SNAS Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Sous-comité de la sécurité nationale du Comité permanent de la Justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 6 mai 2004
¿ | 0900 |
Le président (M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.)) |
M. Ward Elcock (directeur, Service canadien du renseignement de sécurité) |
¿ | 0905 |
¿ | 0910 |
Le président |
¿ | 0915 |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC) |
M. Ward Elcock |
M. Kevin Sorenson |
M. Ward Elcock |
M. Kevin Sorenson |
M. Ward Elcock |
M. Kevin Sorenson |
M. Ward Elcock |
M. Kevin Sorenson |
M. Ward Elcock |
¿ | 0920 |
Le président |
M. Ward Elcock |
Le président |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) |
M. Ward Elcock |
¿ | 0925 |
M. Yvan Loubier |
M. Ward Elcock |
M. Yvan Loubier |
M. Ward Elcock |
M. Yvan Loubier |
M. Ward Elcock |
M. Yvan Loubier |
M. Ward Elcock |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.) |
M. Ward Elcock |
M. Derek Lee |
M. Ward Elcock |
M. Derek Lee |
¿ | 0935 |
M. Ward Elcock |
M. Derek Lee |
M. Ward Elcock |
Le président |
L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD) |
M. Ward Elcock |
L'hon. Lorne Nystrom |
M. Ward Elcock |
¿ | 0940 |
L'hon. Lorne Nystrom |
M. Ward Elcock |
L'hon. Lorne Nystrom |
M. Ward Elcock |
L'hon. Lorne Nystrom |
M. Ward Elcock |
L'hon. Lorne Nystrom |
M. Ward Elcock |
L'hon. Lorne Nystrom |
M. Ward Elcock |
L'hon. Lorne Nystrom |
¿ | 0945 |
M. Ward Elcock |
L'hon. Lorne Nystrom |
M. Ward Elcock |
Le président |
Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.) |
Le président |
Mme Marlene Catterall |
M. Ward Elcock |
Mme Marlene Catterall |
M. Ward Elcock |
Mme Marlene Catterall |
M. Ward Elcock |
Mme Marlene Catterall |
M. Ward Elcock |
Mme Marlene Catterall |
¿ | 0950 |
M. Ward Elcock |
Mme Marlene Catterall |
Le président |
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC) |
¿ | 0955 |
M. Ward Elcock |
Le président |
M. Ward Elcock |
Le très hon. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
Le très hon. Joe Clark |
Le président |
M. Ward Elcock |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
Le président |
Le très hon. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
À | 1000 |
Le très hon. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
Le président |
À | 1005 |
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, PCC) |
M. Ward Elcock |
M. Rob Anders |
M. Ward Elcock |
M. Rob Anders |
M. Ward Elcock |
Le président |
À | 1010 |
L'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.) |
M. Ward Elcock |
L'hon. Paul DeVillers |
M. Ward Elcock |
L'hon. Paul DeVillers |
M. Ward Elcock |
L'hon. Paul DeVillers |
M. Ward Elcock |
L'hon. Paul DeVillers |
M. Ward Elcock |
L'hon. Paul DeVillers |
M. Ward Elcock |
À | 1015 |
L'hon. Paul DeVillers |
M. Ward Elcock |
Le président |
M. Yvan Loubier |
M. Ward Elcock |
M. Yvan Loubier |
M. Ward Elcock |
M. Yvan Loubier |
M. Ward Elcock |
À | 1020 |
M. Yvan Loubier |
M. Ward Elcock |
M. Yvan Loubier |
M. Ward Elcock |
Le président |
L'hon. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.) |
M. Ward Elcock |
À | 1025 |
L'hon. Yvon Charbonneau |
M. Ward Elcock |
L'hon. Yvon Charbonneau |
M. Ward Elcock |
Le président |
L'hon. Lorne Nystrom |
M. Ward Elcock |
L'hon. Lorne Nystrom |
M. Ward Elcock |
L'hon. Lorne Nystrom |
M. Ward Elcock |
À | 1030 |
L'hon. Lorne Nystrom |
Le président |
L'hon. Lorne Nystrom |
M. Ward Elcock |
L'hon. Lorne Nystrom |
M. Ward Elcock |
Le président |
M. Ward Elcock |
À | 1035 |
Le président |
M. Ward Elcock |
Le président |
M. Ward Elcock |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
M. Ward Elcock |
M. Kevin Sorenson |
À | 1040 |
M. Ward Elcock |
M. Kevin Sorenson |
M. Ward Elcock |
M. Kevin Sorenson |
M. Ward Elcock |
Le président |
Mme Anita Neville |
M. Ward Elcock |
Mme Anita Neville |
M. Ward Elcock |
À | 1045 |
Mme Anita Neville |
M. Ward Elcock |
Le président |
Le très hon. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
Le très hon. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
Le président |
À | 1050 |
M. Derek Lee |
M. Ward Elcock |
M. Derek Lee |
M. Ward Elcock |
M. Derek Lee |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
M. Ward Elcock |
M. Kevin Sorenson |
M. Ward Elcock |
Le président |
Mme Marlene Catterall |
À | 1055 |
M. Ward Elcock |
Mme Marlene Catterall |
M. Ward Elcock |
Mme Marlene Catterall |
M. Ward Elcock |
Mme Marlene Catterall |
M. Ward Elcock |
Le président |
Mme Marlene Catterall |
M. Ward Elcock |
Le président |
M. Ward Elcock |
Le président |
CANADA
Sous-comité de la sécurité nationale du Comité permanent de la Justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 6 mai 2004
[Enregistrement électronique]
¿ (0900)
[Traduction]
Le président (M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.)): Bonjour. Il est 9 heures, et je déclare la séance ouverte.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre témoin, M. Ward Elcock, directeur du Service canadien du renseignement de sécurité.
Monsieur Elcock, je vois que vous avez une déclaration à faire, ce qui est parfait.
Mais auparavant, je tiens à signaler que votre deuxième mandat prend fin à la fin du mois. Je ne sais pas si vous allez nous parler de ce que l'avenir vous réserve, mais je veux, au nom du comité et des parlementaires, vous remercier des services que vous avez rendus au pays. Je suis sûr que votre travail a été très intéressant et stimulant, et j'imagine que nous allons vous poser des questions là-dessus. Quoi que vous fassiez par la suite, nous vous souhaitons bonne chance.
La parole est à vous.
M. Ward Elcock (directeur, Service canadien du renseignement de sécurité): Merci beaucoup, monsieur le président.
Au sujet de ce que vous venez de dire, la rumeur de mon départ circule, mais il est un peu exagéré de parler de retraite. C'est simplement la fin d'un mandat pour moi et j'imagine que je vais finir par en savoir plus long sur ce qui m'attend à un moment donné, mais c'est au gouvernement et au greffier de décider exactement ce que je vais faire.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je comparais devant vous aujourd'hui sans doute pour la dernière fois en qualité de directeur du SCRS, comme vous l'avez dit, car mon second mandat de cinq ans dans ce poste que j'occupe depuis 1994 prend fin à la fin du mois.
Je souhaite aujourd'hui, dans ma brève déclaration liminaire, mettre tout d'abord l'accent sur l'assise la plus stable et la plus fiable de l'organisation, la Loi sur le SCRS. Je passerai ensuite à ce qui change encore, et aux défis que nous réserve l'avenir.
Le Service canadien du renseignement de sécurité célébrera cette année son 20e anniversaire. La Loi sur le SCRS a été adoptée en 1984 quand le contexte global de la sécurité était bien différent de ce qu'il est aujourd'hui. Au fil des débats sur la loi, les parlementaires ont défini les structures qui ont constamment permis au SCRS de s'adapter à un environnement de la menace sans cesse changeant tout en protégeant les droits des Canadiens.
Au cours des 20 dernières années, la Loi sur le SCRS a franchi avec succès un certain nombre d'épreuves opérationnelles importantes. Aujourd'hui, le SCRS est bien différent de ce qu'il était en 1984. C'est maintenant une organisation expérimentée, très disciplinée et très efficace.
Il y a 20 ans, le législateur a examiné diverses options et diverses possibilités au moment de rédiger la loi. La nécessité de protéger l'État et ses institutions contre les menaces issues de l'espionnage et du terrorisme tout en protégeant le droit des citoyens à la vie privée, à la manifestation d'un désaccord, à l'action politique ainsi qu'à l'expression d'opinions impopulaires ou radicales ont sans doute été les intérêts les plus importants qu'il a fallu concilier. Il faut tenir compte de cet équilibre entre sécurité collective et sécurité individuelle à chaque étape de l'élaboration des processus de collecte, d'analyse et de communication des renseignements. Il est également au coeur du rôle du Parlement lorsqu'il débat de questions liées à la sécurité nationale et à la sécurité publique.
À ce sujet, la Commission McDonald a dit et je cite : « Le Canada doit respecter à la fois les exigences de la sécurité et celles de la démocratie : n'oublions pas que l'objectif fondamental de la première est de protéger la seconde. »
Pour ce faire, on a pris en considération les libertés civiles dans la définition des menaces pour la sécurité du Canada incluses dans la Loi sur le SCRS. Elles sous-tendent le système d'examen des mandats par la Cour fédérale et sont essentielles au rôle des organismes qui sont chargés de surveiller les activités d'enquête du SCRS et de faire rapport à leur sujet.
L'équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs s'est également reflété dans les choix du législateur qui a su quelles compétences et quelle formation spéciale exige la collecte de renseignements de sécurité. La Commission Mackenzie et la Commission McDonald ont toutes deux reconnu qu'il existe des différences marquées entre le travail des policiers et la collecte de renseignements, même si les deux se ressemblent à certains égards.
Les parlementaires en sont venus à la conclusion qu'un organisme civil serait le mieux placé pour assurer le contrôle politique nécessaire et rendre compte du travail de renseignement de sécurité comme l'exige une société démocratique. Lors de la création du SCRS, plus de 80 p. 100 de ses employés étaient issus des rangs de la GRC. Aujourd'hui, ces derniers représentent moins de 20 p. 100 de l'effectif. Au tournant du millénaire, l'objectif de faire du SCRS un service de renseignement de sécurité civil était pratiquement atteint.
La Commission Mackenzie comme la Commission McDonald ont recommandé que le service canadien du renseignement soit tenu de rendre des comptes de ses activités aux instances politiques. Les mécanismes mis en place ont pris la forme d'une plus grande main-mise du ministre, qui est responsable devant le Parlement, de modalités qui exigent l'approbation du directeur du SCRS, du ministre et d'un juge de la Cour fédérale avant que des pouvoirs intrusifs soient exercés. Surtout, ils ont pris la forme d'organismes de surveillance, prévus dans la loi, qui ont accès à tous les employés et à tous les documents du SCRS, à l'exception des documents confidentiels du Cabinet.
Au fil des ans, notre relation avec les organismes de surveillance n'a pas toujours été facile, mais les résultats qui découlent de ces tensions saines sont manifestes. Les dispositions de la loi relative à l'obligation de rendre compte ont rendu le SCRS plus discipliné et plus compétent et permettent de garantir que les enquêteurs traitent les menaces d'une façon qui protège les droits des citoyens canadiens.
Un mandat législatif approfondi établit le cadre de gestion d'une organisation de renseignements de sécurité, mais pour réagir aux menaces d'aujourd'hui, un service de renseignements doit satisfaire à trois critères.
Premièrement, il doit adopter une approche qui lui permette de comprendre le monde du terrorisme moderne et être outillé de façon à prévenir ou à empêcher les actes terroristes. Les employés du secteur opérationnel du SCRS doivent avoir des aptitudes supérieures pour l'analyse. Ils doivent aussi connaître et comprendre la politique, la culture, l'histoire, la géographie et les autres enjeux de pays partout dans le monde ainsi que la façon dont ces aspects locaux s'inscrivent dans le contexte des tendances et des courant mondiaux. Ils doivent avoir du respect pour la dissidence politique légitime et doivent aussi bien apprendre le respect des libertés civiles que les méthodes opérationnelles.
¿ (0905)
L'effectif du Service est plus représentatif de la population canadienne aujourd'hui qu'il ne l'a jamais été depuis 1984. La diversité des origines, des connaissances et des compétences ainsi que le mélange d'expérience et de nouvelle énergie font du SCRS l'une des organisations de renseignements les plus efficaces au monde.
Deuxièmement, pour être efficace, un service de renseignements doit être en mesure de gérer les informations puisque le succès arrive rarement grâce à un seul coup. Il faut plutôt rassembler plusieurs informations qui contribuent à dresser un tableau qui demeure souvent incomplet. En cette ère de l'informatique, cela signifie posséder une base de données unifiée. Depuis le début des années 1980, tous les rapports opérationnels du Service sont versés dans une base de données accessible à tous les agents de renseignements qui ont un besoin de savoir et ce, d'un bout à l'autre du pays.
Très peu d'organismes de renseignements de sécurité possèdent un système équivalent ou les outils que nous avons pour l'exploiter. À la fin des années 1990 notamment, elle nous a permis d'identifier et de surveiller de nombreux extrémistes sunnites présumés et de faire rapport au gouvernement à leur sujet, et de connaître un certain nombre de succès. Cependant, en raison de la nature de plus en plus diffuse et complexe sur le plan technique des cibles et des menaces, le Service doit continuellement améliorer ses moyens afin de pouvoir intercepter les communications de ses cibles conformément à la loi et avoir une longueur d'avance.
La troisième condition pour assurer l'efficacité d'un service de renseignements est la centralisation de sa structure organisationnelle, pour que ses enquêtes soient menées de façon très disciplinée. Les législateurs ont insisté sur cette forme de gestion afin que les opérations soient menées conformément à des exigences gouvernementales strictement définies et à des lignes de conduite claires. La centralisation de la prise de décisions rationalise un processus inhérent à toutes nos opérations et qui consiste à trouver un juste équilibre entre les droits collectifs, d'une part, et les droits individuels, d'autre part.
De plus, la supervision centralisée des enquêtes favorise la cohérence entre les actes et les décisions d'enquêteurs qui sont parfois éloignés les uns des autres et elle permet de transmettre à ceux qui en ont besoin les informations recueillies sur le terrain et ce, au moment où elles seront pour eux pertinentes et utiles.
J'ai parlé jusqu'ici des aspects du cadre législatif qui ont le mieux desservi le Canada et de l'organisme auquel il a donné naissance. Maintenant, j'aimerais vous parler de l'évolution du contexte de la menace et de son incidence sur la sécurité publique au Canada et sur le Service.
D'abord, un bref examen du contexte de la menace. L'histoire du Canada n'est pas dépourvue de violence terroriste, et il n'en sera pas autrement dans l'avenir. Des terroristes d'origine canadienne et étrangère mènent depuis longtemps des activités au Canada pour atteindre des objectifs nationaux ou planifier des opérations qui seront exécutées à l'étranger. Des extrémistes religieux cherchent à trouver asile au Canada afin de mener leurs guerres religieuses à l'abri des pressions exercées par les forces de sécurité de leur pays d'origine. Ces terroristes existent bel et bien, ils sont actifs, ils ont des cellules au Canada et le SCRS fait enquête sur leurs activités.
La cible prioritaire du Service en matière d'extrémisme sunnite est Al-Qaïda, un réseau d'individus et de groupes qui ont un but en commun : fonder un nouveau califat libre de populations non musulmanes. Une déclaration faite par un porte-parole d'Al-Qaïda résume bien l'essence du terrorisme musulman : « Vous aimez la vie; nous aimons la mort. » Les exécutants d'Al-Qaïda se sont montrés fidèles à leur parole.
Depuis le 11 septembre 2001, la fréquence et le nombre d'attentats perpétrés contre des pays sont à la hausse. Jusqu'à présent, les Canadiens qui ont été victimes de ces attentats se trouvaient sur les lieux au mauvais moment. Al-Qaïda a proféré des menaces à deux reprises en autant d'années à l'endroit des Canadiens, la dernière fois il y a un mois seulement. On ne se demande donc plus si les intérêts canadiens seront la cible d'attentats, mais plutôt quand et à quel endroit.
À ses débuts, le Service utilisait la majeure partie de ses ressources opérationnelles pour contrer les activités d'espionnage, d'ingérence étrangère et de subversion. Les opérations qui ont été menées à l'étranger visaient à répondre à des besoins précis—par exemple, rencontrer un transfuge du Bloc de l'Est ou une source humaine disposant d'un accès privilégié à certaines informations à l'étranger—mais ces activités étaient l'exception et non la norme.
Toutefois, avec le temps, le SCRS a modifié ses priorités pour être mieux en mesure d'assurer la sécurité publique, de plus en plus exposée au terrorisme international et à la prolifération des armes de destruction massive. En 1989-1990, parmi les priorités opérationnelles du Service—au sujet desquelles le Cabinet est consulté chaque année—la sécurité publique figurait en tête, et il en est toujours ainsi.
Étant donné qu'à l'heure actuelle la quasi-totalité des menaces envers la sécurité du Canada proviennent de l'étranger ou débordent les frontières internationales, le SCRS a dû regarder de plus en plus souvent à l'extérieur des frontières du Canada, à la fois pour comprendre la menace et pour nouer de solides relations de collaboration avec les services de renseignements un peu partout dans le monde. En conséquence, le nombre des ententes de liaison conclues avec des services de sécurité et de renseignement étrangers a augmenté—passant d'environ 50 à la fin de années 1980 à près de 250 aujourd'hui.
¿ (0910)
À l'instar des activités de liaison officielles, les activités opérationnelles secrètes menées à l'étranger se sont multipliées et se sont transformées. Au milieu des années 1990, elles revêtaient souvent la forme d'une collaboration avec un service frère ou d'opérations conjointes visant à obtenir des informations sur un sujet de préoccupation commun liées à la sécurité. Ces opérations restent une partie importante des activités du Service.
Depuis la fin des années 1990, cependant, toujours en fonction des ressources disponibles et d'une évaluation attentive des risques, le Service a augmenté peu à peu le nombre des opérations secrètes qu'il mène à l'étranger. Ce changement est dû en partie à la nature évolutive de la menace. Il représente également l'aboutissement logique de l'expérience que le Service a acquise dans ce genre d'opérations. Enfin, il survient parce que notre pays jouit d'un accès souvent privilégié à des sources qui sont en mesure de fournir des informations sur les menaces envers la sécurité du Canada.
Grâce à ses fonds de renseignements centralisés, qui contiennent tous les renseignements dont il dispose, qu'ils aient été recueillis au Canada ou à l'étranger ou qu'ils aient été reçus d'organismes avec lesquels nous entretenons une relation de liaison, le Service peut analyser en profondeur toutes ces informations, auxquelles les organismes de surveillance ont totalement accès.
Étant donné que la menace terroriste revêt de plus en plus des dimensions internationales, les techniques de collecte de renseignements à l'étranger sont employées plus fréquemment. Comme il a de plus en plus d'expérience, le SCRS a élargi l'éventail de ses opérations à l'étranger, qui comprend maintenant l'envoi de sources humaines dirigées à l'étranger, le recrutement de sources étrangères et la rencontre de ces sources dans des tiers pays.
Les crédits budgétaires accrus accordés au Service au lendemain du 11 septembre 2001 nous ont permis de prendre des mesures pour relever le défi, mais il faut des années avant qu'une nouvelle recrue soit pleinement opérationnelle, un état de préparation que ces ressources ne nous ont pas encore permis d'atteindre totalement.
Dans le budget de 2004, le gouvernement du Canada a annoncé qu'il allouait des fonds supplémentaires au renforcement de la sécurité publique. Pour le SCRS, cela signifiait qu'il disposerait de 30 millions de dollars de plus pour améliorer la mise en commun des informations entre les divers éléments de l'appareil fédéral de sécurité et de renseignement. Cela se fera avec la consolidation du Centre fédéral d'évaluation intégrée des menaces à l'administration centrale du SCRS. Toutefois, la pression exercée sur le Service pour qu'il étende ses activités à l'échelle internationale et la lutte pour la supériorité technologique s'intensifie à un rythme accéléré. Les directeurs qui me succéderont à la tête du SCRS devront compter sur des techniques de gestion du risque—toujours revoir et réorienter les priorités d'enquête—pour répondre à toute la gamme des besoins en ressources.
Mesdames et messieurs les membres du comité, monsieur le président, ayant dirigé le Service pendant la moitié de son existence, je crois être en mesure de dire que les pressions seront continuelles, implacables et qu'elles ne cesseront vraisemblablement pas d'augmenter dans un avenir prévisible. Je suis persuadé, cependant, que tous les employés du SCRS seront en mesure de relever ces défis et de continuer de remplir le mandat du Service. C'est là le contexte dans lequel le service évoluera et dans lequel s'inscriront les délibérations du Comité sur la sécurité nationale et la sécurité publique.
Il y a 20 ans, un groupe de parlementaires a examiné le contexte de la sécurité nationale à cette époque et a trouvé une solution durable en adoptant la Loi sur le SCRS. Je souhaite aux membres du comité de réussir aussi à trouver un juste équilibre entre les impératifs de la sécurité collective et les droits individuels à mesure que vous progresserez dans vos délibérations.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Elcock.
Avant de passer aux questions, pour les fins du compte rendu, je rappelle à tout le monde que, conformément à une motion du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile ainsi qu'au paragraphe 81(4) du Règlement, nous examinons le Budget principal des dépenses 2004-2005 : les crédits 1, 5, 10, 15, 20, 25, 30, 35, 40, 45, 50, 55, 60, 65, 70 et 75, sous la rubrique Solliciteur général (Sécurité publique et protection civile), question qui a été renvoyée au comité permanent le mardi 24 février 2004.
Pour le premier tour, nous allons commencer par M. Sorenson, pour sept minutes.
¿ (0915)
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Merci, monsieur le président.
Bienvenue parmi nous, monsieur Elcock. Merci de prendre le temps de venir nous rencontrer encore une fois, comme vous l'avez déjà fait de façon fort utile.
Vous donnez l'impression dans votre déclaration qu'il y a un sentiment d'urgence, quand vous dites des choses comme : « On ne se demande donc plus si les intérêts canadiens seront la cible d'attentats mais plutôt quand et à quel endroit ». Ce n'est cependant pas la première fois que nous entendons cela. Vous nous aviez déjà dit très franchement avant que tout pouvait arriver n'importe quand. Ce n'est donc pas la première fois que vous nous le dites.
Vous ne nous apprenez donc rien d'entièrement nouveau mais, à la fin de votre déclaration, on dirait que le sentiment d'urgence s'est intensifié quand vous parlez des techniques de gestion du risque, de revoir et réorienter les priorités d'enquête pour répondre à toute la gamme des besoins en ressources. Il reste que l'effectif du SCRS est passé de 2 800 agents ou employés, je ne sais trop comment vous les appelez, à à peu près 1 800. Et on est maintenant en train de consolider, je pense.
Combien y a-t-il de personnes qui travaillent actuellement au SCRS, pour analyser et contribuer à diffuser les informations recueillies?
M. Ward Elcock: Nous sommes environ 2 300 ou 2 400.
M. Kevin Sorenson: L'effectif a donc été ramené de 2 800 à 1 800 et il est remonté à 2 300.
Depuis deux ans, l'effectif a-t-il augmenté?
M. Ward Elcock: Il a augmenté d'environ 280 ou 300 personnes à la suite des ressources accordées en 2001, et d'autres ressources se sont ajoutées pour mettre en oeuvre des programmes précis ou répondre à des besoins précis du SCRS.
M. Kevin Sorenson: Vous nous aviez dit l'an dernier, je pense que c'est l'an dernier, qu'il faut compter à peu près cinq ans avant qu'une nouvelle recrue du SCRS soit pleinement opérationnelle. C'est un travail de nature très technique. Vous essayez de recruter le plus de spécialistes dans le domaine, d'anciens membres de la GRC ou des personnes qui ont déjà travaillé dans le milieu du renseignement, mais il faut quand même compter cinq ans pour les former.
Dans Protéger une société ouverte : la politique canadienne de sécurité nationale, le gouvernement a annoncé qu'il allait investir 167 millions de plus dans ce domaine. Quelle proportion des nouveaux fonds annoncés dans ce document serviront à la formation des recrues?
M. Ward Elcock: Des ressources sont prévues dans ce document pour la création d'un centre intégré d'évaluation des menaces, qui va relever du SCRS, et une partie de ces fonds vont servir à le mettre sur pied; des contributions financières viendront d'autres ministères pour ce centre. Le SCRC va aussi recevoir des ressources additionnelles pour ses opérations, mais je ne sais pas exactement combien.
M. Kevin Sorenson: Quel serait le niveau optimal? Quel est le taux d'attrition pour les trois prochaines années? Faut-il augmenter l'effectif vraiment rapidement? Essaie-t-on de recruter de façon continue?
M. Ward Elcock: Comme vous l'avez dit, il faut des années avant qu'une nouvelle recrue soit pleinement opérationnelle. Les gens qui se joignent au Service sont en stage pendant cinq ans. Contrairement à ce que vous dites, nous n'allons généralement pas recruter dans d'autres organisations, les forces policières, l'armée ou la GRC. Nos employés n'ont généralement jamais travaillé dans la fonction publique avant. La période de formation est très longue et il faut donc du temps avant que les recrues soient complètement opérationnelles même si, dans la réalité, ce sont des gens compétents qui le plus souvent nous sont utiles dès leur entrée en fonction. C'est simplement qu'ils n'atteindront pas leur plein potentiel avant cinq, six, sept ou huit ans après leur arrivée. Dans le milieu du renseignement, il est difficile de donner un chiffre précis. Nous comptons à peu près le même nombre d'employés que d'autres services comparables ailleurs dans le monde.
À vrai dire, les services de renseignement n'ont jamais assez de ressources pour accomplir tout ce qu'ils voudraient faire. Par définition, les services de renseignement font toujours et vont toujours faire de la gestion du risque. Je pense vous avoir déjà donné l'exemple de la Stasi, l'ancien service de renseignement est-allemand. Dans son cas, la moitié de la population surveillait l'autre moitié, et je suis sûr qu'il demandait des ressources supplémentaires au gouvernement. C'est ce que font à peu près tous les services de renseignement. On veut toujours avoir plus de ressources et on les affecte là où les priorités sont les plus importantes. C'est ce que nous faisons et c'est ce que font les autres services de renseignement.
Pourrions-nous utiliser plus de ressources? Certainement, mais le gouvernement a d'autres besoins à combler, et c'est à lui de décider comment répartir les ressources.
M. Kevin Sorenson: Nous savons que beaucoup d'employés de la GRC vont prendre leur retraite au cours des cinq prochaines années. L'attrition va être importante. Quelle est la situation au SCRC?
M. Ward Elcock: La plupart des employés du service ont été embauchés après 1984. D'ici cinq ans, certains des plus anciens employés vont commencer à partir, des baby-boomers, essentiellement des gens de ma génération. L'attrition sera un peu plus élevée que normalement, mais elle est en général bien en deçà de celle de la plupart des autres organisations et elles ne changera probablement pas beaucoup. Je crois que les jeunes agents qui vont les remplacer auront l'expérience voulue pour prendre la relève.
¿ (0920)
Le président: Merci, monsieur Sorenson.
Monsieur Elcock, vous avez dit que le taux d'attrition n'allait pas changer. Quel est-il?
M. Ward Elcock: Il se situe en général autour de 4 et 5 p. 100.
Le président: Merci.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président.
Monsieur Elcock, bonjour. J'aimerais vous poser deux questions qui me paraissent importantes. On sait que les réseaux terroristes s'alimentent bien souvent des fruits du narcotrafic à travers le monde, et c'est bien connu que terroristes et narcotrafiquants font un certain chemin en commun, en particulier quand on regarde la production de narcotiques en Afghanistan. II en va de même dans le Triangle d'or, comme l'ont montré les événements récents en Thaïlande. Bref, le fruit du narcotrafic sert souvent à alimenter les réseaux terroristes. Ils se retrouvent toujours aux mêmes endroits pour blanchir l'argent, entre autres dans les paradis fiscaux.
Arrivez-vous à établir une bonne relation entre votre service et la GRC pour faire en sorte de déjouer la principale source de financement des réseaux terroristes?
Deuxièmement, avez-vous déjà proposé au gouvernement de ne pas alimenter ce qu'on appelle communément les paradis fiscaux, qui sont justement le lieu du blanchiment d'argent et peut-être le début de la force du financement des réseaux terroristes?
[Traduction]
M. Ward Elcock: Je pense qu'on exagère un peu l'association entre les organisations terroristes et les narcotrafiquants. Parfois le lien est clair, comme dans le cas des FARC en Colombie qui sont fortement rattachées au narcotrafic. D'autres organisations peuvent parfois se servir du fruit de la drogue, mais les liens entre les deux existent beaucoup moins qu'on ne l'imagine. Nous travaillons en étroite collaboration avec la GRC. Si nous savons quoi que ce soit sur des gens qui sont rattachés à la fois à des réseaux terroristes et au narcotrafic, nous l'en informons. Ces liens existent, mais ils sont beaucoup moins fréquents qu'on ne le pense en général et que ne le croient certaines organisations.
Pour ce qui est des paradis fiscaux, les sources de financement des organisations terroristes, quoiqu'elles soient importantes, sont beaucoup plus restreintes que les activités associées au blanchiment d'argent. Il faut très peu d'argent pour mener une opération terroriste. Je ne me rappelle pas du montant exact, mais je pense que quelqu'un a calculé ce qu'Al-Qaïda a dû dépenser pour les attentats du World Trade Centre, et c'était deux ou trois centaines de milliers de dollars ce qui, tout compte fait, est assez peu d'argent.
¿ (0925)
[Français]
M. Yvan Loubier: Si je vous pose la question, c'est parce qu'au moment où les talibans sont tombés en Afghanistan, on a dit que le groupe Al-Qaïda et les talibans étaient fortement financés par la production de stupéfiants en Afghanistan. Je croyais que ce mécanisme de financement des groupes terroristes était plus important que ce que vous venez de me dire.
J'aimerais vous poser une autre question, qui porte sur la page 4 de votre exposé. Cela concerne davantage la situation nationale. Je sais qu'il y a eu beaucoup de chemin parcouru depuis la commission McDonald, mais lorsque vous parlez du « respect pour la dissidence politique légitime », comptez-vous dans cette légitimité le mouvement souverainiste québécois, ou avez-vous encore la même vision face aux souverainistes qu'avant la commission McDonald? Autrement dit, est-ce que des vols de listes de partis comme ceux qui ont eu lieu dans les années 1970 pourraient encore survenir? Et le mouvement souverainiste est-il légitime, selon ce que vous venez d'énoncer dans votre exposé?
[Traduction]
M. Ward Elcock: La seule disposition de la loi qui nous permet d'enquêter pour détecter la subversion, ce qui correspondrait à ce dont vous parlez, serait l'alinéa 2d) et nous ne menons pas d'enquête de cette nature. Il faudrait l'approbation directe du ministre pour le faire.
[Français]
M. Yvan Loubier: Oui, mais en ce qui concerne votre rôle de surveillance, le mouvement souverainiste est-il surveillé? Recueillez-vous encore des informations sur des membres du mouvement souverainiste? Les souverainistes sont-ils considérés comme faisant partie d'un mouvement politique illégitime? Je ne vous parle pas de procéder à des mesures ou à des actions, mais le SCRS surveille-t-il, comme c'est arrivé dans les années 1970 avec la GRC, les membres du mouvement souverainiste?
[Traduction]
M. Ward Elcock: Monsieur le président, comme j'ai dit, nous ne faisons pas d'enquête en vertu de l'alinéa 2d). C'est la seule disposition nous autorisant à entreprendre le genre d'enquête dont le député parle.
[Français]
M. Yvan Loubier: Donc, il n'y a pas de surveillance quotidienne? En effet, vous pouvez surveiller sans amorcer de processus d'enquête. Vous pouvez surveiller sans accomplir d'action comme voler la liste des membres.
[Traduction]
M. Ward Elcock: Non, ça ne se ferait pas, monsieur le président. Cela ne se fait pas.
Selon nos méthodes, il faudrait amorcer une enquête avant d'agir, même pour faire de la surveillance ou procéder à tout autre genre d'intrusion.
[Français]
M. Yvan Loubier: Si vous lanciez officiellement une enquête, menée, d'une certaine façon, dans le secret, étant donné que vous êtes un service de renseignement et de sécurité, à qui confieriez-vous votre désir d'amorcer un mouvement de surveillance des souverainistes? Serait-ce au ministre, à un juge de la Cour fédérale? Quelle serait la procédure pour une telle activité de renseignement et de surveillance?
[Traduction]
M. Ward Elcock: Le processus serait assez long, monsieur le président. D'abord, il faut obtenir l'autorisation du Comité d'approbation et de réévaluation des cibles, le CARC. Il faut lui soumettre un dossier qui justifie de mener une enquête sur un organisme ou une personne représentant une menace pour la sécurité du pays.
Dans le cas de l'alinéa 2d), qui définit les menaces à la sécurité du Canada, il faudrait l'approbation du ministre pour commencer une enquête sur des tentatives de subversion. Comme je l'ai dit, nous ne faisons aucune enquête de cette nature.
¿ (0930)
[Français]
Le président: Merci, monsieur Loubier.
M. Yvan Loubier: Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Lee.
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci.
Je veux remercier M. Elcock d'avoir servi la population pendant toutes ces années difficiles. Je ne sais pas si on apprécie beaucoup ce qu'il fait.
Au cours de mes premières années ici, il nous est arrivé de ne pas nous entendre et il vous est arrivé de ne pas être du même avis que le comité, mais vous avez tenu le coup et a bien fait votre travail. Nous avons fait des progrès, beaucoup même.
Monsieur Elcock, j'ai bien aimé votre déclaration. Je vous remercie d'avoir parlé des renseignements recueillis à l'étranger, ce qui a pris beaucoup de temps à se réaliser. Il est bon de signaler le besoin limité mais bien réel de recueillir des renseignements à l'étranger, même si ce n'est pas toujours nécessaire de le faire. Je crois que vous avez bien expliqué la situation.
M. Loubier a abordé la question et je pense que vous y avez répondu. Étant donné que la menace envers la sécurité devient de plus en plus complexe depuis quelques années, avez-vous effectué des enquêtes conformément à l'alinéa 2d)?
Vous dites ne pas en effectuer actuellement. Je ne sais pas si vous nous avez dit en avoir effectué au cours des deux, trois ou quatre dernières années. Est-ce que le Service a effectué des enquêtes conformément à l'alinéa 2d) de la loi depuis deux, trois ou quatre ans?
M. Ward Elcock: À ce que je sache, il n'y a pas eu d'enquête de ce genre depuis 10 ans.
M. Derek Lee: Bien. Pas que ce soit une bonne ou une mauvaise chose, mais merci de le préciser.
Je voulais aussi aborder un sujet assez nouveau, quoiqu'il ne le soit pas pour vous, monsieur Elcock, ou votre service. Le Service aura eu à recueillir à certains moments des renseignements sur ce qui m'apparaît être, pour moi qui suis profane, le crime organisé. Le crime organisé n'est pas considéré précisément, dans la Loi sur le SCRS, comme une menace à la sécurité du Canada mais il en est sans doute question, s'il est établi à l'étranger, aux alinéas 2b) ou 2c) de la loi.
Puis-je vous demander de confirmer si le Service a aidé le gouvernement du Canada ou d'autres forces à recueillir des renseignements sur le crime organisé, conformément à ce qui est prévu dans les définitions? Cette question prend-elle de l'importance ou pensez-vous qu'il faudrait modifier les définitions de la Loi sur le SCRS pour permettre de recueillir des renseignements de sécurité dans ce domaine?
M. Ward Elcock: Monsieur le président, je ne vois pas vraiment l'utilité de modifier la loi. La plupart du temps, les enquêtes sur le crime organisé relèvent de la police, et à juste titre. Les policiers ont beaucoup d'expérience dans le domaine et il est plutôt rare qu'ils fassent appel à nous— même s'il nous est arrivé de leur venir en aide quand ils avaient des mandats, parce que nous avons accès à des techniques plus spécialisées.
Cela dit, nous menons effectivement des enquêtes, comme le député l'a dit. Il arrive que le crime organisé entre dans les définitions de l'article de la loi, et nous menons des enquêtes sur des personnes et des groupes appartenant au crime organisé.
M. Derek Lee: D'accord, merci.
Depuis les événements tragiques du 11 septembre, on a formé des équipes intégrées de la sécurité nationale, ou EISN, dans quelques-uns de nos grands centres urbains. Je sais que le SCRS participe à leurs activités.
Vous faites signe que non mais je vais quand même vous poser la question.
Pouvez-vous confirmer que le SCRS a un rôle à jouer au sein de ces équipes? Le SCRS participe-t-il à la collecte et à l'analyse des renseignements de sécurité au sein de ces équipes? Je vais d'abord vous laisser répondre à cela.
¿ (0935)
M. Ward Elcock: Monsieur le président, les équipes intégrées de la sécurité nationale sont des outils d'enquête de la police. Il nous est arrivé de détacher des agents auprès de ces équipes, mais les agents qui vont travailler en détachement auprès de ces équipes ou à la GRC le font simplement pour aider à l'analyse, parce qu'ils sont spécialisées dans ce domaine.
Mais nous ne faisons pas partie de ces équipes. Nous ne participons pas à leurs enquêtes. Nous échangeons évidemment avec les forces policières pour nous assurer que nos enquêtes n'entrent pas en conflit avec les leurs, mais c'est un mécanisme qui est entièrement du ressort de la police et non du SCRS.
M. Derek Lee: Pour ce qui est des libertés civiles, la marge de manoeuvre est assez limitée et les contrôles nombreux pour le SCRS, et j'avais l'habitude de parler de sous-traitance à ce sujet. Avez-vous le sentiment que les équipes intégrées de la sécurité nationale, créées pour répondre à des menaces du genre de celles du 11 septembre, peut-être à juste titre, peuvent poser un problème au SCRS sur le plan des fuites ou de la sous-traitance? Autrement dit, le SCRS pourrait demander à la police locale, qui est moins limitée que lui, d'obtenir des informations qu'il ne pourrait pas recueillir, soit parce que l'opération n'a pas été approuvée par le CARC, soit parce qu'il n'était pas encore prêt à affecter les ressources nécessaires. Le SCRS pourrait-il confier en sous-traitance du travail aux équipes intégrées de la sécurité nationale et avez-vous décelé des problèmes en collaborant avec elles?
M. Ward Elcock: Monsieur le président, quand deux enquêtes sont effectuées, il peut arriver que des conflits doivent être résolus. Par conséquent, nous avons établi des mécanismes avec les forces policières et les équipes intégrées de la sécurité nationale pour minimiser les conflits et régler ceux qui surviennent au moment d'une enquête.
La plupart du temps, nos enquêtes ne portent pas sur l'application de la loi, mais la collecte de renseignements de sécurité, et nos techniques sont différentes de celles de la police. Nous pouvons partager des informations avec les forces policières, et elles avec nous, mais nous agissons très prudemment et nous effectuons nos propres enquêtes.
Nous ne confions pas de travail en sous-traitance.
Le président: Merci.
C'est au tour de M. Nystrom, pour sept minutes.
L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci, monsieur le président.
D'abord, je veux souhaiter la bienvenue à M. Elcock. C'est peut-être la dernière fois que nous vous rencontrons, comme vous l'avez dit, puisque c'est la fin de votre deuxième mandat comme directeur du SCRS.
Je voulais vous poser une question sur une critique faite par la vérificatrice générale dans son rapport de mars 2004 à propos de la gestion du renseignement de sécurité. Elle a dit avoir constaté et je la cite : « [...] des lacunes dans la gestion du renseignement à l'échelle du gouvernement. Un manque de coordination a laissé des vides dans le champ d'application des activités de renseignement et créé du double emploi ». Monsieur le président, Mme Fraser ajoute avoir constaté « [...] des lacunes et des incohérences dans les listes de surveillance qui servent à filtrer les demandeurs de visa ou de statut de réfugié et les voyageurs qui veulent entrer en territoire canadien ».
Je me demande ce que vous pensez de ce qu'elle a déclaré; ses critiques à l'endroit du SCRS sont-elles justes et pouvez-vous y répondre? Avez-vous fait quelque chose pour corriger la situation?
M. Ward Elcock: Je pense que ses commentaires n'avaient rien à voir avec le SCRS. Le plus souvent, le SCRS est coordonné plutôt qu'il ne coordonne. Ce n'est pas nous qui coordonnons habituellement; c'est plutôt nous à qui il arrive d'être coordonnés.
C'est l'avis de la vérificatrice générale. Je ne peux pas vous répondre.
L'hon. Lorne Nystrom: Je peux peut-être vous poser une autre question alors.
Je crois comprendre que vous connaissez le milieu du renseignement depuis longtemps, que vous y travailliez même avant d'occuper votre poste actuel, que vous êtes donc très chevronné en la matière et probablement celui qui en a la plus longue expérience au pays. Le SCRS est un des intervenants, mais que pensez-vous de la critique générale de la vérificatrice sur le renseignement à l'échelle du pays?
M. Ward Elcock: Coordonner le renseignement est toujours compliqué. Il y a différents organismes en cause. Nous avons des responsabilités différentes. Cela exige des efforts constants.
Il est toujours possible de mieux coordonner. Il reste qu'il n'est probablement pas mieux d'avoir un seul organisme responsable et, donc, la coordination est toujours perfectible. Elle fera toujours l'objet de critiques, et on peut toujours s'améliorer.
Ses commentaires sont peut-être justes, mais elle n'a peut-être pas bien interprété certaines activités. Je n'ai pas examiné ce qu'elle a dit. Comme j'ai dit, ce n'est pas nous qui sommes l'organisme de coordination, donc...
¿ (0940)
L'hon. Lorne Nystrom: Elle parle de lacunes dans la gestion du renseignement. Je cite : le « manque de coordination a laissé des vides dans le champ d'application des activités de renseignement ». Avez-vous une idée de ce qu'elle entend par là?
M. Ward Elcock: Je n'en ai aucune idée.
L'hon. Lorne Nystrom: Je me demande si vous pouvez nous décrire le niveau de partage de renseignements entre le Canada et les États-Unis. Comment pouvons-nous empêcher que des drames comme celui de Mahar Arar ne se reproduisent?
On est en train de mener une grande enquête sur cette affaire au Canada et l'on se demande si une coopération accrue avec les États-Unis ne risque pas de mettre en danger encore plus de citoyens canadiens. Pourriez-vous éclairer notre lanterne quant au niveau d'information échangée entre les deux pays et nous dire de quelle façon nous pourrions empêcher que de pareilles affaires ne se reproduisent?
M. Ward Elcock: Une commission d'enquête a été chargée de l'affaire Arar. Elle examinera particulièrement ce qui s'est en fait produit dans le cas de M. Arar. Jusqu'à ce qu'elle ait terminé son enquête, il est difficile de connaître avec précision les faits.
Comme je l'ai déjà dit, le SCRS n'a pas en réalité joué de rôle dans cette affaire. Par contre, en règle générale, il est vrai que le service entretient toute une série importante de relations avec les organismes américains. Après tout, en fin de compte, nous protégeons ou du moins nous tentons de protéger le même territoire, le continent nord-américain, un territoire collectif en quelque sorte.
La clé du succès des relations, en matière de renseignement de sécurité, est de partager l'information. Comme le sait probablement le député, nous avons en place des lignes directrices rigoureuses relatives au partage de l'information. Tout partage auquel nous participons peut faire l'objet d'un examen par le CSARS, qui décide, en fait, si le partage s'est fait de manière convenable, de sorte que nous faisons une gestion très serrée de ce partage. Tout renseignement échangé avec un autre organisme, qu'il soit américain ou autre, est assorti de conditions rigoureuses régissant son utilisation.
L'hon. Lorne Nystrom: Pouvez-vous nous en dire un peu plus au sujet du niveau de partage de renseignements qui pourrait avoir lieu entre deux pays?
M. Ward Elcock: Je ne puis vous parler que du partage qui a lieu entre notre service et les services avec lesquels nous collaborons aux États-Unis. De toute évidence, ce partage est plutôt considérable au jour le jour. Beaucoup de renseignements sont échangés, mais comme je l'ai dit, tous ces renseignements sont régis par des lignes directrices et des pratiques du SCRS et peuvent faire l'objet d'un examen du CSARS, en plus d'être assortis de restrictions quant à leur utilisation.
L'hon. Lorne Nystrom: Il faudrait aussi se demander, dans ce cas, si le Canada a les ressources et les capacités voulues pour prévenir des attaques terroristes sur son territoire. De plus, quel rôle joue le SCRS dans la prévention des actes terroristes?
Enfin, il faudrait aussi, je suppose, savoir de quelle manière on sait qu'un acte terroriste a été prévenu. Savez-vous si le SCRS y a joué un rôle?
M. Ward Elcock: Nous avons parfois empêché des attaques terroristes ou leur préparation. Vous avez raison de dire que, parfois, sans en être forcément conscient, on a peut-être empêché que l'attaque ait lieu. Par contre, il arrive que nous sachions que nous avons empêché la commission d'actes terroristes ou que nous avons contribué à les empêcher.
La raison d'être même du SCRS est essentiellement d'essayer de repérer les menaces précises à la sécurité que poserait une éventuelle attaque, avant même qu'elle n'ait lieu. En un certain sens, quand l'attaque a lieu, c'est que le milieu du renseignement de sécurité a, par définition, failli à la tâche. Cet échec était peut-être inévitable, en ce sens qu'il n'y avait peut-être pas moyen d'obtenir les renseignements, mais la seule raison d'être du service est de tenter de réunir des renseignements de sécurité par les moyens habituels ou à sa disposition en vue d'identifier les personnes et les organismes qui aimeraient commettre un acte terroriste au Canada ou ailleurs.
L'hon. Lorne Nystrom: Dans le même ordre d'idées, avant qu'on ne m'interrompe, j'aimerais savoir si vous estimez avoir les ressources voulues pour prévenir les attaques. Pouvez-vous nous fournir un exemple, sans bien sûr nous communiquer de l'information qui pourrait compromettre quelqu'un?
Il est impossible de taire ce qui se dit dans la salle, manifestement, mais pouvez-vous nous fournir un exemple d'attaque terroriste qui a été évitée?
M. Ward Elcock: Non, je ne le peux pas.
L'hon. Lorne Nystrom: Je ne parle pas de ce qu'un libéral aurait pu faire à la Chambre des communes.
¿ (0945)
M. Ward Elcock: Monsieur le président, de par ma fonction, je suis obligé de demeurer impartial, sur le plan politique.
Non, je ne peux pas vous fournir d'exemple. J'aimerais bien le faire, mais malheureusement, je ne peux pas le faire.
L'hon. Lorne Nystrom: Est-ce parce que vous pourriez ainsi compromettre quelque chose, parce que vous ne vous en souvenez pas ou parce qu'il ne vous en vient pas à l'esprit?
M. Ward Elcock: Non. Soit que cela compromettrait un processus judiciaire en cours ou des sources et des particuliers.
Je ne sais plus où j'en étais.
Le président: Monsieur Elcock, je vous remercie.
Monsieur Nystrom, en ce qui concerne l'autre volet de votre question sur les ressources, je crois que M. Elcock y a répondu lors de ses échanges avec M. Sorenson.
Nous allons maintenant entamer un deuxième tour de table.
Madame Catterall, vous disposez de cinq minutes.
Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): Ma première question, à vrai dire, s'adresse à vous, monsieur le président. Vous avez énuméré toute une série de crédits que nous sommes censé examiner, au début, mais je n'en vois pas ici et je ne saisis pas au juste sur quoi ils portent. Je ne vois pas comment nous pouvons nous prononcer à leur sujet. Pouvons-nous être renseignés sur la nature de ces crédits?
Le président: Nous serons en mesure de vous fournir cette information, mais nous n'examinerons pas de crédit aujourd'hui.
Mme Marlene Catterall: Monsieur Elcock, ce n'est pas tant une question qu'une demande que j'ai à vous faire. Étant donné les travaux en cours, le comité aimerait beaucoup, je crois, avoir les lignes directrices rigoureuses qui s'appliquent au partage de l'information et le genre de conditions qui y sont assorties. J'espère qu'il ne s'agit pas là de renseignements secrets.
M. Ward Elcock: Dans la mesure où ils ne sont pas classifiés, nous allons vous les fournir avec plaisir, mais une partie de cette information est classifiée.
Mme Marlene Catterall: Je vous remercie.
Je souhaitais vous poser une autre question au sujet de vos ressources. Il est constamment question, au sein de notre comité, de demandes d'immigration et de citoyenneté. De toute évidence, le SCRS est étroitement mêlé à ce travail, d'abord à l'étape de l'approbation du débarquement de l'immigrant ou du réfugié, puis du contrôle de la sécurité des particuliers et, à nouveau, à l'étape de la citoyenneté. Je crois que nous avons tous pris conscience du fait qu'il faut beaucoup plus de temps pour traiter ces demandes.
Quelle proportion de vos ressources, tant humaines que financières, sont affectées à ce genre de travail? Estimez-vous qu'il s'agit d'une répartition appropriée? Manifestement, il faut accorder la priorité à la sécurité publique, mais comment prenez-vous ces décisions et comment sont réparties les ressources?
M. Ward Elcock: La plus grande partie de nos ressources est consacrée à l'analyse d'enquête en matière d'antiterrorisme et de contre-prolifération, mais plus particulièrement d'antiterrorisme. C'est à cela que nous consacrons une grande partie de nos ressources. Naturellement, une partie de l'information ainsi recueillie sert au filtrage de sécurité, en ce sens que l'information réunie peut permettre d'établir qu'un requérant du statut de réfugié ou un éventuel émigrant est en fait membre d'un organisme terroriste, par exemple.
Il est difficile de faire une ventilation exacte. La plupart du temps, nous traitons très rapidement les demandes que nous recevons de particuliers et celles que nous recevons de députés au sujet de particuliers. La plupart du temps, dans les dossiers qui ont abouti sur mon pupitre ou qui ont été transmis à mon organisme, en fait, le retard n'est pas attribuable à notre service.
Mme Marlene Catterall: D'accord. La réponse habituelle que nous obtenons, à vrai dire, est : « Nous ne pouvons pas vous renseigner, le dossier est entre les mains de la sécurité ».
M. Ward Elcock: Le problème n'est souvent pas au SCRS. Il est peut-être quelque part, dans le dossier de sécurité d'un autre organisme, mais nous ne sommes pas à l'origine du retard.
Mme Marlene Catterall: Le rôle que vous jouez à ce moment-là est-il utile, conforme aux ressources ou absorbe-t-il des ressources qui seraient mieux affectées ailleurs?
M. Ward Elcock: Nous considérons le filtrage de sécurité dans ces cas-là et les autorisations de sécurité qu'obtiennent les fonctionnaires du gouvernement et qui leur donnent accès à des renseignements protégés comme d'importants mécanismes de filtrage. Dans le cas des immigrants et des réfugiés, c'est un premier tri en vue de repérer les personnes qui pourraient être sources de préoccupation.
Le filtrage ne permettra pas de repérer tous les individus louches. Il n'empêchera pas toutes les personnes d'entrer au Canada. Parfois, nous n'avons pas suffisamment d'information au sujet d'une personne pour nous permettre d'en juger au point d'entrée. Il se pourrait que les liens avec un organisme ne se développent que plus tard. Ces personnes n'avaient peut-être aucun lien avec les organismes avant de venir au Canada, mais elles en développent par la suite.
Le filtrage n'est pas, par définition, une panacée, mais il s'agit d'une étape importante.
Mme Marlene Catterall: Nous en revenons donc à la question qu'on vous a posée tout à l'heure au sujet de vos relations avec les services de sécurité de différents ministères. Par exemple, l'Immigration et les Affaires étrangères ont chacun leur propre service de sécurité. Où est le lien?
¿ (0950)
M. Ward Elcock: En quel sens, monsieur le président? La plupart de ces organismes ont une composante qu'ils décrivent comme un groupe de renseignement. Il ne s'agit pas d'un groupe de renseignement comme le nôtre. Les agents ne sont pas du même genre. Ils ne font pas de collecte de renseignements de sécurité au même sens que nous. Plus souvent qu'autrement, il s'agit d'un groupe dont les responsabilités sont d'ordre analytique. Ils réunissent peut-être certains renseignements, mais fort souvent, leurs responsabilités sont d'ordre analytique ou consistent à servir de canal par lequel circule fréquemment l'information.
Le problème posé par les renseignements protégés, c'est qu'ils sont protégés; par conséquent, par définition, on se fie en règle générale à des personnes qui ont soit le bon genre d'autorisation sécuritaire ou qui connaissent les pratiques à suivre pour gérer la circulation de ces renseignements. Donc, plus souvent qu'autrement, les organismes auxquels nous avons affaire sont des services de renseignement d'autres ministères.
Mme Marlene Catterall: Me reste-t-il une minute? D'accord, je reviendrai à la charge au tour de table suivant.
Le président: Oui.
Soit dit en passant, à titre strictement indicatif, je signale aux membres du comité, en réponse à votre question précédente, que nous examinons les dépenses figurant dans les parties 1 et 2 du livre que j'ai ici. Bien que j'aie effectivement énuméré toute une série de crédits, parce que c'est ainsi que sont libellés les ordres du jour, il s'agit en fait du crédit 30, qui se trouve à la page 1-56. Il s'agit d'une seule feuille, ce qui n'étonnera personne quand il est question du SCRS. Vous l'avez devant vous. Vous avez également devant vous le chapitre 24 qui ne comporte qu'une seule ligne. Voilà donc ce dont il est question, et vous avez toute l'information.
Nous allons maintenant céder la parole à M. Clark, pour cinq minutes.
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC): Merci, monsieur le président.
Nous avons beaucoup de chance de pouvoir ainsi puiser à même les connaissances étendues de M. Elcock.
Je m'intéresse à l'équilibre entre la responsabilité à l'égard du Parlement et l'efficacité opérationnelle. Je dois avouer que, pour ce qui est d'équilibrer des valeurs conflictuelles, vous avez une des tâches les plus difficiles au gouvernement.
J'estime également que le contrôle parlementaire est une des plus épineuses questions avec lesquelles est aux prises le Parlement. La solution, quand a été créé le CSARS dans la foulée du rapport de la commission royale d'enquête McDonald, a été de confier au Parlement un rôle indirect. Je m'explique.
Le CSARS a été créé pour donner suite à une recommandation de la commission royale d'enquête McDonald. À l'époque, la responsabilité relevait du ministre, qui pouvait ensuite être interrogé par des députés dans le cours normal des travaux du Parlement. Cependant, habituellement, les députés ne recevaient pas de renseignements précis concernant des questions confidentielles. Les rapports faits au Parlement n'étaient donc pas complets.
Il est intéressant de remarquer, quand on remonte au rapport de la commission royale McDonald, que ses membres ne souhaitaient pas que le CSARS soit le seul à assumer la surveillance. Ils avaient aussi recommandé la création d'un comité parlementaire. Ils avaient auparavant jonglé avec l'idée de recommander la création d'un comité parlementaire spécial—très restreint, composé peut-être de chefs de parti, un comité conjoint—, pour que les rapports soient durables et qu'il n'y ait pas perte de mémoire organisationnelle.
Ils ont dit qu'ils avaient aussi envisagé la possibilité de recommander un comité de parlementaires, comme il en existe au Royaume-Uni, qui ne cesserait pas d'exister à la fin de chaque législature. La raison pour laquelle ils ont rejeté cette possibilité et ont recommandé la formation d'un comité parlementaire est intéressante. Ils ont dit que ce serait aller trop loin en isolant ce comité du Parlement, ce qui signifie qu'ils concevaient le rôle du Parlement sur le plan de la surveillance comme étant très actif. Ce n'est pas ce qui s'est produit, il y a vingt ans.
Ce que je souhaitais faire aujourd'hui, c'était tout d'abord d'aller à la toute fin de votre déclaration. Vous pesez toujours bien vos mots. Ainsi, vous dites : « Il y a 20 ans, un groupe de parlementaires a examiné le contexte de la sécurité nationale à cette époque et a trouvé une solution durable en adoptant la Loi sur le SCRS ». J'aimerais donc savoir s'il faut en déduire que vous recommandez le maintien du statu quo en ce qui concerne les liens d'établissement de rapport; en d'autres mots, en passant par le SCRS, par le ministre, plutôt que par un comité du Parlement?
J'aimerais ensuite passer, si c'est possible, à la façon dont les choses se déroulent actuellement par rapport à celle du passé, telle que vous l'avez vécue. Je ne veux pas savoir ce qui s'est discuté au comité du Cabinet chargé du renseignement de sécurité, parce que je sais que vous ne pouvez pas en parler. Toutefois, vous pourriez nous dire combien de fois—je vais en faire deux périodes distinctes—avant le 11 septembre, au cours d'une année moyenne, le comité du Cabinet chargé du renseignement de sécurité siégeait.
Ensuite, ces réunions consistaient-elles typiquement à breffer les membres sur une question particulière ou visaient-elles à régulièrement tenir le comité du Cabinet au courant des questions de fond—pas simplement des questions procédurales—auxquelles travaillaient les organismes de renseignement et de sécurité du gouvernement du Canada?
¿ (0955)
M. Ward Elcock: Simplement pour en revenir à la première question, monsieur le président...?
Le président: On aimerait savoir si cette phrase est ce que vous recommandez pour l'avenir du pays.
M. Ward Elcock: Non, monsieur le président. Je disais cela uniquement en rapport avec les parties de la Loi sur le SCRS qui définissent essentiellement notre mandat opérationnel et ainsi de suite. Je ne faisais pas de recommandation quant à l'avenir, quant aux rapports qu'il devrait y avoir entre les parlementaires et le SCRS. Ce n'est pas à moi de dire ce qu'ils seront. C'est là une question qui, en fin de compte, relève du Parlement et des ministres. Je ne faisais donc pas de recommandation à cet égard.
Le très hon. Joe Clark: Comment savoir ce que pensent des personnes bien informées comme vous, qui ont travaillé de l'intérieur et qui voient les choses sous un autre angle que nous qui, dans l'ensemble, travaillons de l'extérieur, pour savoir si le statu quo est acceptable? Vous ne pouvez pas témoigner ou vous refusez de le faire.
M. Ward Elcock: Compte tenu du cadre actuel des relations entre fonctionnaires et ministres, entre ministres et Parlement et même entre fonctionnaires et comités parlementaires, je crois que cela dépasse mon mandat de fonctionnaire—ce qui ne veut pas dire qu'à d'autres moments, dans le contexte de discussions plus générales, ce ne serait pas le cas, comme, j'en suis convaincu, les honorables députés le savent bien. En général toutefois, et certainement dans un comité parlementaire, il serait difficile pour un fonctionnaire d'avoir ce genre de conversation.
Le très hon. Joe Clark: Ce qui est un dilemme pour nous. Pourrions-nous passer aux questions sur....
Le président: Désolé, monsieur Clark, vos cinq minutes se sont envolées.
Qu'en est-il toutefois de la question posée par M. Clark? Combien de fois par an, avant le 11 septembre, le comité du Cabinet se réunissait-il?
M. Ward Elcock: Avant le 11 septembre, le comité du Cabinet se réunissait deux ou trois fois par an, probablement, et je suis sûr que M. Clark se souvient du contexte de certaines de ces séances aussi bien que moi.
Le président: Ah, nous parlons bien sûr de ceux qui sont dans le secret des dieux.
Madame Neville, vous avez cinq minutes.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Je ne sais pas si c'est pertinent ou non, mais je suis prête à céder mes cinq minutes à M. Clark, puisqu'il possède la mémoire institutionnelle dont nous avons tous besoin, je crois.
Le président: Le comité est-il prêt à accorder à M. Clark cinq minutes de plus?
Allez-y, monsieur Clark.
Le très hon. Joe Clark: Je ne veux pas aborder des questions que vous et moi n'avons pas la liberté de débattre en détail. Mais j'aimerais savoir jusqu'à quel point... Permettez-moi de m'exprimer de la façon suivante.
Selon mon expérience de ce comité, les ministres sont très bien informés lorsqu'un problème particulier se présente—mis à part le ministre directement responsable de la sécurité, le solliciteur général à cette époque—mais il n'était pas habituel, si je me souviens bien, d'être informé de façon détaillée des activités de sécurité et de renseignement. Le solliciteur général peut l'avoir été, contrairement au comité du Cabinet.
Ce que je voudrais savoir, c'est quand les représentants du Parlement peuvent de manière éclairée diriger les activités de sécurité et de renseignement. J'aimerais savoir, autant que possible, ce qu'il en était auparavant, car cela pourrait nous aider à définir les dispositions à prendre à l'avenir.
M. Ward Elcock: Je crois, monsieur le président, qu'il serait juste de dire qu'avant le 11 septembre, les briefings que recevaient les ministres sur la situation en matière de sécurité étaient de nature générale plutôt qu'approfondie. Je pense que cela correspond assez à la situation. Depuis le 11 septembre, les choses ont changé. On est probablement plus sensibilisé que peut-être dans le passé.
Ceci étant dit, un élément, je crois, est important depuis le début... Si l'on revient à l'époque de la commission McDonald, je pense qu'une des lacunes, c'était que les ministres et le service de sécurité ne comprenaient pas ce que chacun faisait et ce que chacun voulait dire quand il s'exprimait. On peut débattre sans fin pour savoir qui était responsable de quoi ou qui a fait quoi à qui. De mon point de vue, ce n'est pas aussi important que le fait que les deux côtés n'aient pas compris ce que chacun faisait et ce que chacun voulait dire lorsqu'il parlait de ce qu'il faisait, ce qui a finalement donné lieu à une confusion généralisée.
Nous avons depuis toujours cherché à faire en sorte que les ministres sont clairement conseillés quant à la nature du travail du SCRS. Nous avons toujours voulu nous assurer que les ministres sont informés de manière générale du travail du SCRS et de la nature des enquêtes de notre service, même si ce n'est pas nécessairement de façon détaillée.
À (1000)
Le très hon. Joe Clark: Je tiens à remercier Mme Neville et le comité.
C'est parce que les événements aux États-Unis et au Royaume-Uni, en particulier, ont montré jusqu'à quel point le monde dans lequel vous devez travailler est foncièrement imprécis que cela m'intéresse. Lorsque nous parlons de responsabilité dans ce cas précis, ce qui est vraiment pertinent, ce n'est pas seulement la responsabilité financière, mais la perception au sein du service que quelqu'un de l'extérieur est en mesure de regarder ce qui se passe. Ce genre de connaissance extérieure impose une discipline, me semble-t-il, aux gens qui font votre travail fort difficile, dans la façon dont ils fonctionnent. Alors que nous essayons de mettre au point quelque chose pour l'avenir dans un monde qui a radicalement changé, je crois que nous voulons être sûrs que ce genre de discipline existe chez les gens qui assument cette responsabilité. C'est ce qui explique ma question.
Je suis un peu préoccupé par la réalité que votre réponse précédente a exposée, à savoir qu'habituellement, nous n'avons pas accès à l'expérience confidentielle de ceux qui connaissent cette question sous un angle différent de celui du Parlement. Même si vous passiez à d'autres responsabilités, votre franchise devant notre comité serait limitée, à moins que la séance ne se déroule à huis clos. Le commentaire le moins important, je crois, vise la discipline, à moins que vous ne considériez que j'ai tout à fait tort. Le plus important serait de savoir comment ce comité pourrait avoir accès à ceux qui ont le genre de connaissance interne que vous avez, pour que nous puissions faire des recommandations plus éclairées quant à la forme des institutions de l'avenir.
M. Ward Elcock: Il n'existe pas d'autres services de renseignements au monde qui fassent l'objet d'autant d'examens que le SCRS. Comme je l'ai dit dans mon allocution, cet examen, si je ne me trompe, a fait de nous une organisation plus compétente et, à de nombreux égards, plus disciplinée que d'autres auxquelles je peux penser. L'examen est-il bénéfique? Je crois que la plupart des employés du SCRS répondraient que oui. Est-ce qu'un autre examen aiderait le SCRS ou non, c'est une autre question, puisque nous en avons déjà eu une forte dose.
Pour ce qui est de la deuxième question, le gouvernement a, dans le cadre de la politique de sécurité nationale et ailleurs, indiqué qu'il souhaite un comité de parlementaires. C'est une question qui sera débattue à l'avenir et qui pourra apporter quelques réponses à ces questions. Évidemment, les parlementaires devront envisager les options et arriver à une conclusion, mais cela peut répondre à certaines des questions que vous soulevez.
Le président: Monsieur Clark, désolé. Merci.
Je crois que même si la séance se déroulait à huis clos, M. Elcock serait probablement très limité et ne pourrait pas être aussi franc qu'il le souhaiterait. À mon avis, sauf s'il prêtait serment de confidentialité, il ne pourrait pas normalement être aussi franc qu'il le souhaiterait, à cause de la nature du système politique et des fuites éventuelles, même dans le cadre de séances à huis clos.
Monsieur Anders, cinq minutes.
À (1005)
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, PCC): Merci.
J'ai deux questions. Tout d'abord, pensez-vous que le personnel du SCRS possède les connaissances linguistiques voulues et d'autres sortes d'expertise pour faire échec au terrorisme et assurer efficacement notre protection?
M. Ward Elcock: Nous disposons certainement des connaissances dont nous avons besoin au stade actuel, mais nous cherchons toujours à embaucher davantage de gens qui parlent plus de langues, ainsi qu'à élargir l'expertise de notre personnel. Il s'agit d'une exigence constante.
M. Rob Anders: Deuxièmement, nous avons ce nouveau portefeuille dirigé par une ministre dans ma province qui est responsable de la sécurité nationale. Je me demande en quoi ce nouveau portefeuille modifie le mandat du SCRS. Des questions ont été soulevées à propos de la recherche du renseignement étranger, etc. D'après vous, comment le SCRS change-t-il? Est-ce que ce nouveau portefeuille de sécurité nationale prend en compte certains des éléments du recueil du renseignement étranger et par ailleurs, d'autres questions se posent-elles?
M. Ward Elcock: Monsieur le président, c'est en vertu de la Loi sur le SCRS que notre service mène des opérations à l'étranger en rapport aux menaces à la sécurité du Canada. Cela fait partie—et a toujours fait partie—de notre mandat. S'il a évolué au cours des dernières années, environ, c'est simplement compte tenu a) de la nature de la menace et b) de l'élargissement de l'expertise. Par définition, il est plus compliqué de mener une opération en Afghanistan, en Irak ou ailleurs dans le monde qu'au centre-ville d'Ottawa.
Dans la plupart des cas, on apprend à marcher avant de pouvoir courir, et c'est ce que nous avons fait, ce qui a pris un certain temps. La création du nouveau ministère ne change rien. Le mandat est prévu dans la Loi sur le SCRS et nous recueillons de l'information à l'étranger dans le contexte de menaces à la sécurité du pays.
Faire partie d'un autre ministère que celui du solliciteur général présente des avantages, puisque la ministre est plus influente et que nous nous retrouvons dans un plus grand ensemble. Certaines des agences qui relèvent maintenant comme nous du même ministère, par exemple l'Agence canadienne des opérations transfrontalières, sont des agences avec lesquelles nous devions coopérer auparavant, même si elles relevaient d'un autre ministère. Maintenant, nous sommes dans le même ministère. En théorie et en pratique, il devrait être plus facile pour nous de mener certaines des activités que nous menons ensemble, puisque nous sommes dans le même ministère.
Ce sont les genres de choses qui vont avoir une incidence sur le SCRS et cela n'a rien à voir avec ce qui relève ou non de notre mandat.
M. Rob Anders: Pour conclure cette première question, souhaiteriez-vous être responsable de certaines choses ou pouvoir utiliser certains outils? Dans un certain sens, je cherche à savoir quelles sont vos responsabilités et pourquoi. Quels outils ou responsabilités aimeriez-vous avoir que vous n'avez pas maintenant et pourquoi?
M. Ward Elcock: Monsieur le président, la prolifération des solutions technologiques, qu'il s'agisse de nouveaux moyens de communication ou de transmission de l'information, etc., représente l'un des problèmes auxquels sont confrontées les organisations du renseignement. Toute cette technologie pose un défi considérable à notre service. Si je ne me trompe, le gouvernement a déclaré qu'il présenterait, probablement au cours de la prochaine législature—qui sait?—des modifications à la loi pour régler la question de l'accès à des nouveaux moyens de communication. Il ne s'agit pas d'augmenter la capacité du service de recueillir de l'information, mais simplement de s'assurer que dans le contexte de ces nouveaux moyens de communication, de ces nouvelles façons de gérer la circulation de l'information, on dispose des mêmes possibilités de collecte de l'information qu'aujourd'hui. C'est l'un des plus grands défis du service, de n'importe quelle organisation du renseignement et, certainement, de la police également.
Le président: Merci, monsieur Anders.
M. DeVillers, puis, M. Loubier.
À (1010)
L'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Elcock, d'après votre exposé, Al-Qaïda aurait directement menacé le Canada à deux reprises en l'espace de deux ans; par conséquent, on peut supposer sans se tromper que ce n'est pas une question de savoir si nous allons être visés, mais plutôt, quand et où. Aux fins du compte rendu, pouvez-vous préciser ces deux menaces particulières?
M. Ward Elcock: La menace la plus récente, c'est que le Canada apparaît, je crois, en cinquième position sur la liste Al-Qaïda. La menace précédente remonte à deux ans environ et j'en ai oublié le contexte exact, mais le Canada était cité dans l'une des déclarations de certains éléments d'Al-Qaïda. Je crois que c'était en fait une déclaration de ben Laden.
L'hon. Paul DeVillers: Compte tenu de ces menaces précises, vous dites donc que l'on peut supposer sans se tromper que la menace n'est pas potentielle, mais qu'on ne sait pas quand et où elle va se matérialiser.
M. Ward Elcock: Oui.
L'hon. Paul DeVillers: C'est bien sûr quelque chose de très préoccupant pour les Canadiens. Que peut-on faire à ce sujet? Que fait-on à ce sujet?
M. Ward Elcock: Monsieur le président, comme je l'ai dit, nos opérations portent essentiellement sur ce point depuis pas mal de temps. Notre travail consiste à essayer de circonscrire toute menace particulière découlant de ces déclarations. Beaucoup d'autres organisations au sein du gouvernement du Canada nous transmettent parfois de l'information qui facilite notre travail à cet égard ou encore, elles sont en fait responsables de la mise en place des mesures de sécurité voulues pour empêcher que de tels incidents ne se produisent.
À titre d'exemple, citons une affaire comme celle d'Ahmed Ressam. La prévention d'un incident ne relève pas toujours uniquement du Service canadien du renseignement de sécurité ou de ceux qui collectent l'information; elle peut découler de mesures appropriées prises par un garde-frontière, un inspecteur de l'immigration ou un inspecteur des douanes. Nous comptons sur beaucoup de gens—y compris, par exemple, les gardes et ceux qui patrouillent l'édifice où nous nous trouvons pour assurer la sécurité du Parlement—dans n'importe quel endroit pour empêcher tout incident. Notre travail consiste à leur donner des avertissements au sujet d'un incident ou d'une attaque en particulier, le cas échéant.
L'hon. Paul DeVillers: Il s'agit donc de coopération entre...
M. Ward Elcock: Entre ceux qui recueillent le renseignement et ceux qui assurent effectivement la sécurité.
L'hon. Paul DeVillers: C'est parce que votre déclaration donne une impression de caractère inévitable, que c'est juste...
M. Ward Elcock: Je n'ai pas voulu donner cette impression de caractère inévitable, je ne voulais pas dire qu'il y aurait une attaque victorieuse; ce que j'ai dit, c'est qu'il existe une menace précise. Ce que nous avons dit en général c'est qu'Al-Qaïda a formulé une menace à l'endroit du Canada. Al-Qaïda l'a dit précisément. Ce qui n'a pas été annoncé et ce que nous n'avons pas encore vu représente une véritable menace.
L'hon. Paul DeVillers: Revenons à ce qu'a dit M. Clark au sujet des relations entre le SCRS et les parlementaires. D'après mon expérience au Comité de la justice et des droits de la personne, je peux dire que nous avons été frustrés alors que nous voulions savoir... Nous avons toujours apprécié vos exposés et vos nombreuses visites, mais franchement, à de nombreuses reprises, nous n'avons pas été plus avancés.
J'aimerais explorer d'autres possibilités. Je sais que le président a parlé des serments de confidentialité. Compte tenu de votre expérience de 10 années, envisagez-vous qu'un comité ou un sous-comité de parlementaires puisse jouir d'un degré accru de sécurité, ce qui permettrait des échanges plus fructueux?
M. Ward Elcock: Le gouvernement a indiqué qu'il souhaite proposer l'option—qu'il a envisagée—d'un genre de comité parlementaire qui pourrait permettre de procéder de la sorte selon le mandat qui lui serait réservé.
Il est proposé, je crois, de présenter un document dressant la liste de certaines des questions à envisager à cet égard. Clairement, il faudra prévoir le degré du caractère secret de toute information fournie à un tel comité. La réalité, c'est que dans de nombreux cas, l'information dont je dispose, comme celle que vous souhaiteriez connaître, pourrait menacer la vie d'un particulier ou la sécurité du Canada si elle était divulguée. Comment gérer cette information? Comment la protéger? Comment faire en sorte qu'elle ne sorte pas du cadre de confidentialité du groupe qui l'examine?
À (1015)
L'hon. Paul DeVillers: S'il s'agit d'une information du SCRS qui n'est pas transmise au public, il serait alors possible de prévoir une méthode semblable permettant aux parlementaires d'en disposer. Vous pouvez vous demander quel serait l'avantage d'avoir cette information si on ne peut pas l'utiliser et à ce moment-là, quel usage peut-on en faire? Quant à ce que les parlementaires en font, c'est une autre question; on a au moins l'assurance qu'ils sont au courant.
M. Ward Elcock: On peut se demander ce que les parlementaires feraient effectivement de cette information. Ce sera toujours un point litigieux.
Pour ce qui est des agents du SCRS, ils sont liés par les dispositions de la Loi sur la protection de l'information. Seul un petit groupe d'organismes et de fonctionnaires, nous y compris, sont liés par la loi. Essentiellement, le fardeau de la preuve qui incombe au gouvernement est beaucoup moins lourd lorsque l'affaire vise un agent du SCRS qui a divulgué des renseignements secrets.
C'est l'une des questions que l'on se pose : comment gérer le processus? Est-ce que les exigences relatives à la gestion de l'information qui s'appliquent aux parlementaires et aux agents du SCRS devraient être les mêmes? Les employés du Service subissent le test polygraphe tous les cinq ans, et ce, pour que nous sachions ce qu'ils ont fait de l'information. Je ne dis pas que les parlementaires devraient subir le même test, mais il existe différents niveaux de sécurité pour cette information, différents types d'exigences pour les personnes qui traitent l'information. Dans quelle mesure peut-on abaisser ces niveaux de sécurité, et quels renseignements pouvons-nous fournir aux parlementaires qui ont une cote moins élevée?
Ce sont des questions auxquelles je n'ai pas de réponse.
Le président: Merci, monsieur DeVillers.
Le gouvernement a déposé un document de consultation intitulé « Un comité parlementaire chargé de la sécurité nationale ». Si j'ai bien compris, le gouvernement est en train de mettre sur pied un comité qui va discuter de toutes ces questions. On ne sait pas quand il va pouvoir le faire, car cela dépend d'autres événements.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.
Monsieur Elcock, j'aimerais revenir sur la question que je vous ai posée plus tôt. Je n'ai pas reçu de réponse claire de votre part.
Dans votre présentation, vous avez parlé de dissidence politique légitime. Or, est-ce que cette catégorie inclut ou exclut le mouvement souverainiste, que ce soit le Bloc québécois, le Parti québécois ou le Mouvement national des Québécoises et des Québécois?
En démocratie, la dissidence politique est acceptable à tous les égards, sauf, bien entendu, lorsqu'il est question de violence et de terrorisme. Incluez-vous le mouvement souverainiste dans la dissidence politique légitime?
[Traduction]
M. Ward Elcock: Monsieur le président, les seules fois que nous intervenons—toute autre réponse serait essentiellement hypothétique—c'est lorsque nous décidons s'il y a lieu ou non de cibler une personne ou un groupe en particulier. Nous ne ciblons, en vertu de la loi, aucun particulier ou groupe qui pratique la dissidence politique légitime. Nous n'effectuons aucun ciblage—et comme je l'ai mentionné, nous n'avons pas eu recours à l'alinéa 2d) de la loi au cours de mes dix années à la tête du SCRS.
[Français]
M. Yvan Loubier: Un peu plus tôt, vous avez répondu à M. Lee que depuis 10 ans--et je sais que vous êtes à la tête du SCRS depuis 1994--, vous n'aviez pas eu recours à l'alinéa 2d) de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.
À votre connaissance, y a-t-il eu, avant 1994, des enquêtes de renseignements ou de sécurité sur le Bloc québécois, le Parti québécois, enfin sur tout ce qui existe comme représentants du mouvement souverainiste?
[Traduction]
M. Ward Elcock: Pas à ma connaissance, monsieur le président. Je ne me souviens plus de la date exacte, mais il avait déjà été décidé, avant mon arrivée au SCRS, que toute enquête de ce genre nécessiterait l'approbation du ministre. Or, pour autant que je sache, aucune enquête de ce genre n'a été approuvée par le ministre.
[Français]
M. Yvan Loubier: S'agit-il de l'autorisation du ministre seul ou de celle d'un ministre et d'un juge de la Cour fédérale?
[Traduction]
M. Ward Elcock: Non, nous confondons deux choses différentes. Avant de mener des opérations intrusives, comme, par exemple, intercepter des communications ou pénétrer dans un local, il faut obtenir un mandat d'un juge. La décision d'entreprendre une enquête est prise par le Service, sauf dans le cas d'une enquête menée en vertu de l'alinéa 2d) de la loi. Dans ce cas-là, il nous faut l'approbation du ministre en plus de l'autorisation du Service.
À (1020)
[Français]
M. Yvan Loubier: Mais s'il s'agit uniquement d'obtenir des renseignements sur les membres d'un mouvement quelconque, avez-vous besoin de l'autorisation du ministre? Je ne vous parle pas d'une perquisition ou de toute autre intrusion. Pour ce qui est des activités de renseignement, avez-vous besoin d'une approbation, ou si vous fonctionnez de façon autonome?
[Traduction]
M. Ward Elcock: Monsieur le président, avant qu'une enquête ne soit entreprise, il faut que le comité des cibles ait décidé de cibler cette personne ou cet organisme en particulier. Il faut présenter un mémoire dans lequel on explique pourquoi cet organisme ou cette personne constitue une menace pour la sécurité du Canada. Comme je l'ai mentionné, aucune enquête de ce genre n'a été menée en vertu de l'alinéa 2d) et, comme je l'ai dit plus tôt, nous ne ciblons pas les organismes qui pratiquent la dissidence politique légitime.
[Français]
M. Yvan Loubier: Si, en vertu de l'alinéa 2d), des renseignements avaient été recueillis ou une enquête avait été menée sur le mouvement souverainiste, auriez-vous été habilité à nous transmettre cette information, en tant que directeur du SCRS?
[Traduction]
M. Ward Elcock: Je ne serais pas en mesure de vous transmettre ces renseignements. Si j'étais au courant de l'existence d'une enquête menée en vertu de l'alinéa 2d), je pourrais peut-être dire qu'une enquête est en cours aux termes de cet alinéa, mais sans identifier la cible. Je ne pourrais confirmer qu'un organisme en particulier fait l'objet d'une enquête en vertu de l'alinéa 2d), par exemple.
Le président: Il reste deux intervenants pour le tour de cinq minutes, soit M. Charbonneau et M. Nystrom. Nous allons ensuite avoir des tours de trois minutes. Veuillez informer le greffier si vous voulez que votre nom soit ajouté à la liste.
Monsieur Charbonneau, s'il vous plaît, cinq minutes.
[Français]
L'hon. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le président, j'aimerais poser deux questions.
Le gouvernement vient de rendre publique une politique de sécurité nationale exhaustive. On dit que c'est la première fois qu'il s'emploie à présenter une politique intégrée et globale en matière de sécurité.
Je voudrais savoir deux choses. Le SCRS croit-il que son rôle sera modifié par cette politique? Avez-vous un point de vue particulier quant aux conséquences de cette politique?
J'aimerais aussi savoir si le SCRS a été consulté pour ce qui est de l'élaboration de cette politique.
[Traduction]
M. Ward Elcock: Le SCRS constitue un élément clé du milieu du renseignement canadien. Il a, bien sûr, apporté une contribution utile, je l'espère, à l'élaboration de la politique. Pour ce qui est de ses répercussions sur le SCRS, la politique, dans l'ensemble, n'aura pas forcément d'impact sur les fonctions ou le mandat du SCRS, ce dernier étant défini par la Loi sur le SCRS. En effet, le mandat découle de la loi, et non pas de la politique. Nous continuons d'opérer dans les limites des quatre grands volets de notre mandat juridique.
Si le SCRS fait partie d'un ministère plus imposant dans le cadre de la politique de sécurité nationale, c'est parce que la situation n'est plus ce qu'elle était. Les défis, aujourd'hui, sont beaucoup plus nombreux. Nous vivons dans un monde plus complexe, ce qui sert les intérêts du SCRS dans une certaine mesure, sauf que cela peut créer plus de difficultés et de complications à long terme. Les institutions gouvernementales entretiennent, essentiellement, des liens étroits, et cela fait partie du processus normal de fonctionnement du gouvernement.
Certains aspects précis de la politique de sécurité nationale ont des répercussions sur le SCRS. Mentionnons, d'abord, la possibilité d'investissements supplémentaires, et il en est question dans l'un des chapitres, dans le but d'accroître la capacité de collecte de renseignements. Comme je l'ai dit plus tôt, je ne sais pas exactement à combien s'élèveront ces investissements.
Ensuite, nous avons décidé, il y a environ un an, de créer un centre intégré d'évaluation des menaces—je pense que la vérificatrice générale en a parlé—appelé CIESN. Cet organisme servira de fondement au CIEM. Ce centre plus imposant regroupera probablement un plus grand nombre d'institutions, sauf qu'il fera partie, au début, du SCRS. Cela va évidemment avoir un impact sur notre organisation.
À (1025)
[Français]
L'hon. Yvon Charbonneau: J'aimerais vous poser une deuxième question, qui porte sur des éléments contenus dans votre texte de présentation. À la page 5 de votre texte français, vous mentionnez que votre service considère l'extrémisme sunnite musulman comme une de ses cibles prioritaires. À titre d'illustration, vous parlez du groupe Al-Qaïda et vous citez également certaines de leurs paroles qui, à votre avis, résument l'essence du terrorisme musulman.
Je voudrais d'abord vous demander ce qui motive votre choix de cibler l'extrémisme sunnite musulman. On sait que le monde musulman, qui compte plus d'un milliard de personnes, compte aussi des centaines de millions de chiites, qui vivent dans plusieurs pays musulmans.
Vous semblez cibler les sunnites en particulier. Est-ce dans ce contexte qu'a été prise la décision de mettre le Hezbollah sur la liste des organisations proscrites?
[Traduction]
M. Ward Elcock: Je pense avoir dit que la priorité du Service était le contre-terrorisme. La cible prioritaire est le réseau al-Qaïda et les extrémistes sunnites. Toutefois, comme l'a indiqué le député, il existe d'autres organisations terroristes, dont certaines sont chiites, comme le Hezbollah. Je ne les ai pas toutes énumérées, mais cela ne veut pas dire que nous n'enquêtons pas sur elles. Nous avons un grand nombre d'autres cibles. Toutefois, les groupes terroristes sunnites demeurent la cible prioritaire, en raison de la nature de la menace.
[Français]
L'hon. Yvon Charbonneau: Vous savez qu'il y a des questions qui se posent d'une manière plus particulière et plus aiguë pour les sunnites. Ils se sentent ciblés d'une manière tout à fait particulière dans cet univers de plus d'un milliard de musulmans.
J'aimerais que vous expliquiez davantage pourquoi vous tenez absolument à épingler les sunnites parmi tous les autres musulmans.
[Traduction]
M. Ward Elcock: Nous avons maintes fois répété que nous ne ciblons aucun groupe culturel, religieux ou ethnique particulier dans le cadre de nos enquêtes. Nous ciblons les terroristes. Il ne fait aucun doute qu'il y a différents groupes terroristes. Il y a les terroristes Irlandais catholiques au sein de l'IRA et du PIRA, par exemple. Il y a des terroristes chiites au sein du Hezbollah.
La nature des terroristes extrémistes sunnites est malheureusement indéniable. Toutefois, il est vrai que la plupart des sunnites de par le monde ne sont pas des terroristes. Nous l'avons clairement dit à maintes et maintes reprises. Le fait est que les groupes terroristes sunnites sont, à l'heure actuelle, la cible prioritaire du Service.
Le président: Merci, monsieur Charbonneau.
Monsieur Nystrom.
L'hon. Lorne Nystrom: Je voudrais poser une question supplémentaire.
[Français]
Pour faire écho à la question de M. Charbonneau sur les sunnites,
[Traduction]
Je voudrais savoir si l'enquête menée par le SCRS sur l'extrémisme islamiste sunnite a commencé avant les événements du 11 septembre 2001.
M. Ward Elcock: Oui.
L'hon. Lorne Nystrom: Est-ce que cette enquête vous a permis de recueillir des renseignements qui laissaient présager une attaque terroriste contre l'Amérique du Nord?
M. Ward Elcock: Bon nombre des groupes terroristes sunnites avaient l'impression, avant ces événements, que leur cible était non pas l'Amérique du Nord, mais d'autres régions, que ce soit l'Europe, l'Afrique du Nord en particulier, la Tchétchénie ou l'Afghanistan.
L'hon. Lorne Nystrom: Monsieur Elcock, à votre avis, le Canada devrait-il se doter d'un organisme distinct de renseignement étranger? Si oui, pourquoi? Si non, pourquoi pas?
M. Ward Elcock: Il revient aux hautes sphères de décider si le Canada doit ou non se doter d'un organisme distinct de renseignement étranger. Le fait est que le Service a pour mandat d'opérer à l'étranger lorsq'une menace pèse sur la sécurité du Canada. Nous l'avons fait dans le passé, et nous allons continuer de le faire.
Cette façon de faire présente certains avantages, en ce sens que les renseignements sont recueillis par le même organisme aussi bien au Canada qu'à l'étranger. Comme le comité l'a sans doute noté, le fait d'avoir des organismes distincts a créé des complications dans certains pays. Dans notre cas, le problème ne se pose pas, et c'est un avantage pour nous.
Je ne commenterai pas le bien-fondé ou non de l'idée, mais il faut se rendre compte qu'un organisme de renseignement étranger ne donnerait sans doute pas de résultats avant 15 ou 10 ans, parce qu'il faut beaucoup de temps pour former ceux qui vont faire le travail. La collecte de renseignements étrangers se veut, par définition—ou parce que nous le faisons dans certains cas lorsqu'une menace pèse sur la sécurité du Canada—difficile et compliquée. Il faut du temps pour créer un organisme qui se chargera de faire ce travail.
Les ressources en ce moment sont rares—et je fais allusion ici aux ressources financières et humaines. Créer un nouvel organisme de renseignement étranger à ce stade-ci, compte tenu de la rareté des ressources, compliquerait peut-être notre existence en ce sens qu'il faudrait subtiliser—non pas subtiliser, mais emprunter des ressources humaines du Service, ou faire appel à d'autres ressources sur lesquelles nous comptons.
À (1030)
L'hon. Lorne Nystrom: Je suis content que vous ayez apporté cette précision.
Pouvez-vous nous dire, grosso modo, quel pourcentage de ses ressources le SCRS consacre au renseignement étranger? Je veux un chiffre approximatif.
Je ne sais pas s'il me reste encore du temps. J'ai une autre question à poser.
Le président: Allez-y.
L'hon. Lorne Nystrom: Je vais la poser tout de suite.
M. Ward Elcock: Vous faites allusion aux renseignements étrangers recueillis de façon indépendante?
L'hon. Lorne Nystrom: Oui.
De plus, est-ce que vous vous occupez d'espionnage industriel au Canada? Dans quelle mesure, et quelle en est la source? Toutefois, ma première question porte sur le pourcentage d'effort qui est consacré au renseignement étranger.
M. Ward Elcock: Je vais inverser l'ordre des questions, car il est plus facile de répondre à la deuxième : nous ne pratiquons pas l'espionnage industriel. Nous menons des enquêtes uniquement à l'égard des activités de renseignement étranger qu'un État étranger mène au Canada. Nous ne menons pas d'enquête dans le cas d'une entreprise qui essaie de voler les secrets d'une autre entreprise—sauf si l'entreprise fait partie d'un gouvernement étranger. Nous ne pratiquons pas l'espionnage industriel.
Je ne vois pas vraiment à quoi vous faites allusion. Si l'on se fie à ce que dit la Loi sur le SCRS au sujet du renseignement étranger, nous avons le devoir, à la demande du ministre des Affaires étrangères ou du ministre de la Défense nationale, de recueillir des renseignements étrangers au Canada. Nous entreprenons des opérations pour recueillir de tels renseignements dans le but d'aider le ministère des Affaires étrangères ou le ministère de la Défense nationale. Cette information traite de la conduite des affaires internationales—de la politique étrangère autrement dit—ou de la défense du Canada, dans son ensemble.
En vertu des articles 12 et 15 de la Loi sur le SCRS, le mandat de mener des enquêtes sur les menaces envers la sécurité du Canada ne se limite pas à notre territoire. Nous opérons à l'étranger. Nous faisons ce que nous appelons, si vous voulez, du renseignement étranger ou encore du renseignement de sécurité, qui est peut-être un terme plus facile à comprendre.
Nous recueillons des renseignements en matière de sécurité là où il est approprié de le faire. Par « approprié », je veux dire une fois que nous avons analysé les risques et les avantages que présente le fait de recueillir cette information. Si nous pouvons recueillir l'information au centre-ville d'Ottawa, pourquoi aller à Bagdad pour le faire, sauf si c'est là que vous vouliez aller?
Il faut évaluer les coûts, les risques, les avantages de toute opération qui nous mènerait à l'étranger. Nous opérons effectivement à l'étranger quand il est approprié de le faire, et si cela comporte des avantages réels.
Le président: Merci, monsieur Nystrom.
Monsieur Elcock, je pense pouvoir formuler la question autrement et obtenir la réponse que M. Nystrom recherche. Vous avez dit que le Service a augmenté le nombre des opérations secrètes qu'il mène à l'étranger.
Les opérations secrètes menées à l'étranger représentent quel pourcentage de vos activités?
M. Ward Elcock: Il serait impossible de quantifier ce pourcentage, parce que toute enquête peut mener à des opérations à l'étranger. Nous ne disons pas, voilà, nous allons consacrer tant de ressources à la collecte de renseignements étrangers. Nous menons des enquêtes sur un grand nombre de groupes terroristes et de pays qui se livrent, par exemple, à la prolifération d'armes de destruction massive. S'il s'avère nécessaire, dans le cadre de ces enquêtes, d'opérer à l'étranger, nous allons considérer que cela fait partie de la tactique opérationnelle que nous allons utiliser pour enquêter sur cette cible particulière.
Donc, il nous est impossible de dire, avec précision, quel pourcentage de ressources nous consacrons à la collecte de renseignements étrangers.
À (1035)
Le président: Toutefois, vous êtes en mesure de dire que...
M. Ward Elcock: Nous avons augmenté le nombre d'opérations.
Le président: Et vous avez dit, aujourd'hui, que cette tendance, vous l'avez observée durant votre mandat. Or, si vous avez observé une tendance à la hausse, êtes-vous en mesure de la quantifier, même approximativement? Vous avez sûrement noté quelque chose. Il doit y avoir des graphiques en quelque part.
M. Ward Elcock: Nous n'avons pas compilé de statistiques à ce sujet. Nous menons plus d'opérations à l'étranger, mais chacune de ces opérations est justifiée dans le contexte d'une enquête précise. Nous ne recueillons pas, de manière générale, des statistiques sur le nombre d'opérations menées.
Le président: Merci.
Nous passons maintenant au tour éclair—trois minutes.
Monsieur Sorenson.
M. Kevin Sorenson: Quand vous avez répondu à l'une des questions de l'autre côté, vous avez mentionné le nom d'Ahmed Ressam.
Ce qui préoccupe les gens au sujet du SCRS—et la façon dont les renseignements sont recueillis—c'est la diffusion de l'information, pas seulement la collecte et l'analyse de celle-ci, mais sa diffusion. Dans votre réponse, vous avez dit qu'il y avait de nombreux intervenants qui s'occupaient du renseignement et de l'application de la loi, qu'il s'agisse d'un garde-frontière ou autre. J'aimerais savoir comment fonctionne le processus—la diffusion de l'information.
Ahmed Ressam a vécu ici pendant plusieurs années. Il a vécu à Montréal, avec quelqu'un d'autre. Il a élaboré tous ses plans, a planifié d'installer des bombes à divers endroits. Or, nous n'entendons jamais vraiment parler du rôle joué par le SCRS dans cette affaire.
Est-ce que le SCRS a joué un rôle dans l'arrestation ou la détention d'Ahmed Ressam? A-t-il joué un rôle? Il ne s'agissait pas d'un poste frontalier canadien, mais américain. Vous avez mentionné son nom. Vous avez ensuite dit qu'il y a de nombreux joueurs qui interviennent dans la capture de ces personnes. Est-ce que le SCRS a joué un rôle dans cette affaire?
M. Ward Elcock: Monsieur le président, je soulève cette question pour faire valoir que la protection de n'importe quelle société contre les actes de terrorisme ne dépend pas seulement du renseignement, mais aussi des activités organisées des gardiens des frontières, des services policiers, des agents des douanes, des agents d'immigration et des autres. Autrement dit, il s'agit de la sécurité en profondeur.
Ce qui protège le Parlement, c'est le renseignement sur les menaces possibles envers la sécurité du Parlement, les gardiens de sécurité travaillant autour du Parlement, les règles exigeant que les gens passent par des tourniquets et des machines à rayons X et tout le reste. Toutes ces mesures protègent la sécurité du Parlement et des parlementaires. La même chose vaut pour la société en général, et c'est dans ce contexte que j'ai soulevé la question.
Ahmed Ressam a obtenu un passeport canadien légitime en soumettant de faux documents. Il a quitté le Canada à destination de l'Afghanistan, où il s'est entraîné dans un camp. Il est ensuite retourné au Canada en passant par les États-Unis, où il a montré un passeport canadien légitime portant un faux nom. Nous savions que M. Ressam était entré au Canada, mais nous ne l'avions pas encore trouvé.
Est-ce que j'aurais aimé trouver M. Ressam? Absolument, mais nous ne l'avons pas trouvé avant qu'il se rende aux États-Unis avec une bombe.
M. Kevin Sorenson: D'accord.
Très rapidement encore une fois, au sujet du renseignement étranger, un sous-greffier du Conseil privé... Je pense qu'il s'appelait Richard Badden, mais je n'arrive pas à me rappeler...
À (1040)
M. Ward Elcock: Richard Fadden.
M. Kevin Sorenson: Il est venu nous dire—et je n'ai pas la citation exacte—qu'il était temps de revoir le mode de collecte de renseignement étranger. Cet homme s'occupait vraiment du renseignement au Conseil privé et a comme qui dirait sonné l'alarme. Nous savons que l'ancien vice-premier ministre a dit que nous devions peut-être songer à améliorer la collecte de renseignement étranger. Il y a également un ancien agent du SCRS... Encore une fois, j'ai oublié son nom, mais il a dit ne pas croire que nous avions le pouvoir juridique de recueillir et d'analyser des renseignements étrangers.
Nous recevons donc continuellement des messages contradictoires. Comment déterminer si nous maintenons vraiment le niveau requis? Nous dépendons d'autres services de renseignement étranger. Comment savoir si nous satisfaisons vraiment aux obligations qui nous incombent, aux attentes des autres pays du monde, sans cet autre organisme? Il faut dire que le SCRS n'est pas très axé sur la collecte de renseignements étrangers. Comment analysons-nous les obligations et les attentes?
M. Ward Elcock: Monsieur le président, les activités du SCRS... Il y a beaucoup de gens qui expriment des doutes à savoir si nous avons le mandat de le faire. Je peux vous garantir que notre pouvoir de recueillir des renseignements en dehors du Canada sur les menaces envers la sécurité du Canada ne fait aucun doute sur le plan juridique.
M. Kevin Sorenson: Qu'en est-il des menaces à la sécurité des États-Unis?
M. Ward Elcock: Elles seraient comprises dans la définition des menaces à la sécurité du Canada et l'ont toujours été. Que la menace touche la sécurité du Canada ou celle de nos alliés les plus proches, elles sont comprises dans cette définition.
Il ne fait aucun doute, en ce qui concerne l'information sur la politique étrangère du Canada ou sur la défense du Canada, bien que parfois, l'information sur les menaces envers la sécurité du Canada puisse également correspondre à la définition de l'information sur la défense du Canada, que ce sont là deux cas où le SCRS ne peut mener d'enquête à l'étranger. En règle générale, cette information est toutefois plus importante pour le Canada que pour ses alliés.
En ce sens, ces informations intéressent le Canada, mais ne portent pas nécessairement sur les menaces envers la sécurité du Canada. C'est la distinction qu'on trouve dans la Loi sur le SCRS entre l'information sur les menaces... En fait, la loi décrit trois catégories de renseignement. Il y a le renseignement sur les menaces envers la sécurité du Canada, les informations relatives à la politique étrangère et celles liées à la défense du Canada. Ce sont les trois catégories présentées dans les articles de cette loi.
D'abord, en vertu de l'article 12, nous avons le pouvoir de mener des enquêtes au Canada ou à l'étranger. C'est une définition large, qui comprendrait toute menace envers nos alliés les plus proches. Pour le reste, nous n'avons pas le pouvoir de recueillir des renseignements en dehors du Canada. Nous avons le mandat d'en recueillir au Canada lorsqu'on nous le demande.
Le président: Merci, monsieur Elcock.
Madame Neville, puis monsieur Clark.
Mme Anita Neville: Merci, monsieur Elcock.
Je ne sais pas si ma question pourra nous éclairer. J'aimerais enchaîner sur les questions de M. Charbonneau et de M. Nystrom sur les terroristes sunnites et l'extrémisme islamiste. Je ne sais pas si vous pouvez répondre à ces questions ici.
M. Clark a mentionné que vous deviez tenir compte de tout un éventail de valeurs conflictuelles, et j'aimerais connaître les paramètres de votre enquête ainsi que la façon dont vous arrivez à tenir compte des valeurs conflictuelles du très grand nombre de personnes qui ne sont aucunement impliquées dans des activités terroristes et de celles qui le sont. Quels types de techniques utilisez-vous?
M. Ward Elcock: Je ne sais pas si je vais répondre exactement à votre question, mais c'est peut-être parce que je ne la comprends pas parfaitement bien.
En réalité, nous ne menons pas d'enquête sur les personnes qui ne représentent pas de menace envers la sécurité du Canada. Pour mener une enquête sur quelqu'un, nous devons soupçonner la personne de représenter une menace envers la sécurité du Canada.
Mme Anita Neville: Comment déterminez-vous cela?
M. Ward Elcock: Nous analysons les renseignements que nous détenons ou que nous avons reçus afin de déterminer si la personne représente une menace. Si nous voyons qu'une personne est susceptible d'avoir des liens avec une organisation terroriste ou d'avoir déjà été liée à une organisation terroriste, nous examinerons l'information, puis déciderons s'il y a lieu de mener enquête sur la menace que peut représenter cette personne envers la sécurité du Canada. Nous serons ensuite en mesure de démontrer que cette personne représente une menace envers la sécurité du Canada ou ne représente pas de menace envers la sécurité du Canada; dans le deuxième cas, nous arrêterons l'enquête.
Mais ce qui déclenche une enquête de notre part diffère de ce qui déclenche une enquête dans les services policiers, parce que nous ouvrons enquête dès que nous soupçonnons une personne de représenter une menace envers la sécurité du Canada. De plus, nous ne sommes pas un organisme d'application de la loi. Nous n'allons jamais arrêter personne en bout de ligne, et rien de ce que nous faisons—aucune information sur cette personne—ne sera divulgué publiquement, c'est bien évident, ni même le fait qu'il y a eu une enquête. Il est donc très peu probable que nos activités aient des incidences sur l'existence d'une personne sur laquelle nous avons fait enquête, mais dont nous avons conclu qu'elle ne représentait pas de menace.
À (1045)
Mme Anita Neville: Lorsque vous effectuez ce type d'enquête, quelles techniques utilisez-vous? Pouvez-vous nous en parler ici?
M. Ward Elcock: Il y a trois types d'enquête. Le premier consiste simplement à vérifier les indices publics disponibles. Le second est déjà plus intrusif et le troisième, beaucoup plus, puisqu'il nous permet de demander un mandat d'interception des communications ou des entrées, ou peu importe. Le troisième niveau est plus intrusif que le premier.
Le président: Monsieur Clark.
Le très hon. Joe Clark: Je vous remercie, monsieur le président.
Pour revenir à la question précédente, l'une des façons d'assurer la confidentialité serait bien sûr d'établir un comité parlementaire de conseillers privés ayant déjà prêté serment, et je souligne que le nombre de conseillers privés a augmenté depuis que les secrétaires parlementaires prêtent serment; un tel comité serait donc plus fiable qu'un comité à huis clos.
Monsieur Elcock, à votre connaissance, y a-t-il des pays qui pressent le Canada d'établir une véritable agence de renseignement étranger?
M. Ward Elcock: Il n'y a personne qui le fait publiquement, à ce que je sache. Je présume toutefois que la proposition a déjà été faite.
Je crois qu'en ce moment, on exerce surtout des pressions sur les organismes de renseignement pour qu'ils recueillent des renseignement liés à la sécurité des États qui participent le plus activement à la lutte contre le terrorisme, pour reprendre la phraséologie courante. En ce sens, notre service collabore activement avec divers organismes de renseignement dans des opérations conjointes occasionnelles, comme je l'ai dit, et évidemment dans bien des cas, nous faisons profiter les autres services des résultats de nos activités lorsqu'il est important pour nous de fournir l'information que nous avons reçue.
Personne ne s'est plaint récemment que nous ne faisions notre travail.
Le très hon. Joe Clark: Non, et ce n'était pas l'objet de ma question. J'essaie de comprendre d'où vient la demande d'un organisme indépendant du renseignement étranger. Les Canadiens aimeraient peut-être en avoir un, comme nous voulons beaucoup de choses.
Si je comprends bien ce que vous avez dit aujourd'hui, et je ne voudrais pas vous prêter de propos que vous n'avez pas tenus, c'est d'abord que si nous établissions un tel organisme, il faudrait du temps—je pense que vous avez parlé de dix ou douze ans—pour qu'il devienne suffisamment mature... Deuxièmement, je présume que les coûts seraient très élevés, parce que l'établissement d'un nouvel organisme engendre des coûts importants. Il faudrait alors transférer des fonds habituellement octroyés à d'autres services qui s'occupent du renseignement de sécurité ou trouver de nouveaux fonds.
M. Ward Elcock: Je crois qu'il a fallu dix ans à notre service pour passer de son ancien statut à la création d'un nouvel organisme central. Il faudrait donc prévoir beaucoup de temps pour créer un nouvel organisme de renseignement étranger à partir de zéro. On pourrait peut-être accélérer les choses en déplaçant certaines ressources du SCRS, mais en ce moment, nous sommes déjà très occupés à essayer de trouver des ressources pour parer à la menace existante. Comme vous l'avez dit—et j'aime votre formule encore mieux que la mienne—le transfert de ressources d'autres services liés au renseignement de sécurité serait nécessaire pour l'établissement d'un organisme de renseignement étranger. Le montant à transférer dépendrait cependant de l'ampleur de cet organisme, de l'intensité de ses activités et de la portée de son mandat. Il faudrait définir les intérêts du Canada.
Le président: Merci, monsieur Clark.
Ce sera maintenant le tour de M. Lee, de M. Sorenson, puis de Mme Catterall. Si chacun prend trois minutes, il nous restera une minute avant 11 heures. Un autre comité a réservé la salle à 11 heures, et je dois témoigner à un autre comité à 11 heures aussi, donc chacun aura trois minutes exactement, ce qui comprendra le temps de réponse, à commencer par M. Lee.
À (1050)
M. Derek Lee: Je vous remercie.
Tout le monde est d'accord pour dire que la collecte de renseignement étranger ne se fait pas à moindre frais. Cela dit, monsieur Elcock, on fait continuellement appel au SCRS pour qu'il fasse des vérifications de sécurité, comme nous les appelons, qu'il autorise des cotes de sécurité ou qu'il fournisse des renseignements permettant à un ministère d'en attribuer une, à des fins d'immigration ou d'emploi au sein de la fonction publique. C'est l'une des fonctions du SCRS.
Pouvez-vous nous parler du principe ou des critères déterminant si l'information est retenue ou encore communiquée aux ministères ou à ceux qui demandent en toute légitimité d'obtenir une cote de sécurité. Pour quelle raison retenez-vous des informations?
Lorsque le Parlement a réexaminé le SCRS il y a 12 ans, si je me rappelle bien, le principe de base était la loyauté envers le Canada. Mais le monde a bien changé depuis, donc le SCRS risque de conserver des renseignements sur les gens pour des raisons autres que le manque de loyauté envers le Canada. Pouvez-vous me dire s'il y a des règles précises pour conserver des renseignements ou les communiquer en vue de l'attribution d'une cote de sécurité ou pour répondre à une demande de vérification de sécurité?
M. Ward Elcock: Je pense qu'on mêle les pommes avec les oranges, monsieur le président. Notre service recueille de l'information et a la permission de conserver les renseignements qui sont strictement nécessaires aux fins de ses enquêtes. Ces enquêtes nous permettent souvent d'obtenir des renseignements sur une personne nous portant à conclure qu'elle représente une menace envers la sécurité, soit lorsque la personne arrive au pays à titre d'immigrant ou de réfugié ou encore lorsqu'elle demande une cote de sécurité. Parfois, nous menons enquête sur les personnes à un niveau supérieur de classification. Pour une cote de sécurité très secrète, nous menons une enquête particulière à part.
M. Derek Lee: Qu'est-ce qui constitue une menace envers la sécurité? Nous fondons-nous toujours sur la loyauté envers le Canada?
M. Ward Elcock: Non, monsieur le président. La politique de sécurité du gouvernement concernant les cotes de sécurité dicte clairement que la loyauté est l'une des valeurs que nous acceptons.
M. Derek Lee: L'une d'elles, d'accord.
Le président: Monsieur Sorenson.
M. Kevin Sorenson: Merci, monsieur le président.
Encore une fois, le gouvernement vient tout juste de publier ce document sur la sécurité. Il y établit le Centre intégré d'évaluation de la sécurité nationale, qui fera partie du SCRS.
Vous a-t-on consulté sur la structure de ce centre et son mandat? Quelles ressources exactement seront octroyées à ce centre d'évaluation des risques? Est-ce que son mandat sera à peu près le même que l'ancien mandat du Conseil privé en matière de collecte de renseignement et d'évaluation des risques?
M. Ward Elcock: Non, monsieur le président, ce sera différent. La section d'analyse du Bureau du Conseil privé diffère beaucoup du CIESN. Le CIESN examinera de façon plus stratégique des menaces précises plutôt que de faire un travail d'analyse stratégique sur des sujets qui inquiètent ou intéressent les ministres ou le gouvernement. Ses fonctions seront bien distinctes. Et oui, nous avons été consultés sur le CIESN. Les discussions se poursuivent d'ailleurs sur sa structure précise, son ampleur et tout le reste.
M. Kevin Sorenson: Quelles ressources seront attribuées au CIESN?
M. Ward Elcock: Nous en discutons toujours. Comme d'habitude, il faudra tenir compte des divers postes de dépenses nécessaires pour en établir la structure, si l'on veut, et le nombre de personnes qu'on peut embaucher concrètement. Nous tiendrons compte de tout cela.
Le président: Merci.
Madame Catterall.
Mme Marlene Catterall: Existe-t-il un protocole, une politique ou des lignes directrices qui guident vos relations avec d'autres agences internes, d'autres organismes du gouvernement, par exemple, l'Agence des services frontaliers, le CST, la GRC, les services de renseignement des Affaires étrangères ou de Citoyenneté et Immigration? Y a-t-il un protocole quelconque sur la nature de ces relations, sur les renseignements que vous pouvez partager, sur les réserves applicables à cette information?
Par exemple, pouvez-vous demander à l'Agence des services frontaliers de recueillir des données pour vous sur une personne que vous surveillez ou sur laquelle vous tentez de recueillir des renseignements? À titre d'agence de services frontaliers, est-elle limitée en matière de cueillette de données, par opposition à ses fonctions principales? Y a-t-il un document quelconque que nous pourrions examiner à ce sujet?
À (1055)
M. Ward Elcock: Nous avons conclu des protocoles d'entente avec un certain nombre d'organismes. La plupart sont des documents classifiés et ne sont donc pas accessibles. Dans la plupart des cas, toutefois, nos relations avec ces autres organismes sont fondées sur la loi : ce que prévoit la Loi sur la protection des renseignements personnels, ce que sont les pouvoirs d'un ministère ou d'un organisme en particulier, ce que prévoit notre loi habilitante. Chaque organisme a un certain nombre de fardeaux, de droits et de responsabilités juridiques qui réglementent les échanges qu'il a avec les autres ou les processus mis en commun.
Mme Marlene Catterall: Le comité doit-il s'adresser à chacune des nombreuses sources pour comprendre un peu ces relations, à mesure qu'il avance dans ses travaux sur les questions de sécurité? N'y a-t-il pas un mécanisme central...
M. Ward Elcock: Oui, en fait... Non. Il n'y a pas de centre de renseignement pour ce genre de chose. Par exemple, si nous travaillons sur un dossier spécial avec un autre organisme, tout dépendra de la législation générale qui s'applique aux deux organismes ainsi que des lois qui nous sont propres. Chaque organisme aurait à expliquer ce que sont ses responsabilités, ses droits et ses obligations.
Mme Marlene Catterall: Dans un sens, je m'intéresse surtout aux relations avec la GRC, compte tenu de ses nouvelles responsabilités, mais de façon générale, serait-il souhaitable d'un point de vue démocratique, dans un sens plus large, d'avoir des lignes directrices connues?
M. Ward Elcock: Il existe un protocole d'entente entre nous et la GRC.
Mme Marlene Catterall: Toutefois, le Parlement, ou notre comité, ne peut prendre connaissance de ce document.
M. Ward Elcock: Je ne suis pas certain dans quelle mesure ce document est classifié, mais vous pouvez certainement en obtenir certaines sections—peut-être même la plupart du document, mais de mémoire, je ne peux vous dire combien de sections du document sont classifiées.
Le président: Aimeriez-vous demander ce document, madame Catterall?
Mme Marlene Catterall: Oui. À mesure que nous avançons dans nos travaux, je crois que nous devons mieux comprendre tout ce réseau de cueillette de renseignements et les échanges qui peuvent être effectués entre divers ministères et organismes du gouvernement. Le SCRS a un mécanisme de surveillance, mais je ne suis pas certaine qu'un tel mécanisme existe partout.
M. Ward Elcock: Le gouvernement a annoncé qu'il envisageait d'établir un tel mécanisme et a demandé à la commission O'Connor de formuler certaines recommandations concernant la GRC.
Pour ce qui est du SCRS, le protocole d'entente entre nous et la GRC ne change pas par suite du projet de loi C-36.
Le président: Merci, madame Catterall.
Monsieur Elcock, vous n'aurez pas le temps de répondre à cette question maintenant, mais je me demandais si vous pouviez préparer ou demander à quelqu'un de votre bureau de préparer une note d'information à l'intention du comité, dans la mesure où ces renseignements ne sont pas classifiés, sur le niveau et la méthode de contrôle applicable à votre personnel qui travaille dans des milieux étrangers.
M. Ward Elcock: Le personnel est assujetti à la Loi sur le SCRS et ses activités sont examinées par le CSARS.
Le président: Je veux dire plus précisément lorsqu'ils sont à l'étranger. J'aimerais savoir dans quelle mesure vous pouvez exercer un contrôle sur quelqu'un qui se trouve dans les montagnes en Afghanistan, par exemple. Nous laisserons cette question de côté et vous pourrez y réfléchir. Je ne veux pas immobiliser le prochain comité.
Monsieur Elcock, merci beaucoup de votre habituel semblant de franchise, si je peux me permettre cette expression, et bonne chance dans vos futures entreprises, quelles qu'elles soient.
Merci aux membres du comité.
La séance est levée.