CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 20 novembre 2002
¹ | 1540 |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.)) |
Mme Nan Berezowski (avocate et procureure, American Immigration Lawyers Association) |
¹ | 1545 |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
M. David Davis (avocat et procureur, American Immigration Lawyers Association) |
¹ | 1550 |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Peggy Nash (adjointe au président, Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile) |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Peggy Nash |
¹ | 1555 |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien) |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Renée Miller (membre de l'exécutif, Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, Association du Barreau canadien) |
º | 1600 |
º | 1605 |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Mary Jo Leddy (représentante, Southern Ontario Sanctuary Coalition) |
º | 1610 |
º | 1615 |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
M. Max Berger (témoignage à titre personnel) |
º | 1620 |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne) |
º | 1625 |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Diane Ablonczy |
M. Raj Dhaliwal (directeur, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile) |
Mme Diane Ablonczy |
Le président |
Mme Mary Jo Leddy |
º | 1630 |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Mary Jo Leddy |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Renée Miller |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Renée Miller |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
M. Max Berger |
Mme Diane Ablonczy |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.) |
º | 1635 |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
M. Max Berger |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
M. David Davis |
Mme Renée Miller |
Mme Mary Jo Leddy |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Mary Jo Leddy |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
M. Raj Dhaliwal |
º | 1640 |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
M. Yvon Charbonneau |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
M. David Davis |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ) |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Mary Jo Leddy |
º | 1645 |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Peggy Nash |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Peggy Nash |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Renée Miller |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Nan Berezowski |
Mme Renée Miller |
Mme Nan Berezowski |
M. Steve Mahoney |
M. Max Berger |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD) |
º | 1650 |
Mme Mary Jo Leddy |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Mme Mary Jo Leddy |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. Steve Mahoney |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
M. David Davis |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
M. Max Berger |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Mme Peggy Nash |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC) |
º | 1655 |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
M. Inky Mark |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Peggy Nash |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
» | 1700 |
M. Raj Dhaliwal |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Renée Miller |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
M. Max Berger |
» | 1705 |
Mme Renée Miller |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Mme Nan Berezowski |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Mme Nan Berezowski |
Mme Mary Jo Leddy |
Mme Renée Miller |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
» | 1710 |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. David Davis |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
M. Max Berger |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
M. Inky Mark |
M. Max Berger |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
» | 1715 |
Mme Peggy Nash |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Peggy Nash |
» | 1720 |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
M. David Davis |
Mme Nan Berezowski |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Nan Berezowski |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
M. Raj Dhaliwal |
» | 1725 |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. Max Berger |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
M. Inky Mark |
Mme Nan Berezowski |
M. Inky Mark |
Mme Nan Berezowski |
M. David Davis |
M. Max Berger |
» | 1730 |
Le président suppléant (M. Steve Mahoney) |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 20 novembre 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1540)
[Traduction]
Le président suppléant (M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.)) Bonjour. Je déclare la séance ouverte. Nous avons le quorum. Pour les exposés, le quorum est de trois personnes. Je pense que nous allons les entendre tout de suite, parce que certains témoins doivent prendre l'avion ou ont d'autres engagements, alors allons-y.
D'autres membres se joindront bientôt à nous. Nous vous présentons nos excuses, nous avons été retardés par un certain nombre de votes à la Chambre.
M. Fontana, le président du comité, ne peut être avec nous aujourd'hui en raison d'un décès dans sa famille, on m'a donc demandé de le remplacer. En tant qu'ancien vice-président, je vais essayer, avec l'aide du greffier, de me rappeler de ce que je dois faire afin de voir si nous pouvons avancer.
L'une des six délégations qui devaient comparaître devant nous ce matin, celle de VIVÉ, s'excuse de ne pouvoir être présente. Ses membres ont raté leur avion, malheureusement, et ne pourront pas être ici. Nous allons convenir d'une nouvelle date de comparution avec eux. Nous recevons cependant des représentants du Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile, de l'Association du Barreau canadien, de la Southern Ontario Sanctuary Coalition, de l'American Immigration Lawyers Association, ainsi qu'une personne qui témoignera à titre individuel, soit Max Berger, avocat et procureur. Nous allons donc entendre cinq exposés.
Je vais demander à tous d'essayer de ne pas dépasser cinq minutes pour leur exposé. Je vais vous laisser un peu de jeu, mais tout le monde doit faire son exposé.
Nous allons commencer par l'American Immigration Lawyers Association, mais compte tenu que les représentants du Barreau canadien et de la Coalition doivent nous quitter vers 17 heures—c'est bien cela?—nous allons essayer de venir à bout des exposés et de laisser du temps pour les questions des membres du comité, de sorte que tous puissent respecter leurs engagements. Si cela convient aux membres du comité, nous allons procéder.
Sur ma liste figurent David H. Davis et Nan Berezowski, avocate et procureure de l'American Immigration Lawyers Association. Je vous invite à commencer votre exposé par un aperçu d'environ cinq minutes.
Mme Nan Berezowski (avocate et procureure, American Immigration Lawyers Association): Je m'appelle Nan Berezowski. Je suis avocate et procureure ici, en Ontario, de même qu'avocate dans l'état de New York. Nous sommes ici aujourd'hui pour représenter l'American Immigration Lawyers Association, l'AILA. Notre organisme regroupe environ 8 000 avocats et professeurs de droit. Son siège social se trouve à Washington, DC. Mon collègue David Davis et moi représentons aujourd'hui la section canadienne de l'AILA.
Je voudrais commencer par remercier le comité de nous permettre de commenter le règlement. Avant de le faire, je voudrais mentionner brièvement que l'AILA et particulièrement sa section canadienne, s'oppose à l'entente de principe. Essentiellement, AILA Canada voit dans l'entente des vices fondamentaux, car elle restreint la liberté de demandeurs d'asile potentiels de choisir le pays d'où ils demanderont à être protégés. Ceci dit et dans ce contexte, nous sommes très heureux de saisir cette occasion de commenter le règlement et de proposer diverses solutions, nous l'espérons, pour qu'il atténue les effets de l'entente.
Il y a surtout deux points dont je veux vous parler brièvement avant de céder la parole à mon collègue, David Davis. Le premier porte sur ce que j'appelle une différence d'interprétation du droit international et de ses obligations. Je pense en particulier aux conséquences différentes que l'entente risque d'avoir sur les revendications fondées sur le sexe.
Il est clair que les États-Unis et le Canada adhèrent tous deux au principe de la Convention relative au statut des réfugiés, qui a été signée en 1951, et au Protocole de 1967. Cependant, dans les 50 dernières années, la jurisprudence, soit la tradition juridique, et le système de détermination du statut de réfugié ont évolué différemment. Les deux régimes viennent donc de la même source, mais se sont beaucoup éloignés à certains égards depuis 50 ans.
L'un des domaines de divergence particulièrement important est celui des revendications fondées sur le sexe. La définition canadienne, ou l'interprétation canadienne de la définition de la Convention sur les réfugiés, est considérée comme relativement généreuse par rapport aux normes internationales.
Je voudrais citer brièvement les lignes directrices du président sur les demanderesses du statut de réfugié qui craignent une persécution fondée sur le sexe. Le président de la CISR affirme que:
Même si le genre n'est pas énuméré explicitement comme l'un des motifs d'octroi du statut de réfugié dans la Convention, la définition de réfugié qu'elle contient peut à raison être interprétée comme protégeant les femmes qui démontrent une peur bien fondée de persécution fondée sur le sexe pour cause de l'un ou de plusieurs des motifs énumérés.
C'est l'interprétation canadienne. Ce n'est pas l'interprétation américaine. L'inquiétude d'AILA Canada, c'est que des femmes ayant besoin de protection pourraient obtenir le statut de réfugiées au Canada—ou pourraient le revendiquer au Canada—mais ne pas pouvoir le revendiquer aux États-Unis.
Le résumé de l'étude d'impact de la réglementation fait état de cette différence, mais le règlement ne prévoit aucune disposition précise à ce sujet. Nous recommandons que cet impact différentiel soit également reconnu dans le règlement lui-même.
Ainsi, notre recommandation de rédaction consiste à ajouter un alinéa à l'article 159.6 du règlement proposé. Cet ajout aurait essentiellement pour effet d'ajouter les demandes justifiées par la crainte de persécution fondée sur le sexe à la liste des dispositions non applicables. Je vais seulement paraphraser ce que nous avons mis dans notre proposition. Cet alinéa dirait, en gros, que si une demande, en raison de sa nature, risque de ne pas être admissible aux États-Unis, mais de l'être au Canada, la personne devrait être exemptée de l'application des règles et être autorisée à présenter sa demande au Canada. C'est mon premier point.
¹ (1545)
Mon second point de nature est similaire et porte essentiellement sur les différences entre la façon dont nos deux pays respectifs comprennent nos obligations internationales en matière de détention. En ce sens, l'argument est pour ainsi dire le même. Nos interprétations proviennent de la même source, mais depuis 50 ans, la jurisprudence des deux pays a évolué différemment. Nous interprétons très différemment nos obligations internationales en termes de détention.
Encore une fois, nous suggérons un ajout à l'article 159.6 proposé, afin d'exempter de l'inadmissibilité prévue à l'entente les personnes sujettes à détention aux États-Unis, mais non au Canada.
Voilà les deux éléments que je voulais porter à l'attention du comité. Je vais maintenant laisser la parole à mon collègue, David Davis, qui a d'autres points à soulever.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Je trouve toujours que les gens qui me disent qu'ils seront brefs ne le sont jamais, mais j'espère que vous allez me prouver que j'ai tort.
M. David Davis (avocat et procureur, American Immigration Lawyers Association): Je vais tenter de vous le prouver.
Vous avez reçu notre mémoire. Pour en venir directement au fait, nous estimons qu'en vertu du libellé actuel du règlement, les agents d'immigration qui déterminent l'admissibilité des demandes sont carrément appelés à se prononcer sur des principes juridiques internationaux. C'est le sujet de cette entente.
Nous ne pensons pas que les agents d'immigration, qui représentent les intérêts du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration en particulier, devraient posséder un outil si puissant et si lourd de conséquences. Nous proposons plutôt que la personne comparaisse automatiquement devant un arbitre, qui déterminera son admissibilité. Laissons l'arbitre prendre une décision impartiale et déterminer si la personne répond ou non aux critères d'admissibilité prévus dans le règlement.
Deuxièmement, en ce qui concerne la décision finale, nous sommes d'avis qu'en vertu de l'entente, si une personne arrive des États-Unis, par exemple, au port d'entrée d'Emerson, au Manitoba, elle reste au Canada tant qu'elle y a des recours judiciaires. En effet, le demandeur peut demander la permission de faire appel, auprès de la Section de première instance, d'une décision prise par un agent d'immigration ou, comme nous le recommandons, par un arbitre.
Nous recommandons l'ajout d'une disposition dictant un sursis d'exécution de l'ordonnance de renvoi jusqu'à ce que tous les mécanismes judiciaires aient été épuisés. Autrement, l'entente déjà signée entre les deux parties ne serait pas reconnue pleinement si la personne était automatiquement renvoyée aux États-Unis pendant que son avocat ou son avocate attend une réponse à sa demande de permission au Canada.
Voilà les quelques points additionnels que je voulais mentionner au nom de l'AILA.
Merci.
¹ (1550)
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Je vous remercie beaucoup. Vous avez été bref, merci.
Passons maintenant au Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile, qui sont représentés par Raj Dhaliwal, Peggy Nash et Lisa Kelly. Encore une fois, vous avez de cinq à dix minutes ou aussi près que possible de cette durée.
Mme Peggy Nash (adjointe au président, Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile): Merci, monsieur le président, et merci au comité de nous permettre de comparaître devant vous.
Je suis l'adjointe au président national des Travailleurs canadiens de l'automobile. Je suis accompagnée de Raj Dhaliwal, notre directeur en matière de droits de la personne, et de Lisa Kelly, qui fait partie de notre service juridique. Nous avons un mémoire écrit à vous soumettre, mais j'aimerais vous expliquer quelques arguments que nous y exposons.
Le Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile est le plus grand syndicat du secteur privé du Canada.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Je suis désolé, je dois informer les membres que le document n'est qu'en anglais, nous ne l'avons donc pas fait circuler. Si vous voulez l'envoyer au comité, il doit être dans les deux langues officielles.
Mme Peggy Nash: D'accord, nous allons le faire, mais je ne vais pas le lire directement. Je m'excuse de ne présenter qu'un document en anglais. Nous n'avons reçu notre confirmation de comparution devant le comité qu'il y a quelques jours. Nous allons vous faire parvenir une version traduite.
Le Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile représentent des travailleurs d'environ 12 grands secteurs de l'économie canadienne. Comme la plupart des différents segments de la société canadienne, notre groupe se compose d'immigrants et de descendants d'immigrants ainsi que de beaucoup de réfugiés et de descendants de réfugiés. Nous nous préoccupons très sérieusement de l'immigration et de la protection des réfugiés, parce qu'elles touchent bon nombre de nos membres.
Notre syndicat s'est séparé d'un syndicat américain il y a 14 ou 15 ans en raison d'une différence d'orientation entre les deux organismes. Nous avions la forte impression que le fait de faire partie d'un syndicat établi aux États-Unis limitait notre pouvoir de prendre des décisions au nom de nos membres au Canada, ainsi que notre capacité de représenter démocratiquement nos membres dans ce pays. Depuis, le nombre de nos membres a plus que doublé au Canada, alors que le nombre de membres du syndicat américain a diminué, de même que son influence aux États-Unis.
Je le dis parce que c'est un exemple de deux organismes faisant partie du même regroupement. Les deux sont confrontés à des réalités nationales différentes, à des choix différents, doivent prendre des décisions différentes et obtenir des résultats très différents pour leur organisme. Je crois que cela est d'importance pour ce comité et pour le règlement à l'étude, parce que nous sommes fermement convaincus que les Canadiens doivent réfléchir longuement et faire bien attention avant d'harmoniser nos politiques sur les réfugiés et l'immigration. Nous croyons que cela va avoir des effets sur notre souveraineté et notre démocratie en bout de ligne.
Il est évident que beaucoup de choses ont changé dans le monde depuis le 11 septembre. Le 11 septembre a changé les règles d'accès à notre pays et les contrôles de sécurité. Il semble y avoir une quelconque impression que le supposé laxisme des lois canadiennes sur l'immigration et les réfugiés serait à l'origine des attaques aux États-Unis, ce qui est tout simplement faux. Pour cette raison, nous tenons à dire que nous sommes opposés à l'entente et au règlement en principe. Nous croyons que l'histoire du Canada, malgré ses imperfections, est l'histoire d'un pays humanitaire, même si nous n'accueillons qu'environ 0,5 p. 100 de tous les réfugiés du monde.
Il y a beaucoup de raisons qui mènent les réfugiés à choisir le Canada. La langue, par exemple. Pour les réfugiés francophones, le Canada peut représenter un lieu sûr. Ils viennent ici pour des raisons culturelles ou religieuses, parce qu'ils croient qu'ils seront respectés ici. Beaucoup viennent ici parce qu'ils croient que c'est ici qu'ils seront le plus en mesure de s'établir. Or, beaucoup doivent passer par un autre pays pour venir au Canada.
La Cour suprême du Canada a déterminé que les demandeurs d'asile devaient avoir le droit de présenter leur demande au Canada, habituellement dans le cadre d'une audience orale. Selon nous, cette entente et ce règlement auront pour effet que certaines demandes ne seront pas évaluées adéquatement. Cela pourrait même aller à l'encontre de notre charte.
D'autres ont parlé du fait que les États-Unis traitent les réfugiés différemment de nous. Il y a certainement des cas où des réfugiés sont détenus en raison de leur nationalité ou de leur profil racial. Par exemple, Amnistie Internationale nous apprend que les demandeurs d'asile haïtiens y sont automatiquement détenus, même s'ils demandent peut-être en fait l'asile au Canada. Les conséquences de ces règles peuvent certainement être très différentes pour eux.
On a déjà parlé de la persécution fondée sur le sexe. Nous sommes également très inquiets, particulièrement pour ceux qui demandent le statut de réfugié en raison de persécution fondée sur leur orientation sexuelle, ce qui n'a été reconnu que très récemment aux États-Unis. Nous mentionnons également un certain nombre de problèmes techniques dans le règlement.
Nous ne voulons pas faire obstacle aux gens qui demandent l'asile. Nous ne voulons pas fermer la porte aux réfugiés et l'ouvrir aux contrebandiers et aux trafiquants d'êtres humains. Nous ne voulons certainement pas non plus que des gens meurent à notre frontière lorsqu'ils y demandent l'asile.
Bref, nous unissons notre voix à celle d'autres organismes, comme Amnistie Internationale et le Conseil canadien pour les réfugiés, qui disent que les réfugiés doivent avoir le droit de choisir par quel pays ils veulent être protégés. En tant que pays, nous devons continuer de favoriser la protection des droits des demandeurs d'asile et non les éroder par cette entente ou ce règlement.
Je vous remercie de votre attention.
¹ (1555)
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Je vous remercie beaucoup.
Passons maintenant à l'Association du Barreau canadien. Tamra Thomson et Renée Miller, vous avez de cinq à dix minutes.
Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Merci, monsieur le président.
Nous comparaissons aujourd'hui au nom de la Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté de l'Association du Barreau canadien. L'ABC compte plus de 38 000 membres d'un bout à l'autre du Canada. Notre section du droit de l'immigration et de la citoyenneté se compose d'avocats de partout au pays, dont la pratique porte sur tous les aspects du droit de l'immigration.
Il fait partie du mandat de l'Association du Barreau canadien de travailler à l'amélioration du droit et de l'administration du système judiciaire. C'est dans cette optique que nous vous présentons nos commentaires aujourd'hui.
Par le passé, notre section s'est exprimée sur le concept de l'entente sur les tiers pays sûrs, mais comme les délibérations du comité portent aujourd'hui sur le règlement, nous allons restreindre nos observations à l'application du règlement.
Je vais demander à Renée Miller, qui pratique le droit de l'immigration à Vancouver et fait partie de l'exécutif de la section, de vous communiquer nos observations au sujet du mémoire écrit que nous vous avons remis.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Madame Miller, allez-y.
Mme Renée Miller (membre de l'exécutif, Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, Association du Barreau canadien): Merci.
La Section du droit de l'immigration et de la citoyenneté de l'ABC, qui comprend des avocats de partout au Canada, a examiné sérieusement le règlement d'application de l'Entente sur les tiers pays sûrs et évidemment, celui de la LIPR elle-même.
Vous avez notre lettre devant vous, lettre qui porte en un certain nombre de points. Nous recommandons des changements et des améliorations au règlement, et proposons des suggestions quant à la façon dont nous aimerions que vous modifiez ce règlement. Je ne vais pas passer chacun en détails, parce que vous les avez devant vous. J'aimerais toutefois vous parler des enjeux les plus importants.
Le Canada a l'un des régimes de détermination du statut de réfugié les plus prisés au monde, parce qu'il a été créé et est appliqué conformément à des principes solidement établis quant à la protection des réfugiés et à la façon dont on décide qui est un réfugié. Beaucoup de pays du monde, dont des pays très développés, regardent ce que fait le Canada pour établir leurs normes relatives au traitement des réfugiés et au bon fonctionnement de leur système de détermination du statut de réfugié.
L'Entente sur les tiers pays sûrs fixe des principes visant à modérer le flot de réfugiés entre le Canada et les États-Unis. Nous recommandons que le règlement soit rédigé de manière à ce que la mise en oeuvre de l'entente soit conforme aux principes de détermination du statut de réfugié que défend le Canada et sur lesquels se fonde l'ensemble de notre système de détermination du statut de réfugié. Dans certains cas, l'entente elle-même reste muette sur des problèmes donnés. Ainsi, il nous incombe clairement d'établir un règlement qui permettra de mettre l'entente en oeuvre le mieux possible.
Comme plusieurs de mes collègues l'ont souligné, les systèmes de détermination du statut de réfugié du Canada et des États-Unis sont très différents. Bien que les deux pays soient tous deux signataires de la convention, leurs systèmes et leurs politiques ont évolué fort différemment. Si nous ne portons pas suffisamment attention à ces différences dans la mise en oeuvre de l'entente, divers problèmes pourraient survenir. Par exemple, la décision à savoir qui peut revendiquer le statut de réfugié au Canada est très différente de celle à savoir qui peut le revendiquer aux États-Unis.
Compte tenu de ces différences, une personne se présentant à la frontière canadienne pour demander le statut de réfugié pourrait voir sa demande jugée irrecevable en raison de l'entente, retourner aux États-Unis, où elle ne pourrait pas revendiquer le statut de réfugié non plus en raison des lois nationales des États-Unis, puis être renvoyée dans son pays d'origine sans jamais avoir obtenu d'audience d'établissement du statut de réfugié. Ce n'est pas l'objectif de l'entente. L'entente vise à ce que la personne ait la garantie que sa requête sera entendue au Canada ou aux États-Unis. Nous croyons donc que le règlement doit être rédigé en ce sens.
Le règlement doit comprendre une disposition selon laquelle si un demandeur a le droit de présenter une demande d'asile au Canada, mais non aux États-Unis, il a la garantie de pouvoir en présenter une au Canada. De la même façon, nous espérons que les Américains établiront des mesures semblables, de sorte que si une personne ne peut faire de demande d'asile au Canada, elle pourra le faire aux États-Unis. Cela aurait pour effet de garantir au demandeur l'accès à l'un ou à l'autre des deux systèmes.
De même, comme mes collègues ici l'ont souligné, les lois du Canada et des États-Unis sont très distinctes en ce qui concerne les femmes et les types de demandes qu'elles peuvent faire. Le Canada établit clairement et de façon précise les différents types de revendications du statut de réfugié que les femmes peuvent présenter. Ce n'est pas le cas aux États-Unis. Il est extrêmement difficile, voire impossible dans bien des cas, pour une femme de revendiquer avec succès le statut de réfugié pour des raisons de violence familiale, de mutilation génitale féminine ou de discrimination systémique contre les femmes. Voilà toutes des revendications communément reconnues au Canada, mais les revendications pour mutilation génitale féminine, par exemple, ne sont pas reconnues officiellement aux États-Unis. Il est très difficile de faire ce genre de revendication. Il est donc tout à fait possible que des femmes puissent obtenir le statut de réfugié au Canada, mais qu'elles risquent fort d'échouer si elles présentent leur revendication aux États-Unis. Encore une fois, l'entente elle-même reste muette sur cette question précise.
C'est le règlement qui doit préciser comment l'entente sera appliquée et quel processus sera suivi. Nous recommandons que le règlement soit conçu de manière à ce que la mise en oeuvre de l'entente soit conforme aux lois et aux politiques nationales du Canada sur la détermination du statut de réfugié qui font partie de notre système.
º (1600)
Ainsi, nous croyons que le règlement doit être rédigé de façon à ce que l'entente soit mise en oeuvre conformément aux lois nationales du Canada et aux politiques de détermination du statut de réfugié qui régissent notre système. Nous suggérons un nouveau libellé dans notre lettre, au paragraphe 8.
Dans le même ordre d'idée, la politique des États-Unis sur la détention diffère beaucoup de la nôtre. Le Canada suit des lignes directrices fort différentes quant aux demandeurs d'asile qui sont sujets à la détention. En réalité, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés critique presque constamment le régime états-uniens, dont il juge la politique de détention trop vaste. Cette politique touche notamment les enfants non accompagnés. Aux États-Unis, les enfants qui ne sont pas accompagnés de l'un de leurs parents sont habituellement détenus, une situation que le Canada tente d'éviter le plus possible.
Prenons aussi l'exemple des demandeurs du statut de réfugié qui voyagent sans papiers d'identité. C'est un exemple très commun, parce qu'il est entendu que les réfugiés doivent fuir leur pays par n'importe quel moyen. Ainsi, les réfugiés arrivent souvent sans papiers d'identité valides. Ces personnes sont toujours détenues aux États-Unis, mais ne le sont pas au Canada. L'entente reste muette sur cette politique.
Encore une fois, nous recommandons que le règlement soit rédigé de manière à ce que l'entente soit mise en oeuvre conformément aux politiques et aux lois nationales du Canada. Le règlement doit préciser que quiconque est sujet à détention aux États-Unis, mais qui ne l'est pas au regard de la loi canadienne, devrait pouvoir bénéficier de notre système et revendiquer le statut de réfugié sans être détenu pendant toute la période de traitement de sa demande.
Pour terminer, le règlement prévoit une exemption de l'application de l'entente si la personne qui se présente à la frontière pour revendiquer le statut de réfugié dans notre pays est parente avec une personne qui a été acceptée comme réfugié au Canada ou qui a présenté une demande de statut de réfugié dont a été saisie la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Cette règle suit le principe de réunification des familles découlant de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Malheureusement, le règlement reste muet à ce propos ou dicte que cette politique ne s'applique pas lorsqu'une personne a revendiqué le statut de réfugié et que l'un des membres de sa famille au Canada a présenté une demande de protection au ministre.
Le statut de réfugié qu'accorde la Commission de l'immigration et en fonction de la Convention et le statut de protégé que peut accorder le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration sont deux choses différentes, mais grandement similaires. Les deux examinent les mêmes faits, appliquent les mêmes ententes internationales et peuvent entraîner l'octroi du même statut, soit le statut de réfugié prévu par la Convention ou le statut de protégé. Nous sommes d'avis que le libellé actuel du règlement est non conforme à nos lois nationales. Ces deux décisions ne sont pas exactement identiques, mais très semblables. Si l'entente ne s'applique pas dans un cas, lorsqu'un membre de la famille du demandeur a présenté au Canada une demande de statut de protégé qui est en processus d'examen, l'entente ne s'applique alors pas dans l'autre cas, lorsqu'un membre de la famille du demandeur a présenté au Canada une demande de statut de réfugié qui est en processus d'examen.
Nous recommandons donc que le règlement soit modifié de manière à ce que l'entente soit mise en oeuvre de façon vraiment conforme à nos lois nationales et à notre système de détermination du statut de réfugié.
Il y a quelques recommandations supplémentaires dans notre lettre. Celles-ci proposent de petites modifications au libellé du règlement proposé afin d'améliorer la mise en oeuvre de l'Entente sur les tiers pays sûrs et de l'harmoniser davantage, à notre avis, à notre régime actuel. Dans certains cas, les libellés suggérés visent à prévenir des problèmes susceptibles de découler du libellé actuel du règlement, soit des conséquences de la mise en oeuvre de l'entente que nous considérons non intentionnelles, auxquelles personne n'avait pensé ou qui n'ont pas fait l'objet d'un examen. Nous vous recommandons de modifier le règlement afin d'éviter ces situations.
Vous trouverez également dans notre lettre une recommandation visant à redresser une situation qui sera réglée si vous corrigez les quatre problèmes dont j'ai parlé aujourd'hui. Si ces quatre problèmes sont corrigés, un certain nombre d'autres problèmes actuels du règlement le seront aussi.
º (1605)
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Je vous remercie.
Passons à notre prochain témoin, Mary Jo Leddy, qui représente la Southern Ontario Sanctuary Coalition. Mary Jo nous a remis un document, mais il n'a pas été traduit. Nous devrons donc le faire traduire, puis nous le distribuerons aux membres.
Nous vous invitons, vous aussi, à prendre de cinq à dix minutes pour votre exposé, puis il devrait nous rester considérablement de temps pour les questions.
Mme Mary Jo Leddy (représentante, Southern Ontario Sanctuary Coalition): Monsieur le président, mesdames et messieurs du comité, je vous remercie de m'avoir invitée à nouveau à prendre la parole devant vous.
Je représente la Southern Ontario Sanctuary Coalition, composée de 300 membres environ venant, pour la plupart, de groupes confessionnels qui travaillent avec des réfugiés le long des points d'entrée à la frontière et dans les refuges qui les accueillent. Moi-même, par exemple... depuis 11 ans, 95 p. 100 des personnes avec lesquelles je vis sont entrées à des points le long de la frontière canado-américaine.
Nous connaissons donc les personnes dont il est question. Nous savons ce que signifiera cette entente. Nous sommes conscients des espoirs qui pourraient être anéantis et des vies qui pourraient être perdues, de sorte que nous prenons le règlement très au sérieux.
Nous nous sommes efforcés de faire des suggestions très concrètes qui vous seront utiles. Un article du règlement, le numéro 159.6, semble permettre au gouvernement de respecter son engagement d'être juste et de faire preuve de compassion à l'égard des réfugiés. Voilà qui laisse entendre qu'il existe une liste de pays, de pays si dangereux que le Canada n'y refoulerait pas des réfugiés et qu'il les accepterait à sa frontière s'ils en viennent. En fait, il traiterait ces réfugiés comme des cas urgents, ce qui permettrait d'avoir à leur égard une approche différente, une approche qui n'est pas uniquement dictée par la politique étrangère des États-Unis.
Une pareille liste de pays cadrerait visiblement avec l'intérêt public. Toutefois, ce sont vous, les élus du Parlement, qui représentez l'intérêt public et l'intérêt national. À moins qu'il n'y ait un examen public, une participation publique quelconque à la définition d'une pareille liste de pays, vous aurez non seulement verrouillé la porte à des réfugiés désespérés, mais également jeté la clé.
Il est impératif que ce soit des élus du Parlement et le ministre qui exercent un pouvoir à l'égard de ce règlement. Je sais que nombre d'entre vous sont mal à l'aise à l'idée de fermer la porte à de véritables réfugiés qui sont désespérés. J'estime que vous avez le mandat et le pouvoir d'agir.
J'ai déjà parlé de l'article 159.6 du règlement. Toutefois, les groupes que je représente—et nous en avons discuté très sérieusement—n'ont pas réussi à trouver un autre règlement qui pourrait être utilisé à de pareilles fins. Nous l'affirmons parce que nous savons ce qui se passe même maintenant aux points d'entrée, et je vous demande de remettre en question toute statistique qui vous est fournie.
Les réfugiés ne se bousculent pas à nos frontières. Les refuges ne sont qu'à moitié pleins actuellement. Dans les couloirs de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, il y a des salles d'audience vides. Posez-vous des questions au sujet des données statistiques. Demandez-vous qui vous les fournit et pourquoi ils le font.
Sur papier et ici à Ottawa, le règlement a l'air logique, clair et pratique. Toutefois, nous prévoyons qu'il mènera à la corruption et au chaos. Nous en avons fait état avec détail dans notre récente déclaration intitulée A Civil Initiative to Protect Refugees que vous trouverez en annexe de notre mémoire.
Voici ce qui va se produire. Des gens corrompus et cyniques exploiteront la situation désespérée de ces personnes. Le crime organisé fera des affaires d'or en leur faisant passer illégalement la frontière. Le prix exigé pourrait en obliger certains à se prostituer et à faire du travail forcé. Les enfants seront maltraités. Bon nombre des réfugiés se feront voler toutes leurs économies. Certains mourront.
º (1610)
Dans une pareille situation, et vous pouvez compter que cela se produira, les groupes confessionnels feront passer la frontière aux réfugiés. Ils leur offriront refuge chaque fois que ce sera nécessaire. C'est très clair.
Nous sommes particulièrement préoccupés par la question des mineurs qui ne sont pas accompagnés. Il y en a déjà un millier en Ontario. Ils vivent chez moi. Les jeunes sont dépaysés. Certains d'entre eux sont orphelins, mais d'autres aussi sont des jeunes que leurs parents ont envoyé seuls, dans l'espoir désespéré qu'ils pourront les faire entrer par la suite. Quelle horrible situation! Ne serait-il pas plus simple que les familles ou les parties de famille puissent se présenter à la frontière de manière ordonnée?
Il existe un certain ordre à la frontière actuellement. L'alternative est le chaos et la corruption. Dissimulé au milieu d'un petit règlement se trouve le très important choix moral que vous avez à faire aujourd'hui.
Je vous remercie.
º (1615)
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Je vous remercie beaucoup.
Le dernier témoin que nous entendrons est M. Max Berger, avocat et procureur. Je crois que les membres du comité ont déjà reçu le texte de son mémoire.
Monsieur Berger.
M. Max Berger (témoignage à titre personnel): Merci.
Je suis un avocat spécialisé en droit de l'immigration et en demandes d'asile qui comparaît devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié plusieurs fois par semaine depuis sa création, en 1989.
Je suis vivement opposé à l'entente, mais si entente il y a, j'aimerais puiser à même mon expérience pour vous aider à améliorer le plus possible le règlement.
Dans mon mémoire, j'ai soulevé cinq points qui, selon moi, sont particulièrement problématiques dans le règlement projeté. J'aimerais les passer en revue avec vous, un à un.
Le premier problème a trait au principe selon lequel le demandeur du statut de réfugié recevra une audience équitable soit au Canada, soit aux États-Unis. Il est compromis par des taux d'acceptation de ressortissants de certains pays variant selon l'endroit où la demande est entendue.
Essayez de vous imaginer le ressortissant d'un pays X qui souhaite venir au Canada et qui se dirige vers notre frontière à partir des États-Unis. Supposons, par exemple, que le taux d'acceptation aux États-Unis pour les ressortissants de ce pays est de 55 p. 100 alors que le taux au Canada est de 80 p. 100. Ce que j'essaie de faire comprendre, c'est que, si l'écart est si grand, soit de 25 points, mais cela pourrait être plus ou moins, on devrait permettre à la personne d'entrer au Canada pour faire sa demande de statut de réfugié ici même.
Si on examine le problème sous un autre angle, si le taux d'acceptation des ressortissants de ce pays en particulier est de moins de 50 p. 100 aux États-Unis et de plus de 50 p. 100 au Canada, il faudrait permettre à cette personne de venir au Canada pour présenter sa demande de statut de réfugié. Cela cadrerait avec l'esprit de l'entente qui est de faire en sorte que le ressortissant a droit à une audience équitable dans l'un ou l'autre des pays.
Le deuxième problème concerne l'exemption prévue au paragraphe 159.6b) du règlement. On peut y lire que l'exemption s'applique si, en tant que demandeur du statut de réfugié, vous avez été mis en accusation pour un crime dans un autre pays, probablement celui dont vous avez la citoyenneté, et que la pénalité prévue pour ce crime est la peine de mort.
Voici le problème. Que signifie exactement l'expression «mis en accusation»? Dans le monde occidental, nous savons tous que, lorsqu'on est accusé d'un crime, on reçoit un morceau de papier, un mandat d'arrestation, qui est suivi d'un procès. Or, dans les pays du tiers monde, d'où viennent la plupart des réfugiés, ce n'est pas ainsi que cela se passe. La police peut se présenter chez vous au beau milieu de la nuit, vous arrêter et vous incarcérer, et on n'entend plus jamais parler de vous.
Voici donc la question. Dans le règlement à l'étude, l'expression «mis en accusation» inclut-elle ce genre d'éventualités, où il n'y a pas de mise en accusation formelle, où elle renvoie simplement à des allégations faites par la police et où les conséquences sont la mort?
Je recommande donc que l'expression «mis en accusation» soit mieux définie en y incluant les allégations formelles et informelles que je viens de vous décrire.
La façon dont le règlement est libellé actuellement me fait craindre que l'agent d'immigration, au point d'entrée, n'ait à tenir une mini-audience à la frontière pour décider s'il y a peine de mort ou pas. À mon avis, une pareille décision n'appartient pas à l'agent d'immigration posté à la frontière.
Je recommanderais que l'agent d'immigration conserve le pouvoir d'appliquer l'exemption lorsque la situation est claire, mais, s'il n'est pas disposé à l'exercer, qu'il ne puisse pas refuser l'exemption, qu'il soit plutôt tenu de renvoyer la question à la Section de l'immigration, où un arbitre impartial ou, en réalité, un commissaire, comme ils s'appellent maintenant, en jugerait.
Le troisième problème a trait à la relation familiale. Vous savez que, d'après le règlement, si un demandeur du statut de réfugié a un membre de la famille proche au Canada, l'exemption lui permettra d'entrer. Je suis sûr que beaucoup d'autres témoins vous en ont parlé. La plupart des réfugiés qui se présentent à la frontière n'ont rien sur eux ou n'ont que les documents les plus rudimentaires, par exemple un certificat de naissance ou une carte d'identité. S'ils ont un oncle qui est citoyen canadien, ce qui les rendrait admissibles à l'exemption, très peu de réfugiés vont se présenter à la frontière avec les documents établissant que l'oncle vit ici au Canada. Le résultat, soit l'irrecevabilité, est une interdiction à vie de présenter à nouveau une demande de statut de réfugié et de bénéficier à nouveau d'une audience devant la commission au Canada.
À mon avis, c'est mal. Il existe différents degrés d'inadmissibilité. On ne peut pas comparer le fait d'être inadmissible parce qu'on est un criminel de guerre, par exemple, au fait d'être inadmissible parce qu'on est incapable, à la frontière, de produire les documents prouvant qu'on a un oncle qui est citoyen canadien.
La manière équitable et facile de résoudre le problème consiste à simplement permettre un examen ultérieur de la recevabilité de votre demande si l'on vous a jugé inadmissible à l'exemption parce que vous n'aviez pas sur vous les documents prouvant la relation de famille au Canada.
º (1620)
Nous en arrivons au quatrième problème. Le paragraphe 159.5c) prévoit une exemption si vous avez au Canada un membre de la famille dont la demande de statut de réfugié a été renvoyée à la Commission de l'immigration. Les rédacteurs ont oublié de tenir compte du fait qu'il peut parfois s'écouler quatre à six semaines, si ce n'est plus, entre le moment où un membre de la famille présente sa demande de statut de réfugié—une demande typique faite de l'intérieur dans un grand centre urbain comme les bureaux de CIC à Etobicoke—et le renvoi de la demande à la commission.
Si le demandeur se présente à la frontière et tient à faire valoir qu'un membre de sa famille a présenté une demande qui va être entendue par la commission, mais qui ne lui a pas encore été renvoyée parce que le membre de famille n'a pas encore de rendez-vous pour l'entrevue au bureau d'Etobicoke servant à déterminer la recevabilité, alors le demandeur à la frontière sera jugé inadmissible et refoulé aux États-Unis. Là non plus, ce n'est pas bien.
La solution facile est de simplement permettre au demandeur d'entrer au Canada et d'attendre jusqu'à ce que la commission se soit prononcée sur la recevabilité et le renvoi de la demande du membre de la famille sur lequel il compte.
Le dernier problème, monsieur le président, a également trait au paragraphe 159.5c). Il s'agit de la disposition qui permettrait à un demandeur de bénéficier de l'exemption si un membre de sa famille a fait une demande de statut de réfugié qui a été renvoyée à la commission au Canada. Toutefois, si le membre de la famille est âgé de moins de 18 ans, l'exemption ne s'applique pas.
Prenez l'exemple d'une mère qui se présente à la frontière canadienne et qui a un fils de 11 ans dont la demande de statut a été renvoyée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, mais qui n'a pas encore reçu de réponse. Cette mère sera jugée inadmissible et renvoyée aux États-Unis. Elle ne pourra pas voir son fils au Canada. Cela ne se fait tout simplement pas et est tout à fait incompatible avec l'esprit de la Loi sur l'immigration qui prône la réunification des familles.
Voilà qui met fin à mon exposé.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Je vous remercie beaucoup.
Nous allons maintenant céder la parole à Mme Ablonczy, qui dispose de 10 minutes pour poser des questions.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Comme vous le savez, le Canada est très fier de son esprit humanitaire et de son ouverture en vertu desquels il offre l'asile à des personnes en détresse de tous les coins du monde, et nous tenons beaucoup à ce que notre système continue d'être le plus ouvert possible à ces personnes. Nous sommes donc très chanceux de vous avoir ici comme témoins, de pouvoir profiter surtout de votre brillant savoir de légistes.
º (1625)
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Diane, puis-je vous interrompre un instant? Comme vous n'étiez pas ici quand je l'ai mentionné, je répète que les représentants de deux groupes—Mary Jo Leddy, de la coalition, doit partir à 17 heures et le porte-parole de l'Association du Barreau canadien, à 17 h 15. Il serait peut-être bon de leur poser nos questions tout de suite.
Mme Diane Ablonczy: Ce serait utile. Moi aussi, monsieur le président, j'ai un engagement à 17 heures et je devrai partir avant pour être là à l'heure.
J'aimerais en revenir au point que je faisais valoir. Je suis vraiment reconnaissante du fait que nous avons ici des spécialistes de la loi qui ont pris le temps d'éplucher le règlement et de nous proposer des amendements et des recommandations, particulièrement en ce qui a trait au libellé. Cela nous aide beaucoup.
Un des points à retenir au sujet de notre système, c'est que nous tenons à garder la porte ouverte au plus grand nombre de personnes en détresse. Je sais que ceux qui travaillent auprès des personnes qui cherchent à entrer au Canada souhaitent leur faciliter le plus possible la tâche. Nous tenons à faire en sorte que les personnes qui ont vraiment besoin d'être protégées de la persécution et, peut-être même, de la mort, sont traitées en priorité. C'est l'un des prismes à travers lesquels j'examine ces recommandations.
Nous avons appris du sous-ministre que 72 p. 100 des demandeurs du statut de réfugié au Canada nous viennent des États-Unis. Le fait m'a été confirmé durant une séance d'information privée avec des fonctionnaires du ministère. Nous tenons aussi à ce que le système garde certaines portes ouvertes à ceux qui viennent de camps de réfugiés, où les conditions de vie sont vraiment atroces. Tout au long de ce débat, même si nous nous concentrons sur l'entente entre le Canada et les États-Unis, il faut garder à l'esprit la situation plus globale, comme l'a fait remarquer Renée Miller. Ce serait très important.
J'aimerais avoir des précisions sur quelques points qui ont été portés à mon attention. Ma première question s'adresse à Peggy Nash et à Raj Dhaliwal. Buzz Hargrove a écrit aux membres du comité une lettre faisant état d'une entente particulière dans laquelle le Canada a convenu d'accepter 200 candidats en provenance des États-Unis. Je me demande si cette préoccupation est toujours valable et, dans l'affirmative, si vous pouvez expliquer au comité de quoi il s'agit au juste.
M. Raj Dhaliwal (directeur, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile): La lettre que notre président Buzz Hargrove a rédigée en juillet faisait état de l'information dont nous disposions à l'époque. Que nous sachions, si vous me permettez de m'exprimer dans mes propres mots, il y a eu un échange de 200 éventuels réfugiés qui ont été jugés inacceptables, pour quelque raison que ce soit, dans ce pays et qu'on a demandé au Canada d'accueillir. Cela nous préoccupe certes au plus haut point. L'histoire des États-Unis regorge d'exemples de personnes qui ne sont pas vraiment des réfugiés, selon nous, et qui ont en fait exercé l'autorité d'État dans certaines régions du monde et auxquelles on doit offrir asile ailleurs. Il ne faudrait pas que le Canada devienne une terre d'asile pour des personnes que nous qualifions de criminelles dans certaines régions du monde ou qui agissent comme des terroristes d'État.
Mme Diane Ablonczy: Voilà qui nous est utile, surtout que le ministre sera ici demain. Nous pourrons peut-être en apprendre davantage à ce sujet.
Un autre point au sujet duquel j'aimerais avoir des précisions est cet arriéré de 51 000 demandes dans notre système d'immigration. Je sais qu'il doit être vraiment frustrant pour vous qui travaillez dans le système d'essayer de donner aux gens un peu de certitude et de statut, pour qu'ils puissent refaire leur vie. Je me demandais plus particulièrement si vous avez des recommandations à nous faire quant à la façon dont nous devrions exhorter le ministère à régler ce problème.
Le président: Mary Jo.
Mme Mary Jo Leddy: À nouveau, je crois qu'il faudrait examiner de plus près ces données. J'ai fait ma propre recherche, tant à Etobicoke qu'à la commission. J'ai demandé pourquoi tout à coup il y avait 20 000 dossiers de plus. On ne se rue pas à la frontière. On m'a dit que quelqu'un avait découvert un tas de dossiers en retard à Etobicoke. Il faut que quelqu'un arrive à déterminer si ce sont des doubles de dossiers existants, de vieux dossiers ou des dossiers désuets, parce que cette statistique dicte et légitime certaines décisions du comité. Vous méritez selon moi de savoir si la donnée est exacte. Vous disposez des personnes voulues pour découvrir la vérité. Mes recherches ont révélé que ce chiffre est très douteux, en réalité.
º (1630)
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Peut-être bien que, lorsqu'ils ont fermé la mairie, ils ont trouvé des dossiers. Nous allons certes aller aux renseignements.
Mme Mary Jo Leddy: Je crois vraiment qu'il faudrait le faire.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Quelqu'un a-t-il autre chose à ajouter?
Mme Renée Miller: Il est vraiment important de faire la distinction entre l'arriéré qui existe au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration dans le traitement des immigrants en général et tout arriéré qu'il pourrait y avoir dans le traitement des demandes de réfugiés. Les réfugiés représentent une catégorie tout à fait à part des immigrants.
Mme Diane Ablonczy: C'est bien de celle-là que nous parlons.
Mme Renée Miller: Tous les pays qui se sont dotés d'un système de détermination du statut de réfugié hautement développé et très complet, comme le nôtre, reconnaissent volontiers que le flux et le reflux de réfugiés se produit à l'extérieur de nos frontières. C'est l'une des raisons pour lesquelles on a rédigé cette entente, dont l'un des principes vise clairement à maîtriser un peu mieux ces mouvements de réfugiés qui, dans une très large mesure, échappent à notre contrôle. Notre mission consiste donc à établir un système de détermination du statut de réfugié qui soit juste et repose sur de solides fondements, pour avoir l'assurance que les personnes à qui nous donnons l'asile sont de véritables réfugiés.
Il convient donc de mettre en oeuvre cette entente pour permettre au gouvernement de contrôler un peu mieux le flux de réfugiés et de répondre aux demandes en attente, mais de façon à ce que les gens soient traités de manière équitable, dans le respect des principes internationaux, tout en veillant à ce que les personnes auxquelles nous répondons favorablement sont bel et bien des réfugiés.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Étant donné que je ne suis président que pour un jour, je ne voudrais pas me montrer impatient, mais j'aimerais que nous nous concentrions sur le sujet qui nous intéresse, à savoir : l'entente entre le Canada et les États-Unis.
Souhaitez-vous répondre, monsieur Berger?
M. Max Berger: Oui, encore une fois, et ceci n'a rien à voir avec le règlement, je tiens à préciser qu'un membre de la commission examine normalement deux demandes de statut de réfugié par jour; une le matin et l'autre l'après-midi. À Montréal, on a même commencé à en étudier trois par jour et cela a l'air de fonctionner assez bien. Personne n'a dit qu'il fallait accélérer le processus, et l'avocat semble satisfait de cette solution. C'est une façon de traiter plus rapidement les demandes en attente.
Mme Diane Ablonczy: Je l'apprécie, monsieur le président, car à mon humble avis, si nous voulons régler les problèmes grâce à ce processus et à la lumière de la nouvelle entente, il faut que les demandes de statut de réfugié soient traitées sans délai et qu'elles ne s'accumulent pas. J'attache donc beaucoup d'importance à ce qui vient d'être dit. Compte tenu des contraintes de temps, je n'irai pas plus loin et je donnerai à d'autres l'occasion d'intervenir.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Merci, Diane.
La parole est maintenant à M. Charbonneau.
[Français]
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le président, je voudrais remercier les témoins de nous avoir présenté leurs points de vue. Nous voyons que ces personnes et ces organisations ont travaillé à ce dossier avec beaucoup d'attention. Les témoins nous ont fait part de suggestions et d'amendements qui ont fait visiblement l'objet d'un examen attentif.
D'une façon générale, je constate de leurs témoignages qu'il n'y a rien de très stimulant ou de très emballant dans ce projet de réglementation. Certains d'entre vous ont dit qu'ils s'y opposaient d'une manière fondamentale. C'est en particulier le cas de M. Berger. Ils nous apportent des amendements parce qu'ils sont des gens de bonne volonté. Ça peut toujours servir d'avoir des amendements, mais ces gens commencent par nous dire qu'ils sont radicalement contre ce projet de règlement.
Dans d'autres cas, on nous propose tellement d'amendements substantiels au règlement que cela revient à peu près au même, en pratique. On nous fait ressortir les effets négatifs ou les effets pervers de ce projet de règlement, notamment en ce qui concerne la question du sanctuaire, à tel point qu'on se demande ce qui a pu inspirer ce projet de règlement.
Monsieur le président, je voudrais demander à ces gens s'ils ont été consultés par Immigration Canada et s'ils ont eu l'occasion d'exprimer leurs objections ou de proposer ces amendements substantiels aux gens d'Immigration Canada, lorsqu'ils les ont rencontrés, si tel est le cas. Et quel accueil Immigration Canada a-t-il réservé à leurs propositions? Quelles objections Immigration Canada a-t-il apportées à leurs amendements? Le règlement ne ressemble pas beaucoup à ce que ces gens préconisent.
Il est très important de vérifier tout cela, monsieur le président, parce que les amendements que nos invités proposent tendent à restaurer le pouvoir de décision du Canada en fonction de ses propres lois et de ses propres valeurs. Ils ont fait ressortir qu'on ne pouvait pas comparer ainsi les États-Unis et le Canada et dire que c'était la même chose, comme nous l'a affirmé ici Mme Atkinson d'Immigration Canada. Elle nous a affirmé qu'il n'y avait pas de problème, que c'était la même chose dans les deux pays et qu'il y avait de savantes études à ce sujet. On n'a pas déposé ces études, mais on a dit qu'on allait chercher dans les dossiers pour les trouver.
Les gens ici qui sont des experts et qui examinent ces choses ne font pas de politique. Ils font des choses précises. Ils disent que c'est assez différent et que quand c'est différent, c'est au détriment des réfugiés et des valeurs canadiennes. Je voudrais que ces gens me disent quel genre d'accueil ils ont reçu des gens d'Immigration Canada lorsqu'ils leur ont exposé leurs points de vue, si tel est le cas.
º (1635)
[Traduction]
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Monsieur Berger, souhaitez-vous répondre à cette question? Je pense qu'il voulait dire « n'êtes-vous pas d'accord que ».
M. Max Berger: Je souscris certainement à ces observations. Je peux me permettre de dire cela car je suis peut-être le seul ici à ne représenter que moi-même. Les services d'immigration ne m'ont pas consulté pour me demander ce que je pensais de leurs propositions.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Monsieur Davis.
M. David Davis: Notre organisation n'a pas été consultée.
Mme Renée Miller: L'Association du Barreau canadien a eu l'occasion de rencontrer de hauts fonctionnaires du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration en septembre dernier. Je leur ai parlé de l'Entente sur les pays tiers sûrs et leur ai exposé nos objections et nos préoccupations à l'égard de l'entente proposée.
Nous leur envoyons des documents, dans le cadre de ces discussions, mais l'exposé que nous vous présentons aujourd'hui est une réponse à ce qui a été publié dans la Gazette du Canada. On ne nous a pas donné la possibilité de revoir l'ébauche de règlement avant sa parution dans la Gazette du Canada. C'est ici que nous livrons nos commentaires à son sujet.
Mme Mary Jo Leddy: D'après ce que j'ai compris, le Conseil canadien pour les réfugiés a rencontré des représentants de Citoyenneté et Immigration Canada pour discuter de la question.
Tout ce que je peux dire, à propos de notre coalition, c'est que certains de nos membres en ont aussi parlé avec les fonctionnaires aux frontières étant donné qu'ils travaillent en assez étroite collaboration. Tous doutent que cela puisse fonctionner, particulièrement en ce qui concerne la réunification des familles. Devront-ils demander des tests d'ADN? Faudra-t-il effectuer des tests d'ADN à la frontière?
Cette situation nous laisse assez perplexes. Ce qui est clair, pour le CDHNU, qui a été consulté, c'est que cela fait partie du programme d'Immigration Canada. C'est de là que tout vient.
Il a été confirmé, dans un éditorial publié récemment dansThe Washington Post, que ce n'était pas tant dans l'intérêt des Américains, mais qu'il s'agissait en fait d'une tentative du ministère canadien de l'Immigration visant à contrôler le flux de réfugiés.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): En fait, cela fait des années que nous voulons que les Américains agissent et ils nous ont toujours répondu par la négative. C'était bien indiqué dans le rapport de ce comité.
Mme Mary Jo Leddy: Encore une fois, je pense que ce qui le justifie, c'est la grande quantité de demandes en attente.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Les représentants du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile souhaitent-ils intervenir sur ce point?
M. Raj Dhaliwal: Nous sommes membres du CCR. Je sais que celui-ci a été consulté, d'une certaine manière, mais pas exactement au sujet du règlement, et après que l'entente a été signée. Nous le savons bien; c'est ce qui s'est passé. Tout comme les représentants de l'Association du Barreau canadien, nous n'étions pas au courant du contenu du règlement jusqu'à sa publication. C'est à ce moment-là que nous en avons pris connaissance pour la première fois. Mais étant donné qu'il y a eu des discussions avec le CCR, nous nous sentons un peu responsables.
º (1640)
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Le président de ce comité, que je remplace aujourd'hui, aimerait certainement que je rappelle que c'était la première fois, si je ne m'abuse, qu'un comité devait examiner le règlement d'un projet de loi de cette façon. C'est donc un processus plutôt nouveau, même pour nous.
Monsieur Charbonneau.
[Français]
M. Yvon Charbonneau: Monsieur le président, dans certains cas, il y a eu consultation sur des orientations préliminaires. Dans d'autres cas, il n'y en a pas eu. De toute façon, j'aimerais que nos témoins nous fassent part de quelques éléments d'analyse et nous disent s'ils trouvent quelques aspects positifs dans le projet de règlement. Est-ce que ce projet de règlement présente certains bénéfices possibles pour les Canadiens ou pour ceux qui aspirent à devenir des réfugiés au Canada? Soyez bien à l'aise: si vous y voyez quelque chose de positif, n'hésitez pas à nous le dire.
[Traduction]
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Monsieur Davis.
M. David Davis: Ce que je trouve toujours le plus intéressant, dans le règlement, c'est le résumé de l'étude d'impact de la réglementation car il donne véritablement au gouvernement la possibilité de préciser l'ensemble des objectifs visés. La toute première phrase nous pose problème. Comment le gouvernement du Canada et les États-Unis peuvent-ils tenter de contrôler le flux de réfugiés dans le monde? Cette entente et le règlement modifié sont loin de permettre une telle chose.
Le premier problème majeur qui se pose—et on en a déjà parlé dans le National Post et le Globe and mail—, c'est qu'on pourra s'occuper des points d'entrée terrestres, mais pas des aéroports. La solution est donc simple: il leur suffit d'arriver par avion. Vous ne réussirez pas à atteindre l'objectif que vous vous êtes fixé.
Si nous éprouvons de sérieux problèmes avec des gens qui entrent au Canada en passant par les États-Unis, oui; nous accueillons beaucoup d'immigrants, mais pouvons-nous avoir affaire à des personnes qui ont déjà revendiqué le statut de réfugié ailleurs dans le monde? D'après ce que nous savons, chaque année, il y a peut-être 200 personnes, tout au plus, sur des milliers, qui ont demandé l'asile à la Grande-Bretagne, aux États-Unis ou à une autre démocratie occidentale. Il n'y a donc pas lieu de conclure une entente pour si peu.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Merci.
Je passe maintenant la parole à la représentante du Bloc. Madeleine.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, monsieur le président.
Je ne vous apprendrai rien si je vous dis qu'on est à peu près à la sixième heure de rencontre sur une entente qui est importante et sur des règlements qui ne sont pas innocents. En théorie, l'heure de tombée pour nos réactions est mardi prochain. Généralement, quand on veut aller très vite en affaires, c'est parce qu'on n'est pas si tranquille que ça.
Comme les témoins qu'on a entendus hier, qui représentaient des organisations non gouvernementales, vous, qui êtes des professionnels pour la plupart ou qui représentez des syndicats ou des ONG, nous avez fait part d'un certain nombre de recommandations. J'aimerais que les témoins, particulièrement ceux qui doivent quitter, nous disent laquelle, parmi toutes les recommandations qu'ils ont émises, ils considèrent comme la plus fondamentale.
Je ne me fais pas d'illusions sur l'importance que le gouvernement va attacher au rapport du comité. Il va l'accueillir et ça risque de rester comme ça. Donc, je me dis que s'il y a des recommandations plus importantes que d'autres, la sagesse dicte peut-être de pousser sur ces recommandations-là et de dire qu'on veut absolument qu'elles se retrouvent dans la version finale du règlement.
[Traduction]
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Mary Jo, je pense que vous aviez demandé la parole en premier; allez-y.
Mme Mary Jo Leddy: Je crois avoir mis le doigt sur l'article qui me parait essentiel. Il s'agit, plus précisément, du paragraphe 159.6. Celui-ci nous permet de dire que non seulement nous ne renverrons jamais des demandeurs d'asile dans des pays où la situation est extrêmement mauvaise, mais qu'en plus, nous les accueillerons sur notre territoire. Je pense notamment aux Colombiens. Les États-Unis refusent les revendicateurs du statut de réfugié venant de Colombie, alors que 50 000 personnes sont tuées chaque année dans ce pays, et qu'on y assassine même les archevêques. Il faut les laisser entrer, ils sont sur la liste.
Tout ce que je veux savoir, c'est qui décide des pays à mettre sur la liste. Je crois que c'est essentiel. Toutes le reste est important, mais ceci est primordial.
º (1645)
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Les représentants du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile veulent-ils répondre?
Mme Peggy Nash: Nous avons fait plusieurs recommandations dans notre mémoire et je pense qu'il convient de régler le problème de la discrimination fondée sur le sexe. L'entente et le règlement dans leur ensemble nous préoccupent, mais ce qui nous semble inacceptable, c'est le traitement différentiel fondé sur le sexe, la diversité et la nationalité des réfugiés. Par exemple, les gens originaires d'Haïti ne sont pas traités de la même manière aux États-Unis et au Canada. Ce serait donc notre priorité.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Vous voulez parler du profil racial...
Mme Peggy Nash: Ou du traitement différentiel fondé sur l'origine nationale, oui.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Madame Miller.
Mme Renée Miller: L'Association du Barreau canadien considère que le principal problème à régler, dans le cadre de cette entente, consiste à s'assurer que tous les demandeurs auront accès à l'un ou l'autre des systèmes. Il est totalement aberrant de créer un système qui ne donnerait pas à ces personnes la possibilité de revendiquer le statut de réfugié au Canada ou aux États-Unis et leur ferait courir le risque d'être déportées vers leur pays d'origine et d'y être persécutées.
Permettez-moi de vous donner un exemple concret. Vous ne pouvez présenter de demande de statut de réfugié aux États-Unis si vous êtes sur le territoire américain depuis plus d'un an. Admettons que vous soyez étudiant. Vous avez un permis d'étudiant et bonne et due forme, mais la situation dans votre pays d'origine change radicalement, votre famille risque d'être tuée et vous devez vous réfugier quelque part. Eh bien, vous ne pouvez pas demander l'asile aux États-Unis. Vous ne pourriez pas non plus demander le statut de réfugié au Canada, avec le règlement actuel, et vous seriez renvoyé dans votre pays d'origine où votre vie serait en danger. Cela va totalement à l'encontre de tous les principes sur lesquels repose notre système et il faut le corriger.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Quelqu'un d'autre souhaite-t-il prendre la parole?
Mme Nan Berezowski: Je tiens à souligner que l'article 6 de l'entente prévoit une disposition permettant aux parties d'utiliser leur jugement. Il s'agit des cas où le ministre pourrait passer outre le règlement s'il considère que c'est dans l'intérêt du public.
L'une des façons de régler nombre de ces problèmes consisterait à ajouter une disposition discrétionnaire dans le règlement et à promouvoir le recours à cette disposition, quand c'est nécessaire, afin de passer outre le règlement lorsqu'il en va de l'intérêt du public.
Mme Renée Miller: J'aimerais ajouter à ce que mon éminente collègue vient de dire qu'alors que l'entente prévoit le recours à une telle disposition, le règlement ne dit rien à ce sujet. Il n'y a rien, dans la réglementation, permettant d'exercer ce pouvoir discrétionnaire pourtant établi dans l'entente.
Mme Nan Berezowski: C'est tout à fait vrai, il faudrait donc que cela soit ajouté et précisé dans le règlement.
M. Steve Mahoney: Oui, monsieur Berger.
M. Max Berger: J'ajouterai que cette entente a pour effet d'aggraver les problèmes qu'elle est censée résoudre. S'il ne s'était rien passé le 11 septembre 2001, je ne crois pas que nous serions dans cette situation aujourd'hui.
Je plains les pauvres agents des douanes aux frontières qui essaient d'empêcher l'entrée au pays de personnes indésirables. À cause de cette entente, de plus en plus de réfugiés entreront illégalement au pays quand ils auront compris que pour demander l'asile, ils devront attendre d'être sur notre territoire, c'est-à-dire avoir dépassé le point d'entrée. Ces agents des douanes devraient se concentrer sur les criminels au lieu de s'occuper des réfugiés qui n'ont d'autre choix que de recourir à des moyens illicites pour entrer au Canada.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Merci.
La parole est maintenant à Judy.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci.
J'apprécie l'occasion qui m'est donnée d'intervenir. La discussion entourant l'aggravation du problème a commencé hier avec les représentants du syndicat des travailleurs à la frontière, les fonctionnaires d'immigration et tous ceux qui se retrouvent en première ligne. Ils se sont montrés très clairs sur le fait que cette entente, qui est censée faciliter le processus administratif, ne fera qu'accentuer les problèmes liées à l'afflux de réfugiés. Nous devrions tenir compte de leur opinion.
Ces gens disent que nous pourrons modifier le règlement autant que nous le voudrons, il n'en demeure pas moins que l'entente conclue est très mauvaise et que nous devrions y mettre un terme. J'aimerais savoir combien de témoins sont conscients du fait que nous ne pouvons rien contre cette entente, ni le Parlement d'ailleurs. Nous sommes devant un fait accompli. Le ministre a annoncé la conclusion de cette entente au moment même où nous avions décidé de réinstaller environ 200 réfugiés en provenance des États-Unis. Vous pouvez essayer d'apporter toutes les modifications de forme que vous voudrez au règlement. Le ministre pourra les accepter ou les rejeter, mais l'entente sera toujours en vigueur. Que nous conseillez-vous de faire pour y mettre un terme?
º (1650)
Mme Mary Jo Leddy: Cette question me préoccupe grandement. Je considère que cela va à l'encontre du principe de responsabilité parlementaire. L'entente ne concerne pas uniquement les réfugiés, mais aussi la souveraineté nationale. Elle vise nos frontières et notre pays. Maintenant que les comités ont acquis un nouveau pouvoir, je pense que vous pourriez faire quelque chose. Vous devriez agir car tout ceci ne se limite pas aux réfugiés.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je suis d'accord avec vous.
Mme Mary Jo Leddy: Je considère que conclure une entente sans l'accord du Parlement, sans l'accord du comité, pendant que nous sommes ici à essayer de trouver un semblant de normalité à tout cela va à l'encontre du principe de démocratie parlementaire. Permettez-moi de vous dire que nous nous dirigeons vers le chaos et la corruption. Les fonctionnaires le savent, nous le savons, et il faut y mettre un terme.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Au risque de lancer un débat parlementaire, je tiens à rappeler qu'il existe quelque chose que l'on appelle le pouvoir exécutif. Le dernier accord que nous avons examiné—qui a probablement plus de résonnance que celui-ci—est l'Accord de Kyoto. Le pouvoir exécutif est efficace si vous décidez d'appuyer l'Accord de Kyoto, mais il ne l'est pas si vous refusez d'appuyer l'Entente sur les pays tiers sûrs. Cette entente ne doit donc pas être conclue en marge des pouvoirs du Parlement et du gouvernement.
Je tiens également à souligner que c'est précisément ce comité qui, après avoir étudié le dossier en profondeur et voyagé le long de notre frontière terrestre, a déclaré:
Le Comité estime qu'il y a lieu d'essayer de nouveau de négocier une telle entente avec les États-Unis, mais il fait une mise en garde contre la tentation d'y voir une panacée qui réglera l'augmentation des demandes exercée sur notre système de détermination du statut de réfugié. Il s'agira en fait d'un outil parmi nombre d'autres. Les travailleurs frontaliers de première ligne seront clairement en faveur d'une telle entente avec les États-Unis et croient qu'elle permettra de grandes économies... Le haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés... a établi des lignes directrices concernant l'application... |
Il n'y a donc rien d'étonnant. C'est le résultat de travaux très approfondis réalisés par ce comité. Cela n'a pas reçu l'appui de tous les membres, certes, mais si vous écoutiez le contenu des débats, vous penseriez que tout le monde était contre, ce qui n'est pas le cas.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Il convient de préciser que nous n'avions pas eu une discussion de fond sur la question. Il n'y avait pas de consensus. C'était une idée mise de l'avant par le gouvernement depuis le premier jour...
M. Steve Mahoney: C'est dans le rapport du comité.
Mme Judy Wasylycia-Leis: ...et nous récoltons maintenant les fruits de ce type d'approche unilatérale. Peu importe le pouvoir exécutif, nous parlons de transparence et de responsabilisation. Si le gouvernement n'a pas le courage de porter ceci devant le Parlement et de voter sur quelque chose d'aussi fondamental que la politique relative à l'immigration et aux réfugiés, alors je ne vois pas comment nous pourrions parler de quelque chose qui ressemble à une définition de la démocratie.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Je savais, quand j'ai ouvert la bouche, qu'il y aurait un débat là-dessus. J'aimerais que nous en revenions aux témoins ici présents.
Monsieur Davis.
M. David Davis: J'aimerais répondre brièvement à la question d'un membre du comité. Le paragraphe 159.3 du règlement demande de désigner les États-Unis, mais si ce comité décide de ne pas le faire, l'entente n'aura aucun mordant.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Judy, souhaitez-vous ajouter quelque chose?
Je suis désolé, monsieur Berger, allez-y.
M. Max Berger: Si la question est de savoir si nous pouvons changer quelque chose, dans le règlement, pour rendre l'entente meilleure, juste et équitable, la réponse est non, il n'y a rien à faire.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Y a-t-il d'autres opinions sur le sujet? Je suis désolée, mais j'ai manqué un exposé.
Mme Peggy Nash: Nous avons dit, essentiellement, que cela constituait une menace pour notre souveraineté et notre démocratie et que nous étions fondamentalement contre l'entente et le règlement. Même si nous avons formulé des recommandations au sujet du règlement, nous sommes d'avis qu'aucune modification ne permettra de rendre l'entente utile pour les réfugiés.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Merci.
Je me tourne maintenant vers M. Mark.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC): Merci, monsieur le président.
Ayant entendu dire ce qu'est, en apparence, un tiers pays sûr, mais n'ayant jamais véritablement étudié la question en profondeur, j'ai l'impression d'avoir été trompé au cours de ces deux derniers jours que nous avons consacrés à interroger les témoins. Même si nous pouvions en tirer quelques avantages, il faut reconnaître, en y regardant de plus près, qu'ils seraient très minimes.
Le problème, c'est que depuis les attaques du 11 septembre, on se concentre sur les terroristes, mais chaque réfugié qui vient chez nous n'est pas un terroriste en puissance. Comme je l'ai dit hier, c'est une solution simple à un problème très complexe. Vous savez tous que le gouverneur Ridge signera cette entente le 5 décembre prochain. Nous savons tous que c'est un fait accompli.
À vrai dire, je ne sais pas où nous allons... Si nous croyons véritablement dans l'approche canadienne en matière de protection des réfugiés et si nous sommes le chef de file mondial, je crois que cette entente ne fera que ternir notre réputation de protecteurs des réfugiés.
Je dois vous dire, honnêtement, que je ne suis pas sûr du rôle de notre comité, que nous puissions faire des changements et que nous ayons la possibilité de modifier le règlement.
º (1655)
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Était-ce une question?
M. Inky Mark: Je ne sais pas. Je me sens frustré et stressé.
Des voix: Oh!
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): La vie d'un député est dure, mais vous faites du bon travail.
D'ailleurs, cela ne me dérangerait pas de poser une ou deux questions venant des libéraux, particulièrement aux représentants du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile.
Je suis d'accord avec M. Berger. Nous ne serions probablement pas ici à discuter de tout cela s'il ne s'était rien passé le 11 septembre. Mais ce n'est pas le cas et nous devons tenir compte de la réalité.
On s'inquiète beaucoup non seulement de la circulation des personnes, mais aussi de la circulation des marchandises, particulièrement à certains endroits comme Windsor, et même si je sais que seulement 25 p. 100 de vos membres travaillent directement dans le secteur automobile ces derniers temps, étant donné que vos activités ont changé, comme tout le reste, on s'intéresse toujours au flot de produits manufacturés, comme les voitures, qui entrent aux États-Unis. La question que l'on se pose est de savoir comment dissiper le plus possible les craintes relatives à l'harmonisation, tout en conservant notre souveraineté.
Votre organisation a-t-elle examiné le problème et s'est-elle demandée en quoi il pouvait avoir un lien avec la circulation des marchandises, si tant est qu'il y en ait un?
Mme Peggy Nash: À notre avis, la circulation des produits est bien différente de celle des personnes. Comme vous le savez, à la base, nos membres sont des travailleurs de l'automobile, et nous nous préoccupons du «juste-à-temps» dans l'industrie de l'automobile et de la capacité d'exporter nos produits pour que cette industrie continue de fonctionner et de remplir son rôle primordial dans l'économie canadienne, comme elle le fait depuis plusieurs années.
Je pense qu'il y a des mesures précises qui sont envisagées pour favoriser la circulation des produits à la frontière, comme la présélection des véhicules et le prédouanement ainsi que le renouvellement de l'infrastructure pour faciliter le passage aux postes frontaliers, surtout là où l'industrie de l'automobile est établie. Nous considérons que c'est bien différent de la circulation des personnes. Les biens mis à part, les questions de sécurité ne devraient pas servir à mettre en péril ce que nous voulons tous préserver, c'est-à-dire notre société démocratique. À notre avis, les produits et les personnes sont deux questions bien différentes.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Au sujet de l'entente parallèle dont il a été question l'autre jour, j'ai demandé aux fonctionnaires pourquoi on avait procédé de cette façon. Je pense qu'on explique peut-être mal la situation. Il est question de 200 personnes dans chaque pays; c'est un accord réciproque.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Le projet d'entente parallèle n'est pas réciproque.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Je suis désolé, mais le SMA a déclaré ici qu'il était réciproque, et que nous avons le même droit.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Alors, on vous a mal informé.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Je veux simplement connaître votre avis là-dessus. Nous pouvons bien ne pas être du même avis quant à savoir si l'entente est réciproque, mais je vais m'en tenir à ce que les fonctionnaires qui ont comparu ont dit l'autre jour, à savoir qu'elle l'est.
Ce dont il est question, ce n'est pas tellement le fait que les Américains pourraient nous refiler un terroriste, mais plutôt le fait qu'il y a toujours des cas où quelqu'un qui n'est pas admissible aux États-Unis pourrait avoir de la famille au Canada, ou l'inverse, ou encore que sa situation particulière ferait en sorte qu'il est plus logique qu'il soit réinstallé au Canada, ou aux États-Unis, si nous ne sommes pas prêts à l'accepter.
Je comprends que vous détestiez tous l'entente. Pour être bien honnête, je n'aime pas que ce soit une entente parallèle. Une entente à ce sujet devrait faire partie de l'accord proprement dit. Mais si un accord doit être conclu, avez-vous le sentiment que nous devrions faire preuve de souplesse à ce sujet?
Monsieur Dhaliwal.
» (1700)
M. Raj Dhaliwal: D'abord, je ne peux pas discuter de la question de savoir si l'accord est réciproque. Je présume que ce que vous dites est vrai. Supposons que ce soit le cas, parce que nous n'avons pas vraiment approfondi la question. Mais en y regardant de plus près, il y a deux aspects à considérer.
D'abord, l'histoire de nos deux pays est bien différente. Si les États-Unis nous demandent d'accueillir des gens, ce ne sera pas pour la réunification des familles ou d'autres préoccupations du genre, mais uniquement parce que ces personnes sont indésirables pour eux. Je ne vais pas donner de nom, mais les Américains ont réussi à trouver un asile ailleurs dans le monde à bien des gens, en raison de leur influence politique. Ils veulent que le Canada reçoive beaucoup de gens, même des chefs d'État, comme ils l'ont fait par le passé. Pour nous, cela n'a rien à voir avec la réunification des familles.
Les avocats ici présents peuvent peut-être mieux vous répondre, mais nous croyons qu'on pourrait recourir au processus de réunification, sans avoir à conclure cette entente particulière pour ces 200 personnes. C'est notre avis. Les Canadiens n'enverraient jamais personne de cette façon aux États-Unis, parce que nous ne l'avons jamais fait. Nous n'avons jamais essayé de faire accepter des gens dans différentes régions du monde. L'histoire de nos deux pays est bien différente, et cela nous inquiète beaucoup.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Quelqu'un d'autre veut intervenir?
Mme Renée Miller: Pourquoi cela vous fait-il bondir? Vous parlez en fait de souplesse, n'est-ce pas? C'est ce que prévoit l'entente, qui dit précisément qu'il doit y avoir un pouvoir discrétionnaire pour les deux pays, comme vous le dites. C'est-à-dire qu'on aurait le pouvoir d'accepter des gens qui s'adapteraient mieux au Canada, ou celui d'envoyer aux États-Unis des gens qui s'adapteraient mieux là-bas.
Malheureusement, il n'est pas question de ce pouvoir dans le règlement. C'est le travail du comité de s'assurer que le règlement est mis en oeuvre d'une façon qui respecte bien l'intention de l'entente ainsi que les principes de notre régime. Ce pouvoir devrait faire l'objet d'une disposition du règlement.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Madeleine.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: J'ai une question qui s'adresse à M. Berger.
Pour votre première recommandation, vous avez choisi de parler de pourcentages. J'aimerais que vous me disiez quels sont les pays où le pourcentage d'accueil de ressortissants est supérieur au pourcentage canadien.
[Traduction]
M. Max Berger: Je ne me suis pas donné la peine de vérifier cela pays par pays, mais je crois que la Colombie est un exemple. Je ne pense pas qu'un citoyen de la Colombie se rende aussi loin aux États-Unis. Au Canada, il serait probablement accepté. Haïti est peut-être un autre pays, mais je n'en suis pas sûr.
La Commission du statut de réfugié tient des statistiques sur les taux d'acceptation, qui sont publiées tous les trimestres. J'imagine que le SIN américain tient les mêmes statistiques, et elles peuvent être mises à jour, au besoin.
C'est une solution réaliste, surtout la deuxième partie de ma recommandation. Si vous avez moins de 50 p. 100 des chances d'être accepté aux États-Unis et plus de 50 p. 100 de l'être au Canada, il serait normal que vous ayez droit à l'exemption et puissiez faire votre revendication au Canada.
» (1705)
Mme Renée Miller: L'argument de M. Berger s'applique dans l'autre sens, et Cuba en est l'exemple parfait. Si vous pouvez être admis en sol américain, vous êtes pratiquement assuré d'obtenir le statut de résident aux États-Unis. Le taux d'acceptation des réfugiés cubains au Canada est assez faible, mais il est possible d'entrer aux États-Unis par le Canada. Cela montre comment le taux d'acceptation peut varier grandement selon les principes du pays ou le programme politique du gouvernement au pouvoir.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Je vais d'abord donner la parole à Judy, puis ce sera au tour de M. Mark.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je vais commencer par l'entente parallèle, parce que je pense que les fonctionnaires nous ont induit en erreur en ne nous disant pas que l'entente n'est pas réciproque. C'est le malentendu au sujet de l'entente. Les États-Unis ont approuvé l'entente sur les tiers pays sûrs, et le Canada a accepté d'accueillir au moins 200 personnes indésirables en provenance des États-Unis dans le cadre de son programme de réinstallation.
Nous parlons de gens avec lesquels les États-Unis ne savent pas quoi faire, de personnes arrêtées en haute mer, incarcérées à Guantanamo Bay. C'est un problème trop difficile à gérer pour eux sur le plan politique, et ils veulent nous renvoyer la balle; en échange, nous allons obtenir ce formidable accord et ils vont emprisonner ou déporter tous ceux qui vont être renvoyés au sud de la frontière.
J'aimerais savoir quelle incidence cette entente parallèle aura sur les politiques de réinstallation du Canada. Nous savons que le Canada fixe une limite. Quelle sera l'incidence seulement à ce sujet, sur notre capacité de réinstaller les réfugiés comme on l'entend, selon les besoins déterminés par nos lois et nos traditions?
Mary Jo voudra peut-être répondre à cette question avant de partir. De toute façon, allez-y, Nan.
Mme Nan Berezowski: Je voulais simplement dire que, si l'entente entre en vigueur, nous pouvons nous attendre à ce qu'il y ait 15 000 réfugiés de moins par année au Canada. Donc, indépendamment de ce que vous appelez la qualité des réfugiés, avoir 200 réfugiés au lieu de 15 000 n'aura pas une incidence sur notre capacité de réinstaller les gens. Je ne sais pas si c'est vraiment le problème. Il y a peut-être...
Mme Judy Wasylycia-Leis: C'est un aspect secondaire de toute la question. Je ne me préoccupe pas de plus important. C'est un aspect.
Mme Nan Berezowski: D'accord, mais je pense qu'il faut se rappeler que cette entente fait partie de la déclaration sur la frontière intelligente. Elle comprenait 30 points, et c'est évidemment toute la situation politique qui a donné lieu à cette entente.
Si le Canada avait l'intention de réduire le nombre de réfugiés, il a bien agi, parce qu'il y aura probablement 15 000 réfugiés de moins au pays.
Bien sûr, si l'objectif est de s'assurer que les gens qui ont besoin de protection sont en mesure de l'obtenir, alors, l'entente n'est vraiment pas très fructueuse pour le Canada. Ce sera probablement un échec total.
Mme Mary Jo Leddy: Il me semble que c'est un mauvais compromis à faire pour nous que d'accepter d'accueillir 200 personnes très suspectes pour défendre nos frontières, alors que nous devrons refuser des personnes à qui on a rien à reprocher et qui sont vraiment désespérées.
Malheureusement, je dois partir, mais je tiens à dire que ces personnes désespérées vont essayer d'entrer au pays de toute façon. Très peu de gens dans le monde ont l'impression que les États-Unis sont un tiers pays sûr, parce qu'ils les ont vu agir à l'étranger. Je suis d'accord pour dire, comme on l'a suggéré ici, que les États-Unis pourraient être désignés autrement, mais rares sont ceux qui vont croire que les États-Unis sont un tiers pays sûr, et les gens vont continuer d'essayer de trouver asile ici.
Mme Renée Miller: J'aimerais dire que toute cette question de l'entente parallèle et des 200 personnes semble sérieuse, mais c'est quand on pense à la mise en oeuvre de l'entente et aux milliers de gens touchés qu'il est important que le comité s'assure que l'entente est bien mise en oeuvre, conformément aux principes objectifs concernant la détermination du statut de réfugié.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Monsieur le président, si vous me permettez de poser une autre...
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Je vais vous laisser poser une autre question, puis ce sera au tour de M. Mark, et s'il n'y a pas d'autres questions, je pense que nous allons mettre fin à la séance.
» (1710)
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je pense que ce qui compte pour nous tous, c'est la vie de ces 15 000 personnes qui ne pourront pas trouver un asile sûr et qui n'auront pas droit à une procédure équitable. Pour moi, cette entente, peu importe comment on le modifie, ne respecte pas ces critères de base comme il se doit.
Je veux parler d'une autre sujet. Quand on leur a posé une question hier sur le fait qu'une décision prise à la frontière était sans appel, les fonctionnaires nous ont dit qu'elle pouvait être contestée devant la Cour fédérale. D'autres témoins se sont par la suite demandé comment on pouvait contester une décision devant la Cour fédérale quand on avait été renvoyé aux États-Unis. N'avez-vous pas besoin de ressources pour demander les conseils d'un avocat et en appeler de la décision? Est-ce un argument raisonnable dans ce contexte?
M. David Davis: Je vais essayer de vous répondre. La LIPR dit que l'agent d'immigration au port d'entrée a 72 heures pour décider si le cas d'une personne doit être renvoyé à la Section de la protection.
Au cours de ces 72 heures, qui vont s'écouler très rapidement, la personne qui arrive à la frontière, sans parler anglais, sans savoir comment notre système juridique fonctionne, sans connaître l'aide juridique ni les autres moyens de communiquer avec des avocats qui acceptent des appels la nuit ou les fins de semaine, va devoir faire appel à un avocat et préparer un dossier afin d'avoir le droit de contester la décision de l'agent d'immigration. Vous soulevé un point très important.
Je ne pense pas que cela se produise, et beaucoup de gens—des milliers d'après mes collègues—seront renvoyés. Ils vont devoir intenter un recours, et ils n'ont que 15 jours pour le faire, parce que, au point d'entrée, on considère qu'ils se trouvent au Canada. La demande est présentée à la Cour fédérale au pays, et le délai est de seulement 15 jours. Dans les bureaux des visas à l'étranger, le délai est de 60 jours. Le délai d'appel n'est pas de 60 jours ici; il est de 15 jours, ce qui comprend les 72 heures en question.
C'est une situation très difficile et, comme tout le monde l'a dit, je pense que les valeurs auxquelles nous croyons sont sérieusement mises en péril.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Monsieur Berger, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Max Berger: Oui. Même si le revendicateur est en mesure de trouver un avocat dans le délai de 15 jours, il est peu probable que la Cour fédérale va intervenir, parce qu'elle n'intervient pas pour des considérations humanitaires; elle intervient seulement sur des questions de droit. Si le règlement proposé est adopté, l'agent d'immigration aurait probablement eu raison de refuser la revendication ou de la juger non recevable.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Monsieur Mark.
M. Inky Mark: Sur le même sujet, hier, on nous a dit qu'il y aurait environ 5 000 à 6 000 personnes qui seraient renvoyées aux États-Unis. Pourtant, le règlement dit que si vous arrivez dans un pays autrement que par la voie terrestre—par bateau ou par avion, j'imagine—vous êtes libres. Comme vous l'avez dit plus tôt, si vous arrivez ici par avion, légalement, vous avez toujours accès au processus normal de détermination du statut de réfugié. Si c'est le cas, comment cette entente va-t-elle résoudre... Si 14 000 personnes posent un problème au gouvernement, qu'est-ce qui va changer?
M. Max Berger: Votre question est très pertinente. Pour ma part, je dirais que la moitié de mes clients revendiquent le statut de réfugié de l'intérieur du pays. Qu'est-ce que cela veut dire? À part le petit pourcentage de revendicateurs qui sont arrivés ici avec un visa de visiteur valide et se sont présentés à l'aéroport avant de revendiquer par la suite le statut de réfugié, en général, celui qui revendique le statut de réfugié au Canada est déjà entré illégalement au pays et présente sa demande dans un grand centre urbain. Ce n'est pas très difficile à faire puisque la moitié de mes clients le font, et je ne pense pas qu'ils soient différents des autres.
Je dirais que probablement la moitié, sinon plus des 15 000 personnes dont Nan a parlé vont revendiquer le statut de réfugié de l'intérieur—ce qui, dans un sens, entrave le bon fonctionnement du système.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Environ 95 p. 100 des gens traversent la frontière par voie terrestre et seulement 5 p. 100 arrivent dans les aéroports avant ce... Les choses peuvent changer, mais c'est ainsi actuellement. Comment réagissez-vous au fait qu'un grand pourcentage de ceux qui traversent la frontière par voie terrestre ont un visa américain? Ils se trouvent dans le pays légalement. Ils ont un statut d'étudiant, de travailleur, de visiteur ou autre, et ils se trouvent dans ce pays.
Soyons francs. Ce qui a motivé l'entente, c'est le fait que certains politiciens américains ont prétendu que la frontière canadienne était une passoire et que nous laissions tous ces criminels rentrer dans leur pays. Quand nous sommes allés à la frontière et que nous avons constaté que c'était le contraire qui se produisait, cela a choqué bien des gens, dont moi.
C'est ce qui nous a amenés à dire aux Américains que le problème ne venait pas de notre frontière ou des gens de notre pays, mais d'eux.
Les 19 terroristes du 11 septembre se trouvaient aux États-Unis légalement et apprenaient à piloter des avions. Ils apprenaient non pas à les faire décoller ou atterrir, mais à les piloter. Il y a quelque chose qui ne vas pas là.
Avez-vous des commentaires à faire sur le fait que bien des gens dont nous parlons ici, quel que soit leur nombre, ont un statut légal aux États-Unis, même s'il est temporaire? Comme ils sont sur le point de perdre leur statut, ils se disent qu'il leur est préférable de présenter une demande, non pas aux États-Unis, mais au Canada, parce qu'ils ont entendu dire que c'est plus facile chez nous. C'est ce qu'ils entendent les membres du Congrès ou les sénateurs américains dire dans les médias, et c'est ce qu'ils font.
Et nous voyons, au bout de la route I-95, 5 000 personnes descendre d'un autobus et traverser la frontière à Lacolle, au Québec, pour demander le statut de réfugié au Canada en provenance des États-Unis. Au fait, il y a environ 50 personnes qui ont fait le contraire au cours de la même année.
N'est-ce pas un problème pour nous que les gens puissent entrer aux États-Unis légalement? Vous ne trouvez peut-être pas que leur pays est un asile aussi sûr que le nôtre, mais c'est un pays libre et démocratique. Ils peuvent entrer dans ce pays légalement, obtenir un visa, et simplement décider de venir faire une demande ici. Y a-t-il quelque chose à ce sujet qui devrait amener les législateurs ou la population du Canada à s'inquiéter?
Peggy.
» (1715)
Mme Peggy Nash: Je ne suis pas une spécialiste du droit de l'immigration ni une experte en la matière, mais quand vous présentez les choses de cette façon...
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Vous allez probablement nous donner de bons conseils alors.
Mme Peggy Nash: J'essaie de comprendre. Je pourrais étudier aux États-Unis ou avoir un permis de travail temporaire, mais je n'oserais pas demander le statut de réfugié aujourd'hui si je venais d'un pays musulman ou si une autre raison faisait de moi une personne suspecte aux États-Unis. Je pourrais me trouver légalement dans ce pays, mais le fait de ne pas être en mesure d'obtenir le statut de réfugié dans ce pays ne veut pas dire que je ne suis pas un réfugié légitime.
On dirait que les gens affluent au Canada sans que personne ne vérifie leur passeport.
Notre processus de détermination du statut de réfugié est bien structuré et fonctionne assez bien. Nous acceptons un bon nombre de réfugiés, mais nous ne sommes pas envahis. Nous acceptons la moitié de 1 p. 100 des réfugiés du monde. Il y a des pays beaucoup plus pauvres que le Canada qui comptent beaucoup plus de réfugiés par habitant que nous et qui sont beaucoup moins en mesure que nous de leur offrir le gîte, des vêtements et des soins. Nous n'exagérons pas, même si notre pays a la réputation d'être accueillant pour les réfugiés.
L'introduction à votre question reprend ce que j'avais commencé à dire, à savoir que c'est davantage une prise de position politique. L'entente vise davantage à signifier aux États-Unis que notre frontière n'est pas poreuse et que nous resserrons la surveillance, qu'à vraiment régler un problème.
On ne dit pas quel est le problème au Canada. Beaucoup de gens sont venus ici comme réfugiés. J'ai des amis qui l'ont fait, et ils contribuent de façon formidable à notre pays. Je suis sûre que vous en connaissez aussi.
Je ne vois donc pas le problème, si ce n'est que les États-Unis ont l'impression, en raison des propos tenus par un politicien, que la frontière entre le Canada et les États-Unis est poreuse, ce qui s'est révélé faux. Je ne comprends pas vraiment ce qu'on essaie de régler. Peut-être que je me répète un peu, mais je pense que ce sont les perceptions, plus que l'argent qui ont motivé cette mesure.
» (1720)
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Vous avez peut-être raison. Comme vous le savez sûrement—parce que vous faites de la politique comme nous, mais à partir d'une perspective différente—la perception se confond souvent avec la réalité. Il reste que les statistiques montrent qu'il y a environ 60 p. 100 des réfugiés de notre pays qui passent par les États-Unis. Je pense que beaucoup de gens ont été surpris de l'apprendre. Vous avez peut-être raison de dire que c'est ce qui a motivé cette mesure. Quoi qu'il en soit, voilà où nous en sommes.
M. David Davis: Pour répondre simplement au point que vous avez soulevé, j'ai trois remarques à faire.
Premièrement vous pouvez vous trouver aux États-Unis—ou au Canada, d'ailleurs—grâce à un visa d'étudiant ou de travailleur pour découvrir plusieurs mois plus tard que votre pays d'origine n'est plus un endroit sûr. C'est arrivé à une poignée de mes clients. a question qui se pose alors, bien sûr, c'est de déterminer dans quelle mesure cette demande de statut de réfugié est crédible étant donné que vous habitez dans un pays sûr depuis de nombreux mois. Il s'agit d'une autre question, mais je crois que cela répond au point que vous avez soulevé.
Deuxièmement, une nouvelle entente vient d'entrer en vigueur il y a tout juste une semaine: le programme NSEERS, un tout nouveau système d'inscription dans une base de données. C'est vraiment Mille neuf-cent quatre-vingt-quatre de George Orwell qui se réalise plusieurs années plus tard. Les citoyens de certains pays—en parlant de profil racial et ethnique—doivent obligatoirement se faire photographier et fournir leurs empreintes digitales à la frontière américaine. Cela va empêcher beaucoup de gens d'obtenir un visa.
Certains de mes clients ont entre les mains ce qu'on appelle un visa B de non-immigrant de 10 ans pour les États-Unis. Obtenir ce visa à un bureau des visas à l'extérieur des États-Unis est une chose. Le SIN, qui régit ce qui se passe à l'intérieur des États-Unis, est en bout de ligne l'organisme qui décide si un visa sera honoré et respecté lorsque vous entrez aux États-Unis. Par conséquent, lorsque vous obtenez un visa, par exemple au bureau des visas de Beijing en Chine, cela ne veut pas dire que vous serez automatiquement autorisé à entrer aux États-Unis—particulièrement depuis les événements du 11 novembre.
En outre, je crois comprendre que les visas d'entrée aux États-Unis ne seront pas accordés aussi facilement qu'il semblait l'être avant. Je pense que le point que vous soulevez se rapporte davantage à la période précédant le 11 novembre. Mais après le 11 novembre, je ne crois pas que vous aurez cette situation maintenant. Je sais pas si mon point...
Mme Nan Berezowski: Je crois que c'est exact.
Un autre point que je voulais faire valoir c'est que la raison pour laquelle tant de revendicateurs de statut de réfugié viennent des États-Unis n'est pas compliquée. C'est simplement dû au fait que c'est là où les vols arrivent. Je ne sais pas si vous vous êtes déjà rendus en Amérique du Sud, mais il est assez difficile de se rendre en Équateur ou en Colombie et de revenir au Canada sans d'abord faire escale à Chicago, New York ou Miami. Je parle de mon expérience. Je sais que c'est aussi le cas pour les revendicateurs éventuels du statut de réfugié.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Ils y vont légalement. C'est le point que je voulais faire valoir.
Mme Nan Berezowski: Certains y vont légalement. Je crois que David en a parlé.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Exact.
Nous discutons un peu à bâtons rompus. Nous allons simplement continuer ainsi.
Continuez.
M. Raj Dhaliwal: Je veux simplement faire un commentaire.
En toute franchise, comme vous l'avez dit, l'une des raisons est le 11 novembre et tout ce qui a entouré l'événement.
La deuxième raison—à mon humble avis—c'est qu'on s'imagine que trop de gens revendiquent le statut de réfugié par l'entremise des États-Unis et que nous devrions prendre le taureau par les cornes, y mettre fin. Il s'agit d'une perception. Il est arrivé à maintes reprises dans l'histoire de ce pays que nous fassions des choses en nous fondant sur une impression qui s'est révélée tout à fait fausse.
Je veux simplement parler d'une impression qui est très liée à ma propre communauté. En 1910, le Canada a décidé qu'il n'accepterait aucun immigrant en provenance de l'Asie méridionale à moins qu'il vienne directement au Canada. En même temps, une entente a été conclue pour que les navires du CP mettent fin au passage direct. Par conséquent, toute personne provenant de cette région entrait illégalement.au Canada.
Pourquoi a-t-on agi de la sorte? Pour régler le problème qui se posait alors : un surplus d'immigrants en Colombie-Britannique qui provenaient d'une certaine partie du monde. Nous en avons tous convenu par la suite de l'Injustice de cette décision. En fait, tous les leaders politiques l'ont reconnu par la suite.
De toute évidence, on désire d'une manière ou d'une autre empêcher les gens de venir. La raison implicite consiste à trouver un moyen de le faire; c'est ce que nous essayons de faire. Je crois que nous faisons vraiment fausse route en agissant de la sorte. À long terme, nous nous rendrons compte que nous avons commis une erreur. Si nous voulons soumettre tout le monde à une procédure de sélection pour déterminer quel réfugié devrait présenter une demande, il devrait avoir moyen de le faire sans tout simplement barrer le chemin.
» (1725)
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Je vais vous autoriser à poser une autre question chacun, si vous le désirez.
Judy.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Le point que vous avez soulevé m'intéresse, Steve. Je veux parler de la réaction au 11 septembre et de toute la question de la sécurité. Nous avons entendu dire au cours des trois derniers jours que cette entente pourrait en fait mener à l'organisation d'entrées illégales, les gens trouvant une façon, tout désespérés qu'ils sont, d'entrer au pays. Du point de vue de la sécurité, ne serait-il pas plus logique d'ouvrir la porte, de faire les choses de façon transparente et de savoir qui entre dans le pays, où ces personnes se trouvent par opposition à l'immigration clandestine—
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Vous me posez la question?
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je la soulève en me fondant sur les observations que vous avez faites ici. Je me demande si vous pouvez nous aider à faire valoir cet argument auprès des membres du gouvernement, qui pourraient peut-être alors revenir et dire—
M. Max Berger: Ça ne date pas d'hier que le ministère de l'Immigration ne comprend ni ne prévoit les répercussions des lois qu'il met en place. Lorsque la Commission du statut de réfugié a été créé, si vous remontez à 1989, il y avait cette audience en deux volets. Il y avait premièrement ce qu'on appelait une enquête visant à établir l'existence d'un minimum de fondement. Il vous fallait établir que votre revendication du statut de réfugié avait un minimum de fondement. Si vous y parveniez, votre demande était acheminée à la Commission du statut de réfugié. On s'est finalement rendu compte qu'il s'agissait d'une totale perte de temps étant donné la répétition du même genre d'audience. L'intention était bonne, mais le ministère de l'Immigration n'a tout simplement pas prévu l'impact de cette décision. Il en va de même ici. Le ministère de l'Immigration ne prévoit tout simplement pas ce qui va se passer. Ça ne fera que compliquer davantage les questions de sécurité, que l'on veut ainsi régler, tout le monde essayant d'entrer en douce au pays pour revendiquer le statut de réfugié.
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): Inky.
M. Inky Mark: On m'a informé que le HCR a proposé que l'.'on offre aux revendicateurs le choix de présenter une demande de ce côté-ci de la frontière ou de l'autre. Si tel est le cas, ce serait probablement une bonne affaire même avec les règlements qui sont en place. Pourquoi pensez-vous que le Canada s'opposerait à cela? Ce serait certes dans l'intérêt des Américains si je ne m'abuse?
Mme Nan Berezowski: Je crois comprendre que les Américains ont signé cette entente parce qu'ils obtenaient d'autres avantages dans d'autres parties de la déclaration sur la frontière intelligente. Il s'agissait d'un compromis. Les Américains assumeront la responsabilité de beaucoup plus de réfugiés que par le passé suite à cette entente.
M. Inky Mark: Par conséquent, pourquoi selon vous le gouvernement canadien n'accepterait pas le choix, la revendication unique?
Mme Nan Berezowski: Je pense qu'il ne l'accepterait pas étant donné que leur véritable intention est de faire baisser le nombre de personnes qui viennent au Canada.
M. David Davis: Mais ils sont d'accord avec la revendication unique, étant donné qu'avec la Loi sur l'immigration et de la protection des réfugiés, je crois comprendre—et je m'en remets à mon collègue M. Berger parce que je crois qu'il pratique beaucoup plus que moi dans le domaine des réfugiés—que si vous présentez une demande de statut de réfugié et qu'elle est rejetée, vous devez attendre une autre année pour en présenter une deuxième. Une fois cette année passée, vous ne pouvez reprendre les arguments de la première demande. Vous devez invoquer de nouveaux motifs qui se présentent peut-être en raison d'un changement de circonstances. Par conséquent, notre nouvelle loi institue la revendication unique.
M. Max Berger: En fait, pour être plus précis à cet égard, si votre demande de revendication est rejetée, vous ne pouvez présenter une autre demande Si vous quittez le Canada, tout ce que vous pouvez espérer c'est qu'après six mois on vous autorise à entrer au pays, non pas pour présenter une demande qui sera entendue par la Commission du statut de réfugié mais pour passer à travers de ce nouveau processus d'appel appelé évaluation des risques avant le renvoi et pour lequel on prévoit un taux de rejet de 95 p. 100.
» (1730)
Le président suppléant (M. Steve Mahoney): D'accord.
Je vous remercie tout le monde d'être venus ce matin. Je sais que vous avez aussi un horaire très serré. Nous vous remercions d'être venus et de nous avoir fait part de votre point de vue. Merci beaucoup.
La séance est levée.