indépendant. On a longuement discuté de l'opportunité de mettre en place un ombudsman national, ou un ombudsman régional, ou encore un ombudsman pour le conseil de bande.

    Il est nécessaire d'aborder à nouveau ces questions dans le contexte de l'article 39 parce qu'il envisage d'appliquer la loi en conformité de l'article 11. L'article 11 mérite donc des commentaires. L'article 39 nous fait faire un retour à l'article 11.

    Je pense que l'on n'avait pas un large consensus. Je pense que les commentaires qui ont été faits ou les discussions qui ont eu lieu au sujet de l'article 11 étaient insuffisants. Je pense que tous les partis d'opposition ont tenté de présenter des amendements à l'article 11 qui reflétaient plus fidèlement les opinions des Premières nations et leurs desiderata en ce qui concerne les plaintes, le processus d'examen des plaintes et les mesures de redressement.

    Ce qui est amusant, c'est que certains commentaires qui ont été faits indiquaient que, même si le projet de loi est très précis à certains égards, il est très vague en ce qui concerne d'autres dispositions. Cet article est un exemple concret de disposition qui omet d'indiquer de façon précise quels seraient les pouvoirs de ce mécanisme de plaintes et de redressement, de l'organisme, de la personne, de la personne impartiale ou de l'organisme impartial établi en vertu de l'article 18.

    Puisque l'article 39 est rattaché à l'article 11, il est également rattaché à l'article 18.

    L'article 18 dit ceci:

Le conseil peut prendre des textes législatifs concernant:

a) l'établissement d'organismes, leurs attributions, leur composition et leur lien avec la bande;

b) la délégation à une personne ou à un organisme des pouvoirs conférés au conseil par la présente loi—à l'exception de ceux prévus au présent article—ou par la Loi sur les Indiens;

c) les élections des membres du conseil qui sont tenues en vertu soit du code portant sur le choix des dirigeants, soit des règlements;

d) les conflits d'intérêts des membres du conseil et des employés de la bande;

    La référence à l'article 18 faite à l'article 11 concerne, je présume, le fait que «le conseil peut établir des organismes», y compris un organisme qui peut être l'organisme impartial établi pour examiner les plaintes et fixer les mesures de redressement.

·  +-(1340)  

    L'autorité habilitée à examiner les plaintes est établie aux termes de l'article 11 et confirmée dans la référence à cet article, à l'article 39. Nous ne savons pas en quoi consisteront les pouvoirs de l'arbitre ou du conseil d'arbitrage si c'est ainsi qu'on décide de le désigner. Habituellement, c'est mentionné de façon très précise.

    Dans la législation sur le travail, par exemple, les pouvoirs de l'arbitre sont mentionnés et définis avec précision. Généralement, les arbitres ne peuvent pas imposer des sanctions plus sévères que la mesure corrective réclamée par le plaignant. Par conséquent, si le plaignant signale qu'il veut être réintégré dans ses fonctions et toucher 1 000 $ de salaire rétroactif, l'arbitre ne peut pas décider qu'il réintégrera ses fonctions et touchera 5 000 $ à titre de salaire rétroactif. Il a des contraintes.

    Dans ce cas-ci, on ne trouve aucun terme imposant des contraintes aux agents chargés d'établir les mesures de redressement ou à la personne désignée par le conseil. C'est inquiétant. Le fait que l'on se pose des questions sur la nature de cet organisme, sur sa situation géographique et sur les possibilités de trouver des personnes impartiales est inquiétant. Comment peut-on trouver une personne impartiale dans une bande ou une communauté d'une centaine de personnes qui sont toutes apparentées ou qui ont du moins des liens étroits entre elles?

    C'est un problème qui saute aux yeux, monsieur le président. Étant donné que l'article 39 tente d'imposer un organisme d'examen en conformité de l'article 11 dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur de cet article, je suis vraiment étonné que personne n'ait présenté d'amendement en ce qui concerne ce délai de deux ans. Je voudrais donc présenter maintenant un amendement, si c'est permis, monsieur le président.

·  +-(1345)  

+-

    Le président: On ne peut plus présenter d'amendement.

+-

    M. Pat Martin: Dommage! J'aurais voulu pouvoir présenter un amendement à cet article, étant donné que nous sommes en train d'en discuter. Je pensais que puisqu'on pouvait en discuter, on pouvait également y présenter des amendements.

+-

    Le président: Vous n'êtes pas obligé de me croire, monsieur Martin, mais j'aimerais beaucoup satisfaire à votre demande.

+-

    M. Pat Martin: Vraiment? Je vous crois. Je n'ai aucune raison de ne pas vous croire, monsieur le président. C'est toutefois difficile à croire.

    Ça ne m'étonne pas autant que le fait que le ministre ait décidé d'appuyer Paul Martin. Je suis vraiment surpris. En lisant le numéro du 24 mai de la Montreal Gazette, j'ai appris que le ministre des Affaires indiennes avait décidé de donner son appui à Paul Martin dans la course à l'investiture alors que M. Martin a déclaré qu'il refuserait de mettre en oeuvre les dispositions de ce projet de loi. Cela m'étonne encore plus que la bonne volonté exprimée par le président.

    Monsieur le président, j'ai mentionné que, pendant la semaine de congé, nous avions examiné minutieusement certains chiffres concernant les fonds destinés aux Indiens. Une des constatations qui m'a choqué est le déficit annuel dans le paiement des rentes.

    Monsieur le président, le versement annuel d'un montant inférieur de 10 à 15 milliards de dollars au montant qui devrait être versé à titre de rentes aux Premières nations en vertu des traités représente un moins-payé considérable, étant donné que le montant total des dépenses concernant les Premières nations est d'environ 7 milliards de dollars. Le moins-payé sur les rentes qui devraient être versées aux termes des traités se chiffre à environ 10 ou 15 milliards de dollars. Ce moins-payé représente un montant supérieur aux recettes totales produites au cours des 13 dernières années par l'impôt foncier imposé aux Premières nations. Par conséquent, le moins-payé annuel représente un montant supérieur au montant total des recettes de l'impôt foncier sur...

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Martin.

    Monsieur Loubier.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: C'est une bonne idée de revenir à l'article 11. En effet, l'article 39 se lit comme suit:

39. Le conseil de la bande prend le textelégislatif au titre de l’article 11 dans les deuxans suivant l’entrée en vigueur de cetarticle.

    Il est très clair que nous ne pouvons accepter l'article 39, puisque nous rejetons l'article 11. Nous avons par ailleurs tenté par tous les moyens de faire adopter des amendements qui auraient pu faire en sorte que cet article 11 soit plus acceptable pour la plupart des témoins qui ont comparu devant nous ou qui ont déposé des mémoires qui s'opposaient au projet de loi C-7. Il serait souhaitable que chacun des membres du comité autour de la table puisse prendre connaissance, sinon de chacun des mémoires, au moins du résumé qui est préparé par les recherchistes de la Bibliothèque du Parlement. Il est assez étonnant de voir le contenu de chacun des mémoires. Le secrétaire parlementaire aurait peut-être ainsi une meilleure compréhension de nos arguments et amendements que celle qu'il a démontrée depuis la première heure du débat.

    Considérons, notamment, le témoignage de M. John Whyte, professeur et chercheur du Saskatchewan Institute of Public Policy à l'Université de Regina. Je le cite:

[...] les mesures d'imputabilité et de recours qu'on retrouve dans la Loi sur la gouvernance des Premières nations semblent vouées à l'échec. Ces mesures ne reflètent pas les mécanismes indépendants de résolution des différends qui pourraient assurer une meilleure imputabilité.

    On aurait dû prendre acte de ces remarques, de même que celles d'autres témoins. Par exemple, M. Doug Dokis a dit: «On devrait créer une institution indépendante et un poste d'ombudsman, comme cela est proposé dans le rapport de la Commission royale.» Lui, un simple citoyen, connaissait l'existence du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, contrairement au personnel politique de Robert Nault. Il a aussi dit: «Cette institution devrait garder le registre des lois autochtones et prévoir des mécanismes d'appel», ce qui est une suggestion assez intelligente.

    Voyons aussi ce que disait de l'article 11 le bureau de l'Assemblée des Premières Nations en Colombie-Britannique lors du dépôt de son mémoire à Nanaimo:

L'article 11 exige que les bandes créent un poste de «protecteur du citoyen». Dans le cas de certaines Premières nations, cette structure pourrait ne pas refléter adéquatement leurs méthodes de règlement des différends selon leurs coutumes. Pour les collectivités de petite dimension, il pourrait être très difficile de se conformer aux dispositions sur les conflits d'intérêts. Dans certains cas, il pourrait être pratiquement impossible de désigner un protecteur du citoyen qui n'a aucun lien familial ou autre avec les personnes impliquées dans le différend, mais qui connaît la collectivité et ses valeurs. Pour se conformer à cette disposition dans son libellé actuel, il pourrait être nécessaire qu'une Première nation recherche un arbitre à l'extérieur de la collectivité, ce qui ne serait pas compatible avec le principe de l'autonomie gouvernementale.

    Le bureau de la Colombie-Britannique de l'Assemblée des Premières Nations ajoutait que l'application de cette disposition pourrait être très coûteuse. La Confederacy of Mainland Mi'kmaq faisait le même type de commentaire au moment du dépôt de son mémoire lors de la séance 51 à Halifax:

L’objectif d’un mécanisme de redressement communautaire est de veiller au maintien de l’harmonie au sein des collectivités à l’aide de systèmes non antagonistes de règlement des différends. Essentiellement, il s’agit là du principe sur lequel la gouvernance des Premières nations s’est toujours fondée. Or, les exigences exposées dans le projet de loi C-7 donnent lieu à l’établissement d’un système de résolution des différends juridique antagoniste dont les conditions sont beaucoup plus strictes que celles de toutes les autres institutions gouvernementales canadiennes.

    On recommandait justement de rejeter cela et de le remplacer par un mécanisme plus respectueux des traditions et de ce que sont les premières nations.

    Bradford Morse, professeur de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa a lui aussi dénoncé, outre tous les articles pour leur travers sur le plan juridique, l'article 11 en disant:

Le projet de loi essaie d'innover, entre autres par Ie biais de l'exigence, dans le paragraphe 11(1), que les Premières nations créent une méthode de résolution des plaintes relatives aux manquements présumés aux trois codes qui seront établis.

Néanmoins, à mon avis, cette disposition doit être révisée. Elle est obligatoire, ce qui est déplorable et inutile. La LGPN peut facilement confirmer l'autorité inhérente des Premières nations afin d'établir des entités impartiales pour recevoir des plaintes de cette nature et prendre des décisions sans les imposer comme une obligation pourtoutes les Premières nations.

    Ce commentaire du professeur Morse va dans le sens du respect du droit à l'autonomie gouvernementale des premières nations. Par conséquent, elles ont le droit de choisir ce qui est bon pour elles et ce qui l'est moins. On se doit de refuser qu'on impose des choses provenant d'un autre ordre de gouvernement.

·  +-(1350)  

    On aurait pu continuer, monsieur le président. Je me rappelle ce que le Native Council of Alberta nous avait dit de l'article 11, à Slave Lake. Il recommandait la suppression de l'article 11 et des parties connexes de l'article 18 du projet de loi C-7. Il suggérait plutôt de créer un bureau indépendant dirigé par l'ombudsman autochtone et présent dans chacune des cinq régions du Canada. Vous voyez qu'il ne s'agit pas de s'opposer pour s'opposer. On propose quelque chose de constructif. Ce bureau devrait prendre pour modèle le Bureau du vérificateur général.

    Je trouve que c'est une bonne suggestion. C'est constructif et on fait appel à l'expertise autochtone. On fait appel à un vérificateur ou à des vérificateurs ou à des ombudsmans qui connaissent la culture des premières nations et pourront rendre des décisions dans des cas de litiges ou de conflits d'intérêts, tel que spécifié à l'article 11 et repris dans l'article 39.

    Monsieur le président, je suis un peu découragé. Au lieu de cela, on entend toujours la même rengaine. On dit respecter les droits des autochtones et en même temps, on bafoue les droits des autochtones. Comment peut-on faire une chose et son contraire? On a qu'à rédiger le projet de loi C-7! Ce projet de loi fait une chose et son contraire. Probablement qu'on connaîtra les mêmes problèmes lors de l'analyse des projets de loi C-6 et C-19. Il est quand même assez spécial de voir d'un côté, dans le libellé, le respect du droit à s'autogouverner des premières nations et, de l'autre côté, dans le texte même, des exigences et des normes suffisamment serrées pour faire fâcher n'importe quel défenseur des droits et libertés ainsi que de l'autonomie gouvernementale des autochtones. Je vais donc voter contre l'article 39.

    J'aimerais savoir si nous arrivons à la période des questions, monsieur le président.

·  -(1355)  

[Traduction]

+-

    Le président: Oui.

    Nous procédons maintenant au vote sur l'article 39.

    (L'article 39 est adopté avec dissidence)

    (Article 40—Déficit)

    Le président: Article 40, amendement G-16.

+-

    M. Charles Hubbard: Monsieur le président, si vous me permettez de présenter une motion, je demande que l'examen de l'amendement soit remis à une date ultérieure.

-

    Le président: Une motion portant sur le report de l'amendement G-16 a été présentée.

    (L'amendement est réservé)

    Le président: Nous reprendrons nos travaux à 15 h 15, à la pièce 237-C. Je vous remercie. La séance est levée.