FAIT Réunion de comité
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 1 octobre 2003
º | 1620 |
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)) |
Son Excellence Monsieur Amre Moussa (Secrétaire général, La Ligue Arabe) |
º | 1625 |
º | 1630 |
º | 1635 |
Le président |
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne) |
M. Amre Moussa |
M. Stockwell Day |
M. Amre Moussa |
M. Stockwell Day |
M. Amre Moussa |
M. Stockwell Day |
M. Amre Moussa |
M. Stockwell Day |
M. Amre Moussa |
º | 1640 |
M. Stockwell Day |
M. Amre Moussa |
M. Stockwell Day |
M. Amre Moussa |
Le président |
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ) |
º | 1645 |
M. Amre Moussa |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
M. Amre Moussa |
º | 1650 |
Le président |
M. Art Eggleton (York-Centre, Lib.) |
M. Amre Moussa |
º | 1655 |
Le président |
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC) |
M. Amre Moussa |
» | 1700 |
M. Bill Casey |
M. Amre Moussa |
Le président |
M. John Harvard (Charleswood—St. James—Assiniboia, Lib.) |
Le président |
M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.) |
M. Amre Moussa |
» | 1705 |
Le président |
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ) |
M. Amre Moussa |
» | 1710 |
Le président |
M. Amre Moussa |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 1 octobre 2003
[Enregistrement électronique]
º (1620)
[Traduction]
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Bienvenue.
Nous poursuivons notre étude des relations avec les pays musulmans. Nous accueillons aujourd'hui M. Amre Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe. Bienvenue, monsieur Moussa. C'est pour moi un honneur rare de vous accueillir à notre comité. Parmi les multiples faits saillants de sa brillante carrière diplomatique, je signalerai simplement que M. Moussa a été ministre des Affaires étrangères de l'Égypte pendant une décennie, jusqu'à sa nomination au poste de secrétaire général en mai 2001. Il a dirigé la délégation de son pays au processus de paix de Madrid sur le Moyen-Orient au début des années 90, et auparavant il avait été ambassadeur de l'Égypte auprès des Nations Unies.
Votre visite tombe à un moment particulièrement opportun de nos délibérations. Comme vous le savez peut-être, notre comité procède actuellement à une étude des relations du Canada avec les pays du monde musulman. Ses membres vont se rendre dans quelques semaines dans des pays musulmans clés; un groupe ira en Asie du Sud-Est et les autres iront au Moyen-Orient, notamment pour une importante rencontre au Caire.
La semaine passée, les membres du comité ont eu le privilège d'entendre le président du Pakistan, le général Pervez Musharraf. Nous avons pu aborder avec lui des questions critiques qui préoccupent la communauté internationale, le contrôle de la menace que constituent les armes de destruction massive, et en particulier de la prolifération nucléaire, la lutte contre le terrorisme qu'il faut attaquer à la racine, la relance du processus de paix au Moyen-Orient, et tous les défis en matière de protection de la vie privée, de développement et de bon gouvernement dans la région. En parlant des séquelles de la guerre en Irak et du long chemin qui reste à parcourir pour parvenir à la stabilité démocratique, nous avons aussi été amenés à nous demander comment les Nations Unies et les organisations multilatérales régionales comme celle que vous dirigez peuvent jouer un rôle efficace et constructif.
Je sais que ce que le secrétaire général a à nous dire nous permettra d'approfondir notre perception du monde arabe dans ces divers domaines. Je voudrais aussi vous signaler, monsieur, que notre comité a eu l'occasion de rencontrer en mai dernier à New York M. Rima Khalaf Hunaidi, directeur du Bureau régional des États arabes du Programme des Nations Unies pour le développement, qui a publié l'an dernier un rapport qui fera date, le Rapport arabe sur le développement humain, premier rapport de ce genre réalisé par les Arabes eux-mêmes. Nous saluons cette initiative et nous sommes impatients de bénéficier des conclusions de la deuxième édition de ce rapport qui doit paraître, je crois, dans quelques semaines.
Je vous donne maintenant la parole pour une déclaration liminaire après laquelle nous passerons aux questions.
Son Excellence Monsieur Amre Moussa (Secrétaire général, La Ligue Arabe):
Merci beaucoup, monsieur le président, ainsi qu'à tous les distingués membres de ce comité.
Je suis très heureux d'être le premier secrétaire général de la Ligue des États arabes à visiter officiellement ce grand pays qu'est le Canada. J'ai déjà eu l'occasion d'y venir à titre privé. Au cours de ce voyage, je rencontrerai des Canadiens arabes à Ottawa, Toronto et Montréal.
Nous avons une lourde tâche à accomplir dans notre région. L'ordre du jour est chargé : il y a au sommet la question de la Palestine, puis la question de l'Irak, la question des attaques contre l'Islam, la question du développement et des problèmes de développement, et les lacunes que nos sociétés doivent combler.
Pour commencer par le conflit israélo-arabe, le principal problème de la région, disons que nous sommes actuellement dans l'impasse. Nous ne voyons pas de lumière au bout du tunnel et bien franchement, je crois que c'est à cause de l'immunité accordée à l'État d'Israël et de l'impunité dont il jouit sur l'échiquier international, ce qui provoque un déséquilibre important entre les deux parties à toute négociation, les Israéliens et les Palestiniens ou les Israéliens et les autres arabes. Tant qu'on ne doit pas rendre des comptes à la justice internationale, au Conseil de sécurité, comme tout le monde, on n'est nullement incité à coopérer ou à faire des compromis sérieux. Cette situation crée un mur qui bloque toute tentative, toute initiative, toute ébauche de solution. Sans un traitement équitable, une initiative juste, et une démarche équilibrée, il n'y aura pas de solution au conflit israélo-arabe. Quels que puissent être les montants d'argent versés à une des parties, ou la quantité d'armes données à cette partie, quel que soit le soutien politique, quelle que soit la protection qu'on lui accorde, on ne parviendra pas à imposer la paix au profit d'une seule des deux parties contre l'autre, parce que cette situation ne pourra pas durer.
Il faut qu'il y ait une démarche équilibrée, un règlement équitable, et les ingrédients de ce règlement sont là. Nous ne sommes pas là pour réinventer la roue tous les deux mois ou tous les ans ou à l'arrivée de chaque nouvelle administration ou de chaque nouveau gouvernement au Proche-Orient. Les ingrédients sont là, les documents sont là, les initiatives sont là, les accords même sont là, mais l'absence de volonté politique et le déséquilibre provoqué par ce parti pris favorable à l'une des parties et par l'instabilité actuelle de l'ordre international, qui ne contribue guère à permettre une solution équitable aux problèmes, provoquent un dilemme de grande envergure au Proche-Orient et menace au plus haut point la paix, la stabilité et la sécurité dans cette région.
En outre, cette situation crée des tensions et suscite des craintes parmi les populations de cette région qui réunit près de 300 millions d'habitants. Ces gens-là sont frustrés, furieux et refusent par conséquent cette situation actuelle de déséquilibre et d'injustice. La frustration et la colère débouchent toujours sur la violence, sur la confrontation. Il nous appartient donc à tous, en tant que membres de la communauté internationale, de faire quelque chose pour rétablir un équilibre équitable afin de progresser vers une solution à ce conflit israélo-arabe.
º (1625)
Dans le monde arabe, nous sommes prêts à faire la paix, à normaliser les relations, à reconnaître l'État d'Israël et à tourner la page sur le conflit israélo-arabe, à condition qu'Israël ait la même volonté et soit prêt à se retirer, à reconnaître un État palestinien et à régler les problèmes que nous avons. À chaque problème il existe une solution à condition qu'il y ait un équilibre des pouvoirs de part et d'autre.
L'Irak constitue un problème supplémentaire et sa situation demeure instable. Hier, j'écoutais une intervention d'un des hauts fonctionnaires de l'administration américaine. Il peignait un tableau idyllique de l'Irak qui serait sur le point de recommencer à fonctionner. Des Irakiens disent exactement le contraire. Nous, les pays arabes, la Ligue arabe, nous sommes prêts à les aider. Nous n'allons pas continuer à discuter pour savoir si la guerre était une bonne ou une mauvaise chose, elle a eu lieu. Ce qu'il faut faire, c'est voir comment nous pouvons collaborer pour sauver la situation en Irak. Je souligne le mot « collaborer ». Un unique pays, un unique parti ne pourra pas résoudre à lui seul ce problème. Pour trouver une solution, il faut que la communauté internationale coopère, et le Conseil de sécurité dans sa prochaine résolution stratégique ferait bien d'énoncer les modalités de regroupement et de collaboration de tous et de dire clairement que nous voulons restaurer la souveraineté de l'Irak en mettant fin à son occupation tout en maintenant de bonnes relations dans les intérêts de tous.
Il faut fixer une date limite. Tout le monde doit savoir ce que nous allons faire au cours des deux ou trois prochaines années. Il n'est pas question de dire que nous allons tout résoudre en un jour ou que l'Amérique doit se retirer demain, mais il faut s'entendre sur une stratégie de retrait, sur le rétablissement de la souveraineté et il faudra s'entendre parallèlement sur la reconstruction de l'Irak avec l'approbation et la coopération de tous sous la bannière des Nations Unies. Sans ce travail collectif, je pense que les tensions se maintiendront en Irak.
Le problème des armes de destruction massive dans la région est un des principaux points à l'ordre du jour, de même que le traité de non-prolifération, car tous les pays du Moyen-Orient ont signé ce traité, à l'exception d'Israël. Si nous voulons établir une zone libre de toute arme de destruction massive, nous ne pouvons pas faire une exception pour Israël. C'est pourquoi nous avons un problème de grande envergure dans cette région. Il faudra régler la question de l'armement nucléaire d'Israël en même temps que toutes les autres situations analogues dans la région ou ailleurs, car ce qui est en cause, c'est la sécurité future de la région, pas seulement de la zone limitée qu'occupe Israël et ses voisins, mais aussi le reste du Moyen-Orient, de la Méditerranée et même l'Europe. C'est un problème de grande envergure. Il ne s'agit pas simplement de notre zone, mais de toute la région concernée par les armes de destruction massive. On ne peut pas avoir des armes de destruction massive seulement dans un pays ou dans un autre. C'est un problème qu'il faut aborder honnêtement et ouvertement sans faire d'exception. Pourquoi y aurait-il une exception? Pourquoi devrai-je accorder au pays A un traitement différent de celui du pays B? S'il existe une présence nucléaire ou une concentration d'armes de destruction massive, il est impossible d'assurer la sécurité de toute la région.
º (1630)
Le voyage dans certains pays musulmans dont vous parliez, monsieur le président, est une initiative très importante, surtout maintenant. Puisque le président du Pakistan, M. Musharraf, vous a rencontrés, je n'ai pas besoin d'en dire plus. C'est un homme compétent et qui sait défendre avec éloquence l'Islam et les relations positives entre les nations musulmanes et l'Occident. Je tiens cependant à souligner que vouloir maintenir cette notion de conflit des civilisations en faisant allusion particulièrement à l'Islam, c'est soutenir une théorie destructrice qui ne peut pas déboucher sur la paix ni sur la stabilité du monde. L'Islam n'est pas l'ennemi de l'Occident, et l'Occident n'est pas l'ennemi de l'Islam.
Si l'on parle de terrorisme, il est certain que des terroristes venant de pays musulmans ou revendiquant la foi musulmane ont commis des crimes sordides comme celui du 11 septembre 2001, mais ce n'est pas le seul attentat ou le seul crime terroriste qui ait été commis. C'est un attentat effroyable et je compatis avec les gens de New York et autres qui ont été victimes de ce crime, mais on porte en même temps une accusation très injuste, c'est le moins qu'on puisse dire, contre l'Islam. Nous voyons la guerre en Irlande entre deux sectes chrétiennes. Est-ce que l'Islam a quelque chose à voir avec cela? Ou dans le cas des Serbes et des Croates? Et avant eux la bande Bader-Meinhof en Allemagne? Qu'est-ce que c'était? Ou les Brigades rouges, ou l'Armée rouge? Toutes ces grandes organisations terroristes ont existé dans ces sociétés, démocratiques et autocratiques, ou musulmanes et chrétiennes, alors pourquoi s'en prendre à l'Islam?
Évidemment, vous êtes des gens éclairés et vous comprenez cela, mais l'homme de la rue qui lit les journaux et qui entend ces accusations s'imagine que c'est à cause de l'Islam que tout cela se produit, et cela crée des sentiments d'animosité et de confrontation auxquels il faut remédier. Je crois donc que votre voyage contribuera à une meilleure compréhension et à un meilleur dialogue, et non pas à la confrontation entre nous.
J'ai encore deux brèves remarques à ajouter. Nous reconnaissons que dans le monde arabe que je représente nous avons d'importants problèmes régionaux, mais nous avons aussi de la difficulté à nous développer et à reconstruire nos sociétés pour entrer dans le XXIe siècle. Nous connaissons les lacunes de nos sociétés et nous y faisons face, nous devons nous en occuper, et c'est là que le Canada peut nous aider énormément, comme au niveau de nos problèmes régionaux. Je tiens cependant à vous assurer que nous sommes bien conscients du devoir que nos sociétés ont de se reconstruire et de régler leurs vastes problèmes de développement en remédiant à leurs lacunes économiques ou sociales.
º (1635)
Le second point concerne la pauvreté. La principale priorité de l'ordre du jour international n'est pas seulement le terrorisme, à mon avis, mais aussi la pauvreté. Ce sont deux questions extrêmement importantes, extrêmement délicates et qui doivent être traitées sur un pied d'égalité. Nous vivons dans le monde arabe, mais nous vivons aussi en Afrique et en Asie, et les problèmes se recoupent. Nous ne pouvons pas, le Canada ne peut pas et ne doit pas fermer les yeux sur les problèmes de pauvreté et les échecs de diverses sociétés représentant des millions d'individus, en Afrique en particulier. Donc, je mettrais sur un pied d'égalité les problèmes du terrorisme et de la pauvreté.
Ceci termine ma brève intervention, monsieur le président. Je vous remercie de votre attention.
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant aux questions et réponses. J'invite mes collègues à s'abstenir de tout préambule car nous n'aurons pas beaucoup de questions. M. Moussa ne sera là que quelques minutes.
Monsieur Day.
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne): Je brûle d'envie de faire un préambule, mais à la demande du président je poserai simplement deux questions précises.
Monsieur, vous-même et vos 22 États membres reconnaissez-vous la légitimité d'Israël en tant qu'État juif?
Deuxièmement, le Canada a récemment annoncé une contribution de 100 millions de dollars pour la relance du Liban et la restauration de la souveraineté libanaise sur tout le territoire du pays. Quelles mesures la Ligue arabe prend-elle pour encourager la Syrie à mettre fin à 27 années d'occupation du Liban?
M. Amre Moussa: Je remercie l'honorable membre du comité de ces deux questions lourdes de sous-entendus.
Effectivement, nos 22 pays arabes reconnaissent l'État d'Israël tel qu'il existe...
M. Stockwell Day: En tant qu'État juif?
M. Amre Moussa: ... en tant qu'État juif. C'est un État juif. Nous n'allons pas le reconnaître à titre d'État chrétien.
Vous êtes le Comité des affaires étrangères. Vous avez dû lire le texte de l'initiative officielle unanime que nous avons adoptée à Beyrouth en 2001. Lors de sa réunion au sommet, la Ligue arabe a adopté cette résolution à l'unanimité et a informé le Conseil de sécurité des Nations Unies que nous décidions par cette résolution de reconnaître l'État d'Israël, de normaliser les relations avec lui et de considérer que le conflit israélo-arabe était terminé, à condition qu'Israël honore ses engagements en vertu de la résolution 242 et se retire des territoires occupés en 1967, négocie la question des réfugiés et reconnaisse l'État de la Palestine conformément à ce qu'a déclaré M. Bush. Que voulez-vous de plus?
M. Stockwell Day: La déclaration parlait textuellement d'un « État juif »? Je sais que certains membres du comité ne le comprennent pas et que certains voudraient qu'on parle d'un État laïc, mais dans la déclaration que vous venez de mentionner, parle-t-on textuellement d'un « État juif »?
M. Amre Moussa: Mon ami, la déclaration reconnaît l'État d'Israël tel qu'il est.
M. Stockwell Day: Non, j'ai dit en tant qu'État juif.
M. Amre Moussa: Est-ce un État juif ou pas?
M. Stockwell Day: Monsieur, je demande simplement...
M. Amre Moussa: Et moi je vous dis que c'est un État juif. Nous reconnaissons Israël en tant qu'État juif.
º (1640)
M. Stockwell Day: Mais ces termes ne se trouvent pas dans la déclaration que vous avez citée.
M. Amre Moussa: Est-ce que les Israéliens ont reconnu le droit des Palestiniens d'avoir un État, musulman ou autre? Voyez-vous le revers de la médaille, honorable député, ou juste un côté? Nous sommes prêts à reconnaître Israël en tant qu'État non chrétien, non musulman mais juif, à la condition qu'il reconnaisse pour sa part le droit des Palestiniens d'avoir un État et le droit d'autrui de vivre et d'exister honorablement. Si les Israéliens ne font pas cela, nous ne reconnaîtront pas leur État. Il faut que ce soit donnant donnant.
M. Stockwell Day: Et la réponse à ma deuxième question?
M. Amre Moussa: Le Liban est un État souverain. Il existe une relation spéciale entre cet État et la Syrie. La famille des nations arabes a opté pour ce genre de relations pour diverses raisons. Ce n'est pas une situation permanente. Le Liban, en tant que pays souverain, a un ambassadeur au Canada, une ambassade, il a son propre gouvernement, et si vous posez la question aux Libanais, ils vous diront qu'ils ont besoin de la coopération de la Syrie, mais la situation actuelle est liée à la tension et à l'occupation par Israël des terres de la Syrie et du Liban. C'est le problème auquel on ne s'est pas encore attaqué. Il ne s'agit pas, comme les Israéliens avaient l'habitude de le dire, simplement de détourner l'attention en s'intéressant à ce que fait la Syrie. Qu'en est-il de l'occupation israélienne du territoire syrien et du territoire libanais? Voilà la question, pas la relation entre deux pays arabes. C'est un problème différent qui ne vous regarde pas. Vous devez traiter des atteintes au droit international, des questions sur lesquelles s'est prononcé le Conseil de sécurité. C'est ça la fameuse résolution 242 et les nombreuses résolutions au sujet de l'occupation israélienne. Il n'y a pas eu de résolution au sujet de la soi-disant occupation du Liban par la Syrie, pas une seule. Ça, c'est la propagande israélienne, mais vérifiez aux Nations Unies et vous ne trouverez aucune résolution, vérifiez auprès de n'importe quel autre organisme et vous ne trouverez rien à ce sujet, car il s'agit d'une certaine relation entre deux pays arabes, que tous reconnaissent comme étant temporaire et nécessaire en raison de l'occupation israélienne.
Le président: Merci.
Madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci, monsieur le président.
Monsieur le secrétaire général, permettez-moi de vous remercier pour votre exposé très fort. Je vais vous poser quelques questions.
Premièrement, je reconnais que le déséquilibre entre les forces explique la non-résolution du grave problème entre Israël et la Palestine. Est-ce que la Ligue des États arabes pourrait jouer un rôle plus grand que celui qu'elle joue maintenant? Est-ce que la Ligue des États arabes pourrait constituer une force plus importante que celle qu'elle est maintenant afin de contribuer au règlement de la situation?
Deuxièmement, au sujet du voyage que nous allons entreprendre, il me semble avoir compris que vous vouliez nous dire qu'il ne fallait pas aller dans le sens d'accepter la guerre des civilisations de Huntington. Faisiez-vous allusion au nom de notre étude? Qu'est-ce que vous avez perçu qui vous permet de dire cela? Pour ma part, franchement, je ne crois pas en cette guerre des civilisations. Donc, j'aimerais savoir plus précisément ce que vous voulez dire.
Troisièmement, sur la question de la nucléarisation du Moyen-Orient, dont vous n'avez pas beaucoup parlé mais qui est très présente, est-ce que pour vous, la solution serait que tous les pays du Moyen-Orient, y compris Israël, adhèrent au Traité de non-prolifération?
º (1645)
[Traduction]
M. Amre Moussa: En réponse à votre dernière question, oui, bien sûr, si Israël signe le Traité de non-prolifération, ce sera un pas important pour faire de l'ensemble du Moyen-Orient une zone libre d'armes de destruction massive. Cela renforcerait considérablement la sécurité au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et dans la Méditerranée. Je crois qu'il devrait en être ainsi. Nous ne voulons pas d'une guerre de propagande contre Israël, mais nous ne voulons pas qu'Israël devienne une puissance nucléaire qui menacerait tous les pays de la région. Il faut trouver une solution à ce problème et cette solution c'est l'adhésion au Traité de non-prolifération car cela permettrait à l'AIEA et aux autres instances internationales de mener des inspections et la communauté internationale saurait avec certitude si Israël a des armes nucléaires.
Au sujet de votre voyage, je crois savoir que vous vous rendrez dans quelques pays musulmans. Nous sommes très conscients et inquiets des attaques contre l'Islam et cette question sera soulevée. De ce point de vue, je me réjouis de votre visite. Partout dans le monde nous parlons maintenant du choc des civilisations, et cela a eu des répercussions négatives très graves. C'est pourquoi je dis que ce voyage est très important, du moins comme mission d'étude, qui vous permettra de juger de la situation et des préoccupations que nous ressentons tous.
Pour ce qui est du rôle de la Ligue arabe, il se traduit dans l'initiative que j'ai mentionnée en réponse à la première question de votre collègue. La Ligue arabe a déclaré que nous sommes prêts à coexister avec Israël. La différence entre nous et Israël ce n'est pas que nous nions leur existence, mais que nous nous opposons à leur politique d'occupation. J'aimerais revenir un moment à la question de votre collègue au sujet de l'État juif. Bien sûr que c'est un État juif, mais j'espère que vous savez que cela ne doit pas entraîner le déplacement d'un cinquième de la population d'origine arabe. C'est très grave de dire que le fait qu'il s'agit d'un État juif lui donne le droit d'expulser des millions de personnes. Mais nous admettons qu'il s'agit d'un État juif.
Le président: Madame Lalonde, très rapidement.
[Français]
Mme Francine Lalonde: L'initiative que les 22 pays arabes ont prise a été très importante pour ramener les négociations de paix, mais ce n'est pas de cela que je parle. Je parle du fait que les 22 pays arabes et les observateurs qui s'y ajoutent pourraient avoir plus d'influence dans le monde qu'ils n'en ont. Je pense que c'est un constat qu'on peut faire, et je vous demandais ce que vous pouviez faire, compte tenu du pétrole que vous contrôlez, des richesses que vous avez et de la population que vous représentez, pour avoir une présence plus influente dans les institutions internationales et dans le monde.
[Traduction]
M. Amre Moussa: Je le répète, vous nous en demandez beaucoup. Nous avons un programme très sérieux non seulement en ce qui concerne le conflit israélo-arabe, l'occupation de la Palestine par Israël, le problème irakien ou les problèmes au Soudan, mais également en ce qui a trait à de graves problèmes de développement. Nous devons nous en occuper. Je crois qu'un plan pan-arabe de relance économique est important, et nous sommes en train d'en préparer un. Nous nous efforçons de remanier l'ensemble du système afin d'avoir une meilleure coopération pan-arabe, en mettant particulièrement l'accent sur les problèmes économiques, sociaux et culturels. Je crois que, depuis une cinquantaine d'années, l'unique préoccupation de la Ligue arabe a été la Palestine. Bien sûr, la Palestine restera notre priorité, mais il y a d'autres dossiers auxquels nous devons nous intéresser, afin de nous développer, de changer et de rattraper la situation internationale au XXIe siècle. La Ligue arabe se doit de le faire et si nous réussissons nous rehausserons considérablement l'influence de l'organisation.
º (1650)
Le président: Monsieur Eggleton.
M. Art Eggleton (York-Centre, Lib.): Votre Excellence, je vous remercie infiniment d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui.
J'aimerais vous poser deux questions. La première fait suite à vos commentaires au sujet d'Israël et des armes nucléaires. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de la menace de la nucléarisation de l'Iran et ce que la Ligue arabe se propose de faire à cet égard.
Deuxièmement, en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, quelle pression exerce la ligue pour persuader l'autorité palestinienne de mettre fin aux attaques terroristes du Hamas et d'autres groupes terroristes, les bombes humaines, qui sont le principal obstacle à la négociation d'un accord de paix? Vers la fin de l'administration de Bill Clinton, il avait convoqué en même temps M. Arafat et le premier ministre israélien de l'époque, M. Barak, au Camp David. M. Barak a alors fait une proposition qui allait beaucoup plus loin que tout ce que les premiers ministres israéliens avant lui avaient proposé. Ce n'était peut-être pas assez pour M. Arafat—ce qui est évident, puisqu'il l'a rejetée—mais la réponse à sa proposition a été l'intifada et une détérioration de la situation. Je suis allé à maintes reprises au Moyen-Orient, tant dans la zone palestinienne que dans les villes et villages israéliens et j'ai constaté une profonde détérioration ces dernières années, qui s'explique en partie par le problème de sécurité, les bombes humaines, les attaques terroristes. Que peut faire la Ligue arabe? L'autorité palestinienne a assez de puissance, policière et paramilitaire, pour maîtriser les terroristes, mais elle ne l'a pas fait. Pourquoi la Ligue arabe n'exercerait-elle pas des pressions auprès de l'autorité palestinienne pour qu'elle le fasse?
M. Amre Moussa: Votre première question portait sur l'Iran et l'armement nucléaire. Nous voulons contrôler la prolifération des armes nucléaires dans la région, y compris en Iran, mais sans exclure Israël. Je crois comprendre que la communauté internationale s'efforce de convaincre l'Iran de souscrire au protocole supplémentaire. Ce serait un pas en avant, un progrès nécessaire, mais nous qui vivons dans cette région ne pensons pas que le problème de l'armement nucléaire se limite à l'Iran. Israël devra également être assujetti à un contrôle. On n'arrivera jamais à convaincre les pays de la région d'accepter la suprématie d'Israël, attestée par le fait qu'il puisse avoir des armes nucléaires, tandis que tous les autres pays devraient être assujettis à des mécanismes de contrôle et à des inspections. Pourquoi en serait-il ainsi? L'Iran doit se conformer aux règles du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le TNP, parce qu'il y a adhéré. Israël devrait faire de même et signer le TNP.
Deuxièmement, vous demandez aux pays arabes de faire pression sur les Palestiniens pour accroître la sécurité dans la région. Je tiens tout d'abord à signaler que nous réprouvons tous les attentats contre les civils et les meurtres d'enfants. Il ne devrait pas y avoir d'attaques de ce genre car la Convention de Genève de 1949 est très claire au sujet de la protection des civils en temps de guerre. Mais la même règle s'applique aux deux parties en cause dans ce conflit. Elle s'applique d'abord et avant tout aux responsables de l'occupation, qui sont responsables de protéger la vie des habitants des territoires occupés en vertu du droit international et de la Convention de Genève. Nous convenons tous de la nécessité de protéger les civils, qu'ils soient israéliens ou arabes, de les considérer sur un pied d'égalité et de leur accorder la même importance.
C'est commettre une erreur grossière que de présenter le problème du Proche-Orient comme un simple problème de sécurité. Le problème tient à l'occupation d'une puissance étrangère, qui se manifeste par la présence de chars d'assaut devant chaque maison, l'encerclement de villages, l'érection de barricades sur les routes, qui empêchent tout mouvement de la population. Une aussi grande frustration provoque des réactions. La réaction prend la forme d'une résistance dans les territoires occupés. Israël a la responsabilité d'agir pour atténuer la tension dans les territoires occupés. Nous pouvons effectivement, et nous devrions, mettre un terme aux attentats dans les autobus ou les restaurants Pizza Hut. Nous avons le devoir de le faire, mais Israël a également le devoir de ne pas se comporter dans les territoires occupés comme une armée qui n'hésite pas à tuer des gens et à détruire des maisons. Vous devez aussi regarder le revers de la médaille.
En bref, je déplore comme vous la mort de civils en Israël, mais je vous invite à songer également aux victimes innocentes dans les territoires occupés, aux enfants de la Palestine, aux enfants arabes également. C'est à tout le moins une obligation morale. Nous ne pouvons pas affirmer que l'une des parties à ce conflit doit s'abstenir de commettre certains actes sans affirmer également les obligations de l'autre partie, au moment où des gens sont tués tous les jours, sur les ordres du gouvernement d'Israël lui-même.
Quant à votre troisième question...
º (1655)
Le président: Je regrette, mais le temps est écoulé.
Monsieur Casey.
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Merci.
C'est pour moi un honneur et un plaisir de poser les questions qui suivent. Je vais demander votre aide dans deux domaines particuliers.
Il y a un an vous avez appuyé une proposition qui aurait permis à des parlementaires palestiniens et israéliens de venir au Canada rencontrer des parlementaires canadiens. En fait, vous êtes intervenu personnellement dans ce dossier et je me demandais si vous appuyez toujours cette initiative. Cette rencontre n'a toujours pas eu lieu. Nous avons essayé, nous avons presque réussi, mais pour une raison ou une autre, cela ne s'est pas produit. J'aimerais savoir si vous appuyez toujours cette initiative et dans l'affirmative, êtes-vous prêt à nous aider pour que cette proposition devienne une réalité?
Ma deuxième question est très précise. Un citoyen canadien est dans une prison en Syrie dans des circonstances très bizarres. Il y a un an il revenait de Zurich en Suisse vers New York. Les États-Unis l'ont détenu puis ont décidé de l'expulser. Les Américains ne l'ont pas renvoyé en Suisse, mais plutôt en Jordanie. Il y a été détenu pendant une quinzaine de jours puis il a été envoyé à nouveau en Syrie. À ma connaissance, aucune accusation n'a été portée contre lui, aucune accusation en fait n'a été rendue publique quant aux activités auxquelles il se serait livré, et les Canadiens s'inquiètent énormément de cette situation. Cet homme est en prison en Syrie. Pourriez-vous appuyer les requêtes des Canadiens ou tout au moins vous renseigner sur le sort de cet homme. J'ai constaté que vous vous intéressez à la création d'une cour de justice arabe. Je ne sais pas si cela serait utile dans le cas qui nous occupe. Il y a donc un Canadien qui est en prison en Syrie, qui pourrait être traduit devant les tribunaux incessamment, nous ne le savons vraiment pas. Il est pratiquement sans contact avec l'extérieur et nous nous inquiétons sérieusement de son sort. Il y a également d'autres Canadiens qui ont été traités d'une façon que nous ne comprenons pas vraiment dans certains pays arabes, et tout cela nous inquiète sérieusement. La Ligue arabe pourrait-elle faire quelque chose pour nous aider à en savoir plus long sur la situation de Maher Arar pour nous permettre de comprendre pourquoi il ne peut être libéré?
M. Amre Moussa: Concernant votre première question, effectivement, je n'ai pas changé ma position initiale et je pense qu'il serait bon que des parlementaires palestiniens et israéliens puissent rencontrer les parlementaires canadiens, ce serait un moyen important qui leur permettrait de communiquer. Peut-être pourraient-ils arriver à quelque chose. J'ai toujours favorisé le dialogue entre les Israéliens et les Palestiniens, tout particulièrement à l'époque bénie du mouvement pacifiste dans les deux camps. J'étais un de ceux qui avaient parrainé cette initiative à l'origine. Nous devons coexister avec l'État d'Israël, mais les Israéliens devraient faire de même, ils doivent comprendre qu'ils doivent coexister avec nous. C'est absolument nécessaire, et tous les partis doivent être prêts à faire certaines concessions. Il s'agit là d'une des initiatives fort importantes que j'appuierais.
» (1700)
M. Bill Casey: Pouvez-vous nous aider?
M. Amre Moussa: Oui, si vous le désirez. Vous pourriez me dire quels sont vos projets et qui vous souhaitez inviter.
Quant au citoyen canadien détenu en Syrie, votre ministre des Affaires étrangères a communiqué avec moi à cet égard. Je vais vous faire part de ce que j'ai entendu. De plus, je dois me renseigner auprès des autorités syriennes et connaître leur interprétation du dossier. Je vais certainement communiquer avec les parties intéressées pour leur dire ce que M. Graham m'a déjà dit. Il m'a dit qu'il avait rencontré le ministre des Affaires étrangères de la Syrie et qu'il lui avait communiqué les préoccupations des Canadiens. Je communiquerai moi aussi avec le ministre des Affaires étrangères de la Syrie pour lui dire ce que j'ai entendu et pour connaître son opinion sur ce dossier.
Le président: Merci.
Nous passerons maintenant à M. Harvard pour une question, puis à M. Cotler. Je céderai ensuite la parole à M. Bergeron et à M. Martin.
Monsieur Harvard, brièvement s'il vous plaît.
M. John Harvard (Charleswood—St. James—Assiniboia, Lib.): Merci, monsieur le président.
M. Moussa, merci d'être des nôtres.
Ma question porte sur un autre cas personnel. Je suis sûr que vous avez entendu parler de William Sampson, qui a été torturé dans une prison d'Arabie saoudite où il était détenu. Je me demande simplement si la Ligue arabe est indifférente à cette question-là, si elle s'intéresse à cette cause. Les Canadiens sont indignés, et cela ne donne pas bonne presse aux autorités saoudiennes, ni peut-être même pas à la Ligue arabe, surtout si elle ne s'intéresse pas à ce cas. Quelle est éventuellement votre position sur le cas Sampson?
Le président: Monsieur Cotler, posez votre question tout de suite, s'il vous plaît.
M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): Je tiens brièvement à souligner les observations faites par mon collègue, Bill Casey, pour vous demander de vous servir de vos bons offices pour faciliter le retour de Maher Arar au Canada. Il est pratiquement tenu au secret depuis un an, sans qu'aucune accusation n'ait été portée contre lui, sans accès à un avocat et, selon des sources bien informées, il aurait été torturé. En votre qualité d'avocat, vous vous rendez bien compte que cela met à mal la présomption d'innocence et le droit à un procès équitable. C'est pourquoi nous voudrions qu'il soit renvoyé au Canada.
Ma deuxième observation porte sur votre cadre juridique et sur la cour de justice arabe. Je reviens tout récemment d'une réunion de l'assemblée consultative des parlementaires pour un tribunal pénal international. Nous avons confirmé deux décisions, soit de promouvoir la ratification universelle du traité pour une cour pénale internationale et d'assurer la représentation équitable de toutes les régions des États partis au traité. En votre qualité de secrétaire général de la Ligue arabe, pourriez-vous faire la promotion de la ratification du traité de la CPI parmi les membres de la ligue?
M. Amre Moussa: Relativement à M. Sampson, la réponse est la même que pour M. Arar, en Syrie. C'est lorsque je suis venu ici que j'ai entendu parler de ces cas pour la première fois. La Ligue arabe, en tant qu'organisme, n'a pas été officiellement informée de ces questions. On m'a maintenant demandé de suivre cette question de plus près, et je vais en faire autant, c'est-à-dire que je vais transmettre cela aux autorités d'Arabie saoudite et de Syrie et attendre leur réponse. Maintenant que je connais ce point de vue, je dois également savoir ce qu'en dit l'autre partie, mais j'ai bien l'intention de continuer à m'en occuper. Bien sûr, il faudra faire quelque chose; rien ne nous empêche d'intervenir. J'apprécie ce que Bill Graham a dit cet après-midi. Ce n'est pas que l'on n'a rien fait. Votre gouvernement est déjà entré en contact avec le gouvernement concerné par cette affaire. J'ajouterai mes efforts aux vôtres pour savoir exactement ce qui s'est passé et comment aider à résoudre le problème de façon satisfaisante pour les deux parties.
Pour ce qui est de la cour pénale, nous suivons ce dossier et nous avons besoin de plus de renseignements sur la réunion qui s'est tenue aujourd'hui. Je sais qu'un pays arabe, la Jordanie, a déjà ratifié ce traité, et que d'autres suivront. Mais il faut également que vos voisins acceptent de le ratifier. Nous devons tous deux faire les démarches nécessaires. De toute façon, nous sommes tous deux du même côté.
» (1705)
Le président: Merci, monsieur Moussa.
Monsieur Martin, vous pouvez poser une question, et vous aussi, monsieur Bergeron, mais sans entrée en matière. Je vous prie de passer directement à la question, s'il vous plaît.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Merci de votre présence parmi nous.
La Ligue arabe peut bien être critique à l'endroit des États-Unis et de leur intervention en Irak, mais qu'a-t-elle fait lorsque les Arabes des marais et les Kurdes ont été massacrés? Voici donc ma question : Allez-vous demander aux États membres de soutenir, fonds et effectifs à l'appui, la création d'une force onusienne multinationale de maintien de la paix qui permettra aux Américains d'obtenir la stratégie de sortie dont ils ont besoin?
[Français]
Le président: Monsieur Bergeron.
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Merci, monsieur le président.
Bonjour, Excellence, et merci d'être des nôtres.
On sait que la Ligue arabe est animée à la fois de forces centrifuges et de forces centripètes et que l'un des plus importants facteurs d'unité au sein de la Ligue arabe est le traitement inique infligé au peuple palestinien. Cependant, l'une des forces de division qui existent au sein de la Ligue arabe est le rôle que jouent les États-Unis, comme on a pu le voir lors du spectaculaire accrochage qui a eu lieu récemment entre M. Khadafi et le prince héritier d'Arabie Saoudite. Compte tenu du fait que notre défi est de positionner la politique étrangère du Canada par rapport à celle de notre puissant voisin du Sud et qu'on est actuellement à étudier les relations entre le Canada et le monde arabo-musulman, j'aimerais savoir comment vous envisagez le rôle des États-Unis comme facteur de désunion au sein de la Ligue arabe.
[Traduction]
M. Amre Moussa: Pour répondre à la première question, où était tout le monde? Pourquoi personne n'a rien dit à ce moment-là, ni en Occident ni en Orient? Pourquoi me poser la question à moi? Je vous la pose également. Nous avons tous fait des erreurs et ceux qui ont appuyé Saddam Hussein et lui ont vendu toutes les armes qu'il voulait, malgré tous les renseignements pointus dont ils pouvaient disposer, portent également la responsabilité de ce qui s'est produit. Oui, effectivement, vous êtes responsable. Nous avons commis des erreurs mais, lorsque je dis « nous », j'entends nous tous.
Pour ce qui est de la force multinationale, tout d'abord, il n'est pas très utile maintenant de s'en prendre à la politique américaine ni de la critiquer. Bien sûr, nous sommes en désaccord sur certains aspects, mais nous devons les aider à obtenir leur stratégie de sortie, s'ils en ont effectivement une. Toute force multinationale devrait être approuvée par les Irakiens si nous voulons nous conformer au cadre de l'initiative principale. Ce sont les Canadiens qui ont établi les grands principes des missions de maintien de la paix. Vous êtes ceux qui les ont proposées, c'est vous qui avez lancé l'idée des missions de maintien de la paix. Je ne crois pas que ce qui se passe actuellement ou que cette demande soit conforme au cadre établi par les Canadiens qui ont conçu ce type de mission.
Il faut tout d'abord que les gouvernements concernés acceptent qu'il n'y aura pas double occupation. La seule opinion du Conseil de sécurité ne suffit pas. Qui décide au nom de l'Irak? Pourquoi envoyer 100 000 ou 200 000 soldats? Pour faire quoi au juste? Pour occupé l'Irak encore plus? Cette question n'est pas simple. Oui, la situation là-bas nécessite nos efforts conjoints, mais nous devons décider de cela, tous ensemble. Il ne s'agit pas d'une décision unilatérale, où les autres n'ont qu'à suivre. Nous sommes prêts à aider les États-Unis, mais nous sommes également prêts à aider l'Irak, et les pays arabes ne peuvent pas envoyer de troupes dans les circonstances actuelles. Le Canada n'est pas prêt à le faire, l'Égypte non plus, la France non plus, l'Allemagne non plus et la plupart des grands pays d'Amérique latine ne sont pas prêts à le faire. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas de mandat, que le mandat doit être adéquat et que l'objectif doit être clair. Pourquoi voulez-vous que j'aille là? Pourquoi voulez-vous que j'envoie mes troupes là-bas? Pour y faire quoi? Pour protéger qui? Cela sert-il les intérêts supérieurs de l'Irak? Les Irakiens sont dotés de ce que l'on appelle le conseil provisoire. A-t-il déclaré sa position à ce sujet, nous a-t-il envoyé une demande?
Nous n'allons donc pas participé à une occupation de l'Irak, mais nous sommes prêts à aider avec la même force, mais dans les bonnes conditions, avec le consentement des Irakiens, du gouvernement irakien, des autorités irakiennes et la permission du Conseil de sécurité. Si ces deux conditions sont respectées, nous sommes prêts à aider.
» (1710)
Le président: Ensuite, il y a la question de M. Bergeron.
M. Amre Moussa: Oui, j'allais passer à la question suivante. Je crois qu'elle porte sur le rôle des États-Unis comme force conflictuelle au sein de la Ligue arabe.
Nous devons effectivement régler ce problème. Les politiques conflictuelles au sein du monde arabe sont allées trop loin mais, de plus en plus, nous nous rendons compte de notre devoir de décider lorsque les intérêts de la région sont en cause. Nous ne pouvons pas continuer à servir les intérêts des autres et d'ailleurs certains d'entre nous en tout cas ne rentrent pas dans cette catégorie. Je veux bien coopérer lorsqu'il s'agit d'intérêts communs, qui touchent les uns aussi bien que les autres, mais permettre que le Ligue arabe explose ou implose, cela est inadmissible. C'est pourquoi, nous avons, à l'unanimité, adopté une résolution invitant le conseil provisoire à occuper le siège de l'Irak, malgré nos doutes quant à sa situation en général, quant à sa représentativité. Nous avons dit, très bien, le siège de l'Irak est vacant, l'Irak n'a pas été expulsé et, c'est à nous de décider. C'est donc notre décision, pour des considérations concernant les Arabes. Nous n'avons pas besoin de plaire à qui que ce soit, nous n'avons succombé aux pressions de personne. Il se trouve que cela a coïncidé avec les politiques de certains autres pays, mais si nous avions estimé que cela était nuisible à nos objectifs, nous n'aurions pas du tout accepté leur présence parmi nous.
À titre d'exemple, on exerce à notre endroit de multiples pressions pour que nous ne traitions pas avec Arafat. Mais ces pressions sont nulles et non avenues au sein de la Ligue arabe. Arafat demeurera président de la Palestine tant qu'il sera élu président de la Palestine. Aucune pression ne nous fera changer d'avis.
Cela dit, votre question est juste; elle est porteuse d'un message et il ne s'agit pas tant d'y répondre que de la poser.
Le président: Monsieur Moussa, merci beaucoup de votre comparution devant le Comité des affaires étrangères cet après-midi. Je dois également remercier M. Houssein Hassouna, qui est l'ambassadeur de la Ligue des États arabes à Washington. Merci à vous deux, c'était très intéressant.
La séance est levée.