Je disais que les membres du comité sont déjà bien au courant du problème. Nous avons récemment eu des témoignages des gens de Saint-Amable venus nous dire ce qui se passe là-bas.
Je suggérais au comité, par le truchement de cette motion, que le gouvernement envisage l'opportunité d'intervenir immédiatement en instaurant un programme d'aide financière qui est spécifique pour ces gens, car actuellement, ils ne se qualifient pas pour d'autres genres de programmes.
Je sais que ce matin même, une conférence de presse a cours. Le président de l'UPA, M. Laurent Pellerin, y est présent pour parler de la situation. Il demande au gouvernement une aide ad hoc pour les producteurs de pommes de terre et les autres producteurs horticoles de Saint-Amable.
Cela correspond un peu à la teneur de la motion. Nous demandons que le gouvernement intervienne immédiatement en instaurant un programme d'aide financière spécifique et, aussi, pour la suite des choses.
Cela correspond un peu à ce que nous avions fait pour les producteurs de tabac du Québec qui, pour toutes sortes de raisons, ne pouvaient plus produire. Évidemment, vous comprendrez que la production de tabac n'est plus à la mode aujourd'hui. Il y avait lieu que les gouvernements entreprennent une étude pour aider les producteurs à trouver d'autres cultures.
Nous devrions peut-être envisager la même chose pour les producteurs de pommes de terre de Saint-Amable qui, sans aucun doute, ne pourront plus s'adonner à cette culture au cours des prochaines années, à cause de se qui s'est passé.
Par votre entremise, monsieur le président, le comité pourrait présenter ce rapport à la Chambre.
Monsieur le président, nous appuyons la motion. Je pense que le gouvernement doit intervenir rapidement en accordant une aide financière dans l'immédiat et pour le long terme.
Comme je disais, quand les producteurs de pommes de terre sont venus témoigner... Il faut leur accorder une aide financière pour qu'ils puissent s'adapter aux restrictions qui leur sont imposées et non pas parce qu'ils reçoivent des appels de leurs banquiers et créanciers, pas en essayant de trouver le moyen de contourner les restrictions et de commercialiser un produit qui pourrait perturber le commerce dans l'ensemble du pays.
En n'expédiant pas leurs produits -- à cause d'un problème dont ils ne sont pas responsables -- ils donnent un avantage à tout le pays sur le plan du commerce extérieur.
À mon avis, M. le président, le problème de la gale de la pomme de terre, que nous avons bien connu à l'Île-du-Prince-Édouard, va obliger le gouvernement à interdire toute production sur les terres concernées, normalement pendant une période indéfinie.
Il y a des cas où les gens vont sur ces terres qui doivent être désinfectées par l'ACIA. Ils surveillent continuellement la situation, ce qui coûte très cher. La meilleure solution serait de retirer complètement ces terres de la production pour les consacrer à l'exploitation forestière par exemple, et d'indemniser les producteurs pour leurs pertes potentielles.
J'appuie donc la motion.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Pike Management Group est une société de Calgary, en Alberta. Nous exploitons environ 2,5 millions d'acres dans l'Ouest canadien. Nous représentons beaucoup de producteurs céréaliers exploitant des fermes allant de 5 000 à 70 000 acres, et des exploitations de naissage ayant de 250 à 3 600 têtes.
La plupart de ces exploitations sont gérées par de jeunes agriculteurs qui veulent s'agrandir, et notre société appartient d'ailleurs aux agriculteurs. PMG fournit des services de marketing et de gestion à de grandes exploitations céréalières rentables.
En ce qui concerne la Commission du blé, j'aimerais d'abord voir avec vous pourquoi elle fonctionne ou non comme il faut. Je pense que c'est l'une des premières questions à se poser et, pour y répondre, je vais parler de ses liquidités financières, des signaux du marché et de ce qui a changé. Ensuite, je parlerai de l'idée du double marché et des avantages offerts par la Commission, pour les courtiers et pour les producteurs, et je formulerai enfin quelques conclusions.
Tout d'abord, pour savoir si la Commission fonctionne bien ou non -- vous recevrez le texte de cette déclaration lorsqu'elle aura été traduite -- j'ai examiné les prix en vigueur à Unity, une collectivité du centre de la Saskatchewan, pour le CWRS no 1 à 13,5 % de protéines. C'était le 23 octobre et mon objectif était de comparer les revenus possibles avec des contrats à terme de plusieurs mois différents, et aussi avec des contrats à prix fixe et avec le prix initial.
Sur la base du rendement moyen dans cette région, le contrat à prix fixe aurait donné environ 200 $ l'acre alors que le prix initial n'aurait donné que 93 $, ce qui est relativement bas. Au même moment, si nous avions pu obtenir les prix des contrats à terme de Minneapolis, nous aurions pu obtenir 242 $ l'acre, soit 1 $ de plus par boisseau que ce qu'aurait pu donner de la Commission du blé.
Même avec les prix actuels du contrat de décembre, nous aurions environ 218 $, soit 20 $ de plus par tonne pour le producteur.
Cela montre non seulement que les prix sont plus élevés en dehors du système de la Commission du blé mais aussi que le facteur déterminant est qu'il n'y a pas de liquidités, ou de cashflow.
Prenons l'orge. À l'heure actuelle, les cours mondiaux de l'orge sont à un niveau record, notamment à cause de la sécheresse en Australie. De par sa structure, la Commission ne peut pas en tirer parti. Le prix initial de l'orge fourragère est absolument lamentable. Si vous vivez à Unity en Saskatchewan, votre prix initial à l'élévateur vous rapporte environ 17 $ nets la tonne, ce qui ne permet même pas de payer vos dépenses.
Si vous utilisez du malt RPO et allez à Vancouver, vous vous retrouvez avec un prix brut à l'acre d'environ 203 $, ce qui donne environ 53 $ nets. C'est loin des cours mondiaux. À l'heure actuelle, le cours mondial à l'exportation de l'orge de brasserie rendue à Vancouver est d'environ 270 $ la tonne, alors que le prix de la Commission est 184 $.
Le marché au comptant est donc très ferme en ce moment et nous pensons que les producteurs devraient pouvoir en bénéficier. La Commission n'ajoute aucune valeur à ce chapitre.
Pour quelles raisons la Commission a-t-elle du mal à fonctionner dans cet environnement et à fournir des signaux de marché? Je pense que la syndicalisation est probablement l'un des grands problèmes. Tout le monde parle de la syndicalisation et j'ai donc demandé aux producteurs de notre groupe s'ils comprennent bien de quoi il s'agit. Il faut savoir qu'on ne fait pas de syndicalisation par grade de céréales. Le processus de syndicalisation est très sophistiqué, il n'est pas très bien expliqué dans la Loi et c'est l'aspect le moins bien compris de toutes les activités de la Commission.
Pour être tout à fait franc, le système ne fonctionne pas aujourd'hui à cause des changements qui sont intervenus. C'est là une donnée fondamentale dont on discute rarement. Je parle ici d'affaires, pas de philosophie. Je parle de la manière dont l'argent issu des ventes est distribué, manière qui est désuète et mal comprise. Peu de gens sont cependant prêts à l'admettre.
Qu'est-ce qui a changé? D'abord, le nombre de grades ou de qualités de blé. Nous sommes passés de 12 au début de la syndicalisation à 48 aujourd'hui, et il y a les protéines en plus. Les exportations globales sont restées relativement stables. il n'y a pas eu d'augmentations énormes à ce chapitre. Les périodes de syndicalisation sont désuètes et les exploitations ont grandi et se sont modernisées. Les agriculteurs commerciaux ont donc besoin de la souplesse du marché pour gérer le risque de leur entreprise. Toutes les autres régions du Canada ont la liberté de vendre leur blé et leur orge, comme d'autres témoins l'ont déjà dit.
J'ai voulu ensuite me pencher sur le double marché pour voir quels en seraient les avantages pour la Commission du blé. D'abord, il n'y aurait pas d'obligation de syndicalisation. La syndicalisation par grade pourrait être une option pour ceux qui veulent que la Commission prenne la décision à leur place. Tout le monde est prêt à accepter ça. La Commission peut donner d'excellents signaux de prix avec la syndicalisation par grade. En outre, les périodes de syndicalisation pourraient être ajustées en fonction de la conjoncture, ce qui est essentiel. La Commission a essayé de le faire avec l'orge, avec beaucoup de succès. S'il était possible de le faire en toute liberté, les revenus seraient beaucoup plus élevés. La Commission pourrait être efficace dans ce contexte. La possibilité d'exploiter tous les outils de gestion du risque réduirait sensiblement le risque des prix initiaux fournis dans ces regroupements et l'on pourrait faire de l'arbitrage entre Minneapolis, Kansas City ou Chicago, selon la qualité du blé. Cela offrirait à la Commission de nouvelles possibilités dont elle pourrait tirer parti.
L'un des facteurs importants dans le passé était que la Commission était trop grosse et ne pouvait pas jouer sur ces marchés. Or, ces marchés ont beaucoup changé avec l'invention des fonds spéculatifs, ce qui fait que le manque de liquidités n'est plus un problème. Ce l'était autrefois.
L'autre facteur est que cela contribuerait à atténuer les tensions à la frontière des États-Unis puisqu'il y aurait un mécanisme similaire d'établissement des prix. Si les facteurs de base sont transparents et publiés, le prix l'est aussi et cela devrait atténuer certains de ces problèmes.
Parlons maintenant des avantages pour le secteur. Dans mon esprit, le secteur désigne les courtiers et tous ceux qui oeuvrent dans le système. Ils pourraient faire un meilleur usage de leurs actifs dans un environnement moins réglementé. Ils pourraient s'attaquer aux marchés d'exportation en sachant qu'ils auraient des céréales au lieu de s'y attaquer en espérant en obtenir plus tard. Ils pourraient mieux gérer le crédit commercial sur les intrants en pouvant vendre à contrat toutes les céréales, ce qu'ils font déjà, et dans bien des cas ils doivent se baser sur le canola, les petits pois, les lentilles ou d'autres produits, mais il leur est difficile d'obtenir de l'argent gagé sur le blé. Et ils pourraient offrir les mêmes outils de marketing dans l'Est et dans l'Ouest du Canada.
Prenez la peine de consulter le site Web de Cargill. Vous y trouverez une page d'accueil pour l'Ouest canadien et une autre pour l'Est. Les options pour le blé sont fort bien expliquées en ce qui concerne l'Ontario, et c'est une réduction de coûts.
Les avantages pour le producteur? La gestion des liquidités est l'élément crucial. Les signaux de prix? il serait possible d'en avoir plus, avec d'énormes possibilités de gestion du risque en utilisant les marchés à terme des États-Unis pour faire de l'arbitrage. Miser sur l'écart avec le blé? Il nous est actuellement impossible de le faire. Il y a à l'heure actuelle énormément de positions sur le marché du blé mais nous ne pouvons pas en profiter.
Je ne saurais trop insister sur la possibilité d'avoir un système de manutention plus efficient, toutes les parties oeuvrant dans le même sens. Il faut prendre un peu de recul pour voir comment fonctionne notre système de transport et notre système de réglementation car il est grand temps d'entreprendre une réforme. Cela offrira de nouvelles possibilités aux secteurs de valeur ajoutée, comme plusieurs des témoins qui m'ont précédé l'ont déjà dit.
En conclusion, je dirais que le double marché offre des possibilités à tous les participants qui seront prêts à changer avec les conditions du marché. L'affirmation de la Commission canadienne du blé selon laquelle elle ne pourrait pas fonctionner sur un double marché est vraie si elle refuse de changer mais, en réalité, le système actuel ne marche pas et le changement est absolument indispensable. Le secteur de l'agriculture est en pleine expansion et nous y voyons d'excellentes opportunités.
Le marché à terme américain est considéré comme le mécanisme mondial de découverte des prix et le passage à un double marché pourrait être harmonieux et relativement rapide. Je pense qu'il y a là de bonnes occasions à saisir.
La conjonction de l'alimentation et de l'énergie va offrir de nombreuses nouvelles possibilités à l'agriculture et je suis tout à fait prêt à profiter de ce changement.
Je conclus là-dessus, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Au nom des Producteurs de grains du Canada, je vous remercie de nous permettre de comparaître aujourd'hui. Je m'appelle Jim Smolick et je suis le président actuel de notre Association. Je suis un cultivateur de troisième génération de céréales et d'oléagineux de Dawson Creek, en Colombie-Britannique, et je cultive diverses variétés, notamment pour produire des semences fines communes ou des semences exclusives. Je vis dans une région assez particulière où seulement le district de Peace River relève de la Commission canadienne du blé. Sur le plan commercial, cela me défavorise par rapport à un producteur cultivant les mêmes variétés dans d'autres régions de la province.
L'association des Producteurs de grains du Canada, créée en 2000, est une organisation nationale défendant les intérêts des producteurs de céréales et d'oléagineux. Nous ne souhaitons pas la disparition de la Commission canadienne du blé mais nous estimons que celle-ci ne devrait pas être la seule option de commercialisation pour les producteurs de blé et d'orge de l'Ouest.
En nous fondant sur le modèle de l'Ontario, nous pensons que tous les producteurs de céréales et d'oléagineux de toutes les régions du pays ont besoin d'un système souple qui leur permette de tirer parti des diverses possibilités de commercialisation, comprenant entre autres la transformation à valeur ajoutée sous propriété de l'exploitant, les marchés spécialisés et les programmes de vente avec identité préservée.
Les données historiques permettent de saisir les différences entre le niveau de transformation des denrées contrôlées par la CCB et de celles vendues de manière indépendante. En guise d'illustration de l'incidence des restrictions commerciales sur la transformation à valeur ajoutée au Canada, seulement 2 % de l'orge canadienne est destinée à un usage alimentaire ou industriel, 7 % du blé durum et 22 % du blé général. Par contre, dans le secteur des oléagineux, les mêmes données montrent que 76 % du soja canadien est destiné à un usage alimentaire ou industriel, et 53 % du canola. Finalement, 55 % de la production de blé en Ontario est transformée au Canada, ce qui est deux fois plus que la moyenne nationale de 22 %.
La question que l'on doit se poser est de savoir pourquoi la transformation à valeur ajoutée dans les autres secteurs des céréales et des oléagineux est tellement plus avancée que dans celui des céréales relevant de la Commission du blé. Pour nous, le projet de loi C-300 représente un pas important vers l'expansion du secteur de la valeur ajoutée au Canada, et il suffit de voir le secteur du boeuf et tout le secteur potentiel de valeur ajoutée qui serait resté inexploité s'il n'y avait pas eu la crise de l'ESB. Certes, cette crise a eu un effet catastrophique sur le plan de l'élevage du bétail mais elle a clairement mis en relief et démontré que les éleveurs pouvaient avoir d'autres débouchés.
De nouvelles possibilités apparaissent dans des créneaux commerciaux de grande valeur. Le potentiel d'accroissement des revenus dans la transformation à valeur ajoutée est élevé. Il s'agit là de deux domaines dont l'importance ne peut qu'augmenter à l'avenir avec l'évolution des sciences de la vie. En tant que producteurs, il nous faut pouvoir entrer dans ces nouveaux secteurs de production de grande valeur si nous voulons espérer être compétitifs, surtout si l'on considère la production mondiale croissante de céréales et d'oléagineux en gros. Il faut que tous les producteurs canadiens aient le maximum de souplesse sur le plan commercial pour atteindre cet objectif, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui pour l'Ouest.
Une Commission du blé à participation volontaire donnerait tout simplement aux producteurs la possibilité de choisir la meilleure méthode de commercialisation. Elle leur permettrait de rester dans le système de prix groupés s'ils le souhaitent, en leur permettant aussi d'accroître leurs revenus grâce à leur talent en marketing. Autrement dit, le producteur choisirait la méthode appropriée d'une année à l'autre et pourrait même utiliser les deux méthodes certaines années. Il prendrait cette décision en fonction de son analyse des forces du marché déterminant les prix.
Il importe de comprendre comment la technologie et les transferts d'information ont modifié les décisions de gestion et de prévision des prix. Quand mon grand-père cultivait ses champs, il n'avait pas de téléphone cellulaire ni d'ordinateur. Sa possibilité de comprendre la conjoncture mondiale était limitée, au mieux, et la syndicalisation était un outil adéquat d'atténuation du risque. Quand j'ai moi-même commencé à cultiver, il y a des années, je n'avais pas non plus de téléphone cellulaire ni d'ordinateur. Aujourd'hui, l'explosion des informations que je peux obtenir sur la conjoncture agricole dans le monde entier m'aide à prévoir l'orientation des prix. Exemple, la sécheresse sévère qu'ont connue l'Australie et les États-Unis cet été.
Les producteurs de l'Ouest craignent très sérieusement de ne pas pouvoir bénéficier de cette hausse des prix du blé qui n'arrive qu'une fois par décennie. Selon les estimations de la CCB, les revenus syndiqués de l'année céréalière 2006-2007 seront à peine supérieurs à ceux de l'an dernier alors que les prix du blé aux États-Unis sont en moyenne 47 % plus élevés. À cette époque sans précédent de faibles revenus commerciaux, il serait impensable qu'on ne puisse pas profiter au maximum de ce pic de prix.
Je sais qu'on vous a présenté dans le passé de nombreuses comparaisons des prix du blé entre le Canada et les États-Unis mais, que la différence soit de 50 ¢ seulement le boisseau sur le blé dur roux de printemps ou de 1 $ sur le blé d'hiver, ça reste un manque-à-gagner. En tant que producteurs, nous essayons continuellement d'être plus efficients pour survivre mais, quand arrive la dernière étape du processus, la vente, notre produit est parfois vendu à un prix inférieur à celui du marché par un organisme qui ne détient aucun intérêt dans nos fermes.
En tant que cultivateur de blé, c'est moi qui contrôle chaque décision de production. Quand je jette un coup d'oeil autour de cette salle, je vois beaucoup de gens qui ont déjà cultivé des céréales ou des oléagineux. Vous savez fort bien comment on gère une production céréalière. Pour moi, ça commence dès que la récolte est finie, quand je décide non seulement quelles denrées je vais cultiver mais aussi quelles variétés. Je décide si je dois faire une analyse des éléments nutritifs des sols pour savoir quel type et quelle quantité d'engrais utiliser au printemps prochain. Je décide aussi quand je vais acheter mes engrais et mes autres intrants pour me protéger contre les hausses de prix. Je décide quand faire les semailles, avec quel type de machine, et quoi et quand pulvériser. Finalement, je décide quand faire la récolte. Une fois que mon blé est prêt à être vendu, je suis finalement obligé de par la Loi à passer par la Commission du blé. La question fondamentale est celle-ci : pourquoi, à cette étape, l'agriculteur perd-il le contrôle de son bien privé?
Comme vous pouvez le voir, ce sont toutes les décisions dont je viens de parler, conjuguées à d'autres facteurs, qui déterminent mon coût de production. Moi seul sais quel prix je dois obtenir pour couvrir mon coût de production. Or, la seule garantie que me donne la Commission canadienne du blé est le paiement initial, qui ne représente à l'heure actuelle pour le blé que moins de la moitié du cours mondial.
Je conviens que le producteur a accès à d'autres options de prix et de paiement, contre rémunération, mais il est quand même obligé d'accepter un certain niveau de risque. Il est absolument inadmissible qu'on empêche le producteur de commercialiser ce qui lui appartient. Certes, il est clair que le producteur n'obtiendra pas nécessairement un meilleur prix en vendant lui-même sa production, mais on peut dire la même chose des rendements qui dépendent de ses propres décisions de gestion. Quoi qu'il en soit, il doit pouvoir contrôler son propre destin.
En conclusion, je veux aborder la question d'un plébiscite auprès des producteurs. Nous estimons que ce genre de vote risque de ne pas régler la question. Quels que soient les résultats, il y aura toujours quelqu'un pour se plaindre de la question, de la liste électorale ou d'autre chose. L'idée archaïque d'une voix par personne donne un avantage disproportionné à la majorité de producteurs qui ne produisent qu'un petit pourcentage des récoltes. Autrement dit, c'est la règle 80-20. Imaginez où en serait Microsoft aujourd'hui avec un tel système.
Je vous remercie à nouveau de m'avoir permis de m'adresser à vous sur ces questions et je suis prêt à répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Je comparais aujourd'hui à l'invitation du greffier du comité, strictement dans mon rôle d'économiste de l'agriculture, d'agriculteur et de citoyen ayant une longue expérience de ce secteur et des politiques le concernant. Je ne représente ici aucun intérêt particulier ni aucune vision particulière du monde. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous communiquer le peu d'informations que je pourrai présenter en une dizaine de minutes. Je ferai mon possible.
J'ai 42 ans d'expérience comme économiste professionnel de l'agriculture au Canada, surtout dans le secteur du marketing agricole et des questions connexes de réglementation du marché et d'organismes de commercialisation des grains. Je tiens à préciser que ma connaissance professionnelle de la Commission canadienne du blé repose sur l'étude, la recherche -- j'ai beaucoup publié -- et l'enseignement concernant cet organisme particulier. Comme j'enseigne à l'université de Winnipeg, ville où se trouve aussi la CCB, j'ai souvent eu l'occasion de discuter avec mes étudiants, des chercheurs et des spécialistes de la Commission.
En tant qu'agriculteur, mon exploitation a cultivé et livré des céréales de la Commission et des céréales hors-Commission. En 2006, par exemple, j'ai récolté 170 acres de blé d'hiver.
Il est toujours difficile à un économiste d'établir sa crédibilité sur le plan de l'objectivité analytique quand il s'agit d'offices de commercialisation, ce qu'est la Commission canadienne du blé. C'est un peu comme dire qu'on est objectif quand on parle de religion. Il y a d'ailleurs un lien très puissant entre la croyance religieuse et la croyance dans les offices de commercialisation. Les croyants pensent d'office que, si vous ne partagez pas leur croyance, c'est évidemment parce que vous vous y opposez. On est pour les offices de commercialisation ou on est contre mais on ne peut pas être entre les deux.
Le rôle et la performance de la CCB sont des questions de politique publique extrêmement importantes au Canada. La Commission du blé est depuis toujours une entité cruciale dans le domaine des politiques agricoles et commerciales et il convient d'aller au-delà de la simple dichotomie, au-delà de la simple croyance dans les instruments d'élaboration de ces politiques, pour se pencher sur sa structure et sa contribution réelles. Autrement dit, il me semble indispensable de prendre les décisions publiques en se fondant sur de solides informations économiques et commerciales.
J'ai tenté au cours des 30 dernières années de ma vie professionnelle de contribuer à ce processus. En 1996 et en 1998, j'ai témoigné comme expert dans deux procès concernant la Commission. De ce fait, je crois pouvoir dire que je possède une certaine « expertise » au sujet de la Commission.
À mon avis, deux questions fondamentales se posent dans le débat actuel. La première est de savoir ce que fait exactement la Commission canadienne du blé, sous sa forme actuelle, et pour qui. La deuxième -- je ne parle pas beaucoup de l'orge parce qu'elle n'en vend pas de grosses quantités -- est de savoir pourquoi le blé est différent. Pour ce qui est de la première question, la CCB est un organisme assez particulier dans le contexte de la législation contemporaine. Si l'on veut savoir comment le débat devrait s'achever, on a tout intérêt à posséder des preuves écrasantes et incontestables sur le rôle qu'elle joue. Ses partisans ont intérêt à pouvoir démontrer qu'elle produit des résultats positifs nets et ses détracteurs doivent pouvoir démontrer que leur situation serait meilleure sans elle.
Ma conclusion est qu'il n'existe aucune preuve incontestable que la Commission canadienne du blé donne des résultats positifs nets.
Pour ce qui est de la deuxième question -- pourquoi le blé est-il différent? -- les données historiques montrent que cette institution a été très présente comme instrument des politiques nationales. Dans une étude de 1998 de la Donner Canadian Foundation, Carter et Loyns montrent que les autres grands instruments nationaux et provinciaux de politique publique créés à la même époque, au début des années 1930, sont aujourd'hui disparus. Ils ont été privatisés. C'est le cas du CN. C'est le cas de TCA -- Air Canada, pour ceux qui n'étaient pas nés à l'époque -- ainsi que des aéroports, des autorités aéroportuaires et de plusieurs utilités publiques, comme les réseaux téléphoniques des Prairies. La plupart des offices de commercialisation du porc ont été déréglementés. Toutes les céréales qui font concurrence au blé et à l'orge dans les Prairies sont aujourd'hui des denrées qui se vendent sur un marché libre.
Pourquoi le blé est-il différent? Tout simplement, dira-t-on, à cause de ce qu'il y a la Loi sur la Commission canadienne du blé, mais cela ne répond pas à la question de fond. Or, c'est loin d'être une question triviale du point de vue du développement économique des Prairies.
Voyons quelques données économiques. J'invite vivement les membres du comité à consulter au moins le rapport de 2002 préparé par George Morris pour la province de l'Alberta. C'est la meilleure source d'informations à ce sujet. Je ne saurais lui rendre justice en une minute et demie mais je vais essayer.
Trois approches ont été retenues par les économistes pour produire des informations sur ce que fait et produit la Commission. Il y a eu des études de bénéfices. Kraft, Furtan et Tyrchniewicz ont comparu devant votre comité l'an passé. Il y a eu la famille Schmitz et il y a eu Grey de l'université de la Saskatchewan. Pour résumer, ils ont démontré un avantage de 10 $ à 39 $ la tonne au port, selon les circonstances, résultant de l'existence du monopole de la Commission canadienne du blé. Toutefois, ils n'ont généralement pas analysé ce qui se passe au niveau de la ferme. Il ont semblé ne pas vouloir faire ce genre d'étude ni se pencher sur les coûts.
La deuxième approche est celle à laquelle j'ai participé. Colin Carter, Parsons et Wilson, et l'institut George Morris ont essayé d'analyser les coûts. Selon leurs estimations, la réglementation entourant la Commission canadienne du blé se traduit par un coût de 10 $ à 25 $ pour le blé, et plus pour l'orge.
La troisième démarche est celle des comparaisons avec les États-Unis. L'une d'entre elles a été mentionnée aujourd'hui. Je serai rapide à ce sujet. D'après mon expérience et à mon avis, les comparaisons Interfrontalières, qu'il s'agisse d'analyses économiques sérieuses ou d'observations ponctuelles d'individus responsables, donnent des informations solides et crédibles. Il y en a eu beaucoup depuis le milieu des années 90.
La conclusion que je tire d'un examen de cette information -- et j'aimerais avoir plus de temps pour justifier ce que je vais vous dire -- est qu'il n'existe aucune preuve économique démontrant de manière incontestable que le monopole de la Commission canadienne du blé donne des résultats positifs nets au cultivateur de blé et d'orge. Par conséquent, l'argument du compromis -- un peu de peine aujourd'hui pour un gain assuré demain -- ne tient pas. C'est une conclusion importante.
Je confirme par ailleurs ce qu'on vous a dit tout à l'heure, c'est-à-dire qu'aucune de ces études ne tient compte de la perte de valeur ajoutée dans les Prairies à cause des politiques de prix de la CCB, ce qui est aussi une conclusion importante.
Je vais parler rapidement des poursuites judiciaires. Pourquoi un économiste met-il son nez là-dedans? Parce qu'elles ont d'importantes conséquences d'ordre économique. Tout d'abord, la Commission du blé n'a pas d'obligation de diligence à l'égard des agriculteurs des Prairies. Cela a été maintes fois confirmé par les tribunaux. L'argument a été présenté devant un tribunal de Regina en 2003 et je viens d'entendre que la Commission l'a de nouveau invoqué récemment à Regina.
Dans son rapport annuel, la Commission du blé dit qu'elle est redevable de ses activités devant les agriculteurs de l'Ouest et devant le Parlement, etc. Considérant sa position sur le devoir de diligence et le fait que la Loi dispose que c'est à elle que ses administrateurs doivent rendre des comptes, on peut se demander où se trouvent les producteurs dans cette mélasse.
Le deuxième facteur est l'absence de droits économiques et de droit à la propriété. Il s'agit là d'une question fondamentale étant donné que les cultivateurs de blé de l'Ontario jouissent de droits à la propriété dont sont privés ceux des Prairies.
Finalement, la chose la plus difficile à croire pour un économiste est la conclusion -- qui a été invoquée en justice -- que, si les règlements de la Commission du blé ne vous plaisent pas, vous pouvez déménager et aller dans une autre province -- rien dans la Loi ne vous l'interdit. Pour un économiste, c'est incroyable. Il y a d'abord la perte de ressources économiques et de compétences que cela entraînerait, avec toutes les difficultés d'odre pratique. C'est une chose que les avocats sont peut-être prêts à accepter sur le plan théorique mais qu'aucun citoyen canadien, surtout un économiste, ne devrait se voir imposer.
Dans son rapport, le groupe de travail soutient qu'il y aura des regroupements volontaires dans le nouveau régime, si l'on établit un nouveau régime. Bon nombre de mes collègues économistes et d'autres personnes affirment qu'on ne peut pas avoir de regroupement volontaire. Rejeter l'idée que des regroupements volontaires, correctement conçus et gérés, ne fonctionnent pas revient à rejeter l'idée que les fonds communs de placement fonctionnent.
Un regroupement est un fonds commun, et un fonds commun est un regroupement. Si l'on faisait un sondage dans cette salle, on constaterait certainement que 50 % à 80 % d'entre nous avons des fonds communs de placement et en sommes très satisfaits. Ils fonctionnent s'ils sont bien gérés. Il n'y a aucune raison qu'ils ne fonctionnent pas.
Je pourrais en dire plus mais je vais m'arrêter là.
Comme vous le savez, je m'appelle Herb Carlson. Je dois d'abord vous présenter les excuses. On ne m'a convoqué qu'il y a quelques jours et mon mémoire n'a pas encore été traduit. Il le sera dans quelques jours et on vous le remettra à ce moment-là.
Tout d'abord, je vous remercie, personnellement et au nom de l'Association coopérative canadienne, de m'avoir invité à m'adresser à vous. Je suis un cultivateur de céréales et d'oléagineux du centre-est de la Saskatchewan. Je travaille avec mon frère. Nous cultivons diverses sortes de céréales, nettoyons des semences et faisons toutes sortes de choses de cette nature. Je suis aussi vice-président des Federated Co-operatives Limited, la plus grande coopérative canadienne non financière, desservant environ 300 coopératives de détail de l'Ouest et, collectivement, plus d'un million de membres.
Je m'adresse à vous aujourd'hui au nom de l'Association coopérative canadienne. Je fais partie de son conseil d'administration. C'est une association nationale représentant plus de 7 millions de membres regroupés dans plus de 3 000 organisations de nombreux secteurs de l'économie comme les finances, les assurances, l'agriculture, l'alimentation, l'approvisionnement en gros, etc. La mission de l'ACC consiste à faire preuve de leadership dans la promotion, le développement et l'unification des coopératives dans l'intérêt des Canadiens.
Lors de notre assemblée générale annuelle de juin dernier, nous avons adopté une résolution sur la Commission canadienne du blé. Nous avons récemment écrit une lettre au ministre de l'agriculture pour lui communiquer cette résolution qui dit que l'Association coopérative canadienne recommande vigoureusement au gouvernement de renforcer la CCB, les organismes collectifs de mise en marché et les coopératives; que la CCB doit rester un guichet de vente unique; et que la décision de modifier la CCB exige le consentement de son conseil d'administration.
L'agriculture est un volet important de l'économie canadienne et c'est la colonne vertébrale de nos collectivités rurales. Elle englobe un réseau complexe d'institutions dépendant des gouvernements, des offices de commercialisation, des coopératives, du secteur privé et, surtout, de la ferme familiale pour assurer sa survie. Si l'on ouvre la possibilité de démanteler la CCB, on met en danger l'avenir des autres offices de commercialisation qui subissent déjà les assauts de nos pays concurrents dans le cadre des négociations de l'Organisation mondiale du commerce.
La CCB a aidé les cultivateurs canadiens de blé à engranger des revenus additionnels de 800 millions de dollars par an, selon des estimations, grâce aux primes de prix, au contrôle des frais de transport et à d'autres avantages. Si elle n'est plus le guichet de vente unique, les agriculteurs de l'Ouest déjà malmenés perdront ces revenu additionnels. Selon nos membres, le guichet de vente unique donne aux producteurs céréaliers des Prairies une force de frappe commerciale leur permettant de contrebalancer le pouvoir de quelques grandes sociétés céréalières. En outre, ses frais de fonctionnement sont bas puisque que 96 % de ses recettes sont reversés aux producteurs.
La Commission canadienne du blé a défendu les intérêts des producteurs dans ses négociations avec les sociétés de chemin de fer, et les quelque 350 000 wagons céréaliers qu'elle possède lui donnent un solide pouvoir de négociation. Elle a forgé des relations commerciales dans le monde entier et c'est un vendeur respecté de céréales canadiennes de grande qualité.
Je pourrais continuer mais défendre l'efficacité commerciale de la CCB n'est pas l'essentiel de mon propos aujourd'hui. Je voudrais plutôt parler de la gouvernance de la CCB et de son contrôle par les producteurs.
Nous savons bien que le gouvernement actuel, tout comme certains regroupements d'agriculteurs, n'accepte pas le guichet de vente unique de la CCB et voudrait modifier le système. Bien qu'elle estime que ce serait une erreur, l'Association coopérative canadienne pense que la décision ultime de conserver ou d'abandonner la CCB doit être prise au moyen d'un processus démocratique respectant les désirs de la majorité des producteurs qui en sont membres.
Cette décision ne peut pas être prise par le seul gouvernement fédéral. Selon l'article 47.1 de la Loi sur la Commission canadienne du blé:
Il ne peut être déposé au parlement, à l'initiative du ministre, aucun projet de loi ayant pour effet, soit de soustraire quelque type, catégorie au grade de blé ou d'orge... à moins que les conditions suivantes soient réunies:
a) il a consulté le conseil au sujet de la mesure;
b) les producteurs de ce grain ont voté -- suivant les modalités fixées par le ministre -- en faveur de la mesure.
La CCB est une organisation contrôlée par les agriculteurs par le truchement d'un conseil d'administration de 15 membres. Le gouvernement nomme 5 de ces administrateurs et 10 sont élus démocratiquement par les cultivateurs de blé et d'orge de l'Ouest canadien qui se prévalent des services de la Commission. Si la majorité de ces cultivateurs souhaite modifier le mandat de la Commission, il lui est possible de le faire en élisant des administrateurs favorables au changement. Or, année après année, les cultivateurs élisent des administrateurs favorables à la CCB dans sa structure actuelle. Cela ne veut pas dire que celle-ci a été une organisation figée. Elle a connu beaucoup de changements dans ses 75 ans d'histoire.
Quand j'ai commencé à faire de la culture, en 1974, la Commission canadienne du blé était gouvernée par un comité de commissaires. Peu après, ce comité a été remplacé par un conseil consultatif élu par les agriculteurs, lequel a ensuite été remplacé par un conseil d'administration élu, avec un PDG.
La caractéristique dominante de l'évolution de la CCB a été le renforcement de son contrôle par les agriculteurs, surtout dans le passé récent. Ce contrôle s'est clairement manifesté ces dernières années dans la mesure où la Commission a répondu aux demandes d'accès des agriculteurs à diverses options de mise en marché. Tout en maintenant leur droit d'accepter un prix groupé, les agriculteurs peuvent désormais choisir parmi les autres options qu'offre la CCB. Cela montre clairement qu'elle continue d'évoluer.
Il semble que le gouvernement actuel estime que le changement n'est pas assez rapide. Comme j'ai plus de 30 années d'expérience comme dirigeant de coopérative au palier local, régional et, maintenant, national, je sais que le changement progressif est la meilleure option à longue échéance. La structure du système de mise en marché des céréales dans l'Ouest canadien n'est pas une chose qu'on peut totalement chambouler en quatre semaines. Si les agriculteurs veulent un changement, ils éliront les administrateurs qu'il faut. Aujourd'hui, les cultivateurs sont des gens d'affaires éclairés, capables de prendre leurs propres décisions.
Étant moi-même cultivateur de céréales, j'ai applaudi à certaines des initiatives du gouvernement actuel, comme sa modification du PCSRA et de la Loi sur le paiement anticipé des récoltes, mais je ne saurais appuyer ce qu'il fait aujourd'hui avec la Commission canadienne du blé.
Les règles de bonne gouvernance exigent la nomination d'administrateurs dotés de solides compétences. J'espère que ce principe se retrouvera dans les futures nominations au conseil de la CCB mais, surtout, j'espère que les désirs des cultivateurs de céréales de l'Ouest canadien seront respectés. Une élection est actuellement en cours pour 5 administrateurs de la CCB qui devront diriger ses activités.
Si ce conseil d'administration souhaite apporter un changement de fond, comme abolir le guichet unique découlant du mandat de la Commission, il devra tenir un plébiscite auprès des producteurs comme l'exige la Loi. Il serait absolument impensable qu'un tel changement soit apporté sans une décision des producteurs sur une question claire.
Nous implorons le gouvernement de respecter les désirs démocratiques des producteurs de blé et d'orge de l'Ouest canadien.
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Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Loyns.
Dans votre exposé, vous avez dit que ceux qui croyaient à la mise en marché en commun n'avaient pas véritablement d'argument, et que ceux qui croyaient le contraire n'en avaient pas véritablement non plus.
Ma question sera simple. Comme vous êtes économiste, vous avez certainement analysé les hypothèses. Je ne suis pas économiste, mais je suppose que, si on abolissait la Commission canadienne du blé et qu'on arrivait à une mise en commun volontaire, je devrais négocier individuellement avec les grandes compagnies si j'étais producteur. Y a-t-il véritablement un avantage pour le producteur à faire cela?
Je serais étonné que chacun des producteurs arrive à avoir le meilleur prix. Je pense qu'une mise en commun est tout à fait nécessaire. Si vous êtes un bon nombre de producteurs, vous avez la capacité de négocier. À mon point de vue, il serait extrêmement difficile qu'un individu ou un petit groupe puisse arriver seul à obtenir le meilleur prix.
Ce n'est pas une question de foi, c'est simplement une question pratique. Si on est 1 000 producteurs, il me semble qu'on peut obtenir un meilleur prix qu'à 10.
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Je vous remercie de cette question.
Je vais commencer avec l'analogie des fonds communs de placement. Un fonds commun de placement, c'est la même chose qu'un syndicat du blé. N'importe quel investisseur y a accès aux modalités fixées. Je veux insister sur ce point. Ça ne répond pas directement à votre question mais je tiens à souligner ce fait.
En ce qui concerne la négociation collective -- c'est le fond de votre question -- il est vrai qu'il il y a la théorie et la pratique. Toutefois, selon mon point de vue d'économiste, les données disponibles indiquent que la CCB ne produit pas de bénéfices nets. Elle a un pouvoir de négociation collective et aussi un pouvoir de monopole, ce qui est assez particulier. Il n'y a pas beaucoup de syndicats qui détiennent un pouvoir de monopole quand ils entreprennent une négociation collective. Dans le meilleur des cas, leur pouvoir de monopole est très limité.
Nonobstant ce pouvoir de négociation collective, la manière dont cette organisation est constituée -- sur un vaste territoire, avec les conditions existantes du marché -- et la manière dont les choses ont changé au cours des années, elle produit des effets économiques et des résultats qui, d'après mon interprétation, ne sont pas des bénéfices nets. C'est la meilleure manière pour moi de répondre à votre question, et je suis sûr que vous n'en serez pas satisfait.
L'autre facteur est que nous n'avons pas besoin de ce pouvoir de négociation collective dans la plupart des autres organisations dont nous faisons partie. J'élève des porcs. Nos résultats ne sont pas extraordinaires par rapport aux grandes sociétés mais nous pensons qu'ils sont meilleurs que lorsque ce marché était réglementé dans notre province. C'est en partie une conséquence du changement de la structure de production au Manitoba qui a entraîné la déréglementation de l'Office du porc.
Ce sont là des phénomènes historiques. Ils ne se produisent pas simplement parce que les « colons » de l'Ouest ou les fanatiques de la libre entreprise... Comme économiste, je ne pense faire partie d'aucune de ces deux catégories, bien qu'il y ait probablement des doutes à ce sujet dans cette salle. Comme analyste de l'économie, le fait est que les gens s'écartent de ça.
Si vous voulez parler des besoins de concurrence dans le secteur agricole, de rééquilibrer le pouvoir du marché avec autre chose, je serais ravi de revenir devant votre comité mais, hélas, nous n'aurons pas le temps d'en discuter aujourd'hui.
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J'aimerais consacrer quelques minutes à ces questions de pouvoir commercial. La réalité est qu'elle possède ce pouvoir au Canada parce qu'elle y détient un monopole, mais pas à l'extérieur du Canada. Le pouvoir de monopole à l'extérieur du Canada est douteux.
Le problème au sujet de la différence des bénéfices -- les 500 $ ou 600 $ de bénéfices dont nous entendons parler, par opposition aux coûts calculés par Morris ou par nous-mêmes -- est qu'on ne compare pas les mêmes choses.
Il y a d'abord le problème des économistes. Si vous les mettiez bout à bout, ils n'arriveraient pas à s'entendre -- mais ce serait probablement une bonne idée de les mettre bout à bout. Les économistes ont des méthodes analytiques différentes et, si vous les réunissiez dans une même salle pour régler leurs différences, ils pourraient probablement commencer à tirer des conclusions. Toutefois, quand ça tombe dans les machines de propagande ou dans la presse, où tout est traité assez superficiellement et dans l'intérêt de telle ou telle partie, la logique, l'analyse et les résultats sont faussés.
En bref, l'une des plus grandes différences à l'époque, et c'est sans doute encore vrai aujourd'hui, se trouvait dans les résultats de l'étude KFT -- Kraft, Furtan et Tyrchniewicz -- et de l'étude Carter et Loyns. Elles ont été faites l'une après l'autre mais elles n'étaient pas comparables. L'étude KFT portait sur les bénéfices au port seulement, alors que la nôtre portait sur les coûts à la ferme. Ce n'est pas la même chose.
La raison pour laquelle je vous recommande de lire l'étude de George Morris est qu'elle prend tous ces éléments et les intègre à la fin -- y compris les nôtres, en utilisant notre modèle, mais en utilisant aussi les résultats d'autres analystes -- pour tirer ses propres conclusions. C'est la seule étude exhaustive et concluante fondée sur une seule méthodologie et elle contient aussi une bonne analyse des autres.
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Oui. Je suppose qu'il faudra organiser un débat entre les économistes. Il serait intéressant de savoir ce que Kraft et les autres peuvent avoir à dire de toutes ces études, mais ce n'est pas la question qui nous préoccupe aujourd'hui.
La question que vous avez posée au sujet du prix et de la Commission du blé par rapport... c'est une question à laquelle il est très difficile de répondre. En effet, les prix du marché libre changent tous les jours. J'ai commencé à vendre sur le marché libre en 1975 -- c'était la première fois que je cultivais du canola. Aujourd'hui, je cultive beaucoup de choses différentes. Il faut faire la rotation des récoltes, on ne peut pas cultiver que du blé.
Évidemment, cela permet de voir fonctionner le marché libre. Eh bien, en 1988, j'ai obtenu le maximum du marché pour deux expéditions de canola et ce n'est plus jamais arrivé depuis. Vous pouvez fort bien prendre toutes les bonnes décisions une fois de temps en temps et obtenir le prix maximum mais, généralement, ça se passe pas comme ça. Vous pouvez prendre un prix du marché et dire : « Regardez ce que nous aurions pu obtenir sur le marché libre ». Certes, mais avez-vous obtenu ça sur le marché libre? Voilà la grande question.
Je suis sûr que M. Pike a beaucoup d'expérience et qu'il obtient probablement de meilleurs résultats que moi mais il y a beaucoup d'agriculteurs au Canada et nous devons gérer nos fermes. La réalité est qu'on n'a pas assez de temps. Même avec les ordinateurs, les téléphones cellulaires et tout le reste, on est très occupé et on peut pas toujours...
Certains d'entre vous êtes des agriculteurs. Est-ce que vous prenez la peine de suivre le marché tous les jours?
Évidemment, il y a des moments où le marché libre vous donnerait un meilleur résultat mais à condition de vendre à ce moment-là.