FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 21 avril 2004
¹ | 1535 |
Le président (M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)) |
M. David Dodge (gouverneur, Banque du Canada) |
¹ | 1540 |
Le président |
M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC) |
M. David Dodge |
M. Monte Solberg |
M. David Dodge |
M. Monte Solberg |
M. David Dodge |
M. Paul Jenkins (gouverneur adjoint principal, Banque du Canada) |
M. David Dodge |
M. Monte Solberg |
M. David Dodge |
M. Monte Solberg |
M. David Dodge |
M. Monte Solberg |
M. David Dodge |
M. Monte Solberg |
¹ | 1545 |
M. David Dodge |
M. Paul Jenkins |
M. David Dodge |
Le président |
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ) |
M. David Dodge |
M. Pierre Paquette |
¹ | 1550 |
M. Paul Jenkins |
M. Pierre Paquette |
M. Paul Jenkins |
¹ | 1555 |
M. Pierre Paquette |
Le président |
M. Pierre Paquette |
Le président |
L'hon. John McKay (Scarborough-Est, Lib.) |
M. David Dodge |
º | 1600 |
Le président |
L'hon. John McKay |
Le président |
M. David Dodge |
Le président |
M. David Dodge |
Le président |
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.) |
Mme Sophia Leung |
º | 1605 |
M. David Dodge |
M. Paul Jenkins |
º | 1610 |
Le président |
M. Paul Jenkins |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD) |
M. David Dodge |
º | 1615 |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. David Dodge |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. David Dodge |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. David Dodge |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. David Dodge |
º | 1620 |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.) |
M. David Dodge |
L'hon. Maria Minna |
M. David Dodge |
º | 1625 |
M. Paul Jenkins |
Le président |
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.) |
º | 1630 |
M. David Dodge |
M. Alex Shepherd |
M. David Dodge |
M. Alex Shepherd |
M. Paul Jenkins |
M. Alex Shepherd |
M. David Dodge |
º | 1635 |
Le président |
M. David Dodge |
º | 1640 |
M. Paul Jenkins |
º | 1645 |
Le président |
M. Werner Schmidt (Kelowna, PCC) |
M. David Dodge |
M. Werner Schmidt |
M. David Dodge |
º | 1650 |
M. Werner Schmidt |
M. David Dodge |
M. Werner Schmidt |
Le président |
L'hon. Maria Minna |
M. David Dodge |
º | 1655 |
Le président |
L'hon. Maria Minna |
M. Paul Jenkins |
L'hon. Maria Minna |
M. David Dodge |
» | 1700 |
Le président |
L'hon. John McKay |
M. David Dodge |
» | 1705 |
M. Paul Jenkins |
L'hon. John McKay |
M. David Dodge |
L'hon. John McKay |
M. David Dodge |
L'hon. John McKay |
M. David Dodge |
L'hon. John McKay |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. David Dodge |
» | 1710 |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. David Dodge |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. David Dodge |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
» | 1715 |
M. David Dodge |
Le président |
M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.) |
M. David Dodge |
Le président |
M. Massimo Pacetti |
Le président |
M. Alex Shepherd |
M. David Dodge |
» | 1720 |
M. Alex Shepherd |
M. David Dodge |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
M. David Dodge |
Le président |
CANADA
Comité permanent des finances |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 21 avril 2004
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)): Je suis heureux d'accueillir M. David Dodge, gouverneur de la Banque du Canada, et M. Paul Jenkins, gouverneur adjoint principal. Il s'agit de la visite semi-annuelle de la Banque du Canada, au cours de laquelle on va nous présenter une mise à jour sur la politique monétaire et sur d'autres sujets économiques.
Je vous cède maintenant la parole, messieurs Dodge et Jenkins, pour votre exposé. Ensuite, les membres du comité vous poseront des questions auxquelles vous vous efforcerez de répondre.
Soyez les bienvenus.
M. David Dodge (gouverneur, Banque du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Comme toujours, il est important pour nous de venir ici deux fois par an. Nous apprécions la possibilité que nous avons de venir ici à la suite de la publication du rapport sur la politique monétaire. Comme ce rapport contient une information pertinente à l'objet de cette session, je me contenterai d'une très courte déclaration liminaire.
Cette rencontre a pour objet d'informer les parlementaires et, par leurs intermédiaires, l'ensemble des Canadiens du point de vue de la banque sur l'économie, sur l'objectif de la politique monétaire et sur les mesures que nous prenons pour l'atteindre. L'économie canadienne continue de s'ajuster au nouveau contexte international, notamment au raffermissant de la demande mondiale, aux prix plus élevés des produits de base et au réalignement des monnaies, y compris du dollar canadien. De plus, les pays à marché émergent, en particulier la Chine et l'Inde, contribuent à intensifier la concurrence à laquelle nos produits font face, mais ils représentent aussi de nouveaux débouchés pour nous.
[Français]
Ces changements exigent un déplacement de l'activité entre les secteurs et obligent de nombreuses entreprises à s'adapter. La politique monétaire facilite cet ajustement en apportant un soutien à la demande globale, afin d'amener l'économie à se maintenir à un niveau proche des limites de sa capacité de production, et l'inflation à s'établir au taux visé.
Lorsque nous nous sommes adressés à votre comité, en octobre dernier, la croissance au Canada était plus lente que prévue, et la Banque du Canada estimait que la marge de capacité excédentaire au sein de l'économie était plus élevée que projeté six mois plus tôt. Comme vous le savez, notre économie a été frappée par un certain nombre de chocs en 2003. Par conséquent, même si la reprise de l'activité s'est généralisée à l'échelle internationale et que les coûts des produits de base ont augmenté, à la fin de l'année, l'économie fonctionnait à un rythme bien inférieur à celui que la Banque du Canada avait anticipé dans son rapport d'octobre.
Selon des données préliminaires, la croissance se serait établie à un peu moins de 3 p. 100 au premier trimestre de 2004. La banque est donc d'avis que l'appareil de production fonctionne toujours nettement en deçà des limites de sa capacité.
[Traduction]
Les prévisions de la banque concernant l'expansion économique et l'inflation au pays n'ont pratiquement pas changé depuis la publication de la mise à jour du rapport sur la politique monétaire de janvier dernier. La croissance de l'économie canadienne devrait en effet s'établir aux alentours de 2,75 p. 100 en moyenne en 2004, puis se hisser à environ 3,75 p. 100 en 2005—ces deux taux étant calculés sur 12 mois. Cette croissance proviendra principalement de la demande intérieure privée, elle-même stimulée par la détente monétaire et la solide confiance des entreprises et des consommateurs. Ainsi, l'économie devrait tourner à nouveau près de son plein potentiel d'ici le troisième trimestre de l'an prochain.
On prévoit que l'inflation de base se situera à 1,5 p. 100 en moyenne durant le reste de l'année puis, à mesure que les capacités inutilisées seront absorbées, elle devrait remonter à 2 p. 100 avant la fin de 2005.
La façon dont notre économie s'ajustera à l'évolution de la conjoncture mondiale demeure la principale incertitude entourant ces perspectives. Dans l'ensemble, les risques qui pèsent sur celles-ci semblent équilibrés.
Paul et moi nous ferons maintenant un plaisir de répondre aux questions du comité.
¹ (1540)
Le président: Merci, monsieur Dodge.
Monsieur Solberg, voulez-vous commencer? Vous avez sept minutes.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le gouverneur, je vous remercie d'être parmi nous. Je suis heureux de pouvoir vous poser quelques questions.
Tout d'abord, dans votre exposé, vous reconnaissez que l'économie a été un peu plus lente que vous ne l'aviez prévu il y a six mois. Avez-vous des regrets concernant les augmentations du taux d'escompte de 2002 et 2003? Ont-elles été inutiles?
M. David Dodge: L'image du monde qu'on a en regardant dans le rétroviseur est un peu différente de celle qu'on a en regardant à travers le pare-brise. Il est plus facile de faire preuve de sagesse en rétrospective qu'en prospective.
Au début de l'année dernière, vous vous en souvenez, nous avons constaté que certains prix avaient tendance à augmenter, puis la tendance a semblé se généraliser. C'est pourquoi nous sommes intervenus, car au bout de quatre ou cinq mois, à raison d'une petite augmentation tous les mois, et d'une petite augmentation supérieure à ce que nous avions prévu, nous avons commencé à nous demander si notre prévision concernant l'écart de production n'était pas un peu erronée.
Deuxièmement, nous avons craint qu'avec ces dépassements d'un mois sur l'autre, les prévisions concernant l'inflation commencent elles aussi à monter. C'est ce que nous indiquaient nos sondages, et c'est pour cela que nous sommes intervenus. Nous ne saurons jamais quelle partie du ralentissement de l'inflation a été imputable à notre intervention préemptive, ni ce qui ce serait passé sans cette intervention. Ce sont des choses dont on ne peut jamais être entièrement sûr.
Si ce qui s'est produit était destiné à se produire de toute façon—et nous en étions certains—les mesures que nous avons prises n'étaient sans doute pas absolument indispensables, mais nous ne pouvions pas le savoir à l'époque.
M. Monte Solberg: Je peux vous assurer que c'est grâce au rétroviseur que je fais mes meilleures prévisions, et je compatis donc tout à fait avec vous.
Je vais maintenant vous demander de faire une autre prévision. Vous semblez dire que la croissance devrait s'établir cette année aux environs de 3,75 p. 100, et le ministère des Finances, parle, je crois, de 3,3 p. 100. Ce matin le FMI annonçait 2,6 p. 100. Pouvez-vous expliquer cet écart? Les 2,6 p. 100 de ce matin vous portent-ils à la réflexion? Est-ce que vous souhaitez rajuster votre prévision pour cette année?
M. David Dodge: L'écart entre 2,6 p. 100 et 2,75 p. 100 ne dépasse pas la marge d'erreur statistique de la mesure, malgré l'écart dans le temps. En prospective, c'est presque la même chose.
M. Monte Solberg: Excusez-moi, il m'a semblé que vous parliez de 3,75 p. 100.
M. David Dodge: Oui, mais pour 2005.
M. Paul Jenkins (gouverneur adjoint principal, Banque du Canada): Pour cette année, nous sommes à 2,75 p. 100.
M. David Dodge: Le FMI annonce environ 2,6 p. 100. L'année prochaine, il parle d'environ 3.25 p. 100, alors que nous sommes à 3,75 p. 100.
M. Monte Solberg: Excusez-moi, j'étais mal renseigné. Je vous demande pardon.
Il y a par contre une grande différence entre vos prévisions de croissance de l'économie américaine et celles du ministère des Finances; c'est 4,5 p. 100 contre 3,8 p. 100.
M. David Dodge: Pour l'année prochaine?
M. Monte Solberg: Oui. Vous parlez de 4,5 p. 100.
M. David Dodge: Pour l'année prochaine, nous sommes légèrement au-dessus du consensus, qui s'établit aux environs de 4 p. 100. Nous sommes un peu au-dessus.
M. Monte Solberg: Oui, vous êtes à 4,5. 100. Pouvez-vous expliquer cet écart? Est-ce que vous êtes simplement plus optimiste, et dans ce cas, pourquoi?
M. David Dodge: Au niveau des détails, je crois que nous envisageons probablement un investissement américain légèrement plus fort l'année prochaine que ne le prévoit le consensus.
M. Monte Solberg: D'accord.
Statistique Canada a annoncé hier qu'au plan statistique, rien ne prouvait que la mollesse de l'économie constatée l'année dernière était imputable au SRAS, à l'ESB ou aux autres calamités qui ont frappé le pays. L'organisme estime qu'il ne s'agissait pas de facteurs importants dans le ralentissement de l'économie. Évidemment, un certain nombre de ministres ont dit qu'ils étaient à l'origine du problème et qu'il fallait en conséquence faire preuve d'une extrême prudence, etc.
Qu'en pensez-vous? Est-ce que vous acceptez leurs arguments? Qu'est-ce qui, à votre avis, a provoqué le ralentissement de l'année dernière? Peut-il être dû à l'augmentation rapide de notre dollar, par exemple?
¹ (1545)
M. David Dodge: Je pense qu'il y a ici deux points à considérer.
Au plan technique, vous voulez parler du chiffre que nous avons publié la dernière fois... n'est-ce pas?
M. Paul Jenkins: Oui, dans le dernier rapport.
M. David Dodge: Ce chiffre n'était guère différent de celui de Statistique Canada. Quand on analyse techniquement les différents facteurs, on ne peut analyser que leur effet direct. Or, dans la mesure où ces facteurs ont inévitablement tendance à infléchir la confiance, etc., on commet une erreur. Nous en avons convenu lorsque nous avons produit nos propres chiffres. Nous pensions que l'effet de ces événements serait un peu plus durable que leur impact direct.
Tout cela est très difficile. Nous parlons actuellement de secteurs relativement modestes dans l'ensemble de l'économie. C'est dans la mesure où les événements ont des répercussions ailleurs, pour des raisons de confiance ou pour autre chose, qu'on obtient finalement un effet un peu plus marqué, ou du moins plus durable.
Le secteur touristique en est sans doute un bon exemple. On y ressent encore les effets du SRAS. Il faut un certain temps avant que les réactions s'atténuent et que les congrès et les autres événements, qui ont été annulés l'année dernière... Il y a eu des réservations qui ont été annulées l'année dernière, mais les mêmes événements auraient dû se produire cette année, ou pourraient même se produire l'année prochaine.
Le président: Merci, monsieur Solberg. Nous pourrons revenir à vous plus tard, si vous le voulez.
Monsieur Paquette.
[Français]
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Bonjour. Merci d'être présent et de nous avoir livré votre présentation.
Il n'y a pas très longtemps, j'ai rencontré des gens de l'Association des manufacturiers. Ils se plaignaient du fait que dans vos rapports sur la politique monétaire, vous ne teniez guère compte de la baisse des exportations. Ils souhaitaient, bien entendu, que les taux d'intérêt baissent plus rapidement, de façon à ce qu'il y ait un effet sur le taux de change.
Ainsi, la première chose que j'ai faite en voyant votre rapport a été de vérifier ce qu'on y disait sur les exportations. Or, j'ai été assez surpris de constater, dans la première note technique de la page 11 de la version française, que vous admettiez ce qui suit: « ...les exportations de biens et services stagnent depuis le début de 2001. »
J'aimerais d'abord savoir--et je vais ensuite vous poser les deux autres questions qui vont de pair avec la première--si, avec le recul, maintenant qu'on peut lire le livre à partir de la fin, vous diriez que cette stagnation des exportations aurait pu être surmontée par le biais d'une baisse plus rapide. Pour stimuler les exportations qui, selon vous--et ça semble être le cas en effet--stagnent depuis le début de 2001, une baisse plus rapide des taux aurait-elle pu être efficace?
M. David Dodge: On ne saura jamais exactement ce qui se serait passé si on avait appliqué une politique différente. Cependant, il est intéressant de constater qu'alors même que l'écart entre les taux d'intérêts du Canada et ceux des États-Unis est plus étroit, le dollar américain devient de plus en plus fort. En fait, de nombreux facteurs exercent une influence sur le taux de change. L'écart entre les taux d'intérêt n'en est qu'un parmi d'autres.
M. Pierre Paquette: J'ai consulté les rapports de 2001, 2002 et 2003, et j'ai remarqué qu'on y parlait toujours de nos difficultés d'exportation, essentiellement en fonction des difficultés de l'économie américaine et du dollar canadien qui est très fort. Ainsi, un élément de cette note technique--non pas qu'il m'ait surpris, étant donné que tout le monde en parle--était pour moi quelque chose de nouveau venant de la Banque du Canada. Pour la première fois, on parle des pays émergents. J'aimerais que vous m'en disiez un peu plus à ce sujet.
J'ai étudié en sciences économiques au début des années 1970, et il me semble que depuis 25 ans, de façon récurrente--soit à tous les huit ou dix ans--, on nous parle d'un nouveau géant qui va détruire nos industries. Cela génère beaucoup de craintes. On peut toujours se référer à l'exemple d'une entreprise qui, dans une région donnée, a dû fermer ses portes à cause de la concurrence--qualifiée dans bien des cas de déloyale--de la Chine, de l'Inde ou d'un autre pays du sud-est asiatique.
Votre approche étant plutôt nuancée--et il ne s'agit ici que de quelques lignes--, j'aimerais que vous nous disiez quelle est selon vous la teneur du danger que représentent pour l'économie canadienne ces économies émergentes, et en particulier pour ce qui est du marché américain.
¹ (1550)
M. Paul Jenkins: D'abord, il y a plusieurs facteurs reliés à l'émergence de pays comme la Chine et l'Inde. Comme vous l'avez mentionné, il y a certainement un niveau de concurrence plus élevé pour le secteur manufacturier ici et dans les autres pays industrialisés. Mais en même temps, la demande intérieure dans l'économie chinoise est aussi à un niveau très élevé. C'est une raison pour laquelle les prix des produits de base ont augmenté très rapidement. Donc, il y a des facteurs positifs et des facteurs négatifs.
À moyen terme, l'émergence de la Chine, par exemple, comporte de multiples avantages à cause de la demande potentielle de l'économie chinoise. Ensemble la population de la Chine et celle de l'Inde représentent presque 40 p. 100 de la population mondiale. Donc, il existe des avantages reliés aux marchés intérieurs des pays émergents, mais la concurrence existe aussi, parallèlement. Pour l'économie canadienne, pour la politique monétaire, c'est l'équilibre entre les facteurs positifs et négatifs qui est très important.
M. Pierre Paquette: La baisse de nos exportations en machinerie industrielle, est-ce que cela vient de la concurrence des pays émergents? Cela me semblerait étonnant. Est-ce que ça explique que...?
M. Paul Jenkins: Non. Probablement que cela représente grosso modo les faiblesses, dans le passé, de l'investissement aux États-Unis. Après les problèmes causés par des scandales comme ceux de WorldCom et d'Enron, il y avait un niveau d'incertitude dans les décisions des entreprises, ce qui s'est traduit par la faiblesse des exportations dans le secteur des machines industrielles et matérielles. Comme le gouverneur l'a mentionné, pour l'avenir, on pense qu'avec les prévisions économiques américaine actuelles, cette année et l'année prochaine, l'investissement dans les machines et équipements américains reprendra de la vigueur. En effet, les données très récentes indiquent un rebondissement dans nos exportations aux États-Unis.
¹ (1555)
M. Pierre Paquette: Est-ce que j'ai encore un peu de temps?
Le président: Peut-être au prochain tour.
M. Pierre Paquette: Je n'ai plus de temps?
Le président: Non, c'est fini. Je m'excuse, mais nous aurons l'occasion d'y revenir.
Mr. McKay.
[Traduction]
L'hon. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président et merci aux témoins.
J'ai quatre questions. La première porte sur les prévisions du FMI par opposition à celles du secteur privé et de la Banque du Canada. Pour l'année 2004, il semble y avoir une uniformité relative entre les chiffres canadiens et américains. Mais en 2005, il y a une différence marquée entre vos prévisions de la croissance de l'économie, 3,8 p. 100, par rapport à celles du FMI, un peu plus modestes à 3,1 p. 100 et celles du secteur privé à 3,3 p. 100. Il y a donc un écart de 0,5 p. 100 entre vous et le secteur privé et de 0,7 p. 100 entre vous et le FMI. Les autres prédictions au sujet des États-Unis sont à peu près les mêmes.
Vous semblez donc un peu plus optimiste pour le Canada en 2005. Je suis intéressé par cet écart plutôt important entre l'avis du secteur privé, du FMI et le vôtre, et je me demande si cela dénote une différence d'analyse. C'est la première question.
La deuxième porte sur la croissance aux États-Unis, ce que vous avez dit sur la reprise relativement forte dans ce pays, mue il faut bien le dire par les déficits. On reconnaît là une habitude : quand l'économie ralentit, le gouvernement y injecte de l'argent en accumulant des déficits considérables. Un jour ou l'autre, il faudra payer la note. Quand d'après vous l'économie américaine paiera-t-elle?
Je ne sais pas si vous avez vu la chronique de Bruce Little dans le Globe and Mail d'aujourd'hui, mais je crois qu'il a compris quelque chose.
La troisième question porte sur une publication du ministère des Finances appelée L'Économie en bref. On y dit que la croissance de l'emploi en janvier 2004 était de 1,1 p. 100, ce qui est relativement modeste, alors que la dernière fois que vous avez abaissé le taux, il est passé à 2 p. 100, ce qui fait vraiment de l'argent à bon marché. J'aurais cru que cela stimulerait l'emploi au lieu de le laisser stationnaire.
Enfin, la quatrième question porte sur ce que vous avez dit à propos des pays à marché émergent. Je comprends que la Chine et l'Inde sont d'immenses marchés en puissance, mais allons-nous nous retrouver avec le problème qui est devenu un enjeu électoral aux États-Unis, à savoir une reprise sans emplois si bien que notre seul espoir de croissance sera la productivité plutôt que la croissance de l'emploi? J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela aussi.
M. David Dodge: Eh bien, Il y a beaucoup de matière là-dedans. Je vais répondre aux deux dernières questions ensemble parce qu'elles sont liées l'une à l'autre.
Il est certain que l'on observe actuellement au pays une augmentation du prix relatif des matières premières, des produits agricoles, des approvisionnements industriels, etc. C'est la conséquence du relèvement marqué des cours mondiaux. Par ailleurs, les prix des produits manufacturés dans le monde sont stables ou même en chute. Il n'est donc pas étonnant d'observer dans l'économie un déplacement des ressources—aussi bien en main-d'oeuvre qu'en investissement—qui délaisse les secteurs de forte concurrence—ainsi qu'une baisse relative des prix—en faveur des secteurs où les prix montent. Cela profite bien à notre bien-être puisque c'est précisément le changement que l'on veut voir survenir pour élever les revenus au pays.
L'ennui, évidemment, c'est que les industries qui se contractent et celles qui prennent de l'expansion ne sont pas forcément situées dans la même région. Deuxièmement, les compétences nécessaires dans celles qui régressent un peu ne se transfèrent pas forcément facilement dans celles qui progressent. Le phénomène s'est souvent produit dans notre histoire et c'est ce qu'on appelle le problème de l'adaptation.
On s'attend donc à ce qu'une partie de l'ouvraison ou des services d'ici se délocalise, soit sous forme d'une plus grande importation de ces produits et services soit parce que des éléments de la production sont réalisés là où cela coûte le moins cher. Un bon exemple de cela est l'industrie du conditionnement du poisson. C'est aujourd'hui une industrie mondiale et le travail qui demande le moins de compétence se fait au large des côtes chinoises tandis que celui qui en demande le plus—le conditionnement, la valorisation du poisson, etc.—se fait ici. C'est précisément ce qui est efficace selon les lois du marché.
Voilà donc le topo au sujet de la délocalisation et c'est un peu la raison pour laquelle nous ne pensons pas que la croissance de l'emploi sera aussi forte en 2004 ni sans doute en 2005 qu'elle l'était en 2002 et 2003 à cause de ce processus d'adaptation. Notre rôle à nous est de la faciliter, de faire en sorte que ces nouveaux investissements se fassent, soit en capital humain ou en capital matériel, au moyen d'une politique monétaire obligeante. Cela présente très peu de risques à court terme du fait que l'inflation est relativement faible et que nous avons un écart de production assez important.
Je crois donc que ces deux éléments sont reliés et j'ai essayé de vous répondre.
Permettez-moi maintenant...
º (1600)
Le président: Peut-être pourrons-nous répondre plus tard aux deux autres, monsieur Dodge, parce qu'il ne nous reste plus de temps.
L'hon. John McKay: J'ai une autre question.
Le président: Il faudra tenir un deuxième tour de toute façon.
M. David Dodge: Très bien.
Le président: Vous avez noté les questions, j'imagine?
M. David Dodge: Oui.
Le président: Très bien.
Madame Leung.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le gouverneur.
[Note de la rédaction: difficultés techniques]... surtout en Colombie-Britannique, où... [Note de la rédaction: inaudible]... c'est incroyable. Le marché est si fébrile que les gens font la queue pendant des heures pour acheter des condos, des tours...
Une voix: Qui fuient.
Mme Sophia Leung: De qualité, qui n'ont pas de fuites.
[Note de la rédaction: difficultés techniques]
Mme Sophia Leung: Je pense donc que c'est une bonne chose. Nous allons nous en réjouir. Mais ma question est la suivante. C'est le phénomène des moutons de Panurge : tout le monde se précipite sur le marché du logement, dont beaucoup de jeunes au revenu limité. On parle beaucoup du fait que si la bulle du logement éclate, il y aura quantité de drames et de faillites causés par leur incapacité de faire face à leurs paiements. C'est une partie de ma question.
L'autre, qu'arrivera-t-il si les faibles taux d'intérêt...? Vous avez dit qu'il va falloir augmenter notre compétitivité pour trouver de nouveaux débouchés dans les pays à marché émergent, comme la Chine. Y voyez-vous un lien?
J'ai une autre question. Nous avons des liens très étroits avec le marché et l'économie des États-Unis. Actuellement, le taux d'inflation aux États-Unis est plutôt bon; il est très faible en comparaison de celui du Canada. Pensez-vous que nous allons suivre la même tendance que les États-Unis?
º (1605)
M. David Dodge: Je répondrai d'abord à la question sur la bulle du logement, après quoi, si vous le permettez, monsieur le président, je demanderais à Paul de parler de l'inflation américaine et de nos prévisions pour les États-Unis tout en répondant à la question précédente, puisque les deux sujets sont liés.
En ce qui concerne le logement, oui, il s'agit assurément là d'un des éléments de notre indice des prix que nous suivons avec une très grande préoccupation. Dans l'indice, le prix des maisons neuves, ce que l'on appelle le coût de remplacement, progresse actuellement au rythme d'environ 5,8 p. 100, ce qui est près de quatre fois le rythme de l'indice de référence. C'est donc quelque chose que nous observons de très près. L'impulsion provient en grande partie mais non exclusivement de trois marchés : le marché renversant de Vancouver et de Victoria, la consolidation, après un long hiatus, du marché du logement de Montréal, où les prix sont encore relativement bas mais qui augmentent plutôt rapidement; et le centre-ville de Toronto. Les trois commencent à surchauffer, même si l'offre réagit et que les loyers sont en fait en train de baisser. Autant dire que le marché fonctionne, mais nous allons continuer de suivre la situation de près.
Après mûre réflexion, nous estimons que le mot « bulle » ne convient pas à la situation canadienne parce que ce que nous avons constaté en 2002, 2003 et aujourd'hui encore en 2004, ce sont des fluctuations rapides du prix, mais seulement après une très longue période où le prix réel du logement avait en fait baissé dans la plupart des régions du pays. Le marché connaît donc une sorte de rattrapage. Il reste toutefois que nous surveillons la chose de près.
Je vais maintenant demander à Paul de parler du taux d'inflation aux États-Unis, qui est évidemment lié aux prévisions de l'économie dans ce pays.
M. Paul Jenkins: Merci, monsieur le gouverneur.
J'ai deux ou trois choses à dire pour essayer de rassembler ces questions. En ce qui concerne d'abord nos prévisions de croissance de l'économie américaine, oui, notre chiffre est légèrement supérieur au consensus, mais la solidité de notre prédiction pour les États-Unis est la conséquence de plusieurs éléments de notre jugement et de notre analyse des facteurs en jeu dans l'économie américaine. Tout d'abord, la force du stimulant provenant des politiques monétaire et fiscale aux États-Unis encourage vigoureusement une forte croissance cette année et l'an prochain. De plus, les bénéfices se reconstituent aux États-Unis et la productivité a beaucoup augmenté.
Évidemment, les gains de productivité doivent aboutir quelque part et c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles les bénéfices ont augmenté aux États-Unis. Mais une partie de cette marge bénéficiaire se traduit également en augmentation des salaires réels même si l'emploi a été plutôt atone. Aussi bien dans les entreprises que dans les ménages aux États-Unis, on observe donc des facteurs propices à la poursuite d'une croissance forte de la demande intérieure.
Évidemment, l'autre facteur—qui agit sur nous aussi—est la force de l'économie mondiale dans son ensemble. La vigueur de l'économie mondiale ajoutée à la dépréciation du dollar américain est un autre facteur qui joue.
C'est donc dire que pour plusieurs raisons, nous sommes raisonnablement à l'aise avec cette prévision au sujet des États-Unis.
Pour ce qui est des prévisions de l'inflation, oui, l'inflation aux États-Unis est plutôt basse à l'heure actuelle. Lorsque l'on relie cela au scénario de la croissance aux États-Unis, l'autre facteur dont il faut tenir compte est ce que l'on appelle l'« écart de production », c'est-à-dire la différence entre le niveau d'activité ou de production de l'économie américaine et ce qu'elle aurait les capacités de produire avant que ne s'installe une pression soutenue en faveur de la hausse de l'inflation. En raison de la longue période de croissance léthargique—et même, selon certaines mesures, de récession aux États-Unis—il y a un très grand écart de production aux États-Unis. De fait, nous estimons qu'il est sensiblement plus grand que celui qui existe au Canada. C'est donc dire que l'économie américaine a largement l'espace nécessaire pour croître à un rythme très rapide avant de combler cet écart de production et de commencer à exercer des pressions à la hausse sur l'inflation.
Dans l'avenir, à notre avis, l'inflation aux États-Unis—comme l'a dit M. Greenspan, le président de la Federal Reserve —sera contenue; en outre, comme vous ne l'ignorez pas, le but de notre action en matière d'inflation est de la maintenir proche de notre objectif de 2 p. 100. S'agissant de l'avenir, donc—et cela rejoint d'ailleurs ce que nous disons dans le rapport—nous prévoyons que l'inflation se stabilisera autour de 2 p. 100 vers la fin de l'an prochain.
Pour ce qui est de l'autre question, je dirai...
º (1610)
Le président: Désolé, monsieur Jenkins, pourrait-on revenir à ce sujet plus tard?
M. Paul Jenkins: J'allais revenir sur la situation du déficit aux États-Unis.
Le président: Ce sera peut-être possible au prochain tour.
Madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci, monsieur le président.
Merci encore une fois à vous monsieur Dodge et monsieur Jenkins. Je regrette de ne pas avoir été ici pour entendre votre déclaration ou les questions. J'espère ne pas répéter ce qui a été dit mais j'imagine que ce n'est sans doute pas le cas. Je vous présente aussi mes excuses parce que je dois faire la navette entre notre comité et celui des comptes publics.
J'aimerais poursuivre la question des cibles de l'inflation et son revers, les objectifs de chômage. Vous avez dit au comité sénatorial hier, je crois, que les faibles taux d'intérêt sont en voie de disparaître, si j'interprète bien ce que vous avez dit, et les journalistes pensent bien que la réduction de 0,25 p. 100 du taux de la semaine dernière sera la dernière. Vous avez parlé un peu des cibles de l'inflation et du fait que nous sommes à peu au niveau recherché. En fait, vous semblez avoir remporté la bataille contre l'inflation; or, le chômage, lui, reste stable à 7,5 p. 100.
Voici ma question. Pouvons-nous appliquer autant d'ardeur à lutter contre le chômage que celle que nous avons appliquée à la lutte contre l'inflation? Estimez-vous même que le chômage devrait être réduit? Dans le cadre de la politique monétaire du Canada, voyez-vous des avantages à ce qu'il y ait plus de citoyens qui occupent des emplois à plein temps bien rémunérés?
M. David Dodge: Oui. Vous avez dit en termes quelque peu différents précisément ce que nous essayons de faire. Nous agissons symétriquement autour de cet objectif de 2 p.100 et nous nous situons actuellement à environ 0,7 p. 100 de l'indice global. L'indice de référence est sans doute une meilleure mesure et il se situe autour de 1.3 p. 100.
C'est pourquoi nous pratiquons une politique de détente ou de desserrement précisément pour la raison que vous avez évoquée, à savoir qu'il y a à notre avis un écart qui doit être comblé pour remonter à la barre des 2 p. 100. Au moment où beaucoup d'autres pays ont une politique de resserrement, nous, nous pratiquons une politique de relâchement.
º (1615)
Mme Judy Wasylycia-Leis: D'accord.
M. David Dodge: Ce que vous avez dit est donc tout à fait juste. Nous intervenons symétriquement autour de l'objectif et nous pratiquons actuellement une politique marquée de détente parce que nous voyons l'écart se creuser.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Envisagez-vous d'être moins rigide face aux taux d'intérêt si cela semble nécessaire pour résorber le chômage?
M. David Dodge: Oui, c'est précisément la question qui se pose. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il ne nous semble pas que la croissance de l'emploi sera très forte cette année, pas autant que ces dernières années, où elle a été très vigoureuse. Il y a donc des capacités inutilisées dans l'économie et c'est précisément pourquoi nous avons décidé récemment de réduire les taux pour soutenir la demande globale. Mais l'adaptation ne se fait jamais sans mal et c'est pourquoi nous jugeons très important de soutenir la demande globale à l'heure actuelle.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Un autre sujet qui suscite des inquiétudes est l'importance que l'on accorde actuellement à la réduction de la dette nationale. C'est pour vous une des principales questions prioritaires, je crois. D'après le budget fédéral, le gouvernement s'est fixé pour cible de réduire la dette nationale à 25 p. 100 du PIB en 10 ans.
S'agit-il d'après vous d'un objectif approprié et y accorde-t-on la priorité voulue, le premier ministre Paul Martin, ayant dit qu'il sera atteint advienne que pourra?
M. David Dodge: Cette question est vraiment importante. Il ne s'agit pas vraiment de réduire de beaucoup le montant nominal de la dette, mais si nous parvenons à alléger le fardeau de la dette, le ratio de la dette par rapport au PIB, au fil des ans, nous abaisserons la part des recettes fiscales affectée au paiement des intérêts sur la dette et l'impôt, quel qu'il soit, permettra de fournir plus de biens et services réels aux Canadiens. Cela est particulièrement important, comme je l'ai dit, au moment où nous nous tournons vers la prochaine décennie, lorsque des pressions sur les dépenses commenceront à se faire sentir, uniquement pour maintenir le niveau actuel des services.
Je pense donc en effet que c'est très important et cela ne s'applique pas qu'au Canada parce que si les Canadiens ne doutent pas que ces services existeront sans imposer une fiscalité exagérément lourde sur la partie décroissante de la population qui constitue la main-d'oeuvre—pour éviter d'en faire payer le prix par les impôts à tous les jeunes—alors j'estime que c'est tout à fait indiqué pour le pays au fil des ans et que cela nous permettra d'appliquer une politique monétaire capable de s'adapter plus rapidement à l'évolution de la situation économique.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Vous avez publiquement dit croire que la réduction de la dette est importante ou vitale à cause du vieillissement de la génération des baby-boomers et pour assurer sa sécurité. Mais la solution que vous recommandez ne me convainc pas encore car il me semble que l'on risque ainsi d'accumuler une dette humaine encore plus lourde, l'accent étant mis sur la réduction du ratio dette-PIB, sans assurer la survie des programmes qui les aideront lorsqu'ils seront devenus vieux, comme la santé et les services sociaux.
Ne jugez-vous pas important de mettre au moins autant l'accent sur le rétablissement du financement de ces programmes essentiels que sont la santé et les programmes sociaux pour répondre aux besoins d'une population vieillissante et assurer la sécurité des baby-boomers?
M. David Dodge: Oui, quoique j'estime qu'il faille être un peu prudent ici. La question est de savoir si l'on paie maintenant ou si l'on devra payer plus tard. Or, les payeurs de demain ne sont pas payeurs d'aujourd'hui.
Ce que l'on craint, c'est que même si le taux d'activité des plus de 60 ans augmente—sinon dans la population active sûrement dans celui du bénévolat, les gens étant davantage en bonne santé—il reste que pour assurer le même niveau de services pour tous, une plus grande partie de la richesse nationale devra être affectée à ces programmes. Il est de loin préférable de les assurer en allégeant le service de la dette. Vous savez, personne ne se lève le matin en disant « Monsieur le premier ministre, vous m'avez rendu un fier service en remboursant une partie de la dette hier. » Ce sont les vrais services qui comptent.
Surtout en ce moment de notre histoire, il importe que le gouvernement fédéral et le secteur public pris au sens large, conserve un équilibre financier qui, avec le temps, allégera le fardeau de la dette des futurs contribuables et de nos enfants.
º (1620)
Le président: Merci beaucoup.
Merci, madame Wasylycia-Leis. Bonne chance dans vos travaux au Comité des comptes publics.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je reviendrai peut-être.
Le président: Très bien.
Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai une autre question.
Le président: Peut-être obtiendrez-vous des réponses aux questions irritantes du Comité des comptes publics, qui sait?
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci.
Le président: Je cède maintenant la parole à Mme Minna.
L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je tiens à vous féliciter, monsieur Dodge, pour un de vos discours que j'ai lu dans le journal où vous disiez que si nous devions faire un investissement aujourd'hui pour obtenir le meilleur rendement qui soit, il faudrait investir dans l'apprentissage en bas âge.
Je reconnais avoir un faible pour cette question et je suis heureuse d'entendre le gouverneur de la Banque du Canada être du même avis. Qui sait, cela donnera peut-être le coup de pouce qu'il faut pour nous mobiliser en ce sens.
M. David Dodge: Ce n'est que du bon sens économique.
L'hon. Maria Minna: Je sais. C'est ce que j'ai dit à mes collègues. Merci à vous de le dire. Chaque fois que j'en parle, ils me disent « Maria, les questions sociales... » et je leur réponds que les questions sociales et économiques ne sont pas vraiment différentes, surtout lorsqu'il s'agit de... Enfin.
Dans votre déclaration d'aujourd'hui, monsieur Dodge, vous avez dit que selon les indications préliminaires, la croissance dans le premier trimestre de cette année était légèrement inférieure à 3 p. 100 et que de l'avis de la banque, l'économie fonctionne toujours sensiblement en deçà de ses capacités. Pouvez-vous nous dire exactement pourquoi?
De plus, dans un article dans le journal d'aujourd'hui, on vous cite et l'on dit que d'après vous les taux d'intérêt vont sans doute monter de deux ou trois points d'après les études. À quoi attribuez-vous cette mollesse? Cela étant, l'augmentation des taux d'intérêt ne risque-t-elle pas de l'aggraver et surtout de pénaliser les petites entreprises et celles qui sont plus vulnérables? Cela ne viendrait-il pas ajouter aux problèmes de l'économie?
M. David Dodge: Je répondrai à la deuxième question d'abord, car il est plus facile d'y répondre qu'à la première.
Ce que nous observons à l'échelle internationale en ce moment, c'est qu'il y a beaucoup de liquidités dans le système. En d'autres mots, les taux d'intérêt en valeur nominale et en valeur réelle dans le monde ont été très bas depuis quelques années. Cela est dû, en grande partie, au fait que l'on essaye de faciliter une certaine adaptation à l'échelle internationale, pour relancer la croissance.
Ce que nous prévoyons et ce que nous observons actuellement—et c'est une tendance internationale, et pas uniquement canadienne—que ce soit aux États-Unis, en Amérique latine, ou en Asie, qui connaît une très bonne performance—c'est une augmentation de la demande. Le rapport du FMI qui a été publié cette semaine en fait état.
D'habitude, ce qui se passe ensuite, c'est que l'on assiste à des pressions sur les prix à travers le monde. Que les banques centrales aient des cibles monétaires, comme c'est le cas pour nous, le Royaume-Uni et l'Australie, ou qu'elles aient une idée implicite de leur orientation, comme aux États-Unis, c'est quand même un signe que ces taux vont devoir remonter pour atteindre un niveau plus normal. Si ce n'est un événement qui viendrait interrompre cette forte tendance mondiale de croissance, on peut s'attendre que les taux augmentent dans le monde. C'est l'argument que j'ai fait valoir hier au Sénat.
Le problème pour nous, c'est que nous connaissons une adaptation un peu différente. Notre croissance a été forte pendant une période où, dans le reste du monde, elle fléchissait. En outre la croissance faiblissait, nous avons connu une appréciation de notre taux de change, certains de nos partenaires commerciaux ont changé, ce qui veut dire qu'il nous faut traverser une période d'adaptation, ce que nous sommes en train de faire en ce moment en forçant l'économie pour qu'elle atteigne son potentiel, grâce à des taux d'intérêt relativement faibles.
Voilà pour ce qui est de la deuxième question, qui, je le répète, est relativement simple. Pourquoi la croissance est-elle en deçà de son potentiel? D'où vient cet écart? Je dois dire, comme vous pouvez le voir dans mon rapport de l'année dernière, que cet écart est beaucoup plus important que nous l'avions prévu.
Il y a eu des facteurs ponctuels, mais, comme vous le voyez à la page 25 de notre rapport, l'année dernière, les exportations n'ont pas concouru à la croissance annuelle , et ça fait partie de l'adaptation à l'appréciation du cours du dollar canadien.
Il y a ce facteur, et il y a aussi le fait qu'il y a eu des changements dans les prix relatifs dans notre économie, et comme je l'ai dit plutôt, d'habitude, lorsque cela se produit, une adaptation à la baisse se produit juste avant l'adaptation à la hausse. Il faut fournir des ressources avant de pouvoir les redéployer.
Paul, vous suivez cela de plus près que moi.
º (1625)
M. Paul Jenkins: Je pense que vous avez souligné les éléments clés, gouverneur.
Si on se reporte un an en arrière, à la même époque, on pensait que l'économie fonctionnait à pleine capacité ou presque, mais on a connu une série de chocs qui nous ont nui pendant le deuxième et troisième trimestres, où la croissance de l'économie était presque nulle. Ajoutez à cela l'adaptation internationale, et je pense que vous avez les facteurs principaux qui ont mené à une performance plus faible que ce à quoi nous nous attendions. L'objectif est donc d'absorber les capacités inutilisées. À cause de l'augmentation de l'écart de production, l'inflation est inférieure à notre cible, alors l'objectif est d'atteindre de nouveau cette cible, pour que l'économie fonctionne de nouveau à pleine capacité.
Le président: Merci, madame Minna.
Monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Merci beaucoup.
Vous avez parlé brièvement des pays à marché émergent. Dans la presse financière, on parle de l'incidence que la Chine a eue sur le prix du pétrole, etc. On me dit que le salaire moyen en Chine est d'environ 67 cents américains de l'heure. Vous avez également parlé brièvement de la relocalisation et vous avez décrit un processus méthodique de déplacement de la main-d'oeuvre peu qualifiée de ces économies,que l'on remplace, semble-t-il par des travailleurs plus qualifiés. Je me demande dans quelle mesure ce processus est méthodique. On observe cette économie à marché émergent et la Chine semble avoir vraiment mis de l'ordre dans ses affaires, mais il existe quand même quelques points noirs à l'horizon. Je reviens à peine de Taïwan. J'ai remarqué qu'une grande partie de leur secteur informatique a été relocalisée en Chine. Alors la Chine semble attirer les ressources de presque toutes les économies.
On parle de cette reprise économique dite sans emploi. Pensez-vous qu'un processus méthodique va se produire dans le déplacement de la main-d'oeuvre?
º (1630)
M. David Dodge: Évidemment, ça ne vous semble jamais très méthodique lorsque vous êtes directement touché. Je pense qu'il faut le reconnaître. Comme je l'ai dit plus tôt, au Canada, le mélange industriel de nos économies régionales et provinciales est assez différent, et notre secteur de la fabrication est concentré à Winnipeg, dans le sud de l'Ontario, dans la plaine de Montréal, alors que la production des ressources se trouve dans le nord de l'Ontario, en Alberta, etc. Alors les adaptations sont toujours un peu délicates. Mais souvenez-vous que la valeur de ces produits, lorsque nous voulons produire davantage mais que nous sommes limités par l'offre, augmente de beaucoup le revenu des Canadiens. Nous avons un problème de distribution, à la fois sur le plan géographique et sur le plan de la répartition entre les entreprises qui font du profit.
Ça n'a rien de nouveau. Nous connaissons la chanson. Ce que nous pensons avoir appris, c'est qu'il est important pour la politique monétaire, lorsque cet écart de production se creuse, c'est d'offrir un soutien et c'est possible grâce à la politique fiscale sensée appliquée par les gouvernements provinciaux et fédéral ces dernières années pour que les gens aient confiance dans les finances publiques de la nation.
M. Alex Shepherd: Il y a quelques années, tout le monde parlait de masse monétaire. Dès qu'on parlait d'inflation, on parlait de masse monétaire. J'ai ouvert votre rapport, vous parlez d'inflation, mais jamais de masse monétaire. J'ai toujours été du nombre de ces économistes idiots qui ne comprennent pas pourquoi, avec une inflation de 2 p. 100, vous faisiez augmenter la masse monétaire de 10 p. 100 chaque année. Pouvez-vous m'expliquer cela? Qu'est-ce que l'augmentation de la masse monétaire?
M. David Dodge: Il y a deux tableaux à la page 27. L'un sur M1, et l'autre sur l'inflation. En gros nous nous sommes rendu compte au cours des années que la relation entre nos agrégats monétaires, quels qu'ils soient, et l'inflation ou la production n'était pas du tout aussi stable que nous le pensions. Par conséquent, même si nous continuons à surveiller cela—ce qui donne quand même de l'information—, cette relation à court terme entre l'évolution de la masse monétaire et l'évolution des prix n'est pas du tout aussi étroite qu'on le pensait.
Donc, nous continuons à la surveiller, et vous verrez toujours ces chiffres dans notre rapport. Lorsque nous faisons des exposés au sein de la banque, il y en a toujours un qui porte sur l'évolution des agrégats monétaires et son incidence sur les conditions de crédit. Alors ça n'a pas disparu, mais cette relation n'est pas très étroite.
M. Alex Shepherd: Vous dites que le coefficient de corrélation entre ces deux facteurs n'est pas aussi fort qu'on le pensait.
M. Paul Jenkins: C'est exact.
M. Alex Shepherd: J'ai une autre question. En ce qui concerne les pressions populaires, vous songiez, j'imagine, au Régime de pensions du Canada. Je crois que vous parliez de l'âge des travailleurs âgés et de certains aspects que vous avez soulevés aujourd'hui. J'ai toujours été fasciné de constater que nous autorisons des personnes à toucher des prestations du Régime de pensions du Canada à 60 ans, compte tenu des répercussions financières que cela entraîne.
M. David Dodge: Tout d'abord, nous reconnaissons que nous avons une importante cohorte de baby-boomers qui approchent maintenant de la soixantaine, et qui sera beaucoup plus nombreuse au cours de la prochaine décennie.
Hier, nous avons en fait indiqué—et j'en ai d'ailleurs parlé ailleurs—que l'un des changements qu'entraînera cette situation sera l'augmentation des taux de participation à la population active de la cohorte âgée de 60 à 64 ans. En fait, on risque de constater une augmentation de la proportion de personnes âgées de 65 à 69 ans qui participent à l'économie de marché, peut-être à temps partiel, ou qui participent au secteur bénévole. Nous ne devrions pas dresser des obstacles à ce type de participation volontaire, c'est pourquoi je fais valoir deux arguments.
Dans un premier temps, il n'est pas très logique d'établir une restriction artificielle qui oblige une entreprise à mettre à pied tous les travailleurs une fois qu'ils atteignent l'âge de 65 ans. Certaines personnes voudront peut-être travailler plus longtemps, d'autres moins longtemps. Cet obstacle artificiel ne devrait pas exister.
Dans un deuxième temps, en ce qui concerne le Régime de pensions du Canada, le régime prévoit en fait un mécanisme qui permet à un travailleur de prendre sa retraite avant l'âge de 65 ans et de toucher une pension qui fait l'objet d'une réduction actuarielle, ou si vous attendez plus tard, vous pourriez avoir une pension qui fait l'objet d'une augmentation actuarielle au moment où vous commencez à la toucher. C'est une mesure symétrique dans la tranche d'âge de 61 ans à 69 ans.
Un aspect intéressant qui a été soulevé par un certain nombre de personnes c'est de savoir si l' on doit autoriser les personnes à cotiser partiellement au-delà de l'âge de 65 ans ou, si elles continuent à travailler, de toucher des pensions partielles après 65 ans. C'est une question intéressante. Ken Battle a soulevé cette question il y a un certain nombre d'années, mais il ne s'agit pas strictement d'une question de financement mais plutôt d'adaptabilité.
Je tiens à préciser que le financement du Régime de pensions de Canada, tel qu'il est établi à l'heure actuelle, est tout à fait sain. Notre régime est l'un des très rares régimes de pension publics au monde dont le financement est sain. Il ne nous plaît peut-être pas de payer toutes ces cotisations, mais le financement du régime est sain.
º (1635)
Le président: Je vous remercie.
Merci, monsieur Shepherd.
Dans un instant, nous allons passer au second tour. Auparavant, j'aimerais poser quelques questions si le comité me le permet, bien entendu.
J'ai récemment lu certains chiffres sur la productivité qui indiquaient que la situation de notre secteur manufacturier laisse à désirer ou n'est pas très positive. L'économie de services quant à elle témoigne d'une certaine vigueur. Pourriez-vous commenter cette situation?
Par ailleurs, on dit entre autres que la hausse très rapide du dollar canadien par rapport au dollar américain, même si elle présente certains problèmes ou certaines difficultés pour les exportations, crée des débouchés pour le secteur manufacturier du Canada en matière d' importations du matériel technologique, ce qui vraisemblablement permettra de remédier aux problèmes de productivité. En avons-nous des indications concrètes? Pouvez-vous nous fournir vos commentaires à ce sujet?
Ma deuxième question, si vous me le permettez, concerne le différend, ou les difficultés qui existent entre les États-Unis et la Chine en ce qui concerne le yuan. Je crois qu'ils ont établi un groupe de travail quelconque pour examiner la situation. Mais lorsque vous avez deux géants économiques—je suppose qu'on pourrait les désigner ainsi maintenant—aux prises avec un différend quelconque à propos de la valeur de la monnaie chinoise, comment à votre avis pourra-t-on régler ce problème? Avez-vous des opinions sur la valeur du yuan?
En particulier, qu'est-ce que cela signifie pour le Canada, le cas échéant? Comment ce problème se réglera-t-il à votre avis? Cette situation aura-t-elle des conséquences négatives ou positives pour le Canada, selon l'issue des discussions?
M. David Dodge: Monsieur le président, je pourrais essayer de répondre à votre première question et Paul s'efforcera de répondre à la deuxième.
Tout d'abord—et vous m'en avez déjà entendu parler—le calcul de la productivité se fait par la division de deux chiffres très importants, et de petites erreurs dans l'un ou l'autre de ces chiffres peuvent grandement influer sur l'estimation de la productivité. Sur tous les chiffres produits, c'est l'un de ceux qui fait l'objet des plus importantes révisions avec le temps.
Deuxièmement, lorsqu'on examine la façon dont on obtient ce chiffre, dans l'ensemble ici au Canada nous utilisons les chiffres estimatifs concernant le travail qui proviennent de l'enquête sur la population active. Les Américains ont tendance à utiliser l'enquête sur l'établissement. Pour l'instant dans nos deux pays, les chiffres estimatifs de l'emploi en fonction de l'établissement sont nettement inférieurs aux chiffres de l'emploi en fonction de la population active. Donc, lorsque nous effectuons notre division, nous divisons par un type de chiffre tandis que les Américains en utilisent un autre.
Quoi qu'il en soit, il ne fait aucun doute qu'au cours des trois dernières années la productivité dans le secteur privé américain a dépassé celle du secteur privé canadien. Mais c'est exactement ce à quoi on s'attendait étant donné—je suis désolé que Judy ne soit pas ici—nous avions une main-d'oeuvre excédentaire importante au milieu des années 1990 au Canada, et cette situation allait s'aggraver après la crise asiatique et russe, qui a considérablement modifié le prix des denrées. Donc en fait, la dépréciation du taux de change qui a eu lieu, et qui a modifié le prix relatif de la main-d'oeuvre et du capital, a encouragé les employeurs à utiliser une main-d'oeuvre relativement plus importante et relativement moins de capital que leurs homologues américains, et cette dépréciation était tout à fait appropriée compte tenu de la situation du marché du travail qui existait dans notre pays.
Si nous passons maintenant à la fin de 2003, nous constatons un rapport emploi-population à la hausse et qui dépasse même le niveau précédent. Nous avons donc absorbé une grande partie de cette main-d'oeuvre excédentaire. Le mouvement de taux de change a entraîné un changement dans le prix relatif de la main-d'oeuvre et du capital au Canada. Cela encouragera une certaine économie au niveau de la main-d'oeuvre, et le fonctionnement du marché devrait favoriser avec le temps—et cela prend du temps—une certaine amélioration de la productivité.
Troisièmement, dans notre pays, nos entreprises sont parfois plus lentes à adopter les nouvelles technologies que leurs homologues américains, en partie parce que nous avons beaucoup de petites et moyennes entreprises, relativement parlant, qui aux États-Unis font aussi preuve d'une plus grande lenteur que les grandes entreprises. Donc nous nous attendons, au cours de la première moitié de cette décennie, ou peut-être aux alentours de 2007, à récolter des gains latents de productivité au fur et à mesure que certains des progrès technologiques déjà exploités aux États-Unis le seront ici. À cet égard, nous constatons une adaptation typique auquel on pourrait s'attendre.
Je vous maintenant céder la parole à Paul qui répondra à la deuxième question très intéressante qui a été posée.
º (1640)
M. Paul Jenkins: Je ne suis pas en mesure, monsieur le président, de vous indiquer s'il existe ou non un groupe de travail États-Unis-Chine, mais je peux confirmer que la question que vous avez soulevée retient l'attention de la communauté internationale, c'est-à-dire l'alignement de la devise chinoise sur le dollar américain. Je dirais tout d'abord que cette question déborde le cadre du taux de change entre la Chine et les États-Unis, en raison de l'alignement, implicite ou explicite, de la devise d'un certain nombre d'autres pays d'Asie sur le yuan. Donc la question que vous avez soulevée intéresse toute l'Asie.
Elle reçoit beaucoup d'attention pour deux grandes raisons. La première est liée aux déséquilibres mondiaux qui existent à l'heure actuelle. D'une part, les États-Unis ont un important déficit courant, et d'autre part ce déficit est financé en grande partie par l'accumulation de réserves en Asie,c'est-à-dire la Chine, le Japon, la Corée et la Thaïlande. En fait, les chiffres les plus récents semblent indiquer que l'accumulation de ces réserves atteint maintenant près de deux trillions. Il faut donc régler ces déséquilibres mondiaux et je crois que la communauté internationale considère qu'il faut permettre une plus grande flexibilité des taux de change en Asie pour rectifier cette situation de déséquilibre auquel nous faisons tous face.
L'autre raison, c'est que compte tenu du taux de croissance dont aura besoin la Chine, c'est-à-dire de 7 p. 100, 8 p. 100, 9 p. 100 par année, pour absorber les 25 millions de travailleurs qui quittent les régions rurales pour s'installer en milieu urbain, elle aura besoin d'une croissance soutenue. Je suis persuadée qu'un taux de change fixe ne lui permettra pas d'atteindre cet objectif. L'économie de la Chine a besoin d'une plus grande souplesse pour prévoir les mesures qui lui permettront de gérer sa propre économie au cours des années à venir.
Par conséquent, pour les deux raisons que je viens de citer, je crois qu'il faut améliorer la flexibilité du taux de change en Chine, et je crois que les autorités chinoises le comprennent. Il s'agit alors de déterminer comment assurer cette plus grande flexibilité et avec quelle rapidité, mais on semble croire qu'il faudra que cela se fasse à un certain moment.
º (1645)
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt (Kelowna, PCC): Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier, messieurs, de comparaître devant nous cet après-midi.
J'ai deux questions. La première concerne la baisse du cours du dollar canadien. Sa valeur a baissé d'environ 2,5 p. 100 depuis le 1er janvier. Craignez-vous que cela risque de trop stimuler l'économie canadienne?
M. David Dodge: Le taux de change fluctuera d'une semaine à l'autre et d'un mois à l'autre. En fait, le dollar canadien s'est négocié assez régulièrement, même si sa valeur est un peu plus faible aujourd'hui, dans une fourchette allant de 74 cents à 76,5 cents. Et cela est attribuable à la situation en vigueur aux États-Unis plutôt qu'au Canada. Compte tenu de la valeur très faible du dollar américain, l'euro, le dollar australien et le dollar canadien ont affiché des taux très solides par rapport au dollar américain. Leur valeur a depuis diminué et je crois que le marché considère que la perception négative à l'égard du dollar américain qui existait à la fin de l'année dernière a peut-être été un peu exagérée. Mais de toute évidence, avec le temps, le taux de change a des répercussions, et nous en tenons compte bien entendu lorsque nous établissons notre politique monétaire.
M. Werner Schmidt: Je vous remercie.
J'ai une autre question, qui concerne uniquement la politique monétaire mais pas le taux de change. Il s'agit du vieillissement de la main- d'oeuvre au Canada et des incidences que cela pourrait avoir sur notre économie, les adaptations qu'il faudra apporter à notre économie et à notre politique monétaire. Pourriez-vous aborder ces deux aspects?
M. David Dodge: L'objectif de notre politique monétaire est de minimiser le plus possible l'écart entre la croissance et le potentiel. Le vieillissement de la population influe principalement sur la rapidité de la croissance du potentiel avec le temps. Par conséquent, les principes de la politique monétaire demeurent les mêmes. Mais de toute évidence, au fur et à mesure qu'on se rapproche du milieu de la prochaine décennie, le potentiel ne croit pas aussi rapidement, parce que nous ne nous attendons pas à ce que la main d'oeuvre connaissance une croissance aussi rapide.
L'essentiel ici, comme nous l'avons dit plus tôt, consiste à déterminer la façon dont cela influera sur les taux de participation, surtout des travailleurs âgés, à la population active. Si vous interrogez deux économistes, vous obtiendrez trois points de vue différents sur ce qui risque de se produire à cet égard, mais je crois qu'on a tout lieu de croire que ces taux de participation augmenteront assez naturellement. Donc, l'impact immédiat qui se produira dans la décennie de 2010 à 2020 sera en partie légèrement amorti par l'augmentation des taux de participation de ces travailleurs âgés.
º (1650)
M. Werner Schmidt: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Vous pourriez toutefois avoir trois approches différentes, mais qu'utiliserez-vous comme critère, comme ligne directrice pour apporter des ajustements, en fonction du scénario qui se concrétisera? Parce que l'un de ces scénarios se concrétisera.
M. David Dodge: Pour l'instant, la croissance de la main-d'oeuvre contribue d'un pour cent par année environ à la croissance du potentiel. D'ici le milieu de la prochaine décennie, elle tombera à environ 0,3 p. 100, 0,4 p. 100 ou 0,5 p. 100, selon l'hypothèse qui sera faite à propos des taux de participation. Donc, dans la mesure où ce potentiel est régi par le nombre de travailleurs dans la population active, de toute évidence nous en tenons compte automatiquement lorsque nous calculons le potentiel.
Il faudra voir ce qui se passera. Lorsque nous établissons la politique monétaire, notre horizon s'étend sur environ 18 à 24 mois. Donc, nous surveillons constamment la situation de ces taux de participation.
M. Werner Schmidt: Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Schmidt.
Madame Minna.
L'hon. Maria Minna: Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais revenir à une question que je vous ai posée la dernière fois que nous nous sommes rencontrés, je crois. Certains économistes croient qu'il existe un taux de chômage à inflation stationnaire ou, TCIS. La dernière fois que nous en avons parlé, si je me souviens bien, je crois que vous avez proposé que la banque utilise cette notion bien qu'il me semble que vous ayez refusé de révéler l'estimation de la banque, ou comment même y parvenir, si une telle chose existe.
Vous avez également dit qu'il est compliqué pour la banque d'arrêter un taux de chômage à inflation stationnaire et de le rendre public, et qu'il aurait été assez difficile, voire impossible de parvenir à un chiffre réel qui pourrait être annoncé par Statistiques Canada. Mais à mon avis, il est tout aussi compliqué de mesurer le taux d'inflation fondamentale, et pourtant nous avons toute une série de chiffres que nous rendons publics.
Qu'est-ce que la Banque du Canada considère être le taux de chômage à inflation stationnaire du Canada, si ce taux existe, et cette mesure est-elle utilisée pour établir le taux du financement à un jour? Le fait de rendre public ce TCIS—c'est-à-dire le taux de chômage qui doit être toléré selon la Banque du Canada pour maintenir l'objectif en matière d'inflation—et le fait de pouvoir en discuter n'amélioreraient-ils pas la transparence de la banque?
J'ai toujours considéré, et c'est l'opinion de certains économistes de ma connaissance, qu'il faut tolérer un certain taux de chômage. Si le taux de chômage est trop faible, cela entraîne alors une autre série de problèmes. J'ai donc toujours voulu connaître le taux de chômage à inflation stationnaire et savoir comment on le calcule. A-t-on déjà discuté de l'opportunité d'établir un tel taux?
M. David Dodge: Tout d'abord, et cela se rapporte de près à la question précédente, vous constaterez que ce que nous considérons vraiment pertinent ici c'est le potentiel et l'écart de production. Nous considérons qu'il s'agit d'une façon beaucoup plus globale de déterminer notre capacité que d'insister sur le taux de chômage proprement dit, et ce pour au moins trois raisons, sinon plus.
Tout d'abord, nous savons que les taux de participation sont en fait assez sensibles aux conditions économiques. Nous constatons que lorsque les conditions économiques se sont améliorées à partir du milieu des années 1990, les taux de participation ont augmenté. Lorsque les conditions se sont aggravées après 1989, nous avons constaté une baisse des taux de participation. La même histoire s'est répétée aux États-Unis, où le taux de participation diminue régulièrement depuis trois ans. Il a atteint un niveau maximum depuis 2000, mais a en fait diminué de façon assez rapide aux États-Unis.
La situation est donc plus nuancée que celle qu'indique un simple taux de chômage. Lorsque les taux de chômage sont élevés, cela sous-estime la capacité qui existe au sein de la population active. Lorsque les taux de chômage sont faibles et que par conséquent les taux de participation ne sont pas vraiment élevés, c'est probablement l'inverse qui se produit.
Il faut donc en faire une utilisation très prudente. Je crois qu'il faudrait toujours que cela s'accompagne d'un avertissement du genre « à manipuler avec soin », parce que ce n'est pas la meilleure façon d'examiner la situation... Désolé, une façon. Elle n'est pas entièrement sans importance, mais ce n'est qu'une façon d'examiner la situation.
Deuxièmement, bien entendu, il s'agit de déterminer si la structure de la demande correspond assez bien à la structure de la population active. Nous savons tous très bien au Canada que nous pouvons avoir des taux de chômage très faibles en Saskatchewan ou dans le sud de l'Alberta, et que tout près, par exemple à l'intérieur de la Colombie-Britannique, avoir des taux de chômage très élevés. Ou si vous examinez la province de Québec, vous constateriez des taux très différents à l'est et à l'ouest de la ville de Québec. La structure est donc aussi un élément important.
Enfin, nous devons aussi tenir compte de l'importance de la capacité physique—les machines et l'équipement, les usines, l'infrastructure. Cela représente aussi un important facteur limitatif.
Ce sont donc tous ces facteurs qui ensemble nous permettent de déterminer le potentiel.
º (1655)
Le président: Avez-vous d'autres questions, madame Minna?
L'hon. Maria Minna: Je crois que M. Jenkins voulait dire quelque chose.
M. Paul Jenkins: Je pourrais peut-être étoffer certains des arguments présentés par le gouverneur.
Les chercheurs se penchent effectivement sur la question. Je crois que s'il y a une caractéristique commune qui ressort de toute cette recherche, et qui renforce d'ailleurs le premier argument avancé par le gouverneur, c'est que cette notion de taux de chômage à inflation stationnaire n'inspire pas vraiment confiance. Dans une perspective stratégique, il n'y a pas grand-chose qui vous inciterait à pouvoir vous en servir.
C'est la raison pour laquelle nous avons tendance à tenir compte de beaucoup plus d'éléments lorsque nous tâchons de mesurer cette notion de production potentielle, qui englobe tous les facteurs du processus de production.
L'hon. Maria Minna: Mais à votre avis, existe-t-il un taux de chômage qu'une économie doit tolérer pour maintenir entre autres les taux d'inflation? Et le taux de chômage à inflation stationnaire influe-t-il sur les taux d'intérêt, quelle que soit la façon dont on le définit?
M. David Dodge: Oui. Il est très important de ne pas oublier que chaque mois, environ 2 p. 100 de la main-d'oeuvre change d'emploi. C'est un énorme roulement. Compte tenu d'un tel taux, il est difficile de croire que l'on pourrait quitter un emploi le vendredi et en commencer un nouveau le lundi suivant. Donc effectivement, il y a un certain niveau de chômage.
La structure de l'économie influe considérablement sur ce niveau. Par exemple, comme nous avons trouvé des moyens de prolonger le travail saisonnier ou d'assurer le fonctionnement d'usines pratiquement toute l'année—même si les produits forestiers ou du poisson, ou quels que soient les produits transformés, ne seront pas forcément livrés à l'usine à longueur d'année—nous sommes en fait en train d'aplanir certaines des fluctuations saisonnières qui ont toujours contribué à augmenter le taux de chômage.
Donc, je crois que nous réalisons certains progrès. Néanmoins, il est tout à fait clair que même dans des conditions idéales, la structure même de l'économie canadienne signifie que nous connaîtrons des taux de chômage relativement plus élevés que les États-Unis.
» (1700)
Le président: Merci beaucoup, madame Minna.
Monsieur McKay.
L'hon. John McKay: Merci, monsieur le président.
Je crois que vous avez répondu à trois des quatre questions que j'ai posées, à l'exception de celle sur la divergence de vues. Je pourrais peut-être en ajouter une autre découlant des commentaires de M. Jenkins sur les réserves de 2 billions de dollars.
J'ai voyagé en Chine et au Japon il y a un an ou deux avec le ministre McCallum et j'ai eu l'occasion de rencontrer des responsables des banques centrales. J'ai eu la nette impression que dans ces pays les banques centrales connaissaient d'énormes problèmes, d'énormes problèmes de structure et de prêts qui ne seront jamais remboursés.
Il est possible que ces 2 billions de réserve soient indépendants des problèmes de ces banques, mais j'ai l'impression qu'ils sont liés. Je serais donc curieux que vous me disiez ce que vous pensez de la santé financière de ces deux pays—en plus de ma première question, bien entendu.
M. David Dodge: Laissez-moi commencer par l'endettement des États-Unis, car c'est une excellente préparation de terrain pour la réponse de Paul à votre nouvelle question.
Il est évident qu'aucune économie ne peut continuer à accumuler indéfiniment des montants de plus en plus importants de dette publique. Les investisseurs finissent par perdre confiance. Ils ne veulent plus la financer, ou ils veulent le faire à un taux considérablement plus élevé. Il y a donc une limite naturelle pouvant être provoquée par une conjoncture très difficile au-delà de laquelle on se heurte à un mur et où des ajustements deviennent obligatoires. Nous avons été très proches de cette limite au début des années 1990 et le remède n'a pas été particulièrement plaisant.
Les États-Unis ont un gros avantage que nous n'avions pas. Jusqu'à aujourd'hui, les banques centrales du monde entier sont toujours prêtes à accumuler des montants croissants de bons du Trésor américains dans leurs réserves. Comme Paul l'a mentionné tout à l'heure, nous estimons qu'il y a pour environ 2 billions de dollars de bons du Trésor accumulés dans les seules réserves des banques centrales d'Asie. Il arrive cependant que les banques centrales finissent par devenir nerveuses, comme elles l'ont fait en 1973 quand les États-Unis ont dû décrocher de l'étalon or parce que plus personne ne voulait vraiment continuer à détenir des dollars américains à ce taux. Continuer à vendre des bons du Trésor américains finira par faire augmenter leur prix car de moins en moins de gens seront disposés à en détenir.
En sommes-nous là? Non, nous n'en sommes pas encore là, évidemment.
Est-ce une possibilité dans un proche avenir? Oui.
Est-ce inéluctable? Probablement pas car les ajustements qui doivent être apportés à la situation financière américaine actuelle sont largement moindres à ceux auxquels nous avons dû procéder au début des années 1990. C'est gérable, mais plus vous attendez moins cela devient gérable. Nous sommes arrivés à un point où nous dirions comme le tenanciers de pubs anglais : « Dernière commande, messieurs ». C'est maintenant qu'il faut faire quelque chose.
Nous commençons à prendre des mesures pour réduire la dette américaine car l'économie mondiale ne s'en portera que mieux.
Cela nous amène directement à votre question sur les marchés émergents.
» (1705)
M. Paul Jenkins: Comme le gouverneur l'a fait remarquer, les 2 billions de dollars dont nous parlons c'est pour toute l'Asie. Le montant des réserves de la Chine sont de l'ordre de 400 milliards de dollars. Quelle que soit la façon de les considérer, ce sont de très grosses sommes.
Vous avez tout à fait raison, monsieur McKay, il faut absolument faire quelque chose au sujet de la situation bancaire de la Chine et les autorités y réfléchissent.
En théorie—encore une fois, vous avez absolument raison—nous pourrions nous servir de ces réserves pour apurer les bilans financiers des banques d'État. Mais il y a ce que j'appelle un problème de « stock et flux ». On pourrait se servir de ces réserves pour apurer les bilans financiers mais cela risquerait de provoquer un problème de relance—la partie flux, si vous voulez; les décisions qui seraient subséquemment prises pour financer à partir des économies placées par la population chinoise dans les banques des investissements durables et offrant des taux de rendement suffisants pour soutenir une croissance continue.
La question de la réforme du secteur bancaire est effectivement très importante, et cela nous ramène à un de nos arguments de tout à l'heure, à savoir que les Chinois mettent en place des politiques et des institutions qui les aideront à soutenir de manière continue la croissance, croissance dont le taux sera relativement élevé du simple fait de l'importance de la population et de son entrée sur le marché du travail. C'est évidemment un problème supplémentaire pour les Chinois et ils prennent plusieurs mesures pour y faire face.
Encore une fois, il reste toujours la question de la rapidité avec laquelle cette évolution va se faire.
L'hon. John McKay: Mon autre question était la suivante. Vous semblez terriblement confiant pour l'économie canadienne en 2005, plus confiant que le secteur privé ou le FMI, et pas par un petit montant : 0,7. Je ne comprends pas pourquoi vous pensez que l'économie canadienne va fonctionner à un taux supérieur à celui prédit par le FMI et le secteur privé.
M. David Dodge: Pardon, je n'ai pas entendu. Les prédictions pour l'économie canadienne l'année prochaine?
L'hon. John McKay: Pour l'année prochaine, en 2005.
M. David Dodge: Je suppose que je ne comprends pas vraiment pourquoi ils ne sont pas plus optimistes.
L'hon. John McKay: Ils sont moins optimistes.
M. David Dodge: Non, je ne comprends pas pourquoi ils ne sont pas plus optimistes qu'ils ne le sont. Nous traversons une période d'ajustements, et ces ajustements, avec le temps, une fois qu'ils auront été faits, donneront de vrais résultats. En fait, je ne qualifierais pas notre projection de très optimiste. C'est une trajectoire sur 18 mois permettant à peine de rattraper un retard de production. Ce n'est pas particulièrement optimiste dans le contexte d'un monde à très forte économie.
Il y a le monde, en particulier les États-Unis, dont l'économie est un peu plus solide, et je crois que c'est parce que nous avons probablement partagé avec la réserve fédérale une vision légèrement plus forte du taux de croissance et du potentiel des États-Unis que ne semblent le vouloir les conjectures.
L'hon. John McKay: Bien. Merci.
Le président: Merci.
La dernière question sera posée par Mme Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci.
Je suis heureuse de pouvoir de nouveau échanger mes idées avec vous, monsieur Dodge, car j'aimerais infiniment discuter avec vous de la notion de remboursement immédiat de la dette ou de remboursement à terme dans le contexte de l'opposition entre dépenser ou réduire la dette. Il me semble...
M. David Dodge: Je ne parle que d'équilibre budgétaire. Les questions de dépenses ou de fiscalité ne me regardent pas. Elles vous regardent et elles regardent le gouvernement. Mes propos ne concernent que l'équilibre budgétaire.
» (1710)
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je ne sais pas si nous avons atteint cet équilibre.
Il y a l'exemple du gouvernement qui s'est fixé un rapport dette-PIB de 25 p. 100 sur 10 ans et qui a prévu une provision minimum de 30 milliards de dollars sur 10 ans pour atteindre cet objectif. La question que je pose au gouvernement est la suivante : ces 30 milliards de dollars ne nous auraient-ils pas mieux servi en les investissant dans le rétablissement de programmes qui ont été supprimés, le financement des besoins des Canadiens, par opposition à cette provision pour la dette qui ne nous permettra d'atteindre cette cible qu'un an plus tôt? C'est ce que disent les économistes. Sur la base de projections de croissance normale, 5 p. 100 de croissance annuelle—3 p. 100 de croissance réelle plus 2 p. 100 d'inflation—nous devrions pouvoir atteindre ce rapport dette-PIB de 25 p. 100 d'ici 11 ans.
Pourquoi ne recommanderiez-vous pas cette méthode qui semble être la bonne—une méthode équilibrée?
M. David Dodge: Je m'excuse mais pour être franc, cela ne fait pas une grosse différence. Que ce soit 10 ou 11 ans, je suis d'accord avec vous, il n'y a pas de miracle. Je crois que si tout se passe gentiment et que ce coussin de 3 milliards de dollars—ou de 4 milliards ou de 5 milliards, selon le montant que le ministre des Finances prévoit—s'avère inutile, la cible sera atteinte un peu plus tôt. Je suis sûr, par contre, qu'une année ou l'autre nous en aurons besoin et que nous aurons besoin de plus.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Il y a d'autres coussins dans le budget. Cela fait six ans que les excédents sont minimisés, et tout cet argent, près de 80 milliards de dollars au cours de ces six années, a été utilisé pour rembourser la dette aux dépens des programmes. N'aurait-il pas été plus logique d'adopter une approche équilibrée pour l'utilisation de ces excédents?
M. David Dodge: C'est plus une question de tactique que de stratégie. Personnellement—je ne parle plus au nom de la banque, c'est mon propre moins de vue—je crois que dans la conjoncture actuelle il est extraordinairement utile d'avoir une cible pour la dette. Maintenant, vous pouvez préférer que cette cible soit atteinte an 11 ans plutôt qu'en 10 ans, mais il reste que c'est très utile car une de ces années nous n'arriverons pas à atteindre nos objectifs—il y aura quelque chose qui ira complètement de travers et nous les raterons. Ce qu'il faut absolument éviter c'est que le gouvernement doive brusquement prendre des mesures de redressement pour que cette cible de réduction du déficit soit quand même atteinte. Si nous persistons à rester en deçà du plafond, cela nous donne un coussin pour parer à toute éventualité et ne pas avoir à réagir d'une manière pouvant exacerber le problème—c'est-à-dire exactement ce que, malheureusement, nous avons dû faire au début des années 90. Nous avons exacerbé un problème de croissance trop lente parce qu'il nous fallait absolument nous débarrasser de ce monstre qui pesait sur nos épaules.
J'estime donc personnellement que fixer ce plafond est une bonne tactique, et tant que nous serons en deçà de ce plafond, nous aurons une marge de manoeuvre sans violer la confiance de quiconque. Pour moi, ce sont des questions tactiques. Je continue à estimer qu'il importe vraiment au début de ces années de dépenses plus fortes, qu'arriver au milieu de la prochaine décennie, nous ayons un coussin, si vous voulez, pour éviter d'être obligés à terme d'augmenter les impôts des contribuables pour couvrir ces dépenses.
Mme Judy Wasylycia-Leis: D'accord.
Je crois que dans ce débat votre homologue, Alan Greenspan, occupe la position extrême, du moins si l'on en croit ce qu'il a dit lorsqu'il s'est adressé au Congrès en février. D'après ce que j'ai pu voir, il défend farouchement ses arguments. Selon lui, revenir sur les réductions d'impôt et augmenter les dépenses sociales seraient une erreur car de telles initiatives ne peuvent que ralentir la croissance économique.
C'est ce genre d'argument que je trouve problématique et je me demandais si vous étiez d'accord avec la philosophie, la méthode proposée par Alan Greenspan pour l'assainissement d'une économie?
» (1715)
M. David Dodge: Notre vision est très claire à la banque. Comme l'équilibre budgétaire en tant que tel n'a pas beaucoup d'incidence sur notre capacité à mener notre politique monétaire, nous estimons nécessaire de commenter l'équilibre budgétaire. La structure des dépenses ou des recettes n'est pas de notre ressort car cela n'a pas vraiment d'incidence sur notre travail—c'est du ressort du Parlement, du ressort du gouvernement.
Il n'est donc pas vraiment opportun que nous fassions des commentaires. Quant à savoir ce que je pense personnellement de la position de Greenspan vis-à-vis des impôts et des dépenses, j'estime inopportun que je me prononce au nom de la Banque du Canada. Ce qui nous intéresse, c'est l'équilibre budgétaire.
Le président: Merci beaucoup, madame Wasylycia-Leis.
M. Pacetti a une toute petite dernière intervention et nous arrêterons.
M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.): Quel est votre bilan en matière de prévision économique? Est-ce que vous êtes toujours près de la vérité—pas sur deux ou trois ans, mais disons sur 12 mois?
M. David Dodge: Notre bilan est probablement un peu meilleur qu'on ne le prétend, si on prend la peine de consulter les chiffres, mais les prévisions sont un jeu dangereux et la seule chose dont on est certain c'est qu'on peut toujours se tromper.
Juste avant que vous ne partiez, Judy a raté ma réponse à votre question et j'aimerais simplement la répéter.
J'ai dit qu'il ne me semblait pas opportun que la Banque du Canada commente certaines dépenses ou certains impôts, mais le compte rendu montrera que j'ai bien dit qu'investir dans le développement de la petite enfance est l'investissement microéconomique par excellence.
Vous n'aviez pas entendu notre échange. J'ai simplement pensé que c'était important.
Le président: C'était tout, monsieur Pacetti?
M. Massimo Pacetti: Oui.
Le président: M. Shepherd veut terminer la séance par une petite question. Après, nous arrêterons.
M. Alex Shepherd: Nous avons parlé du financement de la dette et de la marge de manoeuvre supplémentaire qu'aurait le gouvernement en la réduisant. Dans tous ces documents je vois partout une croissance énorme d'endettement par carte de crédit. Je sais que vous allez me répondre que c'est fondé sur le revenu, que c'est viable d'une manière quelconque. Cependant, il me semble qu'il existe un degré de risque dans les foyers canadiens d'aujourd'hui qui n'existait pas il y a quelques années parce que le taux d'économie était plus élevé. Aujourd'hui ce taux d'économie semble presque plat. Nous semblons vivre pour aujourd'hui et oublier demain. L'analyse que vous appliquez au gouvernement ne s'applique-t-elle pas aussi aux particuliers?
M. David Dodge: Pas tout à fait. L'enrichissement net des foyers continue d'augmenter et le coût du service de leurs dettes relatif à leurs revenus a en fait diminué. Nous ne pensons pas que ce coût diminuera encore, mais il est largement inférieur à la moyenne des vingt dernières années. On s'inquiète toujours de la répartition de cet endettement des foyers. Certains foyers ont des montants de dettes qui les placent en situation délicate. Cependant si on considère l'ensemble du secteur, le tableau est d'une santé surprenante. Nous étudions attentivement ce phénomène pour toutes les raisons auxquelles vous pouvez penser.
» (1720)
M. Alex Shepherd: Mais ce n'est pas tout à fait juste. Si on considère la démographie canadienne, beaucoup d'entre nous sont de la génération du baby-boom et financièrement nous n'avons pas vraiment de soucis à nous faire. Mais pour la jeune génération d'aujourd'hui, pour la génération des 20 à 35 ans, la situation, elle, est critique.
M. David Dodge: C'est pourquoi je dis qu'il est important de considérer à quel moment cette dette est contractée. Elle tient pour beaucoup au fait qu'enfin, après six ou sept ans, ceux qui sont dans la trentaine peuvent s'acheter un logement. Pendant très longtemps, on bâtissait peu parce que les revenus personnels étaient bas, les taux d'intérêt étaient élevés et les gens n'avaient pas les moyens d'acheter des maisons. Aujourd'hui, nous bâtissons à un rythme supérieur au taux à long terme nécessaire. Nous avions pas mal de rattrapage à faire. Cela nous ramène à la question que vous avez posée tout à l'heure. Il n'a pas été facile pour les Canadiens de sortir du pétrin budgétaire dans lequel nous étions au début des années 90. Pour nous, ce n'est ni très bizarre ni très mauvais. On bâtit aujourd'hui des logements que les gens occupent plus jeunes qu'il n'y a 10 ans parce que l'économie était chancelante à cette époque.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Puis-je poser une dernière question?
Le président: Je ne crois pas. Nous allons libérer MM. Dodge et Jenkins.
Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai rappel au Règlement. Comme le gouverneur de la Banque du Canada est ici au moment où il est question de l'autre grand dossier, celui des commandites, je me demandais si quelqu'un pourrait lui demander si ce prétendu scandale a eu selon lui des effets sur les marchés...
Le président: Cette question devra attendre une autre fois, je pense.
Monsieur Dodge, monsieur Jenkins, merci beaucoup. Ces rencontres sont toujours très utiles et pleines d'enseignements. Merci d'être venus nous communiquer vos vues aujourd'hui.
M. David Dodge: Merci, monsieur le président.
Le président: À 9 h 30 demain matin nous entendrons un exposé tout aussi stimulant de M. McKay au sujet du projet de loi C-30. La réunion se tient à la salle 269 de l'édifice de l'Ouest.
La séance est levée.