FAIT Réunion de comité
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 30 mars 2004
¹ | 1535 |
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)) |
M. Marc Lortie (sous-ministre adjoint (Amériques), ministère des Affaires étrangères et du Commerce international) |
¹ | 1540 |
Le président |
M. Guillermo Rishchynski (vice-président, Direction générale des Amériques, Agence canadienne de développement international) |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.)) |
Commodore Jacques Gauvin (chef d'état-major J3, ministère de la Défense nationale) |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC) |
M. Marc Lortie |
º | 1605 |
º | 1610 |
M. Stockwell Day |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ) |
M. Marc Lortie |
º | 1615 |
Mme Francine Lalonde |
M. Marc Lortie |
M. Guillermo Rishchynski |
º | 1620 |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.) |
M. Marc Lortie |
º | 1625 |
M. Paul Harold Macklin |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
M. Paul Harold Macklin |
M. Marc Lortie |
º | 1630 |
Cmdre Jacques Gauvin |
M. Guillermo Rishchynski |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD) |
º | 1635 |
M. Marc Lortie |
º | 1640 |
M. Guillermo Rishchynski |
º | 1645 |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre) |
M. Marc Lortie |
º | 1650 |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.) |
º | 1655 |
M. Guillermo Rishchynski |
M. Raymond Simard |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.) |
M. Marc Lortie |
» | 1700 |
M. Guillermo Rishchynski |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
Mme Diane Vermette (directrice, Section Haïti, Cuba et République dominicaine, Direction générale des Amériques, Agence canadienne de développement international) |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
M. Leo Adler (directeur des affaires nationales, Les amis du Centre Simon Wiesenthal pour l'étude le l'Holocauste) |
» | 1710 |
» | 1715 |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
M. Stockwell Day |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
Mme Francine Lalonde |
» | 1720 |
M. Leo Adler |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
L'hon. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.) |
M. Leo Adler |
» | 1725 |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
Mme Alexa McDonough |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
M. Paul Harold Macklin |
» | 1730 |
M. Raymond Simard |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
M. Leo Adler |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 30 mars 2004
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité reprend son étude sur la situation en Haïti.
Nous recevons les témoins suivants cet après-midi.
[Français]
du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, M. Marc Lortie, sous-ministre adjoint (Amériques), et M. Christian Lapointe, directeur, Direction des Antilles et de l'Amérique centrale.
[Traduction]
De l'Agence canadienne de développement international, M. Guillermo Rishchynski, vice-président de la Direction générale des Amériques et Mme Diane Vermette.
[Français]
directrice, Section Haïti, Cuba et République dominicaine, Direction générale des Amériques.
[Traduction]
Nous avons également parmi nous, du ministère de la Défense nationale, M. Jacques Gauvin, chef d'état-major.
Nous allons commencer par M. Marc Lortie.
[Français]
La parole est à vous, monsieur Lortie.
M. Marc Lortie (sous-ministre adjoint (Amériques), ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais saluer les membres de votre comité et leur dire à quel point le dossier sur Haïti est un dossier qui non seulement occupe beaucoup de notre temps en ce moment, mais qui occupe ou a occupé aussi beaucoup de leur temps en leur présente capacité ou anciennement. Je constate la présence de Mme Marleau, qui a eu à traiter du dossier sur Haïti pendant de nombreuses années lorsqu'elle était ministre responsable de l'ACDI.
Avec mes collègues je vais partager la tâche de nos présentations respectives. Je voudrais résumer le texte de ma présentation. Je sais, monsieur le président, que vous avez d'autres obligations, alors j'aimerais que ma présentation soit inscrite au procès-verbal du comité comme telle. Le dossier sur Haïti est un dossier qui nous préoccupe et nous a préoccupé depuis de nombreuses années. J'aimerais, en trois points, résumer l'action du gouvernement canadien.
Depuis l'arrivée au pouvoir du président Aristide, en mai 2000, nous avons accompagné le régime du président Aristide de façon très étroite, pour s'assurer que les conditions politiques répondent à la nature démocratique du nouveau régime en Haïti. La démocratie a toujours été le fer de lance, le moteur principal de l'action du gouvernement canadien, et ce, je dois dire, depuis de nombreuses années, certainement depuis le retour, en 1994, du président Aristide. C'était le cas à la fin de la décennie des années 1990 et, finalement, lors des élections présidentielles qui ont été précédées par des élections législatives plutôt catastrophiques.
Alors, pendant trois années et demie, nous avons travaillé avec les autres membres de la communauté internationale, principalement avec l'Organisation des États américains, pour s'assurer que les conditions politiques à l'enracinement d'une culture démocratique puisse s'instaurer en Haïti.
La tension a augmenté depuis le 5 décembre dernier. Les troubles universitaires ont créé une très grande tension politique en Haïti et cette tension a augmenté dans la rue et ailleurs en Haïti, menant au départ du président Aristide, le 29 février dernier.
L'action du gouvernement canadien a d'abord été sur le plan de la protection des Canadiens. Nous avons, pendant les derniers jours du régime Aristide, dépêché l'armée canadienne pour procéder à l'évacuation volontaire de nos Canadiens. Ensuite, elle s'est dirigée vers les Nations Unies où l'action, avec le départ du président Aristide, a mené à une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, la résolution 1529, qui a créé une force intérimaire multilatérale en Haïti, en donnant un mandat très précis de procéder à la stabilisation de ce pays.
Depuis ce temps, nous avons été engagés dans une très grande activité diplomatique, notamment avec nos amis du CARICOM, nos amis des Caraïbes avec qui nous avions développé, au cours des derniers mois de 2003 et des premières semaines de 2004, un plan d'action pour dégager des conditions politiques nécessaires en Haïti. Nous avons continué notre activité diplomatique avec les pays des Caraïbes et, à cet égard, ils ont tenu un sommet, la semaine dernière, où ils ont eu beaucoup de difficulté à accepter le départ du président Aristide et à tourner le chapitre vis-à-vis Haïti.
À l'heure actuelle, c'est un secteur de concentration du gouvernement canadien, avec les pays amis des Caraïbes, sur l'activité diplomatique.
Il y a une deuxième activité très précise à la fois dans le contexte des Nations Unies et dans celui de l'OEA. Comment amener les Nations Unies et comment amener l'OEA, dans les circonstances actuelles, à jouer un rôle précis, constructif et complémentaire en Haïti?
La troisième composante, dont mes collègues de l'ACDI pourront parler plus à fond, c'est le rôle de la communauté internationale dans l'assistance humanitaire, dans la reconstruction à moyen et à long terme d'Haïti.
Enfin, sur le plan du rétablissement de la présence canadienne en Haïti, nous avons, cette semaine, procédé au retour des diplomates canadiens qui avaient été évacués dans les dernières semaines du mois de février, non seulement au retour des diplomates eux-mêmes mais de leurs dépendants. Cela vaut également pour les ressortissants canadiens qui, petit à petit, retournent maintenant en Haïti à leurs occupations traditionnelles.
La situation politique y est fragile en ce moment: arrivée d'un président intérimaire, d'un premier ministre intérimaire, d'un gouvernement intérimaire. C'est une situation fragile que nous accompagnons de jour en jour. Il y a engagement de la part du Canada à accompagner, avec la communauté internationale, ce nouveau gouvernement et un engagement à renforcer la gouvernance démocratique en Haïti.
Le premier ministre a fait part de l'engagement du Canada à jouer un rôle de premier plan en Haïti; il est allé rencontrer la diaspora, la communauté haïtienne à Montréal. Le ministre des Affaires étrangères, comme certains d'entre vous l'ont entendu, s'est également prononcé à plusieurs reprises, à la Chambre des communes, sur l'engagement du gouvernement canadien. Le ministre Coderre, à titre de ministre de la Francophonie, a également, lors du passage de l'ancien président Diouf à Montréal, engagé le gouvernement canadien au côté de la Francophonie dans la reconstruction d'Haïti.
La tâche est immense, mais la détermination du gouvernement canadien et de l'ensemble des ministères est une détermination redoublée, pour s'assurer, cette fois, que les investissements et notre engagement puissent donner des résultats concrets, positifs pour le peuple haïtien.
Je vais terminer ma présentation ici et on procédera peut-être plus à fond lors de la période de questions.
¹ (1540)
[Traduction]
Le président: Thank you very much.
Avant de donner la parole à M. Rishchynski, je voudrais simplement signaler au comité que je vois qu'il y a quorum. Le greffier vient de me dire que, ce matin, il a envoyé un courriel à tous les membres du comité pour les informer qu'à la suite de notre débat de jeudi dernier sur les auteurs d'attentats suicides, M. Day s'est mis en rapport avec M. Leo Adler, du Centre Simon Wiesenthal, pour lui demander de s'adresser à notre comité. M. Adler est un expert en droit international spécialiste de la question et il sera probablement disponible cet après-midi à 17 h 15 pour parler au comité pendant 15 minutes à la fin de cette séance. Je voulais simplement vous le faire savoir et déterminer si tout le monde était d'accord là-dessus.
Des voix : D'accord.
Le président : Merci.
Je cède donc maintenant la parole à M. Rishchynski.
[Français]
M. Guillermo Rishchynski (vice-président, Direction générale des Amériques, Agence canadienne de développement international): Merci beaucoup, monsieur le président.
Premièrement, j'aimerais beaucoup vous remercier de cette invitation à partager avec vous l'expérience de l'Agence canadienne de développement international en ce qui concerne Haïti. On aimerait profiter de l'occasion pour vous présenter un peu les leçons apprises de la coopération canadienne dans ce pays, et en particulier l'approche stratégique que l'on a développée suite à ce bilan.
La précipitation des événements des derniers mois nous a démontré à quel point l'approche que nous avons proposée s'adapte au contexte actuel en Haïti. Je pense que cela nous a permis de répondre d'une façon assez rapide aux besoins des Haïtiens et, en même temps, de considérer les leçons de notre programmation qui a débuté en Haïti à la fin des années 1960.
Quand le président constitutionnel d'Haïti, M. Aristide, est retourné dans son pays en 1994, cela a suscité l'espoir, dans la communauté internationale et pour les Haïtiens, que le pays entrait finalement dans une nouvelle ère démocratique et que le développement durable suivrait.
À ce moment-là, l'ACDI a d'abord financé des programmes d'aide alimentaire et de construction d'infrastructures à haute intensité de main-d'oeuvre. Pour soutenir le retour à la constitutionnalité, nous avons appuyé des initiatives visant la démocratie et la bonne gouvernance, notamment par le renforcement institutionnel des structures publiques. Les résultats décevants dans ce secteur et la situation politique volatile nous ont poussés à adopter un mode de programmation sélective, et nous avons, entre autres, mis en place des fonds décentralisés gérés localement afin de répondre aux opportunités et de mieux gérer les risques.
De 1994 à 2002, la contribution d'aide canadienne en Haïti était de 273 millions de dollars, approximativement 77 millions de dollars dans le domaine des besoins humains fondamentaux, 62 millions de dollars dans les projets des droits de la personne et de la gouvernance, 72 millions de dollars pour appuyer les projets d'initiative locale et 7 millions de dollars pour appuyer le développement du secteur privé.
Mais en 2001-2002, le Canada et les autres bailleurs de fonds ont trouvé des difficultés à travailler en Haïti à cause de la situation politique dans le pays.
¹ (1545)
[Traduction]
À l'époque, en 2001-2002, le Canada, à l'instar de plusieurs autres donateurs comme la Banque mondiale, a décidé de réévaluer sa contribution à Haïti au cours des huit années précédentes depuis le retour du gouvernement constitutionnel et du président Aristide. Les leçons tirées de cette période de huit ans de travail par la communauté internationale en Haïti pour appuyer l'ordre constitutionnel ont conduit à environ sept conclusions, qui ont commencé à influer sur la pensée à long terme ici au Canada en ce qui concerne nos programmes dans ce pays.
Nous avons reconnu que toute stratégie de coopération au développement en Haïti devait reposer sur une solide connaissance de l'histoire et de la culture socio-politique du pays, car en réalité, membres du comité, en 1994, nous pensions tous qu'il s'opérait en Haïti une transition vers la démocratie alors que dans les faits, la crise dans le pays allait prendre de l'ampleur.
Nous avons reconnu que pour être une réussite, la contribution du Canada en Haïti devait reposer sur une approche pangouvernementale, sur une collaboration étroite avec nos collègues du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, avec les membres de la GRC et du cabinet du solliciteur général ainsi qu'avec beaucoup d'autres ministères au Canada participant aux efforts tendant à assurer le développement en Haïti.
Nous avons reconnu que notre contribution devrait être ciblée, mais assez souple pour profiter de toutes les occasions qui s'offrent de soutenir des changements structurels dans le pays, parce que les donateurs, la société civile haïtienne et le gouvernement d'Haïti doivent en arriver à un consensus concernant un cadre global de politiques et de gouvernance qui guidera toutes les initiatives de développement en Haïti, si on veut qu'elles réussissent. Il est clair qu'en 1994 et 2002, ce consensus a disparu.
Il est clair également pour nous que dans un contexte aussi difficile que celui d'Haïti, des résultats durables ne peuvent être obtenus qu'à très longue échéance. Or, durant une si longue période, il y a un grand risque d'erreurs et d'échecs. Nous reconnaissons également que pour assurer la coopération au développement en Haïti, il est essentiel de créer une solide base institutionnelle à longue échéance, faute de quoi, les résultats obtenus ne seront que d'ordre humanitaire.
Cette réévaluation en 2001-2002 a mené à l'élaboration d'une nouvelle approche stratégique concernant la contribution du Canada en Haïti, pour guider nos programmes au cours des 15 prochaines années. Cette nouvelle stratégie à l'égard d'Haïti était fondée sur la souplesse, sur le dialogue et sur la recherche d'agents du changement et de nouveaux partenaires du développement au sein de la société civile, du secteur privé et d'autres niveaux de gouvernement. Cette stratégie visait à réaliser des progrès à court terme et à développer des capacités durables au sein du gouvernement. Cette approche constituait une réponse à une situation de crise, l'objectif étant de limiter les effets négatifs et d'empêcher la situation de se détériorer. En fait, la situation en Haïti était rendue au stade de la crise bien avant les événements des trois derniers mois.
Dans ce sens, nos interventions en Haïti visaient à maintenir les acquis—à limiter les dégâts en quelque sorte—et à investir dans les initiatives favorisant un changement dans nos stratégies de développement à moyen et à long termes.
Nous essayons également de faire en sorte de prévenir et de réduire les tensions entre les groupes opposés en Haïti et au sein de ces groupes, qui sont très nombreux, ainsi que d'appuyer l'émergence d'un consensus social à tous les niveaux—y compris en soutenant les initiatives de médiation internationales.
¹ (1550)
[Français]
Les événements des derniers mois en Haïti nous ont permis de constater que cette approche avait la capacité de s'adapter au contexte de la crise actuelle. Nous avons certains bénéfices pour le Canada en Haïti, parce que nous avons un réseau solide de partenaires locaux qui permet de maintenir les projets opérationnels en cours de l'ACDI pendant la crise. Ensuite, nous avons renforcé les capacités et les ressources de nos fonds locaux pour répondre aux besoins du peuple haïtien.
Le Canada a été capable de répondre à la crise de façon rapide, et on a déjà versé près de 13 millions de dollars pour aider le peuple haïtien.
[Traduction]
Nous avons versé 1,9 million de dollars en aide humanitaire directe, 5 millions de dollars pour appuyer l'aide humanitaire envoyée par l'Organisation des Nations Unies, 5 millions de dollars afin de renforcer la Mission spéciale de l'Organisation des États américains en Haïti et 1 million de dollars à l'Organisation internationale de la Francophonie afin de financer des initiatives destinées à soutenir les institutions démocratiques haïtiennes.
Quelles sont les prochaines étapes?
[Français]
Maintenant, les militaires sont sur place en Haïti pour rétablir l'ordre, assurer l'acheminement de l'aide humanitaire et amorcer le désarmement des groupes de toute obédience.
[Traduction]
Le soutien de la communauté internationale, dont les pays des Caraïbes, à la reconstruction et au développement à long terme du pays doit se faire en parallèle.
Dans deux semaines, nous nous retrouverons à Port-au-Prince avec des représentants de la communauté internationale pour entreprendre des discussions avec le gouvernement haïtien sur la structure de la coopération internationale à la stabilisation et à la reconstruction. Avec nos interlocuteurs haïtiens, nous allons notamment nous concentrer sur la nature de la structure et de la séquence de l'aide au développement pour aider Haïti à progresser.
En mai, la communauté internationale entreprendra une évaluation détaillée des besoins en Haïti qui s'échelonnera sur trois semaines pour définir concrètement les priorités à court terme (sur deux ans) ainsi que le coût et les ressources disponibles pour face à cette situation, tout en commençant la planification à long terme pour un engagement qui, nous le prévoyons, devra s'échelonner sur plus d'une décennie pour répondre aux besoins à long terme des Haïtiens.
Après cette mission, qui devrait se terminer à la fin de mai, il est possible qu'on tienne durant l'été une conférence internationale sur la reconstruction d'Haïti qui misera sur les conclusions de ces missions et au cours de laquelle les membres de la communauté internationale étudieront ces questions et des promesses de fonds seront recueillies en faveur d'Haïti.
[Français]
J'aimerais souligner que pour nous, à l'ACDI, les deux points principaux de notre stratégie en Haïti pour les prochaines années sont la structure et la séquence des activités que nous voulons faire avec la communauté internationale et les autorités haïtiennes. Sur ce point, nous allons coopérer de façon très proche avec les Nations Unies, l'OEA, les autres bailleurs de fonds et en particulier les institutions financières internationales, qui ont un rôle très important à jouer en Haïti.
[Traduction]
Nous avons une stratégie à long terme, un engagement qui, selon toute probabilité, nous amènera à être présents en Haïti au cours des 10 à 20 prochaines années avec des stratégies de développement à long terme pour aider les Haïtiens à parvenir au nouveau consensus national nécessaire pour soutenir leur développement. La tâche sera ardue. Il y aura des problèmes, mais nous croyons que ce n'est que grâce à un effort concerté à long terme de la part de la communauté internationale que nous pourrons répondre aux besoins des Haïtiens en cette période difficile et ne pas les abandonner à leur sort alors que leurs besoins sont si pressants.
Thank you very much.
[Français]
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.)):
Merci, monsieur Rishchynski.
Maintenant, nous allons écouter le commodore Jacques Gauvin, du ministère de la Défense nationale.
[Traduction]
Commodore Jacques Gauvin (chef d'état-major J3, ministère de la Défense nationale): Good afternoon. Bonjour.
Comme on l'a précisé, je suis le commodore Jacques Gauvin. Je suis le chef d'état-major des Opérations interarmées à la Défense nationale. À ce titre, je suis responsable de la planification et de la conduite de toutes les opérations des Forces canadiennes. Je suis très heureux d'être ici cet après-midi pour préciser les activités des Forces canadiennes au cours du dernier mois environ, en Haïti.
Bien que le ministère des Affaires étrangères (MAE) soit responsable pour la sécurité des citoyens canadiens à l'étranger, incluant l'évacuation en cas de situations de crise, les Forces canadiennes maintiennent des plans de contingence pour les cas où un soutien militaire est requis par le MAE. En jargon militaire, ces évacuations sont appelées des Opérations d'évacuation de non-combattants ou NEO.
La détérioration prolongée du soutien public au président Aristide depuis l'échec des élections de 2000 a causé la rébellion de nombreuses factions armées d'Haïti et la capture de la troisième plus grande ville du pays, Gonaïves, le 5 février 2004.
Alors que des gangs commençaient à terroriser les populations locales, les forces rebelles ont rapidement pris le contrôle des parties Nord et Ouest du pays et dès le 18 février 2004 les leaders rebelles ont commencé à menacer d'entrer dans Port-au-Prince pour s'attaquer directement aux forces de sécurité du président Aristide.
Comme dans le cas de la plupart des situations de crise à l'étranger, les planificateurs d'urgence au ministère de la Défense nationale et au ministère des Affaires étrangères ont commencé à surveiller la détérioration de la situation de très près au début de février 2004. À la mi-février, le MAE avait mis à jour ses avis de voyage et le personnel de l'ambassade à Port-au-Prince révisait le plan consulaire d'urgence. La confirmation du Registre des Canadiens à l'étranger de l'ambassade indiquait qu'il y avait plus de 896 personnes en Haïti qui auraient droit à être évacuées au besoin.
À ce moment, le personnel de planification militaire était en contact régulier avec les Services d'urgence, l'organisation du MAE responsable de la planification des évacuations. Les Services d'urgence ont été informés par le MDN que des options pour assistance allaient de la conduite d'une NEO à grande échelle jusqu'à la planification d'aide pour le personnel de l'ambassade ou la prestation de Forces spéciales pour effectuer une reconnaissance, pour fournir la protection rapprochée à l'ambassadeur ou pour fournir une sécurité accrue à l'ambassade elle-même.
¹ (1555)
[Français]
Le 23 février, le ministère des Affaires étrangères, le ministère de la Défense nationale et l'ambassadeur ont convenu qu'il serait prudent que les planificateurs militaires soient déployés pour réviser le plan de contingence consulaire. Ceci a résulté dans l'envoi d'une équipe de cinq personnes déployée le 24 février.
La même journée, la situation à Port-au-Prince avait été évaluée comme critique et avait fait en sorte que l'Organisation des États Américains invite à une intervention internationale. En réponse aux indications du ministère des Affaires étrangères que le besoin d'effectuer une NEO semblait imminent, le ministère de la Défense nationale a émis un avertissement à la force aérienne et au deuxième bataillon du Royal Canadian Regiment à Gagetown, au Nouveau-Brunswick, pour qu'ils soient prêts à se déployer.
Le 26 février, les forces rebelles en Haïti ont annoncé qu'elles avaient infiltré Port-au-Prince et étaient prêtes à entrer dans la ville par la force. Après d'autres consultations entre le ministère des Affaires étrangères et l'ambassade, le ministère de la Défense nationale anticipe une NEO imminente et réagit en déployant d'une équipe de sept personnes qui devait préparer l'aéroport de Saint-Domingue, en République dominicaine, pour servir de site d'évacuation.
Cependant, le 28 février, après que l'ambassadeur eut indiqué qu'il ne serait pas prudent pour lui d'ordonner aux citoyens de faire le difficile et dangereux voyage vers l'aéroport de Port-au-Prince, il est devenu apparent que l'opération devrait être plus délibérée. En fait, ce ne serait plus une NEO, mais une opération d'assistance à l'évacuation.
Ce changement de concept exigeait de mettre sur pied une force équipée pour opérer pendant une période plus longue et suffisamment robuste pour opérer au-delà du périmètre de l'aéroport. Ainsi, un élément de sécurité robuste a été mobilisé ce même jour et est arrivé à Port-au-Prince tôt le 29 février.
[Traduction]
L'arrivée de deux aéronefs des Forces canadiennes et de la force de sécurité le 29 février 2004 a conduit à l'évacuation de plus de 300 citoyens de diverses nations au cours des quatre jours suivants. Aucune autre nation n'a effectué d'opérations d'évacuation.
Entre-temps et alors que des déclarations publiques par des officiels du gouvernement en réponse à l'évolution de la situation en Haïti indiquait que les Forces canadiennes seraient probablement engagées avec la Force multinationale intérimaire (FMI), le MDN a planifié le déploiement d'un engagement modeste mais capable et autonome.
Dans une large mesure, la composition finale du contingent des FC de plus de 500 personnes, soit une compagnie d'infanterie largement autonome et un détachement d'hélicoptères de six appareils, était basée sur une évaluation des ressources que les FC étaient capables de mettre sur pied, en fonction du fait qu'un déploiement de courte durée dans des conditions difficiles réduit les besoins en ressources, ainsi que sur les attentes et les besoins exprimés par la nation responsable de la FMI.
Le déploiement de la contribution canadienne a été planifié et conduit comme suit : à compter du 5 mars, un avertissement a été émis aux unités désignées. Le 7 mars, l'équipe de reconnaissance a été déployée pour établir la liaison initiale avait les forces en théâtre. Le 9 mars, l'équipe d'activation de théâtre a été déployée pour construire un camp de base et elle a été déployée avec les éléments avancés de la contribution terrestre. Le 17 mars, les derniers éléments de la compagnie d'infanterie et de l'élément de commandement sont arrivés. Le 21 mars, la force opérationnelle s'est déclarée elle-même en condition opérationnelle. Aujourd'hui, les derniers éléments de la force opérationnelle sont arrivés sur le théâtre.
La Force multinationale intérimaire dirigée par les États-Unis est actuellement composée d'environ 500 soldats canadiens, 1 720 soldats américains, 525 soldats français et 330 soldats chiliens pour un total de plus de 3 100 soldats.
Le Conseil de sécurité des Nations Unies a mandaté le déploiement immédiat d'une FMI pour une période de trois mois pour maintenir la sécurité publique et la loi et l'ordre et pour promouvoir et protéger les droits de la personne; pour faciliter la prestation de l'aide humanitaire et l'accès des travailleurs humanitaires internationaux et pour faciliter la prestation de l'aide internationale aux forces de police haïtiennes et à la Garde côtière.
Les tâches cadres assignées à la Force opérationnelle canadienne incluent : la conduite de patrouilles et de jour et de nuit; la conduite de points de contrôle de la circulation; la liaison, l'assistance et la patrouille conjointe avec les forces de police haïtiennes; l'aide sous forme d'un environnement sécuritaire pour que les ONG livrent l'aide humanitaire; la prestation de sécurité aux personnes et propriétés avec statut spécial désigné et l'aide pour le désarmement des belligérants sous forme d'opérations de cordon et de fouille, de points de contrôle, de blocus routiers et de contrôle des mouvements.
º (1600)
[Français]
Reconnaissant que les racines des problèmes d'Haïti proviennent d'un manque de bon gouvernement, de la pauvreté, de la corruption et de l'absence d'une règle de loi, la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies a aussi déclaré l'intention de l'ONU de déployer une force de suivi, qui devrait être composée d'agences de police et d'agences civiles humanitaires. Les Forces canadiennes anticipent le rapatriement des forces opérationnelles au début de juin 2004.
En conclusion, bien que l'engagement des Forces canadiennes en Haïti ait été un défi important, il a aussi représenté plusieurs succès majeurs pour les Forces canadiennes. Ceux-ci incluent la planification et l'exécution de ce qui étaient essentiellement plusieurs opérations différentes au cours d'une période de temps compressée. Ceci a souligné le professionnalisme, la flexibilité et les attitudes « on peut le faire » des hommes, des femmes et des unités des forces pour répondre à une crise avec peu de préavis.
[Traduction]
Cela met fin à ma déclaration.
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer aux questions et réponses.
Nous allons commencer par M. Day.
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC): Merci, madame la présidente.
Je sais que certaines de ces questions peuvent être subjectives, mais pour nous aider, je voudrais soumettre une situation où un processus démocratique a été suivi, le président a été élu, et beaucoup de préoccupations ont été soulevées à cet égard, et enfin, on a assisté, si on peut dire, à l'évacuation. Avez-vous des suggestions sur ce que le Canada pourrait faire à un certain moment?
Bien entendu, nous avons été témoins d'une situation pas tout à fait pareille mais ressemblant à celle-ci à Taïwan. Des démocraties, surtout celles en difficulté, risquent de croire que si l'opposition crée suffisamment de troubles, cela pourrait conduire à un changement de régime soutenu par d'autres pays.
Je parle en tant que député de l'opposition qui aime à créer des troubles, mais je ne m'attendrais pas à pouvoir en créer tellement que d'autres pays interviendraient finalement pour enlever le pouvoir à mes collègues libéraux.
Pouvez-vous nous donner votre opinion là-dessus? Y-a-t-il des choses auxquelles le Canada devrait prendre garde lorsqu'il participe à des opérations de ce genre? Aurions-nous dû jouer un rôle plus actif?
M. Marc Lortie: La question que vous soulevez est très importante dans le contexte de l'hémisphère. Je parlerai davantage des Amériques que d'autres endroits dans le monde.
La démission d'un chef d'État élu démocratiquement comme le président Aristide, démission entraînée par l'agitation intérieure, crée un précédent dangereux et préoccupe l'ensemble de l'hémisphère. Qu'avons-nous fait au cours des quatre dernières années pour prévenir une telle situation? Le problème n'est pas nouveau en Haïti.
D'abord, des signaux très clairs ont été lancés immédiatement après l'élection du président Aristide. Vous n'aurez pas oublié que la légitimité du pouvoir du président Aristide fut contestée dès qu'il fut élu parce que l'opposition avait décidé de ne pas participer à l'élection. Des tensions ont tout de suite ébranlé le processus politique, il y a quatre ans.
Qu'avons-nous fait pour améliorer la situation? La communauté internationale n'a pas cessé de rappeler au gouvernement haïtien de créer des conditions propices au rétablissement d'une véritable démocratie en Haïti. Lors du Sommet des Amériques tenu à Québec en avril 2001, soit il y a trois ans, le président du Sommet, le premier ministre de l'époque, a publié, au nom des 34 États de l'hémisphère, une déclaration ferme à l'intention du président Aristide, le prévenant que s'il ne rétablissait pas le processus démocratique au sein de la société haïtienne, son régime aurait des difficultés. C'était un message très sévère lancé à un président nouvellement élu.
L'Organisation des États américains a été mandatée pour examiner la situation. Mois après mois au cours des trois dernières années et demie, l'OEA s'est penchée sur la situation en Haïti. L'adoption de deux importantes résolutions, les résolutions 806 et 822, a contribué à aider le gouvernement haïtien à rétablir la confiance au sein de la société haïtienne. Puis, des représentants de la communauté internationale se sont rendus sur place pour tenter de convaincre les représentants de la société civile, les chefs de l'opposition, les leaders religieux, le président Aristide et le gouvernement de trouver une solution. L'OEA a négocié avec tous les États membres une charte démocratique interaméricaine qui demeure un outil important pour la promotion de la démocratie au sein de l'hémisphère. Bien que nous l'ayons invité à souscrire à la charte démocratique, le président Aristide a refusé de le faire, répétant toujours : « Souscrire à cette charte serait montrer un signe de faiblesse à l'opposition. Je n'y souscrirai pas. »
À l'issue de ce processus, de manière à éviter un bain de sang, comme il le dit dans sa lettre de démission, il a décidé de démissionner. Prenant note de cette lettre de démission, le Conseil de sécurité de l'ONU a pris la décision d'intervenir le 24 au soir.
Le processus de promotion et de défense de la démocratie est long. Nous avons des outils. Nous avons des tribunes internationales telles que l'OEA ou les Nations Unies. Nous utilisons les tribunes que nous avons, notamment le Sommet des Amériques. Il existe un plan d'action en vue de promouvoir et de défendre la démocratie au sein de l'hémisphère, mais il arrive malheureusement qu'une solution politique ne soit tout simplement pas réaliste.
Toute la communauté internationale est profondément attristée par la situation. Comme mes collègues l'ont dit dans leurs déclarations, mettre Haïti sur la voie de la démocratie est un investissement à long terme pour tous.
º (1605)
Les événements du 29 février 2004 sont d'autant plus tristes qu'on a eu l'impression de revenir là où l'on était en 1994, voire en 1990.
Des efforts incroyables ont été faits au cours des 15 dernières années, mais nous demeurons convaincus que nous devons tirer des leçons du passé et aider nos amis d'Haïti à s'engager dans la voie de la démocratie et à donner l'exemple au reste de l'hémisphère.
Votre question est préoccupante. J'ai fourni une longue réponse, mais c'est difficile. Comment prévenir de telles choses?
En terminant, je signale que ce que vous avez dit au sujet d'Haïti était aussi valable pour la Bolivie, il n'y a pas longtemps. La situation actuelle au Venezuela pose problème aussi.
Comment peut-on agir sans imposer une volonté extérieure à une société donnée? En utilisant des outils comme ceux que nous avons créés. Rétrospectivement, je dirais que le président Aristide aurait été bien avisé d'utiliser la charte démocratique, un outil reconnu pour promouvoir la démocratie.
º (1610)
M. Stockwell Day: Merci de la question, madame la présidente. Je vous prie de continuer.
Permettez-moi cependant de dire que je suis ravi d'avoir obtenu ces renseignements, surtout sur le déroulement de la crise, du point de vue de l'opposition. De nos jours, il est très utile d'obtenir des réponses sans qu'il ne soit nécessaire de poser des questions publiquement. Merci.
[Français]
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Madame Lalonde.
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci, madame la présidente. Merci beaucoup à tous et à toutes.
La semaine dernière, nous avons reçu des ONG du Québec qui nous ont fait part de recommandations concernant les priorités. Sans vouloir prendre trop de notre temps, j'aimerais souligner que la première nécessité concrète à avoir été exprimée a été celle du désarmement. On a précisément fait référence aux événements de 1994, au cours desquels on n'a ni procédé au désarmement, ni même travaillé à la réinsertion, une fois les fusils rachetés. Or, on sait qu'au cours des événements qui ont précédé le départ de Jean-Bertrand Aristide, les chimères ont joué un rôle très important. Le reste s'en est suivi.
Établir un État de droit et rétablir la justice en Haïti implique qu'il y aurait du travail à faire auprès des magistrats et des tribunaux. On a parlé de l'idée de procéder à ce qui pourrait s'appeler une épuration, afin d'aider les gens efficaces et honnêtes. Pour ma part, je ne sais pas comment on pourrait le faire. Les témoins, eux, ont dit qu'il était important de mettre un terme à l'impunité qui prévaut.
Ils ont également insisté sur le fait que le Canada ne devait pas devenir un refuge facile pour des gens reconnus coupables de crimes en Haïti qui auraient la citoyenneté canadienne ou qui auraient sans peine obtenu un visa. On parle donc essentiellement de justice. Un autre témoin a souligné la nécessité de rechercher le consensus. Je sais que des questions se posent à ce sujet, mais je voudrais entendre vos commentaires.
On a aussi parlé de la nécessité d'acheminer de l'aide humanitaire sous forme de médicaments également. J'étais d'ailleurs heureuse de vous entendre parler du plan à cet égard, et j'aimerais en savoir davantage. Comme l'a aussi précisé Kofi Annan, un engagement à long terme sera nécessaire.
Plus tard, j'aimerais qu'on revienne sur l'échec des 24 rondes de l'OEA. Ce genre de situation pourrait aussi se produire ailleurs. Il reste que pour moi, le plus urgent est de déterminer comment on peut aider la population maintenant et comment on peut redresser tout ce qui peut être redressé.
M. Marc Lortie: Merci beaucoup, madame. Je vais laisser le soin à mes collègues de répondre à la question sur l'assistance humanitaire, mais laissez-moi d'abord répondre à votre question sur le désarmement. Le désarmement est en effet une fonction essentielle qui doit être remplie si nous voulons réussir à stabiliser la situation en Haïti. La résolution du Conseil de sécurité qui donne le mandat à la force internationale d'intervenir en Haïti ne mentionne pas la question du désarmement; elle le mentionne de façon très, très générale.
º (1615)
Mme Francine Lalonde: Les conditions de la stabilité.
M. Marc Lortie: Elle ne donne pas instruction aux militaires, dans ses règles d'engagement, de procéder au désarmement. C'était dans la nuit du 29 février que cette résolution a été rédigée rapidement, mais le Conseil de sécurité, le secrétaire général doit recevoir la semaine prochaine un premier rapport de la mission internationale, et la question du désarmement est devenue centrale. En effet, nous nous rejoignons et nous rejoignons certainement les membres de la société civile qui sont venus témoigner devant vous sur l'importance d'un engagement très précis sur la question du désarmement, qui devra certainement être bien cernée lors de la prochaine réunion du Conseil de sécurité qui visera l'établissement d'une force de stabilisation, donc le désarmement.
Une inquiétude que nous avons également exprimée aux nouvelles autorités haïtiennes, c'est celle de l'impunité, et l'impunité est un message très ferme. Il faut être extrêmement vigilant de ne pas s'embarquer dans la réconciliation, certes, mais il ne faut pas s'embarquer dans l'impunité non plus. C'est un message qui a été compris et qui est certainement retenu par le gouvernement canadien.
Sur la construction d'un État de droit, eh bien, nous le faisons en compagnie de la communauté internationale. Les efforts sont constants et c'est là, avec l'Organisation des États américains, que nous pouvons partager les meilleures pratiques sur la façon d'aider le gouvernement haïtien et les institutions haïtiennes à se renforcer sur la question de l'État de droit.
Nous avons fait part à nos amis du CARICOM, notamment, que c'est là où ils peuvent faire la différence avec nous. Ils peuvent venir parce que les traditions démocratiques, de jurisprudence et de règle de droit de nos amis du CARICOM sont fondamentales pour Haïti et en ce moment, ils ont un très grand rôle à jouer.
Finalement, il y a la question d'éviter que le Canada, notre pays, devienne un abri, même temporaire, pour des criminels de droit commun d'Haïti. Il y a une très grande vigilance à cet égard pour empêcher l'arrivée au Canada de tels individus. Il y a eu un exemple, il y a une quinzaine de jours à Toronto, où le chef de sécurité de l'ancien président Aristide s'est présenté et a été détenu. Or, il a pris la décision de se rendre aux États-Unis. Alors, il y a une très grande vigilance, en effet, à cet égard.
Enfin, sur l'assistance humanitaire, je vais demander à mon collègue Rishchynski de compléter, mais sur l'assistance humanitaire, le Canada travaille avec l'ensemble de la communauté des pays donateurs ainsi que des institutions internationales telles que la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement et les autres organisations, celles sur la santé, sur l'alimentation, comme le Programme alimentaire mondiale, pour s'assurer que non seulement nous évitons une crise en matière d'assistance humanitaire, une crise humanitaire, mais que nous puissions développer un programme à long terme.
Monsieur Rishchynski.
M. Guillermo Rishchynski: C'est simplement pour ajouter, madame, que vous avez entièrement raison en disant que le désarmement est une priorité fondamentale pour avoir la sécurité et pour faire le travail de développement. Sans sécurité, le développement est presque impossible. Aujourd'hui en Haïti, par exemple en ce qui a trait à la livraison d'aide humanitaire, il faut avoir des convois armés simplement pour aller de Port-au-Prince aux Gonaïves et à Cap-Haïtien pour faire la livraison de nourriture à la population. La sécurité est quelque chose de fondamentale pour rétablir un réseau de distribution qui puisse fonctionner mieux qu'aujourd'hui.
À l'ACDI, l'aide humanitaire emprunte deux voies. Premièrement, la voie multilatérale, c'est-à-dire avec nos collègues des Nations Unies sur place qui ont les fonds nécessaires pour faire la livraison d'aide humanitaire à grande échelle. Le Canada a lui-même des fonds locaux gérés localement par notre ambassade et un réseau de partenaires qui est composé en grande partie des ONG du Québec qui sont sur le terrain et qui travaillent directement avec la population. Nous appuyons ces efforts d'une façon quotidienne pour être sûrs que l'aide est livrée directement aux Haïtiens qui ont des besoins en matière de santé et de nourriture.
Selon les besoins qui ont été identifiés pour les ONG, pour les structures et les séquences des activités dans l'avenir, nous espérons à l'ACDI qu'après les consultations qui auront lieu à Port-au-Prince du 14 au 16 avril, nous pourrons avoir une consultation avec les ONG ici, au Canada, à la fin du mois d'avril, pour parler avec ces gens et connaître leur opinion avant de commencer l'évaluation des besoins, ce qui débutera dans la première semaine de mai.
Quant à l'État de droit, cela est fondamental parce que, franchement, aujourd'hui ça n'existe pas en Haïti; les prisons se sont toutes vidées pendant les troubles, les policiers ont abandonné leur poste, etc. Il faudra prendre le temps de faire les choses et faire preuve de beaucoup de patience, parce qu'on devra recommencer totalement les efforts des derniers 15 ans pour être sûr qu'un État de droit non seulement existe, mais peut fonctionner. Je pense que la plus importante leçon des années 1990, pour nous du Canada, c'est qu'on a formé plusieurs policiers, on a dépensé beaucoup d'argent pour la formation des policiers, mais si la justice ne fonctionne pas, si les prisons ne fonctionnent pas, c'est un investissement qui travaille dans un vacuum total, et on ne peut pas voir le résultat de cet investissement à moyen et long terme.
Nous sommes tellement conscients de cette réalité, et je peux vous assurer aujourd'hui que l'ACDI va travailler en étroite collaboration avec les ONG canadiennes qui sont présentes dans ce pays, parce que c'est là que se trouvent l'expertise et la connaissance des besoins et de la réalité quotidienne des Haïtiens. J'espère que notre programmation et celle de la communauté internationale sera telle qu'elle pourra répondre à ces besoins de façon efficace.
º (1620)
[Traduction]
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): M. Macklin a la parole.
M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.): Merci beaucoup.
J'aimerais obtenir des clarifications sur le rôle de la Caricom dans ce processus. La seule fois où il a été question de la Caricom, c'était pour signaler son rôle négatif dans le renversement d'Aristide. J'aimerais comprendre le rôle de la Caricom. A-t-elle un rôle positif à jouer dans le processus actuel?
M. Marc Lortie: Pour donner une réponse courte, oui. La Caricom a joué et joue un rôle clé dans la recherche d'une solution politique pour Haïti. Si mon ton vous a semblé négatif lorsque j'ai parlé du rôle de la Caricom, j'en suis désolé.
Pourquoi a-t-elle joué un rôle clé? D'abord et avant tout, Haïti est le membre le plus récent de la Caricom. La Communauté des Caraïbes, la Caricom, planifie l'intégration économique et la croissance économique des 15 îles qui en sont membres sur la base d'un régime démocratique. Devant les difficultés affrontées par Haïti, la Caricom a décidé d'élaborer un plan d'action en vue de relancer le processus démocratique dans cette île. À l'invitation de la Caricom, nous avons participé aux réunions qu'elle a tenues à la fin de 2003 et en 2004. Le premier ministre a rencontré tous les chefs d'État des pays membres de la Caricom à Monterey, au Mexique, le 12 janvier de cette année, et il s'est engagé à ce que le Canada les accompagne.
La Caricom a dépêché ses ministres des Affaires étrangères à Port-au-Prince. Elle a invité les chefs de l'opposition à Nassau. Elle a invité le président Aristide à Kingston, en Jamaïque, et ils ont élaboré conjointement un plan d'action : la création d'un conseil tripartite, la création d'un comité des sages, la nomination d'un gouvernement de coalition. Toutes les idées qui se concrétisent aujourd'hui émanent du plan de la Caricom. Toutefois, la Caricom a réagi de façon très négative lorsque le président Aristide a démissionné et quitté l'île car cela n'était pas partie du plan. Son plan visait à assurer qu'elle pourrait accompagner, comme le reste d'entre nous, le président dans la voie de la démocratie. Malheureusement, cela n'a pas fonctionné.
La Caricom a tenu un sommet spécial à Saint-Kitts, la fin de semaine dernière. Les chefs des pays membres ont discuté de la situation dans le cadre d'une réunion qui a duré 12 heures. La tournure des événements ne leur a pas plu, si bien qu'ils attendent la réunion qui aura lieu le 4 juillet afin de voir comment la Caricom entend s'engager de nouveau à l'égard d'Haïti.
Entre-temps, Haïti demeure membre de la Caricom, mais il n'a pas été convié au sommet spécial de Saint-Kitts.
Le premier ministre de la Jamaïque, M. Patterson, viendra au Canada la semaine prochaine. Nous allons discuter avec lui. Il est le chef. Il a reçu son mandat des autres pays.
C'est avant tout parce que certains de ses membres parlent créole que la Caricom joue un rôle essentiel. Haïti est membre à part entière de l'organisation et on ne voudrait pas se retrouver dans une situation qui engendrerait un grave problème de migration régionale. C'est le cas des Bahamas. C'est le cas de la Jamaïque et d'autres petites îles dans la région. Les Haïtiens qui fuient en bateau la situation instable et difficile de leur pays vont souvent se réfugier dans ces îles, ce qui crée des problèmes. Voilà pourquoi nous sommes convaincus que la Caricom a un rôle central a jouer dans la reconstruction d'Haïti.
º (1625)
M. Paul Harold Macklin: Merci.
Reste-t-il du temps?
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Oui, il vous reste environ quatre minutes.
M. Paul Harold Macklin: J'aimerais aborder une autre question. L'examen rétrospectif de la situation nous permet de constater que nous avons consacré beaucoup de temps et d'efforts, comme on l'a dit, en vue de la création d'un corps de police et de la formation de policiers. On a vu cela à tout le moins comme un moyen de stabiliser le pays par le respect de la loi et le maintien de l'ordre. Pourtant, d'après ce que nous avons entendu dans les médias, la police aurait abandonné la partie parce qu'elle n'était pas du tout formée pour s'occuper de ce type de désobéissance civile. Avons-nous raté le but que nous visions par la formation de policiers? Pouvez-vous nous dire s'il y aurait lieu de tirer des leçons de tout cela pour l'avenir?
M. Marc Lortie: Selon moi, il est essentiel d'examiner de très près ce que nous avons fait la dernière fois, et nous n'étions pas seuls, avec les autres membres de la communauté internationale dans le domaine de la formation de policiers. Ce fut un effort important qui a donné des résultats.
Malheureusement, il ne faut pas oublier que nos policiers ont quitté Haïti en 2000, soit il y a quatre ans. La Police nationale d'Haïti a éprouvé des difficultés de leadership. Un des problèmes signalés par la communauté internationale au sein de l'OEA était que l'on n'avait pas confiance que le chef de police puisse diriger un corps de police honnête dans ce pays. Il y a eu un nouveau chef de police en 2001, puis en 2002 et encore en 2003 et en 2004. La Police nationale d'Haïti changeait constamment de chef. Nous devons tirer une leçon de cela.
Il y a aussi le type de salaire, le type de formation, le type de matériel, le type de règles d'engagement des policiers. On a constaté une détérioration marquée des activités et des interventions des policiers. Au cours des six à huit derniers mois du régime d'Aristide, les policiers sentaient qu'ils ne pourraient pas affronter les rebelles, si bien qu'ils ont déserté le corps de police. Il fut une époque où la Police nationale d'Haïti comptait 7 000 policiers. Elle en compte moins de 1 000, actuellement. Nous devons procéder à un regroupement. Nous devons tirer des leçons de cette expérience. Nous devons les inciter à rester.
Cela dit, lorsqu'ils étaient formés ici, au Canada, nos policiers disaient qu'il y avait de très bons éléments, mais qu'ils devaient être encouragés. Dès qu'il y a de la corruption à la direction du corps policier, il est difficile d'appliquer la primauté du droit et d'assurer que les actes criminels ne demeurent pas impunis, et il est difficile pour les policiers d'exercer leurs fonctions. Il est essentiel de tirer des leçons du passé si l'on veut participer de nouveau à la stabilisation d'Haïti.
Mon collègue a peut-être quelque chose à ajouter.
º (1630)
Cmdre Jacques Gauvin: J'ajouterai simplement qu'il y a environ 10 ans, je ne me souviens pas de la date exacte, les forces armées haïtiennes sont été démantelées et l'armée a été dispersée. Il est évident que cette armée comptait nombre de rebelles qui ont formé les bandes de criminels qui sévissent aux quatre coins d'Haïti, aujourd'hui.
Les éléments auxquels la police tente de faire face sont en fait d'anciens militaires qui ont été formés et outillés afin de réagir comme des militaires dans certaines situations. À mesure que ces bandes comptent plus de membres et acquièrent davantage de prestige, si je puis dire, elles peuvent miner le moral de la police pour ce qui est de sa capacité à leur tenir tête.
M. Guillermo Rishchynski: Je peux peut-être ajouter un point qui n'a pas encore été soulevé et qui, je crois, a une incidence sur toute la question de la sécurité et de l'application des lois en Haïti. Je veux parler ici du fait que le trafic de la drogue dans ce pays joue un rôle extrêmement important pour ce qui est du financement des bandes armées et de l'achat d'armes.
Lorsque nos policiers ont travaillé en Haïti, je crois qu'ils pensaient tous apporter une contribution, mais ce qu'ils ont vu en fait, c'est la politisation des candidats choisis et la manipulation des personnes qui devenaient membres des services de police. La décision de quitter en 2001 a été extrêmement difficile. Nous avons pris cette décision avec une grande inquiétude à l'égard de ce que nous laissions derrière et de la nature de l'investissement qui avait été fait.
Toutefois, nous ne pouvions tout simplement pas continuer de fonctionner dans ces conditions, en l'absence, comme l'a signalé M. Lortie, de dirigeants travaillant dans l'intérêt d'Haïti et essayant d'éliminer la corruption et les liens avec le trafic de la drogue et d'autres problèmes. C'est devenu une tâche impossible, et c'est avec beaucoup de regret qu'on a mis fin au programme.
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Madame McDonough.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, madame la présidente.
Il y a trois points dont j'aimerais qu'on parle un peu plus longuement. L'un d'eux est le fait qu'il a été reconnu que cela constitue un précédent très délicat. Il semble clair que les relations sont très tendues avec la Caricom à ce moment-ci. Le président Patterson, de la Jamaïque, doit venir au Canada.
Je me demande si je pourrais vous demander d'en dire un peu plus long à ce sujet pour ce qui est de la façon dont nous allons nous y prendre pour rebâtir la confiance parce qu'il semble très clair que, bien que nous soyons tous préoccupés par cette situation, les gens là-bas sont touchés de façon beaucoup plus directe. La Jamaïque ne semble pas parler uniquement en son nom propre, mais bien au nom de la Caricom. Je me demande si vous pourriez faire quelques remarques à ce sujet, nous dire si c'est effectivement le cas.
Deuxièmement, dans les témoignages des ONG qui ont comparu la semaine dernière, et je suppose que vous avez eu l'occasion de les lire ou d'en prendre connaissance de quelqu'autre façon, j'ai été très surprise—peut-être parce que je ne connais pas aussi bien que d'autres la situation—d'entendre dire que non seulement des hauts fonctionnaires du gouvernement d'Aristide étaient impliqués dans le trafic de la drogue et devaient faire l'objet de poursuites, mais qu'Aristide lui-même était peut-être aussi impliqué directement dans ce genre d'activités. C'est là une allégation que je n'avais pas entendue auparavant, et je me demande si vous pourriez dire quelques mots à ce sujet.
Le troisième point est une question plus générale. Beaucoup de gens ici ont mentionné la nécessité de tirer des leçons du passé, mais, personnellement, j'ai beaucoup de difficulté à imaginer exactement comment ces leçons vont nous conduire à une situation meilleure. Tout me semble très chaotique. Je ne vois pas clairement comment on peut y arriver.
Je sais qu'il y a eu des discussions la semaine dernière. Je sais que M. Clark a beaucoup parlé de la nécessité d'entreprendre une importante démarche pour tenter d'en arriver à un consensus, ce qui est facile à dire, mais pas aussi facile à faire. Je me demande si vous pourriez en dire un peu plus long à ce sujet.
º (1635)
M. Marc Lortie: Pour répondre à votre premier point, c'est effectivement une triste situation et un précédent délicat. En fait, cela ne devrait pas être un précédent. Le cas d'Haïti est unique.
La relation avec la Caricom en est une à laquelle nous attachons beaucoup d'importance. Le premier ministre a été en contact avec les dirigeants de la Caricom de façon quasi continuelle depuis janvier. Le ministre Graham a également été en contact constant avec ses homologues, particulièrement les trois ministres des Affaires étrangères qui ont été extrêmement actifs dans le dossier d'Haïti, soit le ministre Fred Mitchell, des Bahamas, le ministre K.D. Knight, de la Jamaïque, et le ministre Gift, de Trinidad-et-Tobago, qui ont joué un rôle utile. Je dois également mentionner le ministre des Affaires étrangères Julian Hunte, de Sainte-Lucie, qui est actuellement président de l'Assemblée générale des Nations Unies et qui est également très actif dans ce dossier. Il y a des contacts presque quotidiens au niveau des ministres des Affaires étrangères pour planifier les prochaines étapes, échanger des opinions et voir comment nous pouvons aider.
La Caricom n'est pas représentée à Port-au-Prince. Elle avait un ambassadeur, celui des Bahamas, qui est parti la dernière semaine de février et n'est pas encore revenu. Par conséquent, les Bahamas voudraient que nous défendions leurs intérêts. En fait, nous avons assumé ce rôle, spécialement pour ce qui est d'informer les pays de la Caricom de ce qui se passe en ce moment, du genre de dialogue que nous avons avec les nouvelles autorités, et ainsi de suite. Nous poursuivrons cet effort pour assurer la participation de la Caricom, plus particulièrement pour voir à ce que les pays membres contribuent activement à la reconstruction d'Haïti. C'est absolument fondamental.
Sur la question des ONG et du trafic de la drogue, lorsque nous parlons des liens qui existent dans l'hémisphère, tout le trafic de la drogue part de la Colombie. Les trafiquants trouvent toujours un marché quelque part, un port d'entrée. Ils tentent de profiter des régimes faibles, des États en difficulté, dans la région. Je ne nommerai pas de pays, mais Haïti a vite été identifié, non pas dans les années 80 mais durant la deuxième partie des années 90, après 1995, comme un endroit propice au trafic de la drogue. Quel effet cela a-t-il eu? Cela a aggravé la situation d'un État déjà en difficulté, entraînant la corruption de douaniers, de policiers, de juges et de membres de la société en général. En même temps qu'on essayait de renforcer la nature démocratique de certaines institutions, on avait cette force rivale qui apportait beaucoup d'argent et de corruption. C'est une réalité qui existe aussi à d'autres endroits dans l'hémisphère à cause de la folie du trafic de la drogue, qui prend naissance dans les forêts de la Colombie.
En ce qui concerne l'entourage du président Aristide et le président lui-même, certains individus ont subi des procès dans des tribunaux américains, procès au cours desquels le président et des membres de son entourage ont été nommés. Cela étant dit, je n'ai jamais eu de preuve montrant que le président était impliqué dans ce genre de trafic. Par conséquent, je limiterai mes remarques à cet égard. Ces accusations circulent dans divers milieux à Port-au-Prince et ailleurs en Haïti, mais il est toujours difficile d'avoir la preuve tant que la justice n'a pas rendu son jugement.
º (1640)
Les leçons du passé? Nous y pensons beaucoup, non seulement par rapport à Haïti, mais aussi par rapport à diverses autres situations. Nous travaillons avec des gens qui ont été actifs dans le dossier du Kosovo, dans d'autres situations ou dans le dossier du Timor-Oriental pour essayer de rétablir la démocratie. Les leçons du passé doivent guider les gestes que nous posons aujourd'hui. C'est dans cet esprit que nous amorçons les discussions avec les autres communautés de donateurs, les autres institutions internationales. Y a-t-il des erreurs que nous avons commises dans le passé qui ne devraient pas être répétées?
Cependant, cela fonctionne dans les deux sens, et je dirais que, à cet égard, nous avons besoin d'un peu de chance. Sous le président Aristide, nous n'avons eu aucune chance. Au moment où nous espérions faire des progrès, les pratiques corrompues sont venues vraiment gâter les institutions très faibles que nous essayions de renforcer.
Merci.
M. Guillermo Rishchynski: Si je peux ajouter quelque chose du point de vue de la coopération au développement, je crois vraiment que les leçons que nous avons apprises depuis 1994 nous ont tous fait réfléchir, comme nous avons pu le constater la semaine dernière lors de notre réunion à Washington avec les autres donateurs et les institutions financières internationales.
Lorsque M. Aristide est revenu au pouvoir en 1994, la communauté internationale a investi plus de 600 millions de dollars en aide au développement durant les deux premières années de son administration. Nous aurions peut-être pu assurer une meilleure coordination, créer une structure plus viable pour gérer cette coopération. Cependant, les efforts ont été dispersés dans divers secteurs et dans diverses régions du pays, et il manquait la cohésion centrale nécessaire et, ce qui est peut-être encore plus important, l'engagement total et la pleine collaboration des autorités haïtiennes, étant donné le climat qui régnait dans le pays, pour que cette initiative soit couronnée de succès.
Les deux mots qu'on ne cesse d'entendre relativement aux prochaines mesures à prendre sont les mots « structure » et « ordre ». Nous devons établir une structure adéquate, et quelqu'un doit assumer, sur place, la responsabilité de coordonner les efforts internationaux, de travailler en étroite collaboration avec le gouvernement provisoire relativement aux plans d'action qui sont élaborés. C'est pourquoi nous nous rendons à Port-au-Prince pour ces consultations initiales avec le gouvernement afin d'essayer de formuler un mandat et d'établir des paramètres à cet égard.
Il y a ensuite l'ordre à suivre. Il est clair que, à court terme, la question clé que nous devons régler est la question humanitaire, tout ce qui touche la vie quotidienne, la santé, l'eau, l'hygiène, l'éducation. Toutes ces choses doivent être au premier rang de la liste de priorités dans notre planification, et nous devons prendre notre temps pour concevoir une structure adéquate pour le travail que nous voulons faire dans les secteurs de la justice, des services correctionnels et de services de police. Il se peut que cela n'arrive pas du jour au lendemain parce que nous devrons faire les choses graduellement pour créer une structure non seulement qui est viable, mais aussi à l'égard de laquelle nous bénéficions de l'appui des Haïtiens et avec laquelle les autres membres de la communauté internationale sont prêts à travailler à long terme.
La question du désintéressement à l'égard d'Haïti était réal au sein de la communauté internationale à la fin des années 90. À mesure que la situation politique a commencé à se détériorer, beaucoup de donateurs se sont retirés ou ont simplement réduit leurs niveaux de financement dans ce pays au point où on s'est grandement éloigné des montants qui avaient été investis en 1994. Nous avons besoin d'un engagement à long terme de la communauté internationale, au moins sur une période de dix à vingt ans, si nous voulons vraiment que cela fonctionne.
Nous devons avoir une approche globale dans notre façon d'aborder les questions de viabilité financière d'Haïti en ce qui a trait à ses relations avec les institutions financières internationales, car seule la Banque interaméricaine de développement est active dans le moment à Haïti. La Banque mondiale doit revenir. Nous devons trouver des façons d'aider Haïti à régler ses problèmes d'arriéré dans le remboursement de sa dette. Il faut que ce soit une approche globale.
Il faudra du temps pour organiser tout cela, d'où cette évaluation des besoins à long terme qui sera faite durant le mois de mai. La communauté internationale devra ensuite s'engager après avoir eu la chance de bien examiner la situation et de déterminer ce qu'il faut faire maintenant, qui fera quoi et comment nous allons coordonner nos efforts de façon à ce qu'il n'y ait pas de chevauchement et à ce qu'on ne se nuisent pas les uns aux autres, comme c'est déjà arrivé à Haïti dans le passé.
º (1645)
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau):
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre): Merci beaucoup, madame la présidente.
Plus nous en entendons parler, plus nous nous rendons compte de la complexité de la question. Il y a indubitablement de nombreuses raisons qui nous dictent la prudence et qui nous incitent au pessimisme à mesure que nous progressons. Je n'ai pu m'empêcher de penser, en écoutant M. Rishchynski, que l'un des dilemmes, dans ce cas-ci, est que la souveraineté nationale comporte un véto. Si les autorités haïtiennes, quelque que soit leur légitimité, ne donnent pas leur appui, cela risque de réduire l'efficacité des mesures prises.
C'est à aspect qui m'intéresse.
Je crois que Marc Lortie a soulevé la question, en réponse à la question de M. Day, dans des termes très intéressants. Pour lui, la question était de savoir comment traiter ces questions fondamentales—et j'espère que je le cite correctement—sans imposer une volonté extérieure à une société.
Voilà le problème, notamment dans ce cas-ci, un problème auquel nous avons déjà été confrontés.
On a rappelé, au cours de l'audience actuelle et ailleurs, le cas du Timor-Oriental. Le premier ministre a parlé en termes favorables, pendant le débat, de certains éléments propres à la situation du Timor-Oriental.
Dans le cas de la Bosnie, il faut se rappeler que les organisations internationales ont été en mesure de transférer une partie des fonctions gouvernementales selon ce qui était prévu dans les Accords de Dayton. Il a fallu les accords de Dayton et des processus variés et uniques pour obtenir des résultats, mais rejetons-nous carrément un modèle comme celui du Timor-Oriental ou le modèle des Accords de Dayton? Faudrait-il rechercher quelque chose d'équivalent? Le gouvernement cherche-t-il l'équivalent?
L'une des questions qui se pose évidemment au Canada est la suivante : si nous optons pour cette solution, qui sera Dayton? Dans les circonstances, ce serait probablement nous. Il ne s'agit donc pas d'une simple suggestion qu'on peut mettre de l'avant sans un examen approfondi des conséquences qu'elle aura. Dans le contexte actuel, notamment celui du trafic de la drogue et d'autres implications, il faut se demander si Haïti présente une situation moins grave ou moins dangereuse que la Bosnie à l'époque des Accords de Dayton. Le cas d'Haïti exigera-t-il un effort extraordinaire?
Je suis conscient, et je m'en félicite, des efforts déployés par le Canada et d'autres pays pour mettre en oeuvre les solutions normales. On évalue les besoins. On tient des séances du genre de celles dont il était question à Port-au-Prince. La question est de savoir si une solution normale sera efficace. Elle ne l'a pas été dans le passé.
Il faut aussi se demander si une réponse inusitée fonctionnera. Je l'ignore, mais je serais curieux de savoir si la question fait l'objet d'un examen sérieux et si les fonctionnaires, après en avoir fait un examen éclairé, sont arrivés à la conclusion que, pour diverses raisons, le moment serait mal choisi de lancer une initiative de ce genre dans cet hémisphère, en période préélectorale aux États-Unis, car c'est une réalité dont on ne peut pas faire fi.
J'aimerais entendre des commentaires au sujet de la possibilité ou de la nécessité d'une action extraordinaire.
M. Marc Lortie: Premièrement, monsieur Clark, le cas d'Haïti est très différent de l'autre que vous donniez en exemple. Heureusement, il n'y a pas, en Haïti, de nettoyage ethnique ou de génocide, ni de troubles très tragiques où des civils seraient tués et qui exigeraient une intervention. La situation est fragile du point de vue sécuritaire, mais elle n'est pas tragique comme dans l'autre cas.
Haïti a célébré le 200eanniversaire de son indépendance; c'est la plus ancienne des démocraties de notre hémisphère. Du point de vue des institutions, on ne peut donc pas la comparer, et je déteste faire des comparaisons, au Timor-Oriental, qui n'a jamais eu de traditions et d'institutions semblables.
Haïti a une tradition gouvernementale. On pouvait aimer ou non le gouvernement en place. Le pays a trop longtemps vécu sous une dictature, mais c'était un pays indépendant comptant 200 ans de tradition et qui a eu des dirigeants aussi brillants qu'au Canada, aux États-Unis ou ailleurs.
Quel est le secret de la réussite? Nous essayons de trouver des réponses aux questions que vous avez soulevées. Vous n'avez pas employé les mots, et je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche, mais si la communauté internationale envisageait une tutelle à la Dayton et passait aux actes, nous croyons que ça ne fonctionnera pas.
Il faudra trouver une solution politique. Nous en étions très près en Haïti.
Le président Aristide devait rester en fonctions encore 18 mois. Il ne projetait pas de rester au-delà de novembre 2005, soit la fin de son mandat. Les choses se sont subitement précipitées et la situation a déraillé.
Nous devons nous assurer de remettre en place ce que nous avons créé.
Il nous faudra un peu de chance mais un leadership aussi, monsieur Clark. Les dirigeants devront venir d'Haïti. Ce pourrait être M. Latortue, qui appartient à la diaspora. Il poussera peut-être d'autres membres de la dispora à revenir à Haïti. Certaines personnes y reviendront et la communauté internationale les accompagnera; mais le fait qu'Haïti est un pays depuis 200 ans constitue, à mon avis, un facteur très important.
Vous parliez des élections aux États-Unis. Je pense que ce facteur jouera aussi. Il est important. La Floride, qui est située tout près d'Haïti, aura un grand poids dans ces élections.
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt, la semaine dernière, un texte écrit par le gouverneur de la Floride, M. Bush, sur l'importance pour les États-Unis et la communauté internationale, dans le contexte actuel, d'aider Haïti même s'il y aura des élections, parce que la Floride compte une importante communauté haïtienne, et la chose est d'importance.
C'est pourquoi ce message du gouverneur de la Floride m'apparaît important, et on observe une volonté ferme, aux États-Unis, de poursuivre l'engagement. Faudra-t-il, à un moment donné, organiser une importante rencontre de tous les dirigeants et ministres de la région, y compris les ministres haïtiens, afin d'établir un plan d'action? Je le pense.
º (1650)
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Je vais maintenant donner la parole à M. Simard.
M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je souhaite la bienvenue aux invités.
L'ACDI jouit d'une excellente réputation dans le monde au chapitre de la création de structures gouvernementales, d'institutions et de capacités. Je présume que, depuis 1994, cela a été l'une de nos priorités en Haïti, compte tenu de la fragilité des élections et de l'ensemble du système.
Je me demande si Aristide a été l'un des principaux obstacles. Je suppose, encore une fois, que nous n'avons probablement pas obtenu beaucoup de succès en ce qui concerne le renforcement des institutions gouvernementales. Je me demande si la présence d'Aristide a été l'une des principales causes de cet échec, et j'aimerais savoir quelles mesures nous entendons maintenant prendre pour obtenir de meilleurs résultats au chapitre du renforcement des institutions gouvernementales.
Deuxièmement, nous parlons de la reconstruction d'Haïti. Je me demande si nous allons devoir partir de rien, ou s'il y a des structures existantes et des personnes en place sur qui nous pourrons nous appuyer.
º (1655)
M. Guillermo Rishchynski: Les deux questions sont liées et c'est pourquoi j'aimerais les aborder comme un tout. Vous avez raison, la gouvernance a constitué un élément majeur de notre programme. Entre 1994 et 2002, environ 27 p. 100 de nos dépenses totales ont été affectées à la gouvernance.
Je dirais que le principal obstacle a été non pas tellement une personne que l'absence de consensus politique. En fait, il était impossible de diverger d'opinion quant à la façon de traiter les questions relatives à la primauté du droit. L'examen de ces questions était compromis par un état d'esprit politique, d'une tendance ou de l'autre, d'où l'impossibilité de parvenir à un consensus pour faire en sorte que nos efforts portent fruit et que les institutions que nous tentions d'appuyer puissent fonctionner. Inévitablement, on observait des tentatives pour dominer les institutions au profit d'une personne ou d'un groupe, ce qui compliquait considérablement les choses. Les élections, aussi bien présidentielles que législatives, ont été extrêmement compliquées parce que l'opposition a refusé d'y participer.
En réponse à votre deuxième question, je dirais qu'il y a de l'espoir en Haïti. Il y a de très nombreuses personnes, avec lesquelles nous et les partenaires des ONG travaillons, qui sont vraiment déterminées et engagées, mais ces personnes sont également terrorisées. Elles craignent énormément de prendre position, à cause de la violence et de la présence des gangs. Si vous créez des conditions qui permettent aux gens de se sentir suffisamment en sécurité pour pouvoir se prononcer, elles réagiront de façon à réorienter les choses.
Pour moi, l'aspect le plus instructif des troubles, au cours des deux derniers mois, a été l'évolution des choses dans une ville appelée Jackmel, située dans le sud d'Haïti. Jackmel est la seule ville d'Haïti à avoir l'électricité 24 heures par jour et sept jours par semaine, et cela en grande partie grâce aux projets de financement de l'ACDI et à l'ingénierie canadienne. Lorsque les troubles ont commencé et que la ville risquait d'être pillée, les membres de la communauté ont réagi et ont prévenu les gangs qu'elles ne toléreraient pas, et il s'agit d'une ville de 40 000 habitants, la destruction de ce qui fonctionnait. C'est pour moi, et sans doute aussi pour tout le personnel de l'ACDI, la preuve qu'il y a là des gens qui sont prêts à réagir. La diaspora peut aussi jouer un rôle très important à cet égard.
La situation n'est donc pas sans espoir, mais en l'absence d'une structure qui permette aux gens de se sentir à l'abri de la violence extrême dont Haïti est depuis si longtemps le théâtre, les gens vont continuer de garder la tête basse et se contenteront de survivre, ce qui, à mon avis, est le cas de la majorité des huit millions d'Haïtiens à l'heure actuelle : leur vie se limite à un acte de survie. Si cet aspect ne change pas, nous échouerons. Si, par contre, nous réussissons à inculquer aux gens une culture différente qui redonne espoir aux gens et les convainc que leur société a une chance de s'en sortir, je crois qu'il y aura alors, à long terme, une possibilité de succès. Est-ce que la tâche sera facile? Je pense que ça ne pourrait pas être plus difficile.
M. Clark a soulevé certains aspects tout à fait fondamentaux dont nous devons tenir compte. Aussi, je pense que c'est la raison pour laquelle la communauté internationale procède de façon très mesurée, avec beaucoup de patience et étape par étape, avant de faire quelque chose et de créer des attentes auxquelles nous ne pourrons pas donner suite si nous n'effectuons pas les travaux préparatoires nécessaires.
M. Raymond Simard: Merci.
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau):
Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je vous remercie d'avoir apporté une nouvelle dimension à toute cette question. J'aurais en fait deux questions à poser. La première paraîtra peut-être simpliste, mais quelles sont les qualités naturelles du peuple haïtien? De toute évidence, le pays s'en va à la dérive. Y a-t-il des qualités naturelles que nous n'avons pas mentionnées au cours de cette conversation?
M. Marc Lortie: Ces gens possèdent de grandes qualités naturelles. Je ne sais pas si vous avez déjà eu l'occasion de vous rendre à Port-au-Prince ou dans une autre ville d'Haïti, mais vous y trouverez des gens extrêmement déterminés à trouver la bonne façon de développer leur société aux points de vue économique, politique et social. En tant qu'étrangers, nous n'avons jamais de mal à entretenir de bonne relations avec les Haïtiens, que ce soit dans le cadre de forums internationaux, d'assemblées de la Francophonie, des Nations Unies ou de l'OEA. Si vous vous rendez là-bas, vous serez en mesure de constater la contribution de la communauté haïtienne au Canada. Par conséquent, je dirais que, oui, les Haïtiens ont de grandes qualités.
Nous devons renforcer leur système d'éducation, leur donner la chance de poursuivre des études. Pour toutes ces raisons, j'entrevois l'avenir avec optimisme.
» (1700)
M. Guillermo Rishchynski: J'ajouterais, madame, que, dans le cadre du travail que nous faisons au niveau de l'aide au développement, j'ai pu constater deux grandes qualités chez les Haïtiens. Premièrement, leur créativité, les Haïtiens sont les artistes des Caraïbes, des poètes. Ils aiment les arts et tiennent à mettre à profit leur créativité même dans un milieu assez difficile. Ils forment également une nation d'entrepreneurs, ce qui les a aidé à survivre. L'argent qu'envoie la diaspora haïtienne du Canada et des États-Unis aux habitants d'Haïti aide, en fait, les habitants de ce pays à mener des affaires aux coins des rues ou à gagner un peu mieux leur vie.
Dans le domaine de l'éducation, nous avons remarqué, par exemple, que les parents haïtiens insistent pour que leurs enfants aillent à l'école. Le taux d'alphabétisation dans ce pays s'établit à environ 50 p. 100. Je crois que les parents haïtiens reconnaissent que l'éducation représente la seule façon pour leurs enfants d'échapper au déterminisme.
Ces gens débordent d'énergie et de talents qu'il est possible d'exploiter. À mon avis, étant donné sa grande taille, la communauté haïtienne établie à l'étranger détient la clé du succès. Au Canada seulement, on compte environ 125 000 Haïtiens. D'importantes communautés haïtiennes sont également établies aux États-Unis, dans des villes comme Miami, New York et Boston. Dans des circonstances favorables en Haïti, ces gens feraient tout pour que les choses progressent.
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Merci beaucoup.
Je vais utiliser la prérogative accordée à la présidence pour poser une question que personne n'a encore posée. Elle porte sur l'importance de l'agriculture. Que pouvons-nous faire pour faciliter la vie des agriculteurs? Selon les chiffres que j'ai consultés, entre 60 et 70 p. 100 de la population vit de l'agriculture.
Mme Diane Vermette (directrice, Section Haïti, Cuba et République dominicaine, Direction générale des Amériques, Agence canadienne de développement international): Merci, madame.
Nous nous intéressons à l'agriculture, surtout dans le cadre de projets de développement local et rural.
[Français]
Nous sommes impliqués dans trois régions d'Haïti. Nous tâchons de combiner la protection de l'environnement et l'agriculture, ce qui, en bout de la ligne, leur donne aussi la possibilité d'avoir des revenus. Par conséquent, on obtient trois résultats en accomplissant une seule action. Nous faisons cela à la mesure de nos moyens et nous travaillons beaucoup avec l'Union européenne et le PNUD dans ce domaine, surtout dans les régions très éloignées où on retrouve une forte concentration des populations les plus pauvres.
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Merci beaucoup. Je vous remercie pour votre présentation.
[Traduction]
Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous parler d'une question fort importante.
Nous vous souhaitons à tous, et surtout à l'ACDI, du succès dans vos travaux là-bas. J'espère sincèrement que le bon travail déjà effectué ne sera pas perdu et que, lorsque la situation se stabilisera un peu plus, nous pourrons profiter du travail antérieur. Merci.
Avant que les députés ne quittent, je tiens à leur rappeler que nous attendons un invité, M. Leo Adler, directeur des affaires nationales des Amis du Centre Simon Wiesenthal, qui viendra s'adresser au comité au cours des 15 dernières minutes de la séance.
Nous ferons donc une brève pause. Je ne voudrais pas perdre le quorum avant que le comité ait entendu les propos de notre prochain éminent invité.
» (1704)
» (1707)
M. Leo Adler (directeur des affaires nationales, Les amis du Centre Simon Wiesenthal pour l'étude le l'Holocauste): Merci.
Je tiens à remercier les membres du comité. Voilà ce qui fait mentir ceux qui prétendent que la journée de travail des hommes et des femmes politiques se terminent à 17 h. Je vous remercie même pour les 15 minutes seulement que vous m'accordez. Cela m'obligera à être concis.
Je commencerai par une évidence qui mérite d'être répétée. À bien des égards, les attentats suicides ont une certaine incidence sur les sociétés, et par sociétés, j'entends les sociétés du monde entier. Ils sèment la peur chez des nations habituées à la transparence et à la liberté. Ils exercent une influence sur des élections sans que les gens n'aient jamais à voter ou à participer au processus électoral. Ils provoquent la mort, la destruction et le chagrin là où il devrait y avoir la vie, l'ordre et la joie. Ils créent une culture de violence et de mort chez leurs supporters et sur le territoire de leurs auteurs, dissipant tout espoir pour la démocratie, la paix et la normalité pour des générations à venir. Ils touchent à tous les aspects de notre vie quotidienne même si nous ne pouvons voir les terroristes ou même si nous nous apercevons, mais trop tard, de leur présence parmi nous.
À mon avis, on retrouve des kamikazes partout dans le monde, mais leur statut légal demeure une énigme, puisqu'il n'est pas véritablement et expressément reconnu dans la loi. Le Canada a une occasion unique de veiller à ce que ceux qui appuient, approuvent, aident, recrutent, encouragent, financent, forment, arment ou transportent les kamikazes ou qui font, d'une façon ou d'une autre, la promotion des attentats suicides fassent l'objet d'une condamnation mondiale, d'un désaveu international et de poursuites universelles et ce, sans équivoque, sans doute et sans exception.
Le but consiste à veiller à ce que ceux qui sont impliqués dans les attentats suicides n'échappent pas à la justice. Je ne suis pas rédacteur juridique, mais, lorsque je ne travaille pas pour le Centre Simon Wiesenthal, je suis avocat de la défense. Je peux donc vous assurer que les imprécisions dans les textes de loi, les incertitudes et les dispositions qui se prêtent à l'interprétation peuvent mener à l'acquittement de contrevenants dont la culpabilité ne fait aucun doute.
Nous comptons sur le leadership du Canada justement parce que notre pays a fait d'énormes progrès en adoptant des lois traduisant le dégoût que suscitent chez les Canadiens les actes de terreur et de terrorisme en général, des lois sévères et nécessaires, mais également conformes à notre Charte des droits et libertés et aux nouvelles normes internationales. Il y a toutefois place à l'amélioration si nous voulons mettre un terme aux activités des kamikazes et à toute cette industrie que sont devenus les attentats suicides. Voilà pourquoi nous demandons que les attentats suicides soient explicitement reconnus comme un crime dans la loi canadienne. Voilà aussi pourquoi nous demandons au Canada de faire preuve de leadership et d'inciter les autres pays à reconnaître également ce crime.
Permettez-moi de faire une digression pour souligner que les gens peuvent signer en ligne une pétition n'ayant aucun rapport avec nos efforts. Il s'agit d'une pétition organisée par un groupe appelé Scholars for Peace in the Middle East et dirigé par Edward Beck, des Nations-Unis, qui demande exactement ce que nous proposons. J'ai, sur mon ordinateur, des renseignements que je transmettrai au greffier et qui vous seront acheminés, membres du comité. Cela comprend notamment les observations d'Anne McLellan auxquelles je fais référence non pour des raisons politiques mais plutôt parce que ses affirmations au sujet de la nécessité de constamment évaluer, réévaluer et modifier nos lois tiennent toujours. Ce qu'elle a déclaré en octobre 2001 sur la nécessité d'adopter de nouvelles lois pour composer avec la nouvelle réalité du terrorisme et des obligations du Canada tient toujours.
La Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif de l'ONU a été adoptée en 1997. Certaines de ses dispositions posent toutefois des problèmes. Par exemple, on n'y mentionne pas les attentats suicides. La convention vise essentiellement ceux qui transportent, installent ou manipulent autrement les explosifs. Il est donc clair que ces gens sont des terroristes au sens traditionnel du terme : ils placent une bombe puis quittent les lieux. La convention ne traite pas de façon explicite des attentats suicides.
» (1710)
De plus, l'ONU a un programme global et permanent reconnaissant la nécessité de constamment améliorer et renforcer les lois et le jargon juridique. Le Canada doit ouvrir la voie.
Aux termes de l'article 7, la Cour pénale internationale parle d'un certain nombre d'actes perpétrés dans le cadre d'une attaque généralisée. Autrement dit, il faut plus d'un crime. Dans le statut de la cour, les crimes contre l'humanité sont définis comme des « actes perpétrés dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile ». Malheureusement, cette définition exclut l'attentat suicide de même que les kamikazes impliqués dans l'attentat qui a tué un soldat canadien en Afghanistan, puisqu'il s'agissait là d'un seul acte et non d'actes multiples.
De même, actuellement, la législation canadienne, que ce soit la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, la Loi antiterroriste ou notre propre Code criminel, lie nos lois aux décisions de la Cour pénale internationale et aux normes internationales définissant les crimes contre l'humanité, ce qui peut mener à de fausses interprétations et à des imprécisions.
Dans un rapport de ses rapports intitulé Erased In A Moment: Suicide Bombing Attacks Against Israeli Civilians, surtout au chapitre IV portant sur les normes juridiques, l'organisme Human Rights Watch traite des attentats suicides et les qualifient de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre, mais seulement parce qu'il les considère comme une tendance ciblant les civils.
Je n'ai pas à décrire aux membres du comité le mal qu'on peut avoir à interpréter ou à définir ce qu'est une tendance et qui est un civil. D'ailleurs, à titre d'exemple, mentionnons simplement que, selon la loi canadienne, si vous commettez un double meurtre—c'est-à-dire deux meurtres—cela est considéré comme un seul événement et non comme une tendance. Voilà comment les tribunaux canadiens définissent le terme « événement » tel qu'il figure dans le Code criminel.
Voilà pourquoi il faut, pour éviter l'utilisation de ce moyen de défense, préciser la définition d'un attentat suicide en évitant de le lier à une tendance.
Vous avez certainement de nombreuses questions à me poser et je serai ravi d'y répondre en tout temps, de vive voix ou par écrit. Permettez-moi toutefois d'aborder rapidement trois autres questions ou enjeux possibles.
Premièrement, d'autres pays font-ils ce que nous proposons de faire? En toute franchise, je n'en suis pas sûr, mais nous menons actuellement une campagne à l'échelle internationale. Nous avons eu des contacts avec le pape, avec le chef de l'Union européenne, les diplomates turcs et même le chef du Soudan.
Bien des pays sont conscients du problème et pensent que nous devons intervenir. Quelqu'un doit tracer la voie. À mon avis, le Canada est le mieux placé pour le faire.
Ce que nous proposons, le fait de mentionner explicitement les attentats suicides dans la loi, facilitera-t-il les poursuites? Absolument. Ceux d'entre vous qui s'y connaissent en droit criminel savent qu'il est difficile de régler non pas les causes des auteurs du crime qui, dans ce cas-ci, seraient morts et ne pourraient donc pas être poursuivis, mais plutôt les problèmes des complices et des complots. En définissant ce crime de manière explicite, en précisant qu'il peut être commis de plusieurs façons—en finançant, encourageant, recrutant ou équipant les terroristes ou encore en faisant la promotion des attentats suicides, etc., vous évitez tous ces ennuis.
Quel impact cela aura-t-il sur la scène internationale? Cela apportera à la fois de la clarté et du leadership et un désaveu complet de la part de la communauté internationale.
L'important, c'est de ne pas laisser les attentats suicides dans la grande catégorie du « terrorisme » ou même des « attentats à la bombe terroristes ».
Je vous remercie et je vous signale que, si jamais vous désirez mettre des visages sur les attentats suicides, je serais très heureux d'organiser une rencontre avec des survivants d'attentats de ce genre et des familles de victimes qui n'ont pas survécu.
Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.
» (1715)
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Nous allons passer à la période des questions et nous limiter à de très courtes interventions. Nous n'avons pas beaucoup de temps, mais j'aimerais pouvoir faire au moins un tour de table.
Monsieur Day s'il vous plaît.
M. Stockwell Day: Je tiens seulement à remercier M. Adler d'être venu. Ce sont mes collègues surtout qui ont des questions, alors je leur laisse la parole.
[Français]
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau):
Madame Lalonde.
Mme Francine Lalonde: Je vous remercie d'avoir précisé que les lois nationales et internationales ne comportent pas de définitions nous permettant de cibler comme tels les attentats-suicides.
J'ai lu un peu sur la question. Je ne suis pas, comme vous, une spécialiste de la question, mais au Comité des affaires étrangères, quand nous prenons des positions, elles ont des répercussions sur le plan politique. Nous ne sommes pas des juristes qui veulent faire avancer le droit international. Nous voulons bien sûr qu'il progresse, tout comme le droit national, d'ailleurs. Cependant, on sait qu'à l'heure actuelle, les attentats-suicides sont perpétrés dans le cadre du conflit israélo-palestinien. Je sais qu'ils le sont aussi ailleurs, mais pour le moment, je parlerai de ce conflit particulier. Or, si ce genre de mort et de crime affreux est accepté par la population palestinienne, c'est que le processus a échoué.
Comment peut-on faire en sorte que ce type de crime soit vraiment moins fréquent? En travaillant à régler les conflits. Or, prendre une position qui, telle la définition que vous nous proposez, ne fait que nier ces actes sans pour autant y faire face directement alors qu'ils contreviennent au droit international et aux conventions--dans le cas, par exemple, du conflit israélo-palestinien--, ne fera pas en sorte de faire diminuer les attentats-suicides. Il me semble par conséquent nécessaire que le Comité des affaires étrangères adopte à cet égard une position équilibrée.
» (1720)
[Traduction]
M. Leo Adler: Merci, Madame.
Le comité désire adopter une approche équilibrée qui établisse une distinction entre les notions de terreur et de non-terreur. Il est clair qu'il est essentiel que tous les conflits soient résolus et que le meilleur endroit pour le faire est autour d'une table de discussion comme celle-ci.
Ici, nous ne parlons pas d'un conflit en particulier, mais d'une épidémie à l'échelle mondiale. Que ce soit en Russie, en Europe, à New York ou ailleurs, un conflit demeure un acte de terreur qui est si particulier et qui répand une telle crainte à travers le monde, qu'il ne peut se résumer à un seul conflit isolé.
Donc, avec tout le respect que je vous dois, que le conflit ait lieu au Proche-Orient entre Israël et la Palestine, en Afghanistan, en Irak ou en Russie, je crois que tous les efforts visant à le régler sont évidemment importants, mais il s'agit d'un type de crime particulier et des conflits ont engendré de nombreux autres crimes particuliers qui relèvent du droit international.
C'est précisément ce qui crée le droit international, car—sans chercher à savoir à qui incombe la responsabilité; ce qui n'est pas important—nous nous rendons compte que le milieu des conflits engendre un crime qui se répand à travers le monde et sur lequel la communauté internationale doit se pencher.
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Monsieur Adler, vous permettez qu'un de mes collègues pose une question? M. McTeague a la parole.
Essayons de poser des questions courtes et de donner des réponses encore plus courtes.
L'hon. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Merci, madame la présidente.
Merci d'être ici, monsieur Adler. J'essaierai d'être aussi bref que possible.
Ma préoccupation porte principalement sur le sujet ou l'imbroglio soulevé par Mme Lalonde concernant la question le international dont la position pourrait nous faire croire que les formes de terrorisme sont diverses et variées. Au Canada, nous avons certes connu un acte terroriste des plus abominables dans le cas d'Air India. Ce n'est pas le genre d'attentat-suicide que vous avez si bien décrit dans votre exposé.
Je me demande comment un comité, et encore moins un pays, peut comprendre que les kamikazes se suicident et que nous poursuivons donc les personnes qui sont autour d'eux. Je crois que le régime international considère effectivement comme une conséquence le fait de devoir poursuivre ceux qui ont financé ces actes et qui en portent la responsabilité. À divers degrés, ce n'est peut-être pas aussi efficace qu'on le voudrait, mais comment peut-on résoudre le dilemne d'équivalence morale d'un acte de terrorisme suicidaire par rapport à d'autres formes de terrorisme?
M. Leo Adler: Il n'est pas question d'appuyer le terrorisme moral. L'acte de terrorisme et d'attentat terroriste, comme on l'a appelé et comme on l'appelle communément, est un crime, un crime international. Nous cherchons simplement à combler une lacune, à inclure l'attentat-suicide, parce qu'il n'est pas défini aussi précisément qu'il le devrait. Nous cherchons à en préciser la nature, en raison de son impact et de la façon dont il ne fait que décimer les populations. Il ne s'agit pas d'amoindrir aucune autre forme de terrorisme déjà reconnue au niveau international. Il s'agit simplement de combler...
» (1725)
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Mme McDonough a levé la main, et ensuite ce sera... J'aimerais que mes collègues posent leurs questions et que vous en fassiez une synthèse. Ainsi, chacun pourra poser sa question et vous pourrez y répondre ensuite.
Nous commençons par Mme McDonough et ensuite, M. Macklin et M. Simard auront la parole. Ce sont les trois personnes qui veulent poser des questions maintenant.
Mme Alexa McDonough: D'abord, je remercie M. Adler de ses observations très précises et je dirais qu'en définitive, l'attentat-suicide doit être condamné comme un crime absolument pervers, affreux et odieux. Comme il mérite certainement la condamnation, j'accueille favorablement le fait que tous les partis s'entendent sur la nécessité d'agir en ce sens.
Je dois dire cependant que peut-être encore davantage en raison de votre exposé, différentes questions sont apparues concernant la nécessité de mieux comprendre le sujet, afin de nous assurer de connaître exactement les implications de la formulation retenue et de la procédure en question. Si je m'exprime ainsi, c'est parce que, comme vous le savez probablement, le Sous-comité des droits de la personne et du développement international du présent comité ne siège pas à l'heure actuelle, et je crois qu'il devrait avoir l'occasion de discuter de la question en connaissance de cause.
Une proposition générale a été adressée en ce sens à deux comités, soit le présent comité et le Comité de la justice. D'après votre exposé sur l'importance d'une précision juridique et sur l'importance de comprendre exactement les implications de nos actes, il me semble, et j'en fais la suggestion au comité, que nous devrions envisager une séance conjointe, sinon un engagement conjoint, avec le Comité de la justice pour discuter vraiment des détails, en connaissant parfaitement les implications précises de nos actes avant de nous engager formellement dans une intervention.
Il est très significatif, comme vous l'avez mentionné, que tout le monde, du Pape à l'Union européenne et au dirigeant du Soudan, par exemple, ait été consulté. Cela démontre à quel point la préoccupation est répandue. Vous nous invitez à considérer le côté humain de l'attentat-suicide, et c'est ce que j'ai fait dans le cas d'Israël et la Palestine où l'on ne peut même pas imaginer le sentiment d'agonie des survivants, ou dans ce cas, l'incroyable détresse humaine qui peut amener quelqu'un à se laisser exploiter au point d'en arriver à poser un geste de cette nature.
Je crois qu'en raison des implications juridiques très particulières et du langage ou de la précision juridique nécessaire à la compréhension de ce que nous faisons, nous devrions envisager d'examiner de plus près la question des implications précises conjointement avec le Comité de la justice.
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Merci, madame McDonough.
Nous donnons maintenant la parole à M. Macklin, puis à M. Simard avant de retourner à M. Adler.
Monsieur Macklin, vous avez la parole.
M. Paul Harold Macklin: Merci beaucoup.
Je viens de prendre quelques minutes pour jeter un coup d'oeil au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, et il semble que notre Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre s'en est inspirée du moins pour créer le concept des crimes contre l'humanité.
Aussi bien selon le Statut de Rome que selon notre loi, il semble que le crime fondamental qu'on essaie de décrire ici est un meurtre. Si je suis votre raisonnement, je crois que vous n'êtes pas seulement préoccupé du fait qu'un meurtre soit commis contre une population civile, mais vous trouvez que tout ce qui vient s'ajouter cause un problème en vertu du droit international coutumier ou du droit international classique. Selon moi, un meurtre est un meurtre, peu importe la manière dont il est commis.
Donc, si c'est le cas, pouvez-vous m'expliquer ce que nous devons proposer pour faire apporter un changement au droit international coutumier? À mon avis, il s'agit pour nous d'une entreprise de taille, mais j'aimerais recevoir quelques suggestions sur la manière de faire avancer le dossier.
» (1730)
M. Raymond Simard: Oui, très rapidement, il peut s'agir, monsieur Adler, d'une question technique. Si nous reconnaissons un acte comme étant un crime contre l'humanité, est-ce que cela nous donne pour autant des pouvoirs juridiques différents ou plus grands pour poursuivre les gens qui sont liés à cet acte, qui l'ont financé, etc., ou cet acte est-il fondamentalement un meurtre comme tous les autres?
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Monsieur Adler, vous avez maintenant le dernier mot.
M. Leo Adler: Merci beaucoup.
D'abord, ce que nous cherchons ici, c'est davantage une déclaration de principe. Je ne suis pas rédacteur ni législateur. Donc, il s'agit de reconnaître la validité tant à l'échelle nationale qu'internationale d'une question de principe.
Deuxièmement, selon le droit international et selon l'interprétation que vous adoptez, le problème, à la manière dont le CCI traite la question, c'est d'intégrer l'attentat-suicide dans un cadre général ou systématique. Dans le cas d'un acte isolé qui se produit à l'extérieur du Canada, peut-être serons-nous incapables, parce que nous sommes liés par la définition internationale, de poursuivre la personne qui est à l'étranger, surtout si elle se trouve dans un pays avec lequel nous n'avons pas d'entente d'extradition. Cela entraîne des complications.
Cela concerne vraiment la troisième question également, mais si on définit simplement le crime, si on le catégorise selon toutes les formes qu'il peut prendre, on aura un portrait exhaustif qui déjouera toute forme de machination. En outre, il est évident que si on redéfinit le crime au Canada et que l'auteur est arrêté au Canada, on pourra le poursuivre ici même comme meurtrier sans que le droit international n'y change quoi que ce soit.
Par conséquent, la question vise plutôt le Canadien qui est à l'extérieur du pays. Comment pouvons-nous le poursuivre si l'article 7 ne s'applique pas?
Merci de m'avoir donné le mot de la fin.
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Merci beaucoup.
La séance est levée.