Passer au contenu
;

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 6 mai 2003




¿ 0910
V         Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.))
V         M. Derek Rogusky (vice-président, «Focus on the Family Canada Association»)

¿ 0920
V         Le président
V         M. Read Sherman («First United Church»)

¿ 0925
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt (vice-présidente nationale, «REAL Women of Canada»)

¿ 0930

¿ 0935
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         Inspecteur David Jones (Service de police de Vancouver)

¿ 0940
V         Le vice-président (M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.))
V         Insp. David Jones
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         Insp. David Jones

¿ 0945
V         Le président
V         Le président
V         M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne)

¿ 0950
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         M. Chuck Cadman
V         M. Derek Rogusky
V         M. Chuck Cadman
V         Insp. David Jones
V         M. Chuck Cadman
V         Insp. David Jones
V         M. Chuck Cadman
V         Insp. David Jones
V         M. Chuck Cadman
V         Insp. David Jones
V         M. Chuck Cadman
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt

¿ 0955
V         Le président
V         Insp. David Jones
V         Le président
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ)
V         M. Derek Rogusky
V         M. Richard Marceau
V         M. Derek Rogusky
V         M. Richard Marceau

À 1000
V         M. Derek Rogusky
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         M. Derek Rogusky
V         Le président
V         M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas)

À 1005
V         Insp. David Jones
V         M. Svend Robinson
V         Le président
V         M. Svend Robinson

À 1010
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         M. Svend Robinson
V         Le président
V         M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)
V         Insp. David Jones
V         M. Pat O'Brien
V         Insp. David Jones
V         M. Pat O'Brien
V         M. Svend Robinson

À 1015
V         M. Pat O'Brien
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         M. Chuck Cadman
V         Le président
V         M. Svend Robinson

À 1020
V         M. Read Sherman
V         Le président
V         M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)
V         Insp. David Jones
V         M. Derek Lee
V         Insp. David Jones

À 1025
V         M. Derek Lee
V         Mme Gwendolyn Landolt

À 1030
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         M. Richard Marceau

À 1035
V         Le président
V         Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.)
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Mme Hedy Fry
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         Mme Hedy Fry
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Mme Hedy Fry
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         Mme Hedy Fry

À 1040
V         Le président
V         M. Svend Robinson
V         Insp. David Jones
V         M. Svend Robinson

À 1045
V         Le président
V         M. Derek Rogusky
V         M. Svend Robinson
V         M. Derek Rogusky
V         M. Svend Robinson
V         M. Derek Rogusky
V         M. Svend Robinson
V         Le président
V         M. Svend Robinson
V         Le président
V         M. Derek Lee
V         M. Derek Rogusky
V         M. Derek Lee
V         Le président
V         M. Derek Lee
V         M. Read Sherman

À 1050
V         Le président
V         M. Chuck Cadman
V         Le président
V         M. Chuck Cadman
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         Insp. David Jones

À 1055
V         Le président
V         Mme Hedy Fry
V         Le président
V         M. Derek Rogusky
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 041 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 6 mai 2003

[Enregistrement électronique]

¿  +(0910)  

[Traduction]

+

    Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare ouverte la 41e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

    Nous poursuivons aujourd'hui notre examen du projet de loi C-250, Loi modifiant le Code criminel, au sujet de la propagande haineuse.

    Comparaissent ce matin : M. Derek Rogusky, de «Focus on the Family Canada Association», M. Read Sherman, à titre personnel, Mme Gwendolyn Landolt, de «Real Women of Canada», et le sergent David Jones, à titre personnel...

    Est-ce inspecteur Jones? Toutes mes excuses, félicitations pour... On m'appelle toujours Mr. Speaker, comme le Président de la Chambre, et pourtant, je n'ai pas de maison de fonction.

    Je présume que tout le monde a été informé de nos façons de faire. Chaque groupe ou chaque témoin a 10 minutes pour faire un exposé. Ensuite, les membres du comité discuteront avec eux.

    Sans plus tarder, je donne la parole d'abord à Derek Rogusky, de «Focus on the Family Canada Association», qui a 10 minutes. Après neuf minutes, je vais vous signaler qu'il ne vous reste plus qu'une minute, et j'aimerais alors que vous passiez à votre conclusion.

+-

    M. Derek Rogusky (vice-président, «Focus on the Family Canada Association»): Merci beaucoup.

    Au nom de «Focus on the Family Canada» et des nombreux Canadiens qui nous appuient, je vous remercie de cette occasion d'exprimer notre point de vue sur le projet de loi C-250. J'espère que notre contribution sera utile.

    Pour votre gouverne, «Focus on the Family Canada» est un organisme de charité. Nous nous fondons sur des principes chrétiens et nous cherchons à soutenir, encourager et renforcer les familles canadiennes. Les membres du comité connaissent nos activités de revendication, qui ne sont en fait qu'une très petite partie de notre oeuvre. Des milliers de familles connaissent davantage les efforts que nous déployons pour simplement les aider.

    Par exemple, nous offrons un programme destiné à rendre les enfants insensibles à la séduction des drogues. C'est un cours destiné aux parents qui veulent guider leurs enfants devant la tentation des drogues. Nous offrons aussi des colonies de vacances pour familles monoparentales, où parents et enfants ont l'occasion de relaxer, de s'amuser et d'être soutenus. Ce n'est qu'un petit échantillon des activités offertes par Focus on the Family Canada.

    Je vous le signale simplement pour que vous sachiez qui sera, à notre avis, limité par le projet de loi C-250, et quelle voix il étouffera.

    En tant qu'ancien attaché de recherche de l'Assemblée législative de l'Alberta, à l'époque où Laurence Decore était à la tête du Parti libéral de l'Alberta, j'ai eu l'occasion de rédiger divers projets de loi émanant de députés. Je sais qu'ils sont souvent écrits sans beaucoup d'aide, avec peu d'espoir de devenir un jour loi. Il importe toutefois qu'ils soient écrits de manière que s'ils deviennent lois, chose rarissime, il s'agira de bonnes lois.

    Cela dit, j'ai de véritables préoccupations au sujet de ce projet de loi, et je vais vous en faire part maintenant.

    Il n'y a pas de formule magique pour écrire de bonnes lois, mais il faut tout de même se poser des questions fondamentales et y répondre adéquatement, pour obtenir une bonne loi. D'abord, la loi est-elle nécessaire? Est-ce qu'elle répond à une préoccupation importante pour les Canadiens?

    Comme l'a dit l'avocat général principal, le 25 février dernier, au sujet de ce projet de loi :

    Lorsque le gouvernement veut justifier une atteinte à la liberté d'expression, il assume un lourd fardeau de preuve. En effet, selon le critère juridique applicable, il doit prouver que l'objectif du législateur est urgent et réel; qu'il existe un lien rationnel entre la limite imposée à la liberté d'expression et cet objectif; que l'atteinte à la liberté d'expression est minimale; et que les effets positifs de la disposition l'emportent sur ses effets négatifs.

    À mon avis, ce projet de loi ne répond pas à ces critères. Même le parrain du projet de loi reconnaît que les statistiques sur les crimes haineux visant des gais et lesbiennes sont assez rares. La table ronde sur la haine et les préjugés, convoquée par Mme Hedy Fry, alors secrétaire d'État pour le multiculturalisme et le statut de la femme, concluait de même.

    Quand l'un de mes collègues a communiqué avec les principaux corps de police du pays pour demander des statistiques à jour sur les crimes haineux commis contre des homosexuels, on lui a répondu que ces statistiques n'étaient pas assez fiables et par conséquent, n'étaient pas disponibles.

    Les rares faits présentés reposaient sur des anecdotes et des actes de violence, et non sur la propagande haineuse. Il semble que le seul exemple potentiel de propagande haineuse contre des homosexuels qui ait été présenté par le parrain du projet de loi au comité se rapportait à un citoyen américain, Fred Phelps, qui n'est pas venu au Canada depuis de nombreuses années et que nous avons dénoncé, comme de nombreuses autres organisations l'ont fait. D'ailleurs, il a proféré certaines des mêmes menaces à l'endroit de notre organisation soeur aux États-Unis, et nous avons donc cela en commun.

    M. Robinson a aussi fait part de ses propres expériences, comme preuve de la promotion délibérée de la haine contre les homosexuels. En fait, il s'agit d'actes de violence déjà punissables en vertu du Code criminel. Cette situation n'est pas non plus l'apanage de M. Robinson et de son bureau de circonscription. Ainsi, j'ai moi-même travaillé dans un bureau de circonscription et un député a été touché par des oeufs qu'on lui avait lancés. Il semble discriminatoire d'adopter un projet de loi qui ne protégerait que M. Robinson et son personnel, par exemple, mais non ses collègues et leur personnel.

    Comme les lois actuelles interdisent les actes de violence contre les homosexuels et qu'il y a peu de preuves à l'effet qu'il y ait au Canada de la propagande haineuse visant les homosexuels, il ne convient pas d'adopter une loi qui risque de porter gravement atteinte à la liberté d'expression.

    La deuxième question à se poser est la suivante : les termes du projet de loi sont-ils clairs et bien définis? Le projet de loi propose d'ajouter au Code criminel l'expression «orientation sexuelle», qui n'est pourtant pas définie. En fait, le sommaire du projet de loi dit ceci : «Le texte modifie la définition de « groupe identifiable» concernant la question de la propagande haineuse dans le Code criminel pour y inclure toute section du public qui se différencie des autres par l'orientation sexuelle ». Le mot «toute» devrait susciter des préoccupations chez les membres du comité, quant à ce qui pourrait être considéré à l'avenir, par les tribunaux, comme une section du public qui se différencie des autres par l'orientation sexuelle. Cela peut sembler aller de soi maintenant, mais je suis convaincu que les rédacteurs de l'AANB, par exemple, n'ont pas jugé nécessaire de définir le mariage.

    Bien qu'il figure déjà dans les articles du Code criminel touchés par ce projet de loi, le mot «haine» est un autre terme qui n'est pas clairement défini. Il ne semble pas y avoir d'interprétation cohérente de ce mot. Même la définition qu'a essayé de donner pour ce terme la Cour suprême du Canada, pour les fins du Code criminel, n'éclaire pas beaucoup le Canadien moyen. Si les limites ne sont pas clairement fixées, les Canadiens risquent vraiment de ne pas savoir jusqu'où peut aller leur liberté d'expression.

    Une autre expression dont le sens n'est pas clair : «sujet religieux». Dans la plupart des religions, particulièrement dans la chrétienté, on enseigne que la foi doit guider tous les aspects de la vie du croyant. Par conséquent, si quelqu'un exprime de grandes préoccupations au sujet du comportement homosexuel, guidé par sa foi, mais l'exprimant en termes médicaux ou sociologiques, peut-il toujours invoquer la liberté de religion, comme défense? Ce n'est pas évident.

    Enfin, il faut se demander quelles peuvent être les conséquences non intentionnelles de ce projet de loi. Sur qui pourrait-il avoir des effets négatifs, de quelle façon, et peut-on limiter ces effets?

    Ceux qui, comme nous, s'opposent au projet de loi C-250 craignent beaucoup les effets qu'il pourrait avoir sur la liberté de religion ou la liberté d'expression de ceux qui réprouvent le comportement homosexuel. Les mesures prises récemment par les tribunaux et les organismes gouvernementaux nous confortent dans nos craintes. Les tribunaux n'ont tout simplement pas protégé la liberté de religion contre des prétentions fondées sur l'orientation sexuelle.

    On en voit un bon exemple dans la décision d'un tribunal ontarien qui a rejeté du revers de la main des siècles de doctrine catholique sur ce qui est acceptable dans les comportements sexuels. L'injonction accordée dans cette affaire a forcé le conseil scolaire catholique à renoncer à ses enseignements sacrés pour permettre à un étudiant d'amener au bal des finissants son partenaire de même sexe.

    Plus récemment, un tribunal de la Saskatchewan a déclaré Hugh Owens coupable d'avoir exposé les homosexuels à la haine, simplement parce qu'il avait affiché des références aux Écritures saintes qui condamnent le comportement homosexuel, assorties d'un signe d'égalité et du symbole universel d'interdiction, superposés sur l'image de deux hommes allumettes, se tenant la main.

    Les organismes gouvernementaux ont aussi évité de reconnaître la liberté de religion. La Commission des droits de la personne de l'Île-du-Prince-Édouard a forcé les propriétaires d'un gîte du passant à choisir entre la fermeture de leur commerce et la possibilité pour leurs clients non mariés de partager une chambre. Plutôt que d'enfreindre leurs normes morales, ils ont décidé de fermer boutique.

    Le mois dernier, le British Columbia College of Teachers a déclaré un enseignant d'une école publique, Chris Kempling, coupable d'une conduite indigne d'un enseignant et a suspendu son brevet d'enseignement pendant un mois. Pourquoi? Parce qu'il avait écrit des lettres à la rédaction d'un journal local, pour s'opposer à la promotion dans le système scolaire de documents présentant de manière positive l'homosexualité.

    «Focus on the Family Canada» a lui-même été victime de ce genre de traitement par le Conseil canadien des normes de la radiotélévision, le chien de garde des radiodiffuseurs, qui reçoit l'appui du CRTC. En 1997, le CCNR a déclaré qu'une station de radio albertaine qui diffusait une de nos émissions enfreignait les normes, en diffusant une émission sur le programme homosexuel dans les écoles.

    Par suite de ces décisions, et de nombreuses autres du même genre, beaucoup de Canadiens se demandent ce qu'on peut dire ou ne pas dire au sujet de cette question. Qu'on le veuille ou non, on ne peut nier le risque réel associé au projet de loi C-250, pour la liberté d'expression et la liberté de religion au Canada.

    Les partisans du projet de loi C-250 citent l'alinéa 319(3)b) du Code criminel, visant à protéger la liberté de religion :

    

    (3) Nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction prévue au paragraphe (2) dans les cas suivants : (...)

b) il a, de bonne foi, exprimé une opinion sur un sujet religieux ou tenté d'en établir le bien-fondé par discussion;

    Cette défense associée à la liberté de religion comporte trois points faibles. D'abord, la liberté de religion est déjà protégée par la Charte des droits et libertés, et pourtant, les tribunaux et les organismes gouvernementaux ont systématiquement rejeté cette liberté, en faveur de droits fondés sur l'orientation sexuelle. Cette disposition ne garantit aucunement que cette tendance touche à sa fin.

    Deuxièmement, cette disposition ne s'applique qu'aux infractions prévues au paragraphe 319(2). Elle ne s'applique pas du tout aux deux autres infractions, prévues à l'article 318 et au paragraphe 319(1).

    Enfin, comme nous l'avons déjà dit, cette disposition semble donner un sens étroit aux opinions fondées sur des convictions morales ou religieuses.

    Les partisans du projet de loi C-250 parlent aussi des garanties accordées aux paragraphes 318(3) et 319(6) selon lesquelles aucune poursuite ne peut être engagée sans le consentement du procureur général. Il importe de signaler que cette garantie n'est pas offerte pour les infractions prévues au paragraphe 319(1).

    Mais plus important encore, cette garantie peut être un peu trompeuse. À la lecture de ces paragraphes, on pourrait croire que c'est le procureur général de la province, un élu, qui doit consentir à toute poursuite. En réalité, l'article 2 du Code criminel définit ainsi le procureur général :

    

le procureur général ou le solliciteur général de la province où ces poursuites sont intentées ou ces procédures engagées ou leur substitut légitime;

La décision d'engager des poursuites ne revient donc pas nécessairement au procureur général élu mais, comme on le dit, elle peut être prise par l'un de ses délégués.

    En conclusion, «Focus on the Family Canada» demande au comité de recommander au Parlement de ne pas adopter le projet de loi C-250. D'abord, parce qu'il y a peu de preuves empiriques d'un besoin pour une mesure comme le projet de loi C-250, pour le moment. Ensuite, le projet de loi C-250 et les dispositions du Code criminel qu'il modifie contiennent des termes ambigus et flous, de sorte que les Canadiens ne sauront pas avec certitude quelles restrictions s'appliquent à leur liberté d'expression et à leur liberté de religion. Enfin, le projet de loi C-250 représente un risque réel pour la liberté de religion et la liberté d'expression dont jouissent les Canadiens. Les défenses contre les poursuites sont, nous en sommes convaincus, plutôt limitées.

    Merci.

¿  +-(0920)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Sherman, vous avez 10 minutes.

+-

    M. Read Sherman («First United Church»): Merci de me permettre de prendre la parole devant votre comité ce matin.

    Je m'appelle Read Sherman et je suis ministre du culte à la «First United Church», ici, à Ottawa. Je prends la parole aujourd'hui au nom de notre congrégation, l'une des 25 congrégations de l'Église unie du Canada qui affirme publiquement la valeur des personnes de toute orientation sexuelle et qui les accueille. Je prends aussi la parole au nom de Affirm United, un regroupement de chrétiens gais, lesbiens, bisexuels, transgenres et hétérosexuels amis des homosexuels de l'Église unie du Canada. Enfin, je m'exprime en mon nom personnel, à titre d'homme gai. De concert avec ces organisations, je vous encourage à adopter le projet de loi C-250.

    Étant pasteur dans une église locale qui est depuis longtemps une oasis qui accueille les lesbiennes, les homosexuels et les bisexuels, j'ai été témoin des effets destructeurs de la haine sur certains des fils et des filles les plus aimés et vulnérables de Dieu. L'énoncé de mission de ma congrégation en témoigne car il dit que, dans son culte de Dieu et guidée par l'esprit de Dieu, notre congrégation doit être à l'écoute des autres, savoir oser et proclamer la présence et l'amour de Dieu dans sa défense de la justice humaine et sociale.

    Nous croyons que le message qui est au coeur des Écritures judéo-chrétiennes porte sur l'amour et la protection que Dieu accorde aux personnes vulnérables et opprimées. Notre congrégation s'est engagée à mettre le dialogue et le respect au coeur de son comportement lors de désaccords, afin d'incarner toute la compassion dont Jésus lui-même a fait preuve à l'égard de tous.

    Du point de vue théologique, nous choisissons d'abord d'agir comme communauté chrétienne en nous fondant sur la vision qu'avait Jésus de la justice radicale plutôt que sur nos craintes ou celles des autres. Par conséquent, nous sommes d'avis que le projet de loi C-250 confirme les enseignements bibliques les plus importants et ne les contredit pas.

    De même, Affirm United a pour mission de concrétiser la vision que Jésus a pour nous tous, d'encourager l'ouverture et l'acceptation des personnes de toute orientation et identité sexuelles et de transmettre le message du prophète dans le cadre pastoral en leur nom, autant au sein qu'en dehors de l'Église unie. Dans notre Église, il existe encore un désaccord respectueux sur la façon dont la religion appréhende l'homosexualité, mais il y a aussi un large consensus national sur l'importance d'appuyer le projet de loi C-250.

    Il importe de noter que le Conseil général, l'organe national régissant l'Église unie du Canada, déclare depuis le milieu des années 1980 que nous devons accepter tous les êtres humains comme étant à l'image de Dieu, quelle que soit leur orientation sexuelle. Plus précisément, le 30e Conseil général, en 1984, a clairement déclaré que, dans tous les domaines assujettis à la Loi canadienne sur les droits de la personne, l'orientation sexuelle devrait être un motif interdit de discrimination.

    En 1992, le 34e Conseil général a réitéré cette position et a demandé au gouvernement du Canada de modifier sans plus tarder la Loi canadienne sur les droits de la personne de façon à y inclure l'orientation sexuelle comme motif prohibé de discrimination. En l'an 2000, le 37e Conseil général a accepté l'identité transgenre comme un don de Dieu et comme faisant partie de la merveilleuse diversité de la création.

    Contrairement à d'autres organisations chrétiennes, «Affirm United» ne croit pas que le projet de loi C-250 menace ou limite la liberté de religion ou d'expression religieuse. Le Code criminel protège explicitement cette liberté au paragraphe 319(3) qui prévoit que nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction si :

il a, de bonne foi, exprimé une opinion sur un sujet religieux ou tenté d'en établir le bien-fondé par discussion.
Nous estimons que les mesures de protection prévues dans la loi actuelle suffisent à empêcher que l'inclusion de l'orientation sexuelle ne limite la liberté personnelle ou religieuse. Toutefois, notre société et notre Église doivent dire clairement que la liberté de religion ou la liberté personnelle ne donne à personne le droit de faire activement la promotion de la violence ou de la haine à l'égard de quelque groupe que ce soit.

    En conclusion, les membres de la «First United Church» et d'«Affirm United» croient qu'il faut ajouter l'orientation sexuelle au paragraphe 318(4) du Code criminel pour combler une lacune qui permet à des formes graves de propagande haineuse de sévir impunément.

¿  +-(0925)  

    En 1970, le gouvernement du Canada a reconnu que des sections du public qui se différenciaient des autres par leur couleur, leur race, leur religion ou leur origine ethnique avaient besoin d'être protégés contre de telles menaces.

    Pour ma part, ayant grandi dans les années 70 et étant sorti du placard dans les années 80, et vivant maintenant ouvertement avec mon partenaire dans une relation permanente, je peux dire que ceux qui font partie de l'orientation sexuelle minoritaire ou même qui sont perçus comme en faisant partie constituent un groupe important et identifiable qui fait maintenant l'objet des mêmes menaces. Nous n'avons qu'à penser à Matthew Shepherd pour comprendre que la menace est réelle.

    Certains croient que les mots n'ont pas le pouvoir de blesser, mais c'est faux. Les insultes peuvent être très blessantes. Le projet de loi C-250 contribuera à protéger les gens comme moi contre les insultes et les propos qui peuvent nous faire mal. Je vous encourage à l'appuyer.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je cède maintenant la parole à Gwendolyn Landolt, de REAL Women of Canada, pour 10 minutes.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt (vice-présidente nationale, «REAL Women of Canada»): Le projet de loi C-250 est une modification préoccupante d'une disposition imparfaite du Code criminel, l'article 319 sur la propagande haineuse. Il serait bon de passer en revue l'historique de la disposition sur la propagande haineuse.

    En janvier 1965, le ministre de la Justice Guy Favreau a nommé un comité spécial pour étudier les problèmes prétendument créés par la diffusion de la propagande haineuse au Canada. Le comité était présidé par le doyen Maxwell Cohen, c.r., président de la Faculté de droit de l'Université McGill.

    Selon le rapport Cohen, page 3, le comité n'a pas tenu d'audiences publiques alors qu'il menait une brève enquête. Il n'a pas reçu ni demandé de mémoires de quelque groupe ou personne que ce soit, sauf ceux qui étaient déjà dans les dossiers du ministère de la Justice.

    Les membres du comité et ceux qu'ils ont consultés n'avaient aucune compétence particulière en droit pénal, selon les pages 3 et 4 du rapport Cohen. Le comité a aussi refusé de reconnaître la nécessité de mener une étude en profondeur sur le préjudice potentiel de la propagande haineuse au Canada.

    Le comité a reconnu que les critères servant à définir la diffamation collective comme un crime ne satisfaisaient pas les critères de base définissant un acte criminel. Il a déclaré que cette question était une simple question de principe (page 65) et qu'elle n'avait rien à voir avec l'existence de preuves.

    Le rapport du comité et l'adoption de la disposition sur la propagande haineuse le 11 juin 1970 ont créé une grande controverse.

    Ce résumé de l'historique de la disposition sur la propagande haineuse est important pour évaluer les difficultés qu'a eues la Cour suprême du Canada en 1990 dans la décision Keegstra, qui représente la décision qui a fait autorité dans ce domaine.

    Dans une décision serrée de quatre juges contre trois, la Cour suprême a jugé l'article 139 constitutionnel. Elle a affirmé qu'il enfreignait la liberté d'expression, mais qu'il s'agissait d'une limite raisonnable qui était justifiée aux termes de l'article 1 de la Charte. Toutefois, madame la juge Beverley McLachlin, dans son opinion dissidente à laquelle ont souscrit les juges Sopinka et La Forest, a toutefois bien décrit les lacunes de l'article 319.

    Madame la juge McLachlin a décrit la liberté d'expression prévue par la Charte comme «le droit de diffuser ses idées». Elle a fait mention de l'effet paralysant du concept subjectif de la haine sur l'exercice de cette liberté d'expression par les citoyens respectueux de la loi. À son avis, les sanctions criminelles n'exercent pas de force de dissuasion sur les incitateurs à la haine qui, eux, paralysent la libre expression des idées des citoyens ordinaires. Elle a déclaré qu'il y avait lieu de se demander si la disposition sur la propagande haineuse favorisait véritablement les principes et valeurs de la paix sociale, de la dignité personnelle, du multiculturalisme et de l'égalité, aux pages 864 et 865 de sa décision.

    L'opinion de madame la juge McLachlin exprime les préoccupations des REAL Women relativement au projet de loi C-250. Comme elle l'a dit, la haine est un concept subjectif.

    Le juge en chef Brian Dickson a néanmoins tenté de définir la haine dans l'arrêt Keegstra :

le mot «haine» désigne une émotion à la fois intense et extrême qui est clairement associée à la calomnie et à la détestation. (...) la haine (...) se nourrit de l'insensibilité, du sectarisme et de la destruction tant du groupe cible (...)

Mais cela aussi soulève des questions, parce que cette définition aussi est vague et subjective. Que signifient en effet les mots «calomnie», «détestation», «insensibilité» et «sectarisme»?

De plus, bien que cela ne soit pas mentionné dans cette citation du juge en chef Dickson, le projet de loi C-250 ne prévoit aucune définition de l'expression «orientation sexuelle». Qu'entend-on exactement par ce concept? Cela inclut les homosexuels et les lesbiennes, bien sûr, mais cela inclut-il aussi les bisexuels, les transsexuels, les travestis ainsi que les pédophiles et ceux qui ont des relations sexuelles avec les animaux? Et qu'en est-il de la polygamie? Il n'y a pas de définition et c'est très préoccupant.

    Il est aussi bien établi que les militants homosexuels considèrent toute opposition à leurs vues comme de la haine, même lorsque cette opposition se manifeste pendant un débat parlementaire protégé par le privilège. Les exemples sont faciles à trouver. Ainsi, le 20 septembre 1994, la députée libérale Roseanne Skoke, s'exprimant au nom des religions chrétiennes, s'est opposée à l'inclusion de l'orientation sexuelle dans certaines dispositions du Code criminel.

    Svend Robinson a déclaré qu'elle avait fait des «commentaires haineux», qu'elle avait employé des «paroles haineuses» et avait eu un «comportement haineux». Il a demandé au Premier ministre de la faire taire et a déclaré que cette femme n'avait pas sa place au Parti libéral.

¿  +-(0930)  

    Mme Skoke a répondu qu'elle était là à titre de députée et en tant que chrétienne pour exprimer ses opinions. 

    Non satisfait de cette réponse, le 27 septembre 1994, M. Robinson a déclaré dans une lettre adressée au premier ministre que Mme Skoke devait retirer ses déclarations, qui étaient homophobes et haineuses, et être expulsée du caucus libéral.

    Le 24 octobre 2002, Svend Robinson a accusé le chef de l'opposition Stephen Harper d'une «attaque homophobe à peine voilée» à la Chambre des communes lorsque M. Harper a suggéré que des photos de M. Robinson étaient affichées «dans des endroits beaucoup plus beaux que de simples postes de police».

    La photo de M. Robinson nu a été affichée sur Internet dans le cadre d'une campagne de financement d'un groupe environnemental en juin 2001. Sa photo était recouverte de coquillages, mais chaque don de 50 $ versé au fonds permettait de retirer un coquillage. Dans ces circonstances, il est difficile de comprendre pourquoi les commentaires de M. Harper devraient être interprétés comme haineux.

    Le 7 décembre 1999, M. Robinson a saisi une pancarte sur laquelle étaient inscrites des citations de l'enseignement catholique sur l'homosexualité. La pancarte était tenue par un prête catholique, le Père Anthony Van Hee, qui proteste quotidiennement devant le Parlement. M. Robinson a brisé la pancarte et l'a jetée par-dessus le mur en prétendant que cela était haineux, même si la pancarte ne mentionnait que les enseignements catholiques.

    Le 9 mars 2000, un groupe de féministes s'appelant le Collectif autonome féministe était au Carré Phillips à Montréal pour protester contre leur présumée oppression par le patriarcat. Elles ont ensuite distribué des masques de ski et se sont lancées à l'assaut de la Cathédrale catholique Marie-Reine du Monde. Elles ont peint par pulvérisation sur les murs de l'église : «La religion—un piège pour les sots» et ont érigé à l'extérieur une croix qu'elles ont fait brûler. À l'intérieur, elles ont perturbé les fidèles en peignant des slogans sur l'autel, en renversant les pots de fleur, en collant des serviettes sanitaires souillées sur les cadres et les murs et en jetant des condoms autour du sanctuaire, tout en scandant dans un langage ordurier leur opposition à la religion et en réclamant le droit à l'avortement et à la liberté d'expression.

    La police de Montréal n'a pas porté d'accusations contre ces femmes parce que, selon le porte-parole de la police, il n'y avait pas de preuve de crime motivé par la haine et qu'il s'agissait simplement d'une déclaration politique faite par ces femmes. Les crimes de haine ne deviennent apparemment «haineux» que lorsque les attaques sont dirigées contre des groupes identifiables, favorisés et protégés. Les attaques contre tout autre groupe ne sont apparemment pas haineuses.

    Bien que personne n'appuie la promulgation de la haine envers des groupes identifiables, il est préoccupant de penser que ceux qui désirent contester l'homosexualité comme étant malsaine, immorale ou honteuse soient obligés de répondre à une accusation pour crime de haine. Si une simple insinuation, comme dans les propos de M. Harper, ou bien l'expression d'une croyance chrétienne dans des commentaires privés par un député lors d'un débat parlementaire ou encore d'un prêtre catholique qui proteste à l'extérieur du Parlement mérite l'outrage, on peut imaginer l'empressement avec lequel les homosexuels tenteront d'intenter des poursuites aux termes de l'article 319 pour faire taire le prêtre, le député ou toute autre personne qui aurait des convictions profondes relativement à l'homosexualité.

    De plus, les défenses prévues contre l'accusation de propagande haineuse sont illusoires. Elles sont fictives. Elles ne confèrent aucune protection. Ainsi, dans le journal Le Soleil de Québec, le 13 mai 2002, les objectifs des militants homosexuels ont été exposés. Le journal rapportait que la prochaine étape à l'ordre du jour des homosexuels était d'empêcher les personnes et les Églises d'exercer une discrimination envers les homosexuels et qui se réfugient prétendument derrière un écran de principes religieux.

    Barbara Findlay, une avocate lesbienne de Vancouver, l'a réitéré lorsqu'elle a déclaré dans le numéro du 8 janvier 1998 de Xtra West que «la lutte juridique pour les droits des homosexuels sera un jour une épreuve de force entre la liberté de religion et l'orientation sexuelle».

    On est donc en droit de se demander quelle protection existera pour les groupes religieux—on a déjà fait mention de l'affaire Marc Hall—lorsqu'on ne peut exprimer ses croyances catholiques même au sein de la communauté catholique, en l'occurrence une église catholique. Dans l'affaire Trinity Western University, la Cour suprême a déclaré que, dans un lieu public, les pensées religieuses sont permises mais que les gestes de nature religieuse ne le sont pas. Il y a alors lieu de se demander si la définition de «endroit public» à l'article 319 du Code criminel inclut une église.

¿  +-(0935)  

    En terminant, j'aimerais vous donner d'autres exemples de telles attaques, mais je tiens à dire qu'il n'y a pas de statistiques indiquant que les homosexuels en aient été victimes.

    À titre d'exemple, je dois dire que le nombre de...

+-

    Le président: Madame Landolt, votre temps est écoulé.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: D'accord, mais permettez-moi d'ajouter une phrase, monsieur le président.

    Je veux signaler au comité que le 25 février dernier, M. Robinson a déclaré que le service de police de Toronto avait établi des statistiques sur les crimes haineux. À la page 17 de mon mémoire, vous trouverez des statistiques indiquant que les crimes haineux contre les homosexuels ont diminué de 35 p. 100 par rapport à l'an dernier et qu'ils sont moins nombreux qu'ils ne l'ont jamais été depuis 1992.

    Merci de votre indulgence, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci, madame.

    Monsieur Jones, vous avez 10 minutes.

+-

    Inspecteur David Jones (Service de police de Vancouver): Merci.

    Je m'appelle Dave Jones et je comparais ici au nom du Service de police de Vancouver. J'ai également l'appui de l'Association canadienne des commissions de police et de la Commission de police de Vancouver. De plus, j'ai appris hier que l'Association canadienne des chefs de police est favorable à l'ajout de la mention «orientation sexuelle» au paragraphe 318(4). Ces prises de position découlent de la décision du Service de police de Vancouver de s'attaquer à ce sujet.

    Il y a environ un an et demi, après l'assassinat d'un homme dans le parc Stanley, la communauté gaie de Vancouver s'est mobilisée; elle a exprimé ses inquiétudes et décrit des cas d'homophobie, de mauvais traitements et d'agression. Nous avons commencé à examiner ces cas et à faire certaines recherches. En 2001-2002, nous avons amorcé une étude de deux ans sur tous les types de crimes motivés par la haine à Vancouver. Je vais vous présenter six conclusions de cette recherche.

    Premièrement, il semble que sur l'ensemble des agressions commises à Vancouver contre des personnes identifiables d'après certaines caractéristiques personnelles, 38 p. 100 soient fondées sur l'orientation sexuelle. En vertu du sous-alinéa 718.2a)(i) du Code criminel, on tient compte du fait que l'infraction est motivée par de la haine fondée sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l'âge, la déficience mentale ou physique ou l'orientation sexuelle. Sur ces 12 facteurs, seulement cinq sont associés à des cas déclarés d'infraction criminelle ou de mauvais traitements à Vancouver. Il s'agit de la race, de la religion, de l'origine ethnique, de la couleur et de l'orientation sexuelle. Quatre de ces cinq facteurs sont prévus par le paragraphe 318(4) qui porte sur la définition des groupes identifiables.

    À Vancouver, 62 p. 100 des actes de violence physique, pouvant aller jusqu'au meurtre, sont associés à l'orientation sexuelle, ce qui est considérablement supérieur aux incidents violents perpétrés contre d'autres groupes protégés par le paragraphe 318(4).

    Sur le plan des lésions corporelles infligées, comme les blessures, l'orientation sexuelle vient encore au premier rang. Les agressions motivées par l'orientation sexuelle surviennent dans la rue et dans les restaurants. Celles qui sont liées à la race, à la couleur et à la religion des victimes surviennent généralement dans des établissements ou des domiciles; dans certains cas, l'attaque se fait au moyen d'un dispositif inséré dans une lettre.

    Tout cela pour dire que cette catégorie de personnes est exposée à des risques. La police le reconnaît et a demandé que l'orientation sexuelle soit ajoutée aux facteurs énumérés au paragraphe 318(4). Diverses commissions de police sont favorables à cette mesure, y compris l'Association canadienne des commissions de police et l'Association canadienne des chefs de police. On a pris des mesures dans ce sens avant même de savoir que votre comité allait étudier ce projet de loi. Nous appuyons donc ce projet de loi.

    Nous avons un mémoire qui malheureusement, n'a pas encore été traduit. Je ne vais pas le lire en entier mais simplement m'y reporter à l'occasion.

    La police a fait sienne l'interprétation donnée dans l'arrêt Vriend de la Cour suprême du Canada, dont je rappellerai les faits. Il s'agissait d'une affaire intentée par un homme de l'Alberta qui avait été congédié parce qu'il était gai... Il s'est adressé au groupe de défense des droits de la personne de l'Alberta de l'époque, dont j'ai oublié le nom, qui a refusé de l'entendre, invoquant que l'orientation sexuelle n'était pas prévue par la loi. L'affaire a été portée devant la Cour suprême du Canada qui a statué très clairement qu'en vertu de l'article 32 de la Charte, les lois provinciales doivent être conformes à la Charte et plus précisément à l'article 15. Or, dans la décision Egan, la Cour suprême du Canada avait statué que l'article 15 englobait un groupe analogue, fondé sur «l'orientation sexuelle». Par conséquent, l'orientation sexuelle devait être considérée comme étant protégée par la législation de l'Alberta.

    La position des corps policiers est la suivante : l'article 32 stipule également que la législation fédérale doit se conformer à l'article 15 de la Charte, dont l'article 2 garantit la liberté d'expression, et que l'orientation sexuelle est déjà un motif analogue aux termes du paragraphe 318(4) du Code criminel. Par conséquent, dans les circonstances qui le justifient, la police a le pouvoir de porter des accusations en vertu de l'article 319.

¿  +-(0940)  

    J'ai présenté dans le mémoire de nombreux extraits des arrêts de la Cour suprême du Canada que je ne vous lirai pas tous. La Cour suprême reconnaît les situations d'abus et d'oppression extrêmes ainsi que les problèmes auxquels sont exposés des gens en raison de leur orientation sexuelle.

    Je vous lis un extrait d'arrêt, dans l'affaire Vriend :

La souffrance psychologique est peut-être le préjudice le plus important dans de telles circonstances. La crainte d'être victime de discrimination mènera logiquement à la dissimulation de son identité véritable, ce qui nuit certainement à la confiance en soi et à l'estime de soi. S'ajoute à cet effet le message tacite découlant de l'exclusion [de l'orientation sexuelle dans la loi provinciale], savoir que les homosexuels, contrairement aux autres personnes, ne méritent aucune protection. Il s'agit clairement d'une distinction qui avilit la personne et qui renforce et perpétue l'idée voulant que les homosexuels soient des personnes moins dignes de protection au sein de la société canadienne. L'atteinte potentielle à la dignité des homosexuels et à la valeur qu'on leur reconnaît constitue une forme particulièrement cruelle de discrimination.

    Le risque vécu en raison de l'orientation sexuelle ne comprend pas seulement...

    Déjà neuf minutes?

+-

    Le vice-président (M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.)): Je suis désolé, je n'ai pas bien chronométré. Il vous reste encore quatre minutes et un peu de temps pour souffler.

+-

    Insp. David Jones: Merci.

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Toutes mes excuses.

+-

    Insp. David Jones: Les risques auxquels les personnes sont exposées en raison de leur orientation sexuelle s'étendent également à d'autres personnes. Dans le cas de la Colombie-Britannique, un jeune homme du nom de Jubran qui fréquentait une école de North Vancouver a été la cible pendant des années de mauvais traitements atroces et de propos haineux en raison de son orientation sexuelle. Il s'est adressé à la Commission des droits de la personne de la Colombie-Britannique, qui a statué que la commission scolaire ne l'avait pas protégé convenablement. L'affaire a été portée devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, qui a statué que comme il n'était pas homosexuel, les dispositions de la loi ne s'appliquaient pas à lui. Je peux vous assurer pourtant qu'on lui a causé tout autant de tort que s'il avait été homosexuel.

    Ce que je veux souligner, c'est que la haine est telle envers les gais, les lesbiennes, les transgenderistes, les personnes bisexuelles et bispirituelles à Vancouver qu'elle s'étend non seulement aux homosexuels mais à des personnes qui ne le sont pas. Ainsi, quand quelqu'un nous déplaît, on utilise pour le qualifier les termes les plus dégoûtants et le plus souvent, ces termes ont trait à l'orientation sexuelle.

    Les corps policiers craignent que les jeunes ne soient exposés à des risques particulièrement graves, car les actes d'intimidation et de violence peuvent mener au suicide. Il y a eu plusieurs cas de ce genre. À New Westminster, un jeune homme s'est jeté du haut du pont Patullo après avoir été victime de mauvais traitements pendant un certain temps en raison de son orientation sexuelle. Le cas Jubran survenu à North Vancouver en est un exemple classique. Un jeune Autochtone de Prince George s'est tué en raison du harcèlement et des actes d'homophobie dont il était victime à l'école. On avait mis le feu à son casier, on avait gravé le mot « fag », c'est-à-dire « tapette », sur la porte de son casier et on lui avait lancé des canettes de boisson gazeuse. Un jeune a déclaré qu'à son avis, ce n'était pas le suicide mais l'homophobie qui était la véritable cause du décès de ce jeune Autochtone. Dans le cadre d'une enquête menée à Vancouver, un couple de jeunes hommes ont à maintes reprises désigné une femme transgenderiste par le pronom « ça », ce qui avait pour effet de la déshumaniser.

    Du point de vue de la police, il est capital de mettre l'accent sur des mesures de prévention dans une optique de sécurité publique. Pour cela, il faut ajouter l'orientation sexuelle dans les facteurs énumérés au paragraphe 318(4) afin de reconnaître la valeur que la société canadienne accorde à la protection des personnes lesbiennes, homosexuelles, transgenderistes et bisexuelles.

    L'intolérance et la haine à l'endroit des quatre groupes qui sont actuellement protégés par le paragraphe 138(4) s'étendent aux personnes qui diffèrent de la majorité par leur orientation sexuelle. Elles sont attestées par des événements historiques qui remontent jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, et probablement avant cela : les hommes homosexuels devaient porter un triangle rose, les lesbiennes devaient porter un triangle noir et ces personnes ont été envoyées aux camps de la mort, tout comme les juifs.

    Permettez-moi un dernier commentaire en terminant. Certaines personnes semblent craindre que l'on viole la liberté de religion. J'attirerais l'attention du comité sur l'article 319, qui stipule que le fait d'exprimer une opinion sur un sujet religieux ou de tenter d'en établir le bien-fondé par discussion est un moyen de défense. Aux personnes qui craignent que la police puisse porter des accusations contre quelqu'un qui exprime un point de vue religieux, nous répondons que ce risque existe déjà, étant donné que l'orientation sexuelle est un facteur analogue aux fins du paragraphe 318(4) et de l'article 319. En outre, l'orientation sexuelle est déjà prévue à l'article 718.2, si bien que le même risque existe de façon encore plus nette depuis un certain temps.

    La définition de l'orientation sexuelle semble poser problème pour certains. Or, elle existe dans cet article depuis 23 ans et n'a pas suscité de difficultés particulières.

    La haine et les préjugés de longue date envers les homosexuels et le besoin qu'ont ces personnes de se battre pour faire respecter leurs droits fondamentaux sont troublants. Du point de vue de la police, la communauté des lesbiennes, des gais, des transgenderistes et des bisexuels a besoin d'une protection supplémentaire que le paragraphe 318(4) peut lui accorder. Cette protection ne se traduira vraisemblablement pas par des arrestations ou des poursuites. Elle aura un effet plus subtil, du fait que le gouvernement du Canada se trouvera à reconnaître, par le libellé du paragraphe 318(4), qu'il faut protéger les homosexuels tout comme on protège les personnes d'autres couleurs, origines ethniques, races et religions. Cette reconnaissance lourde de sens devrait faciliter l'évolution des comportements et rendre inacceptables pour la société et criminels les actes qui causent du tort aux groupes de personnes protégés.

    La police estime que l'inclusion de l'orientation sexuelle dans le libellé du paragraphe 318(4) réduira les torts causés aux personnes homosexuelles, torts qui sont non seulement sans commune mesure avec ce que doit subir l'ensemble de la population mais également, au chapitre de la violence physique, sans commune mesure avec les préjudices subis par les groupes déjà énumérés au paragraphe 318(4).

¿  +-(0945)  

+-

    Le président: Je remercie chaleureusement tous les témoins.

    Avant de donner la parole à M. Cadman, qui disposera de sept minutes, j'aimerais qu'on adopte une motion—qui intéressera sans doute également les témoins—afin de nous permettre d'entreprendre nos travaux aujourd'hui. Voici le texte de la motion :

Que le comité adopte le budget opérationnel proposé de 9 600 $ pour son étude du projet de loi C-250 et que le président présente ledit budget au sous-comité du budget du Comité de liaison.

    Des voix: D'accord.

+-

    Le président: Merci.

    Je suis sûr que vous êtes tous d'accord.

    Monsieur Cadman.

+-

    M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

    J'ai une brève question pour M. Rogusky et Mme Landolt.

    Vous avez tous les deux dit craindre les répercussions du projet de loi sur la liberté de religion et la liberté d'expression religieuse. À votre avis, sera-t-il possible de dissiper ces craintes en ajoutant ou en modifiant certaines garanties dans ce projet de loi? Si oui, avez-vous des suggestions? Si non, pourquoi croyez-vous qu'il soit impossible d'insérer de telles garanties?

¿  +-(0950)  

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Je répondrai non, parce que les mesures législatives qu'on pourrait vouloir faire adopter pour protéger la liberté de religion ont déjà été invalidées par la Cour suprême du Canada. Quand notre mémoire aura été traduit et que vous pourrez en prendre connaissance, vous verrez la liste des affaires qui y sont citées et qui indiquent qu'une telle protection n'existe pas. Les tribunaux ont déjà statué que les droits des homosexuels l'emportent sur les droits religieux. La plus récente décision, qui date de décembre 2002, dont l'affaire Chamberlain contre Surrey School District en est un exemple.

    Il semble y avoir une hiérarchie des droits et des libertés, et la liberté de religion se trouve tout en bas de la pyramide, alors que l'orientation sexuelle—qui a été ajoutée par la Cour suprême dans Nesbit et Egan en 1995—semble se trouver tout en haut. Il est absolument impossible d'invoquer des dispositions pour protéger les droits religieux.

    La religion a été attaquée à maintes reprises et la Cour suprême a invariablement protégé l'orientation sexuelle au détriment des autres droits garantis par la Charte, notamment la liberté de religion prévue à l'alinéa 2b).

+-

    M. Chuck Cadman: Monsieur Rogusky.

+-

    M. Derek Rogusky: Nous partageons ce point de vue. Nous avons vu qu'il y a des divergences d'opinion quant au sens des mots «haine» ou  «haineux» déjà parmi les personnes présentes dans cette salle; différentes définitions ont été avancées. Quand le comité a été saisi de ce projet de loi, j'ai vu qu'il comportait des définitions différentes. Et ces définitions différentes sont utilisées dans toute la procédure judiciaire, que ce soit au niveau provincial, dans la législation sur les droits de la personne, ou maintenant dans le Code criminel.

    Cela nous préoccupe grandement parce que tant qu'on n'aura pas défini clairement ce qu'est la haine, de manière que chacun sache ce qui est permis et ce qui est interdit, la liberté de religion sera compromise.

+-

    M. Chuck Cadman: Merci.

    Monsieur Jones, vous avez des statistiques. Les avez-vous transmises au comité?

+-

    Insp. David Jones: Oui, j'ai fourni ces statistiques au comité.

+-

    M. Chuck Cadman: Bien. Une courte question à ce sujet.

    Ces statistiques représentent-elles les infractions contre des homosexuels ou les infractions qui étaient motivées par l'orientation sexuelle?

+-

    Insp. David Jones: Il s'agit des infractions motivées par des préjugés fondés sur des facteurs décrits à l'article 718.2, comme la race, la religion, l'origine ethnique, la couleur, mais l'orientation sexuelle ne fait pas partie de l'article 318, sauf par analogie. Il s'agit donc des cinq groupes. Ce sont ceux qui font l'objet de rapports. Il s'agit d'actes criminels commis à l'endroit de ces groupes, en fonction de ces facteurs d'identification.

+-

    M. Chuck Cadman: Et dans ces cas, on a déterminé que l'orientation sexuelle, ou la race, était le facteur qui avait motivé la commission de l'infraction, ou s'agit-il d'une statistique d'ordre général?

+-

    Insp. David Jones: Non, nous nous sommes servis...

+-

    M. Chuck Cadman: Je suis désolé, peut-être que ce n'était pas clair.

+-

    Insp. David Jones: Non, c'est clair, c'est très clair. C'est un problème au Canada que d'obtenir des définitions sur ce qui constitue ou pas un crime haineux. Nous employons une définition très stricte: il ne peut s'agir uniquement de la perception d'une personne. Si c'est un crime haineux, il faut que des faits corroborent cette perception et puissent être présentés en preuve par la police.

+-

    M. Chuck Cadman: Bien.

    Merci.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Monsieur le président, puis-je formuler un commentaire à ce sujet?

+-

    Le président: Certainement.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Il faut signaler la distinction entre un crime motivé par la haine, comme ceux dont traitent ces statistiques, et la propagande haineuse visée par l'article 319 du Code criminel. Les crimes motivés par la haine rapportés aux corps policiers ne correspondent pas à des condamnations. C'est déjà une différence. Il s'agit de plaintes qui ont été portées. Et la définition de la haine varie, d'un service de police à l'autre, de Toronto à Vancouver et on ne peut donc pas se fier aux statistiques policières.

    Dans les cas de crimes motivés par la haine...quand quelqu'un est victime d'agression ou de vol, il peut dire que l'infraction était motivée par la haine. C'est une tout autre chose que la propagande haineuse visée par l'article 319 du Code, dont vous êtes saisis.

    Là où je veux en venir, c'est qu'il n'y a pas de condamnations. Il s'agit de ce qu'on déclare avoir été commis contre un homosexuel ou contre... Je pense qu'il est important de souligner que pour toutes les unités de crimes motivés par la haine du Canada, à Vancouver, à Winnipeg, à Ottawa et à Toronto, on peut constater que le plus grand nombre de ces crimes visent des noirs, des juifs et des asiatiques. Les crimes motivés par des préjugés au sujet de l'orientation sexuelle sont tout au bas de la liste comme on le voit dans la liste des crimes haineux de Toronto, et comme je l'ai déjà dit.

¿  +-(0955)  

+-

    Le président: Inspecteur Jones.

+-

    Insp. David Jones: Je recommande à Mme Landolt la lecture du rapport du Centre canadien de la statistique juridique qui fait état des résultats de 26 000 entrevues.

    À Vancouver, nous employons les mêmes critères pour tous les groupes. Par conséquent, j'estime que ce sont des données non seulement pertinentes du point de vue statistique, mais aussi à des fins de comparaison des divers groupes. Il s'agit des mêmes comportements.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je cède la parole à M. Marceau pour sept minutes.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Merci, monsieur le président. Merci aux témoins de s'être présentés au comité ce matin.

    Je vais commencer par un commentaire. Je vais vous avouer qu'avec les statistiques qui nous ont été présentées par l'inspecteur Jones, je cherche à me remémorer les cours de religion que j'ai eus à l'école catholique privée. Je cherche à voir comment on peut se baser sur le christianisme pour s'opposer à un projet de loi tel que le C-250.

    Si je comprends bien, monsieur Rogusky, ce dont vous avez peur, c'est de ne plus être capable--parce que vous êtes un organisme chrétien; c'est comme ça que vous vous êtes autodéfini tout à l'heure--de dire que l'homosexualité n'est pas correcte selon votre interprétation des Écritures saintes.

[Traduction]

+-

    M. Derek Rogusky: Nous croyons en effet que nous risquons fort de ne plus pouvoir exprimer la façon dont nous interprétons les Écritures.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Si je me base sur mon expérience personnelle, sur ce que j'ai appris à l'école catholique privée en tant que chrétien, vous êtes sûrement d'accord avec ceux qui disent qu'en refusant d'accepter Jésus comme leur messie, les Juifs ont fait une erreur théologique. Moi, c'est ce qu'on m'a enseigné. C'est sûrement ce que vous croyez aussi.

[Traduction]

+-

    M. Derek Rogusky: Oui. Chez les chrétiens, les protestants conservateurs ou orthodoxes croient que seul le Christ peut nous amener au paradis. Je serais donc d'accord pour dire que les autres croyances, y compris la foi judaïque, mais bien d'autres font une erreur.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Personne, n'importe quelle dénomination plus conservatrice, disons, n'a jamais dit que vous n'aviez pas le droit d'enseigner que les Juifs ont fait une erreur théologique. Ça, c'est protégé par votre liberté de religion. Par contre, si vous vous basez là-dessus et que vous dites que parce que les Juifs ne reconnaissent pas Jésus comme leur sauveur, on va aller les tabasser, qu'ils méritent d'être persécuter, etc., on comprend qu'il y a une différence de degré qui est fort importante.

    Conséquemment, pourquoi une Église telle que celle à laquelle vous appartenez sûrement ne pourrait-elle pas dire que son interprétation des Écritures saintes lui fait dire que l'homosexualité n'est pas acceptable aux yeux de Dieu, ce qui serait protégé par la Charte des droits et libertés. À mon avis, il n'y a pas de problème là-dedans, parce qu'on a fait l'analogie avec les Juifs précédemment.

    Par contre, là où le pas est inacceptable--et c'est ce que le projet de loi C-250 essaie de régler--, c'est lorsqu'en se basant là-dessus, on va pouvoir dire que parce qu'une personne est homosexuelle, vous avez le droit de le tabasser, vous avez le droit de la persécuter, vous avez le droit de commettre des actes de violence contre elle. Ce n'est pas la première partie, votre jugement moral sur l'homosexualité, qui n'est pas protégée, mais c'est le fait d'agir de façon haineuse et violente sur la base sur votre interprétation qui n'est pas protégé.

À  +-(1000)  

[Traduction]

+-

    M. Derek Rogusky: À mon avis, ce sont deux choses différentes.

    Personne ici ne laisse entendre qu'on devrait avoir le droit de blesser les autres en raison de leur comportement ou de leurs opinions. Ce que nous craignons, et il y a des précédents au pays, c'est qu'on impose davantage de restrictions à des discussions raisonnables et des énoncés raisonnables sur la religion. Des personnes bien intentionnées—en fait, des gens qui font le bien dans notre société—risqueront d'être accusées de crime motivé par la haine simplement parce qu'elles se seront opposées au comportement homosexuel.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Mais c'est important de faire la distinction parce que, malheureusement, je crois que vous ne la faites pas et que vous confondez deux choses.

    Quelqu'un peut être--j'emploie vos mots--«well meaning, well intended», s'il dit que l'homosexualité n'est pas correcte et que Dieu refuse ça. Ça, ce n'est pas un problème.

    Comment peut-on dire que quelqu'un est «well meaning, well intended» s'il dit que parce qu'une personne est homosexuelle, il faut aller la battre, il faut poser des gestes de violence contre cette elle? Comment peut-on être bien intentionné quand on propose de faire de l'incitation à la violence? C'est de cela qu'on parle. On ne parle pas d'opinions par rapport à l'homosexualité, on parle d'inciter à des gestes de haine ou de violence basés sur ces vues. Ce sont deux choses différentes et, malheureusement, vous me semblez faire l'amalgame de ces deux choses.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Marceau.

    M. Robinson aura la parole après la réponse de M. Rogusky.

+-

    M. Derek Rogusky: D'abord, je n'ai jamais appuyé quiconque préconise quelque forme de violence contre les autres. On donne souvent l'exemple de Fred Phelps, qui semble d'ailleurs être le seul exemple que nous avons de personnes qui préconisent la violence, et nous avons publié de nombreux communiqués pour le dénoncer. Notre propre organisation a été victime de ses attaques.

    Ce qui nous inquiète dans ce projet de loi, c'est qu'il va bien au-delà de ce qui est nécessaire pour contrer des personnes telles que M. Phelps. Il limitera l'expression de croyances profondes, religieuses ou autre, qu'éprouvent bon nombre de personnes au pays, à savoir que l'activité ou le comportement homosexuelle sont inappropriés.

    Je tiens à préciser que nous n'appuyons aucune forme de violence contre les personnes. Nous n'appuyons pas non plus ceux qui préconisent la violence de ce genre. Toutefois, nous pouvons vous donner des exemples réels de cas dont ont été saisis nos tribunaux, des exemples de personnes qui ont discuté de cette question, ont présenté leur point de vue sur cette question et ont dû faire face à la possibilité bien réelle d'être condamnées et dans certains cas ont été condamnées aux termes de lois sur les droits de la personne, de code de conduite des enseignants, ce genre de choses. Avec ce projet de loi, vous ajoutez à cela la possibilité d'une poursuite et d'une condamnation pénales, et nous estimons que ce n'est pas indiqué.

+-

    Le président: Monsieur Robinson, vous avez sept minutes.

+-

    M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas): Merci, monsieur le président.

    M. Rogusky a mentionné Fred Phelps. Je voudrais vous citer les propos de l'ancien chef de l'Unité des crimes motivés par la haine du Service de police d'Ottawa-Carleton, le sergent Pat Callaghan. L'inspecteur Jones connaît certainement M. Callaghan.

    Voici ce qu'il a dit à propos des activités de Fred Phelps au Canada :

    Si ses propos visaient un catholique, un juif ou un Noir, on pourrait porter des accusations. Si nous avions la loi avec nous, nous n'aurions pas à subir ces sornettes, lundi. Nous pourrions lui dire «Si vous venez et commencez à propager cette haine, nous vous arrêterons».

    C'est un des aspects les plus importants de ce projet de loi. Pour le moment, comme l'a souligné l'inspecteur Jones, cinq groupes sont réellement la cible de la propagande haineuse. Cinq groupes sont visés. Et celui qui l'est le plus, du moins dans la région de Vancouver, n'est pas actuellement protégé par la loi. C'est le seul qui ne l'est pas.

    Par conséquent, si tous les procureurs généraux du Canada appuient ce projet de loi, y compris l'Association canadienne des chefs de police et l'Association canadienne des commissions de police, c'est sans doute parce que notre société et notre Parlement doivent bien faire comprendre que cette exclusion est inacceptable. J'ai l'impression que c'est ce que voulait dire l'inspecteur Jones.

    M. Rogusky laisse entendre qu'il n'y a pas beaucoup de cas de ce genre. Sans vouloir vous en énumérer toute une liste, je peux vous dire que les homosexuels sont trop souvent victimes de menaces de violence et de harcèlement. J'ai mentionné cet exemple à mes collègues quand j'ai témoigné devant le comité. J'étais dans mon bureau de circonscription le soir et la lumière était allumée. J'ai entendu un craquement contre la vitre. Cela aurait pu être n'importe quoi, une balle de revolver ou une pierre. En fait, c'était un oeuf et des gens criaient «Hé, pédé»!

    Je ne prétends pas que tout cela sera criminalisé. Ce n'est pas le cas. Depuis 1970, il y a eu au total cinq poursuites au Canada en vertu des lois sur la propagande haineuse, cinq en 30 ans. Trois d'entre elles seulement ont abouti.

    Ce que veut faire valoir ce projet de loi—et j'apprécie l'argument de l'inspecteur Jones—c'est qu'en ne le précisant pas dans la loi, vous laissez entendre que la vie des homosexuels n'a pas autant de valeur.

    Ce n'est pas seulement de la propagande américaine. J'ai jeté un coup d'oeil dans ma documentation et j'ai trouvé ceci. Il s'agit d'un feuillet qui a été distribué dans ma circonscription en 1988. Je pense qu'il s'agit de propagande haineuse. Le titre dit ceci : «Invasion sodomite prévue pour 1990». On y trouve toutes sortes de choses. Là, sous le dessin d'un jeune garçon qui se fait entraîner dans les toilettes des hommes, on peut lire : «L'homosexualité est un crime contre l'humanité». Il s'agit clairement de propagande haineuse et je crois qu'il faut le reconnaître.

    Je demanderais à l'inspecteur Jones ce qu'il répond à ceux qui laissent entendre que la police pourrait cibler certaines croyances religieuses et, en fait, ceux qui expriment leurs opinions religieuses. Ces gens diront que l'homosexualité est une abomination, que leur religion la considère comme diabolique ou que l'homosexualité est un péché. Qu'avez-vous à répondre à cela? Croyez-vous vraiment que la police ciblerait ces personnes en appliquant cette mesure?

À  +-(1005)  

+-

    Insp. David Jones: Je n'avais même pas pensé que la religion entrait dans la discussion. Je pensais que la discussion portait seulement sur un groupe de personnes qui sont ciblées tout comme d'autres groupes l'ont été, des gens qui ont été opprimés et qui ont dû se battre pour défendre leurs droits, des gens qui ont fait leurs études effrayés d'être ce qu'ils sont et dont un bon nombre se sont suicidés quand ils se sont rendu compte de la haine et de la discrimination dont ils faisaient l'objet. Nous ne le savons pas toujours car de nombreux homosexuels se tuent sans jamais révéler leur orientation sexuelle ou la raison de leur geste.

    Je ne comprends pas que la religion puisse intervenir dans la discussion. La police n'a nul désir de s'intéresser à la liberté d'expression si ce n'est pour la protéger. C'est un problème de violence. Des gens sont tués, agressés et attaqués dans des lieux publics et privés. Voilà ce dont il s'agit. Du point de vue de la police, je ne suis pas ici pour discuter de convictions religieuses. Je suis certain qu'elles sont nombreuses et variées, mais cela n'a aucun rapport avec cette situation particulière, du point de vue de la police.

+-

    M. Svend Robinson: J'aurais seulement une ou deux autres brèves questions si vous le permettez.

+-

    Le président: Deux minutes.

+-

    M. Svend Robinson: Très bien.

    Le seuil fixé dans ce projet de loi est très très élevé. Le juge en chef Dickson a déclaré «... le mot «haine» désigne une émotion à la fois intense et extrême qui est clairement associée à la calomnie et à la détestation.» Il a ajouté : «Le fomentateur de la haine doit avoir l'intention d'exciter directement et activement la haine contre un groupe identifiable ou prévoir cette conséquence comme presque certaine.»

    Et il ajoute encore :

    La haine suppose la destruction et il s'ensuit que la haine contre des groupes identifiables se nourrit de l'insensibilité, du sectarisme et de la destruction tant du groupe cible que des valeurs propres à notre société. La haine prise dans ce sens représente une émotion très extrême à laquelle la raison est étrangère; une émotion qui, si elle est dirigée contre les membres d'un groupe identifiable, implique que ces personnes doivent être méprisées, dédaignées, maltraitées et vilipendées, et ce, à cause de leur appartenance à ce groupe.

    C'est ce dont nous parlons ici. Il ne s'agit pas seulement de citer la Bible, le Coran ou autre chose. Cela vise ceux qui disent que ces personnes n'ont pas le droit d'exister, qu'il est normal qu'elles soient victimes de violence et de harcèlement.

    Je me souviens de la comparution de Focus on the Family et de ma vieille amie Gwen Landolt à l'occasion de l'étude de la Loi canadienne sur les droits de la personne, il y a bien des années. Ils nous ont averti que l'orientation sexuelle pouvait vouloir dire toutes sortes de choses comme la bestialité ou la pédophilie. Mme Landolt s'en souvient et M. Rogusky s'en souvient sans doute aussi.

    C'était il y a cinq ans. Il n'y a jamais eu un seul tribunal au Canada ou dans le reste du monde...

À  +-(1010)  

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Mais il n'y a jamais eu de contestation judiciaire.

+-

    M. Svend Robinson: ... qui ait interprété l'orientation sexuelle de cette façon.

    Je crois donc simplement qu'il faut prendre ces sombres prédictions pour ce qu'elles sont, monsieur le président.

    Merci.

+-

    Le président: Monsieur O'Brien, vous avez sept minutes.

+-

    M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Tout d'abord, sur mes deux versions de l'ordre du jour, je peux lire « Sergent Jones, témoignage à titre personnel ».

    J'aimerais donc savoir qui il représente officiellement. Et je crois donc qu'il faudrait apporter la correction nécessaire.

+-

    Insp. David Jones: Je comparais officiellement au nom du Service de police de Vancouver et du chef de police Jamie Graham.

+-

    M. Pat O'Brien: Merci. Vous avez mentionné d'autres groupes et je n'étais pas tout à fait sûr...

+-

    Insp. David Jones: Je précise que le Service de police de Vancouver a proposé une résolution visant à ajouter l'orientation sexuelle au Code criminel, au paragraphe 318(4). Le Comité consultatif sur la diversité du Service de police de Vancouver l'a transmise à la Commission de police de Vancouver qui l'a envoyée à la commission nationale, laquelle a adopté cette résolution et l'a transmise au ministre de la Justice. Nous l'avons également soumise à l'Association des chefs de police de la Colombie-Britannique qui l'a transmise à l'Association des chefs de police du Canada dont le comité de modification des lois a pris l'initiative d'envoyer une lettre appuyant ce projet de loi parce qu'il ne se réunira pas avant le mois d'août.

+-

    M. Pat O'Brien: Bien, excellent. Merci.

    Je voudrais simplement que cette rectification soit apportée au compte rendu.

    Quiconque y réfléchit un peu ne peut douter, à mon avis, du fait que les gais et lesbiennes, les transsexuels, etc., sont malheureusement victimes de violence, à cause de leur orientation sexuelle, au Canada. C'est la triste réalité. Personne ne le conteste. Personne ici, du moins, ne le conteste et je pense que comme société, nous devons nous y attaquer. Reste à savoir comment. Mais la question la plus pertinente pour nous est la suivante : ce projet de loi règle-t-il le problème, tout en protégeant la liberté de religion et la liberté d'opinion?

    Le sergent Jones dit que du point de vue policier, la religion est hors de cause. Je le comprends, mais nous ne traitons pas ici uniquement du point de vue policier. Du point de vue parlementaire, la religion est intimement mêlée à ce débat. Du point de vue des tribunaux, c'est aussi certainement le cas. Je crois que Mme Landolt a donné d'excellents exemples de cas où les tribunaux n'ont certainement pas rassuré les gens sur leur liberté de religion quant il s'agit de s'opposer à l'homosexualité.

    Monsieur le président, j'espère sincèrement qu'on trouvera moyen d'adopter des lois qui protégeront les gais, les lesbiennes et les gens d'autre orientation sexuelle contre des agressions motivées par l'orientation sexuelle. Je crois certainement qu'il faut que nous essayions d'y arriver. Je crains fort, toutefois, que ce projet de loi ne puisse pas... en fait, peut-être qu'il le peut, mais je ne suis pas convaincu qu'il protège suffisamment la liberté d'expression dont on a parlé.

    C'est très important, monsieur le président, compte tenu des incidents dont nous a parlé Mme Landolt. Quand un député exprime son opposition à l'homosexualité à la Chambre des communes et qu'on dit qu'il s'agit de propos haineux, cela m'inquiète, comme Canadien, sans parler de ma position comme député, que je sois d'accord ou non avec ce que ce député a dit, et sa façon de le dire.

+-

    M. Svend Robinson: J'invoque brièvement le Règlement, monsieur le président.

    Je ne veux pas vous interrompre, monsieur O'Brien...

    M. Pat O'Brien: Non, allez-y.

    M. Svend Robinson: ...mais je ne voulais pas prendre le temps de répondre à Mme Landolt.

    J'invite simplement M. O'Brien à lire le compte rendu de ce qui est arrivé. Mme Skoke mettait dans le même sac l'homosexualité, la pédophilie, la bestialité et c'est dans ce contexte que j'ai réagi.

À  +-(1015)  

+-

    M. Pat O'Brien: Je relirai le hansard.

    En ce qui concerne le Père Van Hee, je reprends les propos de M. Marceau sur ceux qui s'opposent à l'homosexualité et qui ne veulent pas inciter à la haine. Je ne connais personne de plus doux, de meilleur, de plus pacifique que le Père Van Hee. Je le connais personnellement, c'est un prêtre jésuite. Il a une pancarte, devant le Parlement, qui dit que l'homosexualité viole les lois de Dieu, et il y a des gens qui l'attaquent parce qu'il a le droit de dire cela.

    C'est une chose de déposer un projet de loi, dont j'appuie l'intention, soit de protéger les gais et les lesbiennes contre des attaques injustifiées, mais c'est autre chose d'accepter les agissements de ceux qui proposent de remettre en question la liberté de religion. Voilà pourquoi j'estime que c'est tout à fait pertinent à cette discussion.

    Monsieur le président, je me souviens qu'à ce comité-ci, l'un des premiers groupes de témoins que j'ai interrogés était un couple de lesbiennes. J'ai été énergique, respectueusement énergique, dans mes questions, ma tâche étant de remettre en question leur point de vue. Puis, un ou deux membres du comité ont tenu une conférence de presse et ont insinué—non pas à mon sujet en particulier, je ne crois pas, bien que je n'aie pas assisté à cette conférence de presse—que ceux qui n'étaient pas d'accord avec eux ou qui remettaient en question les affirmations des témoins étaient homophobes.

    On invoque trop facilement et trop rapidement l'homophobie, et c'est ça qui est inquiétant. À mon avis, cela nuit à ceux qui veulent faire progresser cette cause très juste, soit s'assurer que personne ne fait l'objet d'attaque en raison de son orientation sexuelle.

    Ce sont là certaines des préoccupations que je tenais à exprimer, aux fins du compte rendu.

    C'est aussi un long préambule à ma première question, monsieur le président.

    Madame Landolt, pourriez-vous nous expliquer brièvement pourquoi vous estimez que les tribunaux n'ont pas su protéger la liberté de religion dans ce dossier?

+-

    Le président: Merci, monsieur O'Brien.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: J'ai mentionné le jugement rendu récemment dans l'affaire Chamberlain, et où on a recommandé de distribuer les documents sur l'homosexualité en question dans toutes les écoles de la Colombie-Britannique, à partir de la maternelle. Le juge Gonthier, dans son jugement dissident, estimait quant à lui que cela était pro-homosexuel. C'était aussi contraire à l'avis de la Commission scolaire de Surrey, qui représentait la position des parents là-dessus. Voilà un exemple parmi d'autres de la pyramide des droits. On peut citer aussi l'affaire Marc Hall.

    Dans l'affaire Scott Brockie, la Cour divisionnaire de l'Ontario a jugé que l'imprimeur était tenu d'imprimer des documents relatifs à l'homosexualité, en dépit du fait qu'ils étaient contraires à sa foi chrétienne, et il a dû payer un amende de 5 000 $.

    On trouvera ici une liste où figurent d'autres affaires, y compris celle de Hugh Owens devant la Cour du Banc de la Reine.

    J'aimerais ajouter quelque chose, monsieur O'Brien. M. Robinson a prétendu que les homosexuels ne sont pas protégés. Eh bien, beaucoup d'autres gens ne le sont pas non plus, y compris REAL Women. Nous n'avons aucun recours contre la propagande haineuse.

    Ainsi par exemple, le 17 juin 1992, l'organisation homosexuelle Queer Nation nous a envoyé une lettre ignoble et répugnante. Elle était méprisable et vulgaire et correspondait à la description qu'on donne d'un acte haineux. Nous avons conservé des copies de cette infâme et méprisante lettre, si vous souhaitez la lire. Nous ne l'avons toutefois pas annexée à notre mémoire.

    Nous ne bénéficions d'aucune protection.

    Le 4 mars 1999, quelqu'un nous a téléphoné pour nous avertir qu'après l'adoption de la loi sur la propagande haineuse, nous ne pourrions plus prendre position publiquement. Vous trouverez cela à la page 20 de notre mémoire.

    Le 22 avril 1989, la Commission canadienne des droits de la personne nous a accusées de propagande haineuse, et pourtant, nous allons droit au but. Il n'y a aucune protection.

    Cela nous amène à l'un des problèmes fondamentaux de la loi, à savoir son aspect discriminatoire puisqu'elle ne vise que quatre groupes... auxquels M. Robinson veut en ajouter un cinquième. Mais tout le reste d'entre nous ne bénéficie d'aucune protection, et nous pouvons certes prouver que notre organisation, comme bien d'autres, est victime de la haine.

+-

    Le président: Monsieur Cadman, la parole est à vous.

+-

    M. Chuck Cadman: Non, je n'ai pas de questions.

+-

    Le président: Bien, monsieur Robinson, la parole est à vous pendant trois minutes.

+-

    M. Svend Robinson: [La rédaction : Difficultés techniques]... la foi religieuse, même si elle s'oppose radicalement à l'homosexualité—nous savons en effet que certaines confessions religieuses ont des positions très fermes là-dessus, et cela pourrait entraîner des poursuites en vertu de la législation sur la propagande haineuse.

    Plus tôt, j'ai parlé des procureurs généraux. Eh bien, même celui de l'Alberta, M. Dave Hancock, a appuyé ce projet de loi qui, d'après lui, ne cherche nullement à encourager l'homosexualité, et je cite :

    J'appuie la législation sur les crimes

    —il s'agit du projet de loi C-250, qui propose d'inclure l'orientation sexuelle—

qui interdit qu'on diffuse des propos haineux contre qui que ce soit sans la moindre raison. Dans notre pays, nous disposons de moyens plus appropriés pour discuter de certains sujets... et il n'est pas nécessaire de recourir à des écrits haineux. Cela n'a rien à voir avec les convictions qu'on peut avoir au sujet de l'orientation sexuelle.

    Pouvez-vous me parler un peu de la supposée menace que ce projet de loi représenterait pour certaines convictions religieuses?

À  +-(1020)  

+-

    M. Read Sherman: Je le ferai volontiers.

    À ma connaissance, dans ce projet de loi, le critère permettant qu'il y ait poursuite est très strict. Je crois même qu'il a donné lieu à seulement trois ou quatre poursuites.

    L'Église unie, la First United et l'Affirm United sont tout à fait favorables à la liberté d'expression pleine et entière des convictions religieuses. Notre raison d'être d'ailleurs est en partie le souci d'échanger dans un climat de respect avec ceux qui n'ont pas les mêmes idées que nous. Au sein de la First United, notre engagement repose sur la reconnaissance des divergences qui se manifesteront inévitablement au sein de notre famille religieuse, et il existe des moyens appropriés de discuter de ce genre de choses.

    Selon ce que j'entends au sein de l'Église unie du Canada et selon mes propres convictions, nous n'avons aucune crainte que ce projet de loi brime l'expression de nos convictions religieuses. Nous sommes favorables au dialogue entre ceux et celles dont les points de vue sont différents des nôtres en ce qui concerne l'orientation sexuelle. C'est d'ailleurs essentiel à la connaissance et à l'épanouissement de soi, ce à quoi Dieu nous appelle.

    J'aimerais ajouter que les autres points soulevés aujourd'hui sont très importants; que la loi reconnaisse que l'orientation sexuelle comme nouveau groupe identifiable qui fait l'objet de propos et de gestes haineux est une mesure de protection indispensable.

    Je reste aussi assez perplexe devant l'opposition que semblent manifester d'autres organisations chrétiennes, car à notre avis, le christianisme et l'Église devraient encourager le dialogue, la compréhension et la réconciliation de tous, tant au sein de l'Église que de la société. La situation des hétérosexuels est privilégiée--c'est une hypothèse de ma part--et en tant qu'organisations dotées de ressources venant de la majorité est très différente de la nôtre, nous qui sommes de la minorité. Nous n'avons pas, que ce soit de par notre naissance ou notre foi, dans certaines confessions religieuses, les mêmes protections comme personnes, citoyens et enfants de Dieu.

    M. Svend Robinson: Je vous remercie.

+-

    Le président: Monsieur Lee, la parole est à vous pour trois minutes.

+-

    M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Je vous remercie.

    Plus tôt dans la journée, l'inspecteur Jones nous a parlé de gens qu'on tue, qu'on agresse et qu'on attaque. En toute déférence—comme tous les autres ici présents, car cette question est grave—, j'espère que vous serez d'accord avec moi, le projet de loi ne porte pas là-dessus. Il ne traite ni de la violence, ni des agressions ni d'autres choses du genre. Il porte sur la haine et sur les propos haineux.

    Êtes-vous d'accord avec cela?

+-

    Insp. David Jones: Pas tout à fait.

+-

    M. Derek Lee: Bien.

+-

    Insp. David Jones: Le paragraphe 319(1) parle de l'incitation à la violence, de la violation de la paix. C'est l'expression publique, la déclaration publique, qui mène à une violation de la paix. Dans un sens, les deux choses sont donc couvertes.

À  +-(1025)  

+-

    M. Derek Lee: Bien, mais ce qui me préoccupe, ce n'est pas la violence. Je suis d'ailleurs d'accord avec vous au sujet de l'incitation à la violence. J'ai tout de même une certaine réticence à être de votre avis, au sujet de la simple liberté d'expression. M. Robinson ne verra probablement aucune difficulté là-dedans, mais d'autres en verront une très grande.

    Je m'explique. L'inscription dans la loi d'une définition plus précise limiterait certaines formes d'expression, l'expression de propos haineux au sujet de l'orientation sexuelle, quelle qu'elle soit, homosexuelle ou hétérosexuelle. Cependant, en restreignant la liberté d'expression, on intervient à deux niveaux : la simple liberté d'expression, où il est assez facile de se retrouver, et la liberté de religion et l'expression religieuse.

    Là où je pressens qu'il peut y avoir une difficulté, c'est que dans certains textes religieux—comme la Bible et peut-être le Coran, bien que je connaisse moins bien ce dernier—, l'homosexualité est répréhensible, immorale, mauvaise ou sans mérite, quels que soient les termes utilisés. J'ai entendu ces citations, ou peut-être les ai-je lues.

    Je vais donc demander à Mme Landolt de répondre, car ce projet de loi impose des restrictions à ceux et celles dont la foi s'appuie sur ces textes sacrés, à ceux et celles qui y croient. J'ai de la difficulté à réconcilier les deux exigences, la contrainte et la liberté d'expression religieuse.

    En passant, je sais que l'article 319 permet à quelqu'un d'exprimer une opinion religieuse, et la personne en question ne sera pas déclarée coupable en vertu de cet article. Toutefois, une fois le projet de loi adopté, l'opinion exprimée pourrait ne pas porter sur la religion mais simplement sur l'homosexualité et son influence sur la question en se fondant sur ses convictions religieuses.

    Compte tenu de cela, à mon avis, le projet de loi ne protège pas assez quelqu'un qui, pour des raisons religieuses, tient l'homosexualité pour quelque chose de mauvais sur le plan moral.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Monsieur Lee, la liberté d'expression était déjà attaquée au sujet de l'homosexualité sans... sur la question même dont le comité a été saisi. Je pourrais vous donner des exemples tirés de mon mémoire.

    On a accusé des gens qui ont parlé du mariage devant ce comité d'être motivés par la haine. Votre remarque est tout à fait juste. Ainsi, par exemple, notre organisation a défendu le mariage traditionnel, et le 12 mars 2002, sur le site Web d'un organisme homosexuel, on qualifiait notre mémoire, pourtant bien documenté et étayé, de « haineux ». « Mettez fin à la haine », ont-ils dit.

    Autre exemple, lorsque la sénatrice Anne Cools a parrainé un projet de loi au Sénat qui protégerait la définition du mariage, la sénatrice Jaffer de Vancouver a jugé coupable de « crime motivé par la haine » quiconque appuyait la définition traditionnelle du mariage.

    Je peux citer un troisième exemple, celui des appels téléphoniques faits par certaines personnes après le passage de la sénatrice Cools à CPAC, parce qu'elle avait parlé en faveur du mariage traditionnel, ces gens ont dit qu'elle avait tenu des propos haineux.

    Il n'est donc même pas nécessaire de parler d'une protection religieuse : il suffit que nous parlions d'une question d'intérêt public pour que nous soyons tous dénoncés.

À  +-(1030)  

+-

    Le président: Monsieur Marceau, la parole est à vous pour trois minutes.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Madame Landolt, encore une fois, vous semblez vous-même condamner une certaine forme de liberté d'expression.

    J'ai un petit garçon de cinq ans--j'en ai deux, d'ailleurs--qui dit toujours, ces temps-ci: « c'est pas juste, c'est pas juste ». Ce n'est pas parce qu'il le dit que c'est nécessairement vrai. Il y a des gens qui disent toujours qu'il y a de la discrimination, qu'ils sont l'objet de discrimination. Cela ne veut pas dire qu'une cour dirait qu'ils ont raison. Alors, ce n'est pas parce qu'une organisation quelconque--et je parle sans avoir vu le site--dit que vous avez dit des choses haineuses que vous seriez soumise à cette loi si elle était adoptée.

    Le niveau à atteindre pour démontrer cela est tellement élevé que ce n'est pas parce que quelqu'un pense que ce que vous dites est haineux que ça va nécessairement mener à une poursuite, surtout au criminel, où non seulement le niveau est haut, premièrement, mais où, deuxièmement, il faut que ce soit prouvé hors de tout doute raisonnable. Troisièmement, il y a des éléments de défense fort importants. Quatrièmement, malgré tout ce que vous avez dit sur la liberté de religion qui, selon vous, est rendue au bas de l'échelle, je m'excuse, mais avec les protections qui sont offertes, entre autres dans l'introduction de la Charte des droits et libertés de la Constitution et à l'article 2 de la Charte, cette liberté de religion est bien protégée. Elle n'est pas absolue, et c'est tant mieux. Si elle l'était, il y a des enfants qui seraient morts parce que les parents avaient refusé qu'ils aient une transfusion de sang pour les sauver. Tant mieux si la liberté de religion n'est pas absolue. Il n'y a rien d'absolu dans cette vie.

    Cela étant dit, le fait qu'une organisation quelconque dise que ce que vous dites est haineux ne vous soumet pas du tout à une poursuite criminelle. Vous pouvez parler non seulement à l'inspecteur Jones, mais ce serait intéressant d'avoir des procureurs de la Couronne ici. Mon épouse en est une, et je peux vous dire qu'avant d'amener quelque chose comme ça, la personne a besoin de se lever de bonne heure.

    Alors, lorsque vous dites que parce qu'une organisation dit que ce que vous dites est haineux vous seriez soumise à une poursuite criminelle, c'est faux. Vous ne pouvez pas dire cela.

[Traduction]

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Je vous remercie, monsieur Marceau, car vous venez justement de faire valoir l'argument que nous allions nous-mêmes présenter. On aura beau nous dire que nos accusateurs devront aller devant les tribunaux pour prouver que nous avons commis des crimes motivés par la haine, il se passe exactement ce dont parlait la juge Beverley McLachlin : le fait qu'on puisse être poursuivi a un effet paralysant. Même le courrier des lecteurs dans les journaux crée le même effet. Elle estimait que c'était l'un des principaux défauts de l'article 319 du Code criminel.

    C'est justement là que la bât blesse en ce qui concerne cette mesure législative, le fait que les gens appellent cela de la haine, qu'on risque des poursuites, l'effet paralysant sur le discours public, les débats publics et les convictions religieuses, et vous l'avez clairement expliqué. Si nous affirmons telle chose, on s'en prendra à nous et on nous accusera. Cela prête le flanc à ce problème... et à ce genre de discours public. Toutefois, si les homosexuels obtiennent ceci, si l'orientation sexuelle est inscrite dans l'article 319, ceux d'entre nous qui ne bénéficient d'aucune protection s'exposent à des attaques, sans pouvoir répliquer qu'ils ont été la cible de remarques haineuses.

    Le Code criminel comporte quatre catégories protégées, et M. Robinson veut en ajouter une cinquième. Qu'arrive-t-il cependant aux autres Canadiens qu'on dénonce et au sujet desquels on tient des propos haineux? Nous ne sommes aucunement protégés, surtout pas par rapport aux questions liées au sexe. Voilà une autre lacune.

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame Landolt.

    M. Marceau pourra intervenir une dernière fois; je lui demanderai cependant de se contenter de faire une remarque plutôt que de poser une question afin que nous puissions poursuivre. Nous reviendrons, mais nous avons largement dépassé le temps prescrit.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Je voulais juste faire un commentaire. Lorsqu'on dit «what about the rest of us?», la législation est faite pour protéger des groupes qui, de façon évidente, ont été soumis à la discrimination et à la violence. Moi, en tant que Blanc, catholique, francophone, je ne peux pas me considérer comme faisant partie d'une groupe qui a vraiment été touché par la violence ou par l'incitation à la haine comme les homosexuels, comme les Juifs, comme les Noirs.

À  +-(1035)  

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Fry, la parole est à vous pour trois minutes.

+-

    Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je crois que notre plus grande difficulté ici est de cerner ce que signifiera l'inscription de cette cinquième catégorie. L'inspecteur Jones nous a expliqué tout cela avec soin et M. Marceau avec une grande clarté. Il ne s'agit pas simplement du droit de dire certaines choses comme, par exemple, que conformément aux enseignements de son Église, on juge l'homosexualité immorale, et qu'on n'est donc pas d'accord avec elle. Ce n'est pas de cela qu'il est question.

    Depuis que cette disposition est en vigueur, il n'y a eu que quatre actions en justice. Dans une seule d'entre elles, la cause Keegstra, des accusations ont été portées contre l'intimé pour incitation à la haine.

    C'est donc très difficile, car le critère est extrêmement strict, mais il s'agit ici de propos haineux susceptibles d'entraîner des préjudices sur d'autres personnes. Il peut s'agir, par exemple, d'incitation à la violence, etc. Sauf dans la cause Keegstra, pour laquelle la décision était d'ailleurs été partagée, aucune autre poursuite n'a débouché sur une mise en accusation.

    Je ne vois donc pas comment ceci peut faire problème. Il existe déjà quatre catégories, la race, la couleur, la religion et l'origine ethnique, et nous ne faisons qu'y ajouter un autre groupe, sans modifier en rien les critères actuels. Ainsi que nous le disait l'inspecteur Jones et que je l'ai appris moi-même en Colombie-Britannique et en tant que médecin, le cinquième groupe a été la cible de beaucoup de haine, de violences, mais aussi de harcèlement moral et d'autres formes encore. Je le sais parce que je suis au courant du risque élevé de suicide chez les jeunes homosexuels et de la tension très pénible à laquelle doivent faire face les couples de même sexe.

    Je ne vois donc pas pourquoi cela crée un problème. On ne fait qu'ajouter une catégorie, dont les membres ont fait l'objet d'attaques, comme l'indiquent les statistiques.

    En second lieu, vous affirmez être préoccupés par le fait que la religion n'est pas protégée, mais à ma connaissance elle l'est, puisqu'elle figure dans l'une des quatre catégories de l'article 319. Qu'est-ce qui vous préoccupe dans cela alors? La religion est manifestement protégée de menées haineuses...

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Est-ce à moi que vous le demandez?

+-

    Mme Hedy Fry: Je le demande à quiconque veut bien répondre.

    La religion est manifestement protégée d'attaques haineuses, par conséquent est-ce que vous vous inquiétez de ce que la religion ne se protège pas bien elle-même contre la haine, car il faut qu'elle veille à ne pas tenir elle-même des propos presque haineux, et cela me semble tout à fait indiqué.

    Je ne comprends donc pas ce qui vous préoccupe ici. Je ne vois pas de changement profond à l'horizon dans le fait qu'on va ajouter un nouveau groupe, quand on sait qu'il a déjà subi la violence et la haine sous bien des formes. La religion est déjà protégée, du fait qu'elle figure déjà dans les quatre groupes, alors où est le problème? Je ne comprends pas.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Me permettez-vous de répondre?

+-

    Le président: Madame Landolt.

+-

    Mme Hedy Fry: Je veux bien entendre Mme Landolt, mais aussi ceux qui sont concernés par la question, c'est tout naturel.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Vous demandez d'abord pourquoi nous sommes préoccupés. Vous avez été secrétaire d'État à la situation de la femme et, à ce titre, vous étiez chargée de protéger les droits des femmes. Vous savez cependant que nous ne sommes pas protégées par cette disposition. Pourquoi sommes-nous victimes de discrimination en tant que femmes? Pourquoi ne faisons-nous pas partie des groupes favorisés? Pourquoi n'avez-vous pas demandé que les femmes soient incluses elles aussi?

    Vous savez, quelqu'un pourrait m'attaquer, ou lancer de la propagande haineuse contre moi, et je n'aurais aucun recours, il n'y en a aucun lorsqu'on s'en prend à une organisation de femmes.

    Maintenant, pour ce qui est de la religion, ainsi qu'on en a abondamment discuté, les tribunaux n'ont pas protégé la liberté religieuse. Nous avons étudié les causes pertinentes, madame Fry, et il ressort clairement de cela que nos droits religieux ne sont pas protégés.

    Nous ne sommes pas une organisation religieuse, mais de femmes, et nous ne bénéficions d'aucune protection. Vous voulez ajouter une personne. Eh bien, que faites-vous du reste de la société?

+-

    Mme Hedy Fry: J'espère pouvoir répondre aux trois questions que le témoin vient de me poser. J'ai posé une seule question et elle m'en renvoie toute une volée.

+-

    Le président: Non, voilà ce qui va se passer. Mme  Landolt va finir rapidement. Mme Fry aura elle la possibilité de répondre à certaines des choses qui ont été dites, et je passerai ensuite à M.Robinson.

    Madame Landolt, avez-vous terminé?

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: J'ai terminé, mais j'en aurai plus à dire--plus tard.

+-

    Le président: Oui, évidemment.

    Madame Fry, à vous.

+-

    Mme Hedy Fry: Je crois en ce qui concerne la violence faite aux femmes qu'il y a beaucoup de mesures de protection. Nous savons qu'il y a des projets législatifs immenses concernant la violence faite aux femmes. Nous savons que le Code criminel prévoit des mesures pour ce qui est du viol. Nous savons également que l'on vise à protéger les femmes contre les sévices physiques. On a adopté des lois sur le contrôle des armes à feu en vue d'empêcher que les conjointes soient assassinées.

    Il me serait facile de demander pourquoi on ne protège pas mieux les députés. Je peux honnêtement vous le dire, un bon nombre d'entre nous reçoivent très souvent du courrier haineux. Dans mon cas, c'est parce que j'ai aidé le féminisme et pour toute sorte d'autres raisons, mais c'est aussi tout simplement parce que je suis députée.

    Mais ce n'est pas cela qui est important. Nous parlons ici de groupes qui, statistiques à l'appui, ont été reconnus comme victimes de haine et de violence et qui en souffrent énormément. Je crois que c'est de cela que nous discutons. Je ne vois pas comment le fait d'ajouter cet élément nuit à toute autre mesures adoptée. On a l'air de dire que lorsqu'on appuie et protège un groupe au sein de la société, on retire quelque chose à un autre. Je ne comprends pas. Je ne le vois même pas. Je ne le comprends simplement pas.

À  +-(1040)  

+-

    Le président: Merci, madame Fry.

    Monsieur Robinson.

+-

    M. Svend Robinson: Eh bien, je crois que nous vivons un moment historique au sein de ce comité. Je n'aurais jamais imaginé pouvoir tomber d'accord sur quoique ce soit avec Mme Landolt, mais je ne refuserai certainement pas du tout qu'à l'avenir le comité de la justice veuille examiner, parmi les dispositions touchant la propagande haineuse, d'autres éventuels motifs de distinction illicite.

    En fait, Mme Ellen Faulkner, qui enseigne à l'université St. Thomas et qui, si je n'abuse, vit dans la circonscription du président du comité, a préparé une étude à ce sujet pour le ministère de la Justice. Je suis certain que le président connaît ce document selon lequel on pourrait examiner certains de ces autres motifs et, si cela est justifié, prendre les mesures qui s'imposent.

    Je vous félicite donc de la sagesse de votre proposition, madame Landolt.

    Cela dit, je voudrais revenir à l'inspecteur Jones pour traiter d'une préoccupation qu'évoque mon collègue Derek Lee. Il dit, si je comprends bien, et il peut corriger le tir si j'ai tort, que si une personne a des convictions profondes, peut-être pas du tout religieuses mais simplement la conviction profonde, par exemple, que l'homosexualité est une abomination, que c'est le mal incarné, que, comme il l'a dit, c'est répréhensible ou indigne, et que ces vues ne sont pas nécessairement fondées sur des principes religieux, d'une certaine façon, parce que l'exemption touchant la religion ne le permettrait pas, la police pourrait en fait porter des accusations contre ces personnes pour avoir exprimé ces convictions.

    Ce que je crois, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez, inspecteur Jones, c'est que cela est bien en deçà de ce qui permettrait d'intenter des poursuites en vertu des disposition sur la propagande haineuse. Dans l'arrêt Keegstra, la cour a dit qu'il ne suffit pas simplement d'exprimer ses vues, et qu'on peut faire cela tant qu'on veut. En fait, il faut délibérément avoir fait la promotion de la haine et de l'intolérance contre l'un des groupes ciblés. Il ne suffit pas d'avoir exprimé une opinion, mais il faut avoir dit : écoutez, du fait de ces opinions, je crois qu'il faut faire ceci ou cela à ces gens-là.

    Pour reprendre les dires du juge en chef du Canada, il faut que ces personnes soient méprisées, dédaignées, maltraitées et vilipendées. Il s'agit donc de beaucoup plus que du simple fait d'exprimer ces vues.

    Je me demande, inspecteur Jones, si vous pouvez confirmer que c'est bien là la situation et que la police n'a nullement la volonté de porter des accusations contre des personnes qui expriment simplement des opinions, ou même des convictions profondes, mais pas religieuses, sur l'homosexualité.

+-

    Insp. David Jones: La police a différentes raisons de ne pas vouloir faire de procès d'intention aux gens. Nous nous intéressons davantage aux incitations à la haine qui risquent de se traduire en violence envers des personnes. C'est cela qui est inquiétant du point de vue policier. Nous ne voulons pas non plus faire l'arbitre entre deux groupes protégés, la religion étant elle-même protégée contre la propagande haineuse. Nous ne voulons pas faire l'arbitre dans ce débat.

    La Cour suprême du Canada a été très claire dans sa position sur les questions touchant l'homosexualité et les droits des homosexuels ainsi que les problèmes que ces gens ont dans la société. Je dis encore, opinion à laquelle je souscris, que l'orientation sexuelle est un motif analogue en vertu du paragraphe 318(4), c'est-à-dire que la police pourrait actuellement entamer des poursuites aux termes de ce paragraphe. Je ne prétends certainement pas faire d'argument juridique ici, mais vous pourriez inviter des conseils juridiques qui pourraient peut-être vous fournir des informations que vous êtes tenus moralement d'ajouter à ce dossier, puisque cette information existe déjà.

+-

    M. Svend Robinson: Une autre question, si vous le permettez, adressée à M. Rogusky. Il a fait allusion à Fred Phelps et a dit que son organisation ne l'aimait pas beaucoup. Fred Phelps est cet individu qui a un site Web, www.godhatesfags.com, où l'on peut voir une image de Matthew Shepherd en train de brûler en enfer, etc., et qui fait de la promotion active de la haine. Il a même menacé de venir au Canada et de répandre sa propagande haineuse. La police dit que si l'on apportait ce changement au Code criminel, elle pourrait alors mettre un terme à ce genre d'idiotie. On pourrait alors dire à cet individu qu'il n'est pas le bienvenu ici. Il est clair qu'aux termes de la législation en matière de propagande haineuse, si on devait y inclure l'orientation sexuelle, on pourrait s'attaquer à ce genre de problème.

    Vous dites que vous n'aimez pas les Fred Phelps de ce monde. Ne pensez-vous donc pas que des individus qui, pour reprendre les mots de l'ancien juge en chef du Canada, le juge Dickson, font la promotion du fanatisme ou veulent la destruction d'un groupe cible devraient être traités avec mépris et dédain et ne mériteraient pas d'être respectés—soit des individus comme Fred Phelps? Ne devrait-on pas protéger, dans le même type de législation qui protège les croyances religieuses, les gais et les lesbiennes ainsi que ceux qui sont perçus comme étant gais ou lesbiennes de ce genre de haine?

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Robinson.

    Monsieur Rogusky.

+-

    M. Derek Rogusky: De toute évidence, si quelqu'un fait la promotion de la haine—et par haine j'entends la promotion d'actes violents contre des personnes, et peu importe le groupe auquel elles appartiennent—, il doit y avoir des recours. Cela dit, je dois vous dire que ce projet de loi va malheureusement plus loin que cela.

    Permettez-moi d'attirer votre attention sur ce que les tribunaux sont en train de faire maintenant. À titre d'exemple, dans l'affaire Hugh Owens, M. Owens a utilisé des références bibliques, un signe d'égalité et deux marionnettes la main dans la main avec le symbole universel de «non».

+-

    M. Svend Robinson: Et «les éliminer». Voilà ce qu'ils ont dit.

+-

    M. Derek Rogusky: Les éliminer?

+-

    M. Svend Robinson: Éliminer ces homosexuels.

+-

    M. Derek Rogusky: Eh bien, il ne faudrait pas que vous alliez à Edmonton parce que là-bas il y a des affiches qui indiquent qu'il est interdit aux piétons de traverser au feu rouge. Pensez-vous qu'on entend par là qu'il faut éliminer tous les piétons qui contreviennent à cette directive? Je ne pense pas que ce soit le cas. Ça veut plutôt dire qu'il ne faut pas s'adonner à cette activité.

    Vous voyez, vous avez interprété...

+-

    M. Svend Robinson: S'agitait-il d'une poursuite au criminel...

+-

    Le président: S'il vous plaît, monsieur Rogusky et monsieur Robinson. Je vous demanderais à tous les deux de vous reporter à la décision.

+-

    M. Svend Robinson: Précisément.

+-

    Le président: On ne va pas insister là-dessus. On passe maintenant à M. Lee.

+-

    M. Derek Lee: J'allais poser une question à M. Rogusky qui rejoint mes interrogations précédentes, mais je constate qu'on s'est un peu écarté du sujet. Je pense que les questions de M. Robinson ont clairement montré qu'il y a une différence entre la haine et l'incitation à la haine, d'une part, et la désapprobation, d'autre part.

    Pour ce qui est des Églises, monsieur Rogusky—peut-être que je devrais également m'adresser à M. Sherman—, pensez-vous qu'il y a suffisamment de souplesse dans le libellé du Code criminel, qui dit que toute personne a le droit de s'exprimer et qu'on ne peut intenter une poursuite contre une personne qui soulèverait une question d'ordre religieux? Y a-t-il suffisamment de souplesse pour permettre aux groupes chrétiens ou à d'autres cultes qui ont des idées ancrées dans des ouvrages religieux de pleinement profiter de la liberté d'expression?

+-

    M. Derek Rogusky: Je dirais que non. L'un des problèmes, c'est qu'on n'a pas encore bien défini ce qu'est un sujet religieux et, quand on trouve une définition, elle est habituellement trop restrictive.

    Ainsi, je suis motivé par ma foi chrétienne, mais quand je traite de cette question, j'adopte un point de vue philosophique et sociologique et je mets à profit mon expérience en matière législative. Tout cela n'a rien à voir avec la religion comme telle, mais c'est ainsi que je traite de ce sujet. Voilà pourquoi j'estime que la défense de la liberté de religion ne suffira pas à protéger tous ceux qui sont motivés par leur foi, mais qui ne discutent pas de cette question d'un point de vue nécessairement religieux.

+-

    M. Derek Lee: Pourrais-je poser la même question à M. Sherman?

+-

    Le président: Oui, puis M. Cadman aura la parole.

+-

    M. Derek Lee: Avez-vous une réponse?

+-

    M. Read Sherman: Je ne suis pas d'accord avec monsieur. Quand je tiens des discussions avec les membres de mon église et d'Affirm United, nous croyons être suffisamment protégés, que la norme de la preuve est suffisamment élevée, comme le prouve l'absence de poursuites à cet égard. En revanche, on transmettrait un message extrêmement important à la société sur la protection d'un groupe identifiable. Je comprends les autres points de vue, mais nous croyons que ce projet de loi est un bon compromis.

    J'ajouterai rapidement que, quand vous voyez un symbole montrant une personne traversant illégalement la chaussée frappée d'une croix rouge, c'est bien différent de deux hommes qui se tiennent par la main. Je m'oppose à la façon dont certains des témoins ont décrit cela. Après tout, il y a deux personnes sur le premier dessin. Celui qui traverse illégalement la rue viole la loi de façon très piétonne, si vous me pardonnez ce jeu de mots. Il faut donc faire une distinction entre ce que disent ces deux symboles. Nous, surtout, qui sommes des personnes religieuses, devrions faire cette distinction.

À  +-(1050)  

+-

    Le président: J'invite tous les membres du comité et les témoins à lire la décision. Il est étonnant qu'on en parle tant. Tout le monde devrait lire la décision. Elle est très claire.

    À vous la parole, monsieur Cadman.

+-

    M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.

    Je n'ai pas vraiment de question; je ferai plutôt une remarque qui va un peu dans le sens de la question qu'a soulevée Mme Landolt : «Qu'en est-il de nous, les autres?». Il est rare que j'aborde des considérations personnelles, mais je le ferai aujourd'hui.

    Mes collègues au sein de ce comité, et l'inspecteur Jones, sans doute, puisqu'il est de la Colombie-Britannique, savent que mon fils a été assassiné en 1992. Deux semaines après sa mort, j'ai reçu une lettre laissant entendre qu'il avait mérité de mourir ainsi parce qu'il avait les cheveux longs, qu'il portait une boucle d'oreille et qui faisait de la planche à roulettes. Il faisait donc partie, du moins à mon avis, et surtout à Surrey, d'un groupe identifiable.

    Dans le contexte de notre discussion, pourquoi cette lettre ne serait-elle pas considérée comme de la propagande haineuse?

+-

    Le président: Votre question s'adresse-t-elle à l'inspecteur Jones?

+-

    M. Chuck Cadman: À tous les témoins. En fait, c'est plutôt une observation qu'une question.

+-

    Le président: Ne vous sentez pas tenus de répondre, mais si vous voulez le faire, n'hésitez pas.

    Madame Landolt, vous avez la parole.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: J'ai quelque chose à dire à ce sujet.

    Encore là, c'est tout le problème que pose l'article du Code criminel sur la propagande haineuse. On ne fait que donner la priorité ou une certaine protection à un groupe privilégié, mais personne d'entre nous—qu'il s'agisse des femmes ou de vous—n'est protégé contre la haine. Tout le problème est là. C'est une loi discriminatoire.

    Cela se voit... Et remonter au contexte où la loi elle-même a été adoptée, lorsqu'elle a été déposée pour la première fois à la Chambre des communes à la fin des années 60. C'est une loi très, très audacieuse, et elle a fait controverse à cette époque aussi.

    Je crois que si nous devons protéger les gens, on ne doit faire mention d'aucun groupe, n'en mentionner aucun, qu'on supprime la désignation des groupes, et qu'on dise simplement que la propagande haineuse est un crime. C'est le seul moyen d'avoir une loi juste, ouverte et non discriminatoire qui fera en sorte que vous, moi et tous les autres jouirons de la même protection que les groupes favorisés qui sont mentionnés dans la loi.

+-

    Le président: L'inspecteur Jones, et ce sera ensuite au tour de Mme Fry et de M. Marceau.

+-

    Insp. David Jones: Les groupes mentionnés au paragraphe 318(4) semblent se diviser en deux groupes distincts. Il y a ces gens qui sont simplement qui ils sont, et qui sont protégés parce qu'on les attaque du fait de leur identité. Il y a les autres groupes qui sont attaqués du fait de leur croyance.

    La perte du fils de M. Cadman a été un événement très tragique. La lettre était monstrueuse. Chose curieuse, ce genre de choses arrive assez souvent. Ji-Won Park, cette jeune Coréenne qui a été attaquée au parc Stanley, va rester handicapée toute sa vie à cause de cela. La société coréenne de Vancouver a reçu deux lettres à ce sujet qui étaient d'une bassesse sans nom.

    Mais ces lettres sont rares. Il y a lieu de penser qu'une certaine maladie mentale est à l'origine de tout cela. En fait, dans la recherche que nous avons faite, nous avons dû exclure 17 lettres haineuses à divers groupes parce que leur auteur était le pensionnaire d'un asile d'aliénés. Nous avons dû exclure ces lettres. Les lettres que nous avons reçues de lui étaient méprisables.

    Donc, ces cinq groupes sont ceux qui sont attaqués constamment, et il faut les protéger.

À  -(1055)  

+-

    Le président: Chers collègues, nous disposons de la salle jusqu'à 11 heures, et je crois savoir qu'il y a des gens qui font la queue dans le couloir.

    Je vais donc céder la parole à Mme Fry, après quoi ce sera au tour de M. Marceau, et nous aurons alors terminé. Il nous reste moins de trois minutes, deux questions, et nous levons la séance à 11 heures.

    Madame Fry, très rapidement.

+-

    Mme Hedy Fry: Ma question s'adresse à M. Rogusky, je persiste à croire... Et je tiens à vous poser ma question. Croyez-vous que la liberté de culte doit inclure le droit qu'auraient les religions de dire à voix haute tout ce qu'elles pensent à propos de certains groupes identifiables de la société, et d'inciter à la haine et à la violence contre ces groupes? C'est ma question. Parce qu'il y a de nombreuses religions qui sont contre la fornication et qui font des sermons à ce sujet. Il y a des religions qui sont contre l'adultère. Il y a des religions qui sont contre le divorce, par exemple, l'Église catholique. Mais cela n'a jamais été considéré comme étant une incitation à la haine.

    Parallèlement, si quelqu'un déclare : «Je crois que nous devrions sortir et aller lapider tous ceux qui sont coupables d'adultère», croyez-vous que c'est bien différent de dire : «Je crois que l'adultère est un péché et, par conséquent, si vous êtes membre de notre Église, vous ne devez pas pratiquer l'adultère»? Je crois que c'est ce que les gens essaient de dire.

    On peut prendre la parole, et on a toujours eu ce droit de parole, et dire que, conformément au dogme et au droit canon de mon église : «Je crois que l'homosexualité est un péché. Notre Église n'approuve pas cette conduite». Mais de prendre la parole et de dire : «Je crois, par conséquent, que tous les homosexuels devraient être éliminés et que nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour en débarrasser la société», ça, c'est une chose totalement différente.

    Croyez-vous que les religions organisées devraient avoir la liberté de dire tout ce qu'elles pensent, ou qu'on devrait leur imposer des limites lorsqu'il s'agit d'exprimer la haine et d'inciter à la violence?

+-

    Le président: Merci, madame Fry.

    Monsieur Rogusky, je vous demanderais de répondre brièvement pour que je puisse donner la parole à M. Marceau.

+-

    M. Derek Rogusky: Non, aucun droit religieux ne permet d'inciter qui que ce soit à la violence ou de préconiser les mauvais traitements pour quiconque. Je vous invite à regarder les décisions récentes des tribunaux—auxquelles nous devons nous en remettre pour l'instant parce qu'il n'y a pas encore de législation—et des organismes quasi judiciaires; des gens qui n'ont jamais incité quiconque à des comportements haineux ou violents font l'objet de poursuites et parfois de condamnations et de sanctions assez sévères.

    Je pense à Chris Kempling, dans ma province, la Colombie-Britannique. Un organisme quasi judiciaire a suspendu son permis d'enseignement pendant un mois tout simplement parce qu'il avait écrit à son journal local pour dire qu'on ne devrait pas utiliser de matériel favorable à l'homosexualité dans les écoles.

+-

    Le président: Monsieur Marceau, vous avez moins d'une minute.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Premièrement, je comprends que Mme Landolt ne voudrait aucune forme de projet de loi contre la propagande haineuse.

    Deuxièmement, elle a cité plusieurs fois la position minoritaire de la Cour suprême dans Keegstra. Je suis désolé de vous dire que c'est la position majoritaire qui est la loi.

    Troisièmement, monsieur Rogusky, en tant qu'ancien recherchiste législatif, j'ai été un peu déçu que vous établissiez une équivalence entre une discussion... Vous dites que vous avez peur d'être poursuivi pour une simple discussion, alors que la haine est définie de façon très, très claire dans Keegstra par le juge en chef de la Cour suprême lorsqu'il parle d'une « émotion à la fois intense et extrême qui est clairement associée à la calomnie et à la détestation. »

    Lorsque vous dites que cela équivaut à une simple discussion, à mon avis, c'est faire un raccourci juridique qui est complètement faux. On soulève des craintes qui ne devraient même pas exister, parce qu'il y a une forte distinction entre inciter à la haine comme c'est défini juridiquement dans Keegstra et la simple discussion dont vous avez parlé là-dedans. Je vous soumets respectueusement que selon moi, établir une équivalence entre les deux, c'est biaiser la discussion.

    Merci.

[Traduction]

-

    Le président: Merci.

    Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui. Le comité va se réunir immédiatement à l'étage supérieur.

    La séance est levée.