SFIS Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité sur le déséquilibre fiscal du comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 11 avril 2005
¸ | 1405 |
Le président (M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)) |
M. Guillaume Lavoie (vice-président, Affaires internationales et fédérales, Fédération étudiante universitaire du Québec) |
¸ | 1410 |
¸ | 1415 |
Le président |
M. Gilles Taillon (président, Conseil du patronat du Québec) |
¸ | 1420 |
Le président |
Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC) |
¸ | 1425 |
M. Guillaume Lavoie |
Le président |
Mme Rona Ambrose |
Le président |
M. Don Bell (North Vancouver, Lib.) |
¸ | 1430 |
Le président |
M. Gilles Taillon |
Le président |
M. Guillaume Lavoie |
¸ | 1435 |
Le président |
M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ) |
M. Guillaume Lavoie |
M. Guy Côté |
¸ | 1440 |
M. Gilles Taillon |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD) |
M. Gilles Taillon |
¸ | 1445 |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. Guillaume Lavoie |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. Guillaume Lavoie |
M. Gilles Taillon |
Le président |
M. Gilles Taillon |
M. Guy Côté |
M. Gilles Taillon |
Le président |
M. Gilles Taillon |
Le président |
M. Gilles Taillon |
¸ | 1450 |
Le président |
M. Gilles Taillon |
Le président |
M. Don Bell |
M. Gilles Taillon |
M. Don Bell |
M. Gilles Taillon |
¸ | 1455 |
M. Don Bell |
Le président |
M. Guillaume Lavoie |
M. Don Bell |
M. Guillaume Lavoie |
M. Don Bell |
Le président |
Mme Rona Ambrose |
Le président |
Mme Rona Ambrose |
M. Guillaume Lavoie |
Le président |
Mme Rona Ambrose |
Le président |
M. Guy Côté |
M. Gilles Taillon |
M. Guy Côté |
¹ | 1500 |
Le président |
M. Gilles Taillon |
Le président |
M. Gilles Taillon |
Le président |
M. Gilles Taillon |
Le président |
M. Gilles Taillon |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. Guillaume Lavoie |
Le président |
M. Guillaume Lavoie |
Le président |
¹ | 1505 |
M. Gilles Taillon |
Le président |
Le président |
M. François Legault (député et porte-parole de l'opposition officielle en matière de développement économique et de finances (Parti Québecois), Assemblée nationale du Québec) |
¹ | 1520 |
¹ | 1525 |
¹ | 1530 |
Le président |
Mme Rona Ambrose |
M. François Legault |
¹ | 1535 |
Le président |
Mme Rona Ambrose |
M. François Legault |
Mme Rona Ambrose |
Le président |
M. Don Bell |
M. François Legault |
M. Don Bell |
¹ | 1540 |
M. François Legault |
M. Don Bell |
Le président |
M. Don Bell |
M. François Legault |
Le président |
M. François Legault |
Le président |
M. Guy Côté |
¹ | 1545 |
M. François Legault |
M. Guy Côté |
M. François Legault |
¹ | 1550 |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. François Legault |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
¹ | 1555 |
M. François Legault |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
M. François Legault |
Le président |
º | 1620 |
Le président |
M. Pierre Dupuis (vice-président, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec) |
º | 1625 |
º | 1630 |
Le président |
M. Don Bell |
M. Pierre Dupuis |
M. Don Bell |
M. Pierre Dupuis |
M. Don Bell |
M. Pierre Dupuis |
M. Don Bell |
M. Pierre Dupuis |
º | 1635 |
M. Don Bell |
M. Pierre Dupuis |
Le président |
M. Guy Côté |
º | 1640 |
M. Pierre Dupuis |
Mme Monique Audet (conseillère, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec) |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
º | 1645 |
Mme Monique Audet |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Mme Monique Audet |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. Pierre Dupuis |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. Pierre Dupuis |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. Pierre Dupuis |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. Pierre Dupuis |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. Pierre Dupuis |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
º | 1650 |
Mme Monique Audet |
Le président |
Mme Rona Ambrose |
M. Pierre Dupuis |
Le président |
Mme Rona Ambrose |
Le président |
º | 1655 |
Mme Rona Ambrose |
Le président |
M. Pierre Dupuis |
Le président |
Mme Monique Audet |
Le président |
M. Pierre Dupuis |
Le président |
M. Pierre Dupuis |
Le président |
M. Pierre Laval Mathieu (à titre personnel) |
Le président |
Mme Léa Cadieux Mathieu (à titre personnel) |
Le président |
Mlle Léa-Cadieux Mathieu |
M. Pierre Laval Mathieu |
Mlle Léa-Cadieux Mathieu |
M. Pierre Laval Mathieu |
Mlle Léa-Cadieux Mathieu |
M. Pierre Laval Mathieu |
» | 1700 |
Le président |
M. Pierre Laval Mathieu |
» | 1705 |
Mlle Léa-Cadieux Mathieu |
M. Pierre Laval Mathieu |
Le président |
Mlle Léa-Cadieux Mathieu |
M. Pierre Laval Mathieu |
Mlle Léa-Cadieux Mathieu |
M. Pierre Laval Mathieu |
Le président |
M. Pierre Laval Mathieu |
Le président |
M. Pierre Laval Mathieu |
Le président |
M. Pierre Laval Mathieu |
Le président |
M. Pierre Laval Mathieu |
Le président |
M. Pierre Laval Mathieu |
Le président |
Mlle Léa-Cadieux Mathieu |
Le président |
M. Pierre Laval Mathieu |
» | 1710 |
Le président |
M. Pierre Laval Mathieu |
Le président |
M. Pierre Laval Mathieu |
Le président |
M. Pierre Laval Mathieu |
Le président |
M. Pierre Laval Mathieu |
Le président |
M. Pierre Laval Mathieu |
Le président |
Mlle Léa-Cadieux Mathieu |
M. Pierre Laval Mathieu |
Le président |
Mlle Léa-Cadieux Mathieu |
Le président |
CANADA
Sous-comité sur le déséquilibre fiscal du comité permanent des finances |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 11 avril 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¸ (1405)
[Français]
Le président (M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)): Nous allons débuter nos travaux. J'ai l'honneur d'accueillir M. Gilles Taillon, président du Conseil du patronat du Québec, et M. Guillaume Lavoie, vice-président des affaires internationales et fédérales à la Fédération étudiante universitaire du Québec. Nous sommes chanceux de l'avoir parmi nous. Il serait aujourd'hui sur les lignes de piquetage si la question qui opposait les étudiants au gouvernement du Québec n'avait pas été réglée.
Je vous souhaite la bienvenue.
Le mandat de notre sous-comité est de présenter à la Chambre des communes, d'ici le 2 juin prochain, un rapport sur la problématique du déséquilibre fiscal ainsi que des recommandations en vue de trouver des solutions durables à ce problème.
Vous avez chacun 10 minutes pour formuler vos commentaires et vos recommandations à cet égard. Ensuite, mes collègues de chacun des partis représentés à la Chambre des communes vous poseront des questions.
Monsieur Lavoie, vous disposez de 10 minutes.
M. Guillaume Lavoie (vice-président, Affaires internationales et fédérales, Fédération étudiante universitaire du Québec): Bonjour. Je suis vice-président aux affaires internationales et fédérales à la FEUQ.
Permettez-moi d'abord de dire quelques mots sur la FEUQ. La fédération est un organisme indépendant regroupant 19 associations étudiantes de niveau universitaire, provenant de toutes les régions du Québec, des associations anglophones et francophones qui, elles, représentent 172 000 membres de partout au Québec. Célébrant cette année son 15e anniversaire, la FEUQ décrit son action pour la défense de l'éducation postsecondaire comme étant politique mais non partisane.
Je tiens à remercier le comité de son invitation. Je remercie aussi le Parlement d'avoir pris l'initiative d'aborder une question aussi fondamentale que celle du déséquilibre fiscal.
En 2001, alors que tout le Québec se livrait à un exercice similaire, la FEUQ, qui est le plus grand groupe de jeunes au Québec, a pris part aux travaux de la Commission Séguin de l'époque pour présenter son mémoire intitulé « Pour la pérennité et l'intégrité des programmes sociaux ». Sa vision principale demeure la même aujourd'hui, et la mise à jour de ce mémoire vous sera transmise sous peu.
D'entrée de jeu, la FEUQ tient à clarifier sa position sur le financement des programmes sociaux et l'enseignement postsecondaire. Les gouvernements des provinces ont la responsabilité d'établir des priorités dans leurs dépenses. Une hausse des paiements de transfert n'entraîne cependant pas toujours une amélioration du budget des universités. Les gouvernements provinciaux, dont le budget dépend en partie des transferts fédéraux, disposent d'une marge de manoeuvre même si elle est limitée.
Au premier chef, il est vrai qu'ils exercent un contrôle sur leurs revenus grâce à l'imposition et à la taxation. De plus, ils peuvent renoncer à des baisses d'impôt qui, en plus d'être, à notre avis, un non-sens dans le cadre intergénérationnel actuel, n'aident en rien leur cas dans le contexte du présent comité. Bref, nous pouvons attribuer l'ensemble des problèmes au gouvernement fédéral.
Cela dit, chacun a sa part de responsabilité. Le fait que le gouvernement fédéral accumule des surplus est symptomatique de son retrait du financement des grandes missions que sont les services sociaux.
Les gouvernements du Québec et des provinces doivent assumer une part de plus en plus importante du financement de ces programmes, en plus de faire face à une croissance des dépenses largement attribuable au vieillissement de la population et, au Québec, au choc démographique. C'est là toute l'essence du déséquilibre fiscal.
En somme, le véritable but ici est d'assurer que le système fédéral canadien et ses interrelations fiscales et budgétaires permettent et assurent aux gouvernements du Québec et des provinces de remplir leurs missions. La FEUQ constate que le statu quo est inacceptable et non viable.
Je vous donne un exemple du déséquilibre fiscal qui, à notre à vis, se manifeste très bien dans le cas de l'éducation postsecondaire. Il y a deux types de déséquilibre. Il y a d'abord un déséquilibre patent au niveau du désengagement du gouvernement fédéral de ses responsabilités envers les provinces, c'est-à-dire les transferts. Il y a aussi un déséquilibre plus insidieux, qui se manifeste par un envahissement des compétences provinciales.
Parlons d'abord des paiements de transfert. Après des années de coupures unilatérales — et c'est là le grand drame —, les maigres augmentations ou, plutôt, les ajustements qui ont été faits aux paiements de transfert nous ramènent au niveau de 1993, mais en dollars absolus. Si on tient compte de l'inflation et de la croissance de la population, les transferts fédéraux pour l'éducation postsecondaire sont aujourd'hui de 50 p. 100 inférieurs à ce qu'ils étaient il y a 10 ans. Au bas mot, c'est 1,5 milliard de dollars par année qu'il manque aux provinces pour financer l'éducation postsecondaire.
De plus — et c'est une autre partie du drame—, il n'y a pas, dans le système de financement actuel, suffisamment de prévisibilité. Par conséquent, les gouvernements du Québec et des provinces ne connaissent jamais avec suffisamment de certitude l'ampleur des paiements de transfert à venir. Pour les universités, c'est encore pire: non seulement elles dépendent du niveau des paiements de transfert fédéraux, mais cela a aussi un impact sur les autres choix que feront les gouvernements provinciaux, ce qui va se répercuter dans leurs budgets.
En somme, il faudra augmenter substantiellement les transferts, soit par un transfert de points d'impôt, soit par un transfert d'argent.
Le problème principal qui sous-tend cela, c'est que, paradoxalement, la diminution des paiements de transfert s'accompagne d'un renforcement de l'intervention du gouvernement fédéral dans le domaine de l'éducation postsecondaire. Pendant que, d'un côté, le gouvernement fédéral coupe l'oxygène au financement général des programmes d'éducation postsecondaire, de l'autre, au cours des 10 dernières années, il a triplé ses dépenses directes ou indirectes pour une foule d'initiatives qui sont soit douteuses, soit carrément discriminatoires.
¸ (1410)
Je vais vous donner deux exemples bien connus, celui de la Fondation canadienne pour l'innovation et celui de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire.
Premièrement, le gouvernement fédéral consacre à peu près 1,3 milliard de dollars par année aux crédits d'impôt pour frais d'études. Deuxièmement, il y a le fameux Régime enregistré d'épargne-études, pour lequel il a été prévu 600 millions de dollars par année, ainsi qu'une somme additionnelle de 1 milliard de dollars sur 10 ans dans le projet de loi C-5. On parle donc de 2 milliards de dollars par année.
Les provinces comme le Québec, Terre-Neuve-et-Labrador et le Manitoba qui ont choisi de rendre leur système d'éducation postsecondaire plus accessible en imposant des frais de scolarité moins élevés sont clairement défavorisées par les crédits d'impôt pour frais d'études. Le Régime enregistré d'épargne-études est aussi sous-utilisé par les citoyens des provinces qui font de l'éducation postsecondaire une priorité, et à plus forte raison par ceux du Québec, où les études collégiales sont très peu coûteuses. Cela veut dire qu'il y a pire que le pouvoir de dépenser: il y a le pouvoir de mal dépenser. C'est le principal problème.
La FEUQ estime que les multiples interventions du gouvernement fédéral doivent absolument cesser. On reconnaît que les autres provinces peuvent décider de faire autrement. Conséquemment, seul un droit de retrait avec pleine compensation financière peut régler ce problème.
Il y a un troisième type de déséquilibre qui, à mon avis, est probablement celui qui est le plus structurel dans la problématique du déséquilibre fiscal: c'est le déséquilibre intergénérationnel. Ce que la FEUQ appelle le choc démographique ou le vieillissement de la population rend encore plus critique la situation financière des provinces. Que les gouvernements provinciaux soient de bons gouvernants ou de moins bons gouvernants, l'augmentation des dépenses échappe de plus en plus à leur contrôle. La tendance démographique laisse présager que la proportion de personnes âgées d'au-delà de 65 ans grimpera de 12 à 29 p. 100 au cours des 50 prochaines années. Cela aura un impact direct sur les dépenses en santé.
D'autre part, la croissance des emplois profite surtout aux diplômés universitaires et collégiaux. Entre 1990 et 1998, le nombre d'emplois exigeant des études universitaires a augmenté de 53 p. 100, alors que celui des emplois exigeant des études collégiales a augmenté de 32 p. 100. À l'inverse, les emplois n'exigeant aucun diplôme ou un diplôme d'études secondaires ont diminué respectivement de 30 p. 100 et de 15 p. 100. Cela veut donc dire que les provinces devront consacrer davantage de ressources à l'éducation postsecondaire si elles veulent maintenir leur rythme de croissance. Pourtant, la nécessité de faire face au vieillissement de la population et celle de veiller à la formation de la main-d'oeuvre, et donc à la croissance, ne peuvent être mutuellement exclusives.
Ainsi, compte tenu de la croissance attendue des coûts de la santé, la FEUQ propose la création d'une caisse pour la sauvegarde des programmes sociaux, destinée à absorber l'impact financier de la croissance des coûts et à protéger l'éducation postsecondaire de nouvelles compressions budgétaires. En aucun cas l'État et l'opinion publique ne devraient avoir à choisir entre l'éducation et les hôpitaux.
Le problème est fort simple. Au Québec, on prévoit une augmentation rapide du nombre des personnes âgées en perte d'autonomie, ce qui entraînera une croissance importante des dépenses en matière de santé. Si rien n'est fait, les gouvernements de demain n'auront d'autre choix que d'augmenter les impôts de façon draconienne et de réduire les dépenses d'autant dans les champs du secteur public tels que l'éducation, ou simplement de privatiser les systèmes actuels.
De tels scénarios sont inacceptables pour nous, bien sûr, et c'est pourquoi la FEUQ fait de la création d'une caisse de sauvegarde des programmes sociaux une priorité, même si cela ne fait pas partie des desseins des gouvernements actuels. En effet, au lieu de se donner les moyens financiers de relever le défi du choc démographique, les gouvernements réduisent les impôts et, par le fait même, hypothèquent leur capacité financière de faire face aux difficultés à venir. Dans le cadre du déséquilibre fiscal, il serait tout à fait opportun que le gouvernement fédéral devienne un des financiers majeurs de cette caisse capitalisée de préservation des services sociaux.
En conclusion, la FEUQ considère que le déséquilibre fiscal entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ne constitue qu'une partie, quoique majeure, du problème de sous-financement de la mission des provinces. Il n'en demeure pas moins que le partage des ressources fiscales entre les deux paliers de gouvernement traduit un déséquilibre important au détriment des provinces, dont le Québec.
Le Québec a voulu mettre sur pied un système d'éducation publique accessible et de qualité. C'était sa prérogative, dans le cadre de ses compétences. Il ne devrait pas, à cause du déséquilibre fiscal, être brimé dans ses choix.
¸ (1415)
Le déséquilibre fiscal a déjà causé plusieurs problèmes au réseau de l'éducation, notamment dans les universités. En établissant une série de programmes sans tenir compte des priorités du réseau d'éducation québécois ou de celui d'autres provinces, le gouvernement fédéral multipliait les dédoublements.
En résumé, il y a trois pistes: rétablir les paiements de transfert à leur niveau antérieur; permettre un droit de retrait avec pleine compensation; que le gouvernement fédéral participe à la création et au financement d'une caisse capitalisée pour la préservation des programmes sociaux.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lavoie.
Je pense qu'il va y avoir un petit débat sur la hausse des impôts avec M. Taillon, le président du Conseil du patronat du Québec.
Monsieur Taillon, vous avez la parole.
M. Gilles Taillon (président, Conseil du patronat du Québec): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je n'avais pas l'intention d'aborder ce débat ici aujourd'hui, mais si vous soulevez la question, je le ferai sans doute.
Merci beaucoup de votre invitation, monsieur le président, et merci aux membres du comité.
Cela me fait plaisir de répondre à cette invitation, parce qu'il nous apparaît important de régler de façon durable toute cette question du déséquilibre fiscal. Vous demandiez comment il fallait régler cette question de façon durable. C'est à cette question que nous tenterons de répondre avec le présent texte.
J'ai donc préparé un petit papier qui expose notre position. J'aimerais d'abord vous rappeler que, pour nous, il s'agit d'un vieux débat et qu'il est temps de trouver une solution durable au problème.
Permettez-moi de faire un bref rappel historique, puis nous passerons à autre chose et aborderons différemment la problématique ici soulevée.
Le débat sur le déséquilibre fiscal ne date pas d'hier au Canada. Un bref retour en arrière nous démontre qu'il s'agit d'une question plus politique que technique. En effet, au début des années 1980, le gouvernement fédéral, empêtré à l'époque dans les déficits budgétaires, reluquait du côté des provinces et prétendait qu'il y avait un déséquilibre fiscal en faveur de ces dernières. Cette question s'est progressivement estompée, en grande partie en raison des arguments avancés à l'époque par les provinces contre l'existence d'un déséquilibre fiscal. La province de l'Ontario, dans son budget de 1982, citait d'ailleurs à l'appui de sa thèse une étude effectuée par le Conseil économique du Canada:
Pour dire qu’il y a un problème économique structurel à l’égard du déséquilibrefiscal, il faut prétendre que l’un des paliers de gouvernement n’a pas accès auxrecettes dont il a besoin pour s’acquitter des responsabilités qui lui incombent. Lasimple existence de déficits à un palier de gouvernement ne veut pas dire qu’ilexiste un tel déséquilibre structurel et qu’il faut trouver une solution à ces déficitsaux dépens d’un autre palier de gouvernement. |
Au milieu des années 1980, le gouvernement fédéral décidait, après des décennies de déficit et le cumul d'une dette nationale astronomique, d'assainir les finances fédérales. Cela ne s'est pas fait sans heurts puisque, simultanément, l'impôt des particuliers et des entreprises augmentait et, surtout, les paiements de transfert aux provinces diminuaient. À la faveur de ces compressions, le débat sur l'équilibre fiscal a repris, cette fois en sens inverse. Le déséquilibre fiscal était désormais en faveur du fédéral.
Le Québec a sonné la charge avec la Commission Séguin en 2001, arguant que le Québec n'avait pas accès aux sources de recettes lui permettant de s'acquitter au mieux de ses responsabilités. Le discours a bientôt rejoint toutes les capitales provinciales. Les premiers ministres provinciaux ont exigé et obtenu la tenue de deux conférences des premiers ministres. Malgré l'injection de ressources additionnelles par le fédéral à la suite de ces conférences, les provinces sont demeurées insatisfaites, et le premier ministre de l'Ontario a repris le flambeau, sous un angle différent, il y a quelques semaines. Le gouvernement fédéral actuel, de son côté, ne souscrit pas au concept de déséquilibre fiscal et ne semble surtout pas croire aux vertus d'un système plus décentralisé.
Nous pensons qu'une fois ce constat fait, il faut passer à un autre débat, et nous suggérons une nouvelle approche.
Au coeur du conflit, il y a l'insuffisance de la participation du fédéral, principalement par le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, au financement de la santé, de l'éducation et des programmes sociaux. Que faire dans un contexte de chicanes improductives et de luttes constitutionnelles qui ne servent en rien à l'amélioration de la qualité des services? Par mon petit rappel historique, je veux souligner que c'est un peu à cela qu'on s'adonne depuis une vingtaine d'années au Canada. Que faire d'un débat perpétuel qui retarde la réorganisation des services et le financement prévisible des soins de santé, de l'éducation supérieure et de certains programmes sociaux?
À l'occasion de notre comparution à la Commission sur le déséquilibre fiscal, en novembre 2001, nous avions anticipé la situation vécue aujourd'hui, c'est-à-dire une situation de chicanes que nous qualifions de perpétuelles. Nous avons fait appel à la négociation raisonnée entre les deux ordres de gouvernement, mais à défaut d'accords mutuellement satisfaisants, nous avons avancé une proposition susceptible de corriger le problème de façon durable.
Nous nous sommes permis de reproduire un extrait de notre mémoire de l'époque, que je ne citerai pas, car vous l'avez. Il faudrait surtout arriver à la solution durable, qui serait de procéder à une division claire des pouvoirs et responsabilités entre le fédéral et les provinces. Il faudrait aussi que le fédéral sorte carrément des champs de compétence provinciale que sont l'éducation, les programmes sociaux et l'éducation supérieure, et laisse cela aux provinces.
¸ (1420)
Pour y arriver, nous proposons un transfert de points d'impôt.
En dollars d'aujourd'hui, cette proposition se traduirait ainsi: à partir des données inscrites au Plan budgétaire de 2005 du gouvernement, il faudrait ajouter aux transferts de points d'impôt déjà en vigueur un transfert additionnel de 29,3 milliards de dollars. Je parle évidemment de tout le Canada. Cette somme correspond aux transferts en espèces prévus pour 2005-2006. Au total, le transfert en points d'impôt s'établirait donc à 47,8 milliards de dollars. Les points de base seraient actualisés annuellement par la suite pour intégrer un facteur d'indexation. Les provinces auraient la charge exclusive de la gestion des programmes, et le fédéral ne dépenserait plus dans ces champs de compétence. Le système de péréquation doit bien sûr être maintenu pour permettre aux provinces d'avoir une assiette fiscale pouvant être gérée dans le cadre d'un système de transfert de points d'impôt. Il y aura encore des discussions là-dessus, mais je pense qu'il serait important de baliser ce système pour que les choses soient prévisibles et connues à l'avance. Il faudrait aussi que ce système soit équitable. Ensuite, on le reverrait périodiquement pour corriger les disparités fiscales qui pourraient se produire entre les provinces, selon l'évolution de la richesse collective de ces dernières.
Nous croyons que nous sommes rendus à l'étape d'un transfert de points d'impôt. Il faut cesser de se chicaner sur le montant à transférer dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Il faut adopter une approche beaucoup plus tranchée et remettre aux provinces la responsabilité de la gestion de ces programmes d'activités, et demander au gouvernement fédéral de se consacrer à la gestion de ses responsabilités dans ses champs de compétence.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, c'est une proposition simple, que nous pensons facile à mettre en oeuvre et qui serait très durable.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Taillon. Vous êtes incroyablement discipliné et efficace: sept minutes deux secondes. Je vous remercie infiniment.
Nous allons passer à un premier tour de questions, en commençant par Mme Ambrose du Parti conservateur. Vous avez cinq minutes, madame.
Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC): Merci, monsieur le présent. Merci, monsieur Lavoie et monsieur Taillon, de vos présentations.
Vous avez soulevé des points intéressants. Le déséquilibre fiscal est un enjeu qui me préoccupe beaucoup et que je soulève à la Chambre des communes chaque fois que j'en ai l'occasion. Le chef du Parti conservateur, M. Stephen Harper, a fait valoir que l'élargissement de l'écart entre le budget du fédéral et celui des provinces empêche celles-ci de faire des plans à long terme et les force à toujours dépendre des transferts aux provinces pour leurs programmes d'enseignement postsecondaire. Mon parti constate aussi que cette dépendance aux transferts fédéraux permet au gouvernement libéral fédéral de faire intrusion dans les champs de compétence des provinces.
J'ai une question qui s'adresse à M. Lavoie. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur tous les torts causés par le déséquilibre fiscal en regard de la capacité de la province du Québec à rencontrer ses responsabilités sociales et sur la façon dont le déséquilibre fiscal affecte l'enseignement postsecondaire au Québec?
¸ (1425)
M. Guillaume Lavoie: L'aspect le plus choquant du déséquilibre fiscal est que, d'un côté, le gouvernement fédéral coupe l'oxygène au financement général du programme d'enseignement postsecondaire au Québec. Comment? En coupant de manière unilatérale dans les paiements de transfert. On fauche carrément les jambes du Québec en ce qui a trait à sa capacité de financer l'enseignement postsecondaire. Cela a des conséquences graves.
Au Québec, les universités sont sous-financées, et ce sous-financement est de l'ordre de 375 millions de dollars. Il manque 1 000 professeurs dans nos universités. C'est la même chose dans nos bibliothèques. Ce sont des conséquences réelles. Il faut pointer du doigt ceux qui sont vraiment responsables de cette situation. Aujourd'hui, le financement de l'enseignement postsecondaire est de 50 p. 100 inférieur à ce qu'il était il y a 10 ans, et les dépenses n'ont pas diminué. C'est la première chose.
Le pire, ce n'est pas les surplus fédéraux, qui sont en quelque sorte la démonstration de ce qui est déjà évident. Le pire, c'est que le gouvernement fédéral investit dans des champs de compétence qui ne sont pas les siens la marge de manoeuvre qu'il va chercher en coupant dans les transferts. D'un côté, il empêche le financement en général du programme, et de l'autre, il investit dans des champs de compétence qui ne sont pas les siens, soit par des fondations, soit par le biais de la fiscalité. En agissant de la sorte, il se trouve à punir les provinces qui font des choix en fonction de leurs champs de compétence.
Les crédits d'impôt, que ce soit pour un régime d'épargne-études ou encore pour les frais d'études, sont injustes pour les provinces qui choisissent de rendre plus accessible l'enseignement postsecondaire en imposant des frais de scolarité plus faibles, faisant ainsi un investissement public plus élevé. C'est comme cela que je vois la situation.
En ce qui a trait à la caisse, comme le Québec aura à faire face à un choc démographique plus grand que d'autres provinces, il doit être en mesure de préserver les programmes sociaux qu'il a aujourd'hui. Pour cela, le gouvernement fédéral doit cofinancer une caisse qui permettra de capitaliser des revenus maintenant en prévision d'une augmentation des dépenses qui surviendra d'ici une génération environ.
Le président: Madame Ambrose, ça va?
Mme Rona Ambrose: Merci.
Le président: Monsieur Bell.
[Traduction]
M. Don Bell (North Vancouver, Lib.): Merci.
Monsieur Lavoie, votre commentaire concernant le choc démographique le plus grave auquel le Québec devra faire face m'intéresse. Je me demandais si vous pouviez en dire davantage sur ce sujet.
Ensuite, vous avez mentionné le besoin d'environ mille nouveaux professeurs. Je suis juste un peu curieux : s'attend-t-on à une augmentation de la population étudiante? En Colombie-Britannique, elle est en baisse. J'aimerais donc en savoir davantage sur ce besoin d'enseignants, ne serait-ce que pour faire une comparaison avec les chiffres qui concernent ma province.
Ma question s'adresse à vous deux. D'après vous, y a-t-il des domaines, que ce soit la santé ou l'éducation postsecondaire—desquels le gouvernement fédéral devrait se retirer, comme vous l'avez proposé—où il devrait y avoir des normes nationales soutenues par du financement, que ce soit en brandissant la carotte ou le bâton, ou je ne sais quoi d'autre? Ou devrait-on plutôt viser le renforcement de certains services tout en permettant aux provinces d'offrir différents niveaux de service?
Autrement dit, devrait-il y avoir un degré de transférabilité, à défaut d'un meilleur terme, afin que toute personne allant d'une province à une autre puisse s'attendre à avoir le même niveau de service? On défend parfois l'intervention du fédéral dans certains de ces domaines en disant que ce serait une façon de s'assurer que dans certains secteurs clés, que ce soit l'éducation postsecondaire ou la santé, des normes nationales s'appliqueraient, peu importe où on habite au Canada ou sa catégorie de revenu.
S'il nous reste du temps, monsieur Lavoie, j'aimerais que nous parlions de la Fondation canadienne des bourses d'étude du millénaire—sujet que nous avons déjà abordé dans le passé—et de vos idées sur les changements possibles qu'il faudrait apporter, selon vous, au financement postsecondaire. Il n'est pas nécessaire que ce soit aujourd'hui, mais j'apprécierais obtenir vos commentaires, à titre d'information seulement, sur l'augmentation ou à la baisse prévue de la population étudiante et le besoin de professeurs. Aussi, peut-être pourriez-vous définir ce choc démographique qui, selon vous, serait plus grave au Québec que dans les autres provinces.
Pour terminer, j'aimerais savoir, messieurs, si vous croyez qu'une influence nationale, si on peut appeler ça ainsi, aurait une certaine valeur dans les domaines de la santé et de l'éducation postsecondaire.
¸ (1430)
[Français]
Le président: Monsieur Taillon.
M. Gilles Taillon: Notre proposition est assez claire. Si on veut vraiment départager les choses afin que la fédération fonctionne bien, les champs de compétence des provinces doivent être gérés par les provinces. L'éducation et la santé sont, à notre avis, des champs qui relèvent des provinces. Il peut y avoir des normes nationales dans un pays, mais il n'est pas nécessaire de les mettre en oeuvre par le biais du financement. Les parties à la fédération pourraient convenir de se donner des objectifs communs, de mesurer ces objectifs et d'être chapeautées par un système juridique commun, mais la façon d'y arriver ou d'exercer la compétence devrait relever des gouvernements provinciaux. Une fois que les provinces auront leurs points d'impôt, il leur appartiendra de les gérer, de décider combien il faut d'argent pour y arriver.
Deuxièmement, le système de péréquation doit être maintenu afin que les provinces ayant une capacité fiscale moindre puissent avoir une compensation. La péréquation contribue à la mise en oeuvre des normes nationales dans des champs d'activité comme ceux-là, notamment. C'est à cela que nous croyons.
En ce qui a trait à la démographie québécoise, la population du Québec vieillit plus vite que celle de toutes les autres provinces. Il est donc évident que, sur le plan démographique, le Québec va en arracher plus que d'autres provinces, à moins qu'il y ait un changement important du côté de l'immigration. On sait que nous avons de la difficulté à conserver nos immigrants qui, en général, ont plus d'enfants, sont plus féconds. À moins que nous n'améliorions nos politiques d'immigration, il est évident que le vieillissement constituera un problème sérieux qui affectera d'abord l'enseignement primaire et secondaire, puis l'enseignement supérieur.
Le président: Monsieur Lavoie, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Guillaume Lavoie: M. Taillon a bien dit que le choc démographique sera plus important au Québec qu'ailleurs au Canada, mais il se manifestera aussi dans le reste du Canada.
Le fait que 1 000 professeurs manquent est symptomatique de deux situations. Premièrement, une bonne partie du corps enseignant universitaire au Québec, et sans doute aussi dans le reste du Canada, est sur le point de prendre sa retraite. Il y aura donc un grand vide à combler. Deuxièmement, on n'a pas nécessairement le budget qu'il faudrait pour remplacer tous ces gens, parce qu'on réduit de plus en plus le budget de l'appareil universitaire. Au Québec, il y a un sous-financement chronique de l'enseignement postsecondaire qui est notamment attribuable aux réductions des paiements de transfert. C'est très clair.
Pour ce qui est des normes nationales, il me semble que c'est une piste très glissante. Le système d'enseignement postsecondaire est déjà différent d'une province à l'autre. Ce n'est pas la balkanisation du Canada: ce n'est pas cela du tout. Aux dernières nouvelles, l'enseignement était une responsabilité des provinces. C'est à elles et aux électeurs des gouvernements provinciaux de faire des choix en conséquence. Si les choix faits dans une province ou dans une autre ne sont pas au goût des électeurs de cette province, ce seront les gouvernements provinciaux qui devront en assumer les conséquences. Ce n'est pas au gouvernement fédéral de gérer par la bande les programmes d'enseignement postsecondaire. Le rôle du gouvernement fédéral est d'appuyer la mission générale des provinces, notamment par les paiements de transfert, en respectant la capacité de gestion de la province, par un financement global du programme.
Si vous voulez parler de programmes spécifiques, notamment de programmes d'aide financière, je vous dirai qu'il n'existe presque pas de programmes d'aide financière au pays. Le gouvernement fédéral en a construit un, en permettant au gouvernement du Québec, entre autres, de s'en retirer avec pleine compensation. Le gouvernement du Québec, lui, a aménagé son programme à sa manière, et ce programme est plus généreux que partout ailleurs dans le pays.
C'est un droit de retrait avec pleine compensation qui permet aux provinces de faire une saine gestion des programmes, tout en permettant au gouvernement fédéral de s'impliquer s'il le veut.
¸ (1435)
Le président: Merci, monsieur Bell.
Monsieur Côté, vous avez cinq minutes.
M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ): Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Lavoie et monsieur Taillon.
Monsieur Lavoie, vous nous avez bien expliqué comment, depuis bon nombre d'années, le gouvernement fédéral se désengage sur le plan des transferts aux provinces et au Québec, et joue ensuite au sauveur, jusqu'à un certain point, en offrant de réinvestir, à certaines conditions, dans des champs de compétence du Québec, entre autres.
Vous mentionnez trois pistes de solution. Vous m'accuserez peut-être d'être un peu pessimiste, mais ce n'est pas normalement dans ma nature. Vous recommandez le rétablissement des paiements de transfert à leur niveau antérieur. On voit que le gouvernement fédéral, malgré quelques victoires du gouvernement du Québec ici et là, a réussi à imposer des conditions à ses transferts, notamment des programmes qui ne correspondaient pas toujours à la spécificité du Québec. Vous avez parlé du Régime enregistré d'épargne-études et des crédits d'impôt pour frais d'études, qui ne correspondent pas à la réalité du Québec. Peut-on continuer à avoir confiance dans ce processus qui, jusqu'à maintenant, n'a pas été efficace, un peu de la même façon que le droit de retrait avec pleine compensation? La gestion des congés parentaux a été acquise de haute lutte, une lutte que le gouvernement du Québec menait depuis 1997. On peut malheureusement présumer que le fait de consentir des efforts de cette nature risque de continuer à nous mener à des chicanes et à des discussions interminables.
La caisse capitalisée pour les services sociaux semble être une bonne idée. Je crois que cela n'a pas encore été essayé. Il vaudrait peut-être la peine de le faire.
J'ai posé la question suivante à différents témoins ce matin. Est-ce qu'on ne doit pas, jusqu'à un certain point, constater l'échec des efforts faits pour modifier le régime fiscal canadien, tant sur le plan des transferts que sur celui de la péréquation?
M. Guillaume Lavoie: En ce qui a trait aux transferts, rien n'empêche le gouvernement fédéral de jouer le rôle qu'il jouait auparavant. Par contre, pour éviter une partie de tennis dans laquelle on se renverrait la balle pour savoir qui est fautif, on pourrait effectuer un transfert équivalent en points d'impôt. À ce moment-là, le Québec ou les provinces géreraient ces sommes.
Cela pose tout le problème des conditions. Pour éviter cela, on peut penser à une caisse capitalisée pour les programmes sociaux. Le gouvernement fédéral investirait dans une caisse en sachant à quoi serviraient les fonds de façon générale: ils serviraient à l'enseignement postsecondaire et aux autres programmes sociaux.
Cela dit, à mon avis, il faut avoir assez de maturité pour reconnaître qu'il y a un problème. Lorsque le gouvernement fédéral réduit le financement des programmes généraux des provinces et envahit les champs de compétence des provinces, tout en accumulant des excédents budgétaires énormes, il y a évidemment déséquilibre fiscal.
Le gouvernement fédéral dit que le déséquilibre fiscal n'existe pas. Comme dans les livres Harry Potter, c'est celui dont on ne peut prononcer le nom. Cependant, en bout de ligne, if it walks like a duck and if it quacks like a duck, it must be a duck. Si on continue à étrangler les provinces, il ne faut pas se demander s'il faut appeler cela des pressions fiscales ou le déséquilibre fiscal. Ce qui est fondamental, c'est que c'est un problème structurel.
M. Guy Côté: Tous les deux, vous vous entendez pour dire que le transfert de points d'impôt réglerait en grande partie la situation. C'est sans doute vrai dans le cas du Québec. Certains ont dit que le transfert du champ fiscal de la TPS pourrait aussi régler une bonne partie du problème.
Monsieur Taillon, pouvez-vous nous entretenir rapidement des avantages et des inconvénients des deux solutions?
¸ (1440)
M. Gilles Taillon: Pour l'année de référence 2005-2006, pour le Québec, on arriverait à peu près au même résultat en termes d'argent sonnant.
Nous préférons le transfert de points d'impôt au transfert du champ de la TPS. À notre avis, il serait plus difficile pour le gouvernement de se départir d'un champ d'imposition, celui de la TPS, que de le conserver. Il lui serait plus facile de transférer des points d'impôt relatifs aux programmes sociaux, à la santé et à l'enseignement postsecondaire. À notre avis, ce serait plus commode pour lui de transférer des points d'impôt. Le débat serait plus facile à faire. Le gouvernement fédéral, peu importe le parti qui le forme, aurait beaucoup de difficulté à renoncer à un champ de taxation qu'il a acquis de haute lutte et qui est payant. En termes pratiques, selon moi, il serait plus intéressant pour le fédéral de transférer des points d'impôt, et cela produirait le même résultat sur le plan financier. Bien sûr, il faudrait qu'on s'assure qu'il indexe les points d'impôt.
Le président: Merci, monsieur Côté.
Madame Wasylycia-Leis, vous disposez de cinq minutes.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD): Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Lavoie et monsieur Taillon.
Il me semble que si on veut régler le déficit fiscal au Canada, on doit augmenter les transferts aux provinces pour l'enseignement postsecondaire, la santé et les programmes sociaux. Ce matin, la CSQ nous a démontré que la division était très problématique: il y a maintenant 73 p. 100 pour la santé et seulement 27 p. 100 pour l'éducation et les politiques sociales.
Ma première question s'adresse à M. Taillon. Êtes-vous d'avis, comme M. Lavoie, que des investissements en matière d'éducation seraient bénéfiques pour le secteur privé plus tard? Pour vous, est-ce une bonne raison d'augmenter le financement du secteur de l'éducation?
M. Gilles Taillon: Madame, nous affirmons depuis longtemps que l'éducation est d'une importance capitale dans le développement économique d'aujourd'hui. L'éducation figure parmi nos grandes priorités.
Le problème actuel de tous les gouvernements est la croissance effrénée des dépenses en santé qui, étant donné les limites budgétaires, se fait au détriment des autres dépenses gouvernementales. Les dépenses en santé croissent chaque année à un rythme d'environ 6 p. 100, au Québec et ailleurs, alors que la richesse collective augmente de 3 p. 100. Chaque année, on doit gruger 3 p. 100 ailleurs, et les autres dépenses doivent diminuer d'autant.
Nous disons que c'est un problème de gestion de la santé. Il faut mieux gérer la santé pour réduire la croissance des dépenses. Il est évident qu'il faut investir de l'argent en éducation. Cependant, nous disons dans notre proposition que c'est un choix provincial. Le fédéral doit remettre les ressources aux provinces, et celles-ci feront leur choix.
Le président nous a invités à un débat tout à l'heure. Je ne veux pas faire ce débat, mais on aurait pu dire, par exemple, que s'il y avait une norme nationale pour les frais de scolarité, cela contribuerait à corriger l'écart de 375 millions de dollars qu'il y a au Québec: c'est la somme qui manque dans le domaine de l'enseignement supérieur. En moyenne, au Canada, les frais de scolarité rapportent à peu près 325 millions de dollars. Je ne veux pas faire le débat. Il y a des choix que les provinces doivent faire. Pour régler le déséquilibre fiscal qui, depuis 20 ans, nous mène d'une chicane à l'autre... De temps à autre, ce sont les provinces qui disent que c'est le fédéral qui en a trop, et l'inverse est arrivé. Quand le fédéral était dans la misère parce que ses budgets étaient déficitaires, il accusait les provinces d'être trop riches. Il faut que cela cesse, car on ne croit plus à autre chose qu'à la décentralisation dans ces champs de compétence.
¸ (1445)
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci.
Monsieur Lavoie, serait-il possible d'établir un système d'éducation pour tout le pays avec la solution de M. Taillon? Préférez-vous des transferts directs d'argent ou un transfert de points d'impôt?
M. Guillaume Lavoie: Comme le gouvernement du Québec l'a bien démontré ce matin, le gouvernement fédéral a voulu se donner le beau rôle en isolant le transfert pour la santé pour pouvoir dire que c'était lui qui investissait les fonds. Cette augmentation est directement attribuable à la réduction des paiements de transfert pour l'éducation et les services sociaux. Il n'y a pas nécessairement plus d'argent; on a coupé dans d'autres services.
D'autre part, nous préférons, ce qui reflète l'esprit de la Constitution, que les choix budgétaires se fassent au palier gouvernemental responsable plutôt qu'à un autre palier gouvernemental. Étant donné que c'est le système qui existe actuellement, nous privilégions la hausse des paiements de transfert, sinon un transfert de points d'impôt. Je sais qu'il y a un déficit de 375 millions de dollars dans nos universités. Il faut aussi noter le fait qu'il manque 1,5 milliard de dollars par année dans les transferts fédéraux. Il faudrait quintupler les frais de scolarité des étudiants pour arriver à ce niveau. Avant de parler de tous les avantages d'un gel des frais de scolarité, il faut se battre pour que les transferts fédéraux soient augmentés.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Est-il vrai que M. Paul Martin a promis 8 milliards de dollars pour l'éducation aux dernières élections?
M. Guillaume Lavoie: Oui. Voilà la preuve que la FEUQ et le gouvernement du Québec n'ont pas inventé le manque de financement dans l'éducation postsecondaire. Le 4 juin dernier, à Terre-Neuve, il y a eu un débat à l'émission The Great Canadian Job Interview. On était en pleine campagne électorale. Il y avait M. Layton d'un côté, M. Martin de l'autre, et on était en direct à Newsworld. Je me suis levé pour demander au premier ministre actuel, qui était en campagne électorale, ce qu'il allait faire pour augmenter les paiements de transfert pour l'enseignement postsecondaire. Il m'a répondu: « Vous avez raison, c'est un problème, et nous allons augmenter le paiement de transfert pour qu'il atteigne éventuellement 7 ou 8 milliards de dollars par année. » Cela équivaudrait à une augmentation de 3,6 à 4 milliards de dollars: c'est à peu près ce que nous demandons. Il a dit, lorsqu'il était en campagne électorale, qu'il ferait cela « éventuellement ». J'imagine qu'il voulait dire qu'il le ferait une fois élu. On attend toujours. C'est un peu la même chanson. M. Pelletier disait qu'on avait promis dans le discours du Trône une réforme majeure de la péréquation. On l'attend toujours: promesse faite, promesse pas encore tenue. C'est clairement un problème identifié, reconnu, mais M. Martin et le parti gouvernemental n'ont pas encore tenu leur promesse.
M. Gilles Taillon: J'aimerais apporter une petite précision, monsieur le président.
Le président: Allez-y, monsieur Taillon.
M. Gilles Taillon: Il faut faire attention quand on regarde le Plan budgétaire de 2005. M. Martin pourrait dire qu'il aura atteint 8 milliards de dollars en 2010-2011. C'est pour le Québec.
M. Guy Côté: C'est M. Martin.
M. Gilles Taillon: Son plan budgétaire est pour cinq ou six ans. Il pourrait vous répondre que les 35 milliards de dollars de 2010-2011 donnent environ 8 milliards de dollars pour le Québec en transferts en espèces, mais cela comprend la santé et l'éducation.
Le président: Merci, madame Wasylycia-Leis.
J'ai deux questions à vous poser, monsieur Taillon. La première concerne votre texte de présentation. À la page 5, vous dites: « Les points de base seraient actualisés annuellement par la suite pour intégrer un facteur d'indexation. » À quoi seraient-ils indexés? Au coût des programmes?
M. Gilles Taillon: En fait, je laissais cela ouvert, mais comme le gouvernement s'est déjà engagé à indexer de 6 p. 100 les transferts en espèces, il me semble que l'indexation devrait être de 6 p. 100. Cela correspondrait à l'augmentation des coûts de santé que tous les experts prévoient pour l'avenir.
Le président: D'accord, mais cette indexation serait faite par le gouvernement du Québec, qui aurait hérité des points d'impôt, n'est-ce pas?
M. Gilles Taillon: Effectivement. Cependant, comme il y a un autre système d'imposition dans les autres provinces, il faudrait tenir compte des deux formules. Nous avons notre propre système d'imposition. Les autres provinces passent par le fédéral.
¸ (1450)
Le président: Vous avez l'habitude de parler de la dette fédérale. Je vais vous parler des deux dettes, celle du fédéral et celle du gouvernement du Québec. Vous tenez à ce qu'il y ait une gestion efficace des ressources rares que sont les impôts et les taxes des citoyens et des citoyennes. Quand vous voyez, d'un côté, que le gouvernement fédéral accumule les surplus et applique une bonne partie de ces surplus « imprévus » à la dette fédérale, et que vous voyez, de l'autre côté, que le gouvernement du Québec est pris à la gorge, est obligé d'effectuer des coupures de dernière minute de 750 millions de dollars pour le présent exercice financier, n'arrive pas à établir un plan de gestion de sa dette à cause des besoins criants dans tous les secteurs, en santé et en éducation notamment, est incapable de commencer à rembourser sa dette, qu'en pensez-vous en tant que gestionnaire? On sait fort bien que la dette fédérale, parce que la cote de crédit du gouvernement fédéral est beaucoup plus favorable que celle du gouvernement du Québec, coûte moins cher à gérer et diminue plus vite, alors que celle qui coûte plus cher à gérer, celle du gouvernement du Québec, ne cesse d'augmenter. Je sais que vous êtes très soucieux de l'efficacité. Pour vous, n'est-ce pas une chose qui milite en faveur d'un transfert supplémentaire au transfert pour les programmes sociaux, un transfert qui assurerait un meilleur équilibre fiscal et une capacité accrue des gouvernements du Québec et des provinces à rembourser leur propre dette?
M. Gilles Taillon: Dans un premier temps, il faut encourager le fédéral à continuer à faire une bonne gestion de sa dette. À mesure que sa dette diminue, il a de plus en plus d'argent à sa disposition. Y aurait-il lieu de revoir le partage et le transfert de points d'impôt lors d'un débat? Peut-être, mais je vous dis qu'il est important que le fédéral continue.
Du côté du Québec, des choix ont été faits. Nous réclamons du gouvernement du Québec qu'il se préoccupe de la dette, ce qu'il fait très peu depuis plusieurs années, selon les personnes au pouvoir. Il est important qu'il le fasse. Le gouvernement a fait des choix budgétaires. Il doit peut-être les revoir, affecter une partie de ses ressources à la dette et une autre partie aux baisses d'impôt, revoir sa structure de dépenses — on a des programmes coûteux au Québec — et profiter d'un bon partage de l'assiette fiscale pour obtenir des ressources additionnelles et faire les choix budgétaires qui s'imposent. Je pense qu'il est possible, au Québec, de trouver des façons d'amorcer un plan de réduction de la dette sans égard à ce que fait le fédéral, tout en espérant que le fédéral dise oui à un partage des responsabilités qui soit garant de succès pour les deux ordres de gouvernement et qui permette aux provinces de faire leur travail.
Le président: Merci, monsieur Taillon.
Monsieur Bell, vous disposez de deux minutes.
[Traduction]
M. Don Bell: Merci, monsieur Taillon.
J'aimerais revenir sur le rappel historique soulignant l'ironie du déséquilibre fiscal que vous avez fait lorsque vous avez parlé de l'époque où le gouvernement fédéral était déficitaire et que les provinces accusaient un surplus. Vous avez dit que les provinces ne croyaient pas qu'il y avait un déséquilibre fiscal à cette époque, alors que maintenant, la situation semble s'être renversée.
Monsieur Lavoie, en ce qui a trait à votre allusion aux promesses, tout ce que je peux vous dire—et ce en tant que nouveau député—, c'est que ça ne fait que neuf mois que nous sommes au pouvoir, pour un mandat de trois ou quatre ans habituellement. C'est un gouvernement minoritaire, ce qui représente une difficulté double. Puisque je n'ai jamais fait partie d'un gouvernement majoritaire... Je sais à quel point ce serait difficile si j'étais dans la même situation au sein d'une administration municipale minoritaire où il y aurait plusieurs partis.
[Français]
M. Gilles Taillon: En fait, vous prétendez que le déséquilibre fiscal n'est pas technique, mais qu'il est lié à des choix politiques. Il faut se rappeler que dans les années 1980, le gouvernement fédéral avait chaque année un déficit de 40 milliards de dollars.
[Traduction]
M. Don Bell: En raison des choix qu'il a faits.
[Français]
M. Gilles Taillon: Des choix budgétaires ont été faits, et on recommence maintenant à dépenser. Il est important qu'on fasse des choix judicieux du côté des provinces aussi. Il est possible de faire de tels choix à partir du moment où le système fédéral est bien équilibré. Il ne l'était pas après les coupures de transferts massives. Les choses se replacent. Il s'agit maintenant d'avoir un système qui assure une permanence pour que les provinces puissent gérer les programmes dans un contexte d'accélération de la croissance des dépenses.
¸ (1455)
[Traduction]
M. Don Bell: Monsieur Lavoie.
[Français]
Le président: Monsieur Lavoie, allez-y.
[Traduction]
M. Guillaume Lavoie: Très rapidement, êtes-vous en train de me dire qu'il y a de l'espoir après neuf mois?
M. Don Bell: Tout ce que je dis, en tant que nouveau député, c'est que je crois que nous faisons des progrès relativement aux engagements que nous avons pris—ceux dont je suis au courant du moins—et à ceux que j'ai pris dans ma circonscription. Habituellement, les mesures prévues sont mises en place sur une période plus longue, pendant le mandat. Tout ce que je dis...
M. Guillaume Lavoie: Je sais, je sais. Mais ce serait la première fois qu'un membre du Parti libéral du Canada dit qu'il n'a pas la majorité nécessaire. Je dirais, sans aucune malice, que les gouvernements libéraux antérieurs sont les pères du déséquilibre fiscal au Canada. On demande plus de fonds pour les transferts destinés à l'éducation postsecondaire alors que ces fonds ne sont en réalité que ceux qui ont été coupés considérablement dans les budgets Martin et Chrétien.
Je ne dis pas que c'est un nouveau problème, mais plutôt que nous savons tous qui en est à l'origine. À vrai dire, nous demandons maintenant à ces mêmes personnes de le régler.
M. Don Bell: Et des nouveaux aussi.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Bell.
Madame Ambrose.
Mme Rona Ambrose: Merci, monsieur le président.
Le président: Vous disposez de trois minutes.
[Traduction]
Mme Rona Ambrose: Monsieur Lavoie, vous avez brièvement mentionné les bibliothèques et dit qu'il y avait un besoin d'infrastructure dans le réseau de l'éducation postsecondaire au Québec. Il ne s'agit donc pas uniquement de services d'enseignement postsecondaire.
Si je prends l'exemple de ma province, l'Alberta, le financement est une question importante là-bas, mais ce n'est pas un problème aussi grave qu'ailleurs car le gouvernement albertain dépense plus dans l'éducation par habitant que toute autre province pour essayer de combler l'écart découlant des transferts fédéraux, comme vous l'avez mentionné. Un de nos grands défis est le manque d'infrastructure.
Pouvez-vous nous parler de la situation au Québec en ce qui a trait au nombre de places et à l'infrastructure disponible pour accueillir des étudiants de niveau postsecondaire?
M. Guillaume Lavoie: Je ne crois pas avoir une réponse précise pour le moment, mais je serai ravi de vous revenir là-dessus.
Ce que fait le gouvernement de l'Alberta est très intéressant... Mais cette province est plus riche que la plupart des autres provinces canadiennes puisqu'elle génère davantage de revenus. En réalité, c'est grâce à cette plus grande richesse que le gouvernement de l'Alberta peut combler l'écart créé par le gouvernement fédéral en matière de financement, alors qu'ailleurs au pays, comme au Québec, les gouvernements n'ont pas ce luxe ni cette marge de manoeuvre pour combler le manque attribuable au fait que notre argent va au gouvernement fédéral, mais ne nous revient pas ou, s'il nous revient, c'est sous forme de nouvelles mesures qui sont en fait des erreurs en matière de politique gouvernementale.
C'est un des principaux problèmes auxquels fait face le Québec.
[Français]
Le président: Vous avez terminé, madame Ambrose?
[Traduction]
Mme Rona Ambrose: Oui, merci.
[Français]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Côté.
M. Guy Côté: J'aimerais qu'on revienne sur la gestion de la dette au niveau fédéral, monsieur Taillon, ainsi qu'au Québec, si cela est nécessaire. Depuis 1997, on a affecté d'énormes sommes au remboursement de la dette, ce qui a permis de réduire sensiblement le ratio de la dette au PIB, qui continue de diminuer.
Je reviens sur la question que M. Loubier a soulevée. Étant donné que le ratio de la dette fédérale au PIB diminue continuellement, alors que la dette du gouvernement du Québec et des provinces qui en ont encore une continue de croître, à partir de quel moment le Canada aura-t-il une dette qu'on pourra juger raisonnable? N'oublions pas qu'il arrive souvent qu'une dette n'existe pas dans un vide quelconque. Souvent, lorsqu'il y a une dette, des actifs sont rattachés à cette dette. On peut gérer une dette de façon très correcte.
Je ne crois pas que le but du fédéral soit d'éliminer complètement sa dette alors que les provinces continuent à s'endetter. À quel niveau la dette pourrait-elle devenir raisonnable?
M. Gilles Taillon: Un ration de la dette au PIB de 25 p. 100 serait raisonnable. Celui du fédéral est d'à peu près 40 p. 100 alors que celui du Québec est de 55 p. 100.
M. Guy Côté: Merci.
¹ (1500)
Le président: Monsieur Taillon, je m'occupe des finances depuis longtemps et je me rappelle que votre prédécesseur et vous-même disiez que lorsqu'on aurait atteint l'équilibre budgétaire, c'est-à-dire le déficit zéro, on pourrait penser à gérer la dette et à choisir d'autres priorités.
M. Gilles Taillon: Il s'agit d'un préalable.
Le président: Exactement. Ensuite, vous avez énoncé différents objectifs pour la dette. À un moment donné, je faisais une blague avec le greffier. Je lui disais que le ratio de la dette au PIB idéal pour M. Taillon serait 0 p. 100.
M. Gilles Taillon: Je crois que ce serait impossible.
Le président: Quelle sera votre prochaine étape?
M. Gilles Taillon: Nous disons depuis plusieurs années que le ratio de la dette au PIB doit être de 25 à 30 p. 100. Les pourcentages n'ont pas beaucoup varié, monsieur Loubier. C'est ce que nous disons depuis un bon bout de temps. Quand je me présente au Comité permanent des finances, je parle toujours d'un ratio de la dette au PIB de 25 à 30 p. 100.
Le président: Je vais vérifier cela. Il faut reculer de 12 ans.
M. Gilles Taillon: C'est écrit dans nos mémoires. Je ne peux pas parler au nom de mon prédécesseur, mais je peux parler des sept dernières années: nous recommandons toujours ce ratio de la dette au PIB.
Notre dette ne peut pas être complètement éliminée, puisqu'il y a des immobilisations, mais moins la dette est élevée, moins le service de la dette coûte cher et plus on dégage de ressources pour les dépenses de programmes. Si le service de la dette coûte 20 p. 100 au fédéral, il y a 20 ¢ de chaque dollar des contribuables qui ne servent à rien, qui servent à payer nos vieilles dettes. On obtient pour 80 ¢ de services actuellement. Au Québec, c'est un peu moins, mais on n'en est pas loin. Le service de la dette nous coûte 17 ou 18 p. 100 actuellement.
Le président: Exactement.
Madame Wasylycia-Leis, vous disposez de trois minutes.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Lavoie.
Pendant les consultations budgétaires, vous et d'autres témoins avez décrit les problèmes liés à des programmes spécifiques comme le Régime enregistré d'épargne-études et les bons d'études. À ce moment-là, le gouvernement fédéral disait qu'il s'agissait de bons programmes universels et de
[Traduction]
mesures de remplacement pour compenser les réductions budgétaires dans le domaine de l'éducation depuis ce temps. Il y a deux semaines, des documents ont été rendus publics grâce à l'accès à l'information, dans lesquels le gouvernement reconnaissait ce que vous avez mentionné, c'est-à-dire la nature sélective des programmes, le fait qu'il s'agissait véritablement de solutions temporaires et que les programmes ne bénéficiaient probablement qu'aux membres les mieux nantis de notre société.
Avez-vous vu ces documents? Qu'en pensez-vous? D'après vous, est-ce que le gouvernement a simplement voulu nous jeter de la poudre aux yeux? Estimez-vous qu'on vous a rendu justice? Maintenant, que devrions-nous faire de cette information?
M. Guillaume Lavoie: Disons que nous avions raison.
[Français]
On crée un double déséquilibre en instaurant des programmes comme ceux-là. D'abord, il y a déséquilibre parce que l'argent qui est censé améliorer l'accès aux études va aux gens les plus fortunés, à ceux qui ont le moins besoin d'aide pour avoir accès aux études supérieures. Deuxièmement, c'est injuste envers les provinces qui choisissent de rendre les études plus accessibles. Elles perdent l'investissement que le fédéral faisait dans tous les programmes qui ont été retirés du financement global. C'est absolument inacceptable.
Ma mère me disait quand j'étais petit: « Chacun son métier et les moutons seront bien gardés. » C'est ce que les gouvernements doivent faire.
Le président: La mienne me disait cela également.
M. Guillaume Lavoie: Ce sont les gouvernements des provinces qui sont responsables de l'éducation postsecondaire. Personne n'a demandé au gouvernement fédéral de s'en occuper autrement qu'au moyen des paiements de transfert, qui constituent sa part du programme de partenariat.
Comme je le disais tout à l'heure, il y a pire que le pouvoir de dépenser: il y a le pouvoir de mal dépenser. Il s'agit du déséquilibre fiscal par la porte arrière. On réduit le financement des provinces et ensuite on crée un double déséquilibre avec les mêmes programmes. Il faut le faire! C'est désavantageux pour les familles les plus pauvres, et c'est aussi désavantageux pour les provinces qui décident de faire des sacrifices dans d'autres domaines budgétaires pour investir davantage en éducation.
Le président: Je vous remercie, madame Wasylycia-Leis.
Il ne me reste qu'à vous remercier, monsieur Lavoie. Saluez votre président de ma part. Dites-lui que j'ai beaucoup d'admiration pour lui et pour ce qu'il a fait durant la manifestation de la force étudiante.
J'aimerais vous remercier aussi, monsieur Taillon. C'est toujours un plaisir de vous rencontrer. Nous devrions nous voir plus souvent. Je me laisse un peu entraîner vers l'aile gauche de mon parti. Vous pourriez me ramener vers le centre de temps en temps. Cela fait toujours du bien.
¹ (1505)
M. Gilles Taillon: Cela me ferait plaisir.
Le président: Je vous remercie infiniment de votre contribution à nos travaux.
Nous faisons une petite pause de 10 minutes.
¹ (1505)
¹ (1515)
Le président: Veuillez prendre place, s'il vous plaît.
Je vous remercie, monsieur Legault, d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes accompagné de Jean-François Gibeault, conseiller politique à l'aile parlementaire du Parti Québécois. Je vous souhaite la bienvenue au Sous-comité sur le déséquilibre fiscal et je vous rappelle que le sous-comité a un mandat bien précis: déposer à la Chambre des communes, avant le 2 juin prochain, un rapport sur la problématique du déséquilibre fiscal et sur les solutions durables à ce déséquilibre. Je vous remercie infiniment d'être ici pour contribuer aux travaux du sous-comité. Vous disposez de 15 minutes pour faire votre présentation. Nous ferons ensuite un tour de table pour avoir des éclaircissements sur votre présentation ou pour formuler certains commentaires.
Il y a autour de la table des députés de toutes les formations politiques présentes à la Chambre des communes.
Monsieur Legault, vous avez la parole.
M. François Legault (député et porte-parole de l'opposition officielle en matière de développement économique et de finances (Parti Québecois), Assemblée nationale du Québec): Merci beaucoup.
Je voudrais à mon tour vous remercier, monsieur Loubier, ainsi que tous les membres du comité, de nous avoir invités. Je représente aujourd'hui le Parti Québécois. Il me fait plaisir de venir discuter ici d'un problème très grave, celui du déséquilibre fiscal.
Comme vous le savez, le Parti Québécois et moi sommes souverainistes. Nous croyons que la seule façon de faire tous les choix budgétaires en fonction des priorités des Québécois et des Québécoises est que nous ayons la totalité de nos revenus à un endroit, c'est-à-dire ici, à Québec. Cependant, en attendant la souveraineté, je crois que tous les partis politiques au Québec, y inclus le Parti Québécois, ont le devoir de minimiser les effets du dysfonctionnement de la fédération canadienne, et en particulier de ce déséquilibre fiscal.
Pourquoi parle-t-on de dysfonctionnement et de déséquilibre fiscal?
D'abord, il a été bien démontré par la Commission Séguin, mise sur pied par le Parti Québécois en 2001, qu'il y a actuellement un problème de déséquilibre fiscal. Lorsqu'on examine les besoins en vue de financer correctement les programmes des champs de compétence de chacun des gouvernements, on se rend compte que le gouvernement fédéral perçoit actuellement trop d'impôts et de taxes en regard de ses responsabilités et du financement nécessaire de ses programmes, alors qu'ici, au Québec — et je dirais que c'est à peu près la même chose dans la plupart des provinces —, on ne perçoit pas assez d'impôts et de taxes pour financer correctement les services de base qu'on doit offrir à la population dans les champs de compétence du Québec.
Cette situation a deux conséquences très graves. Premièrement, ici, à Québec, les besoins augmentent plus rapidement que les revenus. Cela veut dire que les dépenses, ne serait-ce que pour les coûts du système, augmentent plus rapidement que les revenus.
Lorsque j'étais ministre de la Santé et des Services sociaux au Québec, j'ai eu l'occasion de préparer un document qu'on avait présenté en 2002 et qui s'intitule « Pour faire les bons choix ». Dans ce document, on établissait clairement que l'augmentation annuelle des besoins financiers en santé pour garder les services présentement offerts était de l'ordre de 5,2 p. 100. En d'autres termes, le gouvernement du Québec doit augmenter chaque année son budget de la santé, qui est son budget le plus important, d'un minimum de 5,2 p. 100 pour être en mesure de conserver les services offerts. Or, comme vous le savez, et comme vous l'avez probablement entendu et lu à plusieurs reprises, non seulement faut-il conserver les services actuellement fournis, mais il faut aussi les améliorer. Dans le domaine de la santé, il y a un rattrapage à faire, qu'on avait évalué à 1,6 milliard de dollars par année.
Évidemment, ce problème de la croissance plus rapide des besoins en santé que celle des revenus totaux du gouvernement du Québec amène le gouvernement du Québec non seulement à sous-financer le réseau de la santé, mais aussi à sous-financer son autre mission essentielle, soit l'éducation. On se retrouve donc dans une situation où, présentement, le Québec doit sous-financer son réseau de la santé et son réseau de l'éducation. On en a eu une confirmation frappante au cours des dernières semaines, au Québec: le gouvernement du Québec n'a même pas été capable, sur un budget de 52 milliards de dollars, de trouver les 103 millions de dollars nécessaires pour rembourser la coupure faite dans les bourses aux étudiants. Cela signifie qu'on a dû compter sur le gouvernement fédéral et la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire pour rembourser un programme qui était déjà en place. C'est sûrement une confirmation additionnelle et récente du déséquilibre fiscal qui existe au Québec et au Canada.
¹ (1520)
La deuxième conséquence de ce déséquilibre fiscal est celle-ci. On a démontré à plusieurs reprises qu'à Ottawa , les revenus augmentaient plus vite que les dépenses. De plus, le gouvernement fédéral, au cours des dernières années, n'a pas augmenté ses transferts au Québec au même rythme que l'augmentation de ses revenus, ce qui est encore plus odieux.
Quand on examine les derniers chiffres disponibles, qui portent sur la période de 1993-1994 à 2003-2004, on constate que les revenus perçus au Québec par le gouvernement fédéral ont augmenté de 58 p. 100. Or, durant la même période, les transferts du gouvernement fédéral au Québec ont augmenté de seulement 5,8 p. 100, soit 10 fois moins que la croissance des revenus perçus au Québec par le gouvernement fédéral. Ainsi, le gouvernement fédéral se retrouve avec des surplus énormes, ce qui l'amène, selon nous, à commettre deux erreurs.
Sa première erreur est de choisir des priorités d'investissement moins importantes que celles des Québécois, avec l'argent des Québécois. Je prends l'exemple du dernier budget fédéral. On y a annoncé un investissement additionnel de 12 milliards de dollars pour la défense nationale, alors qu'il y a un consensus au Québec pour dire que les premières priorités, en matière de réinvestissement, devraient être la santé et l'éducation. Je pense qu'il n'est pas normal que le Québec ne puisse financer adéquatement ses réseaux de la santé et de l'éducation, alors que le gouvernement fédéral, avec notre argent, choisit d'augmenter le budget militaire.
La deuxième erreur du gouvernement fédéral est d'envahir continuellement les champs de compétence des provinces au moyen de son pouvoir de dépenser, ce qui, du simple point de vue de la gestion, est inefficace. Déjà, en 1995, on avait évalué à 2,7 milliards de dollars par année les coûts de chevauchement des programmes entre le gouvernement fédéral et le Québec. On peut penser que ce montant n'a qu'augmenté au cours des dernières années.
Voici maintenant nos recommandations.
Nous pensons que le gouvernement fédéral devrait limiter la croissance de ses dépenses au taux d'inflation, c'est-à-dire à environ 2 p. 100, et ne dépenser que dans ses champs de compétence.
Je veux profiter de l'occasion pour rappeler les conclusions de l'étude qui avait été faite avec, entre autres, le député Loubier et qu'on avait appelée le rapport Léonard. On apprenait qu'entre 1995 et 2000, le nombre de fonctionnaires fédéraux avait augmenté en moyenne de 4,2 p. 100 par année, que la masse salariale avait augmenté en moyenne de 8,2 p. 100 par année pendant ces cinq années, que les dépenses pour les services juridiques avaient augmenté de 129 p. 100 en cinq ans, que la masse salariale du ministère de la Justice avait augmenté en cinq ans de 141 p. 100, que les dépenses de sondages d'opinion du gouvernement fédéral avaient augmenté de 334 p. 100, soit une moyenne annuelle de 67 p. 100, que les dépenses du gouvernement fédéral pour l'achat de mobilier de bureau avaient augmenté de 215 p. 100 en cinq ans, soit 43 p. 100 en moyenne par année. Je pense que nous avons là la preuve que ces surplus qui existent à Ottawa mènent à des inefficacités au niveau de la gestion. Évidemment, je ne parlerai pas aujourd'hui de tout ce qu'on pourrait dire au sujet des commandites.
Maintenant, nous croyons que les surplus qui existent à Ottawa, dont le taux d'augmentation excède la croissance normale de l'inflation, devraient être entièrement distribués aux provinces et ce, d'une façon durable, structurelle et définitive, et non pas chaque année, selon un calcul difficile.
¹ (1525)
Évidemment, comme l'avait recommandé la Commission Séguin, nous souhaiterions que les surplus soient distribués sous forme de transfert de points d'impôt ou, mieux encore, de transfert de la TPS. Pourquoi? Parce que la croissance des revenus de la TPS se rapproche davantage de la croissance des besoins en santé que celle des revenus de points d'impôt. Nous croyons également que ces transferts pourraient permettre une meilleure imputabilité, c'est-à-dire que les gouvernements qui collectent l'argent seraient aussi responsables de dépenser cet argent eux-mêmes.
Nous croyons aussi que cela permettrait d'avoir des revenus plus prévisibles. En effet, lorsqu'on regarde l'évolution des transferts du gouvernement fédéral au Québec au cours des dernières années, on constate qu'on a connu des années avec des variations de 20 p. 100 et même des années avec des variations de 30 p. 100. Ne serait-ce que pour la bonne gestion, la bonne planification, la bonne gouvernance, il serait préférable que les revenus soient transférés d'une façon définitive aux provinces.
Maintenant, combien doit-on réclamer? Combien le Québec doit-il réclamer en transfert de points d'impôt ou de TPS du gouvernement fédéral?
L'année dernière, l'ex-ministre des Finances du gouvernement du Québec, M. Yves Séguin, avait publié un document qu'il avait intitulé « Corriger le déséquilibre fiscal », document publié en même temps que le budget du gouvernement du Québec. Dans ce document, on disait clairement, à la page 33, que pour l'année qui vient de commencer, 2005-2006, le déséquilibre fiscal s'élèverait à 3,3 milliards de dollars. C'est ce qu'on disait l'année dernière. Depuis ce rapport, deux ententes ont été conclues par le gouvernement du Québec avec le gouvernement fédéral. Une entente pour l'année 2005-2006 amène des revenus additionnels en santé de 500 millions de dollars; l'autre amène des revenus additionnels de 279 millions de dollars en péréquation. Ainsi, si on fait une mise à jour du document, on peut évaluer aujourd'hui le déséquilibre fiscal à 2,7 milliards de dollars.
Le problème est que le nouveau ministre des Finances, M. Audet, que vous avez reçu ce matin, a refusé d'appuyer une motion à l'Assemblée nationale du Québec qui chiffrait le déséquilibre fiscal à 2,7 milliards de dollars. Des observateurs qui étaient dans la salle ce matin nous ont confirmé que, contrairement à M. Séguin, M. Audet n'a pas fait de demande chiffrée face au règlement du déséquilibre fiscal. Nous croyons qu'il s'agit d'une grave erreur stratégique de la part du gouvernement du Québec, car la plupart des autres provinces ont chiffré le déséquilibre fiscal, incluant l'Ontario, qui a fait une demande de règlement de 5 milliards de dollars. Nous croyons donc que le ministre des Finances du Québec, en refusant de chiffrer l'ampleur du déséquilibre fiscal, vient affaiblir la position de négociation du gouvernement.
En conclusion, je vous dirai que nous aurons l'occasion, au cours des prochaines semaines, de déposer un document qui démontrera hors de tout doute que le Québec envoie actuellement, au total, plus d'argent à Ottawa qu'il n'en reçoit, même en tenant compte des paiements de péréquation. Cette situation prive le Québec de financement qu'il serait urgent d'ajouter dans les réseaux de l'éducation et de la santé, entre autres.
Le déséquilibre fiscal s'élève aujourd'hui, de l'aveu même de M. Séguin, ex-ministre des Finances, à 2,7 milliards de dollars, soit plus que ce qu'avait annoncé la Commission Séguin en 2002, moment auquel on avait estimé le déséquilibre fiscal à court terme à 2 milliards de dollars.
Malgré l'arrivée d'un gouvernement fédéraliste libéral à Québec, donc de la même couleur que celui qui est à Ottawa, on n'a pas réussi à régler le déséquilibre fiscal. Au contraire, le montant total du déséquilibre fiscal a augmenté, ce qui a des conséquences de plus en plus graves. Nous croyons qu'il devient urgent de régler ce déséquilibre fiscal. J'ajouterai en terminant que la souveraineté du Québec pourrait permettre à la province de régler plusieurs problèmes, incluant celui du déséquilibre fiscal.
Merci.
¹ (1530)
Le président: Merci infiniment, monsieur Legault.
Nous allons passer à une période de questions. Avant cela, j'aimerais féliciter le Parti Québécois. Ce n'est pas par partisanerie que je le fais. De toute façon, tout le monde connaît mon allégeance souverainiste. Il y a trois ans, l'idée de mettre en place une commission pour documenter la question du déséquilibre fiscal, la Commission Séguin, est venue de Bernard Landry et du Parti Québécois. N'eût été de ce geste, on ne parlerait pas aujourd'hui, de l'est à l'ouest du Canada, comme on a pu le constater, des problèmes liés au déséquilibre fiscal. Je pense que c'est tout à votre honneur.
Madame Ambrose, vous avez cinq minutes.
Mme Rona Ambrose: Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Legault, pour votre présentation.
Mon parti, le Parti conservateur du Canada, reconnaît depuis longtemps l'existence d'un déséquilibre fiscal vertical entre le fédéral et les provinces.
Ainsi, au cours de la dernière campagne électorale, le chef du Parti conservateur, M. Stephen Harper, a promis que notre parti travaillerait avec le Québec et les autres provinces en vue de régler cette situation qui perdure depuis trop longtemps déjà.
Cette promesse a été réaffirmée pendant notre congrès national, lorsque le parti a adopté une motion qui stipule qu'un gouvernement conservateur réglera, conjointement avec le Québec et les autres provinces, le problème du déséquilibre fiscal en augmentant les montants alloués aux transferts aux provinces et en allégeant le fardeau fiscal, ou en transférant des points d'impôt aux provinces.
Le Parti conservateur comprend également que le déséquilibre fiscal donne au gouvernement fédéral le pouvoir d'intervenir unilatéralement dans plusieurs secteurs de compétence purement provinciale, et que cette intrusion fédérale augmente la pression fiscale sur les provinces en établissant des priorités dans les politiques provinciales.
Le gouvernement fédéral a fait valoir — et je le cite — que « la répartition des pouvoirs en matière d’imposition au Canada est unique — les deux paliers de gouvernement ont en effet pleinement accès à toutes les principales sources de recettes et, par conséquent, le concept traditionnel d’un déséquilibre fiscal vertical ne s’applique pas au Canada. ».
Le fédéral a aussi fait valoir que si les provinces voulaient plus de revenus, elles n'avaient qu'à lever plus d'impôts et de taxes.
J'adresse ma question à M. Legault. Selon vous, quelles seraient les répercussions économiques auxquelles les provinces feraient face si elles augmentaient leurs impôts et leurs taxes?
M. François Legault: Le problème actuel n'est pas que les contribuables ne paient pas assez d'impôt. Le problème, c'est qu'ils ne paient pas leurs impôts au bon endroit.
En ce moment, les Québécois paient trop d'impôt à Ottawa, et pas assez à Québec.
Si on demandait aux contribuables québécois de payer des impôts supplémentaires au Québec sans diminuer ceux qui gonflent les surplus à Ottawa, on pénaliserait doublement les contribuables. Il est donc évident que, pour régler le déséquilibre fiscal, il faut aussi un transfert de points d'impôt, c'est-à-dire une diminution des impôts payés à Ottawa.
Je ne sais pas si je peux poser une question au Parti conservateur. Je sais que ce parti admet le déséquilibre fiscal. Par contre, je ne l'ai jamais entendu évaluer à combien celui-ci s'élevait. Il serait intéressant que le Parti conservateur évalue ce déséquilibre fiscal et se prononce sur le transfert total qui devrait être effectué du gouvernement fédéral à l'ensemble des provinces.
¹ (1535)
Le président: Vous disposez encore d'une minute et demie.
Mme Rona Ambrose: Monsieur Legault, quelles seraient vos recommandations pour corriger le déséquilibre fiscal dans toutes les provinces, partout au Canada?
M. François Legault: Comme je l'expliquais plus tôt, l'augmentation des dépenses du gouvernement fédéral devrait se limiter d'abord à ses champs de compétence, et ensuite à un taux qui représente le coût de l'inflation, c'est-à-dire environ 2 p. 100.
Cela dégagerait des surplus de plus de 10 milliards de dollars par année, qui devraient être transférés à l'ensemble des provinces.
Je pense donc qu'il est important que la marge de manoeuvre soit transférée aux provinces, là où on gère les priorités des citoyens, c'est-à-dire la santé et l'éducation.
Mme Rona Ambrose: Merci.
Le président: Merci, madame Ambrose.
Monsieur Bell.
[Traduction]
M. Don Bell: Merci.
Bienvenue. J'ai bien aimé entendre votre point de vue.
Vous avez parlé de deux choses. Premièrement, vous avez fait une déclaration, à titre d'exemple, sur les décisions du gouvernement en matière d'investissement. Je crois que vous avez dit que certaines n'étaient pas importantes pour le Québec. Vous avez parlé d'investissements dans la défense plutôt que dans la santé et l'éducation.
Il m'a semblé évident que la défense avait besoin de plus d'argent, vu l'état de nos forces militaires, non pas pour devenir une force offensive comme celle des États-Unis, mais plutôt pour maintenir une force d'intervention en cas de crise—on peut même parler de maintien de la paix, si vous voulez—pouvant être au service du Canada dans des situations d'urgence civile.
C'est une question de priorité. Quiconque a déjà dressé un budget familial sait qu'il faut prévoir plusieurs choses. Ne pensez-vous pas que la défense est clairement un domaine de responsabilité fédérale? Vous avez pourtant laissé entendre que le gouvernement fédéral devait s'en tenir à ses domaines de compétence. Puis, vous avez dit qu'on ne devrait pas injecter d'argent dans la défense, mais plutôt dans la santé et l'éducation, qui sont pourtant des domaines de compétence provinciale. Par conséquent, je suppose que tout ce que vous voulez, c'est que nous transférions plus d'argent; nous devrions donner plus d'argent aux provinces, au lieu d'en allouer plus à la défense.
Est-ce que ma déclaration est juste?
[Français]
M. François Legault: Je ne dis pas que la défense nationale ne présente aucun intérêt. Je dis que si les Québécois avaient le choix, demain matin, entre investir plus d'argent dans les domaines de la santé et de l'éducation et investir plus d'argent à la défense nationale, je suis convaincu que la grande majorité des Québécois préféreraient qu'on investisse en éducation et en santé. Évidemment, cela ne veut pas dire qu'on demanderait au gouvernement fédéral de venir, encore une fois, envahir un champ de compétence du Québec. On demanderait, comme je l'ai dit plus tôt, que les marges de manoeuvre qui se trouvent à Ottawa soient transférées aux provinces, y compris au Québec, afin que celui-ci puisse investir dans les premières priorités des Québécois et des Québécoises. Je crois fermement que pour les Québécois et les Québécoises, les priorités devraient être d'abord la santé et l'éducation, bien avant la défense nationale.
Le problème est que les Québécois ne sont pas capables de choisir leurs priorités à cause du déséquilibre fiscal, à cause du fait que le gouvernement du Québec n'a aucune marge de manoeuvre et que toute la marge de manoeuvre se trouve à Ottawa. Ottawa établit ses priorités en fonction des priorités et des valeurs de l'ensemble des Canadiens, et non pas en fonction des priorités des Québécois et des Québécoises.
[Traduction]
M. Don Bell: D'après ce que j'ai pu constater, il ne fait aucun doute que les priorités du gouvernement fédéral sont la santé, l'éducation et les garderies et que celui-ci prend des mesures à cet égard. Vous semblez dire que ces priorités sont mieux gérées par les provinces, mais il y a des priorités de haut niveau : l'accord sur la santé, et en particulier le financement des garderies. Je pense que nous pourrions en faire davantage dans le domaine de l'éducation postsecondaire, peut-être en adoptant une approche quelque peu différente, mais il ne fait aucun doute que les services de garderie et la santé sont les priorités du gouvernement. J'ai entendu cela dans les comités...
¹ (1540)
[Français]
M. François Legault: Les réseaux de la santé et de l'éducation sont actuellement sous-financés. Les dépenses de santé du Québec augmentent plus rapidement que l'ensemble des revenus du gouvernement du Québec et, malgré la hausse des transferts relatifs à la santé provenant du gouvernement fédéral l'automne dernier, au total, l'augmentation des transferts du gouvernement fédéral est nettement insuffisante pour permettre au gouvernement du Québec de financer correctement la santé. Tant que la santé et l'éducation ne seront pas financées correctement, je crois que la grande majorité des Québécois préféreront que leur argent, dont ils envoient une moitié à Québec et une moitié à Ottawa, serve à bien financer la santé et l'éducation avant qu'on investisse en défense.
[Traduction]
M. Don Bell: Est-ce qu'il me reste encore du temps?
Le président: Oui, 30 secondes.
M. Don Bell: D'accord.
Vous avez parlé d'un plafond de 2 p. 100 pour les dépenses, ou l'équivalent du taux d'inflation. Proposez-vous qu'en général... Évidemment, puisque les circonstances changent—population vieillissante, changements démographiques—, il y a des domaines dans lesquels il faut changer la façon de dépenser. Le gouvernement doit parfois dépenser davantage dans certains secteurs qu'il ne l'aurait fait en d'autres circonstances pour répondre aux besoins des gens.
N'êtes-vous pas d'accord avec ça?
[Français]
M. François Legault: Si je me souviens bien, au cours des dernières années, la croissance des dépenses totales du gouvernement fédéral a été de 5 à 7 p. 100 par année, ce qui est bien supérieur au taux d'inflation. C'est, selon moi, de la mauvaise gestion compte tenu du fait qu'Ottawa n'a pas le problème structurel de la croissance des dépenses de la santé, puisque la santé relève des provinces. Je pense qu'il n'y a que les transferts aux provinces qui n'ont pas connu une grande croissance. Au cours des 10 dernières années, les transferts au Québec n'ont augmenté que de 5,8 p. 100 au total alors que les besoins du Québec ont augmenté beaucoup plus.
Le président: Merci, monsieur Bell.
Monsieur Legault, avant de céder la parole à M. Côté, j'aimerais vous signaler que ce matin, M. Audet nous a fait part du fait que la contribution du gouvernement fédéral en matière de santé allait représenter plus de 20 p. 100 d'ici les deux prochaines années. On a déjà connu une contribution de l'ordre de 50 p. 100 des coûts de la santé. Vous avez aussi été ministre de l'Éducation. Vous avez parlé de rattrapage pour la santé un peu plus tôt, mais vous n'avez pas parlé de rattrapage pour l'éducation. Or, ce matin, nous avons appris que, selon le ministère des Finances, le gouvernement fédéral ne finançait que 11,5 p. 100 des coûts du système d'éducation postsecondaire. Par conséquent, j'imagine qu'il doit y avoir aussi un rattrapage à faire au niveau de l'éducation. Selon vous, quelle devrait être cette contribution pour qu'il y ait un rattrapage suffisant pour remettre le système à flot?
M. François Legault: D'abord, il faut savoir qu'en éducation, l'augmentation annuelle causée par l'inflation est d'environ 3,5 p. 100, entre autres à cause de la croissance dans les universités et de la croissance des besoins en formation professionnelle. Sur le plan des coûts de système, cela se situe à environ 3,5 p. 100.
En ce qui concerne le rattrapage et le développement nécessaires en éducation, aucun document n'a été produit, comme ce fut le cas en santé. À mon humble avis, le rattrapage nécessaire se situe sûrement entre 500 millions et 1 milliard de dollars. On s'entend pour dire que, pour financer les universités de façon concurrentielle avec ce qui se fait dans le reste du Canada, il faudrait ajouter 375 millions de dollars par année. Si on veut faire une lutte au décrochage efficace aux niveaux primaire et secondaire, il y a sûrement encore 400 millions ou 500 millions de dollars à ajouter. Si on additionne cela aux besoins en formation continue et en formation professionnelle, un rattrapage ou un développement se situant autour de un milliard de dollars sera nécessaire.
Il y a donc de grands besoins en éducation et de grands besoins en santé, et ils sont prioritaires par rapport aux secteurs dans lesquels Ottawa choisit de dépenser.
Le président: Merci, monsieur Legault.
Monsieur Côté, vous avez cinq minutes.
M. Guy Côté: Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Legault pour votre présentation.
Vous avez malheureusement été aux premières loges du désengagement de l'État fédéral dans ses transferts, et vous en avez subi les effets à titre de ministre de l'Éducation et à titre de ministre de la Santé et des Services sociaux.
Au cours des deux derniers mois, le sous-comité a fait une tournée pancanadienne qui est presque terminée. Dans l'ensemble des provinces que nous avons visitées, le déséquilibre fiscal est une réalité qui se vit de différentes façons mais qui existe bel et bien. S'il y a un point commun à la majorité des présentations qu'on nous a faites, c'est le constat d'échec. Bien sûr, beaucoup de nos témoins n'arrivent pas à cette conclusion, ne franchissent pas le Rubicon et ne parlent pas d'échec. Ils parlent du besoin de continuer ces négociations souvent infertiles. Vous ne serez guère étonné que, tout comme vous, je croie que la solution au déséquilibre fiscal, en bout de ligne, passe par la souveraineté. On a souvent entendu cela — bien que ce ne soit pas nommé — au cours des différents témoignages que nous avons reçus.
Cela dit, comme vous le mentionnez, le Québec fait toujours partie du Canada et on doit s'assurer que les impôts des Québécois et des Québécoises soient gérés de la façon la plus adéquate et la plus juste possible. C'est pourquoi on cherche des solutions à court terme à ce déséquilibre.
Outre le plafond d'augmentation de 2 p. 100, vous avez parlé du transfert de la TPS au Québec en disant que c'est sans doute la voie sur laquelle il faut s'engager, parce que cela permettrait une imputabilité accrue et une plus grande prévisibilité des revenus pour l'État.
Ce matin, M. Taillon disait — peut-être par réalisme politique, si je peux utiliser cette expression — que des transferts de points d'impôt apporteraient sensiblement les mêmes sommes au gouvernement québécois, et que ce serait une solution plus réaliste sur le plan politique et sur le plan de la négociation. J'aimerais avoir vos impressions à ce sujet.
¹ (1545)
M. François Legault: Merci, monsieur Côté.
D'abord, je suis absolument d'accord sur ce constat d'échec. Depuis l'arrivée d'un gouvernement fédéraliste à Québec il y a deux ans, le déséquilibre fiscal est passé de 2 milliards à 2,7 milliards de dollars. On n'avance pas dans la bonne direction: le déséquilibre fiscal augmente au lieu de diminuer.
Au sujet du choix entre la TPS et les points d'impôt, le travail de la Commission sur le déséquilibre fiscal a été très révélateur. Lorsqu'on regarde la croissance des revenus au cours des prochaines années... On a un problème de déséquilibre fiscal aujourd'hui, et on sait que ce déséquilibre fiscal va augmenter au cours des prochaines années. Pourquoi? Parce qu'à Ottawa, les revenus augmentent plus vite que les dépenses, alors qu'à Québec, c'est le contraire qui se produit. À cause de la santé, les dépenses augmentent plus vite que les revenus.
On doit trouver un moyen pour que la croissance des revenus récupérés soit la plus grande possible. Je crois que tous les spécialistes diront que la croissance prévue de la TPS est supérieure à celle des impôts sur le revenu. C'est l'un des avantages de la TPS. L'autre avantage est que le Québec perçoit déjà cette TPS. Quand on additionne le montant des transferts actuels faits par le gouvernement fédéral au déséquilibre fiscal — dont le règlement est souhaité —, on arrive à un total très proche du montant de TPS perçu à Québec, mais envoyé à Ottawa tous les ans. On ferait donc d'une pierre deux coups. C'est pourquoi on pense qu'il serait préférable de transférer la TPS plutôt que l'impôt sur le revenu.
M. Guy Côté: J'aimerais simplement mentionner que le sous-comité devra déposer son rapport au plus tard le 2 juin 2005. J'espère que d'ici là, nous pourrons prendre connaissance de votre document sur l'équilibre entre ce que le gouvernement du Québec reçoit du fédéral et ce qu'il paie au fédéral. Cela pourrait être très instructif.
M. François Legault: J'ai aussi très hâte. On devrait déposer ce document au cours des prochaines semaines. On va pouvoir analyser d'une façon très détaillée les revenus envoyés à Ottawa chaque année par les Québécois et les dépenses faites au Québec par le gouvernement fédéral, de même que la part de la dette fédérale qui serait assumée par un Québec souverain. Je pense que cela suscitera des discussions très intéressantes qui confirmeront que la souveraineté du Québec réglerait le déséquilibre fiscal et que les Québécois pourraient alors compter sur des marges de manoeuvre additionnelles pour mieux financer les réseaux de la santé et de l'éducation, entre autres.
¹ (1550)
Le président: Merci, monsieur Côté.
Madame Wasylycia-Leis,vous disposez de cinq minutes.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président. Monsieur Legault, merci de votre présentation.
Je veux aborder la question de la péréquation, parce que ce programme est vraiment en situation de crise. Il faut régler ce problème de toute urgence, parce qu'on vient d'apprendre que le gouvernement fédéral est en train de négocier une entente particulière avec la province de l'Ontario. À mon avis, cela peut aggraver les problèmes de ce programme.
On nous a recommandé aujourd'hui de laisser tomber l'entente existante pour revenir à la norme des dix et inclure les revenus de toutes les sources, surtout des ressources naturelles.
Le Parti Québécois fait-il aussi cette recommandation? Les partis diffèrent-ils d'opinion ici, au Québec? L'Assemblée nationale a-t-elle adopté une position unanime à cet égard?
M. François Legault: Je pense que notre plus grande préoccupation, au Parti Québécois, est de regarder l'évolution de l'ensemble des transferts, au titre de la santé, au titre de la péréquation et aux autres titres. Nous avons vécu une expérience douloureuse en 2003, alors qu'il y a eu notamment des élections ici, au Québec. D'un côté, nous avons conclu avec le gouvernement fédéral une entente qui a accru les transferts au titre de la santé, mais pour l'année 2003-2004, les transferts au titre de la péréquation sont passés de 5,1 milliards à 2,9 milliards de dollars. L'augmentation des transferts pour la santé que nous avons négociée avec Ottawa a été ainsi plus qu'annulée. La réduction des transferts de péréquation a été plus importante que l'augmentation qu'on nous a accordée pour la santé.
Je pense donc que la prochaine fois, il faudra s'entendre sur l'ensemble des transferts. Cela ne nous sert à rien si on nous donne quelque chose d'une main et qu'on nous en retire davantage de l'autre. Le Québec est alors perdant. En 2003-2004, nous nous sommes donc retrouvés dans une situation où le total de tous les transferts du gouvernement fédéral au gouvernement du Québec a été réduit, malgré la nouvelle entente sur la santé que Bernard Landry avait négociée.
Il faut donc examiner l'ensemble des transferts. Actuellement, le gouvernement fédéral envoie quelque 9 milliards de dollars par année au gouvernement du Québec, à tous les titres; il faudrait augmenter ces transferts de 2,7 milliards de dollars.
Je pense que la négociation à la pièce est trop dangereuse. Il faut voir l'ensemble des transferts. Pour moi, que ce soit à un titre ou à l'autre, l'important est que le total des transferts soit augmenté.
Comme je le disais, l'idéal serait que le total des transferts actuels et demandés soit remis en permanence au gouvernement du Québec au moyen du transfert de la TPS au lieu d'être renégocié chaque année.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je comprends votre réponse, mais comment peut-on effectuer des changements au programme de péréquation? En ce moment, nous avons un comité d'experts, et le gouvernement fédéral dit qu'il cherche une solution. Il y a également le Conseil de la Fédération qui cherche une solution.
Comment pourrait-on en arriver à une solution?
¹ (1555)
M. François Legault: Je répète ma réponse.
Nous, du Parti Québécois, croyons que l'ensemble des transferts doit augmenter et même être transféré de façon permanente par le biais de la TPS. Nous ne croyons pas devoir négocier à la pièce chaque partie de la méthode de calcul de la péréquation. Nous croyons qu'on doit transférer intégralement le champ fiscal de la TPS d'Ottawa au Québec. Cela réglerait le déséquilibre fiscal et permettrait au gouvernement québécois de financer correctement ses services de base en santé et en éducation.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci.
Le président: Il ne me reste qu'à vous remercier, messieurs Legault et Gibeault, pour votre présentation. Je vous remercie de votre contribution à nos travaux.
Nous espérons trouver des recommandations qui régleront cette question. Bien entendu, nous faisons le tour du Canada. Tout le monde s'entend jusqu'à présent pour dire qu'il y a déséquilibre fiscal, mais les recommandations visant à corriger ce déséquilibre ne sont pas tout à fait les mêmes. Peut-être y a-t-il un fil conducteur. On a vécu cela en 1964, lors la Conférence des premiers ministres, où il y a eu un transfert de points d'impôt aux provinces qui le désiraient. Seul le Québec s'en est prévalu. Une solution semblable serait peut-être de nature à régler le problème. Vos propos nous ont éclairés davantage.
Je vous remercie infiniment.
M. François Legault: C'est moi qui vous remercie.
Le président: Vous avez fait une très belle contribution. Merci et au revoir.
Nous allons faire une pause de 10 minutes.
º (1620)
Le président: Je remercie M. Dupuis, vice-président de la FTQ, et Mme Audet, conseillère à la FTQ, de contribuer aux travaux du Sous-comité sur le déséquilibre fiscal.
Comme vous le savez probablement, nous devons faire un rapport avant le 2 juin prochain. Il sera déposé à la Chambre des communes. Ce rapport devra faire des recommandations au gouvernement fédéral pour corriger de façon durable le problème du déséquilibre fiscal.
Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, puis nous ferons un tour de table avec les représentants de tous les partis politiques représentés à la Chambre des communes. Merci infiniment, monsieur Dupuis, d'être présent. Vous avez la parole.
M. Pierre Dupuis (vice-président, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec): Je vous remercie. Je remercie le comité d'avoir invité la FTQ à faire connaître son point de vue. Comme vous l'avez dit, je suis accompagnée de Mme Monique Audet, économiste à la FTQ, qui a longuement travaillé sur ce dossier l'année dernière, et qui le suit de près encore aujourd'hui.
Au nom des 550 000 membres que la FTQ représente, je voudrais remercier ce comité de nous donner l'occasion d'intervenir sur une question qui, à première vue, est réservée aux spécialistes de la fiscalité mais qui, dans les faits, a des conséquences importantes dans la vie de tous les jours.
Ce n'est pas à vous que j'apprendrai que les gouvernements des provinces, et celui du Québec en particulier, sont de moins en moins capables d'assumer financièrement leurs responsabilités constitutionnelles en matière de santé, d'éducation et de services sociaux. Faut-il vous rappeler de nouveau que notre organisation a à coeur la défense des services publics, de leur qualité, de leur accessibilité et de leur universalité?
On ne saurait plus longtemps poursuivre dans la voie de garage empruntée par le gouvernement fédéral, qui consiste à réduire toujours plus sa part du financement des dépenses sociales des provinces, à empiéter sur le terrain de leurs compétences et à faire preuve d'une arrogance peu commune en imposant des normes et des conditions de toutes sortes à ses transferts de fonds. Et je ne parle pas de ses improvisations, de ses interventions à la pièce et de son travail bâclé.
Quand on sait qu'il y a 25 ans à peine, le gouvernement fédéral finançait 50 p. 100 des dépenses sociales et qu'il n'en finançait que moins 12 p. 100 en 1999, on peut penser qu'il y a derrière tout cela une volonté manifeste d'étrangler les gouvernements des provinces, qui font face, au même moment, à une explosion des coûts des programmes sociaux.
On ne voudrait pas profiter du fait que le gouvernement fédéral jouit d'une conjoncture budgétaire exceptionnelle et qu'il engrange des surplus importants pour revendiquer une hausse substantielle et ponctuelle des transferts en espèces. Cela ne réglerait rien à long terme. Cela nous rendrait perméables aux conséquences économiques d'événements imprévisibles.
Il faut trouver une solution stable et durable. Pour nous, dans le cadre constitutionnel actuel, cela ne peut pas prendre une autre forme que le transfert de points d'impôt. Je vais y revenir dans quelques minutes, mais j'aimerais d'abord revenir sur un aspect historique qui nous a frappés.
On a été habitués à penser que les souverainistes étaient les seuls défenseurs de l'autonomie et de la spécificité du Québec. Nous avons pris le temps, dans le mémoire que nous avons présenté à la Commission Séguin en 2001 — j'en ai remis quelques copies au greffier —, de faire un retour assez long sur l'histoire pour rappeler à nos membres à la fois l'unanimité de tous les gouvernements sans exception sur cette question et la poursuite de l'intrusion fédérale dans nos affaires.
Le Québec a réussi de peine et de misère quelques bons coups par le passé, comme la création du ministère du Revenu du Québec, du régime de prêts et bourses, de la Régie des rentes du Québec et du régime de l'assurance maladie du Québec. Cependant, depuis 1970, les gains se sont faits rares, les empiétements du fédéral se sont multipliés et le déséquilibre fiscal s'est aggravé, tant et si bien que, pour reprendre les mots du journaliste Michel Vastel, les provinces deviennent peu à peu « des centres régionaux de distribution de services », et leur marge de manoeuvre est tout simplement en train de disparaître. Il nous faut donc donner un sérieux coup de barre.
En premier lieu, il faut rappeler nos principes historiques. Le gouvernement du Québec doit réaffirmer une fois de plus son autonomie, et exiger que le gouvernement fédéral respecte les champs exclusifs de compétence provinciale et reconnaisse le droit inconditionnel du Québec de se retirer de tout programme nouveau ou modifié avec compensation sous forme de points d'impôt.
En second lieu, il faut régler de façon durable le problème du déséquilibre fiscal. À la FTQ, nous pensons que le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux doit être ramené au niveau où il était avant les coupures de 1984-1985, alors que la part du financement du gouvernement fédéral était de 23 p. 100. On est encore loin du niveau de 50 p. 100 des années 1970.
Les premiers ministres des provinces ont été unanimes à demander la restauration du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux au niveau de 1993-1994, c'est-à-dire autour de 18 p. 100, mais on pense qu'avec l'explosion des coûts à venir, surtout dans le domaine de la santé, cela ne sera pas suffisant.
On veut une solution stable et durable. Avec un échéancier réaliste, on peut réclamer que le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux soit ramené à 23 p. 100 des dépenses des provinces, et que le transfert soit fait en points d'impôt sur le revenu des particuliers. On pense qu'il appartient au gouvernement du Québec de prélever, par voie de taxation directe, l'argent nécessaire à des programmes sociaux de qualité.
º (1625)
Les coûts des soins de santé augmentent chaque année d’environ 7 p. 100 au Québec. C'est plus que l'augmentation des revenus de cette province, qui se situe autour de 3 ou 3,5 p. 100. En outre, on ne voit pas comment ce pourcentage pourrait diminuer dans l'avenir. On connaît la courbe des générations; on sait qu'il y aura de plus en plus de personnes âgées, et que cela sera au détriment des travailleurs. On reconnaît que ces personnes âgées risquent d'être mieux nanties que nos pères ou que les gens présentement à la retraite. On pense néanmoins qu'il faut avoir les moyens d'instaurer des programmes, pas nécessairement pour hospitaliser ces individus, mais pour leur permettre de demeurer dans leur résidence et de recevoir des soins à domicile. Il faudrait considérer la formule la plus économique pour les provinces. On devrait, pour réaliser ces objectifs, disposer d'un financement égal à celui de 1984-1985, ce qui nécessiterait absolument des transferts de points d'impôt.
En ce qui concerne la péréquation, nous savons que plusieurs travaux sont en cours et que divers spécialistes ont exposé leur position à cet égard. Nous ne voulons pas pour le moment nous prononcer sur ce débat, mais il est évident que nous sommes d'accord, à la lumière de ce que nous connaissons, pour que le plafond de péréquation soit haussé et que les paiements évoluent au moins en fonction de la croissance réelle du PIB. Nous pensons également qu'une redéfinition des normes devrait tenir compte de la pauvreté relative des provinces.
Enfin, les travaux que nous avons effectués jusqu'ici nous ont montré à quel point la question des champs de compétence et d'imposition des provinces et du gouvernement fédéral était complexe. Des questions juridiques, économiques, budgétaires et administratives sont en jeu. Nous pensons que les autorités compétentes devraient dresser un portrait détaillé des champs d'imposition respectifs et de ce que s'est approprié le gouvernement fédéral et ce, pour arriver à définir ce qui devrait relever du champ d'imposition québécois et à faire les recommandations nécessaires.
Par exemple, je crois savoir que près de 50 p. 100 des revenus du fédéral proviennent de l'impôt sur le revenu des particuliers. Au Québec, le pourcentage est beaucoup moins élevé. Le champ d'imposition y est davantage concentré sur les entreprises. Aussi, quand nous demandons un transfert de points d'impôt, cela s'applique surtout à l'impôt des particuliers. Étant donné la situation démographique qui se dessine déjà et qui va aller en s'accentuant, nous défendons ces positions devant votre comité en espérant que vous serez en mesure de faire les recommandations appropriées à vos collègues de la Chambre des communes.
º (1630)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Dupuis.
Nous allons faire un premier tour de table.
Monsieur Bell, vous avez cinq minutes.
[Traduction]
M. Don Bell: Merci.
Bienvenue. J'ai demandé à certains de nos témoins quel était le rôle du gouvernement fédéral, et vous avez parlé d'empiètement sur des domaines de compétence provinciale.
Prenons, par exemple, la santé ou les programmes de garderie—je reconnais d'ailleurs que le programme du Québec est exceptionnel, au-delà de la norme—, croyez-vous que l'on devrait encourager l'adoption de normes nationales au moyen d'une contribution fédérale ou de l'octroi par le gouvernement fédéral de primes, en quelque sorte, pour favoriser le respect des normes minimales par les diverses provinces? Vous pouvez évidemment répondre selon la perspective du Québec, mais j'essaie d'avoir une vue d'ensemble.
Pour terminer, vous avez mentionné 550 000 membres. S'agit-il de petites entreprises ou de PME, c'est-à-dire de petites et moyennes entreprises? Qui sont vos membres?
[Français]
M. Pierre Dupuis: La FTQ représente des travailleurs de tous les secteurs économiques. La majorité d'entre eux proviennent du secteur privé: la métallurgie, les usines d'aviation et nombre de manufactures, dont celles du textile et du vêtement.
[Traduction]
M. Don Bell: Il s'agit donc de travailleurs, n'est-ce pas? Je suis désolé, j'ai mal saisi la traduction. Il s'agit d'un syndicat...?
M. Pierre Dupuis: Oui.
M. Don Bell: D'accord. Ça répond à ma question.
[Français]
M. Pierre Dupuis: Nous représentons aussi des gens issus des secteurs public et parapublic du Québec ainsi que des fonctionnaires fédéraux résidant au Québec.
[Traduction]
M. Don Bell: D'accord.
Mon autre question porte sur le rôle que pourrait jouer le gouvernement fédéral pour encourager l'établissement de normes nationales minimales, en proposant un plancher plutôt qu'un plafond dans certains domaines.
[Français]
M. Pierre Dupuis: Sur ce point, nous disons qu'il nous semble que le gouvernement fédéral devrait transférer des points d'impôt afin que nous puissions assumer des responsabilités. Par ailleurs, nous ne voudrions pas nous faire emprisonner dans des normes au point de ne pas pouvoir répondre aux besoins réels. Même si les besoins peuvent être relativement semblables d'une province à l'autre, il y a dans chacune des caractéristiques qui sont distinctes. Il faut que les provinces aient les moyens de s'ajuster aux besoins réels de leur population. Le Québec est sûrement l'une des provinces où le taux de natalité est le plus bas au Canada. Les baby-boomers seront très nombreux à prendre leur retraite d'ici quelques années. Nous pensons qu'il faut agir à cet égard. Nos responsabilités s'accroissent.
Il y a des comités au Québec qui essaient de voir comment réagir face à cela. Ils incluent des représentants du gouvernement provincial, des syndicats et du monde des affaires. Les gens de tous les groupes de la société y travaillent. Moi, par exemple, je représente la FTQ au Comité de travail pour la pérennité du réseau de la santé et des services sociaux du Québec avec le gouvernement Charest. Nous essayons de trouver des moyens d'adapter le système de santé. Nous avons étudié attentivement les normes fédérales concernant la santé. Nous ne sommes pas en désaccord sur ces normes; nous sommes en désaccord sur le carcan que peuvent nous imposer ces normes. Je crois que le gouvernement fédéral peut établir des objectifs et des buts, mais nous pensons que, dès qu'il normalise les choses, cela devient un carcan. Nous sommes tout à fait d'accord pour qu'il y ait des mesures afin de s'assurer que l'argent serve aux fins auxquelles il est destiné, mais pas dans des carcans trop serrés.
º (1635)
[Traduction]
M. Don Bell: Mon autre question a trait aux travailleurs que vous représentez. Pouvez-vous me dire, vu les changements démographiques, si vous croyez qu'on se dirige vers une baisse du nombre de travailleurs scolarisés ou de gens qui se tournent vers des professions qui demandent un niveau d'instruction supérieur, et s'il y a un besoin d'aide en matière de formation professionnelle? Croyez-vous que ça devrait venir du gouvernement fédéral?
[Français]
M. Pierre Dupuis: Il est évident que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer à plusieurs niveaux. La semaine dernière, la FTQ a demandé au gouvernement fédéral d'intervenir afin de s'assurer que des mesures de transition soient prises dans l'industrie du vêtement et du textile.Si aucune mesure n'est prise maintenant, cette industrie risque de disparaître. Il y a 55 000 travailleurs au Québec qui oeuvrent dans ce secteur. On connaît la concurrence de l'Asie dans ce domaine.
Les Américains, qui sont énormes et puissants, se donnent des normes de protection. Ici, il n'y a aucune norme. Nous pensons que le fédéral devrait intervenir sur ce point. Pour s'adapter aux nouvelles réalités de la mondialisation, il ne suffit pas de faire des discours. Il faut aussi trouver des moyens concrets pour que les gens agissent.
Je ne vous parlerai pas des autres secteurs où on a perdu beaucoup d'emplois. Je ne vous dis pas que c'est la faute du gouvernement fédéral, au contraire. On pense au bois d'oeuvre. Les gens qui travaillent dans la forêt ont perdu beaucoup d'emplois. Comment s'y prendre avec les Américains? Je pense que vous êtes mieux placés que moi pour répondre à cette question. Encore là, c'est un champ d'intervention où le fédéral pourrait exercer des pressions.
Malheureusement, je lisais encore récemment que, même si le Québec est un grand producteur d'aluminium, il y a de moins en moins d'entreprises de transformation. Qu'est-ce qui peut être fait? On doit réfléchir à des moyens pour que cette ressource première qui est puisée au Québec puisse être transformée ici.
Il y a beaucoup de matière. Quand vous aidez les travailleurs, vous aidez la société. En effet, plus les gens travaillent, plus ils paient d'impôts.
Vous savez qu'au Québec, 42 p. 100 des gens en âge de travailler ne paient pas d'impôts. On pense que ce taux est très élevé. Il augmente d'année en année, plutôt que de diminuer. On n'a surtout pas besoin d'employeurs qui donnent des salaires tels que leurs employés ne paient pas d'impôts, ou encore d'employeurs qui s'approvisionnent dans les pays d'Asie et qui ne créent pas de production de biens au Canada ou au Québec.
Le président: Merci.
M. Guy Côté: Merci, monsieur le président. Monsieur Dupuis et madame Audet, je vous remercie de votre présentation.
Vous avez parlé d'identité régionale et de fournisseurs de services, notamment lorsque vous avez cité Michel Vastel. Ce faisant, vous nous avez exposé une certaine dynamique qui existe au sein du gouvernement fédéral. On a souvent l'impression qu'aux yeux du gouvernement fédéral, les provinces sont, en fait, des gouvernements d'un ordre inférieur et c'est pourquoi il est important de s'assurer qu'il y ait des normes à respecter. Ces normes, selon la logique de ce gouvernement fédéral, doivent être édictées par le gouvernement d'un ordre supérieur.
Depuis deux mois, le sous-comité fait le tour du Canada et recherche des solutions au déséquilibre fiscal. Jusqu'à maintenant, un certain nombre de solutions ont été avancées: le transfert de points d'impôt, le transfert de la TPS, l'augmentation des transferts dans le domaine de la santé et de l'éducation, une réforme en profondeur de la péréquation, etc. Dans votre document, il est question de l'importance du droit de retrait avec compensation sous forme de points d'impôt.
J'aimerais mieux comprendre ce que vous nous proposez. Imaginons, par exemple, que le gouvernement fédéral se prépare à investir un certain montant dans le logement social. Supposons, pour les besoins de l'exemple, que cette action ne corresponde pas aux besoins du Québec. On pourrait demander, dans ce domaine spécifique, qu'il y ait un transfert de points d'impôt qui corresponde à un certain montant. Par la suite, peut-être deux mois, six mois ou un an plus tard, on répéterait le même processus dans un autre domaine, comme la santé.
Préférez-vous que l'on fonctionne au cas par cas ou qu'il y ait un transfert global de points d'impôt? On pourrait, à titre d'exemple, renoncer au transfert dans le domaine de la santé pour avoir des points d'impôt d'une certaine valeur.
º (1640)
M. Pierre Dupuis: Je vais laisser ma collègue compléter, mais je dirai d'abord qu'on cherche a priori que l'équité soit restaurée en se basant sur ce qui a déjà existé au chapitre des soins de santé. Nous souhaitons que le fédéral — sans atteindre 50 p. 100 des dépenses — accorde, pour les soins de santé, au moins l'équivalent de 23 p. 100 des coûts de ces soins ou qu'il transfère des points d'impôt. Cela ne doit pas être renégocié chaque année; on doit pouvoir survivre par la suite. C'est notre première demande.
La deuxième demande porte sur des programmes particuliers. Votre exemple est bon. Je peux même le classer sous la rubrique des soins de santé, puisque le logement social comprend celui des familles et celui des personnes âgées. Une des façons de contenir la hausse progressive des coûts de santé est qu'il y ait des logements sociaux pour les personnes âgées leur permettant de rester autonomes plus longtemps. En effet, ces logements peuvent comprendre, par exemple, une cafétéria et une infirmerie avec infirmière. Les personnes ne sont pas laissées à elles-mêmes. Plutôt que d'aller à l'urgence, elles font appel à une infirmière qui est sur place. Il y a d'énormes possibilités.
Je pense qu'il faut un transfert de points d'impôt. On est en train de formuler ces solutions porteuses d'avenir, pas uniquement pour soutirer de l'argent au fédéral, mais au contraire pour essayer de freiner l'augmentation des coûts de santé. Selon notre expérience, lorsqu'on laisse les gens seuls dans leur résidence, souvent, un des conjoints disparaît. On connaît de multiples cas où on mélange les médicaments, etc. Certains font des dépressions par manque de motivation ou de stimulation. Au contraire, quand ces personnes sont dans une résidence mieux organisée, elles conservent une vie privée en ayant un appartement, mais elles peuvent consulter une infirmière et rencontrer leurs semblables dans des salles communes. Elles peuvent, s'il leur manque l'énergie pour faire leur repas, aller manger malgré tout.
Je pense qu'il peut y avoir des transferts de points d'impôt reliés à ces programmes particuliers, mais je reviens à ma première idée. Je ne sais pas, Monique, si tu veux ajouter quelque chose.
Mme Monique Audet (conseillère, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec): Je ne sais pas si c'est clair, mais la portion de 25 p. 100 que nous réclamons devrait couvrir les soins de santé, d'éducation et de programmes sociaux, comme c'était auparavant.
Il est bien entendu que, pour des programmes ad hoc, ce serait étudié au cas par cas. Nous ne pensons pas qu'il faudrait un peu plus de points d'impôt pour chaque petit programme, points qu'il faudrait remettre une fois le programme terminé.
On demande de revenir à un financement stable qui soit de l'ordre du quart des revenus provinciaux et qui évolue selon la conjoncture économique. Par la suite, comme c'est arrivé dans le passé, par exemple dans le cas du programme des Bourses d'études canadiennes du millénaire, le Québec pourrait revendiquer un droit de retrait. Je pense que l'important est que le Québec ait le pouvoir de se retirer de chacun de ces programmes, avec compensation. Quelle forme devrait prendre cette compensation? Ce serait à définir au cas par cas.
Le président: Merci.
Madame Wasylycia-Leis, s'il vous plaît.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je remercie M. Dupuis, Mme Audet et les membres de la FTQ. Cette présentation est très importante dans le cadre de nos discussions.
La question qui m'intéresse est celle de résoudre le déséquilibre des transferts en argent. Vous avez recommandé à cet égard que le gouvernement rétablisse le niveau de 1993...
º (1645)
Mme Monique Audet: On parlait de 1983.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Mais les documents du gouvernement du Québec indiquent que le niveau de cette année-là était de 26,8 p. 100. Est-ce celui que vous voulez atteindre le plus tôt possible?
Mme Monique Audet: Oui.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Dans votre document, vous avez indiqué 23 p. 100, mais il s'agit là du niveau de 1993, et non de 1983.
M. Pierre Dupuis: Si vous le permettez, je vais essayer de clarifier cela.
Les premiers ministres ont demandé 18 p. 100, qui était le niveau de 1993-1994. Notre approche est plus réaliste. Nous considérons que pour couvrir les frais réels de la santé et de l'éducation, de façon à ce qu'il y ait au Québec un développement à cet égard, il faudrait revenir au taux de 1984-1985, soit 23 p. 100.
Mme Judy Wasylycia-Leis: D'accord, mais quoi qu'il en soit, il en ressort ici qu'on doit rétablir de part et d'autre un niveau plus équilibré.
M. Pierre Dupuis: Oui.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Il faudrait peut-être en arriver à une répartition 50-50. C'est le but à long terme.
[Traduction]
C'est l'objectif à long terme, n'est-ce pas?
De toute façon, comment faire? Voilà la question.
[Français]
Êtes-vous favorable à l'idée qu'en plus d'augmenter le montant des transferts en matière de santé, on augmente celui des transferts en matière d'éducation et de programmes sociaux, ou recommandez-vous plutôt un transfert de points d'impôt, de la TPS ou d'autre chose du genre?
M. Pierre Dupuis: D'après nous, cela devrait se faire sous forme de points d'impôt. En fonction des données que nous avions pour 2001-2002, nous pouvons déterminer qu'avec un pourcentage de 23 ou 24 p. 100, le transfert serait de 2,5 milliards de dollars. On parle donc ici de 50 millions de dollars par semaine, ce qui représente environ un dollar par jour par contribuable.
Le gouvernement fédéral connaît des surplus bien supérieurs à cela. Nous ne pensons pas que cela lui demanderait d'emprunter; il n'aurait qu'à procéder à un transfert de points. Cela ferait en sorte que ses surplus seraient moins importants à la fin de l'année. On ne demande pas au gouvernement fédéral de s'endetter davantage, mais de transférer des points. Sans vouloir faire de sarcasme, je dirai qu'il en a les moyens.
[Traduction]
Mme Judy Wasylycia-Leis: Permettez-moi de poser ma deuxième question en anglais car à l'heure qu'il est, ça devient un peu plus difficile pour moi de m'exprimer en français.
M. Pierre Dupuis: D'accord.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je pourrais finir par dire des énormités, et c'est surtout pas le moment.
Vous préférez donc le transfert de points d'impôt plutôt que le transfert de fonds proprement dit?
M. Pierre Dupuis: Oui.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je comprends ce que vous dites, mais c'est une position qui me préoccupe, ne serait-ce que pour les conséquences qu'elle aurait sur d'éventuels programmes nationaux dans les domaines de la santé, de l'éducation et des services sociaux. Je me demande si nous pourrions convaincre le gouvernement fédéral d'accroître considérablement ses transferts de fonds par le biais d'un programme d'investissement en éducation ou d'un programme d'investissement dans la santé qui reconnaîtrait l'unicité du Québec et sa nature distincte tout en permettant de conclure des ententes séparées concernant l'administration des fonds. Seriez-vous en faveur d'une telle approche?
º (1650)
[Français]
Mme Monique Audet: Je pense que nous n'appuierions pas a priori une telle approche, parce que l'histoire des 50 dernières années nous a montré que le gouvernement fédéral, quand il décidait d'agir ainsi, procédait de façon unilatérale. Par exemple, il a décidé de transformer les paiements consacrés à la santé et à l'éducation en un seul montant, en bloc, fixé de façon unilatérale.
Tout à l'heure, vous avez mentionné que les derniers montants octroyés équivalaient à 26 p. 100. Ces choses pourraient être éphémères, à la limite. Elles pourraient changer d'une année à l'autre selon le bon vouloir du gouvernement fédéral. Pour notre part, nous disons que la santé, l'éducation et les programmes sociaux appartiennent aux provinces. Il faudrait donc leur laisser le soin de dépenser comme elles l'entendent l'argent généré par les impôts pour la santé, l'éducation et les programmes sociaux.
Le gouvernement fédéral a défini de grands principes pour la santé. Au Québec, en tout cas à la FTQ, nous partageons ces grands principes. D'ailleurs, nous avons demandé à plusieurs reprises que le gouvernement québécois lui-même inscrive dans la loi québécoise ces grands principes d'universalité, d'accessibilité, etc. Cependant, une fois ces grands principes reconnus, il nous reste, comme province responsable, à prendre les mesures nécessaires pour en assurer l'application. Pour nous, cela équivaut à un minimum de 23 p. 100 de revenus traduits en points d'impôt.
Le président: Merci, madame Wasylycia-Leis.
Madame Ambrose, vous pouvez poser une dernière question.
Mme Rona Ambrose: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je vous prie de m'excuser d'avoir manqué votre exposé, mais je vous assure que j'ai lu énormément sur votre organisation et que j'ai pris connaissance de vos déclarations passées.
J'aimerais particulièrement souligner le fait qu'en mars dernier, en 2004, la FTQ a déclaré que le budget ne renfermait pas suffisamment de mesures visant à contrer le déséquilibre fiscal. Vous aviez souligné que même si le gouvernement fédéral faisait preuve de prudence financière—c'est ce que vous avez dit—, ça arrivait à un moment où les provinces avaient d'énormes besoins, particulièrement dans les domaines de la santé et de l'éducation, et que Ottawa n'en faisait pas assez pour aider le Québec. Vous avez aussi critiqué le programme de péréquation, et dans votre critique du budget de cette année, vous avez répété bon nombre de ces choses. Vous avez aussi dit que les mesures prévues dans le budget fédéral n'allaient pas assez loin pour régler la question de l'assurance-emploi.
J'aimerais connaître votre opinion concernant certains de ces aspects, particulièrement en ce qui concerne l'assurance-emploi.
[Français]
M. Pierre Dupuis: En ce qui concerne l'assurance-emploi, nous pensons que, depuis plusieurs années, on a érodé le système de protection lié à l'emploi. On a diminué les prestations et on a augmenté les exigences. Nous pensons qu'il faut retourner en arrière, sans revenir à l'ancien temps.
Qu'on le veuille ou non, on est dans une société où des groupes occupent des emplois saisonniers. Le programme n'est pas du tout adapté à cela actuellement, ou bien il est tellement exigeant que les gens reçoivent très peu. D'après nous, il faudrait d'abord, comme premier principe, que l'argent de l'assurance-emploi serve uniquement à l'assurance-emploi. Deuxièmement, on devrait s'assurer que l'assurance-emploi soit accessible à un plus grand nombre de chômeurs et pour une plus longue période de temps.
Le président: Il y a trois rapports qui ont été signés, dans les cinq dernières années, par l'ensemble des députés de toutes les formations politiques. On y recommande des modifications, non pas pour revenir au régime d'antan, mais au moins pour que davantage que 40 p. 100 des travailleurs puissent bénéficier de l'assurance-emploi, alors que tous y contribuent.
Madame Ambrose, excusez-moi, je voulais simplement faire une parenthèse.
Mme Rona Ambrose: Merci.
Le président: Avez-vous terminé?
º (1655)
Mme Rona Ambrose: Oui.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Avez-vous d'autres questions? Non?
Merci, monsieur Dupuis et madame Audet. J'ai de la difficulté avec votre nom parce que nous avons entendu M. Audet ce matin.
M. Pierre Dupuis: C'est le ministre.
Le président: Oui.
Mme Monique Audet: Il n'y a aucun lien de parenté.
Le président: Je vous remercie infiniment pour la participation de la FTQ. Merci beaucoup d'avoir alimenté nos réflexions. Bon retour, et soyez prudents.
M. Pierre Dupuis: Comme je vous l'ai dit, notre présentation était courte, mais nous avons laissé au greffier le rapport complet, celui que nous avions présenté à la Commission Séguin. Il contient tout l'historique et beaucoup d'informations potentiellement pertinentes pour votre comité.
Le président: Je vous remercie infiniment.
M. Pierre Dupuis: Merci.
Le président: Nous avons deux derniers témoins.
J'ai une requête à vous faire.
Nous sommes un peu en avance. Je sais que nous avons des avions à prendre, mais M. Pierre Laval Mathieu, un sociologue venu expressément de Montréal, a passé toute la journée ici. Il avait demandé à comparaître, mais notre horaire chargé nous plaçait dans l'impossibilité de l'entendre. Il est accompagné de Mlle Cadieux-Mathieu, qui n'est pas encore sociologue, mais qui pourrait bien le devenir.
Je leur ai accordé de 10 à 15 minutes en tout pour nous parler d'un projet qu'ils chérissent, et Léa a même déjà présenté son projet à Paul Martin, le premier ministre, au cours d'une entrevue privée. Ne me demandez pas comment elle a pu obtenir cela. Si vous m'en donnez la permission, nous leur accorderons 10 minutes.
Bienvenue, monsieur Laval Mathieu. Merci de votre patience et merci d'être là.
Léa, merci aussi. Je crois que tu veux devenir interprète.
M. Pierre Laval Mathieu (à titre personnel): Merci, monsieur. Merci à tous.
Nous n'abuserons pas de votre temps. Nous avons tous eu une longue journée et nous vous savons très occupés. Nous ne voulons que vous insuffler un désir.
Le président: Nous vous écoutons.
Mme Léa Cadieux Mathieu (à titre personnel): Bonjour.
Le président: Bonjour.
Mlle Léa-Cadieux Mathieu: Merci de nous avoir reçus.
Nous sommes ici pour vous présenter un projet qui est une solution au déséquilibre fiscal.
Il s'agit d'une caisse de santé collective qui pourrait s'occuper du problème de Fonds Canada. Je vous présente mon père, Pierre Laval Mathieu, qui va vous expliquer le reste.
M. Pierre Laval Mathieu: C'est moi.
Mlle Léa-Cadieux Mathieu: Il vous expliquera comment la caisse pourrait éventuellement régler le problème du déséquilibre fiscal et améliorer la situation.
M. Pierre Laval Mathieu: L'outil de travail que nous nous sommes donné est la Carte de l'équilibre fiscal. Nous travaillons à cela depuis deux ans, avec les moyens du bord. C'est ma soeur aînée de 71 ans qui signe les chèques chaque mois. Nous faisons cela à notre corps défendant.
Nous nous sommes présentés au premier ministre du Canada l'an dernier, le 16 février. Cette jeune dame avait passé une journée dans une salle d'urgence ophtalmique de Montréal. À la fin de la journée, nous nous étions fait dire qu'on nous donnerait une ordonnance, et de revenir dans deux jours. Nous sommes rentrés silencieusement à la maison, et nous nous sommes dit que ce n'était pas une bonne idée.
Le lundi suivant, le premier ministre du Canada rencontrait le réseau de l'économie sociale, et Mme Neamtam. Mademoiselle était en congé scolaire et nous nous sommes dit que nous devions y aller.
Nous avons donc rédigé une lettre à l'attention du premier ministre et de son directeur des communications, et nous nous sommes présentés. Les agents de la GRC nous ont dit que nous n'étions pas au menu et de rester dehors. J'ai répondu que nous allions aller près de la voiture du premier ministre, et que quand il arriverait, cette jeune fille lui poserait une question.
Nous avons alors eu droit à cinq minutes chez le premier ministre, sans caméra ni protocole, et mademoiselle a posé sa question.
Tu peux la poser de nouveau, si tu le veux.
Mlle Léa-Cadieux Mathieu: Je lui ai demandé pourquoi on attendait aussi longtemps dans les hôpitaux. Il m'a répondu que c'était une question d'argent et de temps.
M. Pierre Laval Mathieu: La question de l'argent, on y travaille. Pourquoi? Vous avez parlé de points d'impôt, de TPS. On est venus vous parler des points de santé. Ce n'est pas plus compliqué que cela. On a nos points, nous aussi.
M. Audet fait appel à l'imagination: on en a un peu. L'idée est de faire un pont entre les générations, de permettre à cette enfant d'avoir les moyens d'entretenir son père au centre de personnes âgées quand j'y serai, afin que je ne sois pas complètement à sa charge.
Comment cela fonctionnerait-il? Ce serait un programme de fidélisation pour l'investissement en santé. Combien de temps cela fait-il, au Canada, qu'on dit aux contribuables d'épargner pour être plus heureux?
Ce qu'on vous propose, c'est que chaque fois qu'une personne dépenserait 100 $ au Canada avec sa carte de points de santé, on déposerait automatiquement 3 $ à son nom dans une caisse collective. La totalité des sommes de cette caisse serait investie pour l'amélioration des services publics de soins de santé.
Points Santé Canada serait la première compagnie privée à investir massivement dans les services publics et à être détenue par les contribuables canadiens, car chacun détiendrait une part de ce fonds collectif.
Par rapport à la problématique qui est la vôtre, dans votre cheminement qui vous amène à écouter les gens de partout au Canada vous proposer des approches de solutions au déséquilibre fiscal, je suppose que vous n'avez jamais entendu encore quelqu'un vous proposer que l'équilibre fiscal se fasse d'abord dans le portefeuille des contribuables. Cela pourrait peut-être commencer là.
Vous regardez autour de vous ce qui se passe actuellement. Je me dis que ce serait bien si l'argent qui est prélevé par Ottawa et par le Québec nous revenait. Si on veut améliorer les choses, on peut le faire de manière équitable.
Qu'est-ce que cela veut dire? On a besoin de réparer, de rénover la maison collective de soins de santé qu'on s'est donnée. On va y contribuer. Le gérant collectif dit qu'il y a des réparations à faire, qu'on doit payer 1 $ de loyer de plus ce mois-ci, mais qu'il va nous remettre 2 $ du loyer qu'on paie déjà pour capitaliser en vue de rénover l'immeuble collectif de soins de santé. On va avoir un morceau du système de santé. On ne l'emportera pas dans votre tombe. On va le céder à nos enfants quand on va mourir, cela sans taxe.
Je voulais vous donner une image. C'est la fin de la journée. Emportez avec vous cette image et demandez-vous si cela ne pourrait pas être une approche valable.
Monsieur Loubier, monsieur Côté, cela fonctionnerait dans n'importe quel pays: au Québec, en France, en Angleterre ou au Canada. C'est pareil. Il y a un déficit de 13 milliards de dollars dans le domaine de la santé en France. Le contexte culturel est différent, mais si les Français adoptaient une solution d'épargne comme celle-là, cela fonctionnerait. On est prêts à leur vendre cette idée, si vous le voulez.
On s'est adressés à M. Ménard, le collègue de M. Dupuis. Il est censé nous proposer, comme vous, une solution durable d'investissement dans les services publics. En fait, c'est de cela qu'il s'agit. On essaie de décider à qui doit aller l'assiette fiscale. Ce sont des chinoiseries! Peut-on s'arrêter 30 secondes et se dire qu'on peut travailler autrement? Ce n'est pas une taxe, monsieur Laurin. C'est une épargne.
» (1700)
Le président: Vous avez déjà commencé le débat.
M. Pierre Laval Mathieu: Ce n'est pas une taxe volontaire comme celle qu'il y avait avant Loto-Québec, monsieur. C'est une épargne réelle des individus. Prenez l'exemple de M. Legault. Si le fédéral limite l'augmentation de ses dépenses à 2 p. 100, qui est le taux d'inflation, il y aura 10 milliards de dollars. Si le gouvernement fédéral est une coopérative, il aura une ristourne de 10 milliards de dollars à nous rendre. Serait-il possible de ravoir cet argent dans nos portefeuilles, s'il vous plaît? C'est ce que nous sommes venus vous dire, en quelque sorte.
La Carte de l'équilibre fiscal, c'est l'équilibre fiscal dans le portefeuille des contribuables canadiens d'abord. Si c'était possible, demain matin, les provinces et le fédéral appelleraient toutes les institutions financières du Canada pour leur dire qu'ils ont 11 milliards de dollars en remises de taxes à leur faire gérer pour les 35 prochaines années. Ils leur demanderaient si cela leur convient. Elles leur répondraient: « Un instant! Vous allez nous procurer 5 milliards de dollars supplémentaires par année en épargnes que les contribuables canadiens ou voudront vous donner à gérer pour produire une croissance annuelle des budgets de la santé. » Il y a des chiffres: 4 ou 6 p. 100, selon la manière dont on voit les choses.
Pour les provinces, cela représenterait le double de ce qu'elles demandent actuellement au gouvernement fédéral sous la forme du rapatriement de la TPS, par exemple. Utilisez la formule que vous voulez, ce n'est pas grave. L'idée est qu'en adoptant ce modèle, on augmenterait l'épargne, on augmenterait l'investissement en santé et on partagerait avec le fédéral et le provincial le surcroît d'efforts qu'on réalise pour rénover la maison collective des soins de santé. Voilà la signification de ce projet.
Le 15 septembre dernier, nous tenions une conférence parallèle à Ottawa pendant que les premiers ministres des provinces et le premier ministre du Canada étaient réunis. Cette enfant était avec moi. Nous avons fait une conférence à la Chambre des communes, et nous avons invité ces gens à adopter une innovation comme celle-ci.
Nous avons continué notre effort et nous venons d'inviter le ministre Audet, qui était devant vous aujourd'hui, à fonder avec nous la Communauté du partenariat privé-public de Points Santé Canada. Ou bien faire un partenariat privé-public ne veut rien dire, ou bien cela veut dire quelque chose.
Si on le fait au service de la communauté, où est le problème de la gauche et de la droite de savoir comment on va offrir des augmentations de salaires ou pas et où l'argent va aller? Cela sort complètement du débat. Le but essentiel est de démontrer à cette enfant que nous ne sommes pas des fourbes, que nous sommes en face d'elle pour lui apporter l'appui financier dont elle a besoin pour prendre soin de nous, qui lui avons donné la vie. Cette fille n'est pas seulement 31 000 $ de dette publique. Cette fille est un potentiel humain, un potentiel économique, qui vous paie vos salaires, qui vous paie votre énergie. De plus, dans la formule des points santé, vous pourriez la regarder comme si elle représentait 344 $ par année pendant 35 ans. On va voir le gérant de banque avec cela et on lui demande ce que madame vaut.
» (1705)
Mlle Léa-Cadieux Mathieu: Cent quarante millions de dollars?
M. Pierre Laval Mathieu: Oui, peut-être. On a ici un chiffre.
Le président: Combien?
Mlle Léa-Cadieux Mathieu: Trois cent quarante mille dollars.
M. Pierre Laval Mathieu: Peut-être. Tu peux lancer des chiffres. Il y en a eu plusieurs ici aussi.
Mlle Léa-Cadieux Mathieu: Trois cent quarante mille dollars. Qui veut plus?
M. Pierre Laval Mathieu: Je discutais avec Glenn Roberts, du Conference Board of Canada, vendredi soir. Il m'appelait pour savoir où on prendrait l'argent. On va le prendre en Alberta, madame, soit dit en passant. On va appeler Ralph Klein pour lui demander de le donner. Glenn Roberts est arrivé exactement aux mêmes chiffres que moi. Pour tenir le système de santé canadien à flot, on a besoin de 5 milliards de dollars. Nous le prenons dans nos poches. C'est un point Canadian Tire ou bien c'est un dollar neuf. Je m'en fous. Il y 700 milliards de flyer miles non encaissés dans les programmes de fidélisation mondiaux. Faites votre tarte pour voir combien il y en a au Québec, et vous allez voir que je suis capable d'investir dans Points Santé Canada plutôt que de m'acheter un grille-pain. On a besoin de 260 000 points pour une cafetière chez HBC.
J'espère qu'on vous a distraits. Si vous avez des questions, on y répondra.
Le président: J'en ai une à vous poser, Pierre Laval et Léa.
M. Pierre Laval Mathieu: Fais attention en ce qui concerne les chiffres.
Le président: Pardon?
M. Pierre Laval Mathieu: Je lui ai dit de faire attention aux chiffres.
Le président: Vous m'avez fait perdre le fil. J'ai l'air un peu nono, non?
M. Pierre Laval Mathieu: Nous sommes tous fatigués.
Le président: Plus tôt, vous avez commencé un débat avec Alexandre.
M. Pierre Laval Mathieu: Oui.
Le président: Je suis d'accord pour dire que ce n'est pas vraiment une taxe imposée par le gouvernement, mais plutôt un genre de taxe qu'on s'impose à soi-même chaque fois qu'on fait une transaction.
M. Pierre Laval Mathieu: Si vous voulez. C'est une contribution qui peut être une épargne réelle. Cela dépend de la manière dont on rationalise la gestion de la santé, soit dit en passant.
Le président: Oui, Léa?
Mlle Léa-Cadieux Mathieu: Moi aussi, j'ai posé la même question. Il a dit qu'on n'était pas obligé d'investir un dollar si cela ne nous tentait pas, mais que si on voulait épargner dans la caisse-santé, on avait le droit de le faire.
Le président: Donc, on se responsabilise individuellement pour faire face à l'avenir?
M. Pierre Laval Mathieu: On continue. Supposons que le fédéral a 5 milliards de dollars de crédits d'impôt ou de remises de taxes à consacrer à cela. On remet la même somme à ceux qui paient tous les impôts et à ceux qui ne les paient pas tous. Ceux qui ne paient pas tous les impôts ont peut-être intérêt à vous vendre le crédit fiscal parce que pour votre part, vous voulez économiser vos impôts. De cette manière, ils peuvent peut-être obtenir 10 ¢ ou 20 ¢ de plus pour consommer davantage. Il y a donc une augmentation des revenus fiscaux provenant de la consommation. Pour le segment de population qui ne paie pas d'impôt, il y a une majoration du pouvoir d'achat global. Procédez comme vous le voulez. Vous pouvez jouer les deux rôles. Par exemple, vous pouvez payer des impôts parce que vous préférez consommer ce mois-ci. Les institutions financières jouent le rôle d'agents de marché chargés de gérer les points.
C'est cela, la magie de Points Santé Canada. Vous avez un réservoir d'épargne. On ne parle pas ici d'Hydro-Québec qui veut augmenter ses tarifs, mais d'un réservoir d'épargne. On y reviendra. Pourquoi payer 5 milliards de dollars de plus pour ces tarifs alors qu'on pourrait consacrer cet argent à la santé, à l'éducation ou aux services publics? Voilà.
Quand on parle aux économistes, ils nous disent que rien ne se perd et que rien ne se crée, qu'il n'y a pas de free lunch. Moi, je leur réponds que nous habillons nos enfants avec cet argent qui ne sert pas à payer la facture d'électricité. Dans une famille comme la nôtre, cela représente 1 500 $ par année. Ce ne sont pas des pelures d'oignon. C'est très important de voir comment ce genre de chose peut compter pour le commun des mortels. De plus, contrairement à ce qui se passe maintenant, chacun prend ses responsabilités. On a tendance à nier le bien-fondé de l'action du public. Or, il faut travailler à rétablir un lien de communauté qui nous réunirait et nous permettrait de régler ce foutu problème dont vous discutez depuis 1954.
» (1710)
Le président: Il s'agit de 1956.
M. Pierre Laval Mathieu: Remontons jusqu'à M. Morin, si vous le voulez, ou à n'importe quel autre ministre.
Le président: C'était en 1956, l'année du rapport Tremblay.
M. Pierre Laval Mathieu: Bon, ça va: on a atterri sur le même quantième, comme disait maman. Est-ce que votre mère parlait elle aussi du quantième?
Le président: Pardon?
M. Pierre Laval Mathieu: Quand maman parlait d'une date, elle utilisait le mot « quantième ». Elle était vieille, ma mère.
Le président: Est-ce que mes collègues ont des questions ou des commentaires?
M. Pierre Laval Mathieu: J'espère qu'on vous a bien distraits. Monsieur Bell, n'oubliez pas ce qui vient de se dire ici. Rapportez tout cela en Colombie-Britannique. Dites aux gens, de l'autre côté des montagnes, qu'il y a des personnes du Québec qui ont trouvé une solution. Elle est drôle et différente, et elle peut fonctionner.
Le président: Merci infiniment pour cette présentation et pour le document écrit. Merci à Mlle Léa Cadieux-Mathieu et à M. Pierre Laval Mathieu.
M. Pierre Laval Mathieu: J'ai fait peur à M. Dupuis. On avait l'intention de chanter une chanson un peu plus tard.
Le président: Merci beaucoup.
Mlle Léa-Cadieux Mathieu: Merci à vous.
M. Pierre Laval Mathieu: Bonne chance, bon voyage et merci. C'était une journée très enrichissante sur le plan des connaissances. Nous avons eu l'occasion de faire valoir ce en quoi nous croyons. J'ai vu un tas de choses adorables. Vous faites un travail extraordinaire.
Le président: Merci de votre patience. Cela s'adresse particulièrement à Léa.
Mlle Léa-Cadieux Mathieu: Eh bien!
Le président: Merci infiniment pour cette belle journée d'audience.
La séance est levée.