AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 27 mai 2003
¿ | 0900 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
¿ | 0905 |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
M. Paul Salembier (avocat-conseil, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien) |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
Le président |
Le président |
M. Paul Salembier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
¿ | 0910 |
Le président |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
Mme Joann Garbig (greffière législative) |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
Mme Joann Garbig |
Le président |
¿ | 0915 |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Yvan Loubier |
¿ | 0920 |
Le président |
M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD) |
¿ | 0925 |
M. Warren Johnson (sous-ministre adjoint, Services fonciers et fiduciaires, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien) |
M. Joe Comartin |
M. Warren Johnson |
M. Joe Comartin |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Joe Comartin |
¿ | 0935 |
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest) |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
¿ | 0940 |
Le président |
¿ | 0945 |
M. Yvan Loubier |
¿ | 0950 |
Le président |
M. Joe Comartin |
¿ | 0955 |
À | 1000 |
Le président |
Le président |
M. Joe Comartin |
À | 1005 |
À | 1010 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
À | 1015 |
À | 1020 |
Le président |
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ) |
À | 1025 |
À | 1030 |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
Le président |
M. Joe Comartin |
À | 1040 |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
À | 1045 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
À | 1050 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Pat Martin |
À | 1055 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Á | 1100 |
Á | 1105 |
Le président |
M. John Godfrey |
M. Robert Archambault (avocat-conseil, Section de la législation (Administration centrale), ministère de la Justice) |
Le président |
M. John Godfrey |
M. Robert Archambault |
M. John Godfrey |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Pat Martin |
Á | 1110 |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Mme Terri Brown (À titre individuel) |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
Mme Cora Davis (À titre individuel) |
M. Pat Martin |
Mme Cora Davis |
Mme Joyce Sky (À titre individuel) |
Á | 1115 |
Le président |
Mme Josephine Harris (À titre individuel) |
Á | 1120 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
Le président |
Mme Mary Sandy (À titre individuel) |
Le président |
Mme Terri Brown (À titre individuel) |
Le président |
Le président |
Le chef Morris Shannacappo (président, Première Nation Rolling River, Treaty & Aboriginal Rights Research Centre of Manitoba Inc.) |
Á | 1125 |
Á | 1130 |
Le président |
Le chef Morris Shannacappo |
Le président |
Le chef Morris Shannacappo |
Le président |
Le chef Morris Shannacappo |
Le président |
Le président |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 27 mai 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0900)
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Nous poursuivons nos travaux sur le projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.
(Article 1--Titre abrégé)
Le président: Nous sommes à l'amendement BQ-2, page 5.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le président, l'amendement est tout simple, et je ne prendrai pas tout le temps qui m'est imparti pour l'expliquer.
Il faut reconnaître que lorsqu'on parle des premières nations...
Le président: Je m'excuse, monsieur Loubier.
[Traduction]
À l'ordre dans la salle, je vous prie.
[Français]
On va recommencer.
M. Yvan Loubier: L'amendement que je propose est tout simple et vise à corriger une situation qui nous a été présentée à plusieurs reprises durant nos audiences sur le projet de loi C-7. Il y a une faute dans la version française du projet de loi. À l'article 1, dès le début, aux lignes 4 et 5, page 2, on a oublié de mettre des majuscules aux mots « premières nations ». En français, ces deux mots doivent commercer par une lettre majuscule. De toute façon, on parle de nations au même titre qu'on parle de Québécois, avec un q majuscule, et de Canadiens, avec un c majuscule. C'est une incongruité, parce que la version française devrait contenir ces lettres majuscules. Plusieurs ont vu là l'état d'esprit qui a présidé à la rédaction du projet de loi C-7: on tend à diminuer leur statut. Je pense qu'on devrait accepter cet amendement, qui pourrait redonner un peu plus de professionnalisme au projet de loi C-7.
Je n'ai pas d'autres commentaires à ajouter parce que c'est l'usage habituel: il faut mettre un p majuscule et un n majuscule. J'espère que vous serez compréhensifs au moins pour cet amendement. C'est un amendement qui va de soi, à mon avis.
Le président: Monsieur Loubier, je voulais essayer de trouver une façon d'y arriver par consentement unanime, mais il semble qu'on ait écrit ces mots de cette façon en vertu d'un processus juridique. Peut-être pourriez-vous leur demander de l'expliquer.
¿ (0905)
M. Yvan Loubier: C'est un processus juridique que d'ajouter des majuscules?
Le président: On va leur demander de nous l'expliquer.
M. Yvan Loubier: Oui.
[Traduction]
M. Paul Salembier (avocat-conseil, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): C'est une convention de rédaction qui veut que l'on ne mette pas de majuscules à «premières nations». Si vous consultez d'autres textes législatifs, vous constaterez que l'expression «premières nations» ne comporte pas de majuscules.
[Français]
M. Yvan Loubier: Je trouve que c'est contestable. Je suis même allé vérifier l'écriture de projets de loi concernant les premières nations au Québec et j'ai eu l'occasion d'en voir au moins trois dans lesquels on emploie des majuscules. C'est le cas dans la première Convention de la Baie-James et du Nord québécois, avec la première nation crie, et dans la Paix des braves, plus récemment, avec la première nation crie de la Baie-James et les premières nations innues; on utilise un p majuscule et un n majuscule.
Monsieur le président, je propose qu'on aille vérifier encore une fois et qu'on revienne avec cet amendement. Mais d'après moi, les membres des premières nations qui nous ont fait remarquer que ça prenait un p majuscule et un n majuscule ont raison.
Est-ce qu'on peut reporter l'adoption de cet amendement?
[Traduction]
Le président: Pourrions-nous à tout le moins convenir de reporter cet amendement et faire les autres?
[Français]
Si on le réserve, on pourra y revenir après avoir étudié les autres.
M. Yvan Loubier: Absolument.
[Traduction]
Le président: J'ai une motion voulant que l'on reporte cet amendement et, par conséquent, cet article.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): J'invoque le Règlement, non pas sur cette motion, mais sur autre chose...
Le président: Non. Je dois d'abord régler le cas de cette motion. Nous allons passer au vote.
(L'article 1 est réservé)
Le président: Quelqu'un peut-il vérifier cela? Employer un français incorrect ne saurait être une bonne façon de rédiger des lois. S'il s'agit simplement d'une tradition, j'espère que nous pourrons trouver un moyen de s'entendre.
Quoiqu'il en soit, l'article est reporté. Avez-vous besoin d'information pour effectuer votre recherche?
Monsieur Salembier.
M. Paul Salembier: Monsieur le président, j'invite le député à consulter la First Nations Land Management Act.
[Français]
En français, c'est la Loi sur la gestion des terres des premières nations.
[Traduction]
Vous constaterez qu'il s'agit là d'un précédent et que l'on n'a pas mis de majuscules à l'expression «premières nations».
Le président: Oui, mais la question que je me pose est la suivante : si l'usage correct en français exige la majuscule, quel mal y aurait-il à adopter cet amendement? Voilà ma question. S'il s'agit d'une tradition, dans ce cas...
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, j'aimerais aller vérifier aussi à l'Office québécois de la langue française, juste pour voir comment on l'écrit, parce qu'on y fait beaucoup de recherche sur l'utilisation du français. Ce n'est pas parce qu'on a utilisé des minuscules par le passé que c'est bien de le faire maintenant.
Le président: Notre recherchiste va aussi faire une recherche avec son conseiller.
[Traduction]
Monsieur Hubbard, vous vouliez intervenir.
M. Charles Hubbard: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Avec l'autorisation du comité, nous voudrions proposer qu'à la ligne 15 de la version anglaise...
Le président: Où en êtes-vous?
M. Charles Hubbard: Il s'agit d'une proposition visant à apporter un bref amendement qui n'a pas encore été consigné.
Le président: Vous voulez présenter un nouvel amendement?
M. Charles Hubbard: Oui, avec le consentement du comité.
Le président: Il vous faut le consentement unanime.
M. Charles Hubbard: Oui.
Le président: D'accord.
M. Charles Hubbard: Puis-je d'abord mentionner de quoi il s'agit?
Le président: Oui, mais bornez-vous à préciser où il s'intègre, sans entrer dans le débat.
M. Charles Hubbard:
L'amendement en question s'intègre à la ligne 15 de la version anglaise. Il s'agit de prolonger cette ligne pour qu'elle se lise ainsi, à partir de la ligne 14 :
governance that can be adapted to their individual traditions and customs; |
C'est important.
Le président: Quel article est en cause?
M. Charles Hubbard: Le préambule, à la page 1.
Le président: Nous allons maintenant passer au préambule.
M. Charles Hubbard: Oui, mais je demande l'autorisation de présenter cet amendement. Puis-je vous le remettre par écrit?
¿ (0910)
Le président: Oui. L'avez-vous par écrit?
M. Charles Hubbard: Oui.
C'est assez important. Je pense que tous les députés seront d'accord, et cela nous permettrait de faire en sorte que...
Le président: Voulez-vous que nous nous interrompions pendant cinq minutes pour que vous puissiez nous en expliquer la teneur et voir si vos collègues sont d'accord? Pensez-vous que vous obtiendrez leur assentiment?
M. Charles Hubbard: Je pense que nous devrions l'adopter car il représente un voeu exprimé par un grand nombre de peuples des premières nations.
[Français]
Le président: Êtes-vous d'accord? Je veux vous demander si vous êtes d'accord sur sa position. Ça pourrait résoudre le problème.
M. Yvan Loubier: Non. Le problème est le suivant. Lorsque M. Clark s'est présenté ici hier et a suggéré que M. Martin puisse se présenter et déposer un amendement, vous avez dit que même si le premier ministre se présentait, vous n'accepteriez aucun amendement. Maintenant, un simple secrétaire parlementaire proposerait un amendement et vous l'accepteriez.
Le président: Je ne suis pas prêt à l'accepter. C'est à vous d'en décider. Ce serait fait par consentement unanime.
M. Yvan Loubier: Je le sais, mais hier après-midi, vous étiez plus catégorique, monsieur le président.
Le président: S'il y a consentement unanime...
M. Yvan Loubier: Vous avez dit que même si le premier ministre présentait un amendement, vous le refuseriez.
Le président: Oui, mais vous, vous pouvez l'accepter.
M. Yvan Loubier: Oui, mais je ne vois pas pourquoi on accorderait à M. Hubbard un privilège qu'on a refusé à M. Clark.
[Traduction]
Le président: Nous en discuterons le moment venu.
Monsieur Hubbard, vous pouvez demander le consentement unanime.
M. Charles Hubbard: Monsieur le président, puis-je mentionner brièvement encore une fois le libellé de l'amendement?
Le président: Vous pouvez en mentionner le libellé et préciser où il s'intègre, mais sans amorcer de débat.
M. Charles Hubbard:
D'accord. Aux lignes 14 et 15 de la version anglaise, on ajouterait, chose très importante :
require effective tools of governance that can be adapted to their individual traditions and customs; |
Le président: Je vais demander à la légiste de lire l'amendement.
Soyez attentifs. Après qu'il en aura été fait lecture, je demanderai le consentement unanime, et vous serez appelés à décider.
Mme Joann Garbig (greffière législative):
L'amendement vise la ligne 15 de la version anglaise du préambule. Il se lirait ainsi:
nance that can be adapted to their individual traditions and customs; |
Le président: Ai-je le consentement unanime?
[Français]
M. Yvan Loubier: Pourquoi demande-t-on le consentement unanime?
Le président: Pour accepter de traiter de cela.
M. Yvan Loubier: Mais pourquoi traiterait-on de cela? C'est un amendement. Hier, vous avez refusé qu'on traite d'amendements déposés après la date fixée.
Le président: Vous devez tout simplement refuser le consentement unanime.
M. Yvan Loubier: Vous ne nous avez même pas demandé notre avis hier, quand vous avez répondu à M. Clark, pas du tout.
[Traduction]
Le président: Ai-je le consentement unanime pour accepter la requête de M. Hubbard?
[Français]
M. Yvan Loubier: J'ai une question à poser avant de donner mon consentement, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: La plupart des spécialistes qui ont comparu devant nous ont dit que le préambule n'avait même pas une valeur interprétative devant les tribunaux, puisque les intentions...
Le président: On entre dans un débat. Je n'ai pas voulu que M. Hubbard suscite un débat.
[Traduction]
Pour la dernière fois, la demande de M. Hubbard recueille-t-elle le consentement unanime? Je vous demanderais de répondre par oui ou non.
[Français]
M. Yvan Loubier: Quel est l'amendement déjà?
[Traduction]
Le président: Relisez-le.
Mme Joann Garbig:
L'amendement vise la ligne 15 du préambule de la version anglaise, page 1. La ligne 15 se lirait ainsi :
nance that can be adapted to their individual traditions and customs; |
Le président: Y a-t-il consentement unanime?
Des voix: D'accord.
(Préambule)
Le président: Vous venez de consentir à ce que nous l'examinions; vous ne l'avez pas amendé. Nous allons donc faire cela maintenant puisqu'il vient avant les autres.
Nous appellerons l'amendement de M. Hubbard amendement G-00.
Monsieur Hubbard.
¿ (0915)
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
Je remercie aussi les députés de m'avoir permis de présenter cet amendement presqu'à la fin de nos délibérations sur le projet de loi.
À mon avis, il s'agit là d'un amendement très important. D'ailleurs, nous avons entendu un grand nombre de peuples des premières nations nous dire à quel point leurs traditions, leurs coutumes avaient du poids dans le contexte de la gouvernance. En intégrant ce libellé dans le préambule, en tant que gouvernement et en tant que comité faisant rapport à la Chambre, nous énonçons fermement à quel point les coutumes et traditions sont importantes dans le contexte de la Loi sur la gouvernance des premières nations.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Hubbard.
Quelqu'un d'autre veut-il intervenir? Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je ne remets pas en cause la valeur de ce qui a été ajouté. D'ailleurs, je serais fou de le faire. Ce serait complètement déconnecté de le faire puisque dans plusieurs de leurs représentations, les premières nations exigeaient qu'on tienne compte de leurs particularités. Je n'ai aucun problème quant au libellé; au contraire, j'adore ce libellé. C'est d'ailleurs la première fois que je suis d'accord avec M. Hubbard et que je trouve qu'un de ses amendements a de l'allure. C'est un amendement de fond.
Le problème que je vois, par contre, parce qu'il y a toujours un revers à la médaille, est celui de la valeur du préambule. La valeur du préambule a même été remise en cause par d'éminents professeurs en droit constitutionnel à l'Université d'Ottawa, en particulier. Ils disaient que le préambule n'avait pas une valeur interprétative dans le cas du projet de loi C-7. Pourquoi? Parce que lorsqu'ils ont à traiter des causes qui leur sont soumises en fonction d'un projet de loi, très peu de juges vont voir le préambule. Dans le cas du projet de loi C-7, les intentions du législateur sont tellement claires que le juge n'aura pas besoin de se référer au préambule. C'est ce qui me fatigue.
C'est le premier amendement de fond, le premier amendement solide que M. le secrétaire parlementaire présente au nom du gouvernement, mais malheureusement pour nous, il se trouve dans le préambule. Cela me fatigue un petit peu.
La plupart du temps, les législateurs qui introduisent ce genre de considérations le font par souci de protéger leur image politique. On présente la façade politique du gouvernement qui reconnaît le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Le droit inhérent est dans le préambule, mais comme je vous le disais, la valeur interprétative du préambule est discutable. Or, c'est exactement ce que M. Hubbard a fait. On dit depuis le début que le préambule n'a pas nécessairement une valeur interprétative et que souvent les juges ne le prennent pas en considération. Malheureusement, lorsqu'on parlait du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et de la Charte canadienne des droits et libertés, on retrouvait toutes ces prises de position du gouvernement dans le préambule.
Vous venez d'ajouter une autre considération qui fait en sorte qu'on respecte les façons de faire particulières, les coutumes et la culture des peuples autochtones.
Je ne peux pas être contre cela et je voterai en faveur de cet amendement. Ce serait bête de ma part de ne pas voter en faveur de cet amendement, mais il me semble qu'on aurait pu faire un effort pour introduire cet amendement dans le coeur du projet de loi, et non pas au niveau des intentions politiques qui paraissent bien. C'est certain que ça paraît bien; c'est comme dans le discours du Trône. Cela paraît bien de faire des énoncés politiques, mais il faut que dans les faits, dans le coeur du projet de loi, on voie apparaître ce genre de considérations.
Je l'appuierai, mais avec les réserves que je vous ai mentionnées, parce que pour moi, le préambule n'a pas une grande valeur.
Le président: Merci, monsieur Loubier.
[Traduction]
Quelqu'un d'autre veut-il intervenir? Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard: Je n'ai rien à ajouter. Merci, monsieur le président.
Le président: Voulez-vous un vote par appel nominal?
[Français]
Voulez-vous un vote par appel nominal? Non.
[Traduction]
(L'amendement est adopté)
[Français]
M. Yvan Loubier: J'ai l'honneur de présenter le premier amendement. Monsieur le président, cet amendement avait pour but de préciser le préambule, mais compte tenu de la discussion que nous avons eue et en regard des mémoires présentés par des experts, en particulier des constitutionnalistes de l'Université d'Ottawa, des gens de l'Association du Barreau canadien, de l'Association du Barreau autochtone et du Barreau québécois, nous avons jugé que le préambule du projet de loi C-7 avait une très faible valeur interprétative.
Mon amendement consiste à proposer que le projet de loi C-7, au préambule, soit modifié par substitution, aux lignes 22 à 28, page 1, de ce qui suit:
que le gouvernement du Canada reconnaît que le droit inhérent à l'autodétermination constitue un droit ancestral et a prévu des négociations portant sur l'autodétermination; |
C'était pour renforcer la volonté que le gouvernement fédéral peut afficher de poursuivre les négociations avec les premières nations, la seule voie possible et la seule voie efficace pour satisfaire les premières nations. On a eu l'occasion, tout au long du débat sur le projet de loi C-7, à la lumière de tous les amendements et des sous-amendements dont nous avons débattu avec vigueur et conviction, de faire valoir que le gouvernement fédéral n'avait pas suffisamment exprimé, par l'entremise des différents articles du projet de loi C-7, sa volonté d'accélérer le processus de négociation de l'autonomie gouvernementale.
À l'heure actuelle, 80 négociations sont en cours. On ne sait pas encore--d'ailleurs, nos experts étaient embêtés de répondre à cette question--quand on réussira à finaliser ces 80 négociations sur l'autonomie gouvernementale. Il en reste plusieurs dizaines supplémentaires qui n'ont même pas été touchées, en plus des négociations concernant les revendications territoriales. Il y en a 500 à l'heure actuelle qui sont laissées en suspens parce qu'on est toujours en train d'étudier le projet de loi C-7.
Quand on a présenté des amendements allant dans ce sens, je n'ai senti ni chez le ministre des Affaires autochtones et du Nord canadien ni dans le coeur du projet de loi une volonté d'accélérer le processus de négociation de l'autonomie gouvernementale avec les premières nations. J'ai encore moins senti une volonté d'ajouter des ressources supplémentaires pour faire en sorte qu'on puisse parler des vraies affaires rapidement et mettre en place un troisième ordre de gouvernement qui serait constitué des premières nations, qui choisiraient leur mode de gouvernance, les lois qu'elles veulent adopter, de même que les pouvoirs qui vont avec le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, ce qui ferait en sorte qu'on traduise les nombreux jugements des tribunaux et les traités ancestraux, de même que le droit inhérent reconnu dans la Constitution et dans la Charte canadienne des droits et libertés par la création d'un troisième ordre de gouvernement.
Mon amendement va dans ce sens. Quant au préambule, j'ai fait remarquer tout à l'heure à M. Hubbard, le secrétaire parlementaire, que sa valeur interprétative était discutable, mais d'entrée de jeu, lorsque j'ai présenté mon premier amendement, j'aurais aimé que ce soit une espèce d'introduction au projet de loi et que cela anime toute la rédaction et l'écriture de chacun de ses articles, qu'on a déjà analysés et tenté d'amender et de sous-amender, sans succès la plupart du temps.
C'est un peu le sens de mon amendement. J'espère que mes collègues, comme ils l'ont fait pour l'amendement du secrétaire parlementaire, vont faire preuve d'ouverture à cet égard.
¿ (0920)
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Loubier.
Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Merci, monsieur le président.
J'ai une question pour les fonctionnaires. Dans le préambule, on peut lire : «Que le gouvernement du Canada a adopté une politique...» Je me demandais si, dans ce paragraphe, on fait référence à une politique précise et à quelle date celle-ci aurait été adoptée? J'ignore de quoi il s'agit.
¿ (0925)
M. Warren Johnson (sous-ministre adjoint, Services fonciers et fiduciaires, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Il s'agit de la politique sur le droit inhérent, et pour ce qui est de la date, il faudrait que je vérifie. Le gouvernement du Canada reconnaît le droit inhérent, le droit existant dans la Constitution ainsi que la protection découlant des droits ancestraux et issus de traités, et il a publié un énoncé officiel sur cette politique il y a quelques années. Si le député le souhaite, je vérifierai la date exacte.
M. Joe Comartin: Selon votre interprétation, c'est de cette politique précise qu'il s'agit dans ce paragraphe.
M. Warren Johnson: Oui. On fait précisément référence à cette politique et aux négociations y afférentes qui sont en cours à l'heure actuelle--aux 80 tables dont le député a parlé tout à l'heure.
M. Joe Comartin: Monsieur le président, nous avons des réserves, et la raison pour laquelle nous appuyons l'amendement proposé par le Bloc est la suivante. Bien que je reconnaisse, monsieur le président, que le préambule est--et cela remonte sans doute à l'époque où j'étais à la faculté de droit--au mieux un instrument d'interprétation qui n'est aucunement exécutoire, que ce soit pour le gouvernement ou pour le groupe visé par la mesure, il communique clairement, dans le projet de loi qui nous occupe et probablement de façon générale dans la plupart des projets de loi, l'intention du gouvernement advenant l'adoption de la mesure. J'estime que l'amendement BQ-1, proposé par le Bloc, reflète beaucoup plus fidèlement quelle devrait être l'intention du gouvernement pour ce qui est de son approche et de son attitude envers la mesure, soit affirmer directement--non pas parler de politique--, mais affirmer directement qu'il reconnaît le droit inhérent.
Le libellé actuel, non pas de l'amendement mais du préambule, laisse entendre--à tout le moins, je pense que c'est là une analyse objective--que le gouvernement du Canada a consenti de nouveaux pouvoirs, de nouveaux droits aux premières nations alors qu'en fait, comme on l'a entendu périodiquement tout au long du débat ainsi que de l'étude article par article, ce n'est pas la réalité. Ce n'est pas ce qu'a dit la Cour suprême du Canada et ce, à maintes reprises. Aucun droit nouveau n'est conféré aux premières nations. Il s'agit de droits inhérents. À bien des égards, ils sont inscrits dans la Constitution et dans la pratique antérieure.
Compte tenu de l'intention et de l'attitude qui caractérisent les deux paragraphes dont nous sommes saisis--le texte proposé par le gouvernement et l'amendement proposé par le Bloc--, ils établissent clairement l'approche différente qu'ont adoptée le Bloc, le NPD et le Parti conservateur quant à la façon dont cette mesure devrait être rédigée et, ultimement, mise en oeuvre. Cette démarche est à l'opposé de celle du gouvernement, qui consiste à perpétuer l'approche paternaliste de la Loi sur les Indiens, approche qui a été le fondement de la Loi sur les Indiens lorsqu'elle a été adoptée à l'origine, au lieu de considérer sur un pied d'égalité la relation entre le gouvernement du Canada et les premières nations. Cette démarche aurait été acceptable aux yeux des premières nations et aurait reflété ces droits inhérents, ainsi que la reconnaissance et la politique fondamentale voulant que l'on soit en présence de rapports de nation à nation et non d'un gouvernement supérieur qui s'abaisse à consentir--par pure générosité, je suppose, selon son interprétation--certains droits aux premières nations.
L'énoncé direct de l'amendement BQ-1 reflète plus fidèlement la réalité. En outre, bien que je ne sache pas exactement quelle est la genèse de cette pratique, monsieur le président, l'idée de discuter du préambule à la fin de nos délibérations m'a toujours rendu perplexe car un préambule se doit de mettre la table pour le reste de la mesure législative. De toute évidence, c'est là la raison d'être d'un préambule. En l'occurrence, du fait que nous y revenions à la fin du processus, pour finaliser le projet de loi, nous ratons un élément essentiel, soit les assises intellectuelles, philosophiques et attitudinales de la mesure.
Lorsqu'on considère un paragraphe comme celui-ci, particulièrement les deux approches--l'une que l'opposition préférerait adopter et l'autre que le gouvernement a déjà adoptée--, on comprend tout de suite pourquoi nous sommes ici depuis aussi longtemps et pourquoi les premières nations s'opposent aussi farouchement à cette mesure législative. C'est précisément en raison de ces différences essentielles. D'une part, on reconnaît que le gouvernement ne donne absolument rien aux premières nations, puisqu'il s'agit là de droits inhérents. C'est la position qu'ont adoptée les partis de l'opposition, à l'exception de l'Alliance. Pour sa part, le gouvernement pense pouvoir continuer, encore à notre époque, à appliquer les principes qui sous-tendent la Loi sur les Indiens--même 100 ans plus tard, il pense d'une façon ou d'une autre pouvoir les perpétuer.
¿ (0930)
Monsieur le président, depuis une centaine d'heures que se poursuit ce débat, y compris tous les témoignages que nous avons entendus, il est évident que les premières nations ne sont pas disposées à accepter cela. L'amendement BQ-1 énonce ce qui est pour eux une prémisse, soit la reconnaissance par le gouvernement du Canada de leur droit inhérent à l'autodétermination.
C'est un principe auquel je souscris tout à fait. À mon avis, il convient de féliciter les membres du Bloc d'avoir proposé cet amendement en particulier et il va de soi que nous l'appuierons sans réserve.
Merci, monsieur le président.
Le président: Quelqu'un d'autre?
[Français]
Monsieur Loubier, voulez-vous faire une remarque de clôture?
M. Yvan Loubier: On était en train de discuter de la controverse du grand P et du grand N ou du petit p et du petit n ou du grand P et du petit n. Je vous en ferai part tantôt. C'est pas mal plus compliqué qu'on le ne croyait, mais il y a moyen de régler les choses, j'en suis persuadé.
Je pense que M. Comartin a complété ma présentation. Je suis très heureux qu'il appuie mon amendement, parce que j'ai essayé, avec cet amendement, de faire un préambule beaucoup plus clair et beaucoup plus fort qu'il ne l'était dans sa version initiale quant à la volonté du gouvernement canadien de reconnaître le droit inhérent à l'autodétermination, de reconnaître que c'est un droit ancestral et de prévoir des négociations, même intensifiées, portant sur l'autodétermination des peuples autochtones.
Je ne sais pas ce que je pourrais ajouter d'autre, sauf que j'aurais aimé que tout le long... Si vous vous rappelez, il y a un mois et demi maintenant, lorsqu'on a commencé l'étude article par article du projet de loi, tous les amendements que j'ai proposés et que M. Martin ou M. Comartin, lorsqu'il était là, ont proposés allaient dans ce sens, parce que c'est la seule issue possible. Lorsqu'on dit qu'on veut améliorer les relations avec les premières nations, la première chose à faire est de reconnaître le droit inhérent à l'autodétermination. La deuxième est d'accélérer la transposition de ce droit en un gouvernement autonome habilité à adopter des projets de loi dans des domaines qui pourraient être de sa compétence comme troisième ordre de gouvernement. Je suis heureux de cet appui et j'espère que les députés ministériels vont appuyer cet amendement.
Le président: Merci, monsieur Loubier.
[Traduction]
Voulez-vous un vote par appel nominal?
Des voix: Non.
(L'amendement est rejeté)
Le président: Nous passons maintenant à l'amendement NDP-1, page 2.
Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.
Cet amendement porte sur le même paragraphe que l'amendement BQ-1.
¿ (0935)
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest): Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
Il me semble que la formulation de l'amendement NDP-1 est pratiquement la même que celle de l'amendement BQ-1.
À mon avis, nous avons déjà réglé la question.
Le président: On m'a signalé qu'il y avait entre eux une différence suffisante, mais examinons-le de nouveau.
Dans le premier cas, on utilise dans la version anglaise «provided» et dans l'autre «committed to». Je suis tenu de l'accepter.
Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: Je suppose que j'ai encore dix minutes?
Le président: Vous en étiez à neuf secondes lorsque nous vous avons interrompu, mais maintenant vous en êtes à 15.
M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.
De façon fort opportune, l'intervention de M. Godfrey me permet de signaler la différence essentielle entre le libellé actuel du projet de loi et l'amendement NDP-1 proposé. C'est aussi une occasion de réfléchir encore une fois sur la perspective fondamentalement différente adoptée par mon parti sur la façon dont devraient se développer nos rapports avec les premières nations et les communautés des premières nations, par opposition à ce que renferme la mesure législative proposée.
Selon le libellé actuel, on dit simplement que la politique prévoit... Encore là, on retrouve cette notion d'un gouvernement présenté comme une puissance supérieure--nous nous prévalons, de façon capricieuse, de notre droit de vous dire en tant que premières nations, en tant que communauté de nations, que nous allons autoriser un processus spécifique, au lieu de prendre nos relations au sérieux et de nous engager à fond. C'est la différence entre les deux.
Dans un cas, on cède... oui, nous allons procéder comme vous voulez. De l'autre, l'amendement proposé par le NPD affirme aux premières nations et à la communauté autochtone en général que le gouvernement embrasse sans réserve le principe de l'autonomie gouvernementale. Ce n'est pas quelque chose que nous vous accordons; nous allons négocier quelle forme prendront nos relations. Mais nous reconnaissons votre droit inhérent et nous nous engageons à favoriser l'autonomie gouvernementale, non pas selon des termes dictés par le gouvernement fédéral aux premières nations, mais sur la base de négociations entre deux parties égales. Nous acceptons que les premières nations et la communauté autochtone en général présente ses proposes idées sur la façon dont elles entendent se gouverner elles-mêmes, ainsi que leurs sociétés et ce, sans avoir à se plier, comme on le voit très souvent dans la mesure--à des conditions très précises dictées par le gouvernement.
Chose intéressante, je ne sais pas combien de fois au cours de nos audiences--pour en revenir à la contribution de nos nombreux témoins--nous avons entendu réitérer ce concept intrinsèque : nous apportons nos propres idées; nous adhérons à des valeurs et à des principes très clairs qui ont façonné nos vies et notre façon de nous gouverner; nous comprenons que nous avons affaire en l'occurrence à un autre gouvernement, et nous sommes disposés à entreprendre des négociations.
Voilà le genre de commentaires que nous avons entendus. Chaque fois, on insistait sur le respect qu'il convient d'accorder à ces droits inhérents et sur le fait qu'au bout du compte, la structure gouvernementale qui émergerait serait sans doute sensiblement différente de celle en vertu de laquelle le gouvernement du Canada administre sa société. Autrement dit, au lieu d'être assujetties à un ensemble de valeurs traditionnelles d'inspiration européenne, nous, les premières nations, aurions un gouvernement fondé sur les valeurs qu'en tant que peuple, nous avons façonnées au fil des siècles.
Monsieur le président, nous pouvons adopter cette mesure législative, et il est évident que le gouvernement est absolument déterminé à nous forcer la main, mais à moins que cet engagement ne soit pris--et nous souhaitons qu'il s'inscrive dans le préambule, conformément au libellé proposé--, le fait est que le processus de négociation qui en découlera se heurtera probablement à une impasse. Nous avons entendu tous ces témoins des premières nations et de la communauté autochtone en général nous dire très clairement quel était leur point de départ et à moins que nous ne donnions suite à leur voeu, à moins que nous ne prenions cet engagement, le projet de loi sera adopté, il deviendra loi, mais il ne sera pas mis en oeuvre.
Bien sûr, il ne sera peut-être pas mis en oeuvre pour d'autres raisons,--tout dépend de la personne qui sera le prochain premier ministre--, mais même si le prochain gouvernement tente de concrétiser la mesure, il n'aura pas d'interlocuteurs de l'autre côté de la table avec qui négocier. Les Autochtones n'y seront pas en raison de la teneur de la mesure, de ses principes philosophiques sous-jacents et du processus qui y a mené.
Essentiellement, monsieur le président, nous n'avons pas reconnu que les premières nations ont effectivement ces droits inhérents. Nous n'avons pas pris l'engagement de négocier de bonne foi, de nation à nation, dans le respect de nos valeurs respectives--la diversité entre la perspective européenne et celle des premières nations. Et comme dans toutes les négociations menées de bonne foi, nous serions en mesure de trouver une solution ultime qui satisferait les premières nations et leur permettrait de mettre sur pied leurs propres gouvernements en conformité des mécanismes et des valeurs qu'ils chérissent et qui sont nécessaires à leur survie en tant que peuple indépendant.
J'invite instamment les autres membres du comité à appuyer cet amendement en particulier. Il concrétise un souhait que nous avons entendu à maintes reprises. Il recueille l'appui des premières nations. C'est le pilier dont nous avons besoin pour équilibrer cette mesure législative. Chose certaine, il reflète l'esprit qui devra imprégner les négociations si nous voulons qu'elles débouchent sur les accords d'autonomie gouvernementale qu'envisage cette partie en spécifique du préambule.
¿ (0940)
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Comartin.
Quelqu'un d'autre? Monsieur Loubier.
¿ (0945)
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je ne peux faire autrement que d'appuyer l'excellent amendement présenté par M. Comartin du NPD. D'ailleurs, lorsque nous avons analysé le projet de loi article par article et que nous avons, en particulier Pat Martin et moi, présenté des amendements au coeur du projet de loi C-7, ces amendements allaient tous dans le sens de la proposition présentée par M. Comartin. Il faut qu'il y ait un engagement ferme du gouvernement de négocier des accords portant sur l'autonomie gouvernementale. Jusqu'à présent, je suis très sceptique.
On a mis beaucoup de ressources, d'argent, de temps et de notre intelligence à étudier un projet de loi qui est loin de faire l'unanimité. La seule unanimité qu'il y ait est une unanimité contre le projet de loi. Tout le monde est en désaccord sur le libellé de ce projet de loi. On se demande toujours, parce que ça fait des mois et des mois que le gouvernement dit travailler sur un tel projet et que nous avons été mis à contribution, pourquoi on veut adopter un projet de loi qui, en réalité, n'est pas obligatoire pour arriver à la conclusion d'accords d'autonomie gouvernementale.
D'ailleurs, si c'est un passage obligé, je me demande bien quelle est la logique de ce passage obligé. Si on s'attardait uniquement au préambule et si le préambule était vraiment le reflet de ce qu'on retrouve dans le projet de loi, je me dirais, bien sûr, que c'est une belle amélioration par rapport à ce qu'on vit à l'heure actuelle. Mais entre le préambule et le contenu du projet de loi, il y a des différences incroyables, des différences au niveau de l'approche, par exemple. On a fait des nuances, tout au long de l'analyse du projet de loi, entre la gouvernance, l'administration des premières nations et la microgestion, et je crois qu'entre les deux, il y a des différences incommensurables.
Lorsqu'on parle de gouvernance, on parle de mettre en place tout ce qui est la traduction du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Donc, ce sont les premières nations qui décident du troisième ordre de gouvernement qu'elles constituent, qui décident des pouvoirs qu'elles vont exercer pour servir la population, pour servir leur peuple.
C'est ce qu'on appelle de la vraie gouvernance. Cela ne s'apparente pas, par exemple, à de la gestion municipale. Je n'ai rien contre les municipalités, les gestionnaires municipaux, les maires ou les conseillers. Mais ce qu'on retrouve dans le projet de loi C-7 n'est pas de la gouvernance. C'est un genre de municipalisation des pouvoirs des premières nations. Il s'agit plutôt d'administration au jour le jour de matières normalement dévolues à des municipalités.
Pis encore, monsieur le président, on a dû combattre, à l'intérieur du projet de loi, cette fichue tendance à la microgestion que favorise le gouvernement. La microgestion fait qu'on peut aller jusqu'à déterminer la couleur des chaises du conseil de bande à l'intérieur de la longue maison. Il faut se garder de faire cela.
Avec ce projet de loi, on guide les premières nations pratiquement par la main et on leur dit qu'elles doivent faire ceci ou cela, se préoccuper de ceci ou de cela, qu'elles ont un délai de deux mois, de six mois, de deux ou de trois ans, et ainsi de suite. Pourquoi imposer des choses aussi prescriptives et normatives? Pourquoi ne pas respecter les premières nations pour ce qu'elles sont et ce qu'elles aspirent à être?
La meilleure façon d'assurer ce genre de respect est d'enclencher au plus vite le véritable chantier auquel nous conviait la Commission Erasmus-Dussault, il y a quelques années. On nous disait qu'il fallait accélérer le processus des négociations d'autonomie gouvernementale; or, la proposition de M. Comartin va dans ce sens. C'est la seule voie. N'essayez pas de faire dévier la démarche ou d'ajouter des éléments; il y a déjà le rapport Penner, que j'avais ce matin, et qui ne réinventait pas la roue. Merci, monsieur Comartin, c'est le livre que je cherchais.
Déjà, la Commission royale sur les peuples autochtones avait jeté les bases. Sa première recommandation était d'ailleurs de s'asseoir et de discuter avec les premières nations, respecter ce qu'elles veulent construire--et reconstruire, pour la plupart d'entre elles--et respecter leurs besoins. On ne doit pas leur imposer quoi que ce soit.
Je suis fier de voir que le NPD a présenté encore une fois un amendement qui va dans ce sens-là. En fait, depuis le début, le Bloc québécois et le NPD présentent sans grand succès des amendements qui, précisément, s'apparentent à cet engagement du gouvernement fédéral à accélérer les accords d'autonomie gouvernementale.
Ça n'a pas été très bien reçu par les députés ministériels, bien qu'on ait travaillé très fort. Mme Scherrer n'était pas là lorsque nous avons tenu ces débats. Il reste qu'on a travaillé comme des fous à la préparation de ces amendements. Nous avions moins de deux jours pour le faire; néanmoins, on a réussi à en présenter 75 ou 80. Tous les amendements qu'on a présentés allaient dans le sens des nombreux mémoires qui nous ont été présentés tout au long de l'analyse du projet de loi C-7.
Je suis heureux de voir qu'on a encore cette préoccupation, mais j'aurais été tellement plus heureux qu'on inscrive ces préoccupations à l'intérieur du projet de loi, dans chacun des chapitres. D'ailleurs, comme spécialiste en matière constitutionnelle, monsieur Comartin, vous avez vous-même mentionné plus tôt que la valeur interprétative du préambule était laissée à la discrétion des juges. Certains juges trouvent que l'intention du législateur à l'intérieur d'un projet de loi n'est pas assez claire et se réfèrent alors au préambule. Mais le projet de loi C-7 est tellement porté sur la microgestion, on y désigne avec une telle précision, au quart de tour près, les pouvoirs que peuvent exercer les premières nations, qu'il ne sera pas nécessaire de consulter le préambule pour comprendre les intentions du législateur lorsqu'il y aura de nombreuses poursuites judiciaires. En effet, il ne faut pas se leurrer: la plupart des intervenants versés en droit, que ce soit l'Association du Barreau canadien, le Barreau québécois ou d'éminents professeurs d'université de Saskatchewan et d'Ottawa, nous ont dit que le projet de loi C-7 donnait lieu à des problèmes de superposition législative de la Loi sur les Indiens, de la Charte des droits et libertés et même de la Constitution. Il va donc y avoir des poursuites judiciaires. Cependant, les juges vont à mon avis se baser sur le coeur de la loi et non sur le préambule.
¿ (0950)
Nous allons quand même appuyer cet amendement au préambule, parce qu'il va dans le sens de ce que nous défendons depuis plusieurs mois maintenant. Par contre, nous aurions tant souhaité voir les amendements que nous avons proposés à l'intérieur du projet de loi être adoptés par la majorité libérale. Malheureusement, cela n'a pas été le cas. Cela nous donne une idée du degré de réflexion auquel en sont arrivés les collègues libéraux.
Le président: Merci, monsieur Loubier.
[Traduction]
Monsieur Comartin, dernières observations.
M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président de la Chambre...ou monsieur le président tout court, je suis désolé. Je n'arrête pas de vous accorder une promotion.
Je veux scruter de très près cette partie. Nous ne voulons pas laisser entendre--et je ne pense pas que ce soit l'intention du gouvernement non plus--que cette loi que nous voulons adopter pour remplacer la Loi sur les Indiens réglera à la perfection la question de la transition. Nous voyons en elle une mesure adéquate, un outil pour faciliter la transition vers l'autonomie gouvernementale, mais je ne pense pas qu'aucune loi ne puisse être rédigée avec un tel degré de perfection qu'on puisse se dire, une fois qu'elle aura été finalisée, que nous avons effectivement en main un instrument parfait.
Dans ses déclarations publiques, le ministre a affirmé clairement qu'advenant que la mesure devienne loi, elle ne sera ni temporaire ni transitoire. Et étant donné que nous ne pouvons pas voir plus loin et se dire qu'en fait, cette mesure sera transitoire et temporaire et qu'elle réalisera cet objectif d'accorder l'autonomie gouvernementale à toutes les communautés des premières nations pour ensuite mourir de mort naturelle dans une dizaine d'années...
Nous ne pouvons faire cela, monsieur le président. D'ailleurs, aucun des témoins que nous avons entendus n'ont suggéré que la dernière mouture législative serait en mesure de réaliser cet objectif. Mais le fait est qu'à un moment donné, l'autonomie gouvernementale sera en place et que cette mesure, de même que la Loi sur les Indiens, n'auront plus leur raison d'être.
Par conséquent, si l'on part de cette hypothèse, si l'on est conscient que c'est ce qu'on veut accomplir--et je pense avoir entendu le ministre déclarer que cette mesure facilitera la transition vers l'autonomie gouvernementale, bien que j'ignore à quel point il a mûrement réfléchi à la question--,à ce moment-là vous verrez l'amendement que nous proposons sous un autre angle car vous aurez compris qu'il est des plus importants d'énoncer clairement l'intention avouée du gouvernement, de l'exprimer dans un langage clair.
La terminologie employée à l'heure actuelle, notamment le verbe «prévoit», avec toutes les conséquences négatives qui s'ensuivent, n'exprime pas cette intention avouée de faire avancer le processus de transition jusqu'à son aboutissement, c'est-à-dire l'autonomie gouvernementale assortie des accords y afférents. Si l'on emploie le terme «s'engage», on rend cette idée. On exprime ainsi, par écrit, dans le projet de loi et partant dans la loi, ce que le ministre a décrit comme l'une des raisons d'être du processus.
Monsieur le président, il suffit de prendre connaissance des divers témoignages que nous ont communiqués un certain nombre de membres de l'Assemblée des premières nations. L'un d'eux en particulier, le vice-chef de l'APN, a défendu cet argument avec beaucoup d'éloquence. Certains des mémoires qui nous ont été remis s'inspiraient de la même philosophie et réitéraient la nécessité d'avoir ce type de libellé dans la loi. Ce n'est pas un cas où l'on peut simplement employer... Je ne sais pas comment décrire la terminologie utilisée ici. Elle n'est pas satisfaisante. Elle ne traduit pas l'intention voulue. Elle n'exprime pas à la satisfaction des communautés des premières nations--loin de là-- l'engagement qu'elles réclament et qu'elles insistent pour obtenir de la part du gouvernement du Canada.
¿ (0955)
Si nous ne nous donnons pas la peine de faire cela. Si nous ne leur disons pas que nous comprenons leur message et que nous reconnaissons l'importance de cette terminologie parce qu'elle nous obligera à poser des gestes concrets, je suppose qu'on pourra dire comme j'ai pu le constater à l'égard d'autres mesures législatives au pays et ailleurs, que nous prenons des engagements, que nous les formulons avec élégance, mais que nous n'y donnons par suite.
Cela me rappelle toujours certaines autres constitutions qui ont été adoptées, assorties de chartes des droits, comme la nôtre alors que sur le terrain, dans ces sociétés, il n'y a ni droits ni libertés civils. Les gouvernements des pays en question n'avaient nullement l'intention d'y donner suite. Certes, on pourra me dire : «Très bien, nous allons changer la formulation.» Mais allons-nous y donner suite?
En fait, monsieur le président, je suppose que personne ne peut nous le garantir, mais si nous ne commençons pas par prendre un engagement, si nous employons des termes très neutres qui encore une fois évoquent une relation de dominant à dominé, nous ne parviendrons même pas à poser la première pierre de l'édifice. Et si nous refusons de formuler cet engagement, pourquoi les premières nations croiraient-elles qu'un tel engagement existe et qu'il sera concrétisé par le biais de négociations menées en toute bonne foi, au cours des quelques prochaines années?
En conclusion, j'aimerais revenir sur un argument présenté par M. Loubier. Reportez-vous à l'histoire des négociations--comment on les a fait traîner en longueur, comment on a souvent atermoyé, comment on les a mises de côté. Repensez à toutes les fois où les premières nations ont dû aller devant les tribunaux, jusqu'à la Cour suprême du Canada, pour faire comprendre au gouvernement que ce qu'elles disaient au sujet de leurs droits inhérents est vrai. Adoptez la perspective des premières nations, pensez à l'histoire et placez la mesure dans ce contexte. Vous verrez alors comment leur réaction pourrait être de se dire : avec ce type de libellé, tout va continuer comme par le passé. Au train où vont les négociations relatives aux revendications territoriales, d'après nos calculs, il faudra encore 100 ou 200 ans pour les régler toutes. Voilà pourquoi les premières nations ont besoin que le gouvernement du Canada exprime clairement son engagement.
Comme je l'ai dit, si nous adoptons la formulation que je préconise, on peut espérer que le gouvernement actuel et les gouvernements subséquents prendront note de cet engagement et se diront qu'étant donné qu'il est bel et bien là, écrit noir sur blanc dans le préambule, ils ont le devoir d'y donner suite.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, je reconnais que le préambule a, au mieux, une valeur interprétative pour les tribunaux, mais à un moment donné, il y aura peut-être un juge qui, à la lecture de ce paragraphe dira au gouvernement qu'il a pris un engagement et qu'il doit maintenant tenir parole. Ce libellé rassurerait dans une certaine mesure les premières nations en ce sens qu'advenant qu'un gouvernement ou un ministre ne soit guère enthousiaste à l'idée de livrer la marchandise, à un moment donné, un juge pourra lui mettre sous le nez l'engagement qui a été pris en 2003, au moment où la loi a été adoptée, et lui intimer l'ordre de le respecter.
Un tel libellé pourrait constituer une assurance additionnelle que la pratique passe voulant que l'on étire indéfiniment ces négociations ne se répète pas. On s'attaquerait à la tâche de façon intelligente et efficace, toujours dans le respect des droits des deux parties de mener des négociations pleines et entières, des négociations acharnées, s'il le faut. Mais ces négociations porteraient fruit. Trop souvent, il y a lieu de se demander, s'agissant de certaines négociations, si elles servent uniquement de tactique dilatoire, de prétexte pour faire traîner les choses en longueur.
À (1000)
Monsieur le président, j'invite instamment les membres du comité à examiner le libellé actuel et à constater à quel point il ne rend pas la réalité de l'engagement qu'on nous demande de prendre envers les communautés des premières nations en tant que gouvernement. Si on le remplaçait par le libellé figurant à l'amendement NDP-1, ce serait une grande amélioration. Je préconise que l'on envoie au gouvernement actuel et à tous les gouvernements futurs le message que nous avons l'obligation d'oeuvrer sérieusement à l'aboutissement de ces négociations.
Le président: Merci, monsieur Comartin.
Êtes-vous prêt à passer au vote sur NDP-1?
(L'amendement est rejeté [Voir procès-verbaux])
Le président: Nous sommes à la page 3, amendement NDP-2.
Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.
L'amendement NDP-2 vise les lignes 29 à 33 inclusivement, page 1 du projet de loi. J'avancerai deux points seulement qui serviront de point de départ à mon argumentation.
Je ne pense pas que nous ayons entendu des témoins des premières nations dire que la mesure à l'étude et la loi subséquente devant remplacer la Loi sur les Indiens en totalité ou en partie étaient conçues--et je cite le paragraphe existant--«dans le but de définir la nature et l'étendue de tout droit à l'autonomie gouvernementale ou d'anticiper l'issue des négociations portant sur celle-ci;». C'est mon premier argument. On ne les a pas entendus affirmer que c'est ce qu'ils attendaient.
Mon deuxième argument, c'est ce qu'ils nous ont plutôt dit, soit que le projet de loi--dans le préambule, je suppose ou d'une façon quelconque--faciliterait la transition vers l'autonomie gouvernementale sans pour autant--et c'est là l'important--constituer un carcan ou ériger un système tellement rigide qu'il y aurait un moule auquel devraient se plier les premières nations visées, qu'elles soient de la côte est, de la côte ouest ou d'ailleurs.
Si l'on a opté pour ce libellé dans le préambule--et de toute évidence, la proposition d'amendement vise à supprimer entièrement ce passage--, c'est qu'on veut précisément en arriver à faire ce que je dénonçais dans mon second argument. C'est clair si l'on regarde la teneur du projet de loi. À l'heure actuelle, après un long examen, après 126 ou 127 heures de délibérations, qui ne sont pas encore terminées, la réalité est la suivante : nous avons effectivement constitué un carcan. Nous avons érigé une structure très rigide que nous imposerons aux premières nations advenant que le projet de loi soit adopté et mis en oeuvre... Je suppose que le seul point d'interrogation est de savoir s'il sera mis en oeuvre, car il est assez évident que le gouvernement va en forcer l'adoption. Nous avons mis au point une infrastructure qu'il serait plus exact de décrire comme un carcan, comme je le disais. Chacune des quelque 600 nations et plus que regroupe l'Assemblée des premières nations, et un certain nombre d'autres, devront se contortionner, se transformer, se tronquer--peu importe; elles devront changer pour s'adapter à cette structure.
En dépit de cette belle affirmation, soit que la mesure n'a pas «pour but de définir la nature et l'étendue de tout droit à l'autonomie gouvernementale», nous avons créé une infrastructure tellement rigide que nous avons fait tout le contraire. C'est le comble de l'hypocrisie que d'adopter ce projet de loi avec ce libellé. Par rapport à ce que nous nous proposions de faire aux lignes 29 à 33, nous avons fait exactement le contraire.
Nous avons dit aux premières nations : vous devez vous doter de ces règlements; vous devez utiliser ces méthodes comptables, et ainsi de suite, ad nauseam. Si l'on considère les détails spécifiques, c'est un peu comme si en tant qu'entité gouvernementale supérieure, nous leur imposions les paramètres qui doivent circonscrire leur vie. Vous devez adopter ces lois; vous devez adopter ces règlements; vous devez les respecter; vous devez avoir tel ou tel mécanisme d'exécution--et la liste est encore longue. En fait, monsieur le président, contrairement à ce que nous disons dans le préambule, nous avons défini--et je cite encore une fois--, «la nature et l'étendue de tout droit à l'autonomie gouvernementale».
À (1005)
Nous avons dit aux premières nations que c'est ainsi que fonctionnerait l'autonomie gouvernementale au Canada. Nous savons où logera le gouvernement dans chaque dossier lorsque ces négociations s'amorceront--et je reviens à la deuxième partie du paragraphe où l'on prétend ne pas vouloir anticiper l'issue des négociations. Le gouvernement du Canada dira à la première nation qui lui fera face à la table : voici le modèle. Il n'y en a qu'un; c'est le seul. Vous devez l'accepter, et si vous voulez négocier hors des paramètres de ce modèle, désolé. Ce n'est pas possible. Nous anticipons vraiment l'issue des négociations.
Monsieur le président, si nous avons collectivement quelque intégrité que ce soit et si le gouvernement croit vraiment qu'il a eu raison d'opter pour ce libellé et de forcer l'étude article par article, il se doit d'être honnête avec lui-même et retirer ce paragraphe car il ne répond pas à nos aspirations. Il ne correspond pas du tout à l'intention avouée en l'occurrence; à chaque tournant, nous avons simplement fait le contraire, à mon avis.
Je pourrais relever pratiquement n'importe quel article du projet de loi et vous montrer qu'effectivement, il a pour but de définir la nature et l'étendue de ce volet de l'autonomie gouvernementale. Si l'on regarde les articles 5, 6 et 7 ou encore les articles 16 et 17, tout est là; et nous savons comment les choses se passeront lors des négociations.
Cela dépasse mon entendement, à titre d'avocat, que si je suis en train de représenter ou d'aider les premières nations dans les négociations... Cela me fait penser aux négociations auxquelles le mouvement syndical était condamné avant que l'on établisse une structure pour protéger les droits des travailleurs. On entamait des négociations sans posséder la moindre capacité d'influencer l'autre partie parce qu'il y avait une formule rigide établissant les droits du patronat, si je peux me permettre de donner cet exemple. On n'avait pas le choix, il fallait l'accepter.
Avant d'obtenir le droit de prélever des cotisations syndicales, nous savions que nous n'avions même pas le droit de discuter cela à la table. Voilà quelle sera la situation des premières nations dans ces négociations. À chaque fois, monsieur le président, on va leur brandir en pleine face ce projet de loi, ou plutôt cette loi, si jamais le projet est adopté, en leur disant que tout est là, et qu'ils peuvent toujours grapiller quelques petits avantages accessoires, s'ils veulent bien en discuter. Mais il n'y aura aucune raison de poursuivre les négociations. Ou bien ils s'avouent vaincus et se soumettent à la structure prévue dans ce projet de loi, ou bien il y a un blocage et aucune négociation véritable ne peut avoir lieu.
Où cela nous mène-t-il? Absolument nulle part, à partir de la situation présente. Cela ne renforce nullement leur capacité de se gouverner eux-mêmes en conformité des principes et des valeurs auxquels ils tiennent. En fin de compte, si l'on regarde ce qui va se passer dans l'avenir, quand on en arrivera à l'étape de la mise en oeuvre, et il faut espérer que cela pourra se faire de façon rapide et efficiente, afin que les gens puissent aller de l'avant et mettre en place des sociétés qui seront conformes à leurs normes, rien de cela ne va se passer. Nous serons tout aussi bloqués dans ces négociations que nous l'avons été pour les revendications territoriales, et peut-être même encore plus. La réaction des premières nations, d'un bout à l'autre du pays, comme nous l'avons vu à l'occasion des manifestations, des rassemblements et dans les mémoires qui ont été présentés au comité, c'est que ces gens-là refusent de se soumettre à ce processus. Nous serons confrontés à la réalité, à savoir qu'il nous sera impossible de négocier quoi que ce soit avec eux d'une manière le moindrement utile.
À (1010)
Donc, monsieur le président, je presse instamment le comité de se pencher là-dessus et, ayant vécu tout le processus--en fait, quand je regarde autour de la table, je ne suis pas sûr que beaucoup de gens ont été présents depuis le tout début du processus ou qu'ils comprennent le moindrement le projet de loi, mais à ceux dont c'est le cas, je dirai que si vous voulez vraiment maintenir l'intégrité et faire preuve d'honnêteté, il faut supprimer ces cinq lignes.
Le président: Merci, monsieur Comartin.
Quelqu'un d'autre? Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je ne puis qu'appuyer l'amendement présenté par M. Comartin. Il a raison lorsqu'il dit qu'il est faux de prétendre que le projet de loi, dans son préambule et aux articles 29 à 33, ne définit pas la nature et l'étendue de tout droit à l'autonomie gouvernementale ou d'anticiper l'issue des négociations portant sur celle-ci.
On a qu'à regarder à l'intérieur du projet de loi, surtout en regard de la définition de la nature et de l'étendue de tout droit à l'autonomie gouvernementale, de quelle façon on a prévu, entre autres aux articles 16 et 17, de définir le pouvoir du conseil. Quand on définit des pouvoirs dans un projet de loi comme le projet de loi C-7, nécessairement on balise l'autonomie gouvernementale des premières nations.
Autrement dit, si vous définissez des pouvoirs et si vous faites une liste non pas exemplaire, mais une liste exhaustive des pouvoirs qu'auront les conseils de bande, vous définissez nécessairement la nature et l'étendue de tout droit à l'autonomie gouvernementale. M. Comartin a absolument raison. En faisant disparaître ce paragraphe avec son amendement, il rend le préambule beaucoup plus réaliste par rapport à ce qu'on retrouve à l'intérieur du projet de loi.
Le problème de ce projet de loi, c'est qu'on a balisé l'autonomie gouvernementale non seulement en définissant les pouvoirs bien précis qui peuvent être exercés par les conseils de bande, mais aussi en prévoyant des pouvoirs très restreints parce qu'à la fin, si les textes législatifs ou les règlements adoptés par le conseil de bande vont à l'encontre d'une loi fédérale ou de règlements fédéraux, ce sont les règlements fédéraux et la loi fédérale qui auront préséance.
Non seulement on balise l'autonomie gouvernementale en octroyant de petits pouvoirs très précis, mais en plus de cela, le gouvernement, en vertu du paragraphe 16(2) ou 17(2), par exemple, peut intervenir par l'entremise du gouverneur en conseil. Qu'est-ce que le gouverneur en conseil? C'est le Conseil des ministres. Le gouverneur en conseil peut intervenir pour contrecarrer toute décision ou tout texte législatif ou réglementaire qui aurait pu être adopté par le conseil de bande. On dit dans l'actuelle Loi sur les Indiens que c'est le ministre qui décide si une loi ou un texte réglementaire adopté par un conseil de bande ou telle action va à l'encontre d'une loi gouvernementale ou de son désir.
Qu'est-ce qui a changé? On a transposé certains pouvoirs discrétionnaires dont disposait le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien dans le projet de loi C-7. On a transformé les prérogatives discrétionnaires du ministre des Affaires indiennes en pouvoirs du gouverneur en conseil. Quelle différence y a-t-il? Au Conseil des ministres, lorsqu'un ministre prétend, par exemple, qu'un texte réglementaire ou un texte législatif pris par un conseil de bande va à l'encontre de son désir, il a tout simplement à faire changer la réglementation par le gouverneur en conseil et le tour est joué. Même si les premières nations ont des pouvoirs fort balisés, il y a un certain pouvoir de désaveu du ministre quant aux pouvoirs législatifs des premières nations, une espèce de pouvoir de désaveu par le truchement du pouvoir discrétionnaire du gouverneur en conseil contenu prévu aux paragraphes 16(2) et 17(2).
M. Comartin a vraiment raison de dire qu'il faut faire sauter ce paragraphe, parce que c'est faux de prétendre que cela ne définit pas la nature et l'étendue des pouvoirs du conseil de bande. Je ne comprends pas pourquoi on maintient cette assertion. Vous n'avez qu'à prendre le projet de loi à la page 10, où on parle de pouvoirs législatifs du conseil et de prévention:
À (1015)
16. (1) Le conseil d'une bande peut prendre des textes législatifs à des fins locales applicables dans sa réserve concernant: |
b) la prévention des dommages matériels; |
c) les activités exercées dans un lieu public; |
e) les ouvrages locaux, les services publics et la gestion des déchets; |
g) les incommodités, notamment les lieux insalubres; |
j) la circulation; |
k) la réglementation d'activités commerciales; |
Qu'est-ce que c'est si ce n'est pas baliser le pouvoir des conseils de bande et municipaliser le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale?
Je ne crois pas que dans l'esprit des nations autochtones au Canada, le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale doive se traduire par le droit d'exercer des pouvoirs qui sont attribués, à l'heure actuelle, à des municipalités. Je n'ai eu de cesse de répéter, pendant nos quelque 125 heures de débats, que je n'ai rien contre les conseillers municipaux ou contre les maires, mais lorsqu'on parle de la création d'un troisième ordre de gouvernement pour des nations qui sont reconnues comme telles par l'Organisation des Nations Unies, l'exercice du pouvoir de l'autonomie gouvernementale par les premières nations ne consiste pas en l'inspection de restaurants pour voir s'ils sont salubres.
Pourtant, aux articles 16 et 17, contrairement à ce qu'on dit dans le préambule, on définit des balises. Dans la mesure où on définit des balises, on détermine de façon indirecte les limites de l'exercice du pouvoir du troisième ordre de gouvernement. Dans le cas du projet de loi C-7, aux articles 16 et 17, ces limites ou balises s'apparentent à des pouvoirs uniquement municipaux pour les gouvernements des premières nations.
Cela ressemble drôlement au Livre blanc de 1969 de M. Chrétien, alors qu'il était ministre des Affaires indiennes. C'est l'extinction des droits et la municipalisation des pouvoirs des premières nations qu'il souhaitait.
On est très loin de l'évolution qu'on a connue dans les années 1980 et 1990 au chapitre de la vision qu'on doit avoir de nos relations avec les premières nations. Ce sont des relations de nation à nation et d'égal à égal. Ce sont des relations de respect mutuel, de partenariat, et non pas des relations de domination comme celles qu'on a vécues au cours des 130 années d'application de la Loi sur les Indiens.
Wake up! On est en 2003! On est en 2003, et plusieurs jugements de la Cour suprême ont donné raison aux premières nations. L'Organisation des Nations Unies a donné raison aux premières nations et les a reconnues comme étant des nations au sens réel du terme, au sens même de la définition de l'Organisation des Nations Unies. On n'est plus au XIXe ou au XVIIIe siècle, et encore moins au XVIIe siècle.
Combien de fois faudra-t-il le répéter? Dans le projet de loi C-7, sous couvert de modernité, on a reconduit la Loi sur les Indiens. La Loi sur les Indiens ne disparaît même pas. Certains de ses chapitres disparaissent, et on a transféré au gouverneur en conseil certains pouvoirs qui étaient dévolus au ministre. C'est maintenant le gouverneur en conseil qui a le pouvoir de décider, à la place des premières nations, ce qu'elles doivent faire et si les lois et textes réglementaires adoptés par les conseils de bande sont bons.
Quelle différence y a-t-il entre la Loi sur les Indiens et le projet de loi C-7? Il n'y en a pas. C'est la modernité. On a dépoussiéré un peu la loi. Par exemple, on a aboli de façon assez enthousiaste certains articles de la Loi sur les Indiens qui, de toute façon, n'étaient même plus utilisés par le gouvernement fédéral. On parle notamment de l'article 72.
L'article 72 donnait au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien le pouvoir de gérer les fermes détenues par les premières nations. Cela fait 40 ou même 50 ans qu'il ne fait plus cela. Donc, on a biffé l'article 72 et on a dit qu'on donnait un pouvoir supplémentaire aux premières nations dans le projet de loi C-7 et qu'elles avaient pleine juridiction à cet égard. Que de foutaise!
On nous fait croire qu'il faut passer par là pour reconnaître le droit à l'autodétermination des premières nations et traduire ce droit à l'autodétermination en véritables pouvoirs d'un troisième ordre de gouvernement. Il ne faut pas nous prendre pour des imbéciles. Ce n'est pas ce qu'il y a là-dedans, mais pas du tout.
L'avez-vous lu, au moins? Au lieu de lire le journal et les cartoons, vous devriez lire des projets de loi. Vous devriez avoir plus de fierté et plus de professionnalisme.
À (1020)
Le président: Merci, monsieur Loubier.
Madame Girard-Bujold.
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Monsieur le président, je suis très heureuse de prendre la parole ce matin sur cette proposition du NPD. Je pense que tout le monde ici, autour de cette table, devrait lire cette proposition du NPD, qui supprime les lignes 29 à 33 de la page 1 du projet de loi.
Enfin, avec cette proposition, les masques tombent. Nous enlevons le maquillage que ce projet de loi applique sur tout ce qui se passe présentement en matière de négociations avec les premières nations. Le maquillage fait en sorte que tout paraisse beau, mais cache l'essentiel.
L'essentiel de tous les articles de ce projet de loi C-7 ne va pas dans le sens d'une autonomie gouvernementale et d'un vrai rapport de force entre les premières nations, qui devraient être considérées comme un troisième palier de gouvernement, et le gouvernement fédéral. Il faut qu'il y ait une vraie négociation.
Comme le disait mon collègue, on a passé plusieurs dizaines d'heures à parler de ce projet de loi.
M. Yvan Loubier: Cent vingt-six heures.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Oui, 126 heures plus précisément. Il est ressorti de ces discussions que ce projet de loi avait été rejeté au départ par toutes les premières nations et mis entre parenthèses par plusieurs juristes canadiens et québécois et par plusieurs professeurs d'université. Ceux-ci sont venus dire qu'on avait une Loi sur les Indiens qui infantilisait les premières nations et qu'on devait reprendre un vrai dialogue avec les premières nations, ce que ne fait pas ce projet de loi. Il continue à dire aux membres des premières nations qu'ils sont des mineurs à qui on doit dire ce qu'ils doivent faire. C'est de la microgestion, comme mon collègue passe son temps à le dire. Ce n'est pas une vraie négociation où les gens sont prêts à s'asseoir, à discuter de partage et à faire des concessions mutuelles.
Ce projet de loi est très précis; ses articles sont très précis. Ce projet de loi traduit la malhonnêteté de la pensée du gouvernement à l'égard des premières nations.
Nous ne pouvons pas nous permettre d'être partie prenante à une telle façon de faire avec les premières nations. Je suis fière que mon collègue Yvan Loubier ait dit que jamais on ne se prêterait à un tel maquillage et à une telle façon de faire à l'égard de gens qu'on considère comme des égaux. Non, jamais!
Je constate également que les membres de ces premières nations sont ouverts. Qui les a placés à l'intérieur des réserves, premièrement? C'est le gouvernement fédéral. Il ne leur a jamais permis d'être autonomes.
On considère les premières nations comme des municipalités. Les municipalités relèvent toujours d'un palier supérieur de gouvernement pour ce qui est des lois qui sont adoptées. Je pense que les premières nations forment un palier de gouvernement qui doit être reconnu en tant que tel, et cet amendement présenté par le NPD confirme ce que nous avons dénoncé tout au long des interventions qui ont été faites durant ces 126 heures. Cela confirme que ce maquillage est là. C'est pour cela que jamais nous ne consentirons à ce qu'on inscrive noir sur blanc dans ce projet de loi des textes qui disent le contraire de la réalité.
À (1025)
Monsieur le président, je félicite mon collègue du NPD d'avoir déposé cet amendement. Je pense que la majorité gouvernementale devrait lire ce projet de loi avant de dire oui ou non et de voter de la manière que le secrétaire parlementaire leur prescrit.
Il faut le lire avant d'arriver à la fin de cette étude. Il va falloir que vous lisiez ce projet de loi à un certain moment. Notre collègue nous en a fait la lecture et nous a dit quels en étaient les irritants.
Pour ma part, je revendique une place pour les femmes en politique, car il n'y a jamais assez de femmes en politique. Jamais je ne vais permettre qu'on agisse comme cela envers une nation et qu'on précise dans ce projet de loi des choses comme celles qu'on dénonce. Jamais!
Vous parlerez quand ce sera votre tour, madame Scherrer.
Aujourd'hui, nous sommes en 2003 et non en 1900. À l'époque, il fallait peut-être prendre les gens en main pour les amener vers quelque chose. Aujourd'hui, les gens de ces communautés ont atteint la maturité. Ces communautés sont les égales de nos communautés. Il est inadmissible qu'on ne leur permette pas d'exercer leur autonomie et qu'on ne négocie pas avec elles une entente globale. Après tout, ces gens sont censés être nos s partenaires.
En supprimant ce paragraphe du projet de loi, on confirme ce que la Loi sur les Indiens faisait dans le passé. Aujourd'hui, ce projet de loi continue ce que la Loi sur les Indiens faisait aux premières nations. On ne doit pas accepter cette façon de faire aujourd'hui.
Il y a eu des rapports dans le passé et plus récemment qui disaient que les premières nations doivent être reconnues comme des nations. Comme le disait M. Comartin, quand ce projet de loi va arriver devant les tribunaux, les juges vont interpréter ce qui est écrit. Ils ne jugeront pas en fonction de ce qu'il y a dans la tête des gens ou de ce qui aurait dû se faire. Ils vont interpréter ce qui est écrit dans le projet de loi. Ils n'inventeront pas. Les juges ne sont pas des gens inventifs. Ce sont des gens qui interprètent des lois, qui statuent sur des lois bien précises, sur des articles de loi bien précis.
Personne autour de la table ne peut dire que ce projet de loi donne leur autonomie aux premières nations. Jamais, jamais, jamais! Et on ne pourra jamais accuser les juges de ne pas faire leur travail quand il y aura des contestations, parce que ce projet de loi ne leur donne pas les balises nécessaires pour assurer l'harmonie entre les premières nations et les Blancs.
Je remercie le député du NPD d'avoir proposé cet amendement. Je le remercie aussi d'avoir fait de l'excellent travail avec mon collègue Yvan Loubier afin que les gens et surtout le gouvernement s'ouvrent les oreilles et les yeux. Que le gouvernement fasse ce que nous avons fait tout à l'heure, quand nous avons accepté un amendement de dernière minute du gouvernement ayant trait à l'autonomie des peuples autochtones. Qu'il fasse preuve d'ouverture d'esprit, qu'il ouvre les yeux et qu'il accepte de considérer les nations autochtones comme des nations égales.
Ce n'est pas ce que fait le gouvernement. C'est bien dommage et c'est triste. Je pense que tout ce travail tombera à l'eau et que tout ce qui est arrivé dans les années passées va continuer. Le maquillage sera permanent et les masques vont rester en place. Les nations autochtones ne pourront jamais, jamais être gagnantes avec un tel projet de loi.
Monsieur le président, il faut y réfléchir. On a encore du temps. Il faut le faire. Reconnaissons la valeur des premières nations dans ce projet de loi.
Merci, monsieur le président.
À (1030)
Le président: Merci, madame.
Monsieur Comartin.
[Traduction]
M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, pendant que M. Loubier et Mme Girard-Bujold parlaient, je suis sorti de la salle pour aller rédiger mon message à ma circonscription à l'occasion de la Fête du Canada. Dans ce message, j'évoque les valeurs communes que tous les Canadiens partagent, à mon avis. Et je mentionne explicitement l'égalité et la justice sociale, parce que je crois que les Canadiens croient en l'égalité et en la justice sociale qu'ils tiennent pour des valeurs absolument fondamentales. Non pas que nous les ayons pleinement réalisées, et il est certain que les premières nations pourraient être les premières à nous signaler les lacunes à cet égard, mais nous continuons à tendre vers la concrétisation de ces valeurs. Et c'est là le message que j'essaie de transmettre dans le mot que j'adresse à ma circonscription et à mes commettants à l'occasion du 1er juillet.
En revenant prendre ma place ici, monsieur le président, je jette encore une fois un coup d'oeil à ce projet de loi et à notre cheminement dans ce dossier, et je me rends compte qu'à cette occasion, nous n'avons pas réussi à mettre en application ces valeurs. Et je ne dis pas que ce sont les premières nations qui ont échoué...
Le président: Je vais suspendre la séance immédiatement, jusqu'à ce que ce monsieur remballe sa caméra. Il se l'est déjà fait dire.
À (1034)
À (1036)
Le président: Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: Ce n'est pas un échec de la part des premières nations. Celles-ci ont exprimé leurs valeurs, souvent avec une grande éloquence, précisant ce qu'elles aimeraient voir dans une mesure législative qui nous débarrasserait de la Loi sur les Indiens et qui nous ferait entrer dans le XXIe siècle pour ce qui est de nos relations entre nous-mêmes, à titre de gouvernement du Canada, et les premières nations.
Monsieur le président, quand je lis ce passage, je trouve que c'est vraiment hypocrite de notre part d'insister pour conserver ce texte dans la loi.
Je voudrais revenir sur ce que Mme Girard-Bujold disait au sujet du juge ou du décisionnaire d'un tribunal qui lirait ce projet de loi et qui s'arrêterait à ce passage. Il pourrait alors se passer deux choses. Premièrement, il ou elle ne s'arrêtera peut-être même pas à ce passage. Confronté à cette structure qui est actuellement établie dans tout le projet de loi, l'intéressé pourrait se dire : ma foi, je n'ai pas besoin d'interpréter quoi que ce soit, il est évident que le gouvernement du Canada m'a dit que c'est le modèle à suivre et je dois regarder plus loin.
Il est donc possible que l'on ne s'arrête même pas à ce passage, parce que ce n'est pas nécessaire. Mais si le décideur réfléchit à cette disposition, il se dira alors : ma foi, ce n'est pas ce qu'ils ont fait; ils ont bel et bien établi un modèle qui constitue un véritable carcan pour les premières nations. Et s'il se sent lié par le reste du projet de loi, il se dira simplement : en fait, ce n'était peut-être pas l'intention du législateur, mais c'est effectivement...désolé, je vais changer tout cela.
Je pense que personne, à la lecture du projet de loi et de ce passage du préambule, ne pourrait en arriver à une autre conclusion. Après avoir lu intégralement le projet de loi et l'avoir scruté à la loupe, on ne peut faire autrement que de se dire que le législateur a bel et bien défini la nature et l'étendue de tout droit à l'autonomie gouvernementale, et qu'il a bel et bien anticipé l'issue des négociations portant sur celle-ci. C'est exactement ce que le législateur a fait.
Je vais donc prétendre un instant que je suis membre du tribunal ou de la commission, ou que je suis le juge qui étudie l'affaire. Alors je lis tout cela et je me dis que le projet de loi tout entier est complètement incompatible avec ce passage du préambule. Nous n'avons donc pas abordé ce dossier de bonne foi, en tant que gouvernement du Canada. Nous avons simplement dit : voici ce que nous voulons en fait d'autonomie gouvernementale--c'est d'ailleurs pousser un peu loin que d'utiliser cette expression, l'autonomie gouvernementale, pour décrire un tel projet--voici comment devrait fonctionner l'autonomie gouvernementale, d'après nous, le gouvernement du Canada. Nous croyons que tel doit être l'aboutissement des négociations et des ententes d'autonomie gouvernementale.
Je veux invoquer un autre argument, monsieur le président, avant de manquer de temps. Ce passage du préambule, à la ligne 29, commence en ces termes :
Que la Loi sur les Indiens et la présente loi n'ont pas pour but |
et tout le reste.
Or, il y a une chose qui est très claire. La Loi sur les Indiens, quand elle a été adoptée, avait bel et bien pour but d'établir une structure législative très précise visant à encadrer et à limiter le rôle des dirigeants des premières nations et ce qu'ils pouvaient faire dans leurs efforts pour assurer l'essor et l'épanouissement de leur collectivité. C'était manifestement le but de l'opération. Donc, ce libellé est tout simplement faux. Il est inexact; il est incorrect.
Ensuite, deuxièmement, si l'on va au-delà de l'intention de la Loi sur les Indiens et que l'on examine la manière dont elle a été appliquée, monsieur le président, il est évident qu'on s'en est servi pour limiter, presque pour éliminer la capacité des premières nations de se gouverner elles-mêmes. Telle en a été la conséquence.
Je soutiens très énergiquement que, dès le début, l'intention était justement de faire cela et que la conséquence a été précisément de faire cela. Ce que les premières nations nous ont dit, depuis que cette loi a été adoptée, je le suppose, ce que le Canada a enfin entendu, je crois... J'ai entendu M. Ménard nous faire hier soir l'historique des dernières décennies, durant lesquelles les premières nations ont enfin réussi à faire entendre leur message à la majorité des Canadiens, et la population canadienne l'a accepté. Nous en sommes arrivés à une époque où nous sommes prêts, en tant que population canadienne, à tourner la page.
Le problème, c'est que nous avons actuellement un gouvernement qui refuse d'accepter ce qui s'est passé, attitude qui est clairement reflétée dans ce projet de loi. C'est quasiment comme si les trois dernières décennies n'avaient pas eu lieu. C'est comme si on leur disait : l'intention a été clairement exprimée dans la Loi sur les Indiens originale d'il y a 130 ans; nous allons nous contenter de continuer dans la même voie. Nous n'avons rien appris depuis le début. Monsieur le président, il est très clair que la communauté autochtone des premières nations, d'un océan à l'autre, n'est plus disposée à l'accepter.
Je résume encore une fois ce que j'ai dit dans ma déclaration initiale. Si les membres du comité ont la moindre miette d'intégrité, s'ils veulent être honnêtes dans leurs agissements, ils doivent retrancher ces cinq lignes.
Merci, monsieur le président.
À (1040)
Le président: Nous allons mettre aux voix l'amendement NPD-2, à la page 3.
(L'amendement est rejeté)
Le président: Sur l'amendement NPD-3, à la page 4, la parole est à M. Comartin.
M. Joe Comartin: C'est M. Martin qui va en parler.
Le président: Monsieur Martin.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): C'est comme le pilote et le copilote; il y a Martin et Comartin. Nous travaillons en équipe.
Monsieur le président, c'est un grand honneur pour moi de prendre la parole au sujet de l'amendement NPD-3, qui sera en fait le dernier amendement proposé par le NPD dans cette énorme liasse d'amendements que nous avons cherché à faire adopter au sujet de ce projet de loi.
Ce sera donc ma dernière occasion de prendre la parole sur l'un de nos amendements, aux termes de ce long et épuisant processus qui a duré 48 jours. Nous discutons de ce projet de loi depuis 48 jours, depuis que le président a prédit que le projet de loi serait renvoyé à la Chambre.
Oh, je me trompe, monsieur le président; c'est plutôt pendant 55 jours que nous avons retenu ce projet de loi au comité afin de faire comprendre à tous qu'il suscite une opposition généralisée d'un bout à l'autre du pays.
Je suis très fier d'avoir été le messager de cette vision des choses. Je suis particulièrement fier d'être accompagné aujourd'hui, monsieur le président, par des représentants des premières nations d'un bout à l'autre du pays qui ont fait de grands efforts et engagé des dépenses importantes--certains d'entre eux ont littéralement roulé toute la nuit--pour venir ici pour assister à nos délibérations et pour dire clairement au gouvernement libéral que ce n'est pas seulement l'Assemblée des premières nations qui s'oppose à ce projet de loi; ce sont des gens ordinaires, des Autochtones membres des premières nations, des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards, des mères et des grands-mères qui s'opposent à ce projet de loi pour des raisons fondamentales.
C'est un honneur pour moi aujourd'hui, et j'aimerais vous présenter et nommer certains invités qui nous accompagnent aujourd'hui : Melba Thomas, représentant les Six Nations du territoire de la Grande rivière; Josephine Harris, de la Nation Cayuga; Mary Sandy, de la Confederacy Clan Mother de la Nation Oneida; oyce Sky, Cayuga, qui représente sa mère à titre de gardienne du feu de sa communauté, le peuple Cayuga; Mina Keye, mère du clan des Lower Cayuga--bienvenue à vous, Mina--et Cora Davis, mère du clan des Upper Cayuga. Il y a aussi--je m'excuse, je n'ai pas le nom de toutes les personnes qui vous accompagnent--Terri Brown, présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada, organisation tout à fait légitime, et porte-parole légitime des femmes autochtones de notre pays, qui se joint à nous à la table aujourd'hui.
Monsieur le président, je suis content que vous ayez fait preuve d'indulgence en permettant à ces femmes de prendre place à la table pendant au moins cette brève présentation de dix minutes, parce que cet exercice tout entier n'a été qu'un simulacre, comme nous le soutenons depuis le début, en ce sens que ce sont des gens comme moi qui sont assis autour de la table en train de débattre de l'avenir des hommes, femmes, enfants, mères des premières nations, alors que les personnes en cause n'ont eu aucune possibilité de se joindre à nous à la table et de faire entendre leur voix, de faire connaître leurs points de vue durant ce long débat, tout au long des 55 jours depuis la fin de la période de consultation et depuis le début de l'étude article par article de ce projet de loi.
Monsieur le président, c'est avec beaucoup de fierté que je propose cet amendement, numéroté NPD-3. Paradoxalement, c'est l'un des premiers amendements que nous ayons proposé et c'est le tout dernier que nous allons étudier. Je suis fier de présenter cet amendement en particulier, qui touche en fait le préambule du projet de loi, lequel devrait donner le ton de l'ensemble de la mesure et jeter les bases de ce que devrait être un projet de loi sur la gouvernance des Autochtones.
Nous proposons donc, avec tout le respect qui est dû, d'ajouter après la ligne 33, à la page 1, au préambule, ce qui suit :
Que le gouvernement du Canada reconnaît que les premières nations possèdent leurs propres valeurs relativement à la gouvernance, reflétées dans les us, coutumes et traditions de chacune des premières nations, et que celles-ci souhaitent protéger et préserver ces valeurs; |
À (1045)
Voilà donc le libellé que je cherche à faire insérer dans le préambule de ce projet de loi; ce serait à mon avis une amélioration et cela aiderait les personnes des générations futures qui liront la loi et chercheront à s'en inspirer. Cela donnera le ton et jettera les bases, monsieur le président, parce que je crois que ce qui manque dans le préambule, c'est la reconnaissance du fait que les premières nations ont d'autres valeurs que celles qui font partie des modèles d'Europe occidentale, des structures démocratiques ou d'entreprise ou même des structures de gouvernance.
Les autres valeurs dont je veux parler, et la raison pour laquelle ce préambule est déficient, c'est qu'il n'y est pas fait mention de valeurs typiques des premières nations comme les prises de décisions consensuelles, ou encore la participation des femmes et des enfants au processus décisionnel, ou bien le rôle spécial des aînés dans le processus décisionnel.
C'est pourquoi il est particulièrement approprié que nous ayons aujourd'hui avec nous des mères du clan, qui ont un rôle, un rôle très spécial au sein de leurs collectivités dans le cadre du processus décisionnel. On ne trouverait nulle part dans les modèles de gouvernance typique de l'Europe occidentale un rôle pour des gens comme les aînés et les mères du clan dans le processus de gouvernance de leurs collectivités. Ce projet de loi serait déficient s'il omettait de faire place aux pratiques réelles des collectivités des premières nations, notamment le rôle des aînés.
Nous sommes convaincus que le comité doit adopter les recommandations faites par beaucoup d'intervenants qui ont comparu devant nous, et qu'il doit modifier le préambule de manière à reconnaître la vraie valeur, à donner une véritable reconnaissance au rôle que jouent les femmes comme celles qui m'entourent aujourd'hui dans la vie de leurs collectivités.
Je le redis, monsieur le président, c'est un grand honneur pour moi d'être ici. Je suis absolument ravi que nous puissions être entourés aujourd'hui de ces femmes fortes qui ont fait beaucoup d'efforts et de sacrifices personnels pour pouvoir se joindre à nous aujourd'hui afin d'être témoins de la décision sur ce projet de loi. Leur présence me renforce et je m'efforce de parler du fond du coeur afin de me faire leur voix et d'exprimer leurs préoccupations. J'espère avoir fait justice à leurs préoccupations en les faisant venir à Ottawa aujourd'hui.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Martin.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Madame est en train de parler.
Une voix: [Une dame s'exprime dans sa langue]
M. Yvan Loubier: Bravo!
Monsieur le président, j'aurais cédé volontiers mon droit de parole aux chefs autochtones qui sont assises avec nous autour de la table. C'est la première fois que cela arrive depuis le début de l'analyse du projet de loi et j'en suis particulièrement fier. Je suis très heureux que ces dignes représentantes des premières nations soient assises avec nous.
J'aurais préféré que non seulement elles soient ici, mais qu'elles puissent aussi participer à nos débats dès le début de l'analyse du projet de loi, parce que je suis persuadé qu'étant d'honorables membres des premières nations, ces dames auraient pu nous éclairer par leurs conseils.
J'appuie d'emblée l'amendement proposé par M. Martin. Nous essayons depuis à peu près 55 jours de faire accepter au gouvernement du Canada l'idée qu'il doit reconnaître que les premières nations...
[Traduction]
Le président: Excusez-moi, monsieur Loubier.
Madame, vous empêchez M. Loubier d'exprimer son point de vue.
Une voix: [Note de la rédaction : Inaudible]
Le président: Madame, vous empêchez de parler M. Loubier; a la parole.
Une voix: [Note de la rédaction : Inaudible]
Le président: Peu importe. M. Loubier a la parole. Voulez-vous empêcher M. Loubier de parler?
Débat.
Une voix: [Note de la rédaction : Inaudible]...et à chaque fois que nous venons ici, tout ce que nous voyons, c'est un manque de respect envers ces gens-là, ce qui ne vous empêche pas de nous accuser de manquer de respect quand nous disons quelque chose. Maix eux, ils restent assis là, sans écouter, sans rien faire. Voilà qui manque totalement de respect envers les gens qui parlent. On ne nous a jamais appris cela quand nous étions enfants. Durant notre enfance, on nous a appris à respecter la personne qui parle.
S'ils ne sont pas capables de faire preuve de respect et de suivre avec attention ce qui se passe, c'est parce que leur idée est déjà toute faite, ils savent déjà comment ils vont voter, peu importe ce qu'il pourra dire.
Une voix: C'est vrai. C'est la triste vérité.
Une voix: C'est une chose que j'ai signalée à ma mère, et elle en a été très irritée. Elle dit que nous n'avons jamais appris à nos enfants autochtones à agir de la manière dont ils agissent. Elle dit : voilà comment sont les Blancs. Ils n'écoutent pas. Ils s'en tiennent seulement à leur idée.
À (1050)
Le président: Monsieur Martin, monsieur Loubier, je pense que nous avons été indulgents, plus que nous ne le sommes normalement dans nos réunions. Pourriez-vous leur demander de vous laisser la parole, je vous prie? Pourriez-vous faire cela pour nous?
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je m'excuse, mais il semble qu'on n'ait pas compris sur quoi portait le débat depuis le début. Les peuples autochtones sont souverains et les représentants des premières nations sont des représentants de nations au sens où l'entend l'ONU. Vous me demandez de m'immiscer dans les décisions des représentantes des premières nations et de leur demander de se retirer! Mais de quel droit pourrais-je leur dire quoi faire? Je ne prendrai pas le pli qu'a pris le gouvernement et je ne tenterai pas de dire quoi faire aux premières nations. Elles ont assez de maturité et sont assez grandes pour savoir ce qu'elles doivent faire pour défendre les intérêts de leurs peuples. Ne me demandez pas d'intervenir, comme si je détenais un pouvoir sur un peuple! Voyons donc!
Je ne prétends pas avoir un pouvoir sur des peuples. Jamais je n'aurai cette prétention. Ottawa knows best! Cela ne me rentre pas dans la tête et je n'aurai jamais un tel esprit colonialiste! Demander aux dignes représentantes des premières nations de se retirer n'est pas ma responsabilité. C'est à vous de maintenir l'ordre. Jusqu'à présent, vous avez plutôt foutu le bordel dans ce comité et vous avez manqué de respect envers les premières nations, comme les autres députés libéraux. Il y a enfin de dignes membres des premières nations autour de la table et vous me demandez d'intervenir alors que je me bats depuis 55 jours, depuis 125 heures pour que ces gens puissent défendre eux-mêmes leurs droits. Vous me demandez d'intervenir, en tant que non-autochtone, pour dire aux autochtones quoi faire!
Quelle logique implacable. Mais c'est incroyable! Arrangez-vous avec vos troubles, comme on dit. Vous avez semé la pagaille et mis le feu. Occupez-vous maintenant de remettre de l'ordre si c'est votre désir le plus profond. Il y a enfin des représentants des premières nations. Je trouve noble ce qui se passe aujourd'hui. Je vois qu'elles sont fières d'être autour de la table. On devrait leur accorder le droit de parole et de discuter du projet de loi et des amendements qui restent. Il s'agit de leur projet de loi, car il les concerne directement. Cela ne nous concerne pas directement, Pat et moi. Nous avons été investis d'une mission. On nous a demandé de représenter les premières nations. En réalité, nous ne sommes que des émissaires, des porte-voix. Les premières nations sont autour de la table. Posez-leur des questions, impliquez-les dans le débat. Ce serait peut-être une bonne idée de le faire, pour une fois. Arrêtez de vous comporter comme des colonialistes, des adeptes de l'apartheid d'avant l'émancipation des Africains. Ne me demandez pas d'intervenir. Elles vont faire ce qu'elles vont vouloir, comme tout peuple souverain. Voilà.
[Traduction]
Le président: Monsieur Martin, pour le mot de la fin.
M. Pat Martin: Je vous demanderais de mettre la question aux voix, je vous prie.
À (1055)
Le président: Sommes-nous prêts à nous prononcer sur le NPD-3?
(L'amendement est rejeté)
Le président: En théorie, vous avez gagné, mais en pratique, je suppose que vous avez perdu.
(Le préambule, modifié, est adopté avec dissidence)
(Article 1--Titre abrégé)
Le président: Nous avons maintenant l'amendement BQ-2, à la page 5.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Il n'y a aucun doute dans mon esprit, même s'il y a controverse sur l'orthographe de l'expression « premières nations ». Il n'y a aucun doute dans mon esprit lorsque je regarde les dignes représentantes des premières nations assises à côté de nous. « Premières nations » devrait s'écrire avec un p majuscule et un n majuscule, comme lorsqu'on nomme toute nation reconnue comme telle, au sens où l'entend l'ONU.
J'ai vérifié trois sources, les mêmes ou à peu près les mêmes que celles qu'a utilisées l'attaché de recherche. Le gouvernement du Québec et le gouvernement ontarien utilisent couramment un p majuscule et un n majuscule. D'ailleurs, dans l'entente de la Paix des braves, on utilise un p majuscule et un n majuscule. Dans le projet d'entente avec les Innus, l'expression « premières nations » s'écrit avec un p majuscule et un n majuscule.
Par contre, dans les écrits non législatifs du gouvernement fédéral, on utilise un p majuscule et un n minuscule. L'attaché de recherche me disait que dans les textes législatifs, la pratique a consisté, jusqu'à présent, à utiliser un p minuscule et un n minuscule. Dans le cas des textes touchant les Nisga'a, on a utilisé un p majuscule, un n minuscule et un n minuscule pour « Nisga'a », ce qui a offusqué les membres de la première nation Nisga'a.
Je suggère fortement que l'amendement qui est devant nous et qui prévoit que l'on écrive « premières nations » avec un p majuscule et un n majuscule s'applique dorénavant à tout projet de loi, à toute référence aux premières nations. On doit écrire « Premières Nations » de façon à ne pas les offusquer. Plusieurs personnes nous ont dit lors des audiences qu'ils considéraient insultant le fait qu'on n'écrive pas avec un p majuscule et un n majuscule l'expression « premières nations ».
J'espère que vous allez voter en faveur de cet amendement. C'est une question de respect d'abord et avant tout. Veut-on considérer les premières nations comme une quantité négligeable au Canada? Veut-on continuer à bafouer leurs droits? Veut-on continuer à adopter des projets de loi comme le projet de loi C-7, qui ne leur donne rien, qui n'améliore pas le bilan socioéconomique des premières nations, qui n'accélère pas les projets d'autonomie gouvernementale?
Au contraire, toute l'énergie et tout l'argent dépensés pour réaliser le projet de loi C-7 constituent autant d'argent, d'énergie et de ressources qui ne sont pas mis au service de l'avancement des premières nations, et en particulier de l'accélération des projets de négociation d'autonomie gouvernementale.
Il existe des revendications particulières, notamment au niveau territorial. Présentement, 500 revendications sont mises de côté et ne sont même plus discutées parce qu'on a consacré toutes les énergies et toute l'intelligence du gouvernement fédéral à faire adopter un déchet comme le projet de loi C-7.
Même avec des améliorations au chapitre du respect des premières nations, quand on écrit cette expression avec un p majuscule et un n majuscule, ce projet de loi est fondamentalement inacceptable pour tout le monde. Personne ne veut de ce projet de loi. Personne, chez les premières nations, n'en veut. Nous en avons discuté, car nous nous sommes rencontrés assez régulièrement. Personne autour de la table ne veut de ce projet de loi. Seuls le ministre des Affaires indiennes et le premier ministre veulent du projet de loi. Le premier ministre veut probablement léguer un héritage, mais quel héritage empoisonné il laisserait au Canada avant de quitter!
Il faudrait déchirer ce texte. Il faudrait cesser d'en parler. Il faudrait arrêter d'exacerber les tensions entre les premières nations et le gouvernement fédéral. C'est ce qu'on est en train de faire. On crée des tensions inutiles parce que ce projet de loi n'existera plus dans quelques mois. Ce projet de loi sera mis de côté. Il n'y a d'ailleurs rien qui empêche les premières nations de ne pas s'y conformer. Aucune sanction n'est prévue si on n'applique pas la loi C-7, même si le projet de loi est adopté en troisième lecture et devient loi après ratification par le Sénat.
Il faut se rendre à l'évidence. La présence des représentantes des premières nations rassemblées autour de nous ne doit pas être purement symbolique. Il s'agit de quelque chose de profondément ancré chez les premières nations. Le projet de loi C-7 bafoue leurs droits, encore une fois. On est encore en train de reproduire, sous couvert de modernité, l'infâme Loi sur les Indiens. On est en train de bafouer tous les espoirs suscités au cours des années 80 par le rapport Penner et en 1997 par le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, le rapport Erasmus-Dussault.
Á (1100)
Il faut se réveiller et cesser d'entrer de force ce projet de loi dans la gorge des premières nations; elles n'en veulent pas. On ne parle pas uniquement des chefs ou des leaders de l'Assemblée des Premières Nations: la population n'en veut pas. Elle considère qu'il n'est pas la réponse aux nombreux problèmes qui affligent plusieurs de leurs communautés. Il y a une longue liste de ces problèmes.
En fait, il est de bon ton, dans le discours du Trône, de parler des problèmes autochtones et du fait que le gouvernement fédéral y est sensible. Mais dans quel domaine des actions concrètes sont-elles posées? Prenons quelques exemples: réduire le taux d'inactivité dans les communautés autochtones; diminuer l'incidence de plusieurs maladies graves; redonner aux premières nations une partie de la croissance économique issue de l'exploitation des ressources naturelles. On leur a piqué leurs territoires et on est en train de leur piquer à vie toutes les ressources naturelles, les redevances et les profits qu'elles pourraient tirer de l'exploitation du sol, du sous-sol et d'autres ressources qui leur appartenaient avant l'arrivée des Européens.
Prenons aussi l'exemple de ce qu'on a fait aux Nisga'a. On en est maintenant au dixième anniversaire de la promesse du premier ministre, qui devait régler leurs revendications territoriales. En outre, une compensation devait être offerte; cette promesse a été faite il y a 10 ans et les choses n'ont pas avancé d'un iota. Au contraire, on a permis de l'exploitation forestière à outrance et des coupes à blanc, on a chassé cette première nation de son territoire et on a permis à des entreprises d'exploitation gazière de faire la transformation sur place de gaz corrosifs, juste à côté des familles des premières nations. Des enfants sont maintenant atteints de maladies, et on remet même en question les grossesses de plusieurs femmes de cette première nation.
Le fait de se comporter de cette façon depuis 130 ans et de n'offrir aucune réparation est scandaleux. D'ailleurs, il est urgent de réparer les préjudices qu'on a causés aux premières nations. Des espoirs viennent se briser sur le rocher de l'indifférence du gouvernement libéral. On brise des espoirs suscités par le vaste chantier de la Commission Erasmus-Dussault, qui disait qu'en 20 ans on allait reconstruire les premières nations de concert avec elles et qu'on allait en arriver à négocier rapidement des conditions pour l'autonomie gouvernementale et l'exercice du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
Au lieu de cela, on nous présente de la foutaise, en l'occurrence le projet de loi C-7, et on empêche les représentants des premières nations de s'exprimer d'égal à égal avec les représentants du gouvernement fédéral, pour en arriver à des ententes d'autonomie gouvernementale. L'égalité entre les peuples est une valeur fondamentale véhiculée par l'Organisation des Nations Unies et la Charte internationale des droits de l'homme. C'est une valeur sûre, véhiculée partout dans le monde et respectée dans la plupart des pays.
On espère qu'au Canada, la Charte internationale des droits de l'homme constitue une référence valable. Or, la première analyse du projet de loi C-7 que nous avons réalisée nous a permis de constater qu'il comportait huit contraventions à différentes dispositions de la Charte internationale des droits de l'homme. N'avez-vous pas honte de continuer à défendre un projet de loi qui comporte environ huit contraventions à la Charte internationale des droits de l'homme? C'est incroyable!
N'avez-vous pas honte d'ignorer les contestations des premières nations, qui sont les premières visées par le projet de loi C-7 et de vous montrer cyniques en lisant le journal pendant qu'on est en train de discuter d'un projet de loi aussi fondamental? C'est écoeurant et honteux! On est en train de débattre de choses fondamentales et il lit le journal! Il serait en train de lire les bandes dessinées que je n'en serais pas le moindrement surpris.
On a de dignes représentants des premières nations, des chefs autour de la table, et le député libéral d'en face est en train de lire son journal. On est en train de discuter de valeurs fondamentales et du respect des premières nations, et le député libéral est en train de lire son journal. Un autre député libéral est en train de lire son journal. Le secrétaire parlementaire lit le Quorum, qui est le résumé des principales manchettes de la journée. Voilà où en est la considération exprimée à l'endroit des premières nations. À mon avis, il est temps qu'on change de régime.
Á (1105)
Le président: Merci, monsieur Loubier.
Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey: Monsieur le président, j'aimerais bien poser des questions aux témoins experts qui sont avec nous sur l'amendement qui est proposé.
Je remarque qu'en anglais, on utilise les majuscules à l'expression «First Nations» et j'aimerais savoir pourquoi on ne pourrait pas faire la même chose en français, que ce soit pour des raisons conventionnelles, de bon français ou législatives. Je note la présence de M. Robert Archambault de la Section de la législation; il pourrait peut-être nous fournir une explication à ce sujet.
M. Robert Archambault (avocat-conseil, Section de la législation (Administration centrale), ministère de la Justice): Pour ce qui est du titre de la loi, une pratique reconnue dans la langue anglaise veut que tous les mots commencent par une majuscule; en français, ce n'est que le premier mot du titre de la loi qui commence par une majuscule.
Au cinquième paragraphe du préambule, vous remarquerez que dans les deux langues, on utilise le terme «first nations», soit «premières nations», sans majuscules. La raison pour laquelle on fait le même choix dans les deux langues depuis une dizaine d'années lorsqu'il s'agit de lois fédérales concernant les matières autochtones est tout simplement que «premières nations» est devenu un terme générique qui, si on l'utilise avec majuscules, est en opposition avec la dénomination d'une association en particulier.
Si on dénomme une association ou une bande indienne qui porte le nom «première nation» on utilise alors les majuscules dans les deux langues parce qu'il s'agit d'un nom propre. Quand on désigne l'ensemble des premières nations, il s'agit d'un terme générique, et on utilise alors les minuscules. Ce sont tout simplement des règles de base qui, à cet égard, sont pareilles dans les deux langues, sauf pour ce qui est des titres.
Le président: Merci.
Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey: Excusez-moi, je suis peut-être un peu confus. Il y a, en français, une règle pour les titres et une autre pour les textes?
M. Robert Archambault: Non. En français, il n'y a pas de différence. C'est qu'en anglais, on utilise dans un titre des mots génériques, mais à chaque mot, qu'il soit générique ou non, on met une majuscule. C'est une pratique qui a toujours existé.
M. John Godfrey: Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
Je pense que nous avons tous l'intention d'utiliser du bon français, et aussi du bon anglais, d'ailleurs, et nous devons nous en tenir, à mon avis, aux conseils que nous recevons des experts en matière de rédaction législative. Donc, de notre point de vue, je pense que l'auteur de la proposition d'amendement doit lui aussi convenir qu'il faut respecter le bon usage linguistique. Cela dit, je dois m'en remettre à lui pour décider s'il veut ou non poursuivre ce débat, après qu'il ait entendu les experts en rédaction législative.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Hubbard.
Quelqu'un d'autre? Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Monsieur le président, durant les quelques minutes que nous pouvons consacrer à ce dernier, ou peut-être avant-dernier amendement dont nous allons traiter dans tout cette énorme liasse qui est devant nous, je voudrais demander le consentement unanime afin d'accorder mes dix minutes aux femmes qui m'accompagnent et qui auront un temps de parole d'une minute chacune pour faire connaître leurs observations, avant qu'elles doivent partir et avant de mettre fin à ce dernier jour de l'étude article par article.
Á (1110)
Le président: Monsieur Martin, je presse instamment mes collègues d'être d'accord avec vous.
Y a-t-il consentement unanime pour permettre à nos invitées de prendre la parole pendant une minute chacune? Il y a consentement unanime. Est-ce bien le cas? Ai-je le consentement unanime? Oui.
M. Charles Hubbard: Monsieur le président, pourvu que ce soit dix minutes, et non pas 25 minutes.
Le président: Vous avez dix minutes. Nous nous en tiendrons au temps d'horloge.
M. Pat Martin: Étant entendu qu'il y a dix minutes au total, pas plus que les dix minutes que j'aurais pris de toute façon. Cela veut dire une minute et demie par personne, ou selon la manière dont vous voudrez vous répartir le temps de parole.
Merci, monsieur le président.
Le président: Nous allons commencer tout de suite.
M. Pat Martin: Je vous remercie d'avoir bien voulu donner suite à ma demande.
Terri, voulez-vous commencer?
Mme Terri Brown (À titre individuel): Merci.
Je voudrais commencer par remercier Yvan et Pat pour tout le travail rigoureux qu'ils ont accompli autour de cette table. Nous sommes venus ici aujourd'hui sachant que c'était les derniers instants de ce processus et nous sommes honorés d'avoir eu la permission d'y participer. C'est en toute humilité que je prends la parole aujourd'hui devant nos mères du clan.
Lorsque nous nous sommes approchés de la table et que j'ai constaté le manque de respect dont on faisait preuve à l'égard des mères de notre clan, cela m'a énormément attristée. Je me suis sentie remplie de tristesse. Je tiens à dire que lorsque je suis venue ici et que j'ai regardé autour de moi, j'ai pensé que le Canada aurait été très différent si nous avions été inclus dans son évolution en tant que peuple colonisateur de ce territoire. Le Canada serait un pays beaucoup plus riche, beaucoup plus équitable si nous y avions eu notre place.
La mère du clan représente un mode de vie ancestral sur la Terre, notre Mère, et je tiens à souligner qu'il est fantastique qu'elles soient présentes ici aujourd'hui. Elles viennent de Six Nations. Pour ma part, je fais partie du peuple Tahltan du nord de la Colombie-Britannique. Nous partageons le même système--un système matriarcal, matrilinéaire qui englobe les femmes, qui ne méprise ni les femmes ni les pauvres. Ô combien différent serait le Canada si nous pouvions être inclus dans le processus.
Nous nous dirigeons vers un gaspillage de ressources, après 55 jours de discussion sur une mesure morte-née, une mesure qui est oppressive à l'égard du premier peuple de ce territoire, une mesure qu'il n'aurait même pas valu la peine de discuter pendant une seule journée. Il est extrêmement embarrassant que le ministre des Affaires autochtones ait foulé aux pieds les droits des femmes autochtones, qu'il ait créé une nouvelle organisation qu'il a payée. Nous ne sommes pas ici pour être payés ou achetés. L'argent n'est rien pour nous.
Le président: Madame Brown, il y a d'autres intervenants après vous.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, est-ce que je pourrais faire une autre suggestion? Arrêtez le décompte du temps pour deux secondes. J'ai 10 minutes pour conclure. J'aimerais les ajouter au temps qui...
Le président: Continuez. Cinq minutes.
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, j'aimerais avoir le consentement unanime pour que les 10 minutes qui me sont allouées pour conclure soient attribuées aux femmes autochtones qui sont autour de la table.
Le président: Vous utilisez le temps de M. Martin. Par la suite, si vous le voulez, vous demanderez le consentement.
[Traduction]
Pourrions-nous entendre une autre invitée, s'il vous plaît?
Mme Cora Davis (À titre individuel): [Le témoin s'exprime en langue autochtone.]
M. Pat Martin: Quelqu'un d'autre veut-il dire quelques mots?
Mme Cora Davis: Je vous remercie beaucoup de m'écouter. Je parle bien l'anglais mais je parle aussi ma propre langue avec une grande fierté.
Merci beaucoup.
Mme Joyce Sky (À titre individuel): Notre système de gouvernement est pratiquement aussi vieux que le pays lui-même. Ce système de gouvernement régit nos vies depuis le début des temps.
Nous remercions notre Mère la Terre pour tous les cadeaux qu'elle nous a fait, et nous organisons des cérémonies à différents moments de l'année pour célébrer les dons de la nature. Nous remercions la terre, le ciel, la lune, le soleil. Lorsque l'homme blanc a mis pied sur le continent pour la première fois, il a cru que nous avions des idoles. Ce n'est pas le cas. Nous remercions tous les éléments qui composent notre milieu de vie, et nous ne demandons rien.
Quelques années avant notre contact avec les Européens, un homme que nous avons appelé le pacificateur est venu ici et nous a dotés de ce qu'on appelle en anglais notre système de gouvernement. Je pourrais le dire en langue autochtone, mais vous ne comprendriez pas de quoi je parle. Il nous a fait don de ce mode de vie que nous devons respecter pour que toutes les nations se retrouvent dans la paix et l'harmonie car même si elles jouissent chacune de pouvoirs, elles sont unies.
Ce n'est pas ce qui se passe aujourd'hui. Nous ne sommes pas unis.
Lorsque nos frères sont venus, nous les avons accueillis ici. Nous leur avons fait des cadeaux. Nous les avons aidés à survivre. Lorsque les États-Unis et le Canada ont commencé à se faire la guerre, il y a eu des dissensions au sein du peuple autochtone; certains ont lutté pour ce que nous appelons maintenant le gouvernement canadien alors que d'autres ont pris parti pour le gouvernement américain. Si nous n'avions pas livré bataille pour ce camp-ci, le territoire où nous sommes aujourd'hui appartiendrait aux États-Unis et non au Canada.
Il y a de grands pans de l'histoire que vous ignorez. Des gens sont venus, qui ont affirmé tout connaître du mode de vie indien, mais c'est faux. Ils ne savent pas quelle a été notre expérience. C'est un mode de vie. Nous n'avons pas ce qu'ils appellent une religion; c'est un mode de vie. Chaque jour, nous vivons selon ces préceptes. Le matin, nous sommes reconnaissants d'avoir survécu à la nuit, heureux de pouvoir encore une fois voir autour de nous Mère Nature. Mais parfois, il nous est difficile d'être reconnaissants car nos eaux sont extrêmement polluées. Mère Nature a été violée et voici que maintenant, on veut la spolier davantage.
Des terres, il nous en reste bien peu...on ne se rend pas compte que plus de 80 p. 100 de notre population vit à l'extérieur des réserves. Ces Indiens sont propriétaires de maisons dans les villes, les municipalités et à la campagne, et ils paient des impôts sur ces biens fonciers. Mais maintenant, le gouvernement veut s'accaparer le peu de territoire qui nous reste et que nous appelons notre Mère la Terre. Même nos ressource foncières ne valent plus rien. La richesse que nous possédions sur nos réserves n'existe plus car tout autour de nous les terres ont été polluées.
En fait, nous luttons uniquement pour nos enfants, pour la septième génération future; voilà pour qui nous livrons bataille. Il nous faut préserver ce lieu pour eux, et c'est tout ce que nous demandons. Laissez-nous tranquilles. Laissez-nous nous gouverner. Nous ne sommes pas stupides, nous ne sommes pas des imbéciles. Il y a parmi nous des gens compétents capables de diriger nos réserves.
Tout cet argent...les traités qui nous ont été donnés ou qui ont été conclus avec les non-Autochtones ne sont pas respectés. Le gouvernement du Canada nous doit des sommes faramineuses et si la mesure à l'étude est adoptée, toute cette dette sera effacée. Voilà toute la question. Voilà pourquoi le gouvernement veut absolument faire adopter cette mesure. En effet, il nous doit déjà 97 milliards de dollars dont nous ne verrons probablement jamais la couleur.
J'étais professeur et j'enseignais l'histoire autochtone à des enfants non autochtones. J'en connais un bout au sujet des traités. Je sais ce qui s'est passé. Le 1er mai, M. Nault s'est rendu à Washington pour rencontrer l'agent indien là-bas. Maintenant, les gens là-bas vont à Washington pour livrer la même bataille que nous.
Nous luttons pour nos enfants, et je n'en demande pas plus. Si vous aviez une once d'humanité en vous, vous sauriez que ce qui compte, ce sont nos enfants. Ce sont nos futurs chefs.
Á (1115)
Le président: Madame, il y a peut-être d'autres personnes qui souhaitent prendre la parole. Merci.
Quelqu'un d'autre veut parler?
Mme Josephine Harris (À titre individuel): Tout d'abord, je veux vous dire que la plupart des premières nations sont dégoûtées, déçues et désespérées par la mesure législative que vous essayez d'imposer à notre peuple.
Je ne conçois pas que vous ayez des experts des Affaires indiennes qui vous conseillent. Jusqu'ici, ils n'ont guère eu de succès pour ce qui est de bien traiter notre peuple. Nous sommes sensibles aux traumatismes qu'ont causés les internats parmi notre peuple. Vous nous avez traités comme des citoyens de pays du tiers monde, ce qui a provoqué des suicides et des maladies graves parmi nos membres, et cette tragédie se poursuit au sein des premières nations à l'heure actuelle. Est-ce ce qu'on appelle un succès? Vous continuez de nous imposer des mesures législatives qui font que d'autres prennent des décisions à notre place. Vous nous avez qualifiés de sauvages dans le passé et vous avez permis que le peuple des premières nations perde son identité en tant que peuple, ainsi que son mode de vie.
Pourrais-je entrer dans l'une de vos maisons et prendre toute la place en disant : voici la façon dont vous allez élever vos enfants; voici l'église que vous allez fréquenter; voici l'école où vous allez envoyer vos enfants? C'est précisément ce que les personnes qui sont assises autour de cette table tentent de nous imposer. Et en tant que peuple des premières nations, nous sommes venus vous dire que vous ne réussirez pas.
Des voix: Non!
Mme Josephine Harris: Vous ne réussirez pas. Nous allons suivre notre propre chemin. Suivez votre chemin et nous suivrons le nôtre.
Y a-t-il quelqu'un qui ne comprenne pas que nous allons prendre nos propres décisions dans nos collectivités, que nous allons élever nos enfants comme bon nous semble, sans ingérence? Y a-t-il quelqu'un ici qui ne comprenne pas cela?
Vous êtes autorisés à parler. D'ailleurs, vous avez déjà parlé.
Á (1120)
Le président: Monsieur Martin, votre temps de parole est écoulé.
Monsieur Loubier, remarques finales.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je demande le consentement unanime, parce que d'autres représentants des premières nations aimeraient prendre la parole. À mon avis, ce que nous avons appris était très instructif, et nous aurions dû les inviter plus tôt. Je demande donc le consentement unanime afin d'offrir mes 10 minutes. Pour ma part, je ne sais pas ce que je pourrais en faire.
[Traduction]
Le président: Ai-je le consentement unanime pour que M. Loubier fasse don lui aussi de ses dix minutes?
Des voix: D'accord.
Le président: J'ai le consentement. Merci.
Mme Mary Sandy (À titre individuel): Je suis venue ici pour écouter et ce que j'ai entendu me rend malade.
À l'âge de quatre ans, des salauds comme vous m'ont enlevée à ma famille et placée dans un internat. Pourquoi m'avez-vous fait cela? Vous êtes tous assis là à me regarder comme si j'étais folle. Depuis mon enfance que j'endure votre merde, je peux vous dire que c'en est fini maintenant. J'ai plus de 60 ans et j'en ai assez de toute cette merde. Jamais plus. Si vous voulez qu'il y ait une bataille, il y en aura une. Dans le Pontiac et partout ailleurs. Voilà ce que j'ai appris de l'homme blanc.
Le président: Quelqu'un d'autre?
Mme Terri Brown (À titre individuel): Oui. On m'a interrompue tout à l'heure alors que je n'avais pas terminé.
Je voudrais savoir quels sont les coûts, combien on a dépensé pour ce processus. Je suis sûre que ce sont des sommes considérables. Étant donné qu'il y a parmi notre peuple des gens qui meurent dans le dénuement, cet argent aurait pu être investi avec plus de sagesse.
Le président: Vous pouvez obtenir cette information auprès de vos députés.
Mme Terry Brown: Il est important que tous les citoyens canadiens sachent combien d'argent a été dépensé ici car sur les réserves, il y a encore des enfants qui se suicident. Et ce n'est pas à cause de ce que nous faisons; tout cela est attribuable au colonialisme, un processus encore bien vivant dans cette salle et dans des tas d'autres salles un peu partout au Canada. Cela détruit notre peuple et crée une situation désespérée. C'est pour cette raison que nos jeunes se suicident et que nos femmes vivent dans la pauvreté en essayant d'élever des enfants qui ne termineront jamais leurs études parce que le système scolaire est raciste et discriminatoire. La situation est la même partout au pays.
Pendant que nous sommes assis ici, certains de nos aînés pleurent, ébranlés qu'ils sont par cette situation des plus triste. Nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour vous demander de l'argent ou des cadeaux. Nous sommes ici pour comparaître et dire non à la Loi sur la gouvernance des premières nations. Ce n'est pas un processus qu'il faut poursuivre mais malheureusement, le ministre continue d'y souscrire contre notre volonté. Quatre-vingt-quinze pour cent des témoins se sont élevés contre cette mesure et pourtant, vous avez décidé d'aller de l'avant. Je me demande même si les députés libéraux appuient ce processus étant donné ce que nous avons pu entendre Paul Martin déclarer au bulletin de nouvelles.
C'est une cause perdue. Arrêtez tout maintenant.
Le président: Quelqu'un d'autre veut-il commenter?
Le chef Morris Shannacappo (président, Première Nation Rolling River, Treaty & Aboriginal Rights Research Centre of Manitoba Inc.): [Le témoin s'exprime en langue autochtone.]
Peut-être que si l'on procédait comme il convient de le faire quand les esprits se rencontrent, nous aurions utilisé ma langue pour discuter entre nous ici présents.
Je vous souhaite la bienvenue à tous, mais je veux d'abord me souhaiter la bienvenue à moi-même, puisque personne ne l'a fait. Mais je veux remercier le grand chef Carol McBride d'avoir lancé une invitation ouverte à venir dans son territoire ancestral.
Je viens d'un territoire visé par le traité no 4 qui se situe en plein coeur du territoire du traité no 2 au Manitoba, où les modes de vie ancestraux ont été négociés. Je me considère comme une personne attachée à la tradition. J'ai aujourd'hui 217 chevaux que j'utilise comme véhicules pour me promener. Personne ne savait que, de nos jours, nous nous déplacerions en avion à réaction.
Ces traités archaïques dont vous parlez vous ont donné exactement la richesse dont vous profitez ici aujourd'hui, de sorte qu'ils ne sont pas archaïques; ils sont encore en vigueur. Nous continuons de les utiliser.
Pourrais-je avoir votre attention, je vous prie. Quand vous parlerez, je vous promets de ne pas parler; je vais vous écouter. Je suis venu ici pour que vous ouvriez toutes grandes vos oreilles, alors je vous prie d'écouter ce qu'ont à dire ces vieilles dames, mes grands-mères et mes tantes. Vous n'écoutez pas ces gens-là. Si votre femme ou votre grand-mère parlait et que je me tournais subitement vers M. Martin et que je commençais à lui parler, je suis certain que vous protesteriez et que vous me demanderiez de bien vouloir écouter.
Voilà ce qui se passe ici au Canada. Voyez votre billet de 20 $, jetez un coup d'oeil à cette bibliothèque ronde que vous utilisez. Au milieu du XIXe siècle, quand les édifices ont brûlé sur la colline, celui qui avait été érigé ici pour nos peuples à titre de troisième ordre de gouvernement, pour aider à rédiger la législation de notre pays est le seul édifice qui a survécu. Cela est révélateur.
La femme qui a parlé avec tellement d'éloquence vous a rappelé que, chaque matin, nous remercions le Créateur de nous avoir donné encore une autre journée pour célébrer nos victoires. Et il y en a, des victoires le simple fait de marcher du même pas, en harmonie, de faire un avec le Créateur et de ne pas le faire dans le but de récolter, de violer ou de piller notre Mère pour s'accaparer ses ressources naturelles.
Quand je suis arrivé dans ma communauté, j'ai voulu parler à Mme Neville, de l'autre côté, mais elle était en compagnie de sa fille et de son petit-enfant. Quelle scène merveilleuse. J'espère pouvoir en faire autant un jour, mais je me devais d'être ici. Je dois être partout à la fois pour défendre les droits de mon peuple et je ne peux pas me permettre de rester à la maison pour vivre en paix avec les gens qui m'ont offert de les diriger.
Sous ma direction, nous avons élaboré un plan de dix ans. Nous avons réuni dans un même immeuble tous les membres de mon peuple et leur avons demandé ce qu'ils voulaient. Nous leur avons dit : donnez à votre chef et à votre conseil un mandat. Nous avons abouti à une liste de souhaits et il faudra 20 ans pour mettre en oeuvre ce plan de dix ans. Notre jeune espoir libéral ici présent ne semblait pas vouloir en entendre parler, mais il y a d'autres gouvernements qui sont disposés à écouter.
J'ai parlé du vent qui souffle dans ma communauté, de la puissance du vent. Quand je suis allé à ma cérémonie sacrée, la question suivante a été posée à la cérémonie : pouvons-nous, en tant que peuple autochtone, harnacher notre Grand-Père afin de pouvoir accumuler un peu de richesse dans notre collectivité, d'ériger un moulin à vent pour exploiter la puissance du vent? Avons-nous l'aval de notre Grand-Père pour faire cela? Le Créateur est-il d'accord avec cela? Ma réponse a été oui, faites-le, allez-y--jusqu'à ce que l'on nous dise où le moulin à vent doit être érigé, et quelle puissance il va produire.
Il y a un autre gouvernement qui écoute de l'autre côté de la ligne--je veux parler de votre ligne, une ligne que votre peuple a tracée, pas nous, je veux parler du 49e parallèle. J'ai là-bas des gens qui travaillent dans des casinos, j'ai des gens qui font beaucoup d'argent et je leur ai demandé : pourquoi ne pas nous permettre de vous vendre de l'électricité? On dirait que je n'arrive pas à en vendre à mon gouvernement. Ils ne veulent pas en entendre parler; ils ne veulent pas m'écouter; ils ne veulent pas écouter ce que j'ai à dire; ils ne veulent pas entendre la détermination de ma collectivité de se sortir de tout ce maudit système et de contribuer enfin à la société dans son ensemble.
Je préférerais qu'on m'écarte et qu'on me dise non, je veux m'en tenir à la ligne du parti. Eh bien, je vais m'en tenir à la ligne de mon parti, moi aussi. Je m'en tiens à la ligne de mon parti autochtone, la ligne de mon parti de la première nation, et je ne vais pas créer un parti appelé le parti des premières nations uniquement pour obtenir un emploi ou une pension.
Á (1125)
Je suis chef de ma communauté depuis six ans et mes gens pourront encore compter sur moi. Vous pouvez le demander à n'importe qui dans ma communauté : votre chef est-il une brute; avez-vous peur de parler à votre chef? Ils vous diront que c'est grâce à lui que notre communauté progresse. C'est grâce à notre chef et à sa grande gueule que nous commençons enfin à aller quelque part et à obtenir que les choses se fassent. Ce n'est pas parce que je gueule; c'est parce que nous agissons. Nous mettons les choses ensemble. Nous les mettons d'abord sur papier, et ensuite nous passons à l'action, ce qui ressemble beaucoup à ce processus ici.
Mais nous ne bâillonnons pas les gens qui nous dirigent. Ce sont les gens les plus importants, parce qu'ils savent à quel endroit il ne faut pas patiner parce que la glace est trop mince. Les gens de notre localité savent exactement où nous voulons aller. Ils connaissent leur détermination, tout comme les femmes qui sont ici présentes. Ils ont vu tout cela dans leur collectivité. Ils savent comme le taux de suicides est élevé. Ils savent que le taux de chômage est déplorable.
Anita Neville, je vous le demande, connaissez-vous le taux de chômage dans ma localité? Le savez-vous? Vous pouvez répondre ici. Vous parlez, vous aussi.
Vous venez du Manitoba, mais vous ne connaissez pas la réponse à ces questions, n'est-ce pas? Savez-vous quelle est la superficie des terres que possèdent les premières nations du Manitoba? Savez-vous quelle est la superficie des terres dans l'ensemble du Canada que possède mon peuple? C'est 0,04 p. 100, pas même un demi-pour cent au Manitoba, et pour l'ensemble du Canada, c'est de 0,04 p. 100.
J'ignore si vous êtes bonne en maths. J'ignore si vous avez fait vos devoirs, mais nous, nous les avons faits.
Les jeunes que j'ai amenés dans ce même édifice il y a un mois se sont assis ici et se sont tournés vers moi et m'ont dit : chef, pouvons-nous nous lever et prendre la parole? J'ai dit : aujourd'hui, vous êtes tous des chefs. Je les ai tous amenés ici, dans deux fourgonnettes pleines, 12 de mes disciples--pardonnez l'allusion--qui se sont assis à mes côtés, qui croient dans les traités, qui croient en leurs droits, qui croient que Ray Bonin devrait se la fermer quand on lui parle et nous écouter.
Á (1130)
Le président: Merci beaucoup.
Le chef Morris Shannacappo: [Note de la rédaction : Inaudible]
Le président: C'est maintenant le temps de passer au vote. Nous allons faire un vote par appel nominal sur l'amendement BQ-2.
Le chef Morris Shannacappo: [Note de la rédaction : Inaudible] Allez-vous me mettre dehors?
Le président: Non, c'est ce que vous voulez. Je ne le ferai pas.
Le chef Morris Shannacappo: Parce que je vais m'étendre à vos pieds et vous pourrez alors... [Note de la rédaction : Inaudible]
Le président: Bon, j'ai mis la question aux voix, mais je vais vous accorder votre vote par appel nominal.
(L'amendement est rejeté par 9 voix contre 2)
(L'article 1 est adopté avec dissidence)
Le président: Le titre est-il adopté?
Vous voulez un débat sur le titre? Bon, nous allons faire un vote par appel nominal sur le titre.
(Le titre est adopté par 8 voix contre 3)
Le président: Le projet de loi est-il adopté? Nous allons faire un vote par appel nominal.
(Le projet de loi C-7 est adopté par 8 voix contre 3)
Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi, modifié, à la Chambre?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
Le président: Le comité ordonne-t-il de réimprimer le projet de loi pour l'étude à l'étape du rapport?
Des voix: D'accord.
Le président: Merci beaucoup à tous.
La séance est levée.