FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 30 avril 2003
¹ | 1530 |
La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)) |
¹ | 1535 |
M. André Caron (président, Fédération des commissions scolaires du Québec) |
¹ | 1540 |
La présidente |
Maître Roger Tassé (avocat-conseil, Gowling, Lafleur et Henderson, À titre individuel) |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
La présidente |
Me Roger Tassé |
La présidente |
Me Roger Tassé |
º | 1605 |
La présidente |
M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Alliance canadienne) |
Me Roger Tassé |
º | 1610 |
M. Rahim Jaffer |
Maître Yves St-Cyr (avocat-conseil, Fédération des commissions scolaires du Québec) |
La présidente |
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ) |
Me Yves St-Cyr |
º | 1615 |
M. Pierre Paquette |
Me Yves St-Cyr |
M. Pierre Paquette |
Me Yves St-Cyr |
M. Pierre Paquette |
Me Yves St-Cyr |
M. Pierre Paquette |
Me Yves St-Cyr |
M. Pierre Paquette |
Me Yves St-Cyr |
M. Pierre Paquette |
M. Pierre Paquette |
Me Roger Tassé |
º | 1620 |
M. Pierre Paquette |
Me Roger Tassé |
M. Pierre Paquette |
Me Roger Tassé |
M. Pierre Paquette |
M. Pierre Paquette |
Me Roger Tassé |
M. Pierre Paquette |
La présidente |
Me Roger Tassé |
La présidente |
Me Roger Tassé |
La présidente |
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.) |
Me Roger Tassé |
M. Bryon Wilfert |
º | 1625 |
La présidente |
Me Yves St-Cyr |
º | 1630 |
Me Roger Tassé |
La présidente |
M. Bryon Wilfert |
º | 1635 |
La présidente |
Me Roger Tassé |
La présidente |
M. Pierre Paquette |
La présidente |
Me Roger Tassé |
La présidente |
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.) |
º | 1640 |
Me Roger Tassé |
M. Roy Cullen |
Me Roger Tassé |
M. Roy Cullen |
Me Roger Tassé |
M. Roy Cullen |
Me Roger Tassé |
M. Roy Cullen |
Me Yves St-Cyr |
M. Roy Cullen |
Me Roger Tassé |
M. Roy Cullen |
Me Roger Tassé |
M. Roy Cullen |
Me Roger Tassé |
M. Roy Cullen |
º | 1645 |
Me Roger Tassé |
M. Roy Cullen |
Me Roger Tassé |
Me Yves St-Cyr |
Me Roger Tassé |
M. Roy Cullen |
Me Yves St-Cyr |
M. Roy Cullen |
Me Yves St-Cyr |
M. Roy Cullen |
Me Yves St-Cyr |
M. Roy Cullen |
Me Yves St-Cyr |
La présidente |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD) |
Me Roger Tassé |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Me Roger Tassé |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Me Roger Tassé |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
º | 1650 |
Me Roger Tassé |
º | 1655 |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Me Yves St-Cyr |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
La présidente |
» | 1700 |
M. Gary Pillitteri |
La présidente |
M. André Caron |
» | 1705 |
La présidente |
M. Bryon Wilfert |
Me Yves St-Cyr |
Me Yves St-Cyr |
M. Bryon Wilfert |
Me Yves St-Cyr |
M. Bryon Wilfert |
Me Yves St-Cyr |
M. Bryon Wilfert |
Me Yves St-Cyr |
M. Bryon Wilfert |
Me Yves St-Cyr |
M. Pierre Paquette |
Me Roger Tassé |
M. Bryon Wilfert |
Me Roger Tassé |
» | 1710 |
M. Bryon Wilfert |
La présidente |
Me Yves St-Cyr |
M. Pierre Paquette |
La présidente |
CANADA
Comité permanent des finances |
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l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 30 avril 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1530)
[Traduction]
La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)): Bonjour tout le monde.
Nous avons à l'ordre du jour l'examen du projet de loi C-28, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 18 février 2003.
Nous avons prévu de recevoir aujourd'hui deux témoins, en l'occurrence la Fédération des commissions scolaires du Québec représentée par son président, M. André Caron, et par son conseiller juridique, M. Yves St-Cyr, ainsi que M. Roger Tassé, avocat-conseil chez Gowling, Lafleur et Henderson, qui comparaîtra à titre individuel mais tout à fait émérite. Je vous souhaite la bienvenue, messieurs.
Comme il en a été convenu, nous allons commencer par entendre M. Caron.
¹ (1535)
[Français]
M. André Caron (président, Fédération des commissions scolaires du Québec): Merci, madame la présidente.
Messieurs les députés, la Fédération des commissions scolaires du Québec, qui représente 61 commissions scolaires francophones, soit la totalité des commissions scolaires francophones, considère de son devoir de porter à votre attention une proposition d'amendement législatif du projet de loi C-28 qui remet en cause un principe fondamental de justice sociale.
En effet, le 18 février dernier, à l'occasion de la présentation du budget, le ministre des Finances déposait une motion de voies et moyens qui contenait, entre autres, des modifications rétroactives à la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise. Ces modifications permettraient au ministre du Revenu national de réclamer une nouvelle cotisation aux commissions scolaires pour lesquelles des jugements finals ont été rendus par les tribunaux après le 21 décembre 2001 à cet égard et à l'égard de tout jugement à intervenir après le 21 décembre 2001.
Pour que vous compreniez bien notre position, je vous fais un résumé des faits. En 1996, les 29 premières commissions scolaires produisaient auprès du ministère du Revenu du Québec des demandes de remboursement de CTI, soit le crédit de taxe sur les intrants, portant sur la TPS payée pour le transport scolaire. Ces commissions scolaires ont été reliées directement à la cause type Commission scolaire des Chênes c. La Reine. De 1997 à 2001, d'autres réclamations de TPS ont été présentées par les commissions scolaires du Québec. Après les délais normaux, ces réclamations ont été inscrites à la Cour canadienne de l'impôt. Le 17 octobre 2001, la Cour d'appel fédérale rendait une décision unanime en faveur des 29 premières commissions scolaires du Québec. Outre les 29 commissions scolaires jugées avec la Commission scolaire des Chênes, il aurait été normal que les causes des commissions scolaires qui étaient enregistrées comme causes pendantes devant la Cour canadienne de l'impôt soient aussi réglées. Or, le 21 décembre 2001, les autorités fiscales fédérales rendaient publique leur intention de changer la loi rétroactivement et d'appliquer ces changements même aux causes pendantes. Une telle rétroactivité est pour le moins inusitée et injuste. Par conséquent, nous avons encouragé nos membres à faire valoir leurs droits afin qu'au moins les commissions scolaires ayant des causes pendantes inscrites à la Cour canadienne de l'impôt soient remboursées.
Étant donné que dans le budget adopté en 2002, on ne mentionnait rien à propos de ce changement rétroactif, nous avons cru que le ministère voulait laisser la justice suivre son cours. La date pour l'audition des causes pendantes du Québec fut fixée au mois de mars 2003. Entre-temps, le 13 décembre 2002, le procureur du ministère de la Justice transmettait une offre de règlement aux procureurs des commissions scolaires relativement aux causes pendantes des commissions scolaires du Québec. Cette offre fut dûment acceptée par les procureurs des commissions scolaires du Québec. Les consentements à jugement pour les commissions scolaires du Québec furent produits devant la Cour canadienne de l'impôt, et le 29 janvier 2003, cette même cour rendait un jugement final favorable à chacune des commissions scolaires.
De plus, dans une lettre du ministère de la Justice aux procureurs des commissions scolaires datée le 16 décembre 2002, on disait ceci:
Le ministre du Revenu national entend respecter les jugements de la Cour canadienne de l'impôt et agir avec célérité afin d'y donner suite. |
Or, le 18 février 2003, lors du dépôt du budget, le ministre des Finances du Canada annonçait des modifications rétroactives à la loi, permettant notamment au ministre du Revenu national de recotiser les commissions scolaires et ainsi réclamer les remboursements qui avaient été versés par le ministère du Revenu conformément à tout jugement qui aurait pu intervenir après le 21 décembre 2001, comme les jugements finals rendus par la Cour canadienne de l'impôt le 29 janvier 2003.
Nous croyons que les commissions scolaires sont victimes d'un processus à tout le moins injuste et immoral. En effet, au Canada, une commission scolaire qui avait inscrit sa réclamation à la Cour canadienne de l'impôt aurait dû s'attendre à un remboursement après le jugement de la Commission scolaire des Chênes, mais cela n'a pas été fait. Au contraire, vu que ces commissions scolaires ont chacune obtenu un jugement en leur faveur, le ministère, par sa proposition, viendrait contrecarrer l'effet des jugements en les recotisant a posteriori.
Pourquoi le ministère des Finances veut-il faire aux commissions scolaires du Québec ce qu'il n'a jamais fait à quelque autre contribuable canadien que ce soit dans toute l'histoire de la fiscalité canadienne, soit un changement de loi rétroactif renversant des jugements définitifs?
En terminant, je vous rappelle que les montants en cause sont d'environ 8 millions de dollars pour le Québec et d'au plus 10 millions de dollars pour les autres provinces du Canada.
Merci de votre attention.
¹ (1540)
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à M. Tassé.
[Français]
Maître Roger Tassé (avocat-conseil, Gowling, Lafleur et Henderson, À titre individuel): Merci, madame la présidente.
Je dois d'abord vous dire que je suis très heureux, après un long moment d'absence, de me retrouver devant un comité parlementaire ici, à Ottawa. Je vais couvrir une partie des faits dont M. Caron vous a parlé, mais je pense qu'il est important de répéter les détails essentiels pour que vous puissiez apprécier l'importance de la cause que M. Caron défend.
Je dois vous dire qu'après avoir terminé l'examen de cette affaire que m'avait demandé d'entreprendre Consultax, un cabinet de consultation fiscale, j'ai été estomaqué quand j'ai vu ce que les autorités fiscales vous proposaient d'approuver. Les faits pertinents sont plutôt complexes, et je vais tenter de vous en présenter seulement les éléments essentiels à une bonne compréhension des choses. Il me semble qu'une fois que les faits seront bien compris, la conclusion s'imposera à vous autant qu'elle s'est imposée à moi et que vous conclurez que l'amendement proposé par le ministre des Finances doit être modifié. Comme vous le verrez, les faits eux-mêmes sont plus importants qu'une discussion générale sur les principes entourant la question de la rétroactivité des lois.
Je vous dirai d'abord que je vois trois groupes de commissions scolaires qui ont des réclamations. Le premier groupe est celui que j'appelle le groupe des Chênes, dont les causes ont été jugées par la Cour d'appel fédérale. Le deuxième groupe comprend les commissions scolaires qui ont entamé des procédures en temps utile--je vais revenir sur la question--et qui ont obtenu un jugement après le 17 octobre 2001, la date à laquelle le jugement de la Cour d'appel fédérale a été rendu. Le troisième groupe est composé de toutes les autres commissions scolaires qui n'ont pas entamé de procédures en temps utile, soit la majorité des commissions scolaires. J'y reviendrai. La proposition d'amendement et la rétroactivité s'appliqueraient à ces commissions scolaires. Donc, il y a trois groupes et je vais vous parler de chacun de ces groupes.
Le premier est le groupe des Chênes. Depuis 1991, soit depuis l'entrée en vigueur de la TPS, les commissions scolaires recevaient un remboursement partiel au lieu d'un remboursement complet de la TPS qu'elles avaient versée. En 1996, comme l'a dit M. Caron, 29 commissions scolaires ont soumis des demandes de remboursement complet. Les autorités fiscales ont refusé ces demandes et les commissions scolaires ont déposé des oppositions. En 1999, les 29 commissions scolaires se sont retrouvées devant la Cour canadienne de l'impôt, ou la CCI, puisque les autorités fiscales n'avaient pas rendu de décision dans un délai de 180 jours comme le prévoit la loi. Si le ministère ne se prononce pas sur l'opposition qui est déposée par le contribuable, ce dernier peut, après 180 jours, en appeler à la Cour canadienne de l'impôt.
Je dois dire que devant la CCI et la Cour d'appel fédérale, chacune des 29 commissions scolaires a été partie aux procédures, mais que les procureurs se sont entendus pour présenter une cause type, celle de la Commission scolaire des Chênes. Les procureurs se sont entendus pour que la preuve et la décision dans la cause des Chênes soient versées aux dossiers des 28 autres causes qui présentaient les mêmes faits.
En l'an 2000, le jugement rendu par la CCI donnait raison aux autorités fiscales. La première décision qui a été rendue donnait raison au ministère. Mais les commissions scolaires en ont toutes appelé à la Cour d'appel fédérale qui, dans un jugement unanime, le 17 octobre 2001, a renversé la décision qui avait été rendue par la CCI, donnant ainsi raison à la Commission scolaire des Chênes et aux 28 autres commissions scolaires. Donc, ces 28 ou 29 commissions scolaires, si on inclut des Chênes, obtenaient un remboursement complet de la TPS.
Mais l'avis de motion au budget 2003 fait exception au principe de la rétroactivité jusqu'en 1990. La loi est rétroactive, selon cet amendement qui vous est proposé, mais il y a une exception pour ces 29 commissions scolaires.
¹ (1545)
Je dois vous dire que les autorités fiscales, à mon avis, ont bien agi en proposant une exception au principe de la rétroactivité. Il faut les remercier de l'avoir proposée. Il était juste et raisonnable de prévoir cette exception pour les 29 commissions scolaires qui avaient obtenu des jugements favorables en Cour d'appel fédérale. Cette exception à la règle de la rétroactivité qui était proposée dénote un grand respect pour le judiciaire, pour les décisions des tribunaux, pour les droits acquis en vertu des décisions des tribunaux. Cependant, je vais tenter de vous démontrer que ce beau geste de la part des autorités fiscales n'est pas allé jusqu'au bout de ce qu'exigent la justice et l'équité et le respect des jugements rendus.
Voilà qui m'amène au deuxième groupe. Le premier groupe ne pose pas problème, non plus que le troisième. C'est le deuxième groupe qui pose problème.
Qu'est-ce qu'on retrouve dans le deuxième groupe de commissions scolaires? Et qu'est-ce qui s'est passé relativement à ces causes, alors qu'elles étaient en attente de jugement? Entre 1997 et 2001, un autre groupe de commissions scolaires, dont certaines faisaient aussi partie du premier groupe et dont certaines étaient d'autres provinces, de l'Ontario en particulier, ont présenté des demandes de remboursement complet aux autorités pour des périodes différentes des premières et aussi pour des périodes différentes à cette époque. Voilà pour le deuxième groupe.
Les autorités fiscales ont émis des avis de cotisation refusant un remboursement complet. Les commissions scolaires ont présenté des avis d'opposition, les autorités fiscales n'ont pas répondu à ces avis d'opposition, 180 jours ont passé, et chacune des commissions scolaires a inscrit son avis d'appel à la CCI. C'était pendant la période 1997 à 2001, donc avant que le ministre des Finances n'annonce son intention de modifier la loi pour contrecarrer la décision de la Cour d'appel fédérale.
Les appels des commissions scolaires du deuxième groupe devant la CCI ont été mises en suspens en attendant la décision dans l'affaire des Chênes. À cette époque, la Cour d'appel fédérale n'avait pas encore rendu de jugement dans l'affaire des Chênes. Les procureurs de Sa Majesté, du gouvernement, se sont entendus avec les procureurs des commissions scolaires pour que ces causes demeurent en suspens en attendant la décision des Chênes.
Je vous rappelle que plusieurs, sinon la plupart des commissions scolaires du Québec de ce deuxième groupe faisaient aussi partie du premier groupe. Les faits et les questions de droit dans ces causes du deuxième groupe sont les mêmes que celles des causes du premier groupe. Les procureurs de Sa Majesté ont d'ailleurs admis ce fait devant la CCI. Bien plus, ils ont admis qu'il n'y avait aucune différence entre les commissions scolaires du Québec et celles de l'Ontario quant aux faits et au droit en cause dans ces dossiers.
Après le jugement de la Cour d'appel fédérale, le 17 octobre, dans l'affaire des Chênes, les commissions scolaires de ce groupe ont présenté une requête à la CCI pour que jugement soit rendu dans leur cause sur la base de la décision rendue dans l'affaire des Chênes, au mois d'octobre. Les procureurs de Sa Majesté ont contesté cette requête au motif que des moyens nouveaux pouvaient être invoqués dans ces dossiers et que la Cour canadienne de l'impôt ne pouvait empêcher l'audition de ces dossiers d'appel. En d'autres mots ils ont dit qu'il ne suffisait pas de demander un jugement basé sur ce qui avait été décidé dans la cause des Chênes et que la cause devait aller devant la Cour canadienne de l'impôt parce qu'ils prévoyaient avoir de nouveaux faits à invoquer.
En raison de cet argument des procureurs de Sa Majesté, la requête pour jugement présentée par les commissions scolaires a été rejetée par la CCI, mais les commissions scolaires en ont immédiatement appelé à la Cour d'appel fédérale. Je vous ai dit que c'était un peu complexe, mais il est important de connaître les faits tels qu'ils se sont passés.
¹ (1550)
Il faut bien connaître les discussions et les ententes qui ont eu lieu entre les procureurs du gouvernement et ceux des commissions scolaires pour être en mesure de déterminer réellement ce qui s'est passé dans cette affaire.
La date de l'audition de l'appel des commissions scolaires à l'encontre de la décision de la CCI, à savoir qu'aucun jugement ne serait rendu sur la base de la décision des Chênes, a été fixée au 19 décembre 2002.
La CCI, une cour efficace qui voit très bien à la bonne marche de ses nombreux dossiers--il y a des milliers de dossiers qui portent sur des questions fiscales--, a fixé la date d'audition des causes pendantes, soit toutes les affaires des commissions scolaires du Québec et de l'Ontario, au mois de mars 2003.
Le 13 décembre 2002, six jours avant la date prévue pour l'audition de l'appel ayant trait aux soi-disant faits nouveaux interjeté par les commissions scolaires en Cour d'appel fédérale, les procureurs du gouvernement ont fait une offre de règlement concernant les causes des commissions scolaires du Québec alors pendantes devant la CCI. Mais le ministère a réservé sa position quant aux causes en provenance de l'Ontario car, avant de traiter les cas des commissions scolaires de l'Ontario de la même manière que celles du Québec, il voulait d'abord examiner la Loi sur l'éducation de l'Ontario.
Quelle était l'offre des procureurs du ministère? Le gouvernement indiquait, par la voix de ses procureurs--et lorsque les procureurs parlent, ils le font au nom des parties; dans ce cas-ci, ils parlaient pour le gouvernement, donc pour sa Majesté et l'ensemble du gouvernement fédéral--, qu'il était prêt à consentir à jugement dans le cas de tous les dossiers de commissions scolaires n'étant pas des organismes enregistrés de bienfaisance en vertu de la décision de la Cour d'appel dans la cause de la Commission scolaire des Chênes. On faisait donc ici une exception pour les commissions scolaires qui étaient des organismes de bienfaisance, et les commissions scolaires ne se sont pas opposées à cet aspect de l'offre de consentement.
En retour, les procureurs du gouvernement demandaient aux commissions scolaires d'abandonner leur appel devant la Cour d'appel concernant la question des faits nouveaux dont je vous ai parlé. Cette offre de règlement a été acceptée par les commissions scolaires. Des consentements à jugement ont alors eu lieu devant la CCI et des jugements ont été rendus pour chacune de ces commissions scolaires le 29 janvier 2003, soit avant le budget.
Donc, des jugements sur consentement ont été rendus à l'égard d'une offre faite par le ministère. En vertu de ces consentements à jugement, Sa Majesté, par le biais de ses procureurs autorisés, acceptait, en fin de compte, que les commissions scolaires aient droit au plein remboursement de la TPS payée aux transporteurs privés et acceptait aussi de rembourser le montant de la taxe réclamée par ces commissions scolaires. La CCI a entériné ces consentements à jugement, ce qui constitue donc des jugements finals pour ce qui est de Sa Majesté.
En janvier 2003, au cours d'une conférence préparatoire devant le juge en chef de la Cour canadienne de l'impôt, les procureurs de Sa Majesté confirmaient qu'aucune audition des causes des commissions scolaires du Québec ne serait nécessaire, étant donné les consentements à jugement produits au dossier par les procureurs de Sa Majesté.
Quant aux causes de l'Ontario--qui font partie du groupe numéro 2 et dont l'audition était prévue, comme je l'ai précisé, au mois de mars 2003--, les procureurs du gouvernement indiquaient qu'elles seraient traitées de la même façon que celles des commissions scolaires du Québec, dans la mesure où il n'y aurait pas de différence majeure entre les causes du Québec et celles de l'Ontario. Elles seraient traitées de la même manière que la cause des Chênes, tel que décidé par la Cour fédérale d'appel.
¹ (1555)
Effectivement, le 26 février 2003, les procureurs du ministère ont consenti à jugement et le 17 avril, la CCI a rendu un jugement final à l'égard de 17 dossiers, accordant ainsi les réclamations et le droit au plein remboursement pour les périodes contestées à certaines commissions scolaires de l'Ontario. Je vous mentionne que 12 autres dossiers des commissions scolaires de l'Ontario restent à être examinés pour qu'on détermine lesquelles sont comprises dans l'entente de principe intervenue entre les procureurs.
Or, en quoi consistait cette entente de principe? C'était qu'on accepte que les causes pendantes soient réglées de la même manière que la cause de la Commission scolaire des Chênes et celles des 28 autres. Mais il nous restait à déterminer les faits entourant chaque cause, parce que pour certaines d'entre elles, il fallait déterminer si la commission scolaire était un organisme de bienfaisance.
Dans ces cas-là, que ce soit en partie ou en totalité, des ajustements pouvaient être faits. Mais le principe était de donner suite à l'engagement et de reconnaître que pour ces commissions scolaires, si les faits était les mêmes que pour la cause des Chênes, un jugement serait rendu. Dans le cas de 17 dossiers, la question reste à examiner.
º (1600)
[Traduction]
La présidente: Je voudrais m'assurer que nous ayons suffisamment de temps pour que les membres du comité puissent vous poser leurs questions, et j'aimerais donc savoir combien de temps il vous faut encore pour pouvoir terminer votre exposé.
Me Roger Tassé: Environ cinq minutes.
La présidente: C'est très bien.
Me Roger Tassé: Je vous remercie.
[Français]
Il reste à examiner le cas de 12 commissions scolaires de l'Ontario pour déterminer celles qui sont visées par l'entente de principe.
Dans son discours sur le budget, le ministre des Finances a annoncé qu'il y aurait une exception à la règle de rétroactivité pour les 29 causes. Ce n'est pas ce qu'il a dit exactement, mais il a dit que le jugement de la cause de la Commission scolaire des Chênes serait respecté pour les 29 commissions scolaires. Il acceptait donc une exception à la rétroactivité dans le cas de ces causes, mais pas dans le cas des causes du deuxième groupe.
Dans toutes ces péripéties, procédures et événements, j'attire votre attention sur trois points. Le premier point est le consentement à suspendre l'étude des causes qui a été donné par les procureurs. Le deuxième groupe de commissions scolaires, de 1997 à 2001, soulevait exactement les mêmes points de fait et de droit que le premier groupe. La plupart appartenaient déjà au premier groupe pour des réclamations additionnelles. Leurs causes devant la CCI étaient en suspens par consentement des procureurs de Sa Majesté en attendant le jugement dans la cause de la Commission scolaire des Chênes. Pourquoi attendait-on le jugement final dans la cause de la Commission scolaire des Chênes, sinon parce qu'on voulait appliquer à ces causes la décision de la Cour d'appel fédérale? C'est d'ailleurs ce que les procureurs de Sa Majesté ont fait.
Le second point est qu'il ne s'agit pas non plus d'un gain fortuit. Le deuxième groupe de commissions scolaires a agi en temps utile pour contester l'interprétation ou l'application de la loi par les autorités fiscales. Ces commissions scolaires ont enclenché leur contestation avant que le ministère des Finances n'annonce son intention de proposer un changement de la loi pour contrecarrer la décision dans la cause de la Commission scolaire des Chênes. On ne peut donc pas parler de gain fortuit dans leur cas. On ne peut pas parler de commissions scolaires qui se sont précipitées, une fois que la décision de la cour d'appel a été rendue, pour essayer de récupérer des montants importants. Le ministère a décidé de bloquer le trou. Elles ne sont pas venues après que le ministre ait indiqué cela; elles sont venues avant que cette décision ne soit annoncée.
Le troisième point est l'offre de règlement des procureurs du gouvernement. Les autorités fiscales elles-mêmes, par l'entremise de leur procureur autorisé, ont offert un règlement au deuxième groupe dans le sens de ce qui avait été décidé par la Cour fédérale dans la cause de la Commission scolaire des Chênes. Des jugements de cour ont été obtenus avec leur assentiment. Elles-mêmes ont contribué à l'avènement d'un jugement sur la base de leur consentement. Pourquoi a-t-on produit ce règlement si l'on n'avait pas l'intention de lui donner suite? Que fait-on du respect de la parole donnée?
Quand les procureurs avaient dit en cour qu'ils étaient prêts à régler les causes du deuxième groupe, ils avaient engagé l'autorité qu'ils représentaient. Pourquoi, dans ces circonstances, refuser de traiter les causes du deuxième groupe comme celles du premier? Je me pose la question, et les commissions scolaires se la posent aussi. À mon avis, il est parfaitement incompréhensible que la proposition de modification de la loi que vous avez devant vous ne traite pas le deuxième groupe de causes de la même manière que le premier. Les autorités ont fait la chose correcte, juste et équitable en ce qui concerne le premier groupe. Pourquoi ne sont-elles pas allées jusqu'au bout, n'ont-elles pas été conséquentes et n'ont-elles pas traité le deuxième groupe comme le premier? C'était là la voie équitable, juste et respectueuse des droits acquis et des décisions des autorités judiciaires.
Si je le Parlement--je le dis avec tout le respect que je lui dois--refusait d'amender cette proposition, il ferait fi de la parole donnée par les procureurs du gouvernement, ainsi que des droits acquis par des décisions judiciaires, ce qui constituerait, à mon avis, une décision fort malheureuse, un manquement grave au principe de la règle de droit et un manque de respect flagrant pour les décisions des tribunaux. Lorsque l'on comprend bien ce qui s'est passé en ce qui concerne le deuxième groupe, une seule conclusion s'impose, à mon avis: c'est qu'il faut traiter le deuxième groupe comme le premier et l'exempter de l'application rétroactive de la loi.
Comme la loi amendée s'applique à ces commissions scolaires, que ce soit celles du premier ou du deuxième groupe, pour l'avenir, je ne vois pas de difficulté à ce qu'elle s'applique rétroactivement, parce que la loi va prendre force de loi après. Mais que l'on tente de faire échec à des jugements rendus par la CCI dans les circonstances que j'ai relatées me paraît odieux et dangereux.
J'avais préparé quelques phrases pour le troisième groupe, mais le troisième groupe ne pose pas de difficulté. Alors, je m'arrête maintenant. Je vous remercie. Thank you.
º (1605)
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup pour cet exposé extrêmement détaillé de votre point de vue.
Je vais maintenant donner la parole à M. Jaffer qui disposera de 10 minutes.
[Français]
M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Alliance canadienne): Thank you, madam Chair, et merci à tous les témoins aujourd'hui pour leurs présentations. Je suis désolé d'avoir manqué les premiers témoins, mais après le premier tour de questions, je vais essayer de me renseigner sur leurs présentations.
[Traduction]
Il s'agit en l'occurrence d'une question qui a été évoquée tout récemment et dont j'essaie encore de me faire une meilleure idée. Comment devrions-nous intervenir? Il me semble que la cause est parfaitement légitime, et j'entends par là la récupération de la TPS payée par les commissions scolaires, et d'après ce que j'ai entendu, il est évident que ces commissions scolaires ont été vraiment laissées pour compte dans ces changements. M. Tassé nous a parlé de la façon dont les dispositions sont mises en oeuvre. Qu'est-ce que le comité pourrait faire au niveau de l'exécution du dernier budget? Selon vous, que pourrions-nous faire pour simplifier le processus afin que les commissions scolaires ne soient pas perdantes dans ce dossier de la TPS, comme c'est actuellement le cas? Que pourriez-vous nous conseiller à ce sujet?
Me Roger Tassé: Je pense que cette question est importante et j'y ai personnellement réfléchi. N'étant pas expert, je ne saurais vous dire au juste comment on pourrait rédiger quelque chose pour l'inclure dans le texte que vous avez sous les yeux, mais je vais néanmoins m'étendre un peu sur le sujet sous l'angle des principes en cause.
À mon sens, les principes en cause exigeraient un amendement qui permettrait que, dans tous les cas qui ont déjà fait l'objet d'un jugement, ce jugement soit respecté, comme dans le cas de la Commission des Chênes et des 29 commissions scolaires. Pour moi, cet amendement devrait faire en sorte que les jugements rendus par la Cour canadienne de l'impôt soient respectés.
Mais il y a aussi un autre groupe. Dans plusieurs autres causes, les procureurs de la Couronne s'étaient engagés à s'en remettre au jugement, mais après avoir procédé au genre d'examen dont j'ai parlé. Ils ont dit qu'ils voulaient simplement s'assurer que les faits allégués dans les causes en question toujours en instance étaient les mêmes que dans la cause des Chênes. Ces dernières semaines, quelques-unes de ces causes ont ainsi fait l'objet de discussions. Il y a eu toutes sortes de retards, et nous nous demandons pourquoi. Je ne veux pas essayer d'en deviner la raison, mais ce ne serait peut-être pas très agréable pour nous de devoir essayer de découvrir pourquoi nous devons attendre si longtemps pour obtenir des résultats, pour que le ministère accepte ce que proposent les avocats et qu'il y ait jugement consensuel dans certaines causes si ces causes sont identiques à celles du groupe des Chênes sur lequel la Cour fédérale d'appel a statué.
Par conséquent, si vous pouviez formuler un amendement qui vaudrait pour ces deux catégories de causes, je pense que justice aurait été rendue. Et ce faisant, vous auriez également exclu toutes les autres commissions scolaires qui, pour quelque raison que ce soit, n'ont pas interjeté appel, et il y en a un certain nombre. Toutes celles qui n'ont rien fait ne pourraient plus dire oh, vous savez, il faudrait que nous interjetions appel étant donné le jugement rendu dans la cause des Chênes. Toutes ces commissions scolaires devraient donc être exclues. À mon avis, votre comité devrait essayer de circonscrire les causes qui ont déjà fait l'objet d'un jugement ou qui sont en instance de jugement conformément aux engagements pris par les procureurs de la Couronne.
º (1610)
M. Rahim Jaffer: J'ai une dernière question complémentaire pour qui voudra bien y répondre. D'après vos observations, je me rends compte que c'est un problème qui a touché l'Ontario et le Québec, mais le problème se pose-t-il aussi dans d'autres commissions scolaires ailleurs au Canada, à votre connaissance? D'autres commissions scolaires ont-elles actuellement les mêmes problèmes?
[Français]
Maître Yves St-Cyr (avocat-conseil, Fédération des commissions scolaires du Québec): Il y a effectivement d'autres commissions scolaires qui ont fait des réclamations, que ce soit au sujet d'un remboursement ou d'un avis d'opposition. Quelques-unes sont peut-être en appel actuellement, mais aucun tribunal n'a rendu de jugement à ce jour. [Note de la rédaction: difficultés techniques] ...éviter et respecter.
Le principe de l'amendement rétroactif que le ministère met de l'avant est de faire en sorte que les cas de la Commission scolaire des Chênes et des 28 autres qui ont été réglés par la Cour d'appel fédérale soient protégés. C'est essentiel, me semble-t-il, dans une démocratie.
Nous vous demandons que les jugements qui ont été rendus par la Cour canadienne de l'impôt, en janvier 2003 pour les commissions scolaires du Québec et le 17 avril 2003 pour les commissions scolaires de l'Ontario, qui sont des jugements finals dont on ne peut pas appeler devant un autre tribunal, soient protégés au même titre que les jugements final qui ont été rendus dans le cas de la Commission scolaire des Chênes et des 28 autres. C'est l'essentiel de notre demande d'aujourd'hui.
J'ouvre une parenthèse pour expliquer les propos de mon collègue Roger Tassé. On parlait des commissions scolaires de l'Ontario. Des jugements ont été rendus le 17 avril à la suite du consentement à jugement donné par les procureurs de Sa Majesté la reine.
Par ailleurs, il reste 12 dossiers pour lesquels un consentement a été donné par les procureurs de Sa Majesté devant le tribunal, mais au sujet desquels il reste à déterminer si, pendant les périodes pour lesquelles les réclamations sont faites, une commission scolaire ayant fusionné par la suite n'est pas devenue un organisme de bienfaisance enregistré. Le ministère de la Justice et son client le ministre du Revenu doivent nous revenir depuis le 9 mars avec ces détails. Il leur faut plus de deux mois pour nous dire si 12 commissions scolaires sont ou non des organismes de bienfaisance. Une fois cette question réglée, le juge sera prêt à signer les consentements à jugement selon les instructions des procureurs de Justice Canada.
La présidente: Monsieur Paquette, vous avez 10 minutes.
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, madame la présidente.
Je voudrais revenir sur cet aspect parce que c'est nouveau pour moi. À la fin janvier, il y a eu une entente entre les procureurs du gouvernement du Canada et ceux des commissions scolaires du deuxième groupe.
Me Yves St-Cyr: En décembre 2002.
º (1615)
M. Pierre Paquette: C'est-à-dire qu'il y a eu une offre, mais que cette offre a été intégrée dans un jugement.
Me Yves St-Cyr: Les jugements ont été signés le 29 janvier 2003 pour toutes les commissions scolaires du deuxième groupe du Québec.
M. Pierre Paquette: Quels aspects et quelles commissions scolaires le jugement rendu en avril 2003 concernait-il?
Me Yves St-Cyr: Il concernait les commissions scolaires de l'Ontario, qui font partie du deuxième groupe, comme Me Tassé le mentionnait tout à l'heure, le premier groupe étant celui de la Commission scolaire des Chênes et des 28 autres qui ont gagné en appel. Elles sont déjà protégées, et c'est précisé dans le communiqué.
M. Pierre Paquette: Donc, vous nous demandez d'amender la loi qui porte sur la mise en oeuvre du budget de sorte que le deuxième groupe, qui a maintenant obtenu des jugements, soit aussi protégé dans le cadre de l'application de la loi.
Me Yves St-Cyr: J'aimerais vous rappeler que ces consentements à jugement ont été donnés par les procureurs de Sa Majesté la reine avant que le budget ne soit déposé à la Chambre.
M. Pierre Paquette: Évidemment, on est un peu dans l'ordre de la spéculation, mais comment peut-on expliquer que des procureurs du gouvernement du Canada fassent un règlement avec les commissions scolaires trois semaines avant le budget et que le ministre des Finances n'en tienne pas compte dans son budget? Est-ce qu'il n'y aurait pas un manque de communication entre les fonctionnaires du ministère et les procureurs? Est-ce qu'ils sont revenus depuis pour vous donner des explications?
Me Yves St-Cyr: Non, mais on a eu des discussions. En fait, j'ai été surpris que le ministère consente à jugement. Comme on ne voulait pas aller à procès, on consentait à jugement. Le ministère de la Justice, représentant Sa Majesté, nous informe dans sa lettre de règlement que le ministre du Revenu national a l'intention de respecter le règlement en toute célérité. Je ne peux pas vous en dire plus. Il faudrait probablement le demander aux procureurs du ministère de la Justice.
M. Pierre Paquette: Lorsque M. Wilfert a témoigné, j'ai posé des questions, mais les fonctionnaires eux-mêmes ne semblaient pas au courant du tout de l'existence de cet aspect du budget.
Me Yves St-Cyr: On a été encore plus surpris.
M. Pierre Paquette: D'abord, j'aimerais que vous corrigiez vos paroles. Faites attention. Il y a un certain décorum à respecter, même en français.
M. Pierre Paquette: Vous savez que le comité n'a pas voulu entendre les représentants de l'Association du Barreau canadien et du Barreau du Québec. Je voudrais vous lire un paragraphe et vous demander si vous partagez cette opinion, monsieur Tassé.
C'est le bâtonnier du Québec, M. Leduc, qui écrit ça à M. Cauchon et à M. Manley:
L'avis de motion de voies et moyens du 18 février dernier ne respecte aucunement ces jugements et ces engagements, ce qui, de notre point de vue, porte gravement atteinte au principe de l'autorité de la chose jugée et qui est contraire à une saine administration de la justice. Une telle façon de légiférer jette le discrédit sur le processus judiciaire et est de nature à miner la confiance des contribuables dans les tribunaux. |
Je veux savoir si vous partagez ce point de vue.
Me Roger Tassé: Je n'ai aucune difficulté à souscrire à ce propos. Il me semble que la grande difficulté ici, c'est justement que des jugements de cours ont été obtenus de la manière que je vous ai décrite et que, par la suite, on propose un projet de loi pour effacer ces jugements. Ça me paraît être un accroc assez important à nos institutions.
Je comprends très bien que le Parlement ait la compétence pour édicter des lois, même rétroactives. On l'a fait surtout en matière fiscale, mais dans d'autres matières aussi. Mais quand on le fait pour des causes qui sont entendues par les tribunaux, pour lesquelles il y a eu des consentements donnés par les procureurs de Sa Majesté et qu'on veut ensuite annihiler ces jugements, c'est contraire à des principes fondamentaux comme la séparation des pouvoirs et le respect que chacun doit avoir pour l'autre, le respect que le Parlement doit avoir pour la chose jugée et pour les autres.
Comme je l'ai dit, si le Parlement décide de rendre la loi rétroactive pour empêcher des gains fortuits, pour empêcher les gens qui n'ont pas veillé au grain mais qui pensent faire une bonne affaire de se présenter pour faire valoir leurs prétentions, parce que ce n'est pas juste et équitable, cela ne me pose aucune difficulté et j'appuie cette façon d'agir. Mais je peux difficilement comprendre que, même par la voie budgétaire, si je peux m'exprimer ainsi, on veuille annihiler des décisions qui ont été rendues par les tribunaux. Je trouve que c'est un précédent dangereux.
º (1620)
M. Pierre Paquette: À votre avis, il s'agit d'un précédent.
Me Roger Tassé: Oui, c'est un précédent. À ma connaissance, c'est la première fois que cela se fait ainsi. Ce n'est peut-être pas la première fois que ça se fait, mais c'est la première fois que cela se fait de cette façon-là. Il me semble que ça permettrait de faire bien des choses. Même si la parole a été donnée et que des jugements ont été obtenus, le gouvernement, le pouvoir exécutif, pourrait, avec des lois, annihiler ce qu'il a décidé de faire.
Je trouve que c'est dangereux, car d'autres pourraient venir plus tard et dire qu'il y a déjà un précédent, que cela s'est fait en 2003, que le Parlement, qui a approuvé le budget de M. Manley à l'époque, a fait telle chose et que cela a eu tel résultat, et qu'on peut donc le faire une autre fois. C'est un précédent, et ce serait très malheureux et très dangereux.
M. Pierre Paquette:
Je dois également dire au comité que M. Marc Lalonde, qui est un ancien ministre libéral, a lui aussi écrit à M. Manley et à M. Cauchon, et que c'est tout à fait son point de vue. Il a écrit:
...la mesure que vous proposez concernant les commissions scolaires, est sans précédent dans l'histoire du parlementarisme canadien et, si jamais elle était adoptée par le Parlement, elle constituerait un accroc extrêmement grave à la règle de droit et à l'autorité de la chose jugée dans notre système constitutionnel. |
Donc, j'insiste pour que le comité prenne sérieusement en considération cette situation.
En conclusion, j'aimerais que vous nous suggériez, comme vous l'avez mentionné, la manière de corriger l'amendement proposé pour couvrir ce deuxième groupe. J'aimerais vous entendre encore une fois à ce sujet.
Me Roger Tassé: Voulez-vous que je développe davantage ce que j'ai dit tout à l'heure en réponse à la question de votre collègue?
M. Pierre Paquette: Peut-être pourriez-vous reprendre votre réponse plus précisément. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de prendre connaissance de la rédaction de l'avis, parce qu'il faudra qu'avec le légiste, on se penche sur un amendement à la Loi d'exécution du budget de 2003.
M. Pierre Paquette: Seriez-vous en mesure, au cours des prochains jours, de nous faire parvenir une suggestion d'amendement qui nous permettrait de répondre à vos préoccupations et d'éviter, selon moi, ce précédent dénoncé par les deux Barreaux et l'honorable Marc Lalonde?
Me Roger Tassé: Certainement. Je serais heureux de répondre à votre invitation et de faire parvenir à la présidente ce qui consisterait en une option à considérer afin de corriger ce qui est, à mon avis, un accroc; cela pourrait être intégré à l'amendement qui se trouve devant vous.
M. Pierre Paquette: Merci.
[Traduction]
La présidente: Vous pouvez vous adresser directement aux députés, puisqu'ils ont accès aux services du conseiller législatif, comme on le leur a annoncé avant le congé, il y a trois semaines environ. De cette façon, ils peuvent examiner ces amendements.
Me Roger Tassé: C'est ce que je ferai.
La présidente: D'accord.
Me Roger Tassé: Merci.
La présidente: Passons maintenant à M. Wilfert.
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Merci, madame la présidente.
Merci à nos témoins d'être venus nous rencontrer. Ce que vous dites, au fond, c'est que le gouvernement mine le processus judiciaire et va à l'encontre du principe de la règle de droit en proposant des amendements rétroactifs à la TPS à l'égard des commissions scolaires, des amendements qui auraient pour effet de renverser la décision du tribunal. Est-ce bien cela?
Me Roger Tassé: Compte tenu de ce que propose le gouvernement dans ces cas, après avoir accepté qu'il faudrait faire une exception au principe de la rétroactivité dans le cas de l'affaire des Chênes, les mesures proposées mineraient le principe de la règle de droit et la reconnaissance qui devrait être accordée aux juges.
M. Bryon Wilfert: J'ai sous les yeux un exemplaire d'un communiqué de presse publié par le gouvernement, par l'entremise du ministère des Finances, le 21 décembre 2001. Je ne vais pas le lire en entier, mais je le mettrai à la disposition du comité aux fins du compte rendu.
Le ministre des Finances, Paul Martin, a proposé aujourd'hui une modification de la Loi sur la taxe d'accise concernant le traitement, sous le régime de la taxe sur les produits et services et de la taxe de vente harmonisée (TPS/TVH), des administrations scolaires et des services de transport scolaire qu'elles offrent |
La modification proposée est sans effet sur les usagers du transport scolaire. Elle a pour objet d'assurer que la prestation de ces services par les administrations scolaires continue d'être traitée comme une activité exonérée sous le régime de la TPS/TVH. Dans une récente décision, la Cour d'appel fédérale a statué que, dans le cadre de certains arrangements de financement provinciaux, la fourniture de services de transport scolaire par les administrations scolaires pourrait être assujettie aux règles de TPS/TVH visant les activités taxables plutôt qu'à celles visant les activités exonérées. |
Par conséquent, il est proposé d'apporter une modification afin d'assurer que le service qui consiste à transporter des élèves du primaire ou du secondaire entre un point donné et l'école, effectué par une administration scolaire, est traité comme un service exonéré s'il est fourni par une administration scolaire à une personne qui n'est pas une autre administration scolaire. |
Afin de veiller à ce que ces services continuent d'être exonérés peu importe la manière dont ils ont été financés, il est proposé que la modification s'applique à compter de la date de mise en oeuvre de la TPS. La modification proposée sera toutefois sans effet sur les causes qui ont déjà été tranchées par la Cour fédérale. |
Cela signifie donc que les 29 causes déjà entendues ne seront pas touchées par cet amendement.
Ce communiqué est daté du 21 décembre 2001. Je vous signale qu'en faisant cette annonce, le gouvernement a clairement manifesté son intention de modifier la loi. Le projet de loi C-28 fait suite à cette annonce du 21 décembre. En janvier et en février de cette année, un certain nombre de commissions scolaires du Québec et de l'Ontario ont décidé de continuer d'en appeler de la TPS en fonction de la loi actuelle, et c'est leur droit, mais elles étaient tout à fait au courant de la position du gouvernement au sujet des modifications à la loi. La Cour fédérale a déjà fourni son interprétation de la loi actuelle, et puisqu'il n'y avait pas de différences quant au fond, le ministère de la Justice a consenti à ce que les nouvelles causes soient jugées en fonction de la loi actuelle. Toutefois, il ne faudrait pas croire, et personne n'a cru j'en suis sûr, que l'acceptation de ces décisions modifie de quelque façon le pouvoir du Parlement de modifier la loi rétroactivement d'une façon qui puisse s'appliquer à ces causes. Je répète que dans ce cas-ci, les 29 causes dont nous avons parlé ne seront pas touchées.
Je signale également que le Comité des comptes publics a déclaré en 1995 qu'il était indiqué, sinon impératif, d'appliquer la rétroactivité dans certains cas, et il avait demandé au ministère des Finances d'élaborer des critères pour déterminer quand il était justifié de modifier rétroactivement des lois. Les amendements qui sont proposés ici tiennent compte des critères établis par le gouvernement relativement à l'application rétroactive de modifications. C'est là une pratique qui existe depuis longtemps, comme mes collègues le savent certainement. Il est bien établi dans la tradition parlementaire canadienne qu'il est légitime de modifier les lois fiscales conformément aux annonces faites par le ministre avant l'adoption de la mesure législative qui apporte ces modifications, comme dans ce cas-ci.
Je soumets que la mesure proposée est légale. Elle ne va pas à l'encontre de la règle de droit constitutionnelle. En fait, la Cour suprême du Canada a reconnu le pouvoir du Parlement d'adopter des lois qui ont un effet rétroactif, et les décisions rendues par les tribunaux ne modifient en rien le pouvoir du Parlement d'agir dans ce dossier. Je ferai également remarquer que, dans une affaire semblable touchant la taxe de vente du Québec, le gouvernement du Québec a annoncé qu'il apporterait à sa loi des modifications entièrement rétroactives, et ce, avant l'annonce faite par le gouvernement du Canada en décembre 2001. Dans ce cas-ci, bien sûr, le Québec n'a pas eu à renverser de décisions sur la TVQ, puisque aucune n'avait été rendue.
Je veux qu'il soit bien clair, madame la présidente, que le gouvernement avait manifesté officiellement le 21 décembre 2001 son intention de modifier la loi et qu'il avait accepté que ces modifications ne toucheraient pas les 29 causes initiales. Nous disons toutefois que tous ceux qui ont décidé d'aller devant les tribunaux après décembre 2001 l'ont fait en sachant clairement que le gouvernement du Canada modifierait la loi. J'invite les témoins à répondre à cette déclaration, mais à mon avis, il n'y avait pas là de surprise, puisque le gouvernement avait manifesté son intention clairement et par écrit, et que tout le monde savait à quoi s'attendre. Le projet de loi C-28 donne simplement suite à cet engagement.
º (1625)
La présidente: Monsieur St-Cyr.
[Français]
Me Yves St-Cyr: Je voudrais répondre à M. Wilfert. En fait, je suis d'accord avec lui sur plusieurs des points qu'ils a soulevés pendant son mini-discours, entre autres sur le fait que les causes dont il parle étaient effectivement déjà devant le tribunal. Je confirme donc ses propos. Ces causes devraient donc être épargnées au même titre que celles du premier groupe, si ce sont bien les propos de M. Wilfert; c'est du moins ce que j'ai entendu. Elles auraient dû être portées devant le tribunal avant le 21 décembre 2001; en fait, elles étaient déjà devant le tribunal à cette date.
Deuxièmement, on est tous d'accord, dans le domaine fiscal, que des modifications rétroactives se font couramment. Ni mon confrère Me Tassé ni moi-même n'avons d'objection à cet égard. Il reste que ce n'est pas l'objet du débat qui nous occupe aujourd'hui.
On a souligné que le ministère du Revenu du Québec avait fait le même genre de proposition de modification et procédé à l'amendement. Mais oui, il l'a fait il y a environ un an, mais pourquoi le ministère fédéral a-t-il attendu aussi longtemps? Il aurait peut-être fallu penser qu'il ne ferait pas l'amendement. Est-ce qu'un amendement proposé va nécessairement se concrétiser? Faut-il, sous prétexte qu'on nous propose un amendement, se retenir d'aller devant les tribunaux?
Si le gouvernement tombe éventuellement, est-ce qu'on va donner suite à l'amendement? Peut-être que oui mais probablement pas; en fait, on ne le sait pas.
L'état du droit, au moment où les causes ont été appelées en audition devant la Cour canadienne de l'impôt, était le jugement dans la cause de la Commission scolaire des Chênes. On ne savait pas quelle était la situation du gouvernement canadien quant à l'amendement proposé par voie de communiqué en 2001.
º (1630)
Me Roger Tassé: Je voulais simplement ajouter, madame la présidente, que je ne vois pas d'objection à la rétroactivité dans les cas où elle peut se justifier par certains principes, cas qui sont soumis au comité et dont discute le vérificateur général.
Les faits, ici, sont très importants. Dans le cas présent, les consentements ont été donnés avant que l'annonce ne soit faite. Les causes étaient pendantes avant. Pourquoi ne les a-t-on pas traitées? Dans le cadre de l'administration de la justice, on avait des dizaines de cas comme ceux-là. Le procureur des commissions scolaires aurait pu insister pour qu'on ne se limite pas à la Commission scolaire des Chênes et qu'on traite toutes les causes. Ces causes auraient créé un fardeau quasiment impossible pour la cour. C'était leur droit de leur dire que pour des fins de bonne administration de la justice et pour épargner des coûts à tout le monde, ils allaient traiter une seule cause; cela se fait couramment devant les tribunaux. La cause de la Commission scolaire des Chênes serait entendue et une fois le jugement rendu, il s'appliquerait de la même manière aux autres. On dit maintenant que la loi rétroactive va s'appliquer à ces causes. Or, si ces dernières n'ont pas été entendues pour qu'un jugement soit rendu en même temps que pour la cause des Chênes--on parle ici des 29 causes et suivantes--, c'est parce qu'il y avait des raisons reliées à l'administration de la justice.
Comme l'a dit mon collègue, le 21 décembre 2001, un communiqué a été émis par le ministère disant qu'il allait procéder. Or, il y a eu des discussions sur le budget de 2002, et personne n'a parlé de cela. L'année 2002 a passé, on est maintenant en 2003 et tout à coup, le budget arrive.
Ce qu'on n'avait pas été en mesure de faire pour des raisons administratives reliées à l'administration des tribunaux, on l'a fait avant le budget. Ces causes ont fait l'objet d'un consentement. À mon avis, les choses auraient pu se faire plus rapidement. Quelqu'un avait peut-être intérêt à ce qu'on n'obtienne pas les jugements trop rapidement.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Wilfert.
M. Bryon Wilfert: Je vais le répéter, nous n'avons aucune objection au jugement rendu le 17 octobre par la Cour fédérale dans ces 29 causes. Nous sommes d'accord. Nous sommes d'accord pour dire que peut-être les choses auraient-elles dû se dérouler plus rapidement, mais l'intention était là. Une fois que le gouvernement eût fait part de ses intentions le 21 décembre 2001, ses intentions n'ont jamais changé, il n'en a jamais donné préavis. J'aurais personnellement préféré que les choses se soient déroulées un peu plus rapidement, mais il n'en demeure pas moins que les commissions scolaires qui attendaient le jugement savaient fort bien ce qui avait été annoncé, connaissaient les intentions du gouvernement et savaient que nous allions donner suite. Ce que vous nous demandez maintenant, messieurs, c'est qu'en dépit de l'annonce faite en décembre 2001 et en dépit d'une politique qui existe depuis 1990, une politique solidement ancrée, c'est de ne pas tenir compte de tout cela pour donner satisfaction aux commissions scolaires qui ont décidé d'aller de l'avant alors qu'elles savaient fort bien ce qui se passait. Par conséquent, nous avons ici cette loi qui, c'est clair, vise à mettre à exécution les intentions exprimées par le ministre le 21 décembre 2001. D'aucuns estiment maintenant que le fait que certaines de ces causes sont encore en instance devrait être pris en compte sous couvert d'un amendement législatif. Cela, je ne l'accepte pas.
º (1635)
La présidente: Merci beaucoup.
Me Roger Tassé: Si vous me permettez d'intervenir au sujet d'une question importante...
La présidente: Oui, mais très brièvement car j'aimerais pouvoir donner la parole à M. Cullen.
[Français]
M. Pierre Paquette: [Note de la rédaction: inaudible]
[Traduction]
La présidente: Allez-y, monsieur Tassé. Nous avons pris un peu de retard, mais je vais quand même vous permettre d'intervenir.
Me Roger Tassé: Le député a parlé de la politique. Certes, ce qui vous est maintenant proposé était peut-être ce que le gouvernement avait l'intention de faire, était peut-être la politique à l'époque, mais ce n'est pas parce que le gouvernement ou un de ses représentants dit que c'est la politique officielle de l'État qu'il faut automatiquement l'accepter. Nous rétorquons à cela qu'il y a l'article de la loi. Oh, mais c'est la politique de l'État, alors oubliez l'article en question. Mais en réalité, l'affaire a été portée devant la Cour d'appel et cette dernière a dit qu'en 1990, le Parlement n'avait pas fait ce qu'il croyait faire. En d'autres termes, ce n'est pas la politique qui doit régir un dossier lorsqu'un tribunal dit que c'est ainsi qu'il faut interpréter la chose. C'est pour cette raison que j'ai du mal à accepter l'argument que comme la politique remonte à 1990, tous les gens du ministère ont pensé que c'était ainsi qu'il fallait interpréter la chose. Ils peuvent bien le penser, mais n'oublions pas ce qu'a dit le tribunal : le tribunal a dit que cette interprétation n'était pas la bonne.
Toutes ces causes étaient en instance devant la Cour fédérale d'appel, devant la Cour de l'impôt, c'était bien le cas. Et elles n'avançaient pas pour les raisons que j'ai mentionnées. Les avocats du ministère avaient dit que lorsque le jugement serait rendu dans la cause des Chênes, il vaudrait pour ces causes-là également. Ce n'est pas rien. Ces causes étaient en instance et elles auraient dû faire l'objet d'une décision conforme à l'arrêt des Chênes avec le consentement des parties. Pour moi donc, ces causes-là sont un cas à part.
La présidente: Je vous remercie.
Monsieur Cullen, vous avez 10 minutes.
[Français]
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente. Merci aussi, messieurs Caron, St-Cyr et Tassé pour vos témoignages. Veuillez m'excuser si je parle anglais, mais la discussion porte sur des sujets assez complexes et je préfère parler en anglais.
[Traduction]
J'aimerais aborder deux questions en particulier. Il ne sera peut-être pas si facile d'y répondre, mais je vous demanderais d'être patients.
Il y a une question de rétroactivité fiscale, et vous avez tous dit qu'en principe vous en compreniez la nécessité. Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, vous avez un problème quant à la façon dont la rétroactivité fiscale a été appliquée dans ces circonstances particulières. J'aimerais y revenir dans un instant.
L'autre question qui me vient à l'esprit est celle des commissions scolaires où il y a eu consentement afin de suspendre les appels à la suite d'une entente entre les procureurs en attente de la décision dans l'affaire des Chênes. Pour moi, il s'agit là d'une autre question, et j'aimerais y revenir.
Pour ce qui est de la rétroactivité fiscale, ne pourrait-on pas faire valoir qu'étant donné que le gouvernement a dit que les 29 commissions scolaires où les cas ont déjà été tranchés par la Cour fédérale seront exclus de la rétroactivité fiscale, c'est là une façon de respecter le fonctionnement des tribunaux dans ce cas en particulier? Dites-vous que vous comprenez cela, mais que vous pensez que la rétroactivité devrait aller au-delà des 29 commissions scolaires?
º (1640)
Me Roger Tassé: Oui.
M. Roy Cullen: Très bien.
Me Roger Tassé: Et j'en ai expliqué les raisons.
M. Roy Cullen: Oui, je comprends cela, mais franchement je ne suis pas convaincu par l'argument. Vous dites que la politique du gouvernement ne devrait pas avoir préséance sur la décision des tribunaux, mais le gouvernement, comme mon collègue l'a souligné, avait déjà indiqué clairement son intention, et c'est de cette façon que la politique de rétroactivité fiscale est normalement mise en oeuvre : le gouvernement annonce que c'est là l'esprit et l'intention de la politique fiscale, et prévoit prendre les mesures nécessaires, de façon à ce qu'il n'y ait pas d'abus pour des raisons techniques.
J'aimerais revenir à l'autre question, le consentement en vue de suspendre. C'est la question qui me préoccupe davantage. Si j'ai bien compris, il y avait un certain nombre de commissions scolaires qui étaient dans la même situation. Monsieur Tassé, je crois que vous reconnaissez que dans certains cas les faits n'étaient peut-être pas exactement les mêmes, et vous dites que l'on pourrait peut-être être moins stricts dans certains cas.
Me Roger Tassé: Oui.
M. Roy Cullen: Quand les faits correspondaient parfaitement, vous dites que les avocats de la Couronne et les avocats des commissions scolaires ont conclu une entente. Je ne sais pas si c'était par écrit, ou si c'était une entente sanctionnée par le tribunal. Je ne suis pas avocat.
[Français]
Je suis comptable agréé et non avocat.
[Traduction]
Donc les avocats se sont entendus pour attendre pour les autres cas. D'un point de vue économique, cela me semble une excellente idée puisqu'on économise l'argent des contribuables. Ensuite, il y a eu la décision et le gouvernement a décidé à un moment donné, si je comprends bien, de ne pas tenir compte de cette entente que les avocats avait conclue. C'est bien cela?
Me Roger Tassé: C'était plus qu'une entente. Il y a eu des jugements sur le consentement des parties.
M. Roy Cullen: Donc cette entente était un jugement du tribunal. Je parle de l'entente sur la suspension des audiences.
[Français]
Me Yves St-Cyr: Yes, there was a consent to suspend lorsque les causes ont été entendues en Cour d'appel fédérale. Nous attendions le résultat pour savoir comment...
[Traduction]
M. Roy Cullen: Donc ce consentement représentait une entente des avocats.
N'étant pas avocat, j'ai une question d'ordre plus général : Je me demande si un procureur de la Couronne peut engager le gouvernement et le Parlement du Canada à prendre certaines initiatives dont nous ne savons rien. Vous pourriez peut-être nous parler de cela. J'aimerais en savoir un peu plus sur ce point.
Me Roger Tassé: Quand vous avez plusieurs affaires devant les tribunaux et qu'on décide, pour toutes sortes de bonnes raisons administratives, de juger une de ces affaires, comme dans le cas des Chênes, il n'est pas rare que les avocats de la Couronne disent que le jugement rendu s'appliquera ensuite aux autres affaires analogues. Évidemment, s'il y a des différences importantes d'une affaire à l'autre, ils en tiennent compte et voient s'ils peuvent se distancier de ce jugement.
M. Roy Cullen: J'essaie de voir le contexte. Les avocats des commissions scolaires avaient-ils une raison quelconque de penser que les procureurs de la Couronne ne pourraient pas faire respecter cet engagement? Est-ce qu'on a parlé à ce moment-là d'une inquiétude du gouvernement au sujet de cette prétendue interprétation abusive de la politique fiscale? Est-ce qu'il en était question à ce moment-là?
Me Roger Tassé: Quand vous parlez d'abus de la politique fiscale, cela me fait frémir car la question avait été soulevée de façon parfaitement légitime devant le tribunal.
M. Roy Cullen: Vous allez devoir suivre ma terminologie. Quand j'utilise ce terme, si le gouvernement estime que des personnes ou des organisations abusent de l'esprit ou de l'intention de la politique fiscale et de la législation fiscale, j'appelle cela, de façon peut-être un peu libre, un abus de la politique fiscale. C'est de cela que je parle.
Me Roger Tassé: Bon. Merci, cela me rassure.
M. Roy Cullen: Donc ma question était... C'était un procureur de l'Agence du revenu ou de la Justice?
º (1645)
Me Roger Tassé: C'est le ministère de la Justice qui représente l'Agence.
M. Roy Cullen: Normalement, les avocats des commissions scolaires auraient eu toutes les raisons de croire que l'engagement des procureurs de la Couronne pourrait être respecté. Ils n'avaient aucune raison d'en douter.
Me Roger Tassé: Dans le genre de situation dont je vous parle, c'est-à-dire...
[Français]
Me Yves St-Cyr: Non. Nous ne pensions pas que l'entente sur la suspension des audiences puisse poser quelque problème que ce soit.
[Traduction]
Me Roger Tassé: Il n'y avait aucune raison de penser que l'avocat n'avait pas ce pouvoir. Ce n'est pas le premier cas du genre. Ce sont simplement des contraintes administratives qui font qu'on ne peut pas porter toutes les autres affaires devant le tribunal.
M. Roy Cullen: Est-ce qu'on vous a expliqué à vous ou aux commissions scolaires pourquoi le gouvernement, par le biais de l'Agence du revenu et des avocats du ministère de la Justice, avait décidé de ne pas respecter cette entente entre les avocats?
[Français]
Me Yves St-Cyr: Non, absolument pas. Il y a eu entente pour suspendre avec les avocats et même avec la cour ultérieurement. Nous attendions le jugement des Chênes et les 28 autres, puis nous avons obtenu la décision. Le communiqué a été émis et par la suite nous avons poursuivi les procédures devant le tribunal. C'est tout.
[Traduction]
M. Roy Cullen: Vous partez donc du principe que la décision qui devait être rendue sur l'affaire des Chênes s'appliquait automatiquement aux autres affaires que les avocats s'étaient entendus pour suspendre.
[Français]
Me Yves St-Cyr: Effectivement.
[Traduction]
Ces dossiers étaient déjà portés en appel à la Cour canadienne de l'impôt à l'époque. C'est ce que nous pensions à ce moment-là.
M. Roy Cullen: Mais quelqu'un a-t-il jamais demandé pourquoi le ministère ne respectait pas cette entente des avocats? J'aimerais bien connaître leur réponse—on s'en fiche, ce n'est pas valable, les faits sont différents.
Me Yves St-Cyr: Nous avons fait des dépositions au tribunal et je me souviens qu'on a dit que les faits étaient les mêmes et que les questions de droit étaient aussi identiques. Tout le monde le sait très bien.
M. Roy Cullen: Ceci n'est que conjecture, mais pensez-vous que, si le gouvernement n'a pas voulu respecter cette entente de consentement à suspendre, c'est parce qu'il voulait simplement limiter les coûts et ne pas s'exposer?
Me Yves St-Cyr: Je crois que c'était cela au début. Quand ils ont publié ce communiqué de presse le 21 décembre 2001, ils pensaient à tort que c'était une affaire qui allait coûter environ un milliard de dollars. En réalité, il ne s'agit que 18 millions, donc c'est très différent. Mais je pense que c'est parti de là.
La présidente: Merci, monsieur Cullen.
Madame Wasylycia-Leis.
[Français]
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci, madame la présidente.
Je voudrais, tout comme mes collègues, remercier les témoins. À cause de la complexité de cette politique, je vais parler en anglais.
[Traduction]
Nous parlons de l'article 64 du projet de loi C-28, Loi portant exécution du budget. C'est ce qu'on appelle l'amendement des Chênes, n'est-ce pas?
Me Roger Tassé: Oui.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Nous avons reçu des exemplaires d'une lettre à ce sujet adressée par l'Association du Barreau canadien à M. Manley et à M. Cauchon. Est-ce que vous l'avez vue?
Me Roger Tassé: Oui, j'ai vu la lettre.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Êtes-vous d'accord avec l'orientation générale de ce texte?
Me Roger Tassé: Oui.
Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai l'impression, d'après ce que vous nous dites aujourd'hui et d'après cette lettre de l'Association du Barreau canadien, qu'il s'agit là d'une question assez complexe qui n'est pas aussi limpide qu'elle le paraissait au début. Je pense que le comité devrait obtenir plus d'information sur les problèmes soulevés.
Il semble, notamment d'après la lettre de Simon Potter, qu'il ne s'agisse pas de l'effet sur certaines commissions scolaires, mais d'un principe d'ensemble de politique fiscale et de règle de droit. Dans cette lettre, M. Potter soutient—et je crois que vous dites la même chose aujourd'hui—que cet amendement n'est pas satisfaisant pour plusieurs raisons. Il dit qu'il interfère avec les droits acquis : « Interférer avec les droits acquis est justifiable seulement dans de rares circonstances ». « Deuxièmement, la modification des Chênes est troublante à cause de ses origines »; elle « pourrait demander aux contribuables de spéculer à propos d'autres modifications rétroactives, conçues spécifiquement, pouvant être introduites d'autres biens et services qui sont aussi financés par le gouvernement ». Il dit que ceci serait « une intrusion injustifiée à la primauté du droit et pourrait porter atteinte aux véritables bases sur lesquelles les contribuables remplissent des millions et des millions de déclarations de revenu de bonne foi ». Troisièmement, l'amendement « viole un principe fondamental de taxation, soit l'établissement de la taxe établie ».
J'ai l'impression, d'après ces trois arguments et ce que vous nous avez dit aujourd'hui, que nous parlons d'un principe général. Nous devrions sérieusement envisager de supprimer tout l'article 64 ou son paragraphe (2), de simplement supprimer la disposition qui concerne la rétroactivité pour répondre aux problèmes de nature générale. Je fais simplement une suggestion. J'essaye de m'y retrouver ici. Si nous parlons de quelque chose d'aussi vaste avec autant de ramifications dans d'autres domaines, je pense que nous devons prendre très au sérieux ce que vous êtes en train de nous dire aujourd'hui.
º (1650)
Me Roger Tassé: Merci. Permettez-moi de répondre.
Je l'ai déjà dit, le principe de la rétroactivité ne me gêne pas s'il est appliqué correctement. L'article 64 modifie l'article 5 de la partie III de l'annexe V. Ainsi l'intention d'origine est précisée si l'on reconnaît que la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire des Chênes ne correspond pas tout à fait à l'orientation retenue ici. Ainsi, l'article 5 actuel devrait être remplacé par la modification dont vous êtes saisis. Je ne pense pas qu'on trouve à redire à cela. Au paragraphe suivant, on précise que la rétroactivité remontera au 17 décembre 1990. Je ne vois pas d'inconvénient à cela sauf que, le gouvernement l'a reconnu, la Cour d'appel fédérale a rendu une décision dans l'affaire des Chênes et 29 autres affaires. Comme je l'ai déjà dit, il faut se féliciter de cela car la rétroactivité, en remontant jusqu'en 1990, n'est pas universelle et ne s'appliquera pas à ces cas-là.
Nous sommes d'avis que la rétroactivité ne devrait pas s'appliquer dans certains autres cas non plus et cela est conforme à la décision du gouvernement qui a annoncé qu'on ferait une entorse au principe de la rétroactivité pour les affaires des Chênes. J'ai essayé de vous convaincre qu'il y a d'autres affaires entendues au Québec et dans d'autres provinces pour lesquelles le gouvernement aurait dû appliquer le même principe et faire une exception. Il s'agit des jugements qui ont été rendus ou qui sont sur le point de l'être. Avant que l'annonce soit faite en 2001, il y avait des affaires devant les tribunaux et l'exception devrait s'appliquer à elles.
C'est l'essentiel de mon argumentation. En d'autres termes, le gouvernement lui-même a donné le ton en faisant une exception pour des Chênes et 29 autres cas. Pour ma part, je dis que ça ne suffit pas. Pour revenir à ce que votre collègue a dit, il n'existe pas de principe constitutionnel nous empêchant de procéder ainsi. Du reste, rien dans la loi actuelle ne nous empêche de procéder ainsi. J'affirme qu'il s'agit de valeurs, et la Cour suprême l'a reconnu, qui sous-tendent notre régime, la primauté du droit, le respect des tribunaux. Si le Parlement veut agir selon ces valeurs, s'en inspirer, il respectera les jugements des tribunaux. En l'occurrence, il s'agit de la Cour canadienne de l'impôt.
Mon argument n'a peut-être pas la même portée que ce qui a été allégué, mais je ne peux pas être en désaccord avec ce qu'a dit Simon Potter. Il aurait pu venir vous expliquer ce qu'il voulait dire. J'ai élaboré mon analyse en m'inspirant de ce qu'il a dit de façon générale à propos des valeurs canadiennes dans sa lettre. J'ai examiné les faits et je pense qu'en l'occurrence ils parlent d'eux-mêmes. Ce serait mal de procéder ainsi. Voilà mon argument.
º (1655)
Mme Judy Wasylycia-Leis: Voulez-vous ajouter quelque chose?
[Français]
Me Yves St-Cyr: J'aimerais simplement ajouter que nous n'avons pas d'objection au principe même de rétroactivité. Nous nous objectons toutefois à la façon d'agir dans le cas présent. Les avocats du ministère de la Justice, au nom de Sa Majesté, ont consenti à jugement et ont pris des engagements judiciaires devant les tribunaux, qui ont été sanctionnés. Un jugement a été rendu en faveur des commissions scolaires. Ce serait une entrave à notre démocratie si le principe dont on a parlé devait être accepté par le Parlement. J'ajouterai même qu'appuyer les propos de M. Wilfert reviendrait à reconnaître que le gouvernement, ou le Parlement, peut légiférer sans loi. Si cet amendement-là, qui était une intention en décembre 2001, n'avait jamais fait l'objet d'un suivi dans les quatre années suivantes... Cela revient à dire que le gouvernement peut traiter les contribuables comme il l'entend, mais sans avoir à légiférer sur le sujet. C'est extraordinaire.
[Traduction]
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci.
Madame la présidente, je n'ai plus de questions à poser à nos témoins, mais je voudrais vous demander s'il serait possible d'approfondir cette question, pour en avoir le coeur net sur cette préoccupation et les questions soulevées par nos témoins aujourd'hui à propos du principe en cause, question qui avait également été soulevée par l'Association du Barreau. En effet, cette modification « signale que chaque fois que la taxation est contestée avec succès par un contribuable, nous seront sujets à la possibilité d'une modification rétroactive qui pourrait annuler les droits acquis. Si la faiblesse de l'ébauche ou des conséquences non intentionnelles et imprévues sur les taxes doivent être neutralisées par l'utilisation de modifications rétroactives, les contribuables ne peuvent plus se fier au principe de la fixation de la taxe. » C'est une affirmation percutante de la part de M. Potter. Je ne veux pas proposer que l'on rejette l'idée de la rétroactivité si cela signifie des avantages pour ceux qui comptent sur les autobus scolaires et les commissions scolaires, mais j'estime que l'enjeu est plus vaste et qu'il nous faut en prendre conscience.
La présidente: D'accord.
Je rappelle à tous ceux qui sont réunis ici que tous les membres du comité ont eu accès aux conseils de juristes et qu'ils étaient conscients de cette difficultés bien avant la relâche. Tous connaissent notre échéancier car la semaine prochaine nous passons à l'étude article par article. J'exhorte donc les membres du comité qui le souhaitent à prendre conseil auprès de nos juristes.
C'est le tour de M. Pillitteri qui, si je ne m'abuse, donne une minute de son temps à M. Wilfert, ce qui mettra un terme à la période de questions.
» (1700)
M. Gary Pillitteri: Merci.
J'avais l'impression que vous étiez en train de plaider devant la Cour suprême du Canada. Quand on est agriculteur, il y a parfois des choses qu'on ne comprend pas. Vous nous mettez au défi de prendre position et de donner un verdict, alors que nous ne pouvons qu'essayer de contester ce que vous dites.
Permettez-moi de vous dire ce que je comprends de tout cela. Le ministère du Revenu ou le ministre n'essaie pas de contredire ou de contester les décisions des tribunaux, et l'on accepte les décisions rendues dans les 29 affaires. On dit que la rétroactivité remontera à décembre 1990. Si je ne m'abuse, conscient d'une lacune dans la loi, on veut s'assurer de ratisser large. Par conséquent, l'intention existait dès le départ. Je m'interroge sur le temps qu'il a fallu pour déposer les dispositions législatives, mais le gouvernement avait bien dit qu'il avait l'intention de modifier la loi.
Sauf le respect que je vous dois, et je ne suis pas avocat, je ne pense pas qu'un procureur de la Couronne ait le droit de s'engager au nom de qui que ce soit, un client, ou même au nom du gouvernement, pour affirmer que des affaires qui seront entendues à l'avenir devraient être traitées de la même façon. Il ne peut que présumer qu'on établira un précédent.
Vous avez essayé de me convaincre mais je ne sais toujours pas de quel côté me ranger. Vous me mettez moi et ceux qui font partie de notre groupe dans la situation de juge et jury. Je n'y vois pas clair à moins que vous ayez une autre façon de présenter les choses. Je vous répète que le ministre a dit clairement que la rétroactivité remonterai à décembre 1990, conscient que la loi était défectueuse et qu'il fallait couvrir toutes les éventualités dans un avenir prévisible.
Merci. C'est ce que j'avais à dire.
La présidente: Merci.
Monsieur Caron, avant de donner la parole à M Wilfert, je vous laisse le soin de dire quelques mots.
[Français]
M. André Caron: J'aimerais dire que je ne suis pas non plus avocat; on peut donc bien se comprendre.
Les choses se sont déroulées comme ceci. Le ministère de la Justice a continué à entendre les causes, pour ensuite faire des offres aux commissions scolaires, et ces dernières les ont acceptées. Des jugements ont été rendus. C'est le ministère de la Justice qui est en cause ici; c'est lui qui rend des décisions. Or, vous venez de dire que le ministère de la Justice n'aurait pas dû nous entendre et rendre des jugements.
Les jugements sont rendus et les décisions sont prises, mais le gouvernement veut revenir sur les décisions du ministère de la Justice. Ainsi, il pourrait n'importe quand déclarer qu'un jugement rendu n'est pas bon, qu'il faut le mettre de côté et recommencer. Vous venez d'entendre le point de vue de quelqu'un qui n'est pas avocat.
» (1705)
[Traduction]
La présidente: Monsieur Wilfert, vous disposez de deux minutes et demie environ.
M. Bryon Wilfert: Merci, madame la présidente.
Je voudrais que nos témoins me donnent des précisions. Vous avez évoqué l'affaire des Chênes et vous croyez savoir que la décision s'appliquera à d'autres affaires. Y a-t-il eu accord écrit entre la Couronne et les avocats représentant la commission scolaire? Dans l'affirmative, j'aimerais bien en prendre connaissance car à deux reprises j'ai entendu les mots « en tenant pour acquis » au sujet de cette affaire. Vous teniez pour acquis que la décision s'appliquerait ou vous pensiez qu'elle s'appliquerait. Si donc il y a un accord écrit avec la Couronne portant qu'il en sera ainsi, j'aimerais bien en prendre connaissance.
[Français]
Me Yves St-Cyr: Est-ce que cela changerait quelque chose à la décision?
[Traduction]
Me Yves St-Cyr: Songez-vous ici à l'interruption de procédure pour les autres cas en attendant une décision dans l'affaire des Chênes?
M. Bryon Wilfert: Je suppose qu'il y a eu quelque chose de ce genre mais je ne peux rien affirmer.
Me Yves St-Cyr: J'ai par écrit un engagement de la part du ministère qui date du moment où ils ont accepté le jugement et présenté une offre. Est-ce à cela que vous songez?
M. Bryon Wilfert: En l'occurence, les affaires entendues, avec les jugements acceptés par le ministère de la Justice, ont été tranchées en vertu de la loi actuelle mais, malgré tout, il est clair que cela n'empêche pas le Parlement, et vous l'avez reconnu messieurs, de modifier la loi rétroactivement et du reste, le ministre a annoncé son intention de faire remonter la rétroactivité au 21 décembre 2001. S'il existe un accord quelconque, s'il vous plaît, dites-le-moi.
[Français]
Me Yves St-Cyr: Je ne suis pas sûr de ce qu'il veut vraiment; cela m'apparaît ambigu. Désolé.
D'après ce que je comprends, vous voudriez savoir s'il existe une entente écrite précisant que les procédures seraient suspendues en attendant la décision sur la cause des Chênes et que, par ailleurs, le jugement serait appliqué dans un sens ou dans l'autre à toutes les autres causes. Est-ce que c'est exact?
[Traduction]
M. Bryon Wilfert: Oui.
[Français]
Me Yves St-Cyr: J'ai effectivement une entente écrite dans laquelle on dit que le ministère consent à jugement dans le cas de toutes les commissions scolaires du Québec et de l'Ontario.
[Traduction]
M. Bryon Wilfert: Et cela s'appliquerait dans des cas futurs?
Me Yves St-Cyr: Pour les affaires dont vous êtes saisis actuellement.
[Français]
M. Pierre Paquette: Il ne comprend pas.
[Traduction]
Me Roger Tassé: Je pense avoir décrit les choses très clairement. Certaines de ces affaires sont si complexes.
M. Bryon Wilfert: J'ai bien compris. Je voulais juste savoir s'il y avait un accord.
Me Roger Tassé: Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous entendez par cas futurs. Il y a eu des cas entre 1997 et 2001, avant que le ministre ne fasse cette annonce et les instances ont commencé devant les tribunaux. Les avocats ont demandé ce qu'on entendait faire dans ces cas-là. Il y avait des dizaines de cas. Les avocats des commissions scolaires et ceux du gouvernement ont dit que ces affaires seraient mises en suspens. Pourquoi? Parce qu'une autre affaire allait être entendue à la Cour d'appel fédérale et la décision en l'occurrence les guiderait si les points de droit étaient les mêmes. Ce serait facile. Voilà pourquoi j'en conclus que si l'on fait une exception pour des Chênes, on devrait en faire une pour ces cas-là également. Je voudrais m'assurer que nous nous comprenons. Je ne parle pas de cas futurs, mais tout simplement des cas entre 1997 et 2001, les instances actuelles.
» (1710)
M. Bryon Wilfert: La position du gouvernement, je le répète, est très claire en ce qui concerne les 29 cas qui précèdent l'annonce du ministre. Nous n'avons rien à redire à cela, nous acceptons cela. Vous et moi sommes d'accord. Le Parlement a la possibilité de légiférer. Un principe existe depuis de nombreuses années, et il est arrivé dans le passé, comme il arrive encore, que des jugements soient rendus entre le moment où le gouvernement a annoncé une orientation et le moment où il a déposé un projet de loi, et dans le cas qui nous occupe, je ne vois pas de différence.
C'est peut-être discutable mais j'ai présenté la chose au ministre; mes collègues d'en face ont présenté leurs arguments et il incombe au comité de prendre une décision. Encore une fois, je respecte les points de vue de nos trois témoins et je les en remercie.
La présidente: Monsieur St-Cyr.
[Français]
Me Yves St-Cyr: Je voudrais intervenir, peut-être pas comme avocat, mais comme contribuable canadien. Vous nous dites depuis un moment, monsieur Wilfert, que cette position était connue du gouvernement canadien depuis décembre 2001. Or, je n'arrive pas à comprendre la raison pour laquelle Justice Canada fait une proposition de consentement à jugement si la position est connue à ce point de son gouvernement.
M. Pierre Paquette: Trois semaines avant le budget, en plus; c'est assez extraordinaire.
[Traduction]
La présidente: Je tiens à vous remercier tous les trois. Vous avez fait un excellent travail de présentation des faits, de votre point de vue. Vous vous êtes révélés être des témoins très intéressants. Vous nous avez donné à tous matière à réflexion. J'exhorte ceux qui souhaitent approfondir cette question à faire vite car l'étude article par article commencera la semaine prochaine, sans doute mardi. Un juriste est à votre disposition.
Nous nous retrouverons ici même demain matin à 11 heures. La séance est levée.