NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 10 avril 2003
¿ | 0900 |
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne (Saint John, PC)) |
M. David Bercuson (professeur, directeur du «Centre for Military and Strategic Studies», Université de Calgary) |
¿ | 0905 |
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne) |
M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne) |
M. David Bercuson |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
¿ | 0910 |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne) |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne) |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne) |
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.) |
M. David Bercuson |
¿ | 0915 |
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne) |
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ) |
M. David Bercuson |
¿ | 0920 |
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne) |
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.) |
M. David Bercuson |
¿ | 0925 |
M. Joe McGuire |
M. David Bercuson |
¿ | 0930 |
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne) |
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD) |
M. David Bercuson |
M. Bill Blaikie |
M. David Bercuson |
¿ | 0935 |
M. Bill Blaikie |
M. David Bercuson |
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne) |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
¿ | 0940 |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
M. Leon Benoit |
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne) |
M. David Bercuson |
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne) |
M. Ivan Grose |
¿ | 0945 |
M. David Bercuson |
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne) |
M. Claude Bachand |
¿ | 0950 |
M. David Bercuson |
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne) |
M. Ivan Grose |
¿ | 0955 |
M. David Bercuson |
M. Ivan Grose |
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne) |
M. Bill Blaikie |
À | 1000 |
M. David Bercuson |
M. Bill Blaikie |
M. David Bercuson |
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne) |
M. Bill Blaikie |
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne) |
M. David Bercuson |
À | 1005 |
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne) |
M. Ivan Grose |
M. David Bercuson |
M. Ivan Grose |
M. David Bercuson |
À | 1010 |
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne) |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
À | 1015 |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
Le président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)) |
M. Claude Bachand |
M. David Bercuson |
À | 1020 |
Le président |
M. Claude Bachand |
Le président |
Mme Elsie Wayne |
Le président |
Mme Elsie Wayne |
M. David Bercuson |
Mme Elsie Wayne |
À | 1025 |
M. David Bercuson |
Mme Elsie Wayne |
Le président |
M. David Bercuson |
Le président |
M. David Bercuson |
Le président |
M. Leon Benoit |
À | 1030 |
M. David Bercuson |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
À | 1035 |
Le président |
M. David Bercuson |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
M. Leon Benoit |
À | 1040 |
M. David Bercuson |
M. Leon Benoit |
M. David Bercuson |
Le président |
M. Ivan Grose |
M. David Bercuson |
M. Ivan Grose |
M. David Bercuson |
M. Ivan Grose |
M. David Bercuson |
À | 1045 |
M. Ivan Grose |
Le président |
Mme Elsie Wayne |
Le président |
M. David Bercuson |
Mme Elsie Wayne |
M. David Bercuson |
Mme Elsie Wayne |
M. David Bercuson |
À | 1050 |
Mme Elsie Wayne |
Le président |
M. David Bercuson |
Le président |
À | 1055 |
M. David Bercuson |
Le président |
M. David Bercuson |
Le président |
M. David Bercuson |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 10 avril 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0900)
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne (Saint John, PC)): Je veux vous souhaiter la bienvenue ce matin, monsieur Bercuson. Je suis la vice-présidente du comité. David Pratt, notre président, ne pouvait être présent ce matin. Nous n'allons pas attendre que d'autres arrivent. Comme vous le savez, demain, nous allons suspendre les travaux pour deux semaines, et certains ont déjà pris le chemin de la maison. Je m'en excuse.
Je vous ai vu à la télévision, tout comme je sais que mes collègues l'ont fait aussi. Nous sommes très impressionnés, et le fait de vous avoir parmi nous est un grand honneur.
Je vous cède la parole, et ensuite nous pourrons avoir une période de questions et réponses.
M. David Bercuson (professeur, directeur du «Centre for Military and Strategic Studies», Université de Calgary): Merci beaucoup de me présenter si gentiment.
Ce n'est que ces derniers jours que j'ai pu préparer quelques pages de texte; je n'ai donc pas eu le temps de les remettre pour qu'elles soient traduites en bonne et due forme. Si quiconque souhaite en avoir un exemplaire dans une seule langue, celle que je parle la plupart du temps, j'en ai quelques copies. J'en ai remis un exemplaire au traducteur.
J'ai choisi d'aborder un seul des points que vous avez étudiés durant la séance, c'est-à-dire l'interopérabilité. Si le Canada envisage de pouvoir entretenir à l'avenir une force militaire expéditionnaire, les Forces canadiennes doivent être entraînées et équipées en vue d'un fonctionnement intégral avec les forces militaires américaines sur terre, en mer et dans les airs. C'est là un fait: il est pratiquement inconcevable aujourd'hui que l'appareil militaire du Canada puisse fonctionner sans quelque dépendance à l'égard de l'appareil militaire américain, que cette dépendance soit de nature logistique ou opérationnelle.
L'appareil militaire américain domine à tel point le monde des technologies militaires et le déploiement des moyens de transport stratégique maritime et aérien de nos jours que, tout au moins, les forces militaires canadiennes ont besoin de l'aide des États-Unis ne serait-ce que pour se rendre sur les lieux d'une opération. Pour être réaliste, tout de même, l'évolution de la guerre réseaucentrique veut dire que, pour une grande part, les yeux et les oreilles des forces que déploie le Canada seront américains.
Pour ne donner qu'un exemple, des navires canadiens évoluant dans des zones de conflit comme le golfe Persique comptent presque exclusivement sur des systèmes d'information américains pour brosser un tableau général de la situation à tout instant. En l'absence de l'accès que permet la liaison numérique aux systèmes de commandement, de contrôle et de communication, ce que nous appelons les «3C» ou C3, qui protègent les forces opérationnelles américaines en mer, particulièrement les groupes aéronavals, les gens à bord des navires canadiens savent seulement ce qu'ils peuvent déterminer à partir de leur propre matériel de détection et de celui qu'ils peuvent faire fonctionner à bord des hélicoptères à bord des navires. Essentiellement, cela se limite à l'horizon qu'ils peuvent balayer au moyen de leurs radars et de leurs appareils d'écoute sous-marins.
Il y a longtemps de cela, à l'époque où la menace pour les navires et le passage inoffensif des navires provenait de sous-marins diesel-électriques et d'aéronefs relativement lents susceptibles de lancer des torpilles classiques à la vapeur ou à l'électricité, cela constituait peut-être un risque acceptable. Aujourd'hui, le navire peut n'avoir que quelques instants pour réagir quand il apprend qu'un missile se dirige vers lui; or, à ce moment-là, le temps et la distance sont des facteurs capitaux qui feront qu'un navire s'en tirera ou coulera.
Il ne suffit plus de savoir ce qui se passe dans l'horizon visible, voire un peu plus loin. La seule façon de contrer les menaces modernes consiste à avoir des systèmes d'information qui relient les navires à des satellites, à des appareils aéroportés de détection et à des sous-marins. Soit que nos navires continuent de faire partie de cette guerre réseaucentrique, comme c'est le cas à l'heure actuelle, soit qu'ils deviennent terriblement vulnérables.
Le même raisonnement s'applique à nos aéronefs. Quand le programme de modernisation des CF-18 sera achevé d'ici quatre ans environ, nos chasseurs modernisés pourront évoluer avec le même genre de système aéroporté C3 que notre marine a actuellement en commun avec les Américains. La décision d'aller de l'avant avec cette modernisation s'est révélée judicieuse; elle permettra aux chasseurs canadiens d'évoluer dans le même environnement de combat que les chasseurs américains jusque dans la prochaine décennie.
L'armée américaine est en train de mettre au point le même genre de système réseaucentrique C3 que sa marine et sa force aérienne. La quatrième division d'infanterie est la première division lourde à être munie de ce matériel aux États-Unis. Si l'armée canadienne de l'avenir souhaite évoluer sur le même champ de bataille que les Américains, elle doit pouvoir elle aussi se brancher sur le réseau C3 américain.
La décision de réaliser et de préserver l'interopérabilité en ce qui concerne les Américains appartient aux dirigeants politiques du Canada. Il doit s'agir d'une orientation librement consentie, car elle aura d'importantes conséquences pour la structure de la force, son entraînement, sa doctrine et, bien entendu, ses acquisitions.
J'invite vivement le comité à reconnaître la réalité, soit que la lingua franca de la technologie de la défense au XXIe siècle est américaine.
Merci.
¿ (0905)
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne): Merci beaucoup, monsieur Bercuson.
Nous pouvons maintenant poser des questions.
Leon Benoit sera le premier. Il dispose de sept minutes.
M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Merci d'être là, monsieur Bercuson. Il est toujours bien de vous voir. Vous en avez beaucoup à dire, depuis un certain temps déjà, sur les relations entre le Canada et les États-Unis, y compris les relations militaires. J'ai pour ma part apprécié vos observations.
Je me demande si vous pourriez d'abord traiter de la manière dont la relation militaire canado-américaine sera peut-être affectée par les observations anti-américaines faites récemment par des députés au Parlement canadien, et le fait que les Américains pensent que les Canadiens ne les appuient pas beaucoup, puisque nous n'avons pas appuyé la coalition dans la guerre, mais, et c'est peut-être ce qui est le plus important, les observations et les insultes proférées à l'endroit des Américains depuis.
Je me demandais simplement si, non pas d'un point de vue commercial, mais plutôt du point de vue de la relation militaire, cela a une quelconque incidence, sinon si cela en a déjà eu, pour ce qui est de l'échange d'informations et ce genre de chose.
M. David Bercuson: Je ne suis pas vraiment placé pour dire ce que les responsables militaires américains pensent des dirigeants politiques canadiens en ce moment. Je n'ai pas eu l'occasion de leur parler récemment, sauf à une conférence tenue à Wheaton, en Illinois, avant que la guerre n'éclate. Mais je n'imagine pas que les responsables militaires américains—et je dis ceci avec respect—prêtent une grande attention à ce genre d'affirmations. Je crois que les Américains s'intéressent nettement plus, comme notre appareil militaire en est à ce niveau-là, à la question des mécanismes d'intervention, des tactiques, de la doctrine, des acquisitions, des opérations et ainsi de suite.
Par exemple, je crois qu'il était très important pour la Marine de demeurer où elle était dans le golfe Persique. Nous pouvons débattre toute la journée de la tâche qu'elle y exécutait. Mais les deux navires qui s'y trouvent ne représentent pas une part négligeable du nombre total de navires évoluant sous le commandement de l'amiral et de la Task Force 51 des États-Unis. Si ces navires étaient partis, l'amiral aurait été privé de ressources considérables et importantes, étant donné surtout le degré élevé d'interopérabilité de notre marine avec celle des Américains. Nous avons en commun, de fait, un système de type AEGIS, sinon un système très semblable, pour la détection d'aéronefs. Le fait que la Marine soit restée là était très important, du moins du point de vue de la marine américaine.
Je ne sais pas ce qu'il en est de l'armée et de la force aérienne. Si la Marine avait quitté les lieux, cela aurait peut-être été catastrophique, mais elle est toujours là, alors la question reste ouverte.
M. Leon Benoit: Ma question, enfin, ne se limitait pas aux gens qui font partie de l'appareil militaire; il y a aussi les dirigeants politiques qui dirigent les responsables militaires et l'impact de cela aussi. Je crois que vous avez dit qu'il n'y a vraiment aucune façon de savoir si...
M. David Bercuson: Je lis les journaux.
¿ (0910)
M. Leon Benoit: Pour ce qui est de l'opération dans le Golfe, vous avez parlé un peu de la dépendance du Canada à l'égard de sources d'information américaines. Si vous pouviez apporter des précisions là-dessus, je serais certainement...
M. David Bercuson: Les sources sont toutes américaines parce que les États-Unis, fondamentalement, possèdent la majeure partie de l'équipement important qui apporte des éléments au réseau. Pensez à un réseau de renseignement qui existe là, dans une zone éthérée, et qui est créé au moyen de données recueillies par des satellites, par des aéronefs télépilotés, par des aéronefs de reconnaissance, par des sous-marins, par d'autres navires. Tout cela arrive et est mis ensemble par les ordinateurs très rapides que l'on utilise aujourd'hui.
Le réseau de données est habituellement centralisé à bord d'un croiseur, essentiellement le croiseur de commandement, pour la protection du groupe aéronaval. À bord du croiseur en question, on trouve le centre d'information de combat qui se charge de réunir et de diffuser, à tout instant, toute cette information provenant de toutes ces sources différentes. La cueillette et la diffusion des données se fait par liaison numérique et non pas par liaison téléphonique.
Tout navire, tout aéronef qui fait partie du réseau contribue au système et tire parti du système, à tout instant. Ce système donne au navire ou à l'aéronef—disons qu'il s'agit de notre frégate canadienne, qui se trouve peut-être encore dans un port de Bahreïn—d'ouvrir littéralement un moniteur de son centre d'information de combat—je ne sais pas lequel ils utilisent—et d'avoir un tableau d'ensemble de tout ce qui se passe le long du Golfe, en temps réel, à tout instant.
M. Leon Benoit: Vous dites donc que vous comptez sur l'information brute provenant de satellites et ainsi de suite; ou est-ce que les Canadiens, de fait, comptent dans une certaine mesure sur—le mot analyse n'est pas le terme qui convient—la manière dont l'information a été présentée? Est-ce que les gens obtiennent des informations brutes ou est-ce que c'est parfois mis en forme?
M. David Bercuson: C'est le deuxième cas.
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne): Monsieur Benoit, vous avez encore une minute.
M. Leon Benoit: D'accord. Je croyais que vous étiez en train de m'interrompre, Elsie.
Pour ce qui est du C3, pouvez-vous expliquer un peu de quoi vous parliez et à quel point c'est important pour nous?
M. David Bercuson: C'est l'élément le plus important—en dehors du front lui-même—et cela veut dire commandement, contrôle et communication. Le commandement est l'aptitude à commander les actifs; le contrôle est l'aptitude à contrôler continuellement les actifs au fil du temps; et la communication concerne l'aptitude à communiquer qui est nécessaire pour contrôler et commander les actifs. On dit donc que c'est le C3, ou les 3C.
Les militaires emploient plusieurs autres sigles, comme le C4 et ainsi de suite. Je ne les connais pas tous. Il est assez difficile de se tenir au fait des sigles militaires, pour être franc. Mais le C3 est un sigle qui est très bien connu, et c'est celui auquel je faisais allusion. La guerre réseaucentrique est une forme de C3.
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne): Vous avez une trentaine de secondes.
M. Leon Benoit: Dans combien de temps faudra-t-il modifier sensiblement le matériel à bord de nos navires, pour que notre marine puisse continuer de fonctionner avec celle des Américains?
M. David Bercuson: La marine a le matériel en ce moment et elle fonctionne avec les Américains en ce moment, la réponse à votre question dépendra donc, pour une grande part, des mises à niveau touchant les systèmes américains au cours des dix prochaines années. Pour s'y retrouver, il suffit de lire religieusement Defense News, par exemple, ou encore Defense Weekly. Je crois que l'une des publications paraît aux éditions Gannett.
Les responsables cherchent continuellement à apporter des améliorations. On attribue des contrats pour la R et D, pour des travaux concrets, tout le temps. On passe à la génération suivante des destroyers et des aéronefs. Des appels d'offres sont publiés pour la conception et l'élaboration de systèmes et ainsi de suite. On en est donc à l'avant-garde.
Certains des transporteurs que les gens en question emploient aujourd'hui ont entre 30 et presque 40 ans. De fait, dans certains cas, ils ont plus de 40 ans. Je crois qu'on a pris délibérément la décision de passer à une nouvelle génération de transporteurs, de croiseurs et de destroyers. Je ne suis pas vraiment un expert en la matière; je ne fais que suivre ce qui se passe aux États-Unis.
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne): Merci beaucoup.
M. Grose a la parole pour sept minutes.
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Pour être franc, je n'ai pas besoin de sept minutes. Je crois que M. Bercuson a énoncé ce qui est évident, et je suis d'accord avec lui.
Je crois qu'on a soulevé il y a quelques instants une question intéressante au sujet de la mise à niveau de notre équipement, ce qui dépendra de ce que font les Américains. Je crois que vous avez dit que nous sommes liés aux Américains et que nous devrions l'être, sinon nous n'évoluons pas dans la même ligue; nous allons nous retrouver tout seul.
S'ils décident de mettre à niveau le matériel...De fait, dès que l'un des transporteurs qu'ils ont au Moyen-Orient en ce moment même revient au bercail, il sera mis hors service. Cela devait être fait déjà, mais un navire est encore là. Je crois que les Américains sont très près de pouvoir lancer la nouvelle version. Leur matériel évolue donc; et le nôtre, bien sûr, doit évoluer de pair avec le leur.
Je crois que, dans le cas des F-18, nous avons pris du retard. Pour être franc, ces aéronefs sont pratiquement inutiles en mission pendant une guerre à moins d'être les seuls présents. C'est bien dommage, mais c'est quelque chose que M. Benoit a soulevé. Je crois que ce qui est le plus important, c'est que nous nous décidions. Soit que nous persévérons, soit que nous nous retirons.
M. David Bercuson: Pour ce qui est des aéronefs que nous avons maintenant, comme vous le savez, ils font l'objet d'un programme de mise à niveau de quatre ans. À mon avis, il est dommage que ce soit un programme de mise à niveau de quatre ans. Je crois que c'est le bon programme; j'aurais aimé que cela se fasse avant. Au terme du programme, je crois que l'aéronef aura peut-être dix autres années de vie interopérationnelle utile. Tout de même, en ce moment, vous avez absolument raison de dire que ces aéronefs ne peuvent évoluer nulle part à moins de s'y retrouver tout seuls.
¿ (0915)
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne): Monsieur Bachand.
[Français]
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): D'abord, merci d'être ici avec nous ce matin. Je vais vous poser des questions sur l'interopérabilité que j'ai adressées hier au ministre, qui comparaissait devant le comité.
Je suis du Bloc québécois, donc vous connaissez un peu la mission de mon parti, qui est un parti souverainiste, mais cela ne veut pas dire qu'on ne s'intéresse pas à la question de la souveraineté canadienne. Hier, j'ai demandé au ministre s'il n'avait pas l'impression qu'en poussant très loin l'interopérabilité, surtout avec les Américains, on renonçait à une partie de la souveraineté canadienne.
Je veux m'expliquer. Ça fait quelque temps que nous questionnons le ministre en Chambre sur la participation de soldats canadiens en Irak, et il nous répond que ce sont des programmes d'échange qui existent depuis longtemps. Dans les unités de combat et les unités de soutien, l'interopérabilité est tricotée si serré qu'il est presque impossible de retirer les soldats canadiens de ces unités-là quand elles sont dans des théâtres d'opération. Alors, n'avez-vous pas l'impression que nous ne pouvons plus faire ce que nous voulons avec nos soldats quand l'interopérabilité avec les forces américaines est trop grande?
J'aimerais aussi que vous répondiez à la question sur le matériel, dont on commence à parler un peu. Je trouve qu'on est un peu enclins, quand on veut être en interopérabilité avec les Américains, à acheter du matériel américain, et pour l'industrie militaire canadienne, ce n'est pas nécessairement positif. De plus, je pense que le Canada n'a pas véritablement une politique de contenu canadien, alors que les Américains ont une politique de contenu américain. Si on veut leur vendre des choses qu'on produit ici, je pense qu'ils exigent qu'il y ait un contenu américain.
Alors, j'aimerais avoir vos commentaires, d'une part, sur la souveraineté canadienne, et d'autre part, sur l'obligation presque complète pour nous d'acheter du matériel militaire si nous voulons vraiment l'interopérabilité avec eux.
[Traduction]
M. David Bercuson: Je peux certainement voir d'où vient cet argument. Permettez-moi d'essayer de m'y attaquer directement.
Essentiellement, là où il est question d'une petite force militaire comme la nôtre, et qui compte trois grands éléments—nous en sommes vraiment revenus au point où nous avons une armée, une marine et une force aérienne, et si vous voulez savoir si cela est bon ou non, c'est une toute autre histoire—je crois qu'il faut prendre une décision politique et déterminer comment la force militaire sera déployée à l'étranger, si elle le sera et à quel moment elle le sera—la force expéditionnaire.
Bien sûr, on peut décider que la force sera déployée à l'étranger à titre de force canadienne indépendante seulement à la demande du gouvernement canadien, ce qui est vrai, du moins au sens politique du terme, mais à ce moment-là, la force évoluerait de manière indépendante et agirait dans l'intérêt national du Canada.
C'est une force qui, sous sa forme actuelle, est trop petite pour agir avec une véritable efficacité. Je crois qu'il faudrait insister, chez les dirigeants politiques, sur la nécessité pour la force d'en arriver à une intégration nettement plus grande des divers éléments. Par exemple, on pourrait prendre pour modèle le United States Marine Corps, où l'élément infanterie, l'élément blindé, l'élément artillerie, l'élément aérien et même l'élément maritime sont réunis sous une même force et sous un seul commandement. Cela supposerait des dépenses très importantes et donnerait une mission différente, mais il est certes possible de le faire, et je sais que les autorités l'ont envisagé à un certain moment au début des années 60.
Voilà donc une réponse possible à votre question. Si vous croyez qu'une force rendue capable d'interopérabilité verticale avec les États-Unis serait dominée politiquement par les États-Unis, alors vous devez opter soit pour l'interopérabilité verticale, soit pour l'interopérabilité horizontale... ou c'est peut-être l'inverse—l'intégration horizontale ou verticale en elle-même, c'est ce que nous appelons la force interarmées.
Le fait est que, en ce moment, nombre de pays assistent en quelque sorte à une lente érosion de leur souveraineté, du fait de l'intégration. Notre dollar est officiellement une monnaie indépendante, mais nous savons tous que l'évolution du dollar américain a sur lui une très grande incidence. Jusqu'à un certain point, nous exerçons donc une emprise souveraine sur notre propre dollar, mais, jusqu'à un certain point, ce qui arrive aux États-Unis a une très grande incidence sur lui.
Dans le domaine technique, la réalité, c'est qu'un grand nombre de nos opérations d'affaires, parmi celles qui sont effectuées tous les jours, disons, par exemple, à la Bourse de Toronto, sont effectuées par satellite—et comme il s'agit inévitablement, dans certains cas, d'une propriété américaine, cela a une incidence sur notre souveraineté.
En ce moment—les membres du comité le savent probablement—si une frégate canadienne fait partie du groupe opérationnel américain dans le golfe Persique et que le centre d'information de combat à bord d'un croiseur repère un aéronef qu'il juge hostile, la décision peut être prise à bord du croiseur de lancer un missile depuis la frégate canadienne, en direction de l'aéronef en question, sans intervention du commandant canadien dans la chaîne de décision. Cela fait partie de la réalité qu'il faut accepter pour assumer l'interopérabilité avec les Américains.
Bon, on peut dire qu'il y a là perte de souveraineté, et je suppose que c'est vrai, mais je ne sais comment on pourrait concevoir un système où il y a interopérabilité et, en même temps, préserver parfaitement la chaîne de commandement canadienne jusqu'au plus haut palier.
Quelle conclusion faut-il donc en tirer? Soit que vous avez une force militaire très moderne qui emprunte des technologies et qui partage des technologies—soit dit en passant, nombre des entreprises qui participent à la mise au point de ces technologies sont canadiennes. Je ne suis pas expert en la matière, mais dans mon coin du monde, à Calgary, il y a General Dynamics Canada, Raytheon et plusieurs entreprises qui apportent une contribution importante à l'élaboration de la guerre réseaucentrique—soit que vous dites que nous envoyons nos navires là-bas, où ils ont la capacité de déceler ce qui se trouve à l'horizon visible. Nos aéronefs seront là munis du même genre de radar que celui qu'on utilisait à la fin des années 60, au début des années 70, ou au début des années 80, c'est-à-dire les radars qu'ils ont en ce moment, essentiellement, qui permettent de déceler un seul aéronef à la fois, comme si l'avion était muni d'immenses oeillères, qui lui interdisaient de voir le tableau dans son ensemble, et il faudrait se dire que cela suffit.
Les menaces que nous connaissons aujourd'hui sont telles que si nous déployons des gens, il faut les équiper le mieux possible pour vaincre toute menace. Il faut donc leur donner le meilleur matériel possible, et cela veut dire l'interopérabilité avec les Américains.
¿ (0920)
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne): Merci beaucoup.
Monsieur McGuire.
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Merci, madame la présidente.
Compte tenu des budgets dont disposent les Américains et des budgets dont nous disposons pour la mise au point de nouvelles technologies, la tâche paraît impossible. Si vous consacrez un milliard de dollars par jour à votre appareil militaire, le budget global est épuisé en deux semaines. Comment pourrions-nous jamais prétendre rester au fait, sur le plan technologique, des innovations, du matériel, des systèmes, que ce soit des missiles ou autre chose—des forces terrestres, une marine? Comment pouvons-nous nous attendre à avoir vraiment l'interopérabilité avec les Américains?
M. David Bercuson: Je crois qu'il y a deux façons pour nous de maintenir l'interopérabilité avec les Américains, mais les deux découlent d'une décision politique claire.
Il est intéressant que vous souleviez la question: je viens de lire, à bord de l'avion, en m'en venant ici hier soir, le dernier numéro, celui du printemps 2003, d'Aerospace Power Journal, publication doctrinaire de l'United States Air Force. Il est publié depuis la Maxwell Air Force Base.
Je le souligne parce que l'ancien rédacteur en chef est titulaire d'un PhD de l'Université de Calgary. Il est venu, de l'U.S. Air Force, faire ses études doctorales à Calgary. Nous savons donc que nous fournirons maintenant quelque chose à l'élaboration de la doctrine militaire américaine.
Dans le numéro en question, il y a un article signé Richard B. Myers, président des Chefs d'état-major combinés. Il parle de transformation—voilà le mot clé, le mot à la mode. Cela a commencé avec l'armée aux États-Unis; et cela s'applique maintenant à toute cette question.
La transformation envoie à un processus et à une mentalité—et non pas à un produit... la transformation consiste à créer des compétences conjointes à partir des capacités de service distinctes... Les percées les plus importantes se manifesteront dans l'esprit même des combattants et des stratèges. |
La transformation suppose donc, au départ, un certain état d'esprit. C'est une question de formation; il s'agit d'enseigner à nos militaires certaines façons de procéder, par opposition à certaines autres façons de procéder.
Je crois que nous commençons à faire cela. Nous avons accompli des progrès considérables en ce qui concerne l'amélioration de la formation des membres de l'appareil militaire. Dans ce domaine, nous avons donc jeté les bases nécessaires.
Dans le domaine des opérations, il vous faut choisir quelles seront vos capacités. On ne peut avoir une interopérabilité avec les Américains à tous les niveaux possibles, dans tout, et en tout temps. Tout de même, l'interopérabilité est une chose qui commence à des niveaux très inférieurs et relativement primitifs. Par exemple, votre véhicule entre-t-il dans un aéronef américain? Si vous participez à une opération aux côtés des Américains et que vous y avez déployé des hélicoptères, est-ce que votre hélicoptère a été acquis tel quel ou s'agit-il d'une modification d'une version civile comme le leur? Ou encore est-ce une version militaire? Autrement dit, allez-vous pouvoir trouver les pièces de rechange voulues? Voilà un autre aspect de l'affaire. Cela va jusqu'à la compatibilité de vos systèmes de réseau avec les leurs.
Les modifications que l'on apporte à nos chasseurs, en partie, permettront au pilote qui se trouve à 30 000 pieds de se brancher sur un réseau de données incluant l'aéronef AWACS, l'aéronef de surveillance et de repérage d'objectifs conjoints et les autres chasseurs autour de lui. Il pourra donc voir à l'écran ce qui se passe dans le ciel autour de lui à ce moment-là. Aujourd'hui, il n'a pas cette capacité. Il a ses yeux et ses oreilles à lui, et ceux de son ailier—surtout les yeux. Il a un radar qui comporte une capacité assez limitée, et s'il décide d'employer le radar pour cibler un aéronef, il ne voit plus rien tout autour de lui.
Voilà la différence qui touchera les pilotes des chasseurs, disons, la prochaine fois qu'il y aura une Yougoslavie. Nous allons nous organiser pour qu'ils sachent très bien ce qui se passe dans le ciel autour d'eux et qu'ils soient pleinement conscients des dangers qui sont susceptibles de se présenter, plutôt que les envoyer en les plaçant dans une situation où ils sont fortement désavantagés.
Si nous allons déployer ces aéronefs, je crois que nous devons tous convenir du fait que les gens doivent avoir la meilleure chance de survie possible, quand il s'agit d'exécuter et d'achever la mission, ce qui veut dire que l'interopérabilité s'impose. Ce système réseaucentrique, dans l'aéronef, est, pour une grande part, le fait d'une technologie américaine et d'un apport américain.
¿ (0925)
M. Joe McGuire: Pour ce qui est de la nouvelle défense continentale, les Américains parlent de la « forteresse Amérique », ce qui, j'imagine, va inclure le Mexique et le Canada. Selon vous, à quoi devrions-nous consacrer notre expertise? Quel sera le rôle du Mexique? Le Mexique ne semble jamais être inclus dans les discussions sur la défense de l'Amérique du Nord.
M. David Bercuson: Pour être franc, je ne vois pas en quoi le Mexique pourrait jouer un très grand rôle pour l'heure. Ses forces militaires ne sont pas équipées pour le faire, son degré d'entraînement ne correspond pas à celui de nos forces et des forces américaines, et il en va de même des exigences imposées à son corps des officiers, à son personnel technique, à ses systèmes de soutien et ainsi de suite. Que le Mexique fasse partie de NORAD est un concept politique qu'il faut envisager, mais, concrètement, je ne vois pas en quoi cela pourrait se faire dans un proche avenir.
Le rôle que nous sommes appelés à jouer est essentiellement le prolongement du rôle que nous jouons déjà, c'est-à-dire nous assurer d'avoir des aéronefs capables d'exécuter les tâches qui leur reviennent, des navires, des navires pour patrouiller la côte, des navires de défense côtière et les sous-marins, quand ils deviendront opérationnels, qui seront chargés de surveiller les eaux au large des côtes du Pacifique et de l'Atlantique, dans la partie nord. L'Atlantique-Nord est un corridor maritime capital pour l'Amérique du Nord, et cela n'est pas appelé à changer, comme nous le savons tous.
Parmi les actifs utilisables, il y a les bases canadiennes de surveillance, comme c'est déjà le cas.
Je crois que nous avons tous les éléments en ce moment; il s'agit simplement de les mettre à niveau et de s'assurer qu'ils demeurent au bon niveau et que les capacités évoluent de pair avec les capacités américaines.
¿ (0930)
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne): Monsieur Blaikie, pour sept minutes.
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Merci, madame la présidente.
Quand je suis arrivé, la séance était déjà commencée depuis quelques minutes. Je tiens pour acquis que M. Bercuson n'a pas fait un long exposé, puisque les gens lui posaient déjà des questions.
M. David Bercuson: J'ai commencé quand on m'a donné l'ordre de le faire.
M. Bill Blaikie: J'imagine que cela ne vous étonnera pas de savoir que, à titre de Néo-Démocrate, je nourris une certaine anxiété, pour parler ainsi, à propos de l'interopérabilité du Canada et des États-Unis en ce qui concerne la coopération dans le domaine de la défense, par rapport à la souveraineté canadienne et à la capacité qu'a le Canada de se donner une politique étrangère indépendante, si nous sommes intégrés au point où nous le sommes ou si nous pouvons le devenir encore davantage.
De votre point de vue, objectivement, quels sont les dangers? Évidemment, nous ne pouvons nous donner pour prémisse que quelle que soit la décision des États-Unis, nous allons être d'accord. Il doit pouvoir y avoir des fois où nous ne sommes pas d'accord avec eux. Dans quelle mesure ce degré d'intégration, particulièrement pour ce qui est de l'interopérabilité, nuit-il à notre capacité de prendre ce genre de décision, si jamais les États-Unis se lancent dans une voie qui ne fait pas notre affaire?
C'est une question théorique. Je n'essaie pas de faire un lien avec quelque événement qui se passe en ce moment, car nous avons tous une opinion différente là-dessus. Je pose la question pour la forme, si vous voulez.
Y a-t-il un degré d'interopérabilité qui fait que cela commence à nuire à l'aptitude pour le Canada d'avoir une politique étrangère et indépendante?
M. David Bercuson: Je crois que oui, et il nous a toujours fallu vivre avec cela. Je vous crois sur parole, si vous dites que vous ne faites pas allusion à une crise politique récente ou à je ne sais quoi. Je ne suis pas là pour débattre de cette question, pas plus que vous.
Je vais vous donner un exemple historique, celui de l'affaire des missiles cubains en 1962. À ce moment-là, l'interopérabilité, c'était de savoir que Frank, de la force aérienne canadienne, connaissait Joe et Bill de l'Air Force des États-Unis. Nous avons eu un système radar conjoint pendant huit ans environ : tout le monde se réunissait au site de NORAD, à Cheyenne Mountain, pour regarder des petits points lumineux. Personne ne savait très bien de quoi il s'agissait, mais le Président des États-Unis a déterminé que c'était des éléments de preuve suffisants pour s'adresser aux Nations Unies et dire que les Soviétiques déployaient des missiles à Cuba.
Le premier ministre du Canada n'était pas d'accord. Les Américains ont mis le pays en alerte, un de ces niveaux de préparation très élevés, en prévision d'une attaque nucléaire possible de la part des Soviétiques, en réponse à l'interception de navires russes en haute mer. Je ne sais pas de quel degré d'alerte il s'est agi du point de vue de la défense, mais c'était très élevé. Le premier ministre a refusé de décréter le même degré d'alerte du côté des Forces canadiennes, mais l'armée canadienne est allée de l'avant et l'a fait de toute façon.
J'ai des idées pour ce qui est des relations entre les autorités civiles et militaires, de ce qu'il faut et de ce qu'il ne faut pas. Nous pouvons en discuter. Tout de même, le fait est que les responsables militaires canadiens ont jugé que l'appareil de défense de l'Amérique du Nord entrait en phase d'accélération rapide, avec notre consentement ou non, et il valait mieux pour nous de suivre le pas. C'était une époque où l'interopérabilité était nettement moins complexe qu'elle l'est aujourd'hui. C'était, essentiellement, au niveau du commandement; cela n'allait pas jusqu'au niveau opérationnel que représentent les communications entre navires.
Je crois que c'est inévitable, c'est un des prix que doivent payer les pays souverains, dans une certaine mesure, pour jouer pleinement leur rôle dans le monde d'aujourd'hui, que ce soit dans un système économique ou dans des systèmes militaires, ou dans des systèmes diplomatiques qui nous lient de diverses façons à des traités, par exemple, qu'ils disent qu'il faut réduire les émissions et ainsi de suite. Ce n'est pas un débat sur le protocole de Kyoto; c'est simplement une des réalités que nous vivons.
À la fin des années 40, après la Seconde Guerre mondiale, nous avons commencé à reconnaître le fait que, en tant que pays, il nous fallait, pour défendre l'Amérique du Nord, commencer à prendre certaines mesures que nous n'aurions probablement pas prises si les Américains ne l'avaient pas souhaité; ils ressentaient la menace nettement plus que nous. La politique que nous avons adoptée à l'époque consistait donc à en faire le plus possible, mais, en même temps, à prévoir les symboles politiques et les mécanismes de contrôle qui, autant que possible, nous permettaient de préserver notre propre marge de manoeuvre. Vraiment, c'est tout ce qu'on peut faire.
¿ (0935)
M. Bill Blaikie: J'accepte votre raisonnement quand vous dites que les pays doivent renoncer à un certain degré de souveraineté quand ils décident de se joindre à des organisations bilatérales ou multilatérales. Bien entendu, le débat peut se poursuivre sur le fait de savoir si c'est l'OMC, l'ALENA ou quelque niveau que ce soit... ce à quoi on renonce et ce à quoi il ne faut pas renoncer.
Mais il me semble que notre problème, du point de vue canadien, c'est que même si cela est vrai, il y a une sorte de sacrifice asymétrique. On peut dire que c'est vrai—et c'est bel et bien vrai—pour le Canada, mais est-ce vraiment vrai pour les États-Unis? Est-ce que les États-Unis renoncent à leur souveraineté quand ils s'engagent dans une relation avec le Canada, ou s'agit-il d'une sorte de sacrifice asymétrique qui est vraiment symétrique en théorie, mais asymétrique dans la pratique? En dernière analyse, même avec l'exemple historique que vous avez donné, en parlant d'une époque où le niveau d'interopérabilité était nettement moins intense, l'armée canadienne, en raison des liens étroits dont il est question, a fini par prendre le pas sur la sphère politique.
M. David Bercuson: Il y a un autre fait qu'il nous faut accepter : les forts se verront toujours imposer moins de contraintes, que ce soit dans un contexte international ou bilatéral, que les moins forts. Ils vont abandonner une part moins grande de leur souveraineté, ou permettre qu'une part moindre de leur souveraineté soit entamée par les ententes multilatérales ou bilatérales, par rapport aux plus faibles. C'est ce qui caractérise toute la dynamique entourant les pays et le multilatéralisme, le but de l'affaire, les fins visées. Voilà une autre question que, je présume, vous n'allez pas nécessairement vouloir aborder.
J'essaie de dire que c'est un autre de ces faits qu'il nous faut accepter si nous voulons une organisation militaire qui fonctionne. L'organisation militaire que nous déployons aujourd'hui relève de l'autorité de notre commandement national. Au bout du compte, le gouvernement dicte bien sa conduite à l'appareil militaire, et, en dernière analyse, le gouvernement peut prendre des décisions qui mettent en péril l'interopérabilité. Tout de même, s'il croit vraiment que le fait de mettre cela en péril en vaut la peine, étant donné l'intérêt canadien, il prendra la décision.
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne): Merci beaucoup, monsieur Bercuson.
Entamons maintenant un volet de questions de cinq minutes.
Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Merci, madame la présidente.
J'aimerais un peu donner suite aux observations de M. Blaikie et à sa dernière question à propos de la perte asymétrique de souveraineté. J'avancerais que la perte asymétrique de souveraineté est compensée par un avantage asymétrique pour le Canada, du point de vue de la sécurité. Autrement dit, sans que cela ne coûte quoi que ce soit, à part la perte de souveraineté, nous obtenons une importante protection que, autrement, nous n'aurions simplement pas les moyens de nous offrir. La situation comporte donc des avantages aussi, et c'est pourquoi, en tant que pays, nous sommes prêts à conclure des ententes de cette nature.
Pendant le court exposé que vous avez présenté, vous avez dit qu'il y aura toujours un degré quelconque de dépendance envers les États-Unis, en rapport avec toute opération à laquelle le Canada peut participer—que ce soit une dépendance logistique ou opérationnelle. Tout de même, le Canada se trouve maintenant en Afghanistan, dans le cadre d'une mission où il n'y aurait aucune collaboration affichée avec les États-Unis, ce qui peut paraître curieux de ce point de vue-là.
J'aimerais simplement savoir ce que vous en pensez. Il y a peut-être bien une certaine dépendance logistique envers les États-Unis. Il y a peut-être même aussi une dépendance opérationnelle, même si nous ne participons pas à des opérations aux côtés des États-Unis en Afghanistan.
M. David Bercuson: Comme vous le savez, pour commencer, nous n'en sommes pas encore là.
¿ (0940)
M. Leon Benoit: Comment allons-nous nous rendre là? J'ai demandé au chef de l'armée, et il ne le savait pas lui non plus.
M. David Bercuson: Je ne sais pas comment nous allons nous rendre là. Je crois que la question a fait surface il y a deux semaines. Je crois que le gouvernement a des doutes sur la mission en question, étant donné qu'il faut une certaine capacité que nous n'avons pas.
Le transport stratégique est certainement un critère auquel nous pourrions répondre. Il existe d'autres moyens pour se rendre sur place. Il y a les sous-traitants du secteur privé. Les Européens eux-mêmes n'ont pas de moyens de transport stratégique. Les Britanniques en ont, parce qu'ils ont loué des C-17 de Boeing. Les Européens travaillent à un aéronef qui est associé à des difficultés politiques—le A400M, dont la production est reportée, comme vous le savez sûrement tous. Le transport représente donc une capacité, mais, encore une fois, c'est davantage une question de réseaux de renseignement et de renseignement.
Comme vous le savez probablement, nous essayons d'obtenir que l'OTAN prenne en charge la mission, parce que le commandement des Nations Unies lui-même ne possède pas les capacités de renseignement que procurent les capacités réseaucentriques. L'OTAN, dans une certaine mesure, les possède. Dire que nous aimerions que l'OTAN s'engage dans la mission de l'ISAF en Afghanistan, c'est comme dire: «Nous n'allons pas nous joindre aux Américains cette fois, mais nous avons besoin du C3 que les Américains peuvent aider à prêter à la mission, par l'entremise de l'OTAN.»
J'essaie de dire qu'il n'y a pas grand-chose que l'on puisse faire maintenant, où que ce soit, à moins de choisir une mission au beau milieu du Congo et de dire que c'est une mission de l'ONU et que cela n'aura rien à voir avec les Américains. Ils ne vont pas vous y transporter par voie aérienne, ils ne vont pas vous fournir de moyens de communications non plus, ils ne vont pas fournir de logistique ou de soutien. Mais cela n'arrive plus très souvent : c'est que les pays sont très rares à avoir les moyens de réaliser ce genre de chose.
M. Leon Benoit: Voilà qui est dit très clairement. Votre affirmation est correcte, et nous n'avons pas vraiment le choix, autrement que de compter...
Vous avez soulevé une autre question, que j'allais aborder plus tard, c'est-à-dire la question du transport aérien stratégique. Quand l'armée achète de l'équipement, manifestement, elle sait pourquoi elle l'achète; elle doit faire des choix et s'assurer que le produit choisi est le meilleur possible.
Mais il me semble qu'il y a certains articles que l'armée canadienne devrait acheter—il existe toutes sortes de raisons de croire que nous devrions les acheter. Il y a, notamment, le transport aérien stratégique. Il semble qu'il n'y ait en réalité qu'un seul choix, c'est-à-dire le C-27, même si, au départ, c'était le A400M qu'on semblait envisager d'acheter. Néanmoins, les responsables gouvernementaux ont dit: «Nous n'allons pas faire cet achat, à moins de le faire aux côtés de nos alliés membres de l'OTAN, et nous en aurons peut-être un ou deux postés au Canada»—ce qui, de fait, ne suffirait même pas à répondre à nos besoins intérieurs, en cas de catastrophe naturelle majeure ou d'agitation civile.
Il existe d'autres cas—le transport tactique, les hélicoptères, le remplacement des appareils Hercules, par exemple.
Mon temps s'est écoulé? D'accord. Cela va si vite.
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne): Oui, cela va vite.
Pourriez-vous répondre brièvement à cela, monsieur Bercuson?
M. David Bercuson: En bref, si vous voulez vous rendre quelque part rapidement, il vous faut des aéronefs, que ce soit stratégique ou tactique, alors il faut envisager de moderniser le parc des aéronefs Hercules, ce que nous faisons plus ou moins, ou de l'élargir.
Je suis d'accord pour dire qu'il faut étudier la question du transport stratégique, mais avant de faire quoi que ce soit, il faut un livre blanc, il faut déterminer quelle sera la structure de la force, il faut déterminer la politique de défense et il faut décider à quoi vont servir les forces. Ensuite, vous choisissez le moyen de transport stratégique ou tactique qui convient le mieux à votre organisation militaire.
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne): Merci beaucoup.
Monsieur Grose, vous avez cinq minutes.
M. Ivan Grose: Merci, madame la présidente.
On dirait que j'aime récupérer les propos d'autrui, mais, enfin, M. Benoit a mentionné le fait de troquer un peu de souveraineté contre de la sécurité. Cela est peut-être inévitable, mais c'est une chose que vous devez envisager sérieusement avant de le faire, pour savoir exactement dans quelle direction vous vous en allez, car la souveraineté constitue l'un de ces impondérables dont la valeur est vraiment inestimable.
Il y a une autre question que j'ai récupérée. Vous avez dit que l'Atlantique-Nord demeure important aux yeux des États-Unis et du Canada. Or, il est intéressant de savoir que nous arrivons au 60e anniversaire de la bataille de l'Atlantique. De fait, je vais me rendre à Liverpool comme membre de la délégation canadienne. Nous n'avons pas de navire que l'on pourrait y envoyer, même si la moitié de l'Atlantique-Nord relevait de notre responsabilité durant la Seconde Guerre mondiale. L'ironie, c'est que les Allemands pourraient bien envoyer un navire. À bien y penser, ils ont presque remporté cette bataille... Tout de même, ils ont fini par la perdre.
L'autre question, c'était le fait de nous lier aux États-Unis du point de vue de la technologie et ainsi de suite, puis d'avoir à acheter leur équipement à eux. En fait, je crois que nous faisons d'assez bonnes affaires à leur vendre à eux de l'équipement, comme nos VBL. Il semble que nous ayons trouvé des créneaux pour ce qui est du matériel de pointe qu'il leur faut, que nous en fabriquions une partie. Je ne crois pas que nous ayons à nous soucier tant de ce commerce, du fait d'acheter leurs gros articles, des avions, peut-être, et ainsi de suite, car nous leur vendons un grand nombre de petites pièces. Pour nous, le bilan finit probablement par être assez bon.
Qu'en pensez-vous?
¿ (0945)
M. David Bercuson: Nous vendons des articles. Encore une fois, je ne suis pas expert en la matière; je ne saurais vous dire ce que représente le trafic interfrontalier des articles de défense, mais vous avez parlé des VBL. Le véhicule que conduisent actuellement les Marines en Irak, aujourd'hui, a été fabriqué à London, en Ontario; et il a été conçu et construit par GM Defence, qui a son siège au Canada. General Dynamics l'a acheté.
Plus particulièrement, nous vendons aux Américains un grand nombre de logiciels, d'articles de matériel informatique, de matériel de communication et d'articles d'électronique. Les accords sur le partage de la production et les accords sur les essais de production sont en place depuis un certain temps déjà; je n'y vois nullement des échanges qui ne se feraient que dans un sens.
Je dois dire aussi qu'une alternative se présente à nouveau. Le Griffon, par exemple, est essentiellement un produit «en vente libre». C'est un hélicoptère Bell que l'on repeint et que l'on achète en vente libre. La possibilité de retombées économiques et la possibilité d'ajouter des éléments canadiens à la conception et à la fabrication, en fonction des exigences proprement canadiennes, sont pratiquement nulles. Nous avons contracté un engagement de troisième niveau en ce qui concerne l'avion de combat «Joint Strike Fighter». Si notre engagement à l'égard du Joint Strike Fighter se situait à un niveau plus élevé, nous aurions notre mot à dire dans la conception et la fabrication.
Les Norvégiens, par exemple, ont aussi contracté un engagement de niveau trois, mais ils traitent actuellement avec les Américains en vue d'inclure, peut-être, un missile antinavire de conception norvégienne dans leur version à eux du Joint Strike Fighter. Je ne sais pas ce qu'il va en advenir, mais les Norvégiens vont probablement devoir contracter un engagement de plus haut niveau pour y arriver.
La somme d'argent qu'on est prêt à dépenser y est aussi pour quelque chose. Le seul fait d'acheter en vente libre un article américain et de le repeindre fait qu'on ne peut y intégrer des éléments industriels et des capacités à la conception même. Cela va donc dans les deux sens.
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne): Merci beaucoup.
Monsieur Bachand, vous avez cinq minutes.
[Français]
M. Claude Bachand: Merci, madame la présidente.
À la fin de votre avant-dernière intervention, vous avez abordé le sujet de la revue de la politique de défense nationale. Je suis content que vous souleviez ce point-là parce que le Bloc québécois est le seul parti qui, dans le dernier rapport du comité sur l'état de préparation de l'armée canadienne, disait qu'avant de procéder à quelque changement que ce soit ou à l'achat de quelque matériel que ce soit, il serait important de remettre à jour la politique de la défense nationale, qui date de 1994.
Je dois vous avouer que, compte tenu des ressources financières restreintes, plusieurs généraux me disent souvent, sous le couvert de l'anonymat, forcément, qu'on aurait peut-être besoin de moins de navires, de moins d'avions, et qu'on devrait peut-être s'en tenir à la tradition canadienne des missions de paix.
Je vais vous entraîner maintenant dans le débat sur la spécialisation. Jusqu'à maintenant, j'ai cru constater que les généraux qui sont venus devant le comité ne sont pas tout à fait d'accord sur une certaine spécialisation. Bien sûr, si on dit qu'on se spécialise dans les missions de paix, le chef d'état-major des forces maritimes et le chef d'état-major de la force aérienne n'aiment peut-être pas beaucoup ça, parce que ça veut dire qu'il y aurait plus de soldats ou une spécialisation dans l'armée de terre et qu'on délaisserait un peu l'armée des airs et l'armée de mer.
Je sais que ce débat a cours actuellement, même à l'OTAN. Avec l'élargissement de l'OTAN, on vient d'accueillir de nouveaux pays. C'est sûr qu'on ne peut pas demander à la Lituanie que ces trois éléments soient de la même envergure que chez les Américains. Alors, il y a beaucoup de pays qui ont tendance à vouloir se spécialiser, et je voulais avoir votre avis sur la spécialisation. Par exemple, est-ce que nous pourrions dire que nous privilégions dorénavant les missions de paix et que nous ne participerons plus à des missions plus agressives, comme en Afghanistan ou ailleurs, mais que nous voudrions nous en tenir aux missions de paix? Que les Américains jouent les gendarmes, et nous, nous allons ensuite faire la police et garder la paix dans ces pays-là. Je voudrais savoir ce que vous pensez du dossier de la spécialisation.
¿ (0950)
[Traduction]
M. David Bercuson: Voilà une question très complexe. Si vous le permettez, je vais essayer de l'aborder comme suit : il vous faut déterminer si votre organisation militaire aura pour vocation le maintien de la paix, l'imposition de la paix ou encore la guerre; je crois qu'il vous faut décider si ce sera une armée apte au combat. Qu'est-ce que cela veut dire?
Si la force est apte au combat, il faut alors choisir certaines capacités, car nous ne pouvons tout faire. Il faudra décider, par exemple, si les membres de votre infanterie seront entraînés pour se battre à la manière des soldats de l'infanterie, auquel cas ils recevront tout l'entraînement de base nécessaire. Ils emploieront la nouvelle base d'entraînement que l'on met en place à Wainwright. Ils apprendront comment on fait pour résister aux tirs de l'ennemi. Ils apprendront la manière d'utiliser des véhicules blindés d'une forme quelconque, afin de se défendre contre les tirs de l'ennemi. Ils verront comment on emploie les mitrailleuses légères et lourdes, les mortiers, les fusées, etc.
Pourquoi? Parce que nous avons eu une opération de maintien de la paix à un endroit qui s'appelle Yougoslavie et que, dans une bataille dans l'enclave de Medak, leur entraînement au combat leur a permis d'essuyer seulement quelques pertes, alors que les autres ont perdu 35 hommes. Nous essayions de faire quelque chose de très humanitaire à ce moment-là. Nous essayions d'empêcher que de nombreux Serbes ne soient transformés en cendres.
Qu'est-ce que cela veut dire quand nous disons que nous envoyons dans un autre pays des troupes pour le maintien de la paix? Je crois qu'il faut discuter de la question, pour savoir si nous envoyons des soldats ou des paramilitaires, comme les carabiniers italiens, qui n'ont pas tout l'entraînement militaire voulu, qui ont essentiellement assimilé des techniques de contrôle des foules et ce genre de chose, ou envoyons-nous des sortes d'agents de la GRC? C'est une décision politique; le gouvernement doit prendre cette décision.
À mon avis, si vous voulez envoyer un soldat en dehors du pays, dans un uniforme qui dit «Forces canadiennes», il faut lui fournir le matériel voulu, il faut l'entraîner, il faut lui donner le mandat et la mentalité nécessaire pour qu'il se défende et qu'il s'acquitte des responsabilités que lui confie le gouvernement du Canada. À mes yeux, cela veut dire l'aptitude au combat.
À mon avis, le maintien de la paix au sens classique du terme—le type du chapitre 6, selon la vision de Lester Pearson—est mort de sa belle mort. Je crois qu'il est mort en Yougoslavie et puis il y a eu le Rwanda et le Timor oriental qui sont venus enfoncer le clou dans le cercueil. Durant la Guerre froide, les forces de maintien de la paix pouvaient être dépêchées sur le terrain et être commandées depuis les bureaux de l'ONU à New York. Cela fonctionnait très bien parce que, essentiellement, la paix était maintenue par les grandes puissances, qui avaient décidé qu'il était commode que l'ONU soit présente dans ce petit coin du monde et qu'elles allaient empêcher les méchants d'agir.
Mais la Guerre froide n'est plus. Les missions de maintien de la paix que nous avions à l'époque ne fonctionneront pas aujourd'hui.
L'organisation militaire se soucie de l'ISAF. Je ne sais pas si ses représentants le disent quand ils témoignent devant vous, mais je peux vous dire, moi, que les hommes et les femmes qui s'en vont en Afghanistan se soucient de l'ISAF: ils ne veulent pas se faire prendre au beau milieu de l'Afghanistan, sous le commandement de l'ONU, sans des moyens militaires lourds qu'ils pourraient déployer dans le cadre de l'OTAN, si jamais la situation afghane s'effondre. Or, rien ne garantit que ce ne sera pas le cas.
Ils ne croient pas que l'ONU va leur fournir le soutien logistique ou le soutien au combat qu'il faut pour se sortir du pétrin, s'ils sont pris au milieu de l'Afghanistan, parce qu'ils ont déjà vécu l'expérience et que l'ONU ne les a aidés en rien.
Je crois donc qu'il faut une aptitude au combat. On ne peut l'avoir partout. On ne peut avoir tous les systèmes d'armes. Le Canada est un petit pays qui doit faire ce qu'il a à faire. Tout de même, dans le secteur où vous décidez que vous aurez des forces militaires, pour les tâches dont il est question, il faut l'aptitude au combat. Je ne crois pas qu'on ait à se soucier de savoir si cela s'appelle maintien de la paix, imposition de la paix ou guerre, car, en dernière analyse, tout cela revient au même.
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne): Merci beaucoup.
Monsieur Grose, vous avez cinq minutes.
M. Ivan Grose: Monsieur Bercuson, je crains que vous soyez pris avec moi. Je suis le seul qui reste de ce côté-ci.
Parlons de la différence entre le Canada et les États-Unis. Les États-Unis sont allés en guerre en Irak, et cela leur coûtera peut-être quelques dollars de plus qu'ils pensaient, mais, l'autre jour, ils ont fait adopter dans les deux chambres le budget voulu pour faire cette guerre. Cela a commencé à 75 milliards de dollars, puis les gens ont ajouté 5 milliards de dollars de plus, pour arrondir à 80 milliards. La loi a été adoptée presque à l'unanimité dans les deux chambres. Si un quelconque gouvernement au Canada—prenons le ratio 10 pour 1—essayait de faire adopter un projet de loi prévoyant des mesures d'imposition équivalant à 8 milliards de dollars de plus, pour que l'on puisse mener une guerre dans un pays lointain... s'il n'y avait pas d'insurrection, il est certain que le gouvernement ne serait pas réélu.
Il y a donc une différence de mentalité entre les Américains et les Canadiens; néanmoins, voici que nous parlons de la manière d'égaler la contribution des Américains, peut-être avec un ratio de 10 pour 1. Dieu du ciel, jamais, jamais nous ne nous en approcherons. Nous avons un très beau discours à ce sujet, mais c'est une tâche qui est pratiquement impossible. Étant donné le contexte, alors quoi faire? Abandonner tout cela?
Soit dit en passant, à un moment donné, quand la discussion est devenue assez intense, j'ai dit : «Écoutez, faites ça comme il faut, sinon oubliez ça. Économisez les 10 milliards de dollars. Dépensez-le ailleurs. Nous n'aurons aucune force armée.»
Bon, voilà une affirmation ridicule, mais, d'une certaine manière, j'essayais de faire valoir que nous parlons de deux combats distincts ici. Les Canadiens souhaitent que nous ayons une défense nationale, que nous achetions du nouveau matériel, que nous faisions ceci et cela, et autre chose aussi, mais ils ne veulent pas payer ce que les Américains sont prêts à payer.
¿ (0955)
M. David Bercuson: Je ne peux vraiment pas discuter du genre de projet de loi qui serait ou ne serait pas adopté à la Chambre des communes. Nous avons une formule quelque peu différente ici, et la perception de la menace n'est pas la même au Canada qu'aux États-Unis. Est-ce que les Américains sont trop sensibles? Avons-nous plutôt une vision irréelle du monde, sinon la vérité est-elle quelque part entre les deux? Je ne sais pas. Ce n'est pas là que réside la clé de l'affaire, à mon avis.
Si j'ai été invité à présenter un exposé, c'est que je suis censé connaître un peu la situation actuelle de la défense. À mes yeux, le gouvernement doit, en coopérant avec ses partenaires—bien entendu, quand je dis gouvernement, je parle du processus de gouvernement dans son ensemble—, comme nous l'avons fait en 1993-1994, décider ce que sera la politique de défense du pays, étant donné le monde réel dans lequel nous vivons aujourd'hui.
Nous avons une politique qui a été mise sur pied en 1993 et qui reflète le monde tel qu'il était en 1993. Je ne crois pas qu'il y ait de nombreux Canadiens qui conduisent des véhicules de 1993. Enfin, le plan fondamental que nous avons employé pour le recrutement, l'entraînement, la doctrine, les acquisitions et l'interopérabilité, c'était le livre blanc de 1994.
J'ai ma propre idée sur la direction que devraient prendre les Forces canadiennes, et je suis sûr que M Blaikie a aussi son idée à lui, et nos idées sont probablement très différentes l'une de l'autre. Tout de même, le moment est venu de mettre toutes les propositions sur la table pour envisager les réalités de notre monde, aujourd'hui, et de préparer un nouveau livre blanc.
Le nouveau livre blanc devrait examiner pratiquement toutes les questions que le dernier livre blanc a permis d'examiner, et bien plus encore; décidez ce que sera la politique de défense du Canada au cours des dix prochaines années; et prévoyez de l'argent nécessaire pour la mettre en place. Quelle que soit l'action que devrait prôner le gouvernement selon les Canadiens eux-mêmes, engagez-vous et respectez votre engagement.
Ce que j'ai entendu le plus souvent en voyage à Washington, auprès du département de la défense, du Pentagone et ailleurs, c'est que si vous faites une promesse, respectez-la. Décidez de la promesse que vous allez faire, mais, Dieu du ciel, respectez-la. Alors, à mon avis, c'est ce à quoi les gens s'attendent vraiment de notre part, et nous n'avons pas encore décidé.
Voilà que mon discours a pris un tour un peu politique, mais c'est la seule façon que j'ai de répondre à cette question, car il faut une démarche pour établir un nouveau libre blanc. Je crois que c'est une mesure sur laquelle tout le monde peut s'entendre. Alors, attaquons-nous à cela.
M. Ivan Grose: À mon avis, ce que vous dites n'a rien de politique; c'est pratique, c'est le bon sens. Voilà un problème politique qui est le nôtre, et si les Canadiens ne sont pas prêts à payer le prix, alors, c'est très bien, rajustez le tout en fonction du budget alloué. Tout de même, je suis d'accord avec vous quand vous dites qu'il faut un plan quelconque, pour que nous sachions où nous nous en allons. J'abonde dans votre sens. Merci.
Merci, madame la présidente.
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne): Merci beaucoup.
Monsieur Blaikie, vous avez cinq minutes.
M. Bill Blaikie: Simplement pour que M. Bercuson ne croie pas que nous sommes en désaccord sur tout; en fait, nous avons eu une discussion très civilisée.
À (1000)
M. David Bercuson: Je ne voulais pas m'acharner sur vous.
M. Bill Blaikie: Le NPD est d'accord pour dire qu'il nous faut un livre blanc et, justement, le genre de débat politique dont vous parlez, car, au bout du compte, cela exige si souvent ce genre de décision politique.
Je ne saurais dire ce qu'il faut penser de mon cas à moi, mais je connais bien des gens qui conduisent des véhicules de 1993.
Pour faire suite à une partie de la discussion que nous avons, je suis d'accord avec vous quand vous dites que le maintien de la paix au sens classique a connu une évolution tragique, à certains égards, et est devenu l'imposition de la paix; et que l'imposition de la paix exige une certaine aptitude au combat, qu'il faudra chez les soldats si ceux-ci doivent intervenir dans des situations difficiles comme celles-là. Je crois que c'est une réalité qu'il faut prendre en considération dans toute description de la manière dont la tradition canadienne de maintien de la paix peut évoluer.
J'aimerais faire suite à une question que vous avez soulevée auprès du ministre de la Défense hier, en comité, et à laquelle vous avez fait allusion. C'est ce qui semble être une demande de la part du Canada: que l'OTAN prenne en charge—je ne sais pas quel serait le bon verbe—l'ISAF; que le Canada s'engage à l'égard de l'Afghanistan. Il semble maintenant que l'on souhaite que l'OTAN prenne en charge des tâches qui ne sont pas les siennes pour l'instant. Vous avez affirmé que l'une des raisons, c'est que l'OTAN possède ces moyens techniques, les communications, etc., par opposition aux Nations Unies.
Je disais au ministre de la Défense hier—et je crois que c'est un problème qui persiste—, il y a eu de nombreuses réunions de l'Assemblée de l'Atlantique-Nord, l'aile parlementaire de l'OTAN, et, souvent, on entend dire que l'OTAN doit prendre cela en charge et que l'OTAN doit faire ceci parce que l'ONU en est incapable. Parfois, les arguments sont avancés par des représentants de pays—ou d'un pays—qui n'a ou qui n'ont pas versé leurs cotisations aux Nations Unies. J'ai parfois l'impression qu'ils ne souhaitent pas que les Nations Unies deviennent l'organisation dont ils déplorent l'absence. De fait, ils voient une concurrence, si vous voulez, entre l'OTAN et l'ONU, et certaines personnes envisagent que l'OTAN assume le rôle de police mondiale qui, selon d'autres, revenait à l'ONU ou reviendrait à l'ONU.
J'ai donc posé la question au ministre de la Défense: le Canada en demandant à l'OTAN d'intervenir en Afghanistan, n'est-il pas en train de se contredire, d'une certaine façon? D'une part, il affirme qu'il ne participera pas à la guerre en Irak parce que l'ONU n'y est pas présente, ce qui semble militer en faveur d'une présence plus forte de l'ONU dans ce genre de chose. Néanmoins, d'autre part, dans la même région tout à fait, il dit: «Nous souhaitons que l'OTAN prenne en charge—je ne sais pas si c'est le bon terme—une opération de l'ONU, car, à notre avis, l'ONU n'est pas à la hauteur.»
Je lui ai dit: n'êtes-vous pas en train de miner, en quelque sorte, votre propre position—en souhaitant que l'OTAN prenne en charge une tâche dans une situation où vous devriez faire valoir que c'est l'ONU qui est le mieux apte à agir? Pourquoi ne pas faire valoir que l'ONU devrait disposer de ce genre de moyen, plutôt que d'affirmer que l'OTAN devrait intervenir dans une autre région? Voilà un tout autre débat, et, vraiment, il s'agit d'une autre région. Il ne s'agit pas des Balkans.
M. David Bercuson: Puis-je répondre un peu à cette question?
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne): Vous pouvez y répondre. Vous disposez d'une minute environ, sinon vous pouvez le faire au moment du prochain volet de questions.
M. Bill Blaikie: Il ne reste presque plus personne, madame la présidente. Ce n'est sûrement pas si sévère...
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne): D'accord. Allez-y.
M. David Bercuson: Pour ne pas parler des conséquences politiques de cela, je crois que la décision—essayer de faire en sorte que l'OTAN y prenne part—se fonde probablement tout autant—et je ne fais que deviner ici—sur les exigences techniques ou logistiques de la mission ainsi que sur les exigences de commandement et de contrôle de la mission. Faire appel à l'OTAN, de fait, c'est faire appel au Commandement central américain—c'est vraiment de cela qu'il s'agit—parce que, en Afghanistan, ce serait Tommy Franks et son équipe de Tampa.
Je crois que les gens prennent conscience du fait que les capacités qui leur faut, maintenant qu'ils ont vraiment étudié la situation, sont un peu plus importantes que ce qu'ils avaient cru à l'époque. Je sais qu'ils cherchent aussi un associé principal, si c'est encore le cas aujourd'hui. Pour oublier le côté politique de la chose, ils constatent que, en fait, ils ont hérité d'une mission qu'ils ne sont peut-être pas capables de remplir eux-mêmes.
De même, je crois qu'on ne se trompe pas en disant que le gouvernement a appuyé le rapport Brahimi quand il a été publié il y a deux ans environ et qui visait à renforcer la capacité de l'ONU de composer avec ce genre de situation. Mais le rapport Brahimi semble être lettre morte.
À (1005)
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne): Merci beaucoup, monsieur Bercuson.
Monsieur Grose.
M. Ivan Grose: Merci, madame la présidente.
J'ai une question simple et directe, ce qui est inhabituel dans mon cas, à propos du rôle du char d'assaut dans toute guerre à l'avenir. Je crois que l'Irak est un piètre exemple, parce qu'il n'y a eu aucune opposition. La coalition s'est promenée partout, comme bon lui semblait. Il n'y avait pas d'armes antichars, et les seuls autres chars d'assaut étaient désuets.
Quel est donc, selon vous, le rôle du char d'assaut dans les guerres futures, dans la mesure où un homme équipé d'un lance-roquettes relativement abordable, posé sur l'épaule, peut détruire la plupart des chars d'assaut de nos jours?
M. David Bercuson: Il y aura toujours un débat sur cette question. Je ne sais pas très bien quelles leçons on tirera de la situation en Irak, pour être tout à fait franc, parce que je vois deux choses dans ce cas.
D'un côté, aux États-Unis, dans le débat sur la transformation—soit dit en passant, c'est le côté qui est contre Donald Rumsfeld—les gens dirons : «C'est la force conventionnelle qui a permis de remporter la bataille en Irak. Nous avons gagné grâce aux chars Abrams; nous avons gagné grâce aux véhicules de combat Bradley, nous avons gagné grâce à la force aérienne conventionnelle» et ainsi de suite. La prochaine étape consistera donc à remettre sur pied le système de huit milliards de dollars, ou quel que soit le montant, d'obusiers Crusader. De l'autre côté, on dira : «Nous avons remporté la bataille grâce aux frappes rapides des forces légères meurtrières avec beaucoup d'appuis aériens.» On sait à quoi ressemblera le débat, et il faudra un certain temps encore avant que nous sachions vraiment la vérité.
Je sais que, si on veut déployer l'infanterie sur le terrain, il faut que celle-ci dispose de véhicules à tir direct, sinon on ne les envoie pas sur le terrain. Un véhicule à tir direct peut être un véhicule à roues ou à chenilles. Les gars des blindés vont vous dire que les véhicules à chenilles sont nettement meilleurs parce qu'ils vont à plus d'endroits, et cela est vrai. Par contre, la technologie des véhicules à roues est très bonne maintenant. Elle permet de couvrir environ 80 p. 100 du terrain que couvre un véhicule à chenilles.
Le VBL a-t-il tenu le coup dans le feu de l'action? Nous ne le savons pas. A-t-il tenu le coup aussi bien que le Bradley? Nous ne savons pas cela non plus. Je soupçonne qu'un grand nombre de nos gens se trouveront aux côtés des Marines, au cours des 12 prochains mois, pour essayer de déterminer ce à quoi correspondent vraiment les capacités du VBL dans le feu de l'action.
Pour répondre brièvement à votre question, je dirais donc que s'il faut déployer l'infanterie, il faut les moyens de l'appuyer, et cela comprend des véhicules à tir direct—tout à fait. Qu'il s'agisse d'un char d'assaut ou d'un VBL avec un canon de 105 mm, comme le Striker américain, qui peut être transporté dans un Hercules—sauf qu'il n'y entre pas encore—je ne sais pas.
M. Ivan Grose: Merci. Je ne le sais pas non plus.
Pour être tout à fait franc, je viens d'une ville où le régiment de la réserve est un régiment de chars. Ils n'ont pas de chars, mais ils aimeraient savoir où ils s'en vont. Comme c'est le cas par ailleurs, nous n'avons aucune politique. Tous nos chars sont alignés à Suffield, immobiles.
La question transcende peut-être le fait de savoir si le char d'assaut a un rôle à jouer ou non et de savoir si nous allons assumer les frais de la prochaine génération de chars d'assaut, qui vont être extraordinairement coûteux.
Merci.
M. David Bercuson: Je ne sais même pas s'il va y avoir une prochaine génération de chars d'assaut, du moins pas dans un proche avenir. Les Américains ne projettent pas d'en concevoir un nouveau. Il existe certes des projets qui visent à moderniser les chars existants, mais on coupe même dans les programmes à cet égard. La guerre en Irak viendra peut-être changer ce fait.
Nous ne sommes pas là pour discuter du budget, mais je crois que le dernier budget a clairement poussé les Forces canadiennes jusqu'au seuil de survie et remis à plus tard la question des acquisitions de grands systèmes pour l'avenir. C'est une question qu'il faudra régler à un moment donné.
J'ai apporté quelque chose qui a été conçu par l'une des forces militaires. On peut voir que nombre de systèmes majeurs arrivent à la fin de leur vie opérationnelle. Dans certains cas, la décision ne peut être reportée pour plus d'un an ou deux. Il faut régler la question au moment du prochain budget et du budget suivant. Il faut décider de garder, oui ou non, les chars d'assaut ou simplement les véhicules à tir direct.
Nous allons obtenir de nouveaux VBL à roues—non, nous avons les VBL ici, mais voici certains des vieux. Les Sea King—je ne veux pas aborder cette question. À propos du M113, est-ce une capacité que nous allons préserver ou allons-nous plutôt l'abandonner? Allons-nous moderniser cela ou en acheter des neufs? Ce sont des décisions qui commencent à presser.
À (1010)
La vice-présidente (Mme Elsie Wayne): Merci beaucoup.
Monsieur Benoit, vous avez cinq minutes.
M. Leon Benoit: Merci, madame la présidente.
Monsieur Bercuson, plus je songe à cette mission afghane, même d'après ce que vous dites aujourd'hui, plus je me demande comment diable le Canada a fait pour s'engager à l'égard d'une telle mission. Pourquoi nos dirigeants militaires diraient-ils que nous pouvons prendre en charge une tâche quand nous en sommes incapables?
M. David Bercuson: Je n'ai pas la moindre idée de ce qui est arrivé pour ce qui est de la sélection de la mission, et je ne tiens vraiment pas à m'aventurer à deviner.
M. Leon Benoit: D'après le témoignage du général Jeffries la semaine dernière et tout ce qu'on peut mettre ensemble pour comprendre, il est tout à fait illogique que le Canada se soit engagé à cet égard; néanmoins, nous l'avons fait. Comment les dirigeants militaires peuvent-ils connaître si mal la capacité de l'organisation militaire? Quelle autre explication possible y a-t-il?
Je considère comme extrêmement frustrante toute cette histoire, dont je suis l'évolution depuis le début. J'avais beaucoup de questions à poser. J'en ai toujours plus et, je n'obtiens aucune réponse. En avez-vous?
M. David Bercuson: Mon opinion sur cette question a été publiée dans un certain nombre de journaux, et je ne tiens vraiment pas à la soulever ici. Vous m'avez invité à parler d'interopérabilité et d'autres sujets plus techniques.
M. Leon Benoit: J'ai vu certains de vos articles. Pourriez-vous en acheminer des copies au président du comité afin qu'il nous les distribue?
M. David Bercuson: Certainement.
M. Leon Benoit: D'accord. Je vous en saurais gré.
En ce qui concerne le livre blanc sur la défense, il y a quatre ans que nous demandons qu'un nouveau livre blanc soit déposé. Compte tenu de l'évolution de l'environnement stratégique, il est devenu évident qu'un nouveau livre blanc était nécessaire, pourtant je ne dispose d'aucun renseignement sur la possibilité qu'on en dépose un dans un avenir prévisible. Peut-être le savez-vous.
Premièrement, avez-vous entendu parler de la possibilité qu'on dépose un nouveau livre blanc sur la défense au cours de la prochaine année, ou si on compte amorcer le processus au cours des six prochains mois ou quelque chose comme ça?
M. David Bercuson: J'entends diverses versions depuis deux ans, et je n'essaie pas d'être drôle. J'ai entendu des nouvelles à cet effet de la part de membres du ministère des Affaires étrangères; je l'ai entendu de personnes qui travaillent au sein du MDN; je l'ai entendu de diverses figures politiques, et ainsi de suite. On ne m'a donné aucun indice quant à ce qui va se produire. Cela me semble plutôt logique, après dix ans, compte tenu de l'évolution de l'environnement...
M. Leon Benoit: Qu'est-ce qui pourrait justifier une résistance à un livre blanc sur les affaires étrangères et un livre blanc sur la défense? Est-ce de la résistance ou quoi? N'y a-t-il pas dans ces ministères des dirigeants qui poussent afin qu'on dépose un livre blanc, ou quel est le problème ici?
M. David Bercuson: Encore une fois, je ne suis pas ici pour formuler des opinions partisanes...
M. Leon Benoit: Je n'appliquerai pas de commentaires politiques à cette question. C'est frustrant. Les choses ont suffisamment changé pour qu'il soit justifié de déposer de nouveaux livres blancs sur les affaires étrangères et sur la défense. Cela fait assez longtemps.
M. David Bercuson: Je suis d'accord. J'ai témoigné devant votre comité à l'automne 2001, lorsqu'un groupe auquel je suis lié a déposé un document intitulé «To Secure a Nation», et je sais que votre comité en a pris connaissance. Nous avions formulé quelque 20 recommandations à l'égard des aspects qui devraient être examinés dans un nouveau livre blanc. Je crois que le ton était très judicieux. Nous n'avons pas souvent choisi un camp. Nous avons dit: «Voici les choses qui n'ont pas été étudiées depuis 20 ans, et nous devons les examiner.» C'est de notoriété publique, et je crois encore que c'est valide.
M. Leon Benoit: Certaines personnes font valoir que puisque la menace de la Guerre froide est disparue, le monde est un endroit plus stable, et il est moins nécessaire de mettre l'accent sur l'aspect militaire, de sorte qu'il n'y a vraiment pas lieu d'accroître les budgets militaires. De fait, on pourrait même les réduire.
Comment réagissez-vous à cette affirmation? Il y a des gens qui disent cela.
M. David Bercuson: Le monde n'est manifestement pas un endroit plus sûr. La menace d'anéantissement thermonucléaire ne nous pend plus au bout du nez, mais je ne veux même pas compter le nombre de personnes qui ont été tuées dans des guerres qualifiées de «petite» depuis 1990. C'est absolument horrifiant, et le bilan ne cesse d'augmenter. L'autre jour, j'ai lu un article selon lequel on avait trouvé une fosse commune contenant le cadavre de 1 000 personnes massacrées au Congo. On ne sait même pas quel côté a massacré qui.
Alors, si vous êtes celui qui vit dans la terreur... À titre de Canadiens, nous avons peut-être l'impression d'être beaucoup plus en sécurité qu'il y a 10 ou 12 ans. Je ne suis pas certain qu'on penserait la même chose si on vivait en Afrique centrale, en Asie, ou quelque part au Moyen-Orient. Je crois que vous diriez plutôt le contraire.
À (1015)
M. Leon Benoit: Néanmoins, certains—MM. Grose et McGuire, je crois, ont soulevé cette question—avancent que les Canadiens ne sont tout simplement pas disposés à accepter qu'on affecte davantage d'argent des contribuables aux militaires. Franchement, j'en doute. De fait, certains sondages effectués plus récemment laissent croire le contraire.
En 1950, le premier ministre Saint-Laurent—je crois avoir entendu cela à l'occasion d'une récente conférence—avait quadruplé notre budget militaire en très peu de temps. En toute franchise, je crois que c'était un investissement fantastique pour le Canada.
Si nous devions dépenser autant que les États-Unis, par habitant ou par rapport au PIB, nous dépenserions environ 55 milliards de dollars par année pour nos militaires, mais je ne suggère pas que nous faisions cela.
On réfléchit à ces choses et on entend parler les gens. Le public serait-il plus disposé à accepter qu'on affecte plus d'argent aux militaires si nous avions de solides dirigeants pour en démontrer la nécessité?
M. David Bercuson: Je crois que le public est prêt à dépenser plus d'argent pour les militaires. Il a besoin d'un peu plus de justification de ce besoin d'investissement, mais je ne crois pas que le public canadien abandonnerait ses responsabilités internationales. Il y a des majorités qui s'entendent sur un grand nombre de questions internationales et influent sur l'opinion d'autres majorités. Rien ne me porte à croire que les Canadiens, dans l'ensemble, aiment l'idée d'être considérés comme des resquilleurs internationaux.
Je crois qu'ils sont prêts à dépenser plus d'argent pour la défense. Ils veulent savoir où ira cet argent; ils veulent savoir quel investissement sera efficace; ils veulent savoir que cela servira l'intérêt national. Cela nous ramène à la grande question de revoir la politique de défense et d'envisager le dépôt d'un livre blanc.
Le président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): Monsieur Benoit, votre temps est écoulé.
Passons maintenant à M. Bachand.
[Français]
M. Claude Bachand: Merci, monsieur le président.
On a eu le plaisir de recevoir, il y a quelques semaines, M. Granatstein, que vous devez certainement connaître, qui a d'ailleurs une philosophie un peu à l'opposé de la mienne, mais ça se vaut. Pour lui, c'est nécessairement le plus gros canon ou la plus grosse brigade qui dicte la règle. Il considère d'ailleurs que la communauté internationale, quand elle n'est pas capable d'avoir la même puissance de feu que cette superpuissance-là, invente des systèmes pour la contrôler avec le multilatéralisme, etc.
Je vois ici qu'il a fait une conférence chez vous au mois d'octobre 2002; ça ne fait pas tellement longtemps. Le titre de sa conférence était Canada's Army: Is it Still Relevant? Je vais essayer d'avoir les notes dont il s'est inspiré, mais je ne sais pas à quelle conclusion il est arrivé. C'est la question que j'aimerais vous lancer avant de terminer, parce que je dois aller ailleurs. Selon vous, Canada's army, is it still relevant?
[Traduction]
M. David Bercuson: L'armée canadienne est-elle toujours pertinente? Oui, bien sûr qu'elle est pertinente; c'est juste qu'elle n'est pas aussi pertinente qu'autrefois. Elle peut encore participer à d'importantes opérations internationales, mais sa participation doit être limitée, en raison surtout de sa taille. De fait, l'armée est de mieux en mieux équipée. Elle est beaucoup mieux équipée qu'elle ne l'était il y a cinq, six ou sept ans, de diverses façons. Mais elle est trop petite pour contribuer de façon soutenue à des missions opérationnelles qui dureraient pendant des périodes considérables, à moins qu'il ne s'agisse de très petites missions. Nous l'avons constaté en Afghanistan, où nous n'étions pas en mesure de renouveler notre présence.
L'autre jour, le gouvernement s'est engagé à accroître la taille de la Force de réserve à 18 500 membres, et j'appuie totalement l'initiative. Cela influera sur la capacité de fonctionnement de l'armée. Cela rendra l'armée plus pertinente, il n'y a aucun doute là-dessus. Cela exigera quelques années. On ne peut ajouter 3 000 membres à la réserve et s'attendre à ce qu'ils soient déjà formés, équipés, et ainsi de suite. Alors, ces choses se font lentement.
Pour ce qui est de tenter de maintenir la taille actuelle de la Force régulière à 60 000 membres, reconnaissez-vous qu'en général, dans le monde militaire moderne, il faut cinq personnes pour transporter les fournitures, entreposer les fournitures, faire les écritures et tout le reste pour soutenir un carabinier au front? Ainsi, il faut vraiment une base plus large pour travailler efficacement.
Je crois que la taille optimale de l'armée pour les missions qu'elle a entreprises au cours des dernières années est un peu plus grande que la taille actuelle. Ainsi, l'armée sera encore plus pertinente qu'elle ne l'est à l'heure actuelle.
À (1020)
Le président: Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Bachand?
[Français]
M. Claude Bachand: Non, merci.
[Traduction]
Le président: Madame Wayne.
Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup. Puisque notre président est arrivé...
Le président: Maintenant, vous pouvez poser vos questions.
Mme Elsie Wayne: Oui.
Hier soir, j'ai eu l'honneur d'être invitée à un souper où l'ambassadeur Cellucci était le conférencier invité. Il a vraiment fait un excellent travail. Il a parlé du besoin pour le Canada et les États-Unis d'être des partenaires et des amis, et ainsi de suite.
Vers la fin de son discours, il a mentionné que nous devons mettre plus d'argent dans notre armée. Il a pris la parole et lancé un appel à un investissement accru pour les militaires. Il a aussi parlé de ce qui s'est produit au cours des dernières semaines en ce qui concerne notre relation, ainsi que du besoin de plus ou moins rebâtir un peu notre relation avec certaines personnes aux États-Unis .
C'est une situation qui m'a beaucoup inquiétée. J'ai deux frères qui sont des hommes d'affaires aux États-Unis. Ils ont communiqué avec moi. Je sais que certains estiment qu'il ne faut pas trop s'y attarder, et je dirais que les hommes et les femmes en uniforme qui sont en Irak ne s'en soucient pas trop. Mais je me demande quelle approche vous préconisez en ce qui concerne le renforcement de nos relations avec les États-Unis.
M. David Bercuson: Le problème avec cette question, c'est que je ne veux vraiment pas présenter mes opinions politiques en ce qui concerne les événements des derniers mois. En ce qui concerne nos relations en matière de défense—je me contenterai d'aborder cette question—, nous devons être perçu comme un pays qui fait tout ce qu'il peut, en fonction de sa taille et de ses ressources, pour contribuer à défendre le continent et le système international qui lui permet de prospérer.
Une telle perception aidera certainement à renforcer cette relation, dans une large mesure, à Washington. Je crois qu'il y a là-bas des gens qui nous perçoivent comme des resquilleurs internationaux. Regardons ce qui s'est passé ici. Je ne crois pas qu'il y avait beaucoup de gens qui regardaient la télé hier soir qui ne se réjouissaient pas de voir un dictateur tomber. Nous tirerons avantage de cela, et nous avons peu investi. Je crois que nos amis du Sud ne croient pas que ce soit vraiment équitable.
Mme Elsie Wayne: Quand j'étais mairesse de Saint John, je me rendais au Boston Common pour allumer l'arbre de Noël. De fait, nous renforcions notre relation entre les États-Unis et le Canada à Bangor, Portland et Boston. Il m'ont donné un diplôme honoris causa pour mon travail acharné là-bas.
Je crois que c'est très important. Je ne veux pas que nous dépendions des États-Unis. Nos hommes et nos femmes en uniforme ne peuvent se rendre sur la colline parlementaire pour protester et manifester. Ils dépendent de gens comme vous, de notre président, et de toutes les autres personnes à cette table pour les défendre.
L'ambassadeur Cellucci a pris la parole et a déclaré: «Vous devez mettre plus d'argent là-dedans.» Je siège à l'un des comités qui s'est rendu à St. Petersbourg, en Russie, et on nous a dit la même chose, alors les gens le savaient.
À une certaine époque, je crois que nous étions parmi les quatre plus grands pays en ce qui concerne les Forces armées, et maintenant nous sommes en bas de l'échelle. Que s'est-il produit? Qu'est-ce qui nous a poussés à faire tout cela? Je ne sais pas. J'ignore pourquoi nous n'avons pas porté attention aux besoins de nos militaires. Ils devraient être une priorité.
À (1025)
M. David Bercuson: Ils devraient être une priorité très importante. Je suis certainement d'accord avec vous.
Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci, madame Wayne.
Monsieur Bercuson, j'aimerais qu'une question soit versée dans le compte rendu, si vous le permettez. Je suis désolé d'avoir manqué vos commentaires initiaux. Je me devais d'être présent pour une annonce dans ma région, alors je n'ai pas pu entendre le début des discussions. Je crois comprendre que le comité a parlé des récentes relations canado-américaines.
À titre d'historien très respecté au pays, vous jouissez d'une connaissance plus étendue que la plupart des gens en ce qui concerne les relations entre le Canada et les États-Unis, en particulier les relations militaires, au fil des ans. En ce qui concerne les événements des deux derniers mois, notamment la décision du Canada de ne pas prendre part au conflit, comment décririez-vous les relations canado-américaines, sur le plan historique?
Je m'explique: s'agit-il uniquement d'un petit nid de poule, ou s'agit-il plutôt d'un profond fossé dans la route qui pourrait miner nos relations futures?
M. David Bercuson: Cela aurait pu être pire. Si nous avions retiré nos forces navales du Golfe, les répercussions auraient été catastrophiques. Je dis cela parce que les deux pays ont investi beaucoup de temps et d'argent pour atteindre le niveau actuel d'interopérabilité des forces navales canadiennes et américaines. C'est une interopérabilité spécialisée, mais c'est un créneau très important, et je sais que vous en êtes conscients.
Je sais que je parle de ce qui ne s'est pas produit, mais ma plus grande crainte concernait le retrait des navires et la possibilité que cette relation de confiance soit brisée. J'ignore combien de temps il aurait fallu mettre pour rétablir cette confiance entre les deux forces navales, même si je crois que les Forces armées américaines adoptent une attitude assez compatissante à l'égard des militaires canadiens, une certaine attitude qui dit: «Nous savons que vous aimeriez être avec nous.
C'est l'impression que m'ont donnée les manèges militaires des bases aériennes. J'étais à Bagotville quand la guerre a été déclarée. Je sais comment les membres des 425e et 433e escadrons d'appui tactique se sentaient; leur point de vue était très clair.
Je crois que les militaires savent qu'ils ont raison de vouloir participer d'une façon ou d'une autre, et qu'ils savent que nous devons travailler avec les Américains. Récemment, j'ai entendu beaucoup de nos militaires—des réservistes et des membres des Forces régulières, aériennes et navales—se dire consternés par ce qu'ils perçoivent comme les opinions antiaméricaines de certains milieux. Ils croient que cela nuit à la relation d'interopérabilité entre les militaires canadiens et américains.
Alors, quand je dis que les choses auraient pu être pires, je pèse mes mots. Je crois que, du point de vue de l'armée, il n'y a pas trop eu de pertes sur le plan opérationnel. Quant aux forces aériennes, je sais que certaines de nos sources d'information... à la base on m'a dit qu'après la déclaration du premier ministre, c'en était fini de l'information. Ils obtenaient leurs informations des mêmes sources de CNN que moi-même. Les choses ne devraient pas être comme ça, mais c'est ce qui s'est produit.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
Le président: Je crois que c'est une réponse assez complète.
M. David Bercuson: J'essaie de ne pas émettre trop d'opinions politiques.
Le président: Je vous en remercie.
Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Merci beaucoup.
Devant notre comité, vous avez insisté à plusieurs reprises sur l'importance de maintenir notre présence navale dans le Golfe. L'une de mes préoccupations, que de nombreux Canadiens partagent, est liée à la présence éventuelle des Sea King sur les frégates.
Les dirigeants militaires, qui ont répondu aux questions de divers comités ici, semblaient laisser entendre que ce n'était pas important, qu'il ne s'agissait pas vraiment d'un grave problème. D'autres ont dit le contraire, mais certains ont dit cela, ce qui est surprenant.
Croyez-vous qu'il est problématique d'avoir les Sea King au lieu, disons, d'un nouveau Cormorant—ce qui se serait produit si le projet des conservateurs s'était déroulé comme prévu?
À (1030)
M. David Bercuson: Ça l'est et ça ne l'est pas. puisque je suis ici à titre d'analyste et que je ne tiens pas à me lancer dans un débat politique, je tiens à signaler un certain nombre de points.
Premièrement, comme vous le savez peut-être déjà, la Marine royale utilise des Sea King. Il y a des cellules de quatre ans qui effectuent divers travaux dans divers domaines, ainsi que de nombreux appareils différents. Les Américains, qui utilisent des B-52, investissent actuellement 280 millions de dollars pour remettre à neuf ces appareils et leur ajouter dix ans de durée utile.
M. Leon Benoit: Oui, mais il ne s'agit pas seulement des cellules; il faut aussi tenir compte de ce qu'il y a à bord.
M. David Bercuson: Exactement. Pour ce qui est de la question du remplacement, le gouvernement de l'époque a décidé de les remplacer, et nous savons tous ce qui s'est produit.
M. Leon Benoit: Mais cela ne répond pas à ma question. Quelles sont les répercussions de cette décision sur nos capacités actuelles dans le Golfe?
M. David Bercuson: Cela influe sur nos capacités, car l'hélicoptère ajoute au réseau d'information et étend les capacités du navire. L'hélicoptère permet au navire de jouir d'une portée plus étendue que celle que peuvent lui offrir ses propres radars et son propre matériel de détection sonore s'il n'avait pas d'hélicoptère—et ce n'est là qu'un avantage parmi de nombreux autres.
Par exemple, les hélicoptères contribuent énormément au repérage d'activités de contrebande dans le golfe Persique. Ils sont très utiles pour aider les navires à immobiliser en mer les navires qui contreviennent à l'embargo. On les a utilisés de toutes sortes de façon. On les a utilisés pour déposer du personnel naval à bord de navires qui refusaient d'arrêter.
Ce sont des choses qu'un navire ne peut faire seul. C'est un navire et un hélicoptère. Au cours des 50 dernières années, en raison essentiellement de nos travaux novateurs, nos forces navales ont ouvert la voie aux hélicoptères embarqués. Toutes les premières technologies ont été conçues par la Marine royale du Canada.
Les premières unités navales importantes à être converties en transporteurs d'hélicoptères étaient nos destroyers. Je ne parle pas de petits machins monoplaces qu'on accrochait à l'arrière des navires de guerre; je parle de vrais hélicoptères opérationnels. Nous les avons conçus, et tout le monde nous a suivi. Pourquoi? Ce n'est pas parce qu'ils aiment le sirop d'érable; ils ont suivi parce qu'un hélicoptère sur un navire étend les capacités de ce navire d'un grand nombre de façons différentes. Ce n'est pas seulement une question de sous-marin pendant la Guerre froide.
Alors, est-ce que des hélicoptères supérieurs amélioreront davantage les capacités du navire? Bien sûr. Absolument. Aucun doute. Pour moi, c'est vraiment la question.
M. Leon Benoit: D'accord. Dans vos commentaires initiaux, vous avez parlé d'interopérabilité, mais vous avez surtout envisagé cette question du point de vue des forces expéditionnaires. Qu'en est-il de la situation ici même en Amérique du Nord, et de l'interopérabilité contre la menace terroriste sur le continent?
M. David Bercuson: Oui, mes commentaires s'appliquent à ceux-là aussi. Si vous pensez aux opérations des forces terrestres dans l'avenir, regardez la 4e Division d'infanterie des États-Unis. Elle constitue la norme que toutes les autres forces terrestres devront appliquer pour travailler aux côtés de l'armée américaine. Qu'il s'agisse de travailler à ses côtés en Afghanistan ou quelque part en Amérique du Nord, c'est la même norme.
La 4e Division d'infanterie a terminé sa conversion vers des méthodes de guerre réseaucentriques. C'est la division qui devait faire son entrée par la Turquie et qui n'a pas eu l'occasion de le faire. Je n'ai pas rendu visite à la 4e Division d'infanterie. J'ai lu des choses à son sujet, j'en ai entendu parler, et je l'ai étudiée un peu. Mais vous avez avantage à visiter la 4e Division d'infanterie, car vous y verrez l'avenir de l'armée canadienne. Que ce soit l'avenir d'une armée canadienne munie d'un char d'assaut ou d'autre chose, il s'agira tout de même d'opérations réseaucentriques.
À (1035)
Le président: Monsieur Bercuson, s'agit-il de la division dont la base est située à Fort Hood, au Texas?
M. David Bercuson: Oui.
M. Leon Benoit: Vous avez pris beaucoup de temps pour rencontrer notre comité, et je tiens à vous dire que je l'apprécie. Nous étudions la relation militaire canado-américaine.
Si vous pouviez prodiguer trois conseils au gouvernement sur l'amélioration des relations militaires canado-américaines, quels conseils donneriez-vous?
M. David Bercuson: Choisissez les créneaux où vous allez interopérer.
M. Leon Benoit: Pourriez-vous fournir quelques précisions? Je vous en serais reconnaissant.
M. David Bercuson: D'accord. Les forces navales ont choisi la protection antiaérienne à titre de principale contribution qu'elles souhaitent apporter. Ainsi, nos destroyers et nos frégates sont essentiellement équipés de manière à remplacer un destroyer américain équipé du système AEGIS, un Arleigh Burke. Nous pouvons faire le même travail qu'un Arleigh Burke et nous brancher au système. Je ne sais pas qui l'a conçu, mais c'est le choix qu'ils ont fait. C'est dans ce domaine que nous allons nous spécialiser.
Quelle spécialisation allons-nous choisir du côté des forces aériennes? Quelle spécialisation allons-nous choisir du côté de l'armée? Quelle spécialité allons-nous choisir en ce qui concerne l'état-major interarmées? Quel que soit le domaine, il faut choisir un créneau.
Deuxièmement, assurez-vous qu'une partie des ententes que vous conclurez avec les Américains satisferont à nos exigences, ainsi qu'aux leurs. En toute franchise, je ne vois pas l'intérêt de dépenser des sommes astronomiques pour acheter dans le commerce une pièce d'équipement qui ne convient pas exactement à nos besoins. Tant qu'à dépenser l'argent, il vaut mieux dépenser ce qu'il faut pour veiller à ce que nos exigences opérationnelles soient respectées dans le cadre de cette interopérabilité. Autrement dit, nous ne nous contentons pas de nous brancher dans leur système; nous contribuons à la conception du système, de sorte que nous en tirerons des avantages, au chapitre tant des opérations que du développement technologique. Nous voulons apprendre par nous-mêmes. Nous voulons faire partie du processus de transfert technologique. C'est le deuxième élément.
Troisièmement, prenez un engagement à long terme au chapitre des dépenses en immobilisations, et ne le touchez pas. Mettez de l'argent de côté et mettez une clôture autour. C'est tout.
M. Leon Benoit: Oui. Le pourcentage du budget militaire total affecté au remplacement des immobilisations se situait autour de 12 p. 100 ou de 13 p. 100, la dernière fois que j'ai vérifié, ce qui est extrêmement bas.
Comment peut-on s'assurer que l'engagement à long terme envers le remplacement des immobilisations sera là?
M. David Bercuson: Je ne suis pas un expert en matière de gouvernance, mais je sais que, dans de nombreux territoires, dans notre pays, dans les systèmes parlementaires, des investissements à long terme de ce genre ont été effectués, et le financement a été réduit. Il faut que l'assemblée législative, ou dans le cas qui nous occupe, le Parlement, adopte une loi spéciale afin de créer un fonds, presque comme un fonds de fiducie, et de pouvoir puiser dans ce fonds.
Je ne sais pas. Je ne suis pas un expert du domaine, mais nous ne pouvons envisager la guerre réseaucentrique comme quelque chose qui existe actuellement, car je peux vous affirmer qu'elle est en pleine évolution. Elle sera différente dans un an, et elle le sera encore dans deux ans. Elle se dotera de capacités différentes; certains de ces éléments deviendront désuets; et certains des nouveaux éléments qu'on ne peut même pas prévoir aujourd'hui s'y ajouteront.
On fait partie de ce processus ou on ne s'y engage pas. Dans la mesure où on décide de ne pas adhérer à tel volet du processus, ce qui le rend désuet, pourquoi avoir effectué l'investissement initial?
Alors, il faut savoir dans quoi on s'embarque. C'est la deuxième partie de ce que j'ai dit. Ne vous contentez pas de mettre l'argent sur la table et d'acheter le produit; sachez dans quoi vous vous embarquez.
M. Leon Benoit: Pour ce qui est de déterminer comment nous—le Parlement, le gouvernement, les militaires ou les trois—pourrions déterminer quelle devrait être notre contribution, je suppose que cela fait partie, dans une certaine mesure, du processus d'élaboration du livre blanc. Avez-vous des suggestions qui nous permettraient d'améliorer ce processus?
À (1040)
M. David Bercuson: Parlez-vous du processus de participation?
M. Leon Benoit: Non, je parle de prendre des décisions éclairées lorsque vient le temps de décider quelle sera notre contribution.
M. David Bercuson: Je crois qu'une partie du processus est déjà en place, c'est-à-dire la procédure d'établissement des budgets. Les militaires s'adressent au sous-ministre qui travaille avec le ministère des Finances, et toutes ces choses, afin de tenter, essentiellement, d'établir le crédit budgétaire du ministère, ou de déterminer combien on demandera. Si c'est de cela que vous parlez, cette procédure existe déjà.
Nous devrons composer avec certaines difficultés—et je dois dire ceci de façon très directe—, car il y a vraiment une évolution ou une dévolution vers une distinction entre l'armée, les forces navales et les forces aériennes, et elles commencent vraiment à lutter les unes contre les autres au sujet des priorités budgétaires. C'est exactement pour cette raison que nous avions créé les FC : pour que tout le monde se rassemble et tende vers les mêmes choses, et que le gouvernement sache que le budget n'était pas gonflé par les rivalités inter-services, mais nous tendons à revenir vers cette situation.
Le président: Merci, monsieur Benoit
Passons à M. Grose et ensuite à Mme Wayne.
M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.
Que font les Européens? Je suis au courant de l'avion de combat Joint Strike Fighter, mais c'est tout ce que je sais. Que font-ils pour intégrer leurs forces? Est-ce qu'ils se débrouillent mieux que nous le faisons avec les Américains? Éprouvent-ils les mêmes problèmes budgétaires que nous? Comment tout cela se déroule-t-il en Europe, et quelle est leur orientation?
M. David Bercuson: Je ne peux vous offrir qu'une perspective très générale. Je ne suis pas un expert en la matière, mais je me tiens au courant au moyen de journaux spécialisés, lesquels peuvent être obtenus par à peu près n'importe qui.
Un nombre important de projets intra-européens sont envisagés, et certains d'entre eux commencent déjà à porter fruit, comme l'Eurofighter. Cependant, l'Eurofighter est en cours de mise au point depuis longtemps, et on ne peut d'aucune façon affirmer qu'il s'agit de la prochaine génération de chasseur. Essentiellement, c'est une petite amélioration par rapport aux technologies existantes.
De fait, les appareils que les Américains qualifient de F-16 Block 60 ou Block 70 seront à peu près aussi avancés que l'Eurofighter. Je sais que les gens du consortium Eurofighter me maudiront probablement de dire cela, mais je crois qu'il est assez évident que c'est le cas.
Ils travaillent à des projets comme le A400M, qui éprouve actuellement de grandes difficultés en raison des décisions prises par le gouvernement allemand concernant le nombre d'appareils qu'il compte acheter, et ainsi de suite.
Certains pays collaborent sur divers types de véhicules blindés de combats—divers types de systèmes de commande de tir. Il y a beaucoup de coopération en Europe, mais le niveau de dépenses consacrées à la défense en Europe a chuté au cours de la dernière décennie, surtout en Allemagne, et les activités de R et D en ont certainement souffert.
Sont-ils complètement interopérables, ou aspirent-ils à l'interopérabilité avec les Américains? Une partie de la réponse, je crois, c'est que certains d'entre eux aspirent à cela, et d'autres pas. Je ne crois pas qu'il y ait vraiment un consensus européen sur cette question.
M. Ivan Grose: Ironie du sort, les dépenses militaires allemandes baissent—ce qui correspond exactement à ce que nous voulions, et nous avons fait deux guerres pour cela—, mais, maintenant, nous estimons que cela n'est pas souhaitable. Cela illustre comment les choses changent.
En Europe, on parle beaucoup—surtout la France et l'Allemagne—de faire contrepoids aux États-Unis, pas nécessairement d'un point de vue militaire, mais s'ils ne se rassemblent pas, ils n'arriveront jamais à suivre les États-Unis d'aucune façon.
M. David Bercuson: Encore une fois, je ne suis pas un expert de la politique européenne, mais je crois que les événements récents montrent que les Européens sont plutôt désunis en ce qui concerne leurs objectifs à l'égard des États-Unis. Ils ne s'entendent pas sur l'avenir de l'OTAN. Si vous avez suivi le débat sur les mesures à prendre par rapport à l'Irak depuis la fin des années 90, et si vous avez lu le livre de Wesley Clark sur la campagne aérienne au Kosovo, les fissures ont commencé à paraître bien avant aujourd'hui. Je crois que ces fissures continueront de s'agrandir, et cela influera sur nos politiques, car nous devront faire des choix si l'alliance militaire de l'OTAN continue de se détériorer.
M. Ivan Grose: Cela limite leur choix—quelle surprise!—aux États-Unis.
M. David Bercuson: Nous ne vivons plus dans le monde qui existait en 1945. Le multilatéralisme de Lester Pearson fonctionnait très bien à l'époque, mais cette époque est révolue. Le Conseil de sécurité ne représente plus l'équilibre des forces, car l'équilibre des forces n'existe plus. Nous pouvons forcer les institutions multilatérales à s'adapter aux réalités de l'équilibre actuel des forces mondiales, ou nous pouvons dire qu'elles ne représentent plus les réalités d'aujourd'hui, et vivre avec. Je crois que c'est notre choix.
À (1045)
M. Ivan Grose: Merci.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Grose.
Madame Wayne.
Mme Elsie Wayne: Au cours de votre exposé d'aujourd'hui, vous avez affirmé à plusieurs reprises votre désir de ne pas émettre d'opinion politique. Comme le président le sait bien, j'ai toujours dit que nous ne devions pas mêler la politique aux activités de notre comité. Nous devons exclure la politique lorsqu'il s'agit de défense. Je dirai probablement que 98 p. 100 d'entre nous le faisons. Il y en a peut-être quelques-uns qui ne le font pas.
Je crois fermement que c'est grâce au comité, aux personnes qui sont venues témoigner, à tous les colonels retraités, et les autres, qu'on a affecté les 800 millions de dollars dans le budget cette fois-ci. Je crois que la population, les Canadiens d'un océan à l'autre, ont commencé à regarder les forces armées et nos militaires et à se dire que «Les choses ne sont pas comme elles devraient être». Nous nous sommes battus pour une qualité de vie, et nous avons réussi à l'améliorer. Il y avait certainement un besoin criant à cet égard.
Si nous continuons dans cette direction, nous assisterons peut-être à l'injection de fonds supplémentaires dans les militaires—du moins, je l'espère—, car nous devons considérer cet aspect comme une priorité.
Pour ce qui est de l'Irak, je ne crois pas que le président Bush et les Américains se contenteront de retourner chez eux et de dire: «Eh bien, nous avons fait cela et c'est tout.» Ils envisagent aussi d'autres régions, et ils s'expriment. Je crois que nous devons jouer un rôle plus important afin de garder la paix dans le monde. Nous devons veiller à ce que notre sécurité nationale soit très forte, pour le bien de la population canadienne.
La seule façon d'y parvenir, c'est d'accroître le nombre d'hommes et de femmes dans l'armée et dans les forces navales et aériennes, et de leur donner les outils dont ils ont besoin pour faire leur travail. Comme je l'ai dit plus tôt, ils ne peuvent prendre position. C'est à nous de le faire. Et c'est ce que nous continuerons de faire.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Avez-vous des commentaires à cet égard, monsieur Bercuson?
M. David Bercuson: J'ai deux commentaires.
Premièrement, je crois que votre comité a travaillé très efficacement. Nous sommes conscients de l'incidence de vos travaux sur la qualité de vie des militaires. Il n'y a aucun doute sur le lien direct entre votre rapport et les augmentations budgétaires de l'an dernier. Je crois que le travail du comité a contribué de façon très importante à l'augmentation, qui n'est pas seulement de 800 millions de dollars; il s'agit d'une augmentation qui s'effectuera progressivement au cours des prochaines années, et elle est très importante, car elle permettra de stabiliser les militaires.
Mais je crois que, d'une certaine façon, la vraie bataille aura lieu au cours des douze à 24 prochains mois. Procédera-t-on à un examen complet?
Mme Elsie Wayne: Oui.
M. David Bercuson: Le budget fera-t-il l'objet de modifications supplémentaires afin de tenir compte du besoin de nouvelles dépenses d'immobilisations?
Je crois que votre comité jouera également un rôle très important à cet égard.
Mme Elsie Wayne: Je tiens à vous remercier beaucoup d'avoir fait tout ce chemin de Calgary pour nous rencontrer. Mon fils arrive de Calgary demain, pour le congé de Pâques.
M. David Bercuson: Il fait beau là-bas.
À (1050)
Mme Elsie Wayne: Eh bien, vous avez apporté le beau temps avec vous, car le soleil brille.
Merci beaucoup, monsieur Bercuson.
Le président: Monsieur Bercuson, j'aimerais vous poser une autre question concernant certaines des réponses que vous avez fournies à M. Benoît.
Vous avez parlé de l'interopérablité de créneaux où le Canada était susceptible de participer. Vous avez parlé de la protection à grande portée que nous procurent nos destroyers de la classe Iroquois, les 280. Compte tenu de l'étendue de notre collaboration avec les Américains dans le passé, je me demande à quel point il sera efficace de tenter de se concentrer sur des créneaux au lieu de travailler—je suis peut-être un peu trop optimiste—de façon plus étendue sur la coordination, la coopération et l'interopérabilité.
Évidemment, les frégates sont capables de travailler avec les groupements tactiques américains. Lorsque nos sous-marins seront en état de marche, il est évident qu'ils travailleront avec les sous-mariniers des États-Unis et du Royaume-Uni. Devrions-nous être un peu plus ambitieux en ce qui concerne ces domaines d'interopérabilité?
Je crois que vous avez mentionné la quatrième division d'infanterie des États-Unis à titre de norme en ce qui concerne l'infanterie de l'avenir, dans le cadre d'une guerre axée sur les réseaux. Mais il y a probablement d'autres domaines—et je fais référence aux forces spéciales—où ils gagneront de l'importance au fil des ans.
Je me demande si nous devons vraiment être plus ambitieux au chapitre de la coopération, non seulement avec les Américains—même si je crois que la coopération avec les Américains est essentielle—, mais aussi avec les Britanniques. Si nous tentons de nous tourner vers l'avenir et d'envisager la tournure que prennent les choses, en ce qui concerne cette coalition, il y avait les Australiens, les Britanniques et les Américains—l'ancien triangle de l'Atlantique-Nord, avec les Australiens.
Pourriez-vous commenter là-dessus?
M. David Bercuson: En réalité, il s'agit surtout d'une question budgétaire, car la mesure dans laquelle on peut être ambitieux sera fonction de la disponibilité du financement.
Il est intéressant que vous mentionniez les forces spéciales, car les forces spéciales d'aujourd'hui deviennent vraiment partie de la guerre axée sur les réseaux. Dans un grand nombre de cas, l'efficacité des munitions à guidage de précision suppose une présence de forces spéciales au sol. C'est un exemple parfait du fonctionnement de l'interopérabilité—en fait, il s'agit non pas tant d'interopérabilité que d'opérations interarmes, comme on disait autrefois.
Notre pays doit se poser certaines questions fondamentales en ce qui concerne la forme que ses forces devraient prendre, autrement dit, la structure de ses forces. Je crois que la structure des forces devrait déterminer la question de l'interopérabilité. Allons-nous tenter de joindre davantage nos forces, ou allons-nous reconnaître que, fondamentalement, nos forces navales et aériennes et notre armée ne travailleront jamais vraiment ensemble, comme un tout, mais qu'elles travailleront toujours avec d'autres militaires. Je crois que c'est la question que nous devons nous poser avant de déterminer leur niveau d'interopérabilité.
Pour ce qui est des Britanniques et des Australiens, cela va presque sans dire qu'il ne s'agit pas uniquement des Américains. Vers la fin de mon exposé, j'ai signalé que, fondamentalement, l'Américain est la lingua franca de la technologie de défense d'aujourd'hui. Ainsi, qu'il s'agisse des Britanniques, des Australiens ou de quiconque, ils sont fondamentalement aussi dépendants à l'égard des Américains, et ils ont avantage à faire partie d'un système conçu par les Américains, avec leur aide, car l'inverse n'est pas vrai.
Nous faisons des échanges commerciaux avec le Mexique, mais la raison de notre participation à l'ALENA tient au fait que nous ne voulions pas que les Américains assument le rôle d'arbitres ou d'intermédiaires entre les deux pays; nous voulions établir une relation trilatérale. La relation que nous entretenons avec la Grande-Bretagne et l'Australie—et l'Australie est un allié si évident que nous devrions déployer plus d'efforts pour interopérer avec eux dans le Pacifique-Sud—devrait être trilatérale, c'est-à-dire nous, les Américains et les Australiens. En effet, les forces navales fonctionnent de cette façon, comme vous le savez sûrement. Ils tenaient annuellement des exercices, les exercices Marcot, et je crois qu'ils collaborent beaucoup dans le Pacifique.
Alors, nous devons faire partie d'un processus axé sur les réseaux, conçu principalement par les Américains et entretenu principalement par les Américains avec la participation d'autres pays.
Le président: J'ai une dernière question. On entend souvent dire—et on constate cette tendance chez les politiciens—que les généraux dirigent toujours en fonction de la dernière guerre.
À la lumière de ce que nous avons vu en Irak, j'ai l'impression que l'apprentissage que doivent tirer les militaires du nombre de victimes civiles, du nombre assez faible de pertes de la coalition, et même du nombre assez faible de pertes irakiennes, ce qui pourrait découler de la situation politique du régime et de la mesure dans laquelle ils avaient réellement le contrôle au cours des dernières semaines... seriez-vous d'avis que cela reflète le fait que les Américains ne combattent pas en fonction de la dernière guerre? Ils ont probablement deux guerres d'avance sur le reste du monde, en ce qui concerne leur façon de gérer le conflit.
À (1055)
M. David Bercuson: Je crois qu'ils font la guerre et ont fait une guerre de son temps. Je ne sais pas si on peut parler d'une avance marquée. On peut émettre des hypothèses, et je comprends ce que vous dites, mais je crois que cela renvoie à une combinaison de facteurs.
Premièrement, sur le plan militaire, il est beaucoup plus efficient de ne pas tuer inutilement beaucoup de gens. Deuxièmement, cela favorise la création d'un environnement politique plus stable lorsque le conflit prend fin. Troisièmement, cela favorise la création d'un environnement politique plus stable dans les démocraties lorsque la guerre progresse.
Bien que le peuple américain fasse preuve de patriotisme et appuie ses forces armées lorsqu'elles vont en guerre, il n'aime pas plus que quiconque de voir des innocents irakiens se faire tuer. Le gouvernement américain sait très bien qu'un grand nombre de pertes civiles réduira l'appui du peuple américain à l'égard de la guerre. Je crois qu'ils ont très bien retenu leur leçon.
Avant votre arrivée, je lisais un article du chef actuel de l'état-major interarmes sur la transformation, dans le dernier numéro d'Aerospace Power Journal. Cette utilisation du mot «transformation» est née dans le milieu militaire, mais, de nos jours, on l'utilise partout. Il dit ce qui suit:
Les plus grandes percées auront lieu entre les oreilles des personnes qui font la guerre et de celles qui la planifient. |
Ainsi, la vraie transformation est liée à la façon dont ils perçoivent leur travail.
Je crois que nos militaires commencent à faire cela. Le niveau d'éducation est plus élevé, et on dépense plus d'argent pour l'éducation de personnes qui sont déjà dans l'armée. On sélectionne plus soigneusement les personnes qu'on accepte, et on applique des critères plus rigoureux afin de veiller à ce que nos militaires soient des personnes qui réfléchissent, qui ont quelque chose entre le deux oreilles. Je crois qu'il y a eu une amélioration énorme de la qualité au cours des dix dernières années.
Mais c'est à l'échelon supérieur, à l'échelon politique, ou dans cette interface entre les échelons militaire et politique, que je doute d'une transformation de la perspective en ce qui concerne la réalité du monde actuel et son incidence sur la politique de défense, sur la conception future de technologies militaires, et ainsi de suite, et l'incidence de ces facteurs sur le Canada.
Le président: Je crois que nous devons terminer la discussion d'aujourd'hui sur ce commentaire très important. Monsieur Bercuson, au nom de tous les membres du comité, je vous remercie beaucoup d'être ici.
Vous êtes venu nous rencontrer l'avant-dernier jour avant une longue pause. Le Parlement prend congé pendant deux semaines, et je crois que cela explique partiellement le nombre de membres présents aujourd'hui. Mais d'autres comités travaillent aujourd'hui, dont certains qui examinent un projet de loi, ce qui est une priorité.
M. David Bercuson: Mon témoignage figurera au compte rendu, et je vous remercie de cette occasion.
Le président: Je suis sûr que certains de nos membres voudront consulter votre mémoire afin de revoir certaines des idées que vous avez soulevées aujourd'hui.
Encore une fois, au nom de tout le monde ici, merci beaucoup d'être venu. Nous espérons vous revoir prochainement.
M. David Bercuson: Merci. merci de m'avoir invité.
Le président: La séance est levée.