HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 12 décembre 2002
¿ | 0905 |
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)) |
¿ | 0910 |
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD) |
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)) |
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne) |
¿ | 0915 |
Le président |
M. John Harvard (Charleswood —St. James—Assiniboia, Lib.) |
Le président |
M. John Harvard |
Le président |
M. John Harvard |
Mme Wendy Lill |
Le président |
Mme Wendy Lill |
Le président |
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.) |
¿ | 0920 |
Le président |
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) |
Le président |
M. Denny Gélinas (directeur général, Ministère du Patrimoine canadien) |
¿ | 0925 |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Peter Grant (associé principal, McCarthy Tétreault, À titre individuel) |
¿ | 0935 |
Le président |
M. Ivan Bernier (professeur, faculté de droit, Université Laval, À titre individuel) |
¿ | 0940 |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Robert Pilon (vice-président exécutif, Coalition pour la diversité culturelle) |
¿ | 0950 |
¿ | 0955 |
À | 1000 |
À | 1005 |
Le président |
À | 1010 |
À | 1015 |
Le président |
M. Garry Neil (coordinateur, « International Network for Cultural Diversity ») |
Le président |
M. Garry Neil |
À | 1020 |
À | 1025 |
Le président |
M. Jim Abbott |
M. Garry Neil |
À | 1030 |
Le président |
M. Denny Gélinas |
M. Jim Abbott |
Le président |
Mr. Ivan Bernier |
Le président |
M. Garry Neil |
M. Jim Abbott |
M. Garry Neil |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
M. Robert Pilon |
À | 1035 |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
Le président |
M. Garry Neil |
À | 1040 |
Le président |
Mme Sarmite Bulte |
M. Peter Grant |
À | 1045 |
Le président |
M. Peter Grant |
Le président |
Mme Sarmite Bulte |
Le président |
M. Peter Grant |
Mme Sarmite Bulte |
M. Peter Grant |
Le président |
M. John Harvard |
À | 1050 |
Le président |
M. Ivan Bernier |
Le président |
À | 1055 |
M. Ken Stein |
Le président |
M. Robert Pilon |
Le président |
M. Ken Stein |
Á | 1100 |
Le président |
M. Denny Gélinas |
Le président |
M. Garry Neil |
Le président |
Mme Wendy Lill |
M. Garry Neil |
Mme Wendy Lill |
Le président |
M. Ken Stein |
Á | 1105 |
Le président |
M. Robert Pilon |
Le président |
M. Ivan Bernier |
Le président |
M. Ivan Bernier |
Le président |
M. Robert Pilon |
Le président |
M. Robert Pilon |
Le président |
Á | 1110 |
M. Clifford Lincoln |
Le président |
M. Charles Dalfen (président, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes) |
Á | 1120 |
Á | 1125 |
Le président |
M. Jim Abbott |
M. Charles Dalfen |
M. Jim Abbott |
M. Charles Dalfen |
M. Jim Abbott |
M. Charles Dalfen |
M. Jacques Langlois (directeur général, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes) |
M. Jim Abbott |
Á | 1130 |
M. Charles Dalfen |
M. Jim Abbott |
M. Charles Dalfen |
M. Jim Abbott |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
Á | 1135 |
M. Charles Dalfen |
Mme Christiane Gagnon |
M. Charles Dalfen |
Á | 1140 |
Le président |
Mme Sarmite Bulte |
M. Charles Dalfen |
Mme Sarmite Bulte |
M. Charles Dalfen |
Á | 1145 |
Le président |
Mme Sarmite Bulte |
M. Charles Dalfen |
Mme Sarmite Bulte |
Le président |
M. Charles Dalfen |
Le président |
M. John Harvard |
Á | 1150 |
M. Charles Dalfen |
M. John Harvard |
M. Charles Dalfen |
M. John Harvard |
M. Charles Dalfen |
M. John Harvard |
M. John Harvard |
M. Charles Dalfen |
Mr. John Harvard |
Mr. Charles Dalfen |
M. John Harvard |
M. Charles Dalfen |
M. John Harvard |
M. Charles Dalfen |
Á | 1155 |
M. John Harvard |
M. Charles Dalfen |
Le président |
Mme Wendy Lill |
 | 1200 |
M. Charles Dalfen |
Mme Wendy Lill |
M. Charles Dalfen |
Mme Wendy Lill |
Le président |
 | 1205 |
M. Charles Dalfen |
Le président |
M. Charles Dalfen |
Le président |
M. Charles Dalfen |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
 | 1210 |
M. Charles Dalfen |
Mme Christiane Gagnon |
M. Charles Dalfen |
Mme Christiane Gagnon |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
M. John Harvard |
Mme Christiane Gagnon |
Le président |
M. John Harvard |
Le président |
M. John Harvard |
Mme Wendy Lill |
M. Charles Dalfen |
Le président |
M. John Harvard |
 | 1215 |
M. Charles Dalfen |
M. John Harvard |
M. Charles Dalfen |
Le président |
M. Charles Dalfen |
Le président |
M. Konrad von Finckenstein (commissaire de la concurrence, Bureau de la concurrence) |
Le président |
M. Konrad von Finckenstein |
 | 1220 |
 | 1225 |
Le président |
M. Jim Abbott |
 | 1230 |
M. Konrad von Finckenstein |
M. Jim Abbott |
M. Konrad von Finckenstein |
 | 1235 |
M. Jim Abbott |
Le président |
Mme Wendy Lill |
M. Konrad von Finckenstein |
Le président |
M. Konrad von Finckenstein |
Mme Wendy Lill |
M. Konrad von Finckenstein |
 | 1240 |
Mme Wendy Lill |
M. Konrad von Finckenstein |
Le président |
M. John Harvard |
M. Konrad von Finckenstein |
M. John Harvard |
M. Konrad von Finckenstein |
M. John Harvard |
M. Konrad von Finckenstein |
M. John Harvard |
M. Konrad von Finckenstein |
M. John Harvard |
M. Konrad von Finckenstein |
 | 1245 |
Le président |
M. Konrad von Finckenstein |
Le président |
M. Konrad von Finckenstein |
Le président |
M. John Harvard |
M. Konrad von Finckenstein |
M. John Harvard |
Le président |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
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l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 12 décembre 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)) Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent du patrimoine canadien.
J'aurais deux ou trois annonces à faire avant de donner la parole aux témoins. Pour commencer, j'ai reçu une lettre de M. Geoffrey Elliot, le vice-président aux affaires générales de CanWest Global Communications. Cette lettre a été traduite et je vais la distribuer aux membres, mais M. Elliot m'a demandé de la lire pour mémoire afin qu'elle fasse partie du compte rendu, et je vais donc essayer de le faire aussi rapidement que possible.
Lors des tables rondes tenues récemment par le Comité au sujet des médias, plusieurs points de vue ont été présentés. Généralement, nous n'essayons pas de répondre officiellement aux opinions ainsi exprimées. Nous le regrettons beaucoup, mais nous croyons qu'il est nécessaire d'attirer l'attention du comité sur deux erreurs précises dans des faits qui ont été présentés au comité et qui auraient trait à CanWest. |
Je fais allusion aux propos tenus par M. Wilson Southam devant le comité le 5 décembre 2002. M. Southam avait alors accusé CanWest d'avoir refusé de faire paraître une de ses annonces publicitaires. M. Southam avait effectivement contacté nos responsables des ventes en ce qui concerne cette annonce. Cependant, CanWest n'a jamais cherché, dans les discussions ultérieures, à faire modifier un seul mot dans le message publicitaire. À des fins de précision et de divulgation, CanWest avait demandé initialement que l'annonce publicitaire précise plus clairement que les signataires étaient tous des anciens directeurs et employés de Southam, et non pas des directeurs et des employés actuels. Elle avait également demandé que les signataires indiquent leurs postes actuels. M. Southam a refusé. |
M. Southam prétend que «CanWest voulait ajouter l'équivalent de 13 p. 100 au libellé de l'annonce», ce qui est faux. Puisque nous l'avions assuré dès le début que nous n'exigions aucune modification dans le libellé du message, nous devons présumer que M. Southam faisait référence à l'estimation du nombre de mots nécessaires afin de préciser les postes actuels de tous les signataires. Il convient cependant de signaler que cinq des signataires étaient des employés ou des directeurs d'entreprises médiatiques concurrentes. Le Conseil de presse de l'Ontario a établi ce qui suit: «Afin d'assurer la crédibilité, il faudrait divulguer dans un article tout conflit d'intérêts possible de la part du rédacteur». La demande formulée par CanWest à M. Southam s'inscrivait dans l'esprit de ce principe. |
M. Southam a également accusé CanWest d'avoir modifié un article dans The Leader-Post de Regina afin de laisser entendre qu'un conférencier avait approuvé la politique de CanWest alors qu'il avait affirmé le contraire. C'était encore une fois faux. Voici ce qui est réellement arrivé. Aaron Siddiqui, rédacteur principal d'un journal concurrent, a prononcé une conférence à l'Université de Regina le 4 mars 2002. M. Siddiqui avait alors déclaré ce qui suit: «J'ai lu l'autre jour que CanWest détenait en fait 60 p. 100 des journaux et des stations de télévision». Il apparaît curieux qu'un journaliste chevronné utiliserait comme source les termes «j'ai lu l'autre jour». Et j'ajouterai qu'il est très exagéré et faux factuellement d'affirmer que CanWest détient environ 60 p. 100 des journaux canadiens. Cela a été prouvé à maintes occasions, y compris dans notre mémoire officiel présenté au comité. Une directrice de la rédaction au journal The Leader-Post a reconnu que les propos de M. Siddiqui contenaient des renseignements non corroborés et qu'elle avait corrigé le premier paragraphe de l'article. Le reste de l'article est essentiellement resté le même, y compris les nombreuses critiques dirigées par M. Siddiqui à l'endroit de CanWest. Le titre de l'article était le suivant: «Un chroniqueur prend à partie CanWest Global». C'est tout à fait à l'opposé de ce que prétend M. Southam lorsqu'il affirme que l'article a été modifié pour laisser supposer que le conférencier avait approuvé les politiques de CanWest. |
C'est avec plaisir que nous vous fournirons toute documentation supplémentaire dont vous pourriez avoir besoin. |
Cette lettre va donc être distribuée aux membres du comité dans les deux langues officielles.
¿ (0910)
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Je voudrais ajouter une petite chose, mais vous allez peut-être le faire vous-même tout de suite.
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): En effet, je voudrais ajouter une deuxième chose.
Les conseillers m'ont signalé qu'ils travaillaient sur un document que les attachés de recherche et eux avaient convenu de proposer pour en faire un genre de contexte pour notre étude. Ce document sera envoyé à la greffière et aux attachés de recherche et, bien entendu, en tout premier lieu aux membres du comité dans le courant de janvier, j'espère une semaine ou dix jours avant notre retraite.
Nos plans de voyage pour l'Angleterre et pour Washington ont été refusés par la Chambre, et nous ne pourrons donc pas nous y rendre.
S'agissant maintenant de la retraite, au lieu d'aller au lac Meech comme cela avait été approuvé, ici encore nous avons dû retirer cette demande présentée au comité du budget. Nous allons essayer d'obtenir une salle sur la Colline pour nous y rencontrer pendant ces deux jours.
M. Abbott a demandé de pouvoir faire une petite intervention.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président. Je vais vraiment essayer d'être aussi neutre que possible.
La façon dont je vois ce refus de nos projets de voyage est que le comité qui examine ce genre de choses a l'habitude de couper ici et là et obtient les financements nécessaires du bureau de régie interne. Ce qui s'est passé, c'est que les fonds ont tout simplement manqué. Le bureau a demandé des crédits supplémentaires, pas uniquement pour nos voyages à nous, ce qui représentait je crois quelque chose comme 250 000 $, mais en tout plusieurs millions de dollars.
En second lieu, malheureusement, c'était je crois mardi vers midi, même s'il y avait eu accord concernant les affaires émanant des députés—tous les partis d'opposition étaient partis du principe, comme d'ailleurs beaucoup de députés libéraux, qu'il y avait eu un accord à l'effet que l'affaire émanant des députés ce jour-là allait faire l'objet d'un vote—tout d'un coup, du moins c'est ce qu'on m'a dit, les libéraux ont voté à l'unanimité pour une motion venue de nulle part, ce qui a fait que par sept voix contre six, la modernisation de ce volet de nos travaux a été remise aux calendes grecques. Je peux me tromper—et si c'est le cas, dites à mes collèges du Bloc et du NPD qu'ils me le disent, j'en serai fort heureux—quoique tous les partis d'opposition sont furieux contre le gouvernement qui est revenu sur cet accord qui, pourtant, existait bel et bien. Suite à cela, tous les partis d'opposition, conduits par l'Alliance canadienne—c'est une responsabilité que je veux assumer comme il se doit, car c'est vraiment la seule arme dont dispose l'opposition—craignent que tous les autres voyages, tout ce que chacun des comités veut faire, soient maintenant mis en veilleuse, et cela jusqu'en février ou du moins jusqu'à ce que le contentieux puisse être vidé. Autre chose qui pourra vous intéresser, le comité sur la modernisation était également censé se rendre à Westminster en janvier, mais son voyage a lui aussi été annulé. Tous les voyages parlementaires ont été annulés à l'exception de ceux des associations interparlementaires.
¿ (0915)
Le président: C'est la population qui décidera qui a le plus à perdre.
Oui, monsieur Harvard, je pense que nous ne devrions pas nous étendre trop longtemps sur cette question.
M. John Harvard (Charleswood —St. James—Assiniboia, Lib.): Non, je sais bien, mais permettre à M. Abbott d'être le seul à présenter sa version des faits n'est pas très équitable ni pour le comité, ni pour la population. Monsieur le président, vous avez vous-même dit que c'est la population qui décidera.
Pour commencer, la version que M. Abbott a donnée de ce qui s'est passé concernant la proposition sur la modernisation et les affaires émanant des députés est une version extrêmement subjective des choses. Il n'avait jamais été entendu que le modèle qui serait adopté par le comité le serait aussi automatiquement par la Chambre. Le plan, selon sa première mouture, posait beaucoup de problèmes. Lorsque M. Abbott dit que nous sommes simplement censés dire oui à toute suggestion proposée par son parti ou par l'opposition, il dépasse tout à fait les bornes.
En second lieu, il dépasse aussi parfaitement les bornes lorsqu'il s'efforce d'établir un lien entre la réaction de son parti à la question des affaires émanant des députés et la question des voyages. Imaginez-vous un peu ce qui se passerait si les décisions étaient automatiquement liées les unes aux autres et si, chaque fois qu'un parti fait son cirque, un autre parti jette des hauts cris? Je peux vous dire moi, monsieur Abbott, que les libéraux ont été pas mal affligés par le cirque que vous avez fait la semaine passée au sujet du contrôle des armes à feu.
Le président: Je vous en prie, pas...
M. John Harvard: Laissez-moi terminer, monsieur le président.
Nous n'avons pas essayé de faire le lien entre votre inconduite flagrante en ce qui concerne le contrôle des armes à feu et les voyages concernant les comités ou les travaux de ce comité-ci. Ce que fait le comité du patrimoine doit rester ici, et je pense qu'il est tout à fait regrettable que nous n'ayons pas pu terminer le projet comme nous étions censés le faire, c'est-à-dire en allant nous entretenir avec les cadres et les gens de la BBC, les gens de PBS et la Commission américaine des communications à Washington.
Vous allez donc devoir assumer une partie de la responsabilité, monsieur Abbott, et je pense qu'il vous incombe en tant que membre du comité de montrer l'exemple et d'aller parler à vos chefs de ce projet qui est en route et qui a jusqu'ici donné d'excellents résultats. Je pense que notre projet, cette étude de la Loi sur la radiodiffusion, présente un énorme potentiel et maintenant, à cause d'une basse question de politique, vous en avez sapé la base. Pour moi, c'est tout à fait regrettable.
Le président: Je vais interrompre tout de suite cet échange avant qu'il ne se transforme en débat, ce qui serait injuste pour les témoins. Toutefois, pour mémoire, je dois vous signaler que notre budget de voyage avait été ramené à 150 000 $.
M. John Harvard: C'est cela, la modernisation?
Mme Wendy Lill: Il est regrettable que nous ne puissions voyager, mais je pense qu'il serait utile que nous consacrions une partie de ce temps à travailler tous ensemble sur ce document. Je pense qu'il faudra que nous consultions le CRTC. Je ne sais pas ce qui est prévu au juste.
Le président: Nous allons entendre ces représentants aujourd'hui.
Mme Wendy Lill: À 11 heures, en effet. Je suis heureuse de l'apprendre.
Par contre, je me demande pourquoi nous ne pourrions pas utiliser une partie de ce temps pour nous réunir et étudier certains des modules, pour commencer à faire ce travail qui nous attend.
Le président: Je pense que cela devra attendre un autre jour. J'ai toutefois pris bonne note de cette suggestion. Vous savez, ce n'est pas très sympathique d'imposer à nos témoins ce genre de discussion qui n'avait pas du tout été prévue. J'avais permis à M. Abbott d'intervenir parce qu'il me l'avait demandé, mais cela commence à dégénérer...
Nous allons terminer avec vous, madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Si nous acceptions d'utiliser nos propres coupons de voyage, nous pourrions peut-être arriver à rencontrer les gens de la FCC ou de la BBC. C'est une suggestion que je fais pour faciliter les choses. En tout cas moi, je serais prête à le faire.
¿ (0920)
Le président: Le problème, c'est que je ne pense pas qu'on puisse utiliser ces coupons de voyage pour se rendre à l'étranger.
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Je n'ajouterai rien.
[Traduction]
Le président: Nous allons maintenant entendre nos témoins et nous sommes très heureux de recevoir aujourd'hui les représentants du ministère du Patrimoine canadien,
[Français]
M. Denny Gélinas, directeur général des Affaires internationales,
[Traduction]
et Mme Barbara Motzney, la directrice des relations internationales et du développement des politiques. Nous allons par ailleurs également entendre à titre personnel M. Peter Grant, associé principal chez McCarthy Tétreault et membre du SAGIT,
[Français]
et M. Ivan Bernier, professeur à la Faculté de droit de l'Université Laval. Au nom de la Coalition pour la diversité culturelle, nous accueillons M. Robert Pilon, vice-président exécutif, et, au nom de Groupe de consultations sectorielles sur le commerce extérieur, Secteur de la culture, M. Ken Stein.
[Traduction]
Nous accueillons aussi M. Gary Neil, le coordonnateur du Réseau international pour la diversité culturelle.
Je sais que nous avons pris un peu de temps contrairement à ce que nous aurions dû faire, mais pour éviter d'en perdre davantage, je vous demanderais d'être brefs dans vos interventions afin qu'il nous reste un peu de temps pour poser des questions.
Je vais commencer par demander aux représentants du ministère du Patrimoine canadien s'ils ont quelque chose à nous dire comme entrée en matière.
M. Denny Gélinas (directeur général, Ministère du Patrimoine canadien): Oui, monsieur le président, j'aurais un exposé liminaire à vous faire.
Monsieur le président, je voudrais vous remercier ainsi que les autres membres du comité, de m'avoir donné l'occasion de vous faire part de la vision que le gouvernement a de la diversité culturelle internationale et des progrès réalisés dans le sens d'un nouvel instrument sur la diversité culturelle. Je voudrais pour commencer vous signaler qu'en mars 2001, les membres du comité avaient déjà reçu une mise à jour écrite de cette poursuite d'un nouvel instrument par le gouvernement, mise à jour qui donnait le contexte et les progrès réalisés jusqu'alors. Aujourd'hui, les représentants des industries culturelles et des ONG se joignent à moi pour vous fournir une nouvelle mise à jour de nos réalisations collectives dans ce sens. Notre panel se compose des principaux chefs de file des ONG et de l'industrie qui ont contribué à mettre la diversité culturelle à l'ordre du jour aussi bien au Canada qu'à l'étranger.
Je vous ai préparé un petit aide-mémoire qui fait partie de la trousse documentaire que vous avez déjà reçue. La première partie de cet aide-mémoire est une introduction générale. Je me propose de commencer par la feuille 6 qui est au coeur même de mon propos à votre intention. Je voudrais surtout me concentrer sur le processus multilatéral, ce que nous avons fait depuis quelques années pour mettre la chose à l'ordre du jour international, et vous parler également de ce que nous faisons au sein du Réseau international sur la politique culturelle pour construire l'instrument proprement dit.
Depuis quelques années, le Canada s'est employé à faire en sorte que la communauté internationale s'engage dans une grande discussion sur la diversité culturelle. Nous avons fait inscrire ce point, la diversité culturelle, à plusieurs agendas. Plusieurs déclarations et plans d'action sont issus de l'UNESCO, du Conseil de l'Europe, de la Francophonie, du Sommet des Amériques, de l'Organisation des États américains et du Réseau international sur la politique culturelle. Dans cette trousse documentaire que nous vous avons envoyée, vous trouverez un bref résumé des activités qui ont été conduites dans chacun de ces domaines, ainsi que certains sites Web intéressants. Ces grandes discussions sur la diversité culturelle ont permis de créer un contexte propice à la discussion de la problématique très particulière de la diversité de l'expression culturelle dans le nouvel instrument international.
C'est au sein du Réseau international sur la politique culturelle qui, vous le savez, a été créé ici même à Ottawa en 1998 par la ministre du Patrimoine canadien, que le développement de cet instrument international est le plus avancé. Depuis lors, le réseau en question qui comptait à l'origine 16 ministres qui voulaient se livrer à ce genre de dialogue sur la politique culturelle au XXIe siècle a mobilisé 50 pays dont les membres font preuve de beaucoup de dynamisme pour piloter l'agenda international de la diversité culturelle. Le Canada préside à un groupe de travail sur la diversité culturelle et la mondialisation qui a été créé au sein du réseau. Sur l'ordre des ministres, le groupe en question a commencé à élaborer une nouvelle vision de la politique culturelle internationale, l'instrument international proprement dit.
La quatrième conférence des ministres qui a eu lieu en Suisse en 2001 a été, pour le Réseau et pour l'instrument international, un véritable tournant. En effet, à cette occasion, grâce aux actions et aux initiatives d'autres organismes multilatéraux régionaux et grâce aussi à l'initiative de la société civile et du secteur privé, les ministres participants ont dit, assez de recherches et de recommandations, donnez-nous maintenant le texte d'un instrument international. En Suisse, les ministres ont donc donné au groupe de travail deux ans pour élaborer un instrument international qui comprendrait une vision, des objectifs et des éléments normatifs afin d'articuler une adéquation étroite et importante à la fois entre la diversité culturelle et le développement socio-économique. Pendant la première année de ce mandat, les ministres ont demandé deux choses, l'élaboration d'une ébauche basée sur les balises et la forme approuvées à Lucerne et une discussion sur les questions de gouvernance pour permettre l'adoption d'un instrument susceptible de pouvoir être appliqué, notamment en ce qui concerne le siège, le règlement des différends et le contrôle. Ces deux produits, l'ébauche d'un texte et une première réflexion sur la gouvernance, ont été présentés aux ministres au Cap en octobre.
L'ébauche de l'instrument international a pour but de faire en sorte que les États aient les moyens de déterminer, sous un angle culturel et en fonction de leur propre contexte, les politiques nécessaires pour préserver et promouvoir la diversité de l'expression culturelle. Cet instrument se veut une série de règles et de préceptes régissant l'intervention culturelle par les États signataires qui repose sur une notion commune de la diversité culturelle, axée à la fois sur la préservation des cultures existantes et sur l'ouverture sur les autres. En plus de guider leurs actions sur le plan national, l'instrument pourrait également être utilisé comme vecteur commun pour les négociations internationales. Il ne se veut nullement statique ou protectionniste, bien au contraire, ce que nous espérons, c'est que cet instrument devienne un outil fondamental pour le développement des cultures, des échanges culturels et de la diversité culturelle.
L'instrument contient six chapitres et un préambule et je pense que vous avez dans votre dossier une copie de l'instrument, de sorte que je vais me contenter d'en donner les grandes lignes.
¿ (0925)
Le préambule donne le contexte dans lequel l'instrument doit être élaboré ainsi qu'une vision commune de la diversité culturelle planétaire.
Le chapitre 1 détaille les définitions, les objectifs et le champ d'application de l'instrument. Les éléments clés de ce chapitre sont les engagements généraux pris par tous les signataires à l'endroit de la promotion et de la préservation de la diversité culturelle et de l'expression culturelle, de la préservation des droits qu'ont les États d'avoir et d'adopter des mesures dans ce domaine, la présentation de l'instrument comme un cadre de référence pour les actions futures, ainsi que l'intensification de la coopération et de la solidarité internationales.
Le chapitre 2 précise les engagements pris par les signataires sur la façon dont ils vont intervenir pour promouvoir et préserver la diversité culturelle. Les articles de ce chapitre reconnaissent la nécessité qu'il y a de tenir compte du caractère particulier des produits et des services culturels et de leur rôle au sein de la société, de ne pas les considérer comme de simples produits, ainsi que l'importance d'un juste milieu dans les actions entreprises pour promouvoir l'expression culturelle nationale dans un esprit d'ouverture sur les autres cultures. À elles seules, les forces du marché ne peuvent pas garantir une expression culturelle diversifiée. Il est fondamental d'avoir des politiques officielles et des partenariats avec la société civile et le secteur privé. La liberté d'expression, la transparence du processus, la propriété intellectuelle, les droits culturels et les droits humains sont également abordés dans ce chapitre.
Le chapitre 3 est consacré au développement de l'expression culturelle et de la diversité culturelle au niveau national. Il reconnaît l'importance qu'il y a de donner aux États la souplesse nécessaire pour utiliser les instruments de politique culturelle qu'ils jugent appropriés dans leur propre contexte. Ce chapitre souligne l'importance qu'il y a de donner à l'expression culturelle nationale suffisamment d'espace, l'importance également d'un soutien financier du secteur public, le rôle des institutions publiques et la contribution des industries culturelles indépendantes.
Le chapitre 4 intitulé «Promotion et mise en valeur de la diversité culturelle à l'échelle internationale» souligne les engagements nécessaires à la promotion de la coopération et des échanges entre les signataires et leurs institutions culturelles et autres organismes culturels privés. Ce chapitre signale ainsi notamment une série d'engagements comme l'échange d'informations, l'amélioration de l'accès à un large choix de produits culturels étrangers, la promotion de la diversité culturelle par une série d'actions, d'engagements et d'autres tribunes internationales, ainsi que la coopération entre signataires et par l'entremise d'organismes internationaux pour assurer le développement et le renforcement des ressources humaines et de la capacité institutionnelle des pays en développement.
Les chapitres 1 à 4 sont la substance même de l'ébauche du texte produit par le réseau. Les chapitres 5 et 6 couvrent l'administration de l'accord et précise la nature des questions qu'il importe de régler pour que l'instrument devienne applicable. Il s'agit d'un organe administratif, d'un mécanisme de règlement des différends et d'une série de procédures concernant l'entrée en vigueur, la modification, l'accès et le retrait. Ces chapitres ne sont donnés qu'à titre d'illustration de modes d'application possibles. La teneur définitive des chapitres 5 et 6 dépendra de l'endroit où l'instrument sera négocié et de la manière dont il le sera.
En élaborant cette ébauche, le groupe de travail du Réseau a voulu définir ce qu'un instrument international devait contenir pour favoriser la réalisation des objectifs déclarés au lieu d'essayer de l'adapter à l'architecture existante d'une organisation internationale. Au Cap, les ministres sont convenus de ce que cette ébauche était effectivement un bon point de départ pour la discussion. Comme il s'agit d'une ébauche, c'est la première fois que les ministres s'expriment dans le cadre d'un accord sur leurs visions et leurs objectifs, et il ne s'agit donc pas encore du texte définitif de l'accord. Il reste encore beaucoup à faire pour préciser plus avant les principaux points à couvrir, les droits et les obligations des parties, et en particulier les liens entre la culture et le commerce ainsi que les points de vue du monde en développement.
S'agissant des questions de gouvernance, les ministres veulent que l'instrument soit applicable et fasse autorité. L'an dernier, le groupe de travail a examiné plusieurs options concernant la gouvernance, notamment le siège, le contexte institutionnel, le règlement des différends et le contrôle. Il a étudié le cas d'un certain nombre d'organismes possibles, l'OMC, l'UNESCO, ainsi qu'un modèle fait sur mesure, mais également plusieurs autres processus internationaux comme la Convention sur la biodiversité et la Convention relative aux droits de l'enfant. À partir de là, il a conclu qu'il n'existait actuellement aucune solution institutionnelle idéale qui puisse répondre aux besoins en matière de gouvernance d'un instrument international sur la diversité culturelle. Chacune des options envisagées présente en effet des difficultés d'ordre politique ou structurel.
Les ministres ont discuté des avantages et des inconvénients possibles de ces différentes options, et un certain nombre de critères fondamentaux se sont ainsi dégagés: la possibilité d'intervenir rapidement—les ministres sont conscients de l'évolution du climat international—et la nécessité de faire en sorte que l'accord soit effectivement applicable. Au Cap, les ministres sont convenus que l'UNESCO, consciente de ses limites, serait l'organisme le mieux placé pour recevoir et mettre en oeuvre l'instrument. Dans la foulée, les ministres ont chargé le groupe de travail présidé par le Canada d'élaborer un cadre de coopération avec l'UNESCO pour déterminer si, en confiant cet instrument à cette tribune, l'objectif serait réalisable.
Le groupe de travail aura deux autres tâches à réaliser l'an prochain: améliorer l'ébauche sous l'angle des droits et obligations pertinents, des besoins des pays en développement et des liens entre la culture et le commerce, et intensifier ses activités de promotion de la diversité culturelle pour faire connaître l'instrument et assurer son adéquation avec les autres agendas internationaux. Les ministres sont allés tellement loin dans leurs discussions au Cap et ont tellement progressé dans leurs travaux qu'ils ne voulaient pas attendre une année complète pour en voir le fruit. Il y aura ainsi au début de 2003 une réunion du groupe de travail au niveau ministériel pour revoir les progrès accomplis. Une délégation des ministres du Réseau, dont le Canada fera partie, devrait également rencontrer le secrétaire de l'UNESCO pour lui parler de l'instrument et de l'engagement possible de son organisation.
Il importe de signaler que l'enthousiasme et la détermination qu'on a pu constater lors de la conférence du Cap ont rejailli quelques jours plus tard sur le sommet de la Francophonie à Beyrouth. À cette occasion, les dirigeants réunis se sont engagés à saisir le sommet des travaux du Réseau et de tout le dossier de l'instrument international sur la diversité culturelle.
¿ (0930)
Ainsi donc, monsieur le président, la prise de conscience et l'engagement continuent à s'intensifier et, avec l'aide de ceux qui sont réunis ici à cette table, le leadership offert par le Canada continuera également à s'affirmer.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Gélinas. Vous nous avez donné une mise à jour fort complète et nous vous en remercions.
Monsieur Grant.
M. Peter Grant (associé principal, McCarthy Tétreault, À titre individuel): Bonjour, membres du comité et monsieur le président.
Je suis avocat spécialisé en communications chez McCarthy Tétreault et je fais depuis longtemps partie du groupe consultatif sectoriel de l'industrie culturelle pour le commerce international que préside, bien sûr, M. Stein, à ma droite. À titre d'avocat dans le domaine des industries culturelles, j'ai participé pour le Canada à presque tous les conflits commerciaux auxquels nous avons été mêlés dans le domaine culturel, par exemple, les éditions de revues à tirage dédoublé, l'affaire CMT, l'affaire Polygram, la plainte relative à la production extérieure, etc., et je connais donc bien les questions reliées à la culture et au commerce.
Le comité sectoriel est très actif et a joué un rôle clé pour mettre au point une nouvelle approche à l'égard du droit commercial. Bien sûr, cela répond au désir de pays comme le Canada qui veulent promouvoir ou aider leurs industries culturelles sans crainte de représailles commerciales. Le comité a publié un rapport qui a fait beaucoup de bruit au début de 1999. Le texte du rapport figure sur le site web «nouvelles stratégies pour la culture et le commerce». C'est vraiment dans ce rapport qu'on a vu la première proposition en vue de créer un instrument international pour la diversité culturelle, c'est-à-dire un traité ou un accord, qui serait une meilleure approche que celle de l'exception culturelle sur laquelle on avait misé jusque là.
Pendant les années qui ont suivi, le comité sectoriel s'est concentré sur ce que cet instrument contiendrait et en a ensuite rédigé un lui-même. J'ai été heureux de participer à ce processus et une ébauche a été publiée aux fins de discussions par le ministère des Affaires étrangères sur son site web à la fin de septembre dernier. C'est un autre document qui peut susciter un débat public.
Si vous examinez ce document, vous constaterez que, dans l'ensemble, il touche pas mal les mêmes questions que celles qu'avait examinées le groupe de travail du Réseau international sur la politique culturelle dont M. Gélinas vient de parler. Je ne sais pas si vous avez un exemplaire de cette ébauche dans votre trousse, mais il reprend bon nombre des mêmes principes et concepts généraux que l'autre document. La question la plus importante consiste à mettre les mesures culturelles à l'abri de représailles commerciales. L'article clé de l'instrument du comité sectoriel est donc l'article 6 et l'annexe 1. Je lirai seulement l'article 6 parce que c'est vraiment l'article clé de l'accord:
Les États membres auront le droit de prendre des mesures à l'égard de la création, de la production, de la distribution et de l'exposition de contenu culturel ainsi que des activités des entreprises culturelles afin d'appuyer, de promouvoir et de préserver la diversité de l'expression culturelle. Les principes et les objectifs de la partie 1 du présent accord, et en particulier l'objectif consistant à assurer le choix, l'espace et la visibilité du contenu culturel national et du contenu culturel étranger, guideront de façon générale les États membres lorsqu'ils prendront ce genre de mesures. L'annexe 1 comporte une liste exemplative de mesures qui pourraient être prises concernant les objectifs de l'accord. |
Il appartient à chaque État membre de déterminer s'il veut ou non utiliser ces mesures, mais s'ils le font et veulent garantir le choix, l'espace et la visibilité pour le contenu national et étranger, de façon à maintenir un certain équilibre, de telles mesures nationales ne devraient pas être assujetties à des représailles commerciales.
Nous avons eu de très longues discussions, comme M. Gélinas vous l'a signalé, pour déterminer quel devrait être le cadre d'un tel instrument. Nous avons décidé, du moins au début, de ne pas demander l'intervention de l'OMC. Cet instrument devrait être rédigé par des gens qui connaissent les produits et les services culturels et comprennent les différences entre ces services et produits et les automobiles, les réfrigérateurs et autres denrées ordinaires. Les règles économiques qui s'appliquent à ces produits sont très différentes des autres et, bien sûr, ces produits et services sont aussi essentiels pour le développement de l'identité culturelle des nations qui appuient leurs industries culturelles.
Je m'arrêterai là, monsieur Lincoln. Je connais le professeur Bernier, qui s'occupe de mettre au point la version du groupe de travail et celle du comité sectoriel de concert avec moi-même et d'autres représentants des ministères, et il pourra vous donner d'autres détails.
¿ (0935)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Grant.
[Français]
Peut-être pourriez-vous nous dire, lorsque vous nous adresserez la parole, quelle est la liaison qui se fait entre les deux groupes et pourquoi il y a deux groupes au lieu d'un seul. Vous pourriez nous dire quelle est la raison pour laquelle il y a deux groupes séparés, ainsi que comment ils se concertent et comment on arrive à avoir une coordination dans les mesures que l'on suggère.
M. Ivan Bernier (professeur, faculté de droit, Université Laval, À titre individuel): Merci, monsieur le président. Je vais essayer de répondre rapidement à votre question, mais je précise que mon propos s'intitule « Quel nouvel instrument sur la diversité culturelle? ». Étant donné qu'il y en a un certain nombre, on peut se poser la question.
En ce qui concerne les liens entre les trois instruments et projets qui sont maintenant rendus publics, je pense qu'on peut faire la distinction suivante.
Celui du GCSCE, évidemment, origine d'un organisme qui est rattaché au ministère des Affaires étrangères du gouvernement fédéral et qui implique un certain nombre de représentants des industries culturelles et des associations professionnelles dans le domaine de la culture, etc.
Le deuxième, celui du Réseau international sur la politique culturelle, se situe au niveau international, qui est un regroupement informel d'États qui, par le biais d'un groupe de travail, se penche sur la faisabilité et sur le contenu d'un éventuel instrument sur la diversité culturelle.
Le troisième projet origine de la société civile. Il est issu essentiellement des associations professionnelles du milieu de la culture et de différents représentants. Il se veut l'expression d'un point de vue distinct du gouvernement destiné à influencer la conduite du gouvernement.
Voilà les principales différences quant à l'origine de ces trois textes, quant aux éléments de base concernant l'origine de ces trois textes.
Je vais maintenant vous livrer mon propos.
Il est remarquable, à certains égards, que l'idée d'un nouvel instrument sur la diversité culturelle ait fait si rapidement irruption sur la scène internationale. En moins de cinq ans, trois déclarations sur la diversité culturelle ont été adoptées, soit celle du Conseil de l'Europe, en décembre 2000, celle des ministres de la Culture de la Francophonie, en juin 2001, et celle de l'UNESCO, en décembre 2001, et trois projets d'accords ou de conventions sur la diversité culturelle ont été rendus publics, précisément ceux que l'on vient de voir.
Une telle activité témoigne hors de tout doute de l'importance croissante qui est accordée au problème de la préservation de la diversité culturelle face aux phénomènes de la mondialisation de l'économie et de la libéralisation des échanges.
Faut-il s'en surprendre? Pas vraiment, car on comprend bien maintenant que ces phénomènes ont des répercussions importantes sur les identités culturelles et, partant, sur la diversité culturelle elle-même. Je ne citerai ici, pour en témoigner, que le directeur général de l'OMC, qui affirmait en 1997: « Gérer un monde d'économies convergentes, de peuples et de civilisations, chacun avec sa propre identité et sa propre culture, représente le grand défi et la grande promesse de notre âge. »
Je pourrais vous fournir d'autres citations, mais je pense qu'il suffit de comprendre qu'il y a une meilleure vision de ce que peut représenter l'impact de la mondialisation et de la libéralisation des échanges sur les identités culturelles.
Maintenant, comment peut-on se retrouver devant cette importante prolifération de textes qui se veulent tous des instruments internationaux sur la diversité culturelle? Une première distinction s'impose au départ: les déclarations, en tant qu'instruments, n'imposent pas d'obligations au plan juridique et ne sont pas exécutoires. Il s'agit en fait d'un premier niveau d'engagement qui ne contraint d'aucune façon les États.
Les accords ou conventions, au contraire, obligent les signataires au plan juridique et, suivant leur contenu, peuvent avoir un caractère exécutoire plus ou moins prononcé. Il est symptomatique à cet égard que deux des trois déclarations sur la diversité culturelle mentionnées précédemment, soit celle de la Francophonie et celle de l'UNESCO, font directement ou indirectement référence à l'opportunité de poursuivre, dans une étape ultérieure, la réflexion sur la conclusion d'un éventuel accord ou convention sur la diversité culturelle ayant un caractère contraignant au plan juridique. Or, comme on l'a vu, cette réflexion a déjà suffisamment progressé pour donner lieu à la publication de trois projets d'instrument sur la diversité culturelle.
On se retrouve donc maintenant de plain-pied dans la seconde étape, à laquelle feront référence les déclarations sur la diversité culturelle. En fait, dès lors que l'on se sera entendus sur un texte de base pouvant donner ouverture à des négociations ainsi que sur la façon de procéder, on entrera dans une troisième et dernière étape, qui est celle des démarches politiques en vue de l'adoption et de la mise en oeuvre d'un tel instrument.
¿ (0940)
À ce stade-ci, il est donc important de bien comprendre ce qui unit et ce qui différencie les trois projets d'instrument en question au plan du contenu et de l'effort. Ceci est d'autant plus important que le Canada est très étroitement identifié à chacun de ces trois instruments.
Chacun contribue à sa façon à une meilleure compréhension des questions que soulève un instrument international sur la diversité culturelle. Ces derniers ont en commun une même volonté d'assurer le droit des États de maintenir ou d'adopter les mesures qu'ils jugent appropriées au développement de leur expression culturelle, ainsi qu'à la promotion et à la mise en valeur de la diversité culturelle.
Des trois projets, le plus radical et le plus contraignant, en ce qui concerne les obligations imposées aux États, est celui du Réseau international sur la diversité culturelle. Il représente bien le type de contribution que l'on attend de la société civile, c'est-à-dire une prise de position ferme et claire sur les besoins de cette société civile. Ce projet recoupe, sur un certain nombre de points, les deux autres projets, mais aborde aussi des thèmes distincts. Le langage qu'il utilise sur plusieurs de ces points est assez économique et on pourrait dire aussi que le principal problème qu'il soulève, en raison de son caractère contraignant plus marqué, est celui de sa capacité à rassembler un nombre d'États signataires suffisant pour assurer sa mise en oeuvre.
Les deux autres projets d'instrument ne sont pas très éloignés l'un de l'autre. Plutôt que d'imposer des obligations multiples aux États, ils insistent d'abord et avant tout sur le droit des États de prendre les mesures jugées nécessaires pour promouvoir les expressions culturelles et la diversité culturelle et, évidemment, demandent qu'ils reconnaissent les mesures prises par les autres États.
Celui du Réseau international sur la politique culturelle, dans sa version présente, utilise un langage qui se veut essentiellement culturel. Ceci est le reflet d'une volonté marquée de faire de l'instrument un document de référence et un code de conduite pour tous les États qui considèrent la préservation d'expressions culturelles distinctes et la diversité culturelle comme des éléments essentiels à une véritable mondialisation. En d'autres termes, l'instrument ne cherche pas à modifier le droit de l'OMC en tant que tel, ce qui ne peut se faire que de l'intérieur de l'OMC, mais se situe plutôt parallèlement à cette dernière organisation et cherche à construire une vision d'abord et avant tout culturelle du rapport entre le commerce et la culture.
Le projet d'instrument du GCSCE sur les industries culturelles, pour sa part, utilise un langage un peu plus proche des considérations commerciales et un peu plus près, de ce point de vue, de l'OMC.
Peut-on parler à cet égard de deux conceptions différentes de l'instrument? Il est difficile de l'affirmer de façon certaine, mais ce qui est clair en revanche, c'est que l'UNESCO pourra difficilement se saisir d'un instrument ayant des visées visiblement commerciales. Or, on sait, à la suite de la dernière rencontre ministérielle du Réseau international sur la politique culturelle qui s'est tenue au Cap en octobre dernier et à la suite du dernier Sommet de la Francophonie tenu à Beyrouth, également en octobre, que l'UNESCO est l'enceinte retenue pour la négociation d'un tel instrument. Un échec à ce niveau aurait donc des répercussions importantes.
En effet, en dehors de l'hypothèse d'un instrument autonome, qui est difficile à réaliser, la seule autre possibilité qui existe est celle d'une négociation dans le cadre de l'OMC, laquelle ne va pas sans risques, évidemment.
De ces trois projets d'instrument sur la diversité culturelle, celui qui est le plus près des préoccupations du Canada à l'heure actuelle est celui du GCSCE sur les industries culturelles; non pas qu'il souhaite que le texte de ce dernier soit retenu tel quel, mais ce qu'il recherche d'abord et avant tout, semble-t-il, c'est l'utilisation, dans l'instrument projeté, d'un langage économique et commercial qui permette de faire un lien avec l'OMC. De là à penser que le Canada n'écarte pas la possibilité d'une négociation de l'instrument dans le cadre de l'OMC, il n'y a qu'un pas.
Si tel devait être le cas, il y aurait lieu de s'inquiéter. L'OMC n'a pas la compétence pour traiter de la culture, et dans la mesure où elle est saisie de la question, elle ne pourra le faire que dans une perspective commerciale. En fait, une action efficace en faveur de la diversité culturelle repose sur les trois piliers suivants: premièrement, une action déterminée de la société civile et des pressions faites sur les gouvernements pour qu'ils prennent en considération la problématique de la préservation de la diversité culturelle; deuxièmement, un refus des États de prendre des engagements dans le cadre de l'OMC tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas un instrument mis en place pour assurer la préservation de la diversité culturelle au plan international; et troisièmement, l'instrument en question, qui se présente comme un complément aux deux autres types de mesures.
¿ (0945)
De ce point de vue, je pense qu'on ne peut pas dissocier ces trois approches, qui constituent des piliers d'une action en faveur de la diversité culturelle. L'instrument est aussi essentiel que la question des engagements à l'OMC et aussi essentiel que l'action de la société civile.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, professeur Bernier.
Monsieur Pilon.
M. Robert Pilon (vice-président exécutif, Coalition pour la diversité culturelle): Je voudrais d'abord remercier le président et les membres du comité d'avoir invité un représentant de la Coalition pour la diversité culturelle à venir à cette audience.
Je pense que le fait que les parlementaires du comité se penchent à ce moment-ci sur ces questions est extrêmement important. À mon avis, les parlementaires, au Canada et dans d'autres pays, devront jouer un rôle important au cours des prochaines années si on veut assurer le succès, c'est-à-dire la création, le développement et la mise en place de ce nouveau traité international sur la diversité culturelle.
Je pense que vous connaissez tous l'existence de la coalition, laquelle regroupe 32 organisations professionnelles établies au Canada et représentant des artistes, des créateurs, des auteurs, des producteurs, des éditeurs, des producteurs de disques et de films, des radiodiffuseurs, bref, toutes les principales associations professionnelles au Canada.
Dans la pochette que je vous ai distribuée, il y a une brochure dans laquelle vous trouverez la liste de toutes les associations membres de la coalition.
La coalition est née de façon informelle au Québec, en 1998, au moment des négociations de l'AMI. Par la suite, à l'automne 1999, elle s'est étendue à l'ensemble des organisations professionnelles, enfin à la quasi-totalité des organisations professionnelles importantes au Canada.
Cette coalition est quelque chose d'unique au Canada, en ce sens qu'elle regroupe à la fois des associations professionnelles qui représentent des écrivains, mais aussi des associations professionnelles qui représentent des éditeurs, d'autres qui représentent des acteurs et des réalisateurs de films, et aussi des producteurs de films.
On sait--et c'est un secret de Polichinelle--que les gens des associations de producteurs de films et ceux des associations d'acteurs ne s'entendent pas toujours sur toutes les questions. On n'a peut-être pas toujours la même vision de ce que devrait être la politique idéale du film. On sait aussi que les associations d'éditeurs et les associations d'auteurs n'ont pas tout à fait la même vision de ce que devrait être la meilleure politique du livre, par exemple. Je pense que ces choses sont normales dans un système démocratique.
Ce qui est remarquable au sein de la coalition, c'est que, malgré leurs divergences d'opinion sur certaines questions, y compris des questions de politique culturelle, les éditeurs et les auteurs, les producteurs et les réalisateurs de films ont cru bon de se joindre à la coalition parce qu'il y a une chose fondamentale qui unit toutes ces associations et les dizaines et dizaines de milliers d'artistes et de producteurs et d'éditeurs qu'elles représentent au Canada: elles croient fondamentalement que le Canada et les autres pays doivent conserver leur droit souverain d'établir leur propre politique culturelle. C'est la chose clé.
La culture, un film, un livre, un disque, ce n'est pas une marchandise comme les autres.
¿ (0950)
[Traduction]
On ne peut pas appliquer à la production et au commerce de films, de livres et de musique les règles qu'on applique d'habitude à la production et au commerce international d'automobiles et de réfrigérateurs, comme le disait Peter. C'est un point essentiel. C'est pour cela que nous devons intervenir. Tous les membres de la coalition sont convaincus que les politiques culturelles sont essentielles pour le Canada et bon nombre d'autres pays si nous voulons favoriser la culture et nous sommes aussi convaincus que ni la culture ni la politique culturelle ne doivent faire l'objet de négociations commerciales.
Voilà aussi pourquoi nous sommes convaincus, comme nous le signalons dans notre énoncé de mission adopté en juin 2000, que nous devons conclure une nouvelle convention ou un nouveau traité international. Je n'aime pas d'habitude le mot instrument, qui me semble trop vague. Je suis économiste, pas avocat. Je préfère donc parler de convention ou de traité pour que tout le monde comprenne. Cela fait plus de deux ans maintenant que nous préconisons l'élaboration d'un tel traité ou convention international. Que devrait être ce traité? Il devrait être le fondement juridique qui garantira que les États, pays et gouvernements du monde entier auront la capacité de maintenir, d'élaborer et d'appliquer leur politique à l'égard de films, de livres, de musique, de théâtre et de musées pour que la culture locale ou nationale puisse continuer de se développer dans toutes les régions du globe et favoriser ainsi la diversité culturelle.
Parfois, des gens au Canada ou ailleurs me demandent si cela n'est pas du protectionnisme. Je répondrais que non, ce n'est pas une mesure protectionniste ou de la vieille garde, pas du tout. À mon avis, c'est une idée vraiment moderne. La diversité culturelle n'est pas une notion du passé, mais plutôt de l'avenir. Je peux parler du Portugal ou de la France, je peux parler du Chili, parce que le défi est le même partout. Comment peut-on garantir que les habitants du Chili auront suffisamment accès aux films réalisés par un Chilien? Comment garantir que les Canadiens auront accès aux livres d'auteurs canadiens? Comment garantir que les citoyens français auront accès à la musique française produite par des compositeurs français? Il ne s'agit pas de fermer la porte à la musique, aux films, aux pièces, aux livres venant d'autres pays, mais seulement de garantir que la culture locale reste accessible dans chaque pays et, pour utiliser un mot d'économie, dans l'approvisionnement en biens et en services culturels dans n'importe quel pays, il faut maintenir un équilibre entre ce qui vient des créateurs de ces pays et ce qui vient des créateurs de l'extérieur.
Il y a un autre aspect à la diversité. Prenons l'exemple du cinéma au Canada. Les films canadiens ne représentent que 3 p. 100 du marché canadien, ce qui veut dire que 97 p. 100 des films qui passent sur nos écrans sont des films étrangers. Le marché n'est donc pas équilibré. Je ne veux pas dire que cet équilibre doit être de 50/50. Il n'y a pas de chiffre magique. La ministre Copps a maintenant instauré un nouveau programme pour relever la part des films canadiens à 15 p. 100. Le pourcentage est déjà plus élevé que 3 p. 100 au Québec. En France, il est de 42 p. 100, en Corée de 42 p. 100 et dans d'autres pays de 8 p. 100, mais un pourcentage de 3 p. 100 est insuffisant.
¿ (0955)
Deuxièmement, de ces 97 p. 100 de films étrangers qui passent sur les écrans au Canada, la plupart sont des productions hollywoodiennes. Pour nous, il ne s'agit pas simplement de films américains, mais de films hollywoodiens. Les grands studios d'Hollywood produisent 200 films chaque année. Les Canadiens voient très peu de films américains indépendants. Nous voyons aussi très peu de films italiens, de films grecs, de films espagnols et de films chinois. Nous voulons pouvoir voir plus de films canadiens. Nous voulons aussi augmenter la proportion de films étrangers sur le marché canadien. La qualité des films américains n'est pas en cause. J'apprécie beaucoup de nombreux films américains. Là n'est pas la question. Il s'agit de savoir comment accroître la proportion de films étrangers sur le marché canadien. Essayez de vous imaginer la situation suivante à l'échelle mondiale. Si nous pouvions, dans le cadre de négociations commerciales futures, obtenir une protection dans le domaine culturel, cela favoriserait la production artistique locale dans tous les secteurs et dans tous les pays.
Quelle serait l'incidence de cette protection dans le domaine culturel? Elle favoriserait le commerce même si cela peut paraître surprenant à première vue. En tant qu'économiste, j'ai appris dans mon premier cours d'économie que le commerce repose sur la production locale. S'il n'y a pas de production locale, il n'y a pas non plus d'exportation. Imaginez-vous donc qu'un monde qui, dans 20 ou 25 ans, serait caractérisé par une production locale plus abondante dans tous les secteurs culturels et dans tous les pays. Il s'ensuivrait une circulation et un échange plus large de produits culturels dans le monde entier. C'est le point de vue que partagent tous les membres de la coalition.
Cette position n'est donc pas protectionniste, tout au contraire. C'est la position que nous défendons auprès du gouvernement canadien et nous sommes assez satisfaits jusqu'ici de l'accueil qu'il lui a réservé. Le Canada doit refuser que la culture et les questions culturelles soient considérées comme des questions négociables. Le Canada doit conserver sa souveraineté dans ces domaines.
Je sais que je parle trop longuement, monsieur Lincoln, mais permettez-moi de faire deux autres remarques.
[Français]
Depuis que la coalition s'est structurée, en novembre 1999, nous avons fait un travail de représentation au Canada, mais aussi à l'échelle internationale. Entre autres, nous avons organisé à Montréal, en septembre 2001, une conférence internationale qui regroupait des représentants d'une cinquantaine d'associations professionnelles de dix pays différents. Il y avait là des associations d'acteurs d'Argentine, des associations de producteurs de films, des éditeurs de livres du Chili, des associations professionnelles de tous les secteurs et de plusieurs pays, dont le Danemark, la France, l'Espagne, le Mexique, la Corée, etc.
Par le biais de cette conférence internationale, il y a notamment un suivi et un certain nombre de missions à l'étranger effectuées par les représentants de la coalition. Depuis lors, sur le modèle de la coalition canadienne, de nouvelles coalitions regroupant à la fois des éditeurs et des auteurs, des producteurs et des réalisateurs, etc., se sont formées au Chili, en France, en Corée, au Mexique, en Argentine, et il y en a deux nouvelles qui sont en train de voir le jour en Australie et en Nouvelle-Zélande. Donc, nous avons créé une espèce de modèle et lancé l'idée d'essayer de regrouper, au-delà de leurs différences, les différentes associations professionnelles, de façon à avoir une voix plus forte auprès des pouvoirs publics.
En terminant, voici un mot sur le nouvel instrument. Nous appuyons ce concept depuis juin 2000 déjà. Nous disons depuis le début que ce nouvel instrument devrait avoir une perspective d'abord culturelle avant d'avoir une perspective commerciale. Nous avons dit dès le début que ce nouvel instrument ne pouvait d'aucune façon être développé sous l'égide de l'OMC, mais qu'il devait plutôt être développé dans un forum qui donnerait la priorité à la culture.
Nous ne sommes pas allés au-delà de cela. Nous n'avons pas encore discuté des hypothèses; nous le ferons bientôt. Cela dit, comme on l'a signalé tout à l'heure, il y a eu une accélération au cours des derniers six mois: le travail remarquable effectué au sein du réseau des ministres de la Culture à l'initiative de Mme Copps; la participation de plusieurs ministres de la Culture, notamment les ministres du Mexique et de l'Afrique du Sud, ainsi que la ministre Diane Lemieux du Québec, qui a participé à plusieurs de ces conférences. Le travail effectué au sein du réseau des ministres de la Culture a progressé. Nous avons maintenant un projet d'instrument sérieux qui a été accepté largement et qui sert de base pour des développements futurs.
Par ailleurs, il faut signaler que la déclaration du Sommet de la Francophonie tenu à Beyrouth au mois d'octobre est maintenant disponible en anglais. C'est un point tournant. À l'initiative de la France et du Canada, un groupe représentant 53 chefs d'État et de gouvernement, si je ne me trompe pas, dont la France, le Canada, la Suisse, la Belgique et plusieurs pays africains, mais aussi le Québec, qui est membre à titre de gouvernement, ainsi que le Nouveau-Brunswick, a adopté cette déclaration fondamentale qui dit deux choses. Elle dit d'abord qu'il ne faut pas prendre d'engagements dans les accords de commerce internationaux qui auraient un impact sur la culture et le commerce, notamment à l'OMC. Cette déclaration a été signée à la fois par Jacques Chirac et par Jean Chrétien. Elle dit aussi qu'il faut développer rapidement ce nouveau traité international sur la diversité culturelle.
Il y a donc, dans le dossier, un leadership extrêmement important qui est assumé par la France et par le Canada, ainsi que par le gouvernement du Québec, qui a joué un rôle remarquable dans ce dossier, tant à la Francophonie qu'au sein du réseau des ministres de la Culture.
Qu'est-ce qu'il faut faire maintenant? On va beaucoup discuter. Est-ce que ça doit être à l'UNESCO ou en dehors de l'UNESCO?
À (1000)
[Traduction]
La chose la plus importante à faire au cours des mois qui viennent est de réunir autour du Canada et de la France un groupe constitué de 15 à 25 pays prêts à jouer le rôle de chefs de file dans ce domaine. C'est très important. À moins de former un noyau de base constitué de pays représentant diverses parties du monde, on ne pourra jamais obtenir un traité international, que ce soit sous les auspices de l'UNESCO ou d'un autre organisme.
Le Réseau international des ministres de la Culture de la francophonie a déjà beaucoup fait progresser ce dossier. Notre réseau officieux de coalitions a aussi beaucoup travaillé dans ce domaine. En collaboration avec la coalition française, nous organisons une grande réunion internationale au début février à Paris à laquelle participeront des représentants de 150 à 200 associations professionnelles oeuvrant dans 35 pays. Nous espérons que cette réunion se traduira par la création de cinq à dix autres coalitions locales qui collaboreront avec les gouvernements favorables à cette approche ou exerceront des pressions pour convaincre les gouvernements qui s'y opposent de son bien-fondé. Il est actuellement de la plus haute importance qu'on crée des alliances au niveau gouvernemental ou au niveau des organismes professionnels représentant les artistes, les producteurs et les éditeurs.
Que faut-il penser du fait que l'UNESCO sera chargée de ce dossier? Notre coalition a certaines réserves au sujet de la lourdeur du processus administratif à l'UNESCO, mais nous ne pouvons pas nous permettre de rater le coche. Notre bureau a discuté de cette question il y a deux jours. Notre conseil d'administration se penchera sur cette question lors de sa réunion de janvier. J'exprime ici un point de vue personnel, mais j'estime que nous devons appuyer l'initiative lancée par les gouvernements canadien et français à l'UNESCO. Ce processus ne doit pas simplement aboutir à une déclaration vague, mais à un véritable traité international qui aura force de loi et qui constituera une base juridique solide sur laquelle pourront reposer les politiques culturelles des divers pays et gouvernements.
Je vous remercie. Je regrette d'avoir parlé si longuement.
À (1005)
Le président: Merci, monsieur Pilon.
M. Stein est président du GCSCE. Il importe donc que nous l'entendions.
M. Ken Stein (président du GCSCE dans le secteur de la culture et vice-président, Affaires de la société et réglementaires, Shaw Communications, Groupe de consultations sectorielles sur le commerce extérieur (GCSCE) - Secteur de la culture): Je vous remercie, monsieur le président.
Pour récapituler, je pense qu'on vous a déjà parlé de l'initiative prise par le gouvernement du Canada dans le cadre du réseau international. Cette initiative revêt beaucoup d'importance. Je recommande au personnel de recherche de parcourir le discours que M. Pettigrew a prononcé la semaine dernière devant l'Institut international de communication et dans lequel il expose la position du gouvernement sur cette importante question.
L'élaboration de cet instrument—ce que les Américains appellent «jetons le blâme sur le Canada» et que nous considérons comme une initiative canadienne—revêt beaucoup d'importance puisque nous passons d'un monde où le commerce portait sur l'échange de biens comme le bois d'oeuvre, l'acier et le porc à un monde où le commerce constituera surtout un échange de services. Comme Seattle l'a fait ressortir, nous sommes à un moment décisif de l'histoire et cette initiative prend de l'ampleur dans le cadre des discussions à l'OMC sur l'AGCS. Nous sommes sur le point de décider de l'orientation future que prendra l'économie. Je voudrais donc non pas vous parler du passé, mais plutôt de l'avenir. Comme D'Rivera l'a dit, la culture n'est pas un produit comme les autres. La même chose vaut cependant pour les services médicaux, la publicité et toute une gamme d'autres questions qui seront abordées dans le cadre des prochaines négociations commerciales. La position qu'adopteront à cet égard les autres pays et que nous adopterons nous-mêmes importera beaucoup.
Nous avons publié un rapport en 1999 portant sur la culture elle-même. Votre comité s'est penché sur ce rapport et a appuyé l'approche qu'il préconisait et qui a abouti à l'instrument que le gouvernement du Canada a par la suite adopté. Il nous a ensuite fallu définir cet instrument. Beaucoup d'efforts ont été déployés à l'échelle internationale pour s'entendre sur un avant-projet. Comme vous pouvez le constater beaucoup d'efforts ont aussi été déployés par le Canada par l'intermédiaire de la coalition. M. Neil va nous parler plus tard de la contribution des organismes non gouvernementaux. Les discussions ont été bonnes jusqu'ici, mais c'est maintenant que les choses se corsent.
Il nous faudra d'abord définir clairement ce que nous entendons par produits et services culturels vu l'importance que cela revêt pour l'économie future. Les vues sont partagées sur le sens à attribuer à ces termes dans des domaines comme la publicité, l'édition et le divertissement. Comme M. Pettigrew l'a dit la semaine dernière, Jack Valenti croit que les films culturels sont des films portant sur le nord ou sur les fleurs, et qu'un film comme Star Warsn'est pas un produit culturel, mais plutôt un produit de divertissement. Pour nous, il s'agit d'un véritable produit culturel. Nous devons donc convenir au plan interne d'une définition claire de la culture parce qu'on nous demandera quelle est notre définition à l'échelle internationale.
Nous devrons aussi établir les politiques qui ont été efficaces et celles que ne l'ont pas été. Lorsqu'une politique d'exemption vous permet de faire à peu près ce que vous voulez dans un domaine, il n'est pas nécessaire de définir de façon très rigoureuse ce que l'on compte faire, mais lorsqu'il s'agit de négocier un instrument fondé sur des règles du type que nous avons préconisées, il faut préciser ce que nous sommes prêts à faire parce que sinon, nous devrons nous conformer à la définition de la culture qui aura été établie par d'autres.
Sur le plan international, le GCSCE a préconisé une approche en deux volets. Nous avons d'abord dit qu'il fallait établir un instrument tout en sachant que la question serait abordée dans le cadre des négociations commerciales. Le gouvernement canadien a fait preuve dans ce domaine de grande fermeté. Il s'est engagé à poursuivre les discussions commerciales portant sur les services, mais a refusé de discuter des questions culturelles tant qu'un instrument culturel n'aurait pas été établi.
À (1010)
Mais le train ne s'arrête pas et les discussions de l'OMC sur l'AGCS se poursuivront. D'ici le 31 mars, des demandes seront présentées. Nous savons que certains pays souhaitent une révision des règles relatives au contenu dans le domaine de la radiodiffusion. Nous savons qu'il en sera de même au sujet de la publicité. Le Canada devra faire connaître sa réaction à ces demandes et il importe donc que nous établissions notre position à cet égard.
Cela m'amène à vous parler de la question des délais. Les discussions commerciales ont tendance à s'étendre non pas sur des décennies, mais sur plusieurs années. Entre temps, des discussions ont aussi cours sur d'autres accords bilatéraux. D'autres types d'accords font l'objet de discussions et les questions culturelles revêtent aussi beaucoup d'importance dans le cadre de ces discussions. Il ne s'agit donc pas d'un domaine où le temps constitue un allié. Comme je l'ai dit plus tôt, nous devons nous entendre à l'échelle nationale sur la position à adopter. À mesure que progressent les discussions, nous devons aussi être conscients de ce qui se passe à l'échelle internationale.
Pour les États-Unis, cette question revêt une importance capitale. Ils ne voient pas les choses comme nous. Ils l'ont fait savoir dans le cadre d'autres discussions bilatérales que ce soit au sujet de l'accession de certains pays à l'OMC ou à d'autres moments. Leurs réserves sont faciles à comprendre. L'industrie du divertissement est une industrie très importante aux États-Unis. Il s'agirait de la principale industrie d'exportation aux États-Unis. C'est aussi une industrie qui jouit d'une grande influence politique. Il est donc normal que les Américains aient des réserves au sujet de cet instrument.
Par ailleurs, les Américains ne pensent pas tous de la même façon. Nous oublions parfois qu'il existe aux États-Unis toute une gamme d'opinions sur des questions comme l'accès local dans le domaine de la propriété et des subventions fiscales. La question de la production canadienne suscite des préoccupations à Hollywood, même si elles ne sont pas fondées. Je crois que le Canada pourrait faire davantage pour amener les réalisateurs de films indépendants, les groupes syndicaux et d'autres groupes à se ranger à son avis. Il ne faudrait pas penser que tous les Américains sont de l'avis du représentant commercial des États-Unis.
L'aspect économique de toute la question est très important. Nous avons peut-être tendance à penser que l'approche du gouvernement américain actuel est encore plus défavorable à notre égard, mais il ne faudrait pas oublier que le représentant commercial des États-Unis du gouvernement précédent pensait que le meilleur modèle au monde dans le domaine des télécommunications était la Telecommunications Act de 1996. Nous avons tous constaté que ce modèle n'avait pas exactement donné les résultats escomptés. Ce qui est intéressant de noter au sujet des États-Unis, c'est qu'ils avancent souvent un modèle unique, mais il existe des façons d'amener les Américains à discuter de certaines questions dans le domaine de la culture.
Comme Robert l'a dit aujourd'hui et comme Peter Grant l'a déjà dit plus tôt, même si les Américains nous font des difficultés, ils demeurent nos principaux partenaires commerciaux. Comme M. Pettigrew l'a indiqué, c'est une bonne raison de chercher à nous entendre avec eux. Par ailleurs, s'il est possible de conclure un accord avec la France et 15 autres grands pays, cela aura une grande incidence sur le déroulement des discussions. Cela exercerait une forte influence sur les Américains. Il est important que ces questions soient discutées ouvertement dans le cadre du processus de l'AGCS.
En conclusion, monsieur le président, j'aimerais simplement insister sur le fait que nous devrons préciser quelles sont nos attentes en ce qui touche un instrument culturel. Nous devrons aussi établir quel doit être le contenu de nos politiques culturelles et déterminer quelles politiques ont été efficaces ainsi que celles qui ne l'ont pas été. Il nous faudra nous entendre à l'échelle nationale sur nos objectifs dans le cadre de ces négociations. Je crois que votre comité jouera un rôle important à cet égard.
Je vous remercie.
À (1015)
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Stein. Je crois que vous avez soulevé un point très intéressant au sujet des exemptions et de l'instrument culturel. Vous avez présenté ce défi de façon intéressante.
J'accorde maintenant la parole à M. Neil du International Network for Cultural Diversity.
M. Garry Neil (coordinateur, « International Network for Cultural Diversity »): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Je remercie aussi tous les membres du comité.
Le président: Comme nous voulons avoir du temps pour poser des questions à nos témoins, je vous signale qu'il nous reste trois quarts d'heure.
M. Garry Neil: Je serai aussi bref que possible, monsieur le président.
L'International Network for Cultural Diversity est un réseau international composé d'ONG préoccupées par les effets négatifs de la mondialisation sur nos cultures. Notre réseau compte plus de 350 membres dans 60 pays. Il a été créé à Santorini, en Grèce, en 2000. L'INCD s'est réuni pour la deuxième fois à Lucerne, en Suisse, en 2001. Nous venons tout juste d'avoir notre troisième réunion au Cap, en Afrique du Sud. Le réseau fonctionne en parallèle du Réseau international sur la politique culturelle, qui est le réseau ministériel, mais tout à fait distinct de ce réseau. Nous sommes l'organe de la société civile. Nos délégués viennent de 37 pays. Notre réunion au Cap réunissait près de 200 personnes venues de partout, du Pakistan à l'Angola en passant par le Botswana et le Brésil.
Permettez-moi de prendre un instant pour indiquer qui fait partie de notre comité de direction. Cela vous donnera une idée concrète de la gamme des participants à l'INCD et cela vous permettra de comprendre certaines des idées que j'exprimerai dans un instant au sujet du nouvel instrument.
Nous comptons dans nos rangs Leonardo Brant, du Brésil, qui est chef de l'Institut Pensarte, un groupe brésilien qui milite dans le domaine de la culture et qui représente surtout le secteur de l'audiovisuel. Il y a aussi Peter Curman, un éminent auteur suédois qui est également président de l'Association suédoise des professionnels de la littérature et des arts. James Early, des États-Unis, et directeur du service des traditions populaires et du patrimoine culturel au Smithsonian Institute, en plus d'être un muséologue de renom. Il a probablement traversé le monde plus souvent qu'aucun d'entre nous dans cette salle. Leah Enkiwe travaille aux Philippines dans un réseau autochtone, surtout sur les questions relatives aux femmes et sur les questions de culture relatives aux femmes. Mireille Gagné, du Canada, dirige le bureau du Centre de musique canadienne à Montréal. Atul Kumar est directeur artistique d'une troupe de théâtre pour enfants en Inde. Richard Letts, de l'Australie, a fondé l'Australian Music Council et est l'ancien président du comité de mondialisation de l'International Music Council. Katerina Marinaki, de la Grèce, est scénariste. Elle est présidente de l'Association des scénaristes de Grèce et préside maintenant la Fédération européenne des scénaristes. Nina Obuljen, de Croatie, travaille pour une organisation appelée Cultureling Network, un réseau d'information international à l'intention des travailleurs des arts et de la culture. Elle travaillait auparavant à l'UNESCO. Burama Sagnia, du Sénégal, dirige le Collège itinérant d'Afrique pour la culture et le développement. La culture et le développement ont d'ailleurs été un thème très important de notre réunion au Cap. Raphael Segovia, du Mexique, est imprésario. Il a mis sur pied au Mexique un réseau de citoyens qui s'opposent à la destruction de certains tableaux très importants qui se trouvent dans un immeuble acheté par la société Costco; c'est un autre aspect de la mondialisation et de la culture. Yvon Thiec, de Belgique, est président du bureau de Euro Cinéma en Belgique, l'organe européen des producteurs de cinéma et d'émissions de télévision en français. Mike van Graan, d'Afrique du Sud, vient de mettre sur pied le South African Network for Arts and Culture, qui traitera des questions relatives à la mondialisation à titre d'organe de l'INCD en Afrique du Sud. Megan Williams, du Canada, est directrice générale de la Conférence canadienne des arts.
Si je vous ai donné cette liste, c'est qu'il est important de comprendre les répercussions que peuvent avoir les discussions sur la convention dans un contexte plus large. Bien que nous soyons tous préoccupés par l'homogénéisation culturelle, la mondialisation pose des problèmes différents selon les cultures. À l'INCD, nous faisons front commun dans divers dossiers, mais nous devons également comprendre qu'il existe aussi des différences très importantes.
À (1020)
Nous avons donc proposé une ébauche d'un document auquel nous donnons le titre de convention sur la diversité culturelle. Je suis d'accord avec Robert et je n'aime pas non plus cette idée d'instrument. À part un ou deux pays, personne ne comprend vraiment ce concept d'un nouvel instrument, mais si vous parlez de traité ou de convention, les gens savent immédiatement de quoi il s'agit. Nous avons donc donné à notre texte le titre de convention sur la diversité culturelle. Nous en avons publié une ébauche en mars dernier. La proposition a été discutée par nos membres. Nous l'avons révisée et nous l'avons présentée à un groupe de travail de l'INCP qui se réunissait en mai 2002. Le texte a été révisé à nouveau. Nous avons eu une discussion fructueuse et approfondie de notre proposition à notre réunion du Cap. Suite à cette discussion, nous reverrons de nouveau notre ébauche et la nouvelle version sera disponible d'ici la fin de l'année.
M. Bernier a souligné certaines des différences entre notre vision de la convention sur la diversité culturelle, la vision du groupe consultatif sectoriel sur le commerce international et la vision préconisée par le réseau international sur la politique culturelle. Permettez-moi d'aborder un ou deux éléments.
L'INCD s'est engagé à veiller à ce que la convention ne puisse servir de prétexte à des actions contraires aux droits fondamentaux de la personne et aux principes de base de la démocratie. C'est pourquoi nous avons inclus dans notre ébauche une reconnaissance du droit des artistes et des créateurs à s'exprimer librement et sans censure. Le libellé de notre proposition interdit expressément toute application de la convention qui irait à l'encontre des droits de la personne. Nous essayons également d'offrir des points de repère, des mesures que les gouvernements pourraient envisager pour mettre en valeur leur culture et leurs industries de la culture.
Nous avons également eu un débat fructueux sur la définition de la culture et de la diversité culturelle. Vous serez sans doute intéressés de savoir que la perception de ces termes différait selon les régions du monde. Un certain nombre de délégués venant de pays coloniaux nous ont dit que les maîtres des colonies se servaient de la diversité culturelle comme outil contre les colons. Nous devons être très prudents dans l'utilisation de termes de ce genre, dans leur définition et dans la décision de les définir ou non.
Nous avons longuement débattu de la nature de la culture et nous avons décidé qu'il valait mieux ne pas la définir dans le traité. Certaines de ces notions sont bien définies, par exemple par l'UNESCO, et on ne saurait permettre que la convention engendre des débats sur des questions délicates qui ont déjà été résolues dans d'autres documents et traités internationaux reconnus.
Au sujet des collectivités diversifiées, nous estimons qu'il est essentiel de reconnaître tout spécialement la nécessité de protéger les cultures menacées, plus particulièrement les langues, y compris celles des peuples autochtones. C'est une idée que nous jugeons très importante et que nous avons incluse dans l'ébauche de notre traité. Elle ne se trouve pas dans les ébauches d'autres traités.
M. Bernier a abordé la question de la terminologie des accords commerciaux. En fait, nous avons utilisé cette terminologie dans notre ébauche de convention pour indiquer en gros quel genre de mesures les gouvernements peuvent prendre dans le contexte de la culture. C'est l'un des moyens importants qui permet de rendre le traité efficace pour faire obstacle aux contestations en vertu des traités commerciaux. C'est pourquoi nous avons adopté cette solution.
À titre de représentants de la société civile, nous avons énoncé des principes fondamentaux au sujet du règlement des différends. Nous estimons que ces principes sont essentiels, quelle que soit la formule utilisée pour le système de règlement des différends. Le processus de règlement des différends doit être transparent, il doit garantir la consultation de tiers et d'organismes non gouvernementaux et il doit reconnaître que les droits des particuliers sont équivalents aux droits des sociétés commerciales. Ces principes sont issus des craintes qu'ont exprimées certains de nos membres sur la façon dont un traité mal rédigé pourrait être utilisé comme prétexte pour violer les droits fondamentaux de la personne et à des fins qui à notre avis vont à l'encontre du soutien de la diversité culturelle.
Ce sont là certaines des différences entre notre convention et les deux autres propositions que vous avez reçues. J'invite vos attachés de recherche à consulter notre proposition sur le site Web dès qu'elle y sera versée. Ce sera d'ici la fin de l'année. En fait, donnez-moi un coup de fil et je vous en enverrai un exemplaire.
Je suis d'accord avec M. Bernier sur le fait que des trois propositions, la meilleure pour le Canada serait celle du GCSCE. C'est celle qui permettrait de résoudre le plus clairement et le plus simplement le problème du Canada. Mais je vous invite à réfléchir à la façon dont vous résoudrez ce problème. La seule façon, c'est d'avoir suffisamment d'autres pays alliés pour pouvoir exercer une persuasion morale suffisante pour que cet instrument soit un traité efficace qui permet de régir les différends culturels tout en faisant obstacle aux contestations en vertu des accords commerciaux.
À (1025)
M. Bernier a dit que le principal problème de la proposition de l'INCD était d'après lui l'incapacité de rassembler suffisamment de pays pour qu'elle puisse être appliquée. Je ne suis pas du tout d'accord avec lui et je lui répondrai que le problème des propositions du GCSCE et des ministres, c'est qu'elles ne permettront pas d'obtenir l'appui de suffisamment de pays pour que ces propositions puissent faire obstacle aux contestations en vertu des accords commerciaux. C'est l'essentiel du problème pour nous. Comment pourrons-nous résoudre le problème du Canada si ce problème peut être compris par 12 ou 15 pays mais qu'il n'y a pas d'industries ou de politiques de la culture dans toute l'Afrique? Pourquoi serait-ce dans votre intérêt? L'intérêt de la convention tient à ce qu'elle ne maintient pas tout simplement le droit des pays à posséder une production nationale. Elle indique également comment cette production nationale peut s'épanouir. Pour l'INCD, c'est là le principal défi.
Merci de votre attention.
Le président: En vous écoutant, monsieur Neil, il m'est venu à l'esprit que compte tenu de ce que nous avons devant nous des témoins aussi brillants, nous devrions peut-être demander à toutes vos organisations de travailler de concert pour produire le meilleur instrument pour tous. Le défi serait peut-être trop grand.
Il nous reste une demi-heure pour les questions et si nous sommes disciplinés, chacun pourra poser la sienne.
M. Abbott, Mme Gagnon, Mme Bulte, M. Harvard et Mme Lill m'ont signalé qu'ils avaient des questions à poser.
Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott: Merci.
Je suis d'accord avec M. Lincoln. Il est difficile pour un novice comme moi de comprendre les nuances entre les positions qui ont été expliquées aujourd'hui. Je suis persuadé que bien d'autres personnes au monde ne comprennent pas non plus ces nuances. Je tiens toutefois à déclarer bien clairement que l'Alliance canadienne a beaucoup de sympathie pour ce que vous essayez de faire. Nous estimons que ce que vous faites a beaucoup d'importance et en ma qualité de porte-parole en matière de patrimoine, il me fera plaisir de travailler avec vous pour concrétiser ces mesures.
Monsieur Neil, j'ai été étonné de voir à quel point je suis d'accord avec vos propos. J'ai néanmoins une ou deux questions d'ordre pratique à vous poser. Vous avez parlé de la liberté de parole, et je suis entièrement d'accord avec vous. Mais qu'en est-il de cas comme celui de Salman Rushdie et des autres contraintes qui existent à cause de certaines forces au monde? Je pose également cette question à M. Gélinas. Comment ces instruments, ces traités, ces conventions, quel que soit le nom qu'on leur donne, peuvent-ils être appliqués pour résoudre de façon pragmatique le problème que je viens de mentionner?
M. Garry Neil: Il n'y a pas de réponse simple à cette question. D'une part, la convention n'a pas été conçue pour résoudre le problème de Salman Rushdie et de la fatwa contre lui. Par contre, nous croyons qu'il est possible d'inclure dans la convention des principes aussi importants que le droit des artistes de s'exprimer librement.
Deuxièmement, cela revient à la question du régime de règlement des différends, au fait d'avoir un système qui permet de consulter la société civile et d'opposer aux problèmes le poids de cette société civile. Cela permettra de sensibiliser la population à ce genre de problèmes et évitera que la promotion de la diversité culturelle serve de prétexte pour violer ces droits.
C'est donc une question délicate. Je ne crois pas que la convention puisse la résoudre, mais elle peut contenir des principes fondamentaux qui peuvent avoir des répercussions indirectes.
À (1030)
Le président: Monsieur Gélinas.
M. Denny Gélinas: J'ajouterai à la réponse de M. Neil que c'est un problème important. Nous espérons que l'entente finale comprendra des mécanismes de surveillance en ce qui a trait au règlement des différends. Les gouvernements signataires seront tenus de prendre certaines mesures et d'adopter certains comportements, et ce mécanisme prévoira un processus de surveillance. Nous espérons pouvoir corriger ce genre de situation dans ce contexte, mais comme M. Neil l'a dit, c'est un problème très difficile à résoudre.
M. Jim Abbott: Monsieur Bernier et monsieur Neil, j'aimerais que vous me donniez une brève définition de la «société civile». C'est une expression qu'on utilise dans toutes sortes de contextes. Monsieur Bernier, je crois que vous avez utilisé cette expression au moins à quatre ou cinq reprises. Vous pourriez peut-être la définir dans le contexte de votre témoignage. Monsieur Neil, vous pourriez peut-être aussi m'expliquer ce que vous entendez par cette expression dans le contexte de votre témoignage, lorsque vous dites que la société civile pourrait exercer des pressions. J'ai besoin de comprendre quelle est la nature de cette société civile et qui en fait partie.
Le président: Monsieur Bernier.
Mr. Ivan Bernier: En fait, la société civile se compose d'organismes non gouvernementaux qui s'intéressent à une question particulière, aux questions culturelles dans le cas qui nous occupe. D'une façon générale, les gouvernements en sont exclus, mais elle peut regroupe toutes sortes d'organismes qui défendent des intérêts différents, y compris des entreprises. Les entreprises sont structurées en vue de promouvoir leurs intérêts et elles interviennent très souvent. Le problème, ce n'est pas tant les entreprises en général que les autres organismes qui ont moins de pouvoir ou sont moins en mesure de faire valoir leurs opinions. Quand les organisations internationales discutent de leurs rôles dans la société civile, cela comprend dans bien des cas une vaste gamme d'organismes non gouvernementaux.
Le président: Monsieur Neil.
M. Garry Neil: Je n'ai rien d'autre à ajouter. Notre réseau accueille tous ceux qui ne sont pas liés à un gouvernement.
M. Jim Abbott: Mais de façon plus précise, comment cette société civile pourrait-elle exercer des pressions et réussir à faire appliquer la liberté d'expression?
M. Garry Neil: Elle le ferait précisément par le truchement de ses réseaux et de ses organismes officiels et non officiels qui oeuvrent à l'échelle régionale, nationale et internationale, de la même façon que dans le domaine des droits de la personne, il existe divers organes internationaux, dont Amnistie internationale et PEN International, qui sensibilisent la population à certaines de ces questions. Il s'agirait donc d'organismes de ce genre.
Le président: Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Merci.
Vous parlez du problème canadien. Pour contrer le problème canadien, qui est certainement d'être capable d'appuyer notre culture, vous suggérez que les gouvernements puissent avoir le droit d'appuyer la culture sans que des gens viennent nous contredire lors des accords commerciaux. Mais en même temps, la coalition dit qu'elle regroupe une quinzaine de pays, et M. Neil, qui représente surtout les ONG, dit qu'il y a une coalition qui est plus large.
En ce qui a trait à l'ouverture ou à l'élargissement que l'entente devrait inclure, ne pensez-vous pas que l'aspect des ONG, tel que décrit par M. Neil, aurait au contraire moins d'appuis pour inclure les pays qui comprennent notre point de vue?
M. Robert Pilon: Il s'agit de deux organisations qui ont vu le jour au Canada et qui collaborent sur différents points de vue. Je pense que c'est d'abord une différence d'approche organisationnelle. Depuis leur naissance, la coalition, de même que les autres coalitions, en France, au Chili, au Mexique, en Australie et ainsi de suite, ont été créées sur un modèle différent; c'est-à-dire qu'elles sont d'abord essentiellement des associations professionnelles.
Par exemple, au Québec, il y a l'Union des artistes, l'Association des réalisateurs et réalisatrices de films, l'Association nationale des éditeurs et l'Union des écrivains et écrivaines. Ces associations regroupent des créateurs et des producteurs, c'est-à-dire des gens qui sont directement impliqués dans la production culturelle.
Nos règles, nos statuts et règlements font en sorte que seules peuvent être membres de notre coalition de telles associations. Ce n'est pas parce qu'on pense qu'il n'y a pas d'autres citoyens ou d'autres groupes de citoyens qui se préoccupent des questions de promotion de la culture. On pense que ces gens-là peuvent s'impliquer sur les questions de politique culturelle; on n'a absolument rien contre cela. D'ailleurs, il y en a un bon nombre qui font partie du réseau international représenté par M. Neil, et on s'en réjouit. C'est tout simplement que nous, les associations professionnelles, avons préféré développer une voix autonome, mais qui n'est pas du tout contradictoire avec le travail qui est fait par le réseau de M. Neil.
Je dirai une chose sur la question des pays du Tiers-Monde, par rapport à ce que M. Neil disait plus tôt. Je pense qu'il faut être prudent sur la question des pays du Tiers-Monde, surtout que nous, dans les pays développés, pouvons facilement devenir un peu paternalistes lorsque nous parlons des pays du Tiers-Monde. Il faut être très prudent à cet égard. Le Tiers-Monde n'est plus aujourd'hui un bloc unique.
Il y a une immense différence entre les pays au niveau culturel. Par exemple, le Chili produit 15 films par année. La Corée a une industrie très développée de production de films et de télévision, dont la part du marché domestique est de 42 p. 100, ainsi que des quotas pour les films coréens et une économie développée. Pourtant, c'est un pays en développement.
D'un autre côté, il y a des pays très pauvres, en Afrique ou en Asie, où l'industrie culturelle est non pas inexistante, comme le disait M. Neil, mais embryonnaire. Ils commencent à se développer un peu en musique, mais le Bénin, par exemple, ne fait pas 15 films par année. Donc, il faut être prudent à cet égard et ne pas mettre tous ces pays-là...
D'ailleurs, les Nations Unies font une distinction aujourd'hui. Lorsqu'on parle des pays en développement aux Nations Unies, on dit qu'il y a parmi eux un sous-groupe qu'on appelle les pays moins avancés, les PMA, qui sont vraiment des pays très, très pauvres. C'est vrai que dans ces cas-là, il n'y a pas une industrie culturelle très développée, mais dans un très grand nombre de pays en développement--je pourrais vous en nommer au moins 50 ou 60--, il y a une industrie du livre, une industrie du film et une industrie de la musique. Elle est moins développée qu'en France ou qu'au Canada, mais il y en a une. Ces gens-là aussi veulent faire des films, veulent voir leurs films et veulent que leur politique de soutien aux films et aux livres soit préservée dans les accords de commerce internationaux.
Donc, il y a beaucoup de similitudes entre les problématiques qu'on rencontre au Canada, en France et dans les autres pays développés et les problématiques qu'on rencontre au Mexique, au Chili, en Argentine, en Corée et dans un très grand nombre de pays en développement.
À (1035)
Le président: Une dernière question, madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon: M. Neil disait qu'il fallait débattre plus à fond de la nature de la diversité culturelle. Est-ce que le fait de vouloir défendre davantage la culture et d'être plus précis sur ce qu'on entend par la diversité culturelle n'a pas pour effet d'écarter certains pays de l'outil ou du traité sur la protection culturelle que l'on propose?
J'avais lu que le Brésil ou l'Argentine était plus ou moins intéressé par ce type d'outil au départ, parce qu'étant donné que ces gens étaient en train de négocier une ouverture des marchés avec les Américains, ça pouvait être un irritant inacceptable. Donc, je me demandais si l'approche de M. Neil et de ses associations n'empêcherait pas l'accès de certains pays à cette convention.
[Traduction]
Le président: Monsieur Neil.
M. Garry Neil: Je tiens tout d'abord à préciser que je ne dis pas qu'il faut définir la diversité culturelle, au contraire. Ce que je dis, c'est qu'il faut être prudent dans les définitions incluses dans le traité car ces définitions pourraient aliéner certains groupes de gens qui interpréteraient différemment les mêmes termes. Il faudrait toutefois clairement indiquer ce que l'on entend par diversité culturelle, c'est-à-dire la tolérance, le respect et la célébration de nos différences, car ce n'est pas le concept que d'autres utilisent ou ce n'est pas ce qu'ils comprennent de l'expression «diversité culturelle».
À (1040)
Le président: Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte: Merci beaucoup.
Merci à vous tous d'être venus aujourd'hui. Je suis de très près le dossier du RIPC parce que j'en étais membre en juin 1998 lorsque la ministre a réuni tous ses homologues pour la première fois. Je connais le document sur le RIPC—on en a présenté une première ébauche en Afrique du Sud—mais je dois vous avouer que je ne savais pas du tout qu'on négociait trois conventions ou instruments différents. Si nous ne nous entendons pas entre nous pour régler un problème canadien, comment pouvons-nous espérer obtenir une entente internationale?
J'aurais de nombreuses questions à poser, malheureusement le temps nous manque. Au début, M. Harvard et moi parlions des répercussions que cet instrument ou convention ou traité aurait sur la radiodiffusion. C'est l'un des objets de notre étude.
L'accord général sur le commerce des services (AGCS) est prévu pour le mois de mars. C'est à ce moment que nous saurons ce qui est négociable et ce qui ne l'est pas. Je sais que le ministre du Commerce international a dit que la culture n'était pas négociable—du moins c'est ce qu'il disait il y a quelques mois. Je n'ai pas encore lu le discours que le ministre a prononcé la semaine dernière et j'ai hâte de le recevoir.
Pour répondre à la question de M. Abbott au sujet de l'affaire Salman Rushdie, je constate que certains pays ne signeront pas. Je vois les arts et la culture, pourquoi nous voulons les préserver et en faire la promotion; les arts et la culture sont essentiels dans une démocratie. Les pays où ne règne pas la démocratie n'adhéreront pas à cette convention ou à ce traité. Les pays ne sont pas tous membres de l'OMC.
Monsieur Neil, vous avez parlé du nombre de pays qu'il faut pour obtenir un consensus. Quelle est la masse critique? Au départ, il n'y avait que quelques pays qui s'intéressaient à la convention sur les mines terrestres et les Américains disaient qu'elle ne serait jamais signée, or c'est maintenant chose faite. Les Américains ne se sont toujours pas ralliés et il y a d'autres pays qui disent qu'ils ne signeront jamais tant que les Américains ne participeront pas.
Pour en revenir aux questions de M. Neil au sujet de la diversité culturelle, je crois savoir que le gouvernement a une politique cadre. Cela se trouve dans ces documents. La promotion de la sécurité humaine est l'un des piliers de ce cadre. Sommes-nous tous d'accord avec ce concept? Est-ce que ces trois instruments tiennent compte de ces préoccupations?
Qu'arrivera-t-il sur le plan du commerce si les télécommunications sont incluses dans les négociations de l'AGCS en mars? Quel effet cela aurait-il sur ce que nous essayons de faire en ce qui concerne cet instrument et la propriété étrangère?
Comme, je le rappelle, c'est le comité de l'industrie, et pas nous, qui examine cette question; j'ai de sérieuses préoccupations, mais j'aimerais beaucoup entendre ce que M. Grant en pense.
M. Peter Grant: Vous avez posé plusieurs questions auxquelles je vais essayer de répondre rapidement.
En ce qui concerne l'existence de trois instruments et la confusion que cela crée, celui du GCSCE est le seul qui, d'après moi, est véritablement canadien. Il a été créé avec la collaboration de fonctionnaires des ministères des Affaires étrangères et du Patrimoine et des membres du GCSCE auquel je participe. Nous avons tous reconnu qu'il s'agit d'un document que nous avons élaboré en réponse à la question: «De quoi le Canada a-t-il besoin?». Voilà pour le contexte.
Les deux autres documents ont été produits par des groupes de travail constitués de membres différents qui représentaient divers pays. Ce n'est pas le Canada qui détermine le contenu de ces documents. Ils reflètent une diversité d'intérêts mais je trouve rassurant que ces trois documents aient pratiquement les mêmes objectifs en ce qui concerne les éléments essentiels de ce concept.
Un avocat canadien a aidé à préparer l'instrument proposé par M. Neil, mais il s'agissait, bien sûr, d'un processus tout à fait différent. Son instrument contient des éléments qui lui sont propres et il accorde un peu plus d'importance à la question des droits de la personne que les autres documents qui mettent surtout l'accent sur les questions commerciales et culturelles. Néanmoins, ces trois documents ont de nombreux éléments en commun.
Au cours des prochaines années, je pense qu'il y aura encore de nombreuses versions de ces instruments au fur et à mesure que les autres pays réuniront leurs propres experts pour rédiger leurs propres textes. C'est ainsi que sont élaborées toutes ces conventions internationales, c'est-à-dire que les différentes parties rédigent des dispositions qu'elles proposent aux autres. Le résultat final contiendra probablement de nombreux éléments qui ne se trouvent pas dans notre document. Cela fait partie des règles du jeu. C'est ainsi que se font les négociations au niveau international. Ainsi, notre document servira à alimenter la discussion. C'est un outil de travail qui aidera les gens à comprendre nos intentions.
Votre deuxième question concernait la radiodiffusion. Je sais que vous examinez cette question. Si vous lisez attentivement cet instrument, vous verrez que la radiodiffusion est incluse dans la rubrique des activités et des industries culturelles. Cette activité est expressément mentionnée dans la définition des entreprises culturelles.
En outre, l'annexe contient une liste exemplative de mesures comme les subventions, les contingents, les règles de propriété étrangère et le financement des services publics de radiodiffusion. Il s'agit des techniques et des outils qu'utilisent de nombreux pays, dont le Canada, pour encourager leurs réseaux de radiodiffusion. Si vous lisez cette liste, vous verrez qu'on y mentionne même:
les mesures exigeant que les entreprises culturelles ayant une position dominante dans un certain genre ou une certaine activité appuient le contenu culturel d'origine national créé par des créateurs ou des producteurs indépendants, ou provenant de ceux-ci, et offrent un accès équitable à ce contenu. |
Ainsi, ce genre de règle...
À (1045)
Le président: Est-ce que vous parlez de l'instrument du GCSCE, monsieur Grant?
M. Peter Grant: Oui.
Le président: Nous n'avons pas ce document.
Mme Sarmite Bulte: Non, nous ne l'avons pas. J'allais justement demander, monsieur le président, si nous pouvions en obtenir un exemplaire.
Le président: Oui, nous allons recevoir ce document.
M. Peter Grant: Nous pensions donc que notre texte ou position devait englober essentiellement tous les outils de la politique culturelle actuellement en vigueur au Canada ou de la politique culturelle que nous pouvions envisager.
L'interface entre la radiodiffusion et les télécommunications est un élément intéressant. L'OMC exige une discipline beaucoup plus stricte dans le domaine des télécommunications à cause de l'accord de base conclu dans ce secteur dans le cadre de l'OMC. Dans les définitions, par contre, on prévoit des exclusions pour la radiodiffusion et les entreprises de transmission d'émissions. Cela explique donc pourquoi, dans les pays où cet accord est en vigueur, la radiodiffusion n'est pas visée par cet accord fondamental.
Notre définition de la radiodiffusion englobe davantage que dans bien d'autres pays. Chez nous cela comprend la vidéo sur demande, contrairement à l'Allemagne. Au Canada sont compris dans cette définition divers aspects qui dans d'autres pays relèvent des télécommunications. Dans ces accords, on accepte de façon générale que chaque pays établisse sa propre définition. Dans la situation actuelle, les accords commerciaux reconnaissent notre liberté d'établir notre propre politique culturelle en matière de radiodiffusion.
Mme Sarmite Bulte: Quel est le statut de la câblodistribution?
M. Peter Grant: Elle relève de la radiodiffusion, dans ce contexte.
Le président: M. Harvard, suivi de Mme Lill.
M. Garry Neil: Monsieur le président...
Le président: Monsieur Neil, si vous voulez bien donner à ces deux députés la possibilité de poser leurs questions, vous pourrez toujours reprendre le fil tout à l'heure.
M. John Harvard: Je voudrais suivre dans la même veine que mon collègue. J'aimerais que vous m'expliquiez quel est le lien entre votre travail et vos préoccupations et ce que nous faisons ici concernant la Loi sur la radiodiffusion. On nous a chargés, entre autres, d'examiner le fonctionnement de la Loi sur la radiodiffusion et de faire éventuellement des recommandations au gouvernement sur la façon de l'améliorer.
Compte tenu de votre connaissance de la Loi sur la radiodiffusion et du rôle de ce secteur dans notre vie culturelle nationale, qu'est-ce que vous avez à nous proposer comme changement à la Loi sur la radiodiffusion? Je pose la question à tout le monde. Si la Loi sur la radiodiffusion ne fonctionne pas comme il faut, aidez-nous. Expliquez-nous comment on peut l'améliorer dans le but de faire la promotion de la culture et de la diversité culturelle, que ce soit au Canada ou en collaboration avec d'autres pays. Je pense que c'est très important.
Nous essayons déjà d'encourager la diversité culturelle par l'entremise de la Loi sur la radiodiffusion ou par d'autres textes réglementaires. Courons-nous le risque de ne pas pouvoir adhérer à certains de ces traités ou conventions, quel que soit le mot, ou sommes-nous sûrs à ce sujet?
J'aimerais entendre vos observations là-dessus.
À (1050)
[Français]
Le président: MM. Bernier et Pilon vont commencer, monsieur Stein.
M. Ivan Bernier: Quant à une suggestion qui pourrait être faite en regard de la révision de la Loi sur la radiodiffusion, je pense que l'on retrouve certainement une préoccupation dans le texte du réseau des ministres, soit celle d'assurer une diversité culturelle sur le plan de l'accès à une plus grande diversité de produits étrangers.
Aussi bien à la télévision qu'au cinéma, lorsqu'on examine les statistiques, au Canada comme ailleurs, on constate presque inévitablement que ce que l'on voit sur nos écrans, c'est ou bien une production bien identifiée, qui est celle des États-Unis, ou bien une autre production, qui est celle du Canada. Mais lorsqu'on examine la production du reste du monde, les statistiques indiquent presque inévitablement qu'elle se situe à des niveaux absolument minimaux, c'est-à-dire aux environs de 1 p. 100, 2 p. 100, 3 p. 100, 5 p. 100, mais rarement au-delà de 10 p. 100. Aussi bien en Europe qu'en Amérique--je ne parle pas des États-Unis, où la proportion de production venant de l'étranger est d'environ 2 p. 100 ou moins--et dans les pays en développement, le problème est constant.
Je pense que si on veut assurer la diversité culturelle--et c'est vraiment une question à laquelle on doit réfléchir--, il faut trouver les moyens d'offrir une plus grande diversité de production culturelle étrangère outre la production canadienne. Pour le moment, dans la plupart des pays, cette production se concentre autour de deux ou trois sources. Pour le reste, c'est très peu. Voilà pour la suggestion.
Pour ce qui est des impacts, je pense que dans le domaine de la télévision et de l'audiovisuel, il y a, de façon générale, plusieurs secteurs où des risques peuvent être entrevus en ce qui concerne la capacité d'intervenir en faveur de l'audiovisuel et de la télévision.
Par exemple, il y a des négociations au GATT concernant les subventions dans le domaine des services. Ces négociations ne progressent pas très rapidement parce que c'est un sujet extrêmement complexe, mais le jour où on en arrivera à un régime concernant les subventions dans le domaine de la télévision ou du cinéma, il faudra être très attentif parce qu'on risque d'être plutôt surpris des répercussions que cela pourrait avoir sur notre capacité d'agir.
Deuxièmement, il y a aussi, évidemment, des préoccupations qui sont bien connues. Des choses telles que les quotas à la radio et à la télévision sont forcément des questions qui vont revenir dans les négociations.
Troisièmement, il y a une question hypothétique mais qui pourrait être soulevée: l'investissement. Une décision devra être prise bientôt, dans le cadre de l'OMC, à savoir si on accepte qu'il y ait une négociation sur un accord international sur l'investissement. Si c'est le cas, on se retrouvera à nouveau avec le fameux débat sur l'investissement et toutes les questions qui ont pu être soulevées dans le cadre de l'AMI, l'Accord multilatéral sur l'investissement.
Donc, il y a des problèmes, des questions qui peuvent forcément affecter la politique de radiodiffusion au Canada.
Le président: Nous devons entendre le CRTC à 11 heures.
À (1055)
[Traduction]
M. Ken Stein: Je vois.
Le président: Les représentants du CRTC seront ici à 11 heures. Il ne nous reste plus que quelques minutes et plusieurs personnes ont demandé la parole; c'est pourquoi je vous demanderais d'être bref, monsieur Pilon.
M. Robert Pilon: Monsieur Abbott, en réponse à votre question, la Coalition pour la diversité culturelle a décidé de ne pas venir vous présenter un mémoire dans le cadre de votre examen du système de radiodiffusion, mais plusieurs de nos 30 associations membres sont venues présenter un point de vue différent.
Je tiens à souligner une chose. C'est formidable que ce comité puisse encore se demander s'il devrait modifier la Loi sur la radiodiffusion et quelles modifications il devrait y apporter. J'aimerais vous parler rapidement d'un autre pays où ces questions ne se posent même plus. En 1994, à la fin du Cycle d'Uruguay, la Nouvelle-Zélande a décidé de s'engager à libéraliser le sous-secteur de la télévision en donnant libre accès à tous les autres pays. Avant de prendre cette décision, la Nouvelle-Zélande avait des règles sur le contenu local à la télévision, tout comme le Canada et de nombreux autres pays. À cause de cet engagement de libéraliser les services de télévision que seulement 10 pays ont pris en 1994, la Nouvelle-Zélande a été obligée d'abolir ses contingents de contenu local. Maintenant, les parlementaires néo-zélandais ne peuvent plus discuter comme vous le faites de l'opportunité de modifier leur Loi sur la radiodiffusion.
En 1994, le Canada a eu le courage de résister aux pressions et de ne pas prendre d'engagement touchant la radiodiffusion ou tout autre secteur culturel. Le ministre du commerce, M. Pettigrew, a dit et a souvent répété, tout comme le premier ministre, que le Canada n'allait pas prendre d'engagement à ce moment. Ainsi, nous sommes restés libres d'avoir une politique culturelle.
Quelle politique devrions-nous adopter en matière de radiodiffusion? C'est une autre question, mais au moins nous pouvons en avoir une. Mais pour conserver cette liberté, il y a deux conditions: nous devons continuer à refuser de nous engager à libéraliser ce secteur dans des ententes commerciales et nous devons nous doter du fondement juridique qui nous permettra de protéger ce droit à long terme au moyen d'une convention internationale sur la diversité culturelle.
Le président: Monsieur Stein.
M. Ken Stein: Honnêtement, je pense que l'essentiel en matière de radiodiffusion c'est de déterminer si nous voulons tout inclure. Je suis tout à fait d'accord avec Robert pour dire que nous devons préserver le droit de continuer à faire ce que nous faisons, mais nous devons faire très attention aux définitions car si d'autres pays décident d'inclure les services de télécommunications et les satellites, cela pourrait soulever de réels problèmes. Prenons l'exemple des satellites de radiodiffusion directe. Les Américains ont refusé qu'ils soient inclus dans l'accord de l'OMC de sorte qu'il n'existe aucun accord sur ces satellites. Par contre, ils ont conclu une entente bilatérale avec le Mexique et ils sont maintenant en train de négocier des modalités sans que nous puissions prendre part à ces discussions. C'est un problème.
Si nous voulons tout inclure, si nous définissons la radiodiffusion de façon très générale et si nous refusons de parler de quoi que ce soit, ce sera un problème. Par contre, si nous mettons l'accent sur ce qui est vraiment important, sur ce qui nous permet de maintenir nos règles en matière de contenu, sur ce qui nous permet d'être novateur, ce qui est très important...
Nous avons organisé des groupes de consultation qui nous ont dit essentiellement qu'il faut plus de concurrence dans le système de radiodiffusion. Lorsque Wal-Mart est arrivé au Canada, Canadian Tire a été obligé de s'adapter pour faire face à la concurrence.
Le système de radiodiffusion et les entreprises de câblodiffusion et de radiodiffusion doivent aussi être compétitifs. Nous ne pouvons pas nous cacher derrière des barrières protectionnistes. Nous devons faire face à la concurrence avec dynamisme.
À cet égard, l'un des points faibles de la Loi sur la radiodiffusion c'est qu'elle ne met pas assez l'accent sur le consommateur et sur la concurrence.
Á (1100)
Le président: M. Gélinas suivi de M. Neil. Soyez brefs, s'il vous plaît.
M. Denny Gélinas: Merci, monsieur le président.
Permettez-moi de répondre aux observations de Mme Bulte sur le fait qu'il existe trois textes. En fait, je crois que c'est à notre avantage. Nous avons examiné sous différents angles la nature de cette question et les raisons de son importance. Le défi consistera maintenant à élaborer une perspective canadienne sur ces questions, mais nous avons déjà fait tant de travail à ce sujet au Canada que nous sommes maintenant des chefs de file. Et c'est tant mieux.
Comme je l'ai mentionné dans mes remarques préliminaires, il nous reste encore un certain nombre de difficultés à résoudre. Nous devons rédiger la version définitive du texte et nous devons entre autres traiter de la question du commerce et de la culture. C'est un travail nécessaire qui sera fait prochainement. Le document que nous avons sous les yeux n'est pas une version définitive. Il devra être déposé auprès d'un organisme, il y aura des négociations à un moment donné et les pays présenteront, comme Peter l'a mentionné tout à l'heure, leurs perspectives et leurs positions. Le gros de la difficulté consistait, plus particulièrement dans le cas de la proposition de l'INCD au gouvernement, à lancer un débat avec d'autres pays afin d'expliquer tout d'abord pourquoi la culture et la diversité culturelle sont importantes et pourquoi il est important pour les gouvernements de jouer un rôle de chef de file dans le modelage de la culture et de la diversité culturelle dans leur pays.
Et au sujet de la masse critique, je ne sais pas ce qu'elle est, mais il faut que des leaders se dégagent et c'est ce que nous avons constaté au cours des 12 derniers mois. L'Afrique du Sud, le Mexique, la Colombie, le Sénégal, des pays grands et petits de toutes les régions se manifestent pour dire qu'ils comprennent l'importance de cette question et qu'ils sont prêts à collaborer avec nous. Il faut donc continuer cet effort au cours des prochains mois et s'assurer de rassembler d'autres voix tant du côté du gouvernement que du côté des travaux de M. Pilon en ce qui a trait aux associations, aux groupes d'ONG, afin d'exercer de multiples pressions sur le gouvernement et de faire avancer ce dossier.
Merci.
Le président: Monsieur Neil, vous avez l'air bien triste. Je ne vous ai pas oublié. Soyez bref, je vous prie.
M. Garry Neil: Je serai très bref.
L'un des sujets dont nous traitons, monsieur Harvard, est la question de la diversité à l'intérieur des pays. Notre réseau ne se préoccupe pas seulement de la diversité entre les nations, mais aussi au sein des nations. C'est pourquoi nous avons des membres aux États-Unis, parce qu'ils disent que cette culture ne correspond pas plus à leur réalité qu'à celle des autres.
Il y a deux éléments à examiner dans la Loi sur la radiodiffusion. D'abord, il faut maintenir un accès à toute une gamme de contenus non canadiens et ensuite veiller à ce que le système reflète pleinement toute la diversité des cultures qui existent au Canada, puisque c'est aussi l'une des grandes préoccupations de l'INCD.
Enfin, madame Bulte, je serais bien étonné que la société civile et les gouvernements produisent des propositions identiques. Notre travail consiste à exercer des pressions pour que les gouvernements fassent davantage et soient plus efficaces. À cette étape du processus, je m'attends tout à fait à ce que nous exhortions nos gouvernements à faire davantage.
Le président: Madame Lill.
Mme Wendy Lill: Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Pilon, vous avez dit que nous avons bien de la chance d'avoir encore la liberté d'avoir une politique de radiodiffusion et que la Nouvelle-Zélande a perdu cette liberté. Cette observation me donne le frisson et je ne me sens pas favorisée. C'est un droit que nous devons avoir, à mon avis, un droit que les gens de la Nouvelle-Zélande devraient avoir également. Je sais que vous partagez mon sentiment.
Quant à M. Neil, le fait est qu'il semble y avoir tout le long du chemin des écueils qui pourraient nous priver de la capacité de prendre des décisions en matière de souveraineté culturelle.
Il y aura prochainement des négociations dans le cadre de l'AGCS et vous avez mentionné, monsieur Stein, qu'il y aura d'autres exigences pour que le Canada revoie ses règles en matière de contenu canadien. Savez-vous quelles seront ces exigences et quelles pourraient être leurs répercussions? J'aimerais savoir quels sont, à votre avis, les points névralgiques futurs qui pourraient réduire tous ces efforts à néant.
M. Garry Neil: Je vais commencer, et je suis sûr que mes collègues auront également des observations à faire.
Je ne sais pas quelles demandes le gouvernement canadien a reçues dans le contexte des négociations de l'AGCS, l'accord général sur le commerce des services. La population n'a été informée que de façon très générale.
Je me suis rendu récemment en Europe, où l'on discute publiquement des demandes qui ont été reçues des autres pays. Plus de la moitié des pays qui ont déposé des requêtes auprès de la Communauté européenne et de ses États membres ont réclamé des changements considérables à la politique relative aux oeuvres audiovisuelles. Ils ont tout demandé, de l'élimination du contingent de contenu à l'élargissement des exigences en matière de propriété étrangère—toute la gamme des mesures relatives à la politique culturelle. Plus de la moitié des pays qui ont déposé des demandes auprès de la Communauté européenne ont présenté des propositions relatives aux oeuvres audiovisuelles.
Il ne s'agit donc pas seulement des États-Unis, et c'est très inquiétant. Nous aimerions savoir quelles demandes ont été faites au Canada. Il serait utile que votre comité pose la question.
Mme Wendy Lill: Je peux peut-être renvoyer votre demande à notre président. M. Neil a demandé si notre comité pourrait s'engager à s'informer sur le genre de demandes qui ont été déposées dans le cadre de l'AGCS au sujet des oeuvres audiovisuelles, en ce qui a trait aux règles relatives au contenu canadien.
Le président: Y a-t-il des observations à ce sujet? Monsieur Stein.
M. Ken Stein: Tout d'abord, je dois signaler que le gouvernement du Canada a pris l'initiative pour mettre au point et instaurer un système transparent et comptable pour les négociations commerciales. M. Pettigrew s'en est occupé lors des pourparlers pour les Amériques et il est donc tout à fait prêt à accepter un tel processus.
J'ai l'impression que nous sommes maintenant régis par le processus de l'AGCS. Comme l'a signalé M. Neil, il s'agit de pourparlers entre les divers groupes au sujet des questions qu'ils ont accepté de négocier et celles qu'ils ne veulent pas négocier. L'OMC décide ce qui sera convenu à la fin de mars et M. Pettigrew tient à faire en sorte que les sujets que nous voulons négocier seront examinés au grand jour le plus possible. Je pense que c'est à chaque pays de décider dans quelle mesure les discussions seront au grand jour.
Si on accepte de discuter de ces questions, nous ne serons pas obligés d'aller plus loin, mais nous devons être très clairs quant à ce que nous voulons inclure dans la politique sur la radiodiffusion parce que nous avons essentiellement refusé les modalités prévues dans l'accord sur les télécommunications à la dernière minute en ce qui concerne la propriété. Cela n'a pas dérangé uniquement les Américains, eux qui ont à ce moment-là retiré leur proposition sur les satellites, mais cela a aussi inquiété énormément les Allemands et les Britanniques.
Nous devons donc savoir exactement ce que nous voulons obtenir. C'est pourquoi j'ai dit qu'il fallait se hâter de définir les questions qui nous tiennent le plus à coeur dans les divers secteurs culturels, grâce à de nouveaux pourparlers sur la radiodiffusion, et ainsi de suite. C'est très important de le faire parce qu'on ne peut pas simplement dire pour ces pourparlers commerciaux que nous allons en faire à notre tête relativement à la radiodiffusion. Cependant, le service commercial pourra certainement être très ouvert sur le genre de questions dont le Canada veut discuter lors des négociations.
Á (1105)
Le président: Vous avez peut-être répondu à M. Harvard dans une certaine mesure, monsieur Stein, en disant que nos discussions pourraient montrer ce que nous voulons obtenir.
Monsieur Pilon.
M. Robert Pilon: Madame Lill, vous avez mentionné le pourcentage de contenu local ou canadien. Au Canada, nous avons une règle disant que 60 p. 100 des émissions de télévision doivent être canadiennes et bon nombre d'autres pays, surtout les pays d'Europe, ont des règles du même genre. J'étais en Australie il y a deux semaines, où la règle stipule que 55 p. 100 des émissions télévisées doivent être australiennes.
Le jour que j'y étais pour une conférence importante réunissant divers organismes professionnels qui veulent créer une coalition était justement le jour où l'on a lancé les négociations pour conclure un accord de libre-échange bilatéral entre les États-Unis et l'Australie. Ces négociations avaient fait les machettes de tous les journaux australiens et une chose qu'on y disait, c'est que la règle relative au 55 p. 100 de contenu australien pour les émissions de télévision serait peut-être négociable.
Je donne cet exemple parce que je le trouve très important et que nous n'avons pas eu le temps ce matin de discuter de négociations régionales, de l'ALENA et de diverses autres négociations bilatérales qui ont lieu un peu partout dans le monde. On est sur le point de conclure un accord entre le Chili et les États-Unis, et un autre sur l'investissement entre la Corée et les États-Unis. Bon nombre de ces accords risquent de créer des précédents dans le secteur culturel qui seraient défavorables pour le Canada et qui limiteraient notre capacité à l'avenir de négocier des accords commerciaux où notre participation à cette nouvelle convention internationale. Nous devons donc être très prudents et surveiller ce qui se passe relativement à la culture dans le cadre de ces négociations régionales et bilatérales.
[Français]
Le président: Monsieur Pilon, vous avez parlé de la Nouvelle-Zélande. Si vous avez de la documentation que vous pourriez nous faire parvenir, ça nous aiderait beaucoup. Ça serait important.
Monsieur Bernier.
M. Ivan Bernier: Oui, il y a de la documentation sur la Nouvelle-Zélande. Entre autres, il y a une étude comparative sur le contenu local qui a été faite en Nouvelle-Zélande où on a comparé 10 pays différents, dont plusieurs d'Europe, et la Nouvelle-Zélande. Le résultat de cette étude comparative est que depuis quelques années, le contenu local en Nouvelle-Zélande a baissé à 24 points de pourcentage, ce qui situe la Nouvelle-Zélande au niveau le plus bas parmi les 10 pays comparés. C'est quand même remarquable. C'est une étude qui a été faite par une chaîne de télévision de Nouvelle-Zélande et qui donne ces chiffres avec des tableaux.
Le président: Est-ce que vous avez cette étude?
M. Ivan Bernier: Oui. Je peux vous donner la référence.
Le président: Si vous pouviez, s'il vous plaît, nous envoyer toute documentation pouvant nous être utile, selon vous, ce serait apprécié.
[Traduction]
M. Robert Pilon: La personne avec qui on peut communiquer en Nouvelle-Zélande s'appelle Jane Kelsey. Elle enseigne à l'Université d'Auckland. Elle serait l'équivalent néo-zélandais d'Ivan Bernier. Elle connaît bien toutes ces questions.
Le président: Est-elle aussi compétente?
M. Robert Pilon: Elle est très compétente. Nous l'avons rencontrée. Elle est au courant de tout ce qui s'est passé au sujet du quota, de la libéralisation du commerce et du comité du commerce en 1994.
[Français]
Le président: C'est bon de savoir qu'il y a deux Ivan Bernier dans le monde.
Quoi qu'il en soit, on doit passer à notre autre panel.
Á (1110)
[Traduction]
M. Clifford Lincoln: Comme la Chambre interrompt ses travaux demain, nous devions entendre bien des gens aujourd'hui.
Nous avons vraiment eu une excellente séance. Merci beaucoup d'être venus.
Je voudrais faire une pause quelques instants pour que nous puissions nous préparer à entendre le prochain intervenant.
Á (1110)
Á (1118)
Le président: Nous allons reprendre la séance du comité permanent du patrimoine canadien. Nous sommes très heureux d'accueillir à nouveau dans le cadre de notre examen de la radiodiffusion au Canada, le président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, M. Charles Dalfen;
[Français]
M. Jacques Langlois, directeur général de la Politique de radiodiffusion,
[Traduction]
et M. William Howard, conseiller juridique principal.
La parole est à vous, monsieur Dalfen.
M. Charles Dalfen (président, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes): Merci, monsieur le président. Bonjour à tous, membres du comité et membres du personnel. Je m'appelle Charles Dalfen et je suis le président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.
[Français]
Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui et de comparaître pour la première fois devant un comité parlementaire, en qualité de président du CRTC, afin de vous entretenir des questions importantes sur lesquelles vous vous penchez depuis un an.
J'aimerais vous présenter les gens du personnel du CRTC qui m'accompagnent. Ce sont Jacques Langlois, directeur général de la Politique de radiodiffusion, ainsi que William Howard, conseiller juridique principal.
[Traduction]
Vous m'avez demandé de me concentrer sur les questions de la propriété étrangère et de la propriété croisée des médias. Si vous le permettez, je vous résumerai la position du Conseil face à ces deux questions et ensuite je répondrai à vos questions.
Je commencerai donc avec la question de la propriété étrangère. Aux termes de la Loi sur la radiodiffusion, le Conseil doit exécuter les instructions que lui donne le gouverneur en conseil. L'une des plus importantes porte sur l'inadmissibilité des non-Canadiens à détenir des licences de radiodiffusion. Cette directive a été publiée pour la première fois en 1969 et elle n'a pas été modifiée depuis 1998.
Aux termes de cette directive, le Conseil ne peut ni attribuer de licence de radiodiffusion ni autoriser de modifications ou de renouvellements de licence à des demandeurs qui ne sont pas canadiens. Cette directive énonce également les critères auxquels les demandeurs doivent satisfaire pour être considérés canadiens. Dans le cas des sociétés, les critères applicables sont les suivants: au moins 80 p. 100 des actions avec droit de vote émises et en circulation de la société autorisée et 80 p. 100 de ses droits de vote doivent être détenus et contrôlés par des Canadiens; le premier dirigeant et au moins 80 p. 100 des administrateurs de la société doivent être des Canadiens qui résident normalement au Canada; si la titulaire est une filiale, 66 2/3 p. 100 des actions avec droit de vote émises et en circulation de la société mère ainsi que des droits de vote doivent appartenir à des Canadiens; si la propriété étrangère d'une société mère se situe à plus de 20 p. 100, la société mère et ses administrateurs n'ont pas le droit d'exercer d'influence sur les décisions de la titulaire, en ce qui concerne la programmation. Enfin, il est très important de rappeler que le demandeur ne doit pas être sous le contrôle d'un non-Canadien.
Lorsque le Conseil examine des demandes de licence pour lesquelles il est question de contrôle canadien, il vérifie alors différents facteurs. Il vérifie, par exemple, le degré d'influence qu'un actionnaire qui n'est pas canadien ou une autre personne pourrait exercer sur la titulaire et son entreprise de radiodiffusion par l'intermédiaire de toute entente pertinente, telles des conventions d'actionnaires, des ententes d'achat d'émissions, des ententes de propriété intellectuelle ou autres.
Pour s'assurer que le contrôle soit détenu par des Canadiens en tout temps, le Conseil peut exiger que des modifications soient apportées à de telles ententes, afin de limiter l'influence de non-Canadiens.
Á (1120)
[Français]
Le conseil peut aussi exiger que les titulaires obtiennent son approbation avant que les non-Canadiens puissent exercer certains droits en vertu de ces ententes.
J'aimerais ajouter qu'en plus de déterminer si un demandeur est admissible en vertu des instructions, le conseil, dans ses décisions, considère parfois la question de la propriété canadienne et étrangère sous l'angle de l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur la radiodiffusion, où il est stipulé que le système canadien de radiodiffusion doit être effectivement la propriété des Canadiens et sous leur contrôle.
[Traduction]
J'aborderai maintenant la question de la propriété croisée des médias.
Au chapitre de la propriété croisée des médias, le mandat du CRTC découle de plusieurs sections de la politique canadienne de radiodiffusion que l'on retrouve dans la Loi sur la radiodiffusion. Cette politique précise que la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait permettre, dans la mesure du possible, d'offrir au public l'occasion de prendre connaissance d'opinions divergentes sur des sujets qui l'intéressent. La politique indique également que le système canadien de radiodiffusion devrait favoriser l'épanouissement de l'expression canadienne, en fournissant de l'information et de l'analyse concernant le Canada et l'étranger, considérés d'un point de vue canadien. Enfin, elle précise que le système canadien de radiodiffusion devrait servir à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada.
Le Conseil s'appuie sur ces principes lorsqu'il examine des demandes qui lui sont présentées et qui concernent la propriété croisée des médias, tout en tentant d'équilibrer différents facteurs.
Parmi les plus importants se trouve le besoin de s'assurer que le public canadien est bien servi par une grande variété de voies différentes, tout en offrant une occasion aux entreprises médiatiques canadiennes de grandir et de prospérer dans un environnement national et international de plus en plus concurrentiel.
Un autre facteur important est la nécessité de permettre aux radiodiffuseurs canadiens d'explorer les synergies potentielles que la collecte de nouvelles et l'association à un journal peuvent leur apporter tout en maintenant l'autonomie de rédaction des radiodiffuseurs.
[Français]
Le conseil a traité de la question de la propriété croisée des médias dans quelques décisions publiées durant l'été 2001 concernant TVA, CTV et Global, les plus grands groupes de propriétaires de médias au Canada francophone et anglophone. Dans chaque cas, le conseil a tenu des audiences publiques pour renouveler les licences de télévision de ces groupes, qui avaient récemment acquis des droits de propriété dans de grands quotidiens. Même si le CRTC ne réglemente pas les journaux, il a dû vérifier quelles répercussions cette propriété croisée risquait d'avoir sur les stations de télévision en question.
Dans ses décisions relatives à CTV et Global, le conseil a reconnu qu'un certain degré de collaboration et de partage entre les journaux et les salles de nouvelles télévisées ayant un propriétaire commun pouvait augmenter le nombre de reportages originaux offerts aux Canadiens et améliorer la couverture de l'actualité. Le conseil a néanmoins précisé qu'il craignait que la propriété croisée des médias et la convergence n'entraînent éventuellement une perte de diversité des voix et une diminution du nombre de voix éditoriales distinctes.
Á (1125)
[Traduction]
Le Conseil a donc décidé d'imposer des moyens de surveillance, par condition de licence, soit: que la direction des salles de nouvelles télévisées et celle des journaux soient distinctes; qu'un comité de surveillance indépendant et neutre soit mis sur pied, pour recevoir et traiter les plaintes relatives à la déclaration. Le comité doit soumettre au Conseil un rapport annuel sur toutes les plaintes reçues et le traitement qui leur est accordé. Des moyens de surveillance équivalents ont été également imposés à TVA, par condition de licence.
Je tiens à signaler que le Conseil a reçu récemment les rapports de deux de ces comités de surveillance. Ni l'un ni l'autre n'ont rapporté de plaintes à l'égard des mesures de protection imposées par le Conseil durant cette première année.
Malgré une certaine augmentation de la propriété croisée des médias au cours de la dernière décennie, le Conseil a attribué des licences pour l'exploitation de nouvelles stations de radio et de télévision au Canada. Les Canadiens disposent de nouveaux services médiatiques et d'un nombre croissant de voies distinctes. Ils disposent également de nombreuses sources de nouvelles et d'information étrangères, transmises par câble et par satellite. Et bien d'autres sources de ce type sont offertes à près de 70 p. 100 des Canadiens qui ont accès à Internet, à la maison ou ailleurs.
Toutefois, en tant que citoyens d'une démocratie, nous devons demeurer vigilants pour nous assurer de continuer d'avoir accès à une diversité d'opinions, permettant d'être pleinement informés des questions d'intérêt public qui nous concernent, afin d'avoir un rôle à jouer dans la façon dont ces questions sont traitées et résolues.
[Français]
J'espère que ces brefs commentaires vous auront été utiles. J'attends donc votre rapport avec impatience, tout comme plusieurs autres ministères et intervenants de l'industrie.
Merci, monsieur le président. Membres du comité, si vous avez des questions, il me fera plaisir d'y répondre.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Dalfen.
Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott: Merci de votre exposé.
Au deuxième point centré à la page 2 de votre texte, on dit ceci:
si la propriété étrangère d'une société mère se situe à plus de 20 p. 100, la société mère et ses administrateurs n'ont pas le droit d'exercer d'influence sur les décisions de la titulaire, en ce qui concerne la programmation. |
Comment le CRTC peut-il le déterminer?
M. Charles Dalfen: Dans un tel cas, monsieur Abbott, quand la part de propriété étrangère atteint le seuil de 20 p. 100, nous exigeons qu'on forme un comité spécial de programmation qui se compose d'autres personnes que les administrateurs de la société mère pour que celle-ci ne puisse pas exercer d'influence sur la programmation. C'est le comité qui prend les décisions de programmation de la titulaire.
M. Jim Abbott: Est-ce que ce comité de la programmation est créé au sein de la société?
M. Charles Dalfen: Oui.
M. Jim Abbott: Relève-t-il du CRTC?
M. Charles Dalfen: Il relève du CRTC dans ce sens qu'il essaie de respecter la loi. Peut-être que Jacques pourrait nous dire si en fait cela a fait l'objet d'un examen dans le cadre d'une audience. C'est certainement une question qui pourrait être examinée si les intervenants soulèvent la question. À ma connaissance, personne ne l'a fait.
M. Jacques Langlois (directeur général, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes): La plupart du temps, la question se pose lors d'une demande de licence de radiodiffusion ou lors d'une acquisition où nous exigeons que la société crée un tel comité de la programmation. Ainsi, nous sommes assurés que les décisions en matière de programmation seront prises par des Canadiens. Puis, les sociétés rendent comptent de leurs horaires et de leurs objectifs en matière de programmation dans leurs rapports annuels.
M. Jim Abbott: J'ai encore quelques questions. Premièrement, disposez-vous des outils nécessaires en cas de problème? Dans l'affirmative, quels sont ces outils?
Á (1130)
M. Charles Dalfen: Bill me rappelle qu'en fait nous approuvons la composition de ces comités avant leur création. Ainsi, ils sont assujettis à l'approbation du CRTC.
Je pense que nos outils habituels sont suffisants et que nous pouvons régler les problèmes lors du processus de renouvellement des licences ou d'examen des plaintes. À notre connaissance, cela n'a pas posé beaucoup de problèmes.
M. Jim Abbott: Cela étant, quelle différence cela ferait-il si la participation d'une société mère étrangère dépassait les 20 p. 100 pour atteindre 40 ou 80 p. 100? En d'autres mots, il y a un mythe—en tout cas, d'après moi c'est un mythe, mais d'autres pensent autrement—selon lequel si les entreprises qui fournissent le contenu appartiennent à des intérêts étrangers, ces entreprises vont essayer de manipuler l'esprit des Canadiens ou la société ou je ne sais quoi. Après tout, c'est sur le marché canadien qu'ils vendent leur contenu dans l'espoir d'obtenir des revenus de publicité pour être rentables.
Donc, comme vous nous dites que ces comités existent, qu'ils fonctionnent, que vous avez les outils nécessaires pour leur faire respecter les règles pensez-vous—et je suis bien conscient qu'il s'agit d'une décision politique de la part du ministère et j'espère ne pas vous mettre dans l'embarras—pensez-vous que cela fait vraiment une différence que le seuil soit de 20 p. 100, de 50 p. 100 ou de 90 p. 100?
M. Charles Dalfen: Merci, monsieur Abbott.
Le CRTC applique certaines règles. Cette directive a été modifiée. Le seuil a été rajusté de temps en temps. Je ne pense pas qu'il soit fixé au hasard. Pour notre part, nous devons faire respecter les seuils énoncés dans la directive. Si ces seuils sont modifiés, je suppose que nous pourrions très bien continuer.
Bien sûr, il ne faut pas confondre le contrôle canadien et les questions de propriété et de composition. Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous essayons d'être extrêmement vigilants en ce qui concerne le contrôle canadien.
Je ne peux pas vous donner de meilleure réponse puisque le CRTC fonctionne selon ces règles.
M. Jim Abbott: Merci.
Le président: Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Bonjour et merci de vos commentaires.
Monsieur Dalfen, vous avez dit dans votre allocution:
...le mandat du CRTC découle de plusieurs sections de la Politique canadienne de radiodiffusion que l'on retrouve dans la Loi sur la radiodiffusion. Cette politique précise que la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait permettre [...] d'offrir au public l'occasion de prendre connaissance d'opinions divergentes sur des sujets qui l'intéressent. |
Vous avez également dit que le système « devrait favoriser l'épanouissement de l'expression canadienne ».
Pourtant, dans les faits, par exemple lors de l'octroi de certaines licences, vous faites le contraire de ce que vous dites concernant l'épanouissement d'opinions divergentes et de l'expression canadienne. Le CRTC assouplit les normes pour les radiodiffuseurs en ce qui concerne les séries dramatiques. On a des chiffres. J'ai des lettres de citoyens anglophones qui me disent que le nombre de séries dramatiques anglaises est passé de douze en 1999 à cinq en 2001. Il commence à y avoir un tollé de protestations. On dit que cela a fait diminuer de 10,8 p.100 le temps de travail, au Canada, des artisans et créateurs. Cela va à l'encontre de ce que vous préconisez dans votre allocution.
Le conseil n'est pas intervenu en ce qui concerne les satellites. Là encore, on sait très bien que beaucoup de pressions ont été exercées pour qu'on modifie le règlement sur les satellites. On laissait ces entreprises libres sur le marché et elles n'offraient pas une programmation locale et régionale dans plusieurs régions du Québec et au Canada.
Je sais que vous avez rectifié le tir, mais on ne peut pas faire des choix à la pièce comme cela. Pourquoi n'encadrez-vous pas ce secteur, comme cela s'est fait dans le cas de la câblodistribution? Je pourrais nommer plusieurs autres choses comme celles-là.
Par exemple, lorsque vous accordez des licences, ça va à l'encontre des objectifs que vous nous dites viser dans votre politique.
Á (1135)
M. Charles Dalfen: Merci, madame Gagnon. Vous avez soulevé des questions très importantes.
D'abord, au sujet des séries dramatiques en anglais, personne ne trouve cela plus important que moi. Je pense que c'est l'un des buts très importants de notre système. On essaie maintenant d'encourager cela. Ce n'est pas un problème au Canada français, parce qu'on a là des séries dramatiques qui sont très populaires et qui sont faites dans le cours normal des choses.
Au Canada anglais, ce problème existe. Je ne pense pas qu'on ait pris des mesures allant à l'encontre de ce but, mais il est clair qu'à l'avenir, il faudra prendre d'autres mesures pour corriger le problème qui existe, à mon avis. J'ai déjà émis quelques lignes directrices et retenu les services de consultants et d'un radiodiffuseur très connu, Trina McQueen, pour faire des consultations auprès des chefs de l'industrie et des autres stakeholders et émettre des recommandations.
Nous avons aussi conclu un accord avec M. Guy Fournier, un radiodiffuseur ayant une grande expérience, pour qu'il nous donne des leçons du Québec au sujet des séries dramatiques. Il y a 10 ou 15 ans, il y avait, là aussi, une grande influence américaine, mais petit à petit, on a réglé la situation. Nous voulons savoir comment cela a été fait pour pouvoir appliquer la même recette. Bien sûr, les conditions ne sont pas les mêmes dans les deux parties du Canada, mais quelle leçon pouvons-nous tirer de l'expérience québécoise dans les séries dramatiques? Nous aurons des recommandations d'ici deux mois à cet égard.
Au sujet des satellites, il y a 10 jours, dans un discours que je prononçais devant l'Institut international des communications ici, à Ottawa, je disais qu'on essayait de prendre des mesures pour que le piratage des satellites cesse ou diminue considérablement. Nous ne savons pas encore quelles mesures nous devons prendre. Nous travaillons dans un système de consultations publiques et nous allons faire de telles consultations, mais pour le moment, nous faisons des enquêtes et des réunions pour essayer de solutionner ce problème très grave.
Mme Christiane Gagnon: Dans le cas des satellites, il y a le problème du piratage, mais il y a surtout la question de la liberté qu'on laisse aux satellites quant aux signaux qu'ils offrent. Il faut que les régions puissent avoir accès à de l'information locale. C'est surtout cette dimension que je voulais soulever ce matin. Quand on a le câble, ce n'est pas la même chose. Après qu'ils se sont abonnés au satellite et qu'ils ont acheté la coupole, les gens découvrent qu'ils n'auront pas leur information locale et régionale. Les entreprises de satellite contreviennent à la Loi sur la radiodiffusion, qui dit que l'on doit puiser aux sources locales et nationales. Le CRTC n'encadre pas cela. On va revenir à la propriété croisée tout à l'heure, mais il y a là aussi un manque. Les satellites sont maintenant sur le marché des grands centres; ils ne sont plus seulement dans les régions où le câble est inaccessible. Ils sont en concurrence avec les câblodistributeurs et ils devraient donc, comme les câblodistributeurs, être contraints d'offrir des signaux permettant à la communauté d'avoir accès à l'information locale.
Vous savez tout ce qui peut découler de cela. Dans les localités, on n'achète plus de publicité parce qu'il n'y a pas de diffusion locale aux heures de grande écoute. Pouvez-vous penser émettre une directive qui obligerait les satellites, comme les câblodistributeurs, à offrir le signal des nouvelles locales?
M. Charles Dalfen: Merci, madame Gagnon. J'aimerais soulever deux points, si vous me le permettez.
D'abord, au sujet du problème que vous venez de soulever, il y a un accord entre l'un des diffuseurs par satellite et l'Association canadienne des radiodiffuseurs, qui est maintenant devant nous et qui essaie de traiter de ce sujet. Je ne peux pas en parler, parce que c'est une des questions sur lesquelles on entendra des commentaires publics, mais on nous a soumis une proposition en vue de solutionner ce problème. Quels seront les résultats? On ne le sait pas encore, mais on se penche sur ce problème. Ce que vous dites à ce sujet est vrai et il faut trouver une solution.
Deuxièmement, vous parlez des contraventions à la loi. Comme vous le savez, dans la politique de radiodiffusion et dans la loi, il y a beaucoup d'objectifs qui sont en jeu. Pour nous, il s'agit toujours d'équilibrer les choses. Ce n'est pas une question de contravention ou d'avancement. Il s'agit de voir comment on peut atteindre le meilleur équilibre entre les divers objectifs, qui sont parfois contradictoires, même à l'intérieur d'un texte législatif. Il faut atteindre un équilibre pour que le système soit réglé. C'est toujours ce qu'on essaie de faire, et c'est ce qu'on va essayer de faire à ce sujet.
Merci beaucoup.
Á (1140)
[Traduction]
Le président: Merci.
Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte: Merci beaucoup d'être venu aujourd'hui. Nous attendions votre visite depuis votre nomination en janvier dernier.
J'ai deux séries de questions, sans rapport entre elles. En ce qui concerne la propriété croisée des médias, vous dites dans votre exposé que l'un des moyens de surveillance que le CRTC impose, par condition de licence, vise la mise sur pied d'un comité de surveillance indépendant et neutre pour recevoir et traiter les plaintes. Vous dites également n'avoir reçu aucune plainte à l'égard des mesures de protection pendant la première année de leur application.
Cela m'étonne d'apprendre qu'il n'y a eu aucune plainte. Nous tenons des audiences publiques depuis deux semaines et c'est peu dire que nous en avons entendu des plaintes. Alors, qu'est-ce qui empêche les gens de s'adresser à ce comité? Je suis très surprise d'apprendre qu'il n'y a pas de plaintes.
En outre, nous avons reçu un document d'information sur le Bureau de la concurrence et le CRTC. Je ne sais pas qui en est l'auteur. Pouvez-vous m'expliquer d'où vient ce document? Est-ce quelque chose que vous avez négocié avec le CRTC? Aurais-je raison de dire que ce document fait suite à la décision dans l'affaire Astral et qu'il a été produit après l'entente intervenue entre les parties après que le tribunal eut été saisi de la décision. Je sais que vous êtes un visionnaire alors je vais pousser un peu plus loin. Est-ce ainsi que vous envisagez le rôle du CRTC en ce qui concerne la concurrence ou alors est-ce que vous pensez que le CRTC devrait jouer un rôle différent dans ce contexte?
M. Charles Dalfen: Merci. Vous avez posé plusieurs questions et je vais essayer d'y répondre dans le même ordre.
Premièrement, les plaintes concernent essentiellement la séparation des salles des nouvelles.
Mme Sarmine Bulte: Seulement.
M. Charles Dalfen: C'est-à-dire, les rapports. C'est ce qu'examinent les comités de surveillance créés par CTV, Global et TVA. Il n'y a pas eu de plaintes concernant la séparation des salles de nouvelles. Si vous en avez entendues, je vous assure que les rapports que nous recevons n'en mentionnaient aucune. Mais ces comités de surveillance ont pour unique mandat de vérifier le respect de cette séparation prévu dans les énoncés de principes et de pratiques et imposée par condition de licence.
Ainsi, ces comités ne reçoivent pas de plaintes à moins qu'il y ait un manquement à ces principes et pratiques.
Pour ce qui est des questions plus vastes de l'indépendance des journalistes et du contenu rédactionnel, cela ne relève pas de leur mandat. C'est peut-être ce qui explique que vous ayez entendu des plaintes alors que ces comités n'en ont pas reçues.
En réponse à votre question au sujet du document d'information, celui-ci a été rendu public en octobre 1999.
Mme Sarmite Bulte: Ah oui, je m'excuse. Je pensais évidemment qu'il datait de 2002.
M. Charles Dalfen: C'était donc bien avant.
Je crois que le document visait à aider le public. Il ne s'agissait pas d'un document officiel du Conseil, mais d'un document publié à des fins d'information. Comme on nous demande souvent comment s'y retrouver dans toute la bureaucratie à Ottawa, nous avons pensé que ce genre de document pourrait être utile.
Malheureusement, on ne peut jamais régler les cas les plus difficiles. Les parties exercent donc leurs droits et bien que nous nous efforçons du mieux possible de leur expliquer le fonctionnement du système, des contradictions se posent. Je sais que c'est ce qui s'est produit dans l'affaire Astral. Je crois qu'il faudra éventuellement régler le problème par voie législative.
Permettez-moi de revenir un peu en arrière. Il est évident que le CRTC, qui existe depuis quelques 35 ans, n'a jamais délivré une licence sans d'abord examiné à fond le marché. Le marché peut-il absorber un autre concurrent? Existe-t-il suffisamment de concurrents? Devrait-il y en avoir davantage ou cela risque-t-il de nuire à tous les intervenants? Toute décision de qualité rendue par le CRTC doit donc tenir compte de l'état de la concurrence sur le marché. Nous en tenons toujours compte.
Le mot «concurrence» ne figure cependant pas dans la Loi sur la radiodiffusion alors qu'il apparaît dans la Loi sur les télécommunications que nous sommes chargés d'appliquer. Cette loi énonce clairement que nous devons tenir compte de la concurrence sur le marché.
Comme nous sommes tenus de le faire, nous en tenons toujours compte. Si je devais donc formuler une recommandation, je recommanderais que la nouvelle loi précise clairement que la concurrence est un élément dont il faut tenir compte.
Les avis sont cependant partagés quant à savoir où s'arrête notre compétence et où commence celle du Bureau de la concurrence. Nous pouvons aborder cette question si vous le souhaitez ou nous pouvons le faire lorsque une nouvelle loi, espérons-le, précisera ce qu'il en est.
Á (1145)
Le président: Soyez très brève, madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte: Je souligne qu'il est regrettable encore une fois que nous disposions de si peu de temps étant donné que nous discutons des modifications qui pourraient être apportées à la loi ainsi que des précisions qui pourraient y être apportées en ce qui vous touche. Faudrait-il que la décision finale appartienne au CRTC ou que, comme c'est le cas pour les fusions bancaires, un autre organisme, le Bureau du surintendant des institutions financières en l'occurrence, intervienne?
Vous n'aurez peut-être pas le temps d'aborder cette question, mais j'aimerais quand même savoir ce que vous en pensez.
M. Charles Dalfen: Je peux au moins vous dire ce que j'en pense à première vue.
Qu'il me soit d'abord permis de dire que nous ne pourrions pas remplir notre rôle en ce qui touche la délivrance de licences si nous ne pouvions pas examiner la concurrence. Cela étant dit, si un autre organisme intervenait par la suite pour s'opposer à une entente, je pense que cela irait à l'encontre de l'intention exprimée par le Parlement dans la loi actuelle, à savoir qu'un organisme indépendant réglemente et surveille «tous les aspects du système canadien de radiodiffusion».
Par conséquent, je pense que la logique exige que la décision finale appartienne au conseil.
Je voudrais cependant signaler que le Bureau de la concurrence a comparu à plusieurs reprises devant le conseil. Lorsque j'en étais le vice-président il y a de nombreuses années, les représentants du bureau comparaissaient régulièrement devant le conseil parce que la loi qui régit le bureau l'autorise à présenter son point de vue devant des organismes et des tribunaux qui se penchent sur les questions de concurrence. Je crois que cette pratique utile devrait être maintenue. Quant à savoir à qui devrait appartenir la décision finale, je pense que la logique veut que ce soit à l'organisme qui a pour fonction de réglementer et de surveiller tous les aspects du système.
Mme Sarmite Bulte: Je vous remercie beaucoup.
Le président: Vous venez de faire ressortir un point très important. Si le CRTC devait se voir confier le pouvoir d'examiner la concurrence, devrait-on aussi lui permettre de comparaître devant d'autres organismes pour que le CRTC soit ainsi dans la même situation que le Bureau de la concurrence?
M. Charles Dalfen: Monsieur le président, je pense que les mandats de ces deux organismes diffèrent quelque peu. En sa qualité d'organisme réglementaire quasi judiciaire—et c'est, je crois, ce que les tribunaux nous ont dit par le passé, à savoir qu'ils ne voulaient pas que nous ayons à leur justifier nos décisions ou positions—, les décisions que rend le conseil se passent d'explication.
Je ne suis donc pas sûr qu'il conviendrait que le conseil soit appelé à jouer ce rôle. Par ailleurs, c'est un rôle qui a été confié au Bureau de la concurrence, qui doit notamment présenter sa position devant le Tribunal de la concurrence. Je crois qu'il convient donc que le Bureau de la concurrence soit autorisé à comparaître devant nous ainsi que devant d'autres organismes. Je ne suis pas sûr qu'il serait bon que nous ayons le même pouvoir puisque nous sommes l'organisme qui en dernier ressort doit réglementer et surveiller le système.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Harvard.
M. John Harvard: Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais vous souhaiter la bienvenue devant nous aujourd'hui, M. Dalen, M. Langlois et M. Howard.
Monsieur Dalfen, j'aimerais connaître votre avis sur certaines questions et j'aimerais aussi que vous nous fassiez certaines recommandations. Je sais que vous devez vous en tenir à votre mandat, mais vous avez une grande expérience de ces questions. Je crois que vos opinions pourraient nous être utiles.
Monsieur Dalfen, comme vous le savez, il existe actuellement des modèles de propriété croisée ainsi que de propriété étrangère dans ce pays. Pensez-vous que ces modèles répondent aux critères de l'intérêt public? Comment définissez-vous ce terme? Voilà ma première question.
Á (1150)
M. Charles Dalfen: Je répondrai en quelques mots à cette question en disant que nous tenons compte dans toutes nos décisions de l'intérêt public tel qu'il est exprimé dans nos documents, dans la Loi sur la radiodiffusion ainsi que dans la Loi sur les télécommunications. Avons-nous défini ce terme? Je dirais qu'il est très difficile de définir ce terme de façon abstraite.
M. John Harvard: Vous ne pouvez donc pas nous proposer une définition en quelques phrases ou en un paragraphe.
M. Charles Dalfen: Nous avons essayé d'exprimer ce que nous considérions comme étant l'intérêt public dans certaines décisions, mais il est extrêmement difficile de définir le terme dans l'abstrait.
M. John Harvard: J'aimerais vous demander d'exprimer une opinion personnelle. J'aimerais que vous nous disiez comment Charles Dalfen définit l'intérêt public.
Quand on songe au modèle de la propriété croisée des médias dans ce pays, pensez-vous que l'énorme concentration et regroupement qui existe sert l'intérêt public? Compte tenu de votre connaissance du domaine, ce modèle vous plaît-il? Pensez-vous vraiment que c'est le modèle qui convient?
Si ce n'est pas le cas, comment régler ce problème?
M. Charles Dalfen: Je suis prêt à répondre à cette question, mais permettez-moi d'abord de faire remarquer que je n'occupe ce poste que depuis un peu moins d'un an et...
M. John Harvard: Oui, mais vous avez occupé d'autres emplois avant cela.
Des voix: Oh, oh!
M. John Harvard: Vous n'êtes certainement pas né de la dernière pluie...
M. Charles Dalfen: C'est juste, mais je voulais dire que je comparais aujourd'hui à titre de président du CRTC et non pas à titre personnel. Par conséquent, je me sens tenu d'exprimer des vues que mes collègues, par exemple...
M. John Harvard: Dans ce cas, parlez à titre de président du CRTC. Ce modèle vous plaît-il? Donne-t-il de bons résultats?
M. Charles Dalfen: À titre de président du CRTC, je peux répondre à cette question. Je peux comparer la situation à ce qu'elle était lorsque j'étais vice-président du CRTC, poste que j'ai quitté en 1980.
À cette époque, il existait beaucoup moins de médias imprimés et de médias électroniques au Canada. Il existait quelques postes de télévision classiques. Les postes de télévision spécialisés n'existaient pas, pas plus que la télévision payante. Il n'existait que quelques jeunes postes comme Global et City et enfin CTV et CBC pour les téléspectateurs de langue anglaise. Il y avait ensuite les trois canaux américains plus un. C'était tout l'univers télévisuel de l'époque.
Pour ce qui est des journaux, je ne peux pas vous dire combien il y en avait, mais je pense que nous conviendrons que le nombre n'a pas tellement changé.
Le choix qui est maintenant offert aux Canadiens défie toute description. Qu'il s'agisse de services spécialisés canadiens, de postes d'information, de postes étrangers comme BBC, CNN, tout cela est nouveau. Je crois que les Canadiens jouissent sans doute aujourd'hui du plus grand choix possible dans le monde.
Mr. John Harvard: Dans ce cas, parlez à titre de président du CRTC. Ce modèle vous plaît-il? Donne-t-il de bons résultats?
Mr. Charles Dalfen: À titre de président du CRTC, je peux répondre à cette question. Je peux comparer la situation à ce qu'elle était lorsque j'étais vice-président du CRTC, poste que j'ai quitté en 1980.
À cette époque, il existait beaucoup moins de médias imprimés et de médias électroniques au Canada. Il existait quelques postes de télévision classiques. Les postes de télévision spécialisés n'existaient pas, pas plus que la télévision payante. Il n'existait que quelques jeunes postes comme Global et City et enfin CTV et CBC pour les téléspectateurs de langue anglaise. Il y avait ensuite les trois canaux américains plus un. C'était tout l'univers télévisuel de l'époque.
Pour ce qui est des journaux, je ne peux pas vous dire combien il y en avait, mais je pense que nous conviendrons que le nombre n'a pas tellement changé.
Le choix qui est maintenant offert aux Canadiens défie toute description. Qu'il s'agisse de services spécialisés canadiens, de postes d'information, de postes étrangers comme BBC, CNN, tout cela est nouveau. Je crois que les Canadiens jouissent sans doute aujourd'hui du plus grand choix possible dans le monde.
M. John Harvard: Vous croyez donc que ceux qui s'inquiètent de la concentration dans le domaine de la radiodiffusion n'ont pas à s'inquiéter.
M. Charles Dalfen: Non, je dis simplement qu'il faut être vigilant. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, il faut étudier chaque fusion au cas par cas.
M. John Harvard: Si je vous comprends bien, monsieur Dalfen, vous dites en fait qu'il n'y a pas... À votre avis, le problème n'est pas suffisamment sérieux pour que nous nous demandions s'il ne convient pas de démanteler des groupes comme CanWest, Rogers ou BCE. Vous ne pensez pas qu'il soit nécessaire de se poser cette question.
M. Charles Dalfen: Vous savez, se poser la question... Je pense qu'il faut examiner la question si elle soulève des préoccupations. Nous vivons dans un pays libre.
Avant que je n'occupe mon poste, le conseil a approuvé, il y a quelques années, l'acquisition par BCE de CTV et de ses filiales pour les raisons énoncées dans la décision, raisons auxquelles je souscris. Le conseil ne s'est pas prononcé sur l'acquisition par CanWest des journaux parce que nous ne disposons pas de pouvoirs à cet égard. Nous nous sommes cependant penchés sur la question au moment du renouvellement de la licence accordée à ces groupes et, comme je l'ai dit dans ma déclaration, la licence a été renouvelée à la condition que ces groupes se conforment en fait à ces principes comme nous leur avions demandé de le faire à titre d'organisme de réglementation dans le domaine de la radiodiffusion.
Á (1155)
M. John Harvard: Permettez-moi de vous poser une autre question. Le modèle de la propriété réciproque aux États-Unis comporte davantage de restrictions qu'au Canada. Qui a raison? Eux ou nous? Le modèle américain est différent.
J'ai une dernière question à poser que je pense être pertinente. Nous aimerions en savoir davantage—du moins j'aimerais en savoir davantage—sur la composition du CRTC, monsieur Dalfen. J'aimerais qu'on nous fournisse les biographies ou les curriculum vitae de toutes les personnes qui ont été nommées au conseil depuis les dix dernières années, simplement pour savoir qui elles sont. Je crois qu'il est important de savoir qui siège au conseil.
Allez-y.
M. Charles Dalfen: Je crois que nous pouvons vous fournir leurs biographies.
Pour ce qui est de la comparaison entre le modèle américain et le modèle canadien, je crois que le modèle qui interdit aux États-Unis la concentration des journaux et des postes de télévision auquel vous faites allusion est en voie de révision sous la gouverne du président actuel de l'organisme de réglementation. Il est question d'élargir le modèle. Il changera donc peut-être.
Comme vous le savez sans doute, une règle analogue a été appliquée au Canada entre 1982 et 1985 et le conseil à l'époque devait suivre à peu près la même orientation. Pour des raisons que vous connaissez sans doute mieux que moi, cette règle a par la suite été révoquée. Il n'existe donc plus d'interdiction absolue.
Ce n'est pas à dire que nous n'examinons pas soigneusement ce genre de situation lorsqu'elle existe, comme nous l'avons fait dans le cas dont nous venons de discuter. Je crois que mes collègues sont parvenus à un équilibre qui tient compte de la réalité d'aujourd'hui et non pas de la réalité d'il y a 20 ans. Malgré certaines restrictions qu'ils ont exprimées au sujet de la propriété croisée des médias, ils ont estimé que le renforcement des intervenants n'était pas équilibré, qu'il devait être approuvé.
Le président: Madame Lill.
Mme Wendy Lill: Je vous remercie de votre présence. Nous ne disposons pas suffisamment de temps—nous n'en avons jamais assez—, mais nous ferons de notre mieux. Nous avons de toute évidence besoin de plus de temps pour examiner la question.
Monsieur Dalfen, vous avez dit que la grande diversité de produits médiatiques qui existent au Canada sert bien les Canadiens, mais je suis convaincue que vous conviendrez que le nombre de personnes qui réalisent ces produits médiatiques a beaucoup diminué.
La décision d'accorder des licences de sept ans à CanWest et à BCE a soulevé un véritable tollé dans tout le pays. Nos témoins nous ont fait part de leurs préoccupations à ce sujet. Nous nous sommes rendus dans tout le pays et on nous a fait part du fait qu'on avait fermé certaines stations de télévision locales pour des raisons d'efficacité. Au Nouveau-Brunswick, on s'est plaint du fait que toutes les émissions francophones proviennent de Montréal. Nous avons entendu la même chose à plusieurs reprises. On nous a aussi parlé de journalistes de la presse écrite qui ont quitté leurs postes ou qui ont été congédiés. Le propriétaire de CanWest Global a aussi fait certaines déclarations, par l'intermédiaire d'éditoriaux nationaux, au sujet du financement accordé aux universités. D'éminents Canadiens ont fait paraître des annonces dans les journaux réclamant la tenue d'audiences sur la concentration des médias. Des sondages menés par Ipsos-Reid indiquent que les Canadiens ne pensent pas que leurs médias les renseignent bien.
Le rapport annuel de 2000 du conseil exprime l'espoir que la convergence aidera financièrement les intervenants du domaine de manière à ce qu'ils puissent offrir une programmation de qualité aux Canadiens. Je trouve un peu étrange qu'on parle d'espoir dans un rapport annuel, mais je crois qu'on peut dire que cet espoir a été déçu. Vous avez vous-même dit que le nombre de dramatiques produites au pays est insuffisant.
Vous êtes perçu, monsieur, comme un visionnaire. Je sais bien que les choses ne peuvent pas changer du jour au lendemain, mais pour revenir à ce que disait M. Harvard, 18 mois plus tard, approuveriez-vous cette décision? Pensez-vous qu'elle a permis d'aboutir aux résultats qui ont été soigneusement exprimés dans la décision? Ce n'est certainement pas ce qu'il nous semble. Nous avons de graves réserves à ce sujet.
 (1200)
M. Charles Dalfen: Je vous remercie, madame Lill.
Je comprends votre point de vue. Il faut parfois être un peu patient pour ce genre de chose. Vous m'avez posé une question portant précisément sur la décision dans l'affaire BCE-CTV. Comme vous le savez, cette décision a été prise avant mon entrée en fonction. Ce qui m'a surpris, c'est qu'elle s'est soldée par l'injection dans le système de radiodiffusion canadien de 220 millions de dollars. Une bonne partie de cet argent a été consacrée à des projets dans le domaine de la programmation dont bon nombre n'ont pas encore abouti. Je ne suis pas sûr que nous ayons donc eu encore l'occasion de voir les résultats de cette décision comme vous semblez le croire. Peut-être que dans deux ou trois ans nous pourrons tirer la conclusion que les résultats de la décision ne sont pas ceux que nous avions anticipés.
Comme vous, je pense qu'il n'y a pas suffisamment de dramatiques canadiennes à la télévision. Je concéderai que nous n'avons peut-être pas fait ce qu'il fallait dans ce domaine et qu'il faudra examiner de nouveau la question. Je ne sais pas vraiment à quoi il faut attribuer le problème. Je pense qu'il est peut-être trop tôt pour porter un jugement final. Je sais cependant que beaucoup d'argent a été investi dans des projets qui seront présentés, espérons-le, sur nos écrans sous peu.
Mme Wendy Lill: Je suis heureuse de voir que vous pensez comme moi au sujet des dramatiques. Qu'en est-il cependant de la fermeture de stations locales et régionales? Qu'en est-il aussi des Canadiens éminents qui pensent que certaines voix journalistiques ne peuvent plus se faire entendre?
M. Charles Dalfen: C'est un point valable. Je crois que l'échange dans les deux sens n'est pas symétrique au point de vue journalistique. À titre d'organisme de réglementation, nous avons voulu faire en sorte qu'il y ait une séparation entre les journaux et la télévision pour assurer l'indépendance des journalistes. Nous ne réglementons cependant pas les journaux et nous ne pouvons pas fixer des règles qui s'appliqueraient à eux comme nous le faisons pour la télévision.
Étant donné qu'il existe depuis 35 ans une loi qui exige un certain équilibre dans le domaine de la télévision, je peux vous assurer que les radiodiffuseurs se plaignent très peu d'un manque d'indépendance. Ce n'est pas à dire qu'on ne se plaint pas à l'occasion du contenu de certains reportages et c'est certainement le cas lorsqu'ils portent sur certains conflits mondiaux. C'est soit le CRTC soit le Conseil canadien des normes de la radiodiffusion qui se penche sur ces plaintes. Ce qui se passe dans les bureaux de rédaction des journaux ne relève cependant pas de notre compétence. Je ne pense pas non plus que les Canadiens voudraient que nous réglementions la liberté de la presse.
Nous examinons donc l'échange d'information qui se fait dans un sens, mais pas dans l'autre.
Mme Wendy Lill: Merci.
Le président: Je pense que Mme Gagnon voulait poser une autre petite question. Elle aura donc son tour après moi.
J'aimerais poser quelques questions à M. Dalfen. La semaine dernière, nous avons accueilli un témoin de Drummondville qui travaille pour une station de radio et de télévision. Je crois que c'était M. Morin. Il défendait avec passion son point de vue en se référant à la décision concernant Astral. J'ai été frappé par ce qu'il a dit. D'un côté, vous dites qu'il faut s'assurer que le public canadien soit bien servi par une grande diversité de voix. Mais lui, il prétendait que c'est exactement le contraire qui s'est produit. Auparavant, sa station de radio et de télévision locale, ainsi que les autres petites stations indépendantes, décidaient de leur propre contenu éditorial. Mais aujourd'hui, les éditoriaux tout faits sont imposés par Astral à partir de Montréal. La convergence de toutes ces stations a donc éliminé la diversité des voix. Voilà son argument.
J'aimerais vous poser une seconde question portant sur ce que le sénateur Gauthier a dit au sujet de la décision du CRTC de ne pas octroyer de licence à TFO au Québec. Le CRTC a justifié sa décision en invoquant l'intérêt public, et le sénateur Gauthier a dit que si c'était ça l'intérêt public, qu'il fallait le définir.
Voilà mes questions. Comment donc concilier le témoignage de M. Morin de Drummondville et la décision dans l'affaire Astral avec l'argument voulant qu'il y ait une plus grande diversité des voix? Ensuite, devrait-on proposer une définition de ce qu'est l'«intérêt public» dans notre examen de la loi?
 (1205)
M. Charles Dalfen: Quel grand défi, monsieur le président. Je vous souhaite bonne chance.
Ce serait un exercice utile. Depuis mon arrivée au conseil, j'ai essayé de justifier nos décisions et d'expliquer comment nous en arrivons à nos conclusions, qui sont basées sur la Loi de la radiodiffusion et, en ce sens, aussi sur l'intérêt public. À notre avis, la politique sur la radiodiffusion contenue dans la loi définit déjà ce qu'est l'intérêt public.
Comme vous le savez, la loi et la politique—je sais que vous les connaissez très bien—contiennent des objectifs contradictoires exigeant d'être équilibrés, comme j'en discutais avec Mme Gagnon. Les décisions du CRTC ne font pas l'unanimité, il faut s'attendre à cela. Chacun a droit à son opinion. Mais je crois qu'il serait extrêmement difficile de définir de façon abstraite ce qu'est l'intérêt public, étant donné les dispositions contenues dans la Loi sur la radiodiffusion et nos autres lois.
Quelle était la question au sujet de M. Morin de Drummondville?
Le président: Je crois qu'il s'agissait de TéléCentre.
M. Charles Dalfen: Je ne doute pas que lorsqu'il y a fusion de stations, il s'ensuit une perte de voix. Il n'y a aucun doute là-dessus. Je ne connais pas assez bien la communauté dont il est question.
Le président: Ce n'est qu'à titre d'exemple.
M. Charles Dalfen: Oui. C'est sûr, mais si vous examinez la situation changeante au Québec, au moment où la fusion a été autorisée par le CRTC, nous avons reçu beaucoup de nouvelles demandes de licences pour desservir ces marchés. En fait, nous allons tenir des audiences à ce sujet au début du mois de février à Montréal.
La situation est en pleine évolution. Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, nous essayons de contrebalancer la nécessité d'avoir d'importants joueurs canadiens pour bien servir le public avec une diversité des voix. Nous avons reçu des demandes de licences à partir de plusieurs communautés desservies par Astral. Dans une de ces communautés, la ville de Québec, si je ne m'abuse, nous avons exigé qu'Astral se dessaisisse d'une de ses compagnies. Nous essayons donc d'équilibrer les choses dans un univers changeant afin d'atteindre les objectifs contenus dans la Loi sur la radiodiffusion.
Le président: Merci.
Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Plusieurs témoins sont venus nous demander qu'il y ait un moratoire sur la concentration et sur la propriété croisée jusqu'à ce que le comité ait fini son étude et qu'il y ait certaines balises concernant le comportement de certains propriétaires qui ont des intérêts dans plusieurs médias.
Je sais que vous allez entendre prochainement des témoins concernant la demande de COGECO, qui veut avoir une licence radiophonique. Ne pensez-vous pas que vous auriez là une belle occasion de dire qu'il y aura un moratoire pour qu'on voie comment on peut mieux baliser ou encadrer le comportement et le code d'éthique de certains médias? Pensez-vous établir ce genre de moratoire qu'on souhaiterait par cette décision que vous allez rendre?
 (1210)
M. Charles Dalfen: Cela se déroule déjà, car on a émis l'avis public pour l'audience publique sur les requêtes qui vont être entendues. Les intervenants pourront soulever le point que vous venez de mentionner, et on va rendre notre décision. Il ne serait peut-être pas approprié que je commente pour le moment, étant donné que c'est déjà devant nous et qu'un avis a été émis concernant une audience publique qui va commencer en février, à Montréal.
Mme Christiane Gagnon: Je sais que c'est en cours, mais si d'autres demandes de fusion vous étaient soumises, ne serait-il pas pertinent de marquer un temps d'arrêt pour l'émission de licences pour l'achat de propriétés multimédias?
M. Charles Dalfen: Ce sont des questions différentes. L'octroi de nouvelles licences améliore parfois un déséquilibre. On entend des requêtes pour de nouvelles licences. Quant aux achats de propriétés, c'est autre chose. On est dans un pays libre où on peut faire des transactions d'affaires et se présenter devant nous. Nous procédons toujours cas par cas. Nous établissons très rarement des moratoires. Nous avons parfois établi des moratoires sur de nouveaux postes de satellites afin qu'on puisse digérer d'autres services qui avaient été lancés. Nous essayons cependant de laisser les gens faire leurs transactions et présenter leurs requêtes. Si les intervenants pensent que cela diminue la concurrence ou que cela crée des problèmes, ils peuvent soulever des points devant nous et on essaie de prendre une décision cas par cas. On n'a pas encore pensé à décréter un tel moratoire.
Mme Christiane Gagnon: Vous dites que ce sont des occasions...
Le président: Merci, madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon: D'accord, mais je suis comme M. Harvard. Il m'a montré comment travailler.
[Traduction]
M. John Harvard: C'est de ma faute.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Je dois quitter.
[Traduction]
Le président: Madame Lill.
M. John Harvard: Est-ce que je peux poser une dernière petite question, monsieur le président?
Le président: Non, c'est au tour de Mme Lill, s'il vous plaît.
M. John Harvard: Oh, pardon.
Mme Wendy Lill: Je suis désolée, John.
En quoi l'intérêt public est-il servi quand le CRTC permet aux fournisseurs de services par satellite de ne pas diffuser des programmes télévisuels communautaires, d'autant plus que la part de marché de la diffusion directe par satellite est passée de 2,6 % à 16 % entre 1998 et 2001?
M. Charles Dalfen: J'ai une réponse en deux parties. D'abord, à l'instar des câblodistributeurs, les distributeurs par satellite doivent affecter 5 % de leurs revenus bruts à des fonds de productions canadiennes ou à des émissions locales. Dans le cas des câblodistributeurs, ils peuvent affecter 2 % des 5 % aux postes communautaires. Les deux groupes sont obligés de dépenser 5 % de leurs revenus bruts. C'est juste pour tout le monde.
Ensuite, il y a l'aspect pratique de la chose. La croissance des câblodistributeurs est venue de la base et celle des distributeurs par satellite d'en haut. Si vous exigez donc d'avoir un poste communautaire diffusé directement par satellite, de quelle communauté en fait s'agit-il? C'est une question difficile.
De plus...j'en profite pour vous parler du document sur la politique communautaire que nous avons publié il y a quelques mois, en octobre, et qui propose de créer davantage de postes communautaires par le biais de transmetteurs de télévision à faible puissance, et ce, dans le but de donner une voix aux communautés. Votre personnel en a une copie. Nous essayons donc de nous adresser directement aux collectivités afin de répondre à leurs besoins qui ont pu être négligés avec l'arrivée des satellites et des grandes entreprises.
Le président: Je vous permets de poser une petite question, monsieur Harvard. Nous devons terminer car d'autres témoins attendent.
M. John Harvard: Merci.
Monsieur Dalfen, il m'est venu une idée: si jamais vous songez à quitter votre emploi, vous pourriez toujours devenir entraîneur au hockey. Vous savez patiner!
Des voix: Oh, oh!
 (1215)
M. Charles Dalfen: Monsieur Harvard, mon idole était Boom Boom Geoffrion. Il lançait dur.
M. John Harvard: Oui, j'ai l'âge de m'en rappeler. Il avait des lancers frappés formidables.
J'ai tout de même une question. Un peu plus tôt cette semaine, nous avons entendu un témoin de la Colombie-Britannique qui prétendait que les annonceurs locaux et régionaux avaient été exclus du marché télévisuel parce que les réseaux de télévision réservaient le temps d'antenne publicitaire pour les annonceurs nationaux.
Êtes-vous au courant de la situation? Si c'est un problème légitime, croyez-vous que le CRTC a le droit d'exiger que du temps d'antenne publicitaire soit réservé aux annonceurs locaux ou régionaux?
M. Charles Dalfen: Merci, monsieur Harvard. Nous sommes au courant du problème. Je ne sais pas si le CRTC a reçu une plainte officielle—c'est bien possible—, mais ce n'est pas la première fois que j'entends parler de la chose. Nous serons peut-être saisis de la question un jour. Et si c'est le cas, nous devrons alors examiner les choix qui s'imposent à nous.
Jacques me fait signe que nous n'avons pas encore reçu de plaintes officielles. Mais la question a été discutée de façon informelle et je sais que certaines personnes se préoccupent de la situation.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Dalfen, d'être venu avec si peu de préavis. À l'origine, on vous avait demandé de venir hier. Nous apprécions le fait que vous ayez trouvé le temps de venir aujourd'hui. Le CRTC occupe une place prépondérante dans la Loi sur la radiodiffusion et c'est pourquoi nous vous sommes reconnaissants, à vous et à vos collègues, d'être venus.
M. Charles Dalfen: Merci beaucoup. Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à M. Konrad von Finckenstein, qui est le commissaire de la concurrence du Bureau de la concurrence.
Pouvez-vous nous présenter vos collègues, monsieur von Finckenstein?
M. Konrad von Finckenstein (commissaire de la concurrence, Bureau de la concurrence): Oui, merci, monsieur le président. Je suis accompagné de M. Richard Taylor, sous-commissaire adjoint des fusions, et de M. Peter Sagar, sous-commissionnaire adjoint de la politique.
J'ai un bref exposé, monsieur le président, si ça vous convient.
Le président: Vous avez la parole.
M. Konrad von Finckenstein: Merci beaucoup de nous donner l'occasion de venir devant votre comité. C'est un grand plaisir d'être ici à nouveau. Je vous donnerai un bref aperçu des recommandations énoncées lors de ma dernière comparution devant le comité le 7 mai 2002. Ce bref aperçu sera suivi de quelques commentaires concernant les questions de propriété croisée des médias et des règles en matière de propriété étrangère.
Toutefois, avant d'aborder des questions précises, j'aimerais premièrement mettre l'accent sur la base utilisée pour examiner les questions clés dont nous avons tenu compte. Comme vous le savez, en tant que commissaire de la concurrence, j'ai la responsabilité de maintenir et d'améliorer la concurrence dans le marché canadien.
Le personnel du Bureau possède une grande expertise en ce qui concerne l'évaluation des questions touchant la concurrence et nous sommes responsables de mettre en application une Loi sur la concurrence moderne et efficace. Nos intérêts dans le domaine de la radiodiffusion et des télécommunications se concentrent strictement sur la concurrence dans le domaine de l'économie dans des marchés clés.
Nous reconnaissons que le gouvernement est aussi intéressé à poursuivre d'autres objectifs, incluant des objectifs culturels et sociaux. Le défi consiste à trouver des approches à ces objectifs culturels et sociaux qui seront efficaces et qui permettront une concurrence sur le plan économique.
 (1220)
[Français]
Voici les recommandations que nous avons énoncées devant vous et qui sont dans notre mémoire du 3 avril 2002.
Notre mémoire du mois d'avril dernier se basait sur cette perspective. À ce moment-là, j'ai mentionné les pressions importantes exercées par l'évolution de l'environnement et j'ai fait trois séries de recommandations.
Premièrement, j'ai recommandé d'inclure dans le cadre de la politique canadienne de réglementation et de radiodiffusion: l'objectif de réglementer, lorsque c'est nécessaire, de façon efficace et de viser uniquement la réalisation des objectifs culturels de la loi; l'objectif d'augmenter la confiance dans les forces du marché; l'objectif d'améliorer l'efficacité et la compétitivité des services canadiens de radiodiffusion.
Comme vous pouvez l'observer, ces trois recommandations apparentées se concentrent sur l'atteinte d'un marché et d'une base industrielle concurrentiels, ce qui est essentiel à la réalisation d'une industrie progressive et durable au sein d'un contexte mondial.
[Traduction]
En avril, j'ai également mentionné le besoin de clarifier le mandat du CRTC afin de préciser que le CRTC a la responsabilité de préserver la diversité des voix au sein des services canadiens de radiodiffusion et, en même temps, de se pencher uniquement sur l'impact qu'auraient les fusionnements sur les valeurs culturelles et sur la diversité des voix lors de la révision des transactions relatives à la radiodiffusion.
La culture canadienne repose sur des valeurs démocratiques. La diversité des voix est essentielle si on veut assurer le bon fonctionnement d'un régime démocratique. La diversité des voix n'est pas une question de concurrence sur le plan économique et, par conséquent, elle ne relève pas du mandat du Bureau. Cependant, nous voyons le maintien de la diversité des voix comme un allié naturel du mandat du CRTC qui est de maintenir et d'améliorer la culture canadienne.
Le mandat du CRTC devrait établir clairement qu'il est responsable de préserver la diversité des voix à l'intérieur du système canadien de radiodiffusion et ses règlements devraient aller dans ce sens et favoriser la liberté d'expression garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. Le CRTC doit mettre au point des mesures objectives concernant la domination du contenu et appliquer les règlements à l'industrie afin de préserver la diversité des voix.
En ce qui concerne les fusionnements dans l'industrie des médias, actuellement le CRTC et le Bureau de la concurrence ont le pouvoir de réviser et d'approuver certaines transactions. Nous sommes en faveur d'une division claire des responsabilités et des compétences, tel que souligné dans l'entente d'interfaces entre le Bureau et le CRTC qui a été affichée dans le site Web du Bureau.
L'examen du CRTC des transactions proposées ne devrait pas essayer de répéter l'examen commercial mené par le Bureau. Il devrait se concentrer uniquement sur l'impact que le fusionnement proposé aurait sur l'atteinte des principaux objectifs culturels. En somme, le Bureau devrait s'occuper des conséquences du fusionnement en termes économiques pendant que le CRTC s'occuperait des conséquences du fusionnement en termes de valeurs culturelles.
[Français]
Troisièmement, comme mesure additionnelle pour favoriser les forces du marché, le bureau a recommandé en avril que les niveaux des investissements étrangers pour les entreprises de distribution de radiodiffusion demeurent cohérents avec ceux qui s'appliquent aux entreprises de télécommunication.
Selon nous, en ce qui concerne la transmission, il n'y pas de distinction entre la transmission des signaux téléphoniques et la transmission des signaux de radiodiffusion. Par conséquent, les transporteurs de chaque signal devraient profiter du même accès aux capitaux et être liés par les mêmes règles de propriété.
Cette approche assurera que les entreprises de distribution de radiodiffusion ne subissent pas un désavantage concurrentiel injuste face aux entreprises de télécommunication, étant donné que les deux se livrent concurrence dans l'accès à haute vitesse et la téléphonie. Les questions reliées à l'atteinte d'autres buts, incluant les objectifs culturels, peuvent et devraient être considérées par des moyens plus efficaces et moins intrusifs.
[Traduction]
Maintenant quelques mots sur la perspective du Bureau concernant les questions de la propriété croisée des médias. Je vais commenter brièvement, en tant que commissaire de la concurrence, certaines questions que le comité a récemment établies concernant la propriété croisée des médias et la propriété étrangère. Plutôt que de considérer séparément chaque question, je vais commenter de façon générale.
Premièrement, vous avez soulevé une série de questions concernant la propriété croisée des médias. Ceci est une question opportune dépendant si on croit à la convergence ou à la déconvergence. Selon des rapports de médias, il semblerait y avoir beaucoup d'actifs dans le secteur des médias faisant en sorte que les entreprises cherchent à rationaliser leurs avoirs après leurs grandes acquisitions en vue d'atteindre la convergence. Reste à voir si c'est le signe d'un mouvement vers la déconvergence ou simplement un processus de règlement à la suite de l'exubérance des années 90. Mais les implications sont claires. Nous avons besoin de règles claires et efficaces afin de permettre à ce processus d'ajustement de fonctionner efficacement.
Pour avoir un processus efficace, nous avons besoin de règles claires et compréhensibles pour l'industrie qui permettront aux gens d'exploiter les meilleurs débouchés possibles.
Le Bureau de la concurrence a établi de telles lignes directrices pour les fusionnements afin de permettre aux entreprises de comprendre non seulement la loi, mais aussi comment elle va s'appliquer. Ceci réduit l'incertitude pour les entreprises et a aussi l'avantage de nous forcer d'être transparents sur la façon dont nous travaillons.
Nous n'avons pas établi des règles précises concernant la propriété croisée des médias, mais nous avons l'intention d'analyser chaque transaction proposée par rapport à l'incidence sur le niveau de concurrence sur les marchés touchés. Si un fusionnement de ce genre devait provoquer une réduction sensible de la concurrence du marché, nous essaierions de l'empêcher ou nous proposerions des moyens afin d'y remédier.
En somme, nous sommes disposés à examiner l'effet économique de la propriété croisée des médias. Historiquement, les marchés sur lesquels nous nous sommes concentrés sont les marchés publicitaires. Tenir compte des impacts sur les objectifs culturels comme la diversité des voix ne fait pas partie de notre mandat.
Quelle est notre perspective en matière de propriété étrangère? J'ai déjà traité de certaines de ces questions mais permettez-moi de résumer notre position—je parle ici à titre de commissaire de la concurrence et champion d'un marché concurrentiel.
Premièrement, l'accès au capital est essentiel pour une industrie dynamique et efficace. Mais les restrictions en matière de capital étranger ne sont pas compatibles avec un marché financier efficace. Pour un fonctionnement optimal du marché, il faut diverses options et sources de capital, y compris diverses sources, possibilité de risques variés et diverses modalités et conditions. De plus, le capital étranger ne représente pas seulement de l'argent pour le Canada, mais implique aussi l'apport de nouvelles idées financières, une influence financière, des sources de technologies et l'efficacité de la gestion.
À mesure qu'on se rapproche des ajustements attendus dans l'industrie des médias, l'accès au capital étranger ne peut que faciliter la transition et garantir une industrie canadienne plus forte.
Deuxièmement, comme je l'ai déjà dit, pour ce qui est de la transmission, il n'y a pas de distinction entre la transmission de signaux téléphoniques et la transmission de signaux de radiodiffusion. Par conséquent, les transporteurs de chaque signal, qu'ils soient des compagnies de téléphone ou des entreprises de distribution de radiodiffusion, devraient profiter du même accès au capital et être liés par les mêmes règles de propriété. Si cela ne se produit pas, un secteur se trouverait désavantagé par rapport à l'autre, ce qui créerait une distorsion dans la prise des décisions économiques.
En conclusion, en tant que commissaire de la concurrence, je suis très préoccupé par les questions de concentration sur le plan économique, les restrictions en ce qui concerne la propriété et les fusionnements entre les médias.
Je suis heureux d'avoir cette occasion de vous parler et de répondre à vos questions.
 (1225)
Le président: Je vous remercie, monsieur le commissaire.
Nous allons passer aux questions en commençant par M. Abbott.
M. Jim Abbott: Je vous remercie de votre exposé.
Je voudrais vous dire que nous sommes tout à fait d'accord avec vous quand vous dites à la page 8 qu'il n'y a pas de distinction entre la transmission des signaux téléphoniques et la transmission des signaux de radiodiffusion. Je pense que vous l'avez aussi répété dans votre résumé. Je pense que la tentative de séparer les deux est motivée par des raisons idéologiques et causerait des ravages dans le marché.
Je m'intéresse à ce que vous dites à la page 12: «En somme, nous sommes disposés à examiner les effets économiques dans la propriété croisée des médias». Vous savez sans doute que nous avons entendu l'autre jour un point de vue d'un résident de Vancouver qui nous a expliqué que quand il voulait acheter de l'espace publicitaire pour ses clients, lui et ses clients locaux et régionaux étaient effectivement exclus du marché de la télévision essentiellement à cause de la situation de CanWest Global dans le Grand Vancouver et dans la province de Colombie-Britannique. Nous n'avons pas parlé de la radio mais examinons ici la situation de la télévision et des médias écrits. Dans le cas que je vous ai mentionné, ces personnes se trouvaient exclues du marché de la télévision, donc poussées vers les médias écrits. Si je me rappelle bien, dans le cas de ces médias, il y avait eu un effet multiplicateur de dix sur une période de 10 ans. Il s'agissait tout simplement d'une planche à billets pour CanWest Global.
Le Bureau de la concurrence est-il en mesure d'examiner ce genre de conséquence imprévue découlant, d'après moi, de décisions prises par le CRTC car si nous devons nous fier au témoignage de ce monsieur, il y a manque de concurrence dans le marché de la publicité à Vancouver et en Colombie-Britannique?
 (1230)
M. Konrad von Finckenstein: Oui, il nous arrive d'examiner ces questions à deux moments. D'abord, lorsqu'il y a proposition de fusionnement qui nécessite notre approbation, nous allons examiner l'effet du fusionnement. Nous examinons les marchés de la publicité. Nous consultons les publicitaires. Nous essayons de déterminer s'il existe un marché et si le fusionnement va créer une réduction sensible dans la concurrence. Quand nous estimons que ce sera l'effet, nous intervenons. Par exemple, nous sommes intervenus dans le marché des journaux à Vancouver. Il y a eu un long procès qui est allé jusqu'à la Cour suprême et qui a fini par entraîner le désaississement d'un journal à North Vancouver.
Mais la situation que vous décrivez peut être qualifiée de ex post facto, c.-à-d. la situation après le fusionnement. Il existe une disposition à l'article 79 de la Loi sur la concurrence qui porte sur le concept de «abus de position dominante». Il s'agit de la possibilité d'exploiter sa position dominante du marché afin de miner la concurrence, entre autres.
Or, il faut se rappeler que c'est la concurrence qui nous intéresse. Nous voulons donc nous assurer que le résultat de ces activités n'est pas l'abandon des affaires par le concurrent. S'il s'agit d'une concurrence saine et vigoureuse, très bien. C'est ainsi que le marché devrait fonctionner. Mais si c'est un acte qui n'a pas de valeur commerciale ou qui ne peut pas se justifier sur le plan commercial, si on cherche simplement à pousser le concurrent à fermer ses portes afin de mieux profiter de la situation par la suite, alors nous pouvons intervenir.
Je m'empresse d'ajouter que c'est très difficile d'établir les faits dans ce genre de situation. Il est très difficile de faire la distinction entre les deux.
M. Jim Abbott:
Concernant la propriété étrangère, si je vous ai bien compris, vous dites à la page 6:
Le CRTC doit mettre au point des mesures objectives concernant la domination du contenu et appliquer des règlements à l'industrie afin de préserver la diversité des voix. |
Je voudrais simplement une précision. D'après vous, il incombe au CRTC, avec les outils à sa disposition—et il estime peut-être qu'il doit demander de nouveaux outils au Parlement—, d'examiner le contenu.
Je ne sais pas si vous vous sentez à l'aise pour répondre à cette question ou si j'ai le droit de vous la poser, mais de toute façon vous me le direz. Quoi qu'il en soit, êtes-vous d'accord avec moi que la question de la propriété étrangère n'a aucun rapport, même si le CRTC dispose d'outils qu'il estime efficaces, et qui le sont effectivement concernant le contenu? Autrement dit, la question de savoir qui est propriétaire dans l'entreprise importe peu.
Je ne veux pas vous faire dire des choses et je ne veux pas vous mettre dans une situation difficile.
M. Konrad von Finckenstein: Non, je comprends. Ce sont deux questions tout à fait différentes. L'une porte sur les restrictions attachées à la propriété étrangère. D'après nous, toute restriction attachée à la propriété étrangère, et toute mesure qui limite la propriété, aura un effet sur la concurrence. Donc, d'un point de vue purement concurrentiel, quand on élimine les restrictions attachées à la propriété on optimise les investissements dans l'industrie. Si les marchés fonctionnent convenablement, on arrive à la concurrence maximale.
Pour ce qui est de la diversité, on nous a souvent demandé d'intervenir ou de faire quelque chose à cause d'une perception de surconcentration dans un des médias ou dans quelques médias. Cela ne fait pas partie de notre travail. Nous étudions les conséquences économiques, pas les valeurs. Pensez-vous que la diversité des voix a de la valeur? Pensez-vous qu'il faudrait maintenir cette diversité? Personnellement, je pense que oui, mais assurer cette diversité ne fait pas partie de mon travail en tant que commissaire de la concurrence.
Le CRTC a le mandat de maintenir et d'encourager la culture canadienne. La culture canadienne repose sur un système démocratique, qui fonctionne de façon optimale avec une diversité de voix. Donc, il me semble évident que cette diversité devrait être intégrée au mandat. Il me semble évident que la diversité doit être encouragée en même temps que la culture canadienne.
Pour ce qui est de la concentration des médias, on voit une convergence. Cette convergence des médias—de différentes sortes de médias qui se concentrent en un—pourrait poser certains dangers. C'est une question que nous devons donc étudier. D'après moi, cela fait partie du mandat du CRTC. Il faut établir des règlements sur le contenu qu'on permet et qu'on ne permet pas, et appliquer ces règlements. D'autres pays l'ont fait sans équivoque. Mais c'est une question de politique culturelle, sociale, pas une question de politique économique. Ça ne fait donc pas partie de notre mandat.
 (1235)
M. Jim Abbott: Merci.
Le président: Mme Lill, suivie de M. Harvard.
Mme Wendy Lill: Merci.
Vous prenez une position très ferme sur la propriété étrangère et ses avantages. Mais votre travail ne serait-il pas d'appuyer la position du gouvernement fédéral, une position qui limiterait la propriété étrangère? Votre position me semble inappropriée. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
Par ailleurs, vous avez parlé de l'importance de la propriété croisée des médias. Vous pouvez étudier les impacts économiques de la propriété croisée des médias. Cela fait partie de votre mandat.
Nous entendons beaucoup dire que les annonceurs locaux et régionaux se font exclure des marchés locaux en raison de la nouvelle dynamique de la propriété. Y a-t-il quelque chose que vous pouvez faire? Avez-vous l'intention de faire quelque chose?
M. Konrad von Finckenstein: Votre première question est très intéressante et je suis content que vous l'ayez posée. Permettez-moi de dire haut et fort que je ne parle pas pour le gouvernement. Mon mandat, de par la loi, est de promouvoir la concurrence. C'est stipulé dans la loi. En vertu de l'article 125, j'ai le mandat de promouvoir une position concurrentielle.
Cela ne veut pas dire que je ne vois pas les autres préoccupations. Dans certains cas, il faudrait peut-être atténuer la concurrence pour atteindre d'autres objectifs que le gouvernement et le législateur considèrent plus importants. Cela est tout à fait clair. Tout ce que je dis—purement comme commissaire de la concurrence—c'est ceci: une perspective économique. L'élimination des restrictions attachées à la propriété aura comme résultat d'améliorer la concurrence. Maintenant, voulez-vous payer ce prix ou non? C'est vous et le gouvernement qui devez décider si les restrictions seront éliminées, quand les restrictions seront éliminées, et s'il y en aura d'autres.
Évidemment, la deuxième question qu'on se pose c'est si la propriété serait le meilleur outil pour améliorer la concurrence. Pourrait-on arriver au même objectif par l'octroi de licences? Si oui, pourquoi ne pas octroyer des licences et arriver aux objectifs culturels désirés sans nuire à la concurrence? Il faut peser toutes les options et leurs conséquences.
Mon mandat c'est de faire clairement passer le message que les restrictions attachées à la propriété limitent la concurrence. Je dis cela en tant que commissaire de la concurrence, mais je ne parle pas pour le gouvernement. En vertu de la Loi sur la concurrence, il m'incombe de promouvoir les idées et les politiques concernant la concurrence.
Le président: Mme Lill a aussi posé une deuxième question...
M. Konrad von Finckenstein: Oui, c'était une question sur la propriété croisée des médias.
Comme j'ai déjà dit, notre étude des fusions se concentre largement sur l'aspect publicitaire. Les témoignages que vous avez entendus me surprennent un peu. Quand nous étudions le marché publicitaire, nous essayons de nous assurer que personne n'est exclu comme vous dites.
Nous pouvons bien sûr commettre des erreurs, et nous en avons peut-être commises. Néanmoins, une de nos préoccupations principales c'est de nous assurer que la propriété croisée des médias ne permet pas aux compagnies d'avoir tant de pouvoirs, et de forcer des intervenants dans des positions qu'ils ne veulent pas adopter.
Mme Wendy Lill: Vous n'entendez dire pas que les tarifs pour la publicité sont tellement élevés que les annonceurs locaux ne peuvent se les permettre? Vous ne recevez pas ces plaintes?
M. Konrad von Finckenstein: Je n'ai pas reçu de telles plaintes. Pour ce qui est des fusions que nous avons étudiées et acceptées, les annonceurs que nous avons consultés ne nous ont pas laissé entendre que la fusion aurait comme résultat d'arriver à une telle concentration que le marché publicitaire serait affecté.
 (1240)
Mme Wendy Lill: Mais si ce marché était affecté, et si vous commenciez à recevoir de telles plaintes...
M. Konrad von Finckenstein: Là, il faudrait évaluer le niveau de cet effet. Si l'effet est considérable, nous avons les outils pour régler le problème, et nous pouvons même aller devant les tribunaux pour bloquer la fusion si on ne peut arriver à d'autres mesures.
Le président: Monsieur Harvard.
M. John Harvard: Merci, monsieur le président.
Monsieur von Finckenstein, j'accepte votre opinion sur les restrictions. Je suis d'accord que les restrictions attachées à la propriété limitent la concurrence. J'accepte cela. Mais étant donné cette position, que je comprends, vous n'avez pas vraiment de conseils à nous donner pour ce qui est de la propriété étrangère, et de la position que nous devons prendre en tant que comité du patrimoine, qui doit examiner des questions autres que les questions économiques.
M. Konrad von Finckenstein: Ce n'est pas tout à fait cela. Comme je viens de dire à Mme Lill, je pense que vous devrez étudier d'autres options qui ont un effet moins radical...
M. John Harvard: Je suis tout à fait d'accord. Mais ce n'est pas vous qui allez proposer ces options. Vous n'avez qu'un point de vue: aucune...
M. Konrad von Finckenstein: Non, non. J'ai dit que vous devez examiner tous les outils pour voir lequel peut vous aider à atteindre vos objectifs, quel que soit l'effet. Si vous pouvez atteindre vos objectifs avec des mesures autres que des restrictions attachées à la propriété étrangère, ce serait une voie à recommander. Évidemment, c'est votre décision. Moi, je ne fais que donner des conseils. Mais comme mon mandat c'est de promouvoir la concurrence, je propose que vous essayiez de trouver l'outil qui a le plus petit impact possible sur la concurrence, l'outil qui est le moins intrusif.
M. John Harvard: Nous ne sommes pas en désaccord, et je ne veux rien enlever de ce que vous dites. Je dis simplement que dans notre recherche de solutions, nous devons trouver des conseils ailleurs.
J'aurais tout de même quelques commentaires. À la page 8, vous dites—et M. Abbott a déjà mentionné cela—qu'il n'y a pas de distinction entre la transmission des signaux téléphoniques et la transmission des signaux de radiodiffusion. C'est passablement sans équivoque.
N'est-il pas vrai qu'on pourrait faire une distinction entre les deux? Par exemple, est-ce que la capacité de transmission des signaux de radiodiffusion est la même que la capacité de transmission des signaux téléphoniques? Moi, je dirais que la capacité de transmission des signaux de radiodiffusion est assez limitée.
M. Konrad von Finckenstein: Eh bien, oui, à ce stade-ci il s'agit clairement de... Au fait, ces deux modes permettent de transmettre les signaux jusque chez vous. Disons que vous avez l'accès Internet haute vitesse. Cet accès vous est donné soit par une ligne téléphonique numérique soit par le câble. Le même signal vous permet d'avoir accès à ce que vous voulez. Il ne s'agit que du mode de transmission et non du contenu. Si une entreprise de distribution de radiodiffusion ou une compagnie téléphonique ne fait que vous transmettre des signaux, elle devrait être soumise aux mêmes règles, mais seulement à titre d'entreprise de transmission.
M. John Harvard: Mais les entreprises de transmission de signaux n'ont-elles pas accès à des centaines de signaux? Qu'en est-il au juste? Combien de signaux possèdent les compagnies de téléphone?
M. Konrad von Finckenstein: Tout cela me dépasse. Je ne suis pas un ingénieur, et je ne connais pas la réponse. Moi je parle du concept de la transmission, et de la loi cadre qui établit une capacité. Puis c'est aux transporteurs de voir si la capacité existe et s'ils veulent faire les investissements nécessaires.
Je dis simplement que la loi cadre ne devrait faire aucune distinction d'après la mode de transmission, que ce soit par câble ou par ligne téléphonique.
M. John Harvard: Bon.
Je sais que certains s'inquiètent non seulement au sujet de votre organisme mais aussi au sujet du CRTC. Pensez-vous que vous avez les ressources pour faire le travail que vous avez à faire? Vous avez un mandat complexe. Avez-vous les ressources?
M. Konrad von Finckenstein: Malheureusement, non. Je ne pense pas avoir les ressources qu'il faut. Nous n'avons pas assez de ressources, mais ce n'est pas un secret. L'année dernière, le comité de l'industrie de la Chambre des communes a indiqué dans son rapport que nous n'avions pas assez de ressources. L'OCDE à Paris a entrepris une étude importante de notre système, et indique que nous n'avons pas assez de ressources. Nous avons fait la comparaison avec d'autres pays. Pour ce faire, nous avons engagé un expert conseil, Charles Rivers and Associates, pour comparer notre financement au financement d'un organisme semblable aux États-Unis, en Grande-Bretagne, et en France, ainsi que dans d'autres pays. Nous sommes tout à fait au bas de la liste.
Il est donc évident qu'il nous faut plus de ressources. Malheureusement, je sais que ce n'est pas à vous de nous les donner, et je suis ici seulement pour répondre à vos questions. Mais il est tout à fait vrai que nous n'avons pas les ressources qu'il faut pour accomplir toutes les tâches qui nous incombent, surtout maintenant, étant donné que nous parlons de fusion. Un domaine qui consomme une grosse partie de nos ressources, c'est celui du télémarketing illégal, une activité qui se répand comme la peste et qui est très perfectionnée. La lutte contre cette activité est très difficile et très dispendieuse.
 (1245)
Le président: Monsieur von Finckenstein, avez-vous le rapport que vous venez de mentionner?
M. Konrad von Finckenstein: Parlez-vous de celui de la Chambre des communes?
Le président: Non, l'autre que vous avez mentionné.
M. Konrad von Finckenstein: Ah, le rapport préparé par Charles Rivers and Associates. Oui, monsieur le président, il me fera plaisir de vous l'envoyer.
Le président: Oui, il serait très intéressant de le lire.
M. John Harvard: J'ai une dernière question. Vous avez dit être préoccupé de la concentration économique. Étant donné le type de propriété croisée des médias que nous avons au Canada, diriez-vous que ce modèle permet assez de concurrence?
M. Konrad von Finckenstein: Cela répond aux critères de la Loi sur la concurrence. Évidemment, quand la concentration est en train de se produire... D'après notre loi, nous n'avons pas le mandat de défaire les choses afin de créer davantage de concurrence. Nous devons préserver le statu quo et faire en sorte qu'il n'y a pas de réduction de la concurrence. Pour ce qui est de mon rôle de promotion et de défense, c'est à ce titre que je vous parle ici, il s'agit d'encourager la concurrence et l'adoption de mesures pour favoriser la concurrence.
Dans l'industrie des médias, nous exerçons nos pouvoirs quand il est question de fusionnement et nous essayons d'empêcher des fusionnements qui limiteraient la concurrence. Mais notre analyse repose uniquement sur le point de vue économique. Vous adoptez une perspective beaucoup plus large, en tenant compte des incidences culturelles et sociales, et c'est pour cette raison que j'ai proposé que vous devriez bien préciser vos critères.
M. John Harvard: Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur von Finckenstein, pour être venu malgré un si court préavis. Nous l'apprécions énormément. Votre témoignage nous a été extrêmement utile. Merci.
La séance est levée.