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Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole sur ce projet de loi aujourd'hui.
Avant de parler spécifiquement du projet de loi, je voudrais faire un petit rappel historique. Je suis impliqué dans la politique depuis plus de 20 ans, particulièrement depuis la période où je me suis installé en Gaspésie, au début des années 1980. Or, s'il y a un milieu au Canada qui a pu vivre les affres de l'intervention du fédéral dans le secteur du développement régional, c'est bien la Gaspésie.
Je me souviens qu'à la veille du référendum de 1995, on avait créé les commissions sur l'avenir du Québec. J'avais présenté un mémoire à cette commission dont le titre était « Le système fédéral—La Gaspésie: le laboratoire de l'échec du fédéral en matière de développement régional ».
Effectivement, par souci de visibilité, le gouvernement fédéral a essayé pendant plusieurs années différentes formes d'intervention dans le développement régional. Parce qu'il n'avait pas l'habileté de base nécessaire pour le faire, il a été obligé de réviser ses modèles régulièrement.
Historiquement, on se souvient du ministère de l'Expansion économique régionale. Initialement, des ententes avaient été conclues entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral pour décider de la façon d'investir. Cependant, la soif de pouvoir et de visibilité a amené le gouvernement fédéral à se retirer de cette forme d'entente et à en venir à exercer des interventions directes.
En premier, ce fut par l'intermédiaire du Bureau fédéral de développement régional, comme on l'appelait à l'époque, qui était finalement une excroissance du ministère de l'Industrie créée par le gouvernement conservateur principalement pour une raison. C'est que la structure du ministère de l'Industrie était contrôlée quasiment à 100 p. 100 par tout l'establishment économique de l'Ontario. Cela avait comme conséquence qu'on était incapable d'aller chercher la part d'investissements nécessaire.
À ce moment-là, plutôt que de se retirer du développement régional et de donner à Québec la part qui lui revenait là-dedans, les conservateurs ont décidé, par souci de visibilité ou peut-être aussi par volonté d'efficacité, de créer le Bureau fédéral de développement régional. Ce dernier s'apparente un peu à un pontage qu'on effectue à la suite d'un accident cardiovasculaire afin que le sang puisse circuler. Ainsi, on voulait sortir du ministère de l'Industrie et que de l'argent se rende jusque dans les régions du Québec.
Ce jugement que je porte sur ce que j'ai vécu depuis plus de 20 ans ne s'adresse pas aux gens qui oeuvrent dans l'appareil, dans les sociétés d'aide au développement des collectivités ou dans les bureaux régionaux de Développement économique Canada. On sait que ces derniers essaient de faire du mieux qu'ils peuvent avec les règles qu'ils ont. Notre jugement par rapport au projet de loi C-9 porte sur le fait que le gouvernement fédéral, au lieu d'aller vers la tendance qui devrait être la sienne, c'est-à-dire de se retirer des secteurs dont il n'a pas la responsabilité, fonctionne à l'inverse. En effet, il continue de vouloir prendre de plus en plus de place et d'importance.
La modification à la loi actuelle permettra que le ministre responsable devienne une espèce de ministre senior, mais dans un secteur qui n'est pas de la responsabilité du gouvernement fédéral. Notre préoccupation aujourd'hui doit effectivement être de voir si c'est un avantage pour le Québec, globalement, de mettre sur la table un tel projet de loi.
J'ai reçu une information assez significative la semaine passée que je voudrais livrer en cette Chambre. C'est que la Fédération d'entreprises indépendantes a fait un sondage auprès de ses entrepreneurs membres et a révélé une statistique pour le Canada et une autre pour le Québec. La question était à savoir si l'on serait mieux avec des crédits d'impôt qu'avec l'action fédérale de Développement économique Canada.
Pour le Canada, autour de 50 p. 100 préféraient les crédits d'impôt. Ce qui est encore plus significatif, c'est que pour le Québec, c'était 60 p. 100. Les gens qui travaillent dans les petites et moyennes entreprises du Québec ne sont pas particulièrement des souverainistes ni des gens siégeant de notre côté de la Chambre. En fait, ce sont les industriels, les gens d'affaires, la communauté, et les propriétaires de petites et moyennes entreprises qui disent à 60 p. 100 qu'ils aimeraient mieux avoir des crédits d'impôt que de recevoir l'intervention de Développement économique Canada.
Cela n'a rien à voir avec l'efficacité ou non des fonctionnaires séparément qui effectuent leur travail du mieux qu'ils le peuvent selon le contexte. Effectivement, pour qu'une telle structure soit efficace dans le système canadien, il faudrait qu'on ait décidé que le développement économique régional est la responsabilité du fédéral, et il faudrait aussi que le gouvernement fédéral décide de mettre sur la table l'argent nécessaire pour appuyer ces gens.
De région en région, des petits programmes sont mis de l'avant. On essaie d'en tirer le maximum possible pour avoir le plus de retombées possible. Cependant, lorsqu'on regarde la masse salariale des gens qui est vraiment distribuée et rendue disponible aux entreprises versus les coûts fixes d'opération du ministère, il est évident qu'il y a place à l'amélioration et à l'instauration d'une vision complètement différente de celle qu'on retrouve dans le projet de loi C-9, déposé par le ministre, soit la Loi constituant l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec.
Ce qui est encore plus insidieux, c'est qu'initialement la loi actuelle, telle qu'écrite et qui s'applique avant qu'on adopte le projet de loi C-9, dit que l'agence doit promouvoir le développement économique des régions du Québec en accordant une attention particulière à celles dont la croissance économique est lente et où les emplois sont insuffisants.
Cette clause favorisant l'intervention de l'agence dans les régions aux prises avec des problèmes particuliers disparaît dans la mission de la nouvelle agence. C'est absolument aberrant. On a discuté du principe qui dit que le fédéral n'aurait pas à intervenir dans ce secteur-là. S'il décide d'intervenir de toute façon, cette clause élimine de la loi existante le fait d'intervenir pour les régions qui en ont le plus besoin. Cela crée un imbroglio terrible.
Maintenant, il y aura deux ministère, l'un, le ministère de l'Industrie qui a tous les moyens, et l'autre, le ministère du Développement régional, qui n'a pas de moyens et à qui on enlève l'argument principal qu'il avait pour discuter, c'est-à-dire qu'il était là pour aider les régions qui en avaient le plus besoin.
Dans la nouvelle loi, on élimine aussi la clause inhérente à sa mission pour remettre directement entre les mains du ministre la possibilité, pour une période indéterminée, de constituer en zone désignée toute région du Québec en raison de circonstances particulières pour améliorer la situation en matière d'emplois.
Effectivement, cela peut être pertinent de pouvoir le faire, mais il faut s'assurer que cela soit encadré correctement, que ce n'est pas tout simplement une question de partisanerie politique qui soit mise de l'avant et qui amène à des conclusions qui ne sont pas celles qui sont souhaitables en termes de développement économique.
Cette nouvelle loi constitue pour les régions du Québec aux prises avec une problématique de croissance économique ou d'insuffisance d'emplois un net recul, car leur reconnaissance comme zone désignée deviendra conditionnelle à la bonne volonté du ministre plutôt que de reposer, comme c'est le cas actuellement, sur des critères objectifs.
Je voudrais ouvrir une parenthèse. On a vu cela dernièrement dans un autre dossier concernant les effectifs de la GRC en région. Il y a eu une décision qui, aujourd'hui je l'espère, va être renversée suite à la présentation des maires au Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile. La décision était de retirer les effectifs partout dans les régions.
Ce genre de comportement du gouvernement fédéral que l'on retrouve au sein du ministère de la Justice va maintenant pouvoir être justifié et légitimé par la modification apportée à la loi. C'est comme si on reculait finalement. Antérieurement, on s'engageait à intervenir dans les régions qui en avaient le plus besoin. Maintenant, le ministre va décider quelles sont ces régions et, en bout de ligne, cela va devenir un jugement beaucoup plus partisan qu'auparavant. Il n'y a donc pas un ajout intéressant là-dedans.
En fait, en transférant au niveau politique les grandes orientations des interventions, le projet de loi C-9 cache un autre vice, soit celui de franchir un autre pas vers l'atteinte de l'objectif du gouvernement libéral d'investir tous azimuts les champs de compétence du Québec, ce qui est de nature à accroître les affrontements avec le gouvernement du Québec.
Le gouvernement du Québec a mis en place, depuis plusieurs années, des structures de développement régional, notamment les CLD, les Centres locaux de développement, qui sont maintenant sous la responsabilité des municipalités régionales de comté. L'actuel gouvernement libéral du Québec est un gouvernement fédéraliste qui se retrouve encore à vivre avec deux structures. Partout au Québec, actuellement, il y a deux structures. Je pense que cette façon de faire, au niveau des objectifs, n'est pas la meilleure.
Il y aurait eu moyen d'en arriver à quelque chose de beaucoup plus réaliste et qui corresponde à la structure du Québec en lui déléguant les moyens nécessaires. Dans le fond, il aurait fallu reculer pour venir un peu du côté de ce qui se faisait au ministère de l'Expansion économique régionale. Lorsqu'il y avait des dépenses faites au Québec, elles étaient faites suite à des ententes entre Québec et Ottawa. De cette façon, on s'assurait qu'il y aurait une concordance entre les politiques du Québec et l'intervention du fédéral. Ce n'est plus le cas maintenant.
Il y a suffisamment de champs d'intervention où le fédéral a une responsabilité, présentement, notamment en matière de commerce international, pour qu'on aille de l'avant et que le fédéral assume ses responsabilités dans les secteurs où il se trouve, mais pas en mettant en vigueur une loi qui va finalement faire reculer le Québec plutôt que de le faire avancer.
On sait que le gouvernement fédéral, pour justifier la présentation de ce projet de loi, utilise des exemples de lois similaires adoptées antérieurement en ce qui concerne les secteurs des Maritimes et de l'Ouest canadien. Toutefois, il y a une différence fondamentale entre ces secteurs. En effet, dans les Maritimes et dans l'Ouest, une telle loi a été demandée par les provinces en cause qui n'avaient pas chez elles de ministère dédié au développement régional.
Ce n'est pas le cas au Québec où ce ministère est important. Il y a un passé qui parle beaucoup et qui donne des résultats intéressants. Plusieurs efforts ont été faits par le gouvernement pour se donner des structures de développement régional qui soient adéquates. Il y a déjà eu des opérations de décentralisation. De plus, il y a eu une opération du gouvernement libéral fédéraliste actuel pour qu'il y ait une responsabilisation du côté des élus.
À côté de cela, une deuxième structure viendra s'implanter, sans que ce soit nécessairement souhaitable. Ce n'est pas pertinent de se servir de l'exemple de l'Ouest ou des Maritimes pour justifier l'implantation au Québec de ce ministère. Il est inacceptable que le fédéral veuille jouer sur ce terrain qui est de compétence provinciale.
Le projet de loi C-9, aux dires mêmes des autorités de Développement économique Canada, n'apporte rien tant sur le plan administratif de l'agence que sur le plan d'injection d'argent frais. Il n'est donc que l'ajout d'une structure de nation building du gouvernement libéral qui, à la suite du référendum de 1995, a décidé d'investir les champs de compétence du Québec et d'accroître énergiquement sa visibilité au Québec en profitant de ses énormes surplus et de son pouvoir de dépenser pour le faire.
Qu'aurait pu faire le gouvernement libéral pour répondre aux vrais besoins des régions? Au lieu de perpétuer ses interventions dans les champs de compétence du Québec et ses dédoublements de services totalement improductifs, le gouvernement fédéral—dans l'optique présente, il refuse de le faire—devrait se retirer du développement régional. Cependant, s'il veut absolument continuer à intervenir, au moins qu'on puisse s'assurer qu'il s'attaque à l'amélioration de ses services dans le cadre de ses propres responsabilités.
Voici la première chose qu'il devrait faire: il devrait adapter les programmes fédéraux aux réalités des régions. Le nombre de batailles qui doivent être faites pour que des programmes fédéraux deviennent finalement suffisamment souples pour être appliqués au Québec est absolument extraordinaire. De plus, cela demande une dépense d'énergie qu'on ne devrait pas avoir à faire.
Le meilleur exemple à ce sujet concerne la question de la vache folle. En effet, si on avait eu la souplesse nécessaire, il aurait pu y avoir pour le Québec, et ce, depuis longtemps, une façon différente de faire, ne serait-ce que la reconnaissance du fait qu'au Québec, il y avait un système de traçabilité qui nous mettait à l'abri des écarts qui ont résulté de la découverte de la vache folle. En effet, au Québec, on pouvait déjà identifier les bêtes malades et leur origine. Ainsi, on aurait pu circonscrire le problème et éviter d'en faire un problème qui est devenu mondial et qui a pénalisé l'ensemble de l'agriculture du Québec et du Canada.
Il faut aussi déconcentrer l'appareil gouvernemental fédéral. Les compressions dans les effectifs de ces dernières années se sont faites dans les régions, soit dans les endroits où les mailles étaient les plus faibles. De cette façon, on a concentré le pouvoir et les effectifs restants à Ottawa. À ce moment-là, comme conséquence, on a une vision de ce que doit être le développement qui est un peu décollée de la réalité. Avec l'arrivée des surplus, on a créé plusieurs emplois, et c'est Ottawa qui en a bénéficié.
Nous souhaiterions que les programmes, s'ils continuent d'être appliqués, puissent se faire encore plus à partir des régions et qu'il y ait une décentralisation encore plus réelle des pouvoirs, et ce, pour nous assurer que les décisions puissent s'appliquer dans chacun de nos coins de pays.
Il faudrait aussi que le gouvernement fédéral rétablisse ses dépenses en immobilisation à un niveau acceptable et qu'il relève substantiellement le budget de développement national au Québec, qui est trois fois moins élevé que dans les Maritimes. Par conséquent, des sommes d'argent disponibles pourraient être versées au Québec, et il faudrait faire en sorte que ces sommes soient beaucoup plus importantes.
Nos concitoyens et concitoyennes constatent que le gouvernement fédéral accuse un surplus de 9 milliards de dollars. De plus, en même temps, ils constatent aussi qu'on a beaucoup de difficulté à obtenir les sommes d'argent nécessaires pour stimuler la recherche et le développement dans nos régions, et pour s'assurer que nos PME ont accès à des programmes qui leur permettent d'être compétitives dans la nouvelle réalité mondiale.
De ce côté, une accélération et une simplification des modes de fonctionnement seraient nécessaires pour qu'on soit compétitifs, qu'on ait des produits dans les bons créneaux et qu'on puisse assumer nos responsabilités et maintenir et développer de l'emploi, plutôt que d'avoir une politique défensive, comme celle qu'on a actuellement. En effet, on dit aux gens du secteur du textile: « On va donner un petit montant de 25 millions de dollars, mais après cela, on n'a plus d'autre argent. Faites face à la vague qui vous arrive de la Chine, de l'Inde et du Pakistan, et débrouillez-vous avec cela, car nous ne pouvons pas vous aider plus qu'on ne le fait maintenant. »
Quand les gens entendent ce discours et que, de l'autre côté, ils voient le ministre des Finances arriver avec un surplus de 9 milliards de dollars, ils se disent que dans le fond, c'est comme quelqu'un qui a décidé de payer son hypothèque en cinq ans et qui fait crever de faim les membres de sa famille pour être certain de l'avoir payé le plus tôt possible. Il y a là aussi des signes que le gouvernement fédéral, en matière de développement régional, n'a pas assumé ses responsabilités.
Le manque de sensibilité le plus évident, c'est bien sûr le fait qu'il n'y a pas eu de réforme en profondeur du régime d'assurance-emploi. Le Bloc québécois est arrivé ici en 1993. À ce moment-là, les libéraux avaient pris l'engagement qu'il y aurait une véritable réforme du régime d'assurance-emploi. M. Chrétien avait pris un engagement à titre de candidat à la chefferie du Parti libéral à l'effet qu'il y aurait une réforme positive pour les chômeurs. Une lettre le confirme. Tout de suite après sa prise du pouvoir, il a fait le contraire: il a serré la vis, il a diminué l'admissibilité au régime et il a enlevé aux régions un outil de développement régional. C'est un outil de stabilisation des activités économiques qui n'est plus là.
Sans avoir les programmes de compensation pour relancer l'économie régionale, on a en même temps fermé le robinet sur un facteur de réinvestissement dans la région qui était très pertinent et qui permettait de maintenir le pacte social existant entre les régions-ressources du Québec et du Canada et le centre. Par le passé, l'industrialisation s'était faite principalement dans les villes-centres, mais les régions-ressources, elles, avaient le régime d'assurance-emploi pour compenser le fait qu'elles vivaient des secteurs saisonniers.
Le manque de sensibilité du gouvernement fédéral dans ce dossier lui a fait très mal depuis quatre élections, et on ne réussit pas encore à enregistrer le message à l'effet qu'il faudrait procéder à une véritable réforme du régime d'assurance-emploi. On comprendra les inquiétudes de la population de se faire dire qu'on créera une agence sous le ministre du Développement régional qui n'aura plus nécessairement à réinvestir dans les régions qui en ont le plus besoin, mais qui pourra choisir quelles régions il développera. De cette façon, cette agence en arrivera à des conclusions qui ne seront pas celles pertinentes pour le développement économique du Québec.
Lorsque ce projet de loi ira en comité, s'il est adopté par la majorité de cette Chambre, il devra être transformé de fond en comble pour au moins s'assurer qu'il n'y ait pas de détérioration des situations actuelles. Il faut ramener le fait que la vocation puisse être limitée et assurer qu'elle s'appliquera dans les régions du Québec qui ont besoin d'un coup de pouce particulier, ce qui était dans la loi actuelle. Il faut s'assurer qu'aucune partisanerie n'interviendra pour permettre le développement des activités économiques chez nous.
On vit maintenant dans une réalité économique complètement différente d'il y a 10 ans. Un défi extraordinaire se présente dans tout le secteur manufacturier. On le vit particulièrement dans ma région, par exemple à Montmagny, où l'on a vécu des fermetures importantes. Présentement, beaucoup d'entreprises ont de la difficulté à maintenir la compétition avec d'autres pays du monde. On dirait que le gouvernement fédéral n'a pas la vitesse nécessaire pour s'adapter à ces nouvelles réalités. On fait toujours du rattrapage.
Le projet de loi devant nous ne fera pas en sorte que l'action du gouvernement permette à nos entreprises de continuer à compétitionner, à aller de l'avant et à maintenir leurs emplois. Il est important que les parlementaires de cette Chambre soient conscients et conscientes que nous avons à décider si, oui ou non, le gouvernement fédéral doit continuer à intervenir de la façon dont il l'a fait par le passé, avec les résultats qu'on connaît. La vérificatrice générale elle-même a soulevé des questions importantes sur l'efficacité du ministère actuel.
Le fait qu'on nous amène aujourd'hui un projet de loi de ce type ne m'apparaît pas la meilleure façon d'intervenir pour aider au développement économique régional du Québec. C'est pour cette raison que le Bloc québécois, à cette étape, votera contre le projet de loi. En effet, ce dernier va complètement à l'encontre des objectifs de développement du Québec. Ce n'est pas l'outil adéquat pour permettre un développement harmonieux du Québec ni pour faire face à une nouvelle compétition mondiale.
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Monsieur le Président, bien que le NPD appuie en principe le projet de loi C-9, cette mesure législative est un exemple d'occasion ratée. Mon collègue du Bloc a décrit avec éloquence certains des problèmes dont le projet de loi ne tient pas compte.
Nous avons besoin de politiques très énergiques d'appui au développement régional, ainsi que d'un gouvernement fédéral qui définisse un cadre permettant aux collectivités de déterminer leur propre destinée. S'il y a une chose que nous savons au sujet du développement économique communautaire efficace, c'est qu'il renforce la capacité communautaire à long terme et favorise l'intégration des activités économiques, sociales et environnementales.
Le développement économique communautaire vise l'autonomie individuelle et communautaire par le biais des initiatives coopératives, du renforcement des capacités et de la restitution aux collectivités du contrôle des entreprises, des capitaux, de la main--d'oeuvre et des autres ressources. Cet aspect est souvent oublié dans les discussions sur le développement économique. Nous pouvons noter que de nombreuses références au développement économique excluent les collectivités. L'activité sociale et environnementale est critique et il faudrait également en tenir compte dans ces discussions.
Le projet de loi ne tient pas compte de certains outils essentiels du développement économique communautaire, et la discussion est limitée. Le développement économique communautaire est une question de renforcement des capacités et de moyens de faire davantage avec moins de ressources au sein même des collectivités. Il s'agit de faire circuler l'argent dans les collectivités avant qu'il n'en sorte. Il s'agit de remplacer les importations, ce qui signifie fabriquer les produits à l'intérieur même de la collectivité plutôt que de les importer de l'extérieur. Il s'agit finalement de fabriquer de nouveaux produits dans la collectivité.
Nous avons besoin de politiques ciblées, à long terme, visant à promouvoir et à appuyer les économies domestiques. Il nous faut parler de financement. Il nous faut des ressources importantes pour la création d'emplois afin que, lorsque nous devons subir des revers tels que celui du bois d'oeuvre, nous puissions nous tourner vers le développement économique de nos collectivités. Nous avons besoin de corporations de développement économique communautaire efficaces, afin que les décisions soient prises dans les collectivités, ce qui permettra la mise en oeuvre de ces initiatives de création d'emplois tellement importantes. Nous avons besoin d'appuyer les autorités responsables du développement des centre-villes. Nous avons besoin de caisses de prêts pour toute une gamme d'entrepreneurs.
Nous avons également besoin d'encourager efficacement les stratégies d'achat local, ce qui comprend l'approvisionnement gouvernemental. Par conséquent, les agences fédérales établies dans une localité doivent y mettre en oeuvre une stratégie de développement relative aux achats locaux. Nous avons besoin des compétences appropriées et d'une formation commerciale suffisante pour soutenir le développement économique communautaire. Le projet de loi ne tient compte d'aucun de ces aspects. J'espère que nous pourrons aborder les aspects relatifs au développement de notre économie locale dans le cadre du comité.
Ce débat devrait porter en partie sur les responsabilités environnementales et les entreprises vertes. Cela peut comprendre des encouragements fiscaux, des projets d'améliorations éconergétiques au gouvernement, des stratégies pour attirer et conserver des entreprises et des programmes d'économie d'énergie. Nous devons également avoir des subventions et du financement ciblés, afin de pouvoir atteindre l'objectif visé qui est de soutenir les entreprises locales.
Des fonds de recherche et de développement ne sont pas facilement accessibles pour les collectivités locales non plus. Nous avons besoin d'une agriculture à soutien communautaire. Ma collectivité dans Nanaimo—Cowichan est un bon exemple. Nous devons parler de stratégies locales qui appuient non seulement le secteur agroalimentaire et l'industrie agrotouristique, mais qui soutiennent les achats locaux également. Nous devons reprendre le contrôle de nos collectivités et assurer leur croissance sans sacrifier la qualité de vie des habitants.
Le développement économique communautaire doit également comprendre une politique sur les petites entreprises. Je vais parler de la Colombie-Britannique un instant. Dans cette province, en 2003, les petites entreprises ont créé près de la moitié de tous les emplois. Pourtant, nous n'avons pas une stratégie efficace de développement économique communautaire pour favoriser la croissance des petites entreprises.
Il y a un mythe au sujet du commerce extérieur. À l'heure actuelle, à peine 20 p. 100 de notre PIB dépend du commerce extérieur. Pourtant, nous mettons l'accent sur le commerce extérieur et faisons fi de 80 p. 100 de notre PIB. En 2002, Statistique Canada a déclaré que 80 p. 100 de nos exportations étaient le fait de 4 p. 100 des entreprises canadiennes. Où est l'appui pour nos petites entreprises locales lorsque des statistiques de ce genre ne cadrent pas avec le type de subventions offertes? Nous avons besoin d'une politique industrielle qui s'attaque adéquatement aux besoins des petites entreprises, qui ne prévoit pas simplement les moyens de garder en affaires les petites entreprises, mais qui favorise leur expansion et la création de nouvelles petites entreprises.
Une autre chose qu'on n'aborde pas comme il se doit dans notre politique de développement économique, ce sont les questions touchant les collectivités rurales. On définit une collectivité rurale comme une collectivité de moins de 50 000 habitants. Beaucoup de nos petites collectivités rurales ont des populations de 1 000, 5 000 ou 10 000 habitants. Des politiques destinées aux collectivités rurales de 50 000 habitants ne répondent pas aux besoins des petites collectivités de 1 000 habitants.
C'est là où le développement économique communautaire est encore plus essentiel, afin que les gens aient le choix de demeurer dans leur collectivité plutôt que d'avoir à déménager dans de grands centres urbains. Des études ont montré que les collectivités rurales sont essentielles à la survie des grands centres urbains.
En conclusion, même si nous appuyons le projet de loi en principe, je vais exhorter le comité à tenir le débat de fond nécessaire sur un véritable développement économique communautaire qui va permettre à nos petites collectivités de demeurer viables et de rester des endroits où il est agréable de vivre.
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Monsieur le Président, dans un premier temps, je veux indiquer pourquoi nous nous opposons au projet de loi C-9, Loi constituant l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec. Je vais également aborder la réalité du développement socioéconomique des régions du Québec.
Pourquoi nous opposons-nous au projet de loi C-9? Ce projet de loi vient créer un ministère du Développement régional. C'est pour nous, les Québécois, une nouvelle forme de dédoublement et d'intrusion du fédéral qui ne répond pas aux besoins de nos communautés locales. En effet, le projet de loi du gouvernement propose de livrer le développement des régions du Québec à la discrétion du ministre fédéral responsable de l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec.
Alors que la loi actuelle identifie clairement toutes les régions québécoises comme des zones dont le fédéral doit assurer le développement, il existe déjà au Québec un ministère du Développement régional qui planifie, organise et coordonne les activités de développement par l'entremise des CRE, les Conseils régionaux des élus—ce qui a remplacé les CRD—, les CLD, les SADC bien sûr et bien d'autres programmes et organismes locaux. Les MRC sur nos territoires jouent également un rôle de plus en plus important sur le plan du développement économique, local et communautaire. Nous avons donc plusieurs acteurs sur nos territoires. Nous avons une structure de développement importante qui répond actuellement aux besoins de nos communautés. Lorsque cela fonctionne bien, pourquoi changer?
La Constitution confère au Québec la responsabilité de la plupart des questions concernant le développement des régions. En ayant trois niveaux de gouvernement avec différents objectifs de développement, il a été difficile d'installer une vision commune de développement régional ainsi que des pratiques de développement local cohérentes depuis plusieurs années. Comme vous le savez, ces trois niveaux de gouvernement englobent le fédéral, le provincial et le municipal.
Plusieurs années se sont écoulées—j'oeuvre moi-même dans la pratique du développement local depuis plusieurs années—, plusieurs rencontres de concertation ont eu lieu avant que tous les intervenants et les organismes d'un territoire puissent se comprendre, se connaître, saisir les objectifs de chacun, que ce soit au niveau fédéral, provincial ou même municipal.
La décentralisation des pouvoirs chez les citoyens, qui est une nouvelle pratique de développement local mise en place depuis une vingtaine d'années, a porté fruits. Avec le temps, tous les organismes confrontés aux mêmes problèmes socioéconomiques sur nos territoires ont réussi à développer une vision commune d'intervention dans leur collectivité. Au départ, ce n'était pas facile. Il y avait les SADC, qui disposaient de leurs politiques et de leurs pratiques de développement local, leurs orientations venant du fédéral. Nous avions les CLD, avec les orientations du Québec. Enfin, les MRC sont arrivées sur le terrain avec des orientations venant souvent des institutions municipales. Il a fallu plusieurs mois de concertation avant que tous ces gens développent une vision commune du développement de leur territoire.
C'est maintenant acquis. Les outils sont là. Ce qu'il nous manque, c'est l'argent pour venir appuyer différentes initiatives dans nos communautés locales. Le projet de loi C-9 vient bousculer cette cohésion, cette concertation qui s'est bâtie entre intervenants et organismes au fil des ans. Ce projet de loi veut amener de nouvelles règles du jeu dont on ne veut pas au Québec.
Ce que nous voulons, c'est que le gouvernement fédéral respecte les compétences et l'expertise du Québec, et qu'il adapte les programmes fédéraux aux réalités des régions. C'est au gouvernement fédéral de s'adapter aux réalités régionales du Québec, et non aux régions rurales du Québec de s'adapter aux politiques du gouvernement fédéral, comme cela se fait présentement.
J'en cite quelques exemples. Les programmes fédéraux sont souvent conçus en fonction des grandes villes, ce qui fait en sorte d'exclure la participation des régions. Le Fonds d'infrastructures stratégiques en est un bon exemple, car il prévoit financer des projets d'une telle ampleur que les petites municipalités rurales en sont exclues.
À cet égard, en décembre 2001, le gouvernement du Québec a adopté chez nous une politique nationale de la ruralité pour soutenir le développement des communautés rurales québécoises.
Au lieu de créer une Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec, soit une nouvelle institution, et au lieu d'investir dans de nouvelles institutions, le fédéral ne devrait-il pas tout simplement transférer des montants d'argent au Québec dans ces fonds de développement rural, par exemple, où il se fait plusieurs initiatives qu'on appelle des pactes ruraux? Il manque d'argent dans ces projets. Le fédéral aurait tout simplement à transférer ces fonds dans ces institutions, parce qu'il y en a, des projets. Les structures de développement socioéconomique sont présentes sur les territoires. Par conséquent, la solution n'est pas de créer de nouvelles structures.
De plus, si le gouvernement fédéral veut soutenir le développement régional, appelé chez nous très souvent le développement local, il pourrait commencer par appuyer la mise en place d'un nouveau programme d'infrastructures pour les municipalités, afin de les soutenir davantage financièrement. Nos petites municipalités rurales ont actuellement beaucoup de difficulté à rénover leur système d'aqueduc et d'égout et leurs infrastructures. On aurait besoin d'une bonne politique en matière d'infrastructures. À ce moment-là, cela encouragerait le développement régional et le développement de nos municipalités.
De plus, il pourrait entreprendre également, comme vous le savez, une réforme majeure de l'assurance-emploi, car les régions ont payé le prix fort à la suite des décisions du gouvernement libéral. Les politiques de l'assurance-emploi de ce gouvernement ont créé des problèmes d'exclusion d'une couche importante des populations rurales et un exode massif de jeunes qui, à cause des coupes à l'assurance-emploi et l'inaction du fédéral face à ses politiques d'assurance-emploi, se sont déplacés vers les grands centres urbains.
Une bonne politique de l'assurance-emploi, adaptée aux travailleurs saisonniers, pourrait faire partie d'une intervention du fédéral et aurait sûrement de meilleurs effets que ce projet de loi C-9 qui vient tout simplement dédoubler la politique régionale du Québec.
Les coupes à l'assurance-emploi sont venues amplifier le problème de l'exode des jeunes, comme je l'ai mentionné, en plus de poser des problèmes de recrutement aux entreprises offrant des emplois saisonniers. Quant à ces coupes à l'assurance-emploi, lorsque les personnes se retrouvaient avec 15 semaines de prestations d'assurance-emploi pendant un été ou un hiver, elles devenaient des bénéficiaires de l'aide-sociale. Au lieu de se tourner vers l'aide sociale, certaines se déplacent vers les grands centres urbains, ce qui crée un vide dans les centres ruraux. Cela va à l'encontre d'une politique de développement régional. Je suggère que le fédéral commence à s'attarder à ces questions avant de développer une prétendue politique de développement régional.
Puisque Ottawa s'est subitement pris d'intérêt pour le sort des régions, qu'il sache qu'une réforme de l'assurance-emploi est une façon concrète de les aider à se sortir de la pauvreté dans laquelle il les a plongées.
Pour ce qui est des 428 millions de dollars alloués à Développement économique Canada, ils devraient être transférés au Québec, car le gouvernement du Québec a déjà une politique de développement régional. La création d'un ministère fédéral ne viendrait que perpétuer le dédoublement. Les régions ont besoin d'aide, pas de chicanes Québec-Canada.
En somme, cette nouvelle loi constitue donc un net recul pour les régions du Québec aux prises avec une problématique de croissance économique, de baisse démographique et de dévitalisation. Ce projet de loi, qui n'apporte aucun argent frais, n'est donc que l'ajout d'une structure de nation building du gouvernement fédéral qui, à la suite du référendum de 1995, a décidé d'investir les champs de compétence du Québec et d'accroître sa visibilité au Québec en profitant de ses énormes surplus et de son pouvoir de dépenser pour le faire.
Il faut que le gouvernement libéral règle le déséquilibre fiscal s'il veut vraiment répondre aux besoins réels des régions du Québec.
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Monsieur le Président, je remercie également mon collègue conservateur d'avoir porté à l'attention de cette assemblée le nombre insuffisant de libéraux à la Chambre en ce moment. On va pouvoir continuer l'étude du projet de loi C-9.
Comme je le disais au moment où on m'interrompait, seul le Québec est en mesure de mettre en place cette structure intégrée de gouvernement dont on parle dans le projet de loi concernant le développement régional.
Vous voyez ce que donne le scénario en ce moment. On a deux moitiés de gouvernement qui interviennent. Ni Québec, ni Ottawa n'ont les ressources suffisantes, en ce moment, pour assurer le développement des régions. Cela fait deux demi-gouvernements qui font du demi-développement et qui obtiennent—il faut bien être honnêtes—des demi-résultats. Cela ne fonctionne pas très bien au niveau régional.
De la façon dont ce projet de loi est formulé cela amènerait deux niveaux de gouvernement et cela viendrait encore empiéter sur les compétences du Québec. Mais surtout, un niveau de gouvernement aurait pour effet, dans les régions du Québec, d'annuler ce que fait l'autre gouvernement. Les forces s'annuleraient plutôt que de se multiplier.
Je viens de la région de la capitale nationale; je parle de celle du Québec. Imaginez-vous donc que dans cette région qui n'est pourtant pas éloignée des grands centres—c'est un grand centre urbain—, nous connaissons la détresse que connaissent des régions éloignées. En effet, même en ayant un ministre que l'on dit responsable de la région de Québec, l'argent fédéral ne se rend même pas à Québec.
Imaginez les gens qui sont en Gaspésie ou dans les Laurentides, comme mes collègues à côté, ou à d'autres endroits du Québec. L'argent fédéral ne revient pas. Quand il revient, c'est toujours avec des conditions, avec toutes sortes de choses pour que les régions se mettent à la merci du fédéral. Or, le projet de loi C-9 continuerait dans cette veine, soit d'exploiter la faiblesse et la vulnérabilité des régions.
Si Ottawa décide enfin de s'intéresser aux régions du Québec, qu'il commence par s'occuper de ses propres responsabilités. C'est d'abord cela qu'il doit faire. Au lieu de créer un nouveau projet de loi, au Bloc, nous croyons que le fédéral devrait faire un certain nombre de choses minimales.
Il devrait d'abord respecter les compétences du Québec. Cela semble être difficile à comprendre pour le gouvernement ,mais cela peut très bien se faire en commençant par le respect des organismes locaux de concertation. Au Québec, nous sommes bien outillés pour cela. Cela existe déjà. Pourquoi ne pas les outiller davantage et faire travailler convenablement Développement économique Canada? Il y a déjà une agence qui devrait faire cela. Cela ne prend pas une limousine de plus. On n'en a pas besoin au Québec.
Il faudrait d'abord adapter les programmes fédéraux aux réalités des régions. Mes collègues ont déjà parlé tout à l'heure du fait de rétablir les montants pour les nouveaux programmes d'infrastructures. Il y a également les dépenses fédérales en immobilisations. Ce serait déjà de bonnes indications, un bon départ pour montrer la bonne foi du gouvernement.
Il ne faut oublier non plus qu'il faut appuyer la réforme de l'assurance-emploi. Quand on parle d'une réforme, il ne s'agit pas seulement de diminuer ou d'augmenter les cotisations; ce n'est pas cela du tout. C'est d'une réforme de l'assurance-emploi dont on parle. C'est un problème que vivent cruellement les régions. Le chômage est élevé.
Il y a des réalités qui ne sont pas compatibles d'une région à l'autre. Cependant, il y a une grande douleur commune pour les régions du Québec. Quand vous êtes en Gaspésie, les travailleurs saisonniers sont pénalisés par des mesures d'assurance-emploi. Quand vous êtes dans d'autres régions, ce n'est pas du tout la même chose. La vie ne se vit pas de la même manière à Montréal, Vancouver ou Toronto.
Les petites régions ont besoin qu'on les appuie. Ce n'est pas en créant un ministère, au contraire. C'est plutôt en prenant les structures actuelles et en libérant l'argent qui ne revient pas aux régions du Québec.
De plus, la dernière chose dont on a besoin, ce sont de nouvelles chicanes entre Québec et Ottawa sur une question de structures, sur un nouveau ministère qui alourdirait la bureaucratie. Au Bloc québécois, nous sommes très sensibles à la réalité des régions. On entend ce dialogue, on entend des gens qui nous disent que cela ne fonctionne pas bien.
Il ne suffit pas, d'un coup de baguette magique, d'arriver et de dire qu'on crée un projet de loi et, tout à coup, un nouveau ministère vient sauver les régions des pauvres conditions dans lesquelles on les enferme. En effet, elles ne s'enferment pas elles-mêmes dans de telles conditions.
Elles vivent des situations dramatiques en matière d'emploi, des ressources et de l'accès. Il y a même des régions du Québec, au moment où l'on se parle, qui n'ont même pas accès à Internet haute vitesse. La télécommunication étant de compétence fédérale, comment se fait-il qu'en 2004, des régions du Québec n'en sont pas encore dotées?
On a besoin d'interventions ponctuelles bien avant un projet de loi qui créera un ministère. Cela ne prend pas la tête à Papineau pour penser à cela! Il s'agit tout simplement de trouver les ressources qui sont en place.
Il faut bien comprendre qu'en créant un nouveau ministère, on alourdira la structure bureaucratique. En outre, il y aura encore des dangers de dédoublement. C'est vrai que le projet de loi s'inspire d'initiatives semblables dans l'Ouest canadien, par exemple. La Diversification de l'économie de l'Ouest, la DEO, fonctionne relativement bien dans l'Ouest. J'ai vécu au Manitoba—j'en suis très fier—, et j'ai été témoin du bon fonctionnement de la DEO.
En ce moment, on voit plutôt que ces agences provinciales ont leur propre législation depuis 1988. Elles sont bien régies à l'échelle provinciale.
Il faut rappeler au fédéral ses obligations de respecter les compétences du Québec, parce que le Québec doit devenir et rester le maître d'oeuvre du principal développement des régions.
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Monsieur le Président, mon comté, La Pointe-de-L'Île, porte un joli nom. C'est un comté situé à l'extrême est de l'île de Montréal—oui, c'est une île—du côté du fleuve. Vous viendrez le visiter. C'est très beau, et les citoyens sont très fiers de ce nouveau nom, parce qu'il les distingue.
Dans ce comté, on trouve la Chambre de commerce et la Commission scolaire de La Pointe-de-l'Île. Le nom provient d'une contraction entre Longue-Pointe, qui est une expression géographique de cette partie du comté et le bout de l'île, qui fait La Pointe-de-l'Île.
Je ne peux faire autrement que de me lever pour parler du projet de loi C-9 qui vise à créer l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec de même qu'un ministère pour gérer cette agence.
Depuis des années—je suis de la grande région de Montréal—politiquement parlant, je m'intéresse à ce qui est en train d'arriver à cette triste succession de tableaux des rapports entre le gouvernement fédéral et le Québec—parce que le Québec est nommé expressément,—au sujet de cette question du développement régional.
Je dois vous dire, et je m'en confesse, que je regrette la période de Pierre Elliott Trudeau. En effet, au cours de cette période, il y avait une entente négociée concernant un montant entre le Québec et le gouvernement fédéral, et c'était le Québec qui en faisait la mise en oeuvre.
On est rendus très loin de cela. Mes collègues l'ont dit et je le dirai autrement. Non seulement on crée une agence prétendument pour le développement économique du Canada pour les régions du Québec, mais on précise dans le mandat que le ministre doit travailler à une politique de développement intégrée.
Il y a quelque chose d'absurde au fait que le développement régional du Canada pour le Québec, dont on dit qu'il doit être diversifié, devrait être diversifié dans le cadre d'une politique intégrée du Canada. Il y a seulement le Québec qui peut intégrer la diversification de ses différentes régions. Pourquoi cet acharnement à ne pas laisser le Québec se développer et à lui refuser les moyens de le faire en vantant en même temps les mérites du fédéralisme? Oui, mes collègues québécois sont vraiment très patients et patientes.
Le Bureau fédéral de développement régional pour le Québec, le BFDRQ, qui a été créé par les conservateurs, a été remplacé, quand j'ai été élue ici et que j'étais porte-parole en matière de développement des ressources humaines, par un nouveau ministère, soit Développement économique Canada. Oui, vous avez bien entendu. Il n'y avait que dans les crédits du gouvernement où il fallait écrire le mot « Québec ».
Toutefois, sur le papier en-tête et dans les rapports que nous avions avec le représentant—je crois qu'à l'époque, c'était un secrétaire d'État qui s'occupait du Développement économique Canada— « au Québec » était écrit entre parenthèses. Cela a été créé dans cette belle période de notre arrivée en 1993, avant le référendum presque gagné de 1995.
C'est incroyable: on s'occupait du développement régional et on voulait que cela s'appelle Développement économique Canada. Comme on a été obligé, au fil des années, d'ajouter « Québec » à côté, on changera une nouvelle fois le papier à en-tête et tout le reste. Je ne sais pas combien cela coûte chaque fois. Cela s'appellera maintenant l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec. Je suis certaine que si l'on faisait faire une étude du sens de cette expression par des gens en littérature ou en étymologie, ils trouveraient cela pour le moins tordu.
Ce que cela exprime, c'est que le gouvernement fédéral n'est pas capable de reconnaître que le Québec, si l'on mettait fin au déséquilibre fiscal, aurait les moyens suffisants. Non seulement il est parfaitement capable de développer son territoire, mais il est infiniment mieux à même de le faire quand il est seul sur le terrain. Il faut bien se rendre compte que cette agence ira encore plus loin, par le mandat que la loi confère au ministre, dans la définition de deux stratégies de développement.
J'ai entendu les collègues d'en face dire qu'ils ont travaillé avec les populations locales. Or, les populations locales ont besoin d'argent. C'est pourquoi elles sont obligées de travailler avec le représentant fédéral. Cependant, les projets sont-ils ceux qui sont souhaitables pour la région par rapport à l'ensemble du Québec? Personne ne peut nous en assurer.
Une chose est sûre, c'est qu'il y a deux infrastructures, deux administrations, deux séries de personnes qui, chacune de son côté, travaillent à développer les régions du Québec, une en l'intégrant à l'intérieur du Québec, l'autre en essayant d'en faire un développement intégré avec le Canada. Il n'y a pas une entreprise qui réussirait en ayant deux stratégies de développement.
Jusqu'à un certain point, cela me fait penser au développement international. À ce chapitre, les pays veulent tous avoir un degré plus ou moins grand de visibilité. Disons que le Canada à cet égard est particulièrement assoiffé de publicité. Il veut avoir son image, son logo, son drapeau sur une multitude de petits projets qui ne peuvent pas mener à un développement, quel que soit l'argent qu'on y investisse. Le développement ne s'est pas produit comme cela là où il existe. On sait qu'il faudrait qu'il se fasse dans les régions.
Malheureusement, les régions sont aussi victimes de cette volonté de visibilité. C'est certain que le Québec, en prenant presque la décision de s'occuper de son sort pour l'avenir, a poussé les collègues d'en face à chercher à se rendre indispensables et à se montrer visibles avec leur petit drapeau le plus souvent possible et de la façon la plus évidente possible.
C'est triste, parce que les jeunes qui quittent les régions et les gens qui y restent avec moins de services ont besoin de ce développement. Ils n'ont pas du tout besoin de cette mauvaise querelle, de ce dédoublement des stratégies de développement qui n'assure qu'une chose, à savoir qu'il n'y aura pas de développement régional.