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SINT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 19 avril 2005




¹ 1535
V         Le président (M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.))
V         Mme Danielle Goldfarb (analyste de politique principale, Institut C.D. Howe)

¹ 1540

¹ 1545
V         Le président
V         M. Jayson Myers (vice-président principal et économiste en chef, Manufacturiers et exportateurs du Canada)

¹ 1550

¹ 1555
V         Le président
V         M. Jayson Myers
V         Le président
V         M. Jayson Myers
V         Le président
V         M. David Wheeler (professeur au programme Erivan K. Haub des affaires et de la durabilité, Schulich School of Business, Université de York, à titre personnel)

º 1600

º 1605

º 1610
V         Le président
V         M. David Wheeler
V         Le président
V         M. Patrick Rooney (vice-président principal, Financement du commerce international et Relations avec les correspondants, Banque Scotia)

º 1615
V         Le président
V         M. Ted Menzies (Macleod, PCC)
V         Mme Danielle Goldfarb

º 1620
V         M. Ted Menzies
V         Mme Danielle Goldfarb
V         M. Ted Menzies
V         M. Jayson Myers

º 1625
V         M. Ted Menzies
V         M. David Wheeler
V         M. Ted Menzies
V         M. Patrick Rooney
V         M. Ted Menzies
V         M. Patrick Rooney
V         M. Ted Menzies
V         M. Patrick Rooney
V         Le président suppléant (L'hon. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.))

º 1630
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)
V         M. Patrick Rooney
V         M. Pierre Paquette
V         M. Jayson Myers

º 1635
V         M. Pierre Paquette
V         M. David Wheeler
V         M. Pierre Paquette
V         Mme Danielle Goldfarb

º 1640
V         Le président
V         L'hon. Mark Eyking
V         M. David Wheeler
V         L'hon. Mark Eyking

º 1645
V         M. Patrick Rooney
V         L'hon. Mark Eyking
V         M. Jayson Myers
V         L'hon. Mark Eyking
V         M. Jayson Myers

º 1650
V         L'hon. Mark Eyking
V         M. Jayson Myers
V         L'hon. Mark Eyking
V         M. Jayson Myers
V         Le président
V         M. Peter Julian (Burnaby—New Westminster, NPD)
V         Mme Danielle Goldfarb
V         M. Peter Julian
V         Mme Danielle Goldfarb
V         M. Peter Julian
V         Mme Danielle Goldfarb
V         M. Peter Julian

º 1655
V         M. Jayson Myers
V         M. Peter Julian
V         M. Jayson Myers
V         M. Peter Julian
V         M. Jayson Myers
V         Le président
V         M. Peter Julian
V         M. David Wheeler
V         M. Peter Julian
V         M. David Wheeler

» 1700
V         M. Peter Julian
V         M. David Wheeler
V         M. Peter Julian
V         Le président
V         M. Peter Julian
V         M. Patrick Rooney
V         M. Peter Julian
V         M. Patrick Rooney
V         Le président
V         M. Patrick Rooney
V         Le président
V         M. Patrick Rooney
V         Le président
V         M. Patrick Rooney

» 1705
V         Le président
V         M. Jayson Myers
V         Le président
V         M. Jayson Myers
V         Le président










CANADA

Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 024 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 19 avril 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    Le président (M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.)): La séance est ouverte.

    Je voudrais souhaiter à nos témoins la bienvenue au Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

    Je vais commencer par présenter nos témoins. Nous avons, de l’Institut C.D. Howe, Mme Danielle Goldfarb, analyste de politique principale; des Manufacturiers et Exportateurs du Canada, M. Jayson Myers, vice-président principal et économiste en chef; à titre individuel, M. David Wheeler, professeur Erivan K. Haub d’affaires et de viabilité à la Schulich School of Business de l’Université York; et de la Banque de la Nouvelle-Écosse, M. Patrick Rooney, vice-président principal, Financement du commerce international et Relations avec les correspondants.

    Danielle, c’est vous qui commencerez en premier, si vous êtes prête. Nous accordons dix minutes à chaque témoin. Ensuite, nous passerons aux questions et réponses. Ça va?

    Si vous cherchez la traduction en grec, nous n’en avons pas encore.

    Danielle, la parole est à vous.

+-

    Mme Danielle Goldfarb (analyste de politique principale, Institut C.D. Howe): Bon après-midi et merci pour cette occasion que vous me donnez de présenter mes observations sur la stratégie des marchés émergents du gouvernement.

    Je vais me concentrer sur l’une des questions posées dans le mandat : Le Canada devrait-il chercher à conclure un plus grand nombre d’accords de libre-échange?

    À mon avis, la plupart des accords bilatéraux de libre-échange n’assureront probablement au Canada que des avantages marginaux ou temporaires, tout en imposant au gouvernement de mettre en oeuvre d’importantes ressources. Ces accords vont compliquer encore plus le système commercial mondial dans lequel le Canada a d’importants intérêts et détourner notre attention de priorités plus importantes. Toutefois, si les décideurs sont déterminés à conclure d’autres accords de libre-échange, ils devraient noter que la négociation d’un accord de libre-échange pourrait en valoir la peine si le Canada peut intéresser un grand marché émergent à un accord vraiment global. En même temps, les décideurs devraient avoir des attentes réalistes quant aux effets de tels accords et ne devraient jamais perdre de vue les intérêts prépondérants du Canada en Amérique du Nord.

    Pourquoi cette recommandation de prudence en matière d’accords de libre-échange? La réalité inéluctable est que les relations économiques de notre pays sont essentiellement concentrées en Amérique du Nord. À l’heure actuelle, le commerce et l’investissement avec d’éventuelles économies partenaires, comme la Chine, l’Inde et le Brésil, sont minimes, même si nos statistiques traditionnelles ont probablement tendance à les sous-estimer.

    En fait, la plupart des accords bilatéraux de libre-échange sont peu susceptibles d’assurer au Canada d’importants avantages économiques sur le double plan du commerce et de l’investissement. Malgré les efforts déployés par les gouvernements précédents pour étendre les liens économiques du Canada hors des États-Unis, les entreprises canadiennes n’ont pas réagi. Nous ne pouvons donc pas être sûrs qu’elles agiraient autrement après la signature d’un nouvel accord de libre-échange. Je crois d’ailleurs savoir que même les modèles économiques de l’administration fédérale n’ont pas révélé d’importants avantages pour la plupart des accords bilatéraux de libre-échange.

    De plus, la plupart des avantages tirés des accords de libre-échange sont temporaires. Ils ne durent pas. En effet, l’avantage pour le Canada de l’accès en franchise à un marché particulier diminuera aussitôt que le pays partenaire aura négocié un autre accord de libre-échange avec un pays tiers. Et cet avantage diminuera encore avec la signature des accords suivants. Les accords de libre-échange ne permettront pas au Canada de modifier les facteurs fondamentaux qui ont fait baisser sa part des investissements étrangers directs dans le monde. Autrement dit, ces facteurs seront toujours là, même si nous signons de nouvelles ententes de libre-échange.

    Comme chaque nouvel accord crée une série supplémentaire de règles qui se chevauchent, ces ententes compliquent le système commercial international, entravant les échanges de biens intermédiaires et écartant le Canada du système commercial simple et prévisible dont il a besoin. De plus, elles sont peu susceptibles de favoriser des initiatives multilatérales dans lesquelles le Canada aurait d’importants intérêts, et peuvent même nuire à de telles initiatives.

    Il y a lieu de noter en outre que la négociation, la signature et la mise en oeuvre d’accords bilatéraux de libre-échange nécessitent des ressources beaucoup trop importantes par rapport aux résultats économiques attendus. Le processus risque donc d’empêcher des secteurs prioritaires d’accéder aux ressources nécessaires.

    Aux États-Unis, une étude a récemment été réalisée sur les accords bilatéraux de libre-échange conclus par Washington en 2003. D’après le rapport publié, ces accords n’ont influé que sur un très petit pourcentage—2 à 3 p. 100—des échanges commerciaux américains. Pourtant, ils ont consommé près de 40 p. 100 du budget de déplacements du Bureau du représentant américain au Commerce et plus de 10 p. 100 des heures de travail du personnel, même si les trois-quarts des membres des équipes de négociation venaient d’autres secteurs du gouvernement américain.

    Ces accords consomment donc d’énormes quantités de ressources. Le Canada, dont les ressources sont assez limitées, doit en être conscient. Par conséquent, nous ne devrions envisager que les accords de libre-échange pouvant avoir d'importantes retombées et qui justifient donc les efforts qu’il faut leur consacrer.

¹  +-(1540)  

    Il pourrait également être difficile pour le Canada de trouver des partenaires assez intéressés pour mener à terme les négociations. Pourquoi des pays voudraient-ils consacrer une partie de leurs ressources limitées de négociation pour obtenir l’accès au marché relativement petit du Canada, surtout si celui-ci ne s’est pas montré disposé à modifier les facteurs qui avaient bloqué la conclusion d’accords bilatéraux antérieurs?

    Par exemple, le Canada a engagé des négociations avec l’Association européenne de libre-échange en 1998. Ces négociations ont abouti à une impasse quand le Canada a refusé de réduire un droit très élevé frappant la construction navale. Pourquoi des pays voudraient-ils négocier avec le Canada, qui a montré dans le passé qu’il n’était pas disposé à éliminer ce genre de barrières?

    Cela s’applique également, je crois, à nos négociations avec les pays d’Amérique centrale, qui sont dans l’impasse à cause de nos droits élevés sur les textiles et les vêtements. Sans compter que beaucoup de grands pays ne veulent tout simplement pas ouvrir leurs marchés. Par conséquent, le Canada est vraiment limité à négocier avec les petits pays qui souhaitent accéder à son marché.

    Par contre, si le Canada peut trouver des partenaires intéressés dans de grandes économies, un accord bilatéral pourrait avoir des avantages. En effet, il assurerait au Canada la position enviable consistant à être l’un des seuls pays du monde à accéder librement aux États-Unis et à une autre importante puissance économique. Nous avons cependant appris aujourd’hui que la Chine et l’Australie ont des entretiens préliminaires en vue de la conclusion d’un accord de libre-échange, sans compter que l’Australie a déjà signé un tel accord avec les États-Unis. Si le Canada était l’un des seuls pays à pouvoir accéder aux deux plus grandes économies du monde, ce serait probablement un endroit où il serait beaucoup plus intéressant d’investir.

    Afin d’être avantageux pour le Canada, un accord bilatéral de libre-échange devrait aller au-delà du commerce des marchandises pour s’étendre à la libéralisation des services. Il devrait minimiser les produits exemptés ainsi que les règles d’origine restrictives qui réduisent l’avantage du libre-échange. Il devrait renforcer et non compromettre les efforts multilatéraux et ne devrait pas être conclu au détriment de l’élimination des barrières dans l’espace économique Canada-États-Unis.

    Avant d’aller de l’avant, les décideurs doivent se rendre compte que ces avantages demeureraient temporaires et qu’ils compliqueraient davantage le système commercial.

    Bref, plutôt que de chercher à conclure de nombreux accords bilatéraux de libre-échange rapportant des avantages marginaux, le Canada devrait concentrer ses ressources limitées sur les secteurs susceptibles d’aboutir à d'importants résultats. Dans une telle stratégie, la plus grande priorité consisterait à maintenir un accès sûr et prévisible au marché américain. C’est la toute première priorité. Les autres comprendraient la participation aux efforts multilatéraux pouvant assurer les plus grands avantages économiques et l’investissement dans des secteurs intérieurs, tels que l’éducation, qui permettent aux entreprises canadiennes d’être plus compétitives.

    Enfin, dans le cadre de cette stratégie plus positive, si nous trouvons des partenaires intéressés, que les décideurs ont des attentes réalistes quant aux effets commerciaux et économiques possibles de tels accords et qu’il est possible d’en arriver à des arrangements qui renforcent les efforts multilatéraux plutôt que de leur nuire, le Canada pourrait envisager des accords de libre-échange globaux avec quelques marchés émergents importants.

    Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de présenter ces observations. Je serais heureuse de vous donner plus de détails sur n’importe quel point.

¹  +-(1545)  

+-

    Le président: Merci, madame Goldfarb.

    À vous, monsieur Myers.

+-

    M. Jayson Myers (vice-président principal et économiste en chef, Manufacturiers et exportateurs du Canada): Merci beaucoup.

    J’ai le plaisir de vous présenter les vues des Manufacturiers et Exportateurs du Canada (MEC), la principale association commerciale et industrielle du pays. Notre mandat consiste à promouvoir la compétitivité des manufacturiers canadiens et à faciliter la réussite des exportateurs de biens et services canadiens dans le monde entier.

    Les membres de notre association représentent I’ensemble des secteurs manufacturiers et des exportateurs du Canada. Ils sont surtout constitués de petites et moyennes entreprises. Ensemble, nos membres représentent environ 75 p. 100 de la production industrielle totale du Canada et 90 p. 100 des exportations nationales.

    Pour ceux d’entre vous qui ne le savent peut-être pas, notre association a vu le jour en 1996 par suite de la fusion de l’Association des manufacturiers canadiens et de l’Association des exportateurs canadiens. L’Association des manufacturiers canadiens avait été créée en 1871 dans le seul but de combattre le libre-échange et de protéger l’industrie canadienne. L’Association des exportateurs canadiens a été formée dans les années 40 dans le seul but d’ouvrir les marchés mondiaux aux entreprises canadiennes. Je dois dire qu’en 1996, au moment où les deux tiers des biens manufacturés canadiens étaient exportés et où 60 p. 100 de ces exportations étaient destinées aux États-Unis ou transitaient par les États-Unis, les intérêts des deux groupes étaient devenus vraiment très proches. Cette situation reflète les changements qui s’étaient produits aussi bien parmi les exportateurs que dans les secteurs industriels du Canada.

    Je crois d’ailleurs que nous abordons une autre période de profonde restructuration de l’industrie canadienne, qui doit maintenant relever les défis d’une économie mondialisée et tirer parti des perspectives d'un marché mondial.

    Depuis un an, les MEC ont tenu de nombreuses rencontres de discussion partout dans le pays afin de définir une vision à long terme de I’industrie manufacturière au Canada. Nous avons parlé aux chefs de la direction et aux cadres supérieurs de plus de 900 entreprises manufacturières du Canada. Plus de 2500 dirigeants communautaires ont participé à nos discussions portant sur les défis, l’avenir de l’industrie canadienne, les mesures à prendre pour lui assurer un avenir prospère et les moyens de répondre à certaines des questions soulevées par l’industrie.

    Dans le cadre de l’initiative Fabrication 20/20, les MEC ont non seulement organisé toutes ces rencontres qui ont probablement réuni quelque 3000 personnes au total, mais ont aussi publié un rapport lors d’une rencontre au sommet tenue à Ottawa au début de février. J’ai fourni au comité un exemplaire du sommaire de ce rapport. Vous trouverez sur notre site Web la version intégrale du rapport Fabrication 20/20—qui comprend la vision de l’avenir du secteur manufacturier et des recommandations—de même que des rapports plus détaillés sur les ressources en main-d’oeuvre, l’innovation et le développement du commerce international.

    J’aimerais aborder aujourd’hui quelques grands thèmes ainsi que les recommandations formulées un peu partout dans le pays non seulement par des manufacturiers, mais aussi par des exportateurs d’autres secteurs, surtout en ce qui concerne les économies industrielles émergentes et l’expansion internationale des affaires. Vous serez sans doute soulagés d’apprendre que je ne lirai pas un rapport complet. Il y a cependant dans ce document un certain nombre de tableaux et de graphiques fondés sur nos discussions et sur notre enquête de gestion auprès de 834 entreprises, qui vous donneront une idée aussi bien des marchés que des économies prioritaires pour l’achat et les investissements ainsi que des contraintes que les sociétés doivent affronter pour exporter et investir à l’étranger.

    Premièrement, il est important de comprendre comment les entreprises évoluent en fonction des défis et des perspectives qui caractérisent les marchés internationaux. Pour les manufacturiers et les exportateurs du Canada, l’avenir est basé sur des clients mondiaux, des réseaux mondiaux, des achats mondiaux et un potentiel mondial d’accès à ce qu’il y a de mieux dans le monde en fait de technologie, de connaissances et de compétences.

¹  +-(1550)  

    Les manufacturiers sont en train de définir un nouveau paradigme pour leur secteur d’activité. Ils doivent le faire parce qu’il est impératif que les stratégies d’affaires évoluent en fonction de l’environnement. La fabrication n’est pas une activité dont la réussite vient du simple fait de produire des biens que I’on essaie de vendre à des clients. Elle doit avoir pour objet de proposer des solutions aux clients et de fournir des services. C’est ce qui crée vraiment de la valeur. La valeur vient non seulement de la transformation de matières premières en produits finis, mais aussi de I’intégration et de l’adaptation du savoir dans une série de services de conception, d’ingénierie, de développement de produits, d’essais et de financement.

    La fabrication n’est plus l’affaire d’entreprises indépendantes. Elle englobe un certain nombre de chaînes d’approvisionnement, de chaînes de valeurs et de réseaux d’entreprises. Ce sont ces chaînes et ces réseaux qui agissent aujourd’hui sur une base mondiale. La fabrication n’est plus une activité nationale ou locale. Elle s’étend aujourd’hui à toute la planète. Les concurrents sont présents dans nos marchés intérieurs comme dans nos marchés d’exportation. Les occasions d’affaires sont maintenant d’envergure mondiale. Les entreprises se procurent des matériaux, des composantes, des produits finis, des services, des connaissances, des compétences, des technologies et des capitaux partout dans le monde. Leurs activités s’étendent au monde entier. Les chaînes de valeurs et les réseaux d’entreprises sont présents partout, et c’est là que s’exerce la concurrence.

    Les grands changements structurels qui se produisent dans le secteur manufacturier nous imposent de nouvelles façons de penser et de nouvelles stratégies de développement du commerce international. Les entreprises n’assimilent plus leurs activités d’exportation à un simple processus de production de biens ou de services qui sont vendus à des clients étrangers. Aujourd’hui, la réussite dans le domaine de l’exportation exige d’offrir à la clientèle étrangère des solutions intégrées alliant les nouvelles technologies, les fonctions personnalisées, les services et les modalités de financement dont elle a besoin, et ce, très rapidement et à des prix compétitifs. Le commerce ne consiste plus simplement à acheter et vendre des biens et des services et à faire des échanges avec d’autres pays. C’est maintenant un réseau complexe multilatéral fondé sur des chaînes de valeurs et des réseaux d’entreprises dans lesquels les activités de vente et d’approvisionnement s’étendent au monde entier.

    On m’a dit l’autre jour qu'une pièce d’aluminium peut traverser cinq fois la frontière Canada-États-Unis avant d’aboutir chez le consommateur. Une pièce de cuivre utilisée dans un véhicule et destinée à un consommateur canadien peut passer par la frontière une quinzaine de fois avant d’être installée dans une voiture. Cela donne une idée de l’intégration du commerce Canada-États-Unis.

    Pendant une visite que j’ai faite à Chengdu, au Sichuan, l’année dernière, on m’a dit que la voiture qui se vendait le plus en Chine occidentale était fabriquée au Canada. Il s’agit en fait de la nouvelle Chrysler construite à Windsor. Les Chinois savaient que c’était une voiture canadienne, mais d’après nos statistiques, nous exportons ce véhicule aux États-Unis. Il ne compte pas dans nos exportations à la Chine.

    Les chaînes d’approvisionnement et les réseaux d’entreprises ne sont plus nécessairement bilatéraux. Les sociétés ou les fabricants canadiens forment des partenariats avec des entreprises chinoises, des ingénieurs indiens, des concepteurs et des financiers européens et américains pour produire et vendre un article sur les marchés du monde, aux États-Unis, au Canada, en Europe et partout où des clients veulent l’acheter.

    Nous devons donc songer à des entreprises mondiales plutôt qu’à de simples échanges commerciaux bilatéraux. Les affaires ne consistent plus à produire et à échanger des choses. Il s’agit plutôt d’avoir des activités partout dans le monde. Nous devons songer à répondre aux besoins de clients mondiaux, à trouver des fournisseurs de produits et de services, à chercher des technologies et des connaissances, à étendre les activités de développement de produits, d’ingénierie et de conception, à contrôler les technologies et la propriété intellectuelle, qui est tellement importante aujourd’hui, à trouver des capitaux, à fournir du service à la clientèle et du financement, à collaborer à des projets innovateurs de R et D et à former des partenariats avec d’autres entreprises, le tout à l’échelle mondiale.

    Voilà en quoi consistera l’avenir des affaires internationales. Voilà sur quoi devraient être concentrées les stratégies du gouvernement et l’attention du public canadien. En ce moment, c’est certainement le point de convergence de l’industrie et des entreprises canadiennes.

¹  +-(1555)  

    J’ai ici un ensemble de tableaux que je n’examinerai pas en détail pour le moment. Ils ont pour but de vous montrer que la majorité des manufacturiers du pays—834 ont répondu à notre enquête, ce qui représente un excellent échantillon statistique—considèrent qu’ils ont affaire à un marché mondial ou nord-américain plutôt qu’à un marché local ou canadien.

    Les tableaux montrent où se situent les grands débouchés et les grandes sources d’approvisionnement pour les entreprises répondantes. Sur les deux plans, les États-Unis, l’Europe, le Mexique, le Japon et la Chine figurent en tête de liste. Cela montre où les entreprises canadiennes envisagent d’investir.

    Je crois que ce genre d’analyse est extrêmement important, car, au lieu de considérer le volume du commerce ou des investissements, il tient compte du nombre d’entreprises présentes dans ces marchés. Nous parlons ici aussi bien des entreprises qui comptent un à dix employés que de nos grandes sociétés, qui sont des chefs de file mondiaux. Cela vous donne une idée de l’intérêt que les entreprises attachent à la recherche de partenaires étrangers pour toutes sortes d’activités, des coentreprises de fabrication aux activités conjointes de conception et de recherche, à l’utilisation de technologies sous licence, au service après-vente et à la désignation d’agents et de distributeurs. Voilà la nature des affaires internationales. Plus tôt nous l’aurons compris, plus tôt nous cesserons de penser aux affaires en fonction de simples exportations et importations, mieux cela vaudra.

    Les manufacturiers et exportateurs canadiens doivent affronter un certain nombre de défis. J’ai inclus ici quelques tableaux qui résument les difficultés que nous avons relevées dans notre analyse de l’année dernière, les contraintes internes liées à la capacité et les contraintes extérieures qui freinent le développement des exportations. Les contraintes extérieures sont celles qui s’exercent dans les marchés étrangers. Toutefois, avant d’exporter, les entreprises doivent affronter beaucoup de contraintes internes liées à la capacité. Celles-ci comprennent les modalités de financement—non seulement pour l’exportation, mais aussi pour l’expansion des affaires, le développement des produits et l’innovation—ainsi que la recherche des compétences nécessaires pour gérer le processus, s’occuper de la conception et choisir le bon produit.

    Le plus grand problème que les entreprises doivent affronter au Canada pour mettre en marché un nouveau produit consiste à trouver des clients. Ce problème est multiplié par le nombre de marchés d’exportation dans lesquels les entreprises cherchent à commercialiser le produit.

    Il existe donc beaucoup de contraintes internes liées à la capacité que doivent affronter les petites entreprises en particulier. Il y a aussi beaucoup de contraintes extérieures pour mettre en marché les produits et surmonter les obstacles à l’investissement.

    Permettez-moi de récapituler.

+-

    Le président: Vous n’avez que dix minutes et vous en êtes déjà à douze.

+-

    M. Jayson Myers: Très bien, je vais terminer en deux minutes.

+-

    Le président: Non, vous n’avez pas deux minutes. Vous avez déjà dépassé de deux minutes votre limite de temps. Vous aurez tout le temps nécessaire plus tard...

+-

    M. Jayson Myers: Très bien, je vais juste dire ceci. Si vous voulez élaborer une stratégie d’affaires pour les marchés étrangers, vous devez commencer par renforcer votre compétitivité sur les marchés intérieurs. Nous devons veiller à une mise en vigueur efficace de la réglementation des exportations et des importations et renforcer le partenariat nord-américain. Nous pourrons ensuite songer à pénétrer de nouveaux marchés et enfin à lancer les activités de promotion complémentaires.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    À vous, monsieur Wheeler.

+-

    M. David Wheeler (professeur au programme Erivan K. Haub des affaires et de la durabilité, Schulich School of Business, Université de York, à titre personnel): Merci beaucoup.

    Bon après-midi, monsieur le président et membres du comité. Merci beaucoup de votre invitation.

    Mes observations ressembleront plus à une conversation qu’à un exposé préparé. J’ai l’intention de parler en particulier des points 2 et 3 de votre document de consultation. Comme je suis spécialisé en responsabilité sociale des entreprises et en viabilité, cela pourrait faire partie des questions qui vous intéressent.

    Je vais commencer par vous donner un bref aperçu de mes antécédents. J’ai fait carrière dans l’industrie de l’eau, notamment en développement international, surtout dans les années 80. Dans le domaine des affaires, j’ai fait partie de l’équipe principale de Body Shop International pendant quelques années. J’appartiens maintenant au milieu universitaire canadien. Comme l’a mentionné le président, mon rôle à l’Université York consiste à diriger le programme des affaires et de la viabilité. Je dirige également un nouvel institut de recherche à l’université, le York Institute for Research and Innovation in Sustainability, au sein duquel les 10 facultés de l’université s’occupent de développement durable.

    Une grande partie de notre travail actuel concerne le rôle du secteur privé dans le développement du tiers monde. Lorsque nous parlons de marchés émergents, nous nous intéressons surtout aux 4 milliards de personnes qui constituent la base de la pyramide économique, ces personnes dont le nombre atteindra 6 milliards dans 20 à 30 ans et qui représentent clairement à la fois un marché et une force de production, pourvu qu’elles puissent participer au marché mondial. Dans nos travaux, nous collaborons avec des organismes tels que la Société financière internationale, qui fait partie de la Banque mondiale, le CRDI et l’ACDI ainsi qu’avec diverses entreprises canadiennes et internationales.

    Nous nous occupons beaucoup aussi des grandes questions liées à la viabilité et à la responsabilité sociale des entreprises. Ces dernières années, nous avons réalisé plusieurs projets qui pourraient intéresser particulièrement votre comité, et surtout un projet de renforcement de l’image de marque du Canada destiné à faire une meilleure promotion des biens et des services canadiens et à mieux les faire connaître dans le monde pour leur valeur intrinsèque, leur innovation, etc.

    Je vais probablement reprendre certains des propos de Jayson sur l’importance des réseaux. Nous considérons que les stratégies d’amélioration du commerce durable relèvent dans une grande mesure de considérations de leadership, mais aussi de la formation de réseaux. Comment pouvons-nous constituer du capital social et renforcer la confiance à beaucoup plus d’endroits, à part les États-Unis où nous nous débrouillons déjà bien?

    Canadien relativement récent, puisque je ne suis ici que depuis six ans, je suis heureux de dire que mon impression du Canada et des entreprises canadiennes est très positive. Je crois qu’il y a vraiment lieu de susciter plus d’engagement au Canada et dans le secteur canadien des affaires en faveur du commerce dans les marchés émergents, surtout les marchés de l’avenir et les 9 milliards de personnes qui compteront sur les entreprises canadiennes pour leur infrastructure, leur eau, leurs installations sanitaires, leurs logements, leurs aliments, etc. Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet.

    Bien sûr, il y a aussi un certain nombre d’obstacles, comme l’a signalé notre collègue de l’Institut C.D. Howe. L’un d’entre eux est le manque de visibilité de certains secteurs et de certaines industries du Canada. Nous avons quelques très grandes sociétés. J’essayais justement hier de trouver combien de ces sociétés forment une sorte de groupe d’élite parmi les entreprises de l’« indice de viabilité » Dow Jones. Ce sont les sociétés qui ont le meilleur rendement économique, social et environnemental. Nous avons 13 sociétés dans ce groupe, ce qui est vraiment remarquable. Toutefois, il est probablement vrai que beaucoup d’Européens et la plupart des Asiatiques trouveraient très difficile de nommer une seule société canadienne.

º  +-(1600)  

    Ils ne songeraient probablement pas à Alcan, en dépit du « can » qui fait partie de ce nom, mais qui sait? Nous avons donc un problème de visibilité, et nous avons intérêt à renforcer notre image de marque et à nous créer une sorte d’auréole.

    Nous avons de grandes sociétés qui sont des chefs de file. Je suis heureux de noter que beaucoup d’entre elles font partie des Manufacturiers et Exportateurs du Canada. Nous avons aussi un plus grand nombre de sociétés qui manquent un peu d'imagination. Vous avez peut-être vu dans le Globe and Mail d’aujourd’hui la liste la plus récente des sociétés canadiennes les plus respectées. Je constate avec plaisir que la Banque de la Nouvelle-Écosse en fait partie.

    Certaines de ces sociétés ne se font pas beaucoup remarquer par leurs activités dans ce que j’appelle l’entreprise viable, c’est-à-dire l’entreprise qui a une présence mondiale et qui a une valeur économique aussi bien que des valeurs sociales et environnementales. Il y aurait donc lieu de mobiliser davantage toutes nos grandes sociétés, pas seulement les plus connues comme Alcan, Dofasco et Suncor.

    Nous avons en outre certains défis dans la société civile. En effet, beaucoup des organisations de notre société civile sont très positives et proactives dans leur action pour encourager les meilleures entreprises canadiennes à l’échelle internationale, mais nous en avons aussi qui ne manifestent pas le même enthousiasme. Nous avons vu ce qui est arrivé à Talisman au Soudan et à EnCana en Équateur. C’est un énorme malentendu, mais il fait du tort au Canada car il incite quelques-unes de nos grandes sociétés à reculer, à éviter les marchés difficiles et à se cantonner dans les marchés intérieurs où elles se sentent en sécurité.

    Nous devons chercher à modifier notre façon de penser, la manière dont les organisations de la société civile considèrent et influencent les entreprises. Je présenterai plus tard quelques idées sur la façon d’y arriver.

    Il faut dire en outre que nos organismes gouvernementaux ne sont pas tous parfaitement organisés pour appuyer les entreprises canadiennes dans leurs initiatives et leurs activités d’expansion, qu’il s’agisse d’entreprises viables ou ordinaires. Nous semblons actuellement pris dans un cycle négatif sur le plan de la confiance en soi. Cela a suscité une sorte de culture de la vérification qui nous amène toujours à chercher ce qui ne va pas plutôt que de nous concentrer sur ce qui marche bien. Je crois que les ministères peuvent jouer un grand rôle dans la solution de ce problème.

    En définitive, l’entrepreneuriat est un acte de création, d’innovation. Il ne s’agit pas de suivre des règles, des lignes directrices et des codes de conduite, même si ceux-ci peuvent être importants. Il nous arrive de ne pas trouver un juste équilibre, et d’insister beaucoup plus sur le respect de règles et de normes plus ou moins favorables aux affaires que sur l’innovation, le commerce et les bonnes occasions d’affaires dans le monde.

    Il y a des occasions immédiates et d’excellentes choses qui se font actuellement. Par ses délibérations, le comité pourrait les encourager. Premièrement, je voudrais attirer l’attention sur le fait que les Canadiens appuient sans réserve l’entrepreneuriat durable, qui laisse sa marque dans le monde et fait efficacement rayonner les valeurs canadiennes. Nous avons fait certains travaux l’année dernière et avons chargé Environics d’en faire d’autres pour examiner les attitudes canadiennes envers les entreprises qui font preuve de responsabilité sociale et environnementale dans le monde. Neuf Canadiens sur dix donneraient leur appui à une initiative de promotion du Canada et des entreprises canadiennes pour leur responsabilité sociale. J’ai bien dit neuf Canadiens sur dix.

    Nous avons de nombreuses grandes ONG qui se montrent très proactives à cet égard. Je ne mentionnerai ici qu’une seule, CARE Canada, qui fait du travail très innovateur en Afrique et ailleurs, de concert avec les entreprises canadiennes, afin de profiter du travail réalisé à l’échelle communautaire en faveur des entrepreneurs locaux et aussi des débouchés commerciaux de nos sociétés.

    Nous avons quelques grands organismes de recherche. Je sais que le comité s’intéresse à la façon de promouvoir les liens de recherche, etc. Personnellement, je tiens à rendre un hommage particulier au CRDI, qui fait un travail extraordinaire dans ce domaine et qui a récemment organisé une conférence sur la libération de l’entrepreneuriat, à laquelle ont assisté une centaine de personnes venant de différents pays du monde et représentant des entrepreneurs, des sociétés canadiennes ainsi que les Manufacturiers et Exportateurs du Canada. Tous ces gens avaient un objectif commun, celui de déterminer comment améliorer le commerce et notre compréhension de l’entrepreneuriat dans le Sud, dans le monde en développement, dans les marchés émergents et ici.

º  +-(1605)  

    Bien sûr, nous avons ici beaucoup de grandes sociétés, pas seulement celles que j’ai mentionnées, mais quelques filiales de multinationales. Nous avons donc d’excellentes sociétés canadiennes qui souhaitent en faire plus dans ce domaine, de même que des filiales de sociétés américaines et européennes. Unilever Canada et DuPont Canada en sont d’excellents exemples. Ce sont des sociétés très engagées qui manifestent une grande responsabilité sociale et qui pourraient en faire davantage pour faire connaître le Canada.

    Enfin, certains d’entre vous savent sans doute que le premier ministre Paul Martin et le président Ernesto Zedillo ont écrit pour les Nations Unies, il y a environ un an, un rapport intitulé Libérer l’entrepreneuriat. Vous avez donc en un sens un imprimatur venant de haut, si vous voulez l’utiliser.

    Pour conclure, je voudrais dire qu’il s’agit là d’un programme de leadership, de capital social et de renforcement de la confiance et de l’image de marque. Nous avons vraiment besoin d’un leadership plus visible et d'une plus grande confiance en soi de la part des politiciens, des organismes gouvernementaux et des entreprises elles-mêmes. Je crois en outre qu’il est possible de faire le lien entre certains des excellents réseaux qui se forment au Canada et quelques-uns des réseaux les plus importants qui apparaissent dans le monde en développement et les marchés émergents.

    Pour reprendre encore une fois les propos de Jayson, nous savons que la création de réseaux ajoute de la valeur. Par conséquent, vos missions commerciales actuelles—dans le cadre desquelles vous mettez dans un avion le plus grand nombre possible de personnes, représentant toutes sortes d’industries, pour les envoyer à l’étranger établir des contacts au hasard avec des gens rencontrés au hasard—ne sont pas très efficaces. La bonne façon d’agir consiste à lancer des initiatives sectorielles. Vous pouvez par exemple prendre un groupe de cadres d’entreprises pétrolières coiffé par le premier ministre ou un autre dirigeant de haut niveau pour l’envoyer au Venezuela, où beaucoup de choses se passent évidemment dans le domaine du pétrole et du gaz et où vous aurez des réseaux très denses chevauchant d’autres réseaux aussi denses. Vous mettrez ainsi en contact des sociétés pétrolières canadiennes et des sociétés pétrolières locales pour arrondir les angles. Il en est de même pour les banques et d’autres secteurs.

º  +-(1610)  

+-

    Le président: Pouvez-vous résumer, s’il vous plaît?

+-

    M. David Wheeler: Oui.

    Ce serait un bon exemple de leadership ou d’acte symbolique qui pourrait être adopté.

    Pour revenir au renforcement de l’image de marque, nous devons aussi affronter le problème de la visibilité. Il y a eu une sorte d’initiative stratégique destinée à sensibiliser le monde aux entreprises canadiennes et à la valeur ajoutée qui résulte de la façon éthique dont ces entreprises mènent leurs activités dans le monde. Dans un monde où on se méfie de plus en plus des grandes multinationales, nous avons une occasion à saisir parce que nous n’avons pas à porter le fardeau de critiques que les multinationales d’autres pays se sont attiré.

    Je vais m’arrêter ici, monsieur le président. Je serais maintenant heureux de répondre à vos questions.

+-

    Le président: Je voudrais vous dire en toute équité, monsieur Wheeler, que vous avez eu vous aussi 12 minutes.

    À vous, monsieur Rooney.

+-

    M. Patrick Rooney (vice-président principal, Financement du commerce international et Relations avec les correspondants, Banque Scotia): Bon après-midi. Je vous remercie de votre invitation.

    Permettez-moi d’abord de me présenter. Je suis premier vice-président, Financement du commerce international et Relations avec les correspondants, à la Banque Scotia. J’ai passé 17 ans dans la division des opérations internationales de la banque, dont 14 à l’étranger, dans les Antilles et en Asie. Plus récemment, j’ai été vice-président, Chine élargie, en poste à Hong Kong et à Taïwan. Je suis rentré au Canada il y a environ 14 mois.

    Je voudrais présenter quelques renseignements sur la présence internationale et l’expérience de la Banque Scotia, de façon à mettre mes observations en contexte. Nous sommes la plus internationale des banques canadiennes, avec quelque 48 000 employés, dont 20 000 travaillent à l’étranger, et plus de 1800 succursales et bureaux dans une cinquantaine de pays. L’année dernière, notre division des opérations internationales a réalisé un revenu net de près de 750 millions de dollars, qui représente environ 30 p. 100 des revenus totaux de la banque. Aucune autre banque canadienne et peu de banques du monde ont une envergure mondiale équivalente.

    Dans les Antilles, où nous avons établi notre première succursale en Jamaïque en 1889, nous sommes la banque la plus importante. Nous avons des activités dans 25 des 27 pays de la région. Nous sommes la cinquième banque commerciale en importance au Mexique et la seule banque canadienne dans ce pays. Il s’agit là de notre plus grande initiative à l’étranger.

    La Banque Scotia est aussi la plus importante banque internationale en Amérique centrale, où nous sommes présents dans quatre des sept pays. De toutes les banques canadiennes, nous sommes la plus présente en Amérique latine, avec des activités au Venezuela, au Chili et au Pérou et un bureau de représentation au Brésil.

    La Banque Scotia a également fait de grandes percées dans l’ensemble de l’Asie, où elle compte des succursales dans 10 pays. Ainsi, nous avons des activités depuis plus de 20 ans en Inde et en Chine, où nous sommes toujours à l’affût de nouvelles occasions de croissance. En Chine, par exemple, nous venons de faire un investissement conjoint avec la Société financière internationale dans la Xi’an City Commercial Bank. En Inde, plus grand marché mondial de l’or, la Banque Scotia a été l’un des principaux intervenants dans le commerce de l’or. Plus tôt cette année, nous avons acquis un intérêt minoritaire dans la Bank of Punjab, qui détient une licence nationale en Inde.

    Nous considérons comme importants tous ces marchés et beaucoup d’autres où nous fournissons des services sans être présents sur place. Ils jouent un rôle fondamental dans notre réussite actuelle et occupent une place importante dans nos plans futurs de croissance.

    Prenons le Mexique, par exemple. Ce pays a une population d’environ 100 millions d’habitants, dont presque la moitié est âgée de moins de 22 ans, et possède une classe moyenne grandissante. C’est aussi un pays sous-bancarisé, les prêts ne représentant que 20 p. 100 du produit intérieur brut. Comme l’Inde et la Chine, c’est un marché que nous jugeons très prometteur sur le plan de la croissance future.

    En ce qui concerne les principaux domaines d’intérêt du sous-comité, le gouvernement du Canada a accordé une attention particulière aux marchés émergents que représentent la Chine, le Brésil et l’Inde. Ce sont également des marchés clés pour la Banque Scotia. Nous croyons cependant que le Mexique doit figurer en tête de liste pour le Canada, pour les raisons que je viens de mentionner et à cause des liens solides qu’il entretient actuellement avec le Canada dans le cadre de la l’ALENA. Le Canada doit aussi se concentrer sur les marchés émergents des Antilles, de l’Amérique latine et de l’Asie-Pacifique qui, ensemble, offrent vraiment les meilleures perspectives de croissance pour les entreprises canadiennes.

    Pour ce qui est des moyens d’actions les plus profitables pour les entreprises, la Banque Scotia appuie fortement l’approche multivoie adoptée par le gouvernement dans les négociations commerciales, de façon à conclure des ententes à l’échelle multilatérale, régionale et bilatérale. Bien sûr, l’aboutissement du cycle de l’OMC pour le développement est essentiel pour l’avancement des intérêts du Canada. De plus, nous devons intensifier nos efforts, de concert avec nos partenaires de l’hémisphère, en vue de la négociation d’ententes régionales pour les Amériques.

º  +-(1615)  

    Dans cette région, le Canada a déjà des liens solides avec le Mexique, les Antilles et l’Amérique centrale. Nous disposons déjà d’un avantage concurrentiel : nous avons des liens historiques avec cette région et jouerons un rôle spécial en tant que grande économie respectée extérieure aux États-Unis. Nous avons joué des rôles importants dans les marchés en développement de la région, notamment à Haïti et en République dominicaine.

    J’aimerais noter en passant que les États-Unis ont déjà reconnu l’importance des Antilles en mettant sur pied l’initiative dite « de la troisième frontière », qui est axé sur l’économie, la santé, l’éducation, l’application de la loi et la coopération. Cette initiative montre bien que les États-Unis considèrent que les Antilles font partie de l’intégration croissante des économies de l’Amérique du Nord, de l’Amérique centrale de l’Amérique du Sud.

    Pour ce qui est des efforts bilatéraux du Canada, ils peuvent eux aussi s’avérer d’excellents moyens d’atteindre des objectifs multilatéraux, particulièrement dans les marchés émergents. Les accords bilatéraux conclus avec le Chili et le Costa Rica ont donné jusqu’à présent de bons résultats. Toutefois, en règle générale, le Canada devrait veiller à ce que les accords englobent tant les services d’investissement que les services financiers, compte tenu du rôle important qu’ils jouent dans le soutien des activités commerciales à l’étranger. Par exemple, notre entente avec le Chili n’inclut pas le commerce des services financiers et notre entente avec le Costa Rica exclut aussi bien les services que les investissements.

    Par ailleurs, les traités bilatéraux d’investissement constituent certes de bons outils pour protéger les investissements et les droits canadiens à l’étranger. Toutefois, le Canada ne fait pas partie du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, qui relève de la Banque mondiale. Par conséquent, les entreprises canadiennes aux prises avec de tels différends ne bénéficient pas des mesures de coercition efficaces que peut imposer le Centre.

    Quant aux questions du sous-comité concernant le type d’assistance le plus utile aux entreprises et les mesures susceptibles de faire progresser les intérêts canadiens à l’étranger, le Service extérieur du Canada revêt une importance particulière dans les marchés émergents, où les ressources à la disposition des entreprises canadiennes sont limitées. Beaucoup de nos employés ont des relations mutuellement profitables avec les ambassades et consulats canadiens partout dans le monde. J’ai pu m’en rendre compte moi-même pendant que j’étais en Asie, où nous avons beaucoup collaboré avec les consulats à Hong Kong, l’ambassade à Beijing et les diverses missions commerciales.

    M. Wheeler a mentionné les missions commerciales. J’ai participé au grand groupe de 600 membres d’Équipe Canada, ainsi qu’à 10 ou 12 missions plus ciblées. Ces missions ont des avantages et des inconvénients, mais nous estimons, dans l’ensemble, qu’elles sont utiles.

    Enfin, je crois que le Canada devrait concentrer ses efforts sur la création de capacités et l’assistance technique dans les pays en développement, qui ont souvent des difficultés à cause de la faiblesse de leur système et de leurs institutions judiciaires, qui fait obstacle aux investissements. Les programmes visant à envoyer à l’étranger des spécialistes canadiens des secteurs privé et public peuvent contribuer à renforcer les institutions et les systèmes locaux. Je sais, par exemple, que la Banque du Canada a fait des efforts pour aider les responsables de la réglementation en Thaïlande et dans d’autres marchés.

    La conjugaison de ces diverses initiatives peut non seulement intensifiait le flux des échanges commerciaux, mais aussi promouvoir la responsabilité sociale des entreprises et la bonne gouvernance, tout en permettant de s’attaquer aux questions liées à la sécurité mondiale, à la corruption et au terrorisme.

    Pour terminer, je voudrais exprimer l’espoir que le comité reconnaîtra l’importance du renforcement des liens du Canada avec les marchés émergents, particulièrement au Mexique, en Amérique latine et dans les Antilles, de même que partout dans la région Asie-Pacifique. Je crois que ces trois marchés clés sont importants, mais il y en a d’autres à ne pas négliger. J’espère que vous encouragerez également les entreprises canadiennes à profiter des occasions de croissance que présentent ces marchés.

    Je vous remercie de votre attention.

+-

    Le président: Merci, monsieur Rooney.

    Je cède maintenant la parole à M. Menzies pour une période de 10 minutes.

+-

    M. Ted Menzies (Macleod, PCC): Merci, monsieur le président.

    Merci à tous nos témoins. Encore une fois, nous avons eu des renseignements très intéressants. Nous avons en fait reçu une énorme masse d’information de tous les secteurs et, comme homme d’affaires, je trouve le point de vue commercial extrêmement intéressant. Ce sont les gens dont je respecte le plus l’opinion.

    Il y a un certain nombre de points que je voudrais aborder.

    Madame Goldfarb, vous avez beaucoup parlé des ententes bilatérales, des accords de libre-échange et des critères. De quels critères nous servons-nous pour décider quel accord de libre-échange est avantageux? Sur quels critères croyez-vous que nous devons nous appuyer?

+-

    Mme Danielle Goldfarb: Voulez-vous que je réponde, ou bien comptez-vous poursuivre?

º  +-(1620)  

+-

    M. Ted Menzies: Allez-y, je vous en prie. Je poserai une question à la fois. Autrement, je vais manquer de temps.

+-

    Mme Danielle Goldfarb: Pour répondre d’une façon générale à votre question, je dirais, comme vous pouvez le supposer d’après mes observations, qu’il convient de se méfier de tous les accords de libre-échange, qui comportent certains ou plutôt de nombreux inconvénients.

    Pour ce qui est des critères, je suggère de négocier un accord de libre-échange quand l’important coût de la négociation, des études, de la recherche de partenaires adéquats et de la mise en oeuvre de l’accord est à la mesure des effets économiques possibles. Je suis donc d’avis de rechercher des ententes avec les économies importantes, c’est-à-dire les grandes économies ou celles qui revêtent une importance particulière par rapport aux chaînes mondiales d’approvisionnement. La taille de l’économie et son importance par rapport à ces chaînes comptent vraiment.

    Je dirais en outre que les accords eux-mêmes doivent être complets. D’autres témoins ont mentionné qu’il est important d’inclure les services et les investissements. De toute façon, ces ententes ne devraient pas exclure beaucoup de produits car cela diluerait les avantages à en tirer.

    D’un point de vue un peu plus technique, je suggère aussi que les accords de libre-échange se limitent à des exigences simples en matière de règles d’origine. Je ne sais pas si le comité en a entendu parler auparavant, mais tous les accords de libre-échange doivent comporter des exigences quant aux règles d’origine, qui précisent les conditions d’accès en franchise. Si les règles sont hautement restrictives, elles peuvent réduire sensiblement les avantages du libre-échange. Autrement dit, tout en éliminant de nombreux droits et barrières non tarifaires, on pourrait en même temps diluer l’avantage à en tirer si les règles origine sont trop restrictives. Je crois donc que ces règles doivent rester simples et peu restrictives.

    De plus, comme je l’ai déjà noté, nous ne devons pas rechercher des ententes susceptibles de compromettre les processus multilatéraux et régionaux qui sont très importants pour le Canada. Nous devrions plutôt rechercher les ententes qui peuvent renforcer ces processus plutôt que de les affaiblir.

    Je vous remercie.

+-

    M. Ted Menzies: Merci à vous.

    Monsieur Myers, vous avez beaucoup parlé de compétitivité. Avons-nous besoin de conditions préalables? Devons-nous veiller à mettre en place des accords de protection des investissements étrangers pour que nos entreprises, c’est-à-dire les membres de votre groupe, puissent fonctionner en toute sécurité dans ces marchés émergents?

+-

    M. Jayson Myers: Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de conclure de tels accords au préalable pour que nos membres puissent réussir, mais ils peuvent certainement être utiles.

    Je pense que cela nous ramène à certains des points que Danielle et moi avons soulevés. Nous devrions viser des accords commerciaux ou de protection des investissements étrangers qui tiennent compte des contraintes ou des obstacles qui entravent l’accès au commerce et aux investissements. Des sociétés canadiennes sont présentes dans presque tous les pays du monde. Il est donc essentiel d’obtenir des garanties pour les investissements et les droits des investisseurs et de veiller à inclure dans ces accords quelques-unes des barrières non tarifaires qui revêtent maintenant de plus en plus d’importance. Les conventions fiscales sont également importantes. Nous avons des difficultés dans nos relations avec les États-Unis à cause de l’absence d’un accord sur les retenues fiscales, alors que la plupart des autres partenaires commerciaux des États-Unis ont de tels accords.

    Nous avons donc beaucoup de rattrapage à faire en matière d’investissements, d’accords commerciaux traitant des services et des barrières non tarifaires et de conventions fiscales.

º  +-(1625)  

+-

    M. Ted Menzies: Je suis sûr que la protection de la propriété intellectuelle constitue un autre obstacle pour vos membres.

+-

    M. David Wheeler: Plus de produits moulés industriels arrivent aux États-Unis avec la marque « Fabriqué au Canada » que nous n’en produisons chez nous. En réalité, tous ces produits viennent de Chine. Cela se produit au moment même où les douanes canadiennes réduisent le personnel chargé de combattre la contrefaçon à la frontière. Cela peut non seulement nuire à la santé et à la sécurité des sociétés canadiennes, mais aussi compromettre nos relations commerciales avec les États-Unis car les Américains s’inquiètent beaucoup bien sûr de l’intégrité de la frontière. Le Canada figure déjà sur la liste de surveillance du Bureau du représentant américain au Commerce pour ce qui est des produits de contrefaçon et du marquage frauduleux. Si nous ne faisons pas quelque chose pour arrêter ce trafic, les Américains vont le faire à la frontière canado-américaine, nuisant ainsi à une grande partie du commerce légitime canadien.

+-

    M. Ted Menzies: Cela est très intéressant. Nous n’en avions pas entendu parler auparavant.

    Monsieur Wheeler, vous avez parlé de sociétés sans imagination qu’il faudrait stimuler. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Comment peut-on revitaliser une société qui manque d’imagination?

+-

    M. Patrick Rooney: Je dirais que c’est l’influence des pairs qui intervient dans ce cas. Dans certains secteurs, comme celui du pétrole et du gaz, nous avons observé une retraite générale en matière d’engagement international. Il faudrait donc organiser des activités sectorielles et intersectorielles permettant de montrer des chefs d’entreprises qui prennent l’initiative dans le domaine des exportations. C’est là que le leadership politique peut se transformer en leadership commercial de façon à donner aux gens l’occasion de manifester leurs compétences à l’échelle internationale. C’est un rôle de facilitation que le gouvernement peut jouer. Tout réside, je crois, dans les messages positifs transmis au monde des affaires. Les gens réagissent mieux quand on leur offre des occasions que lorsqu’on les exhorte à faire quelque chose. Encore une fois, rien ne peut remplacer le leadership politique à cet égard. Il faut créer les conditions dans lesquelles la pression des pairs peut jouer au niveau sectoriel et intersectoriel. Je crois que le Conseil canadien des chefs d’entreprises peut assumer un rôle important dans ce domaine, mais il faudra beaucoup l’encourager à le faire.

+-

    M. Ted Menzies: Je vous remercie.

    Monsieur Rooney, j’ai noté ce que vous avez dit au sujet du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements. Je ne connais pas ce centre. Pourquoi n’en sommes-nous pas membres?

+-

    M. Patrick Rooney: Je ne peux pas vraiment répondre à cette question. Le sujet nous intéresse particulièrement en ce moment à cause de nos rapports avec l’Argentine. Nous avons un traité avec l’Argentine qui prévoit deux modes d’arbitrage, dont l’un est justement celui que je viens de mentionner. L’autre consiste à recourir aux Nations Unies. Toutefois, comme le Canada n’est pas membre du Centre international, nous ne pouvons pas recourir à ce mode qui offre de meilleures possibilités. Une trentaine d’autres pays prennent des mesures contre l’Argentine en recourant au Centre, dont le Canada n’est pas membre.

+-

    M. Ted Menzies: Je vois là une faiblesse, qu’il s’agisse de nous, de l’OMC ou de l’ALENA... La faiblesse réside dans un mécanisme de règlement des différends qui s’occupe de toutes sortes de contestations et d’appels. J’ai l’impression que nous sommes souvent perdants dans ces affaires. Ne croyez-vous pas que c’est le cas?

+-

    M. Patrick Rooney: Je n’ai pas d’expérience directe dans ce domaine, mais je crois que toute forme d’arbitrage international implique des processus très longs aussi bien devant les tribunaux que devant des arbitres. Ces processus sont complexes. Comme je n’ai aucune expérience personnelle à cet égard, je ne peux pas vous donner de réponse directe.

+-

    Le président suppléant (L'hon. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.)): Votre temps de parole est écoulé.

    À vous, monsieur Paquette.

º  +-(1630)  

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): D'abord, je voudrais vous dire que vos présentations sont très riches. On va essayer d'en tirer encore plus de jus.

    Monsieur Rooney, dans votre présentation, vous déplorez le fait que notre accord de libre-échange avec le Chili n'inclut pas les services financiers. Ensuite, vous faites allusion à notre entente avec le Costa Rica en disant qu'elle n'inclut pas les services ni les investissements. Or, dans l'Accord de libre-échange Canada—Costa Rica, on fait référence à un accord de protection des investissements étrangers qui existe depuis 1998 et qui est à peu près la même chose que ce qu'on retrouve dans le chapitre 11 de l'ALENA au sujet de la protection des investissements.

    Que voudriez-vous avoir de plus que ces accords de protection des investissements étrangers? Cela ne va-t-il pas assez loin?

    Dans le cas du Costa Rica, on a un accord de protection des investissements. L'Accord de libre-échange Canada—Costa Rica y fait allusion. Il n'y a pas de chapitre à proprement parler, mais il y a un article qui fait référence à cet accord préexistant.

    Y a-t-il une faiblesse que vous voulez qu'on corrige?

[Traduction]

+-

    M. Patrick Rooney: Le principal problème aujourd’hui est que les États-Unis et d’autres pays négocient leurs propres accords bilatéraux. Dans le cas du Chili, par exemple, l’accord récemment conclu s’étend aux services financiers.

    À mesure que d’autres accords sont conclus, notre position s’affaiblit par rapport aux autres pays. Dans le cas du Costa Rica, nous avons des éléments de protection, mais les moyens de mise en vigueur sont faibles. Je crois que le plus important est de se maintenir au même niveau que les pays qui négocient des accords.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: J'ai beaucoup apprécié votre insistance concernant le Mexique, car c'est un problème récurrent dans tout ce qu'on voit. En fait, le Mexique n'existe pas encore dans la politique canadienne. Aujourd'hui, on a rendu public le volet commercial de notre politique internationale, où il y a une toute petite allusion au Mexique. Je pense que ce que vous dites est important. On a là un marché avec lequel on a déjà un accord. On devrait en tirer plus d'avantages qu'on ne le fait actuellement.

    Je m'adresserai maintenant aux Manufacturiers et exportateurs du Canada. Nous sommes souvent en contact avec vos homologues du Québec, dont M. Huot. J'ai beaucoup aimé que vous ayez fait allusion, dans votre présentation, aux problèmes liés au dumping. En effet, on s'ouvre aux autres marchés, mais il ne faudrait pas être complètement naïf.

    Je ne sais pas si vous partagez cette impression, mais il me semble que l'approche actuelle du gouvernement fédéral est qu'il est prêt à laisser tomber des secteurs, tels que le textile, les vêtements, en pensant que d'autres secteurs vont prendre la relève, sans tenir compte de ce que nos concurrents peuvent faire en matière de subventions ou de dumping. C'est la même chose dans le domaine de l'aéronautique, par exemple. On sait que les dépenses militaires sont utilisées à tour de bras, partout dans le monde, pour faire de la recherche en aéronautique. Même les Brésiliens le font.

    Toujours au sujet du volet commercial de la politique internationale qui a été rendue publique ce matin, il y a une phrase qui me semble accréditer la thèse selon laquelle le gouvernement serait prêt à abandonner des secteurs au profit d'éventuels développements. À la page 22 du volet « Commerce » de l'Énoncé de politique internationale du Canada, on fait allusion à l'accord de libre-échange avec la Corée du Sud, qu'on est en train de négocier. On dit:

Certes, le libre-échange gênerait inévitablement certains secteurs canadiens, notamment celui de la construction navale, mais il offrirait des débouchés pour nos exportations traditionnelles et nos produits manufacturés à valeur ajoutée ainsi que pour nos secteurs des services financiers [...]

    Je voudrais poser cette question aux Manufacturiers et exportateurs du Canada. N'avez-vous pas l'impression qu'il y a un peu de fatalisme de la part de quelques fonctionnaires du ministère de l'Industrie et du ministère du Commerce international, qui considèrent que certains secteurs industriels sont appelés à disparaître de toute façon et que ça ne vaut donc pas la peine de les soutenir?

    J'ai également constaté que, dans les crédits, on n'avait pas du tout ajouté d'argent pour le Tribunal canadien du commerce extérieur, alors que la Chine causera énormément de conflits potentiels, à mon avis.

    J'aurais voulu avoir votre réaction à cet égard, car vous êtes l'un des seuls à avoir soulevé, au cours des dernières semaines, le principe selon lequel charité bien ordonnée commence par soi-même.

[Traduction]

+-

    M. Jayson Myers: Vous avez soulevé un certain nombre de points importants, que Danielle a également abordés, du moins en partie.

    Premièrement, nous ne pouvons certes pas laisser tomber un secteur quelconque de l’économie canadienne. Par suite de la restructuration des dernières années, nous avons quelques-unes des meilleures sociétés du monde, même dans les secteurs tels que le meuble, les textiles et les vêtements dont les économistes avaient prévu la disparition après la signature de l’ALENA. À Montréal, les Vêtements Peerless constituent un excellent exemple de société pouvant recevoir une commande spéciale et effectuer la livraison le lendemain, parce qu’elle a réussi à améliorer sa technologie, à innover et à augmenter sa productivité. Par conséquent, en premier lieu, nous ne pouvons renoncer à aucun secteur.

    Deuxièmement, l’industrie et les sociétés peuvent soutenir la concurrence pourvu que les règles du jeu soient équitables. Dans un système commercial équitable, il y a des règles du jeu. C’est la raison pour laquelle nous négocions des accords commerciaux et que nous faisons partie de l’OMC. Nous devons veiller à ce que ces accords soient bien appliqués. Le dumping, les produits de contrefaçon, le marquage frauduleux des produits qui entrent au Canada et les subventions constituent de grands problèmes pour beaucoup d'industries, et pas seulement les textiles et les bicyclettes. Ces problèmes touchent également les secteurs de l’acier et de l’aérospatiale et quelques autres secteurs de haute technologie à grande valeur, qui sont très importants.

    Je n’ai cependant pas l’impression que nous ayons une stratégie concertée pour affronter ces problèmes. Ce n’est pas seulement la Chine, nous avons affaire à l’ensemble des économies industrielles en développement. Comment pouvons-nous y faire face d’une manière efficace? Comment pouvons-nous rationaliser et accélérer le fonctionnement du Tribunal canadien du Commerce international pour permettre à ces sociétés de faire valoir leurs droits? Ces problèmes nuisent non seulement à l’économie canadienne, mais aussi à nos relations avec les États-Unis, parce que les Américains sont en train de prendre des mesures. À moins d’agir d’une façon concertée, cela fera du tort à nos rapports commerciaux avec les États-Unis.

    Vous avez parlé de la Corée du Sud. Je crois que nous devons prendre un certain recul et nous demander quels avantages nous pouvons tirer d’un accord avec la Corée du Sud. Que sommes-nous en train de négocier? Dans ce pays, il est essentiel pour nous de mettre en place un mécanisme efficace pour empêcher le dumping car, dans beaucoup de secteurs, la Corée contribue beaucoup à ce problème. Nous devons mettre en place une stratégie touchant la réglementation. À quoi nous sert d’obtenir une réduction des droits de douane coréens sur les produits de l’automobile si le gouvernement de Séoul impose à ses consommateurs de se soumettre à une vérification fiscale s’ils achètent une voiture étrangère? À moins de régler ce problème, nous n’arriverons à rien en éliminant les droits sur les véhicules étrangers.

    Nous devons agir intelligemment lorsque nous considérons ces accords commerciaux bilatéraux. Nous devons les utiliser comme moyen d’atteindre les objectifs que nous visons dans nos négociations multilatérales.

º  +-(1635)  

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Je ne sais pas si d'autres personnes veulent intervenir sur cet aspect de la question.

    On a l'impression — il y a eu des déclarations dans ce sens — qu'on serait prêt à laisser tomber certains secteurs en espérant que des secteurs à plus forte valeur ajoutée se développent. Je ne sais pas si vous avez cette impression.

[Traduction]

+-

    M. David Wheeler: Je pourrais répondre brièvement à cette question.

    À mon avis, le grand défi pour les sociétés canadiennes est d’améliorer la conception des produits et de faire preuve d’innovation dans ce domaine. Il sera toujours difficile pour nous de soutenir la concurrence dans le domaine des produits de base. Nous devons trouver des moyens d’augmenter la valeur ajoutée des produits canadiens. Nous en revenons toujours à ceci : dans le domaine des produits forestiers, le Canada a des planches à offrir; la Suède, elle, offre IKEA.

    Nous avons bien sûr des sociétés qui fabriquent de très beaux meubles, mais il nous en faut plus. Nous avons besoin de valeur ajoutée sur le plan de la conception. Je crois que c’est une autre stratégie à employer pour affronter le problème de la contrefaçon. En effet, plus votre modèle est bon, plus il est difficile de le copier.

    Bref, rien ne peut justifier l’abandon de certains secteurs. En même temps, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas innover et de ne pas améliorer dans la mesure du possible nos modèles, si nous voulons affronter ce type de contrefaçon.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Je partage tout à fait ce point de vue. Dans l'industrie du textile ou du vêtement, on ne peut pas faire ce que font les Chinois ou les Indiens. D'ailleurs, l'autre jour, Louis Garneau disait qu'il savait très bien que les Chinois copieront dans six mois ce qu'il a produit. Il cherchera donc à vendre, dans six mois, des produits que les Chinois n'auront pas encore copiés.

    Je suis d'accord avec vous, mais en même temps, il faut des programmes adaptés à la recherche et au développement dans des secteurs comme ceux du vêtement, du textile et du meuble, ce dernier ayant bien survécu à l'Accord de libre-échange.

    Je ne sais pas, madame Goldfarb, si vous avez des éléments à ajouter.

[Traduction]

+-

    Mme Danielle Goldfarb: Je vous remercie de me donner l’occasion de présenter quelques observations. J’ajouterai simplement que je suis bien d’accord avec M. Wheeler : les sociétés canadiennes doivent essayer de se placer plus haut dans la chaîne de valeurs pour ne pas avoir à se mesurer à des concurrents internationaux dans les secteurs où ceux-ci sont meilleurs. Je dois cependant dire que dans le commerce, différents pays se spécialisent dans différents secteurs. Comme les deux témoins précédents l’ont dit, cela ne signifie pas que nous pouvons renoncer à des secteurs entiers. Nous devons plutôt chercher à y ajouter de la valeur et à trouver des créneaux de marché ou des domaines de spécialisation dans lesquels nous pouvons livrer une concurrence efficace. Comme partout ailleurs, il est possible que des gens perdent leur emploi et que nous ayons à prendre des mesures d’ajustement à court terme. Bien sûr, nous avons au Canada des filets de sécurité sociale qui nous permettent d’affronter des problèmes de ce genre. D’un point de vue économique, nous pouvons nous attendre à long terme à une hausse de la productivité et du niveau de vie par suite de meilleures perspectives commerciales.

º  +-(1640)  

+-

    Le président: C’est maintenant au tour de M. Eyking.

+-

    L'hon. Mark Eyking: Merci, monsieur le président. Je voudrais aussi remercier tous les témoins d’être venus aujourd’hui.

    J’ai trois questions à poser à nos trois témoins. La première concerne l’image de marque. Vous avez abordé cette question, David, et Jayson a mentionné combien il est difficile aujourd’hui de suivre nos produits quand, par exemple, des voitures construites à Windsor sont expédiées un peu partout dans le monde après être passées de l’autre côté. J’ai eu un entretien intéressant ce week-end avec un courtier qui s’occupe de homard. Je crois que notre réputation a baissé de quelques crans à Boston à cause de la chasse au phoque. Le courtier me disait qu’il songeait à vendre le homard par l’intermédiaire du Maine pour que les gens de Boston pensent qu’il s’agit de homard du Maine. Cela revient à dire que l’image de marque peut jouer dans les deux sens.

    Nous avons accompagné une mission commerciale dans les pays arabes où nous avons bonne réputation. Ils nous aiment bien parce que nous n’avons pas participé à la guerre en Irak. Cette question d’image de marque peut donc devenir très compliquée. Faudra-t-il changer d’approche selon le produit et selon le pays? Cela devient très compliqué si nous vendons des produits à la Chine ou à d’autres pays. Allons-nous baser notre image de marque sur la façon dont nous fabriquons nos produits? Comment aborder cette question d’image de marque?

+-

    M. David Wheeler: Nous travaillons sur ce projet particulier avec un certain Paul Lavoie, de concert avec beaucoup d’autres organismes, entreprises, universités, etc. Paul, qui dirige la société Taxi Advertising and Design, a une bonne façon de caractériser cela : l’image de marque est une promesse. Elle crée une auréole autour de ceux qui en font partie. Cette définition me convient parfaitement, en fonction de l’expérience que j’ai acquise chez Body Shop International. Nous avions des activités dans 50 pays, dont le Canada bien entendu. Vous avez bien raison, l’image de marque peut se refléter d’une manière différente, d’une façon plus nuancée dans différentes cultures et différents pays, mais elle reste essentiellement la même. Et l’essence de l’image de marque canadienne devrait évoquer le travail bien fait, qui est en même temps empreint de responsabilité sociale et environnementale.

    Ce genre d’image de marque nous permettrait d’aller loin dans beaucoup de marchés internationaux, en Europe et ailleurs. Je crois qu’il y a des moyens d’en garder l’essentiel sans qu’elle soit exactement la même dans chaque marché. L’intérêt de la chose, c’est que ce genre d’auréole vous permet de bénéficier de toutes sortes d’avantages simplement parce que vous êtes Canadien. Aujourd’hui, par contre, comme je l’ai déjà dit, la plupart de nos sociétés sont invisibles, n’étant associées à aucune image de marque. Elles doivent donc se débattre pour concurrencer les grandes entreprises américaines et européennes sans bénéficier de cette auréole. Je n’ai pas de doute que nous avons la capacité de projeter ce genre d’image de marque et de le faire d’une façon efficace. Beaucoup d’entreprises canadiennes en profiteraient car les gens se diraient : si c’est canadien, c’est un bon produit qui a été fait dans le respect des valeurs sociales et de l’environnement. Le Canada sera également associé à des produits intéressants, innovateurs, d’une qualité et d’une conception supérieures.

    Le problème, pour reprendre les paroles de Paul, c’est que la plupart des gens ne pensent à rien de particulier quand ils entendent le mot « Canada ». Ce mot n’évoque pour eux aucune image, aucune innovation, aucun chef de file à la réputation extraordinaire de responsabilité sociale. Ces choses ne viennent pas à l’esprit des gens. Nous devons faire en sorte qu’ils y pensent.

+-

    L'hon. Mark Eyking: Si nous devons aider les sociétés, il faudra le faire presque secteur par secteur. Par exemple, j’ai découvert que nous avons beaucoup d’éleveurs de canard, qui vendent leur production au Mexique. Il faudrait presque les laisser faire leur propre promotion et former un partenariat avec eux, parce qu’on ne peut pas comparer la vente des canards du Québec à la vente des voitures de Windsor. La promotion à faire est tout à fait différente. Chaque secteur a sa propre façon de faire.

    Ma seconde question porte sur le secteur des banques. La réglementation en Amérique latine et en Asie-Pacifique est-elle différente de celle du Canada? Les pays de ces régions ont-ils des règles régissant les fusions, ont-ils des dépôts minimums? Les secteurs bancaires des différents pays sont-ils très différents les uns des autres?

º  +-(1645)  

+-

    M. Patrick Rooney: C’est vraiment très varié. Par exemple, en Inde, en Chine et en République dominicaine, où nous avons des succursales, il y a certaines restrictions sur notre utilisation du capital du siège social. Les responsables de la réglementation dans ces pays nous demandent d’avancer du capital, ce qui est semblable à ce que nous faisions en vertu de l’ancienne réglementation canadienne.

    Pour comparer vraiment avec le Canada, il faudrait mentionner les restrictions sur l’investissement étranger. Le plafond chez nous est de 20 p. 100. En Inde, c’est 5 p. 100 et en Chine 15 p. 100 pour tout actionnaire. Il y a donc des éléments communs.

    Au Mexique, il n’y a qu’une seule banque qui n’appartient pas à des intérêts étrangers. Le marché est très ouvert, ce qui découle probablement de la crise bancaire que les Mexicains ont connue dans les années 90. L’éventail est donc très vaste.

    Le plus grand obstacle, pour nous, est l’accès au marché, le capital. En Inde, dans les dernières années, les exigences ont progressivement diminué et ont été resserrées. Quelques modifications ont été apportées à la réglementation.

    Pour accéder à l’OMC, la Chine s’est engagée à ouvrir son marché. Elle a tenu ses engagements, mais a introduit parallèlement de nouveaux contrôles, comme des restrictions sur les prêts, ce qui fait que le marché se referme en même temps qu’il s’ouvre. Comme vous pouvez le constater, c’est très varié.

+-

    L'hon. Mark Eyking: Les pourparlers de l’OMC ont donc pour but de faciliter la circulation de l’argent dans le monde.

    Ma dernière question porte sur les perspectives du marché international. Vous avez parlé d’une forte baisse. Qu’entendez-vous par là? Il y a eu une assez forte diminution aux États-Unis. Cela se produirait-il dans 10 ans, dans 5 ans?

+-

    M. Jayson Myers: Il s’agit des résultats de notre enquête de gestion. Nous avons demandé aux sociétés si elles s’attendaient à étendre leurs opérations dans leurs marchés respectifs d’ici cinq ans. La baisse que nous avons constatée ne signifie pas nécessairement que les sociétés auront moins activités ou envisagent de les réduire. Elle peut indiquer que moins d’entreprises s’attendent à connaître une forte croissance dans ces marchés au cours des cinq prochaines années.

+-

    L'hon. Mark Eyking: Chrysler pourrait dire par exemple : « Nous avons de la chance de maintenir notre marché aux États-Unis, mais nous allons étendre nos activités en Chine. »

+-

    M. Jayson Myers: Exactement.

º  +-(1650)  

+-

    L'hon. Mark Eyking: Dans l’ensemble, croyez-vous que nous augmenterons assez considérablement nos activités à l’étranger dans les 10 prochaines années? Les gens semblent-ils optimistes?

+-

    M. Jayson Myers: Je crois bien que oui.

    Je crois que nous aurons toujours d’excellentes occasions aux États-Unis et en Europe, mais de plus en plus de sociétés croient pouvoir en trouver davantage dans d’autres marchés, comme la Chine, l’Inde, le Brésil, le Moyen-Orient, l’Amérique latine et les Antilles. Ces régions sont donc importantes. Ne perdez pas de vue non plus qu’une très grande partie de ce que nous vendons dans le monde est distribuée par l’entremise des États-Unis. Par conséquent, le fait que nous brassons beaucoup d’affaires avec notre principal partenaire commercial n’a rien qui sort de l’ordinaire. Toutefois, nous avons des sociétés qui veulent cibler des pays extérieurs à l’Amérique du Nord, pensant y trouver des occasions de vente, mais aussi des possibilités d’investissement et d’achat.

+-

    L'hon. Mark Eyking: S’agit-il de grandes ou de petites sociétés? Sont-elles toutes membres de votre association?

+-

    M. Jayson Myers: Il est intéressant de noter que les entreprises les plus ambitieuses sont celles qui ont un effectif compris entre 200 et 500 personnes. Ce sont donc des sociétés en croissance, des entreprises de taille moyenne qui disposent des ressources nécessaires pour s’étendre.

    Je serais très heureux d’envoyer au comité un exemplaire du rapport complet.

+-

    Le président: C’est maintenant au tour de M. Peter Julian.

+-

    M. Peter Julian (Burnaby—New Westminster, NPD): Merci, monsieur le président.

    Je vous remercie pour vos exposés.

    J’ai une ou deux questions à poser à chacun d’entre vous. Je commencerai par Mme Goldfarb.

    Vous avez mentionné que les accords bilatéraux de libre-échange ne rapportent pas grand-chose, du moins à long terme. Je me demande si l’Institut C.D. Howe a étudié les accords bilatéraux du Canada avec le Costa Rica, Israël et le Chili et quels sont les résultats de ces études.

+-

    Mme Danielle Goldfarb: Je m’excuse, je crois que j’ai dit que les avantages à tirer de la libéralisation du commerce multilatéral sont importants, mais je n’ai pas vraiment saisi votre question.

+-

    M. Peter Julian: Vous avez parlé des accords bilatéraux de libre-échange. J'ai peut-être mal compris, mais j’ai eu l’impression de vous entendre dire que nous devions avancer prudemment parce que ces accords n’ont pas les mêmes avantages que les ententes multilatérales. Ma question portait sur les trois accords bilatéraux de libre-échange comme nous avons actuellement. L’Institut C.D. Howe a-t-il étudié les résultats de ces ententes?

+-

    Mme Danielle Goldfarb: L’Institut C.D. Howe n’a pas lui-même réalisé des études sur ces trois accords. Il a fait de nombreux travaux sur l’Amérique du Nord, l’ALENA et l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis et continue à faire des recherches pour déterminer ce qui va se passer maintenant. Je sais que le gouvernement vient de lancer une initiative de sécurité et de prospérité. Par conséquent, de quoi pouvons-nous avoir besoin entre le Canada et les États-Unis ainsi qu’entre le Canada, les États-Unis et le Mexique? Je dirais que l’Institut concentre ses efforts sur ces sujets. Comme il est relativement petit et qu’à mon avis, nos accords avec le Chili, Israël et le Costa Rica sont en fait très marginaux, je ne crois pas que l’Institut en fera l’étude. Si vous considérez ces accords dans le contexte des intérêts canadiens, vous devrez reconnaître qu’il s’agit de pays avec lesquels nos échanges en matière de commerce et d’investissement sont vraiment très petits. Nos échanges en matière de commerce et d’investissement avec le Mexique et les États-Unis sont de loin, de très loin plus importants. Je soutiens en outre que les économies des marchés émergents dont nous avons parlé—la Chine, l’Inde et le Brésil—sont également beaucoup plus importantes dans l’optique des intérêts économiques du Canada.

    Je dirai donc que je ne m’attends pas à ce que le Canada tire des avantages sensibles de ces ententes, mais nous ne les avons cependant pas étudiées.

+-

    M. Peter Julian: Je comprends. Je voulais simplement savoir si votre point de vue se base sur des données comparatives fondées sur nos accords bilatéraux existants ou bien sur des principes généraux. J’ai maintenant l’impression que vos observations sont d’une nature assez générale.

+-

    Mme Danielle Goldfarb: Oui, elles sont d’ordre général.

    Je crois en outre que ces accords comportent des règles d’origine restrictives qui diluent les avantages que nous pourrions tirer de l’élimination des droits de douane. Par conséquent, les avantages sont déjà moindres que ceux qu’on attendait, et nous avons commencé par des pays avec lesquels nous n’avons pas d’importantes relations parce que ce sont des économies relativement petites.

+-

    M. Peter Julian: C’est très bien, je vous remercie.

    Monsieur Myers, j’ai remarqué dans vos notes que les Manufacturiers et Exportateurs du Canada représentent actuellement 18 p. 100 du PIB canadien. Pouvez-vous me dire quel était ce pourcentage il y a 20 ans?

º  +-(1655)  

+-

    M. Jayson Myers: Le pourcentage a augmenté dans les 20 dernières années. Il s’est maintenu aux alentours de 16 à 18 p. 100, ce qui est très différent de la situation aux États-Unis où le secteur de la fabrication a perdu du terrain sur le double plan de la part de l’activité économique totale et de la part du nombre total d’emplois.

    Au Canada, après la signature de l’accord de libre-échange, la fabrication a compté, pendant toute la décennie des années 90, parmi les secteurs qui ont connu la plus forte croissance dans l’économie canadienne. Autrement dit, grâce à sa croissance rapide, l’industrie est passée, dans les 15 dernières années, de 16 à 20 p. 100 du PIB. C’était une période pendant laquelle le cours du dollar était en baisse. La grande question qui se pose aujourd’hui est bien sûr ce qui arrivera avec un dollar sensiblement plus fort qu’il ne l’était dans les 15 dernières années.

+-

    M. Peter Julian: Pour votre association, de quelle façon cette évolution s’est reflétée sur les emplois, aussi bien qualitativement que quantitativement?

+-

    M. Jayson Myers: Dans le secteur même de la fabrication, nous avons atteint un record en juillet 2003 avec un peu plus de 2,3 millions d’emplois directs. Ne perdez pas de vue que pour chaque dollar dans la fabrication, vous obtenez deux dollars dans les autres secteurs de l’économie, que ce soit dans le secteur primaire ou dans celui des services. On peut dire en gros, pour chaque emploi dans la fabrication, qu’il y en a deux ailleurs qui en dépendent. L’emploi dans notre secteur a baissé d’environ 60 000 depuis septembre dernier, surtout par suite du dernier cycle de hausse du dollar. Nous sommes à des niveaux record pour ce qui est de l’emploi, mais, encore une fois, on se demande ce qui arrivera plus tard cette année.

+-

    M. Peter Julian: Suivez-vous d’une façon quelconque les salaires moyens dans...

+-

    M. Jayson Myers: Le salaire moyen est de 26 p. 100 supérieur à la moyenne nationale. De plus, 95 p. 100 de nos emplois sont à temps plein. La fabrication est donc un secteur très important de l’économie.

+-

    Le président: Voilà d’excellentes questions et réponses.

+-

    M. Peter Julian: Merci beaucoup, monsieur Myers.

    Monsieur Wheeler, vous avez abordé la question de la responsabilité sociale des entreprises. Je m’intéresse particulièrement aux marchés émergents et à la question des droits de la personne. Lorsque nous parlons en général du commerce, comment pouvons-nous nous en servir pour promouvoir les droits de la personne dans les pays où ils ne sont pas respectés?

+-

    M. David Wheeler: J’ai dit dans mon exposé préliminaire que les règles, codes et lignes directrices ont sensiblement moins de valeur que les modèles de comportement, l’excellence du rendement et une bonne image de marque. Il est évident cependant que dans le cadre de certains régimes, il y a des normes juridiques et autres qui doivent être respectées. Il y a certains pays avec lesquels il est très difficile de faire le commerce en ce moment à cause de la nature odieuse du régime au pouvoir. Il y a aussi des endroits avec lesquels nous avons des relations commerciales de toute façon par suite d’un impératif économique.

    Ce sont des questions difficiles, mais je reviens encore une fois à l’importance du leadership, de la formation de réseaux et du renforcement de la confiance par leur intermédiaire. Je crois que la plupart des entreprises et des ONG qui suivent la situation en Chine croient que l’engagement est la seule façon de progresser. C’est seulement par des entretiens et de la compréhension qu'on peut essayer d’améliorer le respect des droits de la personne. Il est clair néanmoins que les droits humains d’une région du monde ne sont pas considérés comme tels dans d’autres régions. Je crois donc qu’il n’y a pas...

+-

    M. Peter Julian: Nous pouvons sûrement convenir que certaines choses relèvent clairement des droits de la personne dans le monde.

+-

    M. David Wheeler: Exactement.

    Il existe certains attributs universels...

»  +-(1700)  

+-

    M. Peter Julian: Le travail forcé, la torture en prison, les meurtres fondés sur la race.

+-

    M. David Wheeler: Vous constaterez que tout le monde s’entend sur ces questions, mais non sur une mise en oeuvre absolue. Il y a néanmoins d’autres dimensions, plus contestées, des droits de la personne. Par conséquent, je crois que ces droits doivent jouer un rôle dans les discussions et les négociations commerciales et qu’il y a lieu, en dernier recours, de se retirer des marchés où les abus dépassent le niveau du tolérable.

    J’estime aussi que nous avons besoin d’engagement, de discussions et de dialogue sur le sens de la valeur sociale et de la contribution au capital humain, c’est-à-dire à la protection des travailleurs, que ce soit sur le plan de la sécurité ou autrement. Voilà un domaine dans lequel les sociétés canadiennes ont un rôle spécial à jouer. En effet, si nous établissons clairement les principes que défendent les entreprises canadiennes, si nous démontrons qu’il est possible de défendre ces principes tout en créant de la valeur, en adoptant et en établissant des normes élevées en matière sociale et environnementale, nous aurons créé un cercle vertueux. Grâce aux modèles de comportement, le Canada, les organismes canadiens et les sociétés canadiennes en particulier peuvent beaucoup contribuer dans ce domaine.

+-

    M. Peter Julian: Combien de temps me reste-t-il?

+-

    Le président: Vous pouvez poursuivre, monsieur.

+-

    M. Peter Julian: Même question pour vous, monsieur Rooney.

    Vous avez parlé de soutien de l’infrastructure, de création de capacités et d’assistance technique dans les autres pays du monde et dans les marchés émergents. J’aimerais parler des droits de la personne. Vous avez mentionné la responsabilité sociale des entreprises. Comment pouvons-nous aborder la question des droits de la personne dans nos relations commerciales avec les marchés émergents?

+-

    M. Patrick Rooney: Nous choisissons très soigneusement les personnes et les marchés avec lesquels nous allons traiter. La responsabilité sociale fait partie de nos valeurs de base. C’est ainsi que nous concevons les affaires dans tous nos marchés. Nous appliquons partout les mêmes normes. Il est vrai qu’il y a partout des choses qui se passent. Même au Canada, nous avons des ateliers de misère. C’est une chose qu’il faut affronter au cas par cas. Il faut faire enquête. Nous devons connaître nos marchés et veiller à appliquer nos politiques d’une façon cohérente partout dans le monde.

+-

    M. Peter Julian: Voulez-vous dire par là que la banque évalue les investissements, du moins en partie, en fonction des droits de la personne et décide en conséquence de ne pas s’établir dans certains marchés?

+-

    M. Patrick Rooney: Je siège au Comité international du crédit. D’importantes transactions venant de partout dans le monde nous sont soumises pour approbation à Toronto. Nous avons tout le temps des discussions à ce sujet. Par exemple, nous ne traitons pas avec les sociétés qui fabriquent des armes ou des explosifs. Nous appliquons nos politiques. Nous publions un rapport complet sur la responsabilité sociale et nous nous conformons à nos principes.

+-

    Le président: Ce rapport est-il public? Pouvez-vous le transmettre à notre greffier? Nous serions très heureux de l’examiner.

    Vous avez parlé des mécanismes de règlement des différends relatifs aux investissements. Pouvez-vous répéter le nom de l’organisme que vous avez mentionné? Dois-je supposer que cet organisme joue un rôle important dans le règlement des différends? Pouvez-vous nous donner des exemples de différends qu'il a réglés?

+-

    M. Patrick Rooney: Il s’agit du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, qui fait partie de la Banque mondiale. Je peux vous donner l’adresse sur le site de la Banque mondiale. Comme le Canada n’en fait pas partie, nous ne connaissons pas bien ses travaux. Le seul exemple que je puisse citer est le cas de l’Argentine, dans lequel nous recherchons une forme d’arbitrage. En même temps, une trentaine de sociétés étrangères prennent des mesures dans le cadre des règles du Centre international.

+-

    Le président: Pourquoi le Canada n’en est-il pas membre?

+-

    M. Patrick Rooney: Je n’en suis pas sûr.

+-

    Le président: Je suppose que nous sommes membres de la Banque mondiale.

+-

    M. Patrick Rooney: Je ne saurais pas vous le dire.

»  -(1705)  

+-

    Le président: J’ai une question à poser à M. Myers. Jayson, vous avez dit que beaucoup de nos biens manufacturés sont distribués « par l’intermédiaire » des États-Unis. Vouliez-vous dire « aux États-Unis » ou vraiment au pays A, B ou C par l’entremise des États-Unis? Si je pose la question, c’est parce que, dans le contexte des marchés émergents, nous avons entendu des témoins selon lesquels les organismes canadiens... Des représentants d’organisations sino-canadiennes nous ont dit ceci : « Nous voulons avoir des relations commerciales avec le Canada, qui a une image de marque, une réputation de qualité, etc. Cependant, nous obtenons des marchandises canadiennes de différentes sources. » L’une des sources mentionnées est justement les États-Unis.

    Que pensez-vous de cela? Faut-il élaborer une politique ou faire intervenir le gouvernement pour favoriser un rôle proactif, pour vendre directement nos marchandises?

+-

    M. Jayson Myers: De plus en plus de sociétés vendent directement à d’autres pays, mais nous avons depuis longtemps des mécanismes de distribution bien établis aux États-Unis. Beaucoup des produits que nous fabriquons au Canada sont des éléments d’autres produits plus grands. Ils sont donc vendus par l’intermédiaire de réseaux de distribution au gros ou au détail qui se trouvent aux États-Unis. Cela donne aux produits canadiens une portée mondiale.

+-

    Le président: C’est ce que je vise, monsieur, donner aux produits canadiens une portée mondiale. Y a-t-il une bonne raison pour laquelle nous ne pouvons pas, ici même au Canada, donner aux produits canadiens une portée mondiale?

+-

    M. Jayson Myers: C’est exact. Les réseaux canadiens de gros et de détail ne sont d’abord pas aussi étendus que ceux des États-Unis. Ou bien alors les ventes sont faites par l’intermédiaire d’autres clients industriels. C’est une façon intelligente de toucher les marchés mondiaux en formant un partenariat avec une grande société qui a une portée mondiale.

    Les produits canadiens de pointe, qui sont spécialement conçus à des fins particulières, sont de plus en plus souvent vendus directement aux autres pays. Il ne faut pas oublier cependant que la majorité de nos manufacturiers et exportateurs sont de petites entreprises qui n’ont probablement pas les capacités d’une grande société ou même d’une société de taille moyenne pour vendre leurs produits partout dans le monde. Par conséquent, elles cherchent à trouver des partenaires qui leur donnent accès aux marchés, sans pour autant que leurs ventes soient nécessairement comptées dans nos statistiques commerciales.

-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je voudrais vous remercier tous d’être venus et de nous avoir présenté votre point de vue. Cela nous aidera sûrement à établir notre rapport.

    Je vais maintenant suspendre la séance. Nous nous réunirons à huis clos pendant quelques minutes juste après. Nous allons donc dire au revoir à nos témoins le plus rapidement et le mieux possible parce qu’un vote est prévu dans 15 à 20 minutes. De plus, nous devons régler quelques questions internes.

    [La séance se poursuit à huis clos.]