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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 24 mars 2005




¾ 0805
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))
V         Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ)
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde

¾ 0810
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères)
V         Le président
V         M. Bruce Mann (avocat-conseil, Direction des services juridiques - Justice, ministère des Affaires étrangères)
V         Le président
V         M. Bruce Mann

¾ 0815
V         Le président
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough

¾ 0820
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)
V         Le président
V         M. Bruce Mann
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Bruce Mann
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Bruce Mann

¾ 0825
V         Le président
V         Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)
V         Le président
V         M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan, Lib.)
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson

¾ 0830
V         Le président
V         M. Luc Brulé (directeur, Projets d'observation de la terre, Programmes spatiaux, Agence spatiale canadienne)
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde

¾ 0835
V         Le président
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough

¾ 0840
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Le président
V         Le président
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough

¾ 0845
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président

¾ 0850
V         Le président
V         M. Pierre Paquette
V         Le président
V         Le président
V         M. James Wolfensohn (président, Le Groupe de la Banque Mondiale)

¿ 0905

¿ 0910
V         Le président
V         M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC)
V         M. James Wolfensohn

¿ 0915

¿ 0920
V         Le président
V         M. Pierre Paquette

¿ 0925
V         Le président
V         M. James Wolfensohn

¿ 0930
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Pierre Paquette
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         M. James Wolfensohn

¿ 0935

¿ 0940
V         Le président
V         M. Jack Layton (Toronto—Danforth, NPD)

¿ 0945
V         Le président
V         M. James Wolfensohn

¿ 0950

¿ 0955
V         Le président
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         M. James Wolfensohn

À 1000
V         Le président
V         Mme Belinda Stronach (Newmarket—Aurora, PCC)
V         M. James Wolfensohn

À 1005
V         Mme Belinda Stronach
V         M. James Wolfensohn
V         Mme Belinda Stronach
V         M. James Wolfensohn
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         M. James Wolfensohn
V         Le président
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Pierre Paquette
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough

À 1015
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le président
V         L'hon. Lloyd Axworthy (envoyé spécial des Nations Unies pour l'Érythrée et l'Éthiopie)

À 1020

À 1025

À 1030

À 1035
V         Le président
V         M. Ted Menzies (Macleod, PCC)
V         L'hon. Lloyd Axworthy
V         M. Ted Menzies
V         L'hon. Lloyd Axworthy

À 1040
V         M. Ted Menzies
V         L'hon. Lloyd Axworthy
V         M. Ted Menzies
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Pierre Paquette
V         L'hon. Lloyd Axworthy
V         M. Pierre Paquette
V         L'hon. Lloyd Axworthy
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Pierre Paquette

À 1045
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         L'hon. Lloyd Axworthy
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         L'hon. Lloyd Axworthy
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         L'hon. Lloyd Axworthy
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         L'hon. Lloyd Axworthy
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         L'hon. Lloyd Axworthy

À 1050
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         L'hon. Lloyd Axworthy
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Mme Alexa McDonough

À 1055
V         L'hon. Lloyd Axworthy
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Mme Alexa McDonough
V         L'hon. Lloyd Axworthy
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         L'hon. Dan McTeague

Á 1100
V         L'hon. Lloyd Axworthy
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Mme Belinda Stronach
V         L'hon. Lloyd Axworthy
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Pierre Paquette
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Mme Alexa McDonough
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 029 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 24 mars 2005

[Enregistrement électronique]

¾  +(0805)  

[Français]

+

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 7 décembre 2004, nous poursuivons l'étude du projet de loi C-25, Loi régissant l'exploitation des systèmes de télédétection spatiale.

    Nous accueillons ce matin M. Brulé, M. Baines, M. McDougall et M. Mann. Welcome to all of you.

    Lorsque que la dernière séance s'est terminée, nous étions rendus à l'article 16. Nous passons à l'amendement BQ-12, à la page 26. Cet amendement est similaire à l'amendement BQ-11.1, qui avait été rejeté lors la dernière séance.

    Madame Lalonde, s'il vous plaît.

+-

    Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ): Il s'agit d'un rappel au Règlement, monsieur le président. Je dois d'abord vous dire que je ne serai pas féroce ce matin. Je devine que cela en rendra plusieurs contents. Je sais que vous ne me voulez pas de mal, mais je ne suis pas au meilleur de ma forme. Malgré cela, lorsque vous avez décidé de passer à un autre sujet mardi dernier, c'était à la suite du dépôt de ma motion. Il me semble que nous devrions recommencer par l'étude de cette motion. Si je suis venue ce matin, c'est pour débattre cette motion.

+-

    Le président: Parfait. Effectivement, vous avez raison, madame Lalonde, il y a un avis de motion que vous aviez déposé selon les règles. Il se lit comme suit:

    

Que, dans le contexte de son étude du projet de loi C-25, Loi régissant l'exploitation des systèmes de télédétection spatiale, l'Agence spatiale canadienne et RADARSAT International remettent au Comité, conformément à l'article 108(1)a) du Règlement, tout contrat qui lie les deux organisations et que le Comité examine lesdits contrats avant de continuer ses délibérations sur le projet de loi.

    Madame Lalonde, c'est votre avis de motion.

+-

    Mme Francine Lalonde: Monsieur le président, dans mon amendement précédent, qui a été rejeté—et je respecte le voeu de ce comité—, j'insistais sur la propriété de RADARSAT-2. Je souhaite que RADARSAT-2 ne puisse pas changer de mains pour se retrouver entre des mains étrangères, compte tenu du fait que la technologie a été largement développée au centre aérospatial et que les investissements des citoyens québécois et canadiens dans cet appareil sont importants. En conséquence, il doit nous importer de savoir ce qu'il advient de RADARSAT-2.

    Or, il est vrai que ce projet de loi a été rédigé à cause de RADARSAT-2, mais on n'y parle de RADARSAT-2 nulle part, parce que le projet de loi a été pensé en vue de réglementer, gérer, régir tout système de télédétection aérospatiale par radar. Pourtant, il a été rédigé à l'occasion de RADARSAT-2, sans que nous, parlementaires, ayons prise sur RADARSAT-2, ce qui constitue une situation frustrante que j'ai découverte au fur et à mesure, d'où ma volonté—et j'espère que mes collègues vont la partager—de voir le contrat. On peut le voir en secret, dans les mêmes conditions qu'on a vu un addendum commercial à l'entente entre le Canada et les États-Unis.

    Si on a été capables de voir un addendum à un traité entre le Canada et les États-Unis dans des conditions secrètes que nous avons tous acceptées, on pourrait en faire autant pour le contrat qui lie l'Agence spatiale et MDA ou SRI—un des deux, en tout cas, ou les deux. Alors, comme citoyens et comme représentants des citoyens, nous pourrions être en mesure de savoir si mes préoccupations, que d'autres partagent, obtiennent satisfaction, d'où ma volonté de voir l'étude ici, à ce comité.

    Monsieur le président, il y aura vote. Vous avez pu prendre les dispositions pour qu'on ait le contrat. Mon intention n'est pas de retarder le comité mais de voir le contrat. En conséquence, je suis prête à faire disparaître les quelques mots à la fin.

    Avant de continuer les délibérations sur le projet de loi, mon intention n'est pas de retarder le processus. Si ma motion est adoptée et qu'on n'a pas le contrat ici en ce moment, je voudrais juste qu'on décide de voir le contrat, parce qu'on pourrait vouloir formuler un amendement, même après l'adoption du projet de loi C-25.

¾  +-(0810)  

+-

    Le président: Si j'ai bien compris, madame Lalonde, vous nous dites que vous voulez enlever les mots « avant de continuer ses délibérations sur le projet de loi », « prior to proceeding further with the bill. »

    Vous seriez prête à poursuivre l'étude du projet de loi si votre motion était adoptée. Le projet de loi pourrait être adopté par ce comité et renvoyé à la Chambre, mais vous insistez pour que les contrats puissent, dans un avenir non précisé—je ne peux pas vous le dire tout de suite...

+-

    Mme Francine Lalonde: J'insiste pour qu'ils soient vus, et à ce moment-là, nous pourrons toujours les modifier. C'est le privilège d'un comité de faire cela.

+-

    Le président: Le greffier me dit qu'il faut obtenir le consentement unanime pour modifier votre motion, mais je vais d'abord donner la parole à M. McTeague.

[Traduction]

+-

    L'hon. Dan McTeague (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères): Monsieur le président, je comprends le député, mais il n'en demeure pas moins que c'est un autre exemple de tactique dilatoire pour retarder le projet de loi.

    Je veux faire quelques observations et je voudrais, par votre entremise, monsieur le président, demander si nous pourrions obtenir conseil de notre avocat ici présent.

    Je crois comprendre que si l'Agence spatiale canadienne devait divulguer à notre comité ces ententes-là, comme le propose Mme Lalonde, avec ou sans son amendement, des parties importantes seraient bloquées dans les tribunaux, car la politique de sécurité du gouvernement, entre autres choses, exige que les ministères et organismes gouvernementaux protègent les intérêts privés et les renseignements confidentiels. La politique de sécurité du gouvernement renvoie aux dispositions de la Loi sur l'accès à l'information quant aux motifs permettant de garder un renseignement confidentiel.

    Je dirais que, compte tenu des graves répercussions d'ordre juridique dont vous fait rapport M. Mann dans son opinion—je ne m'attends pas à ce que Mme Lalonde me croie sur parole—, vous pourriez avoir des préoccupations quant à la possibilité que des renseignements confidentiels soient divulgués ne serait-ce que devant le comité, et surtout, si vous voulez prendre connaissance de cette information, je dirais au Bloc québécois ou à quiconque est intéressé qu'il est toujours libre de présenter une demande d'accès à l'information.

    Par votre entremise, monsieur le président, je demanderais qu'on puisse entendre l'opinion de M. Mann.

+-

    Le président: Monsieur Mann, pourrions-nous connaître votre opinion?

+-

    M. Bruce Mann (avocat-conseil, Direction des services juridiques - Justice, ministère des Affaires étrangères): Oui, monsieur le président.

    L'opinion du ministère de la Justice, qui a été communiquée au ministère des Affaires étrangères, est que la divulgation des détails de ces ententes—il y en a un grand nombre et elles sont très volumineuses—ne serait pas dans l'intérêt public, c'est-à-dire que l'intérêt public commande de protéger le caractère confidentiel des renseignements commerciaux qui ont été communiqués au gouvernement sous le sceau du secret.

    La Loi sur l'accès à l'information comporte des dispositions traitant précisément de renseignements de ce genre et nous avons fourni des extraits de la loi dans le cahier de documentation, à l'onglet 5, page 2. Si je mentionne la Loi sur l'accès à l'information, c'est que la politique de sécurité du gouvernement, qui exige que le gouvernement garde confidentiels les renseignements de cette nature, est fondée sur les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information.

    J'ajoute—nous ne disons pas que nous en arriverions là—qu'en cas d'ordonnance de production de ces contrats, la Loi sur la preuve au Canada comporte des dispositions semblables à celles que j'ai décrites il y a quelques semaines durant votre séance à huis clos, aux termes desquelles le gouvernement peut s'opposer à la production de documents aux motifs énoncés dans la Loi sur l'accès à l'information, et l'affaire est alors tranchée en l'occurrence par la Cour fédérale.

    En toute justice, en rendant sa décision, la cour ne dirait pas simplement que les documents ne peuvent être divulgués ou qu'ils doivent l'être. La cour énoncerait aussi les circonstances dans lesquelles la divulgation pourrait avoir lieu, par exemple selon la suggestion de Mme Lalonde, c'est-à-dire que la divulgation pourrait se faire à huis clos.

+-

    Le président: Merci.

+-

    M. Bruce Mann: Je voudrais poursuivre dans la même veine. Les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information auxquelles j'ai fait allusion sont celles qui exigent que le gouvernement ne permette pas la divulgation de documents renfermant des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques et techniques—en l'occurrence, il s'agit de renseignements que MacDonald Dettwiler and Associates ou RADARSAT International ont communiqués à l'Agence spatiale canadienne dans l'élaboration de cette entente. De plus, il est interdit de divulguer des renseignements qui pourraient causer des pertes matérielles ou financières à MacDonald Dettwiler ou à RSI ou à quiconque, ou encore lorsque cette divulgation est susceptible de nuire à leur position concurrentielle. Enfin, les renseignements ne doivent pas être divulgués s'il y a possibilité d'empiètement sur les négociations contractuelles entre les parties à l'entente

    Pour ces raisons, de l'avis du ministère de la Justice, ces ententes ne doivent pas être divulguées.

¾  +-(0815)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Paquette, allez-y.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Monsieur le président, je pense que la motion de Mme Lalonde et l'explication qu'elle a donnée visent premièrement a obtenir l'assurance que les contribuables en ont pour leur argent dans ce dossier. On a appris pendant l'étude que le gouvernement avait mis indirectement à peu près 400 millions de dollars dans ce projet, par l'intermédiaire de l'Agence spatiale canadienne, et que l'exploitant privé y avait mis à peu près 90 millions de dollars. Dans ce sens, il faut s'assurer que ces 400 millions de dollars sont utilisés à bon escient. Il me semble tout à fait normal que le comité puisse prendre connaissance du contrat.

    Comme Mme Lalonde l'a dit, il ne s'agit pas de retarder les travaux du comité. Elle est prête à modifier sa motion afin que l'on puisse procéder à l'adoption ou au rejet du projet de loi C-25 immédiatement.

    Le troisième point qu'il est important de souligner est que le comité peut demander à voir le contrat. Si jamais le gouvernement considère que cela est contre l'intérêt de la Défense nationale, il nous fera valoir ses arguments. Actuellement, on prétend qu'on ne peut pas, même à huis clos—encore une fois, je pense que tout le monde s'entend là-dessus—et avec une clause de confidentialité, comme on l'a fait précédemment, avoir accès à ce contrat.

    Je pense que le comité doit demander à voir le contrat, et si le gouvernement considère qu'il a des raisons importantes de ne pas le présenter au comité, il lui appartiendra de faire valoir ses arguments. Mais pourquoi nous autocensurer alors qu'il en va de l'intérêt des citoyens du Canada et du Québec?

+-

    Le président: Merci, monsieur Paquette.

    Madame McDonough, c'est à vous.

[Traduction]

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président.

    Je tiens à dire qu'à mon avis, accuser notre collègue d'avoir présenté cette motion pour retarder davantage le projet de loi est tout simplement inacceptable. C'est un procès d'intention et c'est aussi...

+-

    Le président: Madame McDonough, qui a dit cela?

+-

    Mme Alexa McDonough: Le secrétaire parlementaire a dit cela quand il...

+-

    Le président: Non.

+-

    Mme Alexa McDonough: Absolument, il l'a dit.

+-

    Le président: Ça va, allez-y. Je ne sais pas.

+-

    Mme Alexa McDonough: Ce n'est vraiment pas utile quand nous venons ici pour faire notre travail le plus consciencieusement possible...

+-

    Le président: Ce n'est pas le cas, parce que Mme Lalonde dit qu'elle est disposée à retirer les derniers mots et que nous devrions poursuivre l'étude du projet de loi C-25. Cela veut dire que ce n'est pas une tactique dilatoire.

    Allez-y, madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: Eh bien, monsieur le président, je crois avoir le droit d'invoquer cet argument...

¾  +-(0820)  

+-

    Le président: Oui, bien sûr. Allez-y. C'est très bien.

+-

    Mme Alexa McDonough: ... parce qu'elle a dit exactement le contraire, comme vous l'avez vous-même entendu, et je pense donc que le secrétaire parlementaire devrait retirer son accusation. C'était une accusation.

    Mais je veux traiter de la motion elle-même. Je pense que, pour les raisons indiquées par Mme Lalonde, c'est tout à fait raisonnable que le comité cherche à obtenir des renseignements qui nous permettraient d'avoir une compréhension approfondie des conséquences de la teneur de ce projet de loi qu'on nous demande d'appuyer. S'il y a des raisons de sécurité supérieure justifiant de ne pas dévoiler certains renseignements particuliers, des renseignements précis qui figurent dans ce contrat, alors le gouvernement est tout à fait capable de le dire et d'agir en conséquence, en disant que la divulgation d'une partie de ce contrat pourrait effectivement causer des pertes financières à l'une des parties. Mais de dire que nous ne devrions pas considérer que c'est une sérieuse obligation de notre part de nous renseigner dans toute la mesure du possible, je trouve que ce ne serait pas faire preuve de diligence et que nous ne ferions pas consciencieusement notre travail. C'est pourquoi j'espère que tous les députés vont appuyer cette motion.

    Je dois dire, monsieur le président, sans vouloir manquer de respect à aucun de nos témoins, parce que c'est une décision du gouvernement et non pas la décision des fonctionnaires, du moins on peut le supposer, que je trouve que les explications qu'on nous donne quant aux raisons pour lesquelles nous ne devrions pas avoir accès à ce contrat constituent encore un autre rappel de l'erreur fondamentale que l'on commet au départ en ne conservant pas RADARSAT dans le domaine public. On dirait qu'on nous demande d'appuyer un document à l'aveuglette sans vouloir nous dire quelle est la teneur du contrat parce que cela pourrait nuire financièrement aux intérêts privés auxquels on refile cette entreprise après y avoir investi des quantités énormes des deniers publics. Cela semble extrêmement difficile à défendre.

    Quoi qu'il en soit, c'est la décision que le gouvernement a prise et je pense qu'il nous incombe et que nous avons également le droit de demander le plus de renseignements possible, étant bien sûr entendu que le gouvernement prendra toutes les mesures qu'il juge souhaitables ou nécessaires pour éviter de violer le caractère confidentiel et de nuire à une des parties.

    J'espère donc beaucoup que nous aurons la possibilité de prendre connaissance des renseignements que le gouvernement ne juge pas nuisible aux intérêts commerciaux. Je pense vraiment que c'est par ailleurs une insulte pour les parlementaires que de dire qu'on ne devrait pas nous faire confiance et que nous risquons d'ébruiter ces renseignements si on nous les communique. Je présume que c'est sur cette base qu'on nous a communiqué la teneur de l'annexe 1. S'il y a une telle paranoïa et si l'on estime qu'on ne peut pas faire confiance aux parlementaires en leur communiquant ces renseignements, alors on pourrait nous demander de signer un document de confidentialité. Ce n'est pas une pratique inhabituelle, et même si cela semble excessif et insultant, je pense que nous n'aurions pas d'objection à le faire, si cela nous permettait de faire notre travail convenablement.

    Cela dit, monsieur le président, j'espère que, voulant agir consciencieusement le plus possible, nous appuierons cette motion.

+-

    Le président: Je vais donner la parole à M. Sorenson, puis à Mme Phinney.

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Les fonctionnaires du ministère nous ont expliqué clairement que si nous faisons une demande d'accès à l'information, nous obtiendrons bien certains de ces contrats, mais la plupart des renseignements qu'ils contiennent auront été expurgés de toute façon pour respecter leur caractère confidentiel et différents traités, et peut-être aussi pour diverses raisons de sécurité nationale.

    Si nous adoptons cette motion, obtiendrons-nous davantage? Pouvons-nous espérer recevoir plus de renseignements de cette façon que nous n'en obtiendrions si chacun des partis de l'opposition ou du gouvernement faisait une demande d'accès à l'information? Si nous adoptions cette motion, obtiendrions-nous plus d'information que si nous présentions tout bonnement une demande d'accès à l'information? Ma question s'adresse aux représentants du ministère.

+-

    Le président: Monsieur Mann, nous vous écoutons.

+-

    M. Bruce Mann: En un mot, non. Le résultat serait le même parce que le gouvernement doit appliquer les principes de la Loi sur l'accès à l'information en vertu de la politique sur la sécurité gouvernementale. Cependant, comme je l'ai déjà signalé, il y a une autre possibilité. Si les renseignements vous étaient divulgués pendant une séance à huis clos, il est possible que vous ayez accès à certains éléments d'information supplémentaires qui ne doivent pas être rendus publics.

+-

    M. Kevin Sorenson: Il reste cependant qu'on aurait biffé de nombreux passages des contrats et des autres documents qu'on nous remettrait. Nous n'aurions donc pas accès à tous les renseignements. Est-ce exact?

+-

    M. Bruce Mann: C'est exact, dans une séance à huis clos.

+-

    M. Kevin Sorenson: Nous ne pourrons pas voir le document intégral. On peut donc penser, et c'est ce que vous avez confirmé très clairement, que même si le comité adoptait cette motion, nous n'aurions pas accès à tous les documents.

+-

    M. Bruce Mann: C'est exact. Je ne peux pas faire d'affirmation catégorique parce qu'en vertu des principes de la Loi sur l'accès à l'information, le gouvernement serait tenu de consulter les parties signataires de l'entente au sujet de la divulgation de renseignements, pour s'assurer qu'elles ne s'y opposent pas. En vertu de la Loi sur l'accès à l'information, si les parties s'y opposent, elles peuvent porter l'affaire devant la Cour fédérale.

¾  +-(0825)  

+-

    Le président: Madame Phinney.

+-

    Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): J'aimerais répondre aux propos de ma collègue Mme McDonough, qui a dit que les renseignements ne seraient pas divulgués aux médias si nous en prenions connaissance à huis clos. J'ai siégé à une réunion d'un comité où des avocats nous ont très longuement expliqué que nos délibérations étaient à huis clos et que nous ne devions pas en parler à quiconque de l'extérieur et surtout pas aux médias. Or, le président et un certain nombre de membres du comité—dont un de l'opposition, si je ne m'abuse, sont sortis et ont parlé aux médias exactement de ce qui s'était discuté à huis clos. Et cela aura pu compromettre l'issue d'une affaire qui était devant les tribunaux.

    Il faut donc savoir que même si nos délibérations sont à huis clos, il peut toujours y avoir des fuites. Il n'y a aucune garantie que nos discussions resteront confidentielles. Je n'accuse personne d'être malhonnête, mais il y a des gens pour qui les médias sont extrêmement importants et il y a d'autres personnes qui sont autorisées à rester dans la salle pendant que nous discutons à huis clos. À mon avis, nous ne pouvons pas être sûrs que nos délibérations vont rester confidentielles même si nous les tenons à huis clos.

+-

    Le président: Monsieur Bevilacqua.

+-

    M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan, Lib.): J'aimerais suivre jusqu'au bout le raisonnement de Mme Lalonde. Disons que nous prenons connaissance de ces contrats; que ferons-nous ensuite? Que souhaitez-vous que nous fassions de ces renseignements?

    Croyez-vous que le comité devrait avoir le pouvoir de résilier des contrats? Devrions-nous nous prononcer sur leur contenu? Selon M. Mann, nous n'aurons pas accès à l'information intégrale. Je me demande où vous voulez en venir? Que souhaitez-vous faire, concrètement?

+-

    Le président: Très bien, monsieur Bevilacqua.

    Mme McDonough veut intervenir. Voulez-vous prendre la parole après elle, madame Lalonde?

    Mme McDonough a la parole, puis ce sera au tour de Mme Lalonde.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Tout d'abord, je voudrais répondre à monsieur Bevilacqua, s'il vous plaît.

+-

    Le président: Oui. Allez-y, madame Lalonde.

+-

    Mme Francine Lalonde: Monsieur Bevilacqua, j'ai déjà dit à quelques reprises que ce qui me touche le plus, c'est la question de la propriété et des droits sur le développement de la technologie. Ce sont les points qui me touchent, qui me concernent.

    Nous pourrions, en tant que comité—je me suis informée sur cette question—, proposer un amendement. Nous pourrions faire en sorte que, en cas de vente à l'étranger, on puisse exiger que cela revienne à l'agence.

+-

    Le président: Merci.

    Madame McDonough, c'est à vous.

[Traduction]

+-

    Mme Alexa McDonough: C'est une question tout à fait légitime, mais j'y répondrai que nous sommes chargés de veiller à l'intérêt public et d'adopter des projets de loi qui servent l'intérêt public. Si nous n'avons pas assez d'information pour avoir l'assurance que ce projet de loi protège et sert l'intérêt public, nous avons la responsabilité de voter en conséquence.

    On nous demande d'adopter ce projet de loi sans même avoir pu prendre connaissance de la teneur du projet de loi et du contrat. On nous demande d'appuyer un projet de loi qui autorisera le transfert de ces intérêts à une société privée. Nous n'avons pas assez d'information pour prendre cette décision en connaissance de cause. En dernière analyse, nous votons pour ou contre un projet de loi après avoir déterminé qu'il sert ou ne sert pas l'intérêt public.

    Mme Phinney a dit que n'importe qui pourrait quitter la salle et violer la confidentialité des délibérations. Voilà justement pourquoi j'ai suggéré, pour apaiser de telles inquiétudes, que nous assumions chacun la responsabilité de nos actes. Cependant, la méfiance étant grande, on pourrait demander aux gens de signer une entente de confidentialité; cela s'est déjà fait. Nous nous trouvons dans la situation peu habituelle de ne pas avoir accès à tous les renseignements qui nous permettraient de prendre une décision en connaissance de cause. Voilà pourquoi nous sommes saisis de cette motion.

+-

    Le président: Monsieur Sorenson.

+-

    M. Kevin Sorenson: Nous parlons de contrats, mais, j'aimerais bien savoir, est-il question de...?

    Quand nous avons demandé l'annexe deux, on nous a remis une page et certains renseignements sur la nature de l'annexe deux. Il ne sera probablement pas aussi facile de prendre connaissance des documents que nous demandons à présent.

    S'agit-il de plusieurs volumes? Sommes-nous en mesure de...? Si nous faisons une demande, on pourrait nous remettre un texte d'une page et demie dont certains passages auraient été biffés. Mais si on nous remet des documents volumineux qu'il nous faudra des semaines à lire et dont des pages entières seraient expurgées, nous risquons de nous lancer dans un exercice tout à fait stérile.

    J'aimerais demander aux représentants du ministère de combien de pages de document il s'agit?

¾  +-(0830)  

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Brulé.

+-

    M. Luc Brulé (directeur, Projets d'observation de la terre, Programmes spatiaux, Agence spatiale canadienne): Si on retourne à la motion comme telle, elle demandait plusieurs documents. On a déjà un certain nombre d'ententes avec McDonald, Dettwiler and Associates et avec RSI. Mais si je comprends bien, la discussion ici porte surtout sur l'entente avec MDA pour RADARSAT-2.

    Si on se met d'accord sur le fait que c'est l'entente avec MDA sur RADARSAT-2, on parle d'un document d'environ 300 pages, un document très compliqué. C'est une entente qui ressemble à un contrat, avec un texte principal qui contient environ 30 articles inclus dans à peu près une trentaine de pages. Ce document contient aussi plusieurs annexes et appendices. C'est surtout là que les détails sont inclus. Il y a environ 270 pages d'appendices et d'annexes, et c'est là qu'il y a un travail important à faire pour effectuer la vérification de la confidentialité et des aspects de sécurité nationale. Il y a peut-être aussi certains articles principaux qui devraient être révisés en détail, mais, en gros, c'est cela.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Lalonde, c'est à vous.

+-

    Mme Francine Lalonde: Monsieur le président, j'espère vivement que la perspective de devoir lire plusieurs pages n'empêchera pas mes collègues conservateurs d'être d'accord sur la motion.

    Je tiens à répéter que je trouve troublante cette opération qui s'est passée sans que jamais le Parlement ne puisse s'en saisir et qui a fait que, d'un système où RADARSAT-1 était détenu par l'agence, on est passé à RADARSAT-2, où la propriété était privée. En plus, les conditions de cette privatisation ne sont pas connues. Tout ce qu'on a dans le projet de loi est l'énumération des pouvoirs du ministre par rapport à l'acquisition de licences, et il y a des amendes importantes justement parce qu'il peut y avoir des problèmes importants. Ce sera la première fois qu'on vivra une situation dans laquelle cet engin, qui a une capacité de faire des images si sensibles que les États-Unis ont voulu préciser sa portée, sera opéré par le secteur privé.

    J'ai posé la question sur les priorités, et il semble que la condition des priorités soit dans le contrat. J'imagine que plusieurs questions qu'on a posées ici sont précisées dans le contrat. C'est pourquoi je dis qu'il faut voir le contrat. Si on pense qu'il y a des choses à changer, on pourra voir si c'est possible. Mais voyons le contrat, voyons les conditions de propriété et voyons à quoi servent ces 430 millions de dollars qui sont investis. Peut-être y en aura-t-il davantage: on a seulement vu l'annonce de 225 plus 108 millions de dollars. On n'a pas vu le reste, même si j'ai cherché.

    J'espère que mes collègues à ma droite vont voter avec nous, et ceux d'en face aussi.

¾  +-(0835)  

+-

    Le président: Merci, madame Lalonde.

    Maintenant, vous avez l'avis de motion.

[Traduction]

    Je vais mettre la motion aux voix.

[Français]

    On demande un vote par appel nominal, monsieur le greffier.

[Traduction]

    (La motion est rejetée par 7 voix contre 3.)

[Français]

+-

    Le président: Nous allons maintenant passer à l'article 16. Nous allons examiner l'amendement BQ-12 du Bloc québécois. J'ai simplement dit, au tout début, que cet amendement était semblable à l'amendement BQ-11.1 du Bloc québécois et à l'amendement NPD-14 du NPD, qui avaient été défaits la dernière fois.

    Madame Lalonde, voulez-vous parler de l'amendement BQ-12 du Bloc québécois, qui porte sur l'article 16?

+-

    Mme Francine Lalonde: Excusez-moi, je ne suis pas au meilleur de ma forme, je vous l'ai dit. Je pense que le texte est clair, et j'ai argumenté à plusieurs reprises sur cette question.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur McTeague.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Monsieur le président, la proposition 11.1, semblable à celle-ci, a été rejetée le 22 mars. À mon avis, comme cette motion est très semblable, le gouvernement doit montrer qu'il a de la suite dans les idées. Nous n'appuierons pas cette motion.

+-

    Le président: Merci.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Et nous devrons soulever les mêmes arguments au moment d'examiner l'amendement 14 du NPD. Il y a une grande similitude.

+-

    Le président: D'accord.

[Français]

    Madame Lalonde, ça va? Je peux tout simplement dire que cet amendement est irrecevable, car on en a déjà disposé. C'est le même amendement que l'amendement BQ-11.1 que le Bloc québécois avait présenté. Ces deux amendements sont absolument identiques. Selon les règles qui nous régissent, je peux tout simplement dire que cet amendement est irrecevable. Je veux savoir si vous voulez aller de l'avant. Sinon, on va le déclarer irrecevable, parce qu'on en a déjà disposé. Ça va?

+-

    Mme Francine Lalonde: Ça va.

+-

    Le président: Parfait, merci.

    Donc, l'amendement BQ-12 est déclaré irrecevable. C'est la même chose pour l'amendement NPD-14.

[Traduction]

    Madame McDonough, je viens de signaler que l'amendement NPD-14 est identique à celui dont nous avons déjà disposé relativement à l'article 15—l'amendement 11.1 du Bloc québécois. Il est également identique à l'amendement 12 du Bloc québécois. L'amendement n'est donc pas recevable parce qu'il est identique à un autre amendement sur lequel le comité s'est déjà prononcé. C'est ce que prévoit notre règlement.

    Madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: Monsieur le président, ce n'est pas le même amendement. Il porte sur le même sujet, mais ce n'est pas le même.

    De fait, monsieur le président, si je pouvais commenter brièvement l'amendement NPD-14, j'allais dire, suite à la discussion qui a été tenue—et j'espère que nous saisissons et comprenons mieux ce dont il s'agit ici, à force d'écouter les arguments de chacun—en partie en réponse aux questions soulevées lors de la dernière discussion sur ce point, un amendement mineur à NPD-14 se lirait comme suit :

Nul ne peut transférer un système de télédétection spatiale activement employé par le gouvernement du Canada, ou une partie de celui-ci, à un non-résident canadien au sens de la Loi canadienne sur les sociétés par actions

    Lorsque nous avons discuté de ce point la dernière fois, c'est M. Menzies, je crois, qui a soulevé la question—ou peut-être était-ce M. Sorenson, je n'en suis pas sûre—des conséquences si un système de télédétection spatiale...

¾  +-(0840)  

+-

    Le président: Me permettez-vous d'intervenir, madame McDonough? Je suis d'accord avec vous. Il n'est pas en tout point identique à BQ-12 parce qu'il comporte les paragraphes (3) et (4). Le (3) est le même et nous avons déjà statué sur son cas. Ce n'est pas recevable. En revanche, vous pouvez commenter le 4 « aucun non-résident canadien ne peut exploiter un système de télédétection spatiale ou une partie de celui-ci. » De cela, vous pouvez discuter. C'est l'amendement dont le comité est actuellement saisi et que vous proposez. C'est bon; allez-y.

+-

    Mme Alexa McDonough: Monsieur le président, je ne suis pas sûre de comprendre votre décision.

[Français]

+-

    Le président: Lorsqu'un sujet a déjà été traité ou qu'un amendement a déjà été proposé, on ne peut pas revenir sur le même amendement dans un autre article. Le paragraphe 16(3) proposé dans l'amendement 14 du NPD, qui commence par « Nul ne peut transférer un système [...] », a déjà été débattu et rejeté. Il est donc irrecevable.

    Par contre, la deuxième partie de l'amendement est recevable. Il s'agit du paragraphe 16(4) proposé:

    

    (4) Aucun non-résident canadien ne peut exploiter un système de télédétection spatiale ou une partie de celui-ci.

    Cet amendement est recevable. C'est de lui que vous devez parler, s'il vous plaît.

[Traduction]

+-

    Mme Alexa McDonough: Dans ce cas, monsieur le président, j'aimerais présenter le même argument. Dans l'examen de la question d'un système de télédétection spatiale devenu désuet ou qui ne présente plus aucun intérêt pour les Canadiens—le gouvernement du Canada ne s'en sert pas ou ne souhaite pas le faire—, il faudrait permettre dans la loi que quelqu'un d'autre que le propriétaire puisse s'en porter acquéreur et l'exploiter. J'aimerais que l'on règle cette question en ajoutant une mention qu'aucun non-résident canadien ne peut exploiter un système de télédétection spatiale activement employé par le gouvernement du Canada, ou une partie de celui-ci.

+-

    Le président: Le greffier me dit à l'instant que vous ne pouvez pas modifier votre propre motion; quelqu'un d'autre doit le faire. Quand la motion est en débat, son auteur ne peut pas la modifier.

    M. Paquette accepte de le faire.

    Quel est le sous-amendement?

+-

    Mme Alexa McDonough: Il s'agit d'ajouter « activement employé par le gouvernement du Canada » après « système de télédétection spatiale ».

+-

    Le président: Quelqu'un veut-il commenter le sous-amendement? Nous sommes déjà saisis de l'amendement.

    (Le sous-amendement est rejeté.)

+-

    Le président: Nous revenons maintenant à l'amendement NPD-14 de Mme McDonough.

    (L'amendement est rejeté.)

+-

    Le président: L'article 16 est-il adopté tel quel?

    (Les articles 16 à 19 inclusivement sont adoptés.)

    (L'article 20—Règlements)

+-

    Le président: À l'article 20, l'amendement NPD-15 se trouve à la page 28 de la liasse.

    Madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: Monsieur le président, il est proposé que le projet de loi C-25, à l'article 20, soit modifié par adjonction, après la ligne 19, page 16, de ce qui suit :

f.1) régir l'utilisation finale des données brutes et des produits dérivés en conformité avec les principes sur la télédétection, résolution 41/65 adoptée le 3 décembre 1986 lors de la 41e session de l'Assemblée générale des Nations Unies;

    Monsieur le président, il s'agit ici d'une question évoquée par des témoins qui se sont inquiétés, à raison je crois, de la possibilité que nous passions des marchés qui pourraient avoir des effets sur l'espace extra atmosphérique. Pour plus de précision, il me semblerait approprié d'apaiser ces craintes à l'aide d'un amendement qui précise bien qu'en aucun cas les principes auxquels nous avons souscrit en matière de télédétection de la Terre à partir de l'espace extra atmosphérique ne seraient enfreints. Je demande l'appui du comité.

¾  +-(0845)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur McTeague.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Très brièvement, monsieur le président, les principes de l'ONU ont fait l'objet de diverses interprétations au cours des 20 dernières années; leur incorporation par renvoi, ainsi qu'il est proposé, pose problème. Si ces principes devaient être remplacés, annulés ou réinterprétés d'une manière qui ne rencontre pas l'agrément du Canada, le gouvernement serait paralysé et ne pourrait prendre de règlement qui régisse l'utilisation finale des données. C'est pourquoi nous avons rédigé l'alinéa 8(4)c) de manière à interdire aux titulaires de licence de cacher des données aux États télédétectés à des fins acceptables pour le ministre. Je conseille de voter contre la motion.

+-

    Le président: Y a-t-il d'autres interventions?

    Madame Lalonde.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Monsieur le président, je suis un peu fâchée de la réponse du secrétaire parlementaire. L'intention ici est claire. C'est une intention honnête et louable que demander qu'on nous dise, sans vraiment donner d'explication, pourquoi le Canada ne respecterait pas les principes. Le secrétaire d'État pourrait suggérer qu'on ajoute « de même que les addenda de telle et telle période ».

    Est-il en train de dire que nous ne devrions pas endosser les principes sur lesquels non seulement le Canada mais un très grand nombre de pays ont été d'accord? Est-ce là ce qu'il veut dire, sans donner d'autre explication que l'explication technique selon laquelle cela limiterait les pouvoirs du ministre? En effet, c'est pour cela qu'on signe des conventions internationales, soit pour guider et diriger les pouvoirs. J'aimerais avoir une explication de principe plus satisfaisante que celle que j'ai entendue, si possible.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Je vous l'ai déjà donnée.

    Je veux ajouter que, évidemment, je ne suis pas secrétaire d'État mais secrétaire parlementaire. Si vous voulez faire le changement, on peut le faire. Merci.

+-

    Le président: Ça va.

    Merci, madame Lalonde.

[Traduction]

    Nous allons maintenant mettre aux voix l'amendement NPD-15 concernant l'article 20.

    (L'amendement est rejeté.)

¾  +-(0850)  

[Français]

+-

    Le président: Nous allons interrompre l'étude article par article du projet de loi C-25 à l'article 20. Nous reprendrons ce sujet très probablement mardi matin, le 5 avril, au retour du congé pascal.

    Maintenant, nous allons passer, tel que prévu dans nos règles, aux autres affaires.

    J'ai deux sujets à prendre en considération. Le premier sujet est une demande que nous avons reçue

[Traduction]

de M. Valeri, leader du gouvernement à la Chambre des communes—Certificat de nomination de Paul Gobeil, président du conseil d'administration d'Exportation et Développement Canada, conformément au paragraphe 110(2) du Règlement—Document parlementaire no 8540-381-8-08. (Conformément au paragraphe 32(6) du Règlement, renvoi au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international).

    Quelqu'un veut-il intervenir sur la nomination de

[Français]

M. Paul Gobeil au poste de président du conseil d'administration d'Exportation et développement Canada?

    Monsieur Paquette, allez-y.

+-

    M. Pierre Paquette: Nous ne sommes pas en désaccord sur cette nomination, mais ce serait intéressant de pouvoir rencontrer M. Gobeil, en particulier si les orientations de la politique étrangère nous sont un peu connues.

[Traduction]

+-

    Le président: Cette nomination est-elle adoptée?

    Des voix: Adoptée.

    Le président: La deuxième concerne un dénommé Wright. Je vais à nouveau en faire la lecture :

Conformément au paragraphe 32(2) du Règlement, M. Leblanc (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes) dépose sur le bureau, — Certificat de nomination de Robert A. Wright, président de Exportation et Développement Canada, conformément au paragraphe 110(2) du Règlement. — Document parlementaire no 8540-381-8-08. (Conformément au paragraphe 32(6) du Règlement, renvoi au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international).

    Quelqu'un veut-il intervenir au sujet de cette nomination?

    Des voix: Adoptée.

    Le président: Nous allons suspendre la séance quelques instants; elle reprendra à 9 heures en compagnie de M. Wolfensohn.

¾  +-(0851)  


¿  +-(0904)  

+-

    Le président: Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, examen des questions liées au Groupe de la Banque mondiale.

[Français]

    Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin le président de la Banque mondiale, M. James Wolfensohn.

[Traduction]

    Bienvenue à notre comité, monsieur Wolfensohn.

    On a remis aux députés une biographie qui relate vos états de service et votre carrière distinguée à la Banque mondiale. Je me contenterai donc de dire que les dix ans de votre mandat comme président de la banque ont été très mouvementés. Nous avons je crois une très grande chance d'avoir quelqu'un de votre stature et de vos convictions à ce poste très important. Vous avez mis la barre très haut pour votre successeur.

[Français]

    La dernière visite des membres du comité au siège social de la Banque mondiale à Washington remonte au printemps 1995, peu de temps après l'examen en profondeur de la politique étrangère canadienne et tout juste avant votre nomination à la présidence.

[Traduction]

    Nous sommes toujours saisis d'un grand nombre de questions concernant le rôle des institutions financières internationales et les défis que représentent le développement, la pauvreté et la dette dans le monde. Vu vos dix années d'expérience à la tête de la plus grande institution mondiale de financement du développement, c'est avec plaisir que nous écouterons vos vues et vos conseils à l'occasion de nos travaux sur les orientations à donner à la politique canadienne en la matière.

    Merci de nous consacrer généreusement de votre temps en comparaissant devant nous. Après votre déclaration, mes collègues vous poseront des questions.

[Français]

    Bienvenue, monsieur Wolfensohn.

+-

    M. James Wolfensohn (président, Le Groupe de la Banque Mondiale): Merci, monsieur le président, pour cet accueil.

[Traduction]

    Je suis très heureux d'être ici et désolé de venir à dix semaines à peine de mon départ. Cela me donne toutefois la latitude de dire quantité de choses puisqu'il serait difficile pour le comité de réduire mon salaire des deux prochains mois.

    J'apprécie beaucoup l'occasion qui m'est donnée d'être ici. Sachez, monsieur le président, que j'ai eu l'occasion de travailler avec le Canada grâce à ses divers représentants au cours des dix années de mon mandat; j'ai pu compter en particulier sur l'appui et les conseils de Marcel Massé, qui est votre directeur exécutif, et qui n'est pas étranger à ces lieux.

    Je sais qu'il faudrait passer aux questions le plus rapidement possible mais accordez-moi quelques instants pour dire que l'institution dont vous êtes un gros actionnaire et à laquelle vous avez accordé un soutien magnifique se penche sur des problèmes qui occupent le comité. Il s'agit des aspects humains du développement, le défi que présente la pauvreté et la nécessité d'apporter un soutien non seulement humain mais aussi un soutien sous forme d'infrastructure, duquel il est indissociable.

    La principale question à régler que je vous laisse au moment où je quitte mes fonctions est celle du nouvel équilibre qui règne sur la planète. Des 6 milliards d'habitants que compte la planète, 5 milliards se trouvent dans des pays en développement; ils représentent environ 20 p. 100 du PIB mondial, soit 7 à 8 billions de dollars. Comme vous le savez tous, dans ces pays règne une grande misère et c'est là que nous essayons d'atteindre les objectifs de développement du millénaire en matière de pauvreté, de santé et d'environnement auxquels le gouvernement du Canada a souscrit. Nous sommes en voie de les atteindre, mais tout juste. Il est certain que nous n'atteindrons pas les objectifs de manière systématique d'ici à 2015 même si en principe certains le seront grâce aux progrès réalisés en Inde et en Chine.

    Dans les 25 prochaines années, les cinq  milliards sur six milliards deviendront sept milliards sur huit  milliards dans le monde en développement, dont deux seront dans le monde en développement et à peine 50 millions dans le monde industrialisé. D'ici à 2050, ce sera huit milliards sur neuf milliards d'habitants. Parallèlement à cela, la croissance économique dans le monde en développement passera de 7 billions à plus de 40 billions de dollars, une augmentation de six ou sept. Pour le Canada, le défi est donc non seulement de nature démographique; sont en jeu des marchés pour vos produits et services puisque le monde en développement représentera non plus 20 mais bien 40 p. 100 du PIB mondial.

    Où se situe le Canada dans ce tableau? Monsieur le président, vous avez déjà manifesté des appuis et annoncé le souhait de doubler votre aide au cours des cinq prochaines années. À son sommet, elle représentait 0,54 p. 100 du PIB. Elle se situe actuellement à 0,29 p. 100. Dans les cinq prochaines années, vous passerez à 0,32 p. 100 ou 0,33 p. 100 de votre PIB.

    Je suis reconnaissant que vous ayez admis qu'il vous faut augmenter votre contribution déjà considérable à l'IDA, qui, de l'avis général, est l'institution multinationale de développement la plus efficace qui soit. Nous sommes très reconnaissants du travail que nous faisons avec les Canadiens et nous collaborons très étroitement avec l'ACDI et dans de nombreuses initiatives, y compris celle sur la santé, où votre gouvernement et votre Parlement ont joué un rôle si éminent.

    Pour avoir lu les journaux du matin, au cas où je l'aurais oublié, je me souviens maintenant que je vous dois une réponse au sujet de la tuberculose. Avec mon article d'hier, je pensais ne recevoir que des fleurs à mon arrivée ici, ayant tenu des propos aimables à l'endroit du Canada, mais je vois que votre presse n'a pas changé et que l'on ne remporte guère de succès en applaudissant la foule.

    Je crois que cela exige une réponse sérieuse. L'image que nous avons de nous-mêmes c'est que nous ne bernons pas le monde dans notre combat contre la tuberculose; nous luttons contre elle en renforçant les soins de santé de base, absolument indispensables à l'aide contre la tuberculose. Vu cet article, toutefois, je vais y regarder de plus près à mon retour et je vais m'assurer de bien faire ce que M. Attaran réclame de moi avant que je quitte mon poste, à savoir rendre public où nous en sommes et ce que nous allons faire. Je communiquerai expressément avec vous au sujet de cet article. De fait, je remercie M. Attaran de m'avoir signalé la chose.

¿  +-(0905)  

    Dans la situation actuelle donc, le Canada est un acteur très important, mais, si vous me permettez de le dire, c'est également une situation qui me cause une certaine frustration en raison de mes liens de longue date avec le Canada, des liens qui remontent à 1959. Cette frustration que j'éprouve tient au fait que le Canada pourrait de bien des façons être un exemple en montrant la voie à suivre dans le dossier du développement. Il ne s'agirait pas nécessairement d'argent, monsieur le président, mais surtout du fait qu'alors que le Canada ne compte qu'un demi pour cent de la population mondiale, son PIB représente 3 p. 100 de celui du monde entier. Le Canada est également une société bilingue et multiculturelle. Le Canada est un pays qui comprend un grand nombre des problèmes qui interpelleront le monde de demain, et notamment les grands mouvements de population dus aux migrations, et vous avez un talent tout particulier dans toutes ces choses dont le monde en développement a besoin, en l'occurrence l'éducation, l'agriculture et l'exploitation minière.

    Si le Parlement et le gouvernement du Canada axaient leur attention sur la question de la création de capacités, cela ne coûterait pas des sommes énormes à l'État canadien, mais cela permettrait pourtant au Canada de se positionner vraiment au coeur du processus du développement au lieu de se borner à n'être qu'un participant utile. Je formule l'espoir que dans les années à venir, grâce à nos rapports avec votre représentant au sein de notre conseil et aussi en travaillant directement avec l'ACDI, certains des programmes que nous avons entamés pourront être élargis afin que le reste du monde puisse ressembler davantage au Canada et que nous puissions également profiter de votre expérience.

    La dernière chose que je voudrais vous dire, monsieur le président, c'est que nous avons, à la Banque mondiale, créé un réseau interparlementaire qui fonctionne extraordinairement bien. Il est actuellement composé de 500 députés issus de très nombreux pays qui sont en liaison avec nous et qui se réunissent tous les ans. Il y a parmi eux un tout petit nombre de Canadiens. S'il était possible d'accroître ce niveau de représentation du Canada, cela serait à mon avis non seulement profitable pour nous, cela le serait également pour les participants. Je vais vous faire remettre plus de renseignements sur ce réseau interparlementaire dans l'espoir que vous pourriez y participer plus efficacement. Ce n'est pas un groupe de parlementaires comme les autres, il s'agit plutôt ici d'attaquer très sérieusement les problèmes fondamentaux du développement. Si le Canada y était davantage représenté, nous en serions plus forts et je pense que cela rejaillirait également sur le Parlement canadien.

    C'est avec plaisir que je répondrai maintenant aux questions, monsieur le président.

¿  +-(0910)  

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Wolfensohn.

    Si tous les membres du comité sont d'accord, nous allons maintenant passer aux questions et réponses. Je vais donner dix minutes à chacun des partis, dix minutes que vous pouvez partager entre vous si vous le souhaitez. Nous allons donc commencer comme à l'habitude par l'opposition officielle.

    Monsieur Day, la parole est à vous.

+-

    M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Wolfensohn, je tiens d'abord à vous féliciter pour vos états de service. Vous avez été à la hauteur de votre réputation de réformiste, quelqu'un qui secoue un peu le cocotier de votre propre bureaucratie. Je voudrais également vous féliciter d'avoir rejoint comme vous l'avez fait le monde des ONG, car c'est quelque chose qui nous tient beaucoup à coeur.

    Peut-être pourriez-vous nous dire un mot à propos de ceci. Vous avez parlé des problèmes fondamentaux. Nous savons que la pauvreté n'est pas fortuite, pas plus que la prospérité. Il y a certaines choses qui en sont la genèse et d'autres qui les perpétuent.

    À ma connaissance, le président Bush et notre premier ministre veulent un effort constant dans le sens de l'allégement de la dette des pays en développement, mais on semble de plus en plus mettre l'accent sur la bonne gouvernance—ce à quoi nous souscrivons—comme genre de préalable à l'établissement de bonnes relations entre un régime et la Banque mondiale.

    Puisqu'il s'agit d'un problème fondamental, que faites-vous de cela? On ne voudrait pas prendre moralement le risque de voir certains régimes penser que la Banque mondiale va tout leur pardonner et que leur dette va disparaître, ce que nous souhaitons pourtant. On ramène le compteur de leur dette à zéro. On veut avoir des conditions propices à l'avènement de la prospérité—un libre marché, un gouvernement moins envahissant, moins lourd et moins centralisé—afin que le citoyen puisse commencer à produire sa propre richesse.

    Mais où tirez-vous la ligne? Quel genre de pression la Banque mondiale, selon vous, commence-t-elle à exercer? Et comment le Canada pourrait-il lui aussi faire pression pour arriver à ce juste milieu qui consiste à vouloir encourager la prospérité et la bonne gouvernance sans pour autant créer ce genre de risque moral qu'on peut associer à l'apurement d'une dette publique et à la tolérance à l'endroit de certains régimes qui ne devraient peut-être pas pouvoir obtenir le genre d'aide financière dont ils profitent pourtant?

+-

    M. James Wolfensohn: La question que vous venez de poser porte sur l'aspect central de notre travail. Nous pourrions consacrer toute la matinée à y répondre, mais je vais essayer d'aborder les facteurs essentiels.

    Mis à part l'allégement de la dette, il faut tout d'abord tenir compte du fait qu'il est impossible de s'attaquer à la pauvreté à moins qu'il y ait croissance économique. La redistribution de la richesse n'a pas fonctionné. Il faut qu'il existe des conditions propices à la croissance économique. Donc, le premier facteur, c'est la croissance économique. Comment assure-t-on la croissance économique et en quoi doit-elle consister? Il faut qu'il s'agisse d'une croissance économique équitable sur le plan social, parce que se contenter d'enrichir les riches et de laisser le reste de la population s'appauvrir ne permet pas de régler le problème de la pauvreté et en fait nuit à la croissance d'une économie de marché.

    Très brièvement, à Monterrey, après avoir établi les objectifs du millénaire en l'an 2000—mais en fait cela n'avait rien à voir avec l'établissement des objectifs du millénaire—on a créé un équilibre entre les initiatives que devraient prendre les pays riches et les pays pauvres. Je crois qu'il s'agit des conditions préalables, pour répondre à votre question.

    Il s'agit tout d'abord des mesures que doivent prendre les pays en développement. Ils ont dit, et les pays africains l'ont depuis confirmé sans avoir fait l'objet de pressions, puisqu'il ne s'agissait pas d'une condition, qu'il y a quatre facteurs qui sont nécessaires. Le premier c'est qu'il faut renforcer les capacités. Il est impossible de diriger un pays dans tous ses aspects à moins d'avoir des personnes compétentes dans les postes clés, et pas simplement les postes clés, mais aussi dans d'autres secteurs comme l'enseignement et la santé, entre autres. Donc, la première contrainte, c'est le développement des capacités. C'est un secteur où le Canada peut apporter son aide, pour répondre à la dernière partie de votre question.

    La deuxième condition nécessaire, c'est l'établissement d'un cadre qui assure la protection des droits. Le rôle de la réforme légale et judiciaire et la protection des droits des particuliers et des investisseurs sont une condition indispensable à la croissance.

    La troisième condition nécessaire, c'est l'établissement d'un système financier qui est transparent, qui n'est pas corrompu et qui sert à la fois les grandes entreprises et les simples citoyens. C'est une condition préalable indispensable pour favoriser le genre d'environnement que vous décrivez.

    La quatrième condition, c'est qu'il faut s'attaquer à la corruption. Comme je l'ai dit il y a dix ans, la corruption demeure le cancer qui ronge le domaine du développement. Permettez-moi de dire rapidement que ce ne sont pas simplement les gens corrompus, mais aussi les corrupteurs qui souvent ne proviennent pas des pays en développement mais de pays riches.

    Si vous demandez quelles sont les conditions préalables que nous devons réunir, voilà en quoi consiste les conditions indispensables dont on a vraiment besoin. Une fois ces conditions en place, on peut alors s'interroger sur la façon d'assurer un programme de développement équitable. Il doit s'agir en fait d'une approche exhaustive qui, en plus des conditions préalables indiquées, englobe des programmes sociaux, l'éducation, la santé, les infrastructures et tous les aspects qui s'y rattachent. Cela va pratiquement de soi aujourd'hui; en fait, il s'agit du fondement du modèle de développement qui existe aujourd'hui. On peut débattre de l'ensemble de ces aspects et de la façon de les mettre en oeuvre et ainsi de suite, mais je crois que l'on s'entend sur les principes fondamentaux.

    En ce qui concerne les pays riches, ils se sont engagés à contribuer au développement des capacités. Ils se sont engagés à assurer l'ouverture des marchés; la série de négociations commerciales, le cycle de négociations de Doha, est un aspect déterminant de l'avenir du développement. Nous nous sommes engagés à fournir une aide efficace, exempte de tout gaspillage et de toute corruption, mais une aide accrue.

    En ce qui concerne l'engagement pris par les pays riches, les résultats ne sont pas vraiment probants—même si nous ne cessons d'en parler. Cela fait partie de notre religion et de notre mantra. Si nous avions plus de temps, je pourrais vous présenter la réalité de la situation et vous convaincre qu'il est possible que nos gestes ne reflètent pas nos paroles.

    La question de l'aide comprend aussi l'allégement de la dette, initiative que nous avons lancée il y a neuf ans dans le cadre du programme à l'intention des pays pauvres très endettés, qui a permis la remise de dettes d'une valeur d'environ 50 milliards de dollars. J'ai toujours considéré que la véritable question n'était pas simplement l'allégement complet de la dette, parce que si une personne boit ou prend de la drogue ou est incompétente, la remise de ses dettes n'est qu'un palliatif : elle répète les mêmes comportements et s'attire les mêmes ennuis; elle accumule à nouveau des dettes et il faut une fois de plus l'aider.

    L'allégement de la dette n'est qu'un élément de l'aide qu'il faut apporter aux pays en développement. Ce n'est pas la solution; c'est un élément de la solution.

¿  +-(0915)  

    La question que l'on doit alors se poser c'est jusqu'où doit-on aller? Ce qui est absent du marché international, c'est un système de faillite ou de réorganisation qui existe dans la plupart des pays. L'Initiative d'aide aux pays pauvres très endettés vise à permettre à ces pays d'arriver à un niveau d'endettement soutenable qui leur permet toutefois de progresser, comme dans le cas d'une personne qui réorganise ses affaires financières avec les créanciers ou qui déclare faillite. Il est tout simplement faux de partir du principe que l'allégement de la dette est la solution à tous les problèmes, et cette notion comporte un risque moral tel que celui que vous décrivez. Je suis favorable à l'allégement de la dette, et c'est la raison pour laquelle j'ai créé l'Initiative d'aide aux pays pauvres très endettés. Mais je suis favorable à l'allégement de la dette dans le contexte des deux autres conditions que doivent remplir les pays en développement et les pays riches.

    Il y a parfois des gens qui s'empressent de préconiser l'apurement total de la dette. Il s'agit effectivement d'une initiative utile; il s'agit d'un pas en avant et je n'ai rien contre, mais ce n'est pas l'unique solution. Nous devons considérer que le développement fait partie d'un ensemble de solutions qui comprend l'allégement de la dette. Mais si vous accordez simplement une remise de dette aux pays en difficulté et que vous oubliez les 20 autres pays qui ont tout fait pour s'en sortir et qui par conséquent n'ont pas ce genre de problème, et si vous le faites de façon systématique, c'est extrêmement injuste envers le prochain groupe de pays.

    Je crois que nous devons considérer l'allégement de la dette comme un élément important, mais pas le seul élément. Pour régler le problème dont vous parlez concernant la nécessité d'établir des conditions préalables, cela correspond aux mesures que je vous ai décrites et sur lesquelles on s'est entendus à Monterrey. Je crois que nous pourrons y arriver si nous agissons sérieusement plutôt que de nous contenter d'adopter la dernière lubie.

    Les gens sérieux ne manquent pas. Ce que je trouve intéressant lorsque je visite les pays en développement, c'est que la plupart des chefs d'État comprennent qu'une remise totale de la dette est utile, mais que c'est un palliatif. Dans certains cas, cela est essentiel, mais il faut procéder au cas par cas. Donc, il serait préférable de ne pas se rallier à tous ceux qui réclament l'allégement total de la dette et d'éviter de dire qu'il faudrait immédiatement remettre la dette de tous les pays, parce que par une telle mesure, on se trouve en fait non seulement à jouer le jeu de ceux qui pourraient représenter un risque moral, mais aussi à insister sur une solution qui n'est pas efficace. Elle ne l'est que temporairement.

    Si le Canada se concentrait uniquement sur le problème de la dette sans tenir compte des autres aspects nécessaires à la bonne gouvernance, il ne progresserait pas non plus.

    Voilà donc ma réponse.

¿  +-(0920)  

+-

    Le président: Je vous remercie.

[Français]

    Avant de donner la parole à M. Paquette, je voudrais souligner la présence dans la salle de l'honorable Idji Kolawole, président de l'Assemblée nationale du Bénin, ainsi que d'une délégation du Bénin. Ils sont accompagnés de Son Excellence l'ambassadeur du Bénin au Canada. Bienvenue.

    [Applaudissements]

    Le président: La parole est à monsieur Paquette.

+-

    M. Pierre Paquette: Merci, monsieur le président.

    Merci beaucoup pour votre présentation et pour votre présence parmi nous. Je vais vous poser trois questions auxquelles vous pourrez ensuite répondre, puisqu'elles sont toutes plus ou moins interreliées.

    La première porte sur la question des ajustements structurels. L'aide de la Banque mondiale et l'intervention du Fonds monétaire international au cours des dernières années ont été accompagnées de programmes d'ajustements structurels et d'une libéralisation assez importante sur le plan économique. Plusieurs en font une évaluation assez sévère. Je pense, par exemple, au livre de Joseph Stiglitz, qui a été traduit en français sous le titre La grande désillusion. L'auteur se questionne sérieusement sur la pertinence et l'efficacité de ces programmes d'ajustements structurels et des rapports entre le Fonds monétaire international et la Banque mondiale.

    Après au moins une décennie, sinon davantage, d'expérimentations concernant les ajustements structurels, ne serait-il pas temps de revoir l'aide accordée par la Banque mondiale et les stratégies proposées par le Fonds monétaire international?

    Deuxièmement, il y a présentement une campagne en Europe—et je m'en suis fait l'écho ici, au Parlement—pour que la charte de la Banque mondiale et celle du Fonds monétaire international incluent la promotion des droits humains. Si on pense encore une fois aux programmes d'ajustements structurels, cette préoccupation n'était pas apparente. Si on avait eu ce mandat dans la charte de la Banque mondiale et celle du Fonds monétaire international, peut-être que les choses ne se seraient pas passées de la même façon.

    Ma dernière question porte sur l'aide internationale. Vous avez vanté les mérites du Canada. Il n'en demeure pas moins que notre aide internationale est tout de même assez faible. Il y a 10 ans, à peu près 0,40 p. 100 du produit national brut ou du produit intérieur brut était consacré à l'aide publique et au développement. Actuellement, ce pourcentage est de 0,26 p. 100, et avec les annonces faites par le gouvernement dans le dernier budget, il sera de 0,32 p. 100 en 2010, alors que la cible se situe à 0,7 p. 100 du produit national brut.

    Ne serait-il pas temps pour les pays développés, en particulier le Canada mais d'autres également, de se doter d'un véritable plan pour arriver à ce 0,7 p. 100 d'aide publique au développement à l'intérieur d'échéanciers qui seraient connus?

    Donc, mes questions portent sur les ajustements structurels, la promotion des droits humains et l'aide publique des pays riches.

¿  +-(0925)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Paquette.

    Monsieur Wolfensohn, s'il vous plaît.

[Traduction]

+-

    M. James Wolfensohn: Permettez-moi de répondre tout d'abord à la question concernant l'ajustement structurel.

    Je tiens à préciser que je suis entré en fonction il y a 10 ans, après la campagne « 50 ans, c'est assez », lancée contre la banque sur la question de l'ajustement et de la réforme structurels. En fait, la plupart de mes lectures avant mon arrivée portaient sur l'imposition de la réforme structurelle—le consensus de Washington, un modèle pour le développement, la privatisation, l'ouverture des marchés financiers—et le fait qu'en agissant ainsi, en ne tenant compte d'aucun autre système économique ou politique, on risquait de mener le monde à sa perte.

    Il se trouve que je suis d'accord avec l'argument selon lequel il est impossible de généraliser le mode de développement d'un pays pour en faire une autre version des États-Unis, de la France ou du Canada. Donc, dès mon entrée en fonction, j'ai déclaré que l'endroit où décider de la façon de diriger un pays, c'est dans le pays même, et qu'il faut traiter avec les instances parlementaires, avec l'opposition, avec la société civile. Et il faut établir un programme qui correspond aux besoins de la population du pays, à sa culture et à ses aspirations.

    Un cas extrême, c'est celui du Bhoutan, où le compte du revenu national se mesure non pas en chiffres mais en fonction du bonheur de ses habitants parce que le Bhoutan est dirigé par un roi éclairé qui a décidé qu'il voulait gouverner le pays non pas en fonction de l'argent mais du bonheur de ses habitants. J'ajouterai que cela devient une nouvelle tendance dans le secteur du développement puisque nous cherchons des moyens de mesurer le bonheur.

    Lorsque je suis allé au Vietnam la première fois et que j'ai rencontré le secrétaire général du Parti communiste, qui ne m'a parlé qu'en monosyllabes, il a indiqué très clairement avoir été le général qui avait vaincu les Américains, et qu'il n'allait pas me laisser lui imposer quoi que ce soit parce qu'il avait déjà connu cette expérience et qu'il ne le tolérerait pas et que le Vietnam allait se développer de la façon dont il voulait se développer et que si nous voulions apporter notre aide, il n'y voyait aucune objection. J'ai répondu : « Oui, monsieur ».

    Nous avons depuis connu une formidable expérience au Vietnam, en ne privatisant certains secteurs qu'une fois qu'ils étaient prêts à le faire, en n'imposant aucune série de conditions préalables mais en tâchant de leur fournir des conseils sur la bonne gouvernance et sur la façon de faire progresser le pays. Et je crois que d'ici 10 ans, le Vietnam deviendra un remarquable modèle de transition au type d'économie qu'ils souhaitent—non pas que nous souhaitons, mais qu'ils souhaitent.

    Je pourrais dire la même chose à propos de la Chine. Notre client le plus important a sans doute été la Chine. C'est aussi le pays qui a réussi à sortir 300 millions de personnes de la pauvreté. Il ne s'agit pas d'un système canadien ni d'un système américain, et pourtant nous sommes probablement les principaux conseillers de la Chine. J'aimerais dire en passant que c'est le pays où le Canada a été le premier à entrer et a été le meilleur ami de la Chine, lorsque je m'y suis rendu la première fois en 1976. C'est un pays avec lequel le Canada entretient des relations très spéciales, et qui pourrait à un certain moment faire davantage fond sur ce passé, ce à quoi ils s'attendent.

    Mais je dois vous dire qu'en 10 années de travail, nous avons abandonné la question de l'ajustement structurel trois fois avec les dirigeants d'autres pays. Aujourd'hui, je n'entame jamais des discussions avec les dirigeants sur la question de l'ajustement structurel ou de la conditionnalité. Vous trouverez cela peut-être difficile à croire, mais le fait est que désormais nous traitons avec ces pays de façon individuelle et au niveau des dirigeants, il n'y a plus ce genre de discussions dont parle continuellement la presse et sur lesquelles insistent les défenseurs d'une Banque mondiale qui a évolué depuis 10 ans.

    Nous nous occupons de stratégies intérieures de réduction de la pauvreté menées aujourd'hui dans 80 pays—ce n'est pas nous qui dirigeons ces stratégies mais les pays en question. Nous leur fournissons des conseils. Très souvent, ils les suivent et parfois ils ne les suivent pas. Nous n'agissons pas en fonction de ce modèle; nous agissons en fonction de ce qui est logique sur le plan économique et social. Mais nous insistons beaucoup plus sur les questions de bien-être social, d'équité, de justice et de gouvernance, et s'il s'agit des conditions de la réforme structurelle, alors je suis très content que nous agissions ainsi. Mais nous n'imposons rien. Nous proposons, et dans la plupart des cas, les pays eux-mêmes ont indiqué qu'ils voulaient passer à une économie de marché.

    Donc, l'argument ressassé selon lequel la réforme structurelle et la privatisation de même que les conditions préalables venant d'un consensus à Washington nuisent à la façon dont nous fonctionnons est vraiment dépassé. Et je vous le dis au moment où je quitte mon poste. Je ne vous le dis pas parce que je tiens à conserver mon poste pendant 10 autres années. Je vous dis la vérité.

¿  +-(0930)  

    Il y a sans aucun doute de nombreuses personnes au sein de notre organisme, et probablement au sein de la population canadienne, qui croient que le système qu'ils ont connu lorsqu'elles grandissaient était le meilleur système possible. De par leur formation et leur expérience, et de façon intuitive, ces personnes défendent les idéaux auxquels elles croient justement parce qu'elles y croient et non pas parce que nous leur proposons un nouveau paradigme. Ce que nous cherchons à faire aujourd'hui, c'est habiliter les plus défavorisés de ce monde et agir de façon responsable et efficace pour lutter contre la pauvreté et pour répandre l'espoir.

    Voilà le discours qu'on tient aujourd'hui à la banque. Il n'est pas question ni de privatiser instantanément toutes les entreprises dans les pays où nous oeuvrons ni d'ouvrir de la même façon leurs marchés de capitaux. Je ne nie pas que nous l'avons peut-être déjà fait, mais la situation est maintenant bien différente. Les ONG et nos détracteurs commencent d'ailleurs à s'en rendre compte. Lorsqu'ils viennent nous parler, en particulier, ils voient que notre attitude a changé.

    Je vous invite ainsi que toute personne qui aurait cette opinion de venir passer une journée à la banque et de nous poser les questions les plus difficiles auxquelles vous pouvez songer. Je crois que vous constaterez que les personnes qui travaillent à la banque vous ressemblent davantage que vous ne le pensez. Certaines sont même d'origine canadienne. Les ressortissants de 140 pays sont représentés à la banque. Trois mille des 10 000 ou 11 000 employés de la banque travaillent sur le terrain dans des pays dont ils sont les ressortissants. L'organisation est complètement différente.

    Je ne dis pas que tout est parfait. Il y a de nombreuses choses à améliorer. Je pense cependant qu'on ne peut plus vraiment nous reprocher d'appliquer une politique d'ajustements structurels ou d'imposer des conditions préalables avant d'intervenir dans un pays.

+-

    Le président: Je vous remercie.

    J'accorde maintenant la parole à M. McTeague. Ce sera ensuite le tour de M. Bevilacqua.

    Monsieur McTeague.

[Français]

+-

    L'hon. Dan McTeague: Merci, monsieur le président.

    Avant de passer à M. Wolfensohn, j'aimerais faire remarquer que M. Paquette a posé la majorité de mes questions. Je suis content de constater que nous sommes sur la même longueur d'onde.

+-

    M. Pierre Paquette: Il a seulement répondu à une des trois, alors...

+-

    L'hon. Dan McTeague: Oui, mais je veux continuer.

[Traduction]

    Monsieur Wolfensohn, j'aimerais vous remercier de comparaître devant nous et je vous félicite pour dix années d'excellent service et de dévouement. La même chose vaut pour votre organisme.

    Nous perdons en fait deux personnes aujourd'hui. Vous-même, et le greffier de notre comité, M. Knowles. Vous nous manquerez tous deux, mais je suis sûr que nous vous reverrons, dans d'autres attributions.

    Monsieur Wolfensohn, il ne me reste que deux ou trois questions à aborder. J'aimerais vous parler de l'intérêt que nous portons aux nations endettées, mais aussi aux nations qui luttent pour se sortir de la pauvreté. Il semblerait que la pauvreté et la maladie fassent partie du même cercle vicieux. Vous en avez d'ailleurs déjà parlé.

    Que pourrait-on faire, à votre avis, pour prévenir la propagation des maladies. Le Canada participe aux efforts pour enrayer la pandémie de sida et cherche à trouver des moyens efficaces de lutter contre cette maladie, moyens financiers ainsi que législatifs. Nous espérons que la loi que nous avons adoptée sera publiée dans la Gazette pour que les populations les plus atteintes aient accès à des médicaments à bon marché.

    Je ne m'étendrai pas sur les observations de M. Stiglitz dans son livre sur la mondialisation—dans lequel il fait état de son mécontentement à l'égard des différents mandats et de la tension qui existe entre les deux—, je me demande si vous ne pouvez pas nous donner des conseils sur la façon d'améliorer la coordination des interventions des organismes multilatéraux comme le vôtre et comme le FMI. Il s'agit de s'assurer que nous atteignons nos objectifs.

+-

    Le président: Monsieur Wolfensohn.

+-

    M. James Wolfensohn: Il est agréable de comparaître devant un comité dont les membres peuvent cerner les enjeux dans les trois premières questions qu'ils posent.

    Si vous lisez soigneusement le livre de Joe—et Joe Stiglitz et moi avons travaillé ensemble pendant longtemps—, je crois que vous constaterez qu'il n'a pas été très critique à mon endroit ni à l'endroit de la banque. C'est peut-être parce qu'il savait que je serais présent lorsqu'on lui remettrait le Prix Nobel et qu'il tenait à mon amitié.

    Je crois que M. Stiglitz et moi voyons les choses plus ou moins du même oeil sauf que j'ai une meilleure impression que lui du FMI. Je crois que c'est le moins qu'on puisse dire.

    J'aimerais d'abord dire que je ne pense pas que ni le FMI ni la banque soient parfaits. Je crois cependant qu'ils constituent depuis 60 ans de très importants piliers du développement économique. Pour ne rien vous cacher, lorsque je suis arrivé à la Banque mondiale, elle était vraiment considérée comme un partenaire secondaire, si je peux m'exprimer ainsi. Cela s'explique en partie par le fait qu'on accordait beaucoup plus d'importance aux ministres des Finances qu'aux ministres du Développement. Les ministres des Finances en imposent. Les ministres du Développement, dans l'ensemble, occupent un rang moins élevé dans la hiérarchie. Les ministres des Finances ont aussi beaucoup d'assurance parce que ce sont eux qui émettent les chèques.

    Les ministres des Finances venaient donc participer aux réunions du FMI. À l'occasion, ils consacraient cinq minutes aux réunions du Comité du développement. À l'occasion, ils venaient prononcer un discours et ils partaient immédiatement. Ils se faisaient remplacer par les ministres du Développement qui devaient se payer tous ces discours. Les questions du traitement humanitaire, de la pauvreté, de la douleur et de l'espoir n'étaient pas vraiment au coeur de ces discussions. Tout tournait autour de questions économétriques.

    Dix ans plus tard, la situation n'est plus la même : la banque et le fonds sont plus ou moins des égaux. Ils ne sont pas de parfaits égaux—et je ne pèche pas par paranoïa en le disant—, mais ils sont beaucoup plus égaux qu'ils ne l'étaient. On accorde aussi maintenant beaucoup plus d'importance aux questions humanitaires, au développement, à la pauvreté, à la compassion, aux statistiques, au fait que la moitié de la population du monde est âgée de moins de 24 ans, à l'égalité des sexes et à l'importance de l'environnement. En fait, nous ne pouvons pas travailler l'un sans l'autre. On ne peut pas s'attaquer aux problèmes de l'équité, de la justice sociale et de la pauvreté, simplement en ayant recours à un modèle économique.

    Presque à tous les niveaux, le débat cherche à établir un équilibre entre les questions liées à l'économie, au développement social et à l'infrastructure. On le constate dans les réunions du G-8. On le constate dans le programme pour les 15 prochaines années, jusqu'en 2015. On le constate aussi cette année, en 2005, avec cette très importante réunion des Nations Unies au cours de laquelle Tony Blair présidera une discussion sur l'Afrique et le réchauffement de la planète. Il est partout question d'augmenter l'aide au développement. L'aide publique au développement du Canada a atteint à un moment donné 0,54 p. 100 et a ensuite diminué. Je pensais que ce niveau se situait à 0,29 p. 100, mais vous dites qu'il se situe à 0,26 p. 100, mais qu'il va passer à 0,32 p. 100. Je pense que ce n'est pas suffisant, mais cette observation ne s'applique pas seulement au Canada. Elle vaut certainement pour les États-Unis. Je fais cette observation dans tous les pays que je visite parce que je suis convaincu que le développement est l'enjeu primordial de notre époque.

    En réponse à votre question, je crois que nous sommes maintenant parvenus à un meilleur équilibre. Lorsque je suis entré en fonction à la banque, j'ai institué une réunion bi-hebdomadaire avec le directeur du Fonds monétaire international. Nous nous rencontrons pour le déjeuner ou le dîner ou pour une réunion aux deux semaines. Tout le monde sait que nous le faisons. Mes collègues me font part des problèmes auxquels nous faisons face de leur avis, et les collègues de mon homologue du FMI font de même. Nous soumettons à nos adjoints les dossiers litigieux. Lorsque nous nous rencontrons, nous pouvons discuter calmement et nous pouvons décider de confier l'examen d'un dossier à nos adjoints.

¿  +-(0935)  

    Ces réunions et ce dialogue constant ont vraiment permis de transformer la relation entre la banque et le fonds. Sans y être contraints, ces deux organismes se sont transformés.

    J'ai institué le même mécanisme avec le directeur des Nations Unies, mais nous nous rencontrons tous les quatre ou cinq mois. Le directeur de l'OMC participe également à ces réunions. Nous avons aussi créé un groupe de banques de développement régional qui se réunit deux fois par année. Il existe 12 comités où se rencontrent tous les avocats, les vendeurs et les comptables régionaux de la banque. Des réunions ont aussi lieu à d'autres niveaux. Toute cette activité des 10 dernières années a été très discrète, mais je crois qu'elle a vraiment permis d'améliorer grandement le système international. Nous essayons maintenant de faire participer les organismes bilatéraux à ces réunions. La première réunion a eu lieu à Rome et il y en a eu une autre la semaine dernière ou il y a deux semaines à Paris.

    Je crois qu'on peut dire que nous sommes tous sur la même longueur d'onde. Au moment de quitter ce poste, je dirais que notre leitmotiv est maintenant l'efficacité, l'efficience, la coordination et l'évaluation. Je crois que nous avons fait d'énormes progrès dans tous ces domaines. Lorsque mes actionnaires ont une exigence, je leur demande de me montrer comment on satisfait à cette exigence dans leur pays. À titre d'exemple, j'aimerais savoir comment le Comité du budget au Canada évalue l'efficacité des dépenses au titre de l'éducation ou de la santé. Qu'on me montre comment on s'y prend et je le ferai volontiers.

    Un seul pays l'a fait, c'est la Nouvelle-Zélande, mais il n'est pas allé jusqu'au bout. Je vous invite à me dire comment on s'y prend au Canada. J'adopterai volontiers votre programme sans l'avoir mis à l'essai. Si vous pensez que ce programme peut nous être utile, dites-le nous. Je l'essaierai.

    Monsieur le président, c'est comme si l'on avait un grain de sable dans l'oeil. Vous nous avez demandé de l'argent. Vous nous demandez de faire notre travail plus efficacement. J'entends cela depuis 10 ans et je crois honnêtement que nous faisons notre travail mieux que quiconque. C'est un domaine qui n'est pas facile. Voilà la façon dont je répondrais à cette question.

¿  +-(0940)  

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Wolfensohn.

[Français]

    Nous allons passer au Nouveau Parti démocratique.

[Traduction]

    Qui va poser la question? Monsieur Layton, allez-y.

+-

    M. Jack Layton (Toronto—Danforth, NPD): Je vous remercie.

    Je vous souhaite la bienvenue. C'est un privilège pour nous de vous avoir comme témoin. Ces quelques minutes qui viennent de s'écouler ont été très instructives.

    J'ai noté que vous aviez utilisé le mot « frustration » dans votre déclaration préliminaire. Ce sentiment de frustration n'est pas nouveau. Nous le partageons en partie. Le Canada est une démocratie. La majorité des citoyens canadiens ont voté lors des dernières élections et des représentants de cette majorité ont demandé par écrit au premier ministre que le Canada porte son aide au développement à 0,7 p. 100 d'ici 2015, ce qui aurait eu des conséquences pour le dernier budget. Même si les partis de l'opposition jouissent de la majorité à la Chambre, le gouvernement n'a pas acquiescé à cette demande. Voici donc ma première question. Certains pays sont parvenus à atteindre cet objectif. Comment l'ont-ils fait? Comment s'y sont-ils pris? Leur exemple nous aidera peut-être.

    Nous nous préoccupons comme vous du niveau d'endettement et de toute la question de l'allégement de la dette des pays en développement. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que les pays riches devaient faire leur part pour que l'allégement de la dette puisse porter fruit. Cela ne crée-t-il pas une situation impossible du fait que ce sont les pays mêmes qui touchent des paiements de remboursement—paiements qui s'élèvent dans le cas de l'Afrique à 15 milliards de dollars par année—qui ne font pas leur part et qui ne respectent pas leurs engagements dans le cadre des accords commerciaux et dans d'autres domaines que vous avez mentionnés, ce qui leur permet dans un sens de ne pas avoir à alléger la dette des pays en développement. Qu'en pensez-vous?

    Nous n'avons pas beaucoup parlé de la dégradation de l'environnement et de son lien avec le développement. Au fil des ans, de nombreux projets financés par la Banque mondiale et le FMI ont suscité de vives controverses dans ce domaine, mais je voudrais en particulier parler des changements climatiques que vous avez mentionnés dans le contexte des initiatives du premier ministre Blair. Pensez-vous que les dirigeants de la Banque mondiale devraient en ce début de siècle accorder une place de premier plan à la question des changements climatiques compte tenu de ses énormes conséquences potentielles pour la sécurité de l'humanité. J'aimerais connaître votre avis sur cette question.

    Enfin, très brièvement, j'aimerais vraiment savoir ce que vous pensez de la transparence et de la reddition de comptes à la banque et j'aimerais tout particulièrement connaître votre avis sur le processus de sélection de votre successeur puisque les initiatives dont vous avez parlé dans le domaine de l'ajustement structurel risquent d'être compromises. Il y a aussi la question des changements climatiques puisque le gouvernement de votre successeur ne reconnaît pas le danger qu'ils présentent.

¿  +-(0945)  

+-

    Le président: Et vous, avez-vous des questions?

+-

    M. James Wolfensohn: Vous êtes durs, vous autres. Je vous félicite, monsieur le président. On a posé une série de questions fantastiques.

    Au sujet du 0,7 p. 100, j'y crois passionnément. Je reste d'accord avec le premier rapport que j'ai lu sur la question, qui était le rapport de Lester Pearson. D'ailleurs, vous pourriez republier le rapport de la Commission Pearson. Je viens de le relire. On n'aurait qu'à y apporter quelques petits changements, il demeure tout aussi pertinent aujourd'hui.

    La question du 0,7 p. 100 est l'une des choses qui est au coeur, à mon avis, de ce que nous devons faire pour le développement. En réponse à la question, je vous dirai comment les autres y sont arrivés, soit essentiellement les pays scandinaves, la Hollande, la Suisse, et un ou deux autres pays qui ont atteint le 0,7 p. 100, qui y croient vraiment, et ces peuples croient que la question du développement est essentielle, non seulement pour l'avenir de ces pays, mais pour eux aussi. Ils y croient vraiment.

    Prenez le cas des ministres scandinaves que je rencontre chaque année et dont les pays appliquent la règle du 0,7 p. 100, quand je leur dis que l'avenir de la paix dans le monde est essentiellement lié à la question de la pauvreté et de l'équité, et quand je dis que le monde est fou de dépenser 1 000 milliards par année pour la défense et 50 milliards ou 60 milliards par année pour le développement—soit un vingtième de ce qu'on dépense pour la défense—ils le croient, et leur peuple le croit aussi. En fait, le 0,7 p. 100 est enchâssé dans la Constitution hollandaise.

    Ce que je vois dans la plupart des autres pays, c'est qu'on ne dispose pas de l'information, il n'y a pas de volonté politique, et au niveau de l'électorat, on ne croit pas, et c'est monnaie courante, que c'est la question prioritaire pour les 20 à 25 prochaines années. Dans la plupart des circonscriptions, l'électorat se préoccupe des soins de santé locaux, ou des retraites, ou de questions locales, qui sont toutes parfaitement légitimes et nécessaires, mais personne ne voit les problèmes qui émergent dans ce monde en évolution, la modification de l'équilibre mondial. Je ne dis pas ça pour faire Hollywood, j'y crois. Nous sommes au coeur d'un changement massif dans le monde.

    Quand on leur fait comprendre la réalité, comme ce fut le cas du tsunami, où l'on a vu 170 000 personnes perdre la vie, tout à coup, cette réalité prend forme parce qu'on en parle dans le journal. On peut le voir. Même s'il y a 20 millions de personnes qui meurent tous les jours de maladies infectieuses et d'autres causes qui ont été mentionnées, on ne voit pas cela. On ne voit pas ces gens qui meurent tous les jours par centaines de milliers comme ce fut le cas avec le tsunami.

    On peut rejoindre les gens, ils comprennent les choses lorsqu'ils peuvent les voir, mais les dirigeants de la plupart des pays ne font pas de pédagogie, les médias ne font pas de pédagogie et les établissements éducatifs ne font pas de pédagogie non plus, les écoles élémentaires ne font pas de pédagogie. Vos écoles élémentaires sont plutôt muettes sur l'importance de l'Islam, sur ce qui se passe en Chine, sur ce qui se passe en Asie centrale. Elles ne parlent pas de l'Afrique. Elles en parlent comme à l'époque où j'étais à l'école, et la réalité a changé, je sais. On apprend qui sont les rois, on apprend l'histoire des États-Unis, on apprend l'histoire des interventions françaises au Canada, on apprend à propos de Duplessis et tout cela.

    Les questions qui vont vraiment toucher les gens en ce qui concerne l'avenir dans le multiculturalisme... Les jeunes en savent plus que nous grâce à Google et à l'Internet, mais la volonté d'agir ne vient pas d'en haut. Les mots viennent d'en haut, mais ils n'entrent pas encore dans les esprits et les coeurs de vos électeurs. Les leaders n'agissent pas en conséquence. Les leaders du monde d'aujourd'hui se rencontrent au G-7 et aux réunions de l'ONU, et ils parlent de ces choses pendant sept ou dix minutes, après quoi on prend des photos. Les sherpas font tout le travail, ils rédigent un communiqué de 32 pages, et dès que la réunion du G-7 est terminée, le prochain président prend connaissance des deux questions dont il traitera l'année prochaine. Croyez-moi, j'ai assisté à sept ou huit de ces rencontres, et je sais comment ça marche.

    La conviction qu'il faut pour dire aux gens : « Écoutez, les amis, le débat ne porte pas seulement sur les 0,2 p. 100 ou 0,4 p. 100, il s'agit de l'avenir de nos enfants », est absente. La passion est absente. Elle n'y est pas. C'est comme ça que des changements se font dans ces autres pays, c'est parce qu'ils y croient.

    Si vous voulez, je peux vous parler de cela pendant encore une autre heure, mais je vais m'abstenir.

    Au sujet de l'allégement de la dette, il ne s'agit pas d'un raisonnement circulaire, ce sont des questions parallèles. Je crois que l'allégement de la dette peut jouer un rôle très important dans la stabilisation d'un pays. Tout ce que je disais plus tôt, c'est que ce n'est pas le seul problème.

¿  +-(0950)  

    Je crois aussi qu'il est frivole de réclamer à grands cris l'allégement de la dette à 100 p. 100, sans parler des autres questions, parce que si l'on remet une dette, ça sort essentiellement de votre poche.

    Les institutions comme la Banque mondiale empruntent sur le marché public, et la limite de la remise de dette à la Banque mondiale est la même limite que notre capital, qui est de 30 milliards de dollars. Nous empruntons 130 milliards de dollars. Si nous renoncions à toutes les créances de la Banque mondiale, nous ferions faillite, de même que nos investisseurs. Il y a donc une limite, étant donné que vous en êtes les propriétaires, au montant de la dette que la banque peut remettre; c'est le capital de la banque. Nous sommes une banque; nous exerçons notre influence; nous empruntons et nous remboursons.

    En ce qui concerne l'IDA, celle-ci est fondée sur la probabilité du remboursement. Donc, dans notre plan pour les 11 milliards de dollars que nous allons prêter chaque année, 40 p. 100 provient des remboursements, soit plus de 4 milliards de dollars. Les États-Unis sont d'avis que si l'on veut remettre une dette de 4 milliards de dollars, il faut renoncer à la créance et ensuite réduire les prêts à 7 milliards de dollars. De manière générale, la position britannique est que si vous voulez continuer de prêter 11 milliards de dollars de manière à ne pas défavoriser un tas de gens qui en ont besoin, alors les actionnaires—c'est-à-dire le Canada, les États-Unis et tous les autres—doivent investir davantage dans l'IDA. Ce que vous ne pouvez pas faire, c'est remettre une dette et l'oublier.

    J'attire simplement votre attention sur le fait que si vous parlez d'allégement de la dette, vous avez intérêt à réfléchir à ce que vous allez faire après et à vous demander si vous allez prendre des mesures de suivi. Si vous ne voulez pas de suivi, admettez alors que vous modifiez le système et que vous changez l'avenir, parce que 40 p. 100 de l'argent en moyenne provient des remboursements de la dette échelonnée sur les 10 prochaines années.

    Au sujet de l'environnement, je dois vous dire que j'ai commencé à m'intéresser à l'environnement à l'époque de la Conférence de Stockholm, sous l'influence d'un Canadien, Maurice Strong, que certains d'entre vous connaissent peut-être. J'ai la conviction que vous le connaissez. Je crois beaucoup à l'environnement, et c'est aussi le cas de la Banque.

    Je dois dire sans ambages que je suis parfaitement d'accord avec ceux qui disent que le réchauffement de la planète est l'un des principaux enjeux du jour. Je crois que rares sont ceux qui comprennent cela et qu'on n'y accorde pas suffisamment d'attention. Il n'y a rien de plus important que toute cette question du réchauffement de la planète et la question de contenir les particules qui entrent dans l'atmosphère ou d'empêcher ces particules d'entrer dans l'atmosphère, particulièrement pour bon nombre de nos pays, étant donné que ceux qui sont le plus touchés par le réchauffement de la planète ont tendance à être les pays pauvres, particulièrement dans les basses terres.

    Pour ce qui est de la transparence dans la sélection, je me trouve en vacances ici, car je n'ai pas eu à discuter de cette question depuis quelques semaines. La direction de la Banque n'a pas un mot à dire dans la transparence du processus ou dans le processus lui-même. À mon avis, si vous voulez modifier le processus, vous devriez vous parler entre vous si vous voulez avoir un processus plus ordonné.

    C'est de haute politique qu'il s'agit. À un moment donné, dans notre histoire, les dirigeants de notre planète ont décidé qu'on nommerait un Européen à la tête du FMI et un Américain à la tête de la Banque mondiale. L'accent que j'ai vous a appris que je ne suis pas né en Amérique. Il y a une vingtaine d'années de cela, lorsque Bob McNamara a posé pour la première fois ma candidature à la présidence de la Banque, on a découvert que j'avais une tare épouvantable, que j'étais Australien et non Américain. Donc ils se sont arrangés en une semaine pour que je devienne citoyen américain, ce que j'ai fait, et ensuite ils ont nommé quelqu'un d'autre au poste.

    Des voix: Ah, ah!

    M. James Wolfensohn: Si vous voulez, je suis devenu Américain par hasard. Mais cela a marché quelques années plus tard. C'est une histoire comique, et je ne vous ennuierai pas avec ça pendant plus de deux secondes.

    J'ai appris en trois jours dans un livre tout ce qu'il fallait savoir pour devenir Américain, la capitale de tous les États et tout le reste. Je me suis rendu à la Battery pour passer l'examen, et j'ai reçu un accueil spécial parce que j'étais un candidat de la Maison-Blanche. La dame a dit : « Signez votre nom », après quoi elle a dit : « Vous venez de réussir le test d'aptitude à lire et à écrire. » Puis elle a dit : « Qui a été le premier président des États-Unis? Est-ce que c'était George Washington? » Et j'ai dit oui. Elle a dit alors : « Vous venez de réussir votre test d'histoire. Toutes mes félicitations. »

    Des voix: Ah, Ah!

    M. James Wolfensohn: Donc je n'ai pas acquis la citoyenneté américaine comme tout le monde.

    Néanmoins, le président doit être Américain.

¿  +-(0955)  

    Selon moi, si vous souhaitez que le processus soit plus transparent, alors il vous faudrait réunir les dirigeants afin de voir s'il y a un autre candidat. Le processus qui nous concerne n'a pas été transparent, mais j'espère que la personne qui a été désignée agira conformément aux propos qu'il m'a répétés au cours des trois derniers jours : c'est-à-dire qu'aucun programme de travail ne lui est imposé par le gouvernement américain, qu'il veut être un fonctionnaire international et que ces questions lui tiennent à coeur. Je crois que ses propos sont sincères. J'espère qu'il sera un nouveau Bob McNamara, qui a connu le Vietnam et qui a probablement été le meilleur président que la Banque ait eu. J'espère que M. Wolfowitz sera comme lui.

+-

    Le président: Merci, monsieur Wolfensohn.

    Je cède maintenant la parole à M. Bevilacqua.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Merci, monsieur le président.

    D'abord, monsieur Wolfensohn, j'aimerais vous exprimer ma gratitude pour l'excellent leadership dont vous avez fait preuve à la Banque mondiale et pour la contribution réelle que vous avez apportée à la communauté internationale pendant 10 ans.

    J'aimerais également vous témoigner ma gratitude pour cet article que j'ai lu dans votre chronique récemment. Il me semble que cet article a su illustrer la plupart du travail que le Canada a su accomplir de façon positive. Il est toujours bon de rappeler aux Canadiens eux-mêmes les grandes réalisations de notre nation.

    Vous savez probablement que nous menons un examen de notre politique internationale, qui comprend la question des politiques et programmes d'aide au développement. En premier lieu, j'aimerais connaître vos conseils en matière d'établissement de priorités pour ce qui est des politiques publiques.

    En deuxième lieu, j'ai lu avec énormément d'intérêt votre article dans lequel vous traitez des principes judicieux qui sont au coeur de la bonne gouvernance. Je veux parler d'une fonction publique solide, de bonnes lois qui sont appliquées par l'entremise d'un système judiciaire indépendant, du respect des droits de la personne et d'une aversion pour la corruption. Votre témoignage d'aujourd'hui m'a aussi donné l'impression que vous ne croyez pas qu'il faille imposer des valeurs à d'autres pays. Il est évident que vous ne favorisez pas non plus une démarche unique selon laquelle certaines mesures permettraient d'améliorer la situation partout, peu importent les conditions.

    Nous voulons bâtir une meilleure communauté internationale et aider les pays en voie de développement à se développer. Par conséquent, je me demande comment nous pouvons parvenir à un équilibre entre l'imposition de ces principes judicieux, car je crois qu'il s'agit de principes judicieux, et le fait que nous devons être respectueux des points de vue particuliers de certains chefs d'État.

+-

    M. James Wolfensohn: L'une de mes premières initiatives lorsque j'ai été nommé à la Banque a consisté à lancer un projet, qui s'est intitulé Voix des pauvres, en vertu duquel nous avons rencontré 60 000 personnes vivant dans la pauvreté, dans 60 pays. Je vais vous envoyer un exemplaire du rapport du projet, monsieur le président, afin que vous puissiez le consulter, si vous ne l'avez pas vu. L'une des conclusions fascinantes du rapport est que les personnes démunies qui habitent les pays pauvres ont les mêmes aspirations et les mêmes croyances que nous.

    Selon les résultats de notre étude, les pauvres ne veulent pas qu'on leur fasse la charité, mais qu'on leur donne une chance. Ils veulent être libres et faire entendre leur voix. Les démunis ne veulent pas être assujettis à la surveillance des policiers et des autres forces de l'ordre qu'on leur impose. Comme c'est souvent le cas dans les pays en voie de développement et, malheureusement, dans le monde industrialisé, les femmes veulent être libérées de la violence et des conflits qui minent leur vie et leur potentiel. Les pauvres veulent que leurs enfants aient des raisons d'espérer. Ils détestent la corruption car, lorsqu'il s'agit de ceux qui sont marginalisés, la corruption, même s'il n'est question que de quelques sous, peut faire la différence entre manger ou être privé de nourriture. Ils veulent leur dignité. Ils veulent qu'on leur donne une chance. Et ils veulent garder espoir.

    Or, ce ne sont pas des objectifs que nous devons imposer; c'est ce que souhaitent ces gens. En effet, pendant les dix années où j'ai occupé mon poste, une des expériences qui m'a le plus enrichi a été de constater que, dans tous les pays, les meilleures personnes que l'on rencontre sont celles qui vivent dans la pauvreté, dans les villages ruraux, dans les bidonvilles. Il n'y a rien à enseigner à ces gens. Ce sont des personnes qui ont une compréhension approfondie des défis, qui sont pragmatiques et qui sont prêtes à travailler pour améliorer leurs conditions de vie. Je suis extrêmement reconnaissant car mes dix années d'expérience m'ont permis de comprendre cette réalité. J'ai visité 120 pays jusqu'à maintenant, voire plus, et j'ai vu plus de bidonvilles et de villages que je ne l'avais imaginé.

    Par conséquent, il ne s'agit pas pour nous de fournir des solutions aux pays pauvres. Ils savent ce dont ils ont besoin, et les personnes vivant dans la pauvreté savent ce qu'il leur faut. Il nous appartient de créer les conditions leur permettant de contribuer à la solution, au lieu d'être tout simplement des récipiendaires de notre aide. Ils ont besoin qu'on renforce leurs moyens d'action, qu'on leur donne un cadre.

    Or, la question du cadre se pose dès qu'il s'agit de droits, de structure, de corruption, et c'est là où nous pouvons jouer un rôle. Il n'est pas nécessaire d'enseigner aux gens quel genre de vie ils veulent mener. Ils le savent. Ce qu'ils désirent n'est pas très différent de ce à quoi nous aspirons, bien qu'il existe des affinités et des changements culturels dans la manière dont ces désirs sont respectés.

    À titre d'exemple, j'ai noué des liens très étroits avec le chef du peuple ashanti au Ghana. Il m'a appris que, de façon générale, l'ancien système tribal africain était bien meilleur pour ce continent que ne l'a été le système colonial. Durant 300 années de règne, les Africains ont connu un système tribal et des valeurs, familiales notamment, qui sont excellents. Leur façon de mener la guerre était même beaucoup plus sensée que la nôtre. Ce sont les Belges, les puissances coloniales et les autres qui leur ont montré à couper des bras et des jambes et à faire d'autres choses. Cela ne se produisait tout simplement pas auparavant.

    Par conséquent, il faut d'abord et avant tout comprendre que les gens que nous tentons de civiliser sont souvent beaucoup plus civilisés que nous le sommes. Ils ont leur propre compréhension des choses et leurs propres cultures, qui sont en fait très solides. Pour répondre à votre question de savoir comment parvenir à un équilibre entre les deux, je crois que nous devons exhorter les dirigeants à prendre les mesures nécessaires pour permettre aux habitants de leur pays de réaliser leur potentiel. Il ne s'agit pas d'imposer à ces dirigeants un glissement de paradigme, mais seulement de leur dire qu'ils doivent créer les conditions favorables à la liberté.

    C'est là le dilemme. Trop souvent, nos chefs d'État s'abstiennent de réaffirmer ces principes de base lorsqu'ils sont réunis. Dans la plupart des pays que je visite, il est possible de savoir qui sont les escrocs en deux jours, de savoir si le président est impliqué, si sa femme l'est, combien ça coûte pour devenir juge, combien ça coûte pour obtenir un permis douanier, qui détourne l'argent et, souvent, où vont les fonds. Ce n'est pas un secret; tout le monde vous le dira.

À  +-(1000)  

    Il vous faut donc vraiment travailler au niveau du leadership. Nous devons leur offrir quelque chose qui les motive et devons leur montrer que nous prenons cela à coeur. Nous devons également insister sur la liberté de presse et l'ouverture de ces sociétés, puis laisser ces pays le faire eux-mêmes.

    Je vois que vous devez aller voter et je vais bientôt m'en aller. Je vous souhaite bonne chance dans la façon dont vous allez procéder et je vous remercie de la contribution du Canada.

    Des voix: Bravo!

+-

    Le président: J'ai une dernière personne qui veut poser une question.

    Madame Stronach, vous pouvez poser une question très brève, puis nous terminerons.

+-

    Mme Belinda Stronach (Newmarket—Aurora, PCC): Oui, une question.

    Tout d'abord, merci, monsieur Wolfensohn, d'être des nôtres aujourd'hui. Je souhaite vous féliciter du bon travail que vous avez fait pour élever le niveau de vie des gens dans les pays les plus pauvres.

    Vous avez donné un aperçu des éléments nécessaires pour élever la qualité de vie des gens, et je crois que c'est l'un des plus grands défis auxquels le monde doit faire face : la disparité des richesses qui existe entre les nations et la façon de redistribuer ces richesses, non par l'intermédiaire de l'État, mais en vertu de principes du marché. J'ai deux domaines d'intérêt qui vont peut-être un peu plus loin dans le cadre dont vous parliez : l'éducation, tout particulièrement l'accès à l'éducation pour les filles, et un cadre qui permette la constitution d'un capital, de sorte que les gens puissent accumuler des richesses et des biens. J'aimerais bien entendre ce que vous avez à nous dire là-dessus.

+-

    M. James Wolfensohn: Il n'existe pas de questions plus importantes que l'émancipation des femmes et l'éducation des filles. Elles sont les piliers. Sans elles, aucun développement efficace n'est possible. Et si vous parlez de l'éducation des filles, vous faites intervenir beaucoup d'autres choses : la croissance de la population, le sida et bien d'autres choses, et en réalité vous émancipez la population, la moitié de la population, qui est sous-utilisée dans bien des pays.

    Mais l'éducation doit s'accompagner d'autres changements afin d'offrir des opportunités. L'éducation est le point de départ, mais il faut aller au-delà. Il faut s'intéresser au maintien de ces filles à l'école et leur donner ensuite des occasions de progresser. Puisque nous manquons de temps, je vais dire simplement que cela est au coeur du problème.

    Et votre deuxième point concernait?

À  +-(1005)  

+-

    Mme Belinda Stronach: La constitution d'un capital...

+-

    M. James Wolfensohn: La constitution d'un capital.

+-

    Mme Belinda Stronach: ... et comment créer un cadre qui permette aux gens d'accumuler des richesses.

+-

    M. James Wolfensohn: Je pense qu'ici l'expression à la mode c'est le micro-crédit, mais il ne s'agit pas seulement de micro-crédit. Constituer un capital, ça veut dire faire en sorte que le capital soit disponible pour la prise de risque et pour les gens qui n'en ont pas. Il y a des moyens de le faire, mais, encore une fois, cela ne fonctionne que dans des milieux où il n'y a pas de criminalité contre les gens qui ont construit leur capital, des milieux où un système fonctionne et où la possibilité d'accès au capital est accompagnée d'une structure qui assure sécurité et progrès pour que les gens qui acquièrent ce capital ne se le fassent pas voler.

    Ainsi, chaque élément mentionné aujourd'hui est important en soi, mais je crois que la véritable contribution que nous avons faite au cours des dix dernières années est qu'il est maintenant impossible de choisir un seul élément : allégement de la dette, micro-crédit, éducation pour les filles, soins de santé. Chaque chose est importante, mais il faut considérer le développement de manière globale. Vous devez le voir comme un tout. C'est la façon dont le Canada s'est développé et les choses se sont produites naturellement. C'est la façon dont les pays en voie de développement le font également.

    Vous ne faites probablement pas tout comme il faut, et le Canada n'a peut-être pas tout fait ce qu'il fallait sur le plan du système choisi. Mais nous avons besoin d'ouverture, nous avons besoin que les choses se fassent d'elles-mêmes et, chose plus importante, il faut que les gens dans ces pays s'investissent et prennent leurs responsabilités.

    Le Canada peut aider, et je le crois sincèrement, à construire cette capacité, peut aider les gens à avoir la possibilité de choisir leur propre destinée et à avoir les outils pour le faire. Et je dois dire que pour le Canada, c'est une option très peu coûteuse. Dans mon prochain éditorial, je serai heureux d'en parler, lorsque je ne serai plus président de la Banque.

    Merci beaucoup.

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Wolfensohn.

[Traduction]

    Je suis très heureux de vous avoir eu ce matin comme président et j'espère que vous serez disponible, après la fin de votre mandat, pour nous donner des conseils sur notre examen des politiques internationales.

    Merci beaucoup.

    Oui, désolé...

+-

    Mme Alexa McDonough: Monsieur le président, si je pouvais juste ajouter une phrase à votre conclusion...

+-

    Le président: C'est très facile pour vous... Une phrase.

+-

    Mme Alexa McDonough: Le Canada est fier d'être l'hôte du Sommet du micro-crédit 2006 à Halifax et nous espérons que votre emploi du temps de retraité vous donnera la possibilité de revenir au Canada à cette occasion.

+-

    M. James Wolfensohn: Merci.

    J'aimerais juste demander, est-ce que la citoyenneté canadienne est aussi facile à obtenir que la citoyenneté américaine?

    [Rires, suivis par des applaudissements.]

+-

    Le président: Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes.

À  +-(1007)  


À  +-(1012)  

[Français]

+-

    Le président: Nous allons reprendre nos travaux, mais je voudrais d'abord m'adresser à mes collègues.

[Traduction]

    J'aimerais dire à mes collègues que, comme M. McTeague l'a fait remarquer, c'est la dernière réunion à laquelle assistera M. Knowles, parce qu'il s'en va.

[Français]

Il prend sa retraite.

[Traduction]

    Si cela ne vous dérange pas, j'aimerais proposer une motion de remerciements à M. Knowles pour l'excellent travail qu'il a fait ici et pour lui souhaiter nos meilleurs voeux pour l'avenir. Je sais qu'il aime beaucoup voyager et je lui souhaite de rester en bonne santé pour tous ses voyages avec sa femme et sa famille.

    Des voix: Bravo!

    Le président: Monsieur Day.

+-

    M. Stockwell Day: J'aimerais participer au débat sur la motion. Bien sûr, je ne sais pas d'avance quel sera le résultat du vote, mais il pourrait bien être unanime.

    Au nom de l'opposition officielle, je tiens à dire, aux fins du compte rendu, qu'au cours des années que nous avons travaillées avec M. Knowles, nous avons pu constater son dévouement et son excellence des services qu'il a rendus au public. Il s'est engagé envers la population du Canada, pas seulement en travaillant pour les députés ministériels, mais également pour les députés de l'opposition dans un esprit d'équité absolue, d'ouverture et de discrétion, au besoin. Il peut être cité comme exemple d'excellence à la fonction publique.

    Je tenais à dire cela aux fins du compte rendu.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Paquette.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Au nom du Bloc Québécois et de Mme Lalonde, je voudrais, moi aussi, remercier M. Knowles pour tout le travail qu'il a fait. Je lui souhaite un bon voyage; je sais qu'il va partir bientôt. Je suis convaincu que sa retraite sera très active. Bonne chance.

+-

    Le président: Madame McDonough.

[Traduction]

+-

    Mme Alexa McDonough: J'aimerais à mon tour exprimer ma gratitude pour l'impartialité avec laquelle M. Knowles a toujours traité tous les députés de tous les partis et je lui offre mes meilleurs voeux pour sa retraite. J'ai récemment eu l'occasion de rencontrer le père de M. Knowles, qui habite dans ma circonscription, et j'espère qu'il aura souvent l'occasion de visiter la Nouvelle-Écosse.

À  +-(1015)  

[Français]

+-

    Le président: Thank you.

    Monsieur McTeague.

[Traduction]

+-

    L'hon. Dan McTeague: Monsieur Knowles, j'espère ne pas vous avoir mis sur la sellette pendant mon intervention auprès de M. Wolfensohn. Mais je pense qu'il est assez clair pour tous les députés, particulièrement ceux qui ont été membres de ce comité au fil des années—les visages changent—que personne ne peut nier que vous avez toujours adopté une approche directe et très serviable envers les nouveaux députés membres de ce comité.

    Je tiens à vous remercier au nom de tous ceux qui sont arrivés ici en tant que néophytes—c'est un comité très difficile—et que vous avez reçus avec respect et de nombreux conseils. Mme McDonough a mentionné votre impartialité, à juste titre.

    Mes meilleurs voeux vous accompagnent, monsieur, quoi que l'avenir vous réserve.

    Des voix: Bravo!

+-

    Le président: Merci.

    Maintenant, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude de la question de la frontière entre l'Érythrée et l'Éthiopie. Nous avons le plaisir d'accueillir quelqu'un que tout le monde connaît très bien, M. Lloyd Axworthy, envoyé spécial des Nations Unies pour l'Érythrée et l'Éthiopie.

    Bienvenue, monsieur Axworthy.

    Je rappelle aux membres du comité que nous avons invité M. Axworthy à comparaître par suite de la motion de Mme McDonough dont nous avons débattu le 3 février. Le débat a été ajourné jusqu'à ce que nous ayons entendu M. Axworthy.

    Monsieur Axworthy, la parole est à vous.

+-

    L'hon. Lloyd Axworthy (envoyé spécial des Nations Unies pour l'Érythrée et l'Éthiopie): Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie les membres du comité de m'avoir invité à revenir dans ce comité et je me réjouis de l'occasion de m'exprimer devant vous au nom du secrétaire général.

    Permettez-moi de dire que j'apprécie particulièrement l'intérêt que vous manifestez pour la situation entre l'Éthiopie et l'Érythrée. Je pense qu'il est très utile que le comité et le Parlement s'engagent dans cette question qui, je crois, revêt une grande importance pour nous tous.

    Comme vous le savez bien d'après vos propres recherches, le litige frontalier est une situation très difficile qui exige un règlement quelconque. Il touche très directement près de 70 millions de personnes. Il a un impact énorme sur la capacité de régler les problèmes de pauvreté. Il continue à déstabiliser la région et touche directement l'avenir de deux des pays les plus pauvres de la planète et des nombreux autres pays limitrophes.

    Comme vous le savez, ces pays ont des traditions historiques qui remontent très loin et sont profondément ancrées. Ils ont une histoire commune. Ils ont partagé les grands sacrifices consentis par les peuples des deux pays afin de se créer une meilleure vie. Leur géographie, leur culture et leurs intérêts économiques sont inextricablement liés. C'est un cas classique où la frontière, l'objet du litige, traverse un ensemble d'interrelations très fort qui remonte à des centaines d'années.

    Cela fait bientôt cinq ans que la guerre est finie, une guerre tragique qui a causé de nombreuses victimes, et cela fait trois ans que la Commission du tracé de la frontière a remis son rapport. L'an dernier, le secrétaire général m'a choisi comme envoyé spécial pour aider à régler le litige. Le secrétaire général cherchait des moyens d'aider les parties à en arriver à un règlement et à appuyer les travaux de la Commission du tracé de la frontière, qui est un élément essentiel pour en arriver à une entente quelconque sur une future réconciliation.

    J'ai accepté la nomination, conscient—croyez-moi, je le suis—des difficultés mais motivé par la conviction, qui a été très bien exprimée ici à maintes reprises, que nous avons la responsabilité d'intervenir pour protéger les populations. Ceux d'entre vous qui ont lu le premier rapport que j'ai rédigé en 2000 savent que la clé de ce rapport était la prévention. C'est un domaine où l'Organisation des Nations Unies fait un travail extraordinaire dans la discrétion, travail qui passe inaperçu mais qui est un élément essentiel de ce qu'il faut absolument faire pour éviter le conflit et y trouver un règlement afin de ne pas avoir à intervenir de manière plus musclée plus tard.

    Conscient de cela, et conscient que le secrétaire général et le Conseil de sécurité ont essayé d'amener la communauté internationale à exercer son influence et à plaider pour une entente, ma première tâche a été d'explorer les moyens pour les deux parties de sortir de l'impasse dans la mise en oeuvre de la décision de la Commission du tracé de la frontière entre l'Érythrée et l'Éthiopie et d'aider à établir un dialogue constructif entre les deux pays.

    À cette fin, j'ai abondamment consulté les témoins de l'Accord d'Alger, les pays qui sont en quelque sorte partie au règlement, ainsi que tous les autres grands pays donateurs qui ont joué un rôle. J'ai également consulté de près le président de la Commission du tracé de la frontière, qui a été investi, en vertu de l'Accord d'Alger, du pouvoir exclusif de tracer la frontière entre l'Érythrée et l'Éthiopie. Bien sûr, nous travaillons également de très près avec les gens de ces régions et, auprès de tous mes interlocuteurs, y compris le gouvernement de l'Éthiopie, j'ai insisté sur le fait que ma mission consiste d'abord et avant tout à appuyer l'autorité et le rôle de la Commission du tracé de la frontière et de préserver l'intégrité de ses décisions.

    Conscient des effets économiques, sociaux et humanitaires du litige frontalier, j'ai également demandé à la Banque mondiale et à d'autres organismes des Nations Unies, en tant que principaux donateurs, d'analyser les impacts économiques et sociaux de l'impasse. Je dirai quelques mots à ce sujet plus tard, mais—comme vous examinez cette question et après avoir écouté M. Wolfensohn—je pense qu'il y a un élément qu'il faut absolument reconnaître très clairement et c'est que ce conflit a un impact majeur sur le développement et qu'essayer d'éviter la question de la sécurité et du conflit aurait pour effet de compromettre les efforts de développement et la lutte contre la pauvreté. Il s'agit probablement, en quelque sorte, d'une étude de cas classique.

À  +-(1020)  

    Je crois qu'en faisant ressortir les avantages évidents que représenterait un règlement pacifique du litige frontalier pour les deux pays, nous pourrions aboutir à une solution. En fait, je me dis qu'une solution est possible si les deux parties sont avantagées alors qu'au contraire l'échec serait au détriment de l'une et de l'autre.

    S'il est vrai que l'Éthiopie a vu d'un bon oeil l'offre du secrétaire général de nommer un envoyé spécial, l'Érythrée en a rejeté l'idée parce qu'elle n'estimait pas qu'il pouvait se substituer à la Commission du tracé de la frontière et elle a refusé de s'entretenir directement avec moi, malgré les nombreuses précisions apportées par le secrétaire général. Quand je suis allé dans la région, je me suis donc limité à visiter l'Éthiopie, où j'ai tenu des discussions très nourries avec les membres du gouvernement, l'Union africaine, les représentants de la collectivité et les membres de la mission de maintien de la paix des Nations Unies.

    D'emblée, je dois dire que j'ai été fort encouragé par mes entretiens avec le premier ministre Meles, qui estimait que la Commission du tracé de la frontière était le seul mécanisme permettant d'établir la frontière et qui s'était engagé à confirmer publiquement la décision prise par la Commission en avril 2002. Le premier ministre s'est engagé à prendre les mesures unilatérales qui constitueraient la preuve tangible que son gouvernement était prêt à coopérer avec la Commission du tracé de la frontière et à faire progresser le processus de mise en oeuvre. Comme vous le savez, on a suggéré certaines mesures d'instauration de la confiance : des vols directs vers Asmara, la constitution d'un groupe de liaison et les travaux d'arpentage le long de la frontière elle-même. Le premier ministre m'a bien expliqué qu'il allait entreprendre ces mesures et travailler en collaboration avec la Commission à condition—et c'est un fait important—que l'Érythrée accepte le dialogue pendant le processus de mise en oeuvre.

    Permettez-moi de vous faire une mise à jour de la situation : en octobre 2004, le premier ministre a accepté ce que je recommandais, à savoir que l'Éthiopie se conforme à la décision d'avril 2002 concernant la frontière et procède à des discussions sous l'égide de la Commission. Il a voulu avoir l'assurance que l'Érythrée serait prête à discuter de rajustements dans la mesure où l'Éthiopie acceptait la décision. Le 25 novembre, l'Éthiopie a annoncé un plan de paix en cinq points, et cela se passait il y a tout juste trois mois, plan qui a été accueilli avec enthousiasme par la communauté internationale, y compris le Conseil de sécurité, car on y voyait un pas en avant vers une résolution pacifique du différend. Il est important de faire remarquer que le premier ministre a déclaré que des négociations avec l'Érythrée pendant la période de mise en oeuvre étaient une condition clé.

    Le 21 décembre, les membres du Conseil de sécurité ont demandé que l'on entreprenne le processus d'abornement et ils ont demandé que la Commission du tracé de la frontière offre ses conseils à toutes les parties.

    En janvier, j'ai de nouveau rencontré le premier ministre Meles pour tâcher de mieux comprendre comment il entendait concrétiser le plan de paix en cinq points et je lui ai demandé de reconduire la Commission étant entendu—et je tiens à ce que cela soit bien clair—que la démarcation finale de la frontière serait précédée par un dialogue et des rajustements éventuels. Il a rejeté ma suggestion et il a réitéré plutôt le fait que la décision de la Commission du tracé de la frontière ne pourrait pas être mise en oeuvre tant qu'un dialogue sérieux politico-économique entre l'Éthiopie et l'Érythrée sur toute une gamme de questions ne serait pas entrepris. Selon lui, la Commission du tracé de la frontière ne pourrait intervenir qu'une fois qu'on serait parvenu à un dialogue plus élaboré.

    En même temps, l'Érythrée a dénoncé publiquement le plan éthiopien en cinq points et a demandé au Conseil de sécurité et à la communauté internationale de forcer l'Éthiopie à exécuter la décision de la Commission du tracé de la frontière.

    Les deux parties, selon moi, reconnaissent la nécessité d'un engagement permanent de la part des deux parties compte tenu qu'il s'agit de faire justice aux collectivités et que le mandat confié à la Commission du tracé de la frontière est limité. Il ne s'agit pas d'une question strictement juridique. Il faut tenir compte de graves éléments politiques et cela sous l'égide et sous la houlette de la Commission du tracé de la frontière.

    Où en sommes-nous donc à l'heure actuelle? L'Éthiopie refuse d'entreprendre le processus d'abornement tant qu'un dialogue n'a pas été ouvert avec l'Érythrée. D'autre part, l'Érythrée n'acceptera pas le dialogue tant que l'Éthiopie ne s'engagera pas à l'égard de la décision de la Commission du tracé de la frontière. Cela ressemble à une impasse. Toutefois, je dois signaler à propos de la réaction face au rapport de la Commission du tracé de la frontière... Comme vous le savez, la Commission était prête à reprendre ses travaux et elle a invité les deux parties à se présenter. À ce moment-là, l'Éthiopie a refusé une nouvelle participation mais elle a envoyé un rapport faisant état de son souhait de voir l'Érythrée reprendre les discussions. En même temps, l'Érythrée ne cesse de demander que la Commission du tracé de la frontière établisse une frontière juridique préalablement à tout éventuel dialogue.

À  +-(1025)  

    Je tiens également à signaler aux membres du comité un élément très important : il existe encore un très profond désaccord entre les acteurs internationaux qui ne s'entendent pas sur la façon de dénouer l'impasse et cela a manifestement entravé les efforts visant à faire progresser le processus de paix. Je m'inquiète particulièrement des messages contradictoires en provenance de certains, car ils ne sont pas conformes à l'approche retenue par le Conseil de sécurité.

    Permettez-moi de décrire brièvement les conséquences d'une telle situation. Comme vous le savez, encore la semaine dernière, le Conseil de sécurité a reconduit le mandat de la MINUEE, la force de sécurité des Nations Unies, et ce pour six mois. Il est important de rappeler que cette mission coûte 200 millions de dollars par année aux Nations Unies. Trois mille deux cents militaires sont déployés à la frontière. En outre—et je pense que je l'apprends aux membres du comité—j'ai déposé auprès du Conseil de sécurité l'analyse que nous avons menée à bien en collaboration avec la Banque mondiale et divers organismes donateurs. Et je pense que cela nous amène au coeur de la question. On évalue que le maintien de la situation actuelle, à savoir ni paix, ni guerre—essentiellement une paix froide—pourrait aboutir à « [...] un demi-million d'Érythréens et 14 millions d'Éthiopiens supplémentaires qui vivraient dans la pauvreté d'ici 2010 ». Autrement dit, la non-résolution de ce conflit à la frontière condamne de 15 millions à 18 millions de personnes dans la région à continuer de vivre sous le seuil de la pauvreté. Ainsi, cette analyse en particulier contredit ostensiblement les tenants d'une décision prise strictement sur le plan du développement, c'est-à-dire ceux qui affirment que réduire la pauvreté n'a rien à voir avec la présence d'un conflit.

    Par ailleurs, la résolution du conflit en l'occurrence pourrait libérer des sommes considérables pour l'investissement, et favoriser des accords économiques et commerciaux qui contribueraient énormément aux efforts de réduction de la pauvreté dans la région. Il est vrai que l'on réclame énergiquement l'injection de fonds supplémentaires pour réduire la pauvreté dans la région—et j'ai écouté attentivement le président Wolfensohn—mais l'absence de résolution du conflit nuit énormément à cet effort. Vous avez dû constater qu'il y a deux semaines à peine, le premier ministre Blair et sa Commission pour l'Afrique ont lancé une nouvelle exhortation. Le premier ministre Meles est membre de cette commission. Pourtant, en même temps, nous constatons que l'absence de résolution du conflit est un empêchement majeur, un handicap, un inconvénient, une entrave—quelle que soit la façon dont vous voudrez décrire la situation—nuisant à la résolution et à la mise en oeuvre efficace d'une forme quelconque de programme de réduction de la pauvreté.

    Je pense qu'il est regrettable que les efforts déployés jusqu'à présent par la communauté internationale se soient révélés incapables d'obtenir la coopération des parties pour dénouer l'impasse actuelle. J'espère vivement que l'Éthiopie et l'Érythrée s'abstiendront de tout acte qui pourrait aboutir à la reprise des hostilités. Cela dit, je dois vous signaler que dans son rapport de la semaine dernière, le Conseil de sécurité constate l'intensification des déploiements militaires près de la frontière. On a vu une augmentation substantielle des mouvements militaires et le dialogue entre les deux côtés qui s'opposent revêt un ton plus militaire. Cela s'est accompagné d'une augmentation considérable des ventes d'armes dans la région. Ainsi, ce différend frontalier entraîne dans la région la combinaison de dangers accrus et d'obstacles au progrès économique et social.

    Que peut-on faire? Je vous dirai d'emblée que malgré les difficultés, il n'est pas question de renoncer. Nous ne pouvons pas abandonner 70 millions de personnes. Le pays est à une croisée des chemins : il optera pour la paix et le développement ou il choisira la guerre avec ses conséquences catastrophiques. Le temps presse. Les deux pays augmentent leurs arsenaux, déploient plus de militaires à leurs frontières. Il est évident que l'impact économique et psychologique du conflit continue de toucher les populations, en particulier avec l'exacerbation de la famine. Je suis encore convaincu toutefois que la guerre est évitable.

    Permettez-moi d'énumérer certaines mesures qui, à mon avis, devraient être envisagées et qu'il conviendrait que les membres du comité retiennent pour étude.

    Tout d'abord, il faut adhérer à la primauté du droit. Dans ces conditions, cela signifie que l'Accord d'Alger et la Commission du tracé de la frontière constituent le cadre juridique par lequel doit passer la résolution du conflit et que la décision d'avril 2002 doit être mise en oeuvre. Il n'y a pas d'autre mécanisme possible. Autrement, c'est la guerre.

À  +-(1030)  

    On devrait soutenir l'Éthiopie dans son exhortation à un dialogue généralisé avec ses voisins en vue d'une normalisation. Une paix durable participe de la résolution de toute une gamme d'enjeux politico-économiques, mais un tel dialogue est le complément et non pas une substitution à la tâche immédiate à laquelle les pays qui participent à la commission du tracé de la frontière sont confrontés.

    Troisièmement, la communauté internationale doit être à l'unisson et agir à l'avenant. Les acteurs internationaux clés sont encore divisés quant à la façon de dénouer l'impasse. Permettez-moi d'emprunter l'expression qui décrit la responsabilité de protéger la reddition de comptes car, en effet, il y a un écart entre les prises de position et le soutien financier et politique. C'est tout à fait le cas en l'occurrence.

    Il y a deux semaines, quand j'ai fait rapport au conseil de sécurité, j'ai recommandé que l'on constitue un groupe contact international en Érythrée et en Éthiopie pour soutenir les bons offices du secrétaire général et faire rapport au conseil. Le groupe contact pourrait discuter des enjeux cruciaux. Deux phénomènes qu'il serait utile que la communauté internationale analyse de façon urgente : les acquisitions accrues d'armes par les deux parties et la question du recours à l'aide au développement dans la région pour réduire le risque d'une intensification du conflit.

    En conclusion, je parlerai du rôle du Canada.

    Je pense que nous avons assumé notre rôle de chef de file en insistant sur la nécessité d'exercer notre responsabilité en matière de protection par le biais de la communauté internationale. Cela signifie que la prévention est une composante clé. Notre pays a fourni une aide directe substantielle au gouvernement de l'Éthiopie, à hauteur de plus de 100 millions de dollars, d'après les derniers calculs. Il s'agit de voir comment cette aide peut contribuer plus efficacement à promouvoir la paix et le développement.

    Je suis tenant du principe de l'aide au développement international qui vise à investir dans les pays bénéficiaires, mais le risque de conflit doit être pris en compte dans une telle approche, et actuellement il ne l'est pas. Comme le reconnaît la Banque mondiale, l'objectif de réduire la pauvreté au cas par cas, pays par pays, ne tient pas compte du contexte régional et l'injection de sommes considérables en aide étrangère n'aboutit à des résultats concluants que si cela est fait dans une situation de paix et de sécurité.

    Actuellement, cette situation n'existe pas en Éthiopie et en Érythrée. Le Canada doit examiner soigneusement la viabilité des hypothèses à partir desquelles une aide à la région est fournie, particulièrement la façon dont le Canada pourrait fournir des ressources à des initiatives transfrontalières au bénéfice des deux pays en vue de promouvoir la paix, sans oublier les conditions dont cette aide est assortie. De plus en plus, on offre une aide financière directe mais il ne faut pas oublier que cette façon de faire comporte des messages politiques qui peuvent, dans certains cas, contredire notre position diplomatique.

    Il est également vrai que l'appui financier direct est la forme d'aide la plus aisément transférable et, par conséquent, il y a risque que ces fonds servent à l'acquisition d'arsenaux. Tous les fournisseurs d'aide internationale devraient orienter leur appui de la façon la plus constructive possible pour garantir un bénéfice maximal et contribuer au processus de paix.

    À mon avis, le Canada devrait utiliser plus activement son rôle et sa capacité d'exercer une autorité convocatrice, ce qu'il a fait à bien des reprises dans bien des endroits, afin d'exhorter les autres pays à chercher une solution au différend frontalier. Nous contribuons au développement de la région depuis des dizaines d'années. Nous avons une bonne réputation. On ne nous a jamais accusés de protéger des intérêts particuliers. Notre contribution est considérable et, par conséquent, j'estime que nous pouvons jouer un rôle plus actif dans la région. Assumer ce rôle pourrait aider à l'obtention d'un consensus plus solide au sein de la communauté internationale.

    Et je conclus là-dessus.

    Je répondrai volontiers à vos questions. Merci beaucoup.

À  +-(1035)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Axworthy.

    Avant de passer aux questions, je voudrais dire aux membres du comité que ce matin le gouvernement a déposé sa réponse au rapport du comité qui porte sur les relations avec les pays du monde musulman. Le greffier en enverra un exemplaire aux membres du comité et à tous ceux qui sont venus témoigner ou ont envoyé des mémoires à l'occasion de cette étude. On pourra également consulter la réponse du gouvernement sur le site Web. Pour le suivi, le rapport du comité sera envoyé aux ambassadeurs de toutes les organisations de pays islamiques accréditées au Canada et également aux pays visités.

    Nous allons commencer la période de questions avec M. Menzies. Allez-y.

+-

    M. Ted Menzies (Macleod, PCC): Merci, monsieur le président.

    Merci, monsieur Axworthy. On vous a confié une tâche difficile et je suis sûr que vous saurez relever le défi.

    J'ai quelques inquiétudes et vous avez parlé des mesures que le Canada doit prendre. À propos de ce dossier, on assiste actuellement à une dynamique intéressante. Parce que l'Érythrée n'hérite pas d'une bonne gouvernance, l'ACDI ne lui envoie pas d'aide, alors que l'Éthiopie en reçoit. Tout le monde sait qu'il y a là-bas une sécheresse. Avec les modifications apportées à la frontière, certains secteurs des meilleures terres arables sont inaccessibles aux Érythréens actuellement, ce qui exacerbe la situation. Partant, les Érythréens devraient recevoir de l'aide de l'ACDI mais à cause de l'absence d'une bonne gouvernance—et cela abonde dans le sens des remarques de M. Wolfensohn—, l'ACDI est incapable de lui venir en aide. Vos remarques là-dessus, s'il vous plaît.

+-

    L'hon. Lloyd Axworthy: Si l'on ne se sert que de la bonne gouvernance comme strict critère pour accorder de l'aide, on oublie qu'il faut aider à la création d'une bonne gouvernance. Or, une bonne gouvernance passe notamment par la stabilité et la fin d'un conflit.

    À mon avis, il y a une orthodoxie qui est en train d'envahir les courants de pensée actuels en matière de développement et elle comporte deux difficultés. D'une part, une très grande partie de notre aide est acheminée au cas par cas, pays par pays. Dans mon travail, j'ai découvert qu'il n'y avait aucune symétrie, aucune harmonie, aucun lien entre les stratégies au cas par cas. Chacune se confine à une seule enveloppe. Pourtant, en même temps, l'analyse économique que nous avons fait faire démontre qu'il y a quantité de possibilités pour des initiatives transfrontalières que les donneurs pourraient utiliser pour encourager et inciter un dénouement favorable, afin que les deux pays puissent commencer à se tourner vers... il pourrait s'agir d'un projet d'hydroélectricité ou d'une route ou tout simplement du règlement des problèmes qu'éprouvent les réfugiés à la frontière, des mines terrestres, ce genre de choses. Ces difficultés continuent encore d'être des obstacles majeurs. Je pense qu'il nous faut repenser le contexte de la situation.

    Deuxièmement, pour répondre à votre question directement, le recours au critère de bonne gouvernance nous force à nous demander comment obtenir cette dernière. Je dois avouer que je m'inquiète que cela devienne un critère strict en soi. Il est vrai que tôt ou tard il faudra que les pays assument leur propre aide au développement, mais ceux qui fournissent de l'aide doivent l'adapter de façon à faire la promotion d'une tentative d'accession à la bonne gouvernance, et non pas supposer que la bonne gouvernance existe déjà. Par conséquent, dans le cas qui nous occupe, votre remarque est tout à fait à propos car il y a des enjeux vraiment cruciaux qu'il faudrait régler de façon plus générale qu'actuellement, et ce, grâce à nos programmes de transferts financiers directs.

+-

    M. Ted Menzies: Cela vous inquiète donc aussi—le fait que ceux qui reçoivent de l'aide ne sont peut-être pas nécessairement les plus méritants.

+-

    L'hon. Lloyd Axworthy: Monsieur Menzies, comme j'ai essayé de le souligner dans mes remarques liminaires, d'après mon évaluation de la situation, l'élément clé est de recourir à tous les outils disponibles pour tâcher de résoudre le conflit. On ne peut pas se contenter de laisser faire les choses tout simplement parce qu'il n'y a pas actuellement de combats. Comme je vous l'ai fait remarquer, le fait qu'on n'ait pas encore trouvé d'issue à une incidence—une incidence grave, dévastatrice pour la population de la région. Par conséquent, il importe que le gros des mesures que nous prenons—mesures diplomatiques ou stratégies de développement, soient intégrées. Il faut que les deux aillent de concert pour qu'elles puissent oeuvrer en tandem de façon à appuyer la résolution du conflit. À l'heure actuelle, rien ne se fait dans ce sens—qu'il s'agisse de l'aide de l'Union européenne, des États-Unis, de la Grande-Bretagne ou du Canada. Ce n'est tout simplement pas ainsi qu'on aborde la situation. Les approches sont morcelées. Or, selon moi, s'il n'y a pas résolution du conflit et si les deux parties ne travaillent pas ensemble, tous les efforts en vue de réduire la pauvreté seront vains.

À  +-(1040)  

+-

    M. Ted Menzies: Qu'est-ce que notre pays peut faire de plus?

+-

    L'hon. Lloyd Axworthy: Comme vous le savez, nous injectons beaucoup d'argent. L'Éthiopie a été désignée l'un des huit ou neuf principaux récipiendaires.

    Je dirais qu'en premier lieu, il nous faudrait redéployer cette aide au développement pour déterminer comment nous pouvons aider à la résolution du conflit. Des initiatives transfrontalières seraient l'occasion de faire ce genre d'offre à la table des négociations. Deuxièmement, on pourrait intensifier les mesures diplomatiques.

    Je tiens à dire en passant que dans le cadre de mon travail dans la région, j'ai pu compter constamment sur une grande coopération de la part de nos agents du service extérieur. Ils m'ont fourni de l'aide avec grande courtoisie, quand j'étais dans la région, afin que je puisse établir les contacts nécessaires. Aucun reproche de ce côté-là. Mais nous pourrions jouer un véritable rôle diplomatique pour hâter le consensus dont je parlais tout à l'heure. La communauté internationale est divisée quant à la voie à prendre. Le Canada pourrait jouer un rôle constructif pour intensifier l'harmonisation d'une démarche internationale.

+-

    M. Ted Menzies: Merci.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Menzies.

    Je rappelle aux membres du comité qu'un autre comité doit se réunir dans cette salle-ci, à 11 heures, de sorte qu'il faudrait limiter la longueur de nos questions pour donner à M. Axworthy le temps de répondre. Nous voulons que chacun puisse prendre la parole.

    C'est maintenant au tour de M. Paquette.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: D'abord, je vous remercie d'avoir accepté l'invitation du comité.

    Premièrement, vous avez parlé d'un fossé entre les engagements verbaux des pays et les engagements financiers. J'aimerais que vous développiez ce sujet un peu plus.

    Deuxièmement, étant donné que dans ce conflit l'Éthiopie est en défaut de respecter la recommandation de la commission et que nous faisons face à deux joueurs de force tout à fait inégale, ne devrait-on pas envisager la possibilité d'imposer des sanctions à l'Éthiopie? En effet, l'Érythrée est un pays de 4 millions d'habitants qui subit énormément de pressions sur le plan économique et qui, en plus, ne reçoit pas d'aide de l'ACDI. De son côté, l'Éthiopie est quand même un pays de plus de 60 millions d'habitants qui reçoit énormément d'aide de l'ensemble des pays.

    Alors, le recours à des sanctions ou à des menaces de sanctions ne serait-il pas un moyen de faire débloquer la situation?

[Traduction]

+-

    L'hon. Lloyd Axworthy: Monsieur Paquette, mon expérience, si tant est qu'elle est peu reluisante et troublée, me dicte de me méfier du recours aux sanctions car ce sont les populations qui en pâtissent principalement, et pas nécessairement les décideurs. Il faut donc se servir des sanctions de façon très prudente et très minutieuse.

    Je pense qu'il existe bien des façons pour la communauté internationale de faire preuve de plus de rigueur dans sa démarche. Assurément, comme je l'ai dit, j'ai recommandé au conseil de sécurité d'envisager la création d'un groupe contact qui intensifierait la présence internationale et appuierait les efforts du secrétaire général. Je ne pense pas qu'en l'occurrence le recours aux sanctions serait particulièrement efficace. Il y a beaucoup trop d'autres éléments complexes qui interviennent.

    Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires et dans ma réponse à M. Menzies, je propose que nous repensions ou réévaluions la façon dont nous fournissons actuellement de l'aide. Je préfère la carotte au bâton pour l'instant.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Est-ce que vous pouvez préciser ce que vous vouliez dire lorsque vous avez parlé du fossé entre les engagements verbaux et les réalisations concrètes?

[Traduction]

+-

    L'hon. Lloyd Axworthy: Comme je l'ai dit, l'horizon ici est bouché. D'une part, l'Éthiopie a dit qu'elle ne reconnaîtrait pas les bornes fixées par la commission tant qu'un dialogue plus général ne sera pas engagé et l'Érythrée a dit qu'elle ne participera pas à ce dialogue tant que l'Éthiopie n'accepterait pas les bornes fixées par la commission du tracé de la frontière.

    Selon moi, l'un n'empêche pas l'autre. La commission du tracé de la frontière, dans la mesure où elle sera libre d'agir, a assez d'envergure pour permettre que s'engage un dialogue en parallèle de sorte que l'abornement ne se limite pas simplement à tracer une ligne. Le processus est compliqué. Il faut un travail d'arpentage. Il faut des agents de liaison. Il s'agit d'un programme technique plutôt dynamique. Ainsi, il y aurait le temps nécessaire pour qu'un dialogue s'engage entre les deux parties qui travailleraient sous l'égide de la commission du tracé de la frontière. C'est ce que j'ai recommandé au conseil de sécurité.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Vous disposez de deux minutes supplémentaires si vous le souhaitez.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Si on pouvait disposer de la motion avant 11 heures, je ne voudrais pas retarder le comité. Je veux seulement signaler que la traduction française est pitoyable.

À  +-(1045)  

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Très bien. Merci.

    Nous tâchons de donner à chacun la possibilité de poser des questions à M. Axworthy. Je voulais tout simplement dire que votre temps n'était pas encore écoulé.

    C'est maintenant au tour du parti ministériel.

    Monsieur Bevilacqua.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Tout d'abord, je suis ravi de vous revoir, monsieur Axworthy.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Soyez très bref.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Je n'y manquerai pas.

    Les gens qui quittent la politique reviennent rajeunis et revigorés. Je ne sais pas comment expliquer cela.

+-

    L'hon. Lloyd Axworthy: J'ai été canonisé à l'université.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Je suis ravi de constater que vous êtes très occupé dans la vie privée, si l'on peut dire que la vie d'un président d'université est privée. Je n'en suis pas sûr. C'est une activité plutôt publique.

    Voici ma question. En tant qu'envoyé spécial, de quelle latitude disposez-vous pour susciter ce genre de résolution?

+-

    L'hon. Lloyd Axworthy: Un envoyé spécial relève du secrétaire général. Le travail qui lui est confié procède du pouvoir, du pouvoir moral et politique qu'il détient. Il existe également des résolutions très claires adoptées par le conseil de sécurité qui a entériné le rapport de la commission du tracé de la frontière et reconnu la nécessité de l'abornement. Ce sont là les deux principaux mandats politiques qui dictent mon travail.

    Pour mener à bien ces mandats, comme je l'ai dit, il faut un consensus très clair et cohérent au sein de la communauté internationale, particulièrement de la part des pays qui sont actifs dans la région par l'aide qu'ils apportent, car il leur faut tous être à l'unisson. Ce n'est pas la réalité actuellement et c'est pourquoi la position est fragilisée.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Comment selon vous les choses vont-elles évoluer dans la région? J'ai l'impression que nous en sommes à une croisée des chemins, n'est-ce pas?

+-

    L'hon. Lloyd Axworthy: Oui, c'est cela. Comme je l'ai dit à M. Paquette, j'ai recommandé que le conseil de sécurité se penche sur la question. Ces pays collaborent dans le cadre d'une association officieuse qu'on appelle « les témoins ». Ce sont les pays qui étaient signataires de l'Accord d'Alger, comme vous savez, il n'y a donc pas de structure officielle. Ils sont simplement là comme signataires, si vous voulez. J'aimerais que cela soit consolidé quelque peu afin d'avoir un arrangement du type groupe de contact.

    C'est là du jargon diplomatique, mais cela signifie qu'une coalition de pays plus efficace jouerait un rôle véritable et exercerait son influence. Une bonne part de l'influence ne provient pas seulement de l'ONU, c'est l'influence bilatérale des pays qui travaillent dans la région. Il faut donner à tout cela un certain degré d'harmonie ou d'unité, ce qui n'est présentement pas le cas.

    Pour l'autre question, je ne veux pas exagérer, mais je crois qu'il faut réévaluer les pratiques de développement. Si vous pouvez recevoir une aide directe sans qu'on vous dise le moindrement que la résolution du conflit doit faire partie de la stratégie globale, l'inaction reste impunie. Je crois que c'est la situation avec laquelle nous sommes aux prises en ce moment.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Permettez-moi de vous poser une question. Croyez-vous qu'on peut trouver une solution, êtes-vous optimiste?

+-

    L'hon. Lloyd Axworthy: Intrinsèquement, oui, mais disons que dans ce cas-ci, je suis un peu plus prudent.

    Je vais revenir à une autre question. C'est une région qui est très importante, pour nous tous je crois, mais surtout pour les 70 millions de personnes qui y vivent. Les temps sont très durs, il y a cette combinaison de famine, de pauvreté et d'absence d'investissements. C'est vraiment désolant à voir.

    Malheureusement, l'absence de résolution au conflit est un obstacle majeur à l'expression de ce que je crois être les bonnes intentions des nombreux pays qui veulent contribuer à régler ces problèmes. Mais ces problèmes resteront sans solution tant qu'on n'aura pas mis fin à ce conflit.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Quand vous parlez aux dirigeants de l'Érythrée et de l'Éthiopie, ils doivent comprendre très bien que ce genre de trouble accroît la pauvreté, comme vous dites, que cela met leur pays vraiment en péril. Ce sont des vérités qui crèvent les yeux. Pourquoi ont-ils tant de mal à comprendre cela?

+-

    L'hon. Lloyd Axworthy: Je m'efforce de ne pas juger les motivations. Comme je l'ai dit, du côté de l'Érythrée, on a le sentiment que la communauté internationale a approuvé le jugement de la commission du tracé de la frontière et la règle de droit a été appliquée pour établir certaines lignes, et qu'il faut respecter cela. De son côté, l'Éthiopie croit que le processus présentait de sérieuses lacunes. Ce pays n'est pas d'accord avec le jugement; il est d'accord cependant avec le principe. C'est le diable qui se niche dans les détails.

    En conséquence, le problème est que la commission du tracé de la frontière a cessé de fonctionner. Je crois que le président de la commission, comme vous le savez, a déjà déclaré que, du fait que ces deux pays ne bougent pas, elle devra mettre en veilleuse son activité jusqu'au jour où elle recevra le signe d'une réaction positive quelconque.

    J'apporte une clarification. Je n'ai pas accès aux dirigeants érythréens. Ils ne parlent pas aux représentants de l'ONU sur cette question, si ce n'est que le secrétaire général a eu un bref échange avec le président Isaias en juillet dernier. On a le sentiment qu'il s'agit de questions de principe, de fierté et d'identité nationale. Cela remonte à l'histoire de leur mouvement pour l'indépendance et à ce qui est arrivé entre ces deux pays.

    Mais je persiste à croire qu'il y a encore moyen de régler ce problème. On pourrait, par exemple, convaincre l'Éthiopie de collaborer avec la commission du tracé de la frontière et d'avoir un dialogue dans un processus parallèle; au lieu de séquencer les choses en disant, dialoguons d'abord, passons ensuite à la commission du tracé de la frontière. Je sais que cela ressemble presque à un exercice de pédagogie, mais la question du séquençage est très importante dans le règlement de ce conflit.

À  +-(1050)  

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Dans votre exposé, vous avez parlé de l'écart entre ce que les gens disent et ce qu'ils font par rapport, j'imagine, aux autres pays. Pouvez-vous nous donner plus de détails?

+-

    L'hon. Lloyd Axworthy: Comme vous le savez, divers pays ont pris diverses positions sur cette question, et ils s'efforcent de régler les choses de manière bilatérale.

    Je dirais que j'ai été encouragé par le travail qu'a fait la troïka de l'Union européenne au printemps dernier, sous l'impulsion de l'Irlande. Elle s'est rendue dans la région, elle a rencontré les deux parties, et elle a obtenu du président Isaias qu'il fasse appel au processus des Nations Unies. Nous avions réussi à lancer un certain mouvement, je pense, après quoi il s'est effondré.

    Je crois qu'il s'est fait aussi beaucoup de travail à l'automne pour convaincre l'Éthiopie de respecter le jugement de la commission du tracé de la frontière. Le premier ministre Meles, dans son plan en cinq points, s'est engagé en principe à faire cela. Ce fut là une nouvelle avancée.

    Quand j'y étais en janvier, j'ai été surpris de voir qu'on semblait reculer de cette position et dire que l'on accepterait la commission du tracé de la frontière seulement après un dialogue plus élargi. Avec tout ce qu'il y a en jeu, je sais que ces positions n'ont pas l'air d'avoir la pertinence qu'elles devraient avoir. En fait, le gouvernement est également très influencé des deux côtés, bien sûr, par la situation politique intérieure. Nous savons tous comment ça marche lorsqu'il s'agit de prendre des décisions de politique étrangère.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Axworthy.

    Madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Monsieur Axworthy, je tiens moi aussi à vous remercier d'être venu, non seulement parce que vous nous faites partager votre connaissance du contexte, mais aussi parce que vous vous servez de votre longue expérience diplomatique et des affaires étrangères pour intervenir dans ce dossier.

    Nous aimerions avoir le temps de poser les nombreuses questions que nous avons et d'en discuter en détail, mais puis-je seulement vous demander de dire au comité quelles sont vos réflexions, quel conseil vous pourriez nous donner sur le rôle que nous pourrions jouer—et par « nous », j'entends le gouvernement canadien, mais aussi le Comité des affaires étrangères—pour collaborer peut-être avec la diaspora éthiopienne et érythréenne ici au Canada pour bâtir quelques ponts.

    Vous avez fort bien expliqué dans quelle mesure l'histoire et l'avenir de l'Érythrée et de l'Éthiopie sont inextricablement liés. Ce que nous disent la communauté éthiopienne et la communauté érythréenne du Canada, c'est qu'il y a toute cette angoisse, cette douleur et cette irritation que l'on ressent à voir les misères épouvantables qui affligent les gens des deux pays pendant que ce conflit se poursuit. J'aimerais que vous nous disiez si, à votre avis, il y a moyen de trouver une amorce de dialogue dans ce secteur.

    Deuxièmement, vous avez dit que le Canada devrait peut-être accroître sa présence diplomatique et intégrer davantage le développement et la diplomatie, et je me demande si vous pourriez nous reparler un peu plus de cela. L'un des thèmes dominants de notre brève discussion, et cela rejoint ce que nous a dit la diaspora, c'est l'incompréhension absolue qu'a suscitée le blocage de l'aide au développement à l'Érythrée. Il me semble qu'il y a là un cercle vicieux qu'il faut briser.

À  +-(1055)  

+-

    L'hon. Lloyd Axworthy: Si l'on me permet de revenir en arrière, monsieur le président—mais pas trop loin—, comme vous vous en souvenez peut-être, nous avons mis de l'avant en 1997 ce que nous appelions la stratégie de consolidation de la paix. Cette stratégie visait à conjuguer l'action de l'ACDI et celle du ministère des Affaires étrangères afin d'intégrer la diplomatie et le développement. Ce qui voulait dire que n'avions pas nécessairement les mains liées par une approche pays par pays, une approche régionale ou une approche de réduction de la pauvreté. Il s'agissait simplement pour nous d'aider les régions à mettre fin à l'instabilité, aux conflits et à la violence qui avaient cours.

    Comme vous vous en souvenez peut-être, un volet de cette stratégie consistait à oeuvrer de concert avec les diasporas étant donné qu'elles disposent d'une influence très marquée. La faculté qu'ont nombre de ces groupes partout dans le monde de communiquer, de se soutenir, d'apporter de l'aide à cette région et à d'autres est, à mon avis, une chose que nous n'avons pas vraiment incorporée très bien dans le façonnement de notre politique étrangère. Grâce au plan de consolidation de la paix, nous pouvons soutenir ce genre d'efforts qui unissent les gens.

    Dans sa dimension la plus large, je persiste à croire que la consolidation de la paix est un élément très important de la politique étrangère du Canada. C'est une chose que nous faisions très bien, et je crois que nous pouvons continuer en ce sens. Je crois par conséquent qu'il faut intégrer cela. J'étais un peu étonné d'apprendre que l'ACDI avait fermé son service de consolidation de la paix. Il y avait peut-être de bonnes raisons à cela, mais je crois que cela a rompu ce lien qui était très important.

    Pour ce qui est d'influencer les choses, cela pourrait être un moyen, mais j'en reviens à ce que j'ai répondu à M. Menzies. À mon avis, il existe des possibilités très intéressantes au niveau des initiatives transfrontalières—ou du moins pour mettre ces propositions sur la table—qui influenceraient les deux parties. Les deux économies sont inextricablement liées. Il y a la question du transports et des ports, il y a la question de l'électricité et de l'eau, et il y a la question des conflits frontaliers elle-même. Je pense que la volonté qu'on a de faire intervenir certains pays, pas seulement de notre propre initiative mais autour de ce genre d'initiative transfrontalière, pourrait être très utile. Cela nous permettrait à tout le moins de mettre quelque chose sur la table et d'en parler.

    Pour ce qui est de la diaspora, j'aimerais qu'on fasse davantage de choses pour unir un peu plus ces deux groupes. Ils sont très éloignés l'un de l'autre dans notre pays. À l'université où je suis en ce moment, nous avons créé une chose qu'on appelle le collège mondial. Nous cherchons ainsi à fournir le genre de forum où les groupes culturels et ethniques du Canada qui ont des intérêts dans leur mère patrie peuvent se rencontrer, exprimer leurs idées et s'entendre. Je crois que nous avons encore beaucoup à faire dans notre propre pays pour cimenter ces groupes. Je ne demande rien, mais le fait est que ce genre d'activité ne reçoit virtuellement pas un sou.

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    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Il vous reste quelques secondes.

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    Mme Alexa McDonough: Ma question suivante est peut-être peu diplomate et, si tel est le cas, je m'en excuse. Votre mandat vous permet-il de rassembler des représentants de la diaspora ou est-ce un rôle que devrait jouer le gouvernement canadien, peut-être avec l'aide du Comité des affaires étrangères.

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    L'hon. Lloyd Axworthy: Non, je ne crois pas que cela fasse partie de mon mandat. Le secrétaire général a clairement dit que j'ai le mandat de mettre en oeuvre le rapport de la commission du tracé de la frontière et d'entretenir le dialogue entre les deux parties qu'il a fallu beaucoup de temps pour amorcer.

    Je le répète, je suis intimement convaincu que notre gouvernement, mais aussi notre pays, peut rassembler tous les intéressés et amener les gens à examiner les enjeux de façon impartiale.

    Il y a aussi des pays aux vues similaires aux nôtres, surtout la Norvège, qui pourraient devenir nos alliés et je crois qu'il y a suffisamment d'espace politique pour ce genre d'activité diplomatique pour le développement.

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    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Axworthy.

    Je cède maintenant la parole au parti ministériel, à M. McTeague.

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    L'hon. Dan McTeague: Monsieur Axworthy, merci d'être venu.

    Je pourrais faire bien des observations, mais puisque j'ai peu de temps, j'aimerais aborder rapidement deux points. Premièrement, que pensez-vous de l'approche de la carotte et du bâton, même si n'aime pas employer cette expression? Il s'agit en fait, comme l'a laissé entendre M. Paquette un peu plus tôt, de menacer d'imposer des sanctions plutôt que de prévoir des incitatifs. On peut ainsi parler de tous les facteurs dont on devra tenir compte pour que les deux parties en viennent à collaborer.

    Outre tout cela, je me demande quelle est l'importance des droits de la personne et que font les deux parties pour respecter les conventions. Si je ne m'abuse, l'Éthiopie a convenu de déployer des efforts à ce chapitre et a d'ailleurs réalisé des progrès, ce qui est assez ironique puisque l'Érythrée n'a rien fait de tel. En quoi cela complique-t-il votre tâche de trouver une stratégie d'ensemble se fondant soit sur des mesures incitatives soit sur des sanctions?

Á  -(1100)  

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    L'hon. Lloyd Axworthy: Monsieur McTeague, je suis conscient de ces questions, mais comme je l'ai dit à Mme McDonough, mon mandat est très précisément défini, et c'est de régler le différend frontalier et de n'intervenir dans aucune autre affaire.

    Le représentant spécial de la mission des Nations Unies en Éthiopie et Érythrée travaille à des dossiers tels que les droits des femmes et le sida. C'est un rôle très limité. L'ONU n'a pas joué un rôle d'importance dans cette région, sauf par l'entremise de ses agences de développement qui travaillent sur le terrain. Cela ne fait pas partie de mon mandat.

    Sans vouloir me répéter, ce conflit qui perdure constitue une force si puissante et si considérable qu'il freine tous les efforts, que ce soit relativement aux droits de la personne, en vue de réduire la pauvreté ou de réformer l'agriculture. C'est un gorille de 400 kilos qui vous bloque la route et que vous ne pouvez contourner. Tant que ce conflit ne sera pas résolu, il fera obstacle à tous les efforts déployés dans ces autres domaines.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur McTeague.

    Madame Stronach, vouliez-vous poser une question très rapidement?

+-

    Mme Belinda Stronach: La tension est très élevée à la frontière de l'Éthiopie et de l'Érythrée et vous avez souligné la nécessité de stabiliser la frontière advenant que tout autre progrès ne puisse être réalisé sur les autres fronts. Faudrait-il des ressources additionnelles, telles que des troupes, pour la situation?

+-

    L'hon. Lloyd Axworthy: Pas actuellement, madame Stronach. Je pense qu'il y a environ 3 200 casques bleus dans cette région. Mais je le répète, leur mandat est circonscrit à la zone de transition et leur permet essentiellement de maintenir le contact de façon pacifique. En revanche, il n'y a rien que nous puissions faire pour contrer les activités de renforcement à l'extérieur de ces zones.

    Je pense que la communauté internationale devrait faire beaucoup plus pour s'opposer aux ventes d'armes. Il y a un rôle à jouer, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai recommandé la chose au Conseil de sécurité. Dans la même veine que ce que j'ai dit à Mme McDonough, le Canada devrait se saisir de ce genre de question parce qu'il y a énormément de pays qui sont bien placés pour savoir qu'ils ne devraient pas profiter comme ils le font de la vente d'armes. Je pense qu'il serait utile aussi d'envisager l'intervention du conseil pour apposer certaines limites à cela. C'est un dossier qui m'interpelle parce que j'ai trop souvent entendu dire que s'il se révélait impossible de résoudre ce conflit par les voies diplomatiques, il finirait par se régler par la voie des armes.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Je vous remercie.

    Allez-y, monsieur Paquette.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Si nous ne disposons pas de la motion aujourd'hui, j'aimerais qu'on nous revienne avec une traduction française plus adéquate.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Je vais dire au greffier d'en prendre bonne note.

    Comme la motion peut faire l'objet d'un débat, nous n'avons pas le temps aujourd'hui... Avec l'indulgence du comité, je voudrais proposer de surseoir à la question jusqu'à ce que le texte ait été changé, de sorte que nous nous en saisirons lors de notre prochaine réunion.

    Madame McDonough, un autre comité attend que nous libérions la salle, de sorte que si vous pouviez limiter votre intervention à trois phrases seulement...

+-

    Mme Alexa McDonough: Nous avons donc pu profiter du témoignage de M. Axworthy, mais je voudrais également, lorsque nous nous en saisirons, exhorter mes collègues... Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que la motion est certes perfectible, et qu'elle doit être mieux étayée. Je pense qu'il est tout à fait justifié que nous entendions des représentants de la diaspora érythréenne et éthiopienne avant de tirer des conclusions. Pourrions-nous donc faire en sorte que cette discussion puisse effectivement survenir à notre prochaine réunion?

-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci beaucoup, madame McDonough.

    Encore une fois, nous tenons à remercier M. Axworthy de son témoignage. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous ne lui avons pas coupé la parole plus tôt, nous voulions absolument, monsieur, que vous ayez tout loisir de vous exprimer.

    La séance est levée.