FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 19 mai 2005
¿ | 0905 |
La vice-présidente (Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ)) |
M. Gerry Barr (président-directeur général, Conseil canadien pour la coopération internationale) |
La vice-présidente (Mme Francine Lalonde) |
M. Gerry Barr |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)) |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC) |
¿ | 0925 |
M. Gerry Barr |
¿ | 0930 |
M. Kevin Sorenson |
M. Gerry Barr |
Le président |
M. Brian Tomlinson (agent de programme, Aide au développement, Conseil canadien pour la coopération internationale) |
¿ | 0935 |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
¿ | 0940 |
M. Gerry Barr |
Le président |
Mme Gauri Sreenivasan (agente de programme, Commerce, Conseil canadien pour la coopération internationale) |
Le président |
Mme Erin Simpson (agente de programme, Question de paix, sécurité et développement, Conseil canadien pour la coopération internationale) |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Brian Tomlinson |
Le président |
L'hon. Lawrence MacAulay (Cardigan, Lib.) |
¿ | 0950 |
M. Gerry Barr |
¿ | 0955 |
L'hon. Lawrence MacAulay |
M. Gerry Barr |
L'hon. Lawrence MacAulay |
M. Gerry Barr |
Mme Erin Simpson |
Le président |
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD) |
À | 1000 |
M. Gerry Barr |
À | 1005 |
Mme Gauri Sreenivasan |
Le président |
M. Ted Menzies (Macleod, PCC) |
À | 1010 |
M. Gerry Barr |
Le président |
M. Brian Tomlinson |
À | 1015 |
Le président |
M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan, Lib.) |
M. Gerry Barr |
L'hon. Maurizio Bevilacqua |
M. Brian Tomlinson |
À | 1020 |
L'hon. Maurizio Bevilacqua |
M. Brian Tomlinson |
À | 1025 |
L'hon. Maurizio Bevilacqua |
Le président |
M. Gerry Barr |
Le président |
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ) |
À | 1030 |
M. Gerry Barr |
À | 1035 |
Mme Gauri Sreenivasan |
Le président |
L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.) |
À | 1040 |
M. Gerry Barr |
L'hon. Dan McTeague |
M. Gerry Barr |
M. Brian Tomlinson |
À | 1045 |
Le président |
L'hon. Dan McTeague |
M. Gerry Barr |
À | 1050 |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
Le président |
M. Gerry Barr |
Mme Alexa McDonough |
Le président |
À | 1055 |
Le président |
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC) |
Le président |
L'hon. Dan McTeague |
M. Stockwell Day |
L'hon. Dan McTeague |
M. Stockwell Day |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
M. Stockwell Day |
Le président |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
M. Stockwell Day |
Le président |
Le président |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 19 mai 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0905)
[Français]
La vice-présidente (Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ)): Bonjour à tous. Bienvenue à cette séance du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Nous recevons aujourd'hui des représentants du Conseil canadien pour la coopération internationale qui sont ici pour l'examen de la politique internationale, qui est le premier point à l'ordre du jour. Nos invités sont M. Gerry Barr, président-directeur général; M. Tomlinson, agent de programme, Aide au développement; Mme Sreenivasan, agente de programme, Commerce; Mme Erin Simpson, agente de programme, Questions de paix, sécurité et développement; et Mme Anne Buchanan, coordonnatrice, Développement organisationnel.
Le deuxième point à l'ordre du jour porte sur les travaux du comité. Nous avons deux avis de motion de M. Stockwell Day et une demande de budget de fonctionnement du Sous-comité des droits de la personne et du développement international.
Monsieur Barr, c'est la première fois que je vous vois sous cet angle.
M. Gerry Barr (président-directeur général, Conseil canadien pour la coopération internationale): Oui, tout à fait, madame.
La vice-présidente (Mme Francine Lalonde): Je vous invite à nous exposer le contenu de votre excellent travail, que j'ai lu avec beaucoup de plaisir.
[Traduction]
M. Gerry Barr: Merci, et bonjour à tous les membres du comité.
Le Conseil est très heureux de cette occasion de discuter avec le comité de l'Énoncé de politique internationale récemment publié par le gouvernement. Je voudrais parler brièvement du processus qui a abouti à l'EPI, en décrivant rapidement la teneur des discussions au sein de la communauté des ONG jusqu'au moment de la publication de l'EPI. Enfin, je vais vous parler de notre évaluation des orientations qui ressortent de l'Énoncé proprement dit.
Je suis accompagné aujourd'hui d'un certain nombre de membres de nos équipes chargées de la politique et du développement qui ont dirigé les efforts du Conseil dans l'élaboration d'une série de documents qui ont servi de toile de fond aux discussions des ONG au sujet de la politique étrangère du Canada, jusqu'au moment de la publication de l'EPI. Brian Tomlinson dirige l'équipe de programme du CCCI et il est notre analyste pour tout ce qui concerne l'aide internationale et les approches qu'il convient d'adopter dans le domaine du développement et de la prestation de l'aide. Gauri Screenivasan est membre de l'équipe de programme chargée, entre autres, des conséquences pour le développement de la mondialisation et de la politique commerciale canadienne. Erin Simpson est analyste de programme travaillant auprès de divers organismes membres du Conseil sur des dossiers liés à la paix, aux conflits dans le monde, et à la situation des États fragiles. Anne Buchanan, qui travaille au Conseil du côté du développement organisationnel, travaille auprès de différents organismes membres sur des dossiers qui concernent la mobilisation du public et la citoyenneté mondiale.
L'examen de la politique internationale du Canada, et maintenant l'Énoncé de politique internationale, se faisait attendre depuis longtemps. Il était attendu même avant que M. Martin ne devienne premier ministre et, au départ, on pensait qu'il s'agirait de faire un examen global, à l'échelle de l'ensemble de l'appareil gouvernemental, de la politique étrangère canadienne, de manière à définir l'orientation du Canada pour les 10 prochaines années.
Même si beaucoup de réflexion et de discussions interministérielles sous-tendent le fond du rapport, il n'y a encore eu aucun exercice qu'on pourrait considérer comme correspondant à des consultations publiques. Nous espérons que celles-ci pourront se faire au fur et à mesure que le comité et d'autres assumeront leurs responsabilités. Il y a des lacunes à combler, des idées qui manquent, et des considérations ou mises en garde qu'il convient de mettre en relief. Nous savons que les groupes représentant la société civile, les organismes de citoyens et les citoyens individuels s'attendent à être invités à participer de façon fructueuse à cette discussion avant que vous n'ayez terminé votre examen de l'Énoncé.
L'ampleur et l'impact de la pauvreté mondiale sont ahurissants; 1,2 milliard de personnes vivent à l'heure actuelle dans la misère. Presque la moitié de la population mondiale a un revenu de moins de 2 $US par jour. Tous les jours, 50 000 personnes meurent de maladies liées à la pauvreté—soit un tiers de tous les décès.
Pour citer un extrait d'une publicité qui est passée à la télévision dans le cadre de la campagne « Abolissons la pauvreté » menée au Canada, « Pourtant, il n'y a rien là d'inévitable ». Cette pauvreté est la marque d'un profond dysfonctionnement social et d'un dysfonctionnement politique au sein des États et au niveau mondial. Si nous ne nous attaquons pas à ce problème, autant oublier l'idée du développement durable, viable et stable dans tous les pays du monde.
Sur le plan pratique, Nelson Mandela a manifestement raison de dire que « la sécurité pour quelques-uns, c'est l'insécurité pour tous ». Nos obligations et nos intérêts à titre de citoyens du monde et de citoyens canadiens nous amènent à nous attaquer à ce problème qu'est l'éradication de la pauvreté mondiale.
¿ (0910)
Mais cela suppose des actifs. Cela suppose la promotion systématique des droits de la personne. Cela suppose aussi des objectifs très clairs. Et un de ces objectifs peut être de faire de l'élimination de la pauvreté mondiale une composante centrale de la future politique étrangère du Canada. C'est ce principe qui a été à l'origine de la grande majorité des discussions et du discours du secteur des ONG en prévision du lancement de l'Énoncé de politique internationale. Les ONG sont à la recherche d'une démarche en matière de financement de l'aide internationale qui prévoira que l'élimination de la pauvreté mondiale doit être l'objectif exclusif de l'aide officielle au développement assurée par le Canada. Cette démarche doit, d'ailleurs, s'appuyer sur un mandat législatif prévoyant une responsabilisation accrue en ce qui concerne les dépenses engagées au titre de l'aide internationale. Elle devrait garantir que l'aide internationale tienne compte des engagements pris par le Canada en matière de respect des droits de la personne et le point de vue de ceux et celles qui vivent dans la pauvreté.
Le Canada doit se joindre aux 11 autres pays donateurs qui se sont engagés à atteindre l'objectif international—soit 0,7 p. 100 de la valeur de leurs économies nationales—afin d'aider les économies des pays pauvres et en développement du monde entier. Bon nombre d'ONG canadiennes espèrent que nos dépenses militaires mettent de plus en plus l'accent sur la protection des peuples et les opérations de maintien de la paix. Une telle orientation devrait favoriser davantage l'acceptation de la doctrine selon laquelle nous avons la responsabilité de protéger les autres et la création d'un fonds spécial qui pourrait servir à régler les conflits et à prévenir les guerres.
Les ONG espèrent depuis un moment que la politique étrangère canadienne mette l'accent sur la nécessité d'un multilatéralisme plus inclusif, et notamment une initiative du G-20 qui tiendrait compte des principes démocratiques de la représentation et de la participation des pays les plus pauvres. Un G-20 qui tient compte de ce principe, qui assure la progression vers un sommet de chefs d'État dans le contexte du système de l'ONU, et qui assure la transparence vis-à-vis de la société civile, apporterait une importante contribution à la création d'un nouveau multilatéralisme, beaucoup plus qu'une ligue du vieux poêle pour les économies riches et émergentes du monde.
Le commerce et le secteur privé ont eu une incidence importante sur les possibilités de développement des économies pauvres. L'aide apportée par le Canada au secteur privé et au développement du secteur privé devrait viser la réduction de la pauvreté. L'approche du Canada en ce qui concerne les échanges avec les pays en développement devrait s'appuyer sur la même vision.
Enfin, les Canadiens s'attendent à influencer le rôle du Canada dans le monde et méritent d'avoir voix au chapitre. Le Canada peut beaucoup faire dans ce domaine pour informer les Canadiens de la situation actuelle. Il peut définir des approches cohérentes à l'interne qui permettront d'encourager les Canadiens à devenir des citoyens actifs du monde. Il peut aussi déposer régulièrement des rapports annuels devant le Parlement sur les relations du Canada avec d'autres pays, de même que sur les priorités et les initiatives canadiennes sur le plan multilatéral. De plus en plus, le Canada doit tenir compte de l'avis des citoyens et des groupes de la société civile en élaborant ses politiques. À cet égard, le Canada doit viser l'application intégrale de l'accord intervenu dans le cadre de l'initiative du secteur bénévole et des codes de bonne pratique que renferme ce dernier.
Alors, où se situe l'Énoncé de politique internationale par rapport à ces attentes, ces préoccupations, et ces espoirs? Eh bien, on peut dire que le résultat auquel nous sommes confrontés est un peu mixte. De toutes les études que renferment les pays, seulement les études portant sur le développement ont vraiment examiné en profondeur les enjeux de la pauvreté mondiale. Dans l'ensemble, la nécessité de s'attaquer au problème de la pauvreté mondiale passe, dans tous ces documents de discussion, pour une question secondaire qui va surtout permettre au Canada de défendre ses intérêts particuliers en matière de promotion de la prospérité, de réduction des menaces terroristes, et d'intervention face à l'insécurité régionale. On peut dire que sur ce plan-là, les pays font défaut, puisqu'ils n'apportent pas une vision globale tenant compte de l'ensemble de l'appareil gouvernemental à ce dossier critique.
Même dans le document portant sur le développement, l'Énoncé de politique internationale ne fait pas explicitement mention de la nécessité d'assortir les programmes d'aide internationale d'un mandat axé sur la réduction de la pauvreté. De plus, il ne tient pas compte des intéressantes possibilités que présentent les projets de loi d'y inscrire un mandat clair et ambigu. Voilà justement une idée qui a récemment reçu l'appui des chefs de trois partis de l'opposition dans une lettre adressée au premier ministre. La porte est encore ouverte à cet égard, mais il faut la franchir. Pour cela, nous avons besoin de l'aide du comité.
¿ (0915)
L'EPI promet une augmentation de l'aide après 2010. De plus, le gouvernement s'engage à accélérer le taux de croissance de l'aide projeté. Mais le premier ministre a déclaré qu'il n'est pas prêt à confirmer l'objectif de 0,7 p. 100 d'ici 2015 tant qu'il ne sera pas sûr de la capacité du Canada d'atteindre cet objectif. Il faut justement réexaminer cette décision. À l'heure actuelle, l'ensemble des parties, quelles que soient leurs allégeances politiques, est favorable à l'adoption d'un plan, limité dans le temps, visant à atteindre l'objectif de 0,7 p. 100. L'économie canadienne est robuste et continue à prendre de l'expansion. Le gouvernement a un bilan fiable en ce qui concerne les excédents budgétaires. Les citoyens veulent que le gouvernement agisse dans ce domaine. Qu'attend donc le gouvernement pour le faire?
L'engagement de concentrer les dépenses au titre de l'aide étrangère dans certains pays et certains secteurs en particulier récemment pris par le gouvernement, et qui est manifeste dans la section de l'Énoncé qui porte sur le développement, est tout à fait bienvenue. Le choix des secteurs est généralement approprié par rapport à l'objectif de la réduction de la pauvreté, la seule omission étant l'agriculture, qui est évidemment un secteur clé. Une concentration de nos efforts dans le secteur agricole est tout à fait nécessaire, étant donné que la grande majorité des pauvres de ce monde vivent en milieu rural et dépendent de l'agriculture pour gagner leur vie. En réalité, aucun secteur ne peut être considéré plus prioritaire que celui-ci.
L'Énoncé de politique internationale fait état de l'intention canadienne d'accroître le financement des opérations de protection et de paix. Le nouveau fonds de 100 millions de dollars pour la paix et la sécurité mondiales représente un progrès important et opportun. Cependant, l'axe du document semble être l'atténuation des menaces pour notre sécurité, et non pas un engagement positif vis-à-vis de la protection des droits de la personne et des citoyens qui sont en danger du fait d'être pris dans des situations d'urgence complexes. Par conséquent, nous souhaitons un certain rééquilibrage des priorités à cet égard.
L'EPI insiste aussi sur le rôle critique des Nations Unies en matière de gouvernance mondiale, mais il ne renferme que quelques vagues affirmations au sujet de la nécessité de mettre la Charte et les principes qui guident le système de l'ONU au centre des politiques canadiennes dans ce domaine. Le G-20 demeure une priorité clé pour le gouvernement de M. Martin. Cependant, s'agissant de représentation, le gouvernement ne s'engage dans son EPI ni à permettre aux pays pauvres d'en être membres, ni à prévoir que des groupes représentant la société civile et venant des quatre coins du monde puissent observer ses activités.
Pour ce qui est des conséquences du commerce pour le développement, l'Énoncé traite presque exclusivement de la nécessité d'améliorer la capacité des économies des pays en développement d'accéder aux marchés mondiaux et de les aider à s'adapter aux marchés mondialisés. Il ne tient donc aucun compte de questions de développement clés qui ont fait partie intégrante des discussions pendant le Cycle de Doha, entre autres la sécurité alimentaire, l'accès aux médicaments, l'érosion des préférences commerciales, et la libéralisation des services essentiels.
Par contre, la façon dont la question du développement du secteur privé et des besoins des petits et moyens entrepreneurs est abordée dans l'Énoncé de politique internationale, notamment dans le contexte de l'économie parallèle, est plutôt positive. Dans la partie de l'Énoncé qui traite du commerce, le fait que l'on reconnaisse que la responsabilité des entreprises est une question importante pour nos politiques canadiennes nous semble tout à fait opportun, mais aucune indication précise n'y est donnée concernant les mesures que le gouvernement compte prendre à cet égard pour améliorer la situation. Dans les parties de l'Énoncé touchant le développement et la diplomatie, l'Énoncé met l'accent sur le rôle clé des citoyens. Par contre, il présente une vision relativement étroite de la participation des citoyens, ce qui indique clairement que nous avons encore beaucoup de chemin à faire avant que le gouvernement ne cautionne l'idée de population mondiale active qui est de plus en plus acceptée par tous les milieux au Canada de nos jours.
¿ (0920)
Le gouvernement doit donc élaborer une stratégie renouvelée et plus vigoureuse de participation publique qui englobera l'ensemble des activités gouvernementales, et même si cette stratégie est certainement suggérée dans la partie de l'Énoncé qui traite du Corps Canada et de la diplomatie ouverte, elle n'est ni expliquée ni analysée.
Monsieur le président, voilà donc pour ma tentative d'aborder une série de questions différentes. Comme vous le savez, cet énoncé est le résultat d'un exercice interministériel englobant l'ensemble de l'appareil gouvernemental. Il comporte plusieurs documents d'analyse, que nous avons essayé d'examiner du point de vue d'un organisme préoccupé par le développement, mais qui comprennent également que les décisions prises au niveau de la politique étrangère, de la défense et du commerce sont importantes et influent sur la coopération au développement et sur le problème primordial que nous essayons de solutionner, soit l'élimination de la pauvreté mondiale.
Je suis maintenant à votre disposition pour répondre aux questions qu'a pu susciter mon exposé, et mes collègues sont à mes côtés pour apporter des éclaircissements, si les membres ont des questions plus détaillées à nous adresser.
Merci.
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Merci beaucoup, monsieur Barr. Merci de votre présence.
Bienvenue à vous tous.
M. Sorenson est notre premier intervenant. Vous avez la parole.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Bonjour.
Je suis très content d'avoir pu lire votre mémoire à l'avance, et je vous remercie de nous en avoir présenté les faits saillants et de nous avoir fait part de votre analyse et de certaines de vos préoccupations.
Au début de votre rapport, vous parlez de l'EPI. Vous dites ceci :
Le gouvernement s'appuie sur les initiatives déjà lancées en vue d'accroître l'aide canadienne, mais il maintient en même temps l'attention sur les secteurs et les programmes qui vont contribuer à réduire la pauvreté dans un nombre défini de pays. |
Cela m'amène à croire qu'à votre avis, la décision de cibler 25 pays est appropriée, ou du moins que vous êtes d'accord avec l'idée de cibler 25 pays. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous êtes d'accord avec cette approche? Peut-être pourriez-vous en même temps répondre à ma deuxième question car, plus loin dans votre document, vous parlez de la mobilisation des Canadiens et de la nécessité de sensibiliser les Canadiens à l'importance de l'aide humanitaire et de tous les autres types de secours qui sont assurés dans le monde entier.
Donc, je vous invite à m'expliquer les observations que vous avez faites au sujet du gouvernement, car de plus en plus, les ONG ne bénéficient plus de financement gouvernemental. Je sais que c'est le cas dans ma propre circonscription, puisque j'ai un groupe du nom de Sahakarini, qui vise des groupes spécifiques et s'appuie sur les efforts de bénévoles de la collectivité qui donnent de leur temps, de leur énergie, et de leur argent pour la cause. Bon nombre d'entre eux paient leurs propres billets d'avion quand ils vont en Inde, mais ces groupes-là ne pourront plus bénéficier de financement gouvernemental. Comment allons-nous mobiliser les Canadiens si nous leur donnons l'impression de ne pas apprécier ce qu'ils font?
J'ai aussi une troisième question. Vous reprochez à l'EPI de dépeindre
... un monde centré sur la sécurité dans lequel tout ce qui menace la vie, les valeurs et la prospérité des Canadiens constitue un élément moteur des décisions de politique. |
Ensuite, vous dites ceci :
La politique étrangère du Canada doit être claire : les conflits complexes qui sévissent hors du pays sont principalement des catastrophes humaines—et non des menaces à l'endroit du Canada ou des havres potentiels du terrorisme. |
Cette citation semble être tout à fait contraire aux affirmations de la ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, qui est d'avis que le Canada est effectivement ciblé. Les responsables du SCRS et même le directeur du SCRS ont déclaré devant ce comité qu'il ne s'agit pas de savoir si le Canada est à risque ou fera l'objet d'un attentat, mais plutôt quand. Donc, de toute évidence, les responsables canadiens sont d'avis que c'est un problème urgent; nous savons que le Canada fait partie des pays que al-Quaïda et Osama ben Laden ont ciblés.
Ma question…et en réalité, c'est plutôt une observation, c'est que si le Canada ne fait pas preuve de vigilance en ce qui concerne la protection de notre pays et de nos citoyens, et si nous ne décidons pas que notre souveraineté est la grande priorité, les terroristes continueront à menacer notre bien-être économique. Même aujourd'hui, on lisait dans le National Post que certains responsables du SCRS auraient déclaré à un congrès sur la sécurité que nous devons absolument élargir notre capacité de collecte de renseignements dans le monde entier. En fait, si ma mémoire est bonne, on indiquait dans cet article que nous vivons actuellement dans un monde caractérisé par des menaces très graves, et que même certains de nos agents à l'étranger mettent leur propre vie en danger en raison des menaces qui pèsent sur les intérêts occidentaux.
Je vous invite donc à répondre à ces trois questions bien précises.
Merci.
¿ (0925)
M. Gerry Barr: Merci. Je vais vous répondre en sens inverse en commençant par votre dernière question.
La position selon laquelle il existe des menaces réelles, que certaines de ces menaces émanent de forces terroristes, et que le Canada est la cible de ces menaces correspond pour moi à une position qu'il est presque impossible de défendre. Quant à nous, nous insistons sur la nécessité pour le gouvernement d'adopter une approche globale qui tient compte à la fois de la nécessité de combattre le terrorisme, de préserver les droits des Canadiens, et de régler les problèmes de la planète. Il convient à notre avis de chercher à solutionner les problèmes de la planète de manière plus équilibrée et appropriée.
La menace la plus grave qui pèse sur le monde d'aujourd'hui est moins le terrorisme que la pauvreté mondiale. Il s'agit là d'une réalité empirique, et c'est cette réalité-là qui nous interpelle le plus directement. Bien sûr, il ne s'agit pas de minimiser la complexité de l'époque actuelle. Mais nous sommes convaincus que, même s'il faut prendre des mesures adéquates pour solutionner ces problèmes et pour faire ces évaluations des risques auxquels nous sommes exposés, nous devons également tenir compte des risques auxquels sont exposés les pauvres tous les jours. On peut parler d'une forme de terrorisme qui découle, non pas des actes de guerre commis par des acteurs non étatiques, mais tout simplement de l'absence totale de nourriture et d'eau potable, d'une marginalisation sociale qui réduit des millions d'enfants à vivre dans des circonstances où ils ne peuvent guère espérer obtenir une éducation, et des dispositifs sociaux qui forcent les pauvres à continuer à vivre dans la pauvreté. Nous devons absolument nous attaquer à ce problème. Ce n'est certes pas un remède parfait pour éliminer l'insécurité et les menaces terroristes. Mais une chose est certaine : si nous ne trouvons pas de solution au problème de la pauvreté mondiale, nous n'aurons jamais une approche de développement qui soit sûre et viable. Pour nous le monde ne sera pas sûr. Il ne le sera pour personne. Nous partageons un espace sur terre, et nous devons absolument essayer d'éliminer les problèmes les plus fondamentaux qui sont à l'origine de son dysfonctionnement. Celui de la pauvreté en est certainement un. Son élimination est une condition sine qua non pour progresser.
Votre deuxième question portait sur le rôle des citoyens canadiens et des ONG dans la prestation et la promotion de l'aide au développement. Il est vrai que l'ACDI a moins recours à présent aux organisations non gouvernementales canadiennes et privilégie plutôt une approche consistant à accorder des actifs aux gouvernements et à mettre en oeuvre des programmes de développement à l'échelle nationale.
Au cours des trois dernières années, la participation de l'ACDI aux activités de groupes de la société civile a diminué d'environ 6 p. 100. Les dépenses bilatérales, qui constituent un secteur de dépenses important au sein de l'ACDI, ont diminué d'environ 10 p. 100. Cette réduction est d'autant plus importante qu'elle arrive à un moment où le budget est en hausse. Par conséquent, elle est plus marquée qu'elle ne semble l'être si l'on tient compte uniquement du pourcentage. C'est tout à fait regrettable. Il y a beaucoup de travail important à accomplir de concert avec les groupes de la société civile.
¿ (0930)
M. Kevin Sorenson: Pourrais-je vous interrompre? La question ne concerne pas la possibilité que l'ACDI ait réduit ou élargi ses activités dans tel ou tel domaine. C'est la question de la mobilisation ou non des Canadiens qui m'intéresse. Ma question est bien précise. À votre avis, en décidant de ne pas soutenir des ONG volontaires comme le Sahakarini, risquons-nous qu'ils se désintéressent de la question de notre rôle dans le monde?
M. Gerry Barr: L'une des façons dont les Canadiens expriment leur citoyenneté mondiale est justement leur appartenance à des groupes qui s'attaquent aux problèmes de ce monde et qui établissent des passerelles de solidarité avec d'autres communautés du monde. Il ne faut surtout pas sous-estimer l'importance de ces initiatives. Certains de ces groupes sont importants. D'autres sont tout petits. Nous avons vraiment toute la gamme. Mais ce sont des initiatives très importantes qui sont prises par les Canadiens, et dans la mesure où on peut les aider financièrement, cet appui peut renforcer l'intérêt direct des Canadiens pour les questions internationales et mondiales. Ces activités sont d'une valeur inestimable. Elles créent une base d'appui. Ce n'est pas la seule chose qui permet de créer une base d'appui pour les dépenses au titre de l'aide internationale, mais c'est certainement quelque chose qui rehausse l'intérêt des Canadiens pour les dépenses canadiennes dans ce domaine, car si les Canadiens participent eux-mêmes, ils vont très bien comprendre pourquoi le gouvernement doit faire sa part, lui aussi. Cette activité est donc très importante et il faut en tenir compte.
Une autre chose qui inquiète les Canadiens et amenuise leur confiance dans l'efficacité des dépenses au titre de l'aide internationale est le fait que le Canada ne dispose pas d'un cadre bien défini d'activités pour son propre programme de dépenses dans ce domaine. Cela nous ramène à la question d'un mandat législatif en ce qui concerne l'aide au développement, et un modèle pour la prestation de cette aide qui tient compte des vues et des priorités de ceux qui vivent dans la pauvreté. Rien n'est plus important si l'on souhaite rehausser la confiance des Canadiens—c'est-à-dire qu'il y ait des objectifs bien clairs, et à partir de là, des régimes de responsabilisation en ce qui concerne les crédits utilisés pour l'aide étrangère. Donc, ces deux changements sont essentiels.
Les Canadiens eux-mêmes doivent y participer. Votre explication de cette réalité m'a semblé tout à fait pertinente. De plus, les Canadiens doivent être convaincus que les secteurs où ces dépenses sont engagées et les activités qu'elles permettent de financer sont appropriés; alors qu'ils ne le sont pas actuellement. À cause de l'immensité des besoins, normalement 80 p. 100 des Canadiens sont en faveur de ces dépenses, mais depuis le tsunami, presque 90 p. 100 des Canadiens sont généralement en faveur des dépenses engagés par le Canada au titre de l'aide international.
Je crois que Brian voulait…
Le président: Très rapidement, s'il vous plaît.
M. Brian Tomlinson (agent de programme, Aide au développement, Conseil canadien pour la coopération internationale): Très rapidement, en ce qui concerne la sélection des 25 pays, il convient tout d'abord de reconnaître que notre programme d'aide est un programme à multiples facettes. Il est explicitement question ici d'aide bilatérale et des deux tiers des dépenses engagées au titre de l'aide bilatérale. Donc, il a tout de même une certaine marge de manoeuvre qui fait qu'on pourra envisager d'accorder d'autres formes d'aide que pourraient requérir ces 25 pays.
Mon deuxième point concerne le fait que les dépenses bilatérales en général sont déjà relativement concentrées. Selon mes calculs, environ 30 pays reçoivent environ 70 p. 100 des dépenses que nous engageons actuellement au titre de l'aide bilatérale. Il s'agit donc d'un changement, et un changement est également prévu en ce qui concerne les pays participants sur une période de quatre ou cinq ans. Mais selon nos estimations, les pays choisis sont généralement ceux où la pauvreté pose vraiment problème. Il s'agit maintenant de savoir ce que peut faire le Canada pour éliminer la pauvreté dans ces pays.
Il faut également se rappeler, comme Gerry vient de le dire, qu'une approche holistique est essentielle dans ce domaine. Certains problèmes sont plus faciles à solutionner sur une base régionale. Ainsi nous espérons qu'une partie de l'aide bilatérale canadienne, et aussi de l'aide multilatérale canadienne, continuera d'être disponible pour financer des activités en dehors des 25 pays choisis.
¿ (0935)
Le président: Merci.
[Français]
Madame Lalonde, s'il vous plaît.
Mme Francine Lalonde: Merci. Nous aurons un autre tour, n'est-ce pas? C'est que mon collègue est spécialiste du commerce international.
Le président: Si vous insistez. Allez-y.
Mme Francine Lalonde: Monsieur Barr, monsieur, mesdames, je vous dirai que même si j'ai trouvé molle l'introduction de votre rapport, j'ai trouvé le reste substantiel et fort, mais diplomatique. Je tiens à vous le dire, parce que je crois que votre étude sera utile. Vous y reprenez plusieurs des critiques que nous avions faites, mais en les organisant en fonction de votre connaissance du terrain, qui est importante. Quand M. Pettigrew était ici, j'ai signalé l'absence d'une stratégie de lutte contre la pauvreté dans l'ensemble de la politique étrangère. Vous le dites au sujet de l'énoncé Développement. Cet énoncé est censé indiquer une politique pour le Canada. Ne craignez-vous pas que le morcellement risque d'être dommageable? Un ministère des Affaires étrangères suffisamment fort assurerait l'application, dans tous les domaines, dans celui des rapports commerciaux comme dans celui des rapports de défense, de principes forts sur lesquels le gouvernement s'entendrait, ainsi que la mise en oeuvre du type d'action que le gouvernement souhaite, qu'il s'agisse de l'adhésion ferme au droit international, à la lutte contre la pauvreté ou aux droits humains. J'aimerais que vous nous parliez un peu de cela, parce que c'est une chose qui m'inquiète. Compte tenu de votre travail, ce serait fort utile.
J'ai identifié une question plus précise, moins globale. Vous craignez qu'on aille trop loin dans l'intégration des actions pour la paix ainsi que de l'aide. Je sais que toutes les ONG craignent que l'aide ne soit identifiée à l'action militaire et qu'elles voient là un danger. Je comprends donc que vous le souligniez.
J'aimerais aussi que vous nous parliez d'Haïti. Le premier ministre a dit que le Canada avait une responsabilité particulière à l'égard de ce pays. Nous l'avions également dit. Le ministre des Affaires étrangères est satisfait du travail accompli jusqu'à présent. Haïti est dans notre cour. Plusieurs ONG du Québec qui font partie de votre regroupement y sont très actives. On peut voir là ce qui peut faire la différence pour aider un pays vraiment mal pris à s'en sortir. Or, on ne parle pas vraiment d'Haïti dans le rapport, sauf pour ce qui est des problèmes liés au climat. On n'y parle pas du problème du développement. Haïti n'est pas sur la liste des 25 pays, et on nous dit que c'est parce que ce pays est trop pauvre.
J'aimerais aussi que vous nous parliez de la Chine. J'aimerais que vous me parliez de beaucoup d'autres choses, mais surtout de la Chine. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit sur cette liste. La Chine n'est pas un pays pauvre, bien au contraire. Je comprends les intentions du ministère, mais je trouve que l'argent qui est affecté à cela est comme une goutte d'eau dans l'océan et pourrait être mieux utilisé ailleurs.
Ma dernière question porte sur les causes des conflits. Il me semble qu'il n'y a pas d'analyse de ce qui cause la persistance de ces conflits ou même de ce qui les provoque. Ils sont liés à une multiplicité d'armes légères et d'entreprises qui exploitent des mines en dehors de toutes les règles.On se souvient de Talisman, qui a fait perdurer, par ses royautés au gouvernement du Soudan, la guerre avec les rebelles. Cette analyse n'est pas faite. On considère que tout ce qui est commercial amène la fin de la pauvreté, alors que souvent, au contraire, cela engraisse les conflits et entraîne l'accroissement de la pauvreté.
¿ (0940)
[Traduction]
M. Gerry Barr: Madame Lalonde, vous avez parfaitement bien décrit notre préoccupation en matière de cohérence. À mon avis, elle ressort très bien et elle est très bien illustrée par le problème de la cohérence en matière d'élimination de la pauvreté dans le contexte de notre politique commerciale. Je voudrais demander à ma collègue Gauri Sreenivasan d'intervenir à ce sujet.
Ma collègue Erin Simpson pourra répondre à votre question au sujet des opérations de paix et, dans une certaine mesure, à celle qui porte sur les opérations du secteur privé, notamment dans le contexte d'urgence complexe, et de groupes comme Talisman.
Brian est sans doute le mieux placé pour répondre à votre question sur l'aide.
Le président: Madame Sreenivasan, vous avez la parole.
[Français]
Mme Gauri Sreenivasan (agente de programme, Commerce, Conseil canadien pour la coopération internationale): Merci beaucoup, madame Lalonde.
Comme Gerry l'a dit, la cohérence doit être une question clé dans ce document. On propose que le Canada ait une politique étrangère plus cohérente, mais le thème majeur qui ressort de ce document et sur lequel on base la cohérence est celui des menaces pour le Canada.
Pour nous, il est donc très important que le comité affirme que, bien que les questions de sécurité soient importantes, le gouvernement doit énoncer très clairement que la question des droits de la personne, par exemple, est un principe clé qui doit sous-tendre tous les dossiers de la politique étrangère du Canada.
Vous avez mentionné le problème du morcellement. C'est vrai. Nous avons maintenant des ministères séparés pour le commerce, pour la politique étrangère et pour le développement.
Si on veut avoir une approche plus cohérente, il faut énoncer les principes qui vont guider l'approche de tout le gouvernement. Il faut produire un texte qui énoncera beaucoup plus clairement l'engagement du Canada quant aux droits de la personne et dire que ce thème devra être présent dans tous les dossiers internationaux. Il serait très important que ce comité le suggère.
Il y a aussi la question du développement lui-même. Dans le document, la question de la pauvreté et du développement reste uniquement un projet. On pense faire de bonnes choses avec l'aide publique au développement, mais il reste que c'est un outil assez faible. Il est essentiel de penser aux questions de pauvreté lorsqu'on établit l'agenda pour le commerce et pour les questions de sécurité. Donc, pour assurer la cohérence, les deux principes, celui de l'élimination de la pauvreté et celui des droits la personne, doivent ressortir beaucoup plus clairement.
[Traduction]
Le président: Merci.
Madame Simpson.
Mme Erin Simpson (agente de programme, Question de paix, sécurité et développement, Conseil canadien pour la coopération internationale): Merci, madame Lalonde. Toutes vos questions sont très pertinentes.
Je voudrais réagir brièvement à certains des arguments que vous avez fait valoir au sujet des causes profondes des conflits et de la fragilité des États. Comme vous l'avez vu dans d'autres documents, c'est justement un domaine qui est gravement négligé dans l'Énoncé. Ce dernier ne comporte aucune analyse des causes mondiales de la fragilité des États et du fait que le Canada et d'autres pays donateurs sont complices de cette fragilité et des conflits qui sévissent actuellement, comme vous l'avez vous-même fait remarquer, de par la prolifération des petites armes qu'ils favorisent et des investissements canadiens faits dans ce domaine.
L'EPI mentionne la nécessité de contrôler la prolifération des petites armes, mais il pourrait aller plus loin encore. On pourrait présenter cette question comme étant un enjeu plus central, et c'est justement là que le comité a un rôle important à jouer, pour ce qui est de faire ressortir les enjeux liés au désarmement. De plus, l'Énoncé ne va pas assez loin en ce qui concerne le rôle des compagnies canadiennes dans ce domaine.
Comme Gerry l'a dit tout à l'heure, il y est question de la responsabilité sociale des grandes entreprises, mais l'analyse de l'Énoncé ne va pas assez loin.
Par contre, certaines suggestions sont faites à l'égard du genre de projet de loi qui pourrait éventuellement définir le rôle du gouvernement canadien par rapport au soutien qu'il accorde aux compagnies qui mènent des activités dans des zones de conflit ou dans des États fragiles.
S'agissant de vos observations à propos de notre rôle en Haïti et ailleurs, et surtout cette approche « 3-D » dont on parle beaucoup dans le document, il y a plusieurs points très importants à soulever à cet égard—premièrement, que le rôle des acteurs locaux est souvent négligé quand on parle d'approches « 3-D ». Dans l'Énoncé, on parle surtout de l'action d'acteurs canadiens. Or il faut établir un lien plus étroit entre ce que disent les acteurs locaux sur le terrain et les moyens qu'ils ont trouvés pour régler leurs conflits—c'est-à-dire les voir comme des agents du changement locaux.
Un autre point concerne l'espace neutre dans lequel doit se dérouler l'action humanitaire et la mesure dans laquelle cet espace est menacé par la collaboration très étroite entre les acteurs militaires, les acteurs du développement, et les acteurs diplomatiques. L'EPI va trop loin à cet égard, qualifiant d'« intégration » ce qui devrait plutôt être de la coopération, de la communication, et de la coordination, activités qui sont tout à fait opportunes, mais nous craignons que l'aide au développement et notre rôle dans la prévention des conflits commence à constituer un outil de notre politique étrangère et que par conséquent, les personnes qui subissent les contrecoups des conflits violents et de la pauvreté deviennent des instruments dans la politique étrangère canadienne.
Pour revenir sur les observations de M. Sorenson relatives à notre préoccupation concernant la centralité des menaces, il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas pour nous de nier l'existence de menaces pour le Canada; il s'agit plutôt de comprendre que les personnes qui subissent les contrecoups de la pauvreté et des conflits violents ne constituent aucunement une menace pour le Canada et ne doivent être considérées comme des instruments de notre politique étrangère. Cela concerne directement notre démarche vis-à-vis de ce que nous considérons comme des menaces pour le Canada. Faut-il prévoir une démarche militariste et agressive, ou plutôt une démarche centrée sur la défense des droits et la coopération avec les peuples pour solutionner le problème des conflits violents et de la pauvreté?
¿ (0945)
Le président: Merci.
Monsieur Tomlinson, c'est à vous.
M. Brian Tomlinson: Merci. Je vous être très bref.
Pour répondre à votre deuxième point concernant nos préoccupations en ce qui concerne ce en quoi doit consister l'aide, comme nos commentaires vous l'auront appris, nous estimons évidemment que l'aide doit servir exclusivement à éliminer la pauvreté. C'est en soi un mandat très large, mais ce qui nous inquiète dans ce débat sur l'aide militaire actuellement en cours au Comité de l'aide au développement de l'OCDE, c'est que certains pays—pas nécessairement le Canada—font la promotion d'un élargissement de cette définition pour inclure certains aspects des activités de maintien de la paix qui devraient, à leur avis, être considérés comme correspondant à une forme d'aide au développement. Nous sommes vivement opposés à cette idée, même si nous sommes tout à fait favorables à l'idée que le Canada joue un rôle dans les opérations de maintien de la paix.
S'agissant de la Chine, il est approprié que le Canada réduise progressivement l'aide qu'il consent à la Chine, même s'il faut reconnaître qu'il y a encore beaucoup de pauvres qui vivent en Chine. Il est probable qu'une bonne proportion de ceux qui vivent avec moins d'un dollar par jour se trouvent encore en Chine, et la question de savoir dans quelle mesure la pauvreté est vraiment réduite en Chine suscite beaucoup de controverse.
Ceci dit, dans le cadre de notre relation de donneur d'aide, il y aurait peut-être lieu d'essayer d'améliorer la capacité des Chinois qui vivent dans la pauvreté d'être en mesure de faire valoir leurs droits dans une situation fort complexe.
Le président: Monsieur MacAulay.
L'hon. Lawrence MacAulay (Cardigan, Lib.): Merci beaucoup.
Il est très souvent question de la Chine et de la mesure dans laquelle nous devrions ou non accorder de l'aide à la Chine. Évidemment, nous n'accordons pas cette aide directement au gouvernement; nous l'accordons à des particuliers et à des groupes, en nous assurant de protéger leurs droits fondamentaux et leur droit à la dignité et, bien entendu, d'améliorer leur qualité de vie. J'imagine que vous aurez d'autres observations à faire à ce sujet-là.
S'agissant de la protection des droits de la personne dans un contexte de conflit, je suis convaincu que vous pensez effectivement que nous devrions mener des activités de maintien de la paix. Mais parfois nos opérations de maintien de la paix se transforment en opérations de rétablissement de la paix, et qu'il peut être difficile parfois de définir avec précision ces deux types d'activités.
De plus, vous avez parlé des menaces qui pèsent ou non sur le Canada depuis les événements du 11 septembre et ce qu'il convient de dépenser pour contrer cette menace. À mon avis, on ne peut pas établir ce que cela représente en dollars. Il n'y aura jamais assez d'argent pour faire ce que nous avons à faire pour protéger notre pays ni pour faire ce que nous avons à faire du côté des affaires étrangères, car comment peut-on savoir ce qui suffit pour nous protéger contre le genre d'attentat qui a eu lieu le 11 septembre?
C'est une observation que j'ai voulu faire, parce qu'elle me semble pertinente par rapport à notre participation à des activités à l'étranger et aux mesures que nous prenons pour protéger notre propre population.
Tout à l'heure, vous avez exprimé le souhait qu'on fasse participer davantage le public afin de combler les lacunes de l'EPI, et j'aimerais que vous m'expliquiez un peu votre idée à cet égard.
Je sais que d'après vous, et d'après nous tous, je suppose, il y a un manque d'argent—c'est-à-dire que le financement et les engagements sont insuffisants. Mais à votre avis, y a-t-il également un problème en ce qui concerne la façon dont les crédits sont utilisés? Pour prendre l'exemple du tsunami, nous entendons dire que ceux qui avaient le plus besoin d'aide n'étaient pas toujours ceux… Certains sont de cet avis, et d'autres non, mais il est certain que certaines régions du monde n'ont pas reçu l'aide qu'elles auraient dû recevoir.
Donc, êtes-vous d'avis que les crédits consacrés à l'aide étrangère, qu'ils soient réunis de cette façon ou d'une autre façon, sont utilisés de façon appropriée, ou y a-t-il lieu d'insister davantage sur la coopération ou de changer notre approche globale dans ce domaine? Je sais que nous avons besoin de plus d'argent. Mais est-ce le seule problème?
Et le rôle des ONG a toujours été une préoccupation pour moi. Pour ma part, j'estime que les ONG devraient participer aux activités et opérations de prestation de l'aide étrangère. Elles constituent à mon avis un actif considérable pour les pays où nous sommes actifs, mais elles constituent également un actif—et vous pourrez justement nous parler davantage de cet élément-là—en ce sens que pendant toutes ces années où nous travaillons avec les différents pays par l'entremise de nos ONG, nous établissons des passerelles et des liens solides avec eux qui peuvent nous aider par la suite une fois que leur situation devient plus sûre et stable.
Voilà. C'est tout pour le moment.
¿ (0950)
M. Gerry Barr: Merci, monsieur MacAulay. Vous avez parlé de beaucoup de choses. Je voudrais commencer par aborder la question de l'efficacité des dépenses engagées au titre de l'aide étrangère.
Pour moi, cela ne sert à rien de parler d'accroissement de l'aide étrangère si nous ne parlons pas aussi d'aide plus efficace. Le fait est qu'un simple accroissement du financement des programmes d'aide n'aura que très peu d'impact en ce qui concerne l'élimination de la pauvreté mondiale. Ce n'est pas l'absence d'aide étrangère qui est à l'origine du problème de la pauvreté mondiale, et il faut comprendre que l'aide étrangère proprement dite ne suffira pas pour éliminer la pauvreté dans le monde.
Ce qu'il faut—et voilà justement le grand avantage d'une démarche englobant l'ensemble de l'appareil gouvernemental—c'est une action cohérente dans tous les domaines, comme l'a dit Mme Lalonde. Ma collègue Gauri Sreenivasan expliquait tout à l'heure qu'il faut établir des mécanismes qui vont nous permettre d'avoir à l'esprit la pauvreté mondiale quand nous prenons une décision touchant notre politique commerciale, non pas pour que toute la gamme des décisions prises dans ces différents domaines soit axée sur ces considérations, mais pour que ces dernières soient toujours présentes et soient toujours prises en compte quand nous prenons des décisions dans l'intérêt public.
S'agissant des mécanismes de responsabilisation visant les dépenses au titre de l'aide internationale et la possibilité de rehausser l'impact de nos dépenses, il n'y a pas d'outil plus efficace dans ce contexte que celui d'inscrire dans un texte de loi le mandat qui sous-tend les dépenses engagées au titre de l'aide internationale, mandat qui expliciterait les objectifs de ces dépenses et créerait, étant donné que la situation serait bien claire, un cadre de responsabilisation réelle.
Depuis 40 ans le Canada engage des dépenses dans ce domaine sans pouvoir s'appuyer sur un cadre législatif. Ainsi notre action est sujette à des aléas. Sur le plan structurel, c'est une approche plutôt faible, parce que même si elle crée une certaine souplesse, elle ouvre la porte à la dominance de certaines tendances en ce qui concerne les préférences et l'enthousiasme du moment des pays donateurs, alors que l'aide est une activité à long terme. Il faut des programmes établis pour plusieurs décennies et visant avec constance la réalisation d'objectifs à long terme.
¿ (0955)
L'hon. Lawrence MacAulay: Je ne veux pas insister là-dessus, mais je pense que nous avons récemment assisté à une sorte de guerre intestine. Différents groupes arrivaient dans différentes régions pour assurer la prestation de l'aide requise, et cela donnait lieu à certaines difficultés. Voilà justement une de mes inquiétudes. Nous devons nous assurer que l'aide est assurée de manière coordonnée, plutôt que de nous retrouver dans une situation où trois ou quatre groupes différents essaient de dominer les uns par rapport aux autres. Je ne veux pas critiquer ces gens-là ou laisser entendre que le travail n'a pas été bien fait, mais les Canadiens se demandent pourquoi ce genre de situation se produit. Je pense que nous en avons tous été témoins.
M. Gerry Barr: Sur le terrain, vous voulez dire?
L'hon. Lawrence MacAulay: Oui, sur le terrain.
M. Gerry Barr: Je suis entièrement d'accord avec vous pour dire que les activités doivent être bien organisées et cohérentes et que les groupes oeuvrant dans ce domaine doivent assurer un partage approprié des rôles et responsabilités. Un de nos collègues, Ian Smilie, a écrit un livre remarquable intitulé The Charity of Nations où il parle de ce qu'on peut faire pour améliorer le travail des intervenants humanitaires et pour rendre ce travail plus constant et plus rationnel. Je recommanderais au comité d'inviter M. Smilie à comparaître pour discuter justement de cette question.
Mme Erin Simpson: En ce qui concerne l'assistance humanitaire, le Canada est l'un des pays qui défend les principes et les pratiques associés à l'aide humanitaire responsable. Un de ces principes est le financement opportun et souple des activités. Ces principes permettent aux pays donateurs officiels comme le Canada d'aider les organisations à éviter les guerres intestines. Des recommandations sont faites sur la création de dispositifs de financement permettant aux organisations d'être prêtes à intervenir 24 heures après qu'une urgence a été déclarée. Nos collègues de l'ACDI envisagent de créer ce genre d'accord de financement avec certaines grandes organisations humanitaires. L'EPI—et c'est très positif—fait justement état des principes qui doivent sous-tendre toute action humanitaire responsable. Pour moi, le comité devrait lui-même faire la promotion de ces principes, et notamment celui qui concerne le financement souple et opportun des activités dans ce domaine.
Le président: Merci.
Madame McDonough.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président.
Je voudrais remercier le CCIC pour son excellent travail dans le rôle de défenseur constant et véritable champion d'une politique étrangère cohérente, plus progressiste, et plus robuste.
J'aimerais entendre vos commentaires au sujet du fait que vous avez été parmi les premiers, dès lors qu'il a été question du réexamen de notre politique internationale, à préparer une série de documents de discussion et d'analyse dans ce domaine. Dans un premier temps, vous avez fait ce travail dans le contexte de l'examen de la politique internationale. Maintenant je constate que vous parlez de l'« Énoncé », étant donné que c'est cela que le gouvernement nous présente par suite de cet examen.
Ma question à cet égard concerne le fait qu'un grand nombre de leaders internationaux, de bureaucrates et d'universitaires réputés ont comparu successivement devant le comité ces dernières années, d'abord en avril 2003, quand Stephen Lewis a plaidé la cause devant le comité du respect de nos engagements au titre de l'APD, et même tout dernièrement, il y a environ une semaine, lorsque Derek Burney qui ne correspond peut-être pas à la description que je viens de donner en parlant de leaders internationaux, a exhorté le Canada à cesser de parler et à commencer à agir—autrement dit, qu'il doit maintenant passer aux actes—et il a aussi parlé du fait que notre réputation dans le monde est de plus en plus compromise étant donné l'écart entre nos déclarations et nos actions.
La question qui se pose maintenant—et je vous la pose au nom du comité—est de savoir si nous devrions accepter que cet exercice est terminé, et que cet énoncé correspond en définitive à la position du gouvernement, ce qui voudrait dire que nous devrions plutôt chercher à mobiliser la classe politique pour inciter le gouvernement à faire le nécessaire, ou s'il est préférable de passer encore un an ou deux à recevoir toutes sortes de témoins qui vont nous dire qu'il faut changer tel paragraphe ou telle autre section. Ma question porte donc en partie sur le processus dans lequel nous sommes engagés mais je suppose qu'elle porte également sur la nature de la stratégie politique que nous devrons adopter dans ce contexte.
Deuxièmement, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez des conséquences de la scission ou non des Affaires étrangères et du Commerce international, et plus précisément des conséquences de cette scission éventuelle pour la capacité du Canada de garantir le genre de cohérence au niveau de l'action gouvernementale sur laquelle vous insistez à juste titre.
Troisièmement, je ne sais pas quel lien précis existe entre les efforts déployés par le CCCI aux niveaux national et international, et l'excellent travail accompli dans ma propre collectivité et bien d'autres au Canada dans le cadre de la campagne « Abolissons la pauvreté », mais quand j'ai assisté à l'une des premières réunions tenues à Halifax par le groupe organisant la campagne « Abolissons la pauvreté », à titre de députée locale, j'ai été frappée par la perversité de la situation en ce sens que ces groupes-là, qui sont surmenés et manquent gravement de ressources mais participent activement, sur le terrain dans leurs collectivités individuelles et à l'échelle mondiale, à la lutte contre la pauvreté, se voient maintenant dans l'obligation de se battre maintenant pour persuader le gouvernement qu'il doit vraiment prendre des mesures dans ce domaine.
Je vous invite donc à nous indiquer—encore une fois, pour aider le comité à déterminer quelles sont ses priorités et quel doit être son plan de travail—ce que peut faire le comité pour donner suite aux véritables priorités, en ce qui vous concerne, afin d'obtenir du gouvernement fédéral un engagement plus robuste et plus immédiat vis-à-vis des objectifs que vous avez énoncés par rapport à notre politique étrangère.
À (1000)
M. Gerry Barr: Encore une fois, je vais répondre en sens inverse à vos questions. Le Conseil canadien pour la coopération internationale est l'un des organismes « facilitateurs » de la campagne « Abolissons la pauvreté ». Au Québec, ils mènent leur propre campagne sous la devise « Un monde sans pauvreté : Agissons! », et cette campagne est le pendant de la nôtre.
Toutes les deux minutes, un Canadien se rend sur le site Web de la campagne « Abolissons la pauvreté » pour se proposer comme travailleur de campagne électronique, pour communiquer avec le premier ministre et les chefs politiques—les parlementaires, leurs propres députés—au sujet de questions primordiales telles que la nécessité de fournir plus d'aide, et surtout une aide plus efficace; l'annulation de la dette des pays les plus pauvres; des accords commerciaux justes, qui donnent aux pays en développement la chance de réussir; et l'élimination de la pauvreté chez les enfants du Canada, où nous faisons face à une situation tout à fait honteuse, puisqu'un enfant canadien sur six vit dans la pauvreté.
Nous espérons vraiment que grâce à cette mobilisation des différents organismes—pas seulement les ONG qui travaillent dans le domaine du développement mais des groupes à représentation plus large—c'est-à-dire l'Assemblée des Premières nations, la Fédération canadienne des étudiants, et beaucoup d'autres—qui participent à cette campagne fort intéressante qui se déroulera d'ici la fin décembre et portera sur tous ces enjeux très importants, notamment dans le contexte du sommet du G-8 à Gleneagles, la réunion des chefs d'État à New York pour discuter des objectifs du Millénaire pour le développement, et la réunion des ministres du Commerce à Hong Kong en décembre.
Dieu merci, les Canadiens se mobilisent. Nous espérons que ces messages rejoindront les chefs parlementaires. Nous sommes très encouragés par cette campagne.
Vous me posez une question très difficile au sujet du processus par rapport aux mesures à prendre. Jusqu'à présent, le processus n'a pas été fondé sur des consultations. Pour nous, il est urgent que le comité prenne ses responsabilités en demandant la participation des Canadiens au débat sur ces questions importantes. Elles ont des conséquences considérables. Il faut donc que les Canadiens soient des participants actifs.
Je vous exhorte à ne pas hésiter à agir par rapport à certains des impératifs les plus évidents, entre autres, l'objectif de 0,7 p. 100, et un mandat législatif relatif aux dépenses engagées au titre de l'aide internationale. Il est fort possible de faire rapidement adopter un projet de loi dans les bonnes circonstances. Je ne vois vraiment pas pourquoi quelque chose qui ne coûte rien—on parle d'un mandat législatif relatif aux dépenses en matière d'aide internationale—ne pourrait pas être adopté à la Chambre par tous les partis politiques agissant ensemble. Les membres des caucus de tous les partis représentés sur la Colline—tous—sont vivement en faveur de cela. Et nous vous encourageons par conséquent à agir dans ce sens.
Sur la question de la scission du ministère, je devrais demander à Gauri de vous répondre, puisque le commerce est l'un des dossiers dont elle est chargée.
À (1005)
Mme Gauri Sreenivasan: La scission du MAECI en deux ministères distincts a suscité beaucoup de controverses dans les ministères et a été une source de préoccupations pour nous qui sommes à l'extérieur, qui suivent de près l'évolution de ces deux composantes, et qui sommes directement intéressés par ces deux composantes de la politique commerciale et étrangère du Canada. Si cette scission se concrétise, je pense que pour le moment, la question primordiale est celle dont nous avons discuté tout à l'heure, c'est-à-dire celle de la cohérence. Dans quelle mesure cette scission donne-t-elle le feu vert au ministère du Commerce pour agir de façon indépendante? C'est ça le danger.
Et s'il y a scission des responsabilités du personnel… À mon avis, là ou cela risque de poser le plus de problèmes c'est dans les ambassades à l'étranger. Un ambassadeur dispose d'un certain nombre d'employés pour se charger de la totalité du travail entourant la politique étrangère du Canada, et selon la conjoncture dans chaque pays et les priorités les plus urgentes que cela suppose, il peut varier les responsabilités de ses employés entre ces deux dossiers étant donné que le ministère est responsable des deux.
Par contre, dans un contexte où certains employés doivent désormais se charger uniquement du dossier du commerce, les gens craignent que la capacité du Canada de réagir à toutes les autres priorités relatives à notre politique étrangère soit compromise. Il arrive très fréquemment que nos membres rencontrent des difficultés parce que les priorités commerciales du Canada dans certains pays, et notamment la promotion des activités de certaines entreprises canadiennes, par exemple, ne cadrent pas du tout avec les objectifs de notre politique étrangère en ce qui concerne ce pays. Donc, plus il y a de séparation au niveau du personnel, plus le problème de la cohérence va susciter des inquiétudes.
Pour réaliser cette cohérence que nous recherchons, il suffit d'insister sur la nécessité de tenir compte, dans notre politique commerciale, des principes fondamentaux de la défense des droits de la personne dans le domaine du développement. Il devient encore plus primordial de défendre ces principes dans le contexte d'une scission des responsabilités.
Le président: Nous passons maintenant à M. Menzies.
M. Ted Menzies (Macleod, PCC): Merci, monsieur le président, et merci à vous tous pour vos observations très intéressantes.
Il y a plusieurs éléments que j'aimerais aborder avec vous. Je sais qu'on semble parler sans arrêt de l'objectif de 0,7 p. 100, mais je suppose que si nous en parlons assez, il sera peut-être possible de le réaliser. Nous n'avons qu'à voir combien de Canadiens ont proposé d'aider les victimes du tsunami; il est manifeste que les gens veulent faire leur part.
D'après certains des commentaires que j'ai entendus, on a l'impression que ce n'est pas juste l'argent qui manque. En fait, il devient difficile d'utiliser à bon escient tout l'argent qui est disponible maintenant; d'ailleurs, certains se demandent si l'argent rejoint vraiment les populations touchées, et dans ce domaine, les avis sont partagés. Cela devrait-il nous inquiéter? Nous avons assisté à la création de certaines nouvelles organisations, nouvelles ONG, qui se sont créées du jour au lendemain et ont participé à l'effort. Or, les ONG qui étaient déjà sur le terrain estimaient qu'elles avaient les ressources humaines et l'expertise requises, alors qu'on donnait l'argent dont elles auraient pu profiter à de nouvelles ONG. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
De plus, à votre avis, que faut-il faire pour atteindre l'objectif de 0,7 p. 100? Comme je vous l'ai déjà dit, les Canadiens de toutes les régions du pays étaient de tout coeur avec les victimes du tsunami, et nous sommes effectivement un peuple généreux. Comment donc atteindre cet objectif sans que ce soit encore une fois au gouvernement de trouver les crédits et de prendre l'argent des contribuables pour assurer l'aide là où elle est nécessaire? Faites-moi part de vos idées à ce sujet. Pour ma part, j'ai une idée qui n'est venue, et j'en ai parlé avec d'autres, qui concerne la possibilité de créer un encouragement fiscal, de façon à ce que les Canadiens nous aident à atteindre l'objectif de 0,7 p. 100 en bénéficiant d'un encouragement fiscal ou d'une déduction fiscale. On accorde des déductions fiscales pour les sommes considérables qui sont données aux partis politiques; pourquoi ne devrions-nous pas en faire autant pour aider les populations d'autres pays? S'agit-il d'une option valable, à votre avis? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Pourriez-vous aussi aborder la question de l'aide multilatérale par opposition à l'aide bilatérale? Personnellement, je crains que l'ACDI donne beaucoup trop d'argent à des organisations multilatérales, où nous n'avons pas notre mot à dire sur l'utilisation des crédits ou la façon d'assurer l'aide. Cela rejoint ce que disait Kevin au sujet des ONG : pour moi, elles constituent un moyen beaucoup plus efficace d'assurer la prestation de l'aide internationale. Avec nos attachés de recherche, nous discutons depuis un moment des différentes définitions de l'aide bilatérale; l'OCDE semble employer une définition différente de l'aide bilatérale que l'ACDI.
Donc, je ne sais pas qui voudrait répondre à ces questions…
À (1010)
M. Gerry Barr: Monsieur Menzies, j'ai noté trois grands thèmes dans vos observations. Premièrement, vous voulez savoir comment nous pouvons nous assurer que les crédits sont utilisés de façon efficace et conformément à un régime adéquat de responsabilisation, non seulement sur le terrain mais dans le cadre du programme d'aide en général. À cet égard, je dirais qu'il n'y a pas de meilleur mécanisme que celui d'un mandat législatif énonçant des objectifs très clairs; nous en sommes tout à fait convaincus, puisque nous avons déjà eu ces mêmes discussions. D'ailleurs, certaines de ces idées ont découlé du travail que vous avez fait vous-mêmes. Donc, je pense que vous devriez poursuivre ce travail, et aller un peu plus loin en ce qui concerne l'intervention en cas de catastrophe mondiale et les mesures à prendre pour assurer l'efficacité de nos dépenses, car il faut justement une organisation semblable pour coordonner les initiatives d'aide internationale au niveau international.
En fin de compte, quelque 7 milliards de dollars ont été réunis à la suite du tsunami, ce qui constitue peut-être un montant approprié, à votre avis, mais par rapport au montant annuel de l'aide internationale—qui se monte à environ 57 milliards de dollars—c'était une très grosse somme. Il y a peut-être lieu de penser que l'échelle de la réponse n'est pas toujours appropriée—c'est-à-dire que quand nous faisons face à ce genre de crise nous nous sentons interpellés et donc tous les peuples du monde réagissent, alors que dans d'autres circonstances, cette réaction est totalement absente. Qu'en est-il du Congo et des 3 millions de morts qu'il y a eu dans ce pays au cours des 10 dernières années? Il faut donc s'assurer d'un certain équilibre, et cet équilibre ne peut exister que dans le contexte d'une démarche permettant de coordonner l'intervention humanitaire à l'échelle internationale. Encore une fois, je vous invite à lire le livre très important de M. Smilie, intitulé The Charity of Nations. Cela vaudrait vraiment la peine de l'inviter à comparaître devant le comité.
Vous vous demandez aussi ce qu'on peut faire pour atteindre l'objectif de 0,7 p. 100 et dans quelle mesure il y aurait lieu de créer un encouragement fiscal. On pourrait évidemment encourager les Canadiens à faire davantage de dons au titre du développement international en leur accordant des encouragements fiscaux—c'est une stratégie tout à fait concevable—mais à mes yeux, cela ne devrait pas remplacer l'obligation du pays donateur d'atteindre l'objectif de 0,7 p. 100. Il est possible de l'atteindre sans retomber dans une position déficitaire; mon collègue, Brian Tomlinson, le sait très bien, et je suis sûr qu'il serait très content de vous en parler.
S'agissant de l'aide multilatérale par opposition à l'aide bilatérale, encore une fois, Brian est le mieux placé pour vous en parler.
Le président: Monsieur Tomlinson.
M. Brian Tomlinson: Pour ce qui est de l'objectif de 0,7 p. 100, comme vous le savez, c'est un objectif international, une mesure de la performance des pays donateurs, et cela concerne donc la contribution apportée directement par les gouvernements aux efforts déployés en matière d'aide internationale. Au Canada, nous avons eu beaucoup de chance, car au fil des ans, notre gouvernement s'est servi d'une portion de ces crédits pour créer une plus grande synergie entre ses efforts et ceux déployés par des organismes représentant la société civile, comme nos membres. Donc, une branche parallèle d'activité a été créée, mais il faut se rappeler que les règles appliquées par le comité de l'aide au développement sont assez strictes en ce qui concerne ce qui peut être comptabilisé relativement à l'atteinte de l'objectif de 0,7 p. 100.
Pour ce qui est d'atteindre cet objectif, d'après nos calculs, qui ont été plus ou moins confirmés par les responsables du ministère des Finances, il faudrait une augmentation d'environ 15 p. 100 au cours des 10 prochaines années pour nous permettre d'atteindre l'objectif de 0,7 p. 100 en 2015. Ce n'est pas du tout irréalisable, étant donné que l'augmentation moyenne au cours des quatre dernières années a été de l'ordre de 13 p. 100. C'est donc quelque chose de tout à fait faisable.
Maintenant la question de l'aide multilatérale par rapport à l'aide bilatérale est une question très compliquée. Je vais donc me contenter de soulever un ou deux points dans ce contexte. Premièrement—et c'est un fait nouveau très positif—les pays donateurs parlent à présent de ce qu'ils appellent l'harmonisation. Nous ne pouvons plus nous permettre d'avoir des pays donateurs individuels qui soutiennent des milliers de projets, chacun avec ses objectifs individuels, dans des pays qui sont pauvres et qui, par définition, ne disposent pas de l'infrastructure nécessaire pour assurer les services que suppose cette approche. Ça, c'est donc une mesure positive qui, jusqu'à un certain point, permettra d'harmoniser les approches adoptées par les différents pays en matière d'aide bilatérale et d'aide multilatérale, de façon à soutenir les efforts du gouvernement concerné, et ce tout particulièrement dans les domaines de la santé, de l'éducation, et de l'agriculture—c'est-à-dire les secteurs sociaux.
Par contre, un certain nombre d'aspects de cette approche nous inquiètent, même si nous sommes convaincus qu'il est tout à fait possible d'éliminer les défauts en question. Premièrement, nous estimons que cette approche est trop axée sur les gouvernements. Il est évident que c'est aux gouvernements d'assurer les services sociaux; ce sont eux qui doivent respecter leurs obligations internationales en matière de droits de la personne. Mais il faut également chercher à responsabiliser les gouvernements vis-à-vis des citoyens des pays concernés, afin que ces derniers puissent forcer leurs gouvernements à répondre de la prestation des services. À l'heure actuelle, bon nombre de ces gouvernements sont davantage comptables envers les pays donateurs qu'envers leurs propres citoyens, justement à cause des structures qu'ils sont obligés de respecter pour pouvoir recevoir l'aide internationale. Cela nous amène à parler justement de la conditionnalité, car par le passé, les pays donateurs ont imposé toutes sortes de conditions aux pays bénéficiaires, les forçant à se plier à leurs exigences. Je pense qu'ils l'ont fait jusqu'à un certain point de manière tout à fait légitime, mais le fait est que cela élimine l'obligation pour les gouvernements des pays bénéficiaires de rendre des comptes à leurs propres citoyens, alors que c'est à ces derniers en fin de compte de s'assurer que leurs gouvernements respectent ces engagements et assurent les services promis en matière d'éducation, de soins de santé primaires, etc.
Il convient par conséquent de réexaminer nos propres politiques d'aide dans ces deux perspectives. Le rôle de la société civile dans le processus de développement est tout à fait fondamental. Voilà un élément que nos politiques relatives à l'efficacité de l'aide internationale n'ont pas vraiment abordé jusqu'à présent.
Deuxièmement, il convient à mon avis que le gouvernement canadien réexamine ses politiques en matière de conditionnalité dans le domaine de l'aide internationale, comme l'a fait le gouvernement de la Grande-Bretagne. Le fait est qu'au fur et à mesure que nous créons des relations plus étroites avec les banques et d'autres donateurs, nous acceptons d'imposer des conditions qui n'ont rien à voir avec nous, tout simplement parce qu'elles font partie d'un train de mesures.
À (1015)
Le président: Merci.
Monsieur Bevilacqua.
M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan, Lib.): Merci beaucoup.
Je viens de lire vos recommandations, qui sont assez nombreuses. Quand je vois beaucoup de recommandations ou beaucoup de points pour un ordre du jour, je me demande souvent si nous n'essayons pas de faire trop de choses. Donc, quelle est la plus grande priorité, à votre avis, en ce qui concerne l'aide internationale? Qu'est-ce que nous devrions vraiment considérer comme une priorité?
Je n'ai pas l'intention de lire ces recommandations, parce qu'elles émanent de vous. Vous les connaissez. Mais elles sont assez nombreuses.
Qu'avez-vous à me dire à ce sujet-là?
M. Gerry Barr: La grande priorité consiste à mettre la question de l'élimination de la pauvreté au coeur de notre politique étrangère. Cette question devrait être quelque chose dont on parle beaucoup et à laquelle on s'intéresse régulièrement. Il faut en tenir compte dans toutes nos politiques au fur et à mesure que nous les élaborons—c'est-à-dire dans le domaine du commerce, de la politique étrangère, et de la défense. Il faut toujours se demander quelle sera l'incidence de ces politiques sur l'élimination de la pauvreté mondiale. Voilà la grande priorité.
Ce faisant, il faut se demander comment nous allons nous équiper pour nous attaquer concrètement à ce problème. Pour cela, il faut mettre l'accent sur l'objectif de 0,7 p. 100, le mandat législatif, la création de compétences précises en ce qui concerne notre responsabilité de protection, et la nécessité de créer des compétences précises au sein de l'ONU pour permettre de prendre cette responsabilité. Mais l'élément le plus important est la nécessité de mettre cette question au centre de tout ce que nous faisons, et ce n'est pas encore le cas.
L'hon. Maurizio Bevilacqua: Je suppose que si je me mettais à examiner les stratégies proposées dans d'autres pays, je verrais une longue liste comme celle que nous avons devant nous aujourd'hui—une longue liste de choses à faire. Mais il est clair dans mon esprit que vous êtes partisan d'une approche multilatérale.
Pour ma part, je me demande s'il n'y aurait pas lieu de se spécialiser dans certains créneaux, en tant que pays. Pourrions-nous devenir le pays qui se spécialise dans des secteurs comme l'éducation, le développement économique local, ou les cadres constitutionnels? Est-ce la bonne solution? Beaucoup de pays sont présents, et pour moi, il y a beaucoup de double emploi. C'est le genre de problèmes que nous rencontrons chez les gouvernements au Canada—beaucoup de double emploi et la dispersion des efforts, ce qui nous empêche de nous attaquer énergiquement aux problèmes essentiels.
M. Brian Tomlinson: C'est une question compliquée. On dirait que cela pourrait constituer une approche raisonnable. Le Canada n'est pas le plus important pays donateur du monde. Nous disposons de ressources modestes, par rapport à d'autres pays donateurs. On pourrait donc soutenir qu'une plus grande spécialisation s'impose, et je suis d'accord à ce sujet.
Par contre, au Canada, nous ne séparons pas les enjeux comme le système de soins ou le système d'éducation d'autres aspects de la vie des gens quand il s'agit d'améliorer leur capacité de faire valoir leurs droits dans ces domaines. De la même façon, dans beaucoup de pays développés, les personnes aux prises avec le problème de la pauvreté vivent leur vie comme agriculteurs, comme commerçantes ou comme citoyens qui ont besoin de services de santé et d'éducation pour pouvoir continuer à gagner leur vie et à faire vivre leurs enfants. Donc, même si une certaine spécialisation s'impose, il importe d'avoir une vision globale des causes profondes de la pauvreté. Il nous faut travailler en collaboration avec d'autres, tout en ayant à l'esprit nos propres analyses de nos interventions, que ce soit dans le domaine de la santé, de l'éducation, ou dans d'autres secteurs. Nous devons savoir quelles conditions concrètes doivent être présentes pour que les personnes que nous essayons d'aider puissent profiter de cette aide.
Par exemple, nous trouvons inquiétant—et le ministre en a parlé il y a quelques jours—que la question de l'agriculture n'aie pas du tout été abordée dans le cadre des discussions sur l'Énoncé de politique internationale. Or l'agriculture est une activité fondamentale qui constitue le gagne-pain de bien des gens pauvres. Nous ne réussirons jamais à faire la promotion de la santé et de l'éducation à moins de tenir compte de ce qui doit être présent pour que les populations puissent profiter des occasions que nous leur offrons—comme, par exemple, la possibilité pour eux de gagner leur vie comme travailleurs ruraux, ou l'accès qu'ils ont aux terrains ou aux crédits. Donc, il faut se spécialiser jusqu'à un certain point, mais il faut aussi une compréhension globale de ce qui est à l'origine de la pauvreté.
À (1020)
L'hon. Maurizio Bevilacqua: Ce n'est pas de ça que je parle. Ce que j'essaie de dire, c'est que j'ai du mal à croire qu'autant de pays déploient des efforts en vue d'éliminer la pauvreté. Tout le monde veut faire un peu de tout. Pourquoi ne pas élaborer une trousse d'outils internationale qui aiderait les pays à se spécialiser dans un certain nombre de secteurs clés? De cette façon, tous les pays n'auraient pas à assurer une présence dans le secteur de l'éducation, le secteur agricole, etc. Ils pourraient se spécialiser. Ainsi des pays comme le Canada, les États-Unis, l'Italie, la France, et les autres pourraient élaborer des interventions spéciales pour répondre à des besoins particuliers.
J'ai l'impression que, dès qu'il s'agit d'affaires internationales, les pays veulent faire toutes sortes de choses. Mais je ne suis pas convaincu que nous ayons utilisé nos ressources aussi judicieusement que nous aurions peut-être pu le faire. Il faudrait que les efforts soient moins dispersés à l'échelle internationale, et que les acteurs internationaux se mettent davantage d'accord sur ce qu'ils vont faire. Il en va de même pour le secteur de la défense ici au Canada. Qu'avons-nous la capacité de faire? Devrions-nous nous spécialiser? Dans un monde comme le nôtre, où la mondialisation a permis de rapprocher les gens, je pense qu'il est temps maintenant de tenir ce genre de débat.
M. Brian Tomlinson: Je peux vous citer quelques exemples où c'est déjà le cas. En Tanzanie, par exemple, les pays donateurs ont mis en place une structure pour permettre la collaboration et l'échange d'information sur les priorités. Comme cette structure est établie en Tanzanie même, elle permet au peuple tanzanien d'y participer également.
C'est justement ça l'une des préoccupations exprimées à l'égard de l'harmonisation, comme je vous le disais il y a quelques minutes. Souvent les discussions entre pays donateurs se déroulent à Paris, ce qui veut dire que les pays en développement n'y ont pas vraiment accès. À mon avis, il y aurait lieu de prendre l'orientation que vous proposez. Cela se fait en Tanzanie. Et il en va de même pour le Mozambique, jusqu'à un certain point. Mais c'est très difficile, justement en raison des éléments que vous avez mentionnés. Comme ils ont leur propre base politique qui est à l'origine de tout type de pression, les pays donateurs se croient obligés d'avoir un certain profil dans les différents pays. Ils ressentent le besoin d'insister sur certains aspects du programme de développement. Par conséquent, il faut beaucoup de négociation avant qu'on en arrive à une meilleure coordination des activités.
Il faut également que cela se fasse dans le contexte du pays concerné. Ce ne sont pas uniquement les gouvernements qui doivent participer à l'organisation de cette coordination; les citoyens doivent aussi être partie prenante, puisque nous parlons de la possibilité pour les citoyens de faire valoir leurs droits fondamentaux. Si cette discussion se déroule uniquement entre pays donateurs, ou avec seulement quelques responsables gouvernementaux, comme je le disais il y a quelques instants, cela finit pas miner la démocratie jusqu'à un certain point. Par conséquent, il faut faire attention en cherchant à créer et à organiser cette coordination.
À (1025)
L'hon. Maurizio Bevilacqua: Merci.
Il y a quand même un certain nombre de faits indiscutables, n'est-ce pas? Quand vous essayez d'aider un pays, vous savez que les soins de santé sont importants. Cela, vous le savez pertinemment. Vous savez aussi que la richesse d'une nation est dans une très large mesure déterminée par le niveau d'instruction de sa population. Vous êtes d'accord là-dessus, n'est-ce pas? Il y a donc un certain nombre de faits indiscutables que nous acceptons tous, en tant que communauté mondiale. Nous n'avons pas besoin de débattre à n'en plus finir de toutes ces questions.
Je peux vous donner l'exemple d'un débat que nous avons tenu au Canada au début des années 90, quand nous faisions face à une situation budgétaire difficile. En fin de compte, tout le monde s'est accordé à reconnaître que pour un pays, ce n'est pas une bonne chose d'avoir des déficits. Nous sommes également convaincus que la libéralisation des marchés est une bonne chose. Voilà des enjeux au sujet desquels nous avons pu tirer certaines conclusions. Pour moi, la communauté mondiale doit dire, d'une voix collective : « Voici les questions prioritaires—numéro un, numéro deux, et numéro trois; il n'y aura plus de débat, nous devons nous y attaquer, et ce sont nos grandes priorités ».
Donc, en ce qui concerne la notion selon laquelle il faut faire toutes sortes de choses en même temps et continuer à discuter, j'avoue que je ne comprends vraiment pas pourquoi, à ce stade du développement de notre village planétaire, nous continuons à débattre de ces questions.
Le président: Rapidement, monsieur Barr.
M. Gerry Barr: Comme vous le dites, nous tournons un peu en rond, et il faudrait cesser de le faire. Ce sont des problèmes extrêmement graves, comme vous nous le faites remarquer à juste titre. Il y a certaines grandes lignes qui sont très, très claires. Les pays donateurs n'ont pas assumé leurs responsabilités comme ils auraient dû le faire du point de vue ni de la coordination, ni des ressources à prévoir. Il faut que cela s'arrête.
Si vous constatez qu'il y a tant de confusion et de double emploi sur le terrain, c'est parce que l'activité consistant à éliminer la pauvreté mondiale est gravement marginalisée et insuffisamment souscrite. Il faut que cela cesse d'être le cas. Nous ne réussirons jamais à progresser tant que nous ne nous serons pas attaqués à ce problème avec sérieux. Pour le Canada, cela signifie qu'il faut atteindre l'objectif de 0,7 p. 100, créer l'obligation par voie législative de consacrer certaines sommes à l'aide internationale, travailler sérieusement et consciencieusement avec les organismes multilatéraux, et coordonner l'intervention humanitaire mondiale plus efficacement—un point, c'est tout.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Barr.
Monsieur Paquette, s'il vous plaît.
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président.
Merci de votre présence. Vous nous alimentez régulièrement, d'ailleurs. Nous n'avons pas besoin de nous voir une fois de temps à autre au comité.
J'ai quatre questions à vous poser. Je vous les poserai toutes les quatre, puis je vous laisserai y répondre.
Vous avez parlé de cohérence. Pour nous, c'est extrêmement important. C'est pour cela que nous avons fait la bataille contre la scission du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Nous pensons que les deux doivent être intimement liés, le commerce international devant être un véhicule de la politique étrangère.
Nous nous étions rencontrés, et vous aviez émis l'idée d'un ministère de la Coopération internationale. Il me semble que vous nous aviez parlé de cela. Pour des raisons de cohérence, je m'opposerais à ce qu'on crée un ministère de la Coopération internationale parce qu'il me semble que tout cela doit être intimement relié.
Vous faites maintenant une proposition un peu moins forte, mais qui me convient. Vous demandez que le ministre de la Coopération internationale devienne un ministre influent au Cabinet. Il existe un ministère, mais il est quand même chapeauté par le ministre des Affaires étrangères. Par quels moyens ce ministre pourrait-il jouer un rôle influent? Évidemment, nous souhaitons tous que l'actuelle ministre de la Coopération internationale joue un rôle plus important que celui qu'elle joue présentement. C'est ma première question.
Ma deuxième question porte sur la place que devrait occuper l'agriculture dans les priorités de développement dont il est question dans l'Énoncé de politique internationale. Dans l'énoncé, on parle de l'éducation de base, de la santé, et surtout de la lutte contre le VIH-sida, de la bonne gouvernance, du développement du secteur privé, du développement durable et de l'environnement, mais on ne fait pas mention de l'agriculture. Il me semble que si on parle de la lutte contre la pauvreté dans les pays en voie de développement, l'agriculture doit être au centre de nos préoccupations. Croyez-vous que nous devrions revenir à la charge auprès du gouvernement pour lui demander de replacer l'agriculture au centre de ses préoccupations? La ministre nous dit que c'est transversal, mais ce n'est pas mentionné comme une priorité.
D'ailleurs, dans La Terre de chez nous, le journal de l'Union des producteurs agricoles, il était écrit en toutes lettres: « Le gouvernement fédéral abandonne l'agriculture dans sa politique de coopération internationale ». C'est la perception qu'en ont même nos agriculteurs. C'est quand même assez extraordinaire. Je voudrais vous entendre à ce sujet.
Troisièmement, vous savez qu'il y a eu un déblocage à l'OMC, il y a 10 jours, concernant le calcul ad valorem dans le domaine de l'agriculture. On s'attend à ce que la négociation soit suffisamment intensive pour qu'il y ait une entente, peut-être même en décembre. C'est extrêmement inquiétant quand on sait que, pour le moment, le gouvernement a comme priorités l'accès aux marchés, la réduction des mesures de soutien interne et l'abolition des subventions à l'exportation. Selon vous, quel mandat le négociateur canadien devrait-il avoir pour s'assurer que les intérêts de l'agriculture des pays en voie de développement soient pris en considération directement, et pas simplement par le biais d'une libéralisation des échanges de produits agricoles?
Finalement, je voudrais reprendre la question de Mme Lalonde sur Haïti, à laquelle vous n'avez pas eu le temps de répondre. Avez-vous des recommandations à nous faire concernant la situation actuelle en Haìti?
Je vous laisse avec ces quatre questions. Combien de temps reste-t-il à nos amis pour répondre? Ce sera suffisant? M. le président est extrêmement généreux. C'est un disciple d'Einstein.
À (1030)
[Traduction]
M. Gerry Barr: Très rapidement sur la question d'Haïti, quand nous avons posé des questions à l'ACDI au sujet du fait que Haïti ne figurait plus sur la liste des pays, on nous a dit que cette liste était pertinente pour les deux tiers de ces engagements bilatéraux, qu'il serait tout à fait possible de financer des interventions en Haïti, et qu'elle pensait aussi à la situation en Haïti. Si ce pays n'était pas sur la liste, ce n'est pas parce qu'on estimait qu'il n'était pas important ou prioritaire, mais plutôt parce que Haïti se trouve davantage dans la catégorie des États fragiles en ce qui concerne l'ACDI; par conséquent, on répondrait aux besoins en Haïti en ayant recours aux crédits optionnels qui peuvent être utilisés du côté des dépenses bilatérales.
Deuxièmement, je devrais dire au sujet de Haïti et des problèmes de développement dans ce pays, que deux de nos organisations collaboratrices, soit Développement et paix et l'Institut Nord-Sud, ont fait beaucoup d'excellentes analyses et disposent de bonnes informations. Si le comité souhaite en savoir plus sur la question, il serait certainement intéressant de les inviter à comparaître.
Quant à la possibilité de nommer un ministre influent et un comité permanent pour se charger des politiques canadiennes de coopération au développement, pour vous dire la vérité, nous n'avons pas réussi jusqu'à présent à vraiment faire accepter l'idée d'un comité permanent. Selon les députés à qui nous en avons parlé ces derniers mois, la possibilité de créer un nouveau comité pour cette seule fin semblait très difficile, et par conséquent, nous sommes à présent beaucoup moins optimistes. Par contre, nous avons été très encouragés par les échos positifs que nous avons reçus en ce qui concerne la responsabilité parlementaire qui accompagnerait un mandat législatif dans ce domaine et un système clair et efficace de présentation de rapports à des comités comme celui-ci.
Quant à la possibilité d'un ministre influent soit chargé de l'ACDI, il est vrai que, comme les politiques de l'ACDI qui ont le grave défaut de ne pas pouvoir s'appuyer sur un mandat législatif et un cadre de financement de l'aide internationale clair, l'ACDI elle-même a le grave défaut d'être depuis toujours considérée comme un ministère de second rang; ainsi les ministres ne restent jamais longtemps dans ce poste. Par conséquent, l'Agence devient parfois la victime des tendances et de l'enthousiasme du moment, et dans cette foulée, l'absence d'une mémoire institutionnelle entraîne nécessairement certains problèmes. Pour rectifier la situation et s'assurer que la question de l'élimination de la pauvreté n'est pas marginalisée dans les considérations liées à la politique étrangère, nous avons affirmé que le gouvernement doit nommer un ministre influent au portefeuille de la coopération internationale. Il faut que cela passe par le premier ministre; c'est lui qui doit le faire et ce ministre doit être un de ces ministres les plus critiques et influents du Cabinet. Tant que cela ne sera pas le cas, nous n'obtiendrons pas les résultats escomptés.
Sur la question de l'agriculture et du commerce, je voudrais demander à Gauri de vous répondre.
À (1035)
[Français]
Mme Gauri Sreenivasan: Monsieur Paquette, vous avez raison. Les priorités du Canada en ce qui concerne le commerce et l'agriculture nous préoccupent aussi.
Pour l'instant, les objectifs sont ceux que vous avez énumérés: l'accès aux marchés des autres et la réduction des subventions. Le Canada veut aussi garder quelques protections pour certains de ses secteurs clés, en particulier pour la gestion de l'offre.
Le problème de cet agenda est qu'il y a incohérence quand on dit qu'on veut que tous les autres pays ouvrent leurs marchés, mais aussi qu'on veut conserver quelques protections pour soi. En réalité, le modèle de l'agriculture au Canada, et aussi de notre économie, est un modèle mixte: il y a des produits qu'on veut exporter, et d'autres produits, dans des secteurs clés, qu'on veut garder pour le marché local.
L'agenda du Canada à l'OMC doit être celui-là: le pays a besoin d'un équilibre; il a besoin de souplesse pour décider dans quels secteurs il veut être agressif comme exportateur et dans quels secteurs il veut avoir une plus grande marge de manoeuvre pour gérer la frontière et les importations.
Il y a quelques jours, une rencontre des leaders clés des producteurs du Brésil, de l'Inde et de l'Afrique s'est terminée. On voit clairement que les producteurs canadiens et les producteurs d'autres pays ont un intérêt commun à avoir ce type d'agenda à l'OMC. L'ouverture du marché ne fonctionne pas toujours dans le domaine de l'agriculture. Il faut laisser aux pays la souplesse nécessaire pour décider quand et pourquoi ils veulent ouvrir leurs marchés.
Nous voulons que l'agenda du Canada comprenne les questions des échanges internationaux, des activités problématiques, du dumping et des subventions illégales. On a besoin de règles commerciales qui corrigent ces choses dans les échanges que les pays veulent faire.
Toutefois, sur les autres questions, les règles de l'OMC ne doivent pas empêcher les pays d'avoir des politiques pour appuyer leurs fermiers, pourvu que ces projets et ces programmes ne causent pas de problèmes aux autres pays. Je pense notamment à la gestion de l'offre et à la Commission canadienne du blé. On voit bien que ces programmes du Canada ne causent pas de problèmes aux autres pays. Il faut donc s'assurer que les règles du commerce ne touchent pas ces questions internes. Nous pensons que le Canada pourra trouver des alliés pour appuyer un agenda plus équilibré comme celui-là. Un agenda canadien qui serait très agressif envers les autres pays qui veulent ouvrir leur marché, qui ne serait pas flexible pour les autres ne conviendrait pas. Nous voulons donc qu'il y ait un agenda plus équilibré. Le Canada trouvera des alliés pour cela.
[Traduction]
Le président: Monsieur McTeague.
L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.): Merci beaucoup de votre présence aujourd'hui.
Il y a eu des échanges tout à fait fascinants entre les collègues de part et d'autre.
Pour ma part, je voudrais commencer par vous poser une simple question d'éclaircissement. Je crois savoir que vous avez remplacé les notes que vous nous aviez remises précédemment par le document que vous nous avons donné aujourd'hui, mais dans vos notes précédentes, qui comportaient certaines recommandations au sujet de l'examen de la politique internationale et d'une nouvelle donne pour les pays en développement, vous avez dit dans la section 3 de vos recommandations : « qu'il faut que les initiatives canadiennes en matière d'aide internationale visent un nombre limité de problèmes de développement dans les 15 ou 20 pays en développement les plus pauvres, et ce en fonction d'une approche holistique d'élimination de la pauvreté ». Ensuite, je lis : « les faits ne permettent guère de conclure qu'en concentrant les ressources disponibles dans moins de pays, ou dans des secteurs particuliers, nous obtiendrons nécessairement de meilleurs résultats ». Cela ne semble pas correspondre à ce qu'on lit au point 4 du document que vous nous avez fait parvenir, où on lit ceci : « La concentration accrue de l'aide sur des pays et des secteurs est accueillie favorablement ». Je voulais juste voir si vous n'avez pas actualisé les notes que vous avez préparées au départ. Je ne veux pas vous mettre sur la sellette; je voudrais juste savoir exactement quelle est la position du CCCI.
Selon certains des arguments que vous faites valoir ici, vous semblez reconnaître que ce que nous avons dit au sujet de cette concentration est exact. Vous semblez être très favorable à l'idée du G-20, et à l'initiative du L-20 pilotée par le premier ministre ce qui nous amènerait, évidemment, à aller plus loin par rapport à la doctrine de la responsabilité de protection, et bien entendu, vous êtes au courant de son opinion à ce sujet. Peut-être pourriez-vous donc nous aider à mieux comprendre votre position relativement à la sécurité? Vous avez fait ici un certain nombre d'observations que je trouve très intéressantes, même si je ne suis pas sûr de partager votre opinion. En parlant de la menace du terrorisme, vous dites au paragraphe 9 : « Il est certes légitime que les pays prennent des mesures pour empêcher les attaques contre les civils, mais l'Énoncé du gouvernement décrit le péril terroriste en des termes incendiaires ».
La plus importante source de notre bien-être économique, que nous le voulions ou non, est le commerce que nous faisons avec les États-Unis. Nous avons eu beau essayer de diversifier nos échanges et à travailler avec d'autres pays… J'ai travaillé chez Toyota Canada en tant que spécialiste des relations publiques pendant de nombreuses années, et ça c'est une exemple du genre de commerce que nous essayons de faire au-delà de nos frontières. Mais si nous ne tenons pas compte de la réalité de la prépondérance de nos échanges avec les États-Unis, de sorte que cette relation économique soit progressivement compromise, comment réussirons-nous, à votre avis, à aider le Canada à payer le genre de programmes auxquels nous tenons et qui vont justement contribuer à atteindre votre objectif, soit l'élimination de la pauvreté mondiale? Comment contourner cette difficulté? Je comprends qu'il soit important que l'enjeu de la pauvreté ou les pauvres ne deviennent pas des pions ou des têtes de Turcs, mais il y a un certain nombre de réalités incontournables qu'on doit prendre en compte. À mon avis, les réalités incontournables n'ont pas du tout été décrites en termes incendiaires; pour moi, c'est plutôt un contrôle-vérité.
Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
À (1040)
M. Gerry Barr: Je voudrais faire quelques brefs commentaires pour commencer, et nous pourrons peut-être examiner de façon plus générale la question de la sécurité avec l'aide de ma collègue Erin Simpson. Pour ce qui est de la question de concentration des ressources, Brian pourra situer votre question intéressante au sujet des politiques relatives aux pays.
L'hon. Dan McTeague: Je veux simplement m'assurer que les 15 dernières minutes sont intéressantes.
Des voix: Oh, oh!
M. Gerry Barr: Je suis d'accord avec votre observation générale selon laquelle le Canada est profondément ancré dans une économie nord-américaine et que nos intérêts sont fondamentalement liés à l'orientation des États-Unis. Il est tout à fait vrai de dire qu'on ne peut pas être au gouvernement sans tenir compte de cette réalité-là. Je suis entièrement d'accord. Mais il est également manifeste qu'après les événements du 11 septembre, en partie parce qu'il devait donner l'impression de prendre au sérieux les préoccupations américaines et leurs craintes à l'égard des menaces terroristes pesant sur les États-Unis, le Canada a rapidement adopté le projet de loi C-36 qui violait certains droits des Canadiens, qui n'était pas équilibré, et qui risque de limiter de façon permanente, plutôt que temporaire, les libertés dont jouissent les citoyens canadiens.
Voilà quelque chose qui suscite de graves préoccupations, et ce en grande partie parce que le Canada a évalué la menace terroriste de façon irréaliste. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de menace terroriste, mais il faut aussi comprendre qu'il y a un nombre illimité de menaces qu'on peut imaginer. Cette liste de menaces possibles n'a pas de fin. Si nous voulons élaborer des mesures d'intervention concrètes face à toutes les menaces possibles et imaginables d'un seul type—c'est-à-dire du domaine du terrorisme mondial—il est presque inévitable que notre façon de gouverner et d'aborder les questions importantes, comme celle de la pauvreté mondiale, devienne tout à fait déséquilibrée.
De plus, en voyant l'enjeu de la pauvreté mondiale comme étant fondamentalement lié à la question de la sécurité, nous le réduisons à une simple question de sécurité, et nous risquons de traiter les pauvres comme constituant une menace terroriste, ce qui n'est pas du tout vrai, bien entendu. C'est une erreur de catégorisation grave, et c'est une analyse qu'il faut absolument laisser de côté si nous souhaitons vraiment progresser.
Je vais demander à Brian d'aborder la question de la concentration des ressources.
M. Brian Tomlinson: Juste pour vous répondre très rapidement, le document dont vous avez parlé tout à l'heure a évidemment été rédigé il y a environ un an. C'est l'analyse que nous avons préparée en prévision de l'examen de la politique. À l'époque, nous craignions que le débat sur la concentration des ressources devenait trop limitatif et que ce ne serait pas bien efficace d'affecter la totalité des ressources canadiennes à un petit nombre de pays ou de secteurs.
Toutefois, dans l'Énoncé, comme je l'expliquais tout à l'heure, l'approche du gouvernement est plus équilibrée, puisqu'il est question de concentrer une partie des ressources du programme bilatéral dans 25 pays, tout en prévoyant une plus grande marge de manoeuvre au niveau des programmes de partenariat, par exemple, dans le cadre desquels bon nombre de nos membres travaillent dans différents pays et le font depuis des années, avec un grand nombre de partenaires différents. Donc, nous voulions surtout éviter que l'analyse de l'opportunité de cette concentration ne renforce pas la notion selon laquelle il n'y a que neuf pays auxquels on devrait consacrer nos ressources, comme ce fut le cas dans l'Énoncé sur l'efficacité d'aide internationale. Nous sommes donc relativement satisfaits que le gouvernement parle maintenant de 25 pays dans son Énoncé.
À (1045)
Le président: Monsieur McTeague.
L'hon. Dan McTeague: Monsieur Barr, je suis d'accord avec vos derniers commentaires, à savoir que la pauvreté ne conduit pas à l'insécurité. J'essaie simplement de vous faire remarquer que jusqu'à présent nous avons dépensé plus de 10 milliards de dollars. Vu la somme que nous avons consacrée au renforcement de la sécurité aux frontières, par exemple, on ne peut certainement pas—et là je ne suis pas d'accord avec vous—qualifier les mesures prises jusqu'à présent de purement symboliques.
Comme vous, je ne suis pas entièrement satisfait du projet de loi C-36, mais pour des raisons différentes, et malgré la décision rendue par la Cour suprême au sujet de sa validité.
Si vous me permettez, je voudrais poser une question au sujet d'un problème qui revient périodiquement, et c'est ce dont vous parlait tout à l'heure M. Sorenson. Il a une ONG dans sa circonscription électorale; il se trouve que j'en ai une excellente dans la circonscription, moi aussi. Il y a un problème de perception, en ce sens que l'aide est assurée de manière disproportionnée par l'ACDI et d'autres organisations. Par exemple, l'ONG dans ma circonscription se plaint amèrement du fait qu'il lui est impossible de participer aux programmes de microcrédits; elle n'est pas assez grande et n'a pas suffisamment de prestige, et c'est le cas depuis bien avant la crise provoquée par le tsunami. Par exemple, ces gens-là voient les responsables d'autres organisations derrière le volant de beaux camions flambant neufs et vivant dans de belles maisons, et ils ne sont pas sûrs de vouloir projeter ce genre d'image. Entre-temps, ils essaient tant bien que mal de mener leurs activités avec très peu de ressources, mais le fait est qu'ils essaient d'atteindre à peu près les mêmes objectifs que les personnes que j'ai observées dans les décharges du Guatemala, c'est-à-dire qu'ils essaient de nourrir des gens.
Dans votre organisation, comment réagissez-vous à ces différences très manifestes entre eux et certaines autres ONG qui semblent très bien s'en sortir? Même si ces dernières ont du succès pour ce qui est d'assurer la prestation de l'aide internationale, certains ont aussi l'impression que cet argent sert aussi à améliorer leur niveau de vie.
M. Gerry Barr: Eh bien, vous venez de mettre le doigt sur une importante caractéristique du secteur des ONG, et de beaucoup d'autres secteurs également. Autrement dit, il y a une vaste gamme d'organisations non gouvernementales. Certains regroupements internationaux mènent leurs activités à grande échelle et sont très efficaces dans certains domaines bien précis; entre eux ils travaillent en étroite collaboration et ont de grandes compétences dans certains secteurs. D'autres organisations non gouvernementales jouent davantage un rôle de partenaires solidaires et d'accompagnateurs et travaillent avec de petits groupes qui sont actifs sur le terrain.
Mais malgré les tensions qui caractérisent les relations entre les ONG, je vous fais remarquer qu'il y a également une répartition tacite des tâches qu'elles acceptent aussi. Certaines petites ONG qui sont extraordinairement novatrices font un travail exceptionnel qui est très important, et tout cela fait partie de notre richesse en tant que communauté—même si cela suscite parfois des plaintes.
L'une des critiques que nous avons à formuler à l'égard de l'ACDI, par exemple, est que cette dernière n'ait pas encore réussi à déterminer quel doit être le rôle des organisations représentant la société civile dans ses activités globales de prestation de l'aide. Depuis un moment, par exemple, nous réclamons aux responsables de l'ACDI un cadre pour la société civile. Nous avons une politique sur l'agriculture. Nous avons une politique sur l'expansion du secteur privé, nous avons des politiques sur toutes sortes d'autres choses, mais il n'y a pas de politique—autrement dit une perspective ou optique bien définie—sur le rôle des citoyens dans le domaine du développement. Or il est urgent d'en avoir car, comme Brian vient de vous l'expliquer à juste titre, le rôle des citoyens, du nord et du sud, est en quelque sorte la « gelée royale » du développement. Quand on l'ajoute, les activités de développement donnent les résultats escomptés. Quand il manque, les activités de développement sont vouées à l'échec.
À (1050)
Le président: Merci, monsieur Barr.
Je vais permettre à Mme McDonough et à M. Sorenson de poser chacun une très courte question. Il nous reste en tout six minutes.
Mme Alexa McDonough: Monsieur le président, je ne veux pas utiliser tout mon temps de parole à contester votre décision, mais j'ai du mal à comprendre comment j'ai fini par avoir moins de trois minutes, et donc pas assez de temps pour entendre la réponse.
Le président: Vous avez eu 14 minutes au premier tour de questions.
Merci.
Allez-y.
Mme Alexa McDonough: Maintenant qu'il a été annoncé que Robert Greenhill deviendra président de l'ACDI, je voudrais vous poser une question qui découle des témoignages de ce dernier devant le comité le 14 avril. À cette occasion, je lui ai dit—et mes paroles sont inscrites au compte rendu de la réunion—qu'à mon avis, puisqu'on lui avait permis de resquiller en lui donnant l'occasion de témoigner avant beaucoup d'autres personnes qui attendaient leur tour, que tout cela faisait partie de la stratégie du gouvernement et de son orientation à l'égard de la politique étrangère, par opposition au processus auquel nous tous participons.
Je voudrais aller directement au coeur de la question. À mon avis, vos efforts relatifs à l'APD vont peut-être finir par payer des dividendes parce que, si vous regardez le compte rendu de cette réunion, vous verrez que, selon lui, il est essentiel que le Canada s'engage à atteindre certains objectifs et à respecter l'échéancier prévu, et ce de concert avec la coalition des pays prêts à agir—l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni—au lieu de se joindre à la coalition des pays qui traînent les pieds à cet égard. Donc, félicitations. Mais si ma mémoire est bonne, il n'a pas pris d'engagement en ce qui concerne la mobilisation de la société civile; je vous invite donc à lire ses témoignages. Ce n'est pas une question que je vous pose; je voulais simplement attirer votre attention là-dessus.
Si je peux aborder rapidement la question de la situation au Darfour, nous essayons de faire pression sur le gouvernement pour qu'il aille plus loin, tout en étant sensible aux impératifs de la diplomatie en traitant avec l'Union africaine et le Soudan, et nous lui demandons de faire deux choses en particulier : premièrement, d'obtenir une garantie absolue concernant la sécurité des civils et des travailleurs humanitaires qui sont sur le terrain, et notamment des femmes vu le nombre tout à fait alarmant de viols qui sont perpétrés à l'heure actuelle; et deuxièmement, de faire livrer des fournitures essentielles, surtout l'aide alimentaire, mais d'autres fournitures également, avant le début de la saison des pluies, étant donné le nombre de vies humaines qui sont en danger. À mon avis, il faudra prévoir l'utilisation de transports de troupes blindés pour garantir la sécurité de ces personnes.
Peut-être pourriez-vous me parler de ce que vous savez de la situation au Darfour et ce dans l'optique du travail que vous accomplissez.
Le président: Monsieur Barr, vous avez une minute.
M. Gerry Barr: Les personnes à qui nous parlons et qui savent ce qui se passe au Darfour insistent beaucoup, et nous sommes d'accord avec elles, sur le fait qu'il faut soutenir entièrement, notamment au plan financier, le travail de l'Union africaine. À l'heure actuelle, cette dernière ne dispose pas de ressources suffisantes, et c'est l'une des raisons pour lesquelles l'Union africaine n'a pas envoyé dans la région le nombre de troupes qu'elle devait envoyer au départ.
Plutôt que d'envoyer 1 000 soldats canadiens dans la région, si je peux revenir sur une suggestion faite précédemment, le Canada devrait à notre avis prendre un engagement financier vis-à-vis de l'Union africaine en vue de soutenir son initiative, et devrait aussi s'engager à inciter d'autres pays donateurs à assurer un soutien considérable aux efforts de l'Union africaine et lancer en même temps une grande campagne diplomatique sur le continent africain pour s'assurer qu'il y aura une réaction rapide et appropriée de la part des pays qui sont sollicités.
Mme Alexa McDonough: Et sur la question des transports de troupes blindés?
Le président: Monsieur Barr, si vous avez d'autres commentaires, je vous invite, vous et les membres de votre groupe à les faire parvenir au greffier du comité.
Monsieur Sorenson, nous n'avons pas le temps de vous entendre parce qu'un autre comité arrive dans cinq minutes. C'est à vous de voir si vous voulez ou non faire adopter les motions de M. Day.
Merci donc à tous nos témoins.
Nous avons un certain nombre de questions administratives à régler entre membres du comité.
D'abord, chers collègues, nous avons reçu notre résolution du Sous-comité des droits de la personne. Le sous-comité demande au comité principal d'approuver sa demande de budget de fonctionnement. Il s'agit du montant de 11 100 $. J'ai donc besoin d'une motion. Il s'agit essentiellement de soutenir l'étude du sous-comité visant les activités d'une société minière, soit TVI Pacific aux Philippines, de même qu'un certain nombre d'autres études—c'est-à-dire sur le déni des droits de la personne à Cuba; l'évaluation du mécanisme de projets des ONG en ce qui concerne l'activité minière dans les pays en développement; la responsabilité des grandes entreprises; et peut-être aussi l'aide canadienne au développement par rapport à l'EPI. J'ai donc besoin d'une motion.
Une voix: J'en fais la proposition.
(La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
À (1055)
Le président: Très bien.
Maintenant nous devons traiter les motions de M. Day.
La première motion de M. Day concerne Israël. Je crois savoir que vous voulez la reporter à plus tard.
Vous avez une deuxième motion. Allez-y, monsieur Day.
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC): Je demande au comité de bien vouloir examiner cette motion. Vous l'avez sous les yeux. Elle est claire.
Je propose que nous autorisions le ministre des Affaires étrangères à obtenir auprès des Nations Unies un rapport complet au sujet de l'enquête sur le scandale du programme « pétrole-contre-nourriture » des Nations Unies et à transmettre une copie de ce rapport au comité, afin de prouver ou de réfuter l'implication de Canadiens ou d'entreprises canadiennes. C'est assez clair.
Le président: Y a-t-il des commentaires sur la motion de M. Day?
Monsieur McTeague.
L'hon. Dan McTeague: Je voudrais vous inviter à demander que notre greffier obtienne tous les documents. L'enquête menée par l'ONU a donné lieu à deux grands rapports sur les progrès accomplis jusqu'à présent. Nous nous attendons à ce que le rapport final soit communiqué au public. La date de diffusion du rapport final n'a pas encore été annoncée. Les rapports et d'autres documents connexes sont déjà disponibles sur le site Web. Je me demande si vous pourriez nous obtenir ces documents. À mon avis, le comité devrait prendre connaissance de toutes les données actuellement disponibles avant de tirer quelque conclusion que ce soit, comme le dit M. Day dans la dernière partie de sa motion, ou de prouver ou de réfuter l'implication de Canadiens ou d'entreprises canadiennes. On peut difficilement faire cela si on n'a pas les preuves requises. À mon avis, il faut réfléchir avant d'agir.
M. Stockwell Day: Il n'est pas question d'agir. Toutes les informations sont déjà disponibles. Il va y avoir un rapport. Mais comme pour le rapport de la Commission Gomery, qui sait combien de temps il faudra l'attendre? Il serait utile d'avoir tous les renseignements qui sont déjà disponibles. Donc, à moins qu'il y ait d'autres interventions, je demande qu'on mette la question aux voix.
L'hon. Dan McTeague: Nous ne sommes pas partisans de l'idée d'être à la fois juge, juré et bourreau. Nous voulons nous assurer d'avoir toutes les preuves avant de tirer quelque conclusion que ce soit. En fait, cette motion est trompeuse, étant donné ce que M. Day vient de nous dire.
M. Stockwell Day: Je voudrais préciser une chose : il n'est aucunement question ici de juges, de bourreaux ni de rien d'autre. J'aimerais simplement disposer de tous les renseignements qui sont actuellement disponibles. Il y a de nombreux chroniqueurs, non seulement au Canada, mais aux États-Unis et dans d'autres pays, qui parlent de la possibilité que des Canadiens sont peut-être impliqués dans ce scandale. En tant que membres du Comité des affaires étrangères, nous devons agir de manière responsable et savoir au moins ce qui a été dit. Voilà pourquoi j'ai demandé qu'on mette la question aux voix. Il ne s'agit pas du tout d'être juge, juré et bourreau.
Le président: D'accord. Vous avez demandé que l'on mette la question aux voix.
Madame McDonough.
Mme Alexa McDonough: Pour répondre à la préoccupation du secrétaire parlementaire, que je partage, il me semble qu'on pourrait proposer un amendement à l'amiable qui dissiperait tout doute concernant nos intentions, si nous laissions simplement tomber le bout de phrase « afin de prouver ou de réfuter l'implication de Canadiens ou d'entreprises canadiennes ». Nous ne pourrions certainement pas décider que le rapport prouve ou réfute la culpabilité ou l'innocence de quiconque.
Pourrais-je donc proposer cet amendement à l'amiable?
M. Stockwell Day: Je respecte la position de Mme McDonough et son intention. Seulement, strictement parlant, il ne peut s'agir d'un amendement à l'amiable, puisque ce changement modifie radicalement l'intention de la motion. L'intention de la motion est de savoir exactement ce qui est dit à propos de l'implication de certains Canadiens. Voilà pourquoi je voudrais laisser le libellé tel quel.
Le président: Très bien. Mme McDonough vient de proposer un amendement. Nous allons maintenant voter sur l'amendement…
Une voix: J'invoque le Règlement.
[Français]
Le président: Madame Lalonde.
Mme Francine Lalonde: Je comprends qu'il soit nécessaire d'avoir de l'information, mais il est certain que si nous laissions tomber... Il me semble que nous aurions tout ce qu'il faut pour faire cela si nous avions l'information nécessaire. Cela nous permettrait d'obtenir l'information, et quand nous reviendrions à la prochaine session, nous pourrions continuer.
[Traduction]
Le président: Très bien; je suis d'accord.
Un dernier point.
M. Stockwell Day: Monsieur le président, n'est-il pas obligatoire que je l'accepte comme étant un amendement à l'amiable?
Le président: Non, elle peut proposer tous les amendements qu'elle voudra. Il peut néanmoins s'agir d'un amendement à l'amiable.
Mme McDonough propose donc de modifier le libellé en supprimant les mots « afin de prouver ou de réfuter l'implication de Canadiens ou d'entreprises canadiennes ».
(L'amendement est adopté.)
(La motion telle que modifiée est adoptée.)
Le président: Voulez-vous que j'en fasse rapport à la Chambre?
Des voix: D'accord.
Le président: Merci.
La séance est levée.