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HERI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent du patrimoine canadien


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 10 décembre 2002




¿ 0910
V         Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.))
V         Mme Megan Williams (directrice générale, Conférence canadienne des arts)

¿ 0915

¿ 0920
V         Le président
V         Mme Chantal Larouche (présidente, Fédération nationale des communications)

¿ 0925

¿ 0930

¿ 0935

¿ 0940
V         Le président
V         M. Michel Morin (président du conseil d'administration et directeur de l'information, TéléCentre Drummondville)

¿ 0945
V         Le président
V         M. Dean Butler (directeur, Services aux médias; et président du Conseil des médias de Vancouver, Glennie Stamnes Strategy)

¿ 0950

¿ 0955
V         Le président
V         M. Paul Boin (aide-professeur, Études en communication, À titre individuel)

À 1000

À 1005

À 1010
V         Le président
V         M. Gaëtan Tremblay (professeur en communication, À titre individuel)
V         Le président
V         M. Gaëtan Tremblay

À 1015

À 1020
V         Le président
V         M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne)

À 1025
V         Le président
V         Mme Chantal Larouche
V         Le président
V         Mme Megan Williams

À 1030
V         Le président
V         M. Paul Boin
V         Le président
V         Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ)

À 1035
V         M. Gaëtan Tremblay

À 1040
V         Le président
V         M. John Harvard (Charleswood —St. James—Assiniboia, Lib.)
V         M. Dean Butler
V         M. John Harvard
V         M. Michel Morin
V         M. John Harvard
V         M. Dean Butler
V         M. John Harvard
V         M. Dean Butler
V         M. John Harvard
V         M. Dean Butler

À 1045
V         M. John Harvard
V         Le président
V         M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.)
V         Le président
V         M. Pierre Roger (secrétaire général, La Fédération nationale des communications)
V         Le président
V         Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD)

À 1050
V         M. Paul Boin

À 1055
V         The Chair
V         Mme Megan Williams
V         Le président
V         Mme Liza Frulla (Verdun—Saint-Henri—Saint-Paul—Pointe Saint-Charles, Lib.)

Á 1100
V         Le président
V         M. Michel Morin
V         Le président
V         Mme Chantal Larouche

Á 1105
V         Le président
V         Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)
V         Le président
V         M. Paul Boin

Á 1110
V         Le président
V         Mme Chantal Larouche
V         M. Gaëtan Tremblay

Á 1115
V         Le président
V         M. Gaëtan Tremblay
V         Le président
V         M. Gaëtan Tremblay
V         Le président
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. Michel Morin
V         Le président
V         M. Pierre Roger

Á 1120
V         Le président
V         Mme Megan Williams
V         Mme Chantal Larouche
V         Mme Megan Williams
V         Le président
V         M. John Harvard

Á 1125
V         M. Paul Boin
V         M. John Harvard
V         M. Paul Boin
V         M. John Harvard
V         M. Paul Boin
V         Le président
V         Mme Megan Williams
V         Le président
V         M. Dean Butler
V         Le président

Á 1130
V         M. Gaëtan Tremblay
V         Le président
V         M. Dean Butler
V         Le président
V         M. Michel Morin

Á 1135
V         Le président
V         Mme Chantal Larouche
V         Le président










CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 011 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 10 décembre 2002

[Enregistrement électronique]

¿  +(0910)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité permanent du patrimoine canadien.

[Français]

    Le Comité permanent du patrimoine canadien se réunit pour continuer son étude du système de radiodiffusion canadien.

[Traduction]

    Nous avons l'immense plaisir d'accueillir les témoins suivants aujourd'hui. Le premier groupe de témoins que nous entendrons entre 9 heures et 11 heures, se penchera sur la propriété croisée. Il comprend notamment Mme Megan Williams, directrice nationale de la Conférence canadienne des arts.

[Français]

    Nous recevons également, de la Fédération nationale des communications, Mme Chantal Larouche, présidente, et M. Pierre Roger, secrétaire général; de TéléCentre Drummondville, M. Michel Morin, président du conseil d'administration et directeur de l'information.

    Bonjour.

[Traduction]

    M. Dean Butler, directeur des Services aux médias, Glennie Stamnes Strategy, et président du Conseil des médias de Vancouver.

    Nous accueillerons ensuite M. Paul D. Boin, professeur adjoint des études en communications à l'Université de Windsor, qui comparaît à titre personnel. Il est également journaliste d'enquête pour le réseau Real News Network.

    Nous commençons par Mme Williams.

[Français]

+-

    Mme Megan Williams (directrice générale, Conférence canadienne des arts): Bonjour. Je m'appelle Megan Williams et je suis directrice générale de la Conférence canadienne des arts.

[Traduction]

    La CCA est l'organisme de défense des arts le plus ancien et le plus important au Canada. Elle a été fondée en 1945 par les grands artistes de l'époque pour sensibiliser les gouvernements et le grand public à l'importance des arts et des industries culturelles dans la société canadienne. La CCA est un organisme de services nationaux dans le domaine des arts qui est indépendant, non-partisan et désigné en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu.

    Nous avons déjà comparu devant vous, vous vous en souviendrez, en avril de cette année dans le cadre de votre examen de la Loi sur la radiodiffusion. Lors de cette comparution, nous avons souligné la réussite de cette loi pour ce qui est d'assurer un système de radiodiffusion purement canadien, qui offre aux artistes et aux créateurs canadiens des occasions de présenter leurs oeuvres au public canadien. Malgré la prédominance des produits radiophoniques et audiovisuels du plus grand producteur mondial d'émissions du genre, soit notre voisin du Sud, nous avons néanmoins réussi à concevoir des émissions radiophoniques et télévisées pertinentes pour le Canada, qui mettent en vedette un nombre croissant de créateurs canadiens. Nos artistes du disque, nos acteurs, nos réalisateurs et nos producteurs jouissent d'un succès national et international.

    À notre avis, ce succès est attribuable à de nombreux soutiens cruciaux. Dans un contexte de plus en plus mondialisé, ces mesures sont non seulement nécessaires, mais elles doivent être renforcées davantage. Cela commande un engagement ferme de la part du CRTC à maintenir des niveaux significatifs et réalistes de contenu canadien, une Société Radio-Canada d'actualité et purement canadienne, des organismes et des partenariats publics et privés pour appuyer et subventionner la conception de produits culturels canadiens, une législation en matière de droits d'auteur qui soit appropriée et d'actualité, une législation visant à protéger le statut des artistes, des mécanismes pour garantir l'accès par des producteurs et des créateurs indépendants à notre système de radiodiffusion et, enfin, des limites à la propriété étrangère de notre système.

    Nous croyons que les gouvernements canadiens de tous les niveaux doivent jouer un rôle moteur en appuyant les arts et la culture et en créant les conditions favorables à une vie artistique dynamique, diversifiée et viable au Canada. De même, nous croyons que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle de premier plan dans l'appui aux arts et à la culture, qu'il devrait adopter une politique globale pour régir toutes les activités fédérales qui ont une incidence sur les arts et la culture et qu'il devrait travailler de manière concertée avec les autres ordres de gouvernement.

    La politique fédérale en matière de culture devrait promouvoir et renforcer les aspects de notre vie nationale qui font la singularité du Canada, c'est-à-dire les pratiques touristiques et culturelles, et les identités culturelles des deux groupes de langues officielles, les peuples autochtones, les populations d'origines culturelles diverses et les régions géopolitiques. La liberté d'expression est une valeur fondamentale au Canada et devrait, par conséquent, se retrouver au coeur de toutes nos politiques culturelles.

    Vous nous avez demandé de parler de deux sujets connexes qui ont une incidence sur la diversité culturelle de notre système, soit la propriété croisée et la propriété étrangère. C'est donc avec plaisir que nous vous ferons part du point de vue des artistes et des créateurs à ce sujet.

    S'agissant de la propriété croisée, nous avons observé au cours des 10 ou 15 dernières années une réduction substantielle du nombre de radiodiffuseurs. Autrefois, le réseau CTV était un consortium regroupant divers propriétaires. Or, aujourd'hui toute la programmation de CTV est assurée par une seule entreprise à l'échelle du Canada. Par ailleurs, CTV possède un large éventail de services spécialisés. Son propriétaire, Bell Globemedia, s'est en outre porté acquéreur du Globe and Mail et Sympatico-Lycos.

    Alliance Atlantis était composée autrefois de deux sociétés de production différentes ayant chacune deux services spécialisés. Fusionnée, elle est devenue le plus grand producteur et distributeur de films et d'émissions télévisées au monde, tout en étant un acteur principal dans le secteur des chaînes spécialisées.

    On note un niveau d'intégration semblable entre les sociétés de radiodiffusion, de distribution et de programmation et d'autres médias. Ainsi, Québécor est non seulement un acteur principal dans le secteur de la presse écrite, mais il possède aussi le plus gros câblodistributeur au Québec et la chaîne télévisée qui connaît le plus de succès dans la province, TVA. De plus, celle-ci est très active sur la scène internationale dans le domaine de la production télévisée.

    Ce degré d'intégration procure certes des avantages pour le système, mais il s'accompagne en même temps de dangers. Les gros radiodiffuseurs peuvent consentir des droits d'émission pour tous les marchés du Canada et pour plusieurs créneaux également. Ainsi, CHUM City peut diffuser des films de science-fiction canadiens dans pratiquement tout le pays sur des chaînes télévisées classiques, mais aussi sur sa chaîne spécialisée Space. De même, Corus Entertainment peut acheter des émissions pour enfants en sachant que celles-ci peuvent être diffusées sur plusieurs chaînes, car autrement, elle n'aurait pas suffisamment de fonds pour les produire. Cela donne aux téléspectateurs différentes possibilités de voir l'émission en question, et les producteurs peuvent récolter des droits d'émission considérables. Dans le même temps, qui dit moins de propriétaires possédant plus propriétés, dit réduction du nombre de voix éditoriales, moins de concurrence sur le marché de la publicité et moins de possibilités pour les créateurs de vendre leurs émissions.

    Par exemple, si une grande station de radio qui domine le marché canadien de la musique country décidait de ne pas prendre de risques en donnant sa chance à un nouvel artiste contry canadien, cela aurait de véritables répercussions sur la carrière de celui-ci, surtout si la station avait une présence sur plusieurs marchés importants. De même, si un câblodistributeur ou un radiodiffuseur par satellite décidait d'offrir des bouquets comprenant les services les plus populaires et, ce faisant, d'exclure d'autres types de services, cela pourrait avoir des conséquences économiques négatives pour les chaînes exclues.

    Quand un radiodiffuseur dominant qui possède des chaînes classiques et spécialisées négocie des droits d'émission avec un producteur indépendant, il se trouve avantagé et peut donc dicter les termes du contrat. Dans certains cas, il exige que les droits de diffusion sur Internet ou de commercialisation d'une émission fasse partie du marché. Le nombre de radiodiffuseurs étant limité, le producteur n'a d'autre choix que d'accepter le marché.

    La CCA ne croit pas que le système est en crise pour le moment. De nombreuses sociétés se livrent encore concurrence à l'échelle du pays. S'il est regrettable que la plupart des voix soient concentrées à Toronto ou à Montréal, reste que nous avons encore au moins quatre grands journaux, quatre chaînes de télévision classiques assurant une couverture nationale et quatre grands regroupements de chaînes spécialisées. En outre, la plupart des Canadiens peuvent choisir entre au moins trois fournisseurs de services multichaînes, soit le câblodistributeur local, Star Choice et ExpressVu, tandis que d'autres ont accès à des réseaux de distribution multipoints.

    Le CRTC a des règles pour garantir l'accès équitable aux distributeurs par câble et par satellite, ainsi que des règles pour faire en sorte que les produits des tiers producteurs d'émissions soient diffusés par les principaux radiodiffuseurs. L'Association canadienne de producteurs de films et de télévision tente de négocier avec les principaux radiodiffuseurs une solution sectorielle pour s'assurer que les producteurs reçoivent la valeur marchande équitable pour leurs droits de propriété intellectuelle. Si ces mesures de protection fonctionnent, aucun intervention supplémentaire ne sera nécessaire. Cependant, on ignore toujours si ces mesures seront efficaces ou pas.

    Nous sommes d'avis que toute fusion future doit être examinée de très près non seulement par le Bureau de la concurrence sur les plans de la concurrence, de la publicité et de la domination de marché, mais aussi par le CRTC du point de vue culturel. Le Conseil doit étudier, comme il l'a fait par le passé, dans quelle mesure une transaction procure des avantages à notre système. Il doit également examiner minutieusement la possibilité pour un radiodiffuseur de limiter l'accès au système par des tiers.

    Le système de recours ne doit pas être mis à la disposition de ceux qui ont les moyens d'engager des légistes. Des mesures structurelles doivent rester en place sinon être renforcées pour faire en sorte que la convergence donne les résultats promis, c'est-à-dire plus de contenu, plus de format, plutôt que de fournir le même matériel à un nombre de sources réduit. Dans un cadre réglementaire de plus en plus complexe, il est de plus en plus difficile pour les petits acteurs et pour les groupes d'intérêt public de participer de façon constructive au débat sur les questions touchant la radiodiffusion. Les grandes sociétés non seulement ont accès à leurs associations professionnelles qui sont bien financées, mais elles peuvent aussi compter sur des experts maison en matière de réglementation et de relations avec l'administration. En revanche, les petits acteurs doivent solliciter de l'aide en signant des contrats, alors que bien d'entre eux n'ont pas les moyens de le faire. C'est pourquoi nous croyons qu'il est important de trouver un moyen de garantir que les intervenants sur les questions touchant la radiodiffusion aient accès à un financement adéquat de la même manière que les groupe d'intérêt public peuvent être subventionnés pour intervenir sur les questions touchant les télécommunications.

    S'agissant maintenant de la propriété étrangère, certains soutiennent que l'auteur ou le diffuseur d'une émission importe peu tant qu'il respecte le contenu canadien, mais nous ne partageons pas cet avis. Comme dirait l'autre, c'est le chanteur qui compte et non la chanson. Les créateurs canadiens, tant ceux qui sont nés au Canada que ceux qui ont choisi de faire du Canada leur chez-eux, contribuent en offrant leur point de vue, lequel est façonné par leur expérience personnelle. C'est ce qui forme notre expression culturelle nationale. Les choix artistiques faits dans la création d'un disque, d'un long-métrage, d'une émission de radio, d'un documentaire télévisé ou d'un drame subissent évidemment des influences mondiales, mais ces influences sont filtrées grâce aux sensibilités des artistes et des producteurs canadiens. De même, la programmation devrait être fonction de ce qui attire les spectateurs canadiens et non pas en fonction d'un auditoire international. Le téléspectateur canadien doit être le souci principal de la programmation.

    À l'heure actuelle, l'orientation suivie par le CRTC en matière de propriété vise à faire en sorte que les Canadiens contrôlent les entreprises de radiodiffusion. Des changements considérables à la réglementation auraient probablement pour effet de laisser les entreprises de radiodiffusion canadiennes entre les mains de conglomérats internationaux comme TimeWarner-AOL, Bertelsmann ou le géant radiophonique Clear Channel. Dans un secteur où un nombre inférieur d'entreprises internationales pourraient prendre le contrôle d'un nombre accru de chaînes, combien de temps faudrait-il avant que la programmation canadienne se fasse en fonction de ce que les chaînes mères aux États-Unis ou en France veulent? Comment est-ce que les créateurs canadiens pourraient mettre à contribution leur vision et leurs expériences particulières si les décisions en matière de programmation étaient prises à Los Angeles, à Paris, à Munich ou à New York? Comment est-ce que les responsables de la réglementation pourront il faire respecter leurs critères quand on sait que le bureau du commerce des États-Unis pourrait interjeter appel de toute décision que pourrait prendre un radiodiffuseur de propriété étrangère?

¿  +-(0915)  

    Le Canada a joué un rôle de premier plan dans la promotion d'un traité international sur la diversité culturelle visant à établir un cadre juridique permanent pour que les pays signataires puissent adopter des politiques culturelles qui leur permettent de protéger la diversité d'expression au sein de leurs nations respectives et parmi les intérêts étrangers désireux d'avoir accès à leurs marchés. Le gouvernement canadien a non seulement organisé un réseau des ministres de la culture qui font activement la promotion du traité sur la scène internationale, mais il a aussi aidé mon organisme, la Conférence canadienne des arts, à mettre sur pied un réseau international pour la diversité culturelle qui comprend des ONG du monde entier. La réputation du Canada en tant que prometteur de la diversité grandissant à l'échelle internationale, il serait paradoxal que nous soyons perçus comme relâchant les limites de la propriété étrangère chez nous.

    Un des principaux arguments avancés par ceux qui souhaitent changer sinon éliminer les limites à la propriété étrangère est le besoin d'avoir accès à plus de capitaux pour financer le coût occasionné par la conversion de la radiodiffusion de l'analogique au numérique. En fait, les radiodiffuseurs canadiens ont déjà des occasions inouïes d'accéder aux marchés des capitaux internationaux. Au chapitre de la propriété, le CRTC permet qu'une entreprise étrangère possède jusqu'à 20 p. 100 d'une société titulaire de droits d'émission et jusqu'à 33 p. 100 d'une société de porte-feuille. Par conséquent, les investisseurs étrangers peuvent déjà détenir jusqu'à 46,3 p. 100 d'un radiodiffuseur canadien. En réalité, très peu de radiodiffuseurs ont pris de tels arrangements. Peu d'entre eux, sinon aucun, n'atteint même le 20 p. 100 des propriétés étrangères, encore moins le 33 p. 100 des sociétés de porte-feuille. Avant d'envisager des changements aux niveaux actuels, les radiodiffuseurs désireux d'avoir un meilleur accès aux marchés des capitaux internationaux devraient explorer les possibilités qui s'offrent déjà à eux. Ils apprendraient peut-être que les limites actuelles sont déjà adéquates.

    D'autre part, le CRTC doit déterminer si les arrangements spécifiques en matière de propriété met effectivement le contrôle d'un titulaire de droits d'émission canadiens entre les mains d'un radiodiffuseur étranger. En fait, cela est peut-être la raison pour laquelle les investisseurs étrangers hésitent à se porter acquéreurs de radiodiffuseurs canadiens, puisqu'ils ne peuvent pas exercer le contrôle sur la chaîne ou le réseau en question.

    La CCA approuve l'exigence actuelle voulant que le contrôle soit détenu par des Canadiens. C'est là un aspect clé de notre régime législatif et réglementaire. Nous vous encourageons, vous les députés, à prendre une position ferme contre l'affaiblissement des restrictions à la propriété étrangère.

    Nous vous remercions de votre attention.

¿  +-(0920)  

+-

    Le président: Je voudrais informer les témoins et les membres du comité aussi que nous avions prévu de tenir deux tables rondes différentes aujourd'hui, la première sur la propriété croisée et la deuxième sur la propriété étrangère, mais il est évident que ces questions sont intimement liées. C'est pourquoi j'ai permis à Mme Williams d'aborder les deux questions. Si vous le souhaitez tous, je vous invite à faire de même. Après cela, nous entamerons un premier tout de questions.

    Madame Larouche, la parole est à vous.

[Français]

+-

    Mme Chantal Larouche (présidente, Fédération nationale des communications):

    

    Merci, monsieur le président.

    Bonjour, membres du comité, et merci d'avoir accepté de nous entendre aujourd'hui.

    Comme vous l'avez indiqué, monsieur le président, je me sentirai libre d'aborder les deux questions: la propriété croisée et la propriété étrangère.

    Je tiens à préciser que la Fédération nationale des communications représente une centaine de syndicats de l'industrie des communications, principalement au Canada francophone, donc au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Ontario. La fédération regroupe 7 000 membres, qui sont des artisans de la radio, de la télévision et de l'industrie culturelle des médias publics et privés francophones au Québec.

    Depuis de nombreuses années, la fédération intervient sur les questions de concentration de la presse et de consolidation de l'industrie des communications. D'entrée de jeu, je dois préciser que la fédération ne s'est jamais opposée radicalement aux consolidations. Elle a plutôt tenté d'évaluer chacune de ces propositions de consolidation au mérite, avec un objectif bien précis: la protection de l'intérêt public et la protection de la viabilité d'une industrie qui, à notre avis, est fondamentale pour une société démocratique. Mais il faut dire que la propriété des médias a connu une évolution extrêmement rapide et particulièrement inquiétante au cours des dernières années.

    Au Canada, nous nous sommes régulièrement comparés aux États-Unis pour expliquer la nécessité d'alléger le système réglementaire de la radiodiffusion. Pourtant, nos voisins américains disposent de règles encore plus strictes que celles qui nous régissent en ce qui a trait à la propriété croisée dans l'industrie des communications. Vous savez sans doute qu'en ce qui a trait à la propriété croisée radiodiffusion-journaux, on interdit l'attribution de licences de radiodiffusion aux propriétaires ou aux opérateurs de journaux quotidiens dans la même communauté, ce qui n'est pas le cas ici. La propriété croisée radiodiffusion-câblodistribution est maintenant permise. Toutefois, la commission fédérale américaine qui a à prendre des décisions quant à l'attribution des licences peut, encore aujourd'hui, empêcher l'octroi d'un permis d'opération ou une transaction impliquant la radiodiffusion et la câblodistribution.

    Les plus récentes transactions de propriété croisée autorisées par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes sont, à notre avis, particulièrement inquiétantes. Au Québec, l'acquisition, par Quebecor, du plus important réseau privé de télédiffusion et du câblodistributeur Vidéotron demeure inexpliquée.

    Jusqu'à l'autorisation de cette transaction, le CRTC avait pris des décisions qui confirmaient, à plusieurs égards, le caractère exceptionnel des transactions permettant la propriété croisée dans un même marché. Lors de l'autorisation du transfert de propriété de Télévision Quatre Saisons à Quebecor, le CRTC acceptait de faire une exception à sa pratique. Il faut dire que Télévision Quatre Saisons était dans une situation qui pouvait conduire à sa fermeture et donc à la perte de services conventionnels de télédiffusion pour l'auditoire francophone du Québec. D'ailleurs, la FNC était intervenue au CRTC dans le cadre de cette audience. Elle s'était dite extrêmement inquiète d'une telle transaction, mais en même temps, elle précisait qu'il fallait trouver un moyen d'assurer l'avenir et la viabilité de Télévision Quatre Saisons par l'établissement de balises extrêmement strictes, notamment en ce qui a trait à l'indépendance éditoriale. Cependant, pour la plupart des intervenants devant le CRTC à cette époque, il était clair qu'il s'agissait d'une transaction d'exception, qui méritait peut-être d'être autorisée, mais non sans balises et sans règles formelles. Je ne crois pas que les intervenants s'attendaient à ce que le CRTC élargisse cette règle à l'ensemble des transactions de propriété croisée qui lui seraient présentées. Donc, ce qui devait être une exception apparaît maintenant comme une règle.

    En décembre 2000, le CRTC autorisait le transfert du contrôle effectif de CTV à BCE. Un an plus tard, en novembre 2001, Bell, qui a aussi des intérêts dans le journal The Globe and Mail, devenait, avec COGECO, propriétaire de TQS. Dans sa décision, le CRTC notait qu'en réponse aux préoccupations soulevées, la requérante déclarait que la gestion de TQS demeurerait totalement indépendante par rapport aux entreprises de télédiffusion de langue anglaise de Bell Globemedia telles que CFCF-TV/CTV et par rapport au quotidien The Globe and Mail.

¿  +-(0925)  

    En 2001, donc, Quebecor devenait propriétaire de l'entreprise de câblodistribution Vidéotron et de TVA. En février 2003, le CRTC devra se prononcer sur l'acquisition par TVA, propriété de Quebecor, conjointement avec Radio-Nord, de stations qui sont la propriété d'Astral Media, dont CKAC Montréal, la station du plus important réseau privé de radio d'information.

    Ces transactions de propriété croisée sont menaçantes pour la démocratie, le droit du public à l'information et la diversité des voix. Ces transactions ont aussi beaucoup trop souvent pour effet la centralisation des opérations dans les grands centres, ce que nous appelons au Québec la « montréalisation » des ondes, et privent les populations régionales et locales de contenus originaux.

    Quebecor est, bien sûr, l'exemple le plus criant de cela. L'acquisition de TVA faisait de lui le plus grand groupe de médias au Québec, un empire redoutable qui contrôle, au Québec, plus de 40 p. 100 des revenus de la télévision conventionnelle, près de 40 p. 100 de la circulation des quotidiens, 45 p. 100 du marché francophone et 4 p. 100 des revenus de télévision spécialisée. De plus, Quebecor contrôle maintenant 79 p. 100 des revenus de la câblodistribution. Avec ses différents portails, Quebecor compte aussi parmi les principaux acteurs canadiens sur Internet.

    Nous ne prétendons aucunement qu'au Canada, la situation est radicalement différente. CanWest Global Communications mène l'industrie de la télévision conventionnelle, avec une part de marché de 30 p. 100, suivie de Bell Globemedia avec 23 p. 100 du marché canadien. En ce qui a trait aux journaux de langue anglaise, CanWest Global détient la première place, avec une part de marché d'environ 37 p. 100, suivie de Torstar avec 17 p. 100. Cependant, à l'échelle du Québec, deux empires contrôlent 97 p. 100 du tirage des quotidiens québécois, soit Gesca et Quebecor. Nous allons nous attarder un peu sur les effets de Quebecor. Bien sûr, ça revient régulièrement dans les interventions, mais il s'agit quand même de l'empire qui est le plus tentaculaire.

    Il est presque impossible aujourd'hui, au Québec, au cours d'une journée normale, de ne pas consommer un produit qui provient de Quebecor. Quebecor a beaucoup de pouvoir. Il dispose de moyens multiples pour s'accaparer les revenus publicitaires, ce qui peut menacer la viabilité d'autres médias. Pensons notamment, à Montréal, au journal Le Devoir. Quebecor a la possibilité d'offrir des concepts variés de placements publicitaires. Il a aussi la possibilité d'annoncer ses propres filiales dans ses médias, privant ainsi d'autres médias de revenus qu'ils auraient eus auparavant en provenance de filiales de Quebecor. Il dispose de nombreuses tribunes pour diffuser les artistes et les invités divers, ce qui peut priver d'autres médias des contenus nécessaires à la diversité, comme s'il s'agissait d'ententes d'exclusivité avec les artistes et les invités.

    Le contenu d'information, malgré une multitude de balises, fait l'objet d'une dérive. Le public court maintenant un plus grand risque de ne pas être informé de certains événements d'actualité qui gênent le propriétaire, alors qu'auparavant, le lecteur d'un journal qui était privé d'une information avait plus de chance d'y avoir accès à la télévision. Les analyses journalistiques sont aussi confinées à ce seul groupe de presse, ce qui a permis à TVA de remplacer son chroniqueur, qui auparavant provenait du journal La Presse, par celui, bien sûr, du Journal de Montréal du groupe Quebecor.

    En fait, les médias deviennent des entreprises de marketing qui vendent leurs produits ou ceux qu'ils commanditent. Les oeuvres littéraires, musicales et cinématographiques vendues, par exemple, dans les magasins Archambault, une filiale de Quebecor, ont plus facilement accès à des médias que celles qui n'ont pas trouvé preneur dans les magasins de Quebecor. La main-d'oeuvre de l'industrie, surtout celle non syndiquée, est rendue beaucoup plus vulnérable par la présence d'un groupe aussi puissant et omniprésent. Si je perds mon emploi au Journal de Montréal, il m'est difficile de me replacer à la télévision de TVA, notamment.

    Enfin, si Quebecor a beaucoup de pouvoir au Québec, il faut admettre qu'il éprouve quand même des difficultés. Son niveau d'endettement est extrêmement élevé, ce qui menace, à notre avis, l'avenir des filiales de l'empire, qui sont des joyaux dans l'industrie des communications. La convergence n'a pas encore fait toutes ses preuves et, même si Quebecor semble actuellement tirer son épingle du jeu, nous demeurons préoccupés par les conséquences de la constitution d'un tel empire.

    En conclusion, je dirai que la propriété croisée des médias ne peut pas, à notre avis, être encouragée, surtout lorsqu'il s'agit de prises de contrôle radiodiffusion-journaux, car elle accentue la concentration des contenus et les pressions sur le droit du public à une information diversifiée et indépendante.

¿  +-(0930)  

Elle réduit aussi l'accès des populations locales et régionales à des émissions originales ainsi qu'à de l'information et à des contenus originaux.

    À notre avis, le CRTC ne devrait pas tenir d'audiences et rendre de décisions relatives aux transactions de propriété croisée tant que votre comité n'aura pas formulé son rapport et ses recommandations. La demande d'acquisition des stations de radio d'Astral Media par Quebecor et Radio-Nord ne devrait donc pas faire l'objet d'une décision et d'une audience avant que votre comité ait émis ses recommandations à Patrimoine Canada, l'enjeu étant trop important.

    Par ailleurs, nous estimons que, pour protéger la propriété nationale des médias, notre pays doit éviter de constituer des empires qu'il faudra éventuellement démanteler ou vendre à l'étranger si des difficultés surgissent. Voilà qui m'amène à vous parler de la propriété étrangère.

    Nous avons soulevé cette question dès le début du débat, au Québec, sur la concentration de la presse, ainsi que devant le CRTC. Plusieurs questions sont soulevées actuellement par la concentration, notamment de propriété croisée, puisqu'on constitue, comme je le disais précédemment, des empires qu'il sera difficile de garder à l'intérieur de notre pays, d'autant plus que les échanges économiques internationaux font actuellement l'objet de négociations ou de discussions. Puisque la tendance semble lourde, les questions culturelles et de communications risquent d'être intégrées dans ces ententes d'échanges internationaux. C'est ce que nous craignons, et nous espérons que le gouvernement du Canada sera extrêmement prudent à cet égard, pour éviter l'inclusion de la culture et des communications dans les ententes internationales d'échanges économiques.

    À notre avis, à partir du moment où il y aurait inclusion de la question des communications et de la culture dans les ententes internationales d'échanges économiques, le CRTC aurait de la difficulté à maintenir les règles existantes pour protéger la propriété nationale des médias, notamment.

    Nous estimons aussi que des organismes comme Téléfilm Canada auraient beaucoup de difficulté à maintenir les règles existantes et leur soutien financier aux entreprises canadiennes pour la production télévisuelle. On risquerait fort d'être accusés de mettre en place des mesures contribuant à une concurrence déloyale entre les pays.

    Nous croyons que la propriété québécoise et canadienne des groupes de presse pourrait être menacée, à moyen terme, par la concentration des médias. Qui, au Canada, sera en mesure d'acheter un géant comme Quebecor, compte tenu de sa taille gigantesque? Possiblement des entreprises américaines comme AOL Time Warner ou encore des groupes européens comme Vivendi.

    Il est difficile d'évaluer avec certitude l'impact de l'assouplissement des restrictions à la propriété étrangère. À première vue, une distinction entre la propriété des entreprises qui transportent le contenu et celles qui en produisent apparaît intéressante. Cependant, la guerre féroce que se livrent actuellement les propriétaires d'entreprises de câblodistribution et de diffusion par satellite nous permet d'imaginer le pire, dans un contexte où des conglomérats étrangers pourraient posséder de telles entreprises au pays.

    Déjà, les règles du CRTC relativement à l'assemblage des services télévisés sèment quelque discorde chez les transporteurs de signaux. Il est vrai que ces malentendus sont tributaires du fait que les compagnies impliquées ont aussi des intérêts dans des stations et des réseaux de télévision.

    Cependant, une entreprise américaine ou européenne qui a des intérêts dans la production de contenu cinématographique et télévisuel pourrait, si elle détenait un contrôle sur une entreprise de distribution par câble ou de satellite, exercer une certaine influence sur les choix de programmation des partenaires qui ont aussi des intérêts en télédiffusion.

    Quant au contrôle des médias par des intérêts étrangers, nous craignons une uniformisation des contenus à l'échelle nord-américaine. À ce chapitre, les décideurs politiques devront faire preuve de la plus grande prudence, puisque nos médias sont déjà fortement influencés par la culture américaine. Nous devrons tout faire pour éviter l'assimilation culturelle complète.

    Nous pouvons espérer, bien sûr, que ceux qui achèteraient des médias canadiens trouveraient un intérêt financier à protéger la diversité de contenu. C'est un élément qui est souvent relevé par ceux qui sont partisans de la propriété étrangère des médias et des transporteurs de contenu.

¿  +-(0935)  

C'est le pari qu'on peut faire, mais nous sommes pourtant portés à croire que la recherche de la rentabilité et d'économies d'échelle conduirait certains propriétaires d'origine étrangère à glisser vers des choix qui rétréciraient encore davantage la ligne qui sépare la culture américaine de la nôtre.

    Si les propriétaires canadiens et québécois de médias n'hésitent pas à recourir à des pratiques qui uniformisent les contenus des médias qu'ils ont acquis, il serait étonnant que des intérêts étrangers agissent autrement. Si la sensibilité de certains propriétaires de médias à l'égard des populations locales et régionales exige une vigilance constante des populations et des instances gouvernementales, il serait fort surprenant que cela soit différent pour des conglomérats étrangers. Cela risquerait d'être beaucoup plus grave que ce que l'on connaît actuellement.

    Donc, à notre avis, le Canada ne doit pas acquiescer trop rapidement à un assouplissement des restrictions à la propriété étrangère. Les règles qui régissent l'industrie de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes visent entre autres à garantir le droit du public à une information libre, diversifiée et de qualité.

    Dans un contexte de libéralisation des échanges économiques, le rôle et la mission des médias doivent être distincts de ceux des autres entreprises, puisqu'ils sont quand même déterminants pour la protection de l'identité culturelle, des droits fondamentaux et de la démocratie.

    Le Canada doit éviter de sombrer dans une approche mercantile à l'égard de la propriété étrangère des médias. Les médias constituent un pilier du développement culturel de nos sociétés, et les États ont le devoir et l'obligation d'en protéger la mission. Merci.

¿  +-(0940)  

+-

    Le président: Monsieur Morin.

+-

    M. Michel Morin (président du conseil d'administration et directeur de l'information, TéléCentre Drummondville): Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour, membres du comité.

    Mme Larouche vient de mettre une table extraordinaire pour mon exposé. Elle a exprimé globalement la situation. Ma réflexion est basée sur des observations de terrain, après une vingtaine d'années à titre d'animateur radio, de journaliste radio et de journaliste télé dans des marchés que je qualifie de tertiaires, c'est-à-dire des régions où il n'y a pas de grandes antennes télévisuelles alimentées directement par Montréal. Donc, je vous présente un point de vue beaucoup plus régional sur les effets de la propriété croisée, qui va répondre en partie aux questions proposées par le comité et qui va certes aussi engendrer d'autres pistes de réflexion.

    Il est devenu évident que, depuis une dizaine d'années, on assiste à une course effrénée des entreprises de la presse écrite ou électronique pour devenir de plus en plus grosses. Il paraît clair que cette course n'a qu'un seul but, soit obtenir le meilleur rendement en bourse afin de satisfaire les investisseurs et les actionnaires. Quand un marché de télé ou de radio est saturé et que les profits stagnent, on n'a pas d'autre choix que celui de prendre de l'expansion vers d'autres avenues médiatiques.

    On entend aussi dire que les entreprises doivent se développer davantage pour faire face à la mondialisation. Jusqu'à maintenant, nous avons pu constater que quand on devient de plus en plus gros, on s'éloigne d'une certaine responsabilité sociale. On sait tous ce qui s'est passé aux États-Unis dans le cas de certaines entreprises qui étaient bien cotées en bourse.

    En région, les effets de la propriété croisée sont peut-être un peu plus subtils. Les médias sont surtout à la merci de l'humeur du groupe auquel ils appartiennent. Si le groupe va mal, il y aura des retombées négatives, mais le contraire n'existe pas. Si le groupe va très bien, il n'y a pas de retombées positives. Si ça va mal, on va couper des postes d'animateurs et des postes de journalistes, mais s'il y a un profit, il n'y a pas de retombées; on n'injecte pas de l'argent pour reprendre les animateurs ou les journalistes qu'on a mis à la porte. Donc, il y a un sens unique: on coupe.

    On peut aussi constater une perte de pouvoir des dirigeants locaux et régionaux, ce qui veut dire que l'information locale est entre les mains de décideurs de Montréal, de Toronto ou d'ailleurs. Dans les faits, nous pourrions dire que l'information régionale est un territoire occupé. Les médias régionaux sont davantage victimes des sempiternelles restructurations. Ces restructurations sont nécessaires pour améliorer la performance boursière, ce qui me fait dire que le grand prix des conglomérats médiatiques fait en sorte qu'on s'éloigne de plus en plus du public et de ses intérêts, particulièrement dans les régions.

    J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi on coupe sans cesse chez les journalistes et chez les animateurs dans les régions qui sont en développement, alors que les besoins en couverture augmentent, que certains sujets exigent un travail journalistique plus minutieux et que les régions comptent des organismes voués au développement économique. Alors que les fonds d'aide aux régions se multiplient afin de créer des activités économiques, sociales et culturelles, les salles de nouvelles tombent en lambeaux dans plusieurs de ces régions. D'un côté, on déploie des mesures pour que les régions se développent et se prennent en main et, de l'autre, quelqu'un, quelque part, coupe dans la circulation de l'information. On sait très bien qu'une région qui se développe a besoin d'information. C'est un rouage. Je me pose donc la question: qui manque le bateau dans une région en développement où on ne retrouve qu'un seul journaliste dans une station de radio? Je ne suis pas le seul à faire cette constatation.

    Il y a quelques jours, au congrès de la Fédération professionnelle des journalistes, la piètre qualité de l'information régionale a fait l'objet d'un atelier. Il a été question, entre autres, de la diminution des fenêtres médiatiques, par exemple dans le cas des hebdomadaires qui suivent la règle du 80-20: 80 p. 100 de publicité et 20 p. 100 de textes. Certains confrères d'hebdomadaires me disent qu'ils passent énormément de temps à faire du publi-reportage plutôt qu'à couvrir la nouvelle sur le terrain et à faire de la recherche. Donc, on fait du publi-reportage.

¿  +-(0945)  

    Quant à la mutation des radios, eh bien, le divertissement l'emporte sur l'information. Le seul journaliste dans une station de radio doit aussi être un humoriste hors pair pour le succès de l'émission du matin. Cela donne des résultats souvent douteux, parce qu'à un moment donné, on entend un journaliste qui va sacrer pour faire de l'humour le matin, qui va avoir un langage qui n'a aucun rapport avec le métier qu'il fait. De plus, il y a des animateurs qui doivent prendre la relève du journaliste quand celui-ci s'en va en vacances. Cela fait que l'animateur se retrouve partout dans une même semaine. On peut le retrouver au conseil municipal le soir à suivre les activités du conseil sur le terrain, à faire la couverture journalistique et, la fin de semaine, à faire des reportages dans un magasin de meubles. Cela a des effets pervers atroces, que l'on connaît en région. Il arrive même que les représentants commerciaux se mêlent aussi des salles de nouvelles. Ça, on le voit et on le vit. Et ces mêmes représentants vont assister à une conférence de presse parce que le seul journaliste radio est à une autre conférence de presse. Donc, il y a là quelque chose d'inquiétant.

    En conclusion, je dirai que les vertus de la propriété croisée se font attendre. En fait, ces vertus ne seront bonnes que pour les investisseurs sur le terrain et, particulièrement dans les marchés tertiaires en développement, les besoins sont flagrants. Il semble très difficile d'en arriver à une loi pour limiter la convergence médiatique. Pourtant, je crois que nous avons des lois et des organismes qui peuvent agir adéquatement quand les circonstances se présentent.

    À mon avis, le gouvernement fédéral et le CRTC doivent donner au petit joueur une chance d'entrer dans le jeu, puisque les conglomérats ont d'abord des préoccupations financières. Je vais citer en exemple le cas de TéléCentre. Nous sommes une coopérative de travail en télévision qui a signé une entente de partenariat avec COGECO Câble à Drummondville pour coproduire des émissions d'information. C'est sûr que là, on vit avec la loi de la commandite; on n'a pas accès à la publicité. Mais il faut se financer à un moment donné, et ça ne m'intéresse absolument pas d'aller faire des bingos. Je veux avoir un accès à la publicité.

    Comment se fait-il que si demain matin j'ouvre un restaurant, je vais avoir sans problème mes papiers pour ouvrir mon restaurant? Et comment se fait-il qu'en 2002, si j'ouvre une boîte d'information, je me fais mettre les bâtons dans les roues, je ne peux pas avoir accès à de la publicité chez moi, dans mon patelin, et je me fais répondre: « Oui, mais Sherbrooke ne sera pas content, Astral ne sera pas content, Corus Entertainment ne sera pas content »?  En quoi cela les regarde-t-il puisqu'ils n'ont que des antennes à Drummondville? Ils importent de la culture montréalaise et de la culture américaine, alors que chez nous, il se passe des choses. On est une ville en plein développement.

    On pourrait prendre l'exemple du secteur agroalimentaire. Vous savez que depuis quelques années, on s'émerveille devant une petite liqueur raffinée qui a été développée par un producteur de chez nous. On est bien contents de goûter un bon fromage qui a été fait par le producteur qui est à quelques rues de chez nous. L'information régionale n'est-elle pas un produit du terroir qui doit être encouragé davantage et mieux protégé?

    Donc, on assiste à une révolution du terroir pour un bon nombre de producteurs, ce qui m'amène à vous dire que Kraft n'a pas fermé ses portes parce que le Québec produit davantage de fromage. L'information locale et régionale doit suivre le même chemin avec des producteurs locaux qui ont d'abord et avant tout le pouvoir décisionnel, avec une approche contextuelle. La liberté d'entreprise doit servir à la liberté d'expression régionale.

    Monsieur le président, je vais maintenant parler rapidement de la propriété étrangère. Ce sera très court.

    On peut constater qu'il est difficile d'en arriver à une loi miracle un peu partout à travers la planète. Le gouvernement fédéral doit être aux aguets quant à la participation d'entreprises étrangères à l'intérieur de nos entreprises. Comme le disait si bien Mme Larouche, on a déjà de la difficulté avec nos propres entreprises qui bâillonnent en quelque sorte les régions.

    Jusqu'à maintenant, on n'a pas vu de grands miracle avec AOL Time Warner, par exemple, ou encore avec Vivendi Universel, alors que chez nous, BCE et Quebecor ont encore des choses à prouver.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Morin. Votre témoignage est très important parce que c'est le premier qu'on a entendu sur l'impact de cela sur les régions et sur la radiodiffusion locale. Merci beaucoup.

    Monsieur Butler.

[Traduction]

+-

    M. Dean Butler (directeur, Services aux médias; et président du Conseil des médias de Vancouver, Glennie Stamnes Strategy): Je vous remercie.

    Je m'exprimerai surtout d'un point de vue régional plutôt que national. Je m'intéresse principalement à la situation en Colombie-Britannique, et les exemples que je vous présenterai concernent la Colombie-Britannique.

    Je crois que la concentration de la propriété et les conséquences économiques de la propriété des médias sont inséparables. Ces deux aspects sont étroitement liés. En raison de la concentration de la propriété en Colombie-Britannique, nous nous retrouvons avec une entreprise qui possède pratiquement tous les journaux en Colombie-Britannique à l'exception de certains hebdomadaires axés sur des marchés à faible densité. Tous les quotidiens appartiennent à une seule société. Par ailleurs, l'une des stations de télévision dominante appartient à la même société qui possède les journaux.

    Pour vous situer un peu le contexte de l'industrie de la télévision en Colombie-Britannique, en raison de la prolifération des signaux télédistribués et des canaux de télévision parallèles, les canaux traditionnels ont vu leur efficacité réduite de 30 p. 100 pour ce qui est de diffuser de la publicité locale qu'il y a même dix ans. Cette prolifération rapide de canaux se traduit par un accès moindre aux téléspectateurs sur le marché régional. La situation n'est pas la même que celle qui existe en Ontario où, sur le plan de la publicité, vous pouvez acheter des signaux télédistribués de portée nationale qui ciblent le marché ontarien. La même option n'existe pas en Colombie-Britannique.

    Au cours des dix dernières années, grâce à l'augmentation de 30 p. 100 de leur auditoire, les câblodistributeurs ont essentiellement retiré cet auditoire du marché de la Colombie-Britannique, sur le plan de la publicité. En ce qui concerne la commercialisation, cela a entraîné un déplacement vers la gauche de la courbe d'offres de l'auditoire. Cela a entraîné une hausse draconienne du prix de la publicité télévisée en Colombie-Britannique, au point où de nombreux détaillants ne peuvent plus acheter de la publicité télévisée sur leur propre marché. La télévision est vendue principalement à l'échelle nationale et uniquement aux annonceurs nationaux. Ces grands détaillants profitent certainement des avantages économiques que leur offre la possibilité d'acheter de la publicité télévisée sur le marché. Ils ont l'argent pour le faire.

    Cependant, les petits détaillants sont pour leur part extrêmement défavorisés. Même ceux qui appartiennent à certaines catégories—les entreprises régionales et les chaînes de restaurants de portée régionale—sont défavorisées sur le plan économique par rapport aux chaînes nationales. Les chaînes nationales peuvent acheter de la publicité télévisée en Colombie-Britannique tandis que cela est très difficile pour les chaînes régionales. Par conséquent, dans notre propre pays, il existe un déséquilibre au niveau de la compétitivité des chaînes régionales par rapport aux chaînes nationales.

    Le problème se trouve exacerbé sur des marchés régionaux comme Kelowna, Prince George ou Kamloops, qui ont tous des stations de télévision locale. Les décisions récentes rendues par le CRTC, en particulier les décisions 457, 458 et 459, ont favorisé les annonceurs nationaux. Avant que ces décisions aient été rendues, il existait une règle tacite dans l'économie locale selon laquelle on mettrait à la disposition des diffuseurs régionaux du temps d'antenne qu'ils pourraient acheter. Les décisions 457, 458 et 459 ont entraîné la disparition de ces restrictions. Les stations de télévision ont donc avantage à vendre toute leur publicité à l'échelle nationale sans rien laisser aux annonceurs régionaux. On se trouve en fait à nous bloquer l'accès à la publicité télévisée.

    Comment cela fonctionne-t-il au niveau de la concentration de la propriété? Si on examine le marché à faible densité de la Colombie-Britannique, pour avoir accès à Prince George, Kamploops ou Kelowna, par le passé, l'utilisation conjuguée de la télévision et des journaux s'était avérée très efficace pour faire de la publicité sur ces marchés. En raison de la situation actuelle, même si nous achetons simplement du temps d'antenne pour faire de la publicité à la télévision, axée sur Prince George, Kamloops et Kelowna, ce temps publicitaire que nous avons déjà acheté peut être vendu à des intérêts nationaux. Même si nous pouvions croire que nous avons acheté de la publicité sur ces marchés, elle peut être vendue à d'autres, ce qui nous empêche de diffuser de la publicité sur un marché local pour répondre aux objectifs de nos clients. Par conséquent, on ne peut pas raisonnablement envisager la télévision comme support publicitaire à Prince George, Kamloops ou Kelowna parce qu'on ignore si on va obtenir le temps d'antenne qu'on a acheté.

    Si on ne peut pas faire appel à la télévision, il reste les journaux. Eh bien, la société qui possède le journal est la même société qui a la main-mise sur la télévision. Il est dans l'intérêt d'une entreprise en particulier de vendre l'ensemble de son inventaire aux bases nationales, car elle oblige ainsi les entreprises régionales à recourir aux journaux pour atteindre les marchés locaux, au lieu de la télévision. La société possède aussi les journaux, donc nous devons faire face à d'énormes augmentations de coûts pour utiliser la télévision afin de faire de la publicité sur nos marchés locaux, et en raison de la fragmentation conjuguée aux aspects dont je viens de parler, notre accès se trouve limité.

¿  +-(0950)  

    Nous avons maintenant affaire à une entreprise qui possède tous les journaux. Au cours des dernières années, nous avons aussi constaté d'importantes hausses de coûts en ce qui concerne ces journaux. Sur le plan économique, il devient très difficile de fonctionner à l'échelle régionale en raison de ce type de concurrence. On privilégie manifestement les points de vue et les intérêts nationaux, ce qui empêche de soutenir l'économie régionale.

    Je ne crois pas que les stations de télévision régionales puissent fonctionner dans ce genre d'environnement, et je crois que les stations de télévision locales, des stations comme CKPG Prince George, une station affiliée du réseau CBC—finiront par ne servir que de stations-relais, parce qu'elles ne pourront pas vendre de publicité localement. Par conséquent, sur le plan économique, les marchés locaux ont vraiment perdu l'avantage d'avoir une station de télévision sur leur propre marché. Cette station de télévision a été usurpée par les intérêts nationaux.

    Par ailleurs, la concentration de la propriété et la propriété croisée sont nuisibles sur le plan de la publicité. Je suis tout à fait partisan de la concurrence en publicité. Elle assure un équilibre. Elle assure l'efficacité. Elle permet de maintenir les coûts à un niveau raisonnable. Tout le monde sait que les coûts augmenteront, et une augmentation de 2 à 3 p. 100 par année, est raisonnable. Mais pas une augmentation de 10 ou 15 p. 100. Simplement pour acheter de la publicité télévisée pour le marché de Vancouver... J'ai personnellement acheté de la publicité télévisée à Vancouver il y a 10 ans au coût de 100 $ le point pour 200 points. Cela représente 20 000 $ par semaine. Pour acheter le même temps d'antenne aujourd'hui, il faudrait payer 500 $ le point. Aujourd'hui le même temps d'antenne coûte 10 fois plus cher et représenterait donc 200 000 $. En dix ans, les coûts ont décuplé.

    Pour ce qui est de travailler pour un petit annonceur régional, essentiellement les actifs que j'étais en mesure d'acheter ont été vendus à l'échelle nationale, et à l'échelle nationale ils ont l'avantage d'utiliser les signaux télédistribués pour compenser le coût de la télévision traditionnelle. Ils peuvent utiliser la câblodistribution pour compenser les économies. Nous n'avons pas cette possibilité en Colombie-Britannique parce que nous ne sommes pas en mesure d'acheter des signaux de câble pouvant cibler le marché de la Colombie-Britannique. Nous pourrions les acheter, mais 60 p. 100 de l'auditoire des stations de câble se trouvent en Ontario. Les coûts de ces stations de câble sont établis en fonction de l'Ontario et la vente est axée sur l'Ontario et non sur l'ensemble du Canada. Nous nous trouvons donc aussi défavorisés sur le plan économique par rapport au Canada central.

    Dans notre propre industrie, nous assistons à la fusion à grande échelle des agences de publicité. Il exige peut-être quatre ou cinq grandes agences au Canada qui sont désormais plus ou moins contrôlées à partir de New York. On m'a carrément dit que je ne peux pas lutter contre New York. Notre industrie est en train d'être décimée par la concentration de la propriété non seulement dans le secteur des médias mais dans le secteur de la publicité même. Toute mesure que nous pourrons prendre pour accroître la concurrence s'avérera par conséquent bénéfique pour notre pays et surtout pour notre région en Colombie-Britannique, ou le contrôle du secteur de la publicité risque de nous échapper.

    Je vous remercie.

¿  +-(0955)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Butler. Vous avez renforcé bon nombre des arguments présentés par M. Morin.

    Monsieur Boin, vous avez la parole.

+-

    M. Paul Boin (aide-professeur, Études en communication, À titre individuel): Comme les témoins qui m'ont précédé ont abordé un grand nombre d'aspects, je ne les répéterai pas. J'ajouterai simplement certains aspects nouveaux et je reviendrai peut-être sur quelques autres.

    Monsieur le président, membres du comité spécial du patrimoine, je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de discuter de ces questions d'une importance primordiale que le comité et le gouvernement ont décidé d'examiner—entre autres— la situation et l'avenir de la radiodiffusion et des médias au Canada. Je dirais également que l'état de notre société et de la démocratie est également en jeu en ce qui concerne les questions qui se rattachent à nos médias et notre système de communications.

    J'aimerais tout d'abord examiner la raison pour laquelle on a décidé en premier lieu de faire cette étude. Les cyniques mettront en doute les raisons d'une telle étude en disant que le gouvernement est en train de succomber aux intenses pressions exercées par l'industrie qui est mécontente de certains règlements et de certaines restrictions. Je ne suis pas de cet avis et j'espère que ce sera une occasion remarquable de déterminer l'avenir des médias dans notre société démocratique au cours du XXIe siècle.

    À cet égard, toutefois, le terme «convergence», qui est à la mode ces temps-ci est une expression passe-partout utilisée pour justifier et signaler que les lois ou même les instances de réglementation n'ont plus de raison d'être. À ce propos, dans une entrevue qu'il a donnée l'année dernière à la revue Broadcaster, David Colville, qui était à l'époque président par intérim du CRTC a indiqué que la Loi de 1991 sur la radiodiffusion loin d'être dépourvue de pertinence, est à son avis neutre au plan technologique. Colville a dit à propos de la Loi sur la radiodiffusion

qu'elle conserve sa raison d'être. Le gouvernement a fait un effort très délibéré et particulier en 1991 et bien auparavant pour s'assurer que la Loi sur la radiodiffusion soit neutre au plan technologique et mette principalement l'accent sur les enjeux réels, à savoir la programmation et le contenu, et non la technologie particulière utilisée pour les distribuer.

    Je crois que ce principe demeure valide aujourd'hui.

    La loi renferme certaines dispositions comme celle qui prévoit que les entreprises médiatiques doivent appartenir à des Canadiens et être contrôlées par des Canadiens. Il y a des exigences en matière de contenu canadien qui posent problème à l'industrie. L'industrie considère qu'il s'agit simplement d'obstacles qui les empêchent de faire plus d'argent. Comme je l'ai déjà dit, je crois que s'offre à nous une remarquable possibilité de remédier à certains des maux par les témoins qui m'ont précédé aujourd'hui, et de créer un système médiatique démocratique et sain.

    Il existe aussi une inégalité de traitement et des vides réglementaires auxquels il faudra remédier. Par exemple, si nous croyons qu'Internet change tout, comme l'a déclaré Jack Welsh de General Electric, alors pourquoi est-ce que l'on s'attend à ce que des sociétés privées à but lucratif, selon ce qu'en dit notre presse, se réinventent et survivent dans cette nouvelle réalité en perpétuelle transformation, tandis que l'on prétend que les institutions publiques chargées de protéger l'intérêt public n'ont plus de raison d'être et devraient par conséquent être supprimées ou affaiblies? Je crois que c'est le genre de raisonnement qu'on nous impose.

    On a fait allusion plus tôt à un exemple du genre de vide réglementaire qui existe à l'heure actuelle, et c'est la situation qui se produit lorsqu'un télédiffuseur ou un radiodiffuseur veut acheter un journal dans la même région. À l'heure actuelle, le Bureau de la concurrence dit ne pas être préoccupé par la diversité rédactionnelle, seulement par la diversité de l'espace publicitaire ou les créneaux publicitaires. De son côté, le CRTC indique que son mandat se limite à la radiodiffusion et qu'il ne peut pas s'occuper de la presse écrite.

À  +-(1000)  

    Il s'agit encore une fois d'un vide réglementaire que nos législateurs doivent entreprendre de combler. Cela s'est fait d'une façon pas des plus démocratique par décret du conseil sous le gouvernement Trudeau, et ce décret a ensuite été renversé par une décision du gouvernement Mulroney. Je crois que cette question doit être inscrite au programme législatif, et qu'on y donne suite de façon proactive pour que nous puissions nous en occuper. Ici encore nous sommes en train de parler de la propriété croisée et de ce genre d'aspects. Les entreprises médiatiques sont des entreprises multimédia, et c'est pourquoi il existe un vide qu'il faut combler.

    Il ne faut pas non plus oublier qu'à cette ère de mondialisation sous l'impulsion des grandes sociétés, on entend parler de la nécessité de déréglementer, mais la déréglementation n'est souvent qu'une façon détournée de reréglementer. Désormais, les choix des citoyens ne sont plus réglementés par des décideurs et des institutions tenus de rendre des comptes à la population mais par des grandes sociétés qui ne sont pas obligées de rendre des comptes dans l'intérêt public. Elles peuvent prétendre devoir rendre des comptes aux consommateurs, mais elles ne sont pas tenues de rendre des comptes aux citoyens.

    À mon avis et comme d'autres l'ont indiqué, les décisions récentes du CRTC ont contribué à miner le système canadien de radiodiffusion et des médias et la diversité des idées possibles dans notre univers médiatique. Je suis porté à croire que le CRTC semble souffrir de ce que j'appellerais des troubles sélectifs et temporaires du raisonnement. Par exemple, lorsque Global Television procédait à l'acquisition d'émetteurs de radiotélévision de Witt Communications, il a dit que le Canada était un pays en pleine maturité et que les Canadiens méritaient une plus grande diversité du contenu rédactionnel. Il voulait dire que les Canadiens méritaient trois radiodiffuseurs nationaux, et non seulement deux, le réseau CBC et le réseau CTV.

    On a fait valoir qu'il fallait approuver cette fusion parce que les Canadiens bénéficieraient d'une plus grande diversité du contenu rédactionnel. Le CRTC s'est rangé à cet argument, mais peu de temps après, en approuvant la prise de contrôle de CTV par BCE et la prise de contrôle de Hollinger par CanWest, et tout récemment en autorisant les câblodistributeurs à posséder des intérêts majoritaires dans les chaînes de télévision spécialisées, cet argument, à savoir le principe de la diversité du contenu rédactionnel, a été mis de côté en faveur de ce nouvel argument—et de façon remarquable—selon lequel plus c'est gros, mieux cela vaut.

    Dans la décision qu'elle a rendue à la veille de son départ, l'ancienne présidente Françoise Bertrand a déclaré qu'il nous faut des entreprises médiatiques plus grandes pour nous permettre d'exercer une concurrence sur la scène internationale. J'ai examiné la Loi sur la radiodiffusion. Elle renferme des principes sur la nécessité d'une diversité de points de vue, la fourniture d'émissions canadiennes et leur distribution aux Canadiens. La Loi sur la radiodiffusion—que le CRTC a le mandat de protéger et sur laquelle il doit délibérer—ne renferme aucune disposition selon laquelle le CRTC devrait se préoccuper des visées internationales des entreprises médiatiques installées au Canada. À bien des égards, les visées internationales des entreprises médiatiques installées au Canada ne contribuent qu'à nuire à ce qui existe sur le marché canadien. Des émissions comme CSI sont populaires, mais on y a édulcoré toute forme de contenu canadien susceptible de ne pas être facilement comprise sur le marché universel du contenu culturel.

    En ce qui concerne la propriété croisée et ses effets nuisibles sur le contenu, ici encore en ce qui concerne les émissions dramatiques ou de divertissement, cela entraîne une homogénéisation du contenu. Pour ce qui est des émissions de nouvelles et d'actualité, les conséquences sont toutefois plus graves. Nous parlons de protéger notre culture et de protéger notre souveraineté culturelle, mais nous devons aussi songer à protéger et à améliorer notre démocratie. En ce qui a trait aux émissions de nouvelles et d'actualité, lorsqu'il y a concentration de la propriété et propriété croisée, cela donne lieu à une forme de journalisme superficielle. On confie un plus grand nombre de reportages à un plus petit nombre de journalistes, de sorte que les journalistes sont obligés de courir simplement après les conférences de presse ou de régurgiter des communiqués de presse. Et de nos jours, ces communiqués de presse ne sont plus uniquement par écrit. Ils prennent la forme d'entrevues et d'analyses audio-vidéo près à être diffusées, qui sont présentées au journal télévisé.

À  +-(1005)  

    Un autre aspect des conséquences nuisibles de la propriété croisée et d'une concentration et fusion accrues, c'est qu'elles entraînent une autopublicité—intermédia éhontée. Différents reportages, peut-être un reportage concernant l'industrie du spectacle—peuvent se glisser dans un journal télévisé, et pourraient porter sur une émission qui sera diffusée sur l'un des réseaux affiliés ou sur un reportage qui sera publié dans une revue.

    Un autre effet nuisible est l'élimination des véritables actualités. Plus ces entreprises prennent de l'ampleur tout comme leur lien avec d'autres industries, aussi par le biais de la publicité et de leur participation possible à certains conseils d'administration, cela entraîne l'élimination des actualités légitimes et véritables. L'article 4.18 de l'entente de partenariat entre CanWest Global et le journal Southam prévoit que les partenaires doivent être mis au courant de tout reportage susceptible d'embarrasser CanWest Global ou l'une de ses entreprises affiliées. Si on autorise fusion après fusion, on se trouve à éliminer un nombre de plus en plus grand de sujets d'actualité véritables qui doivent être présentés.

    L'autre aspect, c'est que, si on suit le raisonnement sur lequel repose le principe central de fonctionnement d'une entreprise médiatique classique—comme toute entreprise, son objectif est de maximiser les profits. La rationalisation des ressources et l'utilisation de contenu à objectifs croisés entraînent une réduction de la diversité du contenu rédactionnel et un recours accru aux agences de transmission, etc.

    En ce qui concerne les restrictions en matière de propriété étrangère dont on pourrait envisager le retrait ou qui pourrait faire l'objet de limites, tout d'abord, si cette propriété dépasse 50 p. 100 comme l'ont demandé certains représentants des médias au cours des deux dernières semaines, quelle différence cela fait-il? Une fois qu'on se porte acquéreur de plus de 50 p. 100, on a la mainmise sur l'entité. Comme on l'a indiqué, les méga entreprises médiatiques installées aux États-Unis ou ailleurs ne s'intéressent pas vraiment aux marchés canadiens, parce que ce qui les intéresse vraiment c'est le contrôle et la rationalisation. Si cela devait se produire... par exemple le nouveau président de la Commission fédérale des communications aux États-Unis, Michael Powell a exprimé son indifférence à l'égard de l'intérêt public et met en doute l'existence même de cette notion. À l'heure actuelle, les Américains sont en train d'examiner aussi tous leurs règlements concernant la propriété croisée. Si nous ouvrons nos frontières, ce type de raisonnement risque de s'infiltrer dans l'industrie canadiennes.

    Je sais que le temps presse, donc je terminerai en indiquant que nous devons vraiment tenir compte des questions et des négociations de commerce international. Quels que soient les efforts déployés dans le cadre de cette étude, aussi bien intentionnés et assidus soient-ils, ils pourraient être réduits à néant par certains de ces accords, comme l'accord général sur le commerce des services ou l'accord de libre-échange des Amériques. L'expression «traitement national» signifierait que si la culture était mise sur la table dans le cadre de ces accords, le réseau CBC ne pourrait plus recevoir de financement supplémentaire, les fonds destinés à la télévision canadienne seraient éliminés. L'autre expression utilisée dans ces types d'accords, la «prescription des résultats» signifierait que nous serions dans l'impossibilité de dire à AOL Time Warner qu'il doit prévoir un pourcentage donné de contenu canadien et qu'il ne respecte pas nos exigences en matière d'octroi des licences.

    Enfin, si nous voulons tâcher d'améliorer notre système de médias et de communications et par conséquent notre démocratie, la meilleure façon d'y parvenir est de prévoir une diversité de points de vue. La seule réelle façon d'y parvenir est d'assurer la diversité des propriétaires.

    Je vous remercie.

À  +-(1010)  

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Boin.

[Français]

    Monsieur Tremblay, vous pouvez prendre la parole.

+-

    M. Gaëtan Tremblay (professeur en communication, À titre individuel): Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais d'abord m'excuser d'être arrivé en retard; je croyais avoir été convoqué pour 11 heures et je me suis préparé surtout pour la question concernant la propriété étrangère.

    J'ai eu le plaisir de conduire une étude, au cours de la dernière année, sur l'évaluation des règles...

+-

    Le président: Monsieur Tremblay, pour que tout le monde sache qui vous êtes, je voudrais préciser que vous êtes professeur en communication à l'Université du Québec à Montréal.

    Merci.

[Traduction]

+-

    M. Gaëtan Tremblay: Thank you, Mr. Chairman.

    I had the pleasure of conducting a study on how the various industry stakeholders and associations assessed foreign ownership rules. This was done in conjunction with two colleagues, Eric George, from the University of Ottawa, and Fred Fletcher, from York University. Last year, we conducted about 25 interviews, both in Montreal and Toronto, with representatives of major industry stakeholders, but also with associations, unions, and some people who are independent individuals, but who have extensive experience and who are highly regarded in the field of communications.

    I have tried to stick to the guidelines I was given, and so I prepared a very short presentation that I will read to you. I will use the question period to provide you with additional clarification and information on the study, if need be, and I will be more than pleased to send the committee a copy of the synthesis report, which is about 50 pages long.

    It is very difficult to draw specific conclusions from our study. As you have undoubtedly realized in your hearings, opinions are highly divided and consensus is rare. To simplify, we can put the points of view into two categories: those people who are in favour of easing or even eliminating foreign ownership rules, and those who are not.

    Between these two poles, there are a host of positions, but they all end up leaning one way or the other. Each one advances credible arguments, sometimes supported by concrete examples but that are not often proven and not backed up by serious or rigorous studies. We give them more or less weight depending on whether we are more or less in favour of the free market, competition, globalization, legislation and regulatory frameworks, or the active involvement of public authorities.

    People in the first category would like to see deregulation to enhance access to capital, which, on the Canadian market alone, they feel would be too limited to guarantee growth and innovation. Moreover, they expect that with less strict Canadian rules they will in return have better access to foreign markets. According to them, ownership can be dissociated from content creation and production. We could liberalize the first aspect and deregulate the second. With clear CRTC guidelines, they have no fear that there will be a negative impact on jobs and Canadian content.

    Their opponents, however, do not believe that there is a shortage of capital on the Canadian market nor that ownership can be separated from content production. According to them, Canada's cultural policy is a system, to such an extent that challenging a single aspect, control namely over ownership by national interests, may well jeopardize the entire system. From that perspective, foreign ownership inevitably means job losses, fewer Canadian programs, and a loss of cultural expertise.

    Based on such diverging points of view, what can we propose next?

    First of all, we think we must be careful not to move too quickly. The sense of urgency that seems to stem from the waves of megamergers at the start of the 21st century has diminished considerably, to the point that given the difficulties experienced by AOL Time Warner, Vivendi-Seagram, Quebecor Media, BCE, and other convergence pioneers, one might wonder if the winds of change are not starting to turn. In our view, decisions must not be made too quickly, because there is no urgency, no consensus, no conclusive data on the lack of impact of ownership on content, and because Canada's current cultural policy, which has been in force for several years, is doing rather well, as almost all stakeholders questioned agreed.

    Two major questions need to be resolved, to our mind, before a review of the rules on foreign ownership is undertaken in the field of communications and media: first of all, the distinction between carriage and content; secondly, the relationship between ownership and content creation-production.

À  +-(1015)  

    As regards the latter issue, in other words the existence and the nature of a potential interdependence between ownership and the creation and production of content, there are still too many unknown factors to make an informed decision. We must exercise caution in weighing what may be lost in comparison with what we hope to gain by changing the rules. On one hand, we have a hypothetical extension of capital shares and an increase in the value of shares for some companies, and on the other hand, the work of Canadian artists and workers to stimulate creation and the production of cultural content.

    It has clearly not been demonstrated that easing the rules on foreign ownership would have major devastating consequences on ownership and the broadcasting of Canadian content, but nor has it been demonstrated that there would not be or that its impact would be minor.

    This relationship between ownership and the creation and production is not well known. It is, however, at the heart of the debate and must be the subject of more in-depth studies. The foreign experts we spoke to in Great Britain, Australia, Mexico and France have not come up with reliable or conclusive data on the issue either.

    Therefore, we propose that some longitudinal studies be conducted over a sufficiently long period, taking into account a host of relevant factors, so that we can do a better job of documenting the relationship between ownership and the creation and production of content.

    Moreover, at at time when Canada, in conjunction with other countries, is attempting to convince the international community of the particular nature of cultural industries and the need for adopting an international legal instrument to preserve and promote cultural diversity and serve as a framework for cultural exchanges in accordance with specific rules, it seems at the very least somewhat odd that Parliament is adopting measures that may jeopardize its own cultural policy simply for economic reasons.

    The second issue, which I mentioned first, namely the distinction between carriage and content, while it did not give rise to unanimous consent among the people we consulted, seems clear to us, because it has long been implemented successfully by North-American regulators. Despite technological progress, especially digitization, which has blurred the borders between the means and the content and which are the reasons why the distinction between broadcasters and common carriers was somewhat quickly set aside, many people believe that it should still be used as a basis for regulation. From this perspective, foreign ownership rules for content providers would not be changed, they would remain at 20%, at least as long as the relationship between ownership and creation and production have not been clarified, but they would be eased for carriers. Companies should however have to choose.

    Like others, we hardly believe that subsidiaries belonging to a same group are managed independently, despite the adoption of guidelines claiming that they are entirely separate from each other. The groups that would opt for a convergent strategy should comply with stricter rules. Cable operators, as well as telephone and satellite operators who instead specialize in the management of a single network could have more access to foreign capital.

    Could this openness extend to 100% of votable shares? Why not, as long as the government take steps to guarantee the country's security, as our neighbours to the South have done.

    Thank you.

À  +-(1020)  

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Tremblay.

    Avant de commencer la période de questions,

[Traduction]

    J'aimerais vous rassurer, monsieur Boin, que notre comité est loin d'être un lobby pour l'industrie. Je pense que vous trouverez que les membres du comité sont plutôt des esprits libres et indépendants. Ils ne se laissent pas influencer par un groupe ou par un autre, je puis vous l'assurer.

    Pour votre gouverne, sachez que l'opposition officielle posera deux questions, et le côté ministériel deux questions, après quoi, nous reviendrons à Mme Lill puis à un autre intervenant du côté ministériel. Après cela, le champ sera libre à qui voudra intervenir, suivant l'ordre dans lequel les membres du comité auront demandé la parole.

    Monsieur Abbott, la parole est à vous.

+-

    M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): Merci beaucoup.

    Je dois dire que ça fait du bien d'entendre votre exposé, monsieur Butler, après avoir assisté à cinq ou six séances de ce genre. Vous venez d'ajouter un élément tout à fait différent à nos délibérations, et je pense que nous devons prendre votre exposé très au sérieux.

    Vous aurez constaté que le reste des témoins sont quelque peu homogènes dans leur façon d'aborder la question de la culture et de l'influence de celle-ci sur le régime de propriété, y compris la propriété croisée, au Canada. Jusqu'à présent, les échanges ont été homogènes, et c'est pour cette raison que je pense que nous devons étudier très sérieusement l'élément que vous venez de nous proposer aujourd'hui.

    À la lumière des exposés d'aujourd'hui et de ceux que nous avons entendus auparavant, j'allais simplement dire que j'étais préparé à annoncer mes recommandations au comité chargé de la plate-forme électorale de notre parti. Si vous nous élisez, nous accorderons une exonération fiscale de cinq ans à toutes les entités médiatiques et nous accroîtrons le financement de la SRC, lequel passera de 800 millions de dollars à 2 milliards de dollars. Si nous devions faire cela et que nous devions suivre le raisonnement général que nous avons entendu lors des cinq ou six dernières séances et encore une fois aujourd'hui, je m'attendrai à ce que ces annonces influent sur les médias, notamment les rédacteurs en chef, c'est-à-dire ceux qui décident de ce qui doit paraître à nos écrans et dans nos journaux. Cela les influencerait tellement qu'ils donneraient à l'Alliance canadienne la couverture qu'elle mérite.

    Ce à quoi je veux en venir, c'est que les témoignages que nous avons entendus aujourd'hui et au cours des cinq ou six derniers jours, et je n'ai pas l'intention d'ergoter là-dessus, et avec tout le respect que je dois à tout le monde, il me semble que dire que les Canadiens n'ont pas d'opinions qui leur soient propres, que les Canadiens ne se soulèveront pas et ne se rebelleront pas, que les Canadiens ne voient pas ce que les Aspers sont en train de faire, que les Canadiens ne peuvent pas comprendre ce que fait BCE et que les Canadiens n'ont pas idée de ce que les médias sont en train de faire, ce n'est pas vrai. Bien sûr que les Canadiens sont à la hauteur.

    Je vous soumets respectueusement que s'agissant de propriété étrangère, si cela est souhaitable—et c'est une discussion qu'on pourra tenir un autre jour—d'élaborer des règles et de la réglementation concernant le contenu canadien, cela n'a vraiment rien à voir avec le propriétaire effectif de l'entité. L'entité qui possède la capacité de faire de la radiodiffusion, que ce soit dans le domaine du divertissement ou des informations, diffuse des émissions à des téléspectateurs canadiens. Or, on suppose, d'une certaine manière, que si un oligopole ou un monopole britannique arrive sur le marché canadien et se porte acquéreur de CanWest-Global ou des intérêts de BCE dans la CTV ou quelque chose du genre, ou encore si des intérêts américains faisaient de même, nous serons tout d'un coup obligés de voir des émissions comme Coronation Street et Ememrdale durant les heures de grande écoute. Sauf votre respect, je ne pense pas que cela se produise un jour.

    Les entités doivent diffuser des informations qui soient raisonnables et équilibrées à l'intention de téléspectateurs canadiens intelligents et de gens qui surveillent ce qui se passe. Mieux encore, dans le domaine du divertissement, ces entités offrent un bouquet qui leur permettra de maximiser leurs bénéfices. Elles n'y incluront pas nécessairement tout ce qu'elles choisiront d'y inclure.

    J'invite les témoins à réagir à mes propos.

À  +-(1025)  

+-

    Le président: Qui veut répondre à M. Abbott?

    Madame Larouche, suivie de Mme Williams.

[Français]

+-

    Mme Chantal Larouche:

    Nous n'avons aucunement l'intention d'affirmer que la population canadienne n'est pas en mesure de juger de la qualité des contenus qui lui sont offerts. Cependant, toutes les études qui ont été faites, notamment en ce qui a trait à l'information, que ce soit par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec ou par la Fédération nationale des communications, en 1991, nous permettaient de conclure que les citoyens, en règle générale, sont satisfaits des médias.

    Or, quand on commence à pousser plus loin les questions, quand on demande aux médias comment ils procèdent pour faire les choix éditoriaux ou la couverture de presse, ou quand on leur pose des questions directement liées à l'expertise des gens qui travaillent dans les médias et qui savent qu'on pourrait faire plus et mieux et protéger davantage leurs intérêts, ne serait-ce que leurs intérêts en matière d'information, on se rend alors compte qu'il y a des gens--ce n'est pas qu'ils soient ignorants--qui ne vivent pas selon la manière dont les médias ont évolué. Ils ne sont pas en mesure d'apprécier réellement ce que les médias pourraient leur offrir et d'évaluer à quel point ça pourrait être mieux.

    Ceux qui travaillent dans les médias, cependant, savent très bien qu'il y a eu d'énormes transformations et que ces dernières ont eu pour effet de diminuer les effectifs affectés, à la fois à la couverture et à l'analyse d'information, mais aussi à la production d'émissions en région, notamment.

    Dans les grands centres également, on a tendance à centraliser et à vouloir utiliser un produit qui sert à une filiale pour l'utiliser en deuxième étape dans une autre filiale; c'est ce qu'on appelle la plus-value. On a développé ces pratiques dans les médias, ce qui a eu pour effet, en fin de compte, de réduire la quantité de contenus disponibles au public.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Williams.

+-

    Mme Megan Williams: Je voudrais simplement ajouter quelque chose à ce qui a été dit ici. Je ne pense pas que quiconque ait laissé entendre que les Canadiens sont incapables de faire la distinction entre les différents types de programmation qu'on leur offre et la provenance des émissions. Cela étant, je pense qu'il est assez clair que les gros radiodiffuseurs ne font pas des choix en matière de programmation en fonction de ce que les téléspectateurs veulent voir. Ils se fondent plutôt sur ce qu'ils peuvent se permettre financièrement, c'est-à-dire sur les émissions bon marché et ainsi de suite.

    Nombre de ces gros radiodiffuseurs fusionnés ont acquis leur propriété au plus fort du marché, à la fin du siècle dernier, mais ils ont découvert qu'ils avaient des difficultés de liquidité. C'est pour cette raison qu'ils sont en train de chercher des émissions bon marché à diffuser, et c'est pour cette même raison que nous n'avons pas nécessairement droit à ce que les Canadiens ont envie de voir, mais plutôt à ce qui n'est pas cher, du prêt-à-consommer. Je pense que les téléspectateurs se rendent bien compte de ce phénomène quand ils passent d'une chaîne à l'autre sans trouver quoi que ce soit qui vaille la peine.

À  +-(1030)  

+-

    Le président: Monsieur Boin, allez-y.

+-

    M. Paul Boin: Pour ce qui est de l'influence de la propriété sur le contenu ou pour ce qui est de permettre à différents types de propriétaires, y compris les propriétaires étrangers, de pénétrer le marché canadien, et pour ce qui est de l'incidence de tout cela sur le contenu, je crois qu'il y a un fil conducteur en ce sens que le principe directeur est d'optimiser les bénéfices, de produire du contenu à faible coût et d'attirer un large auditoire. Or, ce qui arrive, c'est que les gens n'ont pas conscience de ce qu'ils sont en train de rater. Par exemple, la semaine dernière, un tribunal a rendu un jugement relativement au procès Willy Pickton dans lequel les médias s'étaient battus avec acharnement pour avoir accès à la salle d'audience. Cette affaire, étant sensationnelle, vendra beaucoup de journaux, tout comme l'affaire Bernardo-Homulka.

    Parallèlement à cela, une affaire plus capitale ne suscite pas autant d'intérêt de la part des médias. Les tribunaux ont été saisis par le Sierra Legal Defence Fund qui considère que le chapitre 11 de l'ALENA et les délibérations secrètes du tribunal afférentes vont à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés, puisque les médias, donc le public, n'ont pas accès aux décisions prises par ce tribunal, lesquelles décisions ont des répercussions sur les politiques sanitaires, environnementales et autres. Le Sierra Legal Defence Fund a tenté de faire adhérer l'Association canadienne des journaux à sa cause pour l'aider dans son entreprise, mais celle-ci n'a pas manifesté d'intérêt.

    Encore une fois, nous ne savons pas ce qui se passe à notre insu, et plus on permet aux propriétaires de fusionner... si nous autorisons la propriété étrangère, on compromettra la sensibilité et la perspective canadiennes, de même que l'on nuira à des questions qui sont vitales pour l'intérêt public.

[Français]

+-

    Le président: Madame Gagnon.

+-

    Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur Tremblay, vous avez fait une onde de choc, ce matin, par votre présentation.

    D'après l'éclairage qu'on nous a apporté, les États-Unis ont une certaine protection. D'après votre évaluation, on irait même plus loin que les États-Unis si jamais on levait la limite de propriété étrangère. À ce moment-là, le Canada serait presque un précurseur en termes de levée de ces barrières. Ce que nous percevons et ce que les témoins sont venus nous dire, c'est toute la contamination dans le choix du contenu, l'exclusion de certaines oeuvres et la protection culturelle. On est en train d'essayer de trouver un instrument qui pourrait protéger la viabilité culturelle, surtout au Canada, avec la dualité linguistique.

    J'ai des frissons dans le dos quand je pense qu'on pourrait lever les barrières sur la propriété étrangère au Canada, alors que dans d'autres pays, on est plus protectionniste. Ne pensez-vous pas qu'on irait un peu trop loin? On n'a pas fait le ménage dans notre cour là où il y a des irritants. Vous dites qu'on n'a pas les outils nécessaires pour évaluer tout cela, mais en même temps, les journalistes parlent de cette espèce de contamination dans les différents médias qui sont achetés par une entreprise. C'est inquiétant pour la liberté d'expression et la liberté de presse. Il n'y a pas juste le contrôle du contenu, mais aussi la liberté de presse. Quand on voit un patron qui possède des journaux, des stations de télévision, une entreprise de câblodistribution... À ce moment-là, les artisans qui veulent contester une manière de faire n'ont pas beaucoup d'endroits où aller frapper.

    Quand on est très gros, on est très puissant et on peut faire des gains avec d'autres entreprises. Ne pensez-vous pas que le fait d'adopter un modèle d'affaires dans des entreprises de médias est dangereux? Est-ce qu'il n'y a pas là des indices qui nous démontrent qu'il faut faire très attention avec cela? Qui pourrait détenir des parts importantes et quelle serait la qualité de l'investisseur?

    J'ai lu dans Le Monde diplomatique que des gens avaient de gros intérêts et étaient propriétaires à la fois d'industries d'armement et de certaines industries culturelles comme les satellites et Internet. Je pense qu'il faut faire attention à ce genre d'investisseurs qui pourraient venir au Canada et faire des contrôles dangereux pour la qualité de vie des gens.

À  +-(1035)  

+-

    M. Gaëtan Tremblay: J'aimerais faire deux remarques. D'abord, en ce qui concerne la liberté de choix des consommateurs canadiens, je ne pense pas que la question soit de ne leur laisser aucun choix ou de les leur offrir tous. À mon avis, quel que soit le système, le consommateur décide ce qu'il veut regarder, mais ne décide pas ce qu'il y a sur le marché. La question est donc de savoir quel système pourra leur offrir la plus grande diversité possible pour qu'ils puissent faire des choix.

    Certains prétendent que cette plus grande diversité serait générée par le marché; d'autres doutent que le marché produise automatiquement cette diversité et font allusion à des expériences passées qui montrent que lorsqu'il n'y a pas de balises, les entrepreneurs ont tendance à offrir plus de la même chose. Ainsi, à leur avis, ce n'est pas en multipliant les canaux qu'on obtient nécessairement la diversité.

    Selon moi, se demander si, oui ou non, on doit faire confiance aux Canadiens à l'égard de ce qu'ils choisissent d'écouter est une fausse question. Dans une librairie, par exemple, on ne remet pas en question le choix des consommateurs. L'important, c'est de pouvoir leur offrir une diversité de livres intéressante et de s'assurer qu'il y ait le plus grand nombre possible de livres en librairie. Il me semble d'ailleurs que le même raisonnement s'applique au cinéma et à la télévision.

    On se demande aussi, madame la députée, si le Canada n'irait pas plus vite que tout le monde en matière de libéralisation dans le cas où il déciderait de lever les restrictions à l'égard de la propriété étrangère. À l'heure actuelle, il est clair que dans l'ensemble du monde, on parle beaucoup de réviser les règles sur la propriété étrangère, spécialement dans les pays développés. Mais peu de pays, et cela inclut tout particulièrement nos voisins du Sud, ont déjà pris des mesures concrètes visant à libéraliser entièrement ces règles. L'Europe a adopté des règles d'assouplissement, mais ces dernières ne s'appliquent qu'aux pays membres de l'Union européenne.

    Comme je l'ai dit ce matin, les données que nous avons retenues ne nous permettent pas d'affirmer haut et fort que nous irions à la catastrophe si des étrangers offraient leurs produits sur le marché canadien. En fait, ils le font déjà, et il me semble qu'on ne s'en inquiète pas outre mesure.

    Ce matin, j'ai plaidé en faveur d'une certaine prudence à l'égard des allégations selon lesquelles il n'y aurait aucun lien entre la propriété et le contenu offert. Dans une démocratie comme la nôtre, on peut, selon moi, faire la part des choses lorsqu'on entend dire, de façon intempestive--et c'est fréquent--qu'un propriétaire dit à un éditorialiste ce qu'il doit écrire dans son éditorial. L'actualité nous démontre que nous ne sommes pas à l'abri de ce genre de manoeuvres, mais il faut admettre qu'elles sont relativement peu fréquentes.

    Les influences parallèles peuvent être plus générales lorsque, par exemple, les propriétaires interviennent, ne serait-ce que pour déterminer le genre de contenu offert. Prenons l'exemple de M. Crevier de La Presse. Il serait faux de dire que La Presse n'a subi aucune transformation depuis que M. Crevier a pris les commandes. Pour ma part, je pense qu'il s'agit d'une amélioration. Voilà donc un gestionnaire, représentant du propriétaire, qui prend certaines décisions sur l'aménagement du contenu.

    Or, si on ne peut avoir aucune influence sur le contenu, ne serait-ce que pour générer les meilleurs bénéfices possibles et tenter d'attirer des actionnaires, pourquoi s'intéresserait-on à ces industries et essaierait-on d'y faire des affaires?

    Cela étant dit, madame Gagnon, je ne m'insurgerai pas contre le fait que les médias de propriété privée obéissent à une logique commerciale. Que les investisseurs cherchent à rentabiliser leurs investissements et à en tirer un profit raisonnable est, à mon avis, dans l'ordre des choses. C'est une initiative très louable qui procure des emplois.

    La question est de savoir si c'est suffisant pour assurer l'atteinte d'objectifs qui ne sont pas d'ordre économique, culturel et éducatif. Je réponds à cela que nous devrions faire preuve de prudence et bien réfléchir avant de jeter à l'eau une politique qui nous a jusqu'à ce jour relativement bien servis.

À  +-(1040)  

[Traduction]

+-

    Le président: M. Harvard, suivi de M. Bonwick.

+-

    M. John Harvard (Charleswood —St. James—Assiniboia, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Butler, moi aussi j'ai trouvé vos commentaires intéressants et quelque peu révélateurs. Je me demande si je peux poser une question qui porterait sur vos propos et ceux de M. Morin.

    M. Morin nous a parlé de ce service rédactionnel plutôt pauvre dans les régions rurales du Québec, et je présume que les choses ne sont pas tellement différentes dans le sud de l'Ontario ou dans l'ouest du Canada. Peut-être puis-je poser la question à l'un d'entre vous ou peut-être aux deux: quand des publicitaires locaux ou régionaux sont exclus de la télévision, comme vous l'avez dit monsieur Butler, cela entraîne-t-il des conséquences directes? Vous n'avez pas mentionné la radio. Y a-t-il un lien avec ce dont M. Morin parlait tout à l'heure, c'est-à-dire des services rédactionnels et des services d'information qui n'ont pas de moyens? Je suis curieux tout simplement.

    Qui veut répondre?

+-

    M. Dean Butler: Je ne pense pas que ce soit le cas. Un service rédactionnel découle évidemment de la capacité d'investir dans le journal. Peut-être y a-t-il un lien économique, mais compte tenu de la manière dont les règles touchant la télévision sont structurées, ce serait les journaux régionaux qui bénéficieraient des avantages économiques. Dans ce cas-ci, c'est CanWest qui en profiterait. Mais je ne saurai me prononcer sur la question du point de vue rédactionnel.

+-

    M. John Harvard: Monsieur Morin, vous parliez plus ou moins des radios et des télévisions locales, n'est-ce pas?

[Français]

+-

    M. Michel Morin: Oui, la radio locale et la télévision locale. On le vit puisqu'on est dans un marché tertiaire. On est desservis, au niveau des grandes chaînes télé, par un marché secondaire. Dernièrement, quelqu'un a pris la décision d'éliminer les postes de deux réalisateurs dans une station de télé parce qu'il voulait faire plus de place à la publicité nationale. Ce qui permettait à cette chaîne de venir chez nous pour avoir une toute petite couverture quand ça va très, très bien ou quand ça va très mal, c'était le fait que les annonceurs pouvaient annoncer à cette chaîne, à Sherbrooke. Cependant, quand on abolit les postes de deux réalisateurs de publicité et qu'on ouvre la porte à la publicité nationale, on n'a plus l'obligation de venir nous voir pour faire de la couverture.

    Donc, il y a un lien direct entre les deux qui fait que moins d'annonceurs de notre région peuvent aller s'afficher à une échelle plus régionale.

[Traduction]

+-

    M. John Harvard: Monsieur Butler, êtes-vous en train de dire que nous devrions envisager une sorte de réglementation qui permettrait de la publicité régionale ou locale à la télévision ou à la radio?

+-

    M. Dean Butler: La réglementation est toujours une pente savonneuse.

+-

    M. John Harvard: Mais si le marché ne répond pas à vos besoins, quel autre choix avez-vous?

+-

    M. Dean Butler: À certains égards, jusqu'aux dernières décisions du CRTC, décision  457, 458 et 459, il existait une disposition relative à la publicité régionale à la télévision. Or ces décisions ont révoqué cette disposition.

+-

    M. John Harvard: Quelqu'un sait-il pourquoi on les a supprimées ou était-ce simplement une façon d'accroître les recettes?

+-

    M. Dean Butler: Les décisions du CRTC étaient assez compliquées. Je ne parle ici que des effets de ces décisions.

    Il existait un accord tacite avec les stations de télévision pour que celles-ci réservent exclusivement une portion de leur programmation à des publicitaires régionaux. Certains publicitaires pouvaient acheter tout le marché de la Colombie-Britannique ou, s'ils le souhaitaient, acheter des créneaux en particulier, tandis que d'autres n'avaient pas le droit de le faire. Les décisions 457, 458 et 459 ont tenté d'aplanir le paysage et ne plus fournir ce genre de marché.

    Personnellement, je pense que le système marchait très bien. S'il ne marche plus maintenant, soit qu'on le réexamine, soit qu'on le réoriente et qu'on supprime carrément la réglementation. Cela présupposerait la capacité d'obtenir un accès régional aux signaux télédistribués pour mettre tous les acteurs sur un pied d'égalité pour ce qui est des coûts et l'accès à des auditoires auxquels on n'a pas accès maintenant.

    La question est compliquée. Je serais favorable à ce qu'on réserve une partie de la programmation à des intérêts régionaux à court terme. Mais à long terme, je pense que la véritable solution, c'est la déréglementation totale. Ainsi, il n'y aurait plus de restriction qui pourrait acheter quoi, quand, et où. Si on veut acheter de la publicité pour la Colombie-Britannique, on pourrait le faire. Si on voulait faire la même chose pour un autre créneau quelconque, on pourrait le faire aussi. Mais une fois que vous aurez fait cela, personne ne pourra vous couper l'herbe sous le pied. Bien entendu, cela ne marche pas dans le cas des radiodiffuseurs, puisqu'ils veulent s'assurer du contrôle total de leur programmation.

À  +-(1045)  

+-

    M. John Harvard: Puis-je poser une autre question? Combien de temps me reste-t-il?

+-

    Le président: Nous reviendrons à vous.

    Monsieur Bonwick.

+-

    M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Tout d'abord, j'aimerais commencer par une déclaration faite par M. Tremblay. Dans ses remarques, il a laissé entendre que vous étiez d'un côté ou de l'autre.

    J'ai tâché de mettre par écrit ce que vous avez dit. Vous avez dit que l'on est soit favorable à la libre entreprise et à la mondialisation soit favorable à la réglementation et aux lois à des fins de protection. Je ne suis pas d'accord avec cette déclaration jusqu'à un certain point, parce que je me considère moi-même comme partisan de la libre entreprise pour notre pays. Dans la plupart des secteurs, je crois que nos compatriotes peuvent rivaliser avec n'importe quel autre pays au monde, mais je parle de voitures, de lunettes et d'ordinateurs. Je ne parle pas de culture. C'est peut-être sur ce point que M. Abbott et moi-même divergeons catégoriquement en ce qui concerne...

    Certains voudraient laisser entendre que notre système de radiodiffusion, qui sert à faire connaître et à créer notre identité—une grande partie de notre culture canadienne, nos histoires—devrait être traité comme n'importe quelle autre industrie, qu'il s'agisse d'exploitation forestière, de fabrication d'automobiles, de blé ou de quoi que ce soit d'autre. On crée alors une structure qui serait similaire et on élimine aussi un grand nombre de subventions. C'est une question à débattre.

    Cela me rappelle, monsieur le président, qu'il y a environ un an et demi, nous avons entendu un témoin parler de l'une des célèbres citations de Winston Churchill. En 1939, lorsqu'il a présenté son budget de mesures de guerre, il a réduit de 80 p. 100 à 90 p. 100 le budget de nombreux ministères et il a supprimé les crédits de certains ministères, mais n'a absolument pas touché à la culture ni au patrimoine. Lorsqu'un des députés lui a demandé pourquoi il avait épargné le patrimoine alors qu'il avait sabré dans tous les autres postes budgétaires, il a répondu à peu près ceci: «Si nous ne nous battons pas pour notre identité, ni pour notre culture, pourquoi alors nous battons-nous?» Je crois que les gouvernements doivent y voir une indication selon laquelle il faut qu'ils soutiennent la culture et le patrimoine, et c'est la raison pour laquelle ce n'est pas le comité de l'industrie qui s'occupe de cette question mais bien le comité du patrimoine.

    Je me demande si l'un de nos témoins est au courant d'une enquête qui a été faite au pays pour évaluer le taux de satisfaction des Canadiens envers notre système de radiodiffusion. J'ai constaté que le professeur, par exemple, a parlé de son étude faite sur une période d'un an. Avez-vous des renseignements à nous communiquer à propos du niveau de satisfaction ou de confiance des Canadiens à l'égard de notre système de radiodiffusion?

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Roger.

+-

    M. Pierre Roger (secrétaire général, La Fédération nationale des communications): Pour répondre à la question de M. le député, j'aimerais me référer au rapport annuel du CRTC, que vous connaissez probablement déjà, et qui brosse un tableau de la situation qui prévaut depuis les derniers changements apportés à la législation sur la radiodiffusion et la télédistribution.

    Il porte sur des secteurs comme la radio, la télévision et Internet, domaines au sujet desquels les données sont publiées une fois par année. On y trouve beaucoup d'information concernant, entre autres, l'écoute et l'état des finances de l'industrie. Le rapport nous permet également de constater à quel point l'écoute télévisuelle et radiophonique est répandue, de quelle façon les Canadiens écoutent la radio et la télévision et dans quelle proportion ils écoutent soit leur télévision nationale, soit la télévision privée. Je pense qu'il s'agit du meilleur outil qu'on ait à l'heure actuelle.

[Traduction]

+-

    Le président: Quelqu'un d'autre voudrait-il faire une observation à ce sujet? Non?

    Madame Lill.

+-

    Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Je vous remercie.

    Excusez-moi pour mon arrivée tardive. Je n'ai pas entendu tous les exposés, mais je lirai le compte rendu avec beaucoup de plaisir, je n'en doute pas. J'ai toutefois entendu M. Boin, et je voudrais revenir sur une ou deux choses qu'il nous a dites.

    Le comité a beaucoup entendu parler, un peu partout au Canada, de la question de la propriété croisée et des craintes que cela suscite; nous avons également entendu parler de l'influence que cela a eu sur les émissions locales et sur la disparition de certaines stations. Nous avons beaucoup entendu parler des répercussions des compressions budgétaires sévères imposées à la CBC sur les émissions locales et sur les productions canadiennes.

    Vous avez fait valoir que rien, dans la Loi sur la radiodiffusion, ne dit que pour pouvoir être concurrentiel sur la scène internationale, il faut être plus gros, et on ne trouve rien non plus dans cette loi qui permette d'affirmer que la propriété multimédia sert l'intérêt public. Cela, nous le savons.

    Je suis mal à l'aise lorsque nous semblons de plus en plus dire que c'est le CRTC, l'organisme de réglementation, qui est à l'origine du problème. Il faut être prudent ici, je me dois de vous le dire, parce que si nous considérons que la propriété multimédia représente un problème, c'est un problème qui comporte plusieurs volets. Comme vous le savez, il y a eu plusieurs commissions d'envergure comme la commission royale Kent et la commission Davey. On a souvent entendu réclamer qu'il fallait légiférer dans le domaine de la concentration des médias, mais rien n'a été fait. Le gouvernement, ceux-là mêmes qui sont censés être aux commandes du programme législatif, n'ont pas bougé.

    S'agissant de la décision du CRTC d'accorder des licences de sept ans à BCE et à CanWest Global, il y a eu appel et je suis d'ailleurs moi-même allée au Conseil privé pour demander au cabinet de revenir sur cette décision. Le cabinet en a le pouvoir, mais il a préféré n'en rien faire. Il a préféré ne rien changer à l'orientation de la concentration des médias au Canada.

    Je pense qu'il s'agit là de choses importantes à ne pas oublier. Notre gouvernement a le pouvoir de contrôle, il n'a pas pris les rênes, et il n'a pas non plus pris l'initiative dans le dossier de la concentration des médias. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Il serait utile pour nous d'avoir votre opinion à ce sujet. Pourquoi ne pensez-vous pas que les recommandations de la commission Kent aient été mises en oeuvre étant donné notre environnement actuel? Et comment renverser la vapeur?

À  +-(1050)  

+-

    M. Paul Boin: À bien des égards, les médias de notre société moderne ont remplacé le perron de l'église. On ne va plus aux assemblées municipales et on ne parle plus à son voisin pour se renseigner sur diverses questions et les porter à l'attention des dirigeants politiques. Les médias grand public ont une énorme influence lorsqu'il s'agit de façonner les questions touchant la vie démocratique. Alors, s'agissant des questions relatives à la concentration des médias, il y a un manque au niveau de la couverture.

    On critique souvent les médias pour la façon dont ils couvrent certains événements. À mon avis, c'est lorsqu'il s'agit de couvrir des questions comme celle dont nous sommes actuellement saisis qu'ils laissent le plus à désirer. On a beaucoup entendu parler du rapport Romanow et de l'enquête de Walkerton, pas seulement dans le cahier des nouvelles, où les médias couvrent ce genre d'événements du point de vue du consommateur, mais aussi en première page, où l'on traite des questions vitales pour la démocratie et les citoyens. Cela ne s'est cependant pas traduit par une volonté ou en une action politique, et c'est là une bonne partie du problème. Les médias ne font pas ce genre de couverture.

    La semaine dernière et la semaine précédente, les médias faisaient encore état du besoin de faire disparaître les restrictions sur la propriété étrangère, mais quand les Friends of Canadian Broadcasting et d'autres panélistes comme ceux d'aujourd'hui ont fait connaître leur point de vue, pas un mot, pas même dans le cahier des affaires. C'est un problème!

    Pour ce qui est d'une solution potentielle, il nous faut une nouvelle initiative qui permettra à de nouveaux acteurs avec de nouveaux principes directeurs d'arriver dans le monde des médias. Encore une fois, lorsqu'on a affaire à une société à but lucratif, le but premier est de maximiser le profit. À Radio-Canada, le but premier est de servir les citoyens. Il serait bon d'ajouter des entités à but non lucratif au domaine démocratique public. Si nous pouvons le faire, nous devons encourager la prolifération d'organismes médiatiques à but non lucratif qui ajouteraient leur voix et nous aideraient peut-être à rétablir une saine concurrence commerciale ou même intellectuelle. Nous devrions aussi protéger et promouvoir la participation de plus petits acteurs indépendants. L'objectif de ces derniers serait toujours de faire un profit, mais pas de maximiser les bénéfices comme le font les méga sociétés médiatiques. Voilà donc certaines des choses qu'on pourrait songer à faire.

À  +-(1055)  

+-

    The Chair: Madame Williams.

+-

    Mme Megan Williams: Merci.

    Je tiens à féliciter M. Tremblay pour son approche: faire une analyse très attentive de ce qui se passe, avancer à petits pas, et s'assurer que tout ne s'écroule pas autour de nous pendant que cette convergence se déroule. Je pense qu'il faut tirer des leçons d'autres secteurs, ainsi que de la télédiffusion.

    Je tiens à féliciter votre comité du travail qu'il a fait en étudiant la convergence non seulement dans le domaine de la télédiffusion, mais aussi dans le domaine de l'édition, et de l'initiative dont il a fait preuve en traversant le pays pour entendre les gens des différentes régions l'an dernier, dans le cadre des audiences sur la télédiffusion. Je crois qu'il est très important qu'on écoute le point de vue de toutes les régions de ce vaste pays.

    En essayant de démêler la complexité de la convergence de la télédiffusion, j'aime regarder une situation plus simple, celle de l'industrie de l'édition. M. Tremblay, ou M. Boin a parlé de la façon dont les entreprises médiatiques prennent de l'ampleur afin de se rendre plus attrayantes pour les acheteurs étrangers. Dans l'industrie canadienne du livre, l'effondrement de Chapters-Indigo est imminent. Quand cela se produira, nous éprouverons le besoin d'assouplir les règles de propriété étrangère pour que Barnes & Noble ou Borders puisse acheter Chapters-Indigo et sauver l'industrie canadienne du livre, et donc les éditeurs et les auteurs. Il est important de tenir compte de toutes ces choses-là puisqu'elles sont imbriquées les unes dans les autres.

    À propos de votre question concernant la façon de susciter la volonté politique chez tous les partis et tous les députés, je n'y ai pas de réponse. Je vous encourage à continuer à écouter et à favoriser la contribution des ONG et des particuliers comme nous à cette démarche, et à vous assurer qu'ils ont tous les moyens de participer.

+-

    Le président: Nous allons terminer ce tour de questions par M. Frulla.

[Français]

+-

    Mme Liza Frulla (Verdun—Saint-Henri—Saint-Paul—Pointe Saint-Charles, Lib.): Merci beaucoup de votre présentation. Je trouve triste que M. Abbott ait quitté parce que c'est probablement celui que nous avons à convaincre, alors que la plupart des députés sont extrêmement favorables à ce que vous dites.

    De mon côté, je n'ai pas de questions sur le contenu, parce que pendant les 10 dernières années, je me suis questionnée sur tout ce que vous dites publiquement. J'ai les mêmes inquiétudes, ayant vécu ce que vous avez vécu, et les mêmes constatations qui, en termes d'information entre autres, sont désolantes, surtout en région. Je me souviens de la fermeture des stations régionales de Radio-Canada en 1990 et de celles de Radio-Québec aussi. Le résultat, c'est qu'on se retrouve maintenant avec des radios communautaires extrêmement efficaces, ce qui n'est pas évident, ou encore, comme vous le dites, monsieur Morin, avec une couverture régionale qui fait pitié parce que les gens sont informés de ce qui se passe dans les grands centres, mais ne savent presque pas ce qui se passe chez eux.

    Je veux revenir au rôle du CRTC. Est-ce que vous croyez que le CRTC a abandonné son rôle quant à la diversité culturelle? Quand j'étais à Télémédia, les radios avaient une licence mais par rapport à leur format. Les choses se sont passées très rapidement ces 10 dernières années. Quand j'étais directrice générale de CKAC, on parlait du réseau, de la rentabilité du réseau, mais on ne pensait pas convergence. Ces 10 dernières années, cela s'est ouvert à un rythme fou. Je me souviens aussi qu'à l'époque, le CRTC donnait des licences par rapport au contenu. Maintenant, on se retrouve avec des radios qui diffusent à peu près la même chose, et c'est du pareil au même. En télévision, les canaux prolifèrent mais, sauf quelques exceptions, c'est du pareil au même.

    Je reviens à ma question. Est-ce que le CRTC a abandonné son rôle, selon vous, au niveau de la diversité culturelle pour se pencher un peu plus sur cette crainte de manque de compétitivité par rapport à nos industries? Autrement dit, penche-t-il plus du côté de l'industrie que de celui d'un des mandats qu'il avait, c'est-à-dire protéger la souveraineté culturelle canadienne? Ça, c'est une chose.

    Deuxièmement, on est rendu très loin, entre autres au Québec. Je vais parler du Québec parce que je le connais bien. La propriété est à 98 p. 100 celle de Quebecor ou de Gesca. Je trouve Quebecor plus inquiétant encore, parce qu'il est complètement intégré. Avec l'acquisition des radios de Télémédia, il domine le marché de A à Z. On est rendu là. C'est ça, la situation. Pouvez-vous nous dire si vous avez pensé à des éléments de solution ou entrevu certains de ces éléments?

Á  +-(1100)  

+-

    Le président: Monsieur Morin.

+-

    M. Michel Morin: Je pense qu'il manque peut-être au CRTC une vision plus régionale de la chose. Comme je le disais tout à l'heure, je peux, demain matin, ouvrir un restaurant; je vais remplir des papiers, me conformer à des exigences et je n'aurai pas de problèmes. Mais parce que j'ouvre une coopérative de travailleurs et qu'on fait de l'information, je ne peux pas aller chercher de financement. Je dois aller chercher mon financement par la commandite, et pour cela, je dois entrer sur le terrain des organismes sans but lucratif tels que la Maison des femmes et tous ces organismes-là qui sont obligés d'organiser des activités pour se financer, alors que moi, je fais de l'information.

    Il ne suffit pas de dire que, parce qu'on est dans une région, qu'on a deux radios et deux hebdomadaires et que Sherbrooke vient nous couvrir, on est bien couverts. Ce n'est pas que cela: il faut voir ce qui se passe.

    En ce qui a trait aux deux radios, c'est la guerre entre Astral et Corus Entertainment, qui sont sur le terrain drummondvillois et se partagent le marché des 18 à 34 ans. Il y a toute une autre communauté, celle des 40 ans et plus. Où vont-ils s'informer, surtout quand il y a une radio qui fait carrément radio étudiante? C'est là que ça ne fonctionne pas.

    De notre côté, nous arrivons avec un projet qui répond à un besoin de la population. Nous allons dans d'autres sphères, parce que l'on vit également le culte du fait divers. Quand il y a seulement un journaliste par station radio, la première référence chez nous, c'est Le Journal de Montréal; la deuxième référence, c'est l'officier de la Sûreté du Québec.

    Nous arrivons en tant que plus petit joueur, et ça rejoint ce que M. Boin disait tout l'heure. En région, nous devons reprendre notre place, avec des propriétaires locaux, avec des gens qui vont dire ce qu'ils font: ils font de la télé et ils informent des gens. Et je passe par-dessus tout le système des coupoles qui déconnectent carrément, jusqu'à un certain point, les gens des régions. Chez nous, les gens nous écoutaient. Maintenant, ils écoutent le bulletin de nouvelles de Terre-Neuve. Voilà pour la première partie de votre question.

    Peut-être vais-je répondre en même temps à la question de Mme Lill en ce qui concerne les règlements. Je ne pense pas qu'il faille encore ajouter des règlements à un marché qui est très, très réglementé, mais peut-être serait-il opportun d'alléger pour permettre à de plus petits joueurs régionaux d'entrer dans le marché. Là, une régulation va se faire.

    Dans le marché des produits biologiques, par exemple, les petits producteurs commencent tranquillement à prendre une part du marché, mais voilà que les gros disent vouloir, eux aussi, entrer dans le biologique. 

+-

    Le président: Est-ce qu'il y en a d'autres qui veulent intervenir brièvement?

    Madame Larouche, s'il vous plaît.

+-

    Mme Chantal Larouche: Je ne sais pas si j'irais jusqu'à affirmer que le CRTC a abdiqué ses responsabilités, mais une chose est certaine: le CRTC n'a peut-être pas pris le temps de mesurer l'impact de l'ensemble des évolutions, parce qu'il est pris à administrer régulièrement des demandes de licences, de transactions et autres, ce qui fait qu'à un moment donné, on assiste à des résultats un peu incongrus dans les décisions.

    Par exemple, nous avons trouvé dramatique qu'Astral Media ait voulu se porter acquéreur du réseau Télémédia. Le CRTC a dit oui à cette transaction qui, pour plusieurs intervenants, ne faisait qu'accentuer la concentration et limiter l'accès à des services locaux et régionaux indépendants. Eh bien, c'est le Bureau de la concurrence qui, finalement, permet aux populations régionales et locales d'avoir accès à un média qui se distingue du réseau Astral Media. Quelque part, il y a des choses que le CRTC n'a pas mesurées. Pourtant, les populations régionales et locales disaient que cette transaction allait tuer le marché publicitaire et pouvait donc avoir un impact sur les médias indépendants. Elles disaient aussi qu'ayant tout Astral dans certaines régions, il n'y aurait plus qu'une seule façon d'envisager le contenu radiophonique. Elles ont dit qu'il fallait empêcher cela. Or, le CRTC a dit oui, et le Bureau de la concurrence a dit non.

    Ça devient inquiétant quand on doit se tourner vers le Bureau de la concurrence pour protéger l'intérêt public. C'est particulièrement inquiétant. Là-dessus, j'aurais tendance à dire--et ce sont souvent les débats qu'on a dans l'industrie--que le CRTC devrait peut-être marquer un temps d'arrêt et profiter des travaux qui sont en cours, notamment au sein de votre comité, pour faire sa réflexion et voir comment, à l'issue d'un consensus national, il devrait appliquer ses règles et les mesures qui sont déjà en place. Il y a des règles en place. Il y en a beaucoup qui ont foutu le camp, comme on dit, mais il y en a d'autres qui existent, qui sont gérées à la pièce, sans grand fond d'orientation, et qui mériteraient peut-être d'être rafraîchies.

Á  +-(1105)  

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Bulte.

+-

    Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Merci à tous les témoins d'être venus. Vous avez soulevé beaucoup de questions ici aujourd'hui.

    J'aimerais en aborder quelques-unes. J'aimerais revenir sur ce que M. Boin a dit au sujet du vide réglementaire qui existe entre le CRTC et le Bureau de la concurrence. Je vais invoquer l'exemple d'Astral-Telemedia, parce que vous avez parlé de la décision concernant la responsabilité ultime. La question n'est pas encore réglée. Comme vous le savez, Astral Media a conclu une entente avec le Bureau de la concurrence, si bien que la question demeure en suspens.

    Qui décidera de l'intérêt public lorsqu'il s'agit de radiodiffusion, de radio et de télévision? Je crois qu'il existe un vide à l'heure actuelle que ce comité peut combler. Au lieu d'attendre une décision des tribunaux, mieux vaut laisser le Parlement décider.

    Sur quelle question le comité devrait-il se pencher et que devrait-il faire pour changer le mandat du CRTC? La seule raison pour laquelle le Bureau de la concurrence s'est ingéré dans le dossier, c'est parce qu'il s'agissait de circonstances exceptionnelles et, c'est d'une épreuve de force. Cela n'avait rien à voir avec l'intérêt public. Il s'agissait de savoir qui serait le roi de la jungle, c'est tout. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette situation.

    Madame Larouche, j'aimerais également revenir sur ce que vous avez dit. Je crois que c'est très important. Je partage également le point de vue de Mme Frulla—c'est d'ailleurs dommage que M. Abbott soit parti. Pour le répéter encore une fois, États-Unis, les règles sont beaucoup plus strictes qu'au Canada. Ian Morrison, de l'organisation Friends of Canadian Broadcasting, a parlé du nouveau projet de loi sur la convergence dans le domaine des communications. Ces convergences seront interdites en Grande-Bretagne, même si la propriété étrangère ne le sera pas. Je ne crois pas qu'il existe un député ici qui croit en un renchérissement de la propriété étrangère. C'est important et on doit continuer à le répéter.

    Madame Larouche, vous nous avez dit qu'il était important d'établir une distinction entre les biens et les services culturels et les biens et services ordinaires. Chaque fois que les Américains voudront parler de cette question, il faudra leur rappeler cette distinction. Vous avez également parlé d'une de vos préoccupations, que je partage. Si nous décidons de mettre les télécommunications sur la table des nouvelles négociations sur l'AGCS, cela mettra en cause les câblodistributeurs qui sont définis comme étant des transporteurs en vertu de la Loi sur les télécommunications. Quelles en seront les répercussions à l'OMS? Le comité de l'industrie devrait alors peut-être se dire «Halte. Si nous mettons les télécommunications sur la table»—comme Michael MacMillan du groupe Alliance Atlantis l'a dit cette semaine— «nous ne serions pas logiques. Si nous incluons ce domaine, il faudra ensuite inclure l'industrie de la câblodistribution et celle de la diffusion par souci d'équité». Comment pouvons-nous faire passer ce message?

    Je vous encourage également à témoigner devant le comité de l'industrie, surtout compte tenu des nouvelles négociations sur l'AGCS qui auront lieu en mars.

+-

    Le président: M. Boin, suivi de Mme Larouche.

+-

    M. Paul Boin: Je pense qu'une occasion merveilleuse se présente à votre comité d'examiner sous un angle large et dans une perspective d'ensemble non seulement les différents médias, la presse, et la radio et télédiffusion, par exemple, mais aussi le contexte plus général, c'est-à-dire la façon dont la culture se rattache aux autres questions qui font maintenant l'objet de négociations dans le cadre de l'AGCS ou de la ZLEA. Par exemple, il devrait y avoir d'abord un effort de coordination entre ministères. Le ministère du Patrimoine fait la promotion de son initiative de diversité culturelle. En même temps, le ministère du Commerce prévoit d'autres priorités pour ces discussions. De plus, le ministre Rock envisage un examen des télécommunications et les intérêts étrangers. Il faudrait que les ministres se concertent et une politique générale s'en suivrait.

    Sur un plan plus général, l'argument en faveur de la diversité culturelle, par exemple, est basé sur le principe que les produits culturels ne sont pas de simples produits, mais qu'ils les transcendent de loin. Ces valeurs favorisent la démocratie, elles constituent le fondement de la vie, n'est-ce pas? Alors ce n'est pas simplement une question de valeur monétaire. Mais cela dit, qu'en est-il du droit de la France, par exemple, de réglementer la santé publique en interdisant l'importation de produits bovins traités aux hormones? Qu'en est-il de l'éducation? Encore une fois, il faut situer la question dans un contexte plus large. Si la culture est présentée comme un domaine à part sans qu'on établisse de lien avec l'éducation et la santé publique qui sont des activités qui ne peuvent pas se réduire à de simples produits, ça ne servira à rien d'adopter des incitatifs en matière de protection culturelle. Il faudrait une approche plus globale de manière à établir le lien entre toutes ces questions, car la vie ne se réduit pas à de simples produits.

Á  +-(1110)  

[Français]

+-

    Le président: Madame Larouche.

+-

    Mme Chantal Larouche: En fait, je n'ai pas beaucoup à ajouter à ce que Mme la députée a déjà dit, mais je pense qu'il faudra, tant à ce comité que devant le CRTC, qu'on s'entende tous pour dire, une fois pour toutes, que ce que produisent les médias est un service public et non une marchandise. Le problème est là, à notre avis. Tant et aussi longtemps qu'on va considérer que, parce que des médias sont de propriété privée, ils n'ont plus une obligation à l'égard du public et ne sont pas liés par le fait qu'ils ont un service public à rendre, eh bien, on va se tromper. Certains nous disent que pour la radiodiffusion, la question est claire, puisqu'il s'agit de l'utilisation des ondes et donc d'un service public. Mais nous pensons que toute la question du service public devra éventuellement s'étendre à la question de l'information en général, y compris aux médias écrits, d'autant plus qu'on assiste maintenant à des propriétés croisées radiodiffusion-journaux. Nous pensons qu'il nous faut pousser beaucoup plus loin notre réflexion sur cette notion de service public et d'obligation, compte tenu que le droit d'être informé est un droit fondamental reconnu par des chartes.

    Donc, nous pensons qu'il va falloir, tant du côté du gouvernement fédéral que de celui des provinces et de celui des organisations qui ont à gérer les questions de communications, qu'on élargisse sérieusement notre réflexion à cette notion de service public, qui semble avoir été passablement mise de côté au cours des dernières années.

+-

    M. Gaëtan Tremblay: J'aimerais ajouter un complément. Je m'étais surtout préparé à parler de la propriété étrangère, mais je pense que les deux questions, celles de la propriété croisée et de la propriété étrangère, sont intimement liées. Peut-être qu'un des problèmes, au cours des dernières années, a été de simplifier une chose qui est extrêmement complexe, à savoir une politique culturelle. Toute politique est complexe, mais une politique culturelle l'est encore peut-être davantage. À partir du moment où le Canada a adopté une politique de convergence, on a eu l'impression qu'un seul objectif a compté ou a été décisif dans toutes les transactions: c'est l'idée qu'il fallait constituer des joueurs économiques nationaux de taille suffisante pour être compétitifs face à l'étranger, à la fois sur le marché national et à l'étranger.

    Je pense que c'est un objectif à ne pas perdre de vue. Je nuancerais un peu votre propos, madame Larouche, en disant que l'information et la culture, ce n'est pas qu'une marchandise, mais aussi, dans la société, une marchandise. Ce sont deux objectifs qu'il faut concilier dans une politique culturelle équilibrée, qui puisse avoir des chances de préserver une diversité de sources d'information fondamentale dans le jeu démocratique, mais aussi de créer des entreprises suffisamment rentables et de taille suffisante pour être compétitives.

    Si je dis que les deux sont liées, c'est que j'ai participé à certaines réunions avec des Américains, aux États-Unis, qui nous renvoient facilement la balle lorsqu'on leur parle de diversité culturelle et de diversité de sources d'information et qui nous disent de regarder d'abord ce qui se passe chez nous. Où est la diversité des médias, entre autres? Combien de groupes de presse contrôlent le marché dans tel endroit du pays, tel autre endroit, etc.?

    Il est vrai que, quand on compare la diversité des groupes dans une bonne partie du territoire canadien et dans beaucoup de marchés américains, on voit que notre marché est plus concentré que le leur. Alors, quand on leur parle de diversité et qu'on leur dit qu'on pense qu'il faut un certain nombre de règlements pour entretenir cette diversité, excusez l'expression, mais on a l'air un peu fou. C'est à cause de notre politique concernant la propriété croisée des médias qui est moins vigoureuse que celle qu'on a aux États-Unis.

    Je n'ai pas la réponse à toutes les questions et je n'ai pas toutes les solutions, mais il m'apparaît clairement que les décisions, à l'avenir, devront être prises en tenant compte non seulement de la fameuse convergence, mais aussi de la nécessité de préserver la diversité, non seulement dans chacun de nos marchés, mais aussi dans chacune de nos circonscriptions, puisque ce ne sont pas que des marchés, mais aussi des espaces de débat public.

Á  +-(1115)  

+-

    Le président: Vous parlez donc de convergence et aussi de concentration.

+-

    M. Gaëtan Tremblay: La convergence n'est pas que la concentration, mais en matière économique, la convergence et la concentration convergent.

+-

    Le président: C'est-à-dire qu'on ne peut pas regarder l'un sans regarder l'autre.

+-

    M. Gaëtan Tremblay: Je pense qu'on ne peut pas regarder l'un sans regarder l'autre et qu'on ne peut pas non plus regarder la question de la propriété étrangère sans prendre en considération des règles concernant la propriété croisée et la concentration de la propriété dans nos propres médias.

+-

    Le président: On a du travail à faire, n'est-ce pas? On va poser des questions.

    Madame Gagnon.

+-

    Mme Christiane Gagnon: J'aimerais poser une question sur l'avenir. Pensez-vous que le marché va décider du sort des très grandes entreprises dans le domaine des communications ou dans le domaine des médias? Est-ce qu'on va assister à une nouvelle restructuration de l'entreprise, compte tenu du fiasco du modèle financier qu'on avait adapté au domaine des communications? Il y a eu un colloque à Montréal, dont le thème était « La convergence: des promesses folles aux espoirs déçus », et certains des observateurs disaient que le marché allait s'en occuper, qu'on allait assister à une nouvelle restructuration et repartir sur de nouvelles bases. L'avenir n'est pas aussi noir qu'on le pense, disaient-ils. Étant donné qu'on n'a pas eu les succès escomptés et qu'il y a plutôt eu des fiascos, on a de plus en plus de difficulté à être rentable--on pense à Vidéotron--, et on va assister à autre chose. La vague de 2003 serait très différente de ce qu'on a vu précédemment.

    Pensez-vous que ces personnes qui ont un peu plus d'espoir sont réalistes? Est-ce aussi votre opinion?

+-

    M. Michel Morin: Je peux commencer en disant que je l'espère. Le comité pose peut-être une première brique. En vous fondant sur les commentaires que vous aurez entendus, vous formulerez des recommandations, dont on verra la suite.

    Je pense qu'il va devoir y avoir des changements parce qu'on ne peut pas laisser des communautés à la merci des grands. Ils viennent faire la loi chez nous, et on n'a pas un mot à dire. Et si on s'oppose, on nous montre la porte, tout simplement. Cela n'a aucun sens. Donc, pour la protection de la culture canadienne, il doit absolument y avoir des changements. Je pense que le travail de ce comité est déjà un bon point. Maintenant, il faut que le CRTC soit beaucoup plus à l'écoute, qu'il observe à la loupe ce qui se passe dans chaque région et qu'il agisse en conséquence.

[Traduction]

+-

    Le président: Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose?

    M. Roger suivi de Mme Williams.

[Français]

+-

    M. Pierre Roger: Comme M. Tremblay le disait plus tôt, il semble que les grandes tendances à la concentration qu'on a observées, que ce soit chez Vivendi Universel, en Europe, ou chez AOL Time Warner, aux États-Unis, semblent être en voie de se résorber. Les gens veulent revenir à ce qu'ils appellent leur plan d'affaires central, à leur core business, qui était différent à l'origine. Cette tendance n'est peut-être pas observable chez Vidéotron, mais elle l'est chez Bell Globemedia en ce moment.

    À la dernière réunion d'actionnaires, Bell a annoncé qu'elle entendait se départir de ses actifs du côté du contenu télévisuel. Elle ne voulait pas faire de vente de feu, mais elle voulait se concentrer sur son core business, qu'elle considère être la téléphonie et l'Internet. C'est l'annonce qu'elle a faite officiellement.

    Maintenant, du côté de Vidéotron, la formule ne fonctionne peut-être pas sur le plan financier, mais on semble y tenir encore. On va voir jusqu'où tout cela va se rendre.

Á  +-(1120)  

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Williams.

+-

    Mme Megan Williams: Je cède la parole à Mme Larouche. Je pense que son observation se rapproche davantage de celle que nous venons d'entendre.

[Français]

+-

    Mme Chantal Larouche: Madame Gagnon, j'ai tendance à vous dire qu'il est vrai que plusieurs s'entendent pour dire que les lois du marché vont peut-être replacer certaines choses dans l'industrie, mais c'est cela qui est inquiétant. Même les intervenants dans l'industrie, que ce soit les artisans, l'État ou les citoyens, s'en remettent constamment aux lois du marché pour définir les règles d'une industrie aussi importante que celle des communications pour le développement de l'identité culturelle nationale.

    Nous estimons qu'on peut être optimiste par rapport aux lois du marché, mais pour nous, ce qui est plus important, c'est que les États assument leurs responsabilités quant à cette industrie des communications, qui a un rôle fondamental à jouer dans nos sociétés. On peut regarder fonctionner les lois du marché pour s'en inspirer et apprendre, mais nous pensons que, sans s'immiscer de manière abusive dans le développement du secteur des communications, il faut quand même laisser en place certaines règles pour protéger l'essentiel, tout en permettant à l'industrie de se développer, d'être florissante et de prendre des initiatives.

[Traduction]

+-

    Mme Megan Williams: En ce qui me concerne, cette conversation renforce l'idée d'une politique culture unifiée, qui reconnaît la valeur intrinsèque de la culture, et qui prévoit un cadre pour tous ces intérêts en concurrence dont vous avez parlé, madame Bulte—le Bureau de concurrence contre le CRTC. Comment maîtriser tous ces intérêts pour qu'ils agissent à l'unisson? Il s'agirait de les intégrer dans le cadre d'une politique culturelle unifiée.

    Vous parliez de nos traités internationaux, des accords commerciaux etc., et je sais que jeudi vous allez entendre un groupe d'intervenants qui vont vous faire un exposé détaillé sur les traités et les ONG qui travaillent dans ce contexte. Je suis sûre qu'ils vont vous proposer une orientation.

    Je voulais simplement vous dire que nous venons d'avoir une réunion au Cap. Y étaient représentés des ONG venant de tous les pays du monde, mais essentiellement des pays en voie de développement. Ces gens nous ont parlé de l'absence de diversité dans les médias dans leurs pays et de la difficulté d'un dialogue démocratique entre citoyens bien informés à cause de cette absence. Nous devrions donc tirer des leçons de l'expérience des pays en développement et nous garder d'emprunter cette même voie.

+-

    Le président: Monsieur Harvard.

+-

    M. John Harvard: J'ai seulement une question, peut-être pour M. Boin ou quelqu'un d'autre.

    Le modèle actuel des médias populaires que nous avons au Canada est déterminé essentiellement par les impératifs des milieux d'affaires, par leurs valeurs et par souci de rentabilité; or, ces impératifs ne coïncident pas toujours avec l'intérêt public au sens le plus large. Si nous sommes inquiets, comme c'est le cas pour la plupart d'entre nous, je pense, du genre de consolidation, de concentration et de convergence que nous observons dans notre pays, nous devons nous demander ce que nous pouvons faire?

    Est-ce réaliste de notre part, est-ce même concevable d'imposer des limites et de démanteler ces empires? Si le gouvernement et le pays avaient donné une suite positive aux recommandations de Davey il y a 30 ans ou aux recommandations de Kent il y a 20 ans, nous ne ferions peut-être pas face à ce défi aujourd'hui. Mais les gouvernements de l'époque n'ont pas donné de suite et ce modèle continue à persister.

    Est-ce réaliste ou est-ce une idée complètement dingue que d'envisager le démantèlement de l'entreprise qui est propriétaire de CTV, de CanWest ou de Rogers? Est-ce que ça va beaucoup trop loin? Faut-il s'y prendre autrement?

Á  +-(1125)  

+-

    M. Paul Boin: À ce propos, je pense que la meilleure façon de commencer serait d'imposer un genre de moratorium, si l'on veut, sur la toute nouvelle consolidation et concentration dans les médias, comme Mme Larouche l'a mentionné.

+-

    M. John Harvard: Un gel.

+-

    M. Paul Boin: Oui, dans différents secteurs, mais cela dépend du niveau des concentrations. Là où ça semble constituer un problème et compromettre une véritable diversité de voix, j'estime effectivement qu'il devrait y avoir un gel. À bien des égards, cela correspond à l'intérêt de certaines de nos entreprises médiatiques qui commencent à devenir des mégasociétés. À cause de ces acquisitions successives, elles ont maintenant un niveau d'endettement tel qu'elles commencent à avoir des ennuis, comme c'est le cas pour Quebecor à l'heure actuelle.

    Nos lois ont souvent été rédigées de façon à protéger la liberté de parole contre la censure du gouvernement, comme le premier amendement aux États-Unis, la Charte des droits et des libertés au Canada, ou l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Mais avec l'essor de la société commerciale moderne, les sociétés médiatiques sont devenues l'institution sociale dominante de notre société. Ce serait irresponsable d'éviter de rajuster nos politiques en conséquence, et éventuellement nos lois. L'absence de mesures permettrait aux puissants de...

+-

    M. John Harvard: Y a-t-il un pays dont le modèle pourrait nous servir d'inspiration? Connaissez-vous un pays qui semble avoir trouvé le bon équilibre?

+-

    M. Paul Boin: Certains pays ont des politiques prometteuses. Par exemple, en Suède, un certain pourcentage des recettes des mégasociétés médiatiques sert à financer les nouvelles voix indépendantes qui commencent à apparaître. Mais sur le plan international, nous sommes aux prises avec cette version de la mondialisation de l'entreprise qui étouffe la diversité, qui crée l'homogénéité et qui impose sur tout le monde cette éthique basée sur la privatisation et la déréglementation.

    Ce n'est pas un argument contre l'entreprise, mais je parle plutôt en faveur de la responsabilité du marché commercial. S'il y avait vraiment de la concurrence, on tiendrait compte de certaines des préoccupations exprimées ici par les petites entreprises de publicité et celles du secteur des médias. Mais loin d'être un marché libre, ça ressemble davantage à un cartel quand on voit que ces sociétés ont la possibilité de posséder autant de nos médias. Encore une fois, la meilleure façon de protéger la liberté de parole est de faire en sorte que ces sociétés ne dépassent pas une certaine taille.

+-

    Le président: Madame Williams.

+-

    Mme Megan Williams: Je voulais juste dire quelques mots qui abondent dans le même sens que les propos de Mme Lill concernant l'assurance que le CRTC applique ses propres règlements. Il a précipitamment renouvelé pour sept ans les permis des deux grandes radiotélédiffuseurs et on ne leur a pas demandé de rendre des comptes. Il est peut-être irréaliste de croire qu'on puisse démanteler les grands radiodiffuseurs, mais on peut quand même s'attendre à ce qu'ils soient obligés de respecter les règlements qui existent déjà.

+-

    Le président: Vous vouliez ajouter quelque chose, monsieur Butler.

+-

    M. Dean Butler: Pour revenir aux propos de M. Boin, je crois que le plus grand problème au cours des 10 dernières années a été que le petit nombre de propriétaires a nui à la concurrence au Canada. Par conséquent, nous nous trouvons dans une oligarchie ou dans certains cas un monopole, ce qui ne profite ni au secteur ni au public. Quant à une concentration accrue, c'est sans doute une question que nous devrions examiner.

    La propriété multimédia devient très dangereuse. Si on prend le secteur de la radio et de la télévision dans son ensemble, il y a peut-être assez de concurrence. Par contre, les journaux sont une grande préoccupation parce qu'il y a beaucoup de concentration dans deux secteurs. Mais on constate une baisse de la concurrence. Cela entraîne une perte d'efficacité et de capacité à répondre aux besoins de l'économie.

+-

    Le président: Monsieur Tremblay—et nous allons terminer cette discussion avec vous.

Á  +-(1130)  

[Français]

+-

    M. Gaëtan Tremblay: Nous avons parlé du rôle du CRTC. Je voudrais aussi faire un souhait concernant l'appareil gouvernemental dans son ensemble.

    Je suis loin d'être convaincu qu'il ait été heureux de séparer les aspects industriels et les aspects culturels dans l'administration fédérale. D'un côté, on a ce qui concerne la culture dans un petit ministère--petit non pas à cause de son mandat, mais à cause de ses ressources financières--, et de l'autre, on a les aspects économiques dans un gros ministère, celui de l'Industrie. Je pense que c'est disproportionné et que cela empêche la prise en compte d'éléments nécessairement indissociables dans une société contemporaine. La culture, c'est aussi du business. Quand, au ministère de l'Industrie, on prend des décisions à partir de critères purement économiques et que cela s'oppose à d'autres critères purement culturels, cela empêche l'élaboration d'une politique cohérente.

+-

    Le président: C'est tout à fait logique. C'est une logique dont on ne peut pas débattre. D'un côté, on dit qu'il faut protéger la culture et de l'autre, on dit que c'est un business.

[Traduction]

    Juste avant de conclure, je voudrais revenir à ce qu'a dit M. Butler. La semaine dernière, des témoins ont recommandé de scinder la presse et les radiodiffuseurs, et ils ont été très véhéments. Aujourd'hui, vous nous avez dit que nous devons empêcher que les entités régionales et locales ne soient emportées par cette vague de concentration et de convergence. Aujourd'hui, on a également dit que le CRTC devrait appliquer ses propres règlements en vue de protéger les intérêts culturels.

    Puisque vous y avez fait allusion aujourd'hui, que pensez-vous de ces recommandations de séparer la presse et la radiotélédiffusion? Comment pouvons-nous protéger les intérêts régionaux et locaux? Pensez-vous que le CRTC devrait s'en charger, ou voulez-vous qu'on revienne en arrière et qu'on fasse davantage pour renverser la tendance?

+-

    M. Dean Butler: Je crois que le CRTC a fait tout ce qu'il a pu pour protéger la culture. Pour faire encore mieux à l'avenir, le CRTC pourrait peut-être examiner l'impact économique de ses décisions. Ce sujet a d'ailleurs été abordé ici.

    L'aspect le plus important de la propriété réciproque est de savoir ce qu'ils vont en faire. Moi je pense que CanWest choisira de fermer ses stations de télévision dans le petit marché limité que représente la Colombie-Britannique et de ne les utiliser que comme relais pour transmettre les signaux de publicité nationaux, ce qui forcera les gens à faire de la publicité dans ses journaux locaux. Je crois que c'est une mauvaise façon de procéder.

    Si les deux doivent être séparés,  je ne sais pas dans quelle mesure ce sera possible. Des représentants du Bureau de la concurrence m'ont demandé mon avis sur cette question il y a plusieurs années. Je leur ai dit qu'on ne devrait pas les laisser fonctionner en tant qu'entité unique. Si elles fonctionnent en tant qu'entreprises autonomes et qu'elles maintiennent leur compétitivité au sein de leurs secteurs respectifs—c'est-à-dire la presse ou la télévision—je ne crois pas qu'il y aura de problème. Mais lorsqu'elles veulent exercer leur contrôle au-delà de leur propre sphère et s'immiscer dans toutes les facettes du secteur, c'est là que je commence à me poser de sérieuses questions.

+-

    Le président: Y a-t-il d'autres commentaires avant de clore la séance?

    Monsieur Morin.

[Français]

+-

    M. Michel Morin: Je demanderais que le CRTC soit beaucoup plus à l'écoute des petits marchés et qu'on n'ait pas à arriver devant le CRTC avec une batterie d'avocats et de spécialistes en communications. J'aimerais qu'on puisse arriver avec un projet tout à fait simple, comme ceux qu'on a, et que le CRTC l'étudie sans nécessairement demander à Transcontinental, à Corus ou à Astral si on peut entrer dans le marché pour faire de la publicité. J'aimerais que le CRTC analyse tout simplement ce qui se passe sur le terrain et nous accorde une licence en conséquence.

    J'ai déjà demandé une licence très spécifique en information et elle m'a été refusée. Donc, je demanderais qu'il y ait beaucoup plus d'écoute et qu'on analyse les projets qui pourront être proposés.

Á  -(1135)  

+-

    Le président: Madame Larouche.

+-

    Mme Chantal Larouche: Comme on l'a mentionné un peu plus tôt dans notre intervention, il y a des transactions de propriété mixte et de propriété croisée qui ont été acceptées. Pour la Fédération nationale des communications, c'est un problème qui ne devrait pas exister. On parle de grands groupes de presse comme Quebecor. Power pourrait faire la même chose. Nous continuons de penser que les journaux et la télévision sont des médias qui sont extrêmement consultés par les gens pour s'informer et qu'il aurait fallu maintenir un mur très étanche entre ces deux médias d'information, mur qui, malheureusement, a été considérablement effrité au cours des dernières années.

-

    Le président: Merci beaucoup de votre comparution d'aujourd'hui. Je pense que ça été très instructif pour nous.

[Traduction]

    Nous l'apprécions beaucoup.

    Nous n'allons pas lever la séance, parce que les membres se sont entendus pour tenir une réunion informelle pour discuter des travaux futurs du comité. Ce sera officieux, parce que nous n'aurons pas le quorum.

    Merci beaucoup. Le reste de la séance se poursuivra à huis clos.

    [La séance se poursuit à huis clos.]