Passer au contenu

HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 8 avril 2003




º 1615
V         La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.))
V         Mme Laurell Ritchie (représentant national, Organisation du travail et formation, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile)

º 1620

º 1625
V         La présidente
V         M. Kenneth Georgetti (président, Congrès du travail du Canada)

º 1630

º 1635
V         La présidente
V         M. Kenneth Georgetti
V         La présidente
V         M. Gary Grenman (directeur général, L'Alliance des conseils sectoriels)

º 1640

º 1645
V         La présidente
V         M. Dick Proctor (Palliser, NPD)
V         Ms. Tamara Levine (Co-ordinator, Workplace Literacy Project, À titre individuel)
V         M. Dick Proctor

º 1650
V         Mme Laurell Ritchie
V         La présidente
V         M. Gurbax Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.)
V         Mme Laurell Ritchie
V         M. Gurbax Malhi
V         Mme Tamara Levine

º 1655
V         M. Gurbax Malhi
V         M. Kenneth Georgetti
V         M. Gurbax Malhi
V         M. Kenneth Georgetti

» 1700
V         Mme Laurell Ritchie
V         La présidente
V         Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ)

» 1705
V         M. Kenneth Georgetti
V         Mme Tamara Levine
V         Mme Jocelyne Girard-Bujold
V         Mme Laurell Ritchie

» 1710
V         La présidente
V         M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.)
V         M. Kenneth Georgetti
V         M. Raymond Simard
V         M. Kenneth Georgetti
V         M. Raymond Simard
V         Mme Laurell Ritchie

» 1715
V         M. Raymond Simard
V         Mme Tamara Levine
V         Mme Laurell Ritchie
V         M. Raymond Simard
V         Mme Laurell Ritchie
V         M. Raymond Simard
V         M. Kenneth Georgetti
V         M. Raymond Simard
V         La présidente
V         M. Raymond Simard
V         M. Gary Grenman
V         M. Raymond Simard
V         M. Gary Grenman
V         M. Raymond Simard
V         M. Gary Grenman
V         La présidente
V         M. John Finlay (Oxford, Lib.)

» 1720
V         Mme Laurell Ritchie

» 1725
V         M. John Finlay
V         Mme Laurell Ritchie
V         Mme Tamara Levine
V         La présidente
V         Mme Jocelyne Girard-Bujold

» 1730
V         M. Kenneth Georgetti
V         La présidente
V         M. Kenneth Georgetti
V         La présidente
V         M. Kenneth Georgetti
V         La présidente
V         M. Raymond Simard
V         M. Gary Grenman
V         M. Kenneth Georgetti
V         La présidente










CANADA

Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 023 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 8 avril 2003

[Enregistrement électronique]

º  +(1615)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.)): Je déclare ouverte la 23e séance du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées.

    Je vous remercie, monsieur Tonks, de nous avoir aidés à atteindre le quorum cet après-midi. 

    Nous poursuivons notre étude sur l'alphabétisation, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement. Nos témoins sont là, et je vais leur demander de se présenter eux-mêmes.

    Madame Ritchie, c'est à vous de commencer.

+-

    Mme Laurell Ritchie (représentant national, Organisation du travail et formation, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile): Je m'appelle Laurell Ritchie, et je fais partie du service de recherche, de l'organisation du travail et de la formation au Syndicat des travailleurs unis de l'automobile.

    Nous sommes heureux de pouvoir venir ici vous parler d'alphabétisation en milieu de travail, étant donné, en particulier, que les Nations Unies ont décrété que 2003 serait l'année de l'apprentissage des adultes, alors même que le gouvernement d'Ottawa venait d'annoncer qu'il s'engageait à augmenter de 25 p. 100 les crédits d'alphabétisation des adultes dans le cadre de son programme d'acquisition de compétences et d'apprentissage.

    Dans la première partie de mon exposé, j'aimerais donner un aperçu des éléments clés du programme d'alphabétisation en milieu de travail que nous appliquons dans les trois grands de l'automobile. Peut-être avez-vous reçu des exemplaires de l'un des accords contractuels, celui que nous avons signé avec DaimlerChrysler. Nous en avons signés de semblables avec General Motors, et avec Ford. Ils sont inspirés d'un modèle qui a été utilisé dans l'ensemble du pays pour les cours en milieu de travail organisés par les syndicats. En Ontario, où l'on trouve l'entente la plus ancienne, c'est ce qu'on appelle éducation de base pour la formation professionnelle, ou BEST. On en trouve d'autres variantes ailleurs. Il y a eu un programme appelé WEST, et un autre appelé EST, etc. Le programme le plus important, cependant, est celui de l'Ontario. C'est avec le programme BEST que nous avons signé le plus grand nombre d'ententes. Ce programme a aussi été utilisé par d'autres syndicats.

    Il se trouve que le programme BEST s'est fait couper l'herbe sous le pied; c'est important de le savoir pour comprendre la façon dont nous devons procéder pour assurer la continuité à long terme des cours d'alphabétisation en milieu de travail. Le robinet a été fermé en 1997, lorsque le gouvernement de Michael Harris a annoncé, le 27 mai, que les cours d'alphabétisation et d'éducation de base donnés en milieu de travail ou organisés par l'intermédiaire du lieu de travail n'obtiendraient plus de financement. On a vu ainsi disparaître l'infrastructure du programme que nous avions mis en place et dont se servaient les travailleurs syndiqués pour organiser leurs propres activités en milieu de travail.

    Dans l'intervalle, nous avons essayé d'assurer la pérennité de ce programme. Il en était encore question dans les négociations collectives de l'autonome dernier. Même si nous en sommes très fiers, il s'agit de toute évidence d'un programme fragile. Nous devons constamment le défendre dans la négociation et son avenir est très incertain lorsqu'il ne reçoit pas de soutien extérieur. Il n'existe pas de politique et d'infrastructure publique pour venir en aide à ce genre d'activités.

    Je voudrais vous en présenter les éléments essentiels, qui sont énumérés dans les documents qu'on vous a remis. Tout d'abord, il est consacré dans nos conventions collectives; ce n'est donc pas un atout qu'on peut accorder un jour pour le supprimer le lendemain. Nous aimerions que cette consécration soit stipulée dans une loi, de façon que le programme ne profite pas seulement à quelques privilégiés protégés par une convention collective, qui ont le pouvoir de négociation nécessaire pour l'obtenir. L'existence de ce programme ne dépend nullement du grand nombre de nos adhérents au Canada. Il existe parce qu'il est consacré dans nos conventions collectives.

    Il s'applique pendant 37 semaines par année, à raison de quatre heures par semaine. Deux des heures hebdomadaires sont fournies par le travailleur sur ses heures de loisir, les deux autres étant fournies par l'employeur et prélevées sur le temps de travail rémunéré.

Vous imaginez bien qu'il n'a pas été facile de négocier les heures de cours en milieu de travail pour que les cours puissent avoir lieu pendant le temps de travail, sans venir s'ajouter à une longue journée ou une longue semaine de travail. Sans ce genre de disposition, ceux qui ont le plus besoin des cours et qui sont les plus déterminés à obtenir de l'aide n'auraient pas pu y participer. Je pense aux femmes qui ont des enfants—et d'ailleurs, il faut maintenant parler des hommes qui ont des enfants—et qui veulent se prévaloir de ce genre de cours. Il fallait éviter tout effet dissuasif.

    Par ailleurs, le programme fait appel à des pairs instructeurs, c.-à-d. des camarades de travail qui sont formés pour devenir instructeurs et pour appliquer des modèles spécifiques à la formation de l'élève adulte. Les cours mettent l'accent sur l'aptitude à la pensée critique ainsi que sur l'acquisition des connaissances de base en lecture, écriture et mathématiques; dans certains cas, on aide le participant à atteindre le niveau du test de connaissances générales ou de la 12e année.

    Dans le cadre de l'entente, l'employeur s'engage à prendre en charge non seulement le coût initial de l'évaluation des besoins et des entrevues, mais aussi le temps de formation de l'instructeur—et non pas la formation à proprement parler, qui fait partie de ce que nous avons perdu avec le programme BEST—ainsi que le temps passé à la préparation des cours et la durée des classes. Cette contribution s'ajoute aux deux heures fournies par chaque participant.

    Il y a d'autres éléments du programme dont on pourrait parler, mais nous n'y consacrerons pas notre temps de parole. Je dirai simplement que c'est un excellent programme, sinon qu'il est fragile et difficile à étendre à d'autres milieux de travail. Avec d'autres syndicats, nous l'avons appliqué ailleurs, mais lorsque le gouvernement ontarien a supprimé son soutien modeste mais indispensable au programme BEST, les cours ont été supprimés dans plusieurs entreprises.

    Pour terminer, la grande question pour nous consiste à deviner comment le gouvernement va honorer son engagement d'augmenter de 25 p. 100 sa contribution à l'alphabétisation des adultes dans le cadre de son programme d'acquisition de connaissances et d'apprentissage. Il est indiscutable que ce programme répond à un besoin essentiel. Si le Canada veut appliquer une véritable stratégie du développement du marché de la main-d'oeuvre, ce programme doit impérativement en faire partie.

    Nous voulons insister sur le fait que quand nous parlons d'alphabétisation et d'acquisition de compétences fondamentales, ce n'est pas des compétences essentielles qu'il est question. Pour ceux qui connaissent bien le domaine de l'alphabétisation, ce sont là des notions très différentes. Les compétences essentielles désignent le plus souvent des compétences qui ne viennent pas s'ajouter à l'acquis mais qui sont très spécifiques à l'emploi. Ce n'est pas vraiment le genre de programme dont nous parlons ici.

    Nous avons absolument besoin d'un modèle pancanadien. Peut-être faudrait-il revenir en arrière et reprendre en considération un projet de loi d'initiative parlementaire présenté il y a une dizaine d'années, une loi sur l'alphabétisation au Canada, où il était question du droit à l'alphabétisation; il nous faudrait une sorte de loi sur les apprenants adultes. Cette loi pourrait comprendre divers éléments, notamment des dispositions modifiant la Loi sur l'assurance-emploi, des dispositions étendant le programme de partage du travail pendant l'apprentissage—c'est un progrès très prometteur—et des dispositions précisant la façon dont les sociétés qui obtiennent des contrats du gouvernement fédéral doivent se conformer aux exigences du contrat en matière de formation et de perfectionnement. Les exigences en question devraient notamment porter sur l'alphabétisation.

    Nous allons négocier ce que nous pouvons, où nous pouvons et quand nous le pourrons. Mais sans l'apport de fonds publics, nos possibilités resteront limitées et notre action en matière d'alphabétisation ne sera jamais totalement garantie pour l'avenir. Dans de nombreux domaines, nous avons appris que lorsque les infrastructures font défaut, les engagements des employeurs ne tardent pas à se volatiliser.

º  +-(1620)  

    Nous savons que d'autres modèles ont été considérés. Le Québec applique une taxe de formation de 1 p. 100, qui présente des inconvénients mais qui, sur d'autres points, propose un bon modèle.

    Nous voulons insister sur la nécessité d'une règle essentielle pour que le syndicat devienne un partenaire dans l'élaboration du contenu des cours destinés aux travailleurs et dans leur organisation.

    Enfin, il nous faut un modèle qui n'impose pas intégralement le fardeau des coûts aux travailleurs. On devrait leur reconnaître le droit à cette forme d'apprentissage, d'éducation et de perfectionnement.

    Il faudrait aussi parler du développement du réseau d'enseignement public, des centres d'apprentissage gratuit pour adultes et du transfert des responsabilités en enseignement postsecondaire, qui doit s'accompagner de mesures obligeant à rendre des comptes, ainsi que de l'augmentation du financement du Secrétariat national à l'alphabétisation. Nous ne voulons pas que ces différents éléments soient engloutis dans les négociations sur l'union sociale avec les provinces, où tout le monde tente de se démarquer des engagements pris précédemment. On oblige en particulier le Secrétariat national à l'alphabétisation à jouer au jeu à somme nulle. Après avoir fait la promotion de l'alphabétisation, à laquelle nous avons tous participé, une fois que chacun a présenté ses projets, on nous annonce que nos budgets sont supprimés à cause du jeu à somme nulle. Ce n'est pas à ce jeu-là que le gouvernement fédéral devrait jouer s'il veut honorer son engagement d'augmenter de 25 p. 100 sa contribution à l'alphabétisation.

    Merci.

º  +-(1625)  

+-

    La présidente: Merci.

    À vous, monsieur Georgetti.

+-

    M. Kenneth Georgetti (président, Congrès du travail du Canada): Merci.

    Moi aussi, je suis très heureux d'être ici aujourd'hui en tant que représentant des deux millions et demi de membres du Congrès du travail du Canada et de ses syndicats affiliés.

    L'alphabétisation est un thème qui me tient personnellement à coeur. J'ai constaté moi-même les difficultés et les contraintes qu'imposait l'analphabétisme à mes compagnons de travail, il y a bien des années, à Trail en Colombie-Britannique, ainsi que les transformations extraordinaires qui surviennent lorsque les travailleurs ont eux aussi la possibilité d'apprendre.

    Il est certes encourageant de voir que dans deux discours du Trône, le gouvernement a reconnu l'importance de l'alphabétisation, qui doit servir de point de départ aux étapes ultérieures de l'éducation et de la formation, et qu'il est aussi question d'alphabétisation dans la stratégie en matière de compétences et dans la stratégie de l'innovation, mais nous, nous affirmons qu'il est maintenant urgent de passer à l'action.

    Le mouvement syndical participe activement, depuis longtemps, à l'éducation et à la formation continue. En fait, ce sont les syndicats du XIXe siècle qui ont fait pression pour obtenir l'enseignement public universel et les bibliothèques; ce sont eux aussi qui ont commencé à faire la promotion de l'acquisition des compétences par l'intermédiaire des syndicats professionnels. Aujourd'hui, c'est le mouvement syndical qui offre le plus vaste programme de formation des adultes grâce à des cours destinés à la main-d'oeuvre et proposés dans l'ensemble du pays. J'ajoute qu'il n'existe pas de programme plus important de formation des adultes au Canada.

    Nos syndicats sont les mieux placés pour négocier l'appui des employeurs à l'alphabétisation, comme l'a dit Laurell à propos de l'excellent programme des Travailleurs unis de l'automobile, mais nous avons besoin de soutien pour sensibiliser les Canadiens à la nécessité d'étendre nos capacités dans ce domaine.

    Au cours des 15 dernières années, nous avons redoublé d'effort pour proposer des programmes d'alphabétisation à nos membres et nous avons souvent été à l'avant-garde de l'alphabétisation en milieu de travail, qui permet aux travailleurs d'améliorer leurs compétences et de participer plus efficacement aux activités en milieu de travail, au sein de la société et à l'intérieur même de leurs syndicats. Les travailleurs sont des citoyens. En tant que syndicats, nous sommes présents dans toutes sortes de milieux de travail et dans toutes les régions du Canada; nous sommes prêts à servir de véhicule pour rejoindre tous les travailleurs et leur proposer de la formation, notamment en alphabétisation.

    En tant que syndicats, nous sommes reconnus pour le rôle légitime que nous jouons en milieu de travail pour intégrer des questions comme l'alphabétisation aux revendications abordées à la table des négociations auprès des employeurs. Nous avons rapporté de nombreux succès dans ce domaine, comme vient de vous le montrer Laurell.

    Nous nous sommes engagés à rendre nos syndicats plus facilement accessibles à nos membres en faisant un effort en matière de clarté du langage. Nous y avons consacré des ressources, nous proposons des cours aux syndiqués et nous donnons de la formation à notre personnel pour que nos communications et nos programmes soient plus complets et plus accessibles.

    Les syndicats ont obtenu par la négociation plusieurs formes de soutien des travailleurs aux efforts d'alphabétisation, notamment des heures rémunérées qui sont consacrées à la formation, à raison d'un certain nombre de cents par heure travaillée qui sont versés dans un fonds, des heures de formation pour les employés, un pourcentage de la masse salariale, des programmes de congé payé, des avances sur les frais de scolarité, etc. Bien souvent, les programmes d'origine syndicale peuvent servir de modèles et élever la norme de formation, ce dont profitent ensuite les milieux de travail non syndiqués.

    Nous savons ce qu'il advient actuellement de la formation en milieu de travail. Pour l'essentiel, les employés qui ont atteint le niveau le plus élevé d'éducation et de formation et qui occupent des postes administratifs et techniques sont ceux qui bénéficient le plus des nouveaux programmes de formation, alors que ceux qui sont au bas de l'échelle n'en bénéficient pratiquement pas, alors même que leurs compétences rétrécissent parce qu'ils n'ont aucun programme de perfectionnement. Le mouvement syndical joue un rôle essentiel de promotion, de conception et de prestation de l'alphabétisation des adultes, en particulier en milieu de travail, et il assure l'égalité d'accès à la formation pour tous les éléments de la main-d'oeuvre, et non pas uniquement pour les groupes supérieurs. C'est particulièrement essentiel pour les membres les plus vulnérables de la main-d'oeuvre, notamment les femmes, les travailleurs des minorités visibles, les travailleurs autochtones et, évidemment, les travailleurs handicapés.

    L'alphabétisation est un élément important des rapports en milieu de travail. Elle est en constante évolution.

    Le milieu de travail offre une bonne possibilité d'apprentissage car les cours en milieu de travail sont plus commodes, puisque les travailleurs sont déjà sur place. Pour les travailleurs vulnérables qui risquent d'être licenciés ou mutés, il est indiscutable, à mon avis, que l'apprentissage est plus efficace lorsqu'un travailleur jouit de la dignité d'un emploi tout en bénéficiant d'un chèque de paye. Mais l'apprentissage doit être axé sur le travailleur, le citoyen et l'individu, et non pas centré autour des besoins de l'employeur ou du milieu de travail. Il doit tenir compte des besoins du travailleur en tant que citoyen, parent et membre de la collectivité. La formation en alphabétisation est plus efficace lorsqu'il s'agit non pas d'un cours autonome, mais d'un cours intégré dans un programme plus général de formation.

    L'alphabétisation n'est pas pour autant une solution miracle. La sensibilisation, le renforcement de la confiance, l'établissement de partenariats et l'organisation des cours sont des processus de longue haleine. On a souvent affaire à des travailleurs qui ont eu de mauvaises expériences à l'école et qui n'apprennent que lentement à croire en eux-mêmes et en leur capacité d'apprendre.

º  +-(1630)  

    De plus, et c'est encore plus important, il nous faut des systèmes d'enseignement public dynamiques et solides qui offrent à nos enfants une bonne éducation de la maternelle au niveau postsecondaire. Cependant, pour les adultes qui ont des besoins particuliers en matière d'alphabétisation, il faut une infrastructure publique assortie de financement approprié qui soit chargée de la prestation des programmes pertinents. L'employée dont je ne saurais me passer, Tamara, me dit qu'une fois que vous avez atteint l'âge de 21 ans, rien ne garantit votre accès à l'éducation même si vous en avez de besoin.

    Toutes les provinces n'offrent pas le même niveau d'aide aux campagnes d'alphabétisation et peu de ressources financières sont réservées à l'alphabétisation en milieu de travail; pourtant, des millions de Canadiens adultes se retrouvent dans ce grand vide qui existe entre le secteur de la maternelle à la douzième année et le secteur de l'éducation postsecondaire. Il nous faut tout au moins un système complet qui reconnaît comme droit pour tous l'accès gratuit à l'éducation pour adultes jusqu'à l'obtention d'un diplôme d'études secondaires.

    Il y a trop d'exemples d'initiatives offertes en milieu de travail et par les syndicats qui ont disparu simplement en raison de compressions budgétaires dans les provinces. Parmi ces programmes, comme on l'a signalé, on retrouve le programme BEST de l'Ontario Federation of Labour en 1977 et un programme d'adaptation de la main-d'oeuvre en Colombie-Britannique appuyé par Forest Renewal B.C. et le Healthcare Labour Adjustment Agency au cours des dernières années.

    Nous savons que nous pouvons accomplir beaucoup lorsque les ressources existent. Nous le savons. Nous savons également que le financement accordé par le gouvernement aux syndicats peut encourager les employeurs lors des négociations collectives à offrir un financement de contrepartie. Je crois que c'est un aspect très important parce que très souvent nous pouvons employer un peu de cet argent pour encourager les autres intervenants et les partenaires à participer eux aussi au financement de ces initiatives.

    Le gouvernement peut cependant jouer un rôle puisque l'alphabétisation chevauche à la fois l'éducation et la formation. Il nous faut une stratégie nationale canadienne qui nous permettra de répondre aux besoins en matière d'alphabétisation des adultes, qui n'est la compétence exclusive d'aucun gouvernement. Nous devons adopter un modèle de partenariat avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, avec le secteur des affaires, les syndicats et les collectivités; et nous espérons que le gouvernement fédéral assumera le rôle de maître d'oeuvre.

    Nous avons proposé un plan d'assurance formation grâce auquel des ressources provenant de la caisse d'assurance-emploi seraient employées pour appuyer les travailleurs qui apprendraient sur le tas; nous proposons de lancer un projet pilote au sein du secteur des soins de santé. Ainsi il faudrait assurer, et c'est ce que nous proposons, une réduction des cotisations d'assurance-emploi pour les employeurs qui font un véritable investissement dans la formation dans le cadre d'un programme que l'employeur administrera en collaboration avec les syndicats, afin d'assurer l'équité.

    Il est certainement logique pour nous de nous renouveler en investissant dans les travailleurs moins formés pour qu'ils puissent acquérir des compétences et les connaissances dont ils ont besoin pour assumer des postes assortis de plus grandes responsabilités, pour qu'ils puissent gagner de meilleurs salaires. Il serait donc probablement logique de songer à lancer des projets pilotes dans les milieux de travail qui relèvent du palier fédéral.

    On entend souvent parler—du moins c'est mon cas—des investisseurs étrangers qui viennent au Canada parce qu'ils sont attirés non pas par notre système fiscal, ni notre système de soins de santé, mais plutôt par les compétences et l'éducation de nos travailleurs. Notre main-d'oeuvre vieillit. L'âge moyen des membres du Congrès du travail du Canada est 49 ans. L'âge moyen d'un ouvrier qualifié est 52 ans. Il faut donc absolument permettre à ceux qui en ont de besoin d'occuper des postes qui leur permettront de subvenir aux besoins de leurs familles, et à notre avis cela encouragera les investisseurs à venir au Canada lorsqu'ils deviendront conscients de la compétence de notre main-d'oeuvre.

    Le Secrétariat national à l'alphabétisation de DRHC, je dois le dire publiquement, mérite d'être félicité. Il s'agit là d'un véhicule important d'appui technique et financier accordé au Congrès du travail du Canada, à ses syndicats affiliés, ainsi qu'aux fédérations de travail provinciales et territoriales qui participent à des initiatives d'alphabétisation, depuis 1988. Le Secrétariat a accordé un appui essentiel aux syndicats dans leur désir d'agir dans le dossier de l'alphabétisation en milieu de travail et également au chapitre de la politique publique. Cependant, le Secrétariat ne dispose plus des ressources nécessaires pour répondre à la demande.

    Peut-être sommes-nous devenus victimes de nos propres succès. L'ampleur du problème de l'alphabétisation est aujourd'hui mieux connue et un nombre toujours croissant d'organisations participent à des programmes d'alphabétisation; pourtant le budget du SNA n'a pas augmenté depuis sept ans. C'est honteux. Lors de la dernière ronde de demandes de financement, certains syndicats n'ont reçu aucune aide financière, alors que d'autres ont vu l'aide qu'ils recevaient diminuer de façon marquée; certaines organisations ont donc dû réduire les services offerts à la population.

    Nous désirons vous rappeler, en terminant, que le gouvernement fédéral doit élargir la capacité du SNA afin de lui permettre d'appuyer les syndicats et les autres groupes qui lancent des initiatives d'alphabétisation, si nous tenons vraiment à faire avancer le dossier de l'alphabétisation en milieu de travail.

    Merci.

º  +-(1635)  

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Monsieur Georgetti, comme vous êtes le président du CTC, vous n'êtes évidemment pas étranger au comité, mais vous êtes accompagné par quelqu'un et, peut-être pour aider nos autres membres du comité...

+-

    M. Kenneth Georgetti: En effet, je suis accompagné par Tamara Levine, qui est la responsable du programme d'alphabétisation au Congrès du travail du Canada.

+-

    La présidente: J'imagine, Tamara, que vous pourrez également répondre à nos questions lorsque nous en parlerons.

    Notre dernier exposé sera fait par Gary Grenman, de l'Alliance des conseils sectoriels. Merci, Gary.

+-

    M. Gary Grenman (directeur général, L'Alliance des conseils sectoriels): Je vous remercie de m'avoir donné cette occasion de prendre part à cette table ronde sur le problème de l'alphabétisation en milieu de travail, ce qui me permettra de vous présenter le point de vue du réseau des conseils sectoriels que nous avons créé au Canada. Il s'agit ici d'un problème qui représente une importance vitale pour les entreprises et les travailleurs du Canada, mais également pour tous ceux qui, et ils sont nombreux, sont en passe de s'intégrer au marché du travail.

    Je vais commencer par vous dire quelques mots au sujet des conseils sectoriels. Il s'agit des partenariats qui sont formés lorsque des représentants des employeurs et des employés se réunissent au niveau national afin de travailler en partenariat pour étudier certains problèmes communs en matière de ressources humaines et de perfectionnement des compétences, problèmes qui intéressent les secteurs en question. La plupart de ces conseils comportent également des représentants des pouvoirs publics et du monde de l'éducation.

    Un des objectifs primordiaux consiste à faire en sorte que nous puissions disposer de la palette adéquate des compétences pour assurer la relève nécessaire sur le marché du travail actuel et futur et continuer à nous donner un avantage concurrentiel dans l'économie planétaire. D'après les estimations, les conseils sectoriels ne représentent actuellement que 25 p. 100 environ de la population active canadienne.

    Les conseils sectoriels parlent de problèmes comme par exemple les compétences professionnelles, les normes de compétence et les compétences essentielles qui sont caractéristiques de l'environnement actuel et futur du monde du travail, l'élaboration et l'exécution de programmes de formation professionnelle, les programme de certification et d'accréditation dans l'industrie, les programmes de recrutement, de maintien en poste et de transition, l'information pertinente sur les possibilités de carrière, l'alphabétisation, l'apprentissage électronique et les nouveaux moyens qui permettent d'exécuter des programmes de formation et de perfectionnement des compétences dans un pays si vaste et aussi diversifié que le nôtre.

    Les conseils sectoriels représentent les employeurs et les travailleurs d'un secteur donné et ils peuvent par conséquent déterminer quels sont les programmes nécessaires, quelle priorité leur donner, comment les élaborer et comment les mettre en oeuvre sur un plan national. Cette formule peut servir à assurer une meilleure coordination au niveau national, mais également à optimiser l'utilisation de ressources limitées.

    Les conseils sectoriels sont un excellent modèle de partenariat formé pour trouver des solutions aux problèmes de ressources humaines et de compétences professionnelles. Nous avons besoin de ce réseau pour pouvoir rejoindre une part plus importante de la population active et pour avoir les ressources nécessaires afin de mettre en oeuvre des normes et des méthodes homogènes pour l'industrie.

    Nous connaissons tous les données qui montrent l'incidence très marquée de la disparition de la génération du baby-boom du marché du travail, le vieillissement dramatique de la population active, mais aussi les problèmes majeurs qui se posent à nous si nous n'avons pas une cohorte suffisamment importante de jeunes pour prendre la relève. Pour les nouveaux venus dans la population active, la concurrence sera féroce. On prévoit que d'ici 10 ans, la croissance de la population active au Canada devra à 100 p. 100 être assurée par l'immigration.

    Il est d'ores et déjà acquis que nous vivons dans un monde marqué à l'aune d'une technologie en constante évolution, ce qui a une incidence extrêmement importante sur la population active. J'ai entendu certains PDG évoquer le fait que la technologie se renouvelle tous les deux ans et qu'il faut par conséquent sans cesse assurer la mise à niveau des compétences et les transitions nécessaires. Les travailleurs ayant des carences au niveau de l'alphabétisation ont donc beaucoup de difficulté à se positionner et à assurer la transition nécessaire.

    L'alphabétisation peut se révéler un problème à la fois pour ceux qui travaillent et pour le million de chômeurs ou de sous-employés qui ont besoin de programmes et d'aide à la transition pour pouvoir occuper un emploi. Nous avons tous entendu parler des pouvoirs et de la libération qui peuvent être les produits de l'acquisition de meilleures capacités de lecture et d'écriture. De meilleures capacités dans ce domaine peuvent assurément donner à un employé une plus grande productivité, lui permettre de mieux communiquer et de monter plus facilement dans l'échelle professionnelle, en plus de mitiger certains des impacts des changements technologiques dans la nouvelle économie et l'environnement planétaires. L'État, les enseignants, les employeurs et les particuliers ont tous dans une certaine mesure le devoir de faire en sorte d'améliorer les taux d'alphabétisation chez les plus nécessiteux.

    Les employeurs peuvent obtenir les outils nécessaires pour trouver des solutions aux problèmes de l'alphabétisation en milieu de travail. Nous pouvons travailler de façon plus coordonnée par le truchement des conseils sectoriels et faire en sorte que l'industrie ouvre la voie en formant des partenariats avec les autres parties intéressées.

º  +-(1640)  

    Que font donc les conseils sectoriels dans ce domaine? À l'heure actuelle, bon nombre d'entre eux sont en train d'élaborer ou ont déjà mis en place des programmes d'alphabétisation et d'acquisition des compétences essentielles pour leur propre secteur. Il s'agit par exemple d'intégrer les compétences essentielles dans l'analyse occupationnelle, d'élaborer des méthodes de mise à niveau des compétences, d'intégrer l'alphabétisation et les compétences essentielles dans les programmes de formation, de revoir les manuels de formation pour les rendre plus conviviaux, d'élaborer des outils efficaces à l'intention des employeurs, outils qui pourront être utilisés soit au niveau de la sélection des nouveaux employés ou encore pour permettre aux salariés déjà en poste d'améliorer leurs capacités en matière de lecture, d'écriture et de calcul et d'autres compétences essentielles, de former des partenariats avec des groupes ou des collègues communautaires afin d'adapter des programmes de formation existants pour y intégrer les compétences de base, ou encore adapter les programmes d'alphabétisation en fonction d'un milieu de travail précis, et de procéder dans tel ou tel secteur à des évaluations des niveaux d'alphabétisation et d'acquisition des compétences essentielles.

    Le Canada a déjà effectué des recherches de pointe sur les compétences essentielles au niveau national. La poursuite de ces activités de recherche pourrait favorablement influencer les programmes, activités et méthodes utilisés pour favoriser l'alphabétisation, mais également mettre les instances compétentes sur la piste d'un modus operandi plus coordonné au niveau national.

    Le milieu des conseils sectoriels envisagerait très favorablement une approche plus coordonnée dans le domaine de l'alphabétisation et des programmes d'acquisition des compétences essentielles. Comme vous le savez parfaitement, cela représente un problème de premier plan dans un pays comme le nôtre dans lequel l'éducation et la formation sont du ressort d'ordres de gouvernement différents et qui n'a ni vision, ni politique nationale en matière d'éducation, de formation ou d'alphabétisation.

    Les dix points suivants pourraient aider les conseils sectoriels dans ce domaine fort important.

    En premier lieu, une campagne nationale de sensibilisation à l'alphabétisation et à l'apprentissage qui doit être une priorité au niveau de l'État, de la société, du monde de l'éducation, du monde des affaires et des particuliers.

    En deuxième lieu, la possibilité de déterminer quelles sont les méthodes d'alphabétisation et d'apprentissage qui produisent les meilleurs résultats pour la nouvelle économie et dans un secteur industriel donné.

    En troisième lieu, la mise au point d'outils conviviaux qui peuvent être utilisés par les employeurs pour déterminer les besoins en matière d'alphabétisation et d'apprentissage, ainsi que des programmes de mise à niveau des compétences adaptés au milieu de travail, au secteur et aux employés.

    En quatrième lieu, chose peut-être plus difficile à réaliser, l'accord et la coopération des pouvoirs publics fédéraux et provinciaux sur les démarches et les politiques à adopter pour accroître véritablement le niveau d'alphabétisation au sein de la population active. Comment mettre de l'avant des priorités et un leadership véritablement nationaux?

    En cinquième lieu, reconnaître que le monde de l'alphabétisation est un monde évolutif, qu'il existe déjà de très nombreux programmes qui ont fait leurs preuves, mais également énormément de particuliers et d'organismes qui s'emploient avec passion à offrir au Canada de bons services d'alphabétisation.

    Sixièmement, la difficulté consiste peut-être à déterminer comment assurer une meilleure coordination des efforts déjà entrepris et comment mieux concrétiser cela au niveau du milieu de travail et de l'agenda national.

    Septièmement, un engagement véritablement national à l'endroit de programmes et de financements durables à long terme qui permettraient aux conseils sectoriels et aux autres parties prenantes de mettre en oeuvre et d'exécuter en plus grand nombre de programmes d'alphabétisation en milieu de travail au niveau à la fois national et sectoriel, mais aussi d'évaluer l'efficacité et les résultats de ces initiatives.

    En huitième lieu, les conseils sectoriels savent déjà comment gérer les programmes de transition destinés à la jeunesse. Ce genre de programme pourrait être copié ou modifié en y adjoignant une aide à la transition et à l'alphabétisation à l'intention des sans-emploi et des sous-employés.

    En neuvième lieu, accroître le financement et le nombre des conseils sectoriels afin de rejoindre une plus grande partie de la population active.

    En dixième lieu, les conseils sectoriels pourraient devenir un vecteur utile en vue d'une approche coordonnée et nationale en matière d'alphabétisation en milieu de travail.

    Je vous remercie.

º  +-(1645)  

+-

    La présidente: Merci, monsieur Grenman.

    Nous allons maintenant passer aux questions et aux réponses.

    Je vais donner la parole pour commencer à M. Proctor qui disposera de sept minutes. Vous étiez le premier, et c'est ainsi que je vais procéder, après quoi nous entendrons M. Malhi, puis Mme Girard-Bujold.

+-

    M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Très bien. Merci beaucoup, madame la présidente.

    Je remercie les témoins pour leurs exposés fort intéressants.

    Une chose m'a frappé dans le document d'information qu'on nous a remis. Peut-être que vous ne l'avez pas vu. Si l'on additionne deux catégories, près de la moitié de la population du Canada âgée de 16 ans et plus a de la difficulté à lire au niveau un, ce qui est le niveau de prose le plus bas, ou plutôt le deuxième niveau à partir du bas dans l'échelle de l'alphabétisation.

    Cela fait probablement 50 ans que nous avons l'éducation de base pour tous dans notre pays, et les élèves sont censés fréquenter l'école jusqu'à l'âge de 16 ans. Pourtant, j'ai une connaissance qui enseigne un cours d'introduction à l'anglais au niveau universitaire, et il insiste pour dire que le niveau d'aptitude en langue anglaise—j'ignore si cela s'applique également à la langue française—ne s'améliore pas, il empire.

    Je me tourne vers Mme Ritchie et Mme Levine, qui travaillent dans ce domaine, et je me demande seulement quelles sont leurs observations sur cette question. Seriez-vous d'accord pour dire que nous nous sommes causé un grave problème à cet égard? Pour un pays qui a bien des avantages en sa faveur, il me semble que nous n'allons pas très bien dans ce domaine.

+-

    Ms. Tamara Levine (Co-ordinator, Workplace Literacy Project, À titre individuel): Je pense que bien des gens ont été très surpris par les statistiques qui ont été compilées dans le cadre de l'enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes au milieu des années 90. On a étudié l'ensemble de la population adulte, à partir de l'âge de 16 ans.

    Cela s'explique par un certain nombre de raisons. La première est que les personnes âgées n'ont pas nécessairement eu la chance de faire des études aussi poussées qu'elles l'auraient voulu. Les gens devaient quitter l'école pour des raisons financières ou familiales. Il y a aussi les immigrants, qui peuvent savoir lire et écrire dans leur langue maternelle, mais pas nécessairement en anglais ou en français.

    Ensuite, il y a les plus jeunes et, comme vous le dites, les résultats de ce groupe sont les plus étonnants. Il y a certainement des lacunes dans le système scolaire. Il n'a pas donné de très bons résultats pour beaucoup de jeunes adultes canadiens, sans compter ceux qui sont plus âgés. Il y a par ailleurs des écarts sur le plan de la langue. Certaines minorités francophones hors Québec n'ont pas toujours eu accès à l'éducation dans leur langue maternelle, notamment au Nouveau-Brunswick, en Ontario et dans d'autres provinces. Cela a été problématique.

    Il y a aussi les niveaux de revenu. Le facteur le plus déterminant du succès scolaire d'un enfant est le revenu de ses parents. Nous savons tous que les enfants qui habitent dans des quartiers pauvres n'ont pas accès à un enseignement de la même qualité. Quoique l'instruction publique soit sensée être un grand facteur d'égalisation, ces écarts continuent d'exister quand les enfants n'ont pas assez à manger et qu'ils n'ont pas accès à une éducation de qualité.

    Voilà pour l'éducation.

    Il faut aussi tenir compte de ce qui se passe une fois que les gens ont quitté l'école. Parfois, après la fin des études et quelques années passées sur le marché du travail, nous n'avons pas l'occasion d'utiliser ces habilités. Nos lieux de travail ne sont pas nécessairement riches sur le plan de l'alphabétisation, comme certains l'ont fait remarquer. Les habilités étaient peut-être intactes en sortant de l'école, mais elles deviennent rouillées au fur et à mesure que nous progressons dans notre vie adulte et que nous ne les utilisons pas nécessairement, et que nous n'avons pas l'occasion de suivre de la formation ou du perfectionnement en milieu de travail de manière à actualiser ces compétences.

    J'ignore si d'autres intervenants veulent dire un mot là-dessus.

+-

    M. Dick Proctor: Je voudrais poser une question supplémentaire.

    Il est évident que les syndicats sont fortement engagés dans ce domaine. Madame Ritchie, vous représentez les travailleurs de l'automobile. Je sais que les travailleurs de l'automobile sont présents dans beaucoup d'entreprises, pas seulement les trois grands de l'automobile. Mais que font les fabricants d'automobile? Sont-ils engagés à cet égard? Travaillez-vous avec les employeurs là-dessus?

    J'ignore si cette question s'adresse à vous ou bien à M. Georgetti.

º  +-(1650)  

+-

    Mme Laurell Ritchie: Eh bien, nous travaillons avec eux, mais je l'ai dit tout à l'heure, c'est une situation fragile. Il y a d'autres priorités et, bien souvent, cette question n'est pas prioritaire.

    L'expérience sur le terrain est très différente d'un lieu de travail à l'autre. Nous avons vécu la fermeture du troisième quart à l'usine de Brampton, et ce groupe avait généralement un niveau de scolarité plus élevé.

    Par contre, nous sommes en train de vivre une autre fermeture à l'usine de pièces de DaimlerChrysler à Ajax, et je suis en train d'élaborer un profil de ces travailleurs. Nous avons beaucoup plus de femmes, beaucoup plus de personnes qui sont venues de l'étranger, et une majorité de gens qui n'ont pas terminé la douzième année. C'est donc un tableau complètement différent.

    Je m'occupe des fermetures et des mises à pied. Cela fait partie de mon travail. Et je peux vous dire que quand je passe en revue, presque automatiquement, la série de questions permettant de dresser le portrait de la main-d'oeuvre afin d'avoir une idée des besoins en matière d'adaptation, plus souvent qu'autrement, je demande au comité de travailleurs s'il y a des problèmes d'alphabétisation, et très souvent, on me répond que non, qu'il n'y a aucune problème. Ensuite, quelques semaines plus tard, nous recevons des coups de téléphone de membres du comité, pris de panique, qui nous disent qu'ils ont plein de gens qui sont incapables de remplir leur carte de déclaration du prestataire d'AE parce qu'il y a plein de choses qu'ils ne comprennent pas.

    On sait que c'est encore très gênant pour les gens de parler de cela. Nous en avons des cas même parmi ceux qui ont complété la douzième année. Souvent, dans le cadre d'un programme d'adaptation, ce qui arrive, c'est que tous ceux qui ont dit oui, j'ai terminé les études secondaires, sont subitement paniqués et terrorisés à l'idée qu'on va peut-être leur demander de subir un test quelconque. Pour les travailleurs plus âgés, la douzième année, cela date de très longtemps, et comme nous le savons tous, j'en suis certaine, à moins que l'on utilise les mathématiques et autres matières plus souvent... enfin, on l'utilise ou bien on l'oublie.

    Par ailleurs, notre pays a un bilan peu reluisant en matière de politique d'immigration, puisque pendant des années, c'était seulement le chef de famille, habituellement l'homme, à qui on offrait de suivre des cours de langue, en anglais ou en français. Nous sommes donc encore aux prises avec les conséquences de cette politique. Ce n'est plus le cas, mais ces gens-là sont encore sur le marché du travail.

    Je suis par ailleurs d'accord avec Tamara pour dire que dans bien des lieux de travail, un éventail très étroit d'aptitudes sont réellement utilisées dans le cadre du travail. On a beau faire tout un plat et dire qu'il faut telles ou telles compétences pour réussir dans beaucoup d'emplois, ce n'est tout simplement pas le cas. C'est peut-être un élément qui permet d'écarter des candidats au moment de l'embauche, mais ce n'est pas vraiment nécessaire pour faire le travail.

+-

    La présidente: Monsieur Malhi, allez-y.

+-

    M. Gurbax Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Quel programme d'encouragement le syndicat offre-t-il aux employés et quel niveau de collaboration obtenez-vous de la part des employés?

+-

    Mme Laurell Ritchie: Excusez-moi, voulez-vous dire de la part de l'employeur?

+-

    M. Gurbax Malhi: Non, du point de vue du syndicat. Quel encouragement offre-t-on à l'employé et quelle collaboration obtient-on de la part de l'employé?

+-

    Mme Tamara Levine: Je crois que ce qui est vraiment intéressant ici, c'est le temps pour apprendre. Nous savons tous combien nous sommes occupés. Nous adultes, travaillons, avons des familles, des responsabilités, et il est très difficile de trouver le temps d'aller suivre des cours du soir, même si on en a très envie. C'est encore plus difficile lorsque l'on travaille par roulement, ou que l'on travaille de nuit car il n'y a tout simplement pas de cours que peuvent offrir le collège communautaire, la commission scolaire ou d'autres programmes d'éducation permanente.

    Ce que peut faire le syndicat, c'est négocier des conditions qui favorisent l'apprentissage et pour beaucoup, il s'agit de temps. Le programme décrit par Laurell avec les trois grands a été négocié pour quatre heures par semaine, deux heures de temps de travail et deux heures sur le temps de l'employé et c'est un incitatif énorme.

    Être en mesure de suivre un cours pendant ses heures de travail à un endroit où l'on se trouve déjà, ce qui évite des problèmes de transport, les problèmes de garderie et tous les problèmes qu'il faut régler lorsque l'on veut suivre un cours, voilà un important incitatif. Pouvoir apprendre sans que cela soit malcommode, avec ses amis, ses collègues, c'est un autre gros incitatif.

º  +-(1655)  

+-

    M. Gurbax Malhi: Quel incitatif pensez-vous que peut donner le gouvernement fédéral pour ses programmes d'alphabétisation en milieu de travail?

+-

    M. Kenneth Georgetti: Il peut nous apporter une aide financière afin que nous ayons les moyens de faire cela. Comme nous l'avons dit, nous pouvons négocier pas mal de choses à la table de négociations avec l'employeur si nous avons le moyen d'offrir les programmes. Nous avons un très bon réseau de moniteurs qui peuvent offrir ce service et faire avancer les choses.

    Je reviendrai sur votre première question. Il y a un énorme incitatif de l'autre côté, mais nous trouvons un peu déconcertant que cela ne semble pas attirer l'employeur. Le Conference Board a fait des recherches qui indiquent une augmentation mesurable de la productivité très rapidement après le début de ces programmes. Cela joue aussi sur le nombre d'accidents du travail, qui, comme le savent les députés fédéraux et provinciaux, sont très débilitants et dommageables. Il y a donc un énorme avantage qui ne semble pas être perçu par les employeurs, pour une raison ou une autre, et je trouve cela étrange.

    Avec une aide du gouvernement fédéral pour étoffer notre capacité et un investissement très minime de la part de l'employeur, deux heures par semaine... qu'il récupère, nous dit-on, en moins de trois ans.

    De notre point de vue, étant donné la capacité limitée dont nous disposons, nous investissons environ 5 p. 100 de notre budget dans l'alphabétisation. Si on mesure cela dans une perspective d'entreprise, cela ne rapporte rien à notre mouvement. J'aurais intérêt à payer cela égoïstement à des organisateurs plutôt qu'à des moniteurs d'alphabétisation. Toutefois, l'avantage, ce n'est pas simplement que nos membres deviennent capables de comprendre ce dont on parle, de nous comprendre à la table de négociations, mais également de devenir de meilleurs citoyens car nous n'y voyons que des avantages, tout le monde en sortant gagnant.

    Le problème pour le gouvernement fédéral est que les provinces, à toutes fins pratiques, contrôlent l'éducation, et chaque fois qu'on offre quelque chose aux provinces, même ces 100 millions de dollars que l'on vient d'injecter pour l'innovation, celles-ci semblent reculer parce qu'elles ont peur que vous empiétiez sur leur terrain de compétences.

    Ce que peut faire le gouvernement fédéral, c'est fixer certaines normes, certains points de repère et mettre un certain montant avec lequel on devrait pouvoir atteindre lesdits points de repère, sous réserve de comptes à rendre et de rapports. Si l'on veut commencer à accroître le niveau d'alphabétisation, il faut fixer aux provinces et aux employeurs certains points de repère. Si on met de l'argent, c'est parce qu'il faut offrir quelque chose pour que les gens s'en servent.

+-

    M. Gurbax Malhi: Vous parlez de financement fédéral, mais sous quelle forme? S'agit-il d'un allégement fiscal, de subventions ou...?

+-

    M. Kenneth Georgetti: Là encore, il y a plusieurs domaines. J'ai parlé à Judi de ce projet pilote que nous envisageons. On a voulu transformer en quelque sorte l'assurance-chômage pour que cela devienne une caisse proactive et non plus réactive—on parle maintenant d'assurance-emploi. Nous estimons que c'est le fonds parfait à utiliser en partie comme fonds de formation pour compenser les pertes de salaire entraînées par les heures de formation.

    Prenez mon propre exemple. Quand j'ai fait mon apprentissage, j'avais 25 ans et j'avais deux enfants. Je n'aurais pas pu faire cet apprentissage si mon salaire n'avait pas été subventionné à l'école grâce à l'assurance-emploi.

    Si l'on prenait une partie de cet argent pour mettre à la disposition des travailleurs un fonds de formation, cela aurait deux résultats. D'une part, ce serait un fonds auquel cotiseraient à la fois les employés et les employeurs, et d'autre part les employeurs qui donneraient la formation pourraient compenser la perte salariale grâce au fonds de l'assurance-emploi.

    Il y aussi dans l'assurance-emploi un mécanisme pour les congés de maternité qui permet aux employeurs qui octroient des prestations de maternité supérieures à celles qui sont prévues par la loi de bénéficier d'une réduction de leur cotisation d'assurance-emploi. Ce que nous disons, c'est que les employeurs qui offrent une formation, des cours d'alphabétisation et d'autres types de formation allant au-delà des paramètres fixés par le gouvernement pourraient bénéficier de facto d'un allégement fiscal, c'est-à-dire d'une réduction de leur cotisation d'assurance-emploi qui serait une façon de reconnaître leur contribution à l'amélioration des compétences des citoyens du Canada.

    À notre avis, tout est là potentiellement. On n'a pas besoin d'inventer quoi que ce soit ou d'utiliser le mot tabou de « impôt », on pourrait simplement se servir d'un fonds existant de manière proactive pour compenser le coût de la formation au Canada. On élargirait la gamme de compétences des Canadiens en utilisant en partie leur argent et en partie celui des employeurs, qui seraient finalement les grands gagnants de cet exercice.

»  +-(1700)  

+-

    Mme Laurell Ritchie: Si je peux, j'aimerais dire quelque chose à ce sujet. Plusieurs d'entre nous qui ont participé aux forums sur l'innovation qui ont été organisés sur divers sujets, notamment l'alphabétisation, ont été très dérangés par l'insistance que mettent certaines organisations sur les crédits d'impôt. En gros, nous ne pensons pas que cela puisse donner les résultats promis. Nous savons que le Québec a essayé pendant un certain temps ce genre de démarche volontaire avec les crédits d'impôt. Il n'a pas obtenu les résultats escomptés et il a donc opté pour un autre modèle.

    La reddition de comptes ne serait pas différente de ce qu'elle est pour le programme de partage de travail pendant l'apprentissage dans le cadre du programme d'assurance-emploi, où divers intervenants sont impliqués. Le gouvernement doit donner son aval, les conditions doivent respecter les exigences du gouvernement, l'entreprise concernée doit accepter, et les travailleurs ou les représentants syndicaux peuvent aussi accepter l'accord et ses conditions. Il nous faut un mécanisme de ce genre par lequel les divers intervenants s'entendent sur les conditions initiales et exercent en quelque sorte une surveillance du système.

    Franchement, je pense que les crédits d'impôt sont un pur gaspillage d'argent, et ce n'est donc pas la formule que les syndicats seraient prêts à appuyer.

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Girard-Bujold, vous avez la parole.

[Français]

+-

    Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Merci, madame la présidente.

    Monsieur Georgetti, je dois dire que j'ai sourcillé en vous entendant dire que le gouvernement fédéral devrait s'immiscer dans un dossier qui est de compétence provinciale, soit l'éducation.

    C'est, je crois, la Constitution canadienne qui reconnaît que l'éducation est de juridiction provinciale.

    Mme Ritchie a fait des observations sur la main-d'oeuvre au cours des 30 dernières années. Il ne faudrait pas oublier qu'il s'agit d'un retour en arrière de 30 ans. Chez nous, à cette époque, ceux qui fréquentaient l'école finissaient leur primaire, soit leur 6e ou leur 7e année, et entraient sur le marché du travail. Il y avait énormément d'emploi. Or, vous avez mentionné des statistiques sur des travailleurs en usine de 49 ans et sur d'autres dont le travail est un peu plus technique, qui ont 52 ans. Il est indéniable que le travail a changé. La façon d'exécuter le travail a changé, mais le taux d'analphabétisme est très élevé, que ce soit au Québec ou ailleurs au Canada.

    Chez nous, au Québec, nous avons ce qu'on appelle des CAMO. Il s'agit de tables de concertation qui agissent lorsqu'il y a des réformes dans des usines, par exemple; elles relèvent du centre local d'emploi. Un travailleur ainsi que des représentants du syndicat et du gouvernement du Québec--le gouvernement fédéral était aussi présent auparavant, mais il a transféré le dossier de la main-d'oeuvre au Québec--se réunissent pour décider comment ils doivent former leurs travailleurs.

    Il y a déjà une forme de concertation qui, comme le disait Mme Ritchie, n'est pas parfaite. Je pense cependant qu'ils manquent de fonds pour la formation. De plus en plus, les emplois sont spécialisés, mais ces travailleurs n'ont pas reçu de formation spécialisée. À mon bureau de comté, je rencontre des travailleurs qui ne savent ni lire ni écrire. Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable. C'est même le cas de certains jeunes qui sortent de nos écoles. C'est la réalité. On essaie d'avoir le meilleur filet social possible en matière d'éducation, mais il y en a toujours qui passent au travers.

    Vous disiez que le Congrès du travail du Canada avait réalisé un projet d'alphabétisation en milieu de travail. Je ne sais pas si c'était calqué sur une méthode appliquée au Québec ou si c'était fait d'une autre façon.

    Est-ce que les travailleurs ont participé en grand nombre à ce programme? Qui a financé ces projets? Est-ce qu'il y avait une participation fédérale, provinciale, syndicale ou patronale? De quelle façon avez-vous procédé? Quel a été le taux de réussite?

    J'aurai d'autres questions à vous poser par la suite.

»  +-(1705)  

[Traduction]

+-

    M. Kenneth Georgetti: J'aimerais répondre sur un point. J'espère que je n'ai pas donné l'impression de penser qu'il faudrait que le gouvernement s'immisce dans l'éducation. Ce que j'ai voulu dire, c'est que le gouvernement fédéral pourrait fournir un soutien au revenu et financer la mise en place de moyens pour nous permettre d'offrir cette éducation. Je pense qu'il est trop tard pour redistribuer les compétences en matière d'éducation, mais il est clair que le gouvernement fédéral a toujours joué un rôle en subventionnant par exemple les salaires des apprentis au Canada par le biais de l'assurance-emploi, et je pense que c'est un bon modèle que nous pourrions transposer ailleurs.

[Français]

+-

    Mme Tamara Levine: D'abord, je dois dire qu'à mon avis, ce qui se fait au Québec en matière de formation est très en avance sur ce qui se passe dans les autres provinces. La règle du 1 p. 100, qui oblige les employeurs à donner de la formation à leurs employés, ainsi que les tables de concertation que vous avez décrites sont là pour le confirmer.

    Dans le cadre du projet que réalise présentement le Congrès du travail du Canada, nos membres sont nos affiliés.

    Par exemple, les TCA, dans l'industrie automobile, font partie du CTC. Nous réalisons donc un projet qui vise, de concert avec nos syndicats, à promouvoir l'alphabétisation. En fait, nous sommes la fédération des autres syndicats. Nous parlons de nos 2,5 millions de membres, mais ce sont en réalité les membres des TCA, du SCFP et ainsi de suite.

    Avec nos syndicats, nous faisons vraiment la promotion de ce dossier. Nous avons créé des ressources et des matériaux didactiques. Notre table ronde se réunit deux fois par année, ce qui nous permet, entre autres, de partager de l'information et de ne pas réinventer la roue. Voilà en quoi consiste le projet d'alphabétisation au CTC.

    Les résultats sont très intéressants. Les syndicats, qui travaillent directement avec les employeurs et avec les membres en milieu de travail, ont accompli d'énormes progrès en ce qui a trait aux négociations et à l'exécution des programmes d'alphabétisation en milieu de travail.

+-

    Mme Jocelyne Girard-Bujold: Est-ce que les deux paliers de gouvernement contribuent à votre programme-pilote ou s'il s'agit d'une initiative prise exclusivement par le syndicat et transmise par ce dernier à ses affiliés?

    Au Québec, on a des tables de concertation. Ce sont des comités d'aide à la main-d'oeuvre. Dès qu'il y a un changement technologique important, les syndicats s'assoient avec le patron et des représentants du gouvernement provincial et décident, par le biais d'une étude, comment réorienter les employés qui perdent leur emploi. Procédez-vous également par concertation et, le cas échéant, la province prend-elle part au processus?

[Traduction]

+-

    Mme Laurell Ritchie: Si nous entrons dans les ententes sur le marché du travail, c'est une véritable vision de chaos, parce qu'il y a tellement de différence à travers le pays. Mais quand vous parlez d'un projet pilote, vous voulez peut-être parler du projet pilote dans le cadre de l'assurance-emploi dont a parlé M. Georgetti, qui visait à travailler avec les travailleurs de la santé. Ce n'est pas un projet pilote exclusivement axé sur l'alphabétisation, c'est un projet pilote pour trouver d'autres formes de soutien du revenu pour les personnes qui suivent une formation, qu'il s'agisse d'alphabétisation ou d'autre chose.

»  +-(1710)  

+-

    La présidente: Monsieur Simard, vous avez la parole.

+-

    M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Bienvenue. Vos exposés étaient excellents.

    Ma première question s'adresse à M. Georgetti. Vous avez dit que l'alphabétisation était axée sur la personne—sur l'individu, par opposition à l'employeur ou aux besoins de l'employeur. Or, j'ai l'impression qu'il faut les deux pour être gagnant sur tous les plans.

    Avez-vous réussi à convaincre les employeurs des avantages de ces programmes d'alphabétisation, car d'après ce que nous ont dit les témoins que nous avons entendus, il y a une amélioration, il y a une augmentation des profits, et finalement c'est avantageux pour les deux parties.

    Donc, en premier lieu, avez-vous réussi à mesurer ces améliorations, et deuxièmement, les employeurs en sont-ils conscients?

+-

    M. Kenneth Georgetti: Vous voulez dire, de l'amélioration de la productivité?

+-

    M. Raymond Simard: Oui.

+-

    M. Kenneth Georgetti: Le Conference Board a fait des recherches et nous allions les apporter avec nous mais nous avons oublié. Nous pouvons vous les communiquer si vous voulez. Ce sont des recherches intéressantes sur ce sujet.

    Pour répondre à votre question : oui. La mesure, c'est le nombre de candidats dans nos rangs qui présentent une demande de subvention pour nous permettre de réaliser ces programmes. Il semble que ces projets intéressent de plus en plus de personnes.

    Malheureusement, comme je l'ai dit, nous allons être à court d'argent, et nos demandes de subvention ont été réduites parce que le SNA est gelé depuis sept ans. Mais c'est une idée qui fait son chemin, et plus nous aurons l'appui de nos membres, plus des gens comme les TCA et Buzz Hargrove vont en discuter à la table de négociation et dire : c'est bon pour vous, c'est bon pour nos membres, donc discutons-en.

    Quand on en arrive à ce niveau, les gens suivent. Ce qu'il faut, c'est en arriver là. Le moyen le plus rapide, c'est la table de négociation. Mais si nous réussissons à discuter avec un pdg, ce que je fais tout le temps, et à le convaincre, si on réussit à le polariser là-dessus—comme Syncrude, par exemple—, ils embarquent immédiatement. Il s'agit simplement d'en parler et de faire un peu pression sur eux pour qu'ils écoutent. Ils ont l'impression qu'en général leurs problèmes sont nettement plus importants que cela.

+-

    M. Raymond Simard: Bon.

    Ma deuxième question s'adresse à Mme Ritchie.

    Vous dites que certains des employés plus âgés sont parfois terrorisés à l'idée de devoir passer des tests, et je le comprends. Je me demande donc si, étant donné que les ressources sont limitées, on ne devrait pas se concentrer sur un groupe d'âge, ou s'il faut faire cela pour tout le monde sans distinction? Est-ce que cela vaut la peine de dépenser beaucoup d'argent pour quelqu'un de 60 ans qui va prendre sa retraite dans deux ans, ce genre de chose, et est-ce que vous avez réfléchi à cette stratégie?

+-

    Mme Laurell Ritchie: Pour vous faire vraiment peur, je vous rappelle que le dernier projet pour travailleurs âgés que nous avons eu s'adressait à toute personne de 45 ans et plus.

»  +-(1715)  

+-

    M. Raymond Simard: C'est bien. J'y aurais droit.

+-

    Mme Tamara Levine: C'était l'époque où l'on pensait que c'était vieux.

+-

    Mme Laurell Ritchie: Le mouvement syndical et bien d'autres organisations communautaires voudraient que tout le monde y ait droit, quel que soit l'âge des gens, et j'irais même jusqu'à inclure les retraités. Cette question ne concerne pas seulement la main-d'oeuvre active.

    Si l'on trouvait une nouvelle approche prometteuse que nous pourrions soutenir, on pourrait en faire l'essai avec un groupe particulier. Il ne fait aucun doute qu'il y a des groupes où ce genre de programme serait très nécessaire. Il ne faut pas viser nécessairement une certaine catégorie de travailleurs—par exemple, les immigrantes—, mais on pourrait l'appliquer dans certains secteurs où l'on procède à des changements et à des réaménagements importants.

+-

    M. Raymond Simard: Par opposition aux groupes d'âge.

+-

    Mme Laurell Ritchie: On pourrait l'appliquer de différentes façons.

    De manière générale, je crois que tout le monde comprend cela. Plus particulièrement, si l'on devait préciser la clientèle afin de procéder à un projet pilote, je dirais qu'il y a plusieurs façons de procéder.

    Étant donné que je suis assez vieille pour me rappeler l'époque du seuil de 45 ans, je dirais que c'est un bon seuil.

+-

    M. Raymond Simard: Monsieur Georgetti, vous avez dit qu'il était important d'investir dans les travailleurs du bas de l'échelle. Nous sommes vivement préoccupés ici du fait que le lieu de travail évolue, devient plus complexe, et que le fossé se creuse encore plus. Je me demande s'il ne faudrait pas aussi former les personnes qui sont au haut de l'échelle pour qu'elles puissent s'adapter à ces changements et à ces nouveautés. Que répondez-vous à cela?

+-

    M. Kenneth Georgetti: Je dirai seulement que les personnes du niveau de la gestion n'ont pas vraiment besoin de notre aide étant donné qu'elles comprennent bien le problème. De manière générale, lorsqu'on sonde les gestionnaires, on voit qu'ils reçoivent une formation suffisante pour actualiser leurs compétences, et ils en sont satisfaits. En fait, lorsqu'ils ne sont pas satisfaits, on les voit quitter leurs employeurs.

    Une partie du problème de « l'exode des cerveaux », particulièrement dans le domaine de la santé, tient au fait que les salaires ne sont pas la principale raison pour laquelle ces personnes émigrent aux États-Unis. C'est parce qu'on leur donne là-bas une formation permanente qui leur permet d'actualiser leurs compétences. Ce n'est donc pas là où le problème se situe. Le problème se situe au niveau des personnes qui ont peu de compétences.

    Lorsque je parle de programmes de formation, les employeurs me font parfois des réponses très surprenantes. Ils disent, si je les forme, ils voudront plus d'argent; ou si je les forme, ils vont partir et ils iront travailler ailleurs.

    J'ai visité un lieu de travail tout récemment. Il s'agissait d'un débit d'alimentation rapide. Toutes les instructions aux employés étaient sous forme de dessins; il n'y avait rien d'écrit. Cela fait partie du problème. Un grand nombre d'employeurs craignent que la formation des travailleurs leur fera perdre de l'argent ou des employés. C'est une vision des choses qu'il faut changer.

    Je pense que ce sera pas mal difficile. Encore là, il faut prévoir des incitatifs ou des récompenses pour ceux qui forment leurs employés. Voilà pourquoi il faut trouver un moyen d'encourager les employeurs.

    En ce moment, les employeurs qui forment leur personnel ne touchent essentiellement aucune récompense pour cela et ils courent le risque de perdre leurs employés. Voilà pourquoi nous disons qu'il faut envisager des allégements au titre des cotisations de l'assurance-emploi ou quelque chose d'autre de manière à récompenser les employeurs qui assurent la formation de leur personnel.

+-

    M. Raymond Simard: Est-ce qu'il me reste du temps?

+-

    La présidente: Il vous reste environ 30 secondes.

+-

    M. Raymond Simard: J'ai une petite question pour M. Grenman.

    Je ne suis pas sûr du pourcentage. Je n'ai pas entendu le chiffre. Avez-vous dit que 100 p. 100 de la relève dans 20 ans sera composée d'immigrants?

+-

    M. Gary Grenman: Je vous citais un chiffre provenant du ministère du Développement des ressources humaines et selon lequel d'ici 10 ans, la croissance de la population active devra être assurée à 100 p. 100 par l'immigration.

+-

    M. Raymond Simard: En effet.

+-

    M. Gary Grenman: La cohorte des jeunes gens ne fera que remplacer les membres actuels de la population active, mais elle ne permettra pas d'assurer la croissance.

+-

    M. Raymond Simard: J'ai également déjà entendu ce chiffre.

    Voilà qui présente toute une série de problèmes et de difficultés nouvelles. Je me demande si vous y avez réfléchi et si vous avez songé à ce que vous pourriez faire? Il y aura de nouveaux venus dans la population active mais qui ne seront probablement même pas au niveau de base, notamment parce qu'ils devront apprendre une langue en partant de zéro. Voilà donc un problème tout différent qui se présentera d'ici 10 ans.

+-

    M. Gary Grenman: C'est en effet une énorme difficulté pour les salariés, mais également pour les employeurs et pour l'État. Et si cela est vrai, nous allons devoir faire en sorte que le Canada puisse demeurer une destination de choix pour les immigrants.

    J'ai assisté à des conférences où des spécialistes en matière d'immigration disaient qu'on se disputait déjà férocement les meilleurs talents et que six pays sont en lice pour les accueillir. Si le Canada ne reste pas une destination privilégiée pour ces gens-là, notre économie va en souffrir énormément.

    Vous avez raison, non seulement nous allons devoir compter sur l'immigration, mais nous allons également devoir chercher sur le plan interne. Apparemment, il y a un million de Canadiens qui, pour être productifs sur le marché du travail, doivent mettre à niveau leurs compétences, et nous allons également devoir songer à utiliser les travailleurs plus âgés, quitte à leur offrir de perfectionner leurs compétences, si nous voulons que notre économie demeure robuste.

+-

    La présidente: Monsieur Finlay, vous avez la parole.

+-

    M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Tout cela est fort intéressant et je regrette de n'avoir pas pu arriver plus tôt.

    La semaine dernière encore, on nous a dit que 2 500 000 travailleurs étaient au niveau un, deux ou simplement trois sur l'échelle de l'alphabétisation, et nous avons également entendu quelques anecdotes intéressantes. Même s'il s'agissait en l'occurrence d'une industrie beaucoup plus restreinte, il lui avait fallu impérativement implanter des programmes d'alphabétisation. Bien sûr, tout cela venait s'ajouter à certains incitatifs pour l'entreprise, et aussi au fait que celle-ci était compétitive. Si je me souviens bien, il y avait même deux personnes... Depuis que ce projet a été mis en route il y a deux ou trois ans, une trentaine d'employés y ont participé. C'était une anecdote particulièrement intéressante, parce que ces gens avaient constaté que les employés qui suivaient ce genre de formation mettaient immédiatement cette initiative à profit pour améliorer le produit, voire à en assumer eux-mêmes la conception. Les gens qui ont fait cela en étaient également les auteurs et ainsi de suite. Tout cela était donc excellent.

    J'ai assisté samedi dans ma circonscription, à Ingersoll, à la célébration du 15e anniversaire de l'arrivée des TCA à l'usine CAMI. Je parlais à son président, un jeune homme qui avait d'ailleurs été un de mes élèves à l'école. Je lui ai dit que je faisais partie du comité et que nous entendions sans cesse parler du problème de l'alphabétisation en milieu de travail, et je lui ai demandé ce que la société CAMI avait à offrir dans ce domaine. Il m'a répondu qu'il n'y avait pas grand-chose pour l'instant, même si l'entreprise prenait la chose très au sérieux et faisait chaque année de la publicité pour former une nouvelle classe. Cela est à leur programme, mais depuis deux ans, personne ne s'est inscrit.

    Il m'a laissé entendre que cela signifiait en réalité que le niveau de formation était bien plus élevé que dans d'autres secteurs, et c'est peut-être le cas. Par contre, je me suis demandé s'il n'avait pas omis quelque chose qu'il faudrait précisément ajouter au programme, peut-être pour mieux attirer les gens. S'il a raison, c'est tant mieux, et je ne veux pas affirmer qu'il avait tort, simplement parce qu'il n'y avait pas d'inscrits. Il s'agissait d'un programme de deux fois deux heures qui contenait tous les éléments dont vous avez parlé, Tamara, avec également un certain incitatif monétaire, c'est-à-dire tant de cents l'heure pour l'éducation et la formation.

    Lorsque j'ai visité l'usine en question, j'ai pu constater qu'il y avait beaucoup d'affiches sur la santé, le développement humain et ainsi de suite. C'est donc une entreprise qui prend très au sérieux ce genre de choses, et à mon avis, cela va devenir de plus en plus important.

»  +-(1720)  

+-

    Mme Laurell Ritchie: La CAMI est un exemple de milieu de travail où nous n'avons en fait pas réussi à obtenir un engagement de la part des employeurs. On a essayé de faire valoir l'idée, mais comme je l'ai déjà dit, on n'a pas toujours le pouvoir de négociation suffisant pour obtenir un résultat.

    L'une des choses que nous avons faites dans certains établissements du sud de l'Ontario où l'anglais n'est pas le problème, c'est de parler des autres compétences de base que les gens veulent absolument acquérir si on leur en donne l'occasion et si on leur offre des cours accessibles. Par exemple, j'en ai déjà parlé, les gens voudraient se faire aider par leurs pairs pour améliorer leur niveau de scolarité ou encore rafraîchir un peu leurs connaissances du programme d'études secondaires s'ils sont plus âgés. Dans certains cas, nous avons même offert des programmes d'amélioration des compétences individuelles en informatique, des cours d'introduction à l'informatique comme on les appelle parfois, même si c'est une expression dont je ne raffole pas vraiment.

    Même avec notre centre d'ajustement pour l'industrie du transport aérien qui est le produit de la faillite de Canada 3000, nous avons constaté que tout le monde partait du principe que les jeunes connaissaient à fond tout ce qui concerne l'ordinateur étant donné qu'ils sont pratiquement nés avec une manette de jeu d'ordinateur entre les mains. Mais en réalité, même si c'est le cas, leur connaissance de l'ordinateur ne va pas plus loin que cela. Ils ne connaissent pas nécessairement le traitement de texte, ni la façon de naviguer sur Internet, à part le fait de consulter Workopolis, et ils ne savent pas nécessairement non plus se servir du courrier électronique.

    Vous avez peut-être vu le rapport qui a été publié cette semaine et selon lequel le Canada serait le premier utilisateur au monde d'Internet pour les demandes d'emploi en ligne...

»  +-(1725)  

+-

    M. John Finlay: Et aussi pour la fraude électronique...

+-

    Mme Laurell Ritchie: Vous m'apprenez quelque chose, ce n'était pas ce que disait l'article que j'ai lu.

    Des voix: Oh, oh!

    Mme Laurelle Ritchie: Cela en a étonné beaucoup, de sorte que nous nous sommes attelés à un programme destiné à apprendre aux gens comment se servir d'un ordinateur et utiliser Internet. Ce sont des gens qui se cherchaient du travail et, dans certains cas aussi, qui voulaient recevoir une formation. Ils ont du même coup acquis toutes sortes d'autres compétences, ce dont ils avaient désespérément besoin. C'était tout à fait inattendu.

    Nous ne voulons pas trop nous disperser parce que la priorité doit être donnée à ceux qui n'ont justement pas certaines des compétences les plus fondamentales. J'imagine que dans une certaine mesure, c'est un peu un cercle vicieux qui nous ramène précisément à ce que nous disions un peu plus tôt, c'est-à-dire qu'il faut au Canada une stratégie pour le perfectionnement de la main-d'oeuvre en raison des graves pénuries des compétences qui s'annoncent et de toutes les explications qu'on a avancées pour expliquer ce phénomène et les solutions qu'on a préconisées.

    Certains d'entre nous se sentent un peu mal à l'aise à l'idée que l'on utilise le programme d'alphabétisation qui pourrait au bout du compte aller un peu tous azimuts afin d'offrir tous les éléments qui manquent actuellement dans le système. Il y a des gens dans les grosses entreprises d'aérospatiale, par exemple, dont on dit oui, ce sont des techniciens, ils maîtrisent parfaitement l'ordinateur, ce sont de petits génies. Et pourtant, l'essentiel de ce qu'ils savent concerne leur boulot et leur milieu de travail. Ils accèdent à l'ordinateur par un système intranet bloqué et les options qu'ils peuvent utiliser sont limitées. Ce ne sont pas ces gens-là qui connaissent toute la palette des possibilités qu'offre un ordinateur. C'est donc une idée fausse.

    Je ne veux pas m'obnubiler sur les ordinateurs, mais si vous me demandez s'il y a encore des besoins criants qui pourraient rendre beaucoup plus intéressants, beaucoup plus enthousiasmants, certains programmes susceptibles d'être offerts en milieu de travail mais qui n'intéressent pas de façon spécifique celui-ci, croyez-moi, la liste des choses que nous pourrions faire est infinie.

+-

    Mme Tamara Levine: Si vous permettez, John, j'aimerais ajouter que l'un des aspects primordiaux de l'alphabétisation en milieu de travail, c'est qu'elle est une rampe, un peu comme une rampe d'accès pour fauteuils roulants. Elle donne accès à autre chose. Si quelqu'un acquiert les connaissances fondamentales, alors nos possibilités sont quasi-illimitées. Je suis prête à parier que nombre de ceux qui ont participé au programme de CAMI ces dernières années, ont poursuivi leurs études dans un collègue ou suivi des cours du soir pour en apprendre davantage, parce qu'ils ont eu la piqûre. Ils ont appris à apprendre, ils ont confiance en eux-mêmes et il n'y a plus de limite à ce qu'ils peuvent entreprendre.

    Peut-être y aurait-il moyen d'offrir ces programmes en milieu de travail afin de les rendre plus accessibles, mais quoi qu'il en soit, l'essentiel dans tout cela, c'est l'alphabétisation en milieu de travail.

+-

    La présidente: Il nous reste peu de temps. Je vais donc donner trois minutes à chacun afin que vous puissiez conclure, ou nous laisser avec des observations que vous n'avez pu faire pendant la période des questions.

[Français]

+-

    Mme Jocelyne Girard-Bujold: Vous êtes venus, mesdames et messieurs, nous exposer les besoins grandissants qui se font sentir en matière d'alphabétisation. Mais où va-t-on trouver l'argent? Les travailleurs et les employeurs paient des cotisations à l'assurance-emploi; est-ce là que nous prendrons l'argent, ou serons-nous obligés d'augmenter nos taxes pour combler cette lacune? J'aimerais entendre votre point de vue sur cette question.

»  -(1730)  

[Traduction]

+-

    M. Kenneth Georgetti: Je crois que ce je dirai correspondra aux deux catégories. D'abord, une part des cotisations des employeurs et des employés à l'assurance-emploi peut servir à la formation. Toutefois, l'alphabétisation est un sujet plus vaste, il concerne même les réalités fiscales. Encore une fois, j'estime que des investissements modestes qu'on nous consentirait à la table de négociation pourraient nous apporter beaucoup. Enfin, la formation au sens le plus vaste nécessite des débats eux aussi très larges.

    La démarche d'apprentissage continu n'est plus l'apanage exclusif des titulaires de doctorats et de maîtrises, elle est maintenant à la portée de tous. Toutefois, ainsi que le disait Tamara, un groupe a besoin d'un coup de pouce pour arriver à la ligne de départ. Pour ma part, je prédis que dans la prochaine décennie, les grands enjeux de politique sociale de notre pays porteront justement sur la formation et l'acquisition de compétences de la population active, sur les évaluations des connaissances préalables, sur les questions liées à l'immigration et enfin sur les compétences en général.

+-

    La présidente: Est-ce que vous conviendriez aussi que faute de favoriser l'alphabétisation de cette population, ses membres ne pourront plus avoir des rapports aussi riches et étroits avec leurs enfants ou leurs petits-enfants?

+-

    M. Kenneth Georgetti: Comme je l'ai dit, j'en ai moi-même fait l'expérience dans mon milieu. L'importance de l'alphabétisation nous saute aux yeux, non pas à l'occasion de programmes volontaires, mais plutôt lorsqu'on assiste à des changements à l'usine, par exemple, lorsqu'on passe d'une vieille installation à une usine à la fine pointe de la technologie. Dans le cas précis auquel je songe, tous les employés déplacés ayant le plus d'ancienneté choisissaient les emplois les moins bien rémunérés, non par choix, mais parce qu'ils n'avaient pas les connaissances nécessaires. C'est à ce moment-là que nous en avons saisi toute l'importance.

    Ainsi que le disait Tamara, quand nous avons finalement offert les programmes, après quelque temps certains ont décidé de retourner aux études parce qu'ils avaient compris l'importance d'apprendre. Le plus émouvant a été de voir un vieil employé—qui m'en voulait parce qu'il pensait qu'il allait devenir concierge après avoir été employé contractuel—assis sur un banc public dans un parc, en train de lire à sa petite-fille. Il m'a dit que l'argent ne représentait rien pour lui à côté de la possibilité de faire la lecture à sa petite-fille. Il en retirait davantage que sa nouvelle échelle de salaire.

    Sur le plan social, on peut donc dire que l'alphabétisation offre d'énormes avantages. Et tant que syndicat, nous pouvons affirmer sans nous tromper défendre une position très solide, et d'ailleurs, nous ne recevons rien de pécuniaire en échange de ce genre de choses, à part la satisfaction de savoir que nous avions raison de demander quelque chose d'aussi important.

+-

    La présidente: C'est tout un avantage, car c'est la qualité de vie de ceux que vous représentez.

+-

    M. Kenneth Georgetti: Oui, c'est eux que nous représentons.

+-

    La présidente: Monsieur Simard.

+-

    M. Raymond Simard: J'ai une petite question au sujet d'une chose qu'a dite M. Grenman et qui a piqué ma curiosité.

    Je sais que nous avons parlé ici d'une stratégie nationale, mais nous savons que toute stratégie nationale—si c'est ce que nous voulons—devra être adaptée dans une certaine mesure, car ce qui est bien pour le sud de l'Ontario peut être mal adapté aux Territoires du Nord-Ouest. C'est ce que nous ont dit des témoins qui ont comparu devant nous. Mais M. Grenman a déclaré, je crois, que les programmes pourraient même être adaptés à un secteur particulier. J'ai trouvé cela très intéressant.

    J'aimerais savoir comment cela pourrait se faire. Autrement dit, les programmes seraient différents selon qu'il s'agit d'un employé du secteur de l'automobile ou du secteur des textiles? C'est bien ce que vous entrevoyez?

+-

    M. Gary Grenman: Il s'agit en fait de faire le lien entre l'alphabétisation ou certaines compétences essentielles et les compétences professionnelles nécessaires. Il serait ainsi plus facile pour nous d'adapter ces programmes en fonction des secteurs de l'économie. L'industrie devrait s'en charger. Elle pourrait le faire en un seul coup, s'il existait un conseil sectoriel et des possibilités d'économie d'investissement. Les programmes seraient ensuite offerts par les entreprises membres de ce secteur. Je suis persuadé que les exigences diffèrent selon les milieux de travail.

    Comme l'a dit un autre témoin, il existe également des différences dans le taux d'alphabétisation selon les zones géographiques du pays. Même entre nous, moi y inclus, les taux d'alphabétisation ne sont pas égaux. Je viens d'une région très rurale où je suis persuadé que le taux d'alphabétisation n'est pas égal à celui d'une localité située à proximité d'une université ou d'un collège.

    Il y aura donc des différences selon les secteurs, mais aussi selon les provinces et les régions. Mais cela ne nous autorise pas à nier d'emblée l'importance de l'alphabétisation à l'échelle nationale. C'est un problème très important et à très long terme, et nous voulons que les travailleurs canadiens puissent être concurrentiels et avoir une vie intéressante. C'est très important si nous voulons être en mesure de répondre aux exigences du marché du travail.

+-

    M. Kenneth Georgetti: Permettez-moi d'ajouter que cela correspond tout à fait à notre expérience. Les programmes d'alphabétisation fonctionnent mieux lorsqu'ils sont combinés à une formation partielle en milieu de travail et sont offerts là où les employés travaillent. Ces programmes donnent de meilleurs résultats que de simples programmes de formation.

-

    La présidente: Permettez-moi de remercier les représentants TCA, du CTC et de l'Alliance des conseils sectoriels.

    Dans toute les années que j'ai passées au Parlement, j'ai toujours su que lorsque vous comparaissez devant un comité, vous arrivez bien préparé, prêt à donner de bons renseignements et à faire d'excellentes propositions. J'espère que vous retrouverez certaines de vos recommandations dans notre rapport et que le gouvernement les appliquera. Merci à chacun de vous d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.

    La séance est levée.