SINT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 2 mai 2005
¹ | 1540 |
Le président (M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.)) |
M. Basil "Buzz" Hargrove (président national, Syndicat des travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile) |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
Le président |
M. Jim Stanford (économiste, Service de la recherche, Syndicat des travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile) |
Le président |
M. Jim Stanford |
Le président |
M. Jim Stanford |
Le président |
M. Jean-Louis Roy (président, Droits et démocratie) |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
º | 1605 |
Le président |
M. Jean-Louis Roy |
Le président |
M. Robert Blackburn (vice-président principal, Gouvernement et institutions de développement international, Groupe SNC-Lavalin Inc.) |
º | 1610 |
º | 1615 |
Le président |
M. Piers Cumberlege (directeur général intérimaire, Canada Eurasia Russia Business Association) |
º | 1620 |
º | 1625 |
º | 1630 |
Le président |
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, PCC) |
º | 1635 |
Le président |
M. Deepak Obhrai |
Le président |
M. Jean-Louis Roy |
M. Deepak Obhrai |
M. Jean-Louis Roy |
º | 1640 |
Le président |
M. Robert Blackburn |
Le président |
M. Jim Stanford |
Le président |
Mme Johanne Deschamps (Laurentides—Labelle, BQ) |
M. Jean-Louis Roy |
Le président |
º | 1650 |
L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.) |
º | 1655 |
Le président |
M. Basil "Buzz" Hargrove |
L'hon. Marlene Jennings |
M. Basil "Buzz" Hargrove |
L'hon. Marlene Jennings |
M. Jean-Louis Roy |
L'hon. Marlene Jennings |
M. Jean-Louis Roy |
» | 1700 |
Le président |
M. Robert Blackburn |
L'hon. Marlene Jennings |
Le président |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
Le président |
» | 1705 |
L'hon. Marlene Jennings |
M. Pat Martin |
M. Jean-Louis Roy |
M. Pat Martin |
M. Jean-Louis Roy |
M. Basil "Buzz" Hargrove |
» | 1710 |
M. Pat Martin |
M. Basil "Buzz" Hargrove |
M. Pat Martin |
M. Jean-Louis Roy |
Le président suppléant (L'hon. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.)) |
M. Jean-Louis Roy |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
M. Jim Stanford |
Le président |
M. Jim Stanford |
Le président |
M. Jim Stanford |
Le président |
M. Jim Stanford |
» | 1715 |
M. Pat Martin |
M. Jim Stanford |
M. Pat Martin |
M. Jim Stanford |
M. Pat Martin |
Le président |
L'hon. Mark Eyking |
M. Basil "Buzz" Hargrove |
» | 1720 |
Le président |
M. Basil "Buzz" Hargrove |
Le président |
M. Basil "Buzz" Hargrove |
Le président |
M. Basil "Buzz" Hargrove |
L'hon. Mark Eyking |
M. Basil "Buzz" Hargrove |
Le président |
L'hon. Mark Eyking |
Le président |
L'hon. Mark Eyking |
M. Piers Cumberlege |
» | 1725 |
Le président |
M. Basil "Buzz" Hargrove |
» | 1730 |
Le président |
M. Deepak Obhrai |
M. Basil "Buzz" Hargrove |
M. Piers Cumberlege |
M. Robert Blackburn |
» | 1735 |
M. Piers Cumberlege |
M. Robert Blackburn |
Le président |
M. Robert Blackburn |
Le président |
» | 1740 |
M. Deepak Obhrai |
Le président |
M. Basil "Buzz" Hargrove |
Le président |
M. Robert Blackburn |
» | 1745 |
M. Basil "Buzz" Hargrove |
Le président |
M. Jean-Louis Roy |
Le président |
CANADA
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 2 mai 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1540)
[Traduction]
Le président (M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.)): La séance est ouverte.
Je voudrais souhaiter à nos témoins la bienvenue au Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Je vais commencer par présenter nos témoins. Nous avons, des Travailleurs canadiens de l’automobile, Buzz Hargrove, président national, et Jim Stanford, économiste, Service de la recherche.
Du groupe Droits et démocratie, nous avons Jean-Louis Roy, président, Lloyd Lipsett, adjoint principal au président, Iris Almeida, conseillère spéciale auprès du président, Développement des politiques et relations avec le Parlement, et Diana Bronson, coordonnatrice, Mondialisation et droits de la personne.
Du Groupe SNC-Lavalin Inc., nous avons M. Robert G. Blackburn, vice-président principal, Gouvernement et institutions de développement international.
De plus, mesdames et messieurs, nous avons, de la Canada Eurasia Russia Business Association, Piers Cumberlege, directeur général intérimaire.
Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue à notre comité.
Vous pouvez commencer, monsieur Hargrove.
M. Basil "Buzz" Hargrove (président national, Syndicat des travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile): Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité, de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole devant vous sur un sujet aussi important.
Les TCA constituent le plus grand syndicat du secteur privé au Canada. Nous avons 260 000 membres dans plus de 15 secteurs différents de l’économie. Nous représentons des travailleurs de la fabrication, de la pêche, des transports, etc. Une inquiétude croissante se manifeste au sujet des incidences à long terme des changements incroyables auxquels nous assistons dans l’économie mondiale, des changements qui se produisent dans l’équilibre de la compétitivité entre les différentes régions de l’économie mondiale et des changements qui en résultent dans les domaines du commerce et de l’investissement.
Tout producteur doit maintenant être au courant du prix chinois de l’article qu’il produit et, dans beaucoup de cas, du service qu’il rend. Ordinairement, le prix chinois, c’est-à-dire le prix que pourrait proposer un fournisseur basé en Chine, est inférieur de 50 p. 100 ou plus au prix canadien. Je doute que nous ayons connu dans une période quelconque de notre histoire des situations dans lesquelles un partenaire commercial peut fabriquer presque tout ce que nous produisons, y compris des véhicules finis, des aéronefs, des appareils électroniques avancés et des machines, à la moitié de notre coût.
Dans un tel environnement, une seule chose peut se produire si les sociétés à but lucratif peuvent prendre des décisions en toute liberté. Nous voyons cette chose se produire lentement, mais de plus en plus souvent. Les entreprises délocalisent leurs opérations en Chine pour tirer parti de cette supercompétitivité, et les importations de produits chinois commencent à remplacer la production intérieure, provoquant un énorme déficit commercial. Les sociétés qui ne délocalisent pas leurs opérations en Chine courent souvent le risque de faire faillite.
Nous en avons été témoins à Brantford, où la société Wescast Industries, qui existe depuis des années, a fermé récemment une usine qui employait plus de 600 personnes à cause des importations de collecteurs d’échappement de la Chine, ce qui est vraiment choquant. Un collecteur d’échappement est une énorme pièce d’acier très pesante. Le fait de le fabriquer en Chine et de l’expédier au Canada à un coût inférieur à notre coût de production devrait constituer pour nous tous une leçon du plus grand intérêt.
Grâce à Internet, ce processus a une nouvelle dimension. À part la fabrication, les industries de services ressentent la pression. Bombardier nous a récemment dit – nous pensions que ses représentants seraient présents aujourd’hui – qu’il comptait délocaliser en Inde une centaine d’emplois hautement qualifiés de rédaction technique de son installation de Toronto, simplement parce qu’il serait moins cher de procéder ainsi et de transférer le travail par des moyens technologiques. Nous recevons de plus en plus souvent des nouvelles de ce genre. Nos membres sont de plus en plus en colère parce que le gouvernement permet à une telle situation de se produire.
Cette situation enlève toute crédibilité à l’idée que nos compétences nous protégeront dans cette nouvelle et dangereuse dimension de la mondialisation. De toute évidence, nous n’allons pas pouvoir importer des produits de basse technologie à grand contenu de main-d’oeuvre en échange de nos exportations de produits et de services de haute technologie à grand contenu de savoir. Nos importations de Chine et d’autres économies émergentes s’inscrivent dans toute la gamme des produits, y compris les machines de pointe, le matériel de transport et l’électronique. En même temps, nous exportons très peu sinon rien à ces pays, à part nos ressources naturelles. Ainsi, la montée de la Chine intensifie clairement la régression du Canada, qui est relégué au rôle de bûcheron et de porteur d’eau dans l’économie mondiale.
Je voudrais souligner quelques importants aspects de ce nouveau problème. D’abord, les nouveaux déséquilibres commerciaux ne sont ni exclusivement ni principalement attribuables au bas prix de la main-d’oeuvre dans les pays en développement. La Chine a toujours eu des salaires peu élevés, mais c’est seulement dans les dernières années que ces dangereux déséquilibres ont commencé à se manifester dans nos relations bilatérales. Beaucoup d’autres pays à salaires peu élevés ne constituent aucune menace économique pour le Canada. Le Mexique en est un exemple, même s’il fait partie de l’ALENA. Certains des pays qui nuisent le plus à nos industries et à nos travailleurs ont des salaires relativement élevés, comme le Japon, avec lequel notre déficit commercial annuel au seul titre de l’automobile s’élève à 5 milliards de dollars.
De nombreux éléments, en combinaison complexe, doivent se conjuguer pour qu’un déséquilibre commercial devienne menaçant pour nous. Il y a bien sûr les bas salaires, qui sont maintenus par la force dans le cas de la Chine au moyen de restrictions sur les droits de la personne et les droits syndicaux, mais il y a aussi la productivité élevée. Dans le domaine du montage automobile, on nous dit que la productivité chinoise atteint 70 à 80 p. 100 de notre niveau, et qu'elle monte rapidement parce que les sociétés qui travaillent chez nous appliquent là-bas les mêmes technologies qu’ici.
La politique joue également un rôle. Les efforts stratégiques ciblés déployés par les gouvernements étrangers pour assurer un avantage concurrentiel à leurs entreprises, sous forme de capital subventionné et de marchés intérieurs protégés, de transferts technologiques obligatoires venant d’entreprises étrangères et de contrôle des taux de change, tous ces facteurs expliquent pourquoi la Chine domine maintenant le marché mondial sur le plan des investissements étrangers directs. Les bas salaires ne sont qu’un élément parmi beaucoup d’autres. Selon les mêmes critères, les Canadiens pourraient réduire de moitié leur salaire sans que cela influe sensiblement sur la concurrence qu’ils ont à affronter.
Nous appuyons les droits de la personne et la liberté syndicale en Chine et dans les autres économies émergentes. Nous collaborons avec beaucoup d’autres. Nous sommes heureux de voir ici aujourd’hui les représentants de Droits et démocratie. Cette organisation est très active dans le monde. Nous contribuons également dans de nombreux pays grâce à notre fonds de justice sociale. Il ne faudrait cependant pas être assez naïf pour croire, même si ces efforts sont fructueux, qu’ils suffiront à rétablir l’équilibre économique. Cela ne se produira sûrement pas, ni durant ma vie ni durant celle de mes enfants.
Deuxièmement, le gouvernement du Canada doit protéger la viabilité des producteurs canadiens et les défendre contre les efforts asymétriques découlant des politiques étrangères et de la concurrence étrangère, indépendamment des facteurs qui influent sur le déséquilibre. À cet égard, j’ai été consterné de lire les propos tenus par le ministre du Commerce international, M. Peterson, au cours de la récente mission en Chine. Il a encouragé les sociétés canadiennes à investir à l’étranger et a souligné que son gouvernement se félicite de la concurrence des économies émergentes. Le ministre avait presque l’air de se vanter de ce que le gouvernement du Canada n’interviendrait pas pour protéger ses producteurs et ses emplois. Il devrait peut-être se familiariser avec quelques-unes des restrictions que les Chinois nous imposent dans leur pays. J’ai du mal à imaginer comment il a pu se décider à dire de telles choses en public.
L’engagement à promouvoir le libre-échange à n’importe quel prix est naïf et destructeur. Les autres gouvernements n’agissent pas ainsi. Pas les Américains en tout cas. Il suffit de considérer l’affaire du bois d’oeuvre résineux et de nombreux autres exemples. Les Japonais non plus, comme en témoigne la situation de l’automobile. Le Japon détient plus de 20 p. 100 du marché de l’automobile au Canada. Pourtant, ses importations de véhicules du reste du monde sont inférieures à 5 p. 100 du marché japonais, qui se classe deuxième en importance dans le monde. Ce n’est pas non plus le cas de la Chine.
Les autres pays agissent d’une façon ferme et stratégique pour promouvoir leurs intérêts économiques. Les Canadiens doivent-ils continuer à jouer aux boys scouts et à clamer sur le marché mondial qu’ils respecteront les règles du libre-échange à n’importe quel prix? Notre syndicat ne le pense pas.
Permettez-moi de parler un peu de l’industrie automobile, qui est la plus importante industrie d’exportation du Canada puisqu’elle est la source d’un cinquième de nos exportations. De récentes initiatives dirigées par le Conseil du partenariat pour le secteur canadien de l’automobile aident l’industrie à améliorer sa position concurrentielle en Amérique du Nord grâce à des mesures telles que les nouveaux programmes d’investissement du gouvernement fédéral et de l’Ontario. Les TCA y ont participé dès le départ, comme partenaires du CPSCA, et appuient chaudement les efforts du Conseil qui ne manqueront pas d’influer sur le marché nord-américain.
L’industrie a cependant l’impression qu’en même temps que sa situation s’améliore en Amérique du Nord, elle doit faire face à de sérieuses menaces venant de l’étranger. Pour les produits de l’automobile, notre déficit commercial avec les pays extérieurs à l’ALENA a atteint un record de 11 milliards de dollars l’année dernière. La plus grande partie sinon la totalité de ce déficit est attribuable au Japon, bien sûr, ainsi qu’à des économies émergentes comme la Corée et la Chine. Nous n’avons avec ces trois pays aucune entente de réciprocité nous permettant de leur exporter nos produits. Jusqu’ici, nous n’avons pas pris de mesures pour remédier à ces pénibles déséquilibres commerciaux, qui ne cessent de croître, dans notre recherche d’une nouvelle politique de l’automobile pour le Canada. Il est donc essentiel que le gouvernement agisse avec fermeté pour appuyer la position du Canada dans le secteur mondial de l’automobile, surtout à l’égard de nos partenaires commerciaux étrangers.
Nous devons rejeter la notion d’un accord bilatéral de libre-échange avec la Corée. J’ajoute que le CPSCA a récemment pris la décision de s’opposer à la conclusion d’un tel accord. Les entreprises coréennes détiennent plus de 5 p. 100 de notre marché, mais nous ne vendons pratiquement rien à la Corée. Tant qu’il en est ainsi, toute libéralisation complémentaire ne ferait qu’aggraver la situation. Notre gouvernement doit commencer à se montrer ferme face aux Nissan, Hyundai et BMW de ce monde. Ces sociétés viennent chercher des dizaines de milliards de dollars chez les consommateurs canadiens, sans créer chez nous un seul emploi direct de fabrication. Si elles veulent continuer à vendre leurs produits au Canada, elles doivent y faire des investissements.
Enfin, nous devons montrer plus de vigueur dans la pénétration des marchés asiatiques à croissance rapide. L’Asie est la seule région du monde où le marché de l’automobile continue à croître, mais nous sommes tenus complètement à l’écart. Si nous n’arrivons pas à accaparer une part de ce marché, nous prendrons un grave retard dans les marchés émergents du monde.
Que faut-il faire pour vendre des véhicules au Japon, à la Corée ou à la Chine? Créer une zone franche industrielle? Je suis ouvert à n’importe quelle idée, tant qu’elle crée des emplois au Canada et contribue à rétablir une certaine forme d’équilibre dans nos échanges commerciaux.
¹ (1545)
J’ai discuté récemment avec beaucoup d’Américains. Contrairement aux Canadiens, ils ne se montrent pas timides quand on parle de guerre. J’ai décrit nos relations commerciales avec le Japon et, de plus en plus, avec la Corée et la Chine comme une guerre dans laquelle les seuls combattants qui sont armés et peuvent tirer appartiennent à la partie adverse. Pendant que nous cherchons des moyens de nous protéger, ces pays pénètrent de plus en plus profondément nos marchés. Notre industrie finira par disparaître si nous ne trouvons pas un moyen de riposter.
Nous sommes ouverts aux idées, monsieur le président. Nous exhortons le comité à trouver des idées originales que les Canadiens peuvent envisager.
Permettez-moi de résumer les principales recommandations stratégiques dont le détail figure dans notre mémoire. Nous avons besoin d’efforts proactifs pour gérer les déséquilibres découlant de l’émergence de nouveaux intervenants supercompétitifs dans l’économie mondiale. Ni les principes du libre-échange ni nos compétences ne nous protégeront pas, et ils n’encourageront pas les sociétés canadiennes à investir à l’étranger.
Je dois signaler, monsieur le président, que, comme beaucoup de nos autres industries, notre secteur de l’automobile a une productivité, une qualité et des coûts qui le situent parmi les meilleurs du monde. Malheureusement, cela ne suffit pas pour garder les emplois au Canada parce que nous ne pouvons pas vendre nos produits dans les marchés émergents, surtout en Asie.
Qu’est-ce qui nous protégera? Premièrement, il faut d’une façon générale que nos relations commerciales soient mieux équilibrées. Les sociétés qui vendent des produits au Canada doivent soit acheter des biens et des services canadiens en contrepartie, soit investir dans des installations canadiennes. Autrement, nous devrions limiter leurs importations et leur imposer d’ouvrir leurs marchés.
Deuxièmement, nous avons besoin de mesures complémentaires pour aider nos industries à consolider leurs assises tandis que l’économie mondiale évolue. Cela doit comprendre des stratégies sectorielles flexibles et ciblées, dans le genre des initiatives prises dans l’industrie automobile.
Il faut également que la Banque du Canada comprenne que notre devise doit être maintenue à un niveau raisonnable – aux alentours de 75c. au maximum – pour que nous puissions continuer à vendre sur les marchés mondiaux nos produits à valeur ajoutée, et pas seulement notre pétrole et nos minéraux.
Je voudrais maintenant demander à notre économiste, M. Jim Stanford, de présenter un bref résumé des principaux aspects statistiques de notre mémoire.
¹ (1550)
Le président: Si possible, monsieur Stanford, veuillez être très bref parce que nous ne prévoyons que 10 minutes par organisation.
M. Jim Stanford (économiste, Service de la recherche, Syndicat des travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile): Certainement, monsieur le président.
Le président: M. Hargrove en a pris un peu moins de 12.
M. Jim Stanford: Je vais donc essayer de parler pendant moins deux minutes, ce qui rétablira l’équilibre.
Le président: Lorsque les membres du comité vous poseront des questions, vous aurez tout le temps voulu pour en dire davantage. Veuillez poursuivre, s’il vous plaît.
M. Jim Stanford: Permettez-moi d’attirer votre attention sur quelques-unes des conclusions empiriques qui figurent dans le mémoire, que nous avons distribué dans les deux langues officielles.
Nous avons défini six régions commerciales émergentes. Au total, notre déficit commercial avec ces régions s’est élevé l’année dernière à 40 milliards de dollars. La moitié de ce montant est attribuable à la Chine. Nous avons estimé que ce déficit se traduit par la perte d’environ 160 000 emplois dans le secteur manufacturier et qu’il croît, non seulement en chiffres absolus, mais en pourcentage du total des échanges bilatéraux.
Il y a 10 ans, notre commerce avec ces régions, sauf le Mexique, était bilatéral. Aujourd’hui, il est de plus en plus unilatéral. Nous importons de ces marchés émergents des biens valant trois fois plus que ceux que nous leur exportons.
L’autre grande conclusion est que les importations de produits et, de plus en plus, de services à grand contenu technologique croissent plus rapidement que les importations de produits traditionnels à grand contenu de main-d’oeuvre. Par conséquent, c’est un mythe de dire que nous importons des biens de main-d’oeuvre bon marché et exportons des biens nécessitant de grandes compétences et des technologies de pointe. Les preuves empiriques que nous avons recueillies montrent que nos importations de biens à grand contenu technologique en provenance de ces régions sont celles dont le rythme de croissance est le plus élevé.
Vous pourrez regarder le reste de notre mémoire quand cela vous conviendra, mais je voulais juste attirer votre attention sur ces quelques faits.
Je vous remercie de m’avoir accordé cette minute supplémentaire.
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant au témoin suivant. À vous, monsieur Roy.
[Français]
M. Jean-Louis Roy (président, Droits et démocratie): Merci, monsieur le président. Je voudrais d'abord m'excuser auprès des membres du comité. Nous avions trois ou quatre documents à produire et nous n'avons pas pu avoir ces trois ou quatre documents dans les deux langues. Je suis vraiment malheureux, puisque je suis particulièrement soucieux de cette politique. Je crois que le document sera disponible en français demain ou dans les prochaines heures, selon ce qu'on m'a dit.
Monsieur le président, ce que nous venons d'entendre de notre ami Cumberlege se reflète aussi dans notre perspective, celle de la protection et de la défense des droits, de tous les droits de la personne. Je voudrais d'abord vous parler de la perspective que nous avons en venant devant ce comité, et vous remercier de nous y accueillir.
Nous pensons deux choses. La première est qu'il n'y a pas de contradiction essentielle, de conflit essentiel entre les objectifs des droits humains et les objectifs du commerce international à ce moment de l'histoire. Il nous semble, comme le disait Paul Hunt, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la santé, que nous cherchons, par des voies différentes, à améliorer le bien-être des personnes et des communautés. Par conséquent, le moment est venu de nous rapprocher sérieusement.
[Traduction]
À l’aube du XXIe siècle, force est de reconnaître que les droits de la personne sont solidement enchâssés dans le droit international et occupent une place de plus en plus importante dans la gouvernance mondiale.
[Français]
On a vu cela récemment dans la Constitution européenne. On l'a vu aussi dans le projet de réforme des Nations Unies et, notamment, dans la réforme de la Commission des droits de l'homme et la création d'un Conseil des droits de l'homme à parité avec le Conseil de sécurité. Il y a ici des gens de l'entreprise qui savent que les droits humains sont devenus, pour l'ensemble des partenaires dans une entreprise y compris les actionnaires, une référence de plus en plus centrale.
Par conséquent, nous nous présentons devant vous pour plaider pour que les recommandations qui naîtront de vos travaux et la politique qui naîtra, je l'espère, prennent en compte d'une façon substantielle, durable et solide les éléments de stratégie qui rapprochent et intègrent d'une façon forte et durable les obligations découlant de nos engagements concernant les droits humains ainsi que les obligations qui découlent de nos engagements en matière de commerce international.
Si de plus en plus les droits humains constituent un élément majeur de la gouvernance globale, nous savons — et nous venons de l'entendre d'une façon forte de la voix de l'intervenant précédent — que le commerce international l'est aussi pour notre pays. Cette situation pose de redoutables défis. Nous savons aussi que le commerce international est un élément central et déterminant de cette époque de mondialisation que nous vivons.
Nous pensons qu'un gouvernement comme celui du Canada a la responsabilité d'inclure les préoccupations concernant les droits humains dans la définition de ses politiques d'appui au commerce international, ainsi que dans les négociations qu'il mène sur une base bilatérale ou multilatérale et dans toutes les phases de planification de ses travaux.
¹ (1555)
[Traduction]
Les droits de la personne impliquent également la démocratie, la règle de droit, l’indépendance du pouvoir judiciaire, une administration publique équitable et transparente et une société civile active. Ce sont là les principes fondamentaux d’une bonne gouvernance, d’une gouvernance démocratique. Ces principes jouent dans l’intérêt des gens d’affaires, qui sont nombreux à l’avoir compris.
Nous devons clairement définir les responsabilités de tous les intervenants internationaux en matière de droits humains, y compris les gens d’affaires. Pour cela, nous devons d’abord établir des normes précises et contraignantes à l’échelle nationale et internationale. Nous devons aussi veiller à ce que des mécanismes de promotion et de protection des droits de la personne soient intégrés dans le cadre normatif, réglementaire et économique régissant nos activités commerciales et nos investissements.
[Français]
Nous venons d'entendre que le Canada, au moment où nous nous parlons, est dans une situation à tout le moins sensible au chapitre de ses relations avec ces marchés émergents, selon les données du Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada.
Je voudrais dire aussi que le travail que notre pays et notre société ont fait depuis 50 ans pour définir des normes et des règles en matière de respect des droits humains se trouve dans la même situation. Nous pourrons nous trouver demain face à ce que nous appelons des marchés émergents. Peut-être faudra-t-il plutôt changer cette expression et parler de marchés dominants. Si nous ne consolidons pas aujourd'hui les normes afférentes à ces droits, nous pourrions alors entrer dans une période extrêmement complexe où d'autres détermineraient ces normes et les règles.
Je crois que c'est ce qui se passe dans certains grands pays du monde avec qui nous commerçons aujourd'hui. Je pense notamment à la Chine, où c'est ce qui se passe face à des intérêts étrangers. Or, la possibilité qu'ont ces pays de fermer à clé, de laisser des intérêts étrangers être l'objet de pressions considérables, devrait notamment nous faire réfléchir.
Nous devons bouger dans le sens que je viens d'indiquer pour trois raisons. Ces marchés émergents représentent 40 p. 100 de l'humanité.
[Traduction]
L’universalité des droits de la personne est certainement en jeu dans ces marchés émergents. De plus, ces pays sont en passe de devenir des forces politiques et économiques dominantes sur la scène régionale et internationale. Notre capacité de promouvoir des valeurs communes dans l’ensemble du système international et des divers mécanismes multilatéraux dépend de notre capacité d’amener les gouvernements, les entreprises et les sociétés civiles de ces pays à protéger les droits de la personne par le biais d’initiatives convergentes sur les plans de la diplomatie, du commerce, des investissements et des activités des entreprises.
Troisièmement, maintenant que ces marchés émergents deviennent des donateurs internationaux plutôt que des bénéficiaires de l’aide au développement international, leur engagement envers les droits humains et la responsabilité sociale des entreprises aura un puissant effet d’entraînement sur de nombreux autres pays en développement.
º (1600)
[Français]
Monsieur le président, je demandais récemment à notre ambassadrice à Abidjan ce qu'il y avait de nouveau sur le continent africain. Notre ambassadrice me parlait de choses que l'on connaît plus ou moins. Je lui ai alors demandé si elle pouvait me dire vraiment ce qu'il y avait de nouveau sur le continent africain. Elle m'a alors répondu ceci: « La Chine ». Ceux qui suivent les événements en Amérique latine sont au courant de l'extrême présence des autorités chinoises. Le président y a effectué deux voyages, le premier ministre en a effectué un, il y a des délégations commerciales dans tous les pays d'Amérique latine. La vraie nouvelle en Amérique latine est peut-être aussi l'arrivée ou la présence de la Chine.
Monsieur le président, je voudrais compléter et terminer mon intervention en précisant davantage comment nous voyons le rôle que devrait jouer le gouvernement au chapitre de la promotion de la responsabilité sociale des entreprises. Rappelons d'abord ce que, j'imagine, tous les membres du comité savent. Ces dernières années, un très grand nombre d'initiatives ont été prises par des corporations ou par des groupes de corporations et par des institutions publiques. Je pense au Contrat mondial des Nations Unies, aux règles de l'OCDE sur les entreprises multinationales, aux travaux considérables faits par le Bureau international du Travail et beaucoup d'autres,
[Traduction]
dont le cadre pour la responsabilité sociale des entreprises de l’Union européenne,
[Français]
qui vient encore de changer de niveau en termes de ses contenus. Je cite ces initiatives. J'aurais pu en citer beaucoup d'autres. Il y en a plus ou moins 200.
[Traduction]
Nous nous félicitons de ces initiatives qui constituent un progrès réel. Nous croyons fermement que le respect des droits de la personne peut être un moyen d’améliorer la performance commerciale, le développement commun et un renouvellement de la gouvernance mondiale. Dans un contexte plus vaste, la responsabilité sociale des entreprises accroît la durabilité des échanges, des investissements et du développement et, par conséquent, stimule la prospérité commune à long terme.
Il importe toutefois de souligner que la plupart de ces initiatives ne sont pas de nature contraignante. Ce facteur suscite trois préoccupations: les initiatives volontaires sont parfois inefficaces dans les États fragiles ou non viables; elles peuvent être perçues comme étant facultatives par bon nombre d’entreprises; de plus, elles peuvent être plus superficielles que concrètes.
Il est donc important que le gouvernement du Canada favorise une vaste notion de la responsabilité sociale des entreprises, qui soit systématiquement axée sur les préoccupations et les obligations liées aux droits de la personne.
Les Normes provisoires des Nations Unies sur la responsabilité en matière de droits de l’homme des sociétés transnationales et autres entreprises constituent un document de référence clé qui nous aide à nous concentrer sur le volet des droits humains de la responsabilité sociale des entreprises.
Il y a donc lieu de louer et d’encourager toutes ces initiatives volontaires, mais il faut comprendre qu’il s’agit là des tout premiers efforts pour venir à bout d’un problème sérieux et exigeant. Il est maintenant temps de passer à la deuxième génération de mesures que le gouvernement canadien se doit de promouvoir activement.
Nous devons clairement délimiter les obligations des États, qui sont principalement responsables de la promotion, de la protection et de la réalisation des droits de la personne et des droits des entreprises.
Nous devons également définir les responsabilités des entreprises à l’égard de certaines catégories de droits humains (droits civils et politiques, droits sociaux, économiques et culturels) et leur fournir de l’information sur les pratiques exemplaires de promotion et de protection de ces droits.
Nous devons mettre en place une gamme appropriée et efficace de mesures incitatives et de sanctions, à l’échelle nationale et internationale, afin de nous assurer que les normes relatives aux droits humains sont appliquées par l’ensemble des entreprises et que des recours efficaces sont mis à la disposition des personnes dont les droits sont violés par les entreprises.
Nous devons encourager les entreprises à faire preuve de plus de transparence et de responsabilité dans l’exercice de leurs activités pour habiliter les clients, les investisseurs et les organismes de surveillance de la société civile et nous assurer que le public a accès aux renseignements requis pour évaluer la conduite des entreprises et pour stimuler les initiatives axées sur les marchés et le respect des droits de la personne.
Nous devons enfin élaborer des outils et des méthodes d’évaluation des incidences sur les droits humains qui peuvent servir à déterminer les risques liés aux projets internationaux de commerce et d’investissement. Ces outils doivent être adaptés aux institutions financières internationales et aux organismes de financement gouvernementaux – Exportation et développement Canada, l'ACDI et le Fonds canadien pour l’investissement en Afrique – et appliqués par ces derniers; ainsi, nous serions certains que les fonds et le soutien publics ne seront pas accordés à des projets et des programmes controversés.
Monsieur le président, je voudrais vous informer qu’à Droits et démocratie, nous élaborons actuellement une méthodologie d’évaluation des incidences sur les droits humains et que nous serions heureux d’établir un dialogue à ce sujet avec le gouvernement, les sociétés et d’autres intervenants.
º (1605)
Le président: Merci.
Je peux vous donner deux autres minutes.
M. Jean-Louis Roy: Merci.
Les initiatives liées à la responsabilité sociale des entreprises servent l’intérêt public. Elles ne peuvent cependant pas se substituer à la réglementation et aux stimulants gouvernementaux, qui permettent de définir les paramètres de comportement de toutes les personnes physiques et morales. Comme l’a dit la Commission européenne, nous ne vivons plus à une époque où la mise en oeuvre de programmes publics sociaux et environnementaux de base dépend de la générosité et de la charité unilatérales des entreprises. C’est le rôle du gouvernement.
Nous croyons, monsieur le président, que le sous-comité devrait veiller à ce que le gouvernement du Canada joue un rôle de plus en plus actif de coordination de ses stratégies relatives aux marchés émergents avec les initiatives de responsabilité civile des entreprises et d’intégration des droits des entreprises et de la personne au niveau national et international.
Je vous remercie.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Roy.
[Traduction]
C’est maintenant au tour de M. Blackburn.
Je prie les témoins de se limiter à 10 ou 11 minutes. Nous avons atteint 13 minutes et demie à cause de l’intérêt de l’exposé de M. Hargrove, mais je vous serais reconnaissant de vous en tenir à 10 ou 11 minutes. Je peux vous donner l’assurance que les membres du comité vous poseront de nombreuses questions qui vous donneront la possibilité d’en dire beaucoup plus.
Monsieur Blackburn.
M. Robert Blackburn (vice-président principal, Gouvernement et institutions de développement international, Groupe SNC-Lavalin Inc.): Merci, monsieur le président. Je ne dépasserai sûrement pas 10 minutes. Je vous prie de me le signaler si je suis trop près de la limite.
Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître aujourd’hui, monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs.
Le président m’a déjà présenté. Pour la gouverne du comité, je suis également président du Conseil canadien pour l’Afrique, qui existe depuis près de trois ans et qui compte maintenant plus de 100 membres et membres associés du monde des affaires, des associations de gens d’affaires ainsi que des collèges et universités qui s’occupent du commerce et du développement économique de l’Afrique.
Je présenterai un bref aperçu du Groupe SNC-Lavalin. J’ai distribué un document dans les deux langues officielles que je n’ai pas l’intention de lire ni d’examiner en détail. Le Groupe SNC-Lavalin compte 11 000 employés directs et a des activités dans une centaine de pays. Nous nous occupons essentiellement de la gestion de projets complexes, d’ingénierie, de construction, de gestion d’installations, de gestion des infrastructures et de propriété. Sur nos revenus de 2004, qui se sont élevés à près de 3,5 milliards de dollars, 48 p. 100 provenaient de l’extérieur de l’Amérique du Nord. Sur cette part de 1,64 milliards de dollars, 41 p. 100 venaient de l’Afrique, 20 p. 100 de l’Europe, 19 p. 100 de l’Asie, 5 p. 100 de l’Amérique latine et 14 p. 100 d’autres pays, dont d’importantes activités au Moyen-Orient. Je vous présente ces chiffres pour vous montrer où se situent, pour nous, nos principaux marchés.
J’ai essayé de faire correspondre mes observations aux trois questions que le comité a posées. La première concernait l’opportunité de conclure un plus grand nombre d’accords de libre-échange, de conventions fiscales, d’ententes sur la circulation des personnes, etc. D’une façon générale, les relations visibles de gouvernement à gouvernement, qui se manifestent par des accords de divers types, ont un effet très positif sur l’intérêt et la confiance des entreprises dans les marchés en cause. Nous en voyons de bons exemples par suite de l’ALENA et de l’accord avec le Chili. L’intérêt manifesté envers l’Afrique a aussi beaucoup attiré l’attention du monde des affaires.
Bien sûr, pour faire des affaires dans de nouveaux marchés, les conventions fiscales sont très importantes, de même que la protection des investissements, la reconnaissance des normes professionnelles, des permis de travail et des institutions de financement du développement. La semaine dernière, nous avons eu l’exemple du démarrage du Fonds canadien pour l’Afrique. On pourrait dire qu’il y a suffisamment d’argent disponible si nous avons la confiance, mais ces témoignages du leadership gouvernemental sont importants pour ouvrir de nouveaux marchés, de sorte que toutes les d’activités de ce genre sont très utiles.
Le nombre d’accords de libre-échange mentionnés dans la partie relative au commerce de l’énoncé de politique étrangère... Nous sommes heureux de saisir les occasions créées par les accords de libre-échange, à condition de ne pas négliger nos grands marchés et pourvu que le ministère du Commerce international dispose des ressources nécessaires pour les négocier. Il nous arrive de ne pas être sûrs des raisons pour lesquelles certains marchés sont choisis pour la négociation d’accords de libre-échange. Je dirai donc que si les ressources du ministère sont limitées, comme elles le sont probablement, il vaudrait mieux se concentrer sur les bons marchés existants et les grands marchés émergents. Je me demande parfois si tous les éléments de la liste des accords de libre-échange en négociation satisfont à ces critères.
Vous avez également posé une question sur les services et les renseignements pouvant être utiles pour appuyer les entreprises dans les marchés émergents, compte tenu des contraintes que le ministère connaît. Encore une fois, d’une façon générale, nous n’avons pas besoin d’analyses de tendances macro-économiques. Il y en a des tas. Nous connaissons tous bien la Chine et l’Inde et somme conscients de leur importance dans l’économie mondiale et sur un plan géostratégique. Nous avons plutôt besoin de gens sur le terrain. Nous avons besoin d’une présence canadienne dans les marchés clés. Des gens qui vivent sur place, qui ont un réseau de contacts et savent comment faire les choses peuvent contribuer à ouvrir les portes ou à résoudre des problèmes.
º (1610)
Cela s’applique particulièrement dans les nouvelles économies de marché qui faisaient auparavant l’objet d’une planification centrale. Nous avons besoin non seulement des éléments commerciaux, mais de tout le personnel de l’ambassade, y compris les éléments politiques. Dans les marchés émergents, ces aspects ne sont pas vraiment distincts. Les relations politiques, économiques et personnelles sont inextricablement liées, de sorte que nous avons besoin de gens sur le terrain qui comprennent le fonctionnement de ces sociétés.
La priorité suivante est de disposer de ressources fédérales suffisantes et accessibles d’Équipe Canada, ici à Ottawa, pour le commerce, les affaires étrangères, l’immigration, les services frontaliers, les finances et l’agriculture. Nous avons besoin de toute l’équipe. Nous avons besoin de spécialistes de l’immigration pour faciliter les voyages d’affaires et la formation, de responsables du ministère des Finances pour créer l’environnement fiscal qui encourage les sociétés à rechercher de nouveaux marchés et favorise les conventions fiscales. Transports Canada doit s’occuper des liaisons aériennes et des autres moyens de transport à destination des marchés émergents. Comme nous avons beaucoup d’activités en Algérie, nous aimerions avoir de meilleures liaisons aériennes avec ce pays.
Nous avons besoin de politiques canadiennes cohérentes qui favorisent le commerce avec les principaux pays et marchés, sans se limiter cependant à cet aspect. Dans la partie relative au commerce de l’énoncé de politique étrangère, l’Afrique est pratiquement absente. Elle est brièvement mentionnée à quelques reprises, mais elle ne fait pas vraiment partie de la stratégie, même si le gouvernement affirme qu’elle est très importante.
Exportation et Développement Canada joue un rôle très important. La Corporation commerciale canadienne est souvent très utile pour établir la confiance, non seulement parmi les exportateurs canadiens, mais aussi dans les marchés émergents. L’ACDI peut également être utile. L’essentiel est que nous avons besoin de politiques et d’initiatives cohérentes pour développer les principaux marchés ainsi que de la pleine participation de l’ensemble d’Équipe Canada, et pas seulement des responsables du commerce.
Votre troisième question portait sur les politiques et les efforts de promotion susceptibles de favoriser le commerce, l’investissement et les valeurs canadiennes. Nous avons entendu parler des droits de la personne et de la primauté du droit. Des interventions sélectives du premier ministre, de ministres, d’ambassadeurs ou de hauts fonctionnaires peuvent, si elles sont ciblées et opportunes, être utiles à une société comme la nôtre qui est déjà établie dans ces marchés. Les missions commerciales sont moins utiles pour nous. Même si elles peuvent contribuer à relever le profil du Canada, elles ont moins d’importance pour une entreprise comme la nôtre.
Les interventions de haut niveau destinées à résoudre des problèmes – j’en ai parlé en ce qui concerne les ambassades et la présence canadienne sur le terrain – sont très précieuses pour nous. Lorsque nous avons des difficultés, ce qui est souvent le cas dans les marchés émergents, des représentants haut placés du gouvernement du Canada peuvent nous donner plus de crédibilité et susciter la coopération des autorités.
Le rapport Martin-Zedillo et la commission Blair parlent beaucoup du développement du secteur privé, comme important moyen de réaliser les objectifs du millénaire pour le développement. Le secteur privé canadien possède l’expérience internationale nécessaire pour contribuer au renforcement du secteur privé dans le monde en développement. Ces dernières années, cependant, l’ACDI s’est montrée de moins en moins intéressée à collaborer avec le secteur privé canadien. Dans les cinq dernières années, la part du secteur privé canadien dans la mise en oeuvre de l’aide canadienne au développement international a chuté, passant d’environ 25 p. 100 à 6 ou 7 p. 100. Nous avons donc été très encouragés par le dernier énoncé de politique internationale, qui parle de partenariat avec les sociétés, les ONG et les organisations canadiennes. De plus, le budget de février dernier comprenait des stimulants pour favoriser la participation du secteur privé canadien au développement de l’Afrique.
º (1615)
Je présenterai en conclusion une observation générale. Le développement du commerce et de l’investissement dans les marchés émergents dépend non seulement de l’analyse des tendances, mais aussi et surtout de l’expérience réelle des sociétés canadiennes qui travaillent depuis des années dans les marchés étrangers. La Chine, l’Inde et le Brésil sont des cibles évidentes et importantes à l’échelle mondiale, mais nous avons d’autres marchés qui sont plus importants pour nous, comme le révèlent les données que j’ai présentées au début de mon exposé.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Blackburn.
À vous, monsieur Cumberlege.
M. Piers Cumberlege (directeur général intérimaire, Canada Eurasia Russia Business Association): Après cet exposé exhaustif et détaillé, je crois que j’arriverai assez facilement à m’en tenir à 10 minutes. Autrement, je risquerais de répéter de nombreux points que Bob a abordés.
Si vous le permettez, je commencerai par vous parler de l’organisme que je représente ici aujourd’hui, la Canada Eurasia Russia Business Association ou CERBA. Je voudrais vous entretenir des problèmes et des perspectives que la Russie et l’Eurasie – que beaucoup connaissaient auparavant sous le nom de Communauté des États indépendants ou CEI – présentent pour le Canada. À la fin de mon exposé, j’aborderai brièvement quelques autres marchés qui devraient peut-être, à mon avis, faire l’objet d’une plus grande attention et dont je m’occupe personnellement.
Le commerce international du Canada s’est concentré sur trois des quatre pays qu’on appelle en bref BRIC. Vous connaissez probablement le célèbre rapport Goldman Sachs qui traite de du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine. La partie relative au commerce de l’énoncé de politique internationale est surtout axée sur le Brésil, l’Inde et la Chine, à l’exclusion de la Russie, qui est considérée comme un joueur de la deuxième plutôt que de la première division. Je voudrais contester cette façon de voir les choses et proposer quelques raisons pour lesquelles la communauté canadienne des affaires la conteste elle-même.
Au début des années 1990, beaucoup de Canadiens associaient la Russie à la mafia, mais beaucoup de changements se sont produits depuis, dont les gens ne se sont peut-être pas rendus compte. La Russie est une économie libérale. Il y a eu des progrès sur le plan de la primauté du droit. Il reste bien sûr de nombreux secteurs à améliorer, mais le pays a beaucoup avancé depuis l’époque du capitalisme anarchique du début des années 1990.
Renforcé par la hausse des prix du pétrole, le pays constitue un marché très intéressant. C’est aussi un important producteur de ressources naturelles dans le monde. La Russie est un marché de 145 millions d’habitants. Les consommateurs de la classe moyenne se sont multipliés dans les dernières années. Pour illustrer mon propos, je dirais qu’avant la crise de 1998, Moscou se caractérisait par les produits Versace et Mercedes, auquel se sont substitués aujourd’hui les produits Benetton et Volkswagen. Des changements considérables se sont produits. La Russie est aujourd’hui un grand marché axé sur la de classe moyenne. Bien sûr, il reste encore beaucoup de gens – quelque 40 millions sur la population de 145 millions d’habitants – dont le niveau de vie est très bas et très proche de la pauvreté. Il y a cependant eu des changements extraordinaires dans les cinq ou six dernières années par rapport aux premiers stades de l’ouverture de l’économie russe.
Au sujet des liens entre la Russie et le Canada, je dirais que les Russes ont beaucoup de considération pour la technologie canadienne. Ils partagent avec nous la dimension septentrionale. La Russie est elle-même un pays du Nord, comme le Canada. Il y a un sentiment de destin commun et de besoin commun de résoudre des problèmes semblables. Les Russes ont beaucoup de respect pour la capacité canadienne de montrer du leadership et de fournir de la technologie dans ce domaine. Le Canada cherche à exploiter ce sentiment. Les gens d’affaires membres de la CERBA constatent à cet égard une grande activité dans beaucoup de PME canadiennes qui offrent des technologies spécifiques dans ces domaines. Les responsables de ces entreprises établissent des contacts avec des homologues russes.
L’énergie est un autre grand domaine d’intérêt commun. Comme vous le savez, la Russie est actuellement un très important fournisseur de pétrole et de gaz du marché européen. Elle nourrit en outre l’ambition de devenir un grand fournisseur des États-Unis. Cette ambition se réalisera. Vous le savez sans doute, le président Bush est en train d’ouvrir la voie à l’achat par les États-Unis de ressources énergétiques dans des pays dont, jusqu’ici, ils ne voulaient pas dépendre, mais dont ils savent qu'ils ont besoin aujourd'hui.
º (1620)
Le Canada a un rôle clé à jouer dans ce domaine, à titre d’intermédiaire géographique entre la Russie et les États-Unis. Je crois que nous pouvons aussi assurer un certain équilibre politique et économique dans de telles relations entre les deux pays, comme intermédiaire honnête ou tierce partie indépendante. C’est d’ailleurs ainsi que les Russes perçoivent le Canada, dans une certaine mesure.
De toute évidence, cela se traduira par des perspectives d’affaires, notamment pour les sociétés canadiennes du secteur du pétrole et du gaz. Il y aura de très grands pipelines, de très grands systèmes de transport, qui seront autant d’occasions pour nous.
Il y a un autre domaine – et cela rejoint ce que M. Roy disait tout à l’heure – dans lequel la Russie tient le Canada en haute considération. C’est celui de la responsabilité sociale des entreprises. Vous vous souviendrez peut-être qu’en octobre de l’année dernière, le premier ministre a visité Moscou, a tenu une réunion avec le président Poutine et s’est entretenu avec un certain nombre de dirigeants du monde des affaires au cours d’une table ronde à laquelle j’ai assisté.
Le message qui s’est dégagé de cette table ronde était le suivant: «Nous n’avons pas besoin de vos investissements et ne les recherchons pas. Nous voulons plutôt acquérir vos techniques et méthodes pour aider nos sociétés et nos nouveaux chefs d’entreprise à mieux s’acquitter de leurs responsabilités sociales et à prendre pour modèle le rôle joué par les entreprises canadiennes au Canada.» Pour les Russes, c’est un aspect de la plus haute importance. Il y a eu un certain nombre d’importants dialogues entre les entreprises canadiennes et russes sur cette question. Voilà donc un domaine dans lequel le Canada dispose d’un créneau, d’un avantage concurrentiel de base que nous devrions exploiter.
De quoi avons-nous donc besoin dans nos relations avec la Russie? Premièrement, nous devons rétablir le R dans le groupe BRIC. Pour le moment, la Russie est absente de la politique de commerce international du Canada. Nous devons la réintégrer. Les membres de notre association et moi-même croyons très fort que nous devons nous engager dans cette voie et que la Russie revêt sûrement une importance égale à celle du Brésil.
Nous espérons des interventions au niveau ministériel. Malheureusement, le ministre du Commerce international n’a pas pu visiter la Russie récemment. Toutefois, tant du côté russe que du côté des sociétés canadiennes, il y a une ferme volonté d’avancer et de concrétiser le Conseil commercial Canada-Russie, dont la création avait été conjointement annoncée par le premier ministre et le président lors de leur réunion à Moscou en octobre dernier.
Nous devons accorder un plus grand appui au dialogue septentrional et aux relations commerciales septentrionales, qui se développent bien, mais qui pourraient rapporter de plus grands avantages si le Canada y consacrait les efforts nécessaires. Les Russes s’en félicitent et font les efforts et les investissements nécessaires de leur côté. Je pense que le Canada pourrait en faire davantage.
Nous devons continuer à nous intéresser de près à l’accession de la Russie à l’OMC, qui est imminente. Comme beaucoup d’autres choses en Russie ces deux dernières années, elle est imminente depuis quelques mois déjà.
En fait, le Canada a joué en coulisse un rôle clé d’intermédiaire pour faciliter l’entente entre la Russie et les États-Unis et entre la Russie et l’Union européenne dans quelques grands dossiers. Je crois que cela a suscité de grands appuis dans le gouvernement et la bureaucratie russes. J’ai pu m’en rendre compte au cours de mes visites au ministère de l’Économie, où on éprouve une grande gratitude pour le soutien du Canada. Cela devrait évidemment se traduire par des concessions précises accordées au Canada dans le cadre du processus d’accession.
º (1625)
Je pense à cet égard à l’industrie aérospatiale, dans laquelle la Russie impose des droits de douane très élevés. Il faudrait demander la suppression de ces droits avant que la Russie n’accède à l’OMC. Nous devons également aborder certaines questions relatives à l’accès aux services financiers russes.
Nous avons en outre besoin d’appuyer le dialogue entre entreprises. J’ai mentionné au début de mon exposé que la Russie est une économie libérale, beaucoup moins réglementée que celle de la Chine. Elle s’apparente davantage à l’économie de l’Inde ou du Brésil sur ce plan. En Russie, l’entreprise privée bénéficie, dans l’ensemble, d’une liberté d’action complète, sauf quelques exceptions aussi rares que bien connues. Il est très important que le gouvernement du Canada appuie le développement de ce dialogue entre entreprises qui commence à s’engager.
L’homme d’affaires russe moderne, si je peux l’appeler ainsi, n’a rien de commun avec les gens d’affaires que vous avez peut-être rencontrés au début des années 1990 et avec lesquels vous préféreriez sans doute ne pas traiter. Je crois que la situation est très différente aujourd’hui. Il y a maintenant en Russie des gens d’affaires sérieux qui ont noué d’excellentes relations avec des homologues canadiens. Le gouvernement doit fermement appuyer ce processus et encourager le développement de ces relations.
Voici quelques points précis: maintien des efforts dans le domaine de la protection des investissements, surtout dans le secteur des ressources naturelles, et, comme je l’ai déjà brièvement mentionné, amélioration de l’accès au secteur aérospatial et aux services financiers. Comme Bob Blackburn l’a dit tout à l’heure, il serait également avantageux de mieux intégrer les services politiques et commerciaux de l’ambassade.
Enfin, comme l’heure avance, je voudrais avant de conclure aborder très brièvement quelques autres marchés. La Chine représente un bloc massif et une très forte économie. L’Inde aussi possède une très forte économie émergente. Bien sûr, l’Europe et les États-Unis constituent deux blocs économiques très puissants que nous connaissons bien déjà.
À mon avis, nous devrions nous intéresser à trois autres marchés au moins pour éviter de dépendre de ceux que j’ai déjà mentionnés. La Russie et l’Eurasie constituent le premier; le Brésil et l’Amérique latine, le deuxième, et – comme l’a dit Bob – l’Afrique du Sud et le reste du continent africain, le troisième. Tout en applaudissant les efforts ciblés, je crois que nous en avons un peu trop fait dans le cas de la Chine, de l’Inde et du Brésil, au détriment d’une politique commerciale plus équilibrée qui tiendrait également compte de ces autres marchés.
En conclusion, je recommande que le Canada étudie l’importance de ces blocs, tant au niveau du commerce international qu’au niveau politique, comme moyen d’assurer l’équilibre dans le nouvel ordre économique qui commence à s’établir dans le monde.
Je vous remercie, monsieur le président.
º (1630)
Le président: Merci.
Je dois constater que nous avons encore été assez larges dans le calcul du temps de parole.
Pendant la période des questions, nous commencerons avec M. Obhrai, qui sera suivi de Mme Deschamps, Mme Jennings et M. Martin. Je voudrais préciser, pour la gouverne des témoins, que chaque membre du comité dispose de 10 minutes à partager entre ses questions et vos réponses. Après le premier tour de table, il devrait nous rester assez de temps pour un deuxième. Je vous prie donc de ne pas oublier que les 10 minutes comptent aussi bien pour les questions que pour les réponses.
À vous, monsieur Obhrai.
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, PCC): Monsieur le président, nous avons des témoins très importants qui ont parlé de questions très importantes. Ils représentent deux côtés, mais ils sont ici ensemble, ce qui nous permet d’engager avec eux un dialogue plus vaste.
Je voudrais mentionner d’abord que j’ai rencontré M. Buzz Hargrove pendant que je m’occupais de l’étude sur l’accession de la Chine à l’OMC. Le syndicat avait alors soulevé des objections.
J’accepte l’argument de M. Hargrove sur la Chine et son dossier des droits de la personne, ce qui m’amène à vous, monsieur, et à la question des droits de la personne...
J’ai assisté deux fois à la conférence des Nations Unies sur les droits de l’homme. Malheureusement, comme notre ambassadeur l’a dit, cet organisme est totalement inefficace. Quand une organisation internationale perd ainsi toute efficacité, le message transmis au monde entier est qu’il n’y a plus de règles du jeu. La Chine représente l’un des cas où, comme M. Hargrove l’a dit, il n’y a ni règles du jeu ni syndicats ni droits de la personne. Cela se répercute évidemment sur le commerce mondial. C’est ce qu’on appelle le facteur chinois.
Même si j’accepte cet argument, il n’en demeure pas moins que le Canada est une nation marchande qui doit aller dans le monde pour faire la promotion de ses produits. Nous n’avons que 30 millions d’habitants. J’ai participé aux missions commerciales en Chine et en Inde, et j’ai pu constater que la participation des petites entreprises à ces missions n’a rien à voir avec ces choses. SNC-Lavalin, dont j’ai rencontré des représentants à plusieurs occasions au cours des missions commerciales, est une grande société qui peut se permettre d’aller là par ses propres moyens. Je veux être très franc: elle a suffisamment de ressources pour se débrouiller toute seule.
Ce qu’il y a de nouveau au Canada, c’est que la communauté multiculturelle commence à vouloir saisir ces occasions. Des pays comme le Brésil et l’Inde ont un mouvement syndical assez fort. Les difficultés ne se manifestent actuellement qu’en Chine. Bien sûr, la Russie elle-même n’est pas encore membre de l’OMC.
Compte tenu de tous ces facteurs, j’en viens à la conclusion que le Canada n’a pas d’autre choix que le commerce. Nous avons besoin de règles du jeu équitables, j’en conviens avec vous. C’est là que nous devrions mettre nos ressources en commun, dans le cadre de l’OMC.
Vous avez mentionné le bois d’oeuvre résineux. Nous savons pourquoi. Bien sûr, l’ALENA aussi avait pour objet d’établir des règles du jeu équitables. Les questions liées aux droits de la personne entrent en jeu à beaucoup d’endroits comme l’Indonésie et l’Afrique.
D’une façon générale, comment faire pour obtenir de telles règles du jeu? N’est-ce pas en recourant à des organisations internationales comme la Commission des droits de l’homme des Nations Unies? Vous avez mentionné l’Organisation internationale du travail. Je suis allé là. Je ne trouve pas l’organisation très efficace. Elle s’embourbe dans des questions politiques et autres.
La question que le comité doit trancher, c’est de savoir comment tirer pleinement parti des marchés émergents et des occasions qui s’y présentent tout en préservant les valeurs canadiennes de base?
º (1635)
Le président: La question s’adresse-t-elle à un témoin en particulier ou bien à tout le groupe?
M. Deepak Obhrai: Le problème est que nous sommes en présence de grands experts.
Le président: Vous avez six minutes à vous partager.
Monsieur Roy.
[Français]
M. Jean-Louis Roy: Je voudrais remercier M. Obhrai pour les questions difficiles qu'il pose et lui dire que
[Traduction]
je suis tout à fait d’accord avec lui que la Commission des droits de l’homme des Nations Unies doit être complètement restructurée. Kofi Annan a déposé d’importantes propositions. Je crois que le Canada et les Canadiens devraient suivre ce qui se passe. Ce dont nous avons besoin dans le monde, c’est d’un nouveau genre d’instrument efficace pouvant répondre aux besoins en matière de droits humains et protéger les droits de la personne.
[Français]
Je voudrais simplement ajouter une réflexion, monsieur le président. On a entendu parler ici d'un certain nombre de pays. On a entendu parler de l'Algérie, au sein du continent africain, de la Russie et de la région que vous avez identifiée. On aurait pu parler d'autres pays. Je pense à l'Iran, puisqu'il est question de droits de l'homme. Je suis sûr que M. Blackburn ne serait pas opposé à ce que je vais dire.
Il fut un temps, pas si récent, où il était difficile de travailler en Algérie parce que les droits des Algériens et la protection des étrangers étaient remis en cause en permanence. Il y avait continuellement des assassinats collectifs et des massacres en Algérie, et cela pendant des années et des années. L'Algérie redevient aujourd'hui un pays avec lequel on peut commercer correctement — on le faisait auparavant, mais c'était complexe — d'une façon plus simple. Ce pays est en train de devenir un État de droit. Il se rapproche d'une démocratie qui respecte les droits des minorités et les droits des personnes.
Comme vous l'avez dit vous-même, il y a peu de temps encore, on se demandait, en pensant à la Russie, qui étaient ces gens. Ce pays était-il vraiment dominé par la mafia? Je reprends vos propos.
Vous nous apportez des bonnes nouvelles. Je vous crois sur parole quand vous dites qu'on se rapproche...
[Traduction]
M. Deepak Obhrai: Monsieur Roy, nous n’avons au total que 10 minutes.
[Français]
M. Jean-Louis Roy: ...en Russie de quelque chose qui va donner, à terme, une espèce de démocratie. Cela devient possible. En d'autres mots, les conditions de ce commerce sont importantes pour le Canada. Vous avez raison, on n'a pas le choix. Les conditions incluent, en haut de la liste, une référence à la protection des droits humains, ce qui est l'expression la plus forte de la démocratie, un système judiciaire fort et indépendant et la possibilité de recours lorsqu'il y a abus, soit par l'autorité publique ou par le secteur privé.
º (1640)
[Traduction]
Le président: Monsieur Blackburn, je pense que vous souhaitez répondre.
M. Robert Blackburn: Je voudrais juste formuler de petites observations en réponse à un commentaire de M. Obhrai. Tout d’abord, vous avez dit que SNC-Lavalin a les moyens de se débrouiller toute seule. Il importe de noter que nous essayons de compter sur les compétences des Canadiens et des sociétés internationales. Par exemple, le projet Chamera II que nous venons de terminer en Inde a fait intervenir 60 PME canadiennes et de très nombreuses entreprises indiennes. Nous jouons donc essentiellement un rôle d’intégration. Nous ne faisons jamais les choses tous seuls.
Ensuite, vous demandez comment on peut faire rayonner les valeurs canadiennes. Dans notre cas, nous avons dans notre entreprise un code d’éthique rigoureux. Nous respectons les lois locales, mais si elles ne sont pas aussi strictes que celles du Canada, nous utilisons plutôt les normes internationales dans certaines régions. Nous avons donc notre propre code de conduite, comme la plupart des sociétés canadiennes qui ont des activités à l’étranger, je crois. C’est l’un des avantages des Canadiens – dont 86 p. 100 des échanges se font avec les États-Unis –lorsqu’ils vont à l’étranger et appliquent les méthodes d’affaires canadiennes dans les marchés émergents et les marchés qui présentent des difficultés du genre dont M. Roy vient de parler.
Le président: Il reste une minute et demie.
Monsieur Hargrove, monsieur Stanford, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Jim Stanford: Nous devons insister pour le respect des droits de la personne et des libertés syndicales dans toutes ces régions, en recourant à tous les moyens à notre disposition: relations bilatérales, initiatives canadiennes indépendantes, tribunes multilatérales. Vous avez mentionné l’OIT, monsieur. Je crois que nous avons réalisé certains progrès par son intermédiaire, mais il y a aussi des fédérations sectorielles du travail, comme la Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie, à d’autres endroits où nous avons travaillé. Nous devons cependant faire ces choses d’une façon désintéressée, et pas seulement parce qu’elles peuvent contribuer à l’établissement de règles du jeu équitables. Nous avons essayé de montrer dans notre mémoire que, d’une façon générale, le succès de pays tels que la Chine, la Corée ou le Japon sur nos marchés, qui a donné lieu à ces grands déséquilibres commerciaux, n’est pas surtout fondé sur l’oppression ou la violation des droits de la personne. Tout cela existe, mais s’atténue généralement avec le temps.
Prenons la Corée par exemple. Au départ, elle avait un régime plus tôt répressif, qui s’est progressivement libéralisé. La démocratie a fait d’importants progrès dans le pays. La Corée a un mouvement syndical très bien organisé. En fait, il y a un constructeur automobile qui a affirmé que le seul syndicat du monde qui se montrait plus militant que les TCA était celui des Coréens, ce qui n’est pas peu dire. Le pays a énormément avancé. Malgré cela, la Corée exporte au Canada des produits de l’automobile d’une valeur de 1,8 milliard de dollars, mais ne nous achète presque rien. Savez-vous pourquoi? Il y a de multiples raisons économiques, politiques, tarifaires et culturelles. Devrions-nous nous résigner en disant: La Corée a la liberté syndicale, nous n’avons donc pas à nous plaindre; comme les règles du jeu sont équitables, laissons-la prendre possession de notre marché? Non. Nous recherchons une forme d’équilibre dans les résultats et la réciprocité des relations commerciales. Nous n’essayons pas d’établir des règles du jeu équitables dans l’abstrait.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Madame Deschamps, s'il vous plaît.
Mme Johanne Deschamps (Laurentides—Labelle, BQ): Merci, monsieur le président.
Je vais jeter mon dévolu sur M. Jean-Louis Roy. Je vais poursuivre un peu dans la même veine que M. Obhrai.
Vous demandez au Canada d'être très sensible aux droits humains. Comment peut-on garantir le respect des droits humains lorsqu'on fait face à un pays dont la responsabilité fait défaut à cet égard et qui, parfois, n'a même pas la volonté de protéger ces droits?
M. Jean-Louis Roy: Madame la députée, merci de votre question. Elle rejoint les préoccupations de M. Obhrai.
C'est la responsabilité des États de protéger et de promouvoir les droits humains. C'est la doctrine la mieux partagée chez les défenseurs des droits humains. Je crois que c'est ce qu'a réaffirmé la Conférence mondiale sur les droits de l'homme qui a eu lieu à Vienne. C'est la responsabilité des États.
Vous demandez comment nous assurer de la garantie du respect des droits humains dans un pays où il y a des difficultés. Cela rejoint la question de votre collègue, M. Obhrai.
Il est absolument sûr que le système de concertation et de recherche pour de nouvelles protections des droits humains au niveau international n'est plus crédible. Kofi Annan le dit, et Louise Arbour vient de l'affirmer dans des termes extrêmement clairs. Un pays comme le nôtre doit absolument soutenir et enrichir les propositions de réforme du système mondial de protection et de définition des droits humains qui est né après la guerre et qui, 60 ans plus tard, a besoin d'être complètement refait. En effet, un pays comme le Canada peut, plus directement que la communauté internationale, interroger un pays comme la Chine et voir comment ce pays respecte ou non les droits humains.
Kofi Annan a fait une proposition de réforme. Actuellement, quelques pays jouent une espèce de jeu très difficile à démêler. Si vous êtes allés à Genève, vous savez ce que je veux dire. Cependant, selon la proposition de Kofi Annan, le nouveau Conseil des droits de l'homme au sein du système des Nations Unies serait une espèce de révision par les pairs de tous les pays du monde. Ce n'est pas si terrible. Comme le conseil se divise en deux chambres, si vous passez 20 pays par année, vous en passez 200 en une décennie. Tous les pays devraient venir non pas s'expliquer comme devant un tribunal, mais rendre compte de leur gestion des droits civils, politiques, sociaux, économiques et culturels. Cela se fait dans les grandes régions du monde au sein de certaines commissions des droits de l'homme, par exemple pour l'Afrique, pour l'Amérique latine, pour l'Europe. Cela se ferait maintenant à l'échelle mondiale. C'est ma première réponse.
Tout à l'heure, j'ai commencé mon intervention en disant que nous pensons que les milieux d'affaires ont un rôle central à jouer pour la protection des droits humains. En effet, ils jouent aujourd'hui un rôle énorme dans le monde, et l'investissement a pris une place très importante dans le marché mondial, avec les transferts de technologies, etc.
Je respecte ce qu'a dit M. Blackburn et je pense qu'il y a beaucoup de corporations qui ont des codes de conduite volontaire de qualité, mais toutes les corporations n'en ont pas. Je crois qu'on doit aller un cran plus loin, parce que la responsabilité des droits humains, si elle est d'abord celle des États, ne leur incombe pas exclusivement. La force des corporations, leur impact lorsqu'elles arrivent dans une communauté humaine étrangère, ce qu'elles apportent et ce qu'elles font, tout cela a une telle signification qu'il doit y avoir des normes communes. J'ajouterai que nous parlons aussi d'États en grande difficulté, d'États qui sortent de guerre ou qui sont en faillite. Il y en a beaucoup. Il y en a en Afrique de l'Ouest, en Afrique centrale. Il y a aussi la Colombie, et on pourrait continuer.
On a vu des rapports faits au Conseil de sécurité des Nations Unies décrivant les comportements de certaines sociétés canadiennes qui étaient proprement scandaleux et offensants pour la dignité des personnes placées dans des situations invraisemblables par ces corporations. On parle sans doute de cas exceptionnels. Je l'espère. Mais ces cas exceptionnels ont lieu dans de vastes régions du monde où il n'y a pas de système d'État de droit ni de contrôle. Dans la communauté internationale, il y a le fameux concept qui est venu du Canada, dit-on, et qui fleurit aujourd'hui dans la littérature internationale et dans la volonté du secrétaire général des Nations Unies: l'obligation de protéger. L'obligation de protéger est aussi un régime de droits humains.
Nous demandons que, avant que le gouvernement du Canada investisse de l'argent public dans des projets de commerce international, d'exportation, de soutien sous toutes ses formes, on fasse un human rights impact assessment, comme on commence à le faire dans le domaine de l'environnement. Nous ne nous attendons pas à un résultat de 1 000 p. 100 demain matin, mais nous aimerions au moins que la préoccupation soit présente, centrale et durable. Ainsi, le travail que nous accomplissons dans le monde en sera un qui enrichira le Canada et qui nous permettra de commercer, bien sûr. Mais je suis d'accord avec mon voisin sur le fait que ce n'est pas la première raison pour laquelle nous faisons cela.
Nous faisons cela d'abord parce que nous croyons qu'il y a une commune dignité chez les êtres humains partout dans le monde et qu'on ne peut pas traiter un Congolais n'importe comment, ni faire travailler des enfants de huit ans, ni traiter d'une façon totalement inéquitable les hommes et les femmes dans le marché du travail, etc.
Il y a une grande partie du monde que nous n'avons pas évoquée ici, monsieur le président, qui est l'espace arabe du monde, l'espace islamique du monde en quelque sorte. C'est aussi un grand marché, qui est maintenant au centre de la préoccupation internationale. Vous ne réglerez pas le problème de ces régions sans une forte dose de pression relative au respect des droits humains.
Le président: Merci.
C'est à vous, madame Jennings.
º (1650)
L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup pour vos présentations.
J'ai trois questions: une pour M. Roy, une pour M. Blackburn et une pour M. Hargrove.
Monsieur Roy, dans votre présentation, vous avez parlé d'une interdiction. Vous recommandez une interdiction temporaire de la vente de la technologie de sécurité et de la technologie de surveillance canadiennes en Chine.
J'ai feuilleté très rapidement le rapport sur le Golden Shield Project. Étant moi-même très préoccupée par toute la question du droit à la vie privée et de l'accès à l'information — je siège d'ailleurs au nouveau comité permanent de la Chambre sur ces questions —, j'aimerais que vous en parliez un peu plus, tout en exposant la politique actuelle du gouvernement canadien sur cette question de la vente des systèmes de dual usage. I think it's really a key issue.
Monsieur Blackburn, vous avez beaucoup parlé du rôle que l'ACDI pouvait et devrait jouer. Vous avez dit, lors de votre intervention, qu'en plus d'utiliser des instruments multilatéraux visant à faire parvenir notre aide humanitaire aux pays où sévit une catastrophe, nous devrions, par l'entremise de l'ACDI, utiliser l'expertise canadienne et adopter une politique en vertu de laquelle il serait possible de faire appel à des compagnies canadiennes dans le cas de certains services en matière de développement international. Contrairement aux situations d'urgence, il ne s'agirait pas nécessairement de services humanitaires.
Cependant, l'ACDI propose de réduire de façon assez draconienne le nombre de pays considérés comme des priorités. Comment cette décision va-t-elle modifier la capacité des compagnies canadiennes, en l'occurrence les petites et moyennes entreprises mais surtout les grandes, d'accéder aux marchés des pays qui ne recevront pas d'aide financière de l'ACDI? Comment ceux qui occupent déjà ces marchés pourront-ils accroître la participation du Canada dans ces marchés?
Monsieur Hargrove, j'ai beaucoup apprécié ce que vous avez soulevé concernant le déséquilibre dans le marché, surtout entre l'industrie canadienne de l'automobile et celle d'autres pays. Vous avez utilisé la Corée comme exemple. Imaginons que l'industrie de l'automobile connaisse un déficit. Si dans un tout autre domaine, il y avait un surplus, globalement, il y aurait malgré tout un surplus.
Or, il se peut que le gouvernement canadien décide de sacrifier l'industrie automobile parce qu'il y a des surplus dans d'autres domaines. J'aimerais, si possible, que vous nous fassiez part, de façon claire, de quelques facteurs ou critères que le gouvernement canadien devrait garder à l'esprit au moment où un accord de libre-échange est négocié avec un autre pays.
º (1655)
[Traduction]
Le président: Monsieur Hargrove.
M. Basil "Buzz" Hargrove: L’un de nos problèmes est que nous avons un déficit commercial d’ensemble avec 99 p. 100 des pays dont nous parlons. Nous ne pouvons donc pas faire ce genre d’échange.
Vous avez demandé quel était le problème et ce que nous devrions faire. Tout d’abord, nous devrions renoncer à l’idée de signer des accords de libre-échange avec des gouvernements et revenir à la négociation d’ententes commerciales basées sur des questions sectorielles communes ou sur des compromis, comme vous l’avez mentionné. Si vous me dites que nous avons décidé, dans le cas de la Corée, de sacrifier le secteur de l’automobile parce que nous sommes forts dans un autre domaine, ce serait là un type d’échange que mon père aurait trouvé très raisonnable. Mais ce n’est pas cela que nous faisons. Nous signons des accords par lesquels nous renonçons à nos droits souverains en matière de commerce, comme nous l’avons fait avec les États-Unis, ce qui nous a valu une énorme raclée. Même si tous les groupes spéciaux se prononcent en notre faveur, les Américains disent qu’ils s’en fichent. Ils ne se limitent pas à nous imposer des droits: en fait, ils distribuent les droits perçus aux producteurs américains, en dépit du fait que tous les groupes spéciaux ont conclu que ces producteurs n’avaient subi aucun préjudice.
L'hon. Marlene Jennings: Je vais m’attirer de grands ennuis. Vous n’avez pas lu les éditoriaux?
M. Basil "Buzz" Hargrove: Oui, je les ai lus.
À Ottawa, beaucoup de gens ainsi que les médias disent que le Canada a perdu son influence à Washington. La réalité, c’est que nous avons perdu notre influence à cause de cet accord commercial qui donne aux Américains un accès total à nos ressources naturelles, sans intervention possible. En même temps, ils se permettent de nous dire: «Désolés, nous ne sommes pas disposés à vous en accorder une plus grande part.» C’est ce qu’ils ont fait dans le secteur de l’acier et pour des produits comme les fraises et les flancs de porc. Ils l’ont fait dans presque tous les secteurs de l’économie. Je ne cherche pas à critiquer les États-Unis. Je tiens à souligner que je ne suis pas du tout antiaméricain. Bien au contraire, j’ai beaucoup de respect pour les Américains. Je critique plutôt notre gouvernement. Pourquoi sommes-nous tellement timides? Pourquoi laissons-nous les gens nous botter le derrière sans jamais riposter, ne serait-ce qu’à l’occasion?
Nous avons un énorme déséquilibre commercial. Nous devons recommencer à exploiter nos points forts, c’est-à-dire nos ressources naturelles, notre main-d’oeuvre très hautement qualifiée, notre productivité et la qualité de nos produits, pour négocier des ententes nous permettant de vendre nos produits dans d’autres marchés et accordant en contrepartie l’accès à nos marchés. Ce n’est pas cela qui se produit. Considérez le cas du Japon. Je présente cet argument depuis des années.
Permettez-moi de vous donner un exemple récent. Bricklin a décidé d’importer aux États-Unis des véhicules de la société chinoise Chery Automotive. Cette société se trouve tout près du Japon, qui constitue le plus grand marché mondial de véhicules automobiles, mais elle n’envisage même pas de faire des ventes au Japon, qui ne le lui permettrait pas. Elle va plutôt faire du dumping aux États-Unis et au Canada à des prix dérisoires, sapant encore plus les capacités de notre secteur de l’automobile. Nous devons être en mesure de faire face à des situations de ce genre à partir d’une position de force, et non de faiblesse, comme c’est le cas en vertu de l’ALE et de l’ALENA ainsi qu’à l’OMC.
L'hon. Marlene Jennings: Je vous remercie.
Je conviens avec vous que la Russie devrait constituer un marché prioritaire du Canada. J’ai eu l’occasion de visiter la Russie et de m’entretenir avec des parlementaires russes des questions de gouvernance, de surveillance parlementaire des organismes gouvernementaux, etc. Comme vous l’avez dit, le pays a connu de grands changements. Je suis donc d’accord avec vous.
Monsieur Roy.
[Français]
M. Jean-Louis Roy: Madame Jennings, vous posez là une question absolument fondamentale, et je vous en remercie.
Je vais essayer d'être bref, puisque le temps nous presse. Le Canada a décidé qu'il n'allait pas extrader des êtres humains, des citoyens, peu importe leur statut au Canada, vers des pays où la peine de mort est appliquée.
L'hon. Marlene Jennings: En effet.
M. Jean-Louis Roy: Le Canada a décidé qu'il n'allait pas extrader des gens, même dans un contexte de sécurité, vers des pays où la torture est pratiquée. Enfin, on ne devrait pas le faire. Aujourd'hui, il est question de vendre des systèmes de surveillance à certains pays, dont la Chine et la Birmanie, et de les aider à construire des banques de données considérables portant sur l'ensemble de leurs citoyens. Or, ce sont là des activités qui ressemblent aux deux premières que j'ai mentionnées, parce qu'il en résulte que des gens se font mettre en prison, sont torturés ou, pour certains d'entre eux, subissent la peine de mort.
En Chine, les gens se font mettre en prison parce qu'on a capté leurs conversations téléphoniques ou parce que, les ayant retracés sur Internet, on a constaté qu'ils y avaient publié un texte affichant leur dissidence politique et revendiquant la démocratie. Que nous vendions des systèmes permettant au gouvernement chinois de surveiller des personnes et d'incarcérer des gens qui écrivent des textes sur leurs aspirations à la démocratie est un grand débat.
Au cours de la dernière année, nous avons entretenu avec le gouvernement du Canada un dialogue, une conversation, comme vous le diriez en anglais, dont la teneur était fort intéressante. Je me suis beaucoup réjoui du fait que nous puissions discuter avec certaines autorités canadiennes, entre autres le Conseil national de recherches du Canada et le Centre canadien de recherches policières, de ce que nous étions en train de faire. Vous savez sans doute que le Canada a signé un protocole d'entente avec le CNRS, le Centre canadien de recherches policières et le ministère chinois de la Sécurité publique. Cela nous a beaucoup gênés. Nous sommes intervenus à ce sujet et nous avons posé beaucoup de questions. On nous a répondu en partie.
En terminant, je voudrais citer une longue lettre que le premier ministre nous a écrite le 11 avril et qui a été rendue publique. On y dit ce qui suit:
» (1700)
[Traduction]
Comme vous le savez, la Chine accueillera en 2008 les Jeux Olympiques à Beijing, et en 2010 l’Exposition Universelle à Shanghai. Il est légitime, à l’occasion de ces événements de portée internationale, de vouloir se procurer les technologies de sécurité nécessaires pour protéger les athlètes et les visiteurs. Les firmes canadiennes ont une expertise et des produits précieux à offrir à leurs homologues chinois à ce chapitre. L’exportation de produits et de technologies de sécurité, assujettie aux règles canadiennes de contrôle des exportations, sera donc soumise à examen, et des facteurs comme l’impact sur les droits de la personne seront pris en considération avant l’émission ou le refus de permis. |
[Français]
C'est l'état de notre dialogue avec le gouvernement du Canada. On était assez heureux que le premier ministre prenne l'engagement de revoir les listes de ces produits.
[Traduction]
Le président: Monsieur Blackburn, une réponse rapide à la question, s’il vous plaît.
M. Robert Blackburn: Je crois que nous conviendrons tous que l’aide canadienne doit être plus ciblée qu’elle ne l’a été dans le passé. Le problème, c’est que dans les dernières années, la courbe des ressources gérée par l’ACDI au niveau international ressemblait à ceci. Nous avons probablement dépassé 70 p. 100. Le dernier chiffre que nous avons vu était de 68 p. 100, mais avec une courbe de cette forme.
L’important, comme nous l’avons vu dans l’énoncé de politique internationale, est d’amener les Canadiens à concentrer leurs efforts dans les domaines où ils ont l’expertise voulue et d'établir un certain équilibre entre l’aide au développement dispensée par les moyens multilatéraux et l’aide accordée directement.
Le ministère britannique du Développement international est un modèle parfait de bonne conduite à cet égard. Il gère lui-même la moitié de ses ressources, sans conditions. N’importe qui peut présenter une offre, mais comme le ministère opère dans des régions où l’expertise britannique ne manque pas, quelque 80 p. 100 des contrats sont attribués à des entreprises et des ONG britanniques. Ce serait là un excellent modèle pour le Canada.
Dans le cas de ma société, lorsque nous avons commencé à avoir des activités internationales dans les années 1960, l’ACDI constituait un facteur très important. Elle nous a aidés à nous établir. L’Agence ne contribue que très peu à nos revenus annuels – nous n’avons obtenu que quelques contrats de temps en temps –, mais a beaucoup contribué à notre établissement dans ces marchés. Si nous perdons cette capacité, l’engagement canadien dans le monde en développement en pâtira. Vous avez beau dire que les entreprises canadiennes doivent trouver leur propre voie, mais le fait est qu’elles ont tendance à ne pas le faire. L’attrait exercé par le marché américain est tel que les entreprises ne chercheront pas à s’établir dans ces autres marchés extérieurs à l’Amérique du Nord si le gouvernement ne les aide pas à le faire.
L'hon. Marlene Jennings: Je vous remercie.
Le président: Nous passons maintenant à M. Martin.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, monsieur le président, de m’accorder la parole. Je fais un remplacement ici. Ce n’est pas vraiment mon domaine.
Le président: Vous vous tenez très au courant de nos initiatives.
» (1705)
L'hon. Marlene Jennings: Nous nous attendons à d’excellentes questions de votre part.
M. Pat Martin: Vous êtes très généreuse, Marlene. J’essaierai de ne pas vous décevoir, mais vous n’aimerez probablement pas les questions que je vais poser.
Je voudrais parler en particulier d’une exportation canadienne aux marchés émergents dont je ne suis vraiment pas fier, dont je suis en fait très mécontent. Je trouve que c’est une chose honteuse pour le Canada car nous dépensons des millions de dollars pour expédier de l’amiante dans les pays en développement que vous qualifiez de marchés émergents. À cet égard, nous sommes des marchands de mort. Le Canada est le plus grand producteur d’amiante. Il dépense des millions de dollars pour développer encore plus ces marchés, en trouver de nouveaux et persuader les gens que l’amiante est en quelque sorte acceptable. Pour moi, il n’existe aucune utilisation sûre, aucun niveau sûr pour l’amiante.
Au chapitre de la responsabilité sociale des entreprises, je voudrais vous demander, monsieur Roy, si votre organisation s’occupe de questions éthiques de ce genre, à part les questions liées aux droits de la personne. Vous souciez-vous des aspects moraux et éthiques des matériaux que nous exportons?
Y en a-t-il d’autres qui ont des commentaires à ce sujet?
J’ai une autre question à poser, mais j’aimerais d’abord entendre vos réponses concernant l’amiante. J’aimerais bien connaître aussi le point de vue des Travailleurs de l’automobile.
Monsieur Roy, en parlant de responsabilité sociale des entreprises, est-ce que l’exportation d’un produit aussi mortel que l’amiante vous préoccupe?
M. Jean-Louis Roy: J’ai longtemps vécu en Europe dans les années 1990. Je me souviens d’un énorme scandale, au niveau de l’Union européenne, provoqué par la vente en Afrique de conteneurs et de conteneurs pleins de médicaments périmés. C’était criminel. Les consommateurs payaient des prix élevés pour des produits pharmaceutiques qui avaient perdu leur efficacité.
M. Pat Martin: Mais ils sont...
M. Jean-Louis Roy: C’est un exemple contraire.
Si nous exportons des produits qui, de toute évidence, comme vous l’avez dit, provoquent la mort, je trouve incroyable qu’un pays comme le nôtre le fasse. Nous devrions y mettre un terme.
M. Basil "Buzz" Hargrove: Si vous permettez, Pat, c’est une excellente question qui s’inscrit dans l’un des problèmes du commerce et des emplois. Malheureusement, nous n’expédions pas seulement de l’amiante à beaucoup de pays émergents et de marchés en développement, nous en produisons aussi au Québec, où beaucoup de gens ont énormément souffert.
Nous avons eu deux grand cas dans notre syndicat ces dernières années. L’un s’est produit il y a 10 ans dans l’entreprise Holmes Foundry de Sarnia, où les travailleurs manipulaient l’amiante sans aucun vêtement protecteur. De toute façon, il n’y a pas vraiment beaucoup de vêtements protecteurs qui peuvent empêcher les fibres extrêmement fines de l’amiante d’atteindre les poumons, mais ces travailleurs n’avaient absolument aucune protection. Certaines personnes sont beaucoup plus sensibles aux fibres que d’autres, même si elles sont jeunes. Il y a donc eu un certain nombre de décès dans cette entreprise, mais personne ne s’est rendu compte de la cause, jusqu’à... En fait, la société avait fermé ses portes et déménagé au moment où nous avons découvert le pot aux roses.
Nous avons présenté des demandes d’indemnité au nom d’environ 300 personnes, pour la plupart membres de la famille de travailleurs décédés, y compris le président de notre syndicat, un jeune homme nommé Bob Clarke qui est mort de l’exposition à l’amiante à l’âge de 53 ans. Mais beaucoup d’autres personnes ont été touchées parce que les travailleurs rapportaient chez eux les fibres d’amiante qui s’étaient déposées dans leurs vêtements de travail. Ces fibres flottaient partout dans les maisons et étaient incroyablement dangereuses.
Récemment, à l’usine General Electric de Peterborough, nous avons découvert que plusieurs centaines de personnes ont été exposées à de l’amiante dans les lieux de travail. L’employeur – qui le faisait innocemment à l’époque, il y a 25 ou 30 ans – avait l’habitude d’offrir de l’amiante aux travailleurs pour construire chez eux des foyers et des étagères au-dessus des cheminées. Tous ces gens ont été exposés à l’amiante, et c’est maintenant que nous le découvrons... Nous aurons présenté plusieurs centaines de demandes d’indemnité avant de fermer ce dossier parce qu’il y a beaucoup de gens, travailleurs et membres de leur famille, qui sont gravement malades. Il y a également eu des cas d’exposition à l'amiante dans la ville de Peterborough.
La question qui se pose donc est de savoir pourquoi nous continuons à produire l’amiante au Québec, pourquoi nous continuons à l’extraire et à l’expédier aux marchés émergents? Plusieurs pays ont déjà interdit l’amiante, mais ils ne sont pas assez nombreux. Même des pays parmi les plus développés, comme les États-Unis, ne l’ont pas fait. Comme Canadiens, nous avons l’obligation de trouver un autre emploi aux travailleurs pour éviter qu’ils ne s’opposent à l’interdiction de l’amiante. Les syndicats se battent très fort pour garder les mines ouvertes parce que c’est le gagne-pain de leurs membres et de leur famille. Les gens tendent à ne pas se soucier du lendemain. Ils s’inquiètent beaucoup plus du présent et veulent pouvoir acheter des aliments et des vêtements pour leur famille. Nous devrions donc leur trouver d’autres emplois pour pouvoir cesser d’extraire l’amiante et d’en expédier partout dans le monde.
» (1710)
M. Pat Martin: Merci.
En fait, c’est justement l’essence de mon propos, une perspective axée sur le commerce international. Lorsque ces autres pays ont cherché à bannir l’utilisation de l’amiante, le gouvernement canadien, se fondant sur ses intérêts commerciaux, a délégué ses intervenants auprès de l’OMC pour empêcher celle-ci de bannir l’amiante en raison des répercussions négatives qu’un tel geste aurait sur le marché de l’amiante pour nos entreprises.
M. Basil "Buzz" Hargrove: Le gouvernement a même investi dans la promotion de l’achat de ce produit auprès des marchés émergents en en vantant les mérites, ce qui m’apparaît franchement terrible.
M. Pat Martin: J’ai en tête toutes ces bonnes idées dont vous avez parlé aujourd’hui et auxquelles le gouvernement devrait porter une plus grande attention, notamment les millions de dollars gaspillés à en faire la promotion.
M. Roy désire ajouter quelque chose.
M. Jean-Louis Roy: J’aurais un court commentaire à formuler à propos --
Le président suppléant (L'hon. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.)): Vous pouvez prendre tout le temps qu’il faut.
M. Jean-Louis Roy: Merci, monsieur le président.
J’aurais ce court commentaire à formuler au sujet de la question que vous venez de soulever. Ce programme pourrait s’avérer un bon exemple de l’effet d’une étude d’impact sur les droits de la personne en ce qui a trait aux produits que nous exportons. Peut-être y aurions-nous mis fin si nous avions disposé à l’époque de telles études d’impact.
M. Pat Martin: Si on pouvait effectivement passer ces questions dans un tamis, un tamis éthique pour ainsi dire ... il s’agit d’un excellent point de vue.
Je voulais également soulever une autre question. M. Stanford, j’ai relevé parmi les données dont vous nous avez fait part que le déficit commercial observé dans les six principales économies émergentes dont il est question se serait déjà soldé jusqu’ici par une perte de quelque 160 000 emplois directs dans le secteur manufacturier. Il s’agit certes là d’un chiffre énorme. Par ailleurs, si on se fie à une autre donnée sur l’emploi véhiculée dans certaines pages éditoriales récemment, le marché récemment conclu entre le NPD et le Parti libéral ferait perdre 350 000 emplois au Canada; bref, si on abolit les baisses d’impôts consenties aux entreprises, ce sont 350 000 emplois qui s’envoleront.
Existe-t-il une étude qui nous fournit des preuves empiriques à l’effet que la suppression d’une diminution des impôts sur les sociétés entraînerait la disparition de 350 000 emplois? Ce chiffre est-il fondé sur des preuves empiriques, ou s’agit-il simplement d’une élucubration dans laquelle certains groupes de réflexion sur l’économie veulent bien se complaire?
Le président: Qui voudrait répondre à cette interrogation? M. Stanford?
M. Pat Martin: M. Stanford a soulevé la question des emplois, alors —
Le président: La question s’adressait-elle à quelqu’un en particulier, M. Martin, ou à quiconque veut bien y répondre?
M. Pat Martin: À quiconque voudrait y répondre.
M. Jim Stanford: Je peux la saisir au vol. Je vois que ce comité a un mandat assez large. C’est ce qu’on appelle de la « souplesse ».
Le président: On dit que c’est le comité le plus libéral de la Chambre.
M. Jim Stanford: Eh bien, voilà. Donc, ....
Nous avons justement diffusé vendredi dernier un mémoire émanant des TCA fort à propos, dont je pourrais partager la teneur avec vous, lequel présente un historique des baisses d’impôts des société.
Le président: Si vous l’avez en votre possession, auriez-vous l’amabilité d’en transmettre un exemplaire au greffier pour que nous puissions veiller à ce que tous les membres du comité en obtiennent une copie?
M. Jim Stanford: Il me ferait grand plaisir de le faire, bien sûr.
Le président: Merci.
M. Jim Stanford: Je crois que, d’une certaine manière, cette étude a un lien avec le mandat du comité, notamment en ce qui touche les mesures qui seraient de nature à accroître la compétitivité du Canada à l’échelle mondiale et aussi celles qui n’auraient pas un tel effet. Les réductions générales de l’impôt des sociétés n’ont produit aucun résultat tangible quel qu’il soit. D’ailleurs, la plupart de ces baisses d’impôt ont déjà été réalisées.
Les baisses d’impôt reportées ou différées en vertu de l’entente à laquelle vous avez fait référence ne représentent qu’une faible portion des réductions d’impôt, à comparer aux quelque 9 milliards de dollars réalisés annuellement, selon mon estimation, en économies d’impôts sur les sociétés grâce aux réductions d’impôts consenties en raison de la diminution du taux d’imposition de base de l’impôt sur les sociétés, de l’élimination de la taxe sur le capital, et des autres mesures qui ont été prises. Il n’y a en effet aucun impact tangible de ces réductions d’impôts sur les dépenses d’investissement au Canada, lesquelles ont même baissé durant la période visée par ces réductions — sans doute en réaction à certains des défis dont nous avons parlé aujourd’hui au sujet de la compétitivité du Canada.
Quant aux pertes d’emploi qui pourraient découler du report des réductions d’impôts dont il est question, je ne crois pas qu’il existe quelque preuve empirique que ce soit à cet égard. J’ai lu le document préparé par l’Institut C.D. Howe à ce sujet, et je vais m’enquérir au sujet de la méthodologie employée à cet égard, mais cela me semble plutôt tiré par les cheveux.
Par ailleurs —
» (1715)
M. Pat Martin: C’est plutôt une élucubration qu’une quelconque —
M. Jim Stanford: —en raison de l’augmentation immédiate des dépenses proposées, par exemple, au plan de la construction de logements faisant partie de l’entente, nous avons estimé que cela créerait environ 26 000 personnes-années en emplois, et seulement grâce à la construction domiciliaire immédiate dont il est question. Au bout du compte, je dirais que cette mesure représente un gain net au plan de l’emploi.
M. Pat Martin: D’accord, merci.
M. Jim Stanford: Je transmettrai au greffier le rapport complet à ce sujet.
M. Pat Martin: Monsieur le président, qu’en est-il du temps d’intervention qu’il me reste?
Le président: Votre temps d’intervention est écoulé.
Nous passerons maintenant à M. Eyking, et ensuite à M. Obhrai.
Je désire informer les membres du comité qu’aux fins de la période des questions, on m’informe que la cloche signalant l’appel aux voix commencera à sonner à 17 h 30. Donc, veuillez juger de votre temps en fonction de cela; il est maintenant 17 h 15.
M. Eyking.
L'hon. Mark Eyking: Merci, monsieur le président.
J’aurais quelques questions tout d’abord pour Buzz, M. Hargrove.
Vous avez mentionné que nos exportations à bon nombre des économies émergentes étaient à peu près nulles. Or, un témoin qui s’est présenté devant ce comité la semaine dernière ou la semaine précédente a affirmé que plusieurs des véhicules que nous exportons vers les États-Unis se retrouvent en fait au Moyen-Orient, en Chine ou encore dans d’autres marchés. Ma première question est donc celle-ci, à savoir disposez-vous de données quant au nombre de véhicules que nous vendons aux États-Unis et qui y arrêtent, y séjournent pour une courte période de temps, puis sont ensuite envoyés vers un autre pays?
Ma deuxième question porte sur la vigueur de notre industrie automobile en Amérique du Nord ou au Canada. On sait que les « trois grands » ont toujours été les principaux fabricants. L’on sait également que Honda et Toyota ont aussi des usines au Canada. Donc, ma deuxième question serait celle-ci : sommes-nous en position d’affronter les changements qui s’annoncent de manière à en ressortir indemne d’ici les prochaines années?
Ma troisième question porte sur GM. Les prévisions au sujet de GM récemment n’augurent rien de bon, et ce pour diverses raisons. Comment envisagez-vous l’avenir, globalement : avec GM, ou sans GM? Quel genre d’impact cela aura-t-il ici au Canada, et comment devrait-on s’y adapter?
M. Basil "Buzz" Hargrove: En ce qui concerne votre première question, peu de véhicules sont en cause. Nos usines d’assemblage produisent en une semaine plus de véhicules que le nombre de véhicules qui transiteraient par les États-Unis pour aboutir dans un autres pays ensuite en une année. Les États-Unis ne vendent que très peu de véhicules en provenance des États-Unis sur d’autres marchés à travers le monde. Ils avaient pris une bonne avance sur les Japonais sur le marché européen, par exemple, et dans la construction d’usines là-bas, parce qu’ils désiraient vendre leurs véhicules en Europe, et procurer de l’emploi en Europe.
Pour ce qui est de la troisième question, au sujet de l’état du secteur automobile, si vous allez à la page 9 de notre mémoire, vous y trouverez un portrait de la situation qui prévaut ici, ce qui se passe avec les « trois grands » en question. Je vous lirai ici le premier paragraphe, aux fins du compte rendu :
Malgré les investissements réalisés ici par Toyota, Honda, et Suzuki, le secteur de l’automobile au Canada demeure largement tributaire de la poursuite des activités des « trois grands » constructeurs automobiles (General Motors, Ford, et DaimlerChrysler). Ces trois grands sont à eux seuls responsables des trois quarts de l’assemblage des véhicules légers au Canada, de 80 pour cent de l’ensemble de la main-d’oeuvre des équipementiers automobiles, de près de 90 pour cent des achats des composantes d’automobiles canadiennes. |
Ford, par exemple, fournit plus d’emplois ici au Canada que ne le font ensemble Toyota, Honda, et Nissan, et pourtant la part de marché de Toyota et de Honda dépasse celle de la Ford Motor Company. Alors, la question serait alors si nous voulons que ces gens continuent à nous dire ....
Encore une fois, je précise que je ne veux pas ici critiquer les Japonais. D’ailleurs, ils sont formidables. En fait, ils sont comme les Américains. J’adore les gens qui sont prêts à défendre leurs propres intérêts. Donc, les Japonais sont formidables. J’oserais même les qualifier de meilleurs au monde lorsque vient le temps de discuter et d’expédier des produits à destination de marchés où, éventuellement, lorsque la pression politique se fait suffisamment sentir, ils vont consentir à investir un peu d’argent tout en continuant à importer toutes les pièces dont ils ont besoin.
Selon les dernières données que j’ai consultées au sujet de Honda, son usine située à Alliston, en Ontario, affiche un contenu canadien de l’ordre de 35 p. 100 en tout, y compris les pièces et l’assemblage. Si vous regardez les chiffres de ce tableau, vous constaterez les créneaux dans lesquels leurs parts de marché se sont accrues alors que celles des trois grands fabricants ont chuté. L’an dernier, nous avons dû fermer trois usines d’assemblage à cause de ce qu’ils nous faisaient.
Selon les économistes tant de la gauche que de la droite, il y aurait quelque 25 000 emplois directement liés aux activités d’assemblage. Nous avons fermé trois usines. Au cours des 30 derniers mois, 75 000 emplois ont quitté le Canada, et nous les laissons venir sur nos marchés sous le prétexte que ce sont néanmoins nos amis, alors qu’en fait ce sont eux qui nous causent ces torts. L’an passé, General Motors, Ford, et Chrysler ont vendu 20 000 voitures en tout au Japon, le deuxième plus important marché de l’automobile au monde. Ils ont vendu plus que ce nombre de voitures uniquement dans la province du Nouveau-Brunswick l’année dernière. C’est la province d’où je viens, c’est pourquoi je connais les données à cet égard.
Donc, il s’agit d’une relation commerciale foncièrement inéquitable. C’est inéquitable, notamment en raison du fait qu’ils ne prennent aucun engagement envers le Canada. Ils n’achètent pas de pièces de fabricants canadiens de pièces d’automobiles. Vous avez peut-être lu les commentaires de Frank Stronach dans le Globe and Mail la semaine dernière, faisant état de la crise qui frappe notre industrie; nous ne pouvons pas vendre aux Asiatiques, parce qu’ils n’achètent pas de nous. Nous ferions mieux de nous réveiller, car ils sont en train de s’accaparer notre marché. Ils n’achètent pas nos pièces et ne nous laissent pas vendre sur leur marché. Jusqu’à ce que cela nous entre dans la tête, nous ne pourrons rien y changer.
» (1720)
Le président: Puis-je intervenir? Comment ça se fait que les entreprises de M. Stronach sont en plein essor, réalisent des profits sans précédent, et continuent à croître au pas de course? À qui vend-il ses produits?
M. Basil "Buzz" Hargrove: : Il vend à General Motors, à Ford, à DaimlerChrysler, ainsi qu’à quelques fabricants européens. Il ne vend pas aux fabricants asiatiques.
Le président: Mais il dit pourtant que la part de marché continue à baisser.
M. Basil "Buzz" Hargrove: De ces trois fabricants, oui.
Le président: S’ils sont en déclin, où vend-il alors?
M. Basil "Buzz" Hargrove: Il vend une plus grande part de pièces. Il augmente l’exploitation de la vente de pièces. Magna est sans doute l’un des fabricants les plus efficients de pièces d’automobiles au monde. Et sans doute le mieux doté en haute technologie et qui produit au meilleur coût.
Je ne connais pas les chiffres exacts -- peut-être que Jim les a – mais un certain temps, ils vendaient l’équivalent de 100 $ de pièces par véhicule, et ces pièces pour tous les véhicules vendus par GM, Ford, et Chrysler étaient fournies par Magna. Aujourd’hui, l’on parle plutôt de plus de 2 500 $ par véhicule. Alors, il vend plus de pièces à une entreprise en déclin, mais ses affaires vont très bien. Cependant, il sait pertinemment que si les rumeurs à propos de General Motors deviennent réalité, et que cette dernière fait faillite, il ne pourra pas s’échapper de cette tempête lorsqu’elle va se déclencher.
L'hon. Mark Eyking: Ce qui m’amène à ma question au sujet de GM. Nous savons ce que Dodge ou Chrysler ont vécu, et ils s’en sont sortis. Croyez-vous que GM va pouvoir s’en sortir?
M. Basil "Buzz" Hargrove: GM survivra. Je viens d’avoir une rencontre avec General Motors. Ils ne s’inquiètent pas quant à la survie de l’entreprise. C’est plutôt une question de comment ils vont y parvenir. GM sera-t-elle le type d’entreprise qu’elle est aujourd’hui, procurant autant d’emplois qu’actuellement au Canada ou aux États-Unis? La réponse, c’est non. Il se pourrait bien qu’ils se retrouvent comme d’autres l’ont été, comme Chrysler. Chrysler est aujourd’hui une société allemande à toutes fins pratiques. Elle exploite ses activités aux États-Unis et au Canada, mais appartient aux Allemands et est contrôlée par ces derniers. Mais il y aura beaucoup moins d’emplois qu’il n’y en a aujourd’hui dans ce secteur, tant au Canada qu’aux États-Unis.
Comme je l’ai dit en introduction, nous sommes privilégiés ici, au Canada. General Motors est syndiquée depuis 1937. Ses trois usines d’assemblage à Oshawa sont les plus ateliers de production de véhicules les plus productifs, de haute qualité, et au meilleur coût parmi tous ceux dans les pays développés – que ce soit au Japon, aux États-Unis ou au Canada. Ceci a motivé le gouvernement du Canada, par l’entremise du CPSCA et nos bons offices, à consentir des investissements de manière à aider à contrer certaines des mesures incitatives mises en oeuvre par les Américains et les Européens afin d’attirer des nouveaux investissements. Nous avons ainsi réussi à stabiliser GM au Canada, mais la stabilité de nos jours ne vaut que sur un horizon de trois ou quatre ans dans ce secteur. Après cette période, ou si elle devait se prémunir des dispositions du chapitre 11, ce qui ne devrait pas arriver à mon avis, il y a encore plusieurs avenues à envisager entre la situation actuelle de GM et le recours au chapitre 11 aux États-Unis.
Ça va aller pour les trois ou quatre prochaines années, mais après ça, l’avenir est plutôt incertain, à moins que le gouvernement des États-Unis exigent également que les Japonais et les autres marchés émergents dont le marché de l’automobile est en plein essor ouvrent leurs marchés respectifs, de manière à ce que l’on puisse construire des véhicules au Canada et aux États-Unis pour les vendre ensuite sur ces marchés, comme ils le font chez nous. Ce n’est pas une question de coûts. Nos coûts de main d’oeuvre sont aujourd’hui inférieurs à ce qu’ils sont au Japon, par exemple, mais on ne peut y vendre nos véhicules parce qu’ils refusent de nous donner accès à leur marché.
Le président: Allez-y.
L'hon. Mark Eyking: Me reste-t-il encore du temps?
Le président: Il vous en reste encore un peu.
L'hon. Mark Eyking: Je dois vous féliciter pour le travail que vous avez réalisé au sein du secteur de l’automobile. Vous avez ce don de vous asseoir avec les gens de l’industrie et de travailler avec eux. Il m’est souvent arrivé de vous voir à l’oeuvre et éviter une grève ou un arrêt de travail, et je vous en félicite.
Ma dernière question est à l’intention de Piers. C’est à propos de la Russie. Où en sera la Russie au cours des prochaines années? En raison de sa proximité de la Chine et des ressources dont ils disposent comme nous, croyez-vous que les entreprises russes deviendront des fournisseurs importants pour cette locomotive de croissance que représente la Chine? Envisagez-vous un partenariat quelconque entre nos entreprises et ces entreprises russes, ou des occasions d’investissement de notre part dans des entreprises qui fournissent des matières premières à la Chine?
M. Piers Cumberlege: Depuis les trois ou quatre dernières années, la Russie cherche à établir une relation axée sur l’approvisionnement en énergie avec la Chine, en installant même des pipelines en Chine. Il existe des tensions entre les deux.
Une partie de ces tensions tient du fait que la Chine a une forte population mais peu de territoire, alors que la Russie a une population relativement moins importante et un territoire plus vaste, et en plus leur frontière n’est pas étanche. La Russie cherche assidûment à établir des leviers – dont l’énergie en est l’un des principaux – dont elle pourra ensuite se servir afin de persuader le gouvernement chinois de surveiller plus efficacement la frontière et à ne pas chercher à profiter des occasions d’expansion dans les régions extrêmes orientales de la Russie.
Maintenant, dans un plus large contexte géopolitique, il existe plusieurs occasions à saisir par les entreprises canadiennes si elles veulent travailler en partenariat avec la Russie dans le secteur de l’énergie, et la Russie souhaite les accueillir. Mais cela va bien au-delà de cela en raison de l’essor qu’elle cherche à imprimer à son activité dans le secteur des pipelines. Deux tracés sont présentement à l’étude. L’un de ceux-ci concerne une pipeline à proprement parler, dont le tracé proposé passerait par le nord pour rejoindre le marché des États-Unis, et l’autre est à configuration transatlantique, de type méthanier, dont il est envisagé qu’il arrive au Québec pour ensuite livrer le produit aux États-Unis. Il y a là des projets importants dans les cartons, dont certains ont été rendus publics ce derniers temps.
Sous ce rapport, dans le secteur énergétique au sens large, le Canada pourrait donner suite à plusieurs des initiatives émanant des projets de la Russie à cet égard. La Russie cherche à rehausser sa filière énergétique non seulement pour garnir ses coffres de pétrodollars, mais aussi pour se donner des leviers politiques.
Ceci est également vrai en ce qui a trait à ses ressources minières. Nous savons – et nous en avons entendu également parler plus tôt – à quel point la Chine est active en Afrique, cherchant par exemple à obtenir l’accès à des ressources minières. Elle souhaiterait aussi accéder à de telles ressources en Russie, mais est consciente du fait que la voie offrant le moins de résistance pour le moment passe par l’Afrique, alors qu’en Russie la contrepartie est moins évidente.
Les entreprises canadiennes pourraient, là encore, assumer un important rôle à cet égard et saisir des occasions d’affaires intéressantes. On n’a qu’à constater l’importance de la Russie à titre de producteur de pétrole et de gaz et aussi au plan de ses ressources naturelles, et la compétence des entreprises canadiennes dans ces domaines, pour réaliser à quel point les deux sont faits pour s’entendre.
Le volet Chinois de cette situation, comme je le mentionnais, comporte des connotations géopolitiques stratégiques, ce qui complique ces initiatives. Je siège notamment au Conseil commercial Canada Chine, et il convient de reconnaître que lorsqu’il est question de traiter avec le gouvernement chinois, les décisions d’affaires ne se prennent pas uniquement en tenant compte d’impératifs commerciaux, mais aussi en fonction d’impératifs politiques. Partant, si une entreprise canadienne travaille avec les Russes en vue d’approvisionner la Chine en énergie, et que la Chine décide de s’approvisionner autrement, il va y avoir un effet de contagion à la baisse et ce ne sera pas le simple fait d’une décision strictement commerciale.
» (1725)
Le président: M. Hargrove, avant de laisser la parole à M. Obhrai, je vous avoue que je suis perplexe. Ces fabricants étrangers d’automobiles, je sais que lorsqu’ils investissent ici des dizaines de millions de dollars, on leur sort le tapis rouge. Mais je demeure perplexe. Où s’approvisionnent-ils en matériel pour construire ces voitures? Bref, les écrous, les boulons, le cuir, les pare-chocs, d’où achètent-ils ces diverses composantes dont ils se servent pour assembler ces véhicules?
M. Basil "Buzz" Hargrove: Les principales composantes du groupe motopropulseur proviennent en grande partie du Japon. Elles arrivent du Japon. L’assemblage a été amenée aux États-Unis lorsque la pression d’est faite sentir plus fortement à la fin des années soixante-dix, début quatre-vingt, à cause du niveau élevé des importations. Ils ont déplacé l’assemblage en premier, puis ensuite cette famille de pièces a suivi.
Honda, par exemple, à son usine d’Alliston, a un contenu américain plus élevé que le contenu canadien de ses voitures, parce qu’elle achète ses pièces au Japon et aux États-Unis et les expédie ensuite au Canada. Encore là, ils n’achètent pas des fabricants américains traditionnels, comme Hayes-Dana Inc., Woodbridge Foam et Lear Corporation. Ils s’approvisionnent plutôt auprès d’une famille d’entreprises japonaises qui sont venues du Japon à l’insistance de ....
Voilà pourquoi l’industrie des pièces d’automobiles aux États-Unis et celle du Canada sont aussi frustrées. Elles ne sont pas aussi ouvertes que l’entreprise de Frank Stronach. Son entreprise réussit tellement bien qu’il est le seul à pouvoir les critiquer publiquement et ne pas en subir les contrecoups. Les autres continuent d’espérer qu’ils arriveront un jour à leur vendre. La réalité, c’est qu’ils n’arriveront jamais à leur vendre à quelque niveau le moindrement significatif.
» (1730)
Le président: M. Obhrai.
M. Deepak Obhrai: Merci, monsieur le président.
J’aurais deux questions, l’une à l’intention de M. Buzz Hargrove, et l’autre à l’intention de vous deux.
Vous avez affirmé que vous étiez opposé au libre-échange. Mais que dire de la stratégie déployée par le gouvernement lorsqu’il va à l’étranger? Il dit aux gens d’affaires des marchés émergents de venir investir au Canada et y créer des emplois, à cause du traité de libre-échange avec les États-Unis, leur donnant ainsi libre accès au marché des États-Unis. Nous utilisons ce moyen comme levier pour attirer des investissements et créer des emplois au Canada. Si nous n’avions pas de traité de libre-échange avec les États-Unis, nous ne pourrions pas procéder ainsi. Pourriez-vous me donner vos commentaires là-dessus?
Avant de ce faire, il me reste un peu de temps, alors je vais vous poser tout de suite mon autre question.
Nous discutons présentement des marchés émergents et de l’essor des marchés émergents. Vous avez mentionné l’Afrique et l’Eurasie. Comment passer outre à la perception à savoir qu’à l’heure actuelle, tant en Afrique qu’en Eurasie, la situation des droits de la personne n’est pas vraiment propice aux investissements étrangers?
On peut parler autant qu’on le voudra de ce qui se passe en Géorgie ou ailleurs dans ces régions, mais cela laisse une impression d’incertitude chez les entreprises. Je suis de Calgary, et aucune société pétrolière n’est intéressée à investir là bas en raison de l’atmosphère qui y règne.
Ceci s’applique autant à l’Afrique. Pourquoi discuter avec l’Afrique du Sud? Le SIDA et la situation qui prévaut sur le continent africain ne sont pas de nature à rehausser le sort des droits de la personne là-bas. Le Congo et le Rwanda vont très mal. Auriez-vous des commentaires à ce sujet?
M. Basil "Buzz" Hargrove: Je répondrai à votre première question par une réponse à la fois courte et simple. L’argument invoqué a fait long feu. L’on n’a pas observé une ruée d’investissements étrangers arriver au Canada en vue d’accéder au marché des États-Unis. Et la raison en est simple : ils ont constaté la poursuite des irritants au commerce sous le régime du traité de libre-échange, sous l’ALENA et sous l’OMC.
Les entreprises qui viennent ici pour accéder au marché américain disent qu’elles doivent investir dans le marché américain afin de protéger leurs investissements ici. Vous pouvez vendre aujourd’hui au Canada, et demain les Américains vous interdiront l’accès à leur marché, comme ils l’ont fait aux industries du secteur du bois d’oeuvre.
Bref, il n’y absolument rien qui prouve que c’est ce qui s’est passé. C’est pourtant ce que le gouvernement Mulroney avait fait valoir parmi les raisons invoquées pour que l’on accepte le libre-échange, mais les résultats ont été décevants pour les Canadiens.
M. Piers Cumberlege: Je vous répondrais aussi simplement en disant que ce qui est important de considérer, c’est le concept de l’amélioration, du changement, et de la disposition au changement tant au niveau du gouvernement, des entreprises et de la société civile.
Lorsqu’on est en présence de problèmes de nature historique, il arrive qu’un gouvernement soit disposé à essayer de changer les choses. Au sein de la société civile, l’on voit alors que des gens tentent aussi de provoquer des changements, et il en va ainsi au sein de la communauté des affaires. Je crois que c’est davantage une question à savoir si on désire un système préconisant des sanctions, ou plutôt des récompenses.
Sur plusieurs des marchés dont nous avons fait mention, que ce soit en Eurasie ou en Afrique — ce dernier continent étant aussi l’objet de mon intérêt — j’ai tendance à penser qu’il existe présentement un phénomène réel d’actions prises par un certain nombre de gouvernements en vue de changer leurs politiques en matière de droits humains, afin d’aligner leurs actions avec les principes régissant le traitement conséquent de leurs populations respectives et des individus qui les constituent. Ce sont ces mêmes principes que nous chérissons ici, dans les pays développés.
Je crois que lorsque nous constatons que des pays tentent de mettre en oeuvre de tels changements, nous devons les encourager dans cette voie. Plutôt que de chercher à les punir, nous devrions relever les changements positifs qu’ils entreprennent de mettre en oeuvre. On peut bien dénoncer et blâmer. Mais on peut aussi applaudir et récompenser. Je crois que cela est très important.
M. Robert Blackburn: Si je puis ajouter ceci à ce propos, dans le cas de l’Afrique, je crois que le gros des problèmes des entreprises canadiennes choisissant de faire affaires en Afrique est attribuable à leur manque de connaissances au sujet de ce continent et à l’absence de réseaux interpersonnels, et de réseaux de gens d’affaires. Je suis tout à fait en accord avec ce que Piers vient de dire. L’on observe une tendance en Afrique qui n’est pas sans rappeler ce qui s’est passé en Amérique du Sud il y a 10 ou 15 ans. On observe aussi une tendance vers la tenue d’élections libres – mais c’est loin d’être parfait, on en convient. Il y a aussi le plan intégré NEPAD favorisant la bonne gouvernance, les progrès socio-économiques et la paix, qui est assujetti à un réexamen par les parties et à la présentation de rapports de suivi. Donc, la tendance évolue dans le bon sens.
La semaine dernière, Piers et moi-même avons assisté à un colloque de deux jours fort intéressant à Toronto au sujet du financement d’entreprises et d’infrastructures en Afrique. À mon avis, l’exposé le plus marquant fut celui d’une dame d’une quarantaine d’années représentant la société de développement économique de l’Afrique du Sud, laquelle au départ n’investissait qu’en Afrique du Sud mais qui, depuis les cinq ou six dernières années, a élargi son mandat pour englober le reste du continent africain. Les pays dans lesquels ils ont investi et la liste des projets qu’ils ont réalisés partout en Afrique nous ont particulièrement impressionnés, pour ceux d’entre nous qui estimions à prime abord que le fait d’investir en Afrique était une aventure plutôt risquée. Or, il s’agit là d’une société d’État fort rentable de l’Afrique du Sud qui investit aujourd’hui aux quatre coins de l’Afrique. À la fin du colloque, un jeune étudiant de l’université McGill ayant assisté au colloque s’est levé et a déclaré sans ambages qu’il ne nous restait plus qu’à envoyer chacun un 50 $ et à commencer à y investir. Il semblait vraiment inspiré. En fait, c’était cette dame à la tête de la bourse du Nigéria qui a inspiré chez tous et chacun un tel enthousiasme, une femme qui nous a particulièrement impressionné.
Ça bouge vraiment en Afrique. Et l’Afrique, c’est plus que simplement l’Afrique. L’Afrique, c’est 53 pays différents, dont la situation varie énormément d’un pays à l’autre. Il s’agit donc de savoir ce dont on parle. Nous devons donc développer la confiance et la connaissance des gens, de leur milieu et de leur gouvernement pour être en mesure d’agir. Notre regard est tellement concentré vers le sud, ici en Amérique du Nord, que cela nous empêche d’aller nous renseigner et d’établir les contacts dont nous avons besoin pour que notre action soit efficace.
Permettez-moi de vous livrer ce petit message publicitaire. Piers, dans sa modestie, ne vous a pas signalé qu’il sera le directeur canadien, responsable du secteur privé, du fonds de placement canadien en Afrique.
Je m’excuse auprès de toi si j’ai levé le secret à ce sujet.
» (1735)
M. Piers Cumberlege: J’essayais de ne pas l’ébruiter.
M. Robert Blackburn: Cela a fait l’objet d’une annonce par ... il y avait trois ministres à ce colloque la semaine dernière --
Le président: Une annonce offerte gracieusement.
M. Robert Blackburn: -- Les ministres Goodale, Peterson, et Carroll – et ils y étaient essentiellement pour annoncer le lancement du Fonds d’investissement pour l’Afrique. Il s’agit d’un partenariat, auquel participe notamment l’entreprise de Piers et la société Actis du Royaume-Uni.
Le président: Nous allons bientôt lever la séance, alors je me permets de vous demander vos suggestions à propos d’un dossier en particulier. Il s’agit du projet de loi C-31. Comme vous le savez, ce projet de loi n’a pas été adopté par la Chambre encore, son objet étant de scinder le ministère en deux ministères distincts, l’un responsable du commerce international, etc. ...
M. Hargrove – et j’aimerais vous demander à chacun votre avis individuellement – lors de votre exposé, vous avez mentionné que nous ne pouvons nous permettre d’agir en boy scouts dans ce dossier; nous devons être proactifs.
M. Blackburn et M. Roy ont soulevé les enjeux liés à la responsabilité sociale de nos entreprises, aux droits humains, en matière d’exploitation du travail des enfants, et tout ce qui s’y rattache. Et M. Blackburn, vous avez parlé de la nécessité d’affirmer notre présence, de nous rendre dans différents pays, de respecter les lois de chacune, de mieux comprendre les gens qui y vivent et de travailler en collaboration avec eux.
Je crois que la question qui vient alors à l’esprit de plusieurs de nos concitoyens, des résidents du Canada, de nos commettants, c’est celle-ci : que peut on faire? Doit-on rester complètement à l’écart de cet endroit, ou ne faudrait-il pas y aller – et je demande votre avis là dessus – et mieux les connaître, peut-être leur montrer comment nous nous y prenons pour faire les choses, et tenter de faire évoluer les choses progressivement? Parce qu’en effet, il semble que d’après ce que j’en entends, c’est une situation où on ne peut pas espérer que tout va changer du jour au lendemain.
Ce qui me préoccupe aussi, M. Hargrove – et vous avez soulevé cette question également – c’est que nous devons être proactifs. Vous avez soulevé certains cas ... cité deux u trois dossiers – le bois d’oeuvre, l’acier, etc ....
Il y a l’OMC. Pouvez-vous nous suggérer des pistes de solution? Parce que j’ai remarqué que vous avez notamment affirmé dans vos observations finales qu’on avait beau avoir toutes les décisions en notre faveur. La question que l’on se pose et au sujet de laquelle nous aimerions obtenir votre éclairage, c’est comment faire pour s’assurer de leur application? Comment exécuter ces décisions, tant individuellement que collectivement? Comment y arriver par l’entremise d’un organisme comme l’OMC?
Voici qu’en l’an 2000, lorsque les États-Unis ont consenti à la Chine la clause de la nation la plus favorisée, cela semblait ne représenter à l’époque qu’une coquille vide, pour ainsi dire. Mais aujourd’hui, nous voilà quelque quatre ou cinq années plus tard à essayer de composer avec une situation que nous avions peine à imaginer à l’époque.
Quel serait à votre avis, messieurs, le mécanisme approprié sinon que suggérez vous pour arriver à faire respecter les décisions obtenues en notre faveur? J’utiliserai encore une fois le dossier du bois d’oeuvre à titre d’exemple, mais il y en a plein d’autres. Quelles sont vos suggestions? Parce que c’est ce qui nous apporte le plus de frustrations ici, au Canada, comme c’est sans doute le cas aussi dans plusieurs autres pays. Nous obtenons des décisions, les unes à la suite des autres, et cela vient à nous coûter cher. Nous perdons continuellement de l’argent dans ce processus.
Doit-on alors nous regrouper collectivement, à titre de membres de l’OMC? Je ne cherche pas ici à critiquer nécessairement les États-Unis, ni quelque autre pays d’ailleurs. Mais y a-t-il une formule magique quelconque que vous pourriez nous suggérer, quelqu’un, alors que nous sommes à compléter la préparation de notre rapport?
» (1740)
M. Deepak Obhrai: Monsieur le président, avant que nous quittions, j’aimerais savoir ... qu’est-il arrivé de votre sonnerie?
Le président: M. Obhrai, on m’avait effectivement avisé qu’elle devait sonner à 17 h 30. De toute évidence, la mise aux voix n’a pas encore eu lieu, mais certainement on peut poursuivre après ceci. Ça me fera grand plaisir.
M. Basil "Buzz" Hargrove: Monsieur le président, j’aimerais simplement m’arrêter sur deux points en particulier, tout d’abord en commentant le dernier point que vous avez soulevé. J’apprécie l’occasion qui m’est donnée de ce faire. Je crois que tout le monde au Canada, du moins dans le milieu des affaires, aussi bien que plusieurs Américains, conviennent que le mécanisme de résolution des différends formulé à l’ALENA ne fonctionne pas. Il était voué à l’échec dès le départ, alors qu’on a accepté un mécanisme de résolution des différends qui stipule que l’on doit se conformer aux lois américaines, et non aux dispositions de l’accord de libre-échange. D’entrée de jeu, l’accord de libre-échange aurait dû être établi à titre de fondement au mécanisme de règlement des différends. Nous avons ainsi prêté flanc à cet état de fait, perdant au départ, voulant que ce soit les Américains qui non seulement ont édicté les lois qui existaient au moment de la signature de l’accord, mais en plus ce sont eux qui peuvent modifier ces lois à leur guise.
Je reviens ici à ce que j’ai dit auparavant. Nous avions avant davantage de poids à Washington .... Imaginez-nous aujourd’hui, comme pays, traitant avec Washington qui a besoin de nos ressources, surtout de notre pétrole, compte tenu de ce qui se passe ailleurs dans le monde – l’incertitude au Moyen-Orient, au Venezuela. Nous avons l’aptitude de négocier individuellement, de leur dire vous avez tel problème, nous avons tel autre problème. Nos producteurs sont de loin plus productifs et la qualité de notre bois d’oeuvre est meilleure que la vôtre. Vous voulez du pétrole? Nous en avons en abondance. Arrivons ensemble à une entente là dessus. C’est ce que nous faisions avant la conclusion de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis en 1989, puis de l’ALENA, et enfin de notre adhésion à l’OMC. Voilà mon premier point.
Mon deuxième point – et c’est ce que je répète partout où j’en ai l’occasion, notamment au premier ministre – c’est que devrions nous comporter davantage comme les Américains à cet égard. Si quelque chose nous indispose au niveau du commerce, nous devons affirmer haut et fort que nous allons protéger les intérêts du Canada. Que quelqu’un d’autre nous traîne alors devant l’OMC. Les Américains nous ont démontré, si ce n’est que pour cela – et ce différend dure depuis 1991, à mon souvenir – que vous êtes gagnant même si vous perdez. En fin de compte, les Américains ont profité de nous depuis tout ce temps. Si on parvient un jour à un règlement dans ce dossier .... Paul Tellier et Gord Ritchie sont maintenant affectés ensemble au dossier. J’ai beaucoup de respect pour l’un et l’autre. ce sont des négociateurs hors pair. Mais s’ils parviennent à un règlement -- attention, producteurs canadiens; les pénalités vont être salées.
Mon dernier commentaire concerne la manière dont nous devrions traiter avec les autres. Certaines entreprises vendent leurs produits ici – par exemple, les Coréens détiennent une part de marché de 5 % dans l’un des marchés de l’automobile les plus lucratifs du monde entier. À une certaine époque, nous pouvions nous asseoir avec Volkswagen et d’autres qui commençaient à s’approprier des parts de marché et leur dire voici, puisque vous n’êtes pas une des parties signataires du pacte de l’automobile, et n’êtes pas partie à l’ALÉ – en l’espèce, on parlerait de l’ALENA – si vous voulez nous vendre des voitures ici en franchise de droits de douane, vous allez devoir prendre des engagements en termes de création d’emplois. C’est ainsi que l’on a obtenu l’implantation d’une grosse usine de fabrication de roues par Volkswagen dans les environs de Barrie. Elle a été fermée par la suite, après que nous nous soyons joints à l’OMC.
Mais nous pouvons quand même employer cette méthode aujourd’hui, c’est à dire celle du bâton et de la carotte. La carotte, c’est le merveilleux marché que nous offrons pour la vente de leurs produits, une main-d’oeuvre qualifiée et exceptionnelle, et beaucoup de soutien de la part du gouvernement pour notre industrie. Le bâton, c’est que si vous ne faites pas cela, vous devrez alors payer des pénalités, ou encore nous allons accorder des incitatifs à d’autres, des incitatifs dont vous ne pourrez pas profiter à votre tour.
Le président: M. Blackburn, en ce qui concerne les marchés d’exportation, les nouveaux marchés ou les marchés en émergence, est-ce que ce que vous suggérez c’est que nous y allions, par opposition à y voir des eaux troubles et à éviter d’y aller? Doit-on y aller et leur montrer comment on s’y prend chez nous? Qu’est-ce que vous en dites, que suggérez-vous ou recommandez-vous à cet égard?
M. Robert Blackburn: SNC-Lavalin s’est taillée une place enviable en se rendant dans des endroits difficiles et en acceptant des mandats que d’autres refusaient de prendre. Parmi les exemples récents, signalons le cas des deux alumineries que nous avons construit en Afrique du Sud et en Mozambique. Celle en Mozambique, nous l’avons édifiée dans un marécage serti de mines terrestres. Or, des inondations importantes ont eu lieu au cours de la période de construction de l’usine. Les gens nous disaient que nous étions fous de consentir à construire l’usine à prix fixe et selon un calendrier précis, selon la planification proposée. Il s’agit de l’usine Mozal, à Maputo. La phase 1 fut complétée selon l’échéancier, même en devançant l’échéance fixée, et à un coût inférieur au budget prévu. Nous avons réussi le même exploit lors de la réalisation de la phase 2. L’usine compte maintenant pour 70 % de l’économie de la Mozambique. En plus, nous avons formé des milliers de travailleurs qui participent maintenant à la construction d’installations touristiques dans ce pays.
Je crois qu’il existe des occasions pour le Canada d’aller à des endroits où des gens d’autres pays n’osent pas aller. Nous avons notamment l’avantage de pouvoir communiquer en anglais aussi bien qu’en français. Il y a aussi d’autres avantages, liés aux régimes juridiques que nous connaissons déjà, soit le Code civil et la common law. Nous jouissons de plus de très bons rapports internationaux à l’échelle gouvernementale, voire au niveau interpersonnel dans certains cas. Laissons nous porter par tous ces avantages.
J’éprouve beaucoup de sympathie à l’égard des préoccupations exprimées par M. Hargrove à l’égard des accords de libre-échange. Force est de constater que si l’on ne considère que les pays avec lesquels nous avons conclu de tels accords – les États-Unis, le Mexique et le Chili – dans le cas du Mexique et du Chili ces pays figuraient à peine dans le décompte des transactions commerciales réalisées par le Canada avant la signature de ces accords. Ils ont aujourd’hui attiré d’autres intérêts commerciaux, et les chiffres continuent d’aller en augmentant. Ceci illustre ce que je disais un peu plus tôt – lorsque vous partagez des intérêts au niveau des gouvernements respectifs, cela attire des intérêts commerciaux et des investissements. Que nous soyons ou non à l’aise dans tous les cas où cela se produit, c’est la direction dans laquelle notre monde évolue. Et on ne peut se permettre de faire comme le roi Canute qui essaya de repousser la marée. Il nous faut songer à comment harnacher ces forces pour qu’elles oeuvrent dans le même sens que nous.
» (1745)
M. Basil "Buzz" Hargrove: Monsieur le président, veuillez m’excuser, mais je dois quitter. Nous croyions que la cloche sonnerait à 17 h 30.
Le président: Une intervention rapide alors de la part de M. Roy au sujet de certains de ces zones troubles et de nos préoccupations en tant que pays en ce qui a trait aux violations des droits humains. Qu’en pensez-vous? Doit-on demeurer à l’écart, ou plutôt essayer d’y aller dans l’espoir de pouvoir changer la situation qui prévaut dans ces pays?
M. Jean-Louis Roy: Monsieur le président, de par son mandat, l’organisme Droits et Démocratie est voué à manifester sa présence là où la situation est difficile dans le monde. Au cours des dernières années, nous sommes allés en Côte d’Ivoire et au Kenya, et nous sommes présents dans la République démocratique du Congo, en maintenant au Togo.
J’estime que c’est notre devoir d’y être. Nous devons aider les gens à construire leurs institutions. Il s’agit d’un processus long et difficile, mais comme l’a souligné M. Cumberlege, lorsque les gens sont en mouvement nous devons les accompagner et leur dire que nous sommes là avec eux. Nous devons les aider à mettre en place leurs institutions. Nous devons aussi les aider à organiser leur société civile, graduellement mais sûrement en accord avec les normes et règles internationales, et aussi en fonction des réalités sur le terrain.
Vous savez, hier j’étais avec des gens – et j’arrive tout juste d’un séjour au Moyen Orient – qui sont venus au Canada à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de presse, que l’on célèbre demain. Parmi ces personnes se trouvait l’éditeur du réseau d’information Al-Jazeera, et nous débattions justement tous ensemble de la question que vous venez de poser, monsieur le président. À un moment donné, il nous a interpellé en nous disant : « Mais aujourd’hui, les gens de mon entourage n’ont qu’un type de question à l’esprit : « Où puis-je trouver de l’eau propre et potable? Où puis-je trouver de la nourriture? Où puis-je trouver des médicaments quand j’en ai besoin? »
Nous devons aussi aider les gens à sortir de la pauvreté, pas seulement leur dire qu’il existe telle ou telle norme internationale, et ainsi se suite. Nous avons le devoir de les aider. Nous devons investir dans les personnes elles-mêmes et les accompagner.
Le président: Je vois que mon bon ami le sénateur Prud'homme est là. Peut-être y a-t-il une autre séance qui commence bientôt.
Sur ce, je vais donc lever la séance, mais avant de ce faire je désire vous remercier tous et chacun du temps que vous nous avez consacré et de vos commentaires dans le cadre de la préparation de ce rapport. Je vous remercie vivement.
La séance est levée.