HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 29 avril 2004
¿ | 0905 |
La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)) |
M. Jules Larivière (représentant officiel, Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation) |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
La présidente |
M. Stuart Morrison (président, Canada Law Book) |
La présidente |
M. Stuart Morrison |
¿ | 0925 |
¿ | 0930 |
La présidente |
M. Stuart Morrison |
La présidente |
Mme Grace Westcott (secrétaire exécutive, Canadian Copyright Institute) |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
La présidente |
Mme Grace Westcott |
La présidente |
Mme Susan Crean (Co-présidente du droit d'auteur électronique, Writers' Union of Canada) |
¿ | 0945 |
¿ | 0950 |
La présidente |
M. Graham Hill (bibliothécaire de l'Université McMaster, Association des bibliothèques de recherche du Canada) |
¿ | 0955 |
La présidente |
Mme Hélène Messier (directrice générale, Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction) |
À | 1000 |
À | 1005 |
La présidente |
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) |
À | 1010 |
La présidente |
M. Stuart Morrison |
À | 1015 |
La présidente |
M. Graham Hill |
La présidente |
Mme Susan Crean |
La présidente |
Mme Susan Crean |
La présidente |
M. Jules Larivière |
À | 1020 |
La présidente |
Mme Grace Westcott |
La présidente |
L'hon. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.) |
La présidente |
M. Stuart Morrison |
À | 1025 |
L'hon. Paul Bonwick |
M. Graham Hill |
L'hon. Paul Bonwick |
M. Graham Hill |
L'hon. Paul Bonwick |
À | 1030 |
M. Graham Hill |
L'hon. Paul Bonwick |
La présidente |
Mme Susan Crean |
La présidente |
M. Jules Larivière |
La présidente |
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD) |
À | 1035 |
La présidente |
M. Jules Larivière |
La présidente |
M. Stuart Morrison |
La présidente |
Mme Hélène Messier |
À | 1040 |
La présidente |
M. Jules Larivière |
La présidente |
Mme Susan Crean |
La présidente |
Mme Wendy Lill |
Mme Susan Crean |
La présidente |
M. Jules Larivière |
La présidente |
L'hon. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.) |
À | 1045 |
M. Graham Hill |
À | 1050 |
L'hon. John Harvard |
M. Stuart Morrison |
L'hon. John Harvard |
M. Stuart Morrison |
L'hon. John Harvard |
M. Stuart Morrison |
L'hon. John Harvard |
La présidente |
M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.) |
À | 1055 |
La présidente |
Á | 1100 |
M. Graham Hill |
La présidente |
M. Jules Larivière |
La présidente |
M. Stuart Morrison |
La présidente |
Mme Susan Crean |
Á | 1105 |
La présidente |
Mme Grace Westcott |
La présidente |
Á | 1110 |
Mme Christiane Gagnon |
M. Jules Larivière |
Mme Christiane Gagnon |
M. Jules Larivière |
Mme Christiane Gagnon |
M. Jules Larivière |
Mme Christiane Gagnon |
M. Jules Larivière |
Mme Christiane Gagnon |
La présidente |
M. Graham Hill |
Á | 1115 |
La présidente |
Mme Grace Westcott |
La présidente |
Mme Susan Crean |
La présidente |
M. Stuart Morrison |
La présidente |
L'hon. Paul Bonwick |
Á | 1120 |
La présidente |
M. Stuart Morrison |
La présidente |
M. Graham Hill |
La présidente |
Mme Susan Crean |
Á | 1125 |
La présidente |
M. Jules Larivière |
La présidente |
Mme Grace Westcott |
La présidente |
Á | 1130 |
Mme Grace Westcott |
La présidente |
M. Jules Larivière |
La présidente |
M. Jules Larivière |
La présidente |
M. Graham Hill |
La présidente |
M. Graham Hill |
Á | 1135 |
La présidente |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 29 avril 2004
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): La séance est ouverte. Je souhaite à nos témoins la bienvenue à cette séance du Comité permanent du patrimoine canadien.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité étudie le « Rapport d'étape sur la réforme du droit d'auteur » qui a été produit par le gouvernement. Cette semaine, nous examinons les questions d'accès. Nous nous penchons plus particulièrement aujourd'hui sur la question des prêts interbibliothèques.
En fait, nous terminons aujourd'hui nos deux semaines d'audiences. La semaine prochaine, le comité se propose de rédiger un rapport assorti de recommandations, qui s'apparentera à un mémoire au cabinet et qui sera adressé tant aux ministres qu'au premier ministre. L'objectif de ce rapport sera d'essayer d'obtenir des progrès sur toutes ces questions dans les plus brefs délais. Nous espérons le déposer à la Chambre la semaine prochaine.
Je m'adresse ici à mes collègues : j'espère que nous allons pouvoir prévoir du temps la semaine prochaine pour siéger à huis clos. Si certains ont l'intention de déposer une opinion dissidente, il faudrait que nous la recevions au plus tard mercredi ou jeudi.
Voilà donc ce qui est prévu, et j'espère que nous allons pouvoir compter sur votre collaboration.
Sans plus tarder, nous allons maintenant entendre M. Jules Larivière, porte-parole officiel de l'Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation.
Monsieur Larivière, bonjour.
[Français]
M. Jules Larivière (représentant officiel, Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation):
Au nom de l'ASTED, j'aimerais d'abord remercier le comité de nous donner l'occasion de venir présenter notre point de vue sur la question du prêt entre bibliothèques, qui est évidemment une question importante pour nous.
Au départ, nous voulons mentionner que l'ASTED a toujours été favorable à la protection des droits des créateurs et a toujours encouragé ses membres à être proactifs dans ce domaine. À chaque congrès annuel de l'ASTED, il y a toujours une activité reliée au droit d'auteur. De plus, on a souvent, au cours de l'année, des journées d'étude où on s'assure que nos membres sont toujours tenus au courant des développements dans ce domaine. Également, on encourage nos membres à toujours tenir les usagers des bibliothèques informés du droit d'auteur et de tout ce qui entoure le droit d'auteur.
Évidemment, l'ASTED est profondément convaincue que le droit d'auteur repose sur l'équilibre entre les droits des créateurs et les besoins légitimes des utilisateurs. C'est la pierre angulaire du droit d'auteur et, pour nous, c'est une question extrêmement importante. Selon nous, dès qu'un groupe est favorisé au détriment d'un autre, l'équilibre est rompu et la Loi sur le droit d'auteur risque de ne plus jouer son rôle au niveau des politiques publiques mises en place par des gouvernements pour encourager d'abord un développement harmonieux de la création sous toutes ses formes, en même temps que l'établissement d'un milieu propice et compétitif à l'étude et à la recherche.
Pour nous, le droit d'auteur, c'est bon, mais trop de droits d'auteur, c'est mauvais. Nous croyons qu'il doit y avoir dans la Loi sur le droit d'auteur, comme il y en a à l'heure actuelle, des exemptions, certaines exceptions pour le bien commun de la société canadienne. Le prêt entre bibliothèques est justement une de ces exemptions.
D'abord, le prêt entre bibliothèques est aussi vieux que les bibliothèques elles-mêmes puisque, de la même manière qu'il est impossible à un individu de posséder toute la documentation dont il a besoin, il est impossible pour une bibliothèque d'avoir tous les documents dont ses usagers ont besoin.
Le prêt entre bibliothèques s'inscrit dans un contexte de recherche. C'est pour cette raison qu'on retrouve le prêt entre bibliothèques surtout dans les bibliothèques universitaires et dans les bibliothèques de recherche. On va retrouver peu de prêts entre bibliothèques dans les bibliothèques collégiales, presque pas dans les bibliothèques scolaires, pour ne pas dire pas du tout. On va retrouver un peu de prêts entre bibliothèques dans les grandes bibliothèques publiques, mais dans les bibliothèques publiques ordinaires, on n'en retrouve presque pas. Donc, le prêt entre bibliothèques est concentré dans les bibliothèques universitaires et les bibliothèques de recherche.
Malgré son importance, cela demeure quand même une activité marginale. Simplement pour vous donner une idée, en 2001-2002, dans les 27 bibliothèques universitaires et de recherche canadiennes, les prêts entre bibliothèques ont représenté 3 p. 100 de l'ensemble des prêts. C'est quand même une activité importante, mais ce n'est pas quelque chose d'absolument extraordinaire.
C'est également une activité bien encadrée et qui repose sur des politiques. Dans toutes les bibliothèques que je connais, il y a des politiques de prêt. Au niveau du PEB, il y a également des politiques spécifiques. Par exemple, on ne permettra pas d'emprunter plus d'un article d'une même livraison d'un périodique. On va également s'assurer que la demande est faite dans un contexte de recherche, que la personne fait cette demande parce qu'elle est soit étudiante au doctorat, soit professeur, ou parce qu'il y a une recherche en cours.
Il est bien important pour le comité de bien comprendre que quand on parle du prêt entre bibliothèques, on est loin, très loin du phénomène de Napster et du MP3. Il n'y a pas un danger d'envahissement et de reproduction éhontée des articles de périodiques au niveau du PEB.
Premièrement, à l'intérieur des 3 p. 100 dont je vous parlais plus tôt, il est très rare que le même article soit demandé plusieurs fois, parce que, évidemment, la recherche est toujours assez pointue et que les étudiants au doctorat ou à la maîtrise vont travailler sur des domaines spécifiques. Que le même article soit demandé souvent, c'est assez rare.
¿ (0910)
Le prêt entre bibliothèques est aussi un outil de développement de collections important pour les bibliothèques, parce que dans toutes les bibliothèques que je connais--et avec une carrière de presque 40 ans derrière moi, j'en connais beaucoup--, si un périodique est demandé trop souvent, la bibliothèque s'aperçoit qu'elle a une lacune dans sa collection et elle s'abonne à ce périodique; souvent elle va se procurer la collection rétrospective.
Donc, tout cela pour dire que l'ASTED est quelque peu surprise, pour ne pas dire déçue, des propositions qui ont été avancées dans le document que le comité a étudié dans le cadre de la réforme sur le droit d'auteur. Selon nous, pour qu'il y ait une solution, il faut d'abord qu'il y ait un problème, et il n'y a pas de problème, selon nous, au niveau du PEB.
On nous dit qu'il faut absolument que les détenteurs de droits puissent protéger leurs documents en s'assurant qu'il y aura des mécanismes de contrôle pour empêcher la reproduction multiple des articles qui vont circuler entre les professeurs, entre les chercheurs ou entre les étudiants.
Je reviens encore à la question de Napster et de MP3: on est loin de cela. Les articles ne sont jamais reproduits plusieurs fois. Un chercheur fait une demande, il reçoit son article dans le cadre de sa recherche, il travaille sur sa recherche, et ça vient de finir là. Il est très rare que les chercheurs vont commencer à faire circuler les articles qu'ils ont reçus.
Alors, mettre en place des mécanismes pour contrôler un problème qui n'existe pas, nous trouvons cela un peu malheureux. Et ça donne encore l'impression malheureuse, qui date depuis plusieurs années, selon laquelle les bibliothèques sont des violeurs absolument incroyables du droit d'auteur, ce qui est absolument faux.
En 1997, dans le cadre du projet de loi C-32, on nous avait dit qu'on allait nous permettre de pouvoir transmettre un article de façon électronique, mais qu'il fallait absolument que nous remettions une copie papier au chercheur, parce qu'il fallait éviter que l'article se mette à circuler de façon électronique et que tout le monde y ait accès. Encore une fois, ça ne se passe pas comme ça et, deuxièmement, ça n'intéresse pas tout le monde de la même façon.
En 2004, il est important pour les chercheurs--et c'est très important dans un contexte où on parle beaucoup actuellement au Canada de la nécessité d'être compétitif au niveau de la recherche sur le plan mondial--de tenir compte que dans les autres juridictions, comme aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Australie, on permet justement ce genre de transmission électronique de documents. Elles permettent donc des exceptions, au départ, au niveau du droit d'auteur, sans que cela ne crée de problèmes.
À notre avis, la mise en place de mécanismes extrêmement complexes créerait plus de problèmes que cela n'en réglerait parce que, encore une fois, selon nous, il n'y a pas de problèmes.
Finalement, en ce qui concerne la deuxième proposition, qui est l'encouragement de la signature de licences par les bibliothèques pour l'accès à la documentation, en principe, nous ne nous y opposons pas. D'ailleurs, plusieurs bibliothèques négocient des ententes avec des fournisseurs de périodiques. Mais le problème que l'on a face à cela, c'est que l'on se demande ce que cela vient faire dans la Loi sur le droit d'auteur.
À ma connaissance, une licence, c'est un contrat. Dans un contrat, ce sont les parties qui font la loi: on s'entend sur des clauses et, si on est d'accord, on signe; si on n'est pas d'accord, on ne signe pas. Évidemment, dans les faits, lorsqu'on parle des ensembles de grosses collections de périodiques, les négociations sont relativement simples, puisqu'on vous dit ce que vous pouvez prendre, et si cela ne vous intéresse pas, on vous dit de laisser tomber.
Il est très difficile d'incorporer des exceptions dans ces licences-là. On sait très bien qu'il y a des ensembles de périodiques qui, dans leur licence, vont clairement défendre le prêt entre bibliothèques: c'est dit clairement qu'on s'abonne à tel chose, que les usagers y ont accès, mais qu'on ne peut pas prêter les articles à d'autres bibliothèques. À ce moment-là, les exceptions qui sont prévues dans la loi et qui sont importantes ne pourraient pas être incorporées à l'intérieur de ces licences.
¿ (0915)
Pour nous, il y a une Loi sur le droit d'auteur au Canada, c'est celle-là qu'on veut réformer. On pense qu'il y a lieu, dans cette loi, de maintenir les exceptions qui existent déjà et de les moderniser. Or, quand on parle de moderniser une exception, c'est justement de permettre la transmission électronique d'un article dans le cadre du prêt entre bibliothèques. Compte tenu des statistiques, compte tenu de l'encadrement, pour nous, cela n'aura pas d'effets économiques sur les détenteurs de droits.
Sur ce point, comme je le disais au début, l'ASTED a toujours été favorable à la rémunération des créateurs. Chaque fois qu'il y a eu des abus ou des problèmes et que les droits économiques étaient affectés, l'ASTED s'est toujours objectée à cela et a toujours compris. Par exemple, l'ASTED a toujours été contre les copies multiples, par principe, parce que, effectivement, cela a une conséquence économique. Mais dans le cas du PEB, cela n'a pas de conséquences.
En conclusion, si le comité devait recommander de conserver les deux recommandations qui lui sont soumises, à savoir qu'on prévoit des mécanismes de contrôle pour empêcher la reproduction des articles, nous disons que si jamais vous recommandez cela, de bien vous assurer au moins que les coûts que seront impliqués soient la responsabilité des fournisseurs des périodiques, et non pas des bibliothèques, pour ne pas que les bibliothèques soient prises à faire des dépenses pour contrôler une activité qui, pour elles, n'est pas un problème.
En ce qui concerne les licences, pour l'ASTED, les licences, c'est une chose, et la Loi sur le droit d'auteur, c'est une autre chose. Dire, comme on le dit dans le texte, d'encourager la signature de licences, pour nous, c'est un peu nier l'importance de la Loi sur le droit d'auteur et des exceptions.
Merci.
¿ (0920)
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
La parole est maintenant à M. Stuart Morrison, président de Canada Law Book.
M. Stuart Morrison (président, Canada Law Book): Bonjour. Merci.
La présidente: Excusez-moi, je tiens à rappeler à nos témoins qu'il se pourrait que nous ayons un vote à n'importe quel moment à compter de 10 h. Je vais donc demander à chaque témoin de s'en tenir à huit ou dix minutes tout au plus, pour que nous ayons le temps de vous entendre tous.
M. Stuart Morrison: Je vous en donne ma parole.
Canada Law Book est une entreprise qui appartient entièrement à des intérêts canadiens. Notre principale activité est la publication d'ouvrages de droit. Nos publications servent aussi bien les juristes que les ministères gouvernementaux, les universités, les syndicats et les bibliothèques publiques. Nous avons actuellement un effectif de 240 personnes. Notre maison a été créée en 1855, et nos publications se présentent sous diverses formes.
Ainsi, pour ce qui est de l'imprimé, nous publions sous forme de feuillets mobiles, de condensés ou d'ouvrages brochés ou cartonnés des recueils de jurisprudence, des journaux et des magazines. Quant au numérique, nous publions sur disquette, sur CD-ROM, sur le Web ou encore sous forme de bases de données exclusives.
Nous offrons des publications sous forme électronique depuis les années 70. Je tiens à le préciser parce que notre maison sert le marché au fur et à mesure qu'il évolue, et le marché ne cesse d'évoluer.
Nous avons aussi bien des publications juridiques de source primaire, comme des textes de loi et des recueils de loi, que des documents de source secondaire, comme des analyses faites par des experts. Nous comptons au nombre de nos auteurs d'éminents avocats, juges et universitaires de toutes les régions du pays. Nous avons notamment été l'éditeur de Bora Laskin, ancien juge-en-chef de la Cour suprême, et Eddie Greenspan est actuellement un de nos auteurs chevronnés.
En ce qui concerne le droit d'auteur, je m'inscris en faux contre ce qu'a dit le témoin précédent. Au cours des 10 dernières années, nos revenus et le nombre de produits vendus pour ce qui est de nos principaux produits ont diminué de moitié. Pour nous, la protection du droit d'auteur est essentielle à notre viabilité.
Les bibliothèques et leurs usagers voudraient recourir au prêt interbibliothèques pour avoir accès sous forme numérique à des oeuvres protégées par le droit d'auteur. J'aimerais vous expliquer ce que cela signifierait pour nous.
Quand un livre que nous publions est reproduit à un certain nombre d'exemplaires, le préjudice est limité, mais sous forme numérique, il s'agit de 400 volumes, qui valent entre 25 000 $ et 30 000 $ environ. Si nous autorisons les prêts interbibliothèques de matériel numérique, étant donné les mesures de protection restreintes dont disposent actuellement les bibliothèques... Malgré ce qu'a soutenu le témoin précédent, c'est tout le contraire d'après notre expérience. Je sais bien qu'il parle au nom de ceux qui ont des maîtrises et des doctorats, mais, le plus souvent, le matériel que nous publions est photocopié et distribué des centaines de fois. Si ce matériel est offert sous forme numérique grâce aux prêts interbibliothèques, notre entreprise ne sera plus du tout viable. C'est vraiment notre gagne-pain et celui de nos employés qui est en cause.
À l'heure actuelle, la technologie ne permet pas de contrôler l'accès. Nous travaillons avec des fournisseurs américains et britanniques de logiciels de protection. Ces logiciels ne sont pas encore au point. Nous avons dépensé 5,5 millions de dollars pour convertir notre matériel imprimé en matériel numérique, car c'est ce qu'exige le marché. À l'origine, nous avons mis tous nos documents imprimés sur disquette, mais les disquettes ont disparu; puis nous les avons mis sur CD-ROM, produit qui existe toujours; puis nous sommes passés à des bases de données exclusives, qui existent toujours; et nous les offrons maintenant sur le Web.
Nos clients souhaitent obtenir nos produits sous diverses formes imprimées et sous diverses formes numériques. Nous avons besoin que nos produits soient protégés, c'est pourquoi nous tenons beaucoup au régime de licences. À l'heure actuelle, ce régime impose des restrictions, sans quoi nous n'aurions plus rien qui nous appartiendrait en clair.
La Loi sur le droit d'auteur a été conçue pour équilibrer les intérêts des titulaires de droit d'auteur et ceux des utilisateurs. Nous avons investi des sommes considérables pour tenter de répondre aux besoins du marché, mais aussi pour protéger nos intérêts à long terme. Nous sommes maintenant en pleine transition. Nous sommes déterminés à continuer à publier, à maintenir notre activité, et nous sommes aussi déterminés à nous adapter au changement. Si, toutefois, les mesures de protection qui sont actuellement en place sont éliminées et que les bibliothèques peuvent offrir l'accès à notre matériel numérique grâce aux prêts interbibliothèques, qu'arrivera-t-il à ces 20 000 $ qui sont protégés à l'heure actuelle? Les bibliothèques ne seront pas en mesure d'en contrôler l'accès; nous avons nous-mêmes du mal à en contrôler l'accès. Nous investissons des centaines de milliers de dollars chaque année pour essayer de protéger notre information.
¿ (0925)
Nous cherchons à travailler en partenariat avec de nombreux autres organismes, comme Access Copyright, afin de mieux servir nos clients, mais afin aussi de protéger l'information numérique dans le contexte actuel. Malheureusement, comme vous le savez tous, les progrès technologiques sont tels que le marché change toutes les semaines ou tous les mois, et nous nous débattons pour essayer de trouver un modèle qui pourrait nous servir à long terme.
Nous avons adopté, au cours des 10 ou 15 dernières années, tous les différents modèles de tarification mis au point au Royaume-Uni et aux États-Unis, et il faut chaque fois apporter des changements à cause de l'évolution du marché.
En conclusion, nous tenons à bien insister sur le fait que l'octroi de licences est le mécanisme que nous avons mis en place pour protéger nos publications et le droit d'auteur. Si l'on autorisait la reproduction et la distribution, par les prêts interbibliothèques, de notre matériel numérique à des utilisateurs finals non visés par une licence, cela compromettrait à tout jamais le fondement même de notre programme d'édition. Je ne suis pas sûr que nous puissions jamais nous en remettre.
Je tiens à bien faire comprendre qu'il est dans notre intérêt de servir les besoins en information du marché. Nous le faisons de façon efficace depuis 150 ans. En 1950, l'avocat en exercice n'avait besoin que d'un jeu de recueils de jurisprudence. De nos jours, il y a sans doute 40 jeux de recueils, 400 services de feuilles mobiles, 40 ou 50 condensés, 30 ou 50 différents types de produits CD-ROM et des centaines de bases de données différentes.
Nous nous sommes adaptés au fur et à mesure aux besoins de nos clients. Nous avons mis au point toutes les structures d'information différentes, toutes les variations que réclamait notre clientèle, qu'il s'agisse de feuillets mobiles, de condensés, de recueils complets, de recueils régionaux ou de recueils thématiques. Quels qu'aient été les besoins exprimés, nous y avons répondu.
La seule différence avec le numérique, c'est qu'il est plus récent. Au fur et à mesure que la technologie numérique a évolué et que nos clients ont réclamé des changements en conséquence, nous nous sommes adaptés afin de nous assurer leur fidélité.
Voilà.
¿ (0930)
La présidente: Merci beaucoup. Si vous me voyez sourire, c'est que j'ai moi-même été une abonnée de Canada Law Book, mais que, à cette époque-là, il y a de cela 30 ans, on ne pouvait obtenir les arrêts qu'en les photocopiant.
M. Stuart Morrison: Exact. Nous offrons d'ailleurs un service complet de photocopie.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Morrison.
Nous allons maintenant entendre Grace Westcott, secrétaire générale du Canadian Copyright Institute.
Soyez la bienvenue, madame Westcott.
Mme Grace Westcott (secrétaire exécutive, Canadian Copyright Institute): Merci.
Comme vous l'avez dit, je suis secrétaire générale du Canadian Copyright Institute. Cet institut représente des créateurs et des éditeurs oeuvrant dans divers médias, notamment les médias imprimés et les médias numériques. Il a notamment pour mandat de faire un travail d'éducation en matière de droit d'auteur et de faire la promotion de la réforme du droit d'auteur.
Permettez-moi de m'écarter un peu de mon texte.
Depuis que la Cour suprême a rendu sa décision dans l'affaire CCH, beaucoup d'entre nous se demandent quelle sera l'incidence de la définition élargie d'utilisation équitable qu'a donnée la Cour sur les exceptions visant les bibliothèques, étant donné notamment que cette interprétation élargie d'utilisation équitable l'emporte en quelque sorte sur les exceptions visant les bibliothèques, ces exceptions assorties de restrictions et de conditions bien mesurées. Mais là n'est pas la question. La Cour a manifestement pris position de manière générale sur des questions de droit d'auteur, mais le gouvernement ne devrait pas hésiter à reprendre l'initiative et à définir ce que devrait être notre politique. La question est de savoir à quoi devrait ressembler notre politique en matière d'accès.
Le droit d'auteur est affaire de loi. Le gouvernement se dote d'une loi en ce sens en respectant les paramètres fixés par les traités internationaux auxquels nous sommes partis. Les questions qui découlent du changement technologique préoccupent deux ministères du gouvernement depuis bien des années. La présente consultation est la plus récente dans la série de consultations approfondies et exhaustives qu'on a tenues avec les créateurs et les utilisateurs au fil des ans. Or, c'est au Parlement qu'il appartient de décider de nos orientations en matière de droit d'auteur; le fait que les magistrats interviennent pour fixer ces orientations ne doit pas nécessairement et ne devrait pas l'emporter sur la responsabilité du gouvernement à cet égard.
Ainsi, indépendamment de l'effet que pourrait avoir l'affaire CCH, ce qui n'est pas du tout clair, j'estime qu'il est essentiel que nous discutions de la question telle qu'elle est formulée dans le rapport d'étape, à savoir si les dispositions relatives aux prêts interbibliothèques devraient être étendues au numérique ou s'il vaudrait mieux encourager le recours aux licences pour les activités de ce genre. Il nous incombe, à mon avis, d'en arriver à une évaluation équitable, qui tienne compte des droits des titulaires et qui soit respectueuse des utilisateurs.
Les dispositions relatives aux prêts interbibliothèques dont nous discutons ici aujourd'hui visent un important secteur du monde de l'édition : le marché des revues savantes, scientifiques et techniques, le marché de l'édition de revues professionnelles. Dans le « Rapport d'étape sur la réforme du droit d'auteur », on fait remarquer que le milieu de la recherche réclame l'accès numérique aux articles publiés dans ces revues. De manière plus générale, le milieu de la recherche réclame l'accès juridique à des fins d'utilisation équitable aux articles publiés dans d'autres périodiques et aux ouvrages inclus dans les collections d'autres bibliothèques que la leur au moyen du prêt interbibliothèques. À l'heure actuelle, au terme des exceptions relatives aux prêts interbibliothèques, l'usager ne peut recevoir qu'une copie papier.
Nous comprenons tous, et nous sentons nous-mêmes, le désir du public qui réclame la transmission de copie numérique. Mais c'est là une condition qui définit le marché de l'édition, comme l'a bien expliqué Stuart Morrison; il s'agit d'une exigence du marché à laquelle les éditeurs s'efforcent de répondre.
Si les exceptions étaient élargies pour autoriser la communication de copies numériques, cela nuirait au marché des périodiques de deux façons importantes. Premièrement, les bibliothèques pourraient ainsi concurrencer directement les éditeurs en mettant en place un marché numérique primaire. Deuxièmement, les oeuvres visées risqueraient d'être diffusées sans aucune restriction sur les réseaux numériques, même en supposant que les bibliothèques soient tenues de mettre en place des mesures de protection technique. Je reviendrai à cette question.
Examinons d'abord l'état changeant du marché. Le marché des revues scientifiques, savantes et techniques, le marché de l'édition de revues professionnelles, évolue rapidement. La communication numérique par les éditeurs eux-mêmes ou par leurs agents, comme les producteurs de bases de données ou les intermédiaires commerciaux, est de plus en plus répandue. L'avènement d'un système de diffusion numérique des revues savantes, scientifiques et techniques est en train de modifier l'idée qu'on se fait du périodique puisque l'heure est maintenant à la communication, non pas d'un ensemble d'articles sous forme imprimée, mais d'articles ou de chapitres individuels transmis sur des réseaux numériques. Le marché des abonnements est en proie à une transformation profonde. Ainsi, on ne s'abonne plus nécessairement à une série de revues très sélectionnées, mais—c'est du moins la tendance qui se dessine—à un ensemble d'articles individuels ou bien on achète à la pièce des articles individuels.
¿ (0935)
Il y a maintenant sur le marché international des éditeurs qui offrent aux usagers de leur communiquer des documents individuels ou qui sont prêts à accorder des licences aux bibliothèques pour qu'elles puissent offrir ce service, les tarifs et les conditions étant établis pas les éditeurs, y compris les mesures de protection à prendre pour éviter d'éventuelles utilisations en aval par les usagers et empêcher ainsi la reproduction et la diffusion non autorisées. Quant aux éditeurs de revues, la communication numérique est de plus en plus un marché primaire pour leurs produits, marché primaire qui deviendra sans doute une condition essentielle de leur viabilité.
Si les bibliothèques devaient jouer un rôle plus important dans la communication numérique de documents, en envoyant par exemple des courriels avec en annexe, en format PDF, un document imprimé qu'elles aurait scanné, elles se trouveraient essentiellement à concurrencer de façon injuste le marché primaire émergeant de la communication par les éditeurs eux-mêmes. Il est absolument essentiel de comprendre les conséquences qui en découleraient. En offrant ce service, les bibliothèques deviendraient des concurrents des éditeurs, alors qu'elles comptent au nombre de leurs principaux clients. Si les bibliothèques pouvaient se prêter entre elles des copies numériques, elles finiraient par ne s'abonner qu'à une seule copie électronique avec laquelle tout le réseau des bibliothèques et de leurs usagers pourrait être servi. Il y aurait certainement là une appropriation injuste du marché de l'éditeur.
Le rapport d'étape indique également que les titulaires de droits s'inquiètent que la communication électronique entraîne la diffusion en aval, sans restriction aucune, de l'article ou de l'ouvrage; c'est bien ce qui pourrait arriver. Le rapport fait également état des progrès considérables qui ont été réalisés pour empêcher la diffusion en aval de matériel transmis par voie électronique, mais les techniques en question n'ont toujours pas fait leurs preuves dans le contexte technologique qui ne cesse d'évoluer. Il est difficile de savoir qui, s'agissant des exceptions aurait la responsabilité d'assurer l'application des mesures de protection si elles étaient incorporées dans la réglementation; qui veillerait à ce qu'elles soient toujours actuelles et efficaces?
Nous ne posons pas cette question pour la forme. Les titulaires de droits craignent que les techniques ne fonctionneront pas, qu'elles ne fonctionneront pas longtemps et qu'on ne puisse pas en surveiller convenablement la mise en oeuvre et l'actualisation. Nous avons pu constater également—j'ai su que l'on vous avait parlé de la loi américaine TEACH Act plus tôt cette semaine—que certaines des restrictions et des exigences en matière de conformité imposées par la TEACH Act, qui prévoient en fait des mesures de protection technologique contre les utilisations en aval, sont extrêmement onéreuses. Le système qui en résulte est loin d'être simple.
Au lieu d'essayer d'établir des conditions par voie législative ou réglementaire, vous devriez plutôt vous dire que le régime de licences est une option plus souple et plus fluide, qui permettrait de rajuster périodiquement le tir au fur et à mesure de l'évolution technologique du marché. Nous avons entendu M. Morrison expliquer que les éditeurs ont déjà commencé à s'adapter en collaboration avec Access Copyright et par l'octroi de licences accordées par les éditeurs eux-mêmes.
Le gouvernement, s'il étudie la possibilité d'élargir les exceptions destinées à favoriser l'accès, doit aussi tenir compte de nos obligations internationales en vertu des traités auxquels nous sommes partie, notamment du test des trois étapes prévu dans l'Accord sur les ADPIC, dont le Canada est signataire. Comme vous le savez, au terme de l'article 13 de l'Accord sur les ADPIC, « Les Membres restreindront les limitations des droits exclusifs ou exceptions à ces droits à certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre qui ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du détenteur du droit ».
Aux États-Unis, on a contesté devant les tribunaux la loi intitulée Fairness in Music Licensing Act, et la décision rendue dans cette affaire a créé une vaste exception pour les petits restaurants, les petits établissements publics qui font jouer de la musique; la décision les a exemptés d'avoir à payer des redevances pour cela. Un groupe d'experts de l'OMC a statué que l'exception allait à l'encontre des trois étapes, si bien qu'on peut conclure que cette disposition est muselée.
Dans sa décision, le comité d'experts de l'OMC a notamment interprété un des trois critères du test, voulant qu'il n'y ait pas atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre, comme devant mener à la conclusion que les activités autorisées en vertu d'une exception ne devraient pas entrer en concurrence économique avec l'oeuvre en question, parce que toutes les formes d'exploitation de l'oeuvre qui ont ou qui seraient susceptibles d'avoir une importance économique ou pratique considérable—et je dirais que c'est le cas de la communication numérique—doivent être réservées à l'auteur.
¿ (0940)
Nous devons tenir compte à mon avis de cette décision internationale et nous devons aussi tenir compte du test en trois étapes quand nous formulons des exceptions.
La présidente: Madame Wescott, avez-vous presque terminé?
Mme Grace Westcott: J'ai terminé.
La présidente: Merci beaucoup. Je deviens nerveuse lorsque je jette un coup d'oeil à l'horloge; je crains que nous manquions de temps avec le vote qui risque d'avoir lieu.
Nous passons maintenant à Susan Crean, de la Writers' Union of Canada, coprésidente du electronics rights copyright committee.
Madame Crean.
Mme Susan Crean (Co-présidente du droit d'auteur électronique, Writers' Union of Canada): Merci beaucoup.
Je suis une auteure, et j'aime à penser que je suis auteure à temps plein. Toutefois, cette occupation n'inclut pas des journées comme celle d'aujourd'hui, même si, on ne sait jamais, la réunion d'aujourd'hui pourrait se retrouver dans mes écrits.
Je comparais aujourd'hui au nom de 1 700 auteurs de livres anglais, et je veux vous parler des droits de l'homme. Plus précisément, je veux vous entretenir du paragraphe 27(2) de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies. Je vous demande de garder cet article à l'esprit tout au long de vos délibérations sur ces enjeux.
J'aimerais surtout vous parler d'exceptions et j'aimerais commencer par celle dont nous sommes saisis aujourd'hui. Premièrement, je me dois de préciser qu'elle a été, du point de vue des créateurs au Canada, l'essence même du processus de réforme du droit d'auteur au cours des 20 ou 30 dernières années. Il s'est agit d'un démantèlement et d'une dégradation systématiques et cumulatifs de nos droits.
Récemment, nous avons été témoins d'une tendance affligeante, c'est-à-dire que l'on tente de résoudre les problèmes liés à l'accès par l'entremise d'exceptions. On nous avait promis un examen adéquat des changements apportés à la loi la dernière fois, et nous espérions tout particulièrement que ces exceptions, de même que leurs répercussions sur les créateurs seraient étudiées. Cela n'a pas été fait. Néanmoins, nous sommes ici pour vous dire qu'avec la collaboration de Patrimoine Canada, les gens de mon milieu ont entrepris ce travail, et seront en mesure de vous fournir davantage de renseignements dans trois ou quatre mois. Mes propos feront donc une large part à l'anecdote.
L'exception dont nous discutons illustre très bien les raisons pour lesquelles nous sommes contre les exceptions. C'est un peu comme mettre son orteil dans l'eau pour se rendre compte très rapidement qu'on est submergé et près de se noyer. Cette exception relative aux prêts entre bibliothèques, à la distribution électronique entre bibliothèques, crée une situation qui, à l'heure actuelle, semble tout à fait logique et normale. En effet, pourquoi ne pas élargir cette mesure un peu plus, faciliter la vie des bibliothécaires et satisfaire les clients au bout du compte?
Du point de vue des bibliothécaires et des braves gens, dont les écrivains, car nous aussi avons recours aux bibliothèques, il s'agit d'une mesure toute simple et peu importante. Toutefois, les créateurs ont une toute autre perception de cette exception, comme vous l'avez entendu ce matin. Une question se pose : si l'on adopte cette modification pour rendre plus facile l'arrivée de quelques bibliothécaires et d'un nombre restreint de leurs clients, cela ne revient-il pas à introduire, de fait, une version électronique de notre travail sans notre consentement et sans que nous en ayons connaissance? Et j'ajoute qu'il faut ici croire M. Larivière sur parole lorsqu'il affirme qu'il s'agit d'une pratique peu courante et qu'il est faux de dire que ces textes sont très souvent reproduits.
Si vous approuviez les modifications, il est évident que la loi accorderait cette permission, mais considérant la façon dont les exceptions sont gérées par les responsables désignés par la loi... et je veux que vous y réfléchissiez, en fait, je crois que vous devez vous poser cette question si vous croyez réellement que votre rôle est de respecter les droits de l'homme des créateurs. Pourquoi les exceptions ne fonctionnent-elles pas? Comme je l'ai déjà dit, on emprunte une voie pour se rendre compte qu'il devient très difficile de ne pas élargir les mesures qu'on a adoptées. Selon moi, vous devez comprendre les conséquences de ces extensions pour les différents intervenants.
Une exception constitue un recours à la politique publique comme moyen d'exproprier les créateurs de leurs oeuvres. On me dit que la mission principale des bibliothèques n'est pas de voler. De façon générale, je le crois, mais je crois aussi que leur mission n'est pas l'expropriation.
En fait, en vertu de cette initiative de politique publique, à cause de l'importance de cet enjeu, nous devons donner nos oeuvres sans recevoir de contrepartie. Dans plusieurs cas, nous ne sommes pas contre une telle pratique. La dernière fois que ces exceptions ont été proposées, un régime de licence avait été mis sur pied, et il était en voie d'être mis en vigueur. Pour une raison quelconque, les membres de ce comité qui vous ont précédés, de même que les fonctionnaires des ministères concernés, surtout du ministère de l'Industrie, d'après ce que je comprends, ont décidé que notre système n'était pas adéquat et qu'il ne fonctionnerait pas; on a cru qu'il ne fonctionnerait pas, et c'est pourquoi on a privilégié les exceptions.
Je comparais ici pour vous demander d'annuler ces exceptions et d'en revenir à un régime de licence. Pourquoi? Parce que, d'après ce que je comprends, les exceptions prévues dans la loi s'appliquent aux droits économiques. Qu'en est-il du droit moral? Comment peut-on savoir ce qu'il advient de nos oeuvres si nous ne savons pas qui les utilise et quand elles sont utilisées? Nous créateurs devons traiter avec une énorme institution, soit le monde de l'enseignement, qui réclame un élargissement des exceptions relatives à leur domaine d'activité afin d'y inclure Internet pour tout le matériel qui est disponible gratuitement sur la toile. Lorsque nous, créateurs, leur demandons comment ils savent quel matériel est disponible gratuitement dans Internet, ils nous disent de nous doter d'un plan d'entreprise, ce qui revient à dire que nous devrions nous charger du contrôle et de la surveillance d'Internet, une tâche qui nous occupera à temps plein, sans parler de l'écriture.
¿ (0945)
Qu'en est-il de ces droits moraux? Je vais vous citer un petit exemple. Il s'agit d'une exception tout à fait différente de celle dont nous discutons aujourd'hui, mais il existe des exceptions qui permettent à d'autres personnes de produire des oeuvres à partir de mes oeuvres à moi, et je parle ici de livres.
Les artistes et les créateurs ne sont pas informés lorsque des livres sont produits par l'Institut national canadien pour les aveugles. Nous n'avons aucun moyen de savoir si nos droits moraux ont fait l'objet d'une protection quelconque. Nous ne savons pas si nos livres seront lus. Nous ne savons pas si des exceptions sont faites. Nous ne savons pas de quelle façon notre oeuvre est présentée au public. Lorsque j'ai posé des questions à l'Institut national canadien pour les aveugles à ce sujet, ils ont refusé de me fournir un exemplaire. C'est une pratique tout à fait courante, lorsque vous produisez une nouvelle édition d'une oeuvre, vous donnez des exemplaires aux créateurs. Cela n'est pas le cas ici.
Il s'installe donc une certaine désinvolture lorsqu'on accorde une exception économique. Cela équivaut également à céder ses droits moraux. Nous n'avons aucun moyen de savoir ce qui advient de nos oeuvres.
Si nous voulons connaître l'utilisation qui est faite de nos oeuvres, ce n'est pas toujours dans le but d'y mettre fin. En effet, plus que tout autre groupe, le créateur souhaite que l'accès aux oeuvres devienne réalité. Depuis plusieurs décennies, nous nous efforçons de convaincre les Canadiens en général et les écoles en particulier de se procurer nos oeuvres. Il ne s'agit donc pas de mettre fin à l'accès. Il s'agit plutôt de rendre cet accès équitable.
Selon moi, c'est là où le bât blesse. Les droits moraux sont bafoués dans tout ce processus, et il nous est impossible de suivre l'utilisation qui est faite de nos oeuvres.
En outre, de telles exceptions font en sorte que des personnes autres que nous assurent la gestion de nos oeuvres. Peut-on être plus condescendant?
Pourquoi laisser aux bibliothèques le soin de contrôler l'utilisation de nos oeuvres, d'autant plus que, grâce à l'exception concernant l'exemplaire unique, les bibliothèques contrôlent déjà de vastes quantités de nos oeuvres? Je vais vous donner un exemple symbolique du fait que ces exceptions ont été conçues pour répondre à des besoins autres que ceux des créateurs. Il s'agit du titre de cette exception, soit exception pour exemplaire unique. Pour chaque client, il s'agit en effet d'un exemplaire unique. Par contre, de mon point de vue, cette exception s'applique à 30 millions d'exemplaires, et c'est le cas pour tous les créateurs du Canada.
Réfléchissez bien aux conséquences de vos décisions. Selon nous, le fait d'accorder cette exception aux bibliothèques, c'est qu'il n'est pas nécessaire considérant l'origine de licences, contrevient à la convention de Berne. En effet, à l'heure actuelle, il ne se produit aucune parution de recueils d'anciens exemplaires de nos articles de périodiques, et par anciens, j'entends remontant à plus d'un an. Cela a des conséquences énormes pour les gens qui, comme moi, sont des pigistes. Nous ne travaillons pas pour des journaux ou des magazines, nous vendons notre travail à la pige.
Ainsi, il n'y a plus de marché. Les bibliothèques détiennent ces oeuvres. Qu'en ont-elles fait pour que nous leur fassions ce cadeau? Les bibliothèques assurent-elles une meilleure diffusion de ces oeuvres que nous le faisions, à l'époque où nous publiions des recueils de nos oeuvres? Je ne le sais pas. Je ne crois pas que les bibliothèques estiment que cela fait partie de leur travail. Comme elles sont désormais responsables d'une bonne partie de nos oeuvres, il me semble que cela devrait figurer parmi leurs responsabilités.
Cela nous amène à la question de la mission des bibliothèques. Sont-elles désormais des maisons d'édition, des services de livraison de documentation? Que sont-elles exactement?
Les écrivains n'aiment pas se retrouver en situation antagoniste par rapport aux bibliothèques, car nous dépendons d'elles. Nous avons besoin des bibliothèques. Les bibliothèques sont les dépositaires de la connaissance humaine. Nous, créateurs, avons à coeur l'existence d'un domaine public fonctionnel et essentiel, mais nous ne croyons pas que nous devrions être le seul groupe que la loi oblige à céder son travail sans contrepartie.
En outre, et surtout, et c'est là le message que je veux véhiculer, lorsque ces exceptions sont introduites dans notre loi, elles sont presque toujours fondées sur une discrimination entre et parmi les créateurs et les titulaires de droits d'auteur. Pour quel motif le monde de l'éducation, et, désormais, les bibliothèques, nous demandent de céder notre travail gratuitement alors que tous les autres titulaires de droits de propriété intellectuelle, qu'il s'agisse de droits d'auteur concernant des logiciels ou des brevets concernant les systèmes de communications utilisés pour diffuser les oeuvres, n'ont pas cette même obligation de céder leur oeuvre ou invention sans contrepartie pour une cause noble?
De plus en plus, on dit que cela est dû au fait qu'il s'agit d'institutions publiques, à but non lucratif. On présume donc que nous ne devrions pas faire de profit non plus, et je suis ici pour vous dire que cela s'applique à la plupart des créateurs.
¿ (0950)
Selon moi, il s'agit d'une initiative de politique publique très étrange. Si cette institution et les intérêts concernés demandaient non seulement aux créateurs mais également aux concepteurs de logiciels, à IMB et à Microsoft de céder leurs oeuvres sans contrepartie... Mais jamais une personne saine d'esprit a demandé à l'entreprise Bell Canada de céder tous ses droits de propriété intellectuelle pour le bien des écoles ou des bibliothèques. Néanmoins, c'est ce qu'on demande de plus en plus aux créateurs. C'est tout à fait extraordinaire. Vous voulez parler d'équilibre; voilà un déséquilibre flagrant.
Je vais donc vous demander de repenser votre politique au sujet des exceptions, je vous demande de réfléchir au fait qu'à long terme cela risque de priver certains groupes d'un marché, et je vous demande respectueusement d'envisager les licences. Nous avons déployé énormément d'efforts dans le milieu des créateurs pour que cela soit mis sur pied afin que l'accès devienne réalité. N'anéantissez pas maintenant ces efforts.
La présidente: Merci beaucoup.
Nous passons à l'Association des bibliothèques de recherche du Canada. Nous allons entendre M. Graham Hill, de la Bibliothèque universitaire de McMaster.
M. Graham Hill (bibliothécaire de l'Université McMaster, Association des bibliothèques de recherche du Canada): Merci, madame la présidente.
J'aimerais remercier le comité d'avoir bien voulu entendre l'Association des bibliothèques de recherche du Canada (ABRC) sur une question qui est au coeur de ce que nous faisons.
Le rôle de nos membres, les 27 grandes bibliothèques universitaires à travers le Canada ainsi que la Bibliothèque et Archives du Canada, l'Institut canadien de l'information scientifique et technique (ICIST), et la Bibliothèque du Parlement, est de faciliter la R et D de solutions innovatrices aux multiples défis auxquels est confrontée notre société. Le succès de cet effort de recherche est impensable sans l'accès rapide et efficace à l'énorme quantité d'information organisée, approuvée par les pairs, que les bibliothèques possèdent ou mettent à la disposition du public.
Aucune bibliothèque ne peut acquérir un exemplaire de tous les ouvrages qui peuvent être en demande. Les bibliothèques profitent donc des collections qu'elles possèdent par un système de prêts entre bibliothèques, qui inclut l'envoi de copies de remplacement d'articles de revues à des chercheurs qui demandent à y avoir accès. Les prêts entre bibliothèques sont depuis longtemps reconnus comme d'excellents moyens de faciliter la recherche et l'enseignement dans le milieu universitaire. En effet, l'article 30.2 de la Loi sur le droit d'auteur admet cette pratique légitime en permettant aux bibliothèques de reproduire un article de périodique pour un client de sa propre bibliothèque, ou pour un client d'une autre bibliothèque. Il s'agit d'une exception très limitée, mais très importante, et nous ne demandons pas à ce qu'elle soit élargie.
Jamais cette pratique n'a-t-elle fait l'objet d'une enquête par un titulaire de droit. Un sondage complété l'an dernier démontrait qu'aucune bibliothèque n'a reçu une demande de reproduction des documents que les bibliothèques doivent conserver conformément au Règlement sur le droit d'auteur.
Cela dit, et c'est là que le bât blesse, le paragraphe (5) de ce même article 30.2 mentionne explicitement « pourvu que la copie [qui leur est] remise ne soit pas sous forme numérique ».
Madame la présidente, membres du comité, c'est une interdiction, introduite sous forme de disposition provisoire en 1996, que nous vous encourageons à retirer. Le point de vue de notre association est que la Loi sur le droit d'auteur devrait fournir un cadre juridique à la propriété intellectuelle qui est neutre en ce qui a trait au format de publication ou de reproduction de l'ouvrage, et que les exceptions légitimes énoncées à l'article 30.2 doivent désormais être étendues afin de s'appliquer aussi au milieu numérique. S'il put naguère y avoir des raisons valables d'imposer une telle interdiction en matière de technologie numérique, il n'en subsiste aucune.
Premièrement, le fait d'interdire la transmission du savoir vers l'ordinateur d'un client est éloigné de la façon dont la recherche est effectuée de nos jours, alors que chacun cherche à faire un usage efficace des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Deuxièmement, cette interdiction entraîne de fâcheux retards dans le travail des chercheurs et des délais et des dépenses supplémentaires pour les bibliothèques, ces dernières devant s'affairer à la gestion, à la collation et à la livraison que suppose nécessairement la reproduction de l'ouvrage.
Troisièmement, elle désavantage les chercheurs canadiens comparativement à leurs collègues de la Grande-Bretagne, des États-Unis et de l'Australie, la loi de ces pays permettant à une bibliothèque de transmettre une copie électronique au client d'une autre bibliothèque.
Quatrièmement, elle fait fi du contexte plus vaste des prêts, ou l'envoi de copies de remplacement d'articles de revues ne constitue que 3 p. 100 de la circulation totale d'une bibliothèque.
Cinquièmement, elle fait fi du fait qu'il existe maintenant un logiciel éprouvé qui empêche le destinataire d'acheminer le matériel à d'autres, ou d'en faire plus d'une copie. Le service de livraison protégée des documents est une technologie moderne, mise au point par l'ICIST et la British Library, qui utilise un logiciel de chiffrement pour envoyer le matériel en toute sécurité à l'ordinateur du destinataire. Combiné à d'autres logiciels, le service de livraison protégée des documents limite le client à une seule consultation ou impression d'un document sans possibilité de sauvegarde ou de téléchargement du document. L'an dernier, l'ABRC a participé à l'organisation d'une démonstration de cette nouvelle technologie au campus de l'ICIST, à laquelle certains d'entre vous ont peut-être assisté.
En conclusion, nous encourageons le comité à recommander au gouvernement que l'article 30.2 de la Loi sur le droit d'auteur soit modifié afin de permettre aux bibliothèques munies des dispositifs technologiques de protection appropriée de fournir une copie d'un article de revue original, quel que soit son format, aux fins de la recherche et d'étude privée. Cette modification serait fidèle à l'esprit de la loi, tout en permettant aux chercheurs et aux bibliothèques de travailler de façon plus rapide et efficace à l'ère du numérique.
Avant de terminer, madame la présidente, nous aimerions ajouter que l'adoption d'un régime d'attribution de licence proposé en guise de solution de rechange dans le cas de prêts entre bibliothèques et, de façon plus générale, en guise de solutions à tous les enjeux liés à l'accès gratuit identifiés dans le rapport d'étape devrait être rejetée.
¿ (0955)
Comme l'a dit le ministre de l'Industrie dans la lettre qu'il a adressée au comité en novembre dernier : « [...] la Loi sur le droit d'auteur a deux grands objectifs : d'une part, reconnaître et protéger adéquatement la communauté créatrice canadienne et, d'autre part, faciliter l'accès à un vaste éventail de contenu protégé par le droit d'auteur ».
Ce point de vue a aussi été exprimé par la Cour suprême du Canada dans la décision qu'elle a rendue le mois dernier autorisant l'appel de la Law Society of Upper Canada, où la cour s'est éloignée du point de vue qu'elle avait défendu jusque là, à savoir que la Loi sur le droit d'auteur n'existait que pour le bénéfice des titulaires de droits et où elle a parlé ouvertement des droits des usagers et de la nécessité d'en arriver à un équilibre entre les intérêts des titulaires de droits et ceux des usagers, au bénéfice de la société dans son ensemble.
Vous avez entendu parler de divers modèles de licences au cours des deux dernières semaines, mais nous sommes là aujourd'hui pour vous dire—comme l'ont fait nos collègues des bibliothèques hier, je crois—que le régime d'octroi de licences, quelle que soit la variante proposée par tel groupe ou tel autre, présente les lacunes suivantes relativement aux prêts interbibliothèques.
Tout d'abord, il part du principe qu'il n'y a que deux parties aux intérêts contradictoires en présence sur le marché, les producteurs et les consommateurs, alors que le marché touche en fait une multitude de groupes sans but lucratif, comme les bibliothèques de recherche du Canada, qui s'intéressent tout autant à l'avenir de la Loi sur le droit d'auteur.
Deuxièmement, il suppose que le rôle du gouvernement se limite à approuver les transactions ou les contrats conclus ni plus ni moins entre deux parties privées, alors que le gouvernement devrait jouer le rôle d'intendant, en cherchant à défendre les intérêts à long terme d'un grand nombre de tierces parties, dont certaines ne sauraient être adéquatement représentées par un seul interlocuteur qu'on inviterait à une table de négociation.
Nous vous remercions, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité, d'avoir bien voulu nous écouter.
La présidente: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à notre dernier témoin, mais non le moindre, Mme Hélène Messier,
[Français]
directrice générale, Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction.
Mme Hélène Messier (directrice générale, Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction):
Merci beaucoup, madame la présidente, de votre invitation.
[Traduction]
Je sais que nous sommes pressés par le temps, alors je vais parler rapidement.
[Français]
Je représente, comme Mme Bulte l'a dit, la Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction, mieux connue sous l'appellation Copibec, qui représente elle-même plus de 15 000 auteurs, 700 éditeurs québécois, et compte parmi ses membres des associations de journalistes, d'écrivains, d'artistes en arts visuels, d'éditeurs de livres, de journaux et de périodiques.
Vous avez entendu cette semaine bon nombre de représentants de divers organismes vous parler d'enjeux liés à l'accès aux oeuvres, que ce soit pour des fins éducatives, à des fins d'apprentissage à l'aide des technologies ou--ce matin encore--pour favoriser l'acheminement de matériel protégé aux usagers des bibliothèques. Vous aurez ensuite à trancher entre ce qui apparaît comme des positions souvent irréconciliables et qui vous sont présentées comme telles par Industrie Canada et Patrimoine canadien.
Et si la réponse était plus simple qu'il n'y paraît?
La Loi sur le droit d'auteur poursuit deux objectifs, on l'a souvent répété: favoriser la création et permettre l'accès aux oeuvres protégées. Cette loi doit s'interpréter dans son ensemble et former un tout cohérent. L'équilibre doit donc se retrouver dans l'ensemble de la loi lorsqu'elle est lue de façon globale.
Au fil des diverses réformes de la loi, le législateur canadien a produit une loi sensiblement équilibrée. Une des conclusions des dernières années a été de considérer la gestion collective comme favorisant cet équilibre.
La gestion collective n'encourage-t-elle pas en effet la création, en permettant de verser aux créateurs et aux autres titulaires de droits une rémunération équitable, sans laquelle ils ne pourraient créer? Ne permet-elle pas aussi aux usagers d'avoir accès aux oeuvres selon des modalités négociées entre les parties? Dans sa sagesse, le Parlement canadien a même investi la Commission du droit d'auteur du rôle d'arbitre, afin de trancher les différends si jamais ils surgissent.
Voilà pourquoi toute exception non essentielle accordée aux usagers contrevient non seulement à la Convention de Berne et au Traité de l'OMPI, comme Mme Westcott l'a souligné, mais remet en question cette notion d'équilibre si importante aux yeux du législateur.
Car qu'est-ce qu'une exception? Une exception, c'est exproprier un créateur et le priver d'une rémunération qui lui est nécessaire pour créer de nouvelles oeuvres. Une exception, c'est donc accepter de se priver collectivement d'une culture canadienne vivante et diversifiée.
Est-on actuellement en présence d'un déséquilibre tel dans la loi que cela justifie le recours, qui devrait être un dernier recours, à des exceptions favorisant l'accès gratuit à des oeuvres? Je ne crois pas. Je crois même que s'il y a un déséquilibre actuellement, il est au détriment de la création, car toute nouvelle mesure technologique, que ce soit la photocopieuse, il y a quelques années, ou les ordinateurs maintenant, favorise la reproduction massive des oeuvres et leur dissémination, rendant plus difficile, sinon presque impossible, au créateur individuel de contrôler l'utilisation de ses oeuvres et de percevoir une rémunération équitable.
Le dernier jugement de la Cour suprême--on en a parlé beaucoup--est venu amplifier ce déséquilibre en permettant une interprétation généreuse des exceptions en faveur des usagers et en transformant de simples exceptions en droits pour les usagers, droits qui doivent recevoir une interprétation large et libérale: un revirement magistral d'une règle d'interprétation qui était enseignée à tous les avocats du Canada depuis des décennies et qui prévoyait, jusqu'en mars dernier, que des exceptions en common law devaient recevoir une interprétation restrictive.
Les parlementaires canadiens doivent donc se rappeler que toute nouvelle exception sera dorénavant interprétée à la lumière de ce jugement. Donc, s'il existe présentement un déséquilibre au niveau du droit d'auteur, ce déséquilibre joue contre les créateurs.
On met en opposition, dans le rapport d'étape, les principes de gestion collective et les exceptions demandées par les usagers ou, parfois, pas du tout demandées par les usagers, comme dans le cas de l'extension du concept d'utilisation équitable à des fins éducatives, alors que le représentant du Conseil des ministres de l'Éducation du Canada nous disait mardi dernier--et nous a rappelé cette semaine--que ce n'était pas le type d'exception recherché par le milieu de l'enseignement.
Dans ce cas, on peut se demander pourquoi Industrie Canada a fait une proposition qui ne reflète les demandes d'aucun intervenant. Peut-être parce que Industrie Canada est resté avec la mentalité que l'équilibre réside seulement dans des exceptions qui dépouillent totalement les créateurs de leurs droits et que toute autre proposition est considérée comme favorable aux créateurs, alors qu'à mon avis, il existe des concepts, comme celui de la gestion collective, qui sont favorables aux deux parties, puisqu'elles y trouvent toutes deux leur compte.
Par le biais de la gestion collective, les créateurs et autres titulaires de droits abdiquent leur souveraineté et leur possibilité de contrôler individuellement l'utilisation de leurs oeuvres, pour créer un guichet unique et une uniformisation des tarifs et des conditions d'utilisation qui facilitent, par les usagers, un accès légal et respectueux aux oeuvres de création.
À (1000)
Et si on cessait la querelle de territoire qui semble opposer ces deux ministères et que l'on revenait plutôt à la meilleure façon de respecter les objectifs de favoriser tant la création d'oeuvres canadiennes que l'accès à ces oeuvres, qui est la raison d'être de la Loi sur le droit d'auteur?
Dans le cas précis qui nous occupe, celui du prêt interbibliothèques, que demande-t-on? On demande la création d'une nouvelle exception. Nous l'avons expliqué précédemment, l'exception est la pire entorse au principe de création qui puisse exister, puisque le créateur se trouve à mettre gratuitement à la disposition des usagers le résultat de son travail.
Pour que le législateur choisisse cette voie, la situation doit le justifier. Il faudrait constater un grave problème d'accès aux oeuvres que seule l'exception peut résoudre. Ce problème d'accès existe-t-il? Non. M. Larivière l'a dit lui-même tout à l'heure, il n'y a pas de problème pour le PEB. Les bibliothèques peuvent déjà transmettre sur support papier une copie du matériel protégé à un usager de la bibliothèque. J'ai moi-même, cette session-ci, pour des fins de recherche universitaire, eu recours au PEB pour me procurer les documents dont j'ai eu besoin. Je les ai reçus sous format papier et cela ne m'a causé aucun problème.
Qu'ajouterait l'exception demandée par la bibliothèque? La possibilité d'acheminer des oeuvres protégées par voie électronique pour que l'usager puisse ouvrir son ordinateur et y trouver une copie numérique de l'article qu'il souhaite utiliser. Est-il justifié de recourir à un moyen aussi radical que l'exception pour combler un besoin de commodité pour l'usager, surtout quand des solutions existent déjà?
Dans le secteur des bibliothèques, des services d'archives, des musées et celui de l'enseignement, l'efficacité des sociétés de gestion collective a été largement démontrée dans le passé. En effet, les sociétés de gestion telles que Copibec et Access Copyright, notamment dans le domaine du droit de reproduction, ont conclu plusieurs ententes avec différentes bibliothèques, musées, services d'archivage et établissements d'enseignement, qui remplissent parfaitement le besoin des utilisateurs tout en respectant les droits des créateurs.
Ce type d'entente pourrait certainement trouver application dans le domaine des nouveaux médias et permettre, moyennant le paiement d'une rémunération adéquate, à ses usagers d'utiliser des oeuvres disponibles en format numérique. Évidemment, cela implique des négociations et cela implique le paiement d'une rémunération.
Rappelons également que la Commission du droit d'auteur pourra toujours intervenir en cas de conflit entre les parties. Les créateurs ne devraient pas se voir dépossédés de leur droit de propriété sur leurs créations dans le simple but d'éviter aux utilisateurs d'avoir à payer pour une ressource dont ils ont besoin, surtout quand la mesure ne vise qu'à améliorer le confort de l'utilisateur et ne répond pas à un besoin essentiel.
De plus, cette exception prive les éditeurs et les auteurs de développer un marché qui pourrait leur octroyer des sources importantes de revenu. Au nom de quoi? Au nom de qui? D'usagers qui ne veulent pas marcher jusqu'au télécopieur pour y récupérer une copie d'article ou qui ne veulent pas prendre le temps de se rendre à la bibliothèque.
Les bibliothécaires proposent d'assortir l'exception demandée de balises telle la destruction des copies intermédiaires, l'utilisation de mesures techniques raisonnables pour prévenir la reproduction non autorisée de la copie numérique remise à l'usager, etc.
Bien que M. Larivière nous ait dit que l'ASTED ne favorisait pas cela parce qu'il croyait que les coûts devraient plutôt être assumés, si on imposait cela aux utilisateurs, M. Hill, lui, a semblé dire qu'il était prêt à utiliser des mesures techniques pour prévenir l'utilisation non autorisée.
Mais est-ce que toutes les bibliothèques auront les moyens de mettre en place ces mesures, alors qu'elles manquent bien souvent de personnel et de ressources matérielles leur permettant d'acheter des livres en quantité suffisante pour répondre aux besoins? Ces mesures techniques raisonnables seront-elles appropriées? Nous savons qu'aucune mesure de protection technique n'est infaillible. Une exception en apparence simple va se révéler un cauchemar à appliquer pour les bibliothécaires, et les risques de ratés seront totalement supportés par les auteurs et les éditeurs, car eux seuls, au fond, subiront les préjudices occasionnés par des mesures de protection qui ne sont pas adéquates.
Pour toutes ces raisons et, vous l'avez constaté, elles sont nombreuses, nous sommes contre les exceptions demandées par les usagers, notamment par les bibliothèques, pour favoriser l'accès aux oeuvres. Nous considérons qu'il s'agit d'un moyen exorbitant, alors qu'il existe des mécanismes, comme la gestion collective, qui ont déjà fait leurs preuves.
Nous demandons également aux législateurs, et à la lumière du jugement récent de la Cour suprême qui a retenu une interprétation très large du concept d'utilisation équitable, notamment en ce qui concerne la recherche et l'étude privée, de préciser ce concept de manière à ce que toute recherche faite à des fins commerciales soit exclue du recours à l'utilisation équitable. C'est d'ailleurs la direction qui a été prise par le gouvernement de la Grande-Bretagne, qui vient de modifier sa loi sur le droit d'auteur pour limiter la définition de recherche aux cas de recherche à des fins non commerciales.
À (1005)
Nous croyons que cette modification viendra redonner à la loi un peu de cet équilibre qu'elle a perdu dans les dernières années.
Merci beaucoup.
[Traduction]
La présidente: Nous allons maintenant passer aux questions.
Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Ce matin, lorsque vous avez fait votre intervention, madame Susan Crean, c'est un cri du coeur d'un créateur que j'entendais. J'ai eu connaissance aussi du jugement de la cour, et comme consommatrice de créations, j'étais un peu choquée de voir que de plus en plus on nous éloigne de la notion du créateur.
Qu'est-ce qu'un créateur a eu comme impact sur nos sociétés? Je pense que cela donne un mauvais signe à la population. Maintenant, on a l'impression que les oeuvres sont gratuites, qu'on peut télécharger des disques compacts sur Internet; cela ne coûte rien avec les téléchargements en ligne, et c'est la même chose pour les oeuvres écrites. Comme consommatrice et comme personne respectueuse de la création, c'est sûr que c'est toujours intéressant d'avoir des choses gratuites dans la vie, mais au-delà de ce comportement, il y a aussi celui qui a créé l'oeuvre. Or, on dit que nos créateurs vivent sous le seuil de la pauvreté.
Il y a aussi toute la mise en marché de l'oeuvre qui coûte excessivement cher. C'est la même chose dans le domaine du film. À ce moment-ci, c'est une question de rénumérer à sa juste valeur quelqu'un qui a produit une oeuvre, un document ou un film. Dans l'exercice de réflexion que nous aurons à faire au cours des quelques jours pendant lesquels on entendra plusieurs témoins, je pense qu'il y aura une question de philosophie, à savoir qu'il faudra trancher et décider où nous allons loger.
Ce matin, pour certaines personnes qu'on a entendues du côté des bibliothèques, ça semble être facile qu'il y ait tout ce contrôle de l'utilisation de l'oeuvre. Tout à l'heure, M. Hill nous disait qu'il y a de nouvelles technologies qui protègent l'utilisation et qu'on peut en limiter la consultation et aussi l'impression, ce qui ne semblait pas être nécessairement évident pour d'autres personnes, dont Mme Messier, Mme Westcott, Mme Crean et M. Morrison.
Ce que j'aimerais, c'est que vous nous donniez plus de détails. Il est certain que le but recherché, c'est que l'utilisation des oeuvres soit rémunérée afin que les auteurs puissent en vivre, de même que ceux qui en font la promotion et l'édition. Donc, j'aimerais vous entendre un peu plus sur les protections, parce que vous semblez nous dire que c'est facile de protéger, que c'est facile de limiter l'utilisation, mais moi, je ne suis pas convaincue du tout de cette facilité dont vous semblez dire qu'elle existe. D'autres personnes nous ont dit le contraire.
À (1010)
[Traduction]
La présidente: Monsieur Morrison, vous avez la parole.
M. Stuart Morrison: J'aimerais m'inscrire en faux contre une des déclarations qu'a faites M. Hill tout à l'heure, qui à mon avis touche au coeur du sujet. Il a dit : « Ces livres nous appartiennent. » Mais le droit d'auteur nous appartient à nous, et nous protégeons les intérêts de nos auteurs. Il n'appartient pas à M. Hill de faire comme bon lui semble de ces intérêts, car en faisant cela, c'est notre avenir et celui de nos auteurs qu'il compromet.
Permettez-moi de vous donner un exemple pour vous montrer où tout cela nous mènerait. Quand nous publions des livres et que nous les vendons à une communauté comme la communauté des bibliothèques de droit de l'Ontario, cela fait 43 bibliothèques, si je ne m'abuse. À 10 $ pièce, cela donne 430 $. L'argent est réparti entre l'éditeur et l'auteur. Quand nous accordons une licence pour un produit, nous nous assurons que les conditions de la licence soient bien respectées par les 43 bibliothèques. Si M. Hill et d'autres comme lui obtiennent comme ils le réclament de pouvoir faire des prêts interbibliothèques par voie numérique, nous ne pourrions vendre qu'un livre et tout le monde y aurait accès. Nous ne toucherions que 10 $, ce qui ne nous permettrait absolument pas de survivre. Le modèle qui est proposé compromettrait fondamentalement la structure du monde de l'édition au Canada. Il détruirait notre industrie.
M. Hill a aussi affirmé que—et je vais réfuter tout de suite ce qu'il a dit—, à sa connaissance, aucune bibliothèque n'avait reçu de demandes d'information au sujet de ce qui avait été photocopié. Il se trouve que nous avons fait des demandes mais que nous n'avons pu rien obtenir. Nous publions des centaines de produits, et il nous faut traiter avec des centaines de bibliothèques. Quand nous essayons de découvrir qui nous vole notre information et que nous nous adressons à une bibliothèque, on nous répond : « Il nous faut savoir exactement quel est le produit pour lequel vous voulez des renseignements, et il vous faut présenter une demande en personne. » Il nous faut donc aller en Saskatchewan pour savoir ce qui se passe en Saskatchewan; il nous faut aller au Manitoba.
La transmission sûre de documents est déjà chose faite, d'après M. Hill; c'est facile à faire : il n'y a qu'à appuyer sur un bouton et nos droits sont protégés. C'est faux, c'est archi faux. Si c'était vrai, nous aurions investi nous-mêmes l'argent dans cette technologie. Nous cherchons désespérément des moyens de protéger nos intérêts financiers, nous cherchons désespérément à protéger la technologie. Nous avons investi 5,5 millions de dollars dans la production de documents numériques, et pouvons-nous les protéger? Non. Si vous vous engagez dans cette voie, nous perdrons tout.
À (1015)
La présidente: M. Hill a quelque chose à dire, puis Mme Crean.
Je vous demande de répondre brièvement, sinon, nous allons manquer de temps pour les questions. Chaque député n'a que huit minutes pour ses questions.
Monsieur Hill.
M. Graham Hill: Je tiens à faire remarquer au comité que nous ne parlons ici que d'une exception très précise et bien circonscrite qui se trouve à l'article 30.2 et qui ne vise que les revues savantes et les périodiques de nature scientifique ou technique. Il est précisé que la disposition ne s'applique pas aux oeuvres de fiction ou de poésie, ni aux oeuvres musicales ou dramatiques et qu'elle ne s'applique pas non plus aux livres. Ce dont nous parlons, c'est du marché des périodiques spécialisés, qui constitue un élément clé de la recherche qui se fait au Canada. Les bibliothèques membres de notre association dépensent plus de 200 millions de dollars par an en frais de licences et d'acquisition pour des publications scientifiques et savantes sous forme imprimée ou numérique. L'exception concernant les prêts interbibliothèques nous permet, comme je l'ai dit tout à l'heure, de répondre de façon prompte et efficiente à moins de 3 p. 100 de la demande de matériel de recherche. La technologie permettant d'assurer la transmission de documents en toute sécurité, au sujet de laquelle nous serions heureux de vous fournir de plus amples informations, n'est qu'un moyen de contourner l'interdiction nous obligeant à remettre à l'usager sous forme imprimée la copie que nous pouvons néanmoins transmettre par voie électronique.
La présidente: Madame Crean.
Mme Susan Crean: En ce qui concerne les demandes d'information que nous pouvons adresser aux bibliothèques, nous faisons des pieds et des mains pour que les bibliothèques nous fournissent de l'information qui nous soit utile, en tant que créateurs, qui nous permette de nous renseigner, par exemple, sur le respect de nos droits. Nous n'arrivons pas à obtenir cette information, si bien que les renseignements qu'on nous fournit ne nous servent à rien.
En réponse à la question de Mme Gagnon au sujet de ce que cela peut laisser comme impression, il semble en effet que l'on ait créé des systèmes où des institutions qui jouent un rôle important dans notre société, comme les écoles et les bibliothèques, et qui sont les dépositaires de notre culture, ou qui devraient l'être, témoignent d'une attitude qu'on ne saurait qualifier ni de généreuse ni de respectueuse à l'endroit de l'activité créatrice. À ce propos, j'ai rencontré la semaine dernière un groupe de personnes préoccupées par les arts et l'éducation. Elles trouvent très problématique que les établissements d'enseignement envoient deux messages contradictoires. D'une part, ils affirment que l'art est important et qu'il faut l'étudier, mais d'autre part, ils disent que l'activité créatrice n'est pas assez importante pour qu'ils soient prêts à la rémunérer.
Je tiens à bien faire comprendre que nous, les créateurs, ne cherchons pas à obtenir autre chose qu'un régime ordonné de licences. Nous ne sommes ni des escrocs ni des contrôleurs exigeant que chacun paie son écot. Nous ne sommes pas comme ces gens en uniforme aux aéroports de Toronto ou de Vancouver qui prennent l'argent des voyageurs, qui doivent payer ces frais d'amélioration des aéroports. Il ne s'agit pas de mettre en place quelque chose de semblable dans les écoles. Les créateurs veulent rendre leurs oeuvres accessibles.
Bien entendu, il y en aura toujours dans le milieu des bibliothèques qui ne voudront rien savoir s'un système de licences. Cela leur rend la tâche tellement plus facile. Mais ce sur quoi je veux insister, c'est sur ce qu'on disait tout à l'heure au sujet de l'importance de montrer la valeur que nous accordons à ce matériel. C'est pas l'octroi de licences qu'on peut y parvenir, parce que c'est le seul moyen par lequel utilisateurs et créateurs peuvent négocier les uns avec les autres pour s'entendre sur une solution équitable pour les deux. La Commission du droit d'auteur est d'ailleurs là pour veiller à ce que la solution soit équitable.
J'aurais une dernière petite chose à ajouter.
La présidente: Très rapidement, madame Crean, parce qu'il nous reste vraiment très peu de temps.
Mme Susan Crean: Ceux qui réclament une exemption doivent pouvoir présenter des arguments convaincants autres que celui de la commodité pour la justifier.
La présidente: Monsieur Larivière, puis, très rapidement, madame Westcott.
[Français]
M. Jules Larivière: Il y a un certain nombre de choses que j'aimerais dire après ce qu'on a entendu. Premièrement, j'aimerais préciser une chose: les bibliothèques ne veulent pas tout avoir gratuitement. Les bibliothèques ont toujours acheté leur matériel, leurs livres, elles ont toujours payé leurs abonnements, et il n'est pas question de tout avoir gratuitement.
Deuxièmement, il faut bien comprendre que les bibliothèques ne sont pas en affaires. Elles ne vendent pas de l'information documentaire. Les bibliothèques fournissent à leurs usagers de l'information documentaire qu'elles ont achetée et, à l'occasion, elles vont fournir, dans d'autres bibliothèques, de l'information documentaire qu'elles possèdent et qu'une autre bibliothèque ne possède pas, pour toutes sortes de raison. Par exemple, on ne s'abonne pas à un périodique dont on sait que personne ne va l'utiliser, mais il peut arriver, à un moment donné, qu'un usager le fasse, donc, on va s'y abonner.
Troisièmement, le prêt entre bibliothèques existe depuis toujours. Personnellement, j'ai un petit problème ce matin. Il me semblait, j'avais compris qu'on discutait du PEB dans un contexte électronique, mais ce que j'entends, c'est qu'on remet en question le PEB comme étant une exception à la loi. Si on remet toute la loi en question, on va préparer un autre mémoire, parce que c'est une autre chose. Le PEB existe depuis toujours. Je l'ai dit, c'est aussi vieux que les bibliothèques. Cela existe dans les autres pays.
J'essaie de comprendre pourquoi, au niveau technologique, à un moment donné, on essaie littéralement--je regrette de le dire--de faire peur au monde, finalement, en disant qu'avec la nouvelle technologie, Canada Law Book va être en faillite, ou Carswell va être en faillite. Je ne pense pas que cela va arriver.
Encore une fois, on ne parle pas de prendre un disque compact, de l'envoyer dans une autre bibliothèque et de dire à cette dernière qu'elle peut en faire ce qu'elle voudra. On parle d'un article ou, dans le cas de Canada Law Book, d'une décision judiciaire qui va être prêté à une autre bibliothèque dans un but très précis.
Alors, je pense qu'il ne faut pas dramatiser la situation. On n'est pas dans un contexte--encore une fois, je le répète parce que c'est important--de MP3, de Napster. On est dans un contexte très précis. Je pense qu'il faut que cela soit bien compris. On semblait dire qu'il va y avoir des choses absolument épouvantables qui vont arriver. Les bibliothèques ne sont pas contre les créateurs.
En passant, si les créateurs ont de la difficulté à vivre--ce que l'on comprend très bien--, ce n'est pas nécessairement à cause des bibliothèques. Peut-être que les pourcentages que les maisons d'édition consentent aux créateurs ne sont pas aussi importants qu'ils devraient l'être.
À (1020)
[Traduction]
La présidente: Madame Westcott.
Mme Grace Westcott: Permettez-moi de rétablir les faits. S'il est vrai que les revues savantes, scientifiques et techniques sont au coeur de la disposition concernant les prêts interbibliothèques, cette disposition, loin de se limiter à ce type de document, englobe tous les documents imprimés en cherchant à assurer une utilisation équitable pour les usagers.
La présidente: Monsieur Bonwick.
L'hon. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Merci à tous nos témoins.
Je crois que M. Larivière a bien résumé la situation. Personne ici, du moins je l'espère, ne s'oppose aux créateurs ni aux auteurs. Cela revient presque, comme le disait Mme Gagnon, à une question de philosophie. Cela revient à savoir quelle valeur nous accordons au rôle des créateurs dans notre société. Cela revient finalement à une chose : l'argent. Voilà ce qui semble être au coeur du débat. Il ne s'agit pas d'accès, mais bien du montant qu'il faut payer.
D'après vous, ou d'après certains de vos collègues, le matériel en question devrait dans certains cas être gratuit. Comme je l'ai dit hier, je serais curieux de savoir si vous demandez la même chose à votre compagnie d'électricité. Demandez-vous la même chose au type qui vient réparer votre toiture?
Monsieur Hill, vous avez parlé des 200 millions de dollars—c'est du moins le montant que j'ai noté—que vous dépensez pour obtenir du matériel protégé par le droit d'auteur. Ce montant ne nous dit pas grand-chose à moins que vous ne le présentiez dans le contexte de vos autres dépenses. Je serais curieux de savoir combien vous dépensez en travaux de réparation, combien vous dépensez pour l'achat d'ordinateurs ou pour les logiciels que vous achetez à Microsoft. Il faut que vous compariez ce montant à vos autres dépenses pour que nous puissions avoir une idée de ce que représentent vraiment ces 200 millions de dollars—sur un budget de combien, 3 milliards, 5 milliards? Nous ne le savons pas. Cela ne nous permet pas de savoir quelle est la valeur que vous accordez...
Ce qui m'inquiète dans le cas des auteurs, c'est simplement qu'on ne cesse de faire la comparaison avec l'ère de l'imprimé qui appartient déjà au passé. Je ne suis pas sûr qu'on tienne compte de ce à quoi ressemblera notre monde dans cinq ans.
Quant à vous, monsieur Morrison, vous dites que vous fournissez à vos clients ce qu'ils demandent. Si on se fie à l'histoire de l'édition et à l'expérience que vous en avez, où en sera l'édition dans cinq ans? Je soupçonne, comme je l'ai dit hier, que les créateurs devraient être très inquiets, car je pense bien qu'il y aura beaucoup moins de copies imprimées et beaucoup plus de copies numériques. Si nous ne faisons pas en sorte de mettre en place les mesures de protection qui conviennent, vous et des centaines d'autres comme vous—et, fait encore plus important, les créateurs—allez vous retrouver dans une situation très difficile.
J'aimerais avoir vos opinions. À quoi pouvons-nous nous attendre dans cinq ans, du point de vue du numérique? Voilà ce que je vous pose comme première question.
La présidente: Monsieur Morrison, puis monsieur Hill.
M. Stuart Morrison: Il nous semble que nous nous dirigeons vers un modèle d'intégration où les divers types de produits que nous offrons seront présentés sous une multitude de formes différentes. Nous nous débattons contre les multinationales et nous essayons de survivre en tant que maison canadienne qui répond aux besoins des Canadiens. Mais il est question de mettre au point un système où l'on paierait finalement « à la consommation ». Ce n'est pas un modèle auquel nous souscrivons, mais cela nous obligera à offrir des produits qui permettront à l'utilisateur de ne payer que pour ce qu'il veut et au moment où il le veut. Dans ce cas, il nous faudra des conditions de licence très strictes, car en l'absence d'un régime de licences, nous perdrons le contrôle de nos produits.
À (1025)
L'hon. Paul Bonwick: Pourriez-vous répondre vous aussi, monsieur Hill?
Vous avez aussi fait allusion à une décision qui a été rendue récemment par la cour. Au cours des deux dernières semaines, nous avons entendu diverses personnes citer différents éléments de cette décision hors contexte. N'oublions pas ce sur quoi reposait en fait cette décision. La cour a indiqué que sa décision tenait essentiellement à l'insuffisance de la protection que le Parlement avait prévue pour le droit d'auteur. Voilà ce qui a motivé cette décision. La cour a dit que le Parlement n'avait pas bien fait son travail et qu'elle ne pouvait donc statuer autrement compte tenu de la législation existante.
Si le Parlement avait bien fait son travail, la décision aurait été très différente. Les tribunaux ne font qu'interpréter la loi et la faire respecter. C'est nous qui légiférons.
M. Graham Hill: Permettez-moi répondre aux trois points que vous avez soulevés, monsieur Bonwick. Pour ce qui est de présenter les chiffres dans leur contexte, les 200 millions de dollars dont j'ai parlé, c'est le montant approximatif que nos 27 bibliothèques membres dépensent pour des revues savantes. Nous dépensons en outre 50 millions de dollars pour des monographies et des livres spécialisés. Notre activité totale, si je me souviens bien, représente sans doute un demi-milliard de dollars. Pour ce qui est de ma bibliothèque, je sais de manière certaine, que 50 p. 100 de notre budget est consacré à l'acquisition de matériel et que 50 p. 100 va aux services, à la main-d'oeuvre et au soutien de l'infrastructure.
Dans l'avenir dont vous avez parlé, cet avenir numérique auquel nous tentons tous de nous adapter, les bibliothèques de recherche auront un problème en ce sens que nous avons acquis au fil des ans une vaste quantité de documents imprimés que nous ne pourrons jamais numériser à prix raisonnable. Dans une certaine mesure, les prêts interbibliothèques nous permettent d'envoyer des copies de ces anciens documents ainsi que de documents plus récents aux autres bibliothèques qui ne les ont pas dans leurs collections.
Les bibliothèques de recherche du Canada sont une véritable mine de renseignements et c'est la raison d'être de nos collections. Si nous n'avons pas d'usagers, si nous ne pouvons leur offrir une utilisation efficiente et actuelle, nous deviendrons des musées. Et nous ne sommes pas des musées.
C'est dans cette voie que nous nous dirigeons, bien entendu. Une part des 250 millions de dollars que nous dépensons chaque année au total est maintenant réservée à l'obtention de licences d'utilisation pour le matériel électronique. Le plus souvent, ces licences sont négociées à l'échelle pancanadienne, ou à tout le moins à l'échelle provinciale, et nous les négocions avec les éditeurs réunis en consortium. Grâce à ces licences, chacune de nos bibliothèques a déjà accès à des quantités de plus en plus grandes de matériel numérique d'actualité.
En ce qui concerne la décision de la Cour suprême visant la Law Society of Upper Canada, je conviens, bien sûr, qu'il appartient aux législateurs de légiférer. Je croyais toutefois que nous étions là pour discuter ce matin de cette exception très restreinte qui vise à aider les bibliothèques de recherche à fournir aux chercheurs canadiens le matériel dont ils ont besoin de la façon la plus efficiente et efficace possible. Il ne s'agit là que d'une infime partie de notre activité.
L'hon. Paul Bonwick: Monsieur Hill, supposons que nous vivions dans un monde idéal et que vous ayez toutes les ressources dont vous avez besoin, que le niveau de financement accordé par le gouvernement, peu importe le palier, soit ce qu'il devrait être parce que nous aurions tout l'argent voulu. Serions-nous en train d'avoir ce débat ou cette discussion aujourd'hui?
M. Graham Hill: Probablement, parce que la numérisation de la connaissance dans le monde universitaire varie selon la discipline. Les secteurs de la science, de la technologie et de la médecine sont habituellement les chefs de file dans le domaine de l'information numérique. Dans les domaines des sciences humaines, des arts et des sciences sociales, la numérisation est moins poussée. Nombre des documents dans ce secteur sont toujours disponibles format papier, et souvent il est impossible de les acheter.
L'hon. Paul Bonwick: Monsieur Hill, je ne suis toujours pas convaincu que vous vous tourniez vers l'avenir plutôt que le passé. Je ne suis pas suffisamment naïf pour penser que nous allons pouvoir numériser tout ce qui a été écrit au cours des 10 derniers siècles. Je pense plutôt aux 10 prochains siècles. Je suis convaincu que les documents produits pendant cette période seront surtout produits sous forme numérique plutôt que sous format papier.
Je veux simplement m'assurer que notre système est adéquat, que nous prenons toutes les mesures pour être prêts à cette ère de la numérisation, pour assurer également que les créateurs seront rémunérés. Je ne suis pas convaincu que vous puissiez le faire avec ce genre d'exceptions, surtout à l'époque de la numérisation.
À (1030)
M. Graham Hill: Monsieur Bonwick, je crois que le problème comme je l'ai déjà signalé est lié à la nature même des bibliothèques de recherche et des travaux scientifiques. Nous ne parlons pas ici de créations littéraires. Le chercheur ou le professeur qui publie un document cède le droit d'auteur. Le créateur ne reçoit pas de compensation financière. C'est un système de récompense complètement différent.
L'hon. Paul Bonwick: Je ne parle pas de romanciers. J'emploie le terme « créateur » dans son sens le plus large. Que le créateur énonce par écrit une position dans une affaire juridique, ou prépare un rapport sur une question médicale, je juge qu'il s'agit là de création en quelque sorte.
La présidente: Il nous reste une minute. Mme Crean et M. Larivière ont levé la main.
Madame Crean.
Je m'excuse de vous interrompre, c'est simplement que nous n'aurons pas suffisamment de temps.
Mme Susan Crean: Je désire simplement signaler que les choses ne sont pas aussi claires et bien définies que le voudrait M. Hill. Il y a beaucoup de gens qui ne sont pas des universitaires, mais des chercheurs, des érudits—comme moi—qui écrivent des livres de nature savante, et qui à l'occasion fournissent des articles, quand on leur demande, à des publications érudites.
Je le fais à l'occasion, mais je me trouve toujours dans une situation particulière, justement en raison des facteurs économiques dont vous parliez—parce que les universitaires, en raison de la façon dont ils se sont comportés pendant des années, ont absolument détruit la nature économique des revues érudites. Aujourd'hui, tout est affaire de subvention.
Dès que je publie quelque chose par exemple dans la Revue d'études canadiennes, mon article peut être copié le lendemain, conformément aux modifications proposées. Il y a souvent des gens qui n'appartiennent pas au milieu universitaire dont les articles servent à des gens qui font des études universitaires—particulièrement dans le domaine des arts—ce qui veut dire qu'une bonne partie des documents que je produis, et c'est le cas de beaucoup de gens comme moi, est utilisée par ce secteur et on nous impose ces règles.
La présidente: Monsieur Larivière, une toute petite intervention s'il vous plaît.
M. Jules Larivière: À l'avenir, il est manifeste qu'il y aura de plus en plus de documents numérisés et de plus en plus d'octroi de licences dans les bibliothèques. Comment les créateurs ou les détenteurs de droit d'auteur seront-ils payés? Eh bien, sur un campus universitaire, mettons qu'il y ait 25 000 étudiants et utilisateurs possibles de ce document, c'est comme cela que le prix de la licence se déterminera.
Pour revenir à la question des prêts entre bibliothèques, il y aura toujours de ces cas exceptionnels où une bibliothèque aura besoin de documents dont nous avons la propriété; c'est de ces cas que nous parlons. Je pense que, dans les bibliothèques de recherche, l'essentiel des documents d'actualité sera manifestement sous forme numérique, mais soumis à des licences.
La présidente: Merci beaucoup.
Je vais passer la parole à Mme Lill qui avait quitté la salle pendant un moment. Puis je vais passer à M. Harvard.
Madame Lill, nous vous écoutons.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Les prises de position exprimées aujourd'hui ne manquent pas d'intérêt. Mais j'en reviens à un refrain qui est vital pour nous ici : comment allons-nous être en mesure de soutenir la créativité? Comment allons-nous avoir des gens qui créent et des gens qui publient, dans cinq ans, mettons? Il y a manifestement un énorme problème au moment où nous parlons.
J'entends M. Morrison de Canada Law Book, parler du problème d'un éditeur canadien. C'est ce que vous êtes. Vous affrontez des éditeurs multinationaux.
Nous avons entendu parler hier de l'impact du système d'octroi de licences des États-Unis, qui a réduit de façon alarmante les producteurs, si bien qu'il y a présent beaucoup moins d'entités dans le marché. Or, nous ne sommes pas ici pour réduire la connaissance ni réduire le nombre d'auteurs et de créateurs. À vrai dire, c'est même le type de conséquences que le comité cherche à éviter à tout prix, que toutes politiques culturelles devraient chercher à éviter.
J'entends donc votre point de vue, comme éditeur de livres juridiques; j'entends celui de Mme Crean et de personnes qui représentent en fait des milliers d'écrivains. Que disent-ils? Qu'ils ne veulent pas que l'on s'approprie leurs créations et que c'est bien ce qui semble se passer. Leur point de vue a le mérite d'être clair. D'après M. Larivière, la question est d'ailleurs très claire : les chercheurs obtiennent un article seulement, ce qui ne représente pas grand chose. Il ne s'agit pas d'une attaque réglée contre le droit d'auteur.
Pourquoi, alors, ne pas adopter l'octroi de licences? Cela ne faciliterait-il pas la vie des personnes qui veulent cet exemplaire unique? Pourquoi ne pas mettre en place une forme d'octroi de licences améliorée?
Chacun a parlé des problèmes propres aux copies d'accès ou aux licences générales. Il reste la possibilité de la licence élargie. Mme Hebb nous en a parlé. Nous avons en fait un système qui fait l'unanimité, un système que vous approuvez et vous aussi, monsieur Hill. Vous parlez des fortunes que vous dépensez en copies d'accès. Pourquoi ne pas élargir la formule? Au vu de ce que disent les créateurs du pays et la population, pourquoi ne pas élargir la formule? L'approche semble toute indiquée.
À (1035)
[Français]
La présidente: Monsieur Larivière.
M. Jules Larivière: Je pense qu'il est important ici de bien comprendre que si on veut remettre en question, encore une fois, le principe des exceptions dans la Loi sur le droit d'auteur, c'est une tout autre question. C'est sûr que la solution facile est de dire qu'on enlève toutes les exceptions et que tout va se négocier entre les fournisseurs de documents. Ça, c'est la solution simple. Toutefois, il y a eu des débats immémoriaux sur les exceptions, et on a finalement incorporé des exceptions. C'est le premier point.
Le deuxième point--et c'est le point le plus important--, c'est qu'on est dans un contexte mondial, international, au niveau de la recherche. Dans les autres pays, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Australie, ces exceptions-là existent. La transmission électronique de documents pour fins de PEB, ça existe. Alors, à ce moment-là, cela veut dire que les chercheurs canadiens seraient un peu désavantagés par cette situation, alors qu'au Canada, tout devrait être licencié.
Finalement, il ne faut pas oublier que les bibliothèques ne sont pas en affaires. Les bibliothèques ne vendent pas des cartes de membres. Les bibliothèques n'ont pas d'autres revenus que les fonds qui leur sont donnés et à un moment donné. Les budgets étant ce qu'ils sont, en bout de ligne, ça risque d'être les créateurs et les fournisseurs qui vont payer, parce que les bibliothèques n'auront plus d'argent pour signer toutes les licences qui devront être signées.
Alors, nous disons que pour le nombre de cas où cela existe, l'exception, encore une fois sans créer de problèmes économiques, à mon avis, pour les détenteurs de droits, doit demeurer.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Morrison et Madame Messier.
M. Stuart Morrison: Je vais enfoncer le clou et répéter qu'il ne s'agit pas des bibliothèques. Il ne s'agit pas des budgets des bibliothèques. Il s'agit des détenteurs de droit d'auteur. Il s'agit des auteurs. C'est aussi simple que cela.
À en juger par la tendance actuelle, comme je l'ai mentionné à M. Bonwick, il semblerait qu'on se dirige vers une situation où l'on paye « à la consommation ». Or, cela veut dire octroyer des licences. Parce que, dans la situation actuelle, si l'un de ces chercheurs veut avoir une de nos revues spécialisées, il peut s'adresser à nous. Il n'a pas besoin d'aller à la bibliothèque. Si c'est un document numérisé, il peut s'adresser au détenteur du droit d'auteur. Libre au détenteur du droit d'auteur d'autoriser l'accès ou pas.
Je veux être très clair : il ne s'agit pas des budgets des bibliothèques ni de ce qui arrange les bibliothécaires et un groupe de chercheurs triés sur le volet. La Cour suprême du Canada ayant accordé le statut de chercheur à pratiquement tout un chacun, on parle de millions d'utilisateurs.
Les sociétés canadiennes, qui se battent pour leurs auteurs, ont besoin de protection. Si vous élargissez les droits pour les versions numériques au point où les bibliothèques sont libres d'envoyer notre produit à tout un chacun, comment pourrons-nous vendre ledit produit à plus d'une personne? Et pourquoi cette personne serait-elle au Canada? Pourquoi ne choisirions-nous pas la Library of Congress?
[Français]
La présidente: Madame Messier.
Mme Hélène Messier: M. Larivière nous dit que c'est un problème de contexte international, que cela existe dans d'autres pays. Mais est-ce que la recherche est moins bonne au Canada parce que les chercheurs canadiens ont accès à l'oeuvre sous une forme papier plutôt que sous une forme numérique?
M. Morrison nous dit en plus que les chercheurs canadiens peuvent avoir accès à la forme numérique s'ils contactent directement les éditeurs qui les offrent en format numérique. Où est le problème? On parle d'accès aux oeuvres. Les oeuvres sont accessibles. Alors, il n'y a pas de problème d'accès ici.
À (1040)
[Traduction]
La présidente: Madame Lill, avez-vous une autre question?
M. Larivière a une autre réaction.
M. Jules Larivière: Oui, il y a une chose que je voulais dire. M. Morrison parle de payer « à la consommation ». Pour un éditeur d'ouvrages juridiques, c'est sans doute une approche possible, parce que c'est un milieu où se brasse beaucoup d'argent. Ailleurs, payer à la consommation va être plus difficile.
[Français]
Pour revenir à Mme Messier, je dirai que j'ai travaillé dans les bibliothèques universitaires pendant très longtemps. Or, les professeurs, les chercheurs me disaient sur une base quotidienne que c'était quand même assez incroyable qu'on soit obligé d'aller à la bibliothèque pour chercher une copie papier.
Vous, cela ne vous dérange pas, mais je peux vous dire qu'à l'Université d'Ottawa, il y a énormément de professeurs que cela dérange. Ils nous disent qu'ils ont l'équipement dans leur bureau et demandent qu'on leur envoie le document sur leur machine. Il faut comprendre également qu'aujourd'hui les chercheurs voyagent beaucoup. Ils sont souvent à l'extérieur du pays, même pour faire leurs recherches, et ils nous appellent pour obtenir telle chose. Donc, c'est une chose dont il faut tenir compte également. Alors, cela s'inscrit dans un contexte de service des bibliothèques.
[Traduction]
La présidente: Madame Crean, très rapidement.
Mme Susan Crean: Je voulais répéter, une fois de plus, que je pourrais sans doute m'entretenir de façon constructive avec vous sur certaines des questions abordées si, une fois de plus, vous n'isoliez pas un certain type de documents protégés par des droits d'auteur en vue de l'exempter. C'est un point que je tenais à signaler à nouveau. Pourquoi, quand nous parlons de la question, parlons-nous constamment d'un type de documents très spécifique?
De plus, je voudrais vous demander d'y regarder à deux fois. Les mesures dont vous parlez sont censées aider les chercheurs. Or, je suis de ce nombre. Il y a beaucoup de chercheurs de mon type. Et l'accès aux bibliothèques en question est souvent coûteux pour nous. S'il s'agit de bibliothèques de recherche, elles ne sont pas aussi gratuites que vous voulez bien le faire croire. En tant qu'ancienne universitaire, je paie 40 $ pour avoir accès à la bibliothèque de l'Université de Toronto. Si je veux faire mettre un ouvrage de côté, cela me coûte 80 $. Bref, en tant que pigiste, nous engageons des frais d'un bord et de l'autre.
La présidente: Madame Lill, très rapidement.
Mme Wendy Lill: Si vous comptabilisez les montants que vous devez payer pour avoir accès au site de Statistique Canada, etc.; faire des recherches est coûteux. Si vous écrivez pour un périodique, vous êtes susceptible de consacrer deux semaines ou un mois à la rédaction d'un article. Laissez-moi réfléchir un peu à l'aspect financier. Comment est-ce que les choses fonctionnent?
En fait, vous effectuez le travail et on vous paie quelque chose, je l'espère. Le jour d'après, votre travail est disponible. Autrefois, quand on publiait un article, il commençait à circuler dans le système et on continuait à en retirer des avantages financiers. Autant que je puisse en juger, on élimine les recettes traditionnelles de l'industrie de l'édition.
Mme Susan Crean: Effectivement, nous avons dû faire notre deuil du marché de l'usage secondaire d'articles de périodiques, du fait de l'exemption pour exemplaire unique qui s'applique à 30 millions d'exemplaires.
Très souvent, en tant que créateur, nous sommes en butte à un système où il y a deux poids et deux mesures. Si j'écris un livre sur les beaux-arts, par exemple, je dois verser les droits; ainsi ai-je versé des droits aux détenteurs de documents d'Emily Carr, depuis longtemps disparus, juste à titre d'exemple. Et si je vais dans des institutions publiques, comme les musées de beaux-arts, je dois payer pour reproduire des oeuvres du domaine public.
La présidente: Très brièvement, monsieur Larivière, puis monsieur Harvard et monsieur Lincoln.
[Français]
M. Jules Larivière: C'est simplement pour vous dire que lorsque vous mentionnez qu'autrefois, quand un livre était publié, l'auteur recevait de l'argent chaque fois qu'une copie de ce livre était vendue et que maintenant, dans le domaine électronique, cela ne se ferait plus, cela peut se faire. C'est une question de négociation entre le créateur et l'éditeur. Il faudrait exiger qu'il y ait un certain contrôle de la part de l'éditeur au niveau des prêts qui seront faits. Encore une fois, ce dont nous, nous parlons ici, c'est du prêt entre bibliothèques, et non pas des prêts en général.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Harvard, puis monsieur Lincoln.
L'hon. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Merci, madame la présidente.
Même si on dit qu'il ne s'agit pas d'argent, c'est bien d'argent qu'il s'agit, croyez-moi. Ce n'est pas moi qui l'ai dit, mais c'est très vrai et j'estime qu'il vaut la peine de le répéter.
Monsieur Hills, vous avez dit, vers la fin de votre exposé, que les bibliothèques de recherche du Canada sont des entités sans but lucratif. Je ne conteste pas cette affirmation, mais j'estime qu'elle en dit long sur votre position. Il me semble que vous êtes là devant notre comité en train de nous supplier de vous reconnaître un privilège à cause de votre situation, du fait que vous êtes une entité sans but lucratif. Je sais que vous faites du bon travail, mais je ne suis pas sûr que nous devrions vous accorder une exemption simplement parce que vous êtes des gens bien ou que vous êtes une entité sans but lucratif. Je ne comprends pas pourquoi vous demanderiez aux créateurs canadiens de vous accorder une réduction spéciale. Demandez-vous des facilités à Hydro Ontario? Ou à votre compagnie de chauffage? Quand vous retenez les services d'une entreprise de nettoyage ou d'entretien paysager, vous ne leur dites pas : nous sommes une bibliothèque de recherche, alors pouvez-vous nous accorder une réduction de 10 p. 100 ou 20 p. 100?
Il me semble que, dans le cas des créateurs, vous demandez une exemption, et je ne suis pas prêt à vous l'accorder. Je ne sais pas ce que décidera le gouvernement au bout du compte, mais moi, je ne suis pas prêt à vous l'accorder.
À mon avis, monsieur Hill, et je m'adresse ici à M. Larivière aussi, le régime de licences s'apparente à une structure de commercialisation ordonnée en vertu de laquelle consommateurs et producteurs s'entendent sur une tarification équitable qui convient à toutes les parties. D'après certaines des réponses que nous avons entendues; il semble y avoir cette crainte que, s'il n'y a pas d'exemption et que les créateurs sont rémunérés pour tout ce qu'ils font, ils vont se mettre à exiger des tarifs très élevés. Je ne pense pas que les créateurs soient aussi stupides. Vont-ils exiger des tarifs qui risqueraient de chasser leur clientèle?
Ils sauront quels sont vos moyens, monsieur Hill, ce que vous êtes en mesure de payer. S'ils vont trop loin, je suppose que vous ne pourrez plus acheter chez eux, mais la loi du marché, de l'offre et de la demande, ne disparaîtra pas pour autant.
Il y a aussi autre chose, monsieur Hill. Je ne m'en prend pas à vous particulièrement, mais je me suis dit que M. Morrison ou quelqu'un d'autre aurait peut-être dû répondre à votre argument selon lequel les prêts interbibliothèques ne concernent qu'une catégorie restreinte de matériels—technique, professionnel et intellectuel. S'il s'agit vraiment d'une catégorie aussi restreinte, pourquoi êtes-vous tous si inquiets? S'il s'agissait de tous les livres qui ont jamais été écrits et que vos prix augmentaient en conséquence, je comprendrais votre inquiétude. Vous dites qu'il ne s'agit que d'une catégorie restreinte, mais vous êtes quand même très inquiet. Que faut-il croire? S'agit-il bien d'une catégorie restreinte ou s'agit-il finalement, encore une fois, d'une question d'argent?
À (1045)
M. Graham Hill: Je vais commencer, monsieur Harvard, par répondre à votre dernière question. Il s'agit bien d'une catégorie restreinte et il s'agit bien d'argent.
Je pourrais peut-être vous expliquer que ce dont nous parlons ici et ce qui préoccupe les bibliothèques de recherche : c'est que les créateurs de ces articles de revues sont des universitaires qui touchent un salaire, ou encore des chercheurs qui tirent leur revenu de sources autres que les ouvrages qu'ils publient. S'ils publient, c'est pour la considération que cela leur vaut. Et si le comité veut bien m'accorder son indulgence, j'aimerais vous faire part d'une métaphore qui, d'après moi, décrit bien le monde de l'édition savante.
Je vous ramène à la panne d'électricité de l'an dernier : j'ai besoin d'une chandelle, alors je me rends chez un marchand de chandelles. Or, le marchand, en astucieux, est allé voir tous les artisans et fabricants de chandelles et leur a dit : « J'ai une bonne affaire pour vous. Vous confectionnez de magnifiques chandelles. Nous allons vous faire une réputation. Donnez-nous vos chandelles et nous les vendrons. » Ce marchand est comme l'éditeur de revues savantes.
Je me rends donc à sa boutique, et je lui dis : « J'ai besoin d'une de vos chandelles pour m'éclairer. » Il répond : « Très bien, c'est 5 $. » Je lui dis : « D'accord, si c'est le prix, je n'ai pas le choix. » Et c'est là la différence. Les éditeurs de revues savantes ont, dans les faits, un monopole. Si je n'aime pas le travail de ma femme de ménage, je peux m'en trouver une autre.
Mais je veux acheter une revue en particulier, je n'ai qu'un fournisseur à qui m'adresser. Alors, il me dit : « C'est 5 $, non, en fait, c'est 10 $ parce que nous sommes en pleine panne d'électricité. » Je réponds : « Très bien. » Il se trouve donc que je suis ainsi plongé dans les ténèbres mais aussi de ceux qui persistent à fumer, alors je peux allumer ma chandelle. Mais en sortant, je croise mon collègue, mettons de l'Université du Manitoba ou de Dalhousie, qui arrive et qui veut acheter la chandelle. Je lui dis : « Vous pouvez allumer votre chandelle à la mienne. La flamme de ma chandelle ne sera pas diminuée pour autant. » Mais le fabricant de chandelles dit « Non, vous devez me donner 2 $ pour pouvoir allumer votre chandelle. » Il en va de même pour les prêts interbibliothèques.
S'agissant de prêts interbibliothèques, tout le monde, toutes nos bibliothèques membres achètent les revues. Nous ne pouvons pas tout acheter. Nous parlons ici de quelque chose de très restreint, mais aussi de très important. Chaque prêt qui est fait entre nos bibliothèques de recherche nous coûte environ 40 $ en fait de main-d'oeuvre. Nous n'aurions pas recours aux prêts interbibliothèques si nous pouvions obtenir le matériel directement lorsque nous en avons besoin.
Alors, oui, dans un certain sens, il s'agit d'argent. Vous avez parfaitement raison de dire cela, monsieur Harvard, mais il s'agit aussi de quelque chose de très restreint. Si nous avons acheté la chandelle, ce ne serait pas dans l'intérêt public de vouloir faire payer quelqu'un pour allumer sa chandelle à la nôtre. L'air est gratuit et l'eau aussi. Le feu devrait l'être également.
À (1050)
L'hon. John Harvard: Eh bien, j'imagine qu'il va falloir interdire les pannes d'électricité.
Monsieur Morrison, voulez-vous répliquer à cela?
M. Stuart Morrison: Oui, je vais répliquer.
N'allez pas brûler les livres, voilà ce que je commencerais par dire. Pour ce qui est des revues savantes et universitaires, on a semblé dire que nous ne publions pas de ces revues, mais je suis l'éditeur de Jacob Ziegel. Jacob Ziegel est professeur à l'Université de Toronto de la Revue canadienne du droit de commerce. Jacob m'appelle constamment pour me demander : « Mais, enfin, qu'arrive-t-il à nos ventes en Australie, en Nouvelle-Zélande et à Singapour? »
Eh bien, les ventes de cette revue ont baissé de 36 p. 100 au cours des 10 dernières années, et cette baisse s'explique en grande partie par le fait que la personne à Singapour qui veut en obtenir un article n'a qu'à demander un prêt interbibliothèque. Cela n'a rien à voir avec le fait d'allumer sa chandelle, mais cela a tout à voir avec la nécessité de protéger les auteurs.
J'espère que nous n'allons pas l'oublier. C'est effectivement une question d'argent. C'est ce qu'a dit M. Hill. S'il avait l'argent, il n'y aurait pas de problème. C'est parce qu'il se sent appauvri que les auteurs devraient eux aussi être appauvris d'une autre façon. Mais cela est tout simplement inacceptable. Nous devons protéger les auteurs canadiens.
Le milieu de la recherche au Canada ne me semble pas être en grande difficulté.
L'hon. John Harvard: Je n'aime pas que l'on dise « protégé ». Que diriez-vous de « autorisé à agir »?
M. Stuart Morrison: Cela me convient.
L'hon. John Harvard: Je ne veux pas les protéger avec une exemption, car je considère les exemptions comme étant une forme de protection du marché.
M. Stuart Morrison: Je souscris sans réserve à votre interprétation.
L'hon. John Harvard: Bien, et merci.
La présidente: Monsieur Lincoln.
M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Le noeud du problème, me semble-t-il, c'est de décider si nous appliquons les exemptions qui touchent déjà les documents imprimés aux documents du domaine technologique. Voilà ce dont il est question aujourd'hui.
Mon collègue Paul Bonwick ainsi que M. Morrison faisaient remarquer que d'ici 5, 10 ou même 20 ans, l'imprimé aura quasiment disparu à cause des progrès technologiques. Nous ne savons pas à quel point ce sera généralisé, mais les nouveaux documents apparaîtront sous différentes formes, dont certaines ont été décrites déjà par M. Morrison, et je pense notamment aux banques de données, au Web, ou aux DVD. Nous devons donc décider si, à notre avis, cette exception devrait également s'appliquer aux documents de l'ère technologique.
Nous avons entendu des arguments bien structurés dans un sens comme dans l'autre, et M. Hill a même fait remarquer que nous devrions étendre l'exception pour qu'elle s'applique aux bibliothèques dotées de mesures destinées à garantir les droits des titulaires de droits d'auteur. Qui décide quelles bibliothèques sont dotées de mesures voulues pour garantir ces droits? Comment faire pour réglementer dans ce domaine?
Mme Westcott s'est demandé qui contrôle si, lorsqu'il y a de nouvelles exemptions, ces droits demeurent protégés? La Commission du droit d'auteur? Le gouvernement? Ou un nouvel organe de protection?
M. Hill a mentionné que nous étions les propriétaires des livres. Puis, il a comparé le livre à la chandelle. Mais Mme Crean s'est ensuite demandé...
Nous possédons tous des machines IBM et des ordinateurs, et pourtant Microsoft et IBM perçoivent des redevances et des droits d'auteur qu'ils ne sacrifieront à aucun prix. Cela, tout le monde l'accepte, mais le système est différent, ce qui a pour conséquence qu'on ne se rend compte de rien, comme pour ce qui est des documents que vous utilisez. Nous devons donc nous demander si...
Vous faites également valoir que, dans leur définition, les exceptions ne s'appliquent qu'aux documents universitaires, scientifiques et techniques; mais les exceptions s'appliquent également aux journaux et aux périodiques après un an. De plus, la loi établit que le gouverneur en conseil peut définir à quoi elle s'applique. Ainsi, si le prochain gouvernement souhaitait protéger complètement l'utilisateur, il pourrait changer la définition des périodiques, journaux et autres documents universitaires, scientifiques et techniques, pour qu'elle corresponde à son objectif. Les gouvernements se suivent et n'ont pas toujours la même philosophie... Si le prochain gouvernement voulait vraiment aider l'utilisateur, la définition pourrait changer du tout au tout.
Par conséquent, vous ne pouvez pas prétendre que ce chiffre de 3 p. 100 ne changera pas dans les prochaines années. Et même s'il n'était qu'à 1 p. 100, on parle de droits, et les droits s'appliquent peu importe le pourcentage. Il ne faudrait pas dépendre d'un simple pourcentage, ce devrait plutôt être une question de politique.
J'ai entendu M. Larivière répondre qu'il devrait y avoir négociation entre la bibliothèque et l'éditeur.
À (1055)
[Français]
C'est ce que vous avez dit lorsque Mme Lill vous a demandé qui allait payer si on vous donnait une exception qui vous permettrait de transiger sans devoir passer par le système collectif. Vous avez dit que vous voudriez négocier, qu'il n'y avait pas de problème, que vous alliez payer pour tout. Elle vous a demandé qui allait payer pour le droit d'auteur, et vous avez répondu qu'il pourrait y avoir une négociation entre la bibliothèque et l'éditeur.
[Traduction]
Mais n'est-ce pas ce dont il est question dans un système de licenciation?
M. Hill affirme que l'air et l'eau sont gratuits. J'imagine qu'il faudrait trouver qui sont ceux qui ont produit l'air et l'eau. Pour certains, ce serait Dieu, et pour d'autres ce serait la simple évolution; Darwin serait peut-être d'un autre avis. Voilà pourquoi l'air et l'eau sont gratuits. Mais dans le cas des auteurs, il s'agit d'un acte de création et le créateur veut être indemnisé pour l'utilisation de son oeuvre protégée par son droit d'auteur. C'est ce qui justifie l'existence de la loi sur le droit d'auteur.
Après avoir entendu les arguments de part et d'autre, je conclus qu'il serait risqué pour nous d'élargir l'exception à une époque comme aujourd'hui où il est difficile de circonscrire l'exception. Il est beaucoup plus facile de la circonscrire aujourd'hui dans le cas du matériel imprimé. Mais comment faire? On ne m'a pas prouvé qu'il était possible de la circonscrire. Comment faire la distinction entre les bibliothèques qui peuvent protéger le droit d'auteur et celles qui ne le peuvent pas? Si nous accordons l'exemption aux bibliothèques—sous prétexte que, d'après M. Larivière, les bibliothèques constituent des cas spéciaux et ne posent aucun problème—le milieu de l'éducation s'insurgera et exigera d'être exempté à son tour. Et d'autres secteurs ensuite exigeront à leur tour d'être exemptés eux aussi.
Nous devons donc regarder la question dans son ensemble, peu importe qu'il s'agisse de bibliothèques ou d'universités ou d'autres institutions. Que le document soit d'ordre littéraire ou scientifique, nous devons nous demander comment protéger les titulaires de droit d'auteur, puisque c'est l'objectif de la loi, tout en ouvrant le plus grand accès possible aux utilisateurs de ces ouvrages puisque nous ignorons où nous mènera la technologie. Voilà le dilemme.
Monsieur Larivière ou monsieur Hill, pouvez-vous m'expliquer ce qui cloche dans le système de licenciation? Je ne vise ici ni Access Copyright, ou ce système-ci d'octroi de licences, ni l'organisme que représente Mme Messier, ni même la Canada Law Book. Ce dont je parle ici, c'est du principe. Qu'est-ce qui vous embête dans le fait qu'un collectif négocie à l'avance avec vous et parte du fait que vous n'utilisez que 3 p. 100 des oeuvres pour arriver à calculer un droit quelconque? Et si vous préférez, on pourrait peut-être passer par la Commission du droit d'auteur, par exemple.
Qu'est-ce qui vous embête là-dedans?
La présidente: Mme Crean a été la première à lever la main, mais je crois qu'elle se désiste en faveur de M. Hill. Vous avez la parole.
Á (1100)
M. Graham Hill: Monsieur Lincoln, je répondrai à votre question par ceci : sachez, mesdames et messieurs du comité, qu'un prêt entre bibliothèques universitaires consiste en deux choses : c'est d'abord le prêt d'un livre, et c'est ce que nous avons toujours fait. Si vous souhaitez emprunter un livre, vous avez trois semaines pour le consulter, après vous le rapportez. Dans le cas des journaux universitaires imprimés, la difficulté vient du fait qu'ils sont reliés en volumes. Il est donc impossible de les laisser sortir, car cela aurait pour effet de retirer de la circulation pendant trois semaines une cinquantaine d'ouvrages. Par conséquent, l'article 30.2 de la Loi sur le droit d'auteur nous a permis, au fil des ans, de mettre au point un système permettant de prêter plutôt une xérographie de l'ouvrage recherché qui se trouve relié avec une cinquantaine d'autres. Ce système a donné de bons résultats.
De fait, cette exception tient compte du bien public. Si nous pouvions prêter le livre, nous le ferions et laisserions les intéressés le lire. C'est en ce sens que je vous parlais plus tôt de l'air et de l'eau, qui ne sont ni l'un ni l'autre gratuits, j'en conviens. D'ailleurs, je suis sidéré de voir que les Canadiens acceptent de payer 3 $ à Coca-Cola pour acheter une bouteille d'eau, ce qui est beaucoup plus que le litre d'essence dont ils ne cessent de se plaindre du prix. J'imagine qu'on peut trouver des arguments économiques partout.
Le principe que je veux faire valoir au nom des bibliothèques de recherche est celui-ci : la connaissance devrait être disponible et accessible. Grâce à la xérographie ou à la copie papier, il nous est possible de transmettre plus efficacement.
Vous demandez comment prévoir des garanties? Il nous faudra évidemment des règlements, tout comme ceux qui régissent la façon de faire actuelle à l'article 30.2.
Comment faire la distinction entre les bibliothèques? Il me semble qu'il serait assez aisé d'élaborer des règlements qui imposeraient l'utilisation d'un logiciel d'encryptage permettant à une bibliothèque de transmettre directement un ouvrage à l'ordinateur d'un chercheur.
Comme Jules Larivière le signalait plus tôt, nos utilisateurs, qui sont des chercheurs, des universitaires et des étudiants, ne comprennent pas pourquoi, à l' ère de la numérisation, nous persistons à leur donner des copies papier. Ils ne tiennent pas à rétrécir le marché des revues en question, puisque nous les avons déjà, ces revues, et que n'importe qui peut venir les consulter chez nous.
Je crois avoir répondu à certaines de vos interrogations, mais Jules Larivière voudra peut-être prendre la relève.
La présidente: Nous entendrons d'abord M. Larivière, puis M. Morrison et Mme Crean.
[Français]
M. Jules Larivière: Monsieur Lincoln, quand j'ai répondu à Mme Lill, j'ai dit que s'il n'y avait pas la Loi sur le droit d'auteur, tout se négocierait. C'est ce que j'ai dit.
En ce qui concerne les exceptions, encore une fois je répète que ces exceptions-là ont fait l'objet de discussions lorsqu'on a eu la Loi sur le droit d'auteur, lorsqu'il y a eu la révision en 1988 et lors de la révision de 1997. Maintenant, on semble dire, à cause du contexte technologique, qu'on devrait enlever toutes les exceptions. Encore une fois, si ces exceptions sont acceptées ou admises aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Australie et probablement dans d'autres pays, il doit sûrement y avoir de bonnes raisons. Pour quelle raison le Canada, lui, dirait-il qu'il n'aura aucune exception en ce qui concerne la reproduction d'articles de savants, de revues savantes et techniques?
[Traduction]
La présidente: Monsieur Morrison.
M. Stuart Morrison: J'aimerais commenter ce que disait M. Hill au sujet des étudiants qui ne comprennent pas la raison d'être de ces problèmes. Il me faut vous répéter que l'objectif n'est pas d'aider les étudiants ou les chercheurs, mais d'aider plutôt les titulaires de droits d'auteur, les auteurs et les éditeurs. Il a dit aussi que le savoir est facilement accessible. C'est tout à fait vrai. Sauf qu'il est protégé par un droit d'auteur. Dans la mesure où l'on s'occupe convenablement du titulaire du droit d'auteur, de l'auteur et de l'éditeur, l'information devra être accessible par une source appropriée. Elle ne peut être simplement distribuée et généralisée sur l'Internet. Elle ne doit pas l'être sans qu'elle soit assortie d'une indemnisation pour ceux qui l'ont créée. Voilà tout ce que nous demandons.
Personnellement, je pense que le problème se réglera de lui-même, puisque nous nous dirigeons vers le versement de droits pour tout ce que nous consommons; de plus, la technologique finira par permettre aux étudiants ou chercheurs qui voudront avoir accès à des ouvrages de communiquer directe, depuis leur ordinateur de bureau, avec le détenteur du droit d'auteur.
La présidente: Madame Crean
Mme Susan Crean: Je ne crois pas que ce soit une question d'argent; ce serait plutôt une question de contrôle.
M. Lincoln a fort bien décrit le problème : dès qu'une exception est accordée, on en demande une autre, et où cela s'arrête-t-il? Si celle dont nous parlons ne se justifie pas, pourquoi la prochaine se justifierait-elle plus? Vous avez raison de dire qu'il faut les annuler et revoir le tout.
Il faut le faire notamment parce qu'il faut tenir compte des répercussions que cela pourrait avoir pour différents milieux. Une toute petite partie de mon travail à moi empiète sur votre monde à vous. En effet, lorsque vous demandez une exception, vous me demandez de vous permettre, à vous et à vos collègues, de gérer mes droits moraux. Rien, dans votre dossier, ne me permet de croire que c'est à vous de le faire ou que vous êtes même autorisés à le faire. À mon avis, on demande aux mauvaises personnes de faire la mauvaise chose.
Aucun d'entre vous n'a pu répondre, lorsqu'on a demandé ce qui vous embêtait dans la licenciation. C'est bien parce qu'il n'y a rien qui cloche dans le système de licenciation. C'est en effet la seule chose qui permette à la population et aux créateurs de se concerter pour mettre de l'ordre.
Si vous me permettez, j'oserais même dire que vous êtes des entremetteurs, car vous vous interposez entre nous et les Canadiens. Vous nous empêchez d'avoir un droit de regard direct sur nos créations. Nous avons déployé d'énormes efforts pour obtenir une série de règlements sur l'exception des 30 millions d'exemplaires, mais même si vous avez plus de pouvoir que nous, vous avez hésité à édicter ces règlements qui auraient pu nous servir. Voilà pourquoi, à notre avis, nous avons perdu nos oeuvres, et pourquoi nous sommes convaincus d'avoir perdu tout droit de regard sur celles-ci; ce n'est pas que nous voulions dire à autrui comment utiliser nos oeuvres, mais nous voulons simplement savoir où elles se trouvent et comment aussi un peu elles sont utilisées.
Pour l'instant, c'est comme si on nous demandait d'accepter aveuglément que l'INCA s'occupe de nos oeuvres. C'est une trop grande responsabilité pour vous la laisser entre les mains. Nous, comme créateurs, devrions nous en occuper, et la seule façon d'y parvenir, c'est en concédant une licence. La licenciation de licence nous permet de donner accès à notre travail gratuitement dans certains cas. Nous sommes prêts à le faire, et il est inutile pour vous d'adopter une loi pour nous forcer à être charitable.
Á (1105)
La présidente: Passons maintenant à Mme Westcott.
Nous passerons ensuite aux questions de Mme Gagnon et de M. Bonwick, et je voudrais en poser moi-même quelques-unes.
Madame Westcott,
Mme Grace Westcott: M. Hill disait que l'exemption devait s'appliquer aux revues savantes, scientifiques et techniques, ce qui était le plus important de son point de vue.
J'ajouterais à cela les revues médicales et professionnelles qui sont les plus numérisées pour l'instant, car elles sont idéales pour le milieu numérisé. Mais elles ne constituent certes pas la majorité des prêts entre bibliothèques, peu s'en faut. Comme le signalait M. Lincoln, on trouve dans les prêts des articles de tous genres, des journaux ou des articles de revues de plus d'un an. De plus, le prêt entre bibliothèques s'applique à l'utilisation équitable de toute forme d'imprimé. Cela s'applique à énormément de choses.
Les revues scientifiques et techniques dans leur sens le plus étroit sont les ouvrages qui, nous en convenons tous, sont les plus fortement numérisés à l'heure qu'il est. Le marché de l'envoi numérique de documentation est donc le plus développé, même si c'est le secteur le plus délicat. Si on veut vraiment être équitable, et même en se reportant à la liste en six points de la Cour suprême, l'un des éléments le plus important de cet équité, ce sont les conséquences que peuvent avoir les utilisations des ouvrages sur le marché. C'est précisément avec ces ouvrages dont le marché est surtout numérisé et qui serait frappé le plus durement par une exception qui autoriserait une bibliothèque de recherche à se transformer, sans indemniser qui que ce soit, en un service de livraison de documents.
Comme le signalait M. Hill, les archives et les bibliothèques sont un élément essentiel de notre société d'information, et nous en avons besoin. Elles sont les dépositaires, parfois énormes et remontant loin dans le temps, de notre héritage intellectuel. Nous voulons qu'il soit accessible, mais comment? La façon de faire, ce serait de reconnaître qu'elles comblent un besoin, en leur octroyant l'autorisation de rendre ce service.
La présidente: Je vous demanderais à tous de conclure, car nous avons consacré presque 20 minutes à cet aspect-là. J'ai été plus qu'indulgente.
Madame Gagnon, puis monsieur Bonwick.
Á (1110)
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Je voudrais comprendre. Il y a peut-être une distinction à faire. Vous n'êtes pas contre la numérisation de vos oeuvres, mais contre le fait que ce soit transigé par les bibliothèques, parce que c'est comme si, finalement, elles étaient les détentrices du droit de diffuser, droit qui appartient soit à un éditeur ou à un créateur. Vous dites que si on faisait appel à vous dans le cadre d'une licence, cela ne vous poserait aucun problème, mais le fait que ce soit une bibliothèque qui a un droit...
Je pense que l'exception, c'est un privilège qu'on vous a donné quand il s'agissait de documents à transiger. Mais présentement, la numérisation comporte, je pense, une dimension que le papier n'avait pas. Dans tout le domaine de la création, l'infini de la numérisation via Internet fait peur, peu importe que ce soit scientifique ou non.
Donc, je vous pose la question suivante. Est-ce que, par exemple quand vous faites de tels prêts entre bibliothèques, vous informez le créateur ou l'éditeur du fait que vous faites des prêts de documents que vous possédez en vertu d'une licence qui vous a été octroyée, mais que vous ne pouvez peut-être pas transmettre à d'autres bibliothèques? C'est un privilège qu'on vous a donné, mais le privilège est presque infini si on vous dit aujourd'hui que vous pouvez aussi faire un tel prêt de tous les documents à une autre bibliothèque. Or, vous savez ce que fait l'Internet: quand c'est numérisé, les copies peuvent être multipliées. Je pense que la crainte est là.
J'aimerais que vous me donniez votre point de vue là-dessus.
M. Jules Larivière: C'est évident que la crainte est là, et on la comprend. Mais je pense également que de la même façon, dans le domaine du papier... J'ai été un peu surpris d'entendre que les bibliothèques étaient entre les créateurs et le public. Les bibliothèques ont toujours été là pour diffuser l'information, justement. Il faut bien comprendre que dans le domaine du papier--je l'ai toujours dit--, s'il n'y avait pas de bibliothèques, cela ne voudrait pas dire que les gens qui les fréquentent iraient acheter les documents. L'équation n'est pas aussi simple. Les gens vont à la bibliothèque parce qu'ils ont besoin d'une information.
Dans le domaine du prêt entre bibliothèques, c'est la même chose. Quand on a une demande de prêt entre bibliothèques, c'est sûr qu'on n'en informe pas le détenteur des droits--habituellement l'éditeur--, parce que la loi nous permet actuellement de faire ce prêt.
Maintenant, au niveau électronique, c'est sûr que la crainte existe, mais je pense qu'il y a une question de confiance qui doit être établie, et même si M. Morrison n'est pas d'accord avec moi...
Mme Christiane Gagnon: Je pense que ce n'est pas établi à ce moment-ci.
M. Jules Larivière: Je reviens à l'exemple que j'utilisais tout à l'heure. Quand on parle du prêt entre bibliothèques de recherche, on ne parle pas de musique populaire. Qu'un article sur la reproduction des abeilles dans le Grand Nord soit demandé à la bibliothèque de l'Université du Québec en Outaouais, cela n'intéresse personne; c'est tellement spécifique! Or, c'est dans ce contexte-là que les prêts au niveau des bibliothèques de recherche sont faits. C'est pour cette raison que j'ai dit que, finalement, des prêts entre bibliothèques publiques, il s'en fait très peu. Cela se fait surtout dans les bibliothèques de recherche universitaire.
Lorsqu'on dit qu'il y a danger d'étendre le prêt entre bibliothèques à l'ensemble des documents, j'ai des réserves. À la lumière de mon expérience, il me surprendrait énormément que ce soit reproduit.
Mme Christiane Gagnon: Mais une information électronique devient plus séduisante, parce qu'on peut la consulter rapidement, on peut...
M. Jules Larivière: De la musique, madame, c'est séduisant, mais un article dans une revue technique ou savante n'est pas plus...
Mme Christiane Gagnon: Je ne vous parle pas du contenu de l'article, je vous parle de la facilité de le faire. C'est dans cette perspective de séduction que je vous entraîne.
M. Jules Larivière: Mais il faut qu'il y ait un intérêt au départ.
Mme Christiane Gagnon: Pour toutes sortes d'informations, l'électronique est quand même rapide, et on n'a pas besoin de se déplacer. C'est ce qui suscite davantage l'intérêt d'aller fouiller, d'avoir l'information immédiatement. S'il faut aller à la bibliothèque, il faut se déplacer, il faut y aller. Donc, c'est peut-être pour cela qu'il y a eu moins d'engouement, comme vous le dites, mais le fait que ce soit sur support électronique, ça pourrait mener à...
[Traduction]
La présidente: M. Hill, qui sera suivi de Mme Westcott et Mme Crean.
M. Graham Hill: Merci, madame la présidente, mais M. Larivière à déjà répondu.
Á (1115)
La présidente: Madame Westcott.
Mme Grace Westcott: Dans le cas des bibliothèques qui comptent peu d'exemplaires uniques, il faut comprendre que le système des licences est souple, ce qui est avantageux. Or, si on constate que ces ouvrages sont rarement empruntés, cela devrait être pris en compte pour un système de licences correctement pensé.
Le système des licences a un autre avantage : les techniques de vérification peuvent être mises à jour, avec l'approbation de tous. Tous les acteurs dans ce milieu, bibliothécaires et éditeurs, veulent la protection en aval et souhaitent qu'elle puisse s'appliquer en ligne. Il serait donc très avantageux d'assortir les licences d'un système quelconque de mise à jour et de surveillance.
La présidente: Madame Crean.
Mme Susan Crean: J'ai dit ce que j'avais à dire au sujet de la possibilité que la licence tienne compte de l'évolution de la situation. Je rappellerais au comité que chaque fois qu'on invente une nouvelle technologie, chaque fois qu'on invente une nouvelle utilisation, nos éditeurs tentent de nous convaincre qu'il ne faut pas s'inquiéter, que ce n'est rien, ou que l'usage qu'on en fait est minime—comme veut nous le faire croire le bibliothécaire ici présent. Or, si nous avons appris quelque chose dans le domaine des technologies interactives, c'est qu'il ne s'agit jamais d'un phénomène distinct. C'est bien ce dont nous parlons ici : si minime soit le phénomène et même s'il s'agit ici de l'exception la moins préjudiciable de toutes celles qui sont proposées, c'est comme si on laissait sortir le génie de la bouteille : impossible de le faire rentrer.
Il faut que je revienne à la comparaison avec la chandelle, car on fait souvent cette analogie aujourd'hui—qui remonte, sauf erreur, à Abraham Lincoln : on prétend que puisqu'il s'agit de propriété intellectuelle, celle-ci ne disparaîtra pas, qu'elle ne s'épuisera jamais, et que même si quelqu'un achète mon livre, cet achat n'enlèvera rien à l'ouvrage original. Rappelons-nous ce dont il est question lorsque l'on parle de propriété intellectuelle et de droits des créateurs—je n'aime pas parler de droit d'auteur : la propriété intellectuelle et les droits des créateurs sont des notions qui ont été inventées pour permettre à ceux d'entre nous qui créent d'en tirer suffisamment de profits pour pouvoir continuer à créer. Au bout du compte, on revient encore à l'argent et à un système dysfonctionnel et qui est incapable de donner des revenus équitables aux créateurs. Or, les bibliothèques se sont faits prendre à ce petit jeu, malheureusement.
La présidente: Je donne enfin la parole à M. Morrison, puis à M. Bonwick. J'aurai ensuite des questions, après quoi nous tiendrons une séance à huis clos.
M. Stuart Morrison: J'aimerais simplement souligner que, dans notre cas, nos auteurs nous demandent de nous assurer que leurs redevances sont protégées quand leurs marchés demandent que leurs produits soient numérisés. En particulier, dans le cas de David Beatty, qui est l'un des principaux auteurs du mouvement syndical, nous avons passé un an ou deux à négocier pour nous assurer que nos ententes d'attribution de permis avec les usagers maintiennent ces redevances, parce qu'il les considère en quelque sorte comme sa caisse de retraite. Dans notre cas, comme il s'agit d'un marché professionnel, nous travaillons avec nos auteurs pour protéger leurs revenus en concevant des modèles particuliers d'attribution de licences. Une fois qu'on dispose d'un modèle d'attribution de licences, on peut le modifier à volonté selon les circonstances.
La présidente: Monsieur Bonwick.
L'hon. Paul Bonwick: Il y a deux ou trois points que j'aimerais m'assurer de bien comprendre. Nous sommes en quelque sorte en train de nous acheminer vers l'affrontement.
Pour ceux qui représentent les bibliothèques, je tiens à être très clair sur ce point. Nous vous sommes extrêmement reconnaissants du travail que vous faites. Vous êtes absolument essentiels à la société du savoir. Vous rendez d'immenses services et nous vous en remercions. Toutefois je crois que M. Morrison a raison. Il n'est pas question de vous, mais bien plutôt du créateur. Il s'agit de mettre en place un ensemble de principes, de se donner une orientation quant à la façon dont nous encourageons la créativité dans ce pays et la façon dont nous continuons à la soutenir et à l'encourager.
M. Harvard a mentionné le fait bien sûr qu'en raison de votre statut d'organisation à but non lucratif il faudrait un ensemble de règles différent. Cela nous pose beaucoup de difficulté.
Madame la présidente, vous vous souviendrez, probablement, qu'il y a un an et demi environ quelqu'un s'est assis à la table et l'un des observateurs avait demandé au témoin : « Que faites-vous ici? » La personne avait répondu : « Oh, je suis écrivain ». Ils se sont mis à bavarder et, puis l'observateur a demandé à l'écrivain : « Comment gagnez-vous votre vie? » Étant généralement entendu, bien sûr, que cette personne ne pouvait sûrement pas subvenir à ses besoins en tant qu'écrivain. C'est une anecdote amusante, mais je pense qu'il est malheureux que nous ayons pris cette tangente.
L'accès à l'informatique sera à mon avis tout à fait essentiel dans une économie concurrentielle—tout à fait essentiel. Je l'ai dit hier : je pense que le télé-apprentissage va révolutionner le monde de l'éducation.
Ce qui m'inquiète, c'est que nous ne savons pas comment évoluera l'ère informatique. Comme l'a mentionné M. Lincoln, on demande des exemptions à quelque chose que personne ne comprend encore complètement.
Mme Crean a fait une déclaration sur les raisons pour lesquelles nous sommes à ce point contre, ou pour lesquelles personne ne s'oppose à l'attribution de licences.
J'éprouve une très grande nervosité face à tout cela. Je suis très enthousiasmé par cette ère informatique vers laquelle nous nous dirigeons et la possibilité d'accéder à d'immenses pans du savoir auxquels nous n'avions pas accès il y a cinq ans, mais je crains pour les créateurs. S'ils ne sont pas plus rétribués aujourd'hui qu'ils ne l'étaient hier, bon sang, qu'est-ce qui leur arrivera demain si nous ne mettons pas en place quelques règles bien claires et bien transparentes pour leur permettre de gagner leur vie?
Je demande donc encore, où en serons-nous d'ici cinq ans, et ne reconnaissez-vous pas que nous aurions tout intérêt à disposer d'une loi habilitante très claire, si je peux reprendre l'expression de M. Harvard, pour nous assurer que le milieu est favorable aux créateurs?
Á (1120)
La présidente: Monsieur Morrison.
M. Stuart Morrison: Je répondrai oui sans hésiter. Il nous faut une structure qui permette aux auteurs de savoir qu'ils seront rétribués pour leurs créations.
Vers quoi allons-nous? Il est très difficile pour l'instant de le savoir d'une année à l'autre. Nous avons connu cinq formats numériques en dix ans. Ce que nous disons entre autres choses aux intéressés, c'est que nous sommes prêts à diffuser l'information en hologramme à partir de l'espace si c'est ce que la technologie demande, mais nous devons toujours le faire selon un modèle qui garantit que nos auteurs sont protégés et que nous pouvons faire vivre l'édition. Le seul modèle qui existe pour l'instant et qui nous permette de le faire, c'est l'attribution de licences, parce que cela nous protège tous.
La présidente: Monsieur Hill.
M. Graham Hill: J'aimerais pouvoir prédire l'avenir et répondre à certaines de ces questions.
Je pense, certainement, pour ce qui concerne nos bibliothèques, que les journaux auxquels nous sommes maintenant abonnés, surtout dans le secteur scientifique, technique et médical (STM), font l'objet d'une licence numérisée. Ils sont pancanadiens. Cette licence permet aux lecteurs de lire, de consulter et d'imprimer des articles de ces journaux. Une grande partie de que nous y lisons soit en matière de science, de technologie ou de médecine est maintenant accessible sous forme numérique et fait l'objet d'une licence quant à son utilisation, son impression et son téléchargement.
Je pense que les problèmes subsisteront pendant très longtemps, quand même, la recherche progressant aussi rapidement et efficacement que possible pour répondre aux besoins des chercheurs. C'est vraiment l'objet de notre mémoire, soit que l'exemption qui existe actuellement soit simplement accordée aussi dans le cas du secteur numérique, sans en faire une règle.
La présidente: Avez-vous d'autres observations?
Madame Crean.
Mme Susan Crean: Vous avez demandé vers quoi nous allions. Je ne peux pas vous fournir de réponse sur le plan technologique, mais je peux probablement vous dire ce qui va arriver aux créateurs si la tendance se maintient.
Ce qui se produira, c'est que nous continuerons à élever de nouvelles générations qui travailleront de quelque manière dans le secteur des arts, mais ce que nous n'avons pas su faire, c'est de créer un système qui peut faire vivre un groupe raisonnable de gens tout au long de leur vie. Nous constatons donc que les gens—et je parle de façon générale, et non pas seulement des écrivains—doivent avoir un emploi de jour, pour la plupart, et s'ils n'ont pas ce travail de jour, ils finissent très souvent, bien franchement, dans la pauvreté. Nous connaissons quelques-uns de ces cas, mais nous ne tenons pas de données statistiques sur les revenus de chaque artiste. Peut-être devrions-nous le faire comme il faut.
En somme, autrement dit, c'est une énorme question à l'échelle mondiale, comme nous l'avons d'abord dit ce matin. Nous sommes très mal à l'aise de nous voir contraints, nous de la communauté artistique, de nous soumettre à cette réforme décousue du droit d'auteur, justement en raison de ces questions et parce qu'elles sont si profondes et si importantes, parce qu'on nous demande très souvent de prendre ces décisions quand nous n'avons pas suffisamment de temps pour le faire ou n'avons pas effectué suffisamment de recherches.
Nous devons savoir plus précisément quelles ont été déjà les conséquences des exemptions afin de pouvoir vous montrer que ce n'était pas la voie à suivre, que nous devons faire marche arrière et nous demander—j'y reviens—pourquoi sont-ce les bibliothèques et les maisons d'enseignement qui mènent la partie. Comment se fait-il qu'on ne vise que nos documents? Comment pouvons-nous ne pas penser que ce message va à l'encontre des intellectuels et de la création?
Je suis très profondément troublée, et cela depuis des années, de voir que quand je participe à des réunions comme celle-ci, je dois m'opposer aux bibliothécaires. Ma vie dépend de l'existence des bibliothèques, alors comment se fait-il que nous les créateurs ayons été ciblés par les bibliothèques depuis des années? Elles se sont opposées bec et ongles au versement de droits pour utilisation publique et nous avons dû changer l'expression utilisée pour ménager leur sensibilité—nous parlons maintenant de « droit de prêt au public ».
Á (1125)
La présidente: Très rapidement, monsieur Larivière.
M. Jules Larivière: Je suis presque tenté de dire que je pense que vous devriez abolir toutes les exemptions à la Loi sur le droit d'auteur et négocier les licences avec les bibliothèques afin d'améliorer la situation, la situation financière des créateurs. Je pense qu'il serait intéressant de nous réunir à nouveau, tous ensemble, dans dix ans pour voir si la situation financière des créateurs s'est vraiment améliorée.
J'ai l'impression ce matin que les bibliothèques sont responsables de la pauvreté des créateurs, alors que je n'en suis pas convaincu.
La présidente: Merci.
J'aurais maintenant quelques questions. Je vais les poser, et vous pourrez peut-être y répondre.
Nous avons entendu dire ce matin que nous discutions en fait d'une très petite exemption. Je regarde l'article 30.2 et je vois que ne constitue pas une violation du droit d'auteur le fait de reproduire un article publié dans une revue savante ou un périodique de nature scientifique ou technique, ou provenant d'un journal ou d'un périodique. Mais je reviens à nouveau à Mme Wescott.
Vous dites encore que c'est très vaste. J'en déduis que je ne saisis pas ce que vous essayez de faire valoir ici, alors pourriez-vous préciser un peu?
Mme Grace Westcott: Oui.
La présidente: Permettez-moi de poser toutes les questions. Vous pouvez y réfléchir à mesure que je les pose.
M. Hill comme M. Larivière ont dit que moins de 3 p. 100 des cas concernent une exemption précise. S'il s'agit seulement de 3 p. 100, quel problème le coût peut-il poser? Je vous renvoie donc à cette question. Si vous ne parlez d'accorder des licences que dans 3 p. 100 des cas, qu'est-ce que ça change, et en quoi cela peut-il s'avérer inabordable?
Monsieur Larivière, vous avez parlé de la nécessité de fonctionner dans un climat de confiance. J'ai entendu Mme Crean et aussi M. Morrisson dire que quand vous présentez des demandes aux librairies, vous devez en fait vous présenter en personne. Où est la confiance? Il est bien certain que le gouvernement du Canada ne va pas commencer maintenant à réglementer la façon dont vous traitez l'un avec l'autre. C'est ridicule. Vous devez vous rencontrer—hier—et aplanir ces difficultés. J'entends parler de confiance, malheureusement, le monde ne fonctionne pas ainsi, dans la confiance.
À nouveau, monsieur Larivière, vous avez d'abord parlé du bien commun. Nous parlons cette semaine du droit public. Qui va le définir? Est-ce que le comité va commencer à définir ce qu'est un bien public et un droit public? Nous avons entendu dire au cours des témoignages au début de la semaine qu'il était impossible de concevoir ce qu'était un bien public. Si vous avez une définition de « bien commun », j'aimerais bien la connaître.
Vous dites dans votre mémoire, monsieur Hill : « S'il put naguère y avoir des raisons valables d'imposer une telle interdiction en matière de technologie numérique, il n'en subsiste aucune ». Eh bien, expliquez-vous s'il vous plaît. Je pense que s'il y en a, c'est bien maintenant, parce que nous parlons ici maintenant de modèles de gestion en évolution et de leur retrait. Tous deux avez cité le ministre de l'Industrie. Je peux vous dire que je ne peux pas croire que le ministre de l'Industrie déciderait de freiner ou d'empêcher l'apparition de modèles de gestion évolutifs.
Enfin, vous dites aussi dans votre mémoire : « [...] elle désavantage les chercheurs comparativement à leurs collègues de la Grande-Bretagne, des États-Unis et de l'Australie, les lois de ces pays permettant à une bibliothèque de transmettre une copie électronique au client d'une autre bibliothèque. »
Nous avons entendu Mme Westcott dire à propos de la loi dite TEACH Act, qu'elle était très compliquée, mais les États-Unis font appel à des concepts tout à fait différents—il y est question de « fair dealing », de « fair use » : des concepts différents. Nous avons entendu parler de certaines dispositions de la loi dite TEACH Act. C'est assez complexe.
Si vous voulez parler d'exemples internationaux, songeons aussi aux obligations internationales dont parlait Mme Westcott. Comment en tenir compte? On ne peut pas gagner sur les deux tableaux. On ne peut pas dire, c'est ainsi; leurs systèmes sont assez différents. Montrez-moi un système similaire à celui du Canada que nous pourrions effectivement reprendre à notre compte comme système idéal.
Voilà mes questions.
Madame Westcott.
Á (1130)
Mme Grace Westcott: D'abord, l'article 30.2 comporte en réalité trois parties. En vertu de la première, une bibliothèque peut faire des copies pour un usager qui en fera une utilisation équitable. La deuxième va au-delà de l'utilisation équitable et précise qu'un article peut être copié intégralement sous réserve de certaines contraintes. La troisième partie traite des prêts interbibliothèques.
Les dispositions relatives aux prêts interbibliothèques s'appliquent à la fois à l'utilisation équitable, champ assez large—toute oeuvre—et les articles touchant aux publications STM. Le prêt interbibliothèques signifie que vous pouvez pour le compte d'une autre bibliothèque faire une copie—ce droit est limité à la reproduction—ce droit est limité à la reproduction d'une oeuvre écrite—pour l'usager d'une autre bibliothèque qui en fera une utilisation équitable et vous pouvez faire une reproduction sur papier d'un article pour l'autre bibliothèque. Il s'agit là d'un prêt interbibliothèques.
Il y a d'une part les articles et d'autre part l'utilisation équitable d'une oeuvre imprimée. C'est très large.
La présidente: D'accord.
Passons maintenant à M. Larivière et à M. Hill qui parleront des 3 p. 100, de confiance et de bien commun.
M. Jules Larivière: D'accord.
J'aimerais d'abord dire à M. Morrison que si vous étiez venu à la bibliothèque de droit de l'Université d'Ottawa, vous auriez pu obtenir toute l'information dont vous aviez besoin. Je ne peux pas parler au nom de mes autres collègues, mais pour notre part, nous avons toujours eu tous les chiffres.
Vous avez mentionné qu'il vous est difficile de sillonner le pays pour recueillir tous ces chiffres. Mais comme je l'ai dit, si une bibliothèque a refusé de vous fournir cette information, c'est autre chose. Pour notre part, nous vous aurions fourni tous les renseignements dont vous aviez besoin.
La présidente: Qu'en est-il des 3 p. 100...?
M. Jules Larivière: Quant au coût de 3 p. 100, si vous annualisez ce coût, cela devient un problème compte tenu de nos ressources budgétaires. Pour nous—j'entends par là l'ASTED—c'est une question de principe. Il existe une exception acceptée dans d'autres pays. Pourquoi le Canada ferait-il autrement? C'est essentiellement la position que défend l'ASTED par rapport au prêt interbibliothèques.
La présidente: Nos lois sont aussi très différentes.
Monsieur Hill.
M. Graham Hill: J'aimerais revenir à la question des 3 p. 100. J'ai dit plus tôt que les prêts interbibliothèques visent à faire en sorte que l'usager puisse lire une oeuvre et enrichir ses connaissances. Nous avons pris l'habitude de faire des copies substituts d'articles de périodiques afin de pouvoir prêter cette copie substitut puisque nous ne pouvions pas prêter l'originale qui était reliée en volume avec 50 autres articles. C'est uniquement de cela que nous parlons. C'est une faible proportion mais pourquoi le format—livre ou article de périodique—devrait-il déterminer si une personne peut ou non avoir aisément accès à l'ouvrage?
Quant à l'autre question que vous avez posée au sujet de mon exposé, au sujet de raisons valides qui n'existent plus, j'ai fait ce commentaire parce que le logiciel de cryptage a été élaboré par le CISTI de la British Library en 2003 mais n'était pas disponible au moment où les 97 modifications ont été apportées à la loi. Le CISTI a mis en production ce logiciel à compter, il me semble, de décembre 2003. J'ai tout simplement voulu dire qu'il existe maintenant une façon de crypter la transmission et éviter la nécessité d'en faire une copie papier ou une copie intermédiaire.
La présidente: Et pourtant, M. Morrison nous a dit qu'ils ont consacré beaucoup d'argent à la recherche de technologies nouvelles mais n'en ont pas trouvées. Hier, je crois, un autre auteur—Mme Warwick, il me semble—nous a expliqué à quel point il est difficile de faire crypter ses propres oeuvres. Je le signale pour votre gouverne.
Si nous revenons aux exemples internationaux, c'est facile de dire que tel ou tel pays a une loi sans en même temps parler de l'obligation internationale.
M. Graham Hill: Oui, c'est vrai. Chaque pays a un régime particulier. Parfois toute l'approche est différente. J'ai cru comprendre—mais je ne suis pas avocat de formation—que la ratification des traités de l'OMPI ne fait nullement obstacle à l'inclusion d'exceptions au niveau local.
Á (1135)
La présidente: D'accord.
J'aimerais vous remercier tous d'être venus témoigner. Nous avons eu une matinée très chargée et une excellente discussion. Mme Crean, merci de votre passion. Ne la perdez jamais. C'est ce qui nous motive à agir et c'est, du moins à mes yeux, au coeur même de notre plan d'action pour l'innovation et la créativité.
Merci. J'aimerais lever la séance pendant une minute puis poursuivre la réunion à huis clos. J'invite les membres du comité à y rester.
[La séance se poursuit à huis clos.]