SINT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 20 avril 2005
¹ | 1540 |
Le président (M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.)) |
M. Bernard Courtois (président et directeur général, Association canadienne de la technologie de l'information) |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
Le président |
M. Serge Lavoie (président et directeur général, Association canadienne de l'industrie des plastiques) |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
Le président |
M. Yuen Pau Woo (vice-président et économiste en chef, Fondation Asie Pacifique du Canada) |
º | 1605 |
º | 1610 |
º | 1615 |
Le président |
M. Yuen Pau Woo |
Le président |
M. Yuen Pau Woo |
Le président |
Mme Karen McBride (vice-présidente , Direction des affaires internationales, Association des universités et collèges du Canada) |
º | 1620 |
º | 1625 |
Le président |
M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca) |
M. Bernard Courtois |
º | 1630 |
M. Brian Jean |
M. Bernard Courtois |
M. Brian Jean |
M. Serge Lavoie |
º | 1635 |
M. Bernard Courtois |
M. Brian Jean |
M. Serge Lavoie |
M. Brian Jean |
M. Serge Lavoie |
M. Brian Jean |
M. Serge Lavoie |
M. Brian Jean |
M. Yuen Pau Woo |
M. Brian Jean |
Mme Karen McBride |
º | 1640 |
Le président |
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ) |
M. Bernard Courtois |
M. Pierre Paquette |
M. Bernard Courtois |
º | 1645 |
M. Pierre Paquette |
M. Bernard Courtois |
M. Pierre Paquette |
M. Bernard Courtois |
M. Pierre Paquette |
M. Serge Lavoie |
º | 1650 |
M. Pierre Paquette |
M. Serge Lavoie |
M. Pierre Paquette |
M. Serge Lavoie |
M. Pierre Paquette |
M. Yuen Pau Woo |
º | 1655 |
M. Pierre Paquette |
M. Yuen Pau Woo |
M. Pierre Paquette |
M. Serge Lavoie |
M. Pierre Paquette |
Mme Karen McBride |
M. Pierre Paquette |
Mme Karen McBride |
» | 1700 |
M. Pierre Paquette |
Mme Karen McBride |
M. Yuen Pau Woo |
M. Pierre Paquette |
Le président |
M. Pierre Paquette |
» | 1705 |
M. Yuen Pau Woo |
Le président |
M. Brian Jean |
Mme Karen McBride |
M. Brian Jean |
Mme Karen McBride |
M. Brian Jean |
Mme Karen McBride |
» | 1710 |
M. Brian Jean |
M. Yuen Pau Woo |
M. Brian Jean |
Mme Karen McBride |
» | 1715 |
Le président |
Mme Karen McBride |
Le président |
Mme Karen McBride |
» | 1720 |
Le président |
Mme Karen McBride |
Le président |
Mme Karen McBride |
Le président |
Mme Karen McBride |
Le président |
» | 1725 |
M. Serge Lavoie |
Le président |
CANADA
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 20 avril 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1540)
[Traduction]
Le président (M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.)): La séance est ouverte.
Je voudrais commencer par souhaiter la bienvenue aux témoins qui comparaissent aujourd'hui devant le Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Nous allons donc nous en tenir à notre liste et présenter les témoins.
Je crois savoir que M. Laking de BTI Photonic Systems Inc. arrivera très bientôt. Nous accueillons également, de l'Association canadienne de la technologie de l'information, M. Bernard Courtois, président-directeur général. De l'Association canadienne de l'industrie des plastiques, nous accueillons M. Serge Lavoie, président-directeur général; de la Fondation Asie-Pacifique du Canada, M. Yuen Pau Woo, vice-président et économiste en chef; et de l'Association des universités et collèges du Canada, Mme Karen McBride, vice-présidente, Direction des affaires internationales.
Nous vous souhaitons à vous tous la bienvenue au comité.
Vous allez donc disposer de 10 minutes chacun, et ensuite nous ouvrirons la période des questions.
Vous avez la parole, monsieur Courtois.
M. Bernard Courtois (président et directeur général, Association canadienne de la technologie de l'information): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de l'occasion qui nous est donnée de présenter le point de vue du secteur des technologies de l'information et des communications. Plus d'un demi-million de Canadiens travaillent dans notre secteur, et leur travail consiste à concevoir des systèmes, à fabriquer du matériel, à assurer des services d'experts-conseils, à concevoir des sites Web, et à exploiter des services de télécommunications dans presque toutes les collectivités du Canada.
Notre effectif est significatif, non seulement en raison de son importance—il s'agit effectivement d'un effectif important par rapport à d'autres secteurs d'activité, plus important, par exemple, que celui du secteur automobile—mais en raison du niveau d'instruction des employés. Nous pouvons nous targuer d'avoir l'une des mains-d'oeuvre la mieux instruite de toute l'économie, puisque 38 p. 100 des travailleurs du secteur des technologies de l'information et des communications ont des grades universitaires, comparativement à la moyenne nationale de 20 p. 100.
La ressource solide que constitue cette main-d'oeuvre très instruite nous permet d'apporter à l'économie une contribution bien supérieure à celle d'autres secteurs, dont l'apport à l'économie est plus important, sur le plan de la recherche et du développement. Les compagnies oeuvrant dans le secteur des TIC sont, de loin, la plus importante source d'activité privée de recherche et de développement de toute l'économie. Ces dernières investissent plus de 5 milliards de dollars dans la recherche et le développement chaque année, ce qui dépasse largement la proportion globale de 40 p. 100 pour le secteur privé. Notre contribution est deux ou trois fois plus importante que la part de notre secteur du PIB.
Nous sommes de fiers libre-échangistes et nous avons beaucoup profité des accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux, comme l'ALENA et l'Accord sur les technologies de l'information conclu en 1996, qui a prévu la suppression des droits sur une vaste gamme de produits des TIC.
Pour de nombreuses raisons, telles que leur taille et les relations commerciales qui existent entre eux et le Canada—je n'ai pas besoin de vous énumérer toute la liste—les États-Unis constituent un marché de première importance pour les compagnies canadiennes de TIC et cela continuera d'être le cas pour l'avenir prévisible. Rien ne devrait nous amener à accorder moins de priorité aux échanges entre le Canada et les États-Unis ni à diminuer les efforts actuellement déployés pour accélérer et élargir les échanges entre nos deux pays.
Bien que les États-Unis constituent le marché le plus important en ce qui nous concerne, les principales compagnies de notre secteur reconnaissent depuis longtemps que ce n'est pas notre seul marché, et par conséquent, les compagnies de technologies de l'information et des communications ont fait oeuvre de pionniers dans la recherche de marchés émergents. Par exemple, Nortel mène des activités commerciales en Chine depuis 1979. Sa prévoyance et son engagement précoce vis-à-vis de ce pays ont de toute évidence porté leurs fruits, étant donné que Nortel entretient à présent des relations étroites avec différentes compagnies dans toutes les régions de la Chine. Nortel est maintenant le principal fournisseur de tous les exploitants de services de télécommunications en Chine, et ces relations permettent de garantir que les technologies les plus avancées et les plus appropriées sont déployées dans le cadre du renforcement de l'infrastructure de télécommunications de la Chine.
La mission de Nortel consistant à rapprocher les différents coins du monde est remplie sur tous les continents et, tout dernièrement, cette compagnie a décidé de mettre tout particulièrement l'accent sur le marché indien. En décembre, Nortel a décroché un contrat important pour l'élargissement du réseau numérique sans fil dans l'est et le sud de l'Inde. Et ce mois-ci, elle a annoncé une participation de 10 millions de dollars dans Sasken Communication Technologies, une compagnie basée à Bangalore qui a vraiment fait oeuvre de pionnier pour ce qui est d'impartir les activités de recherche et de développement dans le domaine des télécommunications. Et c'est grâce à cette prévoyance que Nortel continue d'être un acteur mondial si important. Cette compagnie est actuellement très active au Brésil, puisqu'elle cherche des partenaires, des employés talentueux, des fournisseurs et des clients dans un marché qui, à son avis, va rapidement prendre de l'expansion.
Bien que Nortel constitue l'exportateur de TIC le plus important et le plus expérimenté, de nouvelles compagnies se sont révélées tout aussi capables de réussir dans les marchés émergents. Entrust Technologies, un chef de file du secteur des logiciels d'interface publics et essentiels, a un bureau en Chine depuis 2000. En 2001, la China Financial Certificate Authority a installé les logiciels d'Entrust pour sécuriser les transactions en ligne des négociants d'actions chinois et des entreprises clientes des banques. Entrust continue à jouer un rôle essentiel pour ce qui est de s'assurer que le recours à Internet augmente au taux invraisemblable de 100 p. 100 par an, étant donné qu'en Chine, comme ailleurs, il offre un environnement sécuritaire où les Chinois peuvent mener leurs activités commerciales en toute confiance.
De plus, le BlackBerry de RIM continue toujours de faire des convertis dans le monde entier. En 2003, les lecteurs de HK Magazine ont déterminé que le BlackBerry constituait le meilleur nouveau gadget de l'année. RIM est entrée sur le marché asiatique avec son partenaire, Hutchison Telecom, et cette entreprise a grandement contribué à favoriser la croissance tout à fait remarquable de RIM. Cette compagnie vient d'annoncer une nouvelle entreprise avec Hutchison Telecom et Partner Communications en vue de commercialiser le BlackBerry en Israël. Plus tôt cette année, la compagnie a annoncé que ses entreprises clientes au Brésil pourraient se procurer son BlackBerry.
Notre secteur englobe également un certain nombre de concepteurs et de producteurs de composants microélectroniques qui sont des chefs de file dans leur domaine. ATI Technologies est un chef mondial dans la fourniture de produits graphiques, vidéo et multimédias pour les ordinateurs de bureau, les postes de travail, les ordinateurs portables, les télévisions, les téléphones cellulaires, et les consoles de jeux. ATI est utilisée à la fois dans Xbox et dans Play Station, et ces systèmes de jeux qu'on trouve partout sont omniprésents, qu'on soit à l'intérieur de l'Australie ou au cercle polaire arctique.
¹ (1545)
Gennum Corporation de Burlington a une ligne de produits qui s'utilisent dans 60 p. 100 des appareils auditifs du monde. Comme bon nombre de leurs homologues du secteur des TIC, les compagnies de microélectronique ont rapidement réussi non seulement à exporter leurs produits vers des marchés émergents, mais aussi à inclure des compagnies implantées dans des marchés émergents dans leurs chaînes de distribution mondiale. Même des compagnies que nous considérons comme étant des fournisseurs de services nationaux cherchent maintenant à profiter de possibilités d'exportation. Par exemple, en novembre dernier, SaskTel International a annoncé la conclusion d'un grand contrat pour la construction d'une infrastructure de communications au Mozambique. Il s'agit du onzième contrat que conclut cette compagnie en Afrique.
Des acteurs mondiaux expérimentés comme ceux-là jouent un rôle essentiel sur le plan de l'écosystème d'exportation canadien. Ils créent un environnement productif dans lequel de plus petites compagnies basées au Canada peuvent plus facilement vendre leurs produits. Bon nombre d'exportateurs de TIC prospères ont mené leurs premières activités à l'étranger en tant que fournisseurs de la chaîne d'approvisionnement d'exportateurs canadiens plus importants. Nos gros exportateurs sont à valoriser non seulement pour la richesse qu'ils créent mais aussi pour l'effet de catalyseur qu'ils ont sur nos compagnies nationales.
Tout cela pour dire que le secteur des TIC comprend l'importance des exportations et participe vigoureusement aux activités commerciales dans les marchés émergents du monde. À cet égard, les programmes mis en place par Commerce international Canada nous ont grandement aidés. Nos membres sont particulièrement satisfaits des services assurés par les bureaux des délégués commerciaux. Ils participent avec enthousiasme aux missions d'Équipe Canada ainsi qu'aux foires commerciales régionales et en retirent évidemment les avantages. Ils se prévalent également de toute la gamme de services fournis par Exportation et développement Canada.
D'après ce que nous disent les principaux intervenants de notre secteur, ces instruments sont efficaces et très rationnels. Les seules suggestions que nous pourrions proposer seraient d'en faire plus et de mener ces activités en étant sensibles aux réalités politiques des marchés émergents. Dans les démocratie non libérales, on ne peut pas établir le même genre de relations que dans les pays où les institutions démocratiques sont fortes. Selon l'expérience de nos membres, le succès qu'on peut connaître dans les marchés émergents dépend souvent de la profondeur et de l'intensité des contacts personnels établis au niveau le plus élevé possible. Les représentants de notre industrie s'attendent à ce que le ministère du Commerce international nous aide à nouer de tels liens avec nos homologues à l'étranger.
Nous souhaitons également que les principes qui sous-tendent des programmes tels que le PDME reflètent davantage l'importance des marchés émergents. Le PDME est un véhicule utile pour l'échange d'information entre les associations, ce qui profite ensuite à nos membres au niveau de leurs activités d'exportation. Nous aimerions que vous vous assuriez que le PDME continue à jouer le rôle de soutien qu'il a toujours joué par le passé, mais certains rajustements s'imposent peut-être pour garantir que la définition des activités de base du PDME soit conforme à l'objectif consistant à favoriser au maximum les possibilités dans les marchés émergents.
Les contraintes budgétaires limitent probablement les possibilités, et l'importance primordiale du marché américain ne fait qu'aggraver la complexité de la situation. Une bonne planification de nos politiques et l'utilisation optimale de nos ressources supposent le maintien d'échanges robustes avec les États-Unis—un marché où les demandes diplomatiques peuvent être importantes—de même que l'élaboration de programmes appropriés dans les marchés émergents disposant de ressources suffisantes. Dans ce contexte, il devient impossible de tout faire. Nous devons donc chercher surtout à assurer une présence là où c'est essentiel. À notre avis, cela suppose que le Canada mettra l'accent sur les quatre pays principaux, soit le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine. Comme je vous l'ai déjà dit, le Brésil, l'Inde et la Chine, et parfois la Russie aussi, sont parfois négligés comme marchés émergents, vu l'enthousiasme actuel pour les échanges avec des pays d'Asie et d'Amérique latine.
Les marchés émergents revêtent également une grande importance pour nous parce qu'ils tirent la révolution à laquelle on assiste actuellement en ce qui concerne la redistribution mondiale du travail intellectuel. Ce mouvement ne peut être stoppé, comme c'est le cas, d'ailleurs, d'autres facteurs qui influencent la mondialisation des échanges. Si cette dernière s'opère dans les bonnes conditions, tout le monde y trouvera son compte, à la fois les pays en développement et les pays développés comme le nôtre. Le Canada est un acteur—un acteur bien placé—dans la mondialisation du savoir. Une récente étude menée par le Conseil du commerce et du développement des Nations Unies indiquait que le Canada est un chef de file en ce qui concerne l'approvisionnement extérieur, mais surtout à cause de la puissance de notre secteur des centres d'appels. En ce qui nous concerne, il n'y a pas lieu de nous reposer sur nos lauriers en ce qui concerne notre capacité et notre position concurrentielles. Nous nous classons actuellement derrière des pays comme l'Inde et l'Irlande au niveau de la valeur déclarée de nos services commerciaux et d'information sur ordinateur. Ce qui est encore plus alarmant, c'est que comparativement à ces chefs de file des pays émergents, notre croissance dans ces domaines demeure relativement inchangée.
À nos yeux, une approche axée sur la mobilisation constructive, la collaboration et un échange de connaissances libre sont critiques pour nous permettre de remplir notre potentiel et de trouver notre place dans les chaînes d'approvisionnement mondiales d'aujourd'hui. La récente initiative visant à intensifier la collaboration entre l'Inde et le Canada dans le domaine des sciences et de la technologie en est un excellent exemple.
¹ (1550)
À part les avantages immédiats qu'ils nous procurent, des accords de ce genre donnent lieu à des échanges comparables entre d'autres secteurs, associations et compagnies. Par exemple, l'ACTI cherche actuellement à établir des rapports coopératifs avec la NASSCOM, soit l'association de technologie indienne. Des échanges de ce genre peuvent être extrêmement fructueux, et devraient être encouragés dans tous les secteurs d'activité.
En guise de conclusion, j'insiste sur le fait qu'à mesure que les marchés émergents deviennent de plus en plus importants pour notre avenir, nous devons nous assurer que nos engagements commerciaux traduisent mieux le libre-échangisme qui nous semble primordial pour garantir la prospérité dans l'économie actuelle. S'agissant de matériel, nous estimons bénéficier actuellement d'un bon régime dans le monde entier. Mais dans le domaine des services, qui constitueront un secteur d'échange essentiel à l'avenir—même les entreprises manufacturières sont devenues des entreprises de services, puisqu'elles impartissent leurs activités manufacturières—nous constatons qu'il existe maintenant deux camps bien distincts dans ce monde.
Le monde développé est un monde axé sur le libre-échangisme. Le monde en développement et les marchés émergents, à part quelques rares exceptions, connaissent encore des contraintes considérables en ce qui concerne le flux des échanges commerciaux et des services. Au fur et à mesure que les marchés émergents et les services deviendront plus importants, en tant que pays, nous devrons absolument nous adapter à cette nouvelle réalité.
Voilà qui conclut mes remarques liminaires, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Lavoie.
[Français]
M. Serge Lavoie (président et directeur général, Association canadienne de l'industrie des plastiques): Je vais moi aussi faire ma présentation en anglais. J'ai passé 40 ans en Ontario, et je dois dire que c'est malheureusement la langue que je préfère maintenant.
[Traduction]
Je voudrais commencer par vous donner quelques informations préliminaires pour vous situer un peu l'activité de ce secteur.
Le secteur canadien de la plasturgie représente à présent une chaîne de valeur complètement intégrée, incluant les producteurs de résine, les fabricants de plastique, de machinerie et de moules, et les compagnies de recyclage du plastique. Ce secteur compte environ 3 000 entreprises et 165 000 employés. La plupart sont des PME, mais il y a également bon nombre de grandes entreprises internationales bien connues dans tous nos sous-secteurs d'activité.
Presque 60 p. 100 des activités manufacturières se déroulent en Ontario, par rapport à 24 p. 100 au Québec. Les autres activités sont réparties dans toutes les autres régions du Canada. En fait, il existe des grappes importantes d'activités de fabrication de plastique dans presque toutes les provinces.
Presque 35 p. 100 de la production concerne le secteur de l'emballage, par rapport à 26 p. 100 pour les produits de la construction—en fait, il s'agit d'une spécialité canadienne reconnue dans le monde entier—et 18 p. 100 pour le secteur des transports, notamment les automobiles, mais aussi les véhicules aérospatiaux et récréatifs. La production restante est répartie entre une vaste gamme de produits, tels que les objets ménagers, les produits médicaux, électriques, électroniques, agricoles, etc.
La valeur globale de la production de plastique s'élève à environ 36 milliards de dollars, ce qui fait de ce secteur l'un des trois plus grands secteurs de fabrication du Canada. La production de résine, de machinerie et de moules apporte à l'économie une contribution additionnelle de quelque 10 milliards de dollars, ce qui donne en tout une contribution d'environ 46 milliards de dollars pour cette chaîne de valeur dans son ensemble.
Chacun des sous-secteurs de notre industrie fait de l'exportation, et tous ont une balance commerciale positive. En fait, le secteur de la fabrication des moules connaît une balance commerciale positive depuis 25 ans, celui de la machinerie, depuis entre 12 et 15 ans, et même celui de la plasturgie, une balance commerciale positive depuis un peu moins de 10 ans.
Bref, cette industrie revêt une importance critique pour l'économie. Au fil des ans, elle a réussi à faire progresser et à maintenir un taux de croissance qui est presque trois fois plus élevé que celui du secteur de la fabrication générale. En même temps, cette industrie connaît actuellement certaines difficultés, d'une part à cause de l'activité de plusieurs marchés émergents et, d'autre part, d'une orientation dans nos politiques gouvernementales qui semblent ne pas valoriser la contribution du secteur de la fabrication à l'économie et à la population active.
Là je tiens à préciser que mes remarques concernent plus particulièrement les PME, dont la situation à mon avis est quelque peu différente, par rapport aux marchés émergents, que celle des plus importants acteurs de l'industrie que nous représentons.
Comme nous vous l'avons déjà fait remarquer, tous ces secteurs ont réussi à se créer un marché international au fil des ans. Les secteurs de la fabrication des moules et de la machinerie exportent leurs produits dans le monde entier, alors que les entreprises de plasturgie ont constitué leurs marchés aux États-Unis surtout, grâce à l'existence des chaînes d'approvisionnement américaines. Il ne fait aucun doute que le secteur de la plasturgie a beaucoup profité de la conclusion de l'ALENA. En fait, si vous éliminez les échanges avec les États-Unis, la balance commerciale positive que connaît le secteur de la plasturgie disparaît et devient une balance négative.
Les plus récents marchés émergents—soit la Chine, l'Inde, le Brésil, et à un degré bien moindre en ce qui nous concerne, la Russie—présentent des possibilités intéressantes dans les médias au niveau de l'exportation des machines et des moules. À plus long terme, ces secteurs investissent dans la construction d'installations à l'étranger, au départ pour répondre à la demande intérieure dans ces marchés, mais par la suite, bien entendu, pour profiter des possibilités de réexportation vers l'Amérique du Nord. Nous pourrions vous citer l'exemple de Royal Group Technologies dans le secteur du vinyle, de Husky Injection Molding, dans celui de la machinerie, et Mold Masters, dans le secteur de la fabrication des moules, bien qu'il y ait de nombreux autres exemples.
Par contre, les fabricants de plastique ont trouvé très peu de débouchés dans les plus importants marchés émergents, même si certains d'entre eux ont pris des mesures pour élargir leur capacité manufacturière à l'étranger afin de répondre à des besoins locaux ou d'y reconstituer leur chaîne de valeur—le secteur automobile en est un bon exemple—alors que d'autres se contentent d'impartir leur capacité manufacturière. Ces derniers assument un rôle de commercialisation au Canada, par rapport à un rôle de fabrication étranger. Voilà qui crée ce que je qualifierais de dilemme pour ce secteur.
Les fabricants de machines et de moules les plus prospères vendent à présent plus de 90 p. 100 de leurs produits dans d'autres marchés, tandis que le marché intérieur, y compris le marché américain, continue à rétrécir, étant donné que la capacité manufacturière est en baisse. Voilà qui donne lieu au deuxième élément du défi auquel nous sommes confrontés à cause des marchés émergents. Devant cette transformation massive des chaînes d'approvisionnement et de valeur au Canada, notre industrie, et notamment le secteur manufacturier—surtout les PME manufacturières—doit trouver de nouveaux créneaux tout en rehaussant la valeur ajoutée de ses produits.
Ce qui est ironique, c'est que même si ces compagnies sont capables de relever ce défi, l'ayant fait depuis des années, puisqu'elles ont eu à faire face à toutes sortes d'autres défis concurrentiels, bon nombre des outils de marketing et des mesures de soutien traditionnelles sur lesquels elles ont pu s'appuyer par le passé pour accroître leur part de marché sont en train de disparaître. Comme je vous l'ai déjà dit, les politiques gouvernementales semblent ne tenir aucun compte des besoins du secteur manufacturier.
¹ (1555)
On vous a certainement déjà dit cela, et je ne vais donc pas trop insister là-dessus. Je vais plutôt vous présenter un certain nombre de recommandations qui illustrent nos préoccupations.
Pour commencer, j'affirme qu'à notre avis, l'activité manufacturière nationale doit continuer d'être le fondement des efforts que nous déployons en vue de rehausser la contribution canadienne à l'économie mondiale—et je dis bien, l'activité manufacturière nationale. Je constate que la partie de l'énoncé de politique internationale qui porte sur le commerce ne mentionne guère « l'activité manufacturière ». On y parle de partenariats dans le domaine de la technologie et de la commercialisation internationale. On a l'impression qu'il s'agit de demander à d'autres d'élaborer de nouveaux produits à partir de nos idées.
Selon nous, telle n'est pas l'orientation que nous devrions prendre en tant que pays. On ne parle d'ailleurs guère dans les politiques actuelles de l'activité manufacturière dans notre marché national. En fait, même le dernier budget passe sous silence l'activité manufacturière. Vous n'y trouverez aucune mention de cette dernière.
Face aux marchés émergents, le gouvernement fédéral doit à notre avis promouvoir les mécanismes permettant de protéger la propriété intellectuelle et en assurer l'application. Voilà qui nous paraît essentiel. La crainte du piratage est l'un des principaux facteurs qui empêchent les PME et même de plus grosses entreprises de travailler en partenariat dans les marchés émergents. En effet, on se rend compte, quand on a vendu sa machine une fois ou deux, que quelqu'un a eu recours à la rétro-ingénierie pour produire une copie de sa machine, copie qui se vend sur le marché international et qui est en concurrence avec votre produit. Voilà une situation qui nous inquiète beaucoup. Chaque fois que j'en parle avec nos membres, ils me disent toujours la même chose : le piratage est la priorité des priorités.
Les concurrents qui sont actifs dans les marchés émergents ne vont pas disparaître. Tout le monde le sait. Nous devons adapter notre assise manufacturière afin de relever ce défit. Mais cela coûte cher de ré-outiller toute une industrie pour qu'elle puisse constamment innover. La volonté de le faire existe, mais cela coûte cher.
Nous estimons, d'ailleurs, que le gouvernement aurait dû saisir l'occasion, dans le dernier budget, de prévoir de nouvelles dispositions permettant d'amortir plus rapidement les dépenses d'immobilisations au titre de la machinerie et des moules. À notre avis, des taux accélérés allant jusqu'à 50 p. 100 ou même 100 p. 100 n'auraient pas été déraisonnables, ne serait-ce que pour bien faire comprendre aux entreprises que le gouvernement est résolu à stimuler la productivité et l'innovation dans le secteur manufacturier canadien. À l'heure actuelle, les cycles d'innovation sont très courts. Il faut être en mesure de ré-outiller l'entreprise presque chaque année ou tous les deux ans, et cela n'est pas possible dans un contexte où l'amortissement des dépenses se déroule sur une période de trois à cinq ans.
De plus, le Canada doit se promouvoir davantage et plus efficacement. Tous les pays développés et émergents du monde cherchent à trouver les mêmes débouchés que nous. Il nous faut davantage de délégués commerciaux sur le terrain. Il nous faut aussi davantage de bureaux commerciaux sur le terrain. Le Service de délégués commerciaux virtuel est formidable, mais il devrait chercher à compléter, et non pas à remplacer, la défense directe de nos intérêts sur place.
Dans le passé, l'industrie canadienne de la plasturgie a profité de toute la gamme de programmes novateurs de promotion des exportations, tels que le PDME qui a été mentionné tout à l'heure. Nous avons recours à ce financement complémentaire depuis des années. Nous savons que cela a permis à notre secteur d'établir un profil qui n'est pas en proportion avec sa taille et sa capacité. Notre réputation est à présent très solide. Nous avons toujours été en mesure de profiter de l'effet multiplicateur des programmes de marketing fédéraux et provinciaux. À notre sens, chaque pays doit faire sa promotion, chaque secteur d'activité doit faire sa promotion, et enfin, chaque entreprise doit faire sa promotion aussi, mais en même temps, il faut une stratégie globale qui inclut les trois paliers d'intervention. Nous constatons qu'au moment même où nous recommençons à en avoir besoin, ces programmes se rétrécissent ou disparaissent complètement, et ils n'ont pas encore été remplacés. Nous perdons ainsi du terrain en faveur d'autres pays plus dynamiques.
Nous estimons qu'il faut consulter régulièrement les divers secteurs d'activité concernant leurs besoins afin de garantir que le gouvernement dispose de toutes les informations requises pour faire sa planification. Je vous fais remarquer, par exemple, que le GCSCE—soit le Groupe de consultations sectorielles sur le commerce extérieur—ne se réunit plus depuis deux ans. Même si nous croyons savoir qu'on est actuellement en train de faire des changements à cet égard, nous ne savons toujours pas en quoi consisteront ces changements. Ainsi nous n'avons pas eu l'occasion de tenir des discussions fructueuses avec les hauts fonctionnaires ou avec le ministre au sujet des changements très importants qui s'opèrent actuellement et des défis auxquels nous sommes confrontés en conséquence.
En conclusion, je voudrais insister sur le fait que si le gouvernement a un rôle à jouer dans la promotion de l'activité industrielle et technologique dans les marchés émergents, il a un rôle tout aussi important à jouer dans l'élaboration d'un cadre qui soutiendra le secteur manufacturier national au fur et à mesure que ce dernier s'adapte à de nouvelles conditions de marché—et là je ne parle pas de protection, mais plutôt du développement et de la promotion énergiques d'une nouvelle capacité manufacturière au Canada qui permettra de continuer à trouver de multiples nouveaux marchés d'exportation.—
º (1600)
Enfin, il nous manque une stratégie intégrée qui permettrait de profiter des nouvelles possibilités qu'offrent les marchés émergents, le secteur de la recherche et les chaînes de valeur que nous avons déjà établies en nous appuyant sur notre secteur des ressources naturelles.
Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Monsieur Pau Woo, vous avez la parole.
M. Yuen Pau Woo (vice-président et économiste en chef, Fondation Asie Pacifique du Canada): Merci de l'occasion qui nous est donnée de présenter les vues de la Fondation Asie-Pacifique sur l'important travail actuellement accompli par le Sous-comité.
La Fondation Asie-Pacifique du Canada a été créée par suite de l'adoption d'une loi du Parlement en 1984, et nous sommes le principal organisme non gouvernemental à faire la promotion du renforcement des relations avec les pays de la région de l'Asie-Pacifique, et ce à tous les paliers. Nous sommes une source d'informations et d'analyses à valeur ajoutée sur les faits nouveaux économiques, politiques et sociaux en Asie, et nous servons de point de contact pour un grand nombre de réseaux commerciaux, stratégiques et de recherche dans la région de l'Asie-Pacifique. Notre objectif consiste à mieux préparer les Canadiens pour qu'ils puissent nouer des relations plus fructueuses avec les pays d'Asie et, ce faisant, réussissent à élargir et à approfondir les relations entre le Canada et l'Asie.
La Fondation élabore une vaste gamme de produits d'information et d'analyse, y compris un service d'informations quotidiennes, des analyses hebdomadaires des informations parues dans la presse écrite en Asie, et des renseignements commerciaux sur la Chine, le Japon et l'Inde, qui sont publiés mensuellement. Nous produisons chaque trimestre une analyse des perspectives économiques et politiques de 14 économies de l'Asie-Pacifique, de même que plusieurs autres publications. Par exemple, une bonne partie des informations et analyses de base présentées dans les cahiers remis aux délégués de leurs récentes missions commerciales sont de notre facture.
Cette très brève introduction vise simplement à confirmer que bon nombre des questions examinées par le comité, en ce qui concerne la création de liens commerciaux et d'investissements plus étroits avec les marchés émergents de l'Asie, sont primordiales pour la Fondation et constituent des préoccupations quotidiennes pour moi et mon personnel. Nous n'avons pas suffisamment de temps aujourd'hui pour vous faire part de nos vues sur les relations Canada-Chine ou Canada-Inde, sans parler des autres marchés émergents d'Asie du Sud-Est ou d'Asie orientale.
Je vous invite, cependant, à prendre connaissance de certains de nos récents travaux de recherche—par exemple, sur l'état des relations économiques entre le Canada et la Chine; une récente étude sur les perspectives et l'état actuel de l'industrie automobile en Asie du Sud-Est, et ce que cela signifie pour l'industrie canadienne, surtout dans le secteur des pièces détachées; une étude sur les échanges et les investissements entre le Canada et l'Inde, que nous avons terminée l'an dernier; des études de cas mettant en relief des compagnies canadiennes qui font des affaires en Inde; et un rapport détaillé, actuellement en cours de rédaction, sur les intentions des entreprises chinoises en matière d'investissements étrangers, et notamment ce qu'elles pensent de la possibilité d'investir au Canada. Tous nos produits sont disponibles sur notre site Web, à l'adresse suivante : asiapacific.ca.
Je voudrais me servir du temps qui me reste pour vous faire part de certaines idées concernant l'expansion de nos relations économiques avec la Chine et l'Inde.
Comme vous le savez, la Chine représente un marché en pleine expansion dont l'appétit pour les importations est au moins aussi considérable que le succès fréquemment évoqué qu'elle a connu sur le plan des exportations. Le Canada a tiré profit de l'expansion des importations vers la Chine, notamment au niveau de la vente des produits de base, mais c'est bien connu que notre part de marché en Chine baisse progressivement depuis les années 1980. Il en est question dans bon nombre de documents du gouvernement publiés récemment, et encore hier dans celui présentant les résultats de l'examen de notre politique internationale.
Pour ma part, j'ai l'impression qu'il y a un manque de concordance entre les tendances observées en ce qui concerne la demande en Chine, d'une part, et les capacités industrielles au Canada, d'autre part. À part les producteurs primaires, la hausse récente des importations était tirée surtout par la demande pour les biens d'immobilisation—comme la machinerie et l'équipement utilisés dans les chaînes de production manufacturières—pour outiller les usines chinoises qui ont valu à la Chine d'être connue comme l'usine du monde. En plus des biens d'immobilisation, de la machinerie et de l'équipement, la demande en Chine pour les produits importés est principalement tirée par la recherche de composants électroniques et autres qui sont normalement obtenus d'autres pays de la région par le biais d'un processus de production en réseau qui se termine en Chine pour le montage final du produit, avant que ce dernier ne soit exporté vers le marché destinataire, encore une fois, les États-Unis ou l'Union européenne, typiquement.
Si je peux me permettre de faire une grossière généralisation, l'industrie d'équipement n'est pas grande au Canada. De façon générale—malgré les observations importantes de mes collègues ici présents—le Canada ne produit ni beaucoup de biens d'équipement, ni des chaînes de production complètes comme celles qui intéressent la Chine. Nous n'avons donc pas pu profiter de cette phase de l'expansion économique en Chine, non pas parce que l'industrie canadienne n'a pas fait ce qu'elle aurait dû faire, mais simplement en raison de la structure de notre industrie. De même, il y a relativement peu d'entreprises oeuvrant dans les secteurs électrique et électronique dont l'apport aux réseaux de production chinois est si critique, par rapport à la place qu'occupe la Chine dans l'économie mondiale. Encore une fois, j'accepte les réserves émises par mon collègue de l'ACTI, en vous faisant remarquer malgré tout, comme cela a déjà été dit, que nous avons effectivement un certain nombre d'acteurs de calibre mondial—Nortel, ATI, Celestica, entre autres—qui participent aux réseaux de production. Il reste que nous sommes un acteur mineur et ainsi ne participerons que subsidiairement à la multiplication des échanges interrégionaux, qui est la conséquence de la présence de ces chaînes d'approvisionnement en électronique.
º (1605)
Tout ceci pour expliquer en partie pourquoi nous avons perdu un peu de notre part de marché en Chine, malgré la hausse très rapide des importations pendant toutes les années 1990, et même au cours des 10 années qui ont précédé.
De façon générale, je dirais qu'il y a un grand potentiel d'expansion des exportations canadiennes de services vers la Chine. Nous avons déjà de nombreux exemples d'entreprises canadiennes qui réussissent dans les secteurs de l'architecture, de l'aménagement paysagé, de l'éducation, des logiciels, et de ce qu'on pourrait appeler les services liés au mode de vie.
Dans le domaine de l'éducation, par exemple, le Canada est un grand fournisseur non seulement de cours d'anglais mais aussi de manuels qui servent à enseigner l'anglais et d'autres matières.
J'ai l'impression que notre présence en Chine, en tant que fournisseur de services d'éducation de grande qualité, est limitée par la nature éparpillée et disparate de ces diverses initiatives. À mon avis, le gouvernement pourrait être plus visible et multiplier les avantages commerciaux et diplomatiques en associant le Canada de façon plus explicite à certaines initiatives d'éducation ciblées, par exemple, un programme de gouvernement à gouvernement d'enseignement de l'anglais en Chine.
Il y a déjà de nombreux fournisseurs canadiens d'instruction en langue anglaise, à la fois par l'entremise d'institutions officielles, d'écoles privées et de particuliers, mais on ne reconnaît aucunement en Chine que le Canada constitue effectivement un fournisseur important de cours, de même que la source de nombreux accents dans les régions rurales de la Chine qui sont considérés comme étant vaguement canadiens.
Une autre idée qu'il faudrait explorer en vue de consolider et de rehausser l'image du Canada en Chine dans le secteur de l'éducation consisterait à établir un programme de bourses très prestigieuses qui partageraient le nom de grandes personnalités canadiennes en Chine. Les deux noms qui viennent immédiatement à l'esprit sont ceux de Norman Bethune et de Pierre Trudeau.
Un autre point important à prendre en compte par rapport à une plus forte expansion des exportations de services en Chine, c'est que bon nombre de ces initiatives ne réussiront pas à moins que les compagnies concernées n'acceptent d'investir en Chine et d'établir ce qu'on appelle dans le jargon une présence commerciale, c'est-à-dire l'exportation des services en mode trois. Il en va de même pour les secteurs manufacturiers, comme celui des pièces détachées, celui de la plasturgie, etc.
Autrement dit, les compagnies canadiennes doivent considérer les investissements en Chine comme des investissements stratégiques dans le rehaussement de leur compétitivité. Le gouvernement du Canada ne peut plus se permettre de craindre les investissements extérieurs. Je vous fais remarquer—encore une fois, un peu en parallèle—que l'énoncé de politique internationale d'hier aborde la question des investissements extérieurs en termes très favorables. Pour moi, c'est la preuve que nous ne pouvons plus nous permettre de craindre que les entreprises canadiennes considèrent les investissements étranger comme faisant partie intégrante de leurs stratégies mondiales.
Après tout, la Chine a sa propre stratégie d'investissement extérieur—ce qu'ils appellent leur stratégie d'exploration—comme c'est le cas de bon nombre d'autres économies de l'Asie. Ces dernières n'ont certainement pas peur, et elles reconnaissent que les investissements étrangers peuvent profiter non seulement aux compagnies concernées mais au pays dans son ensemble.
De plus, le potentiel d'investissement interne, en Chine, est excellent—et non seulement dans les secteurs de l'énergie et minier dont on parle à la une des journaux. La saga Noranda-Minmetal de l'an dernier a soulevé d'importantes questions au sujet du traitement des investissements dits étatiques dans ce qu'on appelle les industries stratégiques. L'anxiété très publique que semble avoir suscitée cette possibilité a donné lieu à une perception qu'au mieux, le Canada n'est guère favorable à l'idée que la Chine continentale fasse de tels investissements au Canada.
Pour moi, le gouvernement du Canada peut corriger cette impression—par exemple, en invitant la Chine à envoyer au Canada une mission commerciale officielle. Nous pourrions l'appeler « l'Équipe-Chine », puisqu'il s'agirait du successeur normal et naturel de l'Équipe-Canada qu'on a envoyée en mission dans les années 1990 et ce en vue de rehausser les investissements, plutôt que les exportations. Nous n'avons vraiment pas besoin d'encourager la Chine à exporter davantage de produits vers le Canada.
Permettez-moi maintenant de vous parler de l'Inde. J'arrive justement de l'Inde, où nous venons de tenir notre troisième dialogue stratégique sur les relations entre le Canada et l'Inde—une sorte de dialogue sur la politique à double volet—entre les cercles de réflexion et les analystes de la politique. Cette année, nous nous sommes concentrés sur des questions de gouvernance mondiale, telles que les réformes prévues à l'ONU, la composition du G-8, le projet du L-20, l'APEC, etc.
Il se trouve que j'étais à New Delhi à l'époque où le premier ministre Wen Jiabao était en visite. J'ai eu beaucoup de chance d'être témoin d'une véritable séance d'autocongratulations entre les deux dirigeants politiques de l'Inde et de la Chine respectivement, surtout que ces deux pays sont en guerre depuis toujours—c'est tout à fait extraordinaire.
º (1610)
Il y a quelques années, quand Zhu Rongji, l'ex-premier ministre de la Chine, était en Inde, il a fixé comme objectif pour la Chine et l'Inde d'élargir leurs échanges bilatéraux de façon à les faire passer de 350 millions de dollars en 2002 à 10 milliards de dollars. La plupart des observateurs riaient dans leur barbe, alors que la plupart des hauts fonctionnaires étaient estomaqués d'apprendre qu'ils avaient à respecter cet objectif. Or les échanges bilatéraux ont dépassé les 10 milliards de dollars l'an dernier—c'est-à-dire que nous parlons d'une progression de 350 millions de dollars à 10 milliards de dollars en trois ans.
Lors de la récente réunion entre Wen Jiabao et Manmohan Singh, les deux dirigeants ont décidé de faire passer cet objectif à 20 milliards de dollars d'ici 2008. Eh bien, je vous garantis qu'ils réussiront à atteindre cet objectif, ce qui voudra dire qu'ils auront augmenté leurs échanges de 30 fois en moins de huit ans.
Ce que vous devez retenir de cette anecdote, c'est que notre stratégie sur les marchés émergents en Asie ne doit pas porter uniquement sur la Chine et l'Inde, mais inclure également le Brésil, la Russie, et d'autres pays encore, même s'il faut se rendre compte que la Chine et l'Inde travaillent ensemble à présent de façon que nous n'aurions pu imaginer il y a une dizaine d'années. Nous ne comprenons pas encore exactement quelles en seront les conséquences, mais nous devons absolument suivre de très près l'évolution de la situation.
J'irais encore plus loin en vous disant que notre stratégie relative aux marchés émergents en Asie concerne l'ensemble de l'Asie, et non seulement la Chine et l'Inde, et doit tenir compte du poids économique et politique grandissant de cette région…mais ce sont peut-être des questions qui relèvent plus naturellement de la responsabilité d'un autre sous-comité.
En ce qui concerne les échanges bilatéraux avec l'Inde, le volume de ces derniers correspond actuellement à la misérable somme de 2,5 milliards de dollars seulement, soit à peine 10 p. 100 de la valeur de nos échanges bilatéraux avec la Chine. Malgré une croissance moyenne du PIB en dollars constants de presque 6 p. 100 par année depuis une vingtaine d'années, l'Inde ne se classe même pas parmi les 15 principaux partenaires commerciaux du Canada, et nos exportations vers l'Inde continuent d'être surtout des produits primaires et agricoles. Comme les volumes d'échanges bilatéraux avec l'Inde sont si minimes, le potentiel d'expansion de nos relations commerciales existe dans presque tous les secteurs. Dans le contexte actuel, il n'y a pas de raison d'être sélectif. Comme le niveau actuel est faible, les possibilités sont considérables, et il faut donc essayer d'en profiter.
Le gouvernement de Manmohan Singh a néanmoins mis beaucoup l'accent sur certains secteurs d'activité, entre autres le développement de l'infrastructure et l'énergie, et si je parle tout particulièrement de ces deux secteurs d'activité, c'est parce que nous y possédons une expertise particulière. Bien entendu, le financement constitue une question clé dès lors qu'il s'agit de multiplier les activités commerciales dans des secteurs comme l'infrastructure et l'énergie, et c'est là que les rôles d'EDC et de la CCC peuvent être améliorés et rehausser afin que ces deux organismes puissent être sûrs de soutenir les entreprises canadiennes qui cherchent à prendre de l'expansion dans ces deux domaines.
De façon plus générale, j'appuie vivement les observations de mon collègue de l'ACTI au sujet de la collaboration dans les domaines des sciences et de la technologie, y compris par rapport à l'aide bilatérale à la recherche industrielle et à la commercialisation des technologies, qui peuvent constituer une pierre de gué importante pour renforcer les relations commerciales entre le Canada et l'Inde. Et une grande priorité en matière de relations économiques bilatérales devrait absolument être la promotion d'investissements indiens au Canada, notamment dans le secteur des technologies de l'information. Les plus grandes compagnies de logiciels indiennes ont déjà établi des bureaux au Canada, en raison justement du grand bassin d'informaticiens hautement qualifiés que nous possédons au Canada, et aussi de notre proximité des États-Unis.
Encore une fois, le gouvernement et les établissements ont un rôle à jouer pour ce qui est de créer des programmes élargis d'échanges d'étudiants, de bourses, et de contacts entre des étudiants canadiens et indiens, notamment dans les domaines des sciences, de la technologie et du génie, mais ce en étroite collaboration avec les industries concernées. Avec de bonnes mesures d'incitation, le Canada pourrait éventuellement attirer vers le Canada de grands spécialistes indiens des logiciels et du génie, un peu comme ce qui s'est produit dans Silicone Valley, notamment en raison des conditions de plus en plus strictes qui visent les visas d'étudiants aux États-Unis.
Je voudrais maintenant soulever une dernière série de points, qui concerne…
º (1615)
Le président: Vous avez déjà dépassé de quatre minutes le délai de 10 minutes qu'on vous a imparti, et je sais que nous aurons beaucoup de temps pour…
M. Yuen Pau Woo: Préférez-vous dans ce cas que je passe tout de suite à ma conclusion?
Le président: Si vous voulez bien nous résumer…
M. Yuen Pau Woo: Oui, absolument.
En dernier lieu, je tiens à vous dire que nos relations à la fois avec la Chine et l'Inde dépendent beaucoup des bonnes relations humaines qui existent entre nos pays en raison de l'immigration, et aussi à cause d'une nouvelle tendance voulant que des immigrants qui se sont installés au Canada ou en Inde finissent par retourner au Canada ou encore en Inde. Par le passé, nous avons toujours considéré que les immigrants qui retournent dans leur pays constituent un échec—c'est-à-dire qu'il s'agit d'immigrants qui n'ont pas réussi dans ce pays et qui ont donc été obligés de retourner chez eux. À mon avis, il est temps que nous les considérions comme constituant une diaspora canadienne en Asie et que nous élaborions des politiques qui nous permettront de profiter du vaste potentiel que représente cette dernière.
Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions à ce sujet.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Madame McBride, vous avez la parole.
Mme Karen McBride (vice-présidente , Direction des affaires internationales, Association des universités et collèges du Canada): Merci beaucoup. Je me joins à mes collègues pour remercier le comité de nous avoir donné l'occasion de présenter nos vues sur les questions à l'étude.
[Français]
Je représente l'Association des universités et collèges du Canada, l'AUCC, un organisme non gouvernemental à but non lucratif qui fait la promotion des intérêts de 91 universités et collèges universitaires publics et privés à but non lucratif.
Le mandat de l'AUCC est de contribuer à l'élaboration de politiques publiques en enseignement supérieur et de favoriser la collaboration entre les universités et les gouvernements, le secteur privé, les collectivités et les établissements étrangers.
Les activités de promotion d'intérêts de l'AUCC visent à faire en sorte que l'enseignement supérieur soit reconnu comme un élément essentiel de la qualité de vie de la population canadienne et de la prospérité du Canada en tant que société et économie fondée sur le savoir.
º (1620)
[Traduction]
Dans le monde d'aujourd'hui, tous s'entendent pour reconnaître que le savoir est la clé de l'optimisation du potentiel d'un pays. Ainsi, du point de vue de la politique étrangère, la principale difficulté consiste à exploiter à fond les avantages que présente la mondialisation du savoir pour la compétitivité économique et le développement social du Canada. À notre avis, pour relever ce défi, il faut que nous favorisions l'établissement de relations élaborées et fondées sur le savoir avec d'autres pays, en particulier avec les principaux partenaires économiques actuels ou potentiels du Canada, comme les États-Unis, le Japon, la Chine, le Brésil, l'Inde et le Mexique.
Les universités canadiennes sont des acteurs essentiels quand il s'agit d'établir des relations et des réseaux fondés sur le savoir avec des partenaires du monde entier, tant les pays de l'OCDE que les pays en développement. En ce qui a trait aux liens officiels unissant les établissements, par exemple, il existe plus de 3 100 partenariats actifs dans le monde entier, dont un grand nombre de liens en place avec la Chine, le Mexique et le Japon. À ces partenariats s'ajoute la multitude d'ententes de collaboration conclues entre chercheurs de tous les pays, ententes qui sont monnaie courante aujourd'hui dans les milieux de la recherche.
Pour illustrer ce point, les faits et les chiffres suivants brossent un tableau des partenariats dans le domaine du savoir établis par des universités canadiennes dans des marchés clés. La Chine, où 229 projets ont été réalisés depuis les années 70, figure en tête de liste des pays avec lesquels les universités canadiennes s'engagent pour promouvoir le développement international. La Chine est également deuxième parmi les cinq principaux pays avec lesquels les universités canadiennes collaborent à l'étranger : en effet, 244 ententes actives entre établissements ont été conclues avec elles, dont près de 80 sont axées sur des projets conjoints de recherche. La Chine constitue aussi une importante source d'étudiants étrangers pour le Canada, puisque 6 600 Chinois poursuivaient des études dans les universités du Canada en 2001-2002.
On constate avec intérêt que le Mexique occupe le troisième rang parmi les cinq principaux pays avec lesquels les universités canadiennes collaborent à l'étranger : 216 ententes actives entre établissements ont été conclues avec ce pays, dont plus de 40 sont axées sur des projets conjoints de recherche.
Selon un récent rapport de Commerce international Canada dressant le profil de la capacité du partenariat Canada-Inde dans le secteur des sciences et de la technologie, les universités canadiennes ont été le moteur de la collaboration entre le Canada et l'Inde en matière de recherche, un nombre considérable de projets conjoints ayant été entrepris avec des universités canadiennes. En outre, l'Inde est le deuxième des cinq pays avec lesquels les universités canadiennes collaborent le plus en matière de développement international, cette collaboration se traduisant par la mise sur pied d'une centaine de projets depuis les années 1970. Le Canada est également très populaire auprès des étudiants indiens, qui étaient tout près de 1 400 à poursuivre des études dans des universités canadiennes en 2001-2002.
Depuis les années 1970, les universités canadiennes ont travaillé à plus de 90 projets de développement international avec le Brésil, ce qui fait de celui-ci le troisième pays en importance avec lequel les universités canadiennes ont collaboré au développement. En outre, les universités canadiennes et brésiliennes ont conclu jusqu'à présent 82 ententes actives entre établissements, dont près de 50 concernent des projets de recherche conjoints.
[Français]
Contrairement à bon nombre de ses concurrents internationaux, entre autres le Royaume-Uni, l'Australie, les Pays-Bas et les pays nordiques, le Canada n'a pas encore élaboré de cadre stratégique cohérent lui permettant de pleinement tirer parti de l'éventail de liens qu'il a établis dans le domaine de la recherche.
Par conséquent, tandis que le Sous-comité du commerce international s'emploie à conseiller Commerce international Canada sur sa stratégie, nous lui recommandons fortement d'examiner des moyens de tirer parti des partenariats universitaires dans le domaine du savoir pour soutenir les intérêts généraux du commerce et de l'investissement canadien dans des marchés clés. Plus précisément, l'AUCC recommande au gouvernement fédéral de prendre les mesures suivantes.
[Traduction]
Voici donc nos recommandations précises :
D'abord, assurer la canalisation du savoir à long terme dans des pays clés qui présentent un intérêt stratégique pour le Canada, en accordant des bourses aux étudiants les plus doués et les plus brillants afin qu'ils viennent étudier dans des universités canadiennes, et en favorisant la mobilité des étudiants canadiens afin qu'ils puissent aller étudier dans ces pays—cela rejoint tout à fait ce que disait tout à l'heure mon collègue de la Fondation Asie-Pacifique. Les initiatives prises par des pays concurrents tels que le Royaume-Uni et l'Australie pourraient fournir des modèles qu'il serait utile d'examiner—et je pourrais vous citer d'autres exemples lors de nos discussions tout à l'heure, qui vous donneront une idée de ce que font d'autres pays en ce qui concerne les bourses accordées aux étudiants les plus brillants de ces pays.
Deuxièmement, veiller à ce qu'il y ait un lien systématique entre les bureaux universitaires canadiens pour le transfert de la technologie et les représentants commerciaux étrangers au Canada et ailleurs, afin de faciliter l'établissement de partenariats à des fins de commercialisation. Le gouvernement devrait aussi envisager d'organiser des missions d'agents universitaires de transfert de la technologie dans les pays clés.
Troisièmement, s'appuyant sur l'expérience réussie de l'étude de 2003 sur les partenariats universités/gouvernement/secteur privé Canada-Inde dans le secteur des sciences et de la technologie—voilà un titre d'étude qui n'attirera pas beaucoup de lecteurs, j'en suis sûr—le gouvernement fédéral devrait collaborer avec l'AUCC et d'autres acteurs de premier plan pour recenser les liens existants et les intérêts et forces complémentaires en matière de recherche dans les pays présentant un intérêt pour le Canada, et ce en vue d'élaborer des plans d'action stratégiques visant à favoriser la coopération en matière de recherche entre les Canada et des pays clés. Compte tenu de l'importance des relations entre les universités canadiennes et la Chine et de l'intérêt du gouvernement chinois et des universités pour accroître la collaboration, le renforcement des partenariats du savoir entre le Canada et la Chine serait un bon point de départ.
º (1625)
[Français]
En terminant, permettez-moi de revenir à notre message fondamental. Les partenariats du savoir optimisent les forces complémentaires dans le domaine de la recherche en vue d'avantages commerciaux à court terme, et favorisent à long terme la transmission du savoir sur laquelle repose l'innovation dans de nombreuses disciplines.
Tandis que le Sous-comité du commerce international fait des recommandations au gouvernement sur sa stratégie à l'égard des marchés émergents, l'AUCC vous demande instamment de faire ressortir l'importance des partenariats dans le domaine du savoir et l'intérêt des universités canadiennes afin de maximiser ces rapports au profit des objectifs internationaux du Canada. Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président: Merci.
Je donne tout de suite la parole à M. Brian Jean.
M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca): J'ai tellement de questions à vous poser que je ne sais plus par quoi commencer.
Je me demande ce que nos témoins considèrent, de façon générale, comme étant le plus important rôle que peut jouer le Canada dans l'économie mondiale. Ce que je veux dire par là, c'est que nous sommes tout de même un pays qui dépend de l'exploitation de ses ressources naturelles. Le salaire par habitant est élevé. Comment donc concurrencer un marché émergent comme la Chine, qui en réalité respecte très peu les brevets et le droit d'auteur? La situation est très semblable en Inde. Il y a tellement d'autres pays qui permettent—ou qui n'interdisent pas, si vous préférez—la violation des droits des détenteurs de brevets—par exemple, dans le secteur de la machinerie, comme d'autres le disaient tout à l'heure.
De l'avis de nos témoins, comment pouvons-nous profiter de l'avantage concurrentiel que nous avons au Canada, surtout à la lumière de l'évolution du secteur manufacturier canadien?
Nous savons que l'économie mondiale est de plus en plus axée sur le libre-échange—du moins dans certaines régions du monde. À votre avis, qu'est-ce que tout cela va donner au Canada?
M. Bernard Courtois: Certaines entreprises dans notre secteur ont connu pas mal de succès en Chine, comme je vous le disais tout à l'heure. Mais ces dernières seraient particulièrement sensibles aux dangers que présente le piratage de la propriété intellectuelle. La situation est probablement plus problématique pour une entreprise de taille moyenne que pour une grande entreprise qui est prête à consacrer le temps et les ressources voulues pour évaluer de très près les partenariats qu'elle accepte d'établir.
Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de faire i'autruche ou d'ignorer un phénomène. Un changement fondamental s'opère actuellement. Nous devons donc nous assurer de rester tout à fait actifs et de devenir partie prenante de ces changements. Encore une fois, un changement de taille s'opère actuellement en ce qui concerne le travail intellectuel. Le Canada devrait essayer de se positionner pour être une véritable porte d'entrée vers l'Amérique du Nord. Les entreprises canadiennes doivent apprendre à investir dans ces marchés et à profiter non seulement des avantages financiers, mais des ressources qui y sont disponibles qui leur permettront de devenir plus concurrentielles sur le marché nord-américain de même que sur les marchés mondiaux.
Il faut que le Canada se rende compte, comme nous avons l'habitude de le dire, qu'un concurrent muni d'une bonne stratégie se débrouillera toujours mieux qu'un concurrent qui n'en a pas. Nous devons donc élaborer des stratégies en vue de venir aux prises avec ce phénomène et avec les changements qui s'opèrent actuellement. Nous avons énormément d'avantages. Nous sommes très proches des États-Unis. Nous avons aussi une population très instruite. Il s'agit d'élaborer de bonnes stratégies pour trouver la place qui nous revient.
Nous allons constater que les entreprises d'aujourd'hui auront connu une véritable explosion sur le plan géographique et par rapport à ce qu'elles font. Il y a eu une véritable explosion en ce qui concerne les chaînes de production. Il nous faut absolument trouver notre place dans ces chaînes d'approvisionnement et dans toutes ces opérations différentes.
º (1630)
M. Brian Jean: Je suis entièrement d'accord avec vous.
Je suis au courant d'une compagnie canadienne qui a transféré ses opérations manufacturières en Chine. Il s'agit, en l'occurrence, d'une compagnie qui fabrique des modems à grand débit pour les LANA. Elle a cru bon de partager sa technologie entre trois compagnies différentes, pour qu'il ne puisse pas y avoir de violations de ses brevets—c'est-à-dire de vol de sa propriété intellectuelle. Et cette compagnie économise environ un tiers par rapport à ce qu'elle aurait dépensé au Canada pour fabriquer le même produit. La qualité est fantastique. Et ces produits reviennent au Canada par la suite.
Il va sans dire que les emplois perdus dans le secteur manufacturier vont nous toucher au Canada. Là nous parlons de haute technologie. Nous parlons d'un secteur qui devrait pouvoir prospérer au Canada, alors que ce n'est pas le cas. Les compagnies s'implantent à l'étranger en raison de la différence de coûts. Pour moi, c'est le même phénomène dans l'industrie de la plasturgie.
Je suis propriétaire d'une compagnie manufacturière. Le fait est que je l'ai transformée au cours des deux dernières années en compagnie de services, parce qu'elle ne peut absolument pas affronter la concurrence sur la scène internationale. C'est tout simplement impossible.
M. Bernard Courtois: C'est justement ça qui arrive actuellement. Les entreprises manufacturières deviennent de plus en plus des compagnies de prestation de services. Mais si vous décidez de ne pas vous prévaloir de cette possibilité, alors que votre concurrent américain le fait, si bien que vous n'êtes plus du tout concurrentiel, à ce moment-là, vous allez perdre votre part de marché partout. Si votre concurrent décide de le faire, vous devez suivre, afin de rester concurrentiel. Dans les cas dont vous avez parlé, il y a des stratégies qu'on peut adopter pour contourner le problème de la propriété intellectuelle.
Par contre, nous avons des membres qui nous disent : Nous mettons au point un nouveau produit et nous le faisons fabriquer par quelqu'un d'autre, mais juste de l'autre côté de la rue. Pour l'instant, nous ne pouvons nous permettre d'avoir des concepteurs qui ne travaillent pas aux côtés de ceux qui fabriquent nos produits. Une fois que nous aurons atteint un certain degré de stabilité en ce qui concerne la fabrication du produit, nous allons sans doute le faire fabriquer en Chine, mais pour l'instant il s'agit d'une innovation, c'est-à-dire d'un nouveau produit que nous devons faire fabriquer par quelqu'un de l'autre côté de la rue.
Parmi les avantages que nous possédons, notons notre compréhension approfondie des marchés sophistiqués—qui se trouvent le plus souvent aux États-Unis—et notre capacité de tirer profit de la productivité de la Chine de manière à conserver notre part des emplois. Mais il va bien falloir que nous évoluions et que nous fassions certains rajustements.
M. Brian Jean: C'est exactement de ça que je parle. Comment devrions-nous évoluer? Où se trouvent les avantages concurrentiels en ce qui nous concerne? Étant donné que les technologies sont de plus en plus transférées à l'étranger et dans les pays en développement… Ce que je constate, dans le cas du Japon, et ce depuis la Seconde Guerre mondiale, c'est qu'il n'attend pas. Non seulement ils copient ce qui se fait ailleurs mais ils vont plus loin, mettant au point des technologies novatrices chez eux, grâce à leur propre main-d'oeuvre.
À votre avis, comment le Canada pourra-t-il affronter la concurrence internationale en s'assurant de maintenir et même de faire progresser la croissance économique?
M. Serge Lavoie: Je voudrais vous citer l'exemple du secteur de la plasturgie. Notre succès s'appuie sur le secteur des ressources naturelles—c'est-à-dire le pétrole et le gaz, et ce de plus en plus en raison des sables bitumineux. Beaucoup de recherches sont faites actuellement sur l'exploitation des sables bitumineux pour la mise au point de résines plastiques, tout comme de plus en plus de recherches sont menées pour déterminer comment les résines à base de plantes peuvent être utilisées pour créer des produits biodégradables.
Notre secteur manufacturier—celui des moules, de la machinerie et du traitement proprement dit—a constitué un véritable laboratoire de l'innovation. Nous avons pu exporter cette innovation dans le monde entier. Nous pourrons continuer pendant plusieurs décennies à exploiter d'autres marchés grâce à cette innovation, mais pour y parvenir, il faudra absolument que nous conservions une certaine capacité manufacturière au Canada. Par exemple, ce n'est pas dans le vide que Husky Injection Molding a pu prendre de l'expansion; si cette compagnie a pu élargir ses opérations, c'est parce qu'elle a réussi à vendre ses machines en Amérique du Nord, à tirer les bons enseignements de cette expérience et à appliquer ce qu'elle a appris dans d'autres pays du monde.
Il y a encore des administrations un peu partout dans le monde qui cherchent à profiter de nos innovations en ce qui concerne les films multicouches, toute une gamme de nouvelles résines, etc., et nous continuons à mettre au point de tels produits. Par conséquent, nous avons créé un créneau qui est tout à fait axé sur l'exploitation de nos ressources naturelles, et cette exploitation n'est pas encore terminée. Nous n'avons pas fini de développer nos ressources naturelles du point de vue de la contribution qu'elles peuvent apporter à notre activité manufacturière au Canada.
Nous possédons déjà une bonne expertise. Cette expertise est en partie liée aux services mais aussi à notre capacité de mettre au point des produits, de les fabriquer, d'apprendre de tout ce processus et de transférer cette technologie dans le monde entier. Pour le Canada, il s'agit d'une formule gagnante depuis au moins 40 ans. En ce qui nous concerne, il y a encore énormément de possibilités, étant donné l'évolution du secteur pétrolier et gazier, de même que celui des résines à base de plantes, secteur où nous pourrons certainement devenir actifs.
Nous sommes aussi des chefs mondiaux à l'heure actuelle en ce qui concerne bon nombre de ces technologies écologiques, où le plastique joue un rôle très important—non seulement par rapport aux résines à base de plantes, mais toute une gamme de produits de la construction. Nous avons au Canada un climat froid. Pour notre part, nous avons mis au point des technologies permettant de rehausser l'efficacité énergétique de nos maisons. Nous avons une forte concentration de produits de la construction au Canada que dans la plupart des pays du monde. Voilà donc qui nous a permis d'exporter, non seulement nos produits et services, mais aussi nos technologies.
Donc, les stratégies appropriées sont à notre portée, à condition que nous acceptions d'analyser les fondements de ces stratégies.
º (1635)
M. Bernard Courtois: Je suis tout à fait d'accord. Quand on élabore des stratégies en vue de réussir, on examine ses forces et on essaie de s'appuyer là-dessus pour aller plus loin. Ce serait tout à fait malheureux que le Canada recommence à axer tout son avenir sur ses ressources naturelles, de sorte que nous redevenions des bûcherons et des porteurs d'eau. Nous avons effectivement des richesses naturelles, mais il s'agit d'exploiter les possibilités d'innovation qui s'appuient sur ces richesses naturelles. Nous avons également une bonne expertise dans le domaine des technologies de l'information et des communications, si bien que nous estimons qu'il faut mettre les deux ensemble—c'est-à-dire nous assurer que nos entreprises et notre secteur des ressources naturelles cherchent ensemble à être plus innovateurs que les autres pays du monde, de façon à créer une chaîne d'approvisionnement au Canada à partir de laquelle nos innovations pourront être vendues dans le monde entier.
M. Brian Jean: Oui, je comprends. Vous avez parlé spécifiquement de Royal Manufacturing, qui a évidemment mis au point un excellent produit qui fait l'objet d'un brevet. Si je ne m'abuse, il y a une autre compagnie basée à Vancouver qui fabrique le même genre de produit—c'est-à-dire très éco-énergétique, facile à installer, et dont la fabrication ne coûte que 50 $ le pied carré.
Je suis curieux. Vous avez dit que la capacité manufacturière se rétrécit au Canada en disant que la cause en est… Je ne me rappelle pas très bien, mais vous avez parlé de prix. Je dois mentionner, encore une fois, que je connais un fabricant qui achète ses bouteilles à l'étranger étant donné qu'elles coûtent le tiers du prix canadien. Cependant, le délai d'exécution est plus long. À l'heure actuelle, cette compagnie achète de petites quantités qu'elle doit utiliser immédiatement, et quand elle peut faire sa planification à l'avance, elle en achète à l'étranger, étant donné que cela coûte moins cher. On dirait que d'après ce que vous dites…je comprends très bien la question technologique, mais il s'agit, me semble-t-il, d'une solution à court terme pour un problème à long terme. Si nous n'agissons pas maintenant pour changer le mode de fonctionnement de nos marchés, nous allons finir par être perdants.
M. Serge Lavoie: Il est clair que nous ne réussirons pas à garder certains marchés à plus long terme—c'est-à-dire des produits d'utilisation courante, des sacs en plastique, ce genre de choses. Par contre, je ne suis pas d'accord en ce qui concerne les bouteilles. Il y a beaucoup d'air dans une bouteille, si bien qu'on ne voudrait pas normalement les expédier dans le monde entier. En fait, nous expédions des préformes en Inde pour la fabrication de bouteilles—et non pas l'inverse—justement pour des raisons de densité.
Mais il existe d'autres secteurs qui sont liés aux marchés. L'emballage en est un bon exemple. Bien sûr, d'autres chaînes de valeur, comme celles des produits automobiles, etc. restent là où elles ont été créées, parce qu'il existe une chaîne d'approvisionnement pour l'Amérique du Nord, et une chaîne d'approvisionnement pour d'autres régions du monde. Il s'agit de savoir où nous pourrons conserver cette chaîne d'approvisionnement et l'activité manufacturière qui la sous-tend, et de l'élargir.
Donc, un changement s'opère actuellement, et nous en profitons. Nous savons, évidemment, que nous perdrons certains marchés, mais nous savons aussi qu'il nous sera possible d'en conserver et d'en obtenir de nouveaux.
M. Brian Jean: Oui, certainement celui de l'éducation. Ce que vous dites me semble tout à fait juste.
M. Serge Lavoie: Moi je parle de l'activité manufacturière. Je ne parle pas de propriété intellectuelle; je parle de biens matériels.
M. Brian Jean: Mais vous dites aussi que nous devons conserver l'avantage concurrentiel que nous possédons en matière de technologie, et c'est essentiellement avec ces pays-là que nous devrons traiter. Nous allons être perdants en ce qui concerne l'activité manufacturière en général, ce qui veut dire que nous allons perdre plus d'emplois, puisqu'il nous faudra nous spécialiser.
M. Serge Lavoie: Dans certains secteurs, oui.
M. Brian Jean: Il va falloir que nous déterminions quel est notre véritable avantage concurrentiel—vous, vous dites que c'est la technologie—et que nous en profitions au maximum.
M. Yuen Pau Woo: Si cela peut vous rassurer, cette même question suscite beaucoup de débats et d'interrogations dans tous les pays d'Asie de l'Est et du Sud-Est, et ce à un degré bien supérieur par rapport au Canada. Dans tous les pays asiatiques—à Taïwan, par exemple—il y a tout un débat sur le phénomène de « l'évidement ».
La conclusion générale semble être qu'ils s'en sortent mieux maintenant, étant donné qu'ils ont accordé la priorité à des secteurs à plus forte valeur ajoutée. Ils ont délibérément décidé d'actualiser certains secteurs d'activité en insistant sur une production informatisée et électronique plus sophistiquée, ou en donnant la priorité aux activités de conception et de recherche, et cette ligne de conduite serait également une solution pour nous, dans notre situation actuelle.
Mais si vous avez remonté dans la chaîne de valeur, et le savoir est ce qui va vous permettre de le faire, il faut investir dans les établissements d'enseignement, et il faut créer un climat où non seulement vous produisez des diplômés brillants, mais vous attirez les personnes les plus brillantes vers vous. Je ne peux trop insister sur l'importance des conditions qu'on crée au Canada, par rapport non seulement à l'immigration mais aux établissements d'enseignement proprement dits, parce que nous voulons attirer vers le Canada les étudiants les plus brillants de Chine, d'Inde, du Brésil, du Mexique, de Russie et du monde entier, et nous voulons qu'ils aient envie de rester une fois qu'ils sont au Canada. Il faut qu'il leur soit difficile d'envisager d'autres possibilités en voyant ce que nous avons à leur offrir.
M. Brian Jean: Je suis d'accord avec vous, monsieur Woo. Moi-même j'ai fait des études aux États-Unis et en Australie, et j'ai trouvé très intéressant de pouvoir étudier avec des gens d'autres pays. Pour moi, c'était très bénéfique.
Mme Karen McBride: J'aimerais faire quelques observations à ce sujet, si vous permettez.
Vous nous avez demandé en quoi devrait consister notre stratégie. L'un des documents que je vous ai remis était justement un communiqué que nous avons rédigé pour présenter notre point de vue sur l'énoncé de politique internationale. Le message central de ce communiqué était que nous faisons la course à tous les pays du monde pour obtenir les personnes les plus talentueuses. Il y a divers moyens d'appliquer notre politique étrangère et commerciale de façon à soutenir la position du Canada dans cette recherche mondiale de talents. S'il y a un créneau que le Canada doit absolument privilégier, c'est bien sa main-d'oeuvre talentueuse et le savoir qu'elle possède.
Peut-être avons-nous besoin d'une stratégie à deux volets. Premièrement, nous devons dès maintenant établir des partenariats avec tous ces pays, qui deviennent plus sophistiqués dans leur propre secteur d'éducation—c'est-à-dire, plus sophistiqués du point de vue des travailleurs qu'ils peuvent produire. Pourquoi donc ne pas renforcer nos partenariats avec eux?
Comme je vous l'ai déjà dit, la Chine est le pays avec lequel les universités canadiennes ont le plus de liens. Nous pouvons donc nous appuyer sur de nombreuses plates-formes pour renforcer cette collaboration dans le domaine de la recherche. Il nous faut travailler avec eux sur un pied d'égalité. Par le passé, l'axe de notre activité était la coopération pour le développement. Mais ce n'est plus du tout le cas. En fait, la Chine n'est plus sur la liste de l'ACDI.
Il s'agit donc de savoir comment nous allons entretenir nos relations avec la Chine et d'autres pays qui ne sont plus sur la liste de ceux qui bénéficient des programmes d'aide au développement. À notre avis, une bonne stratégie consisterait peut-être à s'appuyer sur ces partenariats pour favoriser la collaboration en matière de recherche et d'innovation nous assurerait d'avoir une bonne présence et de pouvoir profiter de cette présence au fur et à mesure que ces pays deviennent plus sophistiqués sur le plan du savoir.
Le deuxième volet de cette stratégie—et cela rejoint ce que vous venez de dire—concerne la création d'un véritable échange de gens talentueux et des programmes permettant de faire venir dans les établissements canadiens les étudiants et les jeunes chercheurs les plus brillants et talentueux. Je vous ai dit que j'avais des exemples d'initiatives prises par d'autres pays. Permettez-moi de vous en citer un ou deux.
Depuis longtemps, l'Union européenne met l'accent sur les possibilités de perfectionnement pour les chercheurs en début de carrière. Ils ont un programme de bourses qui offre des possibilités de mobilité internationale aux diplômés universitaires et aux détenteurs de bourses de perfectionnement post-doctoral. Par contre, le Canada possède peu de programmes permettant d'envoyer les étudiants canadiens à l'étranger, où il faut justement établir ces liens coopératifs. Selon nos recherches, moins de 1 p. 100 des étudiants canadiens vont à l'étranger, et à ce rythme-là, il nous faudra 23 ans pour en arriver au point qui nous semble optimal.
Il s'agit donc d'amener au Canada les étudiants et chercheurs les plus brillants et compétents de sorte que le Canada sera connu à l'étranger pour la qualité de son savoir, et donc de créer des réserves dans ces pays en y envoyant nos étudiants pour y poursuivre leurs études à court terme ou faire de la recherche.
º (1640)
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Paquette.
[Français]
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de vos présentations. Je vais commencer par M. Courtois. Vous avez parlé du PDME, je crois. Hier ou avant-hier, quelqu'un nous en a parlé. Il s'agit d'un programme qui n'existe plus, selon ce que j'ai compris.
M. Bernard Courtois: À ce que je sache, il existe toujours, mais il a peut-être subi des compressions budgétaires
M. Pierre Paquette: Pourriez-vous m'en parler un peu? Je vérifierai de nouveau, mais il me semble qu'on nous a dit que ce programme n'existait plus et qu'on regrettait beaucoup ce fait. Pourriez-vous m'en parler, afin que nous puissions faire une recommandation?
M. Bernard Courtois: Ce programme n'est pas d'un grand intérêt pour nous compte tenu de nos activités. Notre organisme constitue le partenaire national d'une fédération d'associations de technologie de l'information provenant de toutes les provinces. Ce sont surtout les associations nationales qui s'occupent de questions de politiques, les associations provinciales s'occupent un peu plus de développement des plus petites entreprises et les associations locales aident beaucoup les entreprises à se développer. Les plus petites entreprises — dans le domaine des logiciels et de certains équipements, par exemple — consacrent presque toutes leurs ressources à l'exportation, mais elles n'ont pas les moyens d'aller elles-mêmes faire du démarchage pour conquérir de nouveaux marchés. Les associations peuvent beaucoup les aider à établir des contacts, etc.
Quant à nous, nous faisons une demande de fonds auprès du PDME pour ces associations afin qu'elles puissent participer à des activités internationales où elles établiront des contacts avec d'autres associations et, dans certains cas, des décideurs pour aider les entreprises.
Une question technique se pose: aider ainsi les entreprises à exporter constitue-t-il une activité fondamentale de l'association ou non? Il y a peut-être aussi certaines contraintes budgétaires.
º (1645)
M. Pierre Paquette: On va voir à ce que ce programme, s'il existe encore, soit bonifié.
M. Bernard Courtois: La plus grande association au Québec qui est membre de notre fédération représente des entreprises du Réseau inter logiQ qui oeuvrent dans le secteur des logiciels. Une vaste majorité de leurs activités est consacrée à l'exportation. Ces gens font souvent appel à ce programme dans le but d'aider leurs entreprises.
M. Pierre Paquette: Il s'agissait peut-être d'une coïncidence, mais dans votre exposé, vous avez parlé de quatre marchés, en l'occurrence de la Chine, du Brésil, de l'Inde et de la Russie. Je dois vous dire que peu de gens nous ont parlé de la Russie jusqu'à maintenant.
Je ne sais pas si vous avez eu le temps de prendre connaissance du volet commercial de l'Énoncé de politique internationale du Canada. La Russie s'y trouve avec des marchés clés comme le Moyen-Orient, l'Afrique du Nord, l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Quoi qu'il en soit, il ne semble pas qu'à l'heure actuelle, ce pays soit considéré par le gouvernement comme un marché prioritaire. Comme vous avez abordé le sujet et que nous en avons peu entendu parler, j'aimerais que vous nous disiez pour quels motifs le Canada devrait selon vous attacher plus d'importance à la Russie en tant que marché.
M. Bernard Courtois: Pour désigner ces quatre marchés, qui sont plutôt grands et en expansion, on utilise le mot « BRIC » . La croissance de l'économie russe est assez forte, soit d'environ 7 p. 100 par année. Des changements politiques sont intervenus, et l'environnement des affaires commerciales a pu faire en sorte que ce marché soit très difficile.
Certaines de nos plus grandes entreprises, qui ont tendance à poser leurs pions avant les autres dans ce genre d'endroit, nous signalent qu'il s'agit là d'un gros marché, et que ce dernier est en croissance. On ne peut donc pas l'ignorer. Il va continuer à y avoir des difficultés. Par exemple, en Chine et au Japon, Nortel a mis des années et des années à obtenir une part du marché. En tant que pays, nous devrions faire de même et ne pas ignorer un marché qui va demeurer gros. On parle ici d'un marché qui risque d'être important pour nous, même si en ce moment il est un peu difficile d'y faire des affaires.
M. Pierre Paquette: J'aimerais poser une question à M. Lavoie.
J'apprécie beaucoup que l'on rappelle l'importance du secteur manufacturier. J'ai parfois l'impression, que cela vienne des médias, des fonctionnaires ou du gouvernement, qu'on délaisse un peu ce secteur. C'est comme si l'économie du savoir faisait en sorte que tout se passe strictement au plan du design, des brevets. C'est pourquoi je trouve important que vous nous rappeliez la nécessité d'appuyer notre industrie manufacturière.
Comme vous le mentionnez, nous élaborons de nouveaux produits, que ce soit dans le domaine du textile, du vêtement ou du meuble. Nous avons réussi à renouveler nos produits pour faire face aux défis de l'ALENA. Il y a 15 ans, on pensait que l'ensemble de l'industrie du textile et du vêtement disparaîtrait. Or, on ne fait plus les mêmes produits qu'il y a 15 ans. Du côté du gouvernement, en particulier au ministère de l'Industrie, on ne semble pas considérer que cette question a de l'importance.
Par ailleurs, j'aimerais que vous me disiez, selon votre expérience, de quel genre d'appui aurait besoin la petite et moyenne entreprise pour relever les défis des marchés émergents dans le domaine du plastique. On a parlé plus tôt d'un programme.
À l'heure actuelle, dans l'industrie du plastique, on fabrique certains produits. J'ai d'ailleurs été étonné de constater que dans ma circonscription, à Rawdon, il existait une concentration de petites et moyennes entreprises oeuvrant dans ce domaine. Pour survivre, de quoi ont-elles besoin sur le plan gouvernemental?
Par exemple, dans le domaine du meuble, on m'a dit que les activités de recherche et développement n'étaient pas reconnues au chapitre des crédits d'impôt, comme c'est le cas pour les nouvelles technologies de l'information. En matière de fiscalité, que suggéreriez-vous?
M. Serge Lavoie: J'ai bien compris votre question, mais je vais vous répondre en anglais.
[Traduction]
Il y a deux niveaux d'activité, et nous participons justement à ces deux niveaux. Il est essentiel d'aider les PME à restructurer pour faire face à la nouvelle réalité et au Québec, nous avons un programme de tables régionales qui est mis en oeuvre de concert avec DEC au niveau fédéral, et le MDERR au niveau provincial. Dans les six régions de la province, nous réunissons les PME pour faire pour faire un diagnostic et pour les aider à examiner en profondeur leur activité—en vue de bien comprendre les mesures qu'il faut prendre pour relever les défis de l'avenir, les changements qui s'imposent, etc. Nous amenons d'autres partenaires également : EDC, les banques…
º (1650)
[Français]
M. Pierre Paquette: Quel est le nom du programme?
M. Serge Lavoie: Tables régionales.
M. Pierre Paquette: Tables régionales, d'accord.
[Traduction]
M. Serge Lavoie: C'est un projet pilote au Québec seulement, mais d'autres secteurs envisagent de suivre ce modèle.
Donc, nous établissons un diagnostic. Nous leur faisons faire un exercice de planification commerciale. Nous leur faisons faire un programme en 12 points qui s'appuie sur l'approche minimaliste—il s'agit d'activités manufacturières et de processus s'appuyant sur le principe du minimalisme. À la fin de tout cela, ces entreprises se sont transformées de façon à être prêtes à faire de l'exportation. Nous devons aider les PME à se préparer à cette activité-là.
Nous devons également les aider à reconnaître où se trouvent les débouchés les plus intéressants. Pour les PME, les débouchés en Chine sont minimes. C'est un marché impénétrable où il est très difficile de percer. Par contre, nous estimons que c'est peut-être différent en Inde. L'esprit d'entreprise y est très fort, et de plus, il y a beaucoup de PME en Inde. J'y vais vendredi soir pour rencontrer un bon nombre de propriétaires de PME. Là il y a certains débouchés, mais il y en a encore plus en Amérique du Sud et en Amérique centrale, et dans les marchés émergents de l'Europe—c'est-à-dire la Hongrie, la Pologne, et l'Ukraine. Nous trouvons que la situation en Ukraine est assez favorable. Il sera peut-être plus facile de s'y implanter qu'en Russie—qui constitue un gros marché inconnu. Mais l'Ukraine est son voisin, et ces deux pays partagent une langue. Ils ont l'esprit d'entreprise. Pour moi, il y a des ouvertures là-bas.
J'ai visité un certain nombre de ces pays l'an dernier, et j'y ai trouvé de petites entreprises qui sont très désireuses d'utiliser notre technologie, si bien que si nous visons des entreprises de cette taille, il sera plus facile aux PME d'établir des contacts. Les PME ont du mal à pénétrer les marchés importants et les grosses entreprises, mais il existe des créneaux particulier, et nous sommes toujours à la recherche de ces derniers. Comme je vous l'ai déjà dit, ces créneaux existent surtout au Mexique, en Amérique du Sud, et en Amérique centrale. Le Vietnam commence aussi à présenter des possibilités intéressantes. Il y a aussi beaucoup de pays d'Europe. J'ai visité la Croatie; là aussi, ils s'intéressent à nous.
Dans ces pays-là, la situation est plus gérable et je pense que ce sera très intéressant pour les PME de s'y implanter, quels que soient leurs produits.
[Français]
M. Pierre Paquette: Monsieur Woo et monsieur Lavoie, vous avez parlé de propriété intellectuelle et de piraterie.
Actuellement, on négocie un accord de libre-échange avec la République de Corée. À mon avis, l'enjeu de la propriété intellectuelle devrait être l'objectif principal du gouvernement, parce que l'on sait que la Corée n'est pas tout à fait blanche à cet égard. J'aimerais avoir vos commentaires sur de futurs accords de libre-échange avec des pays comme la Corée. J'imagine que le Canada fait cela principalement pour développer un modèle d'entente qu'il essayera peut-être d'appliquer à la Chine ou à d'autres pays.
J'aimerais vous entendre, monsieur Woo ou monsieur Lavoie, sur l'enjeu de la propriété intellectuelle,
M. Yuen Pau Woo: Merci pour votre question.
[Traduction]
Si vous permettez, je vais répondre en anglais.
Les négociations avec la Corée en sont encore à leur début, et si elles se déroulent bien—et c'est ce que semblent indiquer les deux parties—l'accord avec la Corée pourrait bien constituer le premier accord de libre-échange conclu entre le Canada et un partenaire asiatique.
La propriété intellectuelle est certainement l'une des questions dont il faudra discuter, même si la Corée est loin d'être le pays le plus problématique de l'Asie sur ce plan-là. Évidemment, les Coréens ont eux-mêmes des technologies très perfectionnées qui sont à leur avis menacées, notamment en Chine et en Asie du Sud-Est. Par conséquent, ils ont vraiment intérêt à s'assurer qu'ils possèdent un régime de PI qui respecte et protège leurs technologies, et dans ce sens-là, il ne devrait pas être très difficile à mon avis de s'entendre avec la Corée sur la question de la propriété intellectuelle.
Là où les négociations avec les Coréens pourraient se révéler plus difficiles, c'est par rapport à certains produits agricoles—les légumineuses à grains, par exemple et certains…
º (1655)
[Français]
M. Pierre Paquette: Les chantiers maritimes.
[Traduction]
M. Yuen Pau Woo: ... oui, dans l'industrie du transport maritime, absolument, mais aussi par rapport à d'autres produits agricoles qui étaient exclus du premier accord de libre-échange conclu par la Corée, en l'occurrence avec le Chili. Si l'accord de libre-échange avec le Chili est une bonne indication de ce qui risque de se produire, on peut s'attendre à ce que les agriculteurs protestent très vigoureusement contre une libéralisation accélérée du secteur agricole.
Enfin, un autre domaine qui pourrait éventuellement poser problème dans les négociations est celui des droits antidumping. La Corée a été l'objet de plusieurs mesures compensatoires de la part du Canada au cours des deux dernières années environ,—ces mesures ayant surtout visé l'acier et les produits de l'acier—et je suis sûr que les Coréens chercheront à obtenir des seuils moins stricts de manière à régler les accusations de dumping puissent être réglées plus rapidement, étant donné que l'accord est un grand exportateur de produits de l'acier vers le Canada.
Quant à savoir si l'accord que nous conclurions avec la Corée pourrait constituer un modèle pour d'autres accords de libre-échange que nous signerions avec différents pays d'Asie, c'est assez difficile à dire. À certains égards, nous croyons que l'accord qui est encore en négociation avec Singapour constituerait une sorte de modèle, mais le Canada négocie avec Singapour depuis 2000 ou 2001 et n'a pas encore réussi à conclure une entente. C'est une situation très embarrassante pour le Canada, à mon avis, étant donné que Singapour est essentiellement un port franc et un pays libre-échangiste.
Je ne suis pas convaincu non plus, même si nous réussissons à conclure un accord avec la Corée dans les délais prévus ou disons au cours des 24 prochains mois, que d'autres partenaires en Asie voudront entamer des négociations avec le Canada.
[Français]
M. Pierre Paquette: Monsieur Lavoie, voulez-vous ajouter quelque chose au sujet de la propriété intellectuelle?
[Traduction]
M. Serge Lavoie: Je ne suis pas avocat, évidemment, mais il me semble que s'il est possible d'obtenir des garanties financières en vertu desquelles le gouvernement contribuerait à financer des accords de ce genre—pour la machinerie, les moules, etc.—ces accords devraient être assortis de garanties relatives à la propriété intellectuelle. Tout le monde émet des voeux pieux; tout le monde dit que c'est important. Mais ce qui manque, à mon avis, ce sont les mécanismes qui nous permettront d'effectuer le suivi et de faire respecter les règles. Voilà ce sur quoi nous voulons insister : chaque accord que nous concluons porte des dispositions sur la propriété intellectuelle, mais nous n'assurons jamais le suivi nécessaire, et c'est là que le gouvernement doit justement intensifier ses efforts. On peut inclure de telles dispositions dans des accords de ce genre, mais si on ne fait pas le suivi nécessaire et si on ne prend pas des mesures pour faire respecter ces dispositions, toute cela n'aura aucune valeur. Il nous faut des mécanismes—comme ceux que prévoit EDC—pour nous assurer que si un prêt est consenti, l'argent est remboursé; et que, si on s'entend pour respecter les droits en matière de propriété intellectuelle, que ces droits sont bel et bien respectés; il ne s'agit pas de fermer les yeux sur les violations. Ça, c'est très important.
[Français]
M. Pierre Paquette: J'ai une dernière question à poser, et elle s'adresse à Mme McBride. D'abord, je voudrais l'informer du fait que Commerce international Canada n'existe pas. La Chambre des communes a voté contre le projet de loi C-32, qui aurait créé Commerce international Canada.
Mme Karen McBride: C'est vrai.
M. Pierre Paquette: Le gouvernement, jusqu'à présent, n'en a pas tenu compte, mais je voulais vous le signaler parce que c'est une des causes de frustration chez les partis de l'opposition.
J'aurais voulu que vous nous expliquiez un peu plus concrètement ce que sont ces ententes. J'en connais quelques-unes, particulièrement entre l'Université du Québec et l'Université nationale autonome du Mexique, mais j'aimerais que vous nous décriviez ce que peuvent être ces ententes parce que vous y faites allusion partout, ainsi qu'au partenariat intellectuel. Cela n'est décrit nulle part. S'agit-il d'ententes entre les départements d'université ou entre des chaires? Est-ce la création de chaires conjointes?
Mme Karen McBride: Il est difficile de répondre précisément à cette question, étant donné qu'il y a une grande diversité.
Je vais vous donner quelques exemples en anglais.
[Traduction]
Avant que le VIH/SIDA n'ait commencé à représenter une menace au début des années 1980, l'Université du Manitoba menait beaucoup de recherches sur les maladies transmises sexuellement de concert avec l'Université de Nairobi au Kenya. Ces recherches ont fini par être abandonnées en faveur de recherches sur le VIH, dès 1985 lorsqu'on s'est rendu compte que le SIDA était présent au Kenya. Le groupe de recherche Manitoba-Nairobi est connu pour avoir observé que certains travailleurs de l'industrie du sexe n'ont pas contracté le VIH malgré une forte exposition au virus. C'est grâce à cette constatation qu'il a été enfin possible de mettre au point un vaccin contre le SIDA, vaccin qui se faisait attendre depuis longtemps.
Mais leurs recherches profitent déjà au Canada, parce que le travail qu'ils ont accompli au niveau des politiques gouvernementales appropriées dans ce contexte ont permis de prévenir la propagation du VIH/SIDA, grâce justement à cette collaboration dans le domaine de la recherche; cela nous a aidés à identifier le virus qui était à l'origine de la poussée du SRAS en 2003. Dans ce cas-ci, la coopération qui s'est établie dans le domaine de la recherche en vue d'en savoir plus long sur les modèles de transmission du VIH en Afrique ont profité directement au Canada, en permettant au Canada d'acquérir certaines connaissances qu'il a pu appliquer dans le contexte d'autres crises mettant en cause les politiques gouvernementales. Voilà donc un exemple.
» (1700)
[Français]
Comme je vous le disais, il est difficile de donner un bon aperçu de ce type d'accord puisque cela est presque toujours géré par des chercheurs spécifiques, des professeurs spécifiques.
M. Pierre Paquette: Vous dites qu'il faut que le gouvernement s'engage fermement face à ce genre de développement. Quelle serait la forme de cet engagement? Cela prendrait-il la forme d'une enveloppe dévolue aux universités, afin de développer cela?
Mme Karen McBride: À mon avis, il serait important que nous puissions discuter de l'établissement d'une stratégie. Il y a une grande diversité de forces qui oeuvrent en recherche dans les universités, et nous pouvons maximiser les engagements existants. Je crois qu'il serait important qu'on réunisse autour d'une table un maître d'oeuvre au niveau du gouvernement ainsi que des joueurs clés et qu'il y ait une discussion sur l'établissement d'une stratégie spécifique pour maximiser ces diverses collaborations et pour identifier ce que les deux pays — par exemple le Canada et la Chine — veulent maximiser par ces coopérations. En fait, nous pouvons faire beaucoup d'efforts à cet égard.
[Traduction]
M. Yuen Pau Woo: Pourrais-je ajouter quelque chose?
Cette discussion sur les droits de propriété intellectuelle est très importante, notamment par rapport à la limitation du nombre de pays récipiendaires de l'aide au développement, puisqu'il est prévu que la Chine cessera d'être un pays bénéficiaire d'ici 2010. Bien sûr, l'Inde n'est pas mentionnée parmi les pays qui cesseront d'être bénéficiaires de l'aide, étant donné que l'Inde a déjà été retirée du programme l'an dernier—de façon un peu subite et maladroite, à mon avis. Maintenant, ou dans un proche avenir, nous n'aurons plus de mécanisme nous permettant d'assurer une bonne collaboration—une collaboration mutuellement bénéfique—entre le Canada et la Chine ou entre le Canada et l'Inde, coopération qui pourrait prendre la forme d'aide technique.
L'ACDI finançait autrefois des projets de ce genre qui assuraient des avantages réciproques, plutôt que d'entretenir une relation de pays donateur-pays bénéficiaire. Pour vous dire la vérité, l'ACDI ne réussissait pas bien du tout dans ce domaine, parce que les responsables de l'Agence se posaient toujours des questions au sujet des avantages potentiellement réciproques de projets de ce genre.
S'il est vrai que l'Inde et la Chine ne vont plus bénéficier d'aide, et que nous perdons la possibilité d'obtenir des crédits pour participer à des projets de coopération technique qui comportent des avantages mutuels en matière de politiques gouvernementales pour le Canada et la Chine et le Canada et l'Inde, nous aurons perdu quelque chose de très précieux. Et nous ne devrions pas utiliser le prétexte du rétrécissement de nos priorités en matière d'APD—dont l'objectif est très valable et tout à fait justifié pour des raisons stratégiques—pour décider qu'il n'y a plus lieu de maintenir les programmes de coopération technique avec l'Inde et la Chine qui sont financés par les deniers publics.
[Français]
M. Pierre Paquette: Je tiens à mentionner, s'il me reste du temps, que s'il y avait ce genre de partenariat pour les universités, nous tiendrions à ce que les provinces soient assises à la table parce que le réseau universitaire demeure une compétence des provinces, même si le gouvernement fédéral a des responsabilités à cet égard. Je le dis tout de suite pour ne pas qu'on l'oublie s'il y a une recommandation à ce sujet.
Monsieur Woo, plusieurs personnes nous ont parlé des difficultés que les investisseurs chinois et indiens avaient à obtenir des visas pour venir au Canada. Votre fondation s'est-elle penchée sur ce problème? Cela nous a été signalé par plusieurs intervenants, mais personne ne semble avoir de solution à proposer pour régler cette difficulté. On nous a parlé de plusieurs personnes qui investissent au Canada et qui ne peuvent même pas visiter leurs usines, ou alors il leur faut un temps fou pour pouvoir le faire. Quand ils y arrivent, s'ils viennent pour six mois, ils ne peuvent pas faire venir leur femme ou leurs enfants.
Votre fondation a-t-elle réfléchi à cela et aurait-elle une suggestion à nous faire?
[Traduction]
Le président: Comme vous le constatez, nous sommes très libéraux aujourd'hui en ce qui concerne la répartition du temps de parole. Nous passons maintenant à M.…
[Français]
M. Pierre Paquette: On est ici jusqu'à 17 h 45, au moins.
» (1705)
[Traduction]
M. Yuen Pau Woo: Pourrais-je répondre rapidement?
Il s'agit là en réalité de la plainte que nous entendons le plus souvent de la part des entreprises, quand nous parlons des problèmes qu'elles rencontrent en essayant de traiter avec leurs homologues chinois et indiens. C'est aussi dans ce domaine que nos collègues de Citoyenneté et Immigration Canada nous indiquent sans arrêt que la situation s'améliore, si bien qu'il semble avoir un grave manque de correspondance entre ce que nous disent les représentants des milieux d'affaires, c'est-à-dire les intervenants clés—et les réponses que nous font les bureaucrates.
À mon avis, il y a lieu de modifier tout à fait notre approche en ce qui concerne la délivrance des visas—et par là je veux dire qu'il faut aller plus loin que des tests visant à accroître le personnel qui s'en charge ou à modifier les règlements. Ce qu'il faut, ce sont des projets pilotes mettant en oeuvre un régime plus libéral en vertu duquel des visiteurs commerciaux pourraient obtenir un visa temporaire, en s'assurant de bien évaluer les risques.
Je ne veux pas sous-estimer les risques que présentent les prétendus immigrants qui restent trop longtemps ou qui peuvent commettre des actes criminels, etc., mais il y a tout de même lieu à mon avis d'examiner les éventuels risques d'un régime un peu plus libéral, régime qui permettrait de faciliter l'entrée au Canada d'entrepreneurs et de représentants commerciaux venant de Chine. Là je parle de gens qui font partie de délégations officielles, qui sont munis de lettres d'invitation officielles, venant de l'ACTI, par exemple, de l'association de plasturgie ou de la Fondation Asie-Pacifique, mais qui, malgré tout, se font régulièrement refuser un visa. Cela s'est produit encore une fois il y a trois semaines pour une conférence importante—une foire commerciale qui avait lieu à Vancouver, et là 60 p. 100 des délégués chinois se sont vu refuser un visa.
Le président: Nous passons à M. Jean. Brian, c'est à vous.
M. Brian Jean: Merci, monsieur le président.
Je ne suis pas du tout d'accord avec votre façon d'employer le terme « libéral ».
Des voix: Oh, oh!
M. Brian Jean: Je préférerais que vous adoptiez une approche plus « conservatrice » si vous voulez obtenir de bons résultats, et on peut supposer que c'est ça que vous voulez.
J'aimerais revenir sur ces deux questions, plus précisément ce qu'on doit faire pour s'assurer de favoriser un échange de talents dans les deux sens, en ayant des politiques appropriées, plutôt qu'en engageant des dépenses. Avez-vous des idées à ce sujet?
Mme Karen McBride: Je vous ai distribué une petite brochure qui renferme certaines illustrations qui vous donneront un aperçu général des activités des universités canadiennes dans ce domaine. Vous verrez qu'elles ont déjà établi des mécanismes visant à faciliter les échanges d'étudiants.
Il reste que, selon nos données, c'est le manque de financement qui constitue le principal obstacle à la participation à de tels échanges en ce qui concerne les étudiants. Nos recherches révèlent également que l'aide requise est relativement minime, disons de l'ordre de 2 000 $ à 3 000 $.
Pour ce qui est d'envoyer les étudiants canadiens à l'étranger, à notre avis, les réseaux et les relations nécessaires existent déjà. Les universités ont déjà établi des mesures soutien pour favoriser ces échanges. Ce qui manque, c'est un petit financement initial qui permettrait aux étudiants de participer à ces programmes et d'obtenir ainsi une expérience internationale.
Malheureusement, dans certains cas, c'est purement et simplement une question de ressources. Il faudrait que les étudiants qui ont certains besoins financiers puissent obtenir le plus d'aide. Pour nous, les étudiants ayant besoin de financement devraient pouvoir obtenir une bourse par suite d'un concours éventuellement, pour les aider à profiter de ces possibilités d'échange.
M. Brian Jean: Mais faire des études dans la plupart des universités américaines ou australiennes, ou même ailleurs, coûte entre 20 000 $ et 30 000 $ par an, et donc un financement de 2 000 $ ou 3 000 $ semble minime par rapport au coût de telles études. Comment pourrons-nous favoriser le développement de ce genre de talent créatif en faisant des investissements aussi minimes?
Mme Karen McBride: Je parle surtout de la possibilité pour les étudiants canadiens d'aller faire des études pendant de courtes périodes dans les universités partenaires de leurs établissements canadiens. Dans ce contexte, on ne parle pas d'un étudiant qui irait à l'étranger pour faire tout son programme, mais plutôt pour aller y passer un an ou un semestre pour participer à des recherches particulières, par exemple. Le plus souvent, les universités ont des accords de réciprocité avec des établissements qui sont leurs partenaires à l'étranger. Par conséquent, pour les étudiants qui y participent, c'est un moyen très économique d'obtenir une expérience internationale, étant donné qu'ils ne sont pas obligés de supporter le coût d'un programme complet d'études à l'étranger.
M. Brian Jean: Donc, on parle d'un investissement de 2 000 $ ou de 3 000 $, mais aussi de places dans nos établissements universitaires et des frais de scolarité complets, pour l'étudiant concerné. Mais cet échange…
Mme Karen McBride: C'est-à-dire que l'étudiant continue d'être inscrit à son université d'attache et de lui payer des frais de scolarité, mais cette université a des partenaires à l'étranger qui permet de faciliter des échanges d'étudiants.
Quand les représentants de pays européens et autres viennent nous parler à l'AUCC, souvent ils se plaignent et ils veulent savoir pourquoi les étudiants universitaires canadiens ne veulent pas aller chez eux. Ils ont tellement d'étudiants qui seraient intéressés à participer à des programmes d'échange avec des établissements canadiens, mais il n'y a pas suffisamment d'étudiants canadiens qui sont prêts à prendre leurs places dans les universités étrangères. Nous leur répondons que d'après nos recherches, ce n'est pas parce que cela ne les intéresse pas; c'est tout simplement parce que les étudiants concernés ont besoin d'un peu d'aide financière pour pouvoir profiter de ces possibilités.
» (1710)
M. Brian Jean: Ma dernière question est dans le même ordre d'idées—à savoir, que pouvons-nous faire pour encourager les gens les plus brillants et talentueux à faire leurs études supérieures ici au Canada et à y rester? Évidemment, l'avantage concurrentiel que nous avons dans ce domaine, c'est que la plupart des habitants de pays en développement veulent venir vivre au Canada; en même temps, il faut savoir comment on peut les garder ici ou encore encourager leur pays d'origine à leur permettre de venir?
M. Yuen Pau Woo: Il ne faut pas avoir une vision unidimensionnelle de la façon d'attirer vers le Canada les gens les plus brillants et les plus talentueux. Bien sûr, il faut leur permettre de venir faire leurs études dans nos universités et nos établissements d'enseignement, mais on peut aussi leur donner des possibilités d'éducation sur place. En réalité, cela coûte beaucoup moins cher; autrement dit, nous pourrions leur offrir des diplômes canadiens avec les bons titres de compétences, etc.; voilà qui leur permettrait de financer leur éducation pour beaucoup moins cher, et en même temps, ils pourraient obtenir une expérience canadienne. Par exemple, on pourrait leur permettre de venir au Canada pour leur dernière année ou leur dernier semestre d'études, et ainsi ils auraient la possibilité d'obtenir une expérience canadienne pour beaucoup moins cher que s'ils devaient passer quatre, cinq ou six ans au Canada. Voilà une possibilité, et beaucoup d'universités canadiennes ont justement adopté cette stratégie-là. C'est très intéressant.
De plus, par rapport aux coûts que cela suppose ici, je vous fais remarquer que beaucoup de compagnies d'éducation privée sont en train de mettre sur pied leurs propres écoles dans toutes les régions de Chine. Il y a une compagnie canadienne qui a créé un établissement d'enseignement qui assure des services de la maternelle jusqu'à la 12e année. Une autre compagnie canadienne exploite un réseau de maternelles dans l'ensemble du pays. Une école privée de Vancouver a récemment acheté une université dans le nord-est de la Chine. Il y a de nombreux exemples de ce genre d'activité. Tous ces exemples nous indiquent ce qu'on peut faire pour assurer des services d'éducation canadienne de grande qualité à faible coût sur place, tout en permettant aux étudiants d'obtenir une expérience canadienne.
L'autre chose que je voulais dire concerne le fait que certains étudiants étrangers qui viennent faire leurs études ici finissent par entrer dans leur pays. Parfois les immigrants ne supportent pas la situation ici; ils n'arrivent pas à obtenir un emploi, si bien qu'ils doivent rentrer chez eux. Il y en a de plus en plus qui se trouvent dans cette situation-là. Les articles parus dans le Globe and Mail dernièrement parlent justement des problèmes que rencontrent beaucoup de gens qui n'arrivent pas à obtenir un emploi, etc.
Donc, il faut commencer à voir ces personnes comme étant une source de richesse pour le Canada et à les accueillir les bras ouverts, même s'ils peuvent décider de retourner par la suite dans leur pays d'origine. Bon nombre d'entre eux—la plupart—retournent dans leur pays d'origine munis d'un passeport canadien. Donc, au lieu de les considérer comme des immigrants chinois qui n'ont pas pu réussir au Canada et ont dû retourner chez eux, il faut les voir comme constituant une diaspora canadienne à l'étranger et trouver différents moyens de cultiver, de renforcer et de maintenir tous ces réseaux pour qu'ils restent dans notre camp, pour ainsi dire.
Bon nombre de ces personnes qui décident de leur propre chef de retourner dans leur pays d'origine décrochent des postes haut placés dans des compagnies indiennes ou chinoises. Il ne fait aucun doute que ce sont ces mêmes personnes qui seront les futurs grands industriels, et qui dirigeront par conséquent leurs entreprises chinoises tout en continuant de posséder un passeport canadien.
M. Brian Jean: Tous les témoins m'ont convaincu aujourd'hui qu'il faut profiter de notre avantage technologique à l'avenir, en faisant venir des étudiants étrangers, en leur permettant de faire des études et en les convainquant de rester au Canada—et au fond, cela me semble tout à fait nécessaire pour maintenir notre croissance démographique. Encore une fois, je dois reposer ma question : Que faut-il faire pour convaincre ces personnes qui viennent au Canada d'y rester et d'y parfaire leurs études? Il est clair que cela permettrait de les intégrer plus facilement.
Mme Karen McBride: Écoutez, vous avez dit, me semble-t-il, que l'objectif le plus important consiste à recruter ces personnes et à les garder au Canada. Mais en même temps, il y a des avantages pour nous quand ces personnes retournent dans leur pays d'origine, après que nous les ayons recrutées et formées. Il y a des avantages considérables, parce que, comme vous le savez, ces gens qui retournent dans leur pays d'origine continuent d'avoir des affinités avec le Canada. En fait, le Conference Board du Canada a mené une étude il y a deux ou trois ans, si je ne m'abuse, qui indiquait que les échanges d'étudiants dans les deux sens sont corrélés à toute une série d'indicateurs de compétitivité économique. En ce qui nous concerne, le résultat est positif non seulement quand ils décident de venir, nous les formons et—s'ils envisagent de quitter leur pays d'origine de toute façon—ils choisissent le Canada. Ça c'est un résultat positif, mais c'est tout aussi positif pour nous quand ils retournent chez eux, parce qu'ils deviennent des points de contact très importants.
Mais je voudrais revenir sur ce que vous avez dit tout à l'heure à propos de la diaspora. Il y a toutes sortes d'occasions de profiter des réseaux de diplômés des universités canadiennes dans le monde entier. Nous travaillons très activement dans ce domaine depuis plusieurs années. Il y a évidemment la question de la protection de la vie privée, mais nous essayons de faciliter, pour nos ambassades et nos missions à l'étranger, des contacts avec des diplômés d'universités canadiennes qui sont retournés vivre dans leur pays d'origine. Pour nous, ça c'est un autre aspect important de la diaspora. Quand ils retournent chez eux, le résultat est positif pour nous, mais seulement dans la mesure où nous restons en contact avec eux; il est essentiel de maintenir les liens.
Pour ce qui est de les faire venir au Canada, je dois vous dire que l'un des obstacles auxquels nous nous sommes heurtés était le fait que les étudiants étrangers dans tous les autres pays qui sont nos concurrents—tous sauf le Canada—ont la possibilité de travailler en dehors du campus. La situation a récemment changé à cet égard, et nous sommes très contents. À notre avis, c'est une très bonne chose que de permettre aux étudiants étrangers de rester et travailler dans un domaine particulier pendant deux ans, au lieu d'un, après avoir obtenu leur diplôme, parce qu'il est clair que les problèmes d'intégration sont bien moindres s'ils ont déjà fait leurs études au Canada.
Vous nous demandez ce qu'on peut faire avec peu de ressources. Dans cet ordre d'idées, j'insiste encore une fois sur les bourses pour étudiants. L'Australie décerne 400 bourses prestigieuses. Chaque année, le Royaume-Uni accorde 3 000 bourses à des étudiants internationaux qui font des études supérieures. Juste pour vous donner un exemple, l'Allemagne favorise depuis très longtemps ces échanges d'étudiants, puisqu'elle a plus de 200 programmes de ce genre dont le budget annuel dépasse 250 millions d'euros.
Donc, à notre avis, il faut commencer, et une bonne façon de commencer et de faire valoir au Canada une réputation d'excellence en matière d'études supérieures et de recherche, serait de mettre sur pied un programme de bourses prestigieuses. Nous revendiquons ce genre d'initiative depuis longtemps. Il y a les prix qui sont décernés par le gouvernement du Canada. Mais ils ont été un peu édulcorés ces dernières années, en ce qui concerne à la fois leur valeur et les populations qu'ils ciblent. Grâce à un programme de bourses, il serait possible à notre avis de faire valoir au Canada une réputation d'excellence à l'étranger en ce qui concerne son système global d'études supérieures et de recherche, et ce moyennant un investissement relativement minime. Voilà qui permettrait d'attirer l'attention des étudiants étrangers dans un contexte de forte concurrence internationale.
J'arrive de Washington où j'ai assisté à une réunion la semaine dernière. Ils vous diront que les gens pensent, à tort, que les étudiants étrangers ne sont pas les bienvenus aux États-Unis, et que par conséquent, ils sont en train de préparer une campagne de marketing très énergique en vue de communiquer le message aux étudiants des pays du monde qu'ils veulent toujours être le pays qui accueille le mieux les étudiants venant d'ailleurs. Nous, aussi, nous devons assurer une présence dans ces marchés à l'étranger.
» (1715)
Le président: Avant de conclure, je voudrais faire une ou deux observations.
Par rapport à ce que vous venez de dire, madame McBride, on peut supposer que dans la foulée des événements du 11 septembre, le nombre d'étudiants étrangers admis aux États-Unis a dû baisser, mais les deux pays que vous avez mentionnés—l'Australie et la Grande-Bretagne—ont tous les deux, selon moi, de grands avantages puisqu'ils disposent pour financer leurs systèmes d'éducation de revenus que le Canada ne possède pas.
Pourriez-vous me parler un peu de l'effet de la création des 2 000 chaires de recherche annoncée il y a quelques années? Je me rappelle qu'on nous disait à l'époque—je crois qu'on avait dit qu'il y aurait MIT mais que le Canada aurait des centres d'excellence d'un bout à l'autre du pays. Pourtant, vous n'en avez pas du tout parlé.
Deuxièmement, j'aimerais savoir, puisque vous représentez les établissements postsecondaires, pourquoi des pays qui n'ont pas du tout le même standing par rapport au Canada—par exemple, les pays d'Europe—peuvent offrir à leurs étudiants des études postsecondaires gratuites, alors que nous ne pouvons pas le faire ici au Canada.
Mme Karen McBride: Excusez-moi. Vous dites…?
Le président: Je dis que les études postsecondaires sont gratuites dans ces pays, mais au Canada, nous ne pouvons pas nous permettre de le faire.
En ce qui concerne les diplômés à l'étranger, je sais personnellement qu'il y a des diplômés de l'Université York, par exemple, qui habitent à l'étranger—en Grèce, par exemple—qui continuent à financer l'université. Or on ne reconnaît aucunement leurs contributions, et on n'en parle jamais.
Pourriez-vous réagir, et après j'aurai un ou deux autres points à soulever?
Mme Karen McBride: Oui, certainement.
Le programme des chaires de recherche au Canada s'est révélé un excellent outil pour faire connaître les recherches canadiennes à l'étranger. Je n'ai pas de chiffres sous les yeux, mais je pourrais certainement vous les faire parvenir. Quand je parle avec des présidents d'université ou les représentants d'autres pays, je constate qu'on reconnaît à quel point le climat est devenu très positif au Canada en ce qui concerne les recherches, et c'est grâce en partie au programme des chaires de recherche que cela s'est produit.
Nous savons qu'un certain nombre de pays ont demandé à connaître les détails du programme canadien des chaires de recherche pour en savoir plus long sur ce modèle, dans l'idée de l'appliquer éventuellement chez eux; donc, à notre avis, ce programme a grandement contribué à faire du Canada un pays de premier plan au niveau de la recherche, et il faudrait pouvoir maintenir cet élan positif.
Je veux bien vous envoyer d'autres renseignements à ce sujet, si vous estimez que cela serait utile.
» (1720)
Le président: Si j'en parle, c'est parce que j'ai une expérience personnelle de l'exercice qui nous a permis de recruter des chercheurs à qui on avait offert des postes à l'étranger, mais qui ont décidé de rester au Canada, justement à cause de ces chaires de recherche ou de la possibilité d'obtenir ce financement. Dans un cas, cela concernait l'industrie sidérurgique. Au lieu d'aller en Allemagne, ils ont décidé de rester au Canada—bien sûr, avec la collaboration du secteur privé, comme vous le savez certainement. C'est une initiative qui donne vraiment de bons résultats.
Je suis tout de même déçu que vous n'ayez aucunement parlé du fait que ce programme a déjà eu un effet sur notre capacité, non seulement de rehausser la réputation du Canada, mais de recruter les candidats les plus brillants et talentueux.
Mme Karen McBride: Vous avez tout à fait raison de dire que des programmes de grande envergure comme celui-là, et d'autres encore, ont eu un effet très positif pour ce qui est de l'image positive qu'ils ont valu au Canada. Donc, vous avez raison : c'était une erreur de ma part de ne pas en parler du tout, mais je suis contente de pouvoir vous citer encore d'autres exemples. En fait, il y a des statistiques qui prouvent à quel point ce programme a été couronné de succès par rapport à son objectif premier, soit de recruter les personnes les plus talentueuses et de les garder au Canada—qu'il s'agisse de ramener des Canadiens au Canada, ou de faire venir des étrangers très talentueux au Canada.
C'est ce genre d'investissement qui permettra au Canada de gagner sur tous les tableaux. J'ai mentionné au départ que nous sommes dans une course mondiale pour recruter les personnes les plus douées de la planète, et il nous faut faire les investissements qui s'imposent pour que le Canada ressorte gagnant de cette course. Ça, c'en est un.
Votre autre question, étant très large, en est une à laquelle on peut difficilement répondre. Écoutez…je ne sais même pas par quoi commencer. C'est une question très large.
Le président: Permettez-moi de vous en donner un exemple. Je connais des étudiants en Grèce—j'ai moi-même des antécédents grecs—qui vont faire leurs études en Angleterre, mettons. Leurs frais de scolarité et leurs dépenses sont payés, à part leurs frais de logement et de subsistance. Dans ces pays, ces dépenses-là sont prises en charge. En Angleterre, ces dépenses-là sont payées. Comment se fait-il que l'Angleterre puisse se permettre de faire cela, mais nous, non?
Mme Karen McBride: La Grande-Bretagne a récemment instauré un système de frais de scolarité.
Le président: Je n'aurais pas dû parler de la Grande-Bretagne—je parle plutôt de la Communauté européenne. Les étudiants en question ont fait leurs études en Grande-Bretagne, mais ce que j'essaie de vous dire, c'est que tous ceux qui sont membres de la Communauté européenne peuvent faire des études dans différents pays d'Europe sans frais. Comment se fait-il que ces pays-là puissent offrir cela, alors qu'au Canada, nous ne pouvons pas nous permettre d'éliminer les frais de scolarité pour les études postsecondaires? C'est de ça que je parle.
Mme Karen McBride: Eh bien, de façon générale, le financement assuré par les gouvernements paient environ 60 p. 100 des frais de fonctionnement des universités. Les autres crédits qui sont nécessaires pour les frais de fonctionnement doivent venir d'autres sources. Si vous augmentez la participation de l'un, celle de l'autre pourrait éventuellement diminuer. C'est une question de politique. Peut-être que les décideurs politiques actuels estiment que les secteurs à la fois privé et public en profitent, et qu'il faut donc un certain équilibre entre les deux sources de financement.
Il s'agit là évidemment d'une question très large, et d'un débat très complexe, et l'AUCC souhaite que l'équilibre entre les deux soit approprié, afin que l'accessibilité continue d'être la marque prépondérante des systèmes canadiens d'études supérieures.
S'agissant de votre dernière question au sujet des diplômés vivant à l'étranger, je dirais qu'au fur et à mesure que les universités recrutent des étudiants étrangers et se rendent compte des possibilités que présentent ces réseaux, notamment au niveau des contacts avec les diplômés, ces dernières cherchent de façon plus systématique à entretenir des relations avec leurs diplômés étrangers. Ce n'est guère surprenant qu'il y ait eu des progrès sur ce plan-là et que les établissements réussissent mieux dans ce domaine. Comme je vous l'ai déjà dit, les universités veulent s'assurer que la diaspora reste en contact et poursuit le travail consistant à atteindre nos objectifs généraux, c'est-à-dire de rehausser la visibilité du Canada dans ces pays.
Le président: Si je me fonde sur mes expériences personnelles, je dirais que ce travail peut être fait le plus efficacement par nos missions ou nos ambassades à l'étranger. Ces dernières constituent les points de contact clés pour l'expansion progressive de ce réseau.
Merci pour toutes vos observations.
En ce qui concerne les petites et moyennes entreprises qui peuvent maintenant s'implanter dans de nouveaux pays, comme la Croatie—il me semble bien que vous avez parlé de la Croatie—et dans certains petits pays, j'avoue ne pas comprendre pourquoi une PME ne pourrait pas affronter la concurrence dans les marchés émergents plus importants, comme la Chine, par exemple, ou l'Inde. Qu'est-ce qu'elles n'ont pas qu'une compagnie comme Nortel a, par exemple? Je sais que c'est une question de produit. Pourquoi une compagnie de moulage par injection plastique ne pourrait pas y trouver un créneau? Pourquoi ne pourrait-elle pas affronter la concurrence? Quels outils lui faut-il pour s'implanter dans un de ces marchés—la Chine, le Brésil, l'Inde—et être concurrentielle?
» (1725)
M. Serge Lavoie: Examinons les deux volets de la question. Si c'est une entreprise d'outillage ou d'équipement, c'est sans doute un peu plus facile. Une compagnie de ce genre aura justement un créneau à exploiter—un produit particulier qui pourrait très bien intéresser la Chine. Mais les entreprises là-bas sont assez monolithiques; il y a évidemment l'obstacle linguistique, il y a l'obstacle financier; et il y a l'obstacle lié à la primauté du droit. Comme il y a beaucoup d'éléments tout à fait incertains, en règle générale, les PME, qui n'ont pas un gros contentieux ou un gros service de marketing, sont très réticentes à s'obstiner si la vente promet d'être difficile. Voilà donc le premier volet de la question.
En ce qui concerne les produits de plastique, les PME ne vont évidemment pas porter de l'eau à la rivière : c'est-à-dire que cela ne les intéressera pas de vendre des produits transformés en Chine, parce qu'elles auront l'impression de ne pas être du même calibre. Par conséquent, de façon générale, elles ne feront même pas l'effort.
Il y a évidemment des exceptions à toutes ces règles, mais en général, même si nous amenons des chefs d'entreprises en Chine chaque année pour assister aux grandes foires commerciales—et nous y assurons une présence chaque année—il ne semble pas y avoir de débouchés. Les entreprises chinoises sont tellement importantes. Et le fait est que ces entreprises cherchent des possibilités d'exportation, et non pas d'importation. Ces entreprises sont donc beaucoup plus intéressées à s'implanter dans de plus petits marchés, étant donné que là-bas, il y a une véritable soif de nouvelles technologies et de nouveaux produits, et que les quantités de produits qu'ils désirent sont raisonnables, de sorte qu'une PME nord-américaine peut répondre à la demande.
Le président: Nous vous remercions de votre temps et de la contribution que vous avez apportée aujourd'hui aux recherches qui nous permettront de préparer un rapport à soumettre à l'examen du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, puisque c'est ainsi qu'il est nommé.
Je vous remercie à vous tous de votre présence aujourd'hui. Merci beaucoup.
La séance est levée.