HAFF Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 29 avril 2003
Á | 1110 |
Le président (M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)) |
M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.) |
Le président |
Á | 1115 |
M. Joe Jordan |
Le président |
M. Dick Proctor (Palliser, NPD) |
Le président |
M. Ted White (North Vancouver, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC) |
Le président |
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ) |
Á | 1120 |
Le président |
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.) |
Le président |
Á | 1125 |
M. Filip Palda (« senior fellow », Institut Fraser) |
Á | 1130 |
Le président |
Mme Nancy Peckford (membre du Conseil national, Le mouvement pour la représentation équitable au Canada) |
Á | 1135 |
Le président |
Á | 1140 |
M. Tom Kent (« fellow », « School of Policy Studies », Université Queen's, À titre individuel) |
Á | 1145 |
Le président |
M. Ted White |
M. Tom Kent |
M. Ted White |
Á | 1150 |
M. Filip Palda |
Le président |
M. Joe Jordan |
Á | 1155 |
Le président |
M. Tom Kent |
Le président |
M. Filip Palda |
Le président |
M. Michel Guimond |
M. Tom Kent |
 | 1200 |
M. Michel Guimond |
M. Tom Kent |
M. Michel Guimond |
Le président |
M. Filip Palda |
M. Michel Guimond |
M. Filip Palda |
Le président |
Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Centre, Lib.) |
 | 1205 |
Le président |
M. Tom Kent |
Mme Carolyn Parrish |
M. Tom Kent |
Mme Carolyn Parrish |
Le président |
M. Dick Proctor |
M. Tom Kent |
M. Dick Proctor |
M. Tom Kent |
 | 1210 |
M. Dick Proctor |
M. Tom Kent |
M. Dick Proctor |
M. Tom Kent |
M. Dick Proctor |
M. Filip Palda |
Le président |
M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.) |
M. Filip Palda |
M. Geoff Regan |
 | 1215 |
Mme Karen Etheridge (membre du Conseil national, Le mouvement pour la représentation équitable au Canada) |
M. Geoff Regan |
M. Tom Kent |
M. Geoff Regan |
M. Tom Kent |
M. Geoff Regan |
Le président |
M. Rick Borotsik |
Mme Nancy Peckford |
M. Rick Borotsik |
Mme Karen Etheridge |
M. Rick Borotsik |
Mme Karen Etheridge |
M. Rick Borotsik |
Mme Karen Etheridge |
M. Rick Borotsik |
M. Filip Palda |
M. Rick Borotsik |
M. Filip Palda |
 | 1220 |
M. Rick Borotsik |
M. Filip Palda |
M. Rick Borotsik |
M. Tom Kent |
Le président |
M. Jacques Saada |
Le président |
M. Jacques Saada |
Mme Karen Etheridge |
M. Jacques Saada |
 | 1225 |
M. Filip Palda |
M. Jacques Saada |
Le président |
M. Jacques Saada |
M. Tom Kent |
Le président |
M. Dick Proctor |
 | 1230 |
M. Filip Palda |
M. Dick Proctor |
M. Tom Kent |
M. Dick Proctor |
M. Tom Kent |
M. Dick Proctor |
Le président |
Mme Carolyn Parrish |
 | 1235 |
M. Filip Palda |
Mme Carolyn Parrish |
M. Filip Palda |
Mme Carolyn Parrish |
M. Filip Palda |
Mme Carolyn Parrish |
Le président |
M. Rick Borotsik |
M. Tom Kent |
M. Rick Borotsik |
M. Tom Kent |
M. Rick Borotsik |
M. Filip Palda |
M. Rick Borotsik |
M. Filip Palda |
M. Rick Borotsik |
Mme Karen Etheridge |
 | 1240 |
M. Rick Borotsik |
Le président |
M. Jacques Saada |
Le président |
M. Jacques Saada |
Le président |
M. Jacques Saada |
 | 1245 |
Le président |
M. Rick Borotsik |
Le président |
M. Jacques Saada |
Le président |
M. Rick Borotsik |
Le président |
M. Rick Borotsik |
Le président |
Le greffier du comité |
Le président |
M. Rick Borotsik |
 | 1250 |
Le président |
M. Rick Borotsik |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 29 avril 2003
[Enregistrement électronique]
Á (1110)
[Traduction]
Le président (M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)): Je voudrais dire à nos témoins que nous avons d'abord quelques questions à régler, mais nous sommes ici pour étudier le projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu (financement politique), qui traite du financement des campagnes électorales.
Il y a quelques questions concernant ce mémoire que je dois discuter avec tous les membres du comité. En ce qui concerne la représentation des syndicats, nous nous sommes entendus pour inviter des groupes-cadres du Québec ainsi que le Congrès du travail du Canada, qui est un autre groupe-cadre. Nous avons reçu une demande des TAC qui souhaitent comparaître. À titre de président, je ne voudrais pas simplement refuser de ma propre initiative. Je préfère confirmer notre entente au sujet des groupes-cadres. Ce n'est d'ailleurs pas le seul, nous avons d'autres groupes qui veulent comparaître, mais que nous refuserons. J'aimerais savoir s'il y a des objections. J'ai l'intention de dire, du moins pour le moment, que nous allons nous en tenir aux groupes-cadres. Nous verrons ensuite comment se passent les audiences. Est-ce d'accord?
Je vois que tout le monde est d'accord. Je vous remercie.
Joe Jordan.
M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Vous devriez indiquer, je crois, que tous ces groupes ont la possibilité de présenter un mémoire.
Le président: C'est ce que nous faisons tout le temps. Nous disons très clairement que tout le monde peut présenter des renseignements écrits. Comme cette séance est télévisée, je le répète maintenant. S'il y a des gens qui souhaitent présenter des mémoires, le comité sera très heureux de les recevoir.
Merci pour votre observation, Joe.
La deuxième question à aborder est celle des visites à Queen's Park, à l'Assemblée législative du Manitoba et à Québec, à cause des différences dans le financement des élections à ces endroits, particulièrement au Manitoba et au Québec, dont les régimes sont semblables, mais dont l'expérience est différente. Certains membres du comité souhaitent voyager, et d'autres pas. Comme je l'ai expliqué – et je le répète puisque nous passons à la télévision –, nous sommes un comité principal de la Chambre. Les whips des cinq partis en sont membres, de même que des leaders à la Chambre et différents hauts fonctionnaires de la Chambre des communes. Il n'est pas facile pour nous de nous déplacer. En fait, depuis que je suis président du comité, le plus loin que nous soyons allés, c'est à l'angle des rues Bank et Wellington, à bord des petits autobus verts, pour examiner le dispositif de sécurité. Autrement dit, nous ne sommes pas allés loin, et ce, pour des raisons pratiques : à cause des fonctions de certains de nos membres, il nous est difficile de voyager. Je tiens à vous dire que les membres du personnel et moi-même sommes submergés par la liste de témoins que vous avez proposés. Nous essayons de nous organiser. Nous tiendrons demain une réunion à 17 h 30 et accueillerons consécutivement deux groupes de quatre ou cinq témoins. Nous nous réunirons à nouveau le jeudi, et nous aurons encore un grand nombre de témoins la semaine prochaine, au cours de laquelle nous aurons trois séances. Par conséquent, j'ai vraiment besoin d'indications au sujet des déplacements. Nous pouvons organiser une téléconférence ou faire venir les témoins. Qu'en pensez-vous?
Joe Jordan.
Á (1115)
M. Joe Jordan: L'une de nos discussions périphériques a porté sur la situation au Manitoba. M. Proctor et M. Borotsik, qui sont au courant de ce qui se passe là, en ont très brièvement parlé. J'aime bien l'idée des panels de témoins. Si on s'entend pour dire que cela semble marcher au Québec, mais pas au Manitoba, je crois que ce serait la meilleure formule. Au lieu de nous rendre sur place et d'être submergés par un point de vue, il vaut mieux avoir un panel dont les membres pourront discuter entre eux. C'est cela qui serait intéressant. Je ne tiens pas beaucoup à voyager. S'il nous est possible de faire venir les témoins dans la même salle et en même temps, nous pourrons peut-être déterminer ce qui marche et ce qui ne marche pas, et pourquoi. Pour moi, c'est cela qui compte.
Le président: Très bien.
Je vais donner la parole à Dick Proctor, puis à Ted, mais je voudrais expliquer à Michel que, même s'il était là plus tôt, il était sorti pendant quelques instants. Nous discutons de la possibilité de nous rendre à Québec, à Winnipeg et peut-être à Queen's Park.
Dick Proctor.
M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Je crois que Joe Jordan a tout dit. Ce serait une très bonne idée de faire venir des représentants du Québec et du Manitoba en même temps, pour qu'il soit possible de profiter de leurs discussions.
Le président: Ted White.
M. Ted White (North Vancouver, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
C'est une excellente suggestion de Joe. Je voudrais simplement signaler que lorsque nous avons étudié le projet de loi C-2, Loi électorale du Canada, il y a deux ans, nous n'avons pas voyagé même s'il s'agissait d'une mesure législative extrêmement complexe et que nous lui avons consacré beaucoup de temps. Nous avons fait venir des témoins. Je ne vois pas la nécessité de voyager pour ce projet de loi.
Le président: Merci beaucoup.
Rick Borotsik.
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Monsieur le président, c'est moi qui avais mentionné qu'il ne serait pas difficile d'aller au Manitoba ou même à Québec pendant une soirée. Nous aurions alors la possibilité d'entendre plus qu'un ou deux témoins de ces provinces. Je ne vois pas d'inconvénient à faire venir des témoins, mais comment allons-nous les choisir? Allons-nous le faire en fonction des partis représentés dans les deux assemblées législatives? Allons-nous chercher à trouver les administrateurs de ces assemblées? Irons-nous chercher des membres des différents partis? Nous sommes à la recherche des faits. Il est vrai qu'il y a un cas, le Manitoba, où le système ne fonctionne pas. Ce n'est pas très différent de ce que nous avons fait dans le cas des conflits d'intérêts, lorsque nous avons fait venir les administrateurs. Ils nous en ont appris beaucoup sur les bons et les mauvais côtés et sur les éléments qu'ils jugeaient nécessaires dans le projet de loi. Je crois que nous manquerions à notre devoir si nous n'essayons pas de recueillir le plus de renseignements possibles auprès des deux assemblées. Il y en a une qui ne marche pas, mais cela pourrait être aussi simple, comme M. Proctor l'avait signalé dans le passé, que de ne pas avoir la contribution d'une province. C'est peut-être aussi une autre chose que nous ne connaissons pas.
Je suis donc d'accord pour faire venir les témoins ici. Mais comment allons-nous les choisir? C'est la grande question.
Le président: Je n'ai entendu aucun argument sur la valeur de cette consultation. À titre de président, j'ai besoin d'indications au sujet de la question des déplacements. Si vous le souhaitez, je pourrai vous faire quelques suggestions sur les personnes à inviter si nous ne faisons aucun voyage.
Michel Guimond.
[Français]
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Merci, monsieur le président.
Lorsque j'ai suggéré qu'on aille dans les deux assemblées législatives concernées, c'était tout simplement pour faire en sorte qu'on entende un nombre assez considérable de témoins dans chacune des assemblées.
Je ne déchirerai pas ma chemise pour vous convaincre qu'il est impératif qu'on y aille et j'accepterais qu'on reçoive ces personnes ici. J'ai souvent des occasions de la déchirer et je commence à manquer de chemises. Ce qui est plaisant quand on a l'interprétation, c'est que les rires fusent lorsqu'on est déjà rendu à la phrase suivante. C'est la joie de s'exprimer dans une langue autre que celle de la majorité.
Monsieur le président, je souscris à la suggestion de Joe Jordan. Par contre, et j'en informe notre greffier et nos recherchistes, je m'attends à ce qu'on reçoive ici des représentants du directeur général des élections du Québec, qui administre la Loi sur le financement des partis politiques, ainsi que des parlementaires, des élus. Apparemment, l'Assemblée nationale du Québec va commencer à siéger seulement le 3 juin à la suite des élections. Du moins, c'est ce que veut la rumeur. On aurait peut-être le temps de recevoir ces gens en mai. Je m'attends à ce que des parlementaires, des élus des trois partis à l'Assemblée nationale du Québec viennent nous rencontrer pour nous dire comment ils vivent cette réalité. Il y a le Parti libéral, le Parti québécois, et l'Action démocratique. Donc, ce panel devrait comprendre des représentants dûment élus par la population. Si on était allés dans les assemblées législatives, on aurait pu, comme mon collègue Rick Borotsik le mentionnait, rencontrer des représentants de l'administration des partis, c'est-à-dire les fonctionnaires, les permanents des partis, qui gèrent les reçus, les contributions, etc. Mais nous devrions rencontrer à tout le moins des représentants du directeur général des élections et des parlementaires élus. Ce serait peut-être plus facile si on allait les voir chez eux, mais si cela n'est pas possible, je n'en ferai pas une question de principe, monsieur le président.
Á (1120)
[Traduction]
Le président: Je vous remercie, Michel, j'ai pris note de vos suggestions.
Je voudrais être très bref, car j'ai l'impression d'avoir la réponse à ma question. Les membres préfèrent ne pas voyager. Nous pourrions organiser des panels bien étudiés.
Jacques Saada, très brièvement.
[Français]
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Si j'ai bien compris, dans les cas où on ne trouverait pas suffisamment complets les renseignements obtenus auprès des gens qu'on invite ici, on pourrait toujours, si on en éprouve le besoin, en inviter d'autres. Ainsi, la porte reste ouverte.
[Traduction]
Le président: Nous parlons précisément de cet aspect particulier des témoins représentant les assemblées législatives provinciales. Vous avez entendu Michel dire que nous devons inviter différentes personnes de chaque province. Si les membres du comité ont des suggestions à cet égard, je serais heureux de les connaître. Entre-temps, j'ai pris note de ce qui a été dit. Demain ou après-demain, c'est-à-dire d'ici jeudi, j'établirai une liste approximative des genres de personnes que nous inviterons de chaque province. Je ne serai pas encore en mesure de nommer ces personnes. De plus, nous ne voyagerons pas. Nous recevrons plutôt des panels de témoins.
Je présente mes excuses aux témoins, mais nous avons besoin de régler certains points avant de passer aux témoignages.
Aujourd'hui, nous témoins sont les suivants : de l'Institut Fraser, Filip Palda, attaché principal de recherche; du Mouvement pour la représentation équitable au Canada, Nancy Peckford, membre du Conseil national, et Karen Etheridge, que nous avons déjà rencontrée, également membre du Conseil national; et, à titre personnel, Tom Kent, qui est attaché de recherche à l'École des études politiques de l'Université Queen's de Kingston. Je souhaite la bienvenue à tous les témoins. J'ai le regret de dire que M. Bakvis, professeur à l'Université Dalhousie, qui devait également venir, nous a avertis hier qu'il avait un empêchement.
Si vous êtes d'accord, je propose de suivre l'ordre prévu au programme. Je crois que vous en avez tous un exemplaire. Ça va? Je crois savoir que chacun d'entre vous a un bref exposé à présenter. Nous écouterons tous les exposés en premier, puis nous passerons aux questions.
Filip, la parole est à vous.
Á (1125)
M. Filip Palda (« senior fellow », Institut Fraser): Je vous remercie.
À part mes fonction d'attaché principal de recherche à l'Institut Fraser, je suis professeur à l'École nationale d'administration publique de Montréal. Je vous remercie de m'avoir invité à venir témoigner.
La dernière fois que j'ai comparu devant un comité parlementaire, c'était en 1993. Il s'agissait d'un comité spécial sur la réforme du financement des élections. Le problème à cette époque était ce qu'on appelait la loi du bâillon. Le projet de loi examiné alors constituait une importante réforme de la Loi électorale du Canada. Cette loi a subi de nombreuses modifications depuis son adoption en 1974. Chaque fois, elle devient plus longue et plus compliquée à lire. En 1993, quand j'ai témoigné, il s'agissait de déterminer si ce qu'on appelait les tiers pouvaient influencer les élections et contourner les limites de dépenses prescrites par la Loi électorale du Canada. Ces tiers pouvaient-ils être dangereux? L'argent pouvait-il exercer une influence indue au cours des élections? C'était l'épouvantail. Aujourd'hui, j'ai l'intention de présenter des arguments contre la notion que l'argent constitue un facteur de corruption dans le processus électoral ou qu'il exerce une influence indue.
L'expression « influence indue » est vague. La Cour du banc de la Reine de l'Alberta avait examiné en 2000 une affaire concernant la loi du bâillon. De nombreux experts du gouvernement étaient venus témoigner contre la National Citizens Coalition. On leur avait demandé ce qu'était l'influence indue. Ils avaient eu beaucoup de difficultés à donner une définition. J'ai lu le compte rendu de séances précédentes du comité. On y voit l'expression « influence indue », mais que signifie-t-elle? Les universitaires ne savent pas vraiment. En fait, un récent article qui a paru dans une importante revue américaine affirme que trois études sur quatre portant sur l'influence de l'argent en politique n'aboutissent à aucun résultat. Il est très difficile d'établir un lien entre le montant d'une contribution à une campagne électorale et le résultat qui en découle. Le mystère, pour les auteurs de ces études, ce n'est pas pourquoi tant d'argent est dépensé en politique, c'est plutôt pourquoi si peu d'argent est dépensé en politique.
Considérons ceci. Examinons, sur le site Web du directeur général des élections du Canada, qui sont les 50 plus grands donateurs des partis politiques. Parmi les sociétés, je crois que Bombardier est en tête avec 140 000 $. Plus bas sur la liste, il y avait la Banque Royale, avec 80 000 $. Est-ce que ces montants achètent de l'influence? Si oui, je vais vendre ma maison, venir à Ottawa et prendre ma part des subventions. Je pourrais ramasser des millions de dollars si vous pensez que ces montants sont liés à ce que les groupes d'intérêts spéciaux obtiennent. Je ne sais pas si c'est votre rôle, mais j'aimerais bien voir des parlementaires me dire où se manifeste l'influence indue. Qui vous a approché dans le passé? Quel danger voyez-vous dans les contributions venant de sociétés et de syndicats? Je soutiens qu'elles ont un but constructif et sont essentielles à la concurrence électorale.
Je mentionnerai quelques problèmes que je vois dans le projet de loi, puis je vous présenterai une suggestion pratique.
L' un des problèmes réside dans ce que j'appelle l'extension de la loi. Nous l'avons vu dans le cas de la loi du bâillon, lorsqu'il a fallu définir les dépenses des tiers : on avait dit alors que cela s'appliquait à toute publicité électorale portant sur une question à laquelle un parti politique est associé. C'était tellement vaste que presque n'importe quel discours d'un citoyen pouvait s'inscrire dans cette définition. Que va-t-il arriver si vous empêchez les sociétés et les syndicats de contribuer? Ils vont peut-être créer un groupe de réflexion pour exprimer leur point de vue par son intermédiaire. Que ferez-vous ensuite? Allez-vous interdire les groupe de réflexion? Et s'ils recourent à la publication d'un bulletin, allez-vous interdire les bulletins? Par conséquent, l'extension de la loi peut comporter un danger.
Je suis opposé au versement de subventions aux partis, parce que cela peut les couper de la réalité. En effet, si les partis reçoivent des subventions, vont-ils encore aller se renseigner sur les préoccupations des syndicats et des entreprises? Pourquoi les contributions des syndicats et des sociétés sont-elles essentielles pour la concurrence politique? C'est parce que nous avons un système politique concurrentiel. Si une entreprise ou un syndicat a trop d'influence, un autre viendra plaider sa cause et offrira une contribution à un candidat ou un parti. Les contributions des sociétés sont très importantes pour les candidats eux-mêmes. En les interdisant, vous centraliserez le pouvoir dans les partis et empêcherez les nouveaux candidats de se distinguer. Or, dans une démocratie, les élections incitent à trouver de nouvelles idées et à innover. En centralisant, vous limiterez l'innovation et rapprocherez notre système de celui des partis européens, et surtout allemands, qui reçoivent d'énormes subventions.
Á (1130)
Voici ma suggestion pratique. Je ne sais pas si vous avez déjà abordé cette question, mais lors des élections de 2000, les députés envoyaient encore des bulletins parlementaires dix jours après le début de la campagne électorale. En 2000, cela était permis. Si vous vous inquiétez de la réglementation des dépenses en période électorale, vous devriez peut-être vous occuper dans le projet de loi de la franchise postale qui, en 2000, a coûté en moyenne 28 000 $ par an pour chaque parlementaire.
Voilà, j'ai terminé. Je vous remercie.
Le président: Filip, merci beaucoup pour votre exposé. Nous apprécions votre présence et votre point de vue.
Nous passons maintenant à Nancy Peckford, du Mouvement pour la représentation équitable au Canada.
Mme Nancy Peckford (membre du Conseil national, Le mouvement pour la représentation équitable au Canada): Je vais commencer, puis Karen se joindra à moi.
[Français]
Je m'appelle Nancy Peckford et suis directrice du Mouvement pour la représentation équitable au Canada. C'est pour moi un grand plaisir d'être ici aujourd'hui, et je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de faire cette présentation.
[Traduction]
Je vis ici, à Ottawa. Je suis membre du Conseil national du Mouvement pour la représentation équitable au Canada, groupe de citoyens qui préconise une réforme du système électoral. Je suis accompagnée de Karen Etheridge, de Colombie-Britannique. Elle est également membre de notre conseil. Nous avons apporté quelques documents que vous pourrez consulter plus tard. Karen répondra à vos questions.
Le Mouvement pour la représentation équitable, vous le savez peut-être, a tenu son tout premier congrès au printemps 2001. Depuis, deux conférences annuelles ont eu lieu, la plus récente, le week-end dernier. Karen et moi-même avons été élues au cours de la deuxième conférence. Le Mouvement à des membres qui appartiennent à la plupart des partis politiques. Notre présidente, Doris Anderson, est une féministe bien connue et une ancienne candidate du Parti libéral du Canada, tandis que notre vice-président sortant, Troy Lanigan, est un militant de la Fédération des contribuables canadiens. Nous avons un conseil consultatif national, qui comprend notamment les députés Lorne Nystrom, Carolyn Bennett et Ted White, les anciens députés Ed Broadbent et Patrick Boyer ainsi qu'un certain nombre d'activistes politiques, allant de Judy Rebick et Ken Georgetti, à gauche, à Hugh Segal et Walter Robinson, à droite.
Nous avons récemment réuni les noms d'une centaine de politicologues canadiens appartenant à 34 universités, qui appuient notre appel en faveur d'un référendum qui permettrait aux simples citoyens canadiens de concevoir le processus des élections législatives. Les membres du comité qui s'intéressent à ce référendum peuvent consulter notre documentation plus tard. Nous nous intéressons au projet de loi C-24 à cause de l'interaction qu'il pourrait avoir avec un nouveau système électoral que les Canadiens pourraient choisir un jour. Nous croyons d'ailleurs que ce jour n'est peut-être pas si loin. Nous avons l'intention d'aborder ce sujet avant de passer à notre position sur le projet de loi.
Il existe actuellement dans le pays un mouvement assez important en faveur d'un système électoral démocratique moderne. Il est possible, en particulier, qu'au moins quatre provinces aient un nouveau système électoral ou un système électoral modifié d'ici la fin de la décennie. Certains développements qui se sont produits dans ce dossier sont extrêmement récents. Nous voulions vous en faire part pour que vous puissiez en tenir compte dans vos délibérations.
À l'Île-du-Prince-Édouard, le gouvernement a commandé et reçu une étude indépendante sur le système électoral. Par suite de cette étude, le gouvernement a nommé un commissaire, M. Norman Carruthers, ancien juge en chef de la province, pour entreprendre des consultations avec les citoyens et présenter une recommandation à l'assemblée législative. M. Carruthers commencera ses consultations publiques dans l'Île-du-Prince-Édouard cet été.
Au Québec, l'ancien gouvernement du Parti québécois a tenu des consultations publiques semblables sur différents aspects de la gouvernance, et notamment sur le système électoral, consultations qui ont culminé avec les États généraux, auxquels ont assisté un millier de Québécois l'année dernière. Par la suite, il y a eu, comme nous le savons, des élections législatives provinciales au Québec, au cours desquelles les trois partis représentés à l'Assemblée nationale se sont déclarés en faveur de la représentation proportionnelle. Les États généraux ont démontré que les Québécois sont très favorables à un tel système. Une proportion de la population pouvant atteindre 90 p. 100 a déclaré, d'une façon ou d'une autre, son appui à une telle réforme. C'est appui est partagé par une majorité des députés du nouveau gouvernement libéral du Québec, comme l'a révélé un sondage récent du Mouvement pour une démocratie nouvelle.
En Colombie-Britannique, le gouvernement libéral s'est engagé à tenir une assemblée de citoyens pour discuter du système électoral. Hier, un ancien président de l'Université Simon Fraser, Jack Blaney, a été proposé comme président de l'assemblée. Celle-ci sera composée de 158 simples citoyens, choisis par tirage à raison de deux pour chacun des 79 districts électoraux de la province. Le procureur général de la Colombie-Britannique a publié le rapport de l'étude indépendante rédigé par Gordon Gibson, qui fixe les délais de formation de l'assemblée, et a réitéré la détermination du gouvernement de mener à bien ce processus. Celui-ci doit aboutir à une recommandation en décembre 2004. Si cette recommandation favorise un changement du système électoral, un référendum aura lieu en mai 2005.
Enfin, en Ontario, les deux partis d'opposition – le Parti libéral et le Nouveau Parti démocratique – s'intéressent à un changement du système électoral. En particulier, le chef libéral a promis à plusieurs reprises que, si son parti formait le gouvernement, il tiendrait un référendum sur la réforme électorale durant son premier mandat.
Par conséquent, il est très possible qu'avant 2010, nous ayons, pour la première fois depuis les années 50, des élections provinciales qui ne se conformeraient pas au système uninominal majoritaire à un tour, mais qui comprendraient peut-être une forme de représentation proportionnelle. Nous nous disions en plaisantant, vendredi soir dernier, que la course est maintenant ouverte entre quatre provinces qui s'intéressent beaucoup à un nouveau système électoral pour élire les députés provinciaux. Si un système de vote démocratique est établi dans une ou plusieurs provinces, il est inévitable, à notre avis, qu'une telle réforme soit au moins envisagée pour la Chambre des communes elle-même et pour le processus électoral fédéral. En fait, la Commission du droit du Canada, organisme fédéral indépendant, est en train de conclure des consultations publiques sur une réforme électorale qui ont duré un an. La Commission présentera ses recommandations au Parlement l'année prochaine. Il existe donc une possibilité raisonnable que le projet de loi à l'étude puisse, une fois adopté, rester en vigueur plus longtemps que le système uninominal majoritaire à un tour. Nous vous demandons de ne pas perdre de vue ce fait pendant que vous examinez le projet de loi.
Á (1135)
Le Mouvement pour la représentation équitable s'intéresse au projet de loi parce qu'il ne veut pas que le système de financement électoral se transforme en obstacle institutionnel qui empêche les Canadiens de choisir un nouveau système électoral. Il faudrait que, dans toute la mesure du possible, le régime de financement politique soit indépendant du système de scrutin. Je vais vous donner un exemple de ce que nous entendons par là, pour le cas où ce ne serait pas clair. Quelques membres du comité ont dit que le projet de loi pourrait établir un régime de financement public par candidat ou par association de circonscription, qui remplacerait les collectes de fonds actuellement organisées par les partis, et notamment les dons offerts par les sociétés et les syndicats. Le Mouvement pour la représentation équitable croit qu'il serait difficile de concilier un modèle de financement fondé sur les associations de circonscription avec certaines formes de représentation proportionnelle qui ne sont pas basées sur les circonscriptions. Même là où il y en a, comme dans le système mixte de l'Allemagne et de la Nouvelle-Zélande, certains partis pourraient ne pas vouloir se présenter dans une circonscription, tout en ayant une liste complète de candidats. Dans ce cas, le remboursement par association de circonscription ne fonctionnerait pas.
Il existe d'autres modèle de représentation proportionnelle, comme le système à vote unique transférable utilisé en Irlande, qui a des circonscriptions, mais où certains partis peuvent trouver avantageux de présenter plusieurs candidats dans une circonscription. Dans un système de financement par candidat, certains partis pourraient chercher un avantage électoral et d'autres, un avantage financier.
De toute évidence, les réformes envisagées au niveau provincial, qui pourraient également l'être au palier fédéral, comprennent particulier la représentation proportionnelle. Notre Mouvement demande au comité, tandis qu'il examine les détails du projet de loi, de garder à l'esprit qu'un jour, le régime de financement pourrait s'appliquer à des élections dans lesquelles les votes sont convertis en sièges d'une façon complètement différente. C'est l'essentiel de notre message et la principale raison pour laquelle nous tenions à vous présenter cet exposé.
Karen répondra à toute question que vous pourriez avoir.
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à Tom Kent, qui travaille pour l'Université Queen's, mais qui est ici à titre personnel.
Á (1140)
M. Tom Kent (« fellow », « School of Policy Studies », Université Queen's, À titre individuel): Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici.
Je vais profiter de mon âge dans ces très brèves observations pour vous dire que ce projet de loi constitue la mesure législative la plus importante à être présentée au Parlement depuis la Loi constitutionnelle de 1982. Si le projet de loi C-24 sort indemne de vos délibérations, je crois que vous aurez favorisé la plus grande amélioration de la démocratie politique depuis que les femmes ont obtenu le droit de vote, il y a près d'un siècle.
Permettez-moi de consacrer quelques minutes au principe du projet de loi, qui me paraît très mal compris. La démocratie va au-delà du suffrage universel, qui assure une voix à chaque personne. Aujourd'hui, toutes sortes de régimes permettent le suffrage universel. La démocratie permet de donner leur chance aux gens qui veulent jouer un rôle actif en politique. Elle signifie que chacun jouit de la même liberté pour favoriser le candidat, le parti ou la politique qu'il ou elle préfère. Cette égalité démocratique des chances est ridiculisée – j'emploie ce mot à dessein – quand un groupe quelconque peut financer des partis et des candidats. Nous avons alors une minorité privilégiée qui, parce qu'elle se compose de cadres d'entreprises, de syndicats ou autres, peut appuyer ses préférences politiques non seulement avec son argent et ses voix, mais aussi avec les ressources d'organismes établis à d'autres fins, des organismes qui ont le droit juridique de s'occuper de leurs propres affaires, mais non de participer à la direction du pays.
La mesure dans laquelle les contributions politiques achètent du pouvoir est bien sûr contestable. Les universitaires peuvent produire toutes sortes de chiffres à ce sujet. Il est peut-être vrai, comme certains le soutiennent, que les cadres d'entreprises se sentent importants quand ils dépensent l'argent de leurs actionnaires à des fins non prévues, qu'ils le font non dans l'intérêt de leur entreprise – seul motif pour lequel on leur a confié cet argent –, mais pour plaire aux politiciens, apparemment sans exercer une influence quelconque sur ceux-ci. Tout cela est cependant contestable. Je ne crois pas que ces cadres soient tellement naïfs, mais là n'est pas vraiment le point. Que ce soit vrai ou faux, le fait de croire à la puissance politique de l'argent est incompatible avec le principe du gouvernement responsable.
Je soutiens donc que nous avons besoin du projet de loi C-24. Il y a eu des moments – j'en ai l'expérience – où les partis jouaient leur rôle sans disposer de fonds très importants. Je crois que cela a été vrai pendant le demi-siècle qui a suivi l'accession des femmes au droit de vote, avant que les campagnes électorales ne soient devenues à ce point tributaires de la télévision. Quoi qu'il en soit, depuis les années 60, il est indubitable que l'argent a créé une véritable dépendance, dont on ne pourra pas se libérer sans douleur.
Le projet de loi C-24 semble briser ce joug aussi efficacement qu'on peut raisonnablement l'espérer. Bien sûr, le maintien de la contribution de 1 000 $ par entreprise et par an est tout à fait contraire au principe de la réforme, mais on pourrait bien considérer que c'est la dose de maintien nécessaire aux gens qui sont incapables de renoncer d'un seul coup à leurs vieilles habitudes. Le montant demeure quand même dangereusement élevé. Le fait de le majorer reviendrait à abandonner la thérapie et à trahir la réforme démocratique. À son montant actuel, cette contribution est une concession à peine défendable.
Il y a également un autre aspect du projet de loi qui est difficile à défendre. De toute évidence, il faut plus de fonds publics pour remplacer partiellement l'argent provenant des contributions actuelles. Des dépenses publiques sont nécessaires pour financer un processus démocratique tellement important. Toutefois, à mon avis, la plus grande partie des fonds supplémentaires devrait servir au financement direct des partis, à parts égales, pour l'information, la discussion, la télévision, etc. La répartition envisagée de l'argent en proportion des suffrages exprimés quatre ou cinq ans plus tôt serait injuste pour les partis établis et carrément discriminatoire envers les nouveaux partis.
Á (1145)
Je crois que beaucoup de gens espèrent que le comité trouvera une meilleure formule de répartition du financement public. La liste à jour des membres inscrits de chaque parti serait l'idéal, en principe, s'il y a un moyen de s'assurer de l'honnêteté des mesures prises pour encourager les gens à s'inscrire. Cela peut être difficile. Autrement, on pourrait songer à une nouvelle ligne sur la déclaration de revenus invitant les contribuables à donner leurs préférences parmi les partis officiels pour ce qui est du financement public de l'année. On pourrait craindre cependant qu'un trop grand nombre de déclarations portent la réponse : « Aucun des précédents. »
Je ne voudrais pas conclure sur cette note cynique. Voici donc une autre observation. Il n'y a pas de doute que des personnes rusées tenteront de contourner les dispositions du projet de loi C-24. Toutefois, même s'il est souvent avancé, cet argument s'applique autant au projet de loi qu'à d'autres dispositions en faveur de l'ordre et de la loi. Tout ce qu'il signifie, c'est que nous avons besoin d'une mise en vigueur soigneuse et équitable aussi bien en politique que dans la rue et dans les conseils d'administration des sociétés.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup. Je remercie tous les témoins. Vous avez été très clairs et très concis. J'espère que nous pourrons continuer de la même façon.
Pour votre gouverne, nous procédons à des échanges de questions et réponses de cinq à six minutes entre les témoins et chaque membre du comité. C'est en fait le temps accordé à chaque membre. Par conséquent, je pourrais avoir à vous interrompre simplement parce que ce temps est écoulé. Les questions passent alternativement d'un côté et de l'autre de la table. Notre objectif est de faire un tour de table complet et, si possible, de recommencer. Nous allons donc procéder de cette façon.
À vous, Ted White.
M. Ted White: Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
Je voudrais d'abord remercier le Mouvement pour la représentation équitable qui a signalé les difficultés que pourrait poser au moins une autre formule de financement, celle qui serait basée sur les associations de circonscription. Je crois que vous avez attiré l'attention du comité sur un aspect très important du projet de loi, celui de son application possible à d'autres systèmes de scrutin. Je vous en remercie beaucoup.
Filip, je vous remercie également d'avoir soulevé la question de la franchise postale, qu'il vaut la peine d'examiner. Je vais sûrement voir s'il est utile de modifier le projet de loi pour en tenir compte.
J'adresse cependant cette question à Tom Kent. Il a dit ceci dans son exposé : que ce soit vrai ou faux, le fait de croire à la puissance politique de l'argent est incompatible avec le principe du gouvernement responsable. L'opposition officielle croit que la vraie raison pour laquelle ce projet de loi a été déposé à la Chambre est que nous avons réussi à établir des liens, vrais ou faux, entre les contributions des grandes sociétés et les marchés attribués par le gouvernement. Au moins, il est de notoriété publique que ces sociétés offrent des contributions. Cela nous a donné l'occasion de faire enquête sur certains de ces cas. Une fois que le projet de loi C-24 aura été adopté, il n'y aura plus d'occasions de ce genre. L'un des rôles de l'opposition officielle disparaîtra complètement parce que nous n'aurons aucun moyen d'établir des liens avec les marchés que le gouvernement attribue à ses amis. Vous pouvez entendre rire les membres du parti gouvernemental. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, monsieur Kent. Croyez-vous que le projet de loi C-24 va à l'encontre de l'argument que vous avez présenté dans votre exposé?
M. Tom Kent: Non, je ne le crois pas. La question fondamentale n'est pas de savoir si les contributions des sociétés influent sur une décision particulière du gouvernement. Il est possible que ce soit le cas, mais je m'intéresse plutôt au climat général qui règne en politique et à l'idée qu'en politique, c'est l'argent qui compte. Cette conviction est bien enracinée et se perpétuera tant que les politiciens, et particulièrement les candidats à la direction de leur parti, etc. dépendront à un tel point des contributions des sociétés. Je connais bien la campagne d'un candidat à la direction du parti libéral : pour se faire élire chef du parti en 1958, Lester B. Pearson a dépensé 3 000 $, pas 3 millions ni 10 millions. À cette époque, on aurait très probablement pu dire la même chose de M. Diefenbaker et du parti conservateur. Je suis persuadé que sa campagne à la direction du parti n'a coûté presque rien d'après les normes d'aujourd'hui. Il fut un temps où l'influence de l'argent en politique était relativement petite. Elle est devenue très grande. À mon avis, cela a entraîné une détérioration très réelle de l'intérêt des gens et de leur foi dans le processus démocratique.
M. Ted White: Très bien.
Je vais juste poser une brève question à Filip. Est-ce que l'Institut Fraser souhaite que ce projet de loi soit entièrement éliminé, ou bien croit-il que quelques modifications peuvent le rendre acceptable?
Á (1150)
M. Filip Palda: C'est un projet de loi compliqué. Il y a un élément que je ferais complètement disparaître : toute limite imposée sur les contributions des syndicats et des sociétés. Je m'interroge encore une fois sur le tort que ces contributions peuvent causer. La lecture de la décision rendue par la Cour du banc de la Reine de l'Alberta en 2000 est très intéressante. Peter Aucoin, chercheur principal de la Commission Lortie, Jean-Pierre Kingsley et quelques autres spécialistes ont été invités à préciser le tort causé par les dépenses des tiers en période électorale. C'est un aspect un peu différent, mais il s'agit quand même d'argent dépensé au cours d'une campagne électorale. Ces spécialistes ont eu beaucoup de difficultés à le faire, c'est-à-dire à préciser le tort causé par ces dépenses.
Lorsqu'il est venu témoigner ici, Ed Broadbent a mentionné qu'au Sénat des États-Unis, beaucoup des membres sont millionnaires. En fait il avait dit que tout le monde est millionnaire. Je ne suis pas d'accord, mais la réalité n'est pas très loin. Il y a beaucoup de gens riches au Sénat américain. Pourquoi? Partiellement, disent les politiciens américains, parce que les limites imposées sur les contributions font qu'il est extrêmement coûteux de lancer une campagne. Si on est inconnu, il est très coûteux de recueillir l'argent en tranches de 1 000 $. Dans ces conditions, qui est-ce qui part favori? Ce sont ceux qui peuvent financer eux-mêmes leur propre campagne. Par conséquent, ce projet de loi peut avoir un effet pervers en faisant de plus en plus du Parlement une chasse gardée pour les riches. Que ce soit bon ou mauvais, je ne sais pas, mais vous devez y penser.
Ted, vous êtes en faveur de l'élimination des contributions des sociétés. Mais l'influence des sociétés et des syndicats ne disparaîtra pas pour autant. Qu'allez-vous faire ensuite? Vous allez devoir lancer vos filets de plus en plus loin.
Le président: Joe Jordan.
M. Joe Jordan: Merci, monsieur le président. Je voudrais aussi remercier les témoins.
Je vais commencer par toute cette idée de franchise postale. Je me souviens de la controverse qu'elle avait suscitée. Sauf erreur, c'est le Bureau de régie interne qui en est responsable. Je ne sais pas, monsieur le président, si nous sommes habilités à lui présenter des recommandations. En l'absence d'une date fixe pour les élections, il y aura toujours des choses en préparation. La question est de savoir de combien de temps on dispose pour terminer les affaires en cours une fois que des élections sont déclenchées. De toute évidence, je suis bien d'accord, nous avons besoin d'un moyen de mettre un terme à cette franchise. Je ne crois pas que des politiciens sortants devraient profiter de la franchise postale, ne serait-ce qu'une fois. Je ne sais pas quelle serait la procédure à suivre, monsieur le président, mais je ne crois pas qu'elle concerne le projet de loi. Ce serait plutôt le Bureau de régie interne. Vous trouverez, je pense, que tout le monde est d'accord pour supprimer la franchise postale, car elle est indéfendable dans ces conditions.
Quant à la relation entre l'argent et la politique, qui est la base de ce dont nous parlons ici, je ne pense pas que nous ayons nécessairement à trouver une preuve empirique. Si on va simplement substituer l'argent aux relations qui existent entre les sociétés, les syndicats ou les particuliers et leurs politiciens, l'inconvénient, pour moi, est que chacun n'aura pas un accès égal à l'argent. Walter Robinson a dit une chose intéressante quand il était ici. Il a dit que le système fonctionne ici et qu'il faudrait aller travailler pour gagner ces contributions. Je me vois davantage aller travailler pour gagner des voix, non des contributions. M. Broadbent a dit, de son côté, que nous devrions pendre l'agent si nous le pouvons, mais ce n'est pas facile. C'est un processus assez compliqué que nous essayons de maîtriser.
Voici la question que je veux poser aux trois témoins. J'ai pensé, dès les premiers stades du projet de loi et pendant les audiences, que nous voudrons peut-être envisager des restrictions sur les dépenses. Monsieur Kent, vous avez abordé ce point. Contrairement aux Américains, les Canadiens ne peuvent pas dépenser leur propre argent, qui est soumis aux mêmes restrictions que l'argent des autres. Par conséquent, que pensez-vous des limites imposées sur les dépenses? Croyez-vous que nous devons envisager de les abaisser? Je vais vous donner un exemple. Je représente une circonscription de l'est de l'Ontario qui compte environ 98 000 habitants. À l'occasion d'élections fédérales, je peux dépenser 63 000 $. Ayant passé toute ma vie en politique, je peux vous dire que c'est trop. Je ne sais pas quelle est la limite, mais si nous pouvons surmonter la dépendance, nous aurons une meilleure chance de réduire le rôle réel ou perçu de l'argent en politique.
Enfin, nous devrons repenser la formule de répartition des fonds publics supplémentaires. Vous avez tous mentionné que le nombre de votes obtenus aux élections précédentes ne peut pas servir de base. Nous allons devoir étudier sérieusement les possibilités.
Á (1155)
Le président: Voilà un bon exemple d'une longue question qui recevra une brève réponse, je le crains.
Tom Kent.
M. Tom Kent: Il serait regrettable de ne pas réduire les limites des dépenses. J'en conviens volontiers, mais pour que ce soit réalisable en pratique, il faudrait que les fonds publics servent à des fins générales, c'est-à-dire, comme je l'ai toujours affirmé, à assurer beaucoup plus de temps d'antenne gratuit à la télévision et à la radio et aussi beaucoup plus d'espace gratuit dans la presse pour tous les partis, à des fins d'information, de discussion, d'échange de vues, de débat, etc. Si tout cela était disponible à l'échelle nationale, il serait raisonnable de réduire les limites de dépenses. Autrement, il faudrait une réforme beaucoup plus vaste.
Le président: Filip.
M. Filip Palda: Je suis contre toute forme de limitation des dépenses en période électorale, surtout si ce sont les titulaires qui définissent les règles du jeu. Tant la recherche spécialisée que l'impression des gens quand vous parlez aux candidats, et surtout aux nouveaux, tendent à prouver que l'argent est beaucoup plus important pour les nouveaux venus que pour les partis établis.
Le président: Avant de poursuivre, j'ai une observation à faire au sujet de la franchise postale. Le Règlement de la Chambre nous permet de faire ce que Joe a suggéré. Je voulais simplement le mentionner.
Michel Guimond.
[Français]
M. Michel Guimond: Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, merci pour votre présentation. Je vais commencer par féliciter le professeur Kent de nous avoir soumis un document dans les deux langues officielles du Canada, le français et l'anglais.
La semaine dernière, avant la relâche de Pâques, nous avons rencontré la National Citizens' Coalition, une association qui était présidée par le chef actuel de l'Alliance canadienne, qui a un budget de plusieurs milliers de dollars et qui n'a même pas eu la politesse et la délicatesse de présenter un document dans les deux langues. Elle a déposé son document illégalement. Mes collègues reconnaîtront que j'ai de la mémoire.
Ma question s'adresse à vous, professeur Kent. À la toute fin de votre présentation, au dernier paragraphe, vous terminez par la phrase suivante: « Des personnes rusées tenteront de contourner les dispositions du projet de loi C-24... ». Je suis persuadé que vous avez procédé à une étude sérieuse du projet de loi, et j'aimerais que vous m'indiquiez lesquelles de ses dispositions prêtent le flanc--je ne parlerai pas de fraude--à la manipulation ou à une interprétation erronée ou élastique. Quelles en sont les dispositions qui peuvent être plus fragiles? Est-ce que celle qui porte sur la question de limiter les contributions à 1 000 $ pour les sociétés en est une? Pourriez-vous m'indiquer quelles dispositions pourraient être faciles à contourner? J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
[Traduction]
M. Tom Kent: Le danger, je crois, viendrait principalement des grandes sociétés, qui trouveraient des moyens de mettre de l'argent entre les mains des cadres, par exemple, qui prétendraient alors faire des contributions personnelles. Ce serait un moyen coûteux de le faire parce qu'il serait alors difficile de soustraire l'argent supplémentaire à l'impôt sur le revenu. N'empêche, il y aura quand même des tentatives de contourner ces dispositions d'une façon ou d'une autre. On avance parfois cet argument pour soutenir que rien ne fonctionnera et qu'il ne faut donc rien faire. À mon avis, ce n'est pas plus un argument contre le projet de loi que contre le code de la route ou n'importe quoi d'autre. Il y aura sûrement des manquements aux règles, mais il faut faire de son mieux pour les appliquer.
 (1200)
[Français]
M. Michel Guimond: Donc, vous voulez dire qu'une société qui aurait décidé cette année que sa contribution serait de 100 000 $... Disons que je suis président d'une papetière et que j'ai décidé que notre compagnie donnerait 100 000 $. Étant donné que la compagnie ne peut donner 100 000 $, elle demanderait à ses vice-présidents de donner chacun 10 000 $. Autrement dit, elle ferait indirectement ce qu'il n'est pas permis de faire directement. C'est ce que vous craignez?
[Traduction]
M. Tom Kent: Ce serait effectivement le genre de risque qu'on pourrait courir. Je ne crois pas qu'il soit très important. On devrait pouvoir l'affronter assez facilement. Mais le risque existe. Il faut en être conscient.
[Français]
M. Michel Guimond: D'accord. Ma deuxième question s'adresse à M. Palda de l'Institut Fraser.
On connaît très bien les positions de l'Institut Fraser sur bon nombre de dossiers. Je dirai poliment que vous n'avez pas la réputation d'être un organisme très à gauche. Vous avez répondu honnêtement à une question directe de M. Jordan en disant que vous recommandiez d'éliminer carrément les limites des montants. À Québec, René Lévesque avait voulu imposer ces limites entre autres pour préserver l'indépendance des élus et l'indépendance des gouvernements vis-à-vis des grosses sociétés.
Dans le système actuel, les six grandes banques du Canada ont contribué à coups de 200 000 $, 250 000 $ ou 300 000 $. Lorsque le gouvernement veut réviser la Loi sur les banques, est-ce qu'il est complètement indépendant? Est-ce qu'il est libre de toute attache? Je prends l'exemple des banques, mais je pourrais aussi prendre celui des pétrolières. Ne croyez-vous pas que cette limite a pour objectif de préserver l'indépendance de nos élus?
[Traduction]
Le président: Je dois vous demander d'être bref, s'il vous plaît.
[Français]
M. Filip Palda: Je vais tout simplement répondre en vous posant une question. Le Québec a cette loi sur les limites des contributions des sociétés et des syndicats depuis 1966.
M. Michel Guimond: Depuis 1977.
M. Filip Palda: D'accord. Je veux comparer les provinces qui ont de telles limites et celles qui n'en ont pas. Est-ce que l'influence des sociétés est moindre au Québec qu'elle l'est en Alberta, par exemple?
[Traduction]
Le président: Carolyn Parrish.
Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Centre, Lib.): J'ai deux observations à faire. D'abord à M. Palda.
Quand vous avez dit que l'interdiction des contributions électorales donnerait lieu à la création de groupes de réflexion, de clubs et de bulletins, ma première réaction a été de me dire : voilà un type rusé. Oui, il y a toujours un autre moyen d'agir, mais si l'on crée un groupe de réflexion, le public le classe assez rapidement comme étant de droite, de gauche, du centre, etc. Par conséquent, la documentation produite par le groupe n'a pas le même impact qu'un prospectus anonyme qui arrive par la poste, dont on ne connaît pas la source et dont on ne sait pas s'il est vrai ou faux. C'est juste un commentaire.
En ce qui concerne la franchise postale, j'ai constaté que la distribution d'un bulletin dès le début d'une campagne électorale peut avoir des effets négatifs. Les gens sont mécontents parce qu'ils ont l'impression que l'expéditeur abuse. J'ai donc décidé d'annuler un bulletin qui devait partir avant des élections. Il était en préparation et c'était le moment normal de l'expédier. J'ai préféré appeler l'imprimeur pour lui demander de tout arrêter. J'avais constaté, en effet, que lorsque je m'étais présentée contre l'ancien député de la circonscription, un incident de ce genre avait provoqué la colère des gens. Nous sommes sensibles à ce facteur. Je crois que beaucoup de députés s'abstiendraient dans ces circonstances.
J'ai deux questions à poser à M. Kent. Je trouve fascinante l'idée de la ligne dont vous avez parlé sur la déclaration de revenus, sauf qu'elle maintient la discrimination envers les pauvres du pays. Beaucoup de gens ne présentent pas de déclaration d'impôt. Aux élections municipales, le taux de participation est de 23 p. 100. Les pauvres et ceux qui ont besoin d'un logement subventionné ne votent pas. Les politiciens municipaux ne vont pas les voir parce qu'ils ne sortent pas et ne votent pas. Cela m'inquiète, mais je ne sais pas comment surmonter cet obstacle.
De plus, vous n'avez pas parlé des contributions personnelles de 10 000 $, que je trouve scandaleuses. Je préférerais voir une société donner 1 000 $ à 10 personnes que de voir un particulier avoir la possibilité d'offrir 60 000 $ dans une année. Je trouve cela vraiment excessif.
 (1205)
Le président: Monsieur Kent.
M. Tom Kent: Je suis tout à fait d'accord en ce qui concerne votre objection relative à la ligne sur la déclaration de revenus. On peut penser en particulier aux Autochtones dans ce cas.
Mme Carolyn Parrish: Oui.
M. Tom Kent: Ce n'est pas une idée que je préconise. Je l'ai mentionnée comme simple possibilité.
Pour ce qui est des contributions personnelles, je trouve moins scandaleux, du point de vue de la démocratie, de voir des gens dépenser leur propre argent plutôt que des cadres qui détournent – car c'est du détournement, à mon avis – l'argent de leurs actionnaires, même s'il s'agit d'une petite entreprise, car ils peuvent déclarer ces contributions comme dépenses d'affaires et les exclure ainsi de leur revenu imposable. Je crois qu'un tel détournement de l'argent des sociétés ou des syndicats est beaucoup plus grave que les contributions personnelles. Je conviens avec vous qu'une contribution de 10 000 $ est très élevée, mais je ne crois pas que les montants dépensés par des particuliers importent autant que ceux qui proviennent d'entreprise ou d'organisations.
Mme Carolyn Parrish: Merci beaucoup.
Le président: Dick Proctor.
M. Dick Proctor: Merci, monsieur le président.
Monsieur Kent, je vous remercie de votre exposé. Merci à vous tous pour vos exposés. Je voudrais parler de la conclusion de votre document, selon laquelle les gens rusés tenteront de contourner les dispositions du projet de loi, puis faire le lien avec les contributions de 1 000 $ des sociétés et des syndicats aux associations de circonscription, aux candidats, etc. Certains nous disent déjà que ce montant est insuffisant et qu'il devrait être porté à 5 000 $ ou 10 000 $. Il me semble que cela ouvrirait la porte à encore plus de personnes rusées qui tenteront de contourner la règle. Qu'en pensez-vous? Serait-il préférable d'interdire complètement toute contribution des sociétés et des syndicats aux associations de circonscription? Je sais que nous sommes très tentés de l'éliminer dans le cas des partis, mais est-ce qu'une interdiction complète serait préférable?
M. Tom Kent: Je vous réponds simplement oui. Toutefois, pour être réaliste, pensez-vous pouvoir faire adopter le projet de loi sans une disposition de ce genre?
M. Dick Proctor: Lorsque le premier ministre nous en a parlé pour la première fois, il n'y avait rien de tout cela. Le projet a été présenté au caucus libéral, et il est revenu avec quelques changements.
D'un autre côté, on dit que l'idée d'attribuer 1,50 $ par vote sur la base des dernières élections générales est injuste. Vous avez proposé dans un article de journal, et de nouveau encore aujourd'hui, de baser l'allocation sur la liste des membres. M. Boudria, qui est le ministre responsable du projet de loi, a rejeté cette idée lors de sa comparution devant le comité. Selon lui, si l'allocation est fondée sur la liste des membres, les partis politiques iraient faire du recrutement et se trouveraient des millions de membres. Toutefois, les partis politiques qui essaient d'obtenir des sièges et du pouvoir doivent dépenser pour faire tourner leur organisation, payer leur loyer, engager du personnel, etc. Que pensez-vous de l'idée de verser un montant égal à tous les partis pour couvrir leurs dépenses de base, puis de réduire en proportion l'allocation de 1,50 $ par vote? Est-ce que ce serait plus équitable que de se baser sur les élections générales précédentes?
M. Tom Kent: Certainement. Je crois que le plus important est de réduire l'allocation de 1,50 $.
 (1210)
M. Dick Proctor: D'accord.
M. Tom Kent: À mon avis, il serait très avantageux de réduire l'allocation de 1,50 $ en offrant à tous les partis un financement direct sous forme de temps libre, etc. pour l'information et la discussion. Le moyen que vous venez de mentionner serait également intéressant, mais il ne sera pas possible d'éliminer complètement l'allocation. La meilleure façon de procéder n'est certainement pas celle qui est proposée. Je pensais qu'on pourrait se servir de la liste des membres à condition de réduire ce chiffre de 1,50 $ et de prescrire, par exemple, l'utilisation d'une liste remontant à six mois. Je me rends compte des difficultés que peuvent causer les faux membres. Je crois cependant qu'il est possible de trouver des solutions.
M. Dick Proctor: Vous avez parlé de Lester Pearson et de sa campagne de 3 000 $ à la direction du parti libéral en 1958. Est-ce que ce serait une bonne idée de suivre le modèle britannique dans lequel les partis politiques obtiennent du temps d'antenne gratuit? Est-ce quelque chose que pourrions gérer?
M. Tom Kent: À mon avis, ce serait la réforme le plus fondamentale qu'il serait possible d'adopter dans le contexte de cet examen élémentaire.
M. Dick Proctor: Très bien, merci.
Monsieur Palda, en 2000, juste après la campagne électorale, Bombardier a reçu des garanties de prêt de 2 milliards de dollars pour faire concurrence à la société brésilienne Embraer. M. Borotsik et moi-même siégeons au comité de l'agriculture. À ce moment, les agriculteurs connaissaient de graves difficultés. Vous pensez bien sûr que le fait que Bombardier figurait en tête des donateurs du parti libéral au cours de la campagne électorale de novembre 2000 n'était que pure coïncidence et n'avait rien à voir avec le fait que l'Association canadienne des agriculteurs, la Fédération canadienne de l'agriculture et le Syndicat national des cultivateurs n'avaient versé aucune contribution importante à des partis politiques.
M. Filip Palda: Je ne dirais pas nécessairement que c'est une pure coïncidence, mais je dirais par contre que, ma foi, il ne coûte pas cher d'acheter le gouvernement. Une contribution de 140 000 $ au parti libéral, d'après les chiffres du directeur général des élections, rapporterait donc des garanties de prêt de 2 milliards de dollars? Comme je l'ai dit, je vais m'empresser de vendre ma maison pour venir à Ottawa chercher ma part de ces subventions. Bref, cela va bien au-delà des contributions électorales.
Le président: Geoff Regan.
M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Palda, vous avez répondu à une question de M. White en disant qu'une personne qui cherche à se faire élire peut en fait acheter sa propre élection en payant elle-même, parce que le plus grand obstacle à surmonter est d'être élu une première fois. Mais cet argument ne tient pas. D'après le projet de loi, si je veux devenir candidat et me présenter à des élections, je ne peux pas payer moi-même ma campagne. En fait, il y a une limite à ce que je peux moi-même verser. Le saviez-vous? C'est ma première question.
Ensuite, vous avez dit que si un syndicat approche le gouvernement pour offrir une contribution, un autre syndicat peut lui faire concurrence sur le même plan. On suppose dans ce cas que les seuls autres intérêts devant être représentés au sujet d'une question donnée, quelle qu'elle soit, seraient ceux d'un autre syndicat, par opposition à un particulier, qui n'aurait pas le même pouvoir. En démocratie, la monnaie d'échange ne devrait-elle pas consister en votes plutôt qu'en dollars? Quand il s'agit de voter, chaque Canadien dispose d'un pouvoir égal, mais pas si c'est l'argent qui compte. Pourquoi la monnaie d'échange dans notre système démocratique ne consisterait-elle pas en votes?
M. Filip Palda: Permettez-moi de répondre en premier à la dernière question. Je ne vois pas comment on peut séparer les votes de l'argent. Comment pourrait-on le faire? Considérez Marx et Engels. Engels a subventionné Marx pendant des années. Au XIXe siècle et au début du XXe, le mouvement féministe était subventionné par de riches intérêts américains. L'argent joue un rôle fondamental pour déterminer ce que les gens veulent. Il est préférable d'avoir beaucoup de donateurs différents ou même un seul excentrique qui vous finance plutôt que de laisser le gouvernement contrôler les cordons de la bourse de ses adversaires politiques. C'est vous qui établissez les règles devant régir l'entrée dans l'arène politique.
Dois-je comprendre qu'un particulier ne peut pas utiliser ses propres fonds? Je ne le savais pas.
M. Geoff Regan: Merci.
Ma question suivante est pour Mme Peckford ou Mme Etheridge du Mouvement pour la représentation équitable au Canada. Peut-être avez-vous déjà mentionné cela, mais je voudrais savoir si vous êtes en faveur d'une interdiction des contributions des sociétés et des syndicats. Quelle est votre position à ce sujet?
 (1215)
Mme Karen Etheridge (membre du Conseil national, Le mouvement pour la représentation équitable au Canada): Nous n'avons pas pris position sur cette question.
M. Geoff Regan: Très bien.
Monsieur Kent, vous avez dit dans votre exposé qu'il vaudrait mieux consacrer la plus grande partie de l'argent à un financement direct à parts égales pour l'information et la discussion. Sur quelle base un parti aurait-il droit à ce financement? Comment feriez-vous pour organiser cela?
M. Tom Kent: Il faudrait bien sûr que ce soit un parti reconnu. Les conditions d'admissibilité au temps d'antenne gratuit, etc. pourraient se baser sur un certain pourcentage des voix aux dernières élections, sur l'effectif actuel des membres et ainsi de suite. Il faut contrôler ce qu'est un parti reconnu. Ce contrôle existe aujourd'hui. La définition pourrait ne pas être exactement ce dont on a besoin, mais on ne peut pas garder une définition qui s'appliquerait plus ou moins à n'importe qui.
M. Geoff Regan: Croyez-vous donc qu'Élections Canada devrait vérifier la liste des membres des partis politiques?
M. Tom Kent: Si c'est la formule choisie, Élections Canada devra le faire. Ce ne sera sans doute pas facile. C'est pour cette raison que j'ai soulevé certaines questions au sujet de cette solution. Toutefois, il faudra le faire d'une façon ou d'une autre. On ne peut pas accorder un accès illimité à quiconque prétend constituer un parti.
M. Geoff Regan: Je vous remercie.
Le président: Merci, Geoff.
Rick Borotsik.
M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.
Comme nous finissons toujours par le découvrir, chaque problème a de multiples aspects et suscite différents points de vue. Nous avons trois opinions divergentes au bout de la table. Je remercie d'ailleurs chacun des trois, même si toutes ces divergences augmentent encore ma confusion.
Madame Peckford, j'ai bien aimé vos observations concernant la représentation proportionnelle et la réforme électorale, même si elles débordent les attributions du comité. Vous avez ajouté que si une telle réforme se matérialisait, il faudrait qu'elle soit compatible avec les contributions financières dont nous parlons. Est-ce que votre organisation préférerait se passer de ce projet de loi, ou bien croit-elle qu'il vaut mieux aller de l'avant, quitte à faire des rajustements plus tard pour l'adapter à la représentation proportionnelle?
Mme Nancy Peckford: Je vais laisser Karen répondre à cette question, mais nous avons un mandat très précis visant à favoriser un référendum national sur la réforme électorale. Nos membres n'ont pas particulièrement insisté sur...
M. Rick Borotsik: D'accord, mais, à votre avis, est-ce que le projet de loi aurait des répercussions à cet égard? Si les propositions envisagées sont adoptées, ce qui est bien possible compte tenu de ce qui se dit de ce côté de la table, y aura-t-il des incidences sur vos discussions concernant la représentation proportionnelle?
Mme Karen Etheridge: Dans sa forme actuelle, le projet de loi n'aurait pas de répercussions. Les dispositions actuelles de financement nous conviennent parfaitement.
M. Rick Borotsik: Très bien. Le projet de loi n'aurait donc pas d'incidences sur vos discussions concernant la représentation proportionnelle.
Mme Karen Etheridge: Bien entendu, il faudrait réviser la Loi électorale du Canada plus tard en cas de changement du système de scrutin. Nous aurions alors besoin de nous occuper de différentes dispositions qui seraient modifiées par votre projet de loi, mais votre intervention ne changera pas grand-chose aux modifications à apporter.
M. Rick Borotsik: Vous avez également dit que votre Mouvement n'a pas d'opinion au sujet des limites imposées sur les contributions. Avez-vous une opinion personnelle à ce sujet? Vous avez écouté les discussions.
Mme Karen Etheridge: Je serais heureuse de vous donner mon opinion dans le corridor, mais pas ici.
M. Rick Borotsik: Très bien, je vous remercie.
Monsieur Palda, j'apprécie ce que vous avez dit. D'ailleurs, je souscris peut-être davantage à ce que vous avez dit qu'à ce que vous n'avez pas dit. M. Proctor a parlé de Bombardier et de l'influence des sociétés. Vous dites que ce n'est pas le cas, que si le projet de loi est adopté avec les restrictions envisagées, rien ne changerait, ni les marchés sans appel d'offres, ni l'esprit partisan ni les amitiés politiques qui se développent entre les gouvernements et les sociétés. Ainsi, quelles que soient les limites, cet aspect demeurera. Est-ce bien ce que vous avez dit?
M. Filip Palda: Exactement. Le problème, c'est que le gouvernement est trop étendu et dispose de pouvoirs discrétionnaires trop importants sur le plan budgétaire. De toute façon, il y aura des groupes d'intérêts qui essaieront d'avoir leur part du gâteau. Le gâteau ne disparaîtra pas simplement parce qu'on aura éliminé les contributions des sociétés.
M. Rick Borotsik: Sauf que maintenant, les sociétés n'auront plus à dépenser de l'argent pour obtenir des faveurs, n'est-ce pas? Ce sera même mieux.
M. Filip Palda: D'une certaine façon, c'est un peu comme un traité de paix. Mais je vais un peu plus loin : nous avons besoin des contributions des sociétés pour augmenter la concurrence dans le processus électoral. Si vous avez une petite entreprise et qu'une grande société obtient des subventions ou fait quelque chose d'illégal, vous avez intérêt à trouver et à financer un champion. Peut-être n'auriez-vous pas nécessairement l'intérêt public à coeur, mais vous trouverez un député pouvant exprimer le point de vue opposé.
 (1220)
M. Rick Borotsik: Croyez-vous qu'il existe d'autres moyens d'assurer la transparence et la responsabilité dans le cas des sociétés? Je pourrais vous citer des exemples, mais pas ici, dans le corridor peut-être. La transparence et la responsabilité sont-elles de meilleures solutions que de simples contributions à la caisse électorale?
M. Filip Palda: La transparence peut coûter très cher aux associations de circonscription et aux candidats. À mon avis, la meilleure forme de transparence est celle que les candidats eux-mêmes sont disposés à offrir.
M. Rick Borotsik: Monsieur Kent, vous nous avez présenté un exposé extrêmement intéressant. Il se distingue évidemment des autres points de vue exprimés aujourd'hui. Nous disons que la démocratie offre aux gens l'occasion de jouer un rôle plus actif en politique, ce qui est très bien dans une perspective philosophique. Nous avons cependant constaté qu'aux élections suivantes, le taux de participation est moindre, les électeurs sont moins nombreux et l'activité au sein des partis politiques est réduite. Pourriez-vous nous expliquer le changement qui s'est produit, cette apathie qui empêche les gens de participer? Nous pouvons parler de contributions financières, mais je pense plutôt à une plus grande contribution personnelle au processus électoral.
M. Tom Kent: Les contributions financières, je crois, sont un peu la cause de l'indifférence croissante des électeurs, qui ont l'impression que leur intervention n'aurait aucune valeur et que seul l'argent peut régler les problèmes. Il y a d'autres facteurs qui ont contribué à la participation moindre des électeurs. De mon temps, les jeunes qui s'intéressaient aux affaires publiques s'inscrivaient à un parti politique. Aujourd'hui, vous auriez bien plus d'influence en devenant membre d'une organisation féministe ou autre. Pour moi, cela représente un échec du système politique. Et, à mon avis, le rôle corrupteur joué par l'argent constitue un important élément de cet échec.
Le président: Jacques Saada.
[Français]
M. Jacques Saada: Monsieur le président, je voudrais poser des questions, mais aussi vous signaler que j'aimerais avoir une minute à la fin de la discussion pour traiter de la question d'inviter un des...
[Traduction]
Le président: Oui, nous pourrons en parler à la fin de nos travaux.
[Français]
M. Jacques Saada: Merci beaucoup.
Je voudrais vous remercier tous d'être ici. C'est très intéressant parce qu'on parle tous de démocratie et qu'on applique cette démocratie. Il y a des gens qui sont en faveur d'éliminer les plafonds quant aux dépenses et aux revenus des partis politiques, d'autres qui veulent limiter considérablement ces dépenses et revenus, et d'autres qui veulent quelque chose entre les deux. C'est évident que les décisions que nous aurons à prendre ne pourront pas satisfaire tout le monde. Je pense que c'est un peu le propre de la démocratie.
J'ai un commentaire à faire et une question à poser à Mme Peckford ou à Mme Etheridge.
Vous avez parlé avec beaucoup de passion de votre volonté de voir la réforme des systèmes électoraux canadiens faire plus de place au vote proportionnel. La question est de savoir si le projet de loi C-24 permet ou non de respecter cette perspective. Le projet de loi C-24 prévoit le financement public des partis politiques à raison de 1,50 $ par électeur, en fonction du nombre de votes obtenus et non pas en fonction du nombre de députés élus. Dois-je comprendre que vous êtes en faveur de cette disposition du projet de loi C-24?
[Traduction]
Mme Karen Etheridge: Notre Mouvement n'a pas d'opinion sur la question de savoir si les subventions publiques sont bonnes pour les partis, mais nous reconnaissons que l'attribution d'une valeur économique au nombre de votes est très démocratique par rapport à d'autres moyens de mesure. Cela signifie que les votes obtenus lors des élections, qu'on ait gagné ou perdu, ont une importance, même s'il y en a 1 ou 100 ou 1 000. Nous nous réjouissons de cette disposition.
Nous croyons en outre que c'est une bonne chose pour la Chambre des communes de réviser la Loi électorale. Elle montre ainsi que ce n'est pas un document immuable et qu'il peut être modifié de temps à autre. Cela aussi est une bonne chose.
[Français]
M. Jacques Saada: Merci.
J'aimerais faire un commentaire sur les propos de M. Palda, mais aussi sur les allégations ou sous-entendus de mon collègue Proctor. Les banques, par exemple, sont parmi les plus gros contributeurs aux fonds électoraux des partis politiques et, pourtant, la fusion de banques a déjà été refusée.
Dans le cas de Bombardier, je pense que ni M. Proctor ni qui que ce d'autre ne vont contester le droit d'un gouvernement de promouvoir ses entreprises à l'étranger et la sécurité d'emploi pour ses propres citoyens. Quant on lie le fait qu'il y a un financement et les décisions prises chez Bombardier, il me semble qu'on glisse sur un terrain très démagogique, et je vais me permettre de résister.
Monsieur Palda, vous avez dit qu'il était très difficile de définir l'influence indue. Cependant, les gens ont le sentiment, sans définir scientifiquement ce que c'est, que l'argent a une influence directe sur les décisions prises par le gouvernement ou sur le processus politique. Ne pensez-vous pas que plus un individu contribue à une campagne électorale ou au processus politique, plus il augmente, non pas son influence réelle, mais la perception de la population quant à l'influence qu'il a? Est-ce que ce projet de loi n'a pas au moins le mérite de traiter du problème de la perception à défaut de traiter de celui de l'influence?
 (1225)
M. Filip Palda: Quand je veux tuer la discussion avec mes amis, je commence à parler des limites des dépenses électorales et de toute la question du financement électoral. Ce n'est pas vraiment sur le tableau de bord de beaucoup de personnes. La loi fascine les politiciens beaucoup plus que les individus, à mon avis. Voilà pour ce qui est de la perception.
En ce qui concerne l'influence indue, j'ai mentionné que ce n'était pas simplement une question de donner de l'argent à un parti politique; il y a un tas d'autres facteurs. Par exemple, aux États-Unis, des personnes très riches comme Forbes et Huffington, en Californie, ont dépensé des dizaines de millions de dollars et n'ont pas été élues. On a par ailleurs le cas de Bill Clinton, qui était vraiment d'un milieu très défavorisé et qui s'est distingué. On a donc un système concurrentiel qui cherche le... [Note de la rédaction: inaudible].
M. Jacques Saada: J'apprécie votre réponse.
Le président: Soyez très bref, s'il vous plaît.
M. Jacques Saada: Monsieur Kent, vous dites à la page 3 de votre document que « la participation de la population devrait être surtout axée sur le financement direct des partis à part égale ». Or, vous avez donné une réponse qui ouvrait déjà la porte à des distinctions entre les partis qui seraient reconnus et ceux qui ne seraient pas reconnus. Comment peut-on concilier le principe de part égale et le principe démocratique dont on parlait tout à l'heure, à savoir que chaque voix, et non pas chaque parti, doit compter de façon égale?
[Traduction]
M. Tom Kent: Je proposais un financement égal des partis reconnus pour qu'ils aient tous accès à un processus de discussion publique à la télé, à la radio et dans les journaux. Ainsi, tout le monde peut prendre connaissance de la documentation, quel que soit le parti pour lequel on finira par voter. Ce moyen n'influence pas le vote, dans le sens étroit du terme. Pour moi, cette façon de procéder est très différente du fait de donner de l'argent à un parti pour qu'il le consacre à sa propagande. Je ne m'oppose pas d'ailleurs au versement d'une allocation en espèces, mais je pense que les deux sont très distincts l'un de l'autre. Je ne vois aucune contradiction entre un financement égal des discussions et une allocation en espèces basée sur une formule quelconque.
Le président: Merci, Tom.
Dick Proctor.
M. Dick Proctor: Merci, monsieur le président.
Permettez-moi de dire à mon bon ami Jacques Saada que je suis bien d'accord pour la protection des emplois. Certains d'entre nous aimeraient certainement voir les emplois rester dans notre secteur agricole. Nous avons durement combattu pour cela, mais personne ne semble vouloir délier sa bourse, ce qui occasionne de grands bouleversements. C'est dans ce contexte que je faisais la comparaison entre Bombardier et l'argent qui manque tant à nos agriculteurs.
Quelqu'un a mentionné les dépenses des tiers. C'est peut-être M. Palda, mais ce n'est pas vraiment important. J'aimerais avoir l'avis de nos témoins à ce sujet. Permettez-moi de mettre la question en contexte. Nous avons des modifications de la Loi électorale, mais on n'y parle pas de tiers parce que M. Boudria, le ministre responsable du projet de loi, est sûr qu'il obtiendra gain de cause à ce sujet devant les tribunaux, que nous allons persévérer et qu'il y aura finalement des limites imposées sur la publicité des tiers. Tout le monde ici convient, je crois, que le projet de loi ne vaudra pas un sou si M. Boudria se trompe au sujet des dépenses des tiers. J'aimerais donc connaître l'avis de chacun des témoins sur la publicité des tiers.
 (1230)
M. Filip Palda: Je crois que les limites imposées sur les dépenses des tiers font partie de la mesure législative la plus scandaleuse qui soit. En 1983, il n'a fallu aux trois partis que 45 minutes pour inscrire ces dispositions dans les lois du Canada. Qu'est-ce que ces dispositions signifient? Tout simplement que les particuliers, au Canada, n'ont plus le droit de s'exprimer. Voilà un exemple de l'odieuse extension des limites imposées sur les dépenses électorales à toutes sortes d'autres choses. Dans l'affaire jugée en Alberta, on a dit à des témoins : Supposons que les dépenses des tiers soient contrôlées, qu'allons-nous faire des journaux? Si nous les considérons comme une autre source de renseignements non contrôlés, allons-nous les réglementer? Certains témoins ont répondu oui, que c'était tout à fait possible. Où cela va-t-il s'arrêter?
M. Dick Proctor: Monsieur Kent.
M. Tom Kent: À mon avis, la publicité des tiers financée par des sociétés constitue la négation la plus honteuse de la démocratie qu'on puisse trouver. Il est important, je crois, de faire la distinction entre les interventions des sociétés, de l'exécutif national ou de tout autre organe partenaire et la publicité faite par des particuliers. Dans certaines limites, cette dernière est totalement différente de la première. Dans le premier cas, il s'agit de gens qui consacrent au processus politique de l'argent qui ne leur appartient pas, mais qui appartient plutôt à des actionnaires ou encore à des syndicats. C'est de l'argent dont ils ont légalement la garde pour traiter certains genres d'affaires. Ils ne sont pas habilités à l'utiliser pour influencer le processus politique. Je soutiens d'ailleurs que toutes les contributions de société au processus politique sont intrinsèquement illicites. La destruction du système juridique découle de l'idée qu'une société est une personne, parce qu'elle est habilitée à signer des contrats, etc. Mais ce n'est pas une personne dans le sens qu'elle peut se permettre d'influencer le vote des gens.
M. Dick Proctor: Si le projet de loi est adopté, les partis politiques auront limité leur capacité de recueillir des fonds auprès de certains groupes de la société. Est-ce que cela amènera les tribunaux à conclure qu'il faudrait imposer des limites strictes aux tiers par suite de ce changement?
M. Tom Kent: Il est difficile de prévoir ce que feront certain tribunaux, surtout en Alberta, mais je crois qu'ils devraient aboutir à cette conclusion.
M. Dick Proctor: Oui.
Merci.
Le président: Je vous remercie.
Carolyn Parrish, au nom de Marlene Catterall.
Mme Carolyn Parrish: Je vais peut-être commencer par parler en mon nom.
Je tiens à corriger une fausse impression. La publicité des tiers est permise. Je faisais partie du comité qui a adopté ces règles. Je crois que la limite est de 3 000 $ par personne, par circonscription ou par organisation. Vous pouvez donc trouver dix organisations qui accepteront de verser 3 000 $ chacune pour distribuer de la documentation contre moi aux prochaines élections. Ce serait tout à fait acceptable. Toutefois, les documents doivent porter votre nom ou celui de votre organisation ainsi que les coordonnées d'un contact. De plus, vous ne pouvez pas dépasser un certain montant. je trouve cela assez raisonnable. Autrement, à trois jours de scrutin, un adversaire anonyme pourrait dépenser 50 000 $ pour distribuer un dépliant dans toute ma circonscription et dire aux gens, en mon nom, que je leur demande de ne pas voter pour moi. Les gens penseraient alors que Carolyn a changé d'avis. Ce serait une situation très bizarre. Les règles n'interdisent donc pas les dépenses des tiers, mais elles doivent respecter certain conditions.
En fait, ce n'est pas la question que Marlene m'a demandé de vous poser. Elle m'a rappelé, monsieur Palda, que vous avez dit que l'argent est plus important pour les nouveaux candidats que pour les anciens et que vous ne croyez pas aux limites de dépenses. Elle voudrait savoir ce que vous pensez de ce fait : les représentants américains, qui n'ont aucune limite, tendent à garder leur circonscription pendant 20 à 30 ans, tandis qu'au Canada, nous avons un roulement beaucoup plus important. En fait, jusqu'en 1993, très peu de députés canadiens, moins de 20 p. 100, atteignaient les six ans d'ancienneté nécessaires pour accéder à une pension. Nous avons donc un roulement élevé et des limites, tandis que les Américains, sans limites de dépenses, sont très souvent réélus. Comment pouvez-vous expliquer ce phénomène, si vous voulez beaucoup de nouveaux visages et de nouveaux partis sur la scène politique canadienne? Voilà, c'est ce que Marlene voulait savoir.
 (1235)
M. Filip Palda: Aux États-Unis, le roulement est faible et continue à baisser. C'est un excellent sujet pour les chercheurs. On ne connaît pas vraiment les raisons. Tout ce que je peux dire au sujet du Congrès des États-Unis, c'est que lorsque la question des limites est soulevée, on avance des chiffres tels que 600 000 $, au-delà desquels, dit-on, les adversaires peuvent devenir dangereux. Les critiques aux États-Unis disent que les mesures législatives de ce genre visent à nuire aux nouveaux venus.
Mme Carolyn Parrish: D'accord, mais comme vous préférez un plus grand roulement et beaucoup de nouveaux visages et de nouvelles idées, pourquoi rejetez-vous les limites au Canada?
M. Filip Palda: Je n'ai pas dit que je préfère nécessairement un roulement élevé. Je veux plutôt que les nouveaux arrivants puissent entrer en politique sans avoir à affronter des obstacles et sans que leurs adversaires obtiennent des privilèges du gouvernement. J'ai oublié de mentionner ce point, mais la publicité payée par le gouvernement juste avant des élections pourrait être un exemple des règles déséquilibrées conçues pour désavantager les nouveaux. Il importe peu qu'un élu fasse un mandat ou vingt, pourvu que le public soit informé et qu'il y ait de la concurrence.
Mme Carolyn Parrish: Vous n'êtes donc pas d'accord avec le gouvernement ontarien de M. Harris et de M. Eves, qui dépense tant d'argent en publicité avant des élections.
M. Filip Palda: Non, je ne suis pas d'accord, parce qu'ils se servent de l'argent des contribuables pour exprimer une opinion. Ils me font payer des impôts pour pouvoir s'expliquer. C'est comme la publicité gratuite à la télé, qui n'est pas gratuite du tout. Le parti marxiste-léniniste a obtenu 8 minutes de temps d'antenne aux dernières élections. Pourquoi devrais-je le financer indirectement?
Mme Carolyn Parrish: Très bien, je vous remercie.
Le président: Rick Borotsik, pour conclure.
M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.
Il est évident que vous avez de fortes convictions au sujet du projet de loi, surtout M. Kent et M. Palda. Vous avez de l'expérience, et vous avez fait des recherches et des analyses. À votre connaissance, y a-t-il d'autres endroits qui peuvent constituer de meilleurs modèles, sur le plan du financement, que ce qu'on nous propose ici ou que les coutumes américaines dont on nous parle tant? Y a-t-il d'autres endroits que vous connaissez qui contrôlent mieux les dépenses électorales?
M. Tom Kent: Je ne suis pas un chercheur. Il n'y a pas de doute que j'ai déjà vécu dans des périodes où la participation politique était beaucoup plus libre et beaucoup moins influencée par l'argent qu'aujourd'hui.
M. Rick Borotsik: Monsieur Kent, Internet pourrait bien donner cet accès plus libre à beaucoup plus de gens. C'est une chose dont nous n'avons pas parlé, mais elle s'écarte un peu trop des aspects financiers.
M. Tom Kent: Je ne crois pas qu'Internet fasse autant de différence.
M. Rick Borotsik: Monsieur Palda, connaissez-vous d'autres endroits? Avez-vous des exemples que nous pourrions suivre? Nous examinons actuellement deux systèmes provinciaux, dont l'un marche assez bien et l'autre pas. Nous pourrons peut-être nous en inspirer. Y a-t-il d'autres endroits à l'étranger?
M. Filip Palda: Il y aurait peut-être lieu d'examiner la France, qui a des lois très sévères, adoptées vers 1993, je crois. Pourtant, la France nage dans le scandale et la corruption. L'affaire Elf fait actuellement beaucoup de bruit.
M. Rick Borotsik: Les lois n'empêchent donc pas le scandale et la corruption.
M. Filip Palda: Non. Si nous adoptons les lois sévères qu'ils ont en Europe, nous pourrons voir d'avance quels en seront les résultats.
M. Rick Borotsik: Avez-vous des observations à présenter, Karen?
Mme Karen Etheridge: Je voudrais juste rappeler au comité qu'Élections Canada a réalisé une enquête sur les différents systèmes de financement utilisés dans le monde.
 (1240)
M. Rick Borotsik: Je vous remercie.
Le président: Merci.
Collègues, je voudrais remercier nos témoins d'aujourd'hui en votre nom : Filip Palda, de l'Institut Fraser, Nancy Peckford et Karen Etheridge, du Mouvement pour la représentation équitable au Canada, et Tom Kent, à titre personnel. Nous vous remercions tous. Nous avons trouvé vos exposés très utiles.
Collègues, nous poursuivrons nos travaux demain à 17 h 30, puis jeudi à 11 heures.
Jacques Saada.
[Français]
M. Jacques Saada: Monsieur le président, dans la liste théorique des témoins que nous sommes appelés à inviter pour parler du projet de loi C-24 qui est actuellement devant nous, on parle des porte-parole des partis politiques inscrits, qui sont représentés, etc. Je crois savoir qu'il y a eu un processus pour inviter les partis politiques à soumettre les noms de leurs représentants. Pouvez-vous me confirmer d'abord que le directeur général du Parti libéral du Canada est invité à comparaître devant nous demain soir?
[Traduction]
Le président: À ma connaissance, oui.
[Français]
M. Jacques Saada: Notre parti a une structure interne qui lui permet d'avoir un président élu par la base militante, et le directeur général est celui qui est chargé de mettre en application les politiques qui sont adoptées par l'exécutif national sous la direction du président.
Je trouverais un peu bizarre que nous entendions comme témoin le directeur général de notre parti, alors que nous ne pourrions voir le président que beaucoup plus tard dans le processus. Je souhaiterais recommander que le directeur général de notre parti soit appelé à comparaître devant nous en même temps que le président du parti, qui est élu par les membres du parti, ou après lui. Ce serait une simple question de respect du protocole interne de la démocratie au sein de notre parti. Donc, je recommande qu'on reporte la comparution de M. Terry Mercer, le directeur général du parti, à une date ultérieure.
[Traduction]
Le président: Je vous remercie.
Permettez-moi d'expliquer la façon dont nous avons procédé. Vous avez tous le projet de liste, qui n'est pas encore final. Nous avons pris contact avec tous les partis officiels au niveau fédéral. Il manque sur votre liste le Parti marijuana, qui a maintenant accepté d'être représenté ici. La façon dont nous avons procédé avec une liste aussi importante – comme vous le voyez, nous avons le Parti Alternative nationale, le Parti vert, qui est représenté aujourd'hui, le Parti marxiste-léniniste, le Parti communiste, le Parti de l'héritage chrétien du Canada, le Partie Action canadienne, etc. – a consisté à prendre contact avec les chefs de parti. Nous leur avons demandé de désigner des représentants. Le chef du NPD viendra lui-même. De plus, il a mentionné le secrétaire général. Je ne sais pas quelle est sa fonction dans le parti. Le chef de l'Alternative nationale viendra lui aussi. Dans le cas du Parti libéral, comme vous l'avez signalé à juste titre, Jacques, nous aurons le directeur général. Julian West représentera le Parti vert. Le Parti communiste sera représenté par son chef, Miguel Figueroa. Nous avons donc pris contact avec chaque parti par l'intermédiaire de son chef. C'est le meilleur moyen que nous ayons trouvé. Ce sont les chefs qui ont désigné ces personnes. Par conséquent, le directeur général du Parti libéral doit venir parce qu'à ma connaissance, il a été choisi par le parti.
[Français]
M. Jacques Saada: Monsieur le président, j'ai été président de l'aile québécoise du Parti libéral du Canada pendant deux ans au début des années 1990. J'attache infiniment d'importance à la démocratie à l'intérieur de notre parti. Je ne conteste aucunement le processus que vous avez suivi, la décision que vous avez obtenue ou la recommandation faite par les dirigeants que vous avez contactés. Je dis simplement que j'aurais souhaité que, par respect pour la base militante et la démocratie de notre parti, nous entendions d'abord la plus haute autorité de notre parti, chez nous, qui est le président, et que le directeur général, qui est en fait la branche d'exécution de notre parti, un homme extrêmement compétent, comparaisse en même temps que le président ou après lui. Par respect du protocole, je pense qu'il serait important que le président du parti soit le premier à venir.
 (1245)
[Traduction]
Le président: Rick Borotsik, très brièvement. Je suis prêt à rendre une décision à ce sujet.
M. Rick Borotsik: Monsieur le président, j'aimerais effectivement que vous rendiez une décision parce que c'est le parti lui-même qui a déterminé les personnes qui le représenteraient ici. Nous pouvons en discuter, mais nous ne pouvons pas permettre à M. Saada...
Le président: Jacques, j'ai des liens avec le parti depuis longtemps. Je comprends votre argument, mais, à titre de président, j'ai fait de mon mieux, compte tenu de la liste des partis à inviter. Ce n'est pas la même chose que de faire venir quelqu'un pour la période des questions. Nous avons un grand nombre de partis qui ont des raisons légitimes de comparaître. Par suite de cet exercice, nous aurons une séance assez compliquée demain qui consistera en une réunion double avec deux panels. Par souci d'équité, les témoins comparaîtront dans l'ordre alphabétique des partis.
Je ne peux que vous recommander, ainsi qu'à vos collègues, d'intervenir par l'intermédiaire du parti. Si vous pouvez ainsi obtenir d'autres noms, nous serons heureux de les accueillir. Nous avons pris contact avec le chef de votre parti, qui est le premier ministre. C'est le parti qui nous a envoyé le nom du directeur général. Voilà où j'en suis aujourd'hui. Je vous exhorte donc à intervenir par l'entremise de votre parti. Je sais que la réunion a lieu demain. Vous allez probablement me dire que vous venez tout juste de rentrer du congé de Pâques et que la liste vient d'être distribuée. Toutefois, il est difficile pour moi, comme président, d'apporter des changements maintenant. Je crois que les partis devraient prendre eux-mêmes les mesures nécessaires.
Si vous avez des observations, n'hésitez pas.
[Français]
M. Jacques Saada: Monsieur le président, je n'ai aucune intention de m'opposer au processus ou aux recommandations qui ont été faites par les différents chefs de parti. Je dis qu'il s'agit du respect d'un principe fondamental de la démocratie. Si on ne peut pas régler le problème ici, autour de la table, je vais convenir avec vous qu'on va trouver d'autres moyens de le faire. Mais il est évident que ce principe fondamental doit être respecté. S'il ne l'est pas, je vais être obligé de soulever mes objections d'une façon que je vais considérer pertinente.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Rick Borotsik.
M. Rick Borotsik: Quand aurons-nous la liste des témoins qui viendront demain, avec les heures de comparution? Quand saurons-nous s'il y aura deux ou trois panels?
Le président: Je peux vous en donner une idée générale tout de suite. Nous commencerons demain à 17 h 30. Pendant environ 90 minutes, nous aurons les représentants du Bloc, de l'Action canadienne, probablement du Parti de l'héritage chrétien, du Parti communiste et du Parti vert. À 19 heures, ce sera le tour du Parti libéral, du Parti marijuana, du Parti marxiste-léniniste, du NPD, de l'Alternative nationale et du Parti progressiste-conservateur. Chacun des représentants a été informé de ces dispositions. Ceux du second groupe savent qu'ils peuvent venir à 17 h 30 s'ils le souhaitent. Nous servirons des rafraîchissements légers. Je demande aux membres du comité de se servir assez tôt parce que les témoins auront également accès aux rafraîchissements, et que les quantités pourraient être limitées.
Est-ce que cela répond à votre question, Rick?
M. Rick Borotsik: Et qu'en est-il des réunions suivantes?
Le président: La réunion suivante aura lieu le jeudi à 11 heures. Quelqu'un ici pourra vous dire en gros qui sera présent. La semaine prochaine, nous aurons trois séances : mardi à la même heure qu'aujourd'hui, mercredi vers 17 h 30 – nous préciserons cela selon le nombre de témoins – puis jeudi. Nous continuerons au même rythme si possible.
Pour ce qui est de jeudi, Thomas peut nous donner quelques indications.
Le greffier du comité: Nous aurons des représentants du Congrès du travail du Canada et du Conseil canadien des chefs d'entreprises, ainsi que quelques autres qui doivent confirmer leur présence. C'est donc encore un peu vague, mais nous essayons de faire venir des représentants de quelques groupes donateurs jeudi.
Le président: Demain matin, nous pourrons vous donner des indications beaucoup plus précises pour jeudi.
M. Rick Borotsik: Avez-vous un calendrier?
 (1250)
Le président: Nous vous en donnerons un demain, si vous voulez. Toutefois, vous y trouverez des indications telles que deux heures avec un groupe de donateurs ou deux heures avec des universitaires, parce qu'il y a encore beaucoup d'inconnues. Par exemple, vous avez appris aujourd'hui qu'un témoin ne pouvait pas venir.
M. Rick Borotsik: Je comprends bien. C'est simplement pour établir notre propre programme.
Le président: Très bien. Nous ferons circuler un calendrier général demain et nous vous dirons aussi précisément que possible qui sera présent jeudi.
La séance est levée.