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OGGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 21 octobre 2003




Á 1105
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.))
V         Surintendant principal Peter German (directeur général, Criminalité financière, Gendarmerie royale du Canada)

Á 1110
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         Agent en chef David Douglas (agent en chef, Organisme chargé des affaires liées au crime organisé de Colombie-Britannique, Association canadienne des chefs de police)

Á 1115
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         Agent en chef David Douglas

Á 1120

Á 1125

Á 1130
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne)
V         Sdt pal Peter German
V         M. Leon Benoit
V         Sdt pal Peter German
V         M. Leon Benoit
V         Sdt pal Peter German

Á 1135
V         M. Leon Benoit
V         Judy Sgro (York-Ouest)
V         M. Leon Benoit
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         Sdt pal Peter German
V         M. Leon Benoit
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         M. Leon Benoit
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         M. Leon Benoit
V         Sdt pal Peter German
V         M. Leon Benoit
V         Sdt pal Peter German

Á 1140
V         M. Leon Benoit
V         Sdt pal Peter German
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ)
V         Sdt pal Peter German
V         M. Robert Lanctôt
V         Sdt pal Peter German
V         M. Robert Lanctôt
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         M. Robert Lanctôt
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         M. Robert Lanctôt
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         M. Robert Lanctôt
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         M. Robert Lanctôt
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         M. Robert Lanctôt
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         M. Robert Lanctôt
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)

Á 1145
V         M. Robert Lanctôt
V         Sdt pal Peter German
V         M. Robert Lanctôt
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         Sdt pal Peter German
V         M. Robert Lanctôt
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         M. Robert Lanctôt
V         Sdt pal Peter German

Á 1150
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.)
V         Agent en chef David Douglas
V         Mme Judy Sgro
V         Agent en chef David Douglas
V         Mme Judy Sgro
V         Agent en chef David Douglas
V         Mme Judy Sgro
V         Agent en chef David Douglas
V         Mme Judy Sgro
V         Agent en chef David Douglas
V         Mme Judy Sgro
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)

Á 1155
V         Mme Judy Sgro
V         Agent en chef David Douglas
V         Mme Judy Sgro
V         Agent en chef David Douglas
V         Mme Judy Sgro
V         Agent en chef David Douglas
V         Mme Judy Sgro
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot)
V         Sdt pal Peter German
V         M. John Bryden
V         Sdt pal Peter German
V         M. John Bryden
V         Agent en chef David Douglas
V         M. John Bryden
V         Agent en chef David Douglas

 1200
V         M. John Bryden
V         Agent en chef David Douglas
V         M. John Bryden
V         Agent en chef David Douglas
V         M. John Bryden
V         Agent en chef David Douglas
V         M. John Bryden
V         Agent en chef David Douglas
V         M. John Bryden
V         Agent en chef David Douglas
V         M. John Bryden
V         Agent en chef David Douglas
V         M. John Bryden
V         Sdt pal Peter German

 1205
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne)
V         Sdt pal Peter German
V         M. Paul Forseth
V         Sdt pal Peter German
V         M. Paul Forseth
V         Agent en chef David Douglas

 1210
V         M. Paul Forseth
V         Sdt pal Peter German
V         M. Paul Forseth
V         Sdt pal Peter German
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         Sdt pal Peter German
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)

 1215
V         M. Robert Lanctôt
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         M. Robert Lanctôt
V         Agent en chef David Douglas

 1220
V         Sdt pal Peter German
V         M. Robert Lanctôt
V         Sdt pal Peter German
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)
V         Agent en chef David Douglas
V         M. Paul Szabo
V         Agent en chef David Douglas
V         M. Paul Szabo
V         M. Rick Lauzon (directeur, Direction de la gestion des biens saisis, ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)
V         M. Paul Szabo
V         M. Rick Lauzon
V         M. Paul Szabo

 1225
V         Agent en chef David Douglas
V         M. Paul Szabo
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         M. Leon Benoit
V         Sdt pal Peter German
V         Agent en chef David Douglas
V         M. Leon Benoit
V         Agent en chef David Douglas
V         M. Leon Benoit
V         Agent en chef David Douglas
V         M. Leon Benoit
V         Agent en chef David Douglas
V         M. Leon Benoit
V         Agent en chef David Douglas
V         M. Leon Benoit
V         Agent en chef David Douglas
V         M. Leon Benoit
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         Sdt pal Peter German

 1230
V         M. Leon Benoit
V         Sdt pal Peter German
V         M. Leon Benoit
V         Agent en chef David Douglas
V         M. Leon Benoit
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         M. Robert Lanctôt
V         Sdt pal Peter German
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         Agent en chef David Douglas

 1235
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         Sdt pal Peter German
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)
V         Agent en chef David Douglas
V         Le président suppléant (M. Roy Cullen)










CANADA

Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


NUMÉRO 065 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 21 octobre 2003

[Enregistrement électronique]

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le président suppléant (M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

    Conformément à l'alinéa 108(3)c) du Règlement, nous étudions la Loi sur l'Administration des biens saisis.

    Nous allons accueillir Peter German de la Gendarmerie royale du Canada et David Douglas qui est agent en chef de l'Association canadienne des chefs de police.

    Histoire de vous resituer, la Loi sur l'Administration des biens saisis a été adoptée en 1993 et le paragraphe 20(1) de ce texte précise ce qui suit :

À l'expiration d'un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, ces présentes dispositions sont déférées au comité de la Chambre des communes, du Sénat ou des deux chambres du Parlement constitué ou désigné à cette fin par le Parlement.

    Cet examen aurait dû normalement avoir lieu en 1996, mais je suppose que mieux vaut tard que jamais. Nous avons bénéficié d'exposés de représentants du ministère et nous passons maintenant aux témoins. J'invite nos témoins à prendre la parole dans l'ordre suivant lequel leur nom apparaît sur l'ordre du jour.

    Nous commencerons donc par M. Peter German, de la GRC, qui nous parlera pendant cinq à sept minutes. Nous passerons ensuite à M. Douglas avant de terminer par une série de questions.

+-

    Surintendant principal Peter German (directeur général, Criminalité financière, Gendarmerie royale du Canada): Merci, monsieur Cullen et bonjour.

    J'ai préparé certaines notes que je vous ai fait remettre. Vous devriez en avoir un exemplaire dans les deux langues officielles.

    Je suis heureux de comparaître devant le présent comité en ma qualité de directeur général de la Criminalité financière à la Gendarmerie royale du Canada. Je vous transmets également les salutations du commissaire Zaccardelli qui appuie fermement le modèle de services de police intégrés dont fait état le Programme des produits de la criminalité.

    La police au Canada définit son rôle en termes très simples. Les policiers ont pour devoir d'enquêter sur les délits, sans craindre ni favoriser qui que ce soit. Nous ne sommes pas les poursuivants. Il s'agit d'un rôle que remplissent habilement les avocats de la Couronne du ministère de la Justice et des bureaux des procureurs généraux des provinces. Nous ne prétendons pas non plus être des gestionnaires de biens.

    Au tout début de la création du programme des produits de la criminalité, nous avons constaté que la gestion des biens est une fonction spécialisée, dont devraient s'acquitter les personnes possédant les compétences requises. Il ne s'agissait pas d'une révélation, étant donné que les organismes d'application de la loi aux États-Unis en étaient venus à la même conclusion bien avant nous. La police ne devrait pas avoir pour tâche de tenter de maintenir l'exploitation d'une ferme laitière, d'un centre de ski ou d'un bar saisi.

    Depuis sa création en 1993, la Direction de la gestion des biens saisis a, à notre avis, très bien joué le rôle de gestionnaire des biens saisis et bloqués. Depuis la transformation du Programme des produits de la criminalité en Initiative intégrée pour le contrôle des produits de la criminalité en 1996, et jusqu'à maintenant, la DGBS a adapté ses systèmes et politiques de manière à suivre les changements dans le domaine de l'application de la loi. Je crois que nous avons établi des relations de travail étroites et professionnelles avec la DGBS et j'espère qu'elles se maintiendront et s'amélioreront encore.

    Nous appuyons également les efforts visant le partage des biens confisqués avec les gouvernements dont les services d'application de la loi ont contribué à la saisie et au blocage de produits de la criminalité. Le Canada a reçu de l'argent découlant d'enquêtes à l'étranger, grâce à des ententes de partage conclues, et nous savons que des partages similaires se font entre ordres du gouvernement au Canada. La nature de ces arrangements et les sommes partagées sont du ressort d'autres ministères.

    Le crime organisé opère au Canada et la GRC et tous les organismes d'application de la loi font tout leur possible pour freiner ses activités. Mais comme vous le savez tous trop bien, il s'agit d'une lutte continue, menée sur plusieurs fronts. Le crime organisé ne disparaîtra pas tout simplement. De plus, les nombreux points forts du Canada constituent souvent des points vulnérables dans la lutte contre le crime organisé.

    Notre situation géographique stratégique, au nord d'un pays qui constitue un immense marché pour les drogues illégales, nos gros ports et aéroports, nos établissements financiers perfectionnés et de multiples autres facteurs font du Canada un lieu d'affaires attrayant pour le crime organisé. Un exemple parfait est le problème de la culture de la marihuana en Colombie-Britannique et l'immense infrastructure financière qui l'entoure.

    Pour les raisons que je viens de mentionner, nous prévoyons que la GRC et les unités mixtes bloqueront et saisiront encore plus de biens dans l'avenir, et non pas moins. En outre, la mise sur pied de groupes des produits de la criminalité municipaux et provinciaux fera augmenter davantage le nombre de biens saisis. À notre avis, il est essentiel de maintenir une forte capacité de gestion des biens, qui doit continuer de résider au sein du gouvernement, où elle s'est avérée à la fois fiable et sécuritaire.

    Merci beaucoup. Ça me fera plaisir de répondre à vos questions.

Á  +-(1110)  

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Merci beaucoup, M. German.

    Je passe la parole à M. Douglas de l'Association canadienne des chefs de police.

+-

    Agent en chef David Douglas (agent en chef, Organisme chargé des affaires liées au crime organisé de Colombie-Britannique, Association canadienne des chefs de police): Bonjour, je m'appelle David Douglas et je suis agent en chef de l'organisme chargé des affaires liées au crime organisé de la Colombie-Britannique, organisme investi du mandat, à l'échelle de la province, de perturber et d'éradiquer le crime organisé qui affecte tous les britanno-colombiens.

    Je me réjouis de représenter le comité du crime organisé de l'Association canadienne des chefs de police au nom de notre président, le chef Julian Fantino, du service de police de Toronto. Merci pour votre aimable invitation à comparaître devant votre comité.

    On peut, sans trop risquer de se tromper je crois, affirmer qu'au cours des cinq à dix dernières années, le crime organisé a beaucoup évolué au point de poser des problèmes sans précédent pour les gouvernements du monde entier. La mondialisation, la fusion des groupes criminels, l'apparition d'activités criminelles portant sur des produits multiples, l'utilisation de la technologie à des fins criminelles, la répartition géographique et, aujourd'hui, la convergence du crime organisé, le narcotrafic à l'échelle internationale et le terrorisme sont autant d'éléments qui ont permis aux organisations criminelles d'accroître leur capacité criminelle.

    Comment s'opposer à ce crime organisé qui est en pleine évolution? Les services de police sont dépassés dans cette bataille, tant sur le plan de l'armement que sur ceux des effectifs et des budgets, et ils ne peuvent véritablement mettre en oeuvre que deux stratégies dans l'arsenal dont ils disposent pour combattre le crime organisé transnational : la perturbation et l'éradication de ce genre d'activités. La perturbation de l'activité criminelle consiste à saisir les produits de contrebande, à poursuivre les responsables et à éliminer les empires criminels en saisissant leurs biens.

    Je crois que les groupes d'application de la loi au Canada sont en train d'aboutir dans leurs efforts visant à perturber et à éliminer les activités du crime organisé. Toutefois, nous devons maintenant miser sur nos réussites en conduisant des actions multidisciplinaires dans ce dossier et en employant les outils dont nous disposons pour nous acquitter de nos mandats respectifs.

    S'agissant de la réaction d'Ottawa à ce problème, je dois dire que l'ACCP est aux prises avec des problèmes qui ne sont pas encore réglés. Vient tout d'abord celui de la détermination de la part devant revenir à l'organisme de police qui contribue à la saisie. La Loi sur l'Administration des biens saisis et le Règlement qui en découle ne comportent pas de mécanisme approprié permettant de déterminer s'il y a effectivement lieu d'envisager un partage et, dans l'affirmative, que l'organisme enquêteur soit consulté dès l'amorce du processus de détermination des parts et il n'existe pas non plus de procédure d' appel de la décision prise par le gouvernement fédéral en la matière.

    La saisie et, ensuite, la distribution des produits de la criminalité sont très différents en vertu de la loi canadienne et de la loi américaine. Au Canada, l'organisme policier qui saisit les produits de la criminalité n'en tire rien directement.

    Dans les faits, le ministère de la Justice applique l'intention de la loi en ce qui concerne le partage des biens saisis. Le mandataire de Sa Majesté qui orchestre la poursuite est appelé à faire une recommandation. On me dit que la formule de partage est objectivement et subjectivement déterminée en fonction du niveau de participation à l'enquête, que ce soit l'enquête de fond ou celle relative aux produits du crime.

    En Ontario, le Procureur général regroupe les fonds versés par le gouvernement fédéral dans le cadre de la formule de partage et ceux obtenus du gouvernement provincial, il en retient une partie pour payer les frais de la poursuite et il met le reste à disposition des programmes de subvention administrés par le Service ontarien de renseignements sur la criminalité, le SORC. Les subventions en question portent sur la prévention du crime et l'application de la loi. D'après le modèle ontarien, 60 p. 100 des produits de la criminalité ayant été saisis reviennent au ministère de la Sûreté et de la sécurité publique, le MSSP, le reste demeurant dans les coffres du ministère du Procureur général.

    Au sein du MSSP, les produits en question sont également répartis entre la Direction générale des normes et des nouveaux programmes et le SORC. Cette dernière part est ensuite versée aux corps policiers par le truchement de subventions destinées à financer les opérations de police conjointes axées sur les activités du crime organisé. Les corps policiers peuvent faire une demande de fonds auprès du SORC par le truchement du programme de subvention d'application de la loi. Pour être admissibles, les propositions doivent comporter un élément « produits du crime organisé ».

    Comme on peut le voir, les services policiers ne bénéficient qu'indirectement, et encore dans le meilleur des cas, des biens saisis représentant les produits de la criminalité. Ce faisant, les organismes d'application de la loi sont très intéressés par le processus qui entoure la gestion des biens et leur répartition finale.

    Seules l'Ontario et l'Alberta disposent d'une structure prévoyant la distribution des fonds qui proviennent de la saisie des produits de la criminalité aux corps policiers afin de financer les enquêtes futures ou en cours. Il demeure que mon organisme a reçu 3,75 millions de dollars qui, à l'époque, correspondaient à un solde résiduaire après que l'OCACO de la Colombie-Britannique eut obtenu 6,2 millions de dollars des biens confisqués par la province. Cet argent a été directement réinvesti dans les enquêtes en cours sur le crime organisé.

    Entre 1996 et 2001, les revenus bruts annuels provenant de la confiscation de biens d'origine criminelle par la Direction de l'administration des biens saisis se sont élevés à 123 millions de dollars. Ce montant brut a été amputé de près de 42 millions de dollars au titre des remboursements et des coûts associés à l'administration des biens en question. Sur les 81 millions de dollars restant, près de 67 millions ont été conservés par le gouvernement fédéral afin de financer le programme IPOC, 2,5 millions ont été reversés à des gouvernements étrangers et quelque 12 millions de dollars ont été partagés entre les provinces. À partir de ces chiffres, il ressort que 14,5 p. 100 seulement du total des saisies déclarées sont finalement revenus aux provinces.

    La Colombie-Britannique compte le plus grand nombre de gendarmes au Canada et de services provinciaux à contrat de la GRC, mais entre 1996 et 2001 la province n'a reçu que 1 million des 81,1 millions de dollars saisis par le fédéral au titre de sa contribution.

Á  +-(1115)  

    Plusieurs cas confirment ce constat. Ainsi, la GRC de Surrey a obtenu une résidence confisquée, évaluée à quelque 400 000 $, à la suite d'une enquête effectuée en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour des opérations de culture de marihuana, en mai 2003. D'autres propriétés devraient également faire l'objet de confiscations.

    Le détachement de la GRC de Vancouver-Nord a obtenu les produits d'une saisie de 1 million de dollars en liquide à la suite d'une enquête conduite au titre de la même loi relative à la drogue du viol. Mon propre organisme a conduit une opération policière conjointe avec la police provinciale de l'Ontario. À la suite de cette enquête, plusieurs saisies de marihuana à grande échelle ont été effectuées et nous ont notamment permis de mettre la main sur des biens importants. Nous avons, par exemple, récupéré 3,9 millions de dollars en liquide qui étaient dissimulés dans un mur de la chambre d'un de nos objectifs.

    Au Manitoba, un patrouilleur de police à contrat de la GRC a saisi 3 millions de dollars et la province a reçu la moitié du solde restant après règlement des coûts associés à la gestion des biens saisis, à la suite d'une recommandation du ministère fédéral de la Justice.

    Toutes ces enquêtes ont été effectuées par des détachements de police à contrat de la GRC auxquels les gouvernements provinciaux de la Colombie-Britannique et du Manitoba ainsi que les administrations municipales concernées ont contribué en débloquant des ressources.

    L'OCACO de la Colombie-Britannique est investi d'un mandat provincial, celui de mener des opérations policières conjointes et il bénéficie d'un effectif de gendarmes, de même que de policiers fédéraux et provinciaux et d'un personnel détaché de 11 corps policiers municipaux. Apparemment, tout ce travail a conféré à la province le statut de contributeur prédominant. On ne sait cependant pas comment le ministère de la Justice va considérer les saisies sur le plan du partage des biens.

    Dans le cas du Manitoba dont je viens de parler, où 3 millions de dollars ont été saisis, on ne sait pas comment le ministère a déterminé qu'il s'agissait d'une contribution importante plutôt que d'une contribution prédominante.

    Pour ce qui est de la consultation, du déclenchement du processus et de l'appel, le règlement sur le partage stipule que le Procureur général fédéral peut, pour déterminer le niveau de contribution des organismes policiers concernés, consulter les organismes en question et les ressorts dont ils relèvent. Toutefois, la décision revient unilatéralement à l'échelon fédéral.

    Dans les faits, même si la consultation entre le ministère de la Justice et les provinces semble s'être améliorée, on dirait que les décisions concernant les versements sont prises à la petite semaine et que le processus décisionnel devrait être soumis à davantage de transparence et de responsabilité.

    Le ministère fédéral de la Justice est-il cohérent dans ses recommandations relatives à la formule de partage d'une province à l'autre? Voilà un sujet auquel ce comité devrait s'intéresser.

    On ne sait pas exactement comment procède le gouvernement fédéral pour déterminer le niveau de financement à reverser aux provinces. Ainsi, la fonction publique fédérale a suggéré que la Loi sur l'Administration des biens saisis...

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Excusez-moi de vous interrompre, mais pourriez-vous ralentir un peu votre débit pour que nos interprètes puissent vous suivre? Merci.

+-

    Agent en chef David Douglas: Bien sûr.

    Par exemple, les fonctionnaires fédéraux ont suggéré que les dispositions de la Loi sur l'Administration des biens saisis relatives au partage ne s'appliquent qu'aux produits de la criminalité spécifiquement visés par une enquête au pénal, sans égard à la contribution du corps policier non fédéral à l'enquête criminelle de fond.

    En réalité, une grande partie des enquêtes sur les produits de la criminalité se présente sous la forme d'opérations mixtes financées par le gouvernement fédéral, opérations conduites par les UMPC. Dans certains ressorts, les corps policiers provinciaux et municipaux ne disposent ni des ressources ni du financement ni même de la compétence nécessaires pour lancer des enquêtes relatives aux produits de la criminalité. Pour reprendre l'exemple que j'ai cité plus tôt, ces corps policiers ne reçoivent donc rien, même quand les enquêtes de fond aboutissent, enquêtes qui, dans certains cas, sont longues, complexes et coûteuses. Cette façon de faire n'est pas conforme avec l'intention de la Loi sur l'Administration des biens saisis.

    L'absence de mécanismes permettant de s'assurer que l'on tient compte de l'avis des organismes policiers enquêteurs, dès l'amorce du processus décisionnel ou, au besoin, à l'étape de l'appel d'une décision fédérale relative au niveau de contribution, est un défaut de la Loi sur l'Administration des biens saisis et du règlement qui en découle.

    Pour ce qui est de la régularité d'application de la politique, le règlement relatif au partage stipule que le Procureur général fédéral doit évaluer le niveau de contribution du gouvernement du Canada et des organismes policiers au regard de la nature et de l'importance de l'information fournie par chaque service policier, de sa participation à l'enquête ainsi qu'aux poursuites ayant conduit à la confiscation des biens ou à l'imposition d'une amende.

    Il conviendrait d'élaborer des lignes directrices complètes et claires précisant ce que doivent être la nature et l'importance ainsi que la participation des corps policiers, faute de quoi ces aspects pourraient donner lieu à de nombreuses interprétations.

    La formulation de telles lignes directrices devrait se faire dans la transparence et en consultation avec les représentants provinciaux et les organismes d'application de la loi. Comme nous l'avons précédemment mentionné, les fonctionnaires fédéraux doivent comprendre que les services policiers provinciaux et municipaux sont parfois appelés à consacrer énormément de ressources au titre des opérations de surveillance et des autres techniques d'enquêtes relatives à des délits fédéraux conduisant à la confiscation de produits de la criminalité.

    Les avocats peuvent, au titre du déblocage des fonds saisis avant l'étape du processus judiciaire, demander aux tribunaux d'avoir accès aux biens saisis afin de payer leurs services juridiques. Quand des sommes en liquide sont saisies, les avocats de la défense parviennent généralement à puiser dans les biens en question en vertu de l'article 462 du Code criminel qui porte notamment sur les demandes d'examen des ordonnances de blocage.

    Le déni du droit à une représentation juridique est bien sûr préoccupant et le Parlement a jugé bon que les inculpés soient en mesure de retenir les services d'avocats quitte à ce qu'ils soient payés à partir des produits du délit reproché. Ce même article du Code criminel permet aussi à l'accusé de puiser dans les biens saisis pour payer des frais de subsistance et des dépenses commerciales raisonnables. Les tribunaux peuvent tenir l'accusé responsable de ces fonds en vue d'un remboursement ultérieur, mais ils le font rarement.

    Cette partie de la procédure n'a rien à voir avec la police, si ce n'est qu'un enquêteur peut être présent à l'audience pour assister la Couronne et indiquer si l'accusé dispose ou non de fonds ou encore s'il existe d'autres biens qui pourraient être utilisés afin de payer les frais juridiques. Ces audiences peuvent durer des semaines, selon la complexité de la cause et de la preuve sur laquelle les prétentions du demandeur seront confirmées ou infirmées.

    Les enquêteurs qui s'intéressent aux produits de la criminalité doivent s'en remettre aux juricomptables membres des équipes pour veiller à ce que tous les biens possibles soient clairement répertoriés, mais que seuls ceux susceptibles de faire effectivement l'objet d'une confiscation soient saisis ou bloqués. Les biens détenus par un prêtre-nom qui n'ont pas assez directement rapport avec le délit en cause ne sont ni bloqués ni saisis. Toutefois, ils sont mentionnés à la Couronne afin que leur existence et leur lien avec le suspect puissent être utilisés pour contrer l'argumentation de la défense désireuse d'accéder à ces fonds.

    Quelles conséquences peut avoir le fait de permettre à un avocat de la défense d'accéder aux fonds saisis? Cette pratique est devenu la norme plutôt que l'exception et elle est une grande source de frustration pour la poursuite et la police. Les juges sont censés rendre des décisions fondées sur les taux de l'aide juridique, mais partout au Canada, les accusés engagent des avocats de haut vol et les juges leur accordent régulièrement l'accès à des sommes très importantes prélevées sur les fonds saisis, ce qui permet aux accusés de maintenir le style de vie auquel ils sont habitués, comme le fait d'envoyer leurs enfants dans des écoles privées. À cause de cela, les fonds saisis sont considérablement réduits.

    Cela a également favorisé la négociation de plaidoyers avec les accusés, ce qui n'aurait pas été envisagé autrement. En effet, un procureur peut décider de négocier un plaidoyer pour limiter les pertes étant donné qu'un procès à grande échelle peut s'étaler sur des mois voire des années et entraîner l'épuisement des sommes saisies au titre du paiement des frais juridiques de la défense, ne laissant au gouvernement que très peu à saisir.

Á  +-(1120)  

    À cause de cela, les biens sont rendus aux accusés, ce qui va à l'encontre de l'intention de la loi qui est de confisquer les profits du crime. L'administration de la justice est, dès lors, remise en question. Le public est chagriné à juste titre par le fait que cet argent qui aurait pu et aurait dû être saisi pour être versé dans des fonds publics aboutisse dans les poches des avocats de la défense et des accusés.

    La façon dont les juges ont permis un tel accès à des fonds saisis a été déterminante dans l'instauration de ce cycle négatif et a miné la capacité des procureurs de la Couronne de maintenir les profits du crime hors de portée des délinquants. Il faudrait modifier la loi afin de fermer cette échappatoire de plus en plus béante.

    Les biens saisis à l'occasion d'une poursuite fédérale sont administrés par la Direction générale des biens saisis et, quand une confiscation est ordonnée, le coût et les frais d'administration des biens en question sont prélevés sur la valeur de liquidation. J'ai ici un sommaire de la Direction générale des biens saisis montrant les répartitions entre les coûts et les frais, répartitions qui varient de 20 p. 100 en 1996 à près de 58 p. 100 en 2001, soit cinq ans plus tard. Il est donc très clair que, durant cette période, les coûts d'administration des propriétés saisies ont considérablement augmenté.

    Les biens saisis en tant que produits de la criminalité dans le cadre de poursuites fédérales sont entreposés ou maintenus par la Direction générale des biens saisis. Comme elle assume un risque, elle émet une facture pour couvrir les coûts associés à cette opération.

    Au début, les risques associés aux enquêtes d'envergure fédérale étaient énormes. Les suspects négligeaient volontairement de fermer leur maison ou laissaient couler l'eau par temps très froid, sans compter que les catastrophes naturelles pouvaient occasionner des dommages aux propriétés, notamment à cause de la chute d'arbres. Des embarcations pouvaient rouiller ou même couler, comme on a pu le voir une fois.

    Les changements apportés aux pratiques comptables à la suite de la recommandation du Vérificateur général relativement aux coûts d'administration des propriétés saisies ont provoqué une diminution des fonds versés aux provinces. Les sommes en liquide ou les comptes bancaires qui sont saisis sont assez faciles et peu coûteux à administrer. En revanche, l'administration des biens immobiliers et des biens amortissables, c'est-à-dire non liquides, est dispendieuse. En outre, ces biens ne présentent très souvent qu'une faible valeur de revente.

    À cause de l'augmentation du nombre de causes portant sur des biens non liquides, notamment à cause de l'inclusion des propriétés associées aux délits commis, la Direction générale des biens saisis subventionne les coûts de ces opérations à partir des affaires qui, dans chaque province, portent sur des liquidités. Par exemple, l'entrepôt ayant servi à faire pousser des cultures illicites n'a aucune valeur de revente, mais elle est coûteuse à entretenir. Dans le même ordre d'idées, une propriété envahie de moisissures est également très coûteuses à entretenir. Tous ces coûts sont assumés à même les sommes en liquide saisies, ce qui réduit d'autant le montant des versements pouvant être faits aux provinces à partir des montants confisqués. Il est même arrivé que des provinces doivent de l'argent au gouvernement fédéral à la suite de telles saisies.

    Presque tout le monde estime que la Direction générale des biens saisis se débrouille très bien dans l'administration des diverses catégories de biens, de portefeuilles boursiers et de stocks de produits périssables ou à délai de livraison critique qui exigent des mesures spéciales. La planification en consultation avec la DGBS avant les saisies permet, en général, de réduire grandement les difficultés ultérieures.

    À la suite de l'amendement apporté à l'article 462 du Code, qui régit les ordonnances d'administration depuis l'adoption du projet de loi C-24, toute personne qui administre des biens pour le compte du Procureur général du Canada est autorisée à vendre de façon interlocutoire les produits périssables et à accélérer la dépréciation des propriétés.

    Les biens saisis dans le cadre de poursuites provinciales font davantage problème. Ainsi, l'Ontario n'a pas d'organisme spécialisé de gestion des propriétés et n'a pas conclu d'accord permanent avec la DGBS, bien que de telles ententes puissent se faire et ait d'ailleurs déjà été conclues au cas par cas.

    Il appartient au corps policier d'entreposer et d'entretenir tous les biens réputés ayant servi à la commission d'un délit, mais pas les produits de la criminalité dans le cadre de poursuites provinciales. À l'heure actuelle, la Sûreté provinciale de l'Ontario détient 35 motos saisies auprès des Outlaws, motos qu'il faut entretenir régulièrement et conserver dans des entrepôts fermés advenant qu'il soit nécessaire de les restituer à leurs propriétaires à la fin des procédures. Cela représente bien évidemment un fardeau financier important pour ce corps policiers et il n'existe encore aucun protocole permettant à la police de récupérer, à l'étape de la confiscation, les dépenses qu'elle a subies.

    On nous a signalé un problème encore plus important à l'occasion de la fouille d'une grande société, en 1999, qui était hors la loi. Comme ils ont été incapables de mener à terme leur enquête sur les infractions commises parce qu'ils n'avaient pas de véhicules pouvant contenir la totalité de la preuve relative aux activités criminelles de cette entreprise, les enquêteurs sont repartis avec la preuve dont ils avaient besoin mais n'ont absolument pas perturbé les activités commerciales criminelles en question. Cette société avait une trésorerie supérieure à 100 millions de dollars par an.

Á  +-(1125)  

    Il aurait été possible de remédier à ce genre de situation en adoptant, par la suite, une nouvelle ordonnance de gestion en vertu de l'article 490 du Code criminel et en élargissant à l'ensemble des délits susceptibles d'être poursuivis en justice en vertu du Code criminel la notion de propriété associée à une infraction. Il serait également intéressant que la loi provinciale relative aux confiscations soit adoptée.

    Il faut offrir aux corps policiers et aux procureurs de la Couronne une protection statutaire quand ils enquêtent et qu'ils instruisent des crimes commerciaux complexes ou qu'ils traitent de causes où il est question de produits de la criminalité. Ce pourrait être particulièrement le cas dès qu'on a affaire à des intérêts tierces. Une enquête menée par l'OCACO de la Colombie-Britannique, relativement à des jeux sur Internet, illustre bien cela. À un moment donné, la société a atteint une valeur boursière de près de 900 millions de dollars US au NASDAQ sous la forme d'échanges de gré à gré. Le jour où la police a exécuté le mandat de perquisition au siège social de la compagnie à Vancouver, le prix de l'action a plongé de 15 à 3 $.

    L'absence de protection statutaire des corps policiers et des procureurs contre d'éventuelles poursuites au civil dans le cadre d'enquêtes relatives à des entreprises criminelles complexes risque, un jour, de freiner la tenues d'enquêtes au sujet d'organisations criminelles. Nous espérons que les commissions provinciales des valeurs mobilières et les textes réglementaires en vigueur assurent une protection statutaire et une immunité suffisantes au personnel chargé de faire appliquer les lois.

    S'agissant de l'entretien des biens et des avoirs saisis, il faut savoir qu'à la faveur de l'adoption du projet de loi C-24 qui a fait passer les propriétés associées à la commission d'infractions sous le coup du Code criminel, la situation des corps policiers a considérablement changé. Si la propriété en vient à être confisquée, c'est toujours le Procureur général qui est chargé de la liquider sans qu'il ait à conclure d'accord de partage avec le corps policier enquêteur afin de lui permettre de récupérer une partie des dépenses associées à son intervention avant la confiscation. Le gouvernement fédéral a jugé bon de confier l'administration et la disposition des biens à la DGBS. Comment peut-on envisager qu'une province fonctionne sans le même genre d'appui?

    Enfin, toujours sur la question de l'administration des biens, il arrive très souvent que les enquêtes importantes et complexes menées en vertu du Code criminel dans une province permettent de trouver des biens dérivés d'activités criminelles dans d'autres provinces. Les régimes provinciaux d'administration des biens doivent être coordonnés de façon interprovinciale. Cela a d'ailleurs été confirmé par l'adoption d'une loi relative aux confiscations civiles par la province de l'Ontario et par le fait que d'autres provinces envisagent d'adopter des mesures semblables. Les jugements de confiscation au civil dans une province donnée sont exécutoires dans les autres provinces, ce qui milite en faveur d'une approche coordonnée.

    Merci beaucoup.

Á  +-(1130)  

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Merci beaucoup, monsieur Douglas.

    Nous allons passer à une série de questions de huit minutes que va lancer M. Benoit.

+-

    M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Bienvenue, messieurs. Merci beaucoup de vous êtres rendu à notre invitation ce matin et merci pour vos exposés.

    J'ai des questions pour tous les deux. Je n'espère pas vraiment obtenir réponse à toutes mes questions, mais je vais commencer par vous en poser certaines à vous, monsieur German.

    La Vérificatrice générale a parlé de blanchiment d'argent, de la possibilité que de l'argent soit blanchi par l'intermédiaire des sociétés d'État. Pourriez-vous me dire s'il y a actuellement des enquêtes en cours à ce sujet?

+-

    Sdt pal Peter German: Merci, monsieur Benoit.

    Il serait inapproprié, pour moi, de commenter les enquêtes en cours, mais pour ce qui est des enquêtes qui viennent juste de se terminer, sachez que je ne suis pas au courant de situations concernant des sociétés d'État ni du blanchiment d'argent.

+-

    M. Leon Benoit: Vous ne vous estimez pas libre de communiquer au Parlement des informations sur le nombre d'enquêtes actuellement menées au sujet de sociétés d'État ou de ministères fédéraux? Je ne vous demande pas de détails à leur sujet ni même de mentionner le nom des personnes concernées, je veux simplement savoir s'il y a des enquêtes en cours.

+-

    Sdt pal Peter German: Voulez-vous savoir s'il y a actuellement des enquêtes en cours sur des problèmes de blanchiment d'argent ou plutôt s'il y a des enquêtes dans des cas de corruption ou de choses du genre?

+-

    M. Leon Benoit: Je parle de tous les types d'enquête de la GRC au sujet de sociétés d'État et de ministères fédéraux.

+-

    Sdt pal Peter German: Il y a bien sûr les enquêtes qui sont actuellement menées au sujet des commandites et d'autres dossiers, et cela est bien connu. Quant à vous dire combien d'enquêtes sont actuellement menées sur des ministères fédéraux et des sociétés d'État, je ne le sais pas, parce que je n'ai pas de statistiques.

    Je pensais que vous vouliez plus précisément parler d'enquêtes relatives à du blanchiment d'argent, parce que je vous aurais dit alors que je ne suis pas au courant de tels problèmes dans des ministères fédéraux ou des sociétés d'État. On pourrait, certes, toujours affirmer que chaque fois qu'on est en présence d'une infraction criminelle, on peut avoir affaire à du blanchiment d'argent et qu'il ne faut donc pas écarter cette possibilité. Ainsi, quand notre section des délits commerciaux effectue une enquête pour corruption, elle pousse son travail jusqu'à sa conclusion logique pour chercher à déterminer ce qu'il est advenu des biens amassés grâce aux activités illégales en question et elle ne néglige pas la piste du blanchiment d'argent.

Á  +-(1135)  

+-

    M. Leon Benoit: Je dois donc conclure que de votre réponse que toutes les enquêtes policières actuellement menées au sujet de sociétés d'État ou de ministères fédéraux ont été rendues publiques. Il n'y en a aucune, actuellement en cours, qui n,ait pas été rendue publique. C'est cela?

+-

    Judy Sgro (York-Ouest): Je fais appel au Règlement... [Inaudible].

+-

    M. Leon Benoit: Absolument... nous parlons bien des produits du crime et c'est exactement là où je veux en venir.

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Monsieur German, êtes-vous en mesure de répondre à cette question?

+-

    Sdt pal Peter German: Encore une fois, je ne pense pas qu'il serait approprié pour moi de vous parler des enquêtes en cours. De toute façon, je ne me suis muni d'aucune statistique sur les enquêtes à propos de cas de corruption ou autres. Nous ne sommes venus ici que pour parler de blanchiment d'argent. Vous m'excuserez donc, mais je n'ai pas de chiffre particulier à vous communiquer au sujet des enquêtes en cours dans des causes de corruption intéressant des ministères fédéraux ou autres.

+-

    M. Leon Benoit: Ma question était très générale. Je voulais savoir si vous effectuez actuellement des enquêtes dans des causes de blanchiment d'argent au sein ou par l'intermédiaire de sociétés de la Couronne.

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Je me dois d'intervenir pour un instant.

    À la façon dont je vois les choses, monsieur Benoit, votre question n'est pertinente que si vous voulez parler des biens susceptibles d'être saisis parce qu'ils auront servi à des activités criminelles effectuées par des membres du personnel de sociétés de la Couronne ou par une société de la Couronne elle-même. Est-ce ce dont vous voulez parler? Autrement dit, voulez-vous savoir comment cette loi fonctionnera dans le cas d'actifs saisis à la suite d'actes criminels commis par des employés d'une société d'État?

+-

    M. Leon Benoit: Je n'en suis pas encore là, monsieur le président, mais j'essaie d'y parvenir. Je veux d'abord savoir, de façon générale, s'il y a des enquêtes actuellement en cours. On ne peut certainement pas juger secrète ni inappropriée une information consistant à dire si des enquêtes sont actuellement effectuées sur des cas de blanchiment d'argent par des sociétés d'État.

    Quand on m'aura répondu à ce sujet, je passerai à des questions portant sur les produits du crime.

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Très bien, mais je tiens à rappeler aux députés que nous parlons ici de la Loi sur l'Administration des biens saisis. Ainsi, j'estime qu'en regard de cette loi, il est tout à fait légitime de poser une question sur les propriétés saisies à la suite d'actes criminels commis par des employés d'une société d'État. Hormis ce cadre bien défini, je ne pense pas que la question soit pertinente.

    J'apprécierais donc que vous vous en teniez au sujet.

+-

    M. Leon Benoit: Monsieur le président, vous êtes en train de compliquer inutilement la chose.

    Je pourrais toujours poser ma question ainsi : des biens pourraient-ils être saisis à la suite d'une enquête portant sur une opération de blanchiment d'argent menée par le truchement de sociétés d'État?

+-

    Sdt pal Peter German: Quitte à me répéter, je n'essaie pas d'éviter votre question, mais il ne serait pas approprié que je vous parle d'enquêtes actuelles. Il existe bien des raisons pour lesquelles nous ne devons pas divulguer de renseignements au sujet des enquêtes en cours, notamment quand elles progressent encore. Je ne peux donc pas vraiment vous parler des enquêtes en cours.

    Il nous arrive de rendre publique la tenue de certaines enquêtes, notamment par la voix de communiqués de presse. Nous ne le faisons en général qu'après que des accusations ont été portées, mais il arrive que nous confirmions le fait que nous faisons enquête sur telle ou telle chose.

    Pour ce qui est du blanchiment d'argent à la suite d'enquêtes de ce genre, le mieux que je puisse vous dire, c'est que nous essayons de tenir compte des produits de la criminalité dans le cadre de toutes les enquêtes que nous effectuons et, si nous constatons que quelqu'un a reçu des biens ou des sommes liquides illicites, nous essayons d'assurer un suivi. Heureusement, dans le Code criminel, presque toutes les infractions criminelles sont des infractions entraînant une accusation dans le cas de produits de la criminalité, si bien que nous pouvons assurer un suivi de ces cas et chercher à mettre la main sur les biens illégalement acquis.

    Encore une fois, je ne serais pas à l'aise d'entrer davantage dans le détail de nos enquêtes.

+-

    M. Leon Benoit: Ainsi, il arrive souvent que vous enquêtiez mais que vous n'en fassiez pas part au public. Les enquêtes sont-elles toujours rendues publiques une fois que vous avez déposé des accusations? Est-ce que, à ce stade, vous dévoilez publiquement ce que vous faites?

+-

    Sdt pal Peter German: Dès que des accusations sont portées, notre intervention est connue parce que les documents des tribunaux sont du domaine public dans notre système de justice. La comparution d'une personne en cour marque l'amorce des poursuites et la chose devient effectivement publique à ce moment-là.

Á  +-(1140)  

+-

    M. Leon Benoit: Arrive-t-il souvent qu'une enquête soit rendue publique avant que des accusations ne soient portées?

+-

    Sdt pal Peter German: Je vais vous donner l'exemple d'une enquête sur la drogue. Il est évident que nous n'allons pas annoncer des opérations secrètes d'infiltration aux résidents d'une collectivité. C'est la dernière chose que nous voulons faire, parce qu'il ne serait plus nécessaire de poursuivre l'opération par la suite. Voilà un exemple de situation où le public n'est mis au courant de la tenue de cette enquête qu'une fois que l'affaire se retrouve devant les tribunaux et que des accusations ont été portées.

    Il peut donc y avoir de nombreuses raisons pour lesquelles les corps policiers ne veulent pas dévoiler le fait qu'ils effectuent des enquêtes.

    Il en va de même dans le cas d'enquêtes pour fraude commerciale. Il est souvent nécessaire, pour obtenir des documents clés, de remonter les pistes assez loin et nous ne voulons pas nous trahir avant d'aboutir en annonçant que nous comptons nous présenter à la porte de la société avec un mandat de perquisition en main.

    Voilà autant de raisons pour lesquelles nous ne voulons pas dévoiler le fait que nous conduisons des enquêtes. En revanche, au moment opportun, tout cela devient public.

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Très bien, merci beaucoup, monsieur Benoit.

    Monsieur Lanctôt, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Merci, monsieur le président.

    Le premier point que je vais soulever vise simplement à obtenir une réponse rapide à la lumière de ce qui vient d'être dit. Vous semblez connaître le dossier des enquêtes qui sont faites sur le Programme des commandites; c'est vous qui avez soulevé la question.

    Sans nous dire quelles sont les enquêtes, pouvez-vous nous dire combien il y en a présentement?

[Traduction]

+-

    Sdt pal Peter German: Encore une fois, je ne me suis pas muni de statistiques sur les enquêtes de corruption. Il est publiquement connu que certaines accusations ont déjà été portées dans ce qu'on appelle généralement le dossier des commandites. Il est également de notoriété publique que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada a demandé à la GRC de faire enquête sur plusieurs dossiers. Voilà donc pour les enquêtes en cours. En revanche, je suis désolé de ne pas m'être muni de statistiques, parce que je ne pensais pas que cela relevait de la compétence de ce comité.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Je veux seulement savoir le nombre d'enquêtes qui sont faites.

[Traduction]

+-

    Sdt pal Peter German: Je ne le sais pas de mémoire et je ne veux pas me risquer à une approximation.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Est-ce qu'on parle de 100, de 10 ou de 2? Il y a une différence. Sans nous donner un nombre exact, vous êtes capable de me le dire.

[Traduction]

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Monsieur Lanctôt, nous sommes ici pour parler de ce projet de loi et je doute que vos questions nous rapprochent de certains des aspects très importants soulevés par...

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: C'est très important parce qu'on parle de...

[Traduction]

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Excusez-moi. C'est moi qui parle.

    Les témoins ont mentionné des aspects très importants et nous n'arrêtons pas de revenir sur une question de statistiques. M. German a dit qu'il ne disposait pas de statistiques.

    Pourrions-nous passés au projet de loi que nous sommes chargés d'examiner?

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Il est capable de me le dire.

    Pourquoi cela a-t-il un lien? Parce que lorsqu'on parle de remboursements, l'enquête qu'il y a présentement sur le Programme des commandites est, je pense, assez reliée au dossier qu'on a devant nous aujourd'hui, monsieur le président; on parle de remboursements. Je pense que si on ne comprend pas cela, on a un problème. Donc, je pose ma question de nouveau.

    Est-ce qu'on parle de plusieurs enquêtes? Est-ce que c'est au-delà de 10 ou moins de 10? Même si vous n'avez pas le nombre exact parce que vous n'êtes pas impliqué comme tel... Vous avez soulevé la question tout à l'heure de façon spécifique. Je ne vous le demande pas de façon générale, mais juste dans celui-là. J'espère que vous êtes au courant si on a 100 enquêtes, 10 enquêtes ou si on en a plus de 2. C'est tout ce que je veux savoir. Ensuite, j'aurai d'autres questions à poser.

[Traduction]

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Monsieur Lanctôt, je suis au courant de ce qui nous réunit ici. Nous sommes ici pour examiner la Loi sur l'Administration des biens saisis et pour voir s'il y a lieu de l'améliorer.

    Je ne sais pas dans quelle mesure il est pertinent de se demander si des actes criminels faisant actuellement l'objet d'enquêtes ont été commis par un organisme ou un ministère fédéral ou encore par une société d'État. Nous devons, en revanche, étudier la question des biens saisis à la suite d'accusations au criminel et nous demander si ce texte de loi est approprié dans de tels cas? C'est de cela dont nous devons parler.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Mais c'est très important parce que...

[Traduction]

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Si vous ne revenez pas au sujet qui nous intéresse, je vais céder la parole à quelqu'un d'autre.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: ...si c'est zéro, je ne poserai pas de questions. Par contre, s'il y en a cinq ou dix, je vais lui demander s'ils font des saisies avant jugement. Cela ira avec l'application du projet de loi qu'on a devant nous. La loi existe et je veux savoir ce qu'on va faire avec cela.

[Traduction]

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Peu importe qu'il y en ait cinq, dix ou cent, quel rapport cela-t-il avec la façon dont les actifs sont gérés en vertu de ce texte de loi?

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: On va examiner le point de vue financier, la façon dont il s'y prend, ce qu'il y a dans la loi qu'il pourrait améliorer, ce qu'il pourrait faire avant. J'ai plein de choses à proposer comme applications par la suite.

[Traduction]

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Je vais vous donner une petite chance de poursuivre vos questions dans cette voie, après quoi nous passerons...

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Vous n'avez qu'à me dire oui ou non.

[Traduction]

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): ...à d'autres témoins, parce que nous sommes ici pour examiner ce texte de loi.

Á  +-(1145)  

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Est-ce que vous en avez une idée?

[Traduction]

+-

    Sdt pal Peter German: Encore une fois, je ne me sens pas à l'aise de vous fournir une estimation quant au nombre de dossiers en question. Comme je le disais, je ne me suis muni d'aucune statistique relativement au nombre d'enquêtes criminelles commerciales actuellement en cours, enquêtes qui portent notamment sur le dossier des commandites.

    Tout ce que je puis vous dire, c'est que les biens qui saisis à la suite de ces enquêtes seront effectivement administrés comme tous les autres. La partie XII.2 du Code criminel renferme des dispositions portant sur la remise de ces actifs, à supposer qu'ils aient été illégalement acquis. Ils peuvent donc être remis à des tierces parties innocentes que ce soit le gouvernement ou toute autre victime.

    Les dispositions de la Loi sur l'Administration des biens saisis sont effectivement utiles dans de telles situations. Il demeure que nous sommes dans l'hypothétique.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: C'est important et c'est là où je veux en venir, parce que si les enquêtes n'avancent pas et si on ne sait pas le nombre ni ce qui va arriver... Dans ledit dossier, il y a des compagnies présentement qui font faillite, et les montants d'argent ne seront plus là, justement, pour les remboursements.

    Me voyez-vous venir, monsieur le président? Ce serait quand même assez important qu'on le sache.

    Donc, s'il y a des enquêtes qui ne se rendent pas à terme et qu'on n'en connaît pas le nombre, alors que vous faites des enquêtes et qu'il y a présentement des compagnies qui font faillite ou qui ferment leurs portes, comment allez-vous faire, même si votre enquête est bien faite, si ça ne bouge pas? Cela fait maintenant plusieurs mois--16, 18, 19, presque 20 mois--que vous avez cela entre les mains et il n'y a pas de saisies qui peuvent se faire parce qu'il n'y a pas de jugement, parce qu'on n'a pas porté d'accusations.

    Je me pose la question suivante: si vous avez des dossiers qui sont prêts, pourquoi n'y a-t-il pas d'accusations et pourquoi n'y a-t-il pas de saisies ou de demandes à un juge pour qu'il y ait des saisies avant jugement, afin d'empêcher que ces sommes d'argent puissent être mises ailleurs ou dilapidées?

    Est-ce que cela a un lien, monsieur le président?

[Traduction]

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Eh bien, le lien est plutôt ténu. Je trouve regrettable que nous perdions notre temps sur des aspects qui ne sont pas vraiment pertinents.

    Voulez-vous répondre, monsieur German?

+-

    Sdt pal Peter German: Oui. Je vous dirais pour vous répondre très rapidement, monsieur, qu'en général les enquêtes relatives à des crimes commerciaux sont plutôt longues. Nous faisons de notre mieux, par le biais de l'affectation des ressources qui correspond à un concept de travail en équipe dans la tenue des enquêtes, pour limiter le plus possible le temps que nous passons à ce genre d'enquêtes.

    Nous nous heurtons à des contraintes sur lesquelles nous ne pouvons agir. Nous devons, par exemple, nous conformer aux dispositions de la Charte, à celles qui concernent les fouilles et les saisies, de même que les mandats de perquisition. Il faut souvent du temps pour élaborer les outils d'enquête, surtout dans le cadre d'opérations financières complexes. La juricomptabilité intervient souvent dans ces cas-là.

    Il n'est donc pas simplement question, dans des affaires de délits commerciaux, d'effectuer des coups de filet comme on le ferait pour des affaires de trafic de drogues dans la rue. Nous essayons de limiter autant que faire ce peut la durée de ce genre d'enquêtes. Comme je vous l'ai dit, si nous apprenons que quelqu'un possède des biens que nous croyons avoir été illégalement acquis, nous faisons de notre mieux pour les bloquer le plus tôt possible.

    Mais encore une fois, je ne puis vous parler des différentes enquêtes actuellement en cours.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Me reste-t-il du temps?

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen):

    Oui, un petit peu.

+-

    M. Robert Lanctôt: En vertu de la loi qu'on étudie présentement, est-ce que dans vos pratiques, autant dans ce dossier que dans un autre et surtout avec le crime organisé, vous utilisez ce qu'on appelle en droit civil des saisies avant jugement? Est-ce que vous en faites la demande au procureur de la Couronne? Vous appelez peut-être cela des perquisitions ou autrement, mais je parle de saisies de biens. Faites-vous de telles demandes, plutôt que d'attendre que le dossier soit terminé et que les biens, par exemple une maison, aient été transférés, par donation ou autrement, au nom de l'épouse de la personne visée ou au nom de son frère ou de n'importe qui d'autre? Est-ce que vous faites des saisies avant jugement?

[Traduction]

+-

    Sdt pal Peter German: C'est précisément ce sur quoi porte la partie XII.2 du Code criminel; elle permet de saisir des biens avant la condamnation. C'est effectivement ce qui nous intéresse dans ce cas, parce qu'il arrive souvent qu'il y ait un important écart entre la valeur des biens saisis et celle des biens qui seront finalement confisqués. Cela nous ramène à ce dont M. Douglas vous a parlé tout à l'heure, c'est-à-dire la différence entre les saisies et les confiscations, aux différents coûts qui sont assumés en cours de route, comme les coûts juridiques, les coûts d'entretien et autres.

    Nous essayons de saisir les biens le plus tôt possible. Nous essayons de les bloquer dès que possible, quand il s'agit de biens immobiliers ou de biens intangibles. À un moment donné, des accusations peuvent être portées et elles peuvent donner lieu à une confiscation. Les actifs sont alors rendus aux parties tierces innocentes ou au gouvernement.

Á  +-(1150)  

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Merci.

    Madame Sgro.

+-

    Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Mes questions s'adressent à M. Douglas.

    Vous avez parlé de plusieurs problèmes que soulève pour vous la Loi sur l'Administration des biens saisis. Pouvez-vous nous en dire un peu plus au sujet de l'accès aux fonds saisis dans le cas des juges et des avocats de la défense? Pouvez-vous nous parler davantage de cet aspect-là?

+-

    Agent en chef David Douglas: Je crois savoir que cela se produit assez régulièrement. Je crois que les corps policiers au Canada, qu'ils soient fédéraux, provinciaux ou municipaux, voient régulièrement cela se produire. Cela se arrive tous les jours. Nous sommes confrontés à des enquêtes très longues, complexes et coûteuses. Nous allons de l'avant et effectuons les saisies, étayons les causes sur le fond et émettons des ordonnances de blocage et, entre ce moment-là et celui où les gens passent à l'étape du procès... Je vais vous donner un exemple, celui d'une affaire à Vancouver, soit le projet Nova dont s'est occupé le service de police de Vancouver. Entre le moment de l'arrestation et celui de l'inculpation – les procédures ne sont pas encore terminées, parce qu'il y a eu appel de l'inculpation – il a fallu cinq ans. Dans ces cinq ans là, il a fallu verser des frais juridiques conséquents à ce que nous avons baptisé une défense de rêve », ce qui a entravé le processus.

+-

    Mme Judy Sgro: Ainsi, que nous soyons d'accord ou pas, force est de reconnaître que l'accusé est dans son droit, n'est-ce pas? Il n'y a sans doute pas grande chose que nous puissions faire pour empêcher cela.

+-

    Agent en chef David Douglas: Nous sommes face à un dilemme. Il faut payer la défense d'une façon ou d'une autre. L'accusé peut avoir accès à l'aide juridique, que nous payons aussi. Cette façon de procéder permet de régler toute la question de l'aide juridique, puisqu'on utilise l'argent saisi. En revanche, je ne crois pas que le grand public soit au courant. Je pense que la population serait très intéressée de découvrir que les corps policiers dépensent l'argent du contribuable et effectuent des saisies conséquentes qui sont ensuite rendues aux accusés pour leur permettre de se défendre et aussi de poursuivre leurs activités commerciales et de maintenir le mode de vie auquel ils sont habitués.

+-

    Mme Judy Sgro: Je vois ce que vous voulez dire. En revanche, je ne vois pas ce que nous pourrions changer pour empêcher cela.

    Je ne veux pas utiliser tout le temps qui m'est alloué à cela mais, si j'en ai l'occasion plus tard, je reviendrai sur cette question.

+-

    Agent en chef David Douglas: Ces dernières années, et Peter pourra sans doute vous le confirmer, le fardeau inverse de la preuve a toujours consisté à... Avant, c'est l'accusé qui devrait prouver qu'il ne possédait pas les biens concernés mais, aujourd'hui, il incombe aux policiers de prouver que la personne ne possède pas les actifs en question et, pour cela, ils doivent aller devant les tribunaux.

    J'estime qu'il faudrait contraindre les accusés à divulguer la totalité de leurs biens d'entrée de jeu, avant même qu'ils aient accès aux fonds saisis. Ce n'est pas ainsi que cela fonctionne.

+-

    Mme Judy Sgro: Parfait. Vous avez dit qu'il faudrait publier de nouvelles lignes directrices sur le partage—c'est-à-dire sur la désignation de ceux qui doivent amorcer l'enquête, qui doivent l'effectuer et sur les sommes à distribuer tout au long du processus. Avez-vous déjà été consulté vous-même ou votre association de police a-t-elle été consultée sur cette loi et sur les différents éléments du partage?

+-

    Agent en chef David Douglas: Pas à ma connaissance.

+-

    Mme Judy Sgro: Vous recommandez donc aujourd'hui, entre autres choses, que nous examinions tout ce qui touche à la consultation relativement aux décisions concernant le partage. C'est cela?

+-

    Agent en chef David Douglas: C'est cela.

+-

    Mme Judy Sgro: Combien de temps nous reste-t-il?

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Vous avez encore le temps. Continuez.

Á  +-(1155)  

+-

    Mme Judy Sgro: Je tiens à revenir sur cette autre question.

    Si la personne arrêtée était tenue de dévoiler la totalité de ses avoirs et qu'elle possède un domicile, un bateau et une Mercedes, vous serait-il possible, en attendant qu'elle soit inculpée...? Il est possible de saisir ses biens et de les conserver, mais il faut prouver ensuite qu'ils ont été illégalement obtenus.

+-

    Agent en chef David Douglas: J'ai déjà connu des situations où des gens ayant été accusés d'infractions criminelles, comme des meurtres, ont dû se procurer une seconde hypothèque sur leur résidence afin d'obtenir l'argent nécessaire pour payer leurs frais juridiques, mais nous ne sommes pas du tout dans ce cas de figure ici.

    Dans le cas qui nous concerne, les accusés peuvent mettre la main sur de l'argent qui est en fait de l'argent public ayant été saisi. C'est bien l'argent des accusés, mais ces sommes ont été saisies ce qui n'empêche qu'ils peuvent s'en servir. Ces gens-là peuvent conserver leur style de vie habituel.

+-

    Mme Judy Sgro: Jusqu'à ce que vous arriviez au stade de l'inculpation du prévenu, vous devez vous contenter de conserver ses actifs. Vous ne pouvez en disposer, parce qu'ils n'appartiennent pas encore aux contribuables. Ils appartiennent à l'inculpé jusqu'à ce que celui-ci soit reconnu coupable d'une infraction quelconque. C'est cela?

+-

    Agent en chef David Douglas: Oui, mais dans certains cas, on s'aperçoit que ces personnes qui ont une richesse tout à fait moyenne possède en fait 22 entreprises. Elles pourraient toujours vendre une partie de leurs entreprises. Il est arrivé qu'une personne possède 22 entreprises sur Internet qui continuaient de fonctionner, ce qui ne l'a pas empêché d'accéder à l'argent saisi.

+-

    Mme Judy Sgro: Bien.

+-

    Agent en chef David Douglas: Nous sommes obligés d'aller devant les tribunaux pour prouver tout cela. L'inculpé n'a rien à dévoiler. Nous devons bâtir le dossier, nous devons enquêter sur tout cela. Il est ici question de tout autre chose que des propriétés effectivement saisies auprès d'un prête-nom. Il est question de propriétés très importantes dans ce cas. Il est question de grosses entreprises qui font des millions de dollars de chiffres d'affaires, ce qui n'empêche que, pour une raison ou une autre, les intéressés peuvent mettre la main sur les fonds saisis.

+-

    Mme Judy Sgro: Très bien, merci.

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Monsieur Bryden.

+-

    M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot): Merci, monsieur le président. J'ai plusieurs questions à poser.

    La Loi sur l'Administration des biens saisis s'applique-t-elle aux organismes de bienfaisance apparaissant sur la liste des organisations terroristes? Il n'est pas rare que les organismes de bienfaisance disposent de toutes sortes de biens, financiers et immobiliers, et j'aimerais savoir ce qu'il advient de ces biens dans le cas d'un organisme installé au Canada et ayant des liens avec une organisation terroriste?

+-

    Sdt pal Peter German: Monsieur Bryden, je suppose qu'il conviendrait de poser directement cette question à des représentants de la Direction générale de l'administration des biens saisis parce que, du point de vue de la police, nous traitons ce genre d'organisme comme toute autre organisation terroriste. Si nous devions faire enquête au sujet d'une organisation de ce genre, nous saisirions ou bloquerions le bien en question et il est effectivement fort possible alors que la Direction générale des biens saisis s'occuperait du dossier ensuite. Mais comme dans votre question, vous mentionnez que cet organisme apparaîtrait sur la liste des organisations terroristes et que vous voulez donc savoir ce qu'il adviendrait de ces biens et de la façon dont ils seraient administrés...

+-

    M. John Bryden: Tout d'abord, cet organisme apparaîtrait sur la liste des organisations terroristes et je voudrais savoir si ses actifs seraient saisis et confiés à la Direction générale des biens saisis?

+-

    Sdt pal Peter German: Cela ne se ferait pas par le biais de la police. Je pense que vous devriez poser cette question à la Direction générale...

+-

    M. John Bryden: Est-ce une question à laquelle vous pouvez répondre, monsieur Douglas?

+-

    Agent en chef David Douglas: Je ne sais pas ce qui se passe effectivement... Je suis d'accord avec Peter, vous feriez mieux de poser cette question à la Direction générale des biens saisis.

+-

    M. John Bryden: Très bien. Il demeure que cela touche à certaines de vos remarques. Supposons que vous ayez affaire à un organisme considéré organisation terroriste dont les actifs sont saisis. Sont-ils saisis pour une période indéfinie? Il n'y a pas de condamnation encore. On dirait qu'il n'existe pas de procédure à cet égard. Avez-vous reçu des consignes sur la façon d'agir dans un tel cas et cela concerne-t-il l'autorité policière? Est-ce un aspect qui...?

+-

    Agent en chef David Douglas: La police est appelée à intervenir tout particulièrement dans un tel cas à cause du phénomène de convergence, à l'échelle internationale, du narcotrafic, du crime organisé et du terrorisme. Tous ces segments fusionnent à un point. Nous nous occupons de tout cela en vertu de la LABS. Comme tout cela relève de cette loi, la Direction générale des biens saisis s'occuperait d'un tel dossier.

    Nous ne manquons pas d'exemples d'organisations terroristes financées grâce aux produits de contrefaçon, comme les sacs à main, les t-shirts et autres articles écoulés dans la rue. De tels produits sont traités dans le cadre de la Loi sur les droits d'auteur. Tous les biens rattachés à une telle activité seraient retracés et finalement confiés aux soins de la Direction générale des biens saisis. Il y a donc plusieurs possibilités et il est vrai qu'on peut associer l'action au terrorisme, prise sous l'angle du crime organisé, à différents produits.

  +-(1200)  

+-

    M. John Bryden: Je vais rapidement changer de sujet. Revenons-en à votre expérience du produit de la criminalité au cours des 10 dernières années. Avez-vous constaté des tendances particulières dans le type de biens saisis? Y a-t-il plus ou moins de biens immobiliers qu'avant? Comment les choses évoluent-elles?

+-

    Agent en chef David Douglas: Je puis vous dire que les groupes criminels sont en train de passer à des délits faisant appel à la haute technologie. Le cas Starnet dont je vous parlais tout à l'heure a été mis au jour dans le cadre d'une enquête sur le jeu sur Internet. Cette enquête portait sur des activités des Hell's Angels à Vancouver. À l'époque où nous avons effectué les arrestations, la valeur boursière de la compagnie en question avoisinait les 900 millions de dollars. Je crois qu'elle avait réalisé, cette année-là, un chiffre d'affaires de 68 ou de 70 millions de dollars. On a alors assisté à la plus importante perte de l'histoire du NASDAQ en une seule journée, soit 250 millions de dollars, perte qui a été due à une société canadienne appartenant au crime organisé. Force est donc de constater que le crime organisé se lance dans d'autres domaines très lucratifs et que la manipulation des marchés boursiers en fait partie.

+-

    M. John Bryden: Je suppose que c'est un domaine qui vous intéresse tout particulièrement, parce que la valeur des biens est très élevée.

+-

    Agent en chef David Douglas: Tout à fait.

+-

    M. John Bryden: Et d'après ce que je crois comprendre, vous estimez que la loi ne permet pas vraiment de saisir ce genre d'actifs.

+-

    Agent en chef David Douglas: J'estime que nous avons besoin d'une certaine protection à cet égard, parce que, comme je l'ai indiqué dans mes remarques liminaires, il faut que la loi protège les policiers et les procureurs qui enquêtent et entreprennent des poursuites au sujet de délits commerciaux complexes et d'affaires liées aux produits de la criminalité. Nous sommes appelés, dans ce genre de cas, nous intervenons pour interrompre les activités de très grosses sociétés disposant d'importants actifs.

+-

    M. John Bryden: Y a-t-il une raison pour laquelle vous ne pouvez citer le nom de la société dont vous parlez?

+-

    Agent en chef David Douglas: Elle s'appelle Starnet Communications. Elle a été mise en accusation.

+-

    M. John Bryden: La cause a-t-elle été entendue et le dossier est-il clos dans ce cas?

+-

    Agent en chef David Douglas: Oui, mais il aura fallu trois ans. Je crois que la société a été condamnée à une amende de 100 000 $ et que 10 millions de dollars ont été confisqués.

+-

    M. John Bryden: Cette amende ne me semble pas importante, s'il a fallu dépenser tout cet argent pour coincer la société.

+-

    Agent en chef David Douglas: C'était une affaire très complexe. Il y avait des serveurs partout dans le monde grâce auxquels l'entreprise offrait des jeux en ligne. Si je ne m'abuse, cela a été le premier cas du genre dans l'histoire du Canada.

+-

    M. John Bryden: Je me demande si cela relève des gens qui s'occupent d'administrer les biens saisis, mais je me demande s'il y a des conclusions à tirer à l'analyse des tendances constatées dans ce domaine au cours des 10 dernières années. J'ai l'impression que les biens saisis sont particulièrement indicatifs d'une tendance non seulement dans le domaine du crime organisé mais aussi dans celui du financement des organisations terroristes. Est-ce que cela relève de votre compétence?

+-

    Sdt pal Peter German: Voilà une excellente question, monsieur.

    L'Initiative intégrée pour le contrôle des produits de la criminalité existe depuis 1996 à titre de projet. En 2003, elle a été financée par le budget des services votés. Avant cela, avant que l'Initiative ne soit inscrite au budget, Conseils et vérification Canada a effectué une analyse très poussée de tous les aspects du programme. En plus de ce travail effectué par CVC, plusieurs études ont été publiées au sujet des produits de la criminalité.

    Pour répondre à votre question de tout à l'heure au sujet des types d'actifs saisis, je dirais que nous avons affaire à tout l'éventail des biens possibles, ce qui s'entend bien entendu des articles de luxe et des biens immobiliers.

    Toutefois, pour en revenir à ce que disait M. Douglas, on s'aperçoit de plus en plus que, contrairement à ce qui retenait notre attention avant dans les enquêtes portant sur le blanchiment d'argent, c'est-à-dire les mouvements massifs de liquidité, les criminels sont maintenant capables de déplacer d'importantes sommes par des moyens électroniques et que le mouvement de devises a donc changé de visage. Il y a encore des transporteurs de fonds en gros, mais on assiste de plus en plus à des transferts de banque à banque, par moyens électroniques.

    Le visage de la criminalité change sans cesse, mais il y a des choses qui demeurent, comme le fait que les criminels aiment tout autant que nous les articles de luxe, ce qui veut dire que certaines choses ne changent pas.

  +-(1205)  

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Merci, monsieur Bryden.

    Pour une deuxième série, nous allons passer à M. Forseth.

+-

    M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

    Nous examinons donc la loi et nous devons tout d'abord nous pencher sur la question des capacités nécessaires pour agir du point de vue légal. Deuxièmement, nous voulons inscrire dans cette loi une certaine évolution sociale. En prenant l'argent des criminels, est-ce que nous limitons effectivement leur capacité d'agir? Quand on leur confisque leurs actifs, on réduit leur capacité d'étendre leurs activités ou même de les poursuivre. Est-ce que cela fonctionne? En fin de compte, pouvez-vous indiquer au comité ce qu'il devrait mentionner dans son rapport afin d'améliorer le texte législatif sur lequel vous vous appuyez dans votre travail?

    Il s'est dit des choses très intéressantes au sujet des organismes de bienfaisance. Parmi vos aides assis derrière vous, quelqu'un pourrait-il ajouter quelque chose sur le thème de l'amélioration de vos capacités par le truchement de la loi afin de vous aider à vous attaquer à tout ce qui touche à la criminalité et aux activités illicites d'organismes de bienfaisance?

+-

    Sdt pal Peter German: Si vous me le permettez, je commencerai par un aperçu.

    Nous sommes intimement convaincus que le mieux consiste à saisir les produits de la criminalité. Je crois pouvoir dire que les saisies effectuées au cours de la dernière décennie, très certainement depuis 1989, depuis l'adoption de la Loi sur les produits de la criminalité, ont montré qu'il y avait beaucoup d'actifs à saisir.

    Il ne faut pas perdre de vue que les criminels se livrent à des activités illicites pour une bonne raison : faire de l'argent! Ils sont motivés par l'argent. Il y a, certes, des exceptions, comme le terrorisme qui peut être motivé par la rage ou la jalousie jusqu'à pousser au meurtre. Toutefois, en règle générale, la plupart des crimes obéissent à des motifs pécuniaires. Ce faisant, dès qu'on s'attaque aux produits de la criminalité, on peut espérer réduire l'ampleur de ce genre d'activités. Nous sommes tout à fait d'accord avec ce concept et le Canada n'est certainement pas tout seul à agir ainsi. D'autres pays font la même chose et s'attaquent aux produits de la criminalité.

    Pour ce qui est du terrorisme, nous ne sommes pas en mesure... J'aimerais prendre la question en délibéré. Notre direction du renseignement sur la criminalité s'occupe des activités terroristes. À la GRC, plusieurs raisons nous ont poussés à traiter à part les enquêtes sur le financement des mouvements terroristes et les enquêtes sur le blanchiment d'argent.

    En ma qualité de directeur général de la criminalité financière, je suis responsable du programme sur les produits de la criminalité et du programme sur la criminalité commerciale, deux programmes qui relèvent du Code criminel et qui portent notamment sur le blanchiment d'argent. Tout comme le service de M. Douglas, nous nous intéressons de près au crime organisé. Nos spécialistes du renseignement criminel s'intéressent au financement du terrorisme. Ils disposent d'une unité qui se consacre à cela et qui assure la liaison avec des homologues du milieu du renseignement, au Canada et à l'étranger.

    Nous ne sommes donc pas bien placés pour répondre à des questions spécifiques portant sur le financement du terrorisme. En revanche, nous pouvons les prendre en délibéré et y répondre plus tard.

+-

    M. Paul Forseth: Des témoins nous ont parlé de la nécessité de nous doter de meilleurs moyens juridiques pour administrer les biens déjà saisis. Vous avez parlé d'un cas que vous avez qualifié de complexe. Avez-vous, dans ce cas, constaté des problèmes juridiques associés à la loi qui vous régit et qu'il faudrait régler pour vous permettre de mieux évoluer dans l'avenir?

+-

    Sdt pal Peter German: Voulez-vous parler de la cause Starnet?

+-

    M. Paul Forseth: Oui.

+-

    Agent en chef David Douglas: Non, je ne le pense pas. Je pense que la loi a donné satisfaction dans ce cas. Le véritable problème auquel nous avons été confrontés dans le cadre de cette enquête, tenait au fait qu'elle avait une envergure mondiale. Comme je le disais plus tôt, des groupes du crime organisé ont mondialisé leurs opérations et se sont lancés dans des activités criminelles portant sur divers produits. Dès qu'ils se lancent dans un domaine, ils touchent à tout. Ce qui a rendu cette enquête complexe, c'est qu'elle avait une envergure mondiale. Comme je le disais tout à l'heure, les groupes criminels avaient trois serveurs dans différentes parties du monde. Il demeure que nous avons pu utilement nous appuyer sur la loi existante.

  +-(1210)  

+-

    M. Paul Forseth: À l'analyse de cette loi, nous ne devons pas perdre de vue ce qui se fait dans d'autres pays et le genre de fondement législatif sur lequel ils s'appuient. Enviez-vous d'autres pays sur le plan législatif au point que nous ayons à en tirer certains enseignements?

+-

    Sdt pal Peter German: Le blanchiment d'argent et les produits de la criminalité sont devenus de véritables thèmes d'intervention partout dans le monde dans les années 90.

    Le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux, le GAFI, a formulé 40 recommandations relativement au blanchiment d'argent en vertu du Code criminel, recommandations qui vont dans le sens d'une sorte de norme internationale de ce que l'on attend des différents pays. Le Canada est membre du GAFI, qui se réunit régulièrement. Au fil des ans, nous avons fait de notre mieux pour mettre en oeuvre les différentes recommandations de ce groupe et nous les avons presque toutes appliquées. Il existe donc une sorte de norme internationale à cet égard.

    Au Canada, nous avons récemment mis sur pied le CANAFE, qui est un organisme de suivi des opérations financières, autrement dit un service de surveillance financière, qui fait partie d'un vaste réseau international de services du genre. Là encore, à partir des recommandations du GAFI, les pays sont en train de se doter de services de surveillance financière afin de s'attaquer à la question du signalement des transactions douteuses. Le Canada est donc essentiellement doté d'une structure lui permettant de s'attaquer au blanchiment d'argent et aux produits de la criminalité. La mise sur pied du CANAFE a été la dernière étape dans la création de la structure dont nous avons besoin pour travailler sur un même pied avec les autres pays.

    Cela dit, chaque pays a un système juridique qui lui est propre. Le nôtre est très différent de celui en vigueur aux États-Unis, même si nous nous sommes inspirés d'un même système. Il existe des différences, entre le Canada et les États-Unis, notamment dans la façon dont nous obtenons les mandats de perquisition. Aux États-Unis, il y a ce qu'on appelle le système du Grand jury, soit une chambre des mises en accusation qui n'existe pas chez nous. Nous pourrions ainsi nous éterniser sur nos différences par rapport à d'autres pays. Ailleurs, les enquêtes peuvent prendre moins de temps. Au Canada, nous devons respecter la Charte des droits et libertés dont nous sommes très fiers, mais elle nous impose des contraintes qui découlent des protections constitutionnelles qu'elle offre.

    Il est vrai que les choses fonctionnent différemment dans d'autres pays. Disposons-nous d'une structure complète en place? Oui, et elle fonctionne, mais certains aspects sont complexes.

+-

    M. Paul Forseth: Je veux enchaîner sur une question.

    Bien des maillons composent la chaîne : une fois que les services de police ont fait leur rapport, les dossiers complets sont communiqués aux procureurs de la Couronne.

    En revanche, je n'ai pas manqué de prendre note du manque de capacité du ministère fédéral de la Justice en ce qui a trait à la fraude commise par les employés. Il y a eu une affaire, qui a beaucoup retenu l'attention des médias dans la région de Kamloops, affaire à propos de laquelle le ministère a déclaré : « effectivement, un crime a été commis et nous savons ce dont il s'agit, mais nous ne pouvons pas tout attraper au passage parce que nous n'avons pas suffisamment d'avocats pour s'occuper de tous ces dossiers ». Il faut voir dans cette réponse le symbole d'un problème sempiternel : celui de mettre à disposition les ressources juridiques nécessaires pour traiter de ce genre de cas. Rien ne sert de déployer des ressources policières ni de vous doter d'une loi appropriée si, au bout du compte, le ministère de la Justice ne peut assurer de suivi jusqu'à l'étape des tribunaux.

    Que pensez-vous du lien entre les deux et de la nécessité d'augmenter les effectifs d'avocats du ministère pour faire en sorte que la loi donne effectivement des résultats.

+-

    Sdt pal Peter German: Je serai heureux de vous en parler.

    Nous avons toujours fait la différence entre...

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Excusez-moi, monsieur German, mais comme nous avons dépassé le temps qui nous était alloué, je vous invite à faire très vite.

+-

    Sdt pal Peter German: J'en serai heureux.

    Nous ne devons pas perdre de vue qu'il y a, d'une part, le ministère de la Justice et, d'autre part, les procureurs généraux des provinces qui sont aussi chargés de porter des accusations en vertu du Code criminel.

    Pour ce qui est du programme mixte des produits de la criminalité, le ministère fédéral de la Justice est un des partenaires, au même titre que la GRC. Depuis 1996, le ministère a financé des opérations en vertu de ce programme, en qualité de partenaire égal à la GRC. Nous comptons, dans chaque unité intégrée de la GRC, des procureurs qui relèvent du ministère de la Justice, soit des gens qui disposent des ressources nécessaires pour entreprendre des poursuites quand cela s'impose. Je parle ici uniquement des affaires concernant le blanchiment de produits de la criminalité, parce que les délits commerciaux sont à part.

    On se demandera toujours si le ministère dispose de suffisamment de ressources et si nous-mêmes en avons assez aussi. Il demeure que le ministère est un partenaire à part entière du programme de lutte contre le blanchiment d'argent.

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant revenir à M. Lanctôt avant de passer à M. Szabo. J'aurai ensuite deux ou trois questions à vous poser, après quoi nous mettrons un terme à cette séance.

    Je ne veux pas trop précipiter les choses, mais comme il s'agit de nos derniers témoins, je demande l'indulgence des membres du comité pour que nous passions à huis clos après la période de questions, pendant cinq à dix minutes pour déterminer la conduite à tenir après cette séance.

    Nous pourrions inviter les témoins et les fonctionnaires à sortir de la pièce mais à demeurer à notre disposition, au cas où nous voulions obtenir d'eux des éclaircissements, afin que nous puissions poursuivre nos travaux en vue de faire ultimement rapport au comité principal ou du moins d'ébaucher une réponse.

    Monsieur Lanctôt, puis M. Szabo.

  +-(1215)  

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Merci.

    Monsieur German, il y a présentement une situation alarmante dans le domaine du crime organisé au Québec. On parle de cultures hydroponiques et de champs où il y a des plantations. Or, il y a une situation un peu particulière qui se crée présentement parce que vos agents sont d'accord pour que les détachements au Québec ne ferment pas, mais vous envisagez présentement la fermeture de huit ou neuf détachements à l'intérieur du Québec. Vos propres policiers, les élus et la population ont de la difficulté à comprendre. On a augmenté les fonds pour contrer le crime organisé et on enlève une portion très importante, je pense, pour régler la situation des cultures hydroponiques et des champs de plantation, qui sont vraiment terribles pour le Québec.

    La situation est la suivante. Pour les gens, il faut qu'il y ait apparence de sécurité. Or, on sait comment cela fonctionne dans les champs où il y a des plantations et dans les cultures hydroponiques: ce sont les gens qui font des dénonciations, qui portent plainte. Si vous enlevez les bureaux à l'intérieur de ces régions-là, comment les gens vont-ils se sentir? Comment peut-il y avoir apparence de sécurité s'ils sont obligés de partir et d'aller à Québec ou à Drummondville parce que les postes de Roberval, de Joliette et d'un peu partout ailleurs sont fermés et qu'ils sont obligés de se rendre dans les grands centres? Déjà les gens ont peur. Qu'est-ce que vous pouvez dire et surtout ne pas dire quant à ce que sera votre décision? Je comprends que vous allez me dire que vous êtes en train d'étudier la question, mais l'étude est déjà faite. Vous allez me parler de consultations, mais les consultations, vous les avez faites. Il ne faut pas attendre, parce qu'il ne faut pas qu'on décide de les fermer. Il faut les maintenir. Même vos agents nous le disent. Quelle sera l'intention, et quand allez-vous donner une décision claire disant qu'on ne touchera pas à cela?

    Je vois ce que les fonctionnaires nous ont donné...

[Traduction]

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Excusez-moi de vous interrompre, mais j'aimerais que vous situiez vos questions ou commentaires dans le contexte de la Loi sur l'Administration des biens saisis, qui est la raison pour laquelle nous nous sommes réunis aujourd'hui.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Oui. Je prends les chiffres que nous ont donnés les deux derniers témoins. Je ne sais pas si vous étiez ici la semaine dernière, mais on parle de cultures hydroponiques et de saisies. Ce qui m'a étonné, c'est qu'on a parlé de 7 601 dossiers réglés pour un montant de 236 000 $ seulement sur une période couvrant de septembre 1993 à septembre 2003. J'ai de la difficulté à comprendre comment il se fait que les sommes d'argent ne sont pas plus élevées en ce qui a trait aux saisies dans le domaine des cultures hydroponiques et de tout ce qui concerne les drogues.

[Traduction]

+-

    Agent en chef David Douglas: Je peux répondre à cette question parce qu'en Colombie-Britannique, où est née la culture hydroponique de la marihuana, nous nous sommes très vite penchés sur ce problème. Nous avons affaire à une structure de type cellulaire, puisque dans cette industrie, on recense disons 100 à 150 planteurs indépendants appartenant à une seule cellule coordonnée par quatre ou cinq intermédiaires tout au plus.

    Dans le cadre de nos enquêtes actuelles, nous appliquons un plan coordonné axé sur les renseignements dont nous disposons sur la cellule visée et nous analysons les renseignements recueillis. Il est très facile de déterminer qui sont les quatre ou cinq responsables de la cellule. Nous les identifions par des points rouges sur nos tableaux récapitulatifs. Nous ciblons ensuite l'étape où convergent le produit fini et l'argent et nous obtenons des résultats particulièrement probants. Dans un cas, dont s'est occupée la Sûreté de l'Ontario, nous avons saisi des tonnes de marihuana, plus de 22 millions de dollars en biens et en liquide, dont 3,9 millions de dollars cachés dans le mur d'un appartement, somme dont je vous ai parlé plus tôt.

    Nous partons donc des renseignements que nous recueillons. Nous ciblons stratégiquement les cellules en question, nous obtenons d'excellents résultats non seulement pour perturber leurs opérations mais pour y mettre un terme.

  +-(1220)  

+-

    Sdt pal Peter German: Permettez-moi d'ajouter une chose. Nos ressources n'ont pas été diminuées dans le cas des enquêtes portant sur les produits de la criminalité dans la Belle province. Nous disposons d'une unité mixte des produits de la criminalité à Québec et à Montréal. Il y a également des enquêteurs dans ce domaine à Sherbrooke. Il n'y a pas eu de réduction d'effectif et rien n'est prévu dans ce sens.

    Je suis d'accord avec ce que viens de dire mon voisin pour affirmer que toutes nos opérations policières doivent être fondées sur le renseignement et que nous devons être stratèges dans ce que nous cherchons à faire, c'est-à-dire à nous attaquer au crime organisé.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: En ce qui concerne les bureaux sur les lieux, est-ce que vous pouvez me donner une réponse sur la fermeture des huit ou neuf postes ou détachements de la GRC?

[Traduction]

+-

    Sdt pal Peter German: Excusez-moi, monsieur Lancôt...

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): C'est hors sujet.

    Je vais maintenant céder la parole à M. Szabo.

+-

    M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci.

    Quand cette loi a été adoptée, on a prévu qu'elle ferait l'objet d'un réexamen au bout d'un certain temps. Nous ne pouvons pas modifier le projet de loi. Nous pouvons simplement faire rapport sur ce que nous avons entendu à l'occasion de cet examen. J'estime qu'il y a deux aspects importants à retenir de tout cela.

    M. German a déjà assez bien précisé qu'il n'avait pas de véritable problème avec la façon dont la loi se présente actuellement. Monsieur Douglas, j'ai cru comprendre que vous n'êtes pas vraiment d'accord avec cela et il serait utile que vous indiquiez au comité si, selon vous, il y aurait lieu de modifier certaines dispositions de la loi pour que nous réalisions plus efficacement les objectifs du projet de loi.

+-

    Agent en chef David Douglas: Je vais reprendre ce que j'ai dit plus tôt. J'estime qu'il est nécessaire de disposer de certaines lignes directrices relativement au processus de détermination de la part des produits de la criminalité qui doit revenir à chacun. Pour l'instant, le processus n'est pas transparent et j'estime qu'il faudrait le rendre transparent. Comme je le disais en vous donnant un exemple, comment peut-on arriver à conclure que vous avez contribué de façon importante ou encore de façon prédominante à une enquête? Il n'y a pas de ligne directrice expliquant la différence entre les deux.

+-

    M. Paul Szabo: Vous avez dit qu'il faudrait préciser les lignes directrices, mais d'un autre côté vous affirmez qu'il n'en existe pas. Existe-t-il des lignes directrices régissant le partage des biens confisqués?

+-

    Agent en chef David Douglas: Je n'en ai jamais vu, hormis ce qui est précisé dans la loi.

+-

    M. Paul Szabo: J'aimerais demander aux fonctionnaires s'il y a des lignes directrices régissant la répartition des biens. C'est assez important.

+-

    M. Rick Lauzon (directeur, Direction de la gestion des biens saisis, ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux): Comme je l'ai dit dans mon témoignage, à l'heure actuelle c'est le ministère de la Justice qui détermine la répartition. Dans tous les cas de figure, le procureur de la Couronne est invité à donner son avis professionnel quant à l'importance, prédominante ou déterminante, des renseignements fournis par les corps policiers municipaux ou provinciaux ou par la Gendarmerie royale. Ce sont des professionnels sur le terrain qui tranchent quant à la valeur des renseignements fournis par les corps policiers en vue de confisquer les actifs visés au nom de Sa Majesté du chef du Canada.

+-

    M. Paul Szabo: Dois-je comprendre que la répartition des biens entre les différents intervenants se fait essentiellement au cas par cas? Si tel est le cas, il peut être très difficile de formuler un modèle empirique pour régir la répartition.

+-

    M. Rick Lauzon: Vous avez tout à fait raison.

+-

    M. Paul Szabo: C'est bien.

    Monsieur Douglas, pensez-vous que la loi présente un autre défaut que nous devrions corriger pour parvenir aux objectifs stipulés? J'ai cru comprendre qu'il y a place pour l'amélioration. Quelqu'un a recommandé que l'on confie au ministère des Travaux publics l'aliénation des biens confisqués, parce qu'il est déjà spécialisé dans ce domaine, mais nous pourrions peut-être confier ce travail à d'autres entités. Les ministères pourront toujours penser que cela se ramène à une simple question de productivité. Mais ceux qui sont régis par cette loi, comme vous, estimez-ils être en mesure de faire correctement leur travail et, dans la négative, où le bât blesse-t-il?

  +-(1225)  

+-

    Agent en chef David Douglas: Je ne vois pas de problème à la façon dont s'articule actuellement la loi. C'est plutôt le processus de consultation qui nous pose problème, en ce qui a trait à la définition de la nature de l'information ou de la participation des corps policiers. On a dit que le ministère de la Justice a tenu des consultations, mais je n'ai encore rien vu à cet égard. C'est de cela dont nous voulons parler. Nous voulons que le processus de consultation soit visé par des lignes directrices pour que l'on applique la même approche à l'échelle du Canada, parce qu'il faut que les choses soient cohérentes.

+-

    M. Paul Szabo: Monsieur le président, je pense avoir posé toutes mes questions.

    Je tiens simplement à mentionner que les témoins semblent ne pas avoir de difficulté avec la façon dont fonctionne la loi actuelle, mais que non seulement ces témoins mais aussi ceux du ministère des Travaux publics ont dit estimer qu'il y aurait lieu de modifier deux ou trois choses pour améliorer la productivité ou préciser certains aspects. Nous pourrons sans doute en parler dans un rapport que nous adresserons au ministre en vue de modifier ultérieurement le projet de loi.

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Merci, monsieur Szabo.

    Comme le nom de M. Benoit était sur la liste, je vais lui donner huit minutes de plus.

+-

    M. Leon Benoit: Effectivement, je voulais poser des questions semblables à celles soulevées par M. Szabo, mais je vais le faire de façon plus directe.

    Aimeriez-vous, messieurs, que l'on apporte des modifications à cette loi? Vous êtes venu ici pour témoigner au sujet de ce texte. Vous le connaissez. Vous travaillez souvent en vertu de cette loi. Pensez-vous qu'il faille apporter certaines modifications à la Loi sur l'Administration des biens saisis?

+-

    Sdt pal Peter German: Je dirais non en ce qui me concerne.

+-

    Agent en chef David Douglas: Non, pas au-delà de ce que j'ai mentionné relativement à la politique entourant l'application de cette loi, ce qui pourrait exiger des modifications à loi par répercussion.

+-

    M. Leon Benoit: Cela pourrait donner lieu à des changements. Que voulez-vous dire quand vous parlez de processus de conservation? Cela semble vous préoccuper.

+-

    Agent en chef David Douglas: De consultation...

+-

    M. Leon Benoit: ...de consultation, mais vous avez aussi parlé de conservation. Je crois que vous avez bien mentionné les deux choses.

+-

    Agent en chef David Douglas: Non, j'ai sans doute voulu parler de consultation.

+-

    M. Leon Benoit: Vous avez effectivement parlé du processus de consultation mais, pour l'améliorer, quel genre de changement devrait-on apporter à la loi?

+-

    Agent en chef David Douglas: Je crois que tout cela nous ramène à toute la question du processus de partage. Comment arrive-t-on à déterminer qu'une contribution a été prédominante ou importante plutôt que minime? Tout ce que je peux vous dire, c'est que ce genre de décision a des conséquences financières importantes pour les provinces. Si une enquête coûte à elle seule 22 millions de dollars et qu'on décide que vous y avez contribué de façon importante, cela veut dire que vous allez recevoir pas mal d'argent du fonds constitué par les produits de la criminalité ayant été confisqués. Une telle décision a des conséquences pour les corps policiers qui peuvent en bénéficier.

+-

    M. Leon Benoit: Ainsi, tout ce qui vous préoccupe, c'est la répartition des produits de la criminalité.

+-

    Agent en chef David Douglas: De même que la définition qui entoure la nature de cette participation et la nature de l'enquête.

+-

    M. Leon Benoit: Un peu plus tôt, j'ai pu comprendre que vous avez émis certaines réserves au sujet de la possibilité, pour les avocats de la défense, de récupérer une partie des produits de la criminalité avant que la cause ne soit complètement jugée. Estimez-vous que nous devions changer quoi que ce soit à cet égard dans le projet de loi?

+-

    Agent en chef David Douglas: Je dois vous dire que les avocats se sont bien servis non seulement dans le affaires en question, mais que tout l'argent saisi est allé dans un fonds commun et qu'ils se sont également bien servis dans ce fonds. Ainsi, il n'est pas simplement question de l'argent saisi, mais de beaucoup plus.

+-

    M. Leon Benoit: Il n'y a aucun moyen pour nous de modifier la loi afin de régler ce problème.

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Monsieur German.

+-

    Sdt pal Peter German: Je vais commencer par le dernier aspect que vous avez soulevé. Il est ici question de la partie XII.2 du Code criminel qui traite du droit de l'avocat de la défense d'être payé à partir des biens saisis. Cela n'a rien à voir avec la Loi sur l'Administration des biens saisis.

  +-(1230)  

+-

    M. Leon Benoit: Nous pourrions peut-être examiner cette question en comité ou la référer au Comité de la justice ou que sais-je encore.

    De toute façon, c'est une chose que vous voudriez que nous examinions. Ce n'est pas dans la loi en tant que tel, mais cela a un effet sur la façon dont fonctionne la loi.

    Y a-t-il quoi que ce soit d'autres?

+-

    Sdt pal Peter German: J'aimerais revenir sur le premier aspect que vous avez soulevé au sujet du partage. Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, nous sommes d'accord avec la notion de partage parce qu'il ne faut pas oublier que les enquêtes menées correspondent de plus en plus à des opérations intégrées faisant appel à la collaboration de plusieurs corps policiers. Pour être efficaces, nous devons miser sur l'effet multiplicateur de nos ressources. La GRC ne peut prétendre aboutir à elle seule. C'est cela qui est merveilleux dans l'Initiative intégrée pour le contrôle des produits de la criminalité. Nous aimerions donc qu'une fois tout réglé, les services ayant participé aux enquêtes puissent, d'une façon ou d'une autre même si c'est indirectement, bénéficier des retombées de l'opération. C'est cela, je crois, ce que voulais dire M. Douglas. Nous sommes très certainement d'accord avec ce principe. En revanche, la façon dont cela se fait, les mécanismes mis en place ne sont pas de mon ressort. Il demeure que ce concept est très intéressant et que nous sommes d'accord avec le principe.

+-

    M. Leon Benoit: Monsieur Douglas, vous avez aussi dit qu'il faudrait obligé les inculpés de tout dévoiler d'entrée de jeu. Il s'agit, là aussi, d'un aspect qui échappe à la portée de cette loi parce qu'il relève du Code criminel et qu'on ne pouvait pas en traiter dans cette loi, du moins d'après ce que vous nous dites.

+-

    Agent en chef David Douglas: C'est exact.

+-

    M. Leon Benoit: Très bien, je vous remercie.

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Merci, monsieur Benoit.

    Monsieur Lanctôt, pour une intervention très brève.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Je trouve que l'idée est excellente. On dit que ce sont les avocats de la défense qui vont prendre le plus gros des biens. Au civil, en matière d'hypothèque, on parle de priorités. Lorsqu'on fait une publicité des biens, on est au premier rang, au deuxième rang, au troisième rang; il y a des priorités. Je me demande si on pourrait faire la même chose dans cette loi: établir un ordre de priorité, mettre l'argent en fidéicommis et faire en sorte qu'il y ait un partage. Un certain montant d'argent serait réservé pour les avocats, car il faut quand même qu'ils aient le droit de se défendre, et il y aurait un ordre de priorité d'établi. Je pense qu'on pourrait étudier cette fonction-là, qui pourrait permettre, justement, que les sommes d'argent n'aillent pas toutes à l'avocat de la défense, qu'il en reste. Autant cela existe en droit civil pour les hypothèques, autant je pense que c'est quelque chose dont l'étude serait très envisageable. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais cela pourrait être intéressant.

[Traduction]

+-

    Sdt pal Peter German: Cela nous ramène, une fois de plus, à la partie XII.2 du Code criminel, plutôt qu'à la Loi sur l'Administration des biens saisis parce que la possibilité pour la défense d'accéder aux fonds saisis est couverte par la partie XII.2.

    Comme nous l'avons dit plus tôt, c'est un dilemme qui nous poursuit. Dans la plupart des infractions criminelles, les accusés n'ont pas accès à leurs fonds pour payer leur défense, mais ici, ce droit leur est consenti. D'un autre côté, comme nous saisissons ou bloquons leur gagne-pain ou leurs liquidités, ils n'ont pas accès à des biens qu'ils utiliseraient normalement.

    Il y a aussi tout le problème des sommes versées à la défense ou des montants auxquels elle peut accéder et qui, dans bien des cas, sont nettement supérieurs au tarif de l'aide juridique. Je crois, d'ailleurs, que M. Douglas vous en a parlé.

    Voilà donc les problèmes qui se posent. Il s'agit de problèmes complexes dans les deux sens. Il vous appartient normalement, à vous mesdames et messieurs assis autour de cette table, de décider s'il faut ou non adopter des amendements. Nous n'avons que souligné le fait qu'il s'agit d'un problème.

    Une importante somme disparaît entre l'étape de la saisie et celle de la confiscation. On est en droit de se demander si cela est convenable à la façon dont les choses sont actuellement structurées. Y a-t-il des changements à apporter? Faudrait-il améliorer les choses? Voilà autant de questions dont vous pourriez parler dans le cadre d'une autre tribune. Quoi qu'il en soit, rien de cela ne peut être réglé spécifiquement par la voix de la Loi sur l'Administration des biens saisis.

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Merci beaucoup.

    J'ai deux questions à vous poser.

    Monsieur Douglas, vous avez dit que les saisies de liquidités permettent de subventionner les saisies de biens immobiliers, autrement dit de propriétés qu'il faut administrer. Soutenez-vous que c'est une mauvaise façon de procéder, que c'est injuste, ou formuliez-vous simplement un commentaire en passant?

    Personnellement j'ai l'impression que, pour entretenir des propriétés, il faut bien trouver l'argent quelque part.

+-

    Agent en chef David Douglas: Tout à fait. Ce n'était qu'un commentaire pour attirer votre attention sur la chose. Il demeure qu'il s'agit d'une tendance et qu'apparemment les coûts ont considérablement augmenté au cours des cinq dernières années.

    Le sommaire que je vous ai montré ne remonte qu'à 2001. Je dirais que ces coûts ont augmenté encore plus au cours des deux dernières années. Voilà, je pense, quel est le problème.

    Je me répète, tout cela est dû au processus de planification de l'administration des actifs. Je pense que les corps policiers, en consultation avec l'organisme chargé de l'administration des biens saisis, pourraient faire beaucoup afin de déterminer la valeur des propriétés parce qu'il arrive qu'elles ne valent rien, si ce n'est le prix du terrain sur lesquels les maisons sont construites. La banque qui détient l'hypothèque peut toujours se dire que la propriété vaut 500 000 ou 600 000 $, mais en réalité, la maison ne vaut pas plus que la terre sur laquelle elle est bâtie parce que plus personne ne peut habiter dans une maison où l'on a fait pousser de la marihuana.

  -(1235)  

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Très bien. J'ai une dernière question.

    Le ministère a formulé deux recommandations et je crois d'ailleurs que M. Szabo vous en a mentionné une. Il est question de la DGBS qui, selon un système de recouvrement des frais, offre ses services aux autres gouvernements. Selon vous, cette formule donne-t-elle lieu à des problèmes autres que celui mentionné par M. Szabo, à savoir que le gouvernement doit décider si cela est logique sur le plan économique ou commercial? Qu'en pensez-vous?

    Deuxièmement, le ministère a aussi recommandé que la DGBS ait le pouvoir de renouveler les paiements hypothécaires sur les propriétés qu'elle administre. À l'heure actuelle, seul le ministre des Finances a un pouvoir d'emprunt au nom de Sa Majesté. Verriez-vous un quelconque inconvénient à ce que le gouvernement s'engage sur cette voie?

+-

    Sdt pal Peter German: Non et non.

    Pour ce qui est de l'administration des propriétés saisies dans le cadre d'autres activités, cela ne nous concerne vraiment pas dans la mesure où cela ne nous gêne pas du tout tant que la DGBS parvient à faire les liens nécessaires entre activités, dans le cadre de son système de comptabilité.

    Quant à la capacité d'administrer correctement les biens immobiliers, notamment par le renouvellement d'hypothèques et autres, j'estime que cela est tout à fait logique.

+-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Monsieur Douglas.

+-

    Agent en chef David Douglas: Je n'ai rien à ajouter.

-

    Le président suppléant (M. Roy Cullen): Même chose donc. C'est parfait.

    Merci beaucoup, monsieur German et monsieur Douglas.

    Je voudrais que nous passions maintenant à huis clos pendant quelques minutes. Je vais inviter les témoins et les fonctionnaires à sortir de la salle pendant quelques instants mais à demeurer à portée de main au cas où nous ayons des questions à leur poser ou des précisions à leur demander.

    [La séance se poursuit à huis clos.]