INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 21 novembre 2002
¹ | 1540 |
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)) |
M. John Chenier (rédacteur et éditeur, ARC Publications) |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
Le président |
M. Brian Grainger (Grainger et Associé) |
¹ | 1555 |
Le président |
M. Duff Conacher (coordonnateur, Government Ethics Coalition) |
º | 1600 |
º | 1605 |
Le président |
M. Duff Conacher |
Le président |
º | 1610 |
M. Duff Conacher |
Le président |
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne) |
M. John Chenier |
M. Duff Conacher |
M. James Rajotte |
M. John Chenier |
º | 1615 |
M. James Rajotte |
M. John Chenier |
M. Duff Conacher |
Le président |
M. Brian Grainger |
º | 1620 |
Le président |
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.) |
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.) |
M. Duff Conacher |
Le président |
M. John Chenier |
º | 1625 |
M. Brian Grainger |
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ) |
M. John Chenier |
M. Paul Crête |
M. John Chenier |
º | 1630 |
M. Paul Crête |
M. Duff Conacher |
M. Paul Crête |
M. Duff Conacher |
Le président |
M. Brian Grainger |
º | 1635 |
Le président |
M. John Chenier |
Le président |
M. Dan McTeague |
M. John Chenier |
º | 1640 |
M. Duff Conacher |
M. Dan McTeague |
M. Brian Grainger |
M. Dan McTeague |
M. Duff Conacher |
M. Dan McTeague |
M. Duff Conacher |
º | 1645 |
M. Dan McTeague |
M. Duff Conacher |
M. Dan McTeague |
M. Duff Conacher |
M. Dan McTeague |
M. Duff Conacher |
M. John Chenier |
M. Dan McTeague |
M. John Chenier |
Le président |
M. Dan McTeague |
Le président |
M. Brian Grainger |
º | 1650 |
Le président |
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD) |
M. Duff Conacher |
º | 1655 |
M. Brian Grainger |
M. John Chenier |
» | 1700 |
M. Brian Masse |
M. Duff Conacher |
Le président |
M. John Chenier |
» | 1705 |
Le président |
M. Brian Grainger |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne) |
» | 1710 |
M. Duff Conacher |
Le président |
M. John Chenier |
M. Brian Fitzpatrick |
M. John Chenier |
M. Brian Fitzpatrick |
M. John Chenier |
Le président |
M. Duff Conacher |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
Le président |
M. Brian Grainger |
» | 1715 |
Le président |
M. Duff Conacher |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Duff Conacher |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Duff Conacher |
Le président |
M. John Chenier |
» | 1720 |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
M. John Chenier |
Le président |
M. John Chenier |
Le président |
M. Duff Conacher |
Le président |
Mr. Brian Grainger |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 21 novembre 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1540)
[Traduction]
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): La séance est ouverte. Notre ordre du jour concerne le projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.
Nous avons trois témoins aujourd'hui et je les remercie de leur patience pendant que les membres du comité s'installent.
Nous commencerons par ARC Publications, M. John Chenier, rédacteur et éditeur.
Monsieur Chenier.
M. John Chenier (rédacteur et éditeur, ARC Publications): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je suis heureux de pouvoir encore une fois participer à vos délibérations sur cette question. C'est la cinquième fois que je comparais à ce sujet.
À propos de cette mesure la plus récente, le projet de loi C-15, il y a une ou deux petites choses sur lesquelles j'aimerais attirer tout particulièrement votre attention.
La première, c'est que cette loi, tout comme les précédentes, continue d'ignorer un grand nombre d'activités, la divulgation restant dans certains cas pratiquement volontaire. Pour en apprécier les raisons, il vous faut comprendre comment sont organisées les campagnes de lobbying et comment les consultants préfèrent fonctionner à Ottawa.
La majorité des lobbyistes-conseils vous diront qu'ils ne font pas de lobbying. Par cela, ils entendent qu'ils ne font pas souvent de représentations directes au nom de leurs clients et c'est exact. Les lobbyistes-conseils à Ottawa passent la majorité de leurs journées à recueillir des informations au nom de leurs clients. Ils parlent aux fonctionnaires, de tout grade, au personnel des ministres et aux ministres et, en fonction de la campagne qui les intéresse, et des circonstances, aux parlementaires.
Les informations qu'ils recueillent correspondent à la situation de leurs clients: les calendriers et les obstacles sur la route qui mènent à une conclusion heureuse de leurs problèmes, la route suivie, la concurrence potentielle, qui est pour, qui est contre, et pourquoi.
Les informations recueillies de cette manière sont analysées dans le contexte de la stratégie adoptée pour arriver à l'objectif souhaité. Elles leur permettent de prendre des décisions, et de déterminer les personnes à convaincre et qui peuvent l'être, les informations utiles à la campagne et la meilleure manière de l'engager. Le client est informé. Les plans d'action sont dressés dans lesquels le client est censé jouer l'acteur principal sous les directives et les conseils du lobbyiste.
On voit donc que les lobbyistes tirent leur rémunération de leur capacité à accéder aux informations nécessaires, ajoutée à leur capacité à en évaluer la pertinence pour leurs clients. Bien qu'ils n'interviennent pas forcément directement, ils sont au coeur de la campagne de démarchage. En fait, sans eux, ces campagnes ont peu de chance de réussir.
Cependant, étant donné que ce que nous définissons comme lobbying est ensuite laissé au client, en vertu des définitions de l'ancienne loi qui parlait de communications avec un titulaire de charge publique dans un but d'influence et de la nouvelle loi qui exempte, aux termes de l'alinéa 4(2)c), les communications qui se limitent à une demande de renseignement, la divulgation de la majorité des activités des lobbyistes-conseils est et continuera à rester entièrement volontaire, souvent dans la seule perspective de possibilités futures de commercialisation. Cela revient à dire que ce sont les lobbyistes-conseils qui décident ou non de divulguer. Ce sont eux, et non pas la loi, qui décident de rendre visible la campagne de tels clients plutôt que la campagne de tel autre.
Permettez-moi de mentionner en passant que si le gouvernement avait donné suite à la promesse figurant à la page 95 du Livre rouge de 1993 d'appliquer les recommandations unanimes du comité de la Chambre, intitulé Sur la voie de la transparence, le problème n'existerait plus.
Est-ce que cela a une importance? Ou plus particulièrement comment cela pourrait-il avoir une importance?
Beaucoup de lobbyistes s'alignent sur divers ministres et ministères. Les lobbyistes, d'une manière générale, sont devenus partie intégrante du processus politique des partis, ainsi que du processus gouvernemental. Cela ne pose pas de problème. Beaucoup de lobbyistes que je connais sont des drogués de la politique. S'ils font du lobbying c'est pour subsister et pour remplir les trous entre les campagnes. Beaucoup de ces lobbyistes m'ont dit qu'ils ne font pas de lobbying dans les ministères ou à propos de questions où ils ont les liens ministériels les plus forts, mais cela ne veut pas dire pour autant qu'ils n'ont pas de clients qui ont des intérêts dans ces domaines à qui ils pourraient prodiguer des conseils stratégiques ou donner des renseignements stratégiques. Cela veut simplement dire qu'ils ne se livrent pas à des activités—à savoir, le lobbying direct—qui les obligeraient à s'enregistrer.
Pour que la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes respecte l'esprit de la législation, je crois qu'il importe que toutes les activités de campagne de lobbying des lobbyistes-conseils soient assujetties à la divulgation. En bref, l'alinéa qui exempte d'enregistrement les simples «demandes de renseignements» ne devrait pas s'appliquer aux lobbyistes-conseils qui, contre un salaire et au nom d'un client, cherchent à obtenir des informations associées à n'importe laquelle des catégories qui autrement exigeraient cet enregistrement.
Que le gouvernement et le monde des lobbyistes persistent à empêcher la publication de ce genre de renseignements ne peut que provoquer la suspicion, selon moi.
Mon deuxième point ou ma deuxième critique concerne la dégradation du superviseur, pour ainsi dire, de la loi, le conseiller en éthique.
Pendant que votre comité étudie consciencieusement le projet de loi C-15 qui contient toutes sortes de références au conseiller en éthique, un autre comité de la Chambre étudie une mesure qui retirerait à cette personne tout rôle de supervision des lobbyistes. Je ne souhaite pas ouvrir le débat sur l'indépendance du conseiller en éthique. Je laisse ce soin au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Cependant, je tiens à faire remarquer que la nouvelle loi créant un conseiller en éthique indépendant fera disparaître toute référence à son rôle dans la loi sur les lobbyistes.
J'encourage les membres de votre comité à revoir cette question aux pages 94 et 95 du Livre rouge de 1993. En gros, il y est question d'une personne d'autorité—indépendante ou non—qui devrait avoir le pouvoir d'enquêter sur les plaintes et d'examiner certaines transactions entre le gouvernement et les lobbyistes pour veiller à ce que les codes de déontologie soient respectés.
Permettez-moi de dire avec force qu'à mon avis, revenir à la situation d'avant 1993 où c'était un simple responsable intermédiaire d'Industrie Canada qui avait la responsabilité de cette loi, serait une reculade majeure. Toute plainte contre un lobbyiste ou toute enquête de malversation impliquerait probablement un fonctionnaire haut placé, ou un ministre, aussi bien que des lobbyistes souvent liés à des personnalités politiques très puissantes.
Comme Industrie Canada est un des ministères qui est le plus souvent visé par le lobbying, les plaintes ou les enquêtes pourraient même impliquer leurs propres supérieurs. Quel est le cadre moyen prêt à se jeter dans la gueule du lion? Je suppose, seulement celui qui veut rester cadre moyen. Pourtant c'est bien la situation qui semble pointer à l'horizon. Le Livre rouge a reconnu, et pris en compte, les relations entre le lobbying et la politique, entre les lobbyistes et les politiciens, et aucune loi ne doit l'oublier.
J'encourage les membres du comité à étudier la nouvelle loi québécoise sur le lobbying, la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, le projet de loi numéro 80, chapitre 23, 2002. C'est de loin la meilleure au Canada. J'aimerais tout particulièrement attirer votre attention sur le rôle et les pouvoirs du commissaire au lobbyisme exposés dans la section 2, paragraphes 39 à 44. Permettez-moi d'en citer une partie:
39. Le commissaire au lobbyisme peut, de sa propre initiative ou sur demande, faire des enquêtes s'il a des motifs raisonnables de croire qu'il y a eu manquement à une disposition de la présente loi ou du code de déontologie... Le commissaire et toute personne qu'il autorise spécialement à enquêter sont, pour les fins de l'enquête, investis des pouvoirs et de l'immunité des commissaires nommés en vertu de la loi... sauf du pouvoir d'ordonner l'emprisonnement. |
Le commissaire ou toute personne qu'il autorise spécialement peut également:
(1) pénétrer à toute heure raisonnable, dans l'établissement d'un lobbyiste ou d'un titulaire d'une charge publique, ou dans celui où ils exercent leurs activités ou fonctions...(2) exiger des personnes présentes tout renseignement relatif aux activités ou fonctions exercées par le lobbyiste ou par le titulaire de la charge publique, ainsi que la production de tout livre, registre, compte, dossier ou autre document s'y rapportant; (3) examiner et tirer copie des documents comportant des renseignements relatifs aux activités... |
Toute personne qui a la garde, la possession ou le contrôle des documents visés au présent article doit, sur demande, en donner communication à la personne qui procède à l'inspection et lui en faciliter l'examen. |
Selon moi un superviseur avec les pouvoirs décrits dans la loi québécoise serait des plus souhaitables pour la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.
Permettez-moi d'aborder brièvement un autre point, celui de la divulgation des honoraires. Comme vous le savez peut-être, où il y a régime d'enregistrement des lobbyistes, il y a toujours une disposition ou une autre de divulgation des honoraires. À mon avis, la divulgation des honoraires permet de remplir deux objectifs de politique publique utiles. Premièrement, cela permet de déceler toute propension à faire monnayer les liens avec le monde politique. Encore une fois je vous renvoie à la page 91 du Livre rouge de 1993 où il est dit:
Les honoraires parfois exorbitants qu'ont demandés les lobbyistes à leurs clients pour l'adjudication de grands marchés publics... sont un grand sujet de préoccupation. Le conseiller chargé de la déontologie sera habilité à soumettre les lobbyistes à la publicité sur leurs honoraires pour l'adjudication des marchés publics et sur tout contrat, tous honoraires ou toute activité qui pourraient aller à l'encontre du Code de déontologie. |
Au cours des neuf années qui viennent de s'écouler, je ne connais aucun cas où le conseiller en éthique a fait une telle demande, pas plus que je ne vois ce qui aurait pu déclencher de telles mesures. Je prétends également qu'il y a d'autres choses qu'une simple vente à un gouvernement qui peuvent avoir une valeur importante pour les gens extérieurs au gouvernement.
Hier j'ai cherché le rapport de 1986 du procureur spécial des États-Unis, Whitney North Seymour Jr. sur le lobbying de l'ancien conseiller présidentiel Michael Deaver. Je n'ai pas pu en trouver d'exemplaire. Cependant, dans sa conclusion, Seymour comparait les honoraires demandés aux clients aux services rendus et demandait—et je cite de mémoire—que pouvait bien avoir pu faire Michael Deaver en l'espace d'une réunion d'une demi-heure avec ses anciens collègues de la Maison-Blanche pour mériter des honoraires de 250 000 $.
¹ (1545)
J'ajouterais également que la divulgation des honoraires informerait le public sur l'étendue des efforts de lobbying et sur l'intensité des campagnes de lobbying. Tous les députés autour de cette table et moi-même savons qu'il y a une énorme différence entre une campagne à 30 000 $ de budget et une à 500 000 $ de budget. Sans divulgation des honoraires, vous pouvez savoir qu'une compagnie a fait du lobbying pour une raison ou pour une autre; avec la divulgation des honoraires, vous savez combien pouvait lui tenir à coeur cette raison.
À une époque de plus grande transparence pour ce qui touche aux contributions aux partis et aux campagnes de leadership, et compte tenu du rôle accru joué par les groupes d'intérêts et de défense politiques, je ne vois aucune raison pour laquelle les montants consacrés à des campagnes, par la porte de service, pour ainsi dire, devraient rester recouverts d'un voile de mystère.
Pour les lobbyistes-conseils, je vous offre ce que dit la loi québécoise sur la divulgation des honoraires. Selon le paragraphe 9, ils doivent déclarer:
parmi les tranches de valeur qui suivent, celle dans laquelle se situe le montant ou la valeur de ce qui a été reçu ou sera reçu en contrepartie de ses activités de lobbyisme: moins de 10 000 $, de 10 000 $ à 50 000 $, de 50 000 $ à 100 000 $ et 100 000 ou plus; |
Les organismes et sociétés devraient avoir l'obligation de communiquer le montant payé à tout conseiller ou à tout groupe extérieur, ainsi que le montant dépensé à l'interne—peut-être moins les salaires—pendant la période couverte par leur période d'enregistrement semi-annuelle, comme cela se fait aux États-Unis.
Enfin, je suggérerais que l'adjectif «important», qui déclenche un enregistrement, passe des 20 p. 100 actuels à 10 p. 100. Je me ferai un plaisir d'expliquer pourquoi pendant la période de questions et de réponses
Je vous remercie de votre temps et de votre attention. Je m'excuse d'avoir été long; j'avais calculé 11 minutes. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et de vous communiquer toutes les références ou copies de textes que j'ai citées.
Merci.
¹ (1550)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Chenier.
Monsieur Brian Grainger, de Grainger et Associé.
M. Brian Grainger (Grainger et Associé): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis ravi de revenir devant vous. Les 12 années pendant lesquelles j'ai travaillé au Canada et à l'étranger dans le domaine de la déontologie, des codes d'éthique et de la formation correspondante dans les secteurs public et privé m'ont appris une leçon importante, une pratique exemplaire même, que je voudrais encore une fois livrée à la bonne attention des membres du comité.
Même s'il est très important que le projet de loi C-15 ou toute autre initiative du genre dans le domaine de l'éthique soit extrêmement clair et place la barre aussi haut que possible, j'ai appris que si l'on ne préparait pas les lobbyistes, les clients, les fonctionnaires et autres titulaires de charges publiques—au moins ceux qui se situent aux niveaux les plus élevés—l'imposition d'une loi à ce sujet n'est peut-être pas une perte de temps, mais son efficacité n'est pas optimale.
Permettez-moi de vous donner un exemple. L'Australie et d'autres pays de l'OCDE et du G-7 ont essayé de faire en sorte que les lobbyistes, leurs clients et les titulaires de charges publiques comprennent parfaitement les limites, les paramètres et les objectifs—c'est-à-dire toute la panoplie—associés à la loi en question. Cela la rend beaucoup plus efficace.
Je partage l'avis d'autres témoins qui ont comparu avant moi et de ceux que vous avez entendus en mai dernier, avant cette session-ci, qui vous ont dit qu'il était assurément possible d'améliorer toute loi quelle qu'elle soit. Peu importe la difficulté de la tâche, nous avons découvert dans ce monde qui est le nôtre que lorsqu'il s'agit de code—la loi non écrite—plus le code est rigoureux, plus il se trouvera des gens pour parvenir à les contourner si on n'a pas réussi à mobiliser leur jugement professionnel au sujet des valeurs qui leur sont propres et de la façon de mettre en oeuvre la loi à partir de ces mêmes valeurs.
Un système qui repose sur la conformité ou sur des règles est parfaitement valable dès lors qu'il s'agit de faire décoller des avions, mais il n'est guère opérant lorsqu'il s'agit de faire respecter une loi comme celle-là selon l'esprit que le législateur lui a conféré. Si vous voulez, nous pourrions faire un tour de table, nous pourrions voir ce qui se passe ailleurs dans le monde, surtout dans les pays de l'OCDE et du G-7, et voir comment ces autres pays s'y prennent, c'est certain. Et les systèmes qui sont opérants sont précisément ceux qui essaient d'expliquer aux trois parties—dans la mesure où c'est un jeu qui se joue à plusieurs—ce qu'on attend d'elles et la façon dont le système doit être mis en oeuvre.
Même si l'éthique est un sujet sur lequel il est difficile de légiférer—d'aucuns en conviendront peut-être—j'estime néanmoins qu'il est possible d'éduquer et, si vous me permettez le terme, de former les gens comme moi, les autres professionnels, les parlementaires, les titulaires de charges publiques, les clients et les lobbyistes pour leur apprendre comment respecter la loi. Sans cet aspect de vulgarisation, il va être extrêmement difficile de mettre en oeuvre cette mesure comme nous le voudrions tous ici, et j'entends par là également vous-mêmes et les autre parties prenantes.
Certes, nous aurions beau jeu de dire que depuis 1989, la loi a été améliorée, et je suis certain que nous aurons amplement le loisir d'en parler pendant la période de questions et réponses. Il ne fait aucun doute que la partie consacrée aux définitions a été améliorée, et il est évident aussi que l'aspect exécution et enquête est bien meilleur qu'il ne l'était en 1996. Le code des lobbyistes, comparé à tout autre type de code que nous pourrions implanter, est parfaitement clair.
Mais comme je le disais il y a quelques instants, il faut que les gens sachent ce qu'on attend d'eux et qu'ils connaissent l'esprit de la loi, et pas simplement qu'ils sachent qu'ils doivent faire le saut quand on le leur dit. Il ne leur suffit pas de simplement se conformer à la loi. Il doit y avoir un entendement professionnel, il faut également la volonté de respecter la loi, le code de conduite et le genre d'environnement dont nous essayons tous, et cela s'entend également de vos témoins, de parler depuis un ou deux ans.
Enfin, nous aurions intérêt à considérer cette loi non pas dans l'abstrait mais dans un contexte. Certes, elle a ses mérites, mais si nous considérons le contexte, en d'autres termes ce qui se fait en parallèle, il est extrêmement important de savoir que nous avons amélioré—ce qui était nécessaire—le code applicable aux ministres.
¹ (1555)
Nous avons étudié les rapports avec les sociétés d'État. Nous avons examiné le code qui s'applique aux députés. Je suis sûr que les membres du comité l'ont vu. Certains d'entre vous estiment probablement qu'il est bon, voire lourd, mais c'est dans ce sens que nous allons. Cela fait partie de l'environnement et du climat d'ensemble. Il y aura également bientôt un texte sur la performance et la responsabilisation des sous-ministres, ainsi qu'un code pour la fonction publique ou, si vous le préférez, un ensemble de principes.
Si j'en parle, ce n'est pas pour me porter à la défense des auteurs de ce texte, mais simplement parce que c'est l'ensemble qui compte. Nous créons un environnement, nous créons un monde qui ne sont pas ceux de 1992. Ce ne sont certainement pas ceux de 1955 non plus, et ce texte n'est pas une Buick modèle 1955 qui appartenait à mon père ou à mon grand-père. Nous vivons dans un monde différent, et ce texte s'adresse à ce monde nouveau.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre M. Duff Conacher qui représente le mouvement Government Ethics Coalition.
Monsieur Conacher, vous avez la parole.
M. Duff Conacher (coordonnateur, Government Ethics Coalition): Merci beaucoup de nous donner une nouvelle fois la possibilité de venir vous parler de cette question des lois sur le lobbying et en particulier, comme c'est le cas aujourd'hui, du projet de loi C-15.
Je suis ici aujourd'hui en tant que représentant du mouvement Government Ethics Coalition qui est une coalition de 32 organismes actifs dans les domaines de la lutte contre la pauvreté, la consommation, la responsabilisation des entreprises, les réformes démocratiques, l'environnement, les droits humains, le développement international, le monde du travail, les femmes et la jeunesse. Ces 32 organismes représentent au total plus de 2 millions de Canadiens et ils comprennent 12 mouvements nationaux et 20 groupes situés dans six provinces ainsi que dans les Territoires du Nord-Ouest. Je vais d'ailleurs remettre au greffier la liste des groupes qui font partie de notre mouvement.
S'agissant du projet de loi, je dirai pour commencer que dans l'ensemble, je suis d'accord avec l'essentiel de ce qu'ont déjà dit John Chenier et Brian Grainger mais, par souci de continuité, je commencerai par vous parler des modifications que la Coalition aimerait voir apportées au projet de loi C-15 en partant des éléments déjà signalés par John Chenier.
Même si le projet de loi C-15 n'entend pas fermer certaines des échappatoires existant déjà dans le système de réglementation des lobbyistes établi dans le cadre de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, et en particulier en ce qui concerne les lobbyistes qui sont invités à faire pression auprès du gouvernement et les critères en matière d'enregistrement concernant les lobbyistes attitrés des entreprises, il demeure néanmoins dans le projet de loi certaines échappatoires permettant aux activités de lobbying menées en secret et aux relations contraires à l'éthique entre des lobbyistes et des politiciens de rester parfaitement licites.
Dans l'ensemble, nous constatons que les demi-mesures proposées dans le projet de loi montrent clairement que le gouvernement libéral semble croire qu'il n'y a aucun mal à ce que le gouvernement fédéral soit guidé en secret par de riches sociétés et leurs puissants lobbyistes. Ces brèches doivent être colmatées pour que le gouvernement puisse gouverner avec intégrité comme l'avaient d'ailleurs très clairement promis les libéraux en 1993 dans leur Livre rouge.
Pour commencer par ce que John Chenier faisait valoir avant nous, notre coalition aimerait voir le système tout entier inversé de manière à ce que ce soit les ministères et autres hauts fonctionnaires qui soient tenus de divulguer les noms de ceux qui intercèdent auprès d'eux. Ce serait la seule façon de mettre en plein jour toutes les activités de lobbying. Par contre, nous ne nous attendons pas à ce que vous changiez le système du tout au tout. Vous continuez à imposer une obligation aux lobbyistes, même si ce sont les ministres et les hauts fonctionnaires qui, selon la loi, sont censés défendre la confiance du public, et non pas les lobbyistes. Si c'est le cas, les failles qu'on trouve actuellement dans le système d'enregistrement, le système de divulgation, ces failles doivent être comblées.
La Coalition se rallie à 100 p. 100 non seulement à ce que recommande John Chenier, mais également à la façon dont il a exposé le problème qui se posera si vous perpétuez l'échappatoire permettant aux lobbyistes de ne pas s'enregistrer lorsqu'ils communiquent—comme on peut le lire dans la proposition, une communication limitée à une demande de renseignements. Des activités comme celles-là doivent également être visées par la loi.
Nous estimons également que le projet de loi devrait également exiger l'enregistrement des lobbyistes non rémunérés, et pas seulement ceux qui sont rémunérés et qui doivent déjà être enregistrés, la balise devant être en l'occurrence ici une balise temporelle. Si une personne consacre une partie importante de son temps à faire du lobbying, il faudrait qu'elle soit tenue de s'enregistrer.
Même s'il est évident qu'il est extrêmement difficile de repérer ce genre de problèmes étant donné qu'à l'heure actuelle les lobbyistes non rémunérés ne sont pas tenus de s'enregistrer, nous avons néanmoins entendu parler d'entreprises qui utilisent d'anciens cadres pour faire leur lobbying. Ce sont d'anciens cadres qui ne sont plus rémunérés par l'entreprise. Par contre, aux yeux des titulaires d'une charge publique, ces ex-cadres sont toujours associés de très près à leur ancienne entreprise. Il y a donc lobbying, mais il n'y a pas d'enregistrement. Nous estimons donc que le seul seuil applicable devrait être le temps consacré à ce genre d'activités.
Pourquoi donc une balise temporelle? Eh bien, un tel système ne s'appliquerait pas à l'homme de la rue qui écrit une seule lettre à un fonctionnaire; par contre il s'appliquerait s'il écrit 10, 15 ou 20 lettres et s'il consacre une partie importante de son temps à ce genre d'activités pendant une période de plusieurs mois. À ce moment-là, la personne en question serait contactée par le directeur qui rendrait une décision. Ce n'est pas qu'elle serait pénalisée pour son ignorance de la loi, elle serait simplement tenue de s'enregistrer.
Pour passer maintenant au second élément d'amélioration suggéré par John Chenier—l'exécution proprement dite de la loi—lorsque John propose de confier la mise à exécution du code au directeur plutôt qu'au conseiller en éthique, je ne suis pas tout à fait d'accord avec lui. Pour moi, les pouvoirs du directeur ne posent pas problème étant donné qu'en vertu de l'actuelle loi, le directeur a tous les pouvoirs d'un juge enquêteur, donc autant de pouvoirs qu'en aura le commissaire. Cela commence d'ailleurs à être le cas au Québec avec la nouvelle loi provinciale.
º (1600)
Par contre, c'est là un problème difficile pour le comité étant donné que les amendements à la Loi sur le Parlement du Canada sont actuellement soumis à un comité du Sénat et à un comité des Communes, le comité de la procédure. C'est par ces amendements que la responsabilité, c'est-à-dire l'exécution du code des lobbyistes, passera du conseiller en éthique au directeur.
Ce qu'il faut que vous sachiez, et j'espère que vous le signalerez à vos collègues ainsi qu'au ministre, c'est que vous allez finir par vous retrouver avec des décisions contradictoires. Le directeur va faire respecter le code de conduite des lobbyistes. L'article 8 de ce code dit qu'un lobbyiste ne peut entreprendre aucune activité qui constitue une influence indue ou qui mette le titulaire d'une charge publique dans une situation de conflit d'intérêts. Le titulaire d'une charge publique est défini dans le code comme étant un député, un sénateur ou un ministre.
Si une plainte concernant un lobbyiste est soumise au directeur, par exemple, voulant que le lobbyiste a violé l'article 8 du code et qu'il a placé le titulaire d'une charge publique dans une situation de conflit d'intérêts, le directeur rendra une décision dans un sens ou dans l'autre, alors que le nouveau commissaire à l'éthique décidera pour sa part si le député, le sénateur ou le ministre est effectivement en conflit d'intérêts. Que se passe-t-il si les deux décisions sont contradictoires? Que se passe-t-il si le directeur dit que le lobbyiste a effectivement mis le ministre, le député ou le sénateur dans une situation de conflit d'intérêts mais que le commissaire à l'éthique affirme le contraire? Qu'est-ce que cela donne?
Ce qui est proposé est donc un système aussi inopérant que celui qui est déjà en place et qui repose sur l'actuel conseiller en éthique. Le conseiller en éthique est en situation de conflit d'intérêts parce qu'il est contrôlé dans l'une de ses deux fonctions, étant donné qu'il y a deux postes de conseiller en éthique, un pour les lobbyistes et un pour les ministres. Lorsque le conseiller en éthique contrôle les ministres, il est lui-même contrôlé par le premier ministre.
Vous allez maintenant créer deux charges qui seront en conflit, même si toutes deux sont indépendantes, comme les gens le réclament depuis un certain temps déjà, de l'influence du premier ministre.
La seule solution, la seule façon de rendre tout cela logique, c'est de donner au nouveau commissaire à l'éthique le pouvoir de faire respecter le code de conduite des lobbyistes. ôtez cette responsabilité des mains du directeur et confiez-la, avec les autres, à une seule et même personne. Et tant que vous y êtes, ajoutez également le code de conduite des fonctionnaires en permettant au commissaire de le faire respecter également et de protéger les dénonciateurs qui signalent les violations à l'un ou l'autre de ces codes. C'est parfaitement logique. Autrement, vous allez vous retrouver avec des décisions contradictoires et avec autant de problèmes que la mise en oeuvre du code en pose depuis neuf ans.
Pour passer maintenant au troisième argument de John Chenier, ce ne sont pas tellement les honoraires que la Coalition voudrait voir rendus publics. Ce qu'on a fait valoir, c'est que le gouvernement fédéral ne pouvait pas exiger la divulgation des honoraires étant donné qu'il s'agit de contrats qui relèvent du droit de propriété pour lequel, selon la Constitution, ce sont les provinces qui sont exclusivement compétentes.
Par contre, une loi fédérale peut fort bien contraindre le client d'un lobbyiste à divulguer les montants qu'il dépense. Nous n'avons pas encore vraiment tranché toute cette question de compétences constitutionnelles, mais si vous voulez lancer un ballon d'essai, il vous suffit de contraindre les clients à divulguer le montant de leurs dépenses à deux titres distincts, ce qu'ils versent à leurs lobbyistes et ce qu'ils dépensent au total pour leurs campagnes publicitaires, par exemple pour faire paraître des annonces dans les journaux.
Nous estimons que les Canadiens ont le droit de savoir ce genre de choses étant donné que c'est une partie intégrante du mérite intrinsèque d'une décision. Une décision a-t-elle été payée? Tous les camps en présence avaient-ils les mêmes ressources, le gouvernement a-t-il pu écouter tous les arguments et prendre sa décision en toute connaissance de cause? Combien les quatre banques ont-elles dépensé au moment où elles proposaient de fusionner en 1998? J'ai personnellement entendu parler d'une fourchette allant de 30 à 100 millions de dollars. Les Canadiens ont le droit de savoir de combien il s'agissait. Combien la Banque Scotia, qui était contre la fusion, a-t-elle dépensé? Je peux vous dire combien notre coalition a dépensé. Nous avions 170 000 $ à dépenser dans ce dossier.
Tout cela devrait être enregistré, et tous les Canadiens devraient pouvoir consulter le registre des lobbyistes et déterminer sans difficulté si un des camps en présence a pu littéralement investir les politiciens grâce à ses ressources financières. Il y va de l'intérêt public que les Canadiens puissent facilement savoir ce qu'il en est.
Pour passer maintenant à d'autres grands secteurs de préoccupation, à d'autres brèches importantes que la Coalition a constatées dans le projet de loi C-15, nous ne sommes pas d'accord avec John Chenier lorsque celui-ci dit qu'il n'y a pas de mal à ce que des lobbyistes occupent des postes clés pendant les campagnes électorales des politiciens, des candidats des charges publiques et autres partis politiques. D'ailleurs, le premier ministre lui-même n'est pas d'accord non plus. En juin, il a émis une ligne directrice voulant que les lobbyistes ne pouvaient pas travailler auprès d'un ministre auprès duquel ils font déjà du lobbying dans le cadre d'une activité personnelle ou politique. Il suffit d'élargir cela et d'en faire une loi, et pas uniquement une ligne directrice destinée aux ministres. Il suffit d'interdire purement et simplement aux lobbyistes d'occuper un poste clé dans la campagne électorale d'un personnage politique, d'un candidat à une charge publique ou d'un parti politique, comme c'est déjà le cas au Maryland et au Nouveau-Mexique. C'est un principe auquel souscrit déjà le premier ministre et il n'y a aucune raison que ce principe ne figure pas dans la loi.
º (1605)
Il faudrait également que la loi interdise aux lobbyistes de travailler pour le compte du gouvernement ou d'avoir des liens d'affaires avec quiconque travaille pour le compte du gouvernement. Le conseiller en éthique a publié un bulletin d'interprétation où il disait que les entreprises de lobbying doivent maintenir ce qu'il a appelé une muraille de Chine entre leurs services de communications qui travaillent pour le compte du gouvernement et leurs services de lobbying comme tels qui font des démarches auprès du gouvernement. Mais cette muraille de Chine n'existe pas. Le conseiller en éthique n'a même pas les pouvoirs qu'il faut pour aller vérifier si l'on respecte les dispositions de ce bulletin d'interprétation.
Il faut en finir avec les abus évidents et les relations contraires à l'éthique entre politiciens et entreprises de lobbying dont l'exemple le plus flagrant a été la conduite du ministre des Finances au cours des neuf dernières années. Paul Martin a ses liens avec Earnscliff, et les lobbyistes de cette société ont travaillé pour lui tout comme les employés de son service de communications.
Enfin, si l'on veut colmater une autre brèche évidente, il faut verrouiller la porte tournante mieux que les lois et les codes ont su le faire. Le mieux, pour cela, c'est d'interdire aux anciens ministres et hauts fonctionnaires de faire du lobbying auprès du gouvernement d'une manière ou d'une autre pendant cinq ans. Pour les ministres, l'interdiction est en ce moment de deux ans, et d'une année pour les anciens hauts fonctionnaires, et il faut encore que l'on fasse respecter cette disposition, et le conseiller en éthique n'en a rien fait. Il faut que l'interdiction soit de cinq ans.
Le fait est que ces gens disposent d'un accès au pouvoir, d'une influence et d'un savoir qui sont monnayables. Cela montre que le Canada, le gouvernement fédéral, n'est pas du tout une démocratie puisque ces gens peuvent gagner le maximum en monnayant leurs contacts et leur influence. Cela montre que le gouvernement n'agit pas du tout dans l'intérêt du citoyen, que les décisions qu'il prend ne sont pas fondées sur la valeur et que c'est un système où le jeu des relations fait la loi. La seule façon d'en finir avec cet état de chose, c'est d'écarter ces gens des entreprises de lobbying pendant plus longtemps en portant à cinq ans l'interdiction d'activité.
Le président: Je dois vous interrompre.
M. Duff Conacher: Je vais vous remettre une page qui contient une liste de recommandations sous forme de capsules, et je serai heureux de répondre à toutes vos questions. Je vous remercie beaucoup de m'avoir écouté.
Le président: Pardonnez-moi, mais je vous ai accordé deux minutes de plus, puis trois minutes, et ça finissait par faire beaucoup.
Je vais maintenant passer aux questions. Vous pourrez peut-être compléter vos observations en répondant aux questions.
º (1610)
M. Duff Conacher: J'ai dit tout ce que j'avais à dire.
Le président: Monsieur Rajotte.
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Messieurs, merci d'être venus aujourd'hui et merci pour ces propos.
Je vais commencer par un élément que vous avez soulevé tous les deux, à savoir l'alinéa 4(2)c). Monsieur Chenier et monsieur Conacher, vous avez tous les deux soulevé une interrogation à ce sujet. Quelle est votre recommandation à cet égard? Le comité a recommandé la suppression de cette disposition. Nous nous retrouvons maintenant avec une nouvelle disposition. Recommandez-vous le rétablissement de l'ancien alinéa, ou recommandez-vous sa suppression intégrale?
M. John Chenier: Je recommande pour ma part qu'on le supprime entièrement. Il semble qu'on ne veuille pas obliger les gens qui veulent simplement des informations à s'enregistrer. C'est ce que font la plupart des lobbyistes à Ottawa. C'est ce pourquoi on les paie. Dans cette perspective, cette activité devient une partie intégrante des stratégies de campagne et des opérations de mise en oeuvre.
Lorsqu'on a supprimé cette disposition, je me suis écrié, bravo. Mais lorsque je les ai vus se débattre avec une définition qui disait «communiquer afin de tenter d'influencer», et dire ensuite qu'on allait supprimer la mention «afin de tenter d'influencer» et laisser seulement le mot «communiquer», je me suis dit qu'on allait enfin obliger tous les lobbyistes à s'enregistrer. Mais j'ai pris ensuite connaissance du projet de loi et j'ai vu que non, ils ne sont pas obligés de s'enregistrer s'ils ne font que chercher des informations. Bien sûr, cela nous ramène tout droit à la mention «communiquer afin de tenter d'influencer». Cette disposition avait toujours eu pour but d'exclure, à mon avis, la majorité des activités de lobbying et la majorité des activités de ces gens.
Je ne dis pas que les lobbyistes-conseils ne s'enregistrent pas. Ce que je dis, c'est qu'ils ont l'habitude de décider combien de gens ils vont enregistrer et pour quelle campagne. Pour ceux qui ne veulent pas s'enregistrer, ils ne sont pas obligés de le faire parce qu'ils peuvent aisément structurer leur campagne de manière à ne pas le faire. Si cet état de chose subsiste, on va autoriser le maintien de cette pratique.
Personnellement, je crois que cette disposition n'a pas sa place ici, mais il vous appartient d'en décider. Je dis seulement que cela aura simplement pour effet de maintenir cette pratique.
M. Duff Conacher: Je suis d'accord. Supprimez simplement l'alinéa 4(2)c), et il vous restera 4(2)b), qui parle essentiellement de communication, dans l'anglais «with respect to», qui pourrait être changé à «with regard to», un autre libellé.
Nous sommes heureux de voir cette disposition élargie. Nous pensions que cela éliminerait cette échappatoire. Au même moment, nous sommes un peu dégoûtés parce que toute cette histoire où l'on n'a pas fait respecter la disposition «communiquer afin de tenter d'influencer» n'était en fait qu'un vaste écran de fumée créé par le gouvernement qui ne voulait pas que René Fugère soit accusé d'avoir enfreint la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, simplement parce qu'il est le bras droit du premier ministre à Shawinigan.
On ferme un peu la porte en changeant cela par «communication portant sur», mais cette énorme échappatoire subsiste toujours. Encore une fois, je suis tout à fait d'accord avec John Chenier lorsqu'il dit qu'il appartiendra aux lobbyistes de décider s'ils veulent s'enregistrer ou non, et il sera tout aussi impossible de faire respecter le nouveau libellé que l'ancien, comme l'affirme le ministère de la Justice.
M. James Rajotte:
Ma deuxième question porte sur toute la question du respect du code des lobbyistes. En juin, le comité a fait la recommandation suivante:
que la Loi soit modifiée afin d'y prévoir la création d'un nouveau bureau qui aurait compétence exclusive quant aux enquêtes sur les violations présumées du Code de déontologie des lobbyistes et ferait rapport au Parlement à ce sujet. |
Monsieur Conacher, vous avez recommandé que tout cela relève du commissaire à l'éthique.
Tout d'abord, j'ai cette question-ci pour les trois. M. Conacher a fait connaître son avis, mais j'aimerais que les deux autres témoins me disent s'ils sont d'accord avec ça et s'ils pensent que tout cela devrait relever du commissaire à l'éthique.
Deuxièmement, je ne sais pas si j'ai le droit de poser cette question, mais ne devrions-nous pas attendre que les autres mesures soient soumises au Parlement avant de prendre une décision sur ce projet de loi-ci? Et j'imagine qu'il nous faudra reprendre tout ce projet de loi, quelle que soit la recommandation du comité.
M. John Chenier: J 'ai deux choses à dire à ce sujet.
D'après moi, la proposition de loi créant un conseiller en éthique indépendant supprimera purement et simplement toute mention du conseiller en éthique de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. C'est comme ça. Donc, je ne vois pas comment vous pourriez faire si ce n'est peut-être en supprimant et en laissant votre référence au conseiller en éthique. Quoi qu'il en soit, il faudra qu'ils trouvent un texte intégrant votre perspective du point de vue de l'enregistrement des lobbyistes.
Je continue cependant à prétendre qu'il faut qu'une personne d'autorité, indépendante, supervise la loi et les activités de lobbying puisque pour l'essentiel c'est souvent à ce niveau que la politique et les politiciens se rencontrent. Il y a de plus en plus d'argent dépensé au Canada et ailleurs, dans d'autres pays, pour essayer d'influer sur les politiques. Encore une fois, je n'y vois rien de mal. C'est simplement une réalité. Mais parfois... Est-ce que je suis trop long?
º (1615)
M. James Rajotte: Non, je voudrais simplement...
Comment cette personne devrait-elle être choisie? Comment recommanderiez-vous qu'on la choisisse?
M. John Chenier: Il faudrait que cette personne soit indépendante. Il faudrait qu'elle rende compte de ses activités au Parlement parce qu'elle doit rendre compte des activités de tout le monde: des hauts fonctionnaires, des parlementaires, des sénateurs, des ministres. Il faut donc que cela soit une personne qui ait le poids nécessaire et suffisant, dirons-nous, et l'indépendance nécessaire pour traiter de certaines de ces questions.
J'ajouterais aussi une autre chose, et c'est évident dans la loi québécoise. Une sorte de fonction de vérification me semble indispensable. Actuellement, une bonne partie des renseignements fournis n'est pas nécessairement ce que j'appellerais claire. En fait, c'est souvent obscur, et les lobbyistes obscurcissent intentionnellement leur cible de lobbying tout en se servant de la loi telle qu'elle est, simplement en citant une série de ministères qui n'ont peut-être rien à voir avec leur cible.
Il me semble nécessaire d'avoir un conseiller en éthique qui a pour fonction—comme au Québec—de vérifier à l'occasion ces enregistrements, de se rendre personnellement sur place et de dire: «Vous avez dit que vous alliez faire telle ou telle chose. Je peux voir le contrat?». Cela pourrait imposer une certaine espèce d'honnêteté. Je ne dis pas que ce sont tous des malhonnêtes. Je dis simplement que cela ferait réfléchir les gens à deux fois avant de remplir un faux enregistrement—que cela les obligerait à penser à ce à quoi ils ne pensent même pas aujourd'hui, être honnêtes.
Donc, oui, il faut renforcer ses pouvoirs et oui, il faut qu'il soit indépendant.
M. Duff Conacher: Si je peux ajouter mon mot sur ce qui me semble vous intéresser, je n'entrerai pas dans les détails des propositions sur le commissaire à l'éthique car ils ne concernent pas ce projet de loi mais sont étudiés par cet autre comité.
Nous ne sommes pas d'accord avec la procédure de nomination. Elle devrait se faire sur approbation de tous les partis au Parlement. Mais si c'est un bureau indépendant, tant que restera la règle numéro 8 du code des lobbyistes, il y aura conflit ou possibilité de conflit au niveau des décisions. La situation restera insoluble tant que le directeur des lobbyistes, comme c'est actuellement proposé, pourra dire que le lobbyiste a placé le ministre en conflit et que le commissaire à l'éthique dira que le ministre n'est pas en situation de conflit. Il va falloir que les deux se penchent sur la question car selon les propositions faites, quand il y a motif raisonnable de croire que les codes ont été violés, les deux doivent faire enquête. Le conflit est inévitable. C'est la raison pour laquelle cela ne devrait dépendre que d'un seul bureau.
Mais il y a d'autres choses avec lesquelles nous ne sommes pas d'accord dans cette proposition, comme par exemple la manière dont le bureau sera structuré et ses membres nommés, y compris l'idée que les partis d'opposition ne seront absolument pas consultés. Il continuera à être nommé par le cabinet.
Le président: Monsieur Grainger, voulez-vous commenter avant que je cède la parole au prochain intervenant?
M. Brian Grainger: Oui, s'il vous plaît. Voyons les choses en perspective, c'est une très bonne question que vous avez posée et les réponses de mes collègues ici présents m'intriguent, dans le G-7—prenez l'Angleterre, prenez les États-Unis ou tout autre pays—on y trouve des commissaires à l'éthique qui sont indépendants au niveau fédéral ou national, si vous voulez. Cela ne semble pas poser de problème particulier.
De fait, je dirais même que si l'on prend le cas d'un seul d'entre eux, soit le jurisconsulte à Londres, au Parlement de l'Angleterre, par rapport au bureau de la conduite publique, il était important de séparer les deux pour au moins deux raisons—premièrement, j'emploierai le mot constitutionnel dans son sens le plus général. Autrement dit, pourquoi auriez-vous des instances au Parlement qui porteraient atteinte aux privilèges des membres? L'endroit ne me paraît pas convenir. Peut-être que ce commissaire indépendant a beaucoup trop à faire.
Du strict point de vue de la gouvernance, du point de vue de la gouvernance ministérielle ou de la bonne gouvernance tout court, l'autre problème qui se pose, c'est celui de la confidentialité. À un certain moment, quand toutes ces choses-là se passent, il est bon de savoir, par exemple, que le commissaire à la protection de la vie privée existe et qu'il y a là-bas un autre commissaire, ainsi de suite. Je ne suis pas sûr que les parlementaires voudront prendre le risque de confier trop de responsabilités à un seul bureau où toutes les affaires privées des députés sont étalées. Je les mets en garde contre cela. J'ajoute tout de suite que nous avons de bons états de service dans notre pays à cet égard, mais tout de même, je demeurerais très prudent ici.
En ce qui concerne la fonction de directeur, je pense que l'idée d'avoir une personne jouant un plus grand rôle ou étant plus indépendante, si vous voulez, a peut-être du bon, et nous avons des modèles de ce genre. Le gouvernement, vous le savez peut-être, a créé le poste d'agent à l'intégrité de la fonction publique; le poste est occupé par M. Edward Keyserlingk, qui est au Bureau du Conseil privé, et personne n'est allé dire que cet homme-là manquait d'intégrité ou d'indépendance d'esprit.
Nous avons donc des moyens de régler cette question du directeur, et il faudrait peut-être, ce n'est qu'une idée, que cette personne soit à l'extérieur d'un ministère—disons pour le moment qu'il s'agit du ministère de l'Industrie—et que cette personne soit envoyée ailleurs. Mais nous avons des modèles qui s'écarteraient du rôle de vérificateur général ou de commissaire indépendant.
Enfin, corrigez-moi si j'ai tort, mais pour autant que je sache, les partis vont être consultés et le Parlement doit donner son accord à la création du poste de commissaire indépendant, et je n'ai rien vu indiquant le contraire. Si les députés ici présents veulent me corriger, ne vous gênez surtout pas.
º (1620)
Le président: Merci.
Monsieur McTeague.
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Je cède mon tour à M. Bagnell, monsieur le président.
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai une toute petite question, donc si je peux partager mon temps de parole...
Toutes mes excuses, je n'étais pas ici lorsque vous avez commencé; je prenais la parole à la Chambre des communes et, malheureusement, j'ai dû revenir ici à la course. Mais ce que vous disiez m'intéresse beaucoup.
J'ai une question, et je suis probablement plus d'accord avec vous. Il s'agit de la disposition concernant les gens qui ne font que téléphoner pour obtenir des renseignements. Je suis probablement d'accord avec vous, mais juste pour me faire l'avocat du diable, ce que je disais à la Chambre des communes lorsque vous avez témoigné, c'est que mes électeurs sont isolés, parce que ma circonscription est celle du pays qui est le plus éloignée d'Ottawa. Toutes ces circonscriptions rurales et celles qui sont loin d'Ottawa et de la Chambre des communes se sentent isolées parce que les gens dans ces régions ne peuvent pas bien voir ce qui se passe, et ils ne peuvent pas entrer tout bonnement dans les bureaux, et tout le reste.
J'étais dans un restaurant sur la côte Ouest et quelqu'un non loin de moi demandait dans quelle province se trouvait la Chambre des communes, et personne ne connaissait la réponse.
Donc avec cet amendement qui permet aux gens de téléphoner à Ottawa—rappelez-vous, comme ils ne savent presque rien au sujet d'Ottawa, ce pourrait être n'importe qui à Ottawa. Pensez-vous que cet amendement permettrait aux gens de simplement téléphoner pour obtenir des informations, ce que, on l'espère ils le feront plus souvent, pour obtenir des informations? Mais tout à coup, ils se disent, sans cet amendement, je pourrais être inculpé; je ne suis pas enregistré comme lobbyiste. Vous savez comment ces choses-là marchent dans la réalité; les gens croient ceci ou cela, et ils ne se donnent pas la peine de vérifier. Croyez-vous que, sans cet amendement, nous réduirons l'aisance qu'ont les gens, l'aisance qu'ont les gens en certaines occasions, de communiquer avec Ottawa sans penser à mal?
M. Duff Conacher: Je ne le pense pas à condition d'inscrire une balise temporelle et de dire que tant que ce seuil n'a pas été franchi il n'y a pas de problème.
Disons simplement ceux qui paient. Comme ça, il y en aura beaucoup moins.
Il y a énormément de groupes bénévoles qui font du lobbying, et ils n'ont pas l'obligation de s'enregistrer. Nous pensons cependant qu'il faudrait englober certains de ces groupes car parfois ils sont très puissants, et nous croyons que les Canadiens ont le droit de savoir quels sont les gens qui passent des heures et des heures, des mois et des mois en réunion avec beaucoup de gens ici à Ottawa.
Mais tant que cela ne dépasse pas un certain seuil, vous n'empêcherez pas le Canadien moyen d'appeler et de demander des nouvelles à propos d'une question ou d'une autre, une fois par an ou même dix fois par an.
Le président: Monsieur Chenier.
M. John Chenier: J'ai deux points. Premièrement, mes commentaires visaient les lobbyistes-conseils rémunérés qui consacrent la majeure partie de leur temps à faire cela et non pas au citoyen moyen. En d'autres termes, il faudrait être payé pour faire du lobbying au nom de quelqu'un d'autre avant que cela ne soit applicable. Cela pourrait entrer dans les critères relatifs aux lobbyistes-conseils car pour chacun d'entre eux les critères d'enregistrement sont différents, la méthode d'enregistrement et les raisons de l'enregistrement sont différents.
Deuxièmement—pour poursuivre le point de Duff—il y a des dispositions relatives au lobbying de base. À mon avis, il est très important de s'attaquer aux tentatives organisées d'influence sur les politiques publiques. Le mot important c'est «organisées». Cela veut dire les gens qui essaient de s'organiser en s'enregistrant et non pas le simple quidam qui écrit une lettre au nom de ceci ou de cela ou qui devient lui-même un élément de la campagne. Ce sont les organisateurs que nous visons.
Le président: Monsieur Grainger.
º (1625)
M. Brian Grainger: J'ai tendance à être d'accord avec le point de vue de John et de Duff, mais de nos jours on n'arrive plus à compter le nombre d'anges qui arrivent à danser sur la pointe d'une épingle et nous semblons nous diriger par là. En d'autres termes, sous combien de formes faudra-t-il dire aux gens de ne pas faire ceci mais de faire cela? Bien qu'il puisse y avoir de la confusion, je crois que beaucoup de Canadiens vous diront: «On aurait pu y penser tout seuls».
Nous devrions faire ce que nous disons tous à propos des lobbyistes rémunérés. C'est ceux qui veulent se faire passer pour quelque chose d'autre qu'il faut connaître. C'est le but et l'objectif il me semble. Beaucoup de Canadiens, sinon tous les Canadiens, sont suffisamment intelligents pour le comprendre. Il y a une limite à ce que nous pouvons mettre dans la loi en espérant attraper le cheval qui a déjà quitté l'enclos.
C'est plus une question de bon sens qu'autre chose. D'après moi, c'est ça l'objectif, le bon sens.
Le président: Monsieur Crête.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci, monsieur le président.
Merci pour les exposés très intéressants qui pourront alimenter notre réflexion. J'ai une question qui s'adresserait peut-être plus à M. Conacher, mais si les autres ont des opinions là-dessus, qu'ils ne se gênent pas pour les émettre.
Ma question porte sur la demande d'information dont on a déjà beaucoup parlé. Je veux m'assurer que vous avez la même compréhension que moi. Nous, les députés, faisons souvent des demandes d'information à répétition dans les comités. Par contre, si on pose une question comportant des détails et des précisions, on en vient finalement à faire du lobbying, à influencer.
Est-ce que c'est, M. Conacher, ce que vous soulevez par cette question, à savoir que lorsqu'il y a une demande d'information, ça devrait effectivement faire partie de la déclaration. Autrement, on ne sera plus capable de faire la marge entre une partie où on voudrait influencer et une partie où il n'y aurait qu'une demande d'information comme telle?
[Traduction]
M. John Chenier: Monsieur Crête, voulez-vous dire que les députés seraient assujettis à cette disposition, ou les gens qui vous écrivent?
[Français]
M. Paul Crête: Non. Je donnais l'exemple des députés, c'est-à-dire que nous aussi, dans notre travail, il nous arrive de devoir poser des questions, et même en posant une question, on influence la réponse. Est-ce que c'est un peu un parallèle que vous faites lorsque vous dites que s'il n'y a pas d'enregistrement, cela va peut ouvrir la porte à des comportements qui, autrement, ne devraient pas être tolérés?
[Traduction]
M. John Chenier: D'abord, le texte exclut les parlementaires et n'aurait aucune incidence sur les sept ou huit autres groupes exclus.
En 1989, quand j'ai commencé à écrire sur ce sujet, j'ai tiqué lorsque j'ai vu l'expression «qui cherche à exercer une influence». Il y avait sept catégories, dont une qui omettait explicitement de parler des demandes de renseignements. Je savais qu'il y avait de nombreuses façons d'exprimer des demandes de renseignements qui pourraient influer sur l'opinion de la personne concernée. Je sais que les lobbyistes font cela très souvent. En posant une question, ils font ressortir la réponse qu'ils aimeraient obtenir. C'est donc une de mes préoccupations.
Les lobbyistes font souvent des demandes de renseignements parce qu'obtenir de l'information fait partie de leur travail. Cela est étroitement lié au paiement, au contrat, etc. À l'heure actuelle, ces activités n'ont pas besoin d'être déclarées, et c'est quelque chose avec laquelle je ne suis pas d'accord.
Je m'excuse si je prends une partie de votre temps pour revenir à ce que Duff Conacher a dit, c'est-à-dire que je tolère certains comportements parce que je crois que les lobbyistes participent activement au jeu politique. Mon message, c'est qu'un lobbyiste peut, dans l'état actuel des choses, travailler pour un ministre et avoir des clients qui veulent influencer les activités du ministère de ce ministre mais puisque le lobbyiste ne fait que donner des renseignements ou des conseils à ses clients, il n'est pas obligé d'enregistrer ces activités.
Je suis d'avis que si cela était interdit—je ne vais pas donner des noms ici—tout lobbyiste qui travaille très activement à la campagne d'un ministre ou au sein d'un ministère aurait à déclarer les noms de ses clients et le fait qu'il leur donnait des conseils. Le chat sortirait du sac. Je crois qu'un tel comportement ne serait pas toléré, et je crois que, moi non plus, je ne le tolérerais. Je voulais tout simplement dire qu'à l'heure actuelle on n'est pas obligé de déclarer ces activités.
º (1630)
[Français]
M. Paul Crête: Est-ce que M. Conacher a quelque chose à ajouter là-dessus?
[Traduction]
M. Duff Conacher: Là encore, je suis d'accord avec M. Chenier: il est important d'éliminer cette échappatoire concernant l'obtention de renseignements. J'aimerais pouvoir dire comme lui qu'on ne tolérerait pas qu'un organisme fasse du lobbying auprès du ministre et qu'il travaille pour ce même ministre. En réalité, le conseiller en éthique tolère ce genre de situation depuis neuf ans, et il néglige systématiquement d'accomplir son devoir de mettre en application le Code de déontologie des lobbyistes.
Nous avons neuf plaintes non réglées devant le conseiller en éthique concernant des lobbyistes qui ont violé la règle 8 et mis des ministres dans des situations de conflit d'intérêts. Bien sûr, trois de ces plaintes datent de plus de deux ans, trois de plus d'un an, une de cinq mois, et les deux autres de moins d'un mois et demi. Il n'a statué sur aucune de ces plaintes. De tels retards sont tout simplement injustifiés.
C'est pourquoi il est tellement important d'assurer l'indépendance et l'efficacité, et non seulement de créer un nouveau régime comportant un commissaire à l'éthique et un directeur, qui seront peut-être à couteaux tirés en raison de la règle 8 du Code des lobbyistes. Il ne faut pas éliminer cette règle. Il faut une règle interdisant aux lobbyistes de mettre des titulaires d'une charge publique dans des situations de conflit d'intérêts. Il faut éliminer le conflit entre, sous le régime actuel, un conseiller en éthique qui relève du premier ministre et qui prend des décisions sur des lobbyistes qui pourraient mettre le premier ministre dans une situation de conflit ou, sous le régime proposé, un directeur et un commissaire en éthique qui pourraient possiblement prendre des décisions contradictoires.
[Français]
M. Paul Crête: Est-ce qu'il y a des pays qui, sur la question de la divulgation de l'information, ont une expérience ou un texte de loi qui pourrait nous servir un peu de modèle? Est-ce qu'on pourrait faire un échantillon de ce qui fonctionne le mieux et de ce qui fonctionne moins bien afin de voir si, dans notre projet de loi, il y aurait moyen d'aller chercher ailleurs une autre façon de faire qui permettrait de répondre à l'objection que vous aviez soulevée sur l'information?
Ma question s'adresse à quiconque veut y répondre.
[Traduction]
M. Duff Conacher: Oui, cela peut se faire. Il s'agit de s'assurer que le titulaire est tout à fait indépendant du conseil des ministres. Les pouvoirs existent déjà, d'abord en vertu de la loi actuelle sur l'enregistrement des lobbyistes et ses dispositions sur la surveillance des lobbyistes et, ensuite, dans les propositions faites en vue de modifier la Loi sur le Parlement du Canada en vue de la création d'un nouveau poste de commissaire à l'éthique.
Il existe certains problèmes liés aux pouvoirs. Dans le cas d'une enquête sur les activités d'un député ou d'un sénateur, les conclusions seront divulguées, à huis clos, à un comité mixte de députés et de sénateurs. Ce n'est pas la meilleure approche.
Toutes les décisions doivent être rendues publiques. À l'avenir, la population n'aura plus la possibilité de déposer une plainte, et c'est une erreur. Mais règle générale, cependant, les dispositions concernant les pouvoirs et les nominations sont définies dans la loi actuelle ou dans les amendements proposés à la Loi sur le Parlement du Canada.
Le président: Monsieur Grainger, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Brian Grainger: Oui. Corrigez-moi si j'ai tort, monsieur le président ou quelqu'un d'autre, mais je crois bien que le personnel de ce comité et d'autres comités a fait des recherches sur ce sujet au cours des deux dernières années.
En Grande-Bretagne, des questions très embarrassantes, payées par des lobbyistes, ont été posées à la Chambre des communes à l'époque du gouvernement Major—questions étroitement liées aux points que vous avez soulevés concernant les parlementaires et les demandes de renseignements. D'ailleurs, un des lobbyistes est devenu plutôt célèbre en disant qu'il pensait devenir le beau-père d'une certaine personne. On a adopté un train de mesures très intéressantes, qui existent maintenant dans tous les pays du G-7, si vous examinez ce qui s'est passé ces derniers mois et l'an dernier. La Grande-Bretagne est dotée d'un code de déontologie qui s'applique à la fois aux parlementaires et aux fonctionnaires.
Ce pays n'a pas de constitution écrite, seulement la Grande Charte de 1215, et il a dû élaborer tout un train de mesures détaillées un peu comme celles dont nous parlons aujourd'hui. Si on examine ce qu'ils ont fait à l'égard des lobbyistes et des parlementaires en tant que titulaires d'une charge publique—cela se trouve sur le site Web du gouvernement de la Grande-Bretagne—on voit que la politique tient très bien compte des attentes des lobbyistes, des parlementaires et des autres titulaires de charge publique, et même des hauts fonctionnaires.
L'expérience à ce jour est très positive, puisque la nouvelle politique a bien délimité les problèmes, et John, Duff et moi, aimerions voir ici à peu près la même approche adoptée. On a pu éliminer les gros problèmes et s'attarder sur les petites questions. Je crois donc que ce modèle pourrait nous être très utile.
Il existe aussi d'autres modèles. En Australie, on a fait à peu près la même chose. Le modèle américain est très compliqué en raison de l'envergure et de la structure du gouvernement à Washington, mais il comporte aussi des aspects intéressants. Mais je privilégierais les régimes de la Grande-Bretagne et de l'Australie en ce qui concerne le fonctionnement de cette entité de surveillance.
º (1635)
Le président: Monsieur Chenier.
M. John Chenier: J'aimerais tout simplement dire que les lois dans ce domaine, comme dans beaucoup d'autres, évoluent par un processus d'itération. Les Américains, par exemple, exigeaient la divulgation des paiements. On ne déclarait que les frais de repas, de taxis, etc., et rien d'autre. La version suivante de la loi a élargi quelque peu la divulgation. Enfin, on a modifié la loi pour interdire que les activités de lobbying donnent droit à des exemptions fiscales. Leur loi concernant la divulgation des dépenses des lobbyistes a fini par être plus facile à comprendre et à appliquer, parce qu'il existait une disposition fiscale ou un texte de l'IRS qui définissait le lobbying.
Au Canada, nous avons suivi un processus semblable. On a fait passer la période de prescription de six mois à deux ans. Au Québec, par exemple, c'est trois ans—l'expérience montre que les répercussions de ces activités ressortent parfois bien plus tard. J'imagine que même si toutes nos recommandations étaient mises en oeuvre et que la loi modifiée tenait compte de certaines de nos préoccupations et de certaines des vôtres, il y aurait des moyens... Il faut noter que notre loi n'a jamais été contestée devant les tribunaux. On ne s'est jamais fait dire par un juge qu'une telle disposition n'avait aucun sens, qu'il fallait l'abroger ou qu'une activité donnée ne constituait nullement du lobbying. On ne le sait pas. Quand la question s'est posée, on a dit, «Eh bien, la période de prescription est expirée» ou «Cette définition de lobbying ne peut pas être défendue».
Ailleurs au Canada—en Colombie-Britannique, en Ontario, en Nouvelle-Écosse et au Québec—le lobbying est défini comme étant la communication dans le but d'exercer une influence.
Cela étant dit, il s'agit d'un processus d'itération, à mon avis. Tôt ou tard—même si je ne suis pas d'accord—nous allons peut-être devoir aller devant les tribunaux et expliciter certaines notions. Mais nous n'allons jamais complètement...
Le président: Merci.
Monsieur McTeague.
M. Dan McTeague: Merci, monsieur le président.
Merci d'être venus. Je m'excuse auprès de mes collègues pour ce retard qui a empêché le comité d'avoir le quorum. Comme M. Rajotte, je me suis trompé d'édifice. Malheureusement, nous pensions que la réunion d'aujourd'hui avait lieu à l'édifice de l'Ouest.
J'ai été très intéressé par les questions qui ont été posées. Vos exposés ont été très variés et très utiles au comité.
J'ai cependant une question simple, je crois, quant au projet de loi qui propose d'éliminer l'exception pour les communications faites en réponse à une demande provenant d'un titulaire d'une charge publique. Selon vous, quel sera l'impact de cette mesure sur le volume d'enregistrements si nous n'avons qu'une simple surveillance—comme l'a proposé M. Conacher—par opposition à un directeur et un conseiller en éthique? Dans un sens comme dans l'autre, croyez-vous que nous constaterons une augmentation du nombre d'enregistrements immédiatement à la suite de ce changement?
M. John Chenier: Non, je crois que lorsque nous arriverons à l'étape des consultations, pour la plupart des organismes et des associations qui participent à des consultations de grande envergure, cette information finit par se retrouver dans une des lignes de leur enregistrement. De plus, si vous examinez l'enregistrement déposé par un organisme, il peut être très long pour ce qui est du nombre de questions sur lesquelles l'organisme travaille. Ajouter une autre ligne ou six mots de plus pour expliquer cet aspect-là n'augmentera pas du tout le volume.
Pour ce qui est des lobbyistes-conseils, oui, il pourrait y avoir une augmentation. Je dirais qu'on pourrait probablement avoir de deux à trois fois plus d'enregistrements. Mais le système est automatisé. On ne parle pas de quelque chose qui sera surchargé, pas du tout. De fait, je crois que le système a été conçu pour traiter environ dix fois plus d'enregistrements qu'à l'heure actuelle. Donc à mon avis, le système ne sera pas inondé et la situation ne créera pas de difficultés excessives pour qui que ce soit.
º (1640)
M. Duff Conacher: Je crois que vous verrez une augmentation dans le sens où il y aura plus égalisation des règles du jeu entre ce que je dois faire maintenant, à titre de coordonnateur d'une association à but non lucratif qui fait du lobbying par opposition à ce que des associations à but lucratif doivent faire. Le projet de loi C-15 propose une ventilation du temps consacré à ces activités par les lobbyistes qui représentent des personnes morales à but lucratif, et ils devront tous figurer sur la liste. Nous sommes déjà obligés de faire cela; nous devons dresser une liste de toutes les personnes rémunérées et tenir compte de tout notre travail qui dépasse ce seuil de 20 p. 100.
Quant aux lobbyistes-conseils salariés, je crois qu'ils se serviront de l'alinéa 4(2)c) et qu'ils réajusteront leurs activités pour cacher tout ce qu'ils veulent cacher. Donc il n'y aura pas d'augmentation quant au nombre d'enregistrements. Ils diront tout simplement: Eh bien, je faisais du lobbying directement; maintenant je ferai des appels pour obtenir des renseignements et vous, les gars, pouvez faire le lobbying. Vous ne passez pas 20 p. 100 de votre temps à le faire, donc personne ne dépassera le seuil.
Comme je l'ai déjà dit, les changements proposés ne seront pas suffisants pour mettre fin à la pratique du lobbying secret et aux liens qui sont contraires à l'éthique entre les élus et les lobbyistes. On pourrait croire que le gouvernement voudrait mettre fin à ces activités.
M. Dan McTeague: Monsieur Grainger.
M. Brian Grainger: Je dirais, tout comme mes collègues, que ce n'est pas un problème de nombres, et que cela ne fera pas grimper le nombre radicalement. Il y en aura sans doute qui feront comme l'a laissé entendre Duff , mais j'ose croire que la grande majorité d'entre eux qui sont des professionnels et qui ont des valeurs canadiennes opteront, comme il se doit, pour l'enregistrement. Je tiens cela pour acquis de tous les lobbyistes. Je n'en n'ai pas encore rencontré un seul qui ferait tout en son pouvoir pour échapper aux tentacules de cette loi-ci ou d'une autre loi.
C'est mentir aux Canadiens que de laisser entendre que chacun de ces lobbyistes agit dans l'intention de flouer le Canada ou les parlementaires. Rien que d'y penser, cela m'est désagréable. Bien sûr, certains d'entre eux feront comme l'a laissé entendre Duff, car il y a toujours des pommes pourries dans le lot. Mais je crois que la majorité d'entre eux chercheront à répondre aux critères de la loi pour pouvoir continuer à faire des affaires.
M. Dan McTeague: Je ne parle pas des ministres, mais tous les députés sont, comme moi, je le suppose, intrigués par ce phénomène qui semble être généralisé, puisqu'il faut savoir que les députés reçoivent constamment des opinions. La liberté démocratique des citoyens de pouvoir transmettre à leurs députés leurs préoccupations préoccupe-t-elle l'un d'entre vous?
Monsieur Conacher, vous avez abordé brièvement le cas des lobbyistes non rémunérés qui communiquent régulièrement avec leur député et qui les influencent. N'y a-t-il pas ici une subtile distinction à faire entre les droits démocratiques des citoyens tels qu'inscrits dans notre charte et le privilège d'avoir accès à son député, dont il faut tenir compte également?
M. Duff Conacher: C'était simplement au sujet de la divulgation. Le citoyen a toujours le droit de le faire, mais il faut être prêt à dire aux Canadiens que vous le faites. Pourquoi cela devrait-il limiter votre droit de le faire?
M. Dan McTeague: Je vous donne un exemple plus précis. Beaucoup d'entre nous viennent de rentrer de leur circonscription. Dans la mienne, je connais un membre de la Légion qui se préoccupe tout particulièrement du traitement des anciens combattants dans les hôpitaux. D'après ce que vous dites, cette personne-là serait-elle tenue de s'inscrire? Cette personne-là n'est pas payée par la Légion, mais elle lui rend des services. Il s'agit d'un retraité qui touche sans doute une pension. Il me semble que votre proposition pourrait s'appliquer à des personnes comme celles-là et l'obligerait à divulguer ses activités. Mais est-ce vraiment ce à quoi on veut en venir avec ce projet de loi?
M. Duff Conacher: Si la définition implique que cette personne y consacre une bonne partie de son temps, il suffirait de l'inscrire dans la loi, dans l'espoir qu'un commissaire à l'éthique indépendant puisse interpréter ce que l'on entend par là, comme on l'a déjà fait dans le cas de ceux qui ne sont pas rémunérés.
Non, cela ne s'appliquerait pas nécessairement aux auteurs de toutes les lettres qui vous parviennent ou parviennent aux ministres. Il y a une certaine Mme Smith qui fait campagne depuis des années pour que l'on accorde un traitement fiscal plus équitable aux femmes qui restent à la maison. Cette femme devrait être inscrite comme lobbyiste, car elle passe une grande partie de son temps de loisir à faire du lobbying, et le simple fait de passer du temps avec quelqu'un, cela peut constituer une force puissante de lobbying. Il suffirait de le faire une fois tous les six mois, et la mise à jour ne prend que quelques minutes sur l'Internet, et n'empiète en aucune manière sur vos droits. Cela permettrait simplement de savoir qui passe une bonne partie de son temps à exercer des pressions sur le gouvernement, moyennant rémunération ou pas.
º (1645)
M. Dan McTeague: Monsieur Conacher, mes collègues et moi connaissons beaucoup de gens dans nos circonscriptions qui consacrent un temps considérable à faire du lobbyisme auprès de leurs députés. Certains d'entre eux le font de façon répétée, parfois même tous les mois.
Il faut se demander si ces gens essaient, sans être rémunérés, d'exercer des pressions sur moi à cause de la position que j'adopte sur un projet de loi en particulier ou sur une loi dont le Parlement est saisi, et il faut se demander s'ils ne représentent pas quelque intérêt supérieur. De plus, s'ils ne sont pas rémunérés, on peut se demander quel est leur intérêt dans tout cela.
M. Duff Conacher: Leur intérêt dans toute cette activité, c'est justement d'exercer des pressions au nom de quelqu'un d'autre. Or, dans la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, nous demandons que l'on enregistre cette activité.
M. Dan McTeague: Mais vous suggérez d'inclure aussi ceux qui ne sont pas rémunérés, ce à quoi je réponds que certains Canadiens considèrent que c'est un droit démocratique que d'être en mesure de communiquer avec leur député, peu importe qu'ils soient rémunérés ou pas.
M. Duff Conacher: Et ils en ont le droit.
M. Dan McTeague: Mais vous laissez entendre que la rémunération est un facteur à considérer.
M. Duff Conacher: Non, mais je dis qu'ils ont le droit de le faire. La loi va forcer la divulgation. Croyez bien que, étant donné la façon dont le conseiller à l'éthique a jusqu'ici appliqué la loi, personne ne sera jamais accusé de quoi que ce soit. Mais si le nom d'une de ces personnes se retrouve dans les journaux, ou si l'on a vent de quoi que ce soit, ou encore si une demande d'accès à l'information est déposée auprès du conseiller en éthique ou auprès du directeur ou du commissaire à l'éthique, peu importe qui appliquera la loi, on va simplement les appeler.
On va les appeler et leur demander s'ils savent qu'une loi existe ou pas en vertu de laquelle ils sont obligés de divulguer leurs activités. Ce sera facile pour eux de le faire: il leur suffira de s'inscrire sur le site web. Or, leur inscription n'empiétera pas du tout sur leurs droits d'exercer des pressions. La loi parle uniquement de divulgation; elle ne les empêche pas d'exercer des pressions.
M. John Chenier: Monsieur McTeague, je suis un peu confus. Supposons quatre quadrants dont la moitié s'applique aux lobbyistes rémunérés et l'autre moitié aux non rémunérés. La moitié du quadrant s'applique à ceux qui demandent de l'information de façon rémunérée et de façon non rémunérée et l'autre moitié s'applique à ceux qui défendent des intérêts de façon rémunérée et non rémunérée. Ce qui me préoccupe, ce sont ceux qui sont rémunérés, qu'ils demandent de l'information ou défendent des intérêts: ceux-là devraient être obligés de s'inscrire.
Maintenant, si l'on parle de ceux qui demandent de l'information sans être rémunérés, c'est à mon avis une toute autre paire de manches. Et il y a enfin le quatrième quadrant qui regroupe les non rémunérés qui exercent des pressions ou prônent des changements.
M. Dan McTeague: Vous avez répondu à ma question.
Merci.
M. John Chenier: Je ne comprends pas comment vous faites votre distinction. Si vous parlez d'un groupe de pression de base et d'organisation des masses, j'ose croire que notre système d'enregistrement de lobbyisme mettrait la main sur les organisateurs qui conseillent d'écrire à leurs députés. Mais j'espère qu'il ne s'appliquera pas aux Canadiens qui décident un jour d'écrire à leur député pour réclamer de meilleures pensions, puis le lendemain pour réclamer de meilleures garderies, etc., et qui passent beaucoup de temps à présenter des demandes. J'espère que le système d'enregistrement s'appliquera aux organisateurs de campagne de masse et non à ceux qui envoient individuellement leurs lettres ou qui consacrent leur temps à leurs collectivités pour le bénéfice des autres et pas le leur. Je répète qu'il faut faire la distinction entre les deux.
Je voudrais aborder aussi une chose que j'ai mentionnée dans mes propos mais que personne n'a relevée, et il s'agit du seuil. Ces derniers mois, il y a trois groupes caritatifs qui m'ont appelé en se disant préoccupés du seuil prévu de 20 p. 100 et de la façon dont il fallait l'interpréter. Je comprends qu'ils soient préoccupés, mais cela pourrait avoir des effets pervers. Ils craignent qu'en s' s'inscrivant en vertu du seuil de 20 p. 100, cela pourrait être interprété comme s'ils consacraient 20 p. 100 de leurs ressources à la défense d'intérêts, ce qui aurait évidemment pour effet de leur retirer leur statut d'organisme caritatif dont le seuil est fixé à 10 p. 100 seulement.
Je leur ai expliqué que 20 p. 100 s'appliquait au temps consacré par une personne donnée, ce qui pouvait équivaloir à à peine 2 p. 100 des ressources de l'organisme, et pas nécessairement à 20 p. 100. Mais cela préoccupe ces organismes, et j'ai l'impression que de nombreux organismes caritatifs vont s'exclure du registre à cause de cela. Je les ai tous encouragés à appeler le registraire. Je ne sais ce qu'on leur a répondu, mais je répète que ce seuil de 20 p. 100 crée de la confusion chez certains groupes caritatifs.
Le président: Merci, monsieur McTeague.
Passons maintenant à M. Masse.
M. Dan McTeague: Monsieur le président, je crois que M. Grainger voudrait intervenir.
Le président: Pardon.
M. Brian Grainger: Merci.
J'aimerais faire deux brefs commentaires. D'abord, je ne crois pas qu'il plairait aux Canadiens que la loi s'applique, par exemple, à celui qui consacre tout son temps à la question des pensions accordées aux anciens combattants de la Deuxième guerre mondiale. Cela ne sera pas acceptable, à mon avis. J'irais même jusqu'à dire, si vous me le permettez, qu'aucun député ne devrait s'aventurer sur ce terrain.
En second lieu, et strictement d'après mon expérience des douze dernières années, si l'on doit parler d'un déficit déontologique à l'échelle du monde ou dans l'un ou l'autre des pays, ce qui a été dit au sujet de leur exclusion ne contribue en rien à la bonne gouvernance des sociétés ou même au déficit déontologique. En effet, cela ne nous aurait pas sauver des cas comme Enron, WorldCom, Tyco, ou même—oserais-je le dire—Bre-X.
Laissez-moi répéter ce que j'ai dit l'autre jour dans un autre lieu, lorsqu'on m'a interrogé là-dessus. J'ai signalé qu'au cours des 150 dernières années, on a jamais vu de fonctionnaires ou de détenteurs de charge publique municipale, provinciale ou même fédérale déclencher des tractations comme celles de Enron ou de WorldCom. Il ne faudrait pas créer une ambiance qui conduirait à la méfiance entre les députés et les autres, peu importe qui. Il faut trouver le juste équilibre.
J'ai tout mon temps pour entendre les critiques flagrantes que vous et mes collègues formulent au sujet du projet de loi, mais il faudrait quand même y réfléchir à nouveau.
º (1650)
Le président: Monsieur Masse.
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
Monsieur Conacher, vous avez fait allusion dans votre exposé aux portes tournantes, et nous n'avons pas encore abordé cette question. D'aucuns affirmeront que les députés et les hauts fonctionnaires ont accumulé leurs connaissances et leur expérience tout en étant remboursés par les citoyens du Canada et que ces connaissances et cette expérience sont donc dans une certaine mesure la propriété des Canadiens puisque ce sont eux qui ont payé et en ont favorisé le développement.
On a brandi comme scénario possible deux ans ou même un an. Peut-être que nos témoins pourraient nous dire quel devrait être le critère optimal. Pourquoi pas cinq ans, par exemple? Ce scénario permettrait de partir en vacances puis de revenir dans la boucle, selon qu'une élection est proche ou pas, et selon qu'il se passe des choses ou pas, ce qui pourrait justifier un délai plus ou moins long.
Enfin, ne devrait-on pas inscrire dans les critères quelque chose par rapport aux années de service et aux fonctions, pour mesurer votre influence ou votre efficacité en fonction du remboursement reçu à titre de député ou de fonctionnaire?
M. Duff Conacher: Actuellement, le code sur les conflits d'intérêts pour les titulaires de charge publique ne s'appliquent qu'aux hauts fonctionnaires, aux ministres et aux secrétaires parlementaires, à l'exclusion des députés, des sénateurs ou de l'ensemble de la fonction publique. Il tient donc compte du niveau de la fonction, puisqu'il n'y a pas de règle pour les autres.
Une période cinq ans risque d'être insuffisante, mais au moins, des élections se tiennent vraisemblablement dans l'intervalle, et on peut en espérer un certain roulement dans la fonction publique. Par ailleurs, la règle devrait inciter une bonne partie des ex-ministres et ex-hauts fonctionnaires à s'orienter vers une autre activité, alors que ce n'est pas le cas quand la périodicité est d'un ou deux ans. Il est assez facile d'attendre pendant une aussi courte période avant de revenir, en particulier lorsqu'on bénéficie, par mesure de faveur, d'une belle nomination pour assurer sa subsistance. Nous pourrions envisager une période plus longue, mais nous pensons que la proposition de cinq ans est raisonnable et devrait permettre de fermer quelque peu cette porte tournante.
Faudrait-il étendre la mesure aux autres fonctionnaires? Je pense que oui. J'ai dit tout à l'heure qu'il faudrait renforcer le code de déontologie de la fonction publique, qui devrait être par ailleurs appliqué par un organisme indépendant.
Je ne suis pas d'accord avec M. Grainger quant à l'indépendance du poste de l'agent chargé de l'intégrité publique qui vient d'être créé. Il n'est pas suffisamment indépendant. Il ne peut faire que des recommandations non publiques aux hauts fonctionnaires sur les problèmes signalés par les dénonciateurs. Ce système n'est pas efficace.
Il faudrait la pleine indépendance par rapport à la fonction publique qu'aurait un commissaire à l'éthique, et il faudrait que toutes les décisions soient publiques. Sinon, il sera trop facile de dissimuler les problèmes et de ne pas les résoudre.
Il faut donc étendre ces règles plus directement à la fonction publique en fonction du niveau du poste et étendre les compétences du nouveau commissaire à l'éthique de façon à y englober non seulement les lobbyistes, mais aussi les fonctionnaires. Ils seraient ensuite chargés d'appliquer toute la législation. Il n'y aurait plus de décisions contradictoires. Les décisions rendues par le tribunal administratif seraient conformes à l'avis donné par la division consultative.
Une dernière chose: il faudrait remplacer le commissaire à l'éthique par une commission d'éthique. M. Grainger a dit qu'on ne faisait pas forcément confiance à une personne aux fonctions aussi étendues. Avec une commission d'éthique composée de trois à cinq personnes, il y aurait moins de risque de conflit d'intérêts au sein même de la commission et on éviterait qu'une seule personne ne cède à tous ceux qui peuvent craindre la colère du premier ministre ou d'un ministre. Avec trois ou cinq commissaires, il serait plus difficile de bourrer la commission d'une bande de feignants qui ne feraient pas leur travail et qui ne serviraient que de façade, comme le fait le conseiller en éthique depuis huit ans et demi.
º (1655)
M. Brian Grainger: Je voudrais faire quelques observations. Tout d'abord, d'après mon expérience, le problème posé par la limite de trois, de cinq ou de vingt ans, c'est que n'importe qui peut se cacher à l'intérieur d'une société, d'un cabinet d'avocats, d'une clinique médicale ou autre pour prendre toutes les mesures nécessaires en faveur d'une société X, Y ou Z sans jamais avoir à franchir la porte d'un bureau de fonctionnaire ou d'un ministre. Il ne sert donc à rien d'empêcher le lobbyisme de pénétrer dans un bureau car actuellement, il peut être à l'emploi d'une société X, Y ou Z parfaitement connue de tous, resté assis derrière un bureau ou faire de la recherche jusqu'à la fin de la période limite, avant d'aller frapper au bureau du ministre.
On ne résoudra pas le problème de cette façon. Il ne pourra être résolu que par la formation professionnelle des lobbyistes, en leur inculquant des valeurs fortes et un sens du jugement dans toutes ces relations, et non pas en supposant qu'on peut créer des règlements ou des commissions de trois ou cinq personnes au sein de la fonction publique en espérant que ces nouveaux tribunaux—appelez cela comme vous voudrez—vont être plus rapides ou meilleurs qu'un juge unique, si je peux utiliser ce terme. Rien ne prouve qu'en constituant une commission d'éthique, on va faire avancer les choses plus vite. Ce n'est nullement garanti.
Quant à l'indépendance, je reconnais qu'il est difficile de rendre un poste de la fonction publique indépendant si l'on cherche la perfection, mais en matière de divulgation, tout le monde sait qu'il y a un certain équilibre entre la confidentialité et ce qui n'est pas secret. Dans le secteur privé ou public, il n'y a jamais de divulgation lorsque l'auteur de la divulgation ou, pour employer un autre mot, le dénonciateur sait parfaitement que ce qu'il révèle va faire la manchette du Globe and Mail ou Le Devoir et qu'on y trouvera tous les détails le concernant. Une telle situation ne favorise guère la divulgation, du moins dans les cas les plus complexes et les plus délicats.
M. John Chenier: Les lignes directrices sur l'après-mandat sont une porte tournante et constituent l'un des éléments les plus difficiles à appliquer dans la législation sur le lobbyisme.
Au début de l'administration Clinton, on s'est préoccupé de ce problème de porte tournante, qu'on avait déjà constaté pendant les mandats de Bush et de Reagan. Il semblait être trop tard pour faire adopter une loi par le Congrès, et on a amené tous les collaborateurs de Clinton à signer des contrats civils qui, selon le cas, empêchaient leurs titulaires de travailler pour une société étrangère pendant cinq ou deux ans, selon leur niveau.
Cette situation a duré jusqu'au cas de Vernon Jordan, je crois, qui a été le premier à partir. Il est entré directement dans un cabinet de lobbyistes et tout s'est terminé.
Les lignes directrices sur l'après-mandat ont deux fonctions, à mon sens: tout d'abord, c'est une période de réflexion qui vise à empêcher le fonctionnaire de retrouver à son retour un dossier dont il s'est occupé pendant sa période d'activités; évidemment, c'est très difficile à faire après 20 ans. Mais il s'agit aussi de garantir que les anciens fonctionnaires ne vont pas nécessairement profiter immédiatement de ce qu'ils savent. S'ils veulent travailler, ils doivent être réalistes. Une période de cinq ans est tout à fait irréaliste. Il faut tenir compte de l'influence qu'ils peuvent exercer de l'extérieur. Je pense donc que le maximum devrait être de six mois à deux ans, selon le niveau du poste.
Par ailleurs, tout dépend de la façon dont on applique les règles, et j'en reviens à ce que disait mon collègue quand il a parlé de ceux qui restent assis à leur bureau ou qui font de la recherche pendant un an ou deux et qui, soudain, viennent rouvrir le robinet. Si ces règles sont réalistes et qu'on veuille vraiment les appliquer, l'ex-fonctionnaire ne pourra pas entrer dans une société avec laquelle il a traité auparavant. Qu'il soit lié ou non à ses anciens amis, il ne peut entrer dans une telle société.
Il y a évidemment le cas très courant et très contesté des officiers à la retraite, qu'ils soient canadiens ou plus particulièrement américains, qui dès leur départ en retraite, commencent immédiatement à travailler pour une société qui, pendant des années, a vendu des biens ou des services à l'armée.
De façon générale, je pense qu'on accorde trop souvent des dispenses au Canada. Le conseiller en éthique accorde des dispenses au bout de trois mois et autorise l'ex-fonctionnaire à faire ce qu'il veut. La loi devrait être très explicite, elle devrait être raisonnable, mais elle devrait s'appliquer uniformément, ce qui n'a pas été le cas dans le contexte canadien.
» (1700)
M. Brian Masse: Encore une fois, c'est une situation problématique. J'entends constamment des électeurs dénoncer tel ou tel qui, après son départ, entre dans un cabinet de lobbyisme et gagne beaucoup d'argent. C'est comme une retraite anticipée, où celui qui part est engagé presque immédiatement à contrat par le même organisme ou par quelqu'un d'autre. Peut-on admettre que le retraité fasse toujours le même travail, soit pour la même société ou pour une société différente?
M. Duff Conacher: Dans tout le mécanisme de contrôle et pour tous les codes, il faut simplement éviter les échappatoires et se conformer à l'esprit du code, et non pas uniquement à ses exigences techniques. Autrement, les gens vont continuer à prétendre, comme ils le font actuellement, que leur activité n'est pas spécifiquement interdite.
Nous avons reçu une plainte concernant John Dossiter, conseiller principal auprès d'Allan Rock lorsqu'il était ministre de la Santé. Dossiter s'occupe maintenant activement du dossier de la biotechnologie comme vice-président chargé des relations gouvernementales chez Monsanto. Il n'est pas enregistré comme lobbyiste, il n'enfreint pas le code sur l'après-mandat, d'après... Nous verrons bien, nous attendons la suite des événements. La plainte a été déposée il y a plus d'un an et demi.
Le président: Monsieur Chenier.
M. John Chenier: C'est un peu comme dans la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, où il est question de lignes directrices sur l'après-mandat pour ceux qui entrent dans un organisme où ils vont pouvoir exercer une influence en faveur de l'organisme en question grâce à leur emploi précédent; c'est différent du cas de celui qui part en retraite et qui obtient un autre emploi. Nous parlons ici strictement du cas de l'ex-fonctionnaire qui, grâce à ses connaissances, peut représenter une certaine valeur pour la société qui l'emploie. J'estime que cette valeur est différente selon le degré hiérarchique et qu'elle devrait donner lieu à des périodes de restriction de six, huit, dix, douze mois ou plus. Ces restrictions devraient comprendre l'interdiction de travailler pour une société qui était en contact direct, et non pas par association, avec le service du fonctionnaire.
Mais les restrictions doivent être raisonnables; chacun doit pouvoir gagner sa vie. C'est la réalité. Le parti gouvernemental peut perdre une élection, les ministres s'en vont et leurs adjoints se retrouvent à la rue. Que peut-on leur dire en matière de perspective d'emploi? J'estime qu'une période de six mois est suffisante pour l'adjoint d'un ministre.
» (1705)
Le président: Monsieur Grainger, avez-vous quelque chose à ajouter avant qu'on passe à la question suivante?
M. Brian Grainger: Oui, parce que je crois que les députés ont demandé une réponse sur ces points, ainsi que des propositions pratiques.
Il y a huit ou neuf ans, l'armée australienne a connu des problèmes très sérieux, qui sont très bien documentés. Pour ceux qui s'y intéressent, je suis certain qu'on pourrait en trouver les détails. Ces problèmes ont amené les autorités australiennes à prendre des mesures intéressantes. Les membres des Forces armées et les fournisseurs du ministère de la Défense se rencontrent régulièrement et on indique clairement aux employés et aux fournisseurs—ou aux clients, si vous voulez—ce que les représentants des sociétés privées peuvent faire et ce qu'ils ne doivent pas faire. On organise des rencontres en personne; on ne se contente pas d'envoyer un courrier électronique, que le destinataire pourra prétendre ne pas avoir reçu, ou qu'il prendra pour un message impersonnel et insignifiant. Comme l'a dit Duff, si on ne respecte pas l'esprit des codes, il ne se passera rien.
Je tiens à féliciter la Défense nationale. Elle vient de lancer son propre programme d'éthique. Dans un document du ministère, on parle des relations avec le secteur privé et les sociétés privées. Vous auriez intérêt à le consulter.
Je pense qu'il est très important de faire de la sensibilisation. Les sociétés considérées comme des joueurs importants, comme l'a dit M. McTeague, ne sont pas si nombreuses.
Pour passer à un autre niveau ou à un autre pays, le comité pourrait s'intéresser à ce qu'on appelle la Defense Industry Initiative on Ethics and Conduct--dii.org--c'est le plus ancien club privé d'éthique qui a fait l'objet d'une évaluation indépendante—et pas par Arthur Andersen, heureusement .
Jetez-y un coup d'oeil. Vous verrez les efforts déployés au niveau pratique. Vous pourriez convoquer les fournisseurs et leur dire: «Voici les obligations professionnelles de notre côté et du vôtre. Est-ce que vous comprenez?» Vous pourriez leur indiquer les conséquences de leurs actes: «Il y a six mois, on vous a dit de ne pas faire cela. Vous l'avez fait quand même, eh bien vous serez rayé de la liste des fournisseurs. Nous ne ferons plus affaire avec vous.» C'est ce qu'ont fait les Australiens: «Nous ne ferons plus affaire avec vous.» C'est une menace beaucoup plus effrayante que n'importe quel alinéa d'une loi: nous ne ferons plus affaire avec vous; c'est terminé. Vous ne faites plus partie de la liste.»
Le président: Merci beaucoup.
À vous, monsieur Fitzpatrick.
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Je ne connais sans doute pas la question aussi bien que ces messieurs assis au bout de la table, mais après avoir entendu les témoignages et l'intervention de M. McTeague, je voudrais faire une mise en garde.
Il y a dans notre pays 30 millions de Canadiens dont chacun souhaiterait, à un moment donné, infléchir la conduite des affaires publiques. Il y a quelques années, quelqu'un a dit que les armes à feu n'étaient pas très nombreuses au Canada et qu'il serait assez facile de les enregistrer, que la procédure serait simple pour les propriétaires, etc. Je ne veux pas entrer dans ce débat, mais je dirais simplement que l'enregistrement s'est révélé beaucoup plus compliqué qu'on ne le pensait.
Pour la Loi de l'impôt sur le revenu, on a considéré à maintes et maintes reprises que le gouvernement devait intervenir, et cette loi est devenue extrêmement complexe. Qui profite de la complexité de la Loi de l'impôt sur le revenu? Ce sont les plus riches et les plus puissants qui peuvent faire appel à Arthur Andersen ou apprendre comment contourner la loi.
Si j'ai bien compris M. Grainger, il veut un système simple, et non pas des murs et des obstacles qui empêchent le citoyen d'entrer en contact avec son gouvernement. C'est aussi mon opinion. Je suis avocat. Dès qu'on commence à parler de divulgation, on ouvre une boîte de Pandore. La question n'est pas simple. Il suffit de divulguer quelque chose et...
Je voudrais faire ici un autre commentaire. Je suppose que le projet de loi n'en parle pas, mais si je veux véritablement exercer une grosse influence sur le gouvernement, je ne vais pas perdre mon temps à faire du lobbying auprès d'un député, d'un ministre ou d'un ministère. Je vais entrer directement dans le jeu des partis, en faisant un don, par exemple, afin d'obtenir ce que je veux. Je suppose que le projet de loi ne s'intéresse pas à cet élément ni aux campagnes de leadership. Celui qui veut exercer une influence peut intervenir dans une campagne de leadership et mettre une énorme somme d'argent dans un plateau de la balance.
Est-ce que le projet de loi aborde ce genre de considérations?
» (1710)
M. Duff Conacher: Non, ce qui a été promis en...
Le président: Monsieur Conacher, je dois vous donner la parole pour que vos propos soient enregistrés. Je voulais donner d'abord la parole à M. Chenier, avant de passer à l'autre extrémité.
M. John Chenier: Même s'il voulait donner de l'argent pendant une campagne, il devrait ensuite exprimer ce qu'il souhaite obtenir en contrepartie. C'est là qu'intervient le lobbyiste ou quelqu'un d'autre qui dit: «Voilà ce que nous voulons, voilà ce que nous recherchons et voici la loi que nous souhaitons obtenir.» C'est un peu comme la question «Quand avez-vous cessé de battre votre femme?»
Je ne veux pas dire que ce soit ce qui se passe. Il y a bien sûr des dons d'argent pendant les campagnes, que ce soit pour le leadership ou pour autres choses. Mais le lobbying va bien au-delà du financement des campagnes électorales. Le budget du lobbying à Ottawa est d'environ 300 millions de dollars par an. Une élection générale n'a jamais coûté aussi cher.
M. Brian Fitzpatrick: Jusqu'à maintenant.
M. John Chenier: C'est vrai, jusqu'à maintenant.
Si l'on parle de budget consacré aux influences exercées par le financement d'une campagne électorale ou de leadership par opposition à l'argent dépensé en permanence par les groupes de revendication pour infléchir les pouvoirs publics, les deux ne se...
M. Brian Fitzpatrick: La seule chose que je puisse dire par expérience, après avoir passé deux ans au Parlement, c'est que j'ai rencontré bien des lobbyistes qui défendaient différentes causes et qui s'efforçaient uniquement de m'informer de leur point de vue. En toute franchise, je n'ai trouvé personne qui soit animé de sinistres objectifs.
M. John Chenier: Le lobbyisme n'a rien de sinistre, monsieur. Nous reconnaissons que d'après le préambule de la loi, le lobbyisme est une activité tout à fait légitime et légale. Nous nous efforçons simplement de faire savoir aux Canadiens qu'il y a des gens qui sont payés pour infléchir la conduite des affaires publiques.
Le président: À vous, monsieur Conacher.
M. Duff Conacher: Les mesures d'éthique annoncées en juin dernier par le premier ministre contenaient aussi la promesse d'une modification du financement des partis. Plus récemment, on a promis de modifier la Loi électorale du Canada et, éventuellement, d'adopter une nouvelle loi concernant les campagnes de leadership, les dons aux associations de circonscription, aux députés et aux partis; elle devrait être déposée sous forme de projet de loi avant les Fêtes, c'est-à-dire dans moins d'un mois.
Il devrait donc en être question dans un autre projet de loi. Reste à savoir s'il sera adopté ou non, si les changements au régime du conseiller en éthique et au code de déontologie des députés et des sénateurs seront adoptés. Tout cela a déjà été promis en 1993, mais neuf ans plus tard, on attend toujours.
Le président: Monsieur Fitzpatrick.
M. Brian Fitzpatrick: Je dois dire que je n'ai pas lu tous les détails de ce projet de loi. Peut-être pourrez-vous m'aider.
Il existe des organismes dont tous les revenus proviennent du gouvernement et qui semblent consacrer tout leur temps à faire pression auprès du gouvernement, soit pour obtenir de l'argent, mais aussi pour l'influencer. Est-ce qu'il en est question dans le projet de loi?
Deuxièmement, est-ce que les organismes qui reçoivent presque tout leur financement du gouvernement et qui consacrent presque tout leur temps à faire du lobbying posent un problème d'éthique?
Le président: Monsieur Grainger.
M. Brian Grainger: C'est une question très intéressante. Je pense qu'en théorie ce projet de loi, comme le précédent, essaie de mettre en évidence le plus grand nombre de personnes qui essaient d'influencer le gouvernement, et notamment sous l'angle monétaire, c'est-à-dire que ces gens-là paient de l'argent et en dépensent pour parvenir à leurs fins. Il est clair que le gouvernement donne de l'argent à des personnes ou à des organisations qui n'ont pas nécessairement la possibilité de se faire entendre et parce qu'on considère qu'elles devraient avoir cette possibilité. Cette voix est prise en charge, si vous me permettez cette expression, par les fonds publics.
Si je puis faire une petite digression, je dirais qu'il y a à mon avis beaucoup de justifications et de bonnes causes qui justifient cet appui, qu'il s'agisse d'accès à la justice ou de questions touchant les membres plus ou moins marginalisés, si je peux utiliser cette expression, ou moins privilégiés de notre collectivité. Je crois qu'il y a un rôle légitime à cet égard.
C'est quelque chose qui se fait, que l'on parle du G-7 ou de l'OCDE, c'est-à-dire d'une trentaine de pays que l'on qualifie d'économies les plus développées. cela semble normal. C'est une pratique qui n'est pas différente de ce que font nos voisins et d'autres pays. Personnellement, je n'y vois pas de conflit d'intérêts.
Quant à savoir dans quelle mesure ces organisations sont aussi transparentes que vous ou moi le souhaiterions, c'est précisément, comme je vous l'ai dit, l'objectif de ce projet de loi. Il s'agit de savoir dans quelle mesure et quand nous devons être informés de leurs activités si elles y consacrent effectivement beaucoup d'argent. Mais en soi, d'après ma propre expérience de la question sous l'angle de l'éthique, je ne pense pas que cela constitue un conflit d'intérêts.
Est-ce qu'on influence certaines personnes en versant certains montants d'argent? C'est quelque chose qui peut arriver n'importe où, n'importe quand. Si quelqu'un qui est en position d'autorité décide de donner de l'argent à ses amis pour des activités qui ne sont pas au-dessus de tout soupçon, il y a manifestement conflit d'intérêts. Mais je crois, avec tout le respect que je vous dois, que ce n'est pas l'orientation principale du processus que vous décrivez.
» (1715)
Le président: Monsieur Conacher, vous vouliez faire un commentaire?
M. Duff Conacher: Oui. Tout d'abord, la loi actuelle stipule que, quand on s'enregistre comme lobbyiste, on doit divulguer le montant du financement gouvernemental qu'on reçoit dans le cadre de cet enregistrement.
Je ne pensais pas tant à des groupes de citoyens qu'à Bombardier et Pratt...
M. Brian Fitzpatrick: Je pensais aux organisations antitabac.
M. Duff Conacher: Oui. Je pensais plutôt à Bombardier, à Pratt & Whitney et à Nortel, si l'on parle de gens qui comptent sur l'argent du gouvernement. Je crois que vous devriez plutôt vous préoccuper de quelque chose comme le fonds des partenariats technologiques, où il y a toutes sortes...
M. Brian Fitzpatrick: Je les inclus aussi.
M. Duff Conacher: ...de garanties d'emploi.
Il y a globalement une meilleure façon de distribuer l'argent du gouvernement à des sociétés ou à des groupes de citoyens, c'est de se fonder sur le mérite, sur la représentativité et sur le rapport de cet investissement. Or, c'est quelque chose qui demeure trop rare, qu'il s'agisse des citoyens ou des sociétés, et c'est un sérieux problème.
Si quelqu'un doit recevoir de l'aide pour pouvoir faire du lobbying, ce devrait être les groupes de citoyens parce qu'ils sont désavantagés. Les grandes sociétés comme les banques peuvent facilement ajouter quelques cents ou quelques dollars par-ci par-là à leurs frais de services et s'en servir pour financer leur lobbying. Qui paie la facture en fin de compte? C'est le client, pas la banque. Ce sont les Canadiens qui paient toutes les activités de lobbying et la publicité des grosses entreprises. Ils méritent donc bien souvent un coup de main.
Mais il y a aussi une solution encore meilleure que l'attribution directe de fonds gouvernementaux, c'est la solution que nous proposons. Vous pouvez trouver des quantités d'information sur notre site Web. Sous le titre Citizen Association Campaing, si vous voulez y jeter un coup d'oeil, vous verrez que nous proposons au gouvernement un moyen gratuit d'aider les groupes de citoyens vigilants.
Le président: La parole est à M. Chenier, et ensuite je passerai à Mme Gallant.
M. John Chenier: Comme l'a dit Duff, quand vous vous inscrivez, vous devez déclarer le montant du financement du gouvernement lié à votre organisation ou à votre demande. Et là encore, comme Duff l'a dit, si vous êtes un peu en faveur de l'impôt sur les sociétés et si vous reconnaissez que les dépenses de lobbying sont déductibles, quel que soit le taux d'imposition sur les sociétés, vous avez le montant que le public paie pour permettre à ces grandes sociétés ou à n'importe qui d'autre en l'occurrence de mener des activités de lobbying.
Mais plus précisément, sur la question de savoir si le gouvernement doit payer des gens pour mobiliser en quelque sorte l'opinion publique, j'ai interviewé une de vos collègues, parmi d'autres, lorsque je rédigeais un article sur les activités de lobbying auprès des députés, et la première chose qu'elle m'a répondu a été: «il faut que le lobbyiste me prouve qu'il y a un appui public à sa cause. S'il n'y a pas d'appui public, je ne monte pas au créneau». Elle ajoutait que bien souvent, quand il faut mobiliser un appui public pour le bien public, elle estime que le gouvernement devrait être autorisé à éduquer et à mobiliser la population par l'intermédiaire de certains groupes.
Prenez par exemple le tabac. Si nous considérons que le tabac est mauvais pour la santé, ne devrions-nous pas financer certains groupes pour éduquer nos concitoyens sur ce problème? S'ils nous éduquent, que doivent-ils faire? Ils doivent probablement faire pression auprès des gouvernements pour qu'ils adoptent des lois qui feront en sorte qu'il sera plus difficile de vendre des cigarettes aux enfants ou qui freineront la publicité à proximité des écoles, etc. Mais sans un appui public, elle dit que le gouvernement ne peut pas agir. Elle estime donc qu'il est indispensable que le gouvernement prenne les devants, éduquent la population et mobilise l'appui nécessaire pour ce travail. Je vous dis cela pour ce que cela vaut.
» (1720)
Le président: Allez-y, monsieur Fitzpatrick. Vous partagez votre temps avec Mme Gallant.
M. Brian Fitzpatrick: Je ne conteste pas ce que vous dites à propos du tabac, mais quand on parle de centaines d'organisations, quand on parle des francophones de l'Alberta opposés au tabac, la question est de savoir jusqu'où on va pour faire passer le message. D'un autre côté, d'autres organisations ou groupes qui estiment avoir des intérêts légitimes se voient refuser cet appui pour une raison quelconque. On pourrait pratiquement trancher pour des raisons philosophiques ou idéologiques. Cela aussi cela pose des problèmes.
Dès qu'on entre dans ce domaine, on se heurte à toutes sortes de problèmes. Il y a aussi des tas de questions liées à l'éloignement. On a tendance à penser souvent que l'organisation est là pour elle-même. Il s'agit d'un chèque versé à quelqu'un plutôt qu'à une campagne. Vous allez avoir des gens qui vont peut-être se présenter dans une école une fois par an pour dire aux enfants de ne pas fumer, et qui vont venir faire quelques jours de lobbying à Ottawa.
M. John Chenier: Je crois que le tabac est un mauvais exemple car tous les gens que je connais qui travaillent dans ce domaine travaillent énormément.
Le président: Merci, monsieur Fitzpatrick.
Je vais donner à chacun des témoins la parole pour quelques derniers commentaires s'ils le souhaitent.
Monsieur Chenier, vous voulez faire un dernier commentaire?
M. John Chenier: Je n'ai rien à ajouter.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Conacher.
M. Duff Conacher: C'est bon, encore merci.
Le président: Monsieur Grainger.
Mr. Brian Grainger: Merci.
Le président: Au nom du comité, je remercie les témoins de leur précieux apport. C'est un sujet délicat et je suis sûr que nous entendrons des opinions très variées, mais votre contribution aujourd'hui a été excellente et je vous en remercie.
La séance est levée.