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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 029 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 13 décembre 2006

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Je déclare ouverte la 29e séance du Comité permanent du patrimoine canadien.
    Nous accueillons aujourd'hui des témoins , mais avant de les entendre, je signale que j'ai reçu une demande de M. Bélanger qui voudrait qu'on règle une question interne au comité en traitant sa motion du 11 décembre qui demandait que des représentants du Programme de contestation judiciaire soit invités à comparaître devant le Comité permanent du patrimoine canadien.
    Avant de nous prononcer sur cette motion, je signale une autre demande présentée aujourd'hui même par quelqu'un qui voudrait comparaître devant ce comité. Je ne sais pas s'il peut y avoir demande et comparution le même jour, mais ce serait la seule façon d'accueillir cette deuxième demande. Je veux savoir ce que vous en pensez.
    Monsieur le président, je ne sais pas qui est cette autre personne et je ne suis donc pas disposé à accepter ou à refuser à l'aveuglette. Tous les autres témoins ont fait l'objet d'une proposition d'un membre du comité, que nous avons acceptée. Ne connaissant l'auteur de cette deuxième demande, j'estime qu'il est difficile demander aux membres du comité de se prononcer. Il faudrait déposer un avis par lequel un membre du comité demanderait qu'on entende cette personne, et nous pourrions nous prononcer.
    Bien. Il s'agit de Maria York, la présidente du Conseil canadien des droits des travailleurs blessés. C'est elle qui a présenté aujourd'hui même cette demande au greffier et à moi-même.
    Encore une fois, comment souhaitez-vous que je traite cette demande?
    Monsieur le président, je présente une motion avec avis. Je considère — et je ne pensais pas qu'on allait en débattre ici — qu'il faut consacrer une séance au Programme de contestation judiciaire. Je présente cette motion parce qu'il faudrait préciser un certain nombre de choses qui ont été dites et ces témoins sont plus en mesure que quiconque de répondre à certaines questions qui ont été posées. C'est pourquoi je présente cette motion, afin que nous ayons une perspective globale du problème.
    D'accord.
    Monsieur Abbott.
    J'aimerais avoir une précision. Est-ce qu'on parle de fonctionnaires du ministère ou de gens qui ont comparu devant le comité?
    Je parle de représentants du Programme de contestation judiciaire.
    Mais qu'est-ce que cela signifie?
    Ce ne sont pas des fonctionnaires du ministère, évidemment, parce que le Programme de contestation judiciaire est un programme autonome et indépendant géré par son propre conseil d'administration, dont les membres choisissent eux-mêmes leurs représentants.
    Bien.
    Merci, monsieur le président.
    Nous allons voter sur la motion de M. Bélanger, qui demande que des représentants du Programme de contestation judiciaire soient invités à comparaître devant le Comité permanent du patrimoine canadien. Cette séance devrait se tenir le mardi 30 janvier 2007.
    (La motion est adoptée avec dissidence.)
    Merci, monsieur le président.
    Souhaitons la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui, que je remercie de leur présence. Je ne sais pas qui va commencer, mais je vais suivre l'ordre du jour.
    Monsieur Kevin Rollason voulez-vous nous présenter votre exposé, s'il vous plaît?
(1540)
    Je vous remercie d'avoir accepté que ma fille et moi comparaissions devant ce comité.
    J'estime qu'il est important, pour les politiciens, de regarder en face les gens qui sont visés par les lois adoptées dans ce pays. C'est pour cela que ma famille a payé le voyage de ma fille. Nous venons d'apprendre qu'il se pouvait que nous obtenions une forme de remboursement, et c'est merveilleux.
    À la différence d'autres personnes qui ont comparu devant vous, je ne suis pas le chef ni le représentant d'un groupe ou d'un organisme qui a obtenu l'assistance du Programme de contestation judiciaire ou qui est aidé par ce dernier. Je suis simplement ici comme père d'un enfant, mais pas n'importe quel enfant; comme vous pouvez le voir, je suis le père de Mary Rollason-MacAulay, une enfant de neuf ans qui est née avec des déficiences multiples et qui a des problèmes de santé importants, une enfant qui est seulement en vie grâce aux médecins et à son grand désir de vivre; une enfant qui a bénéficié d'une assistance du Programme de contestation judiciaire du Canada.
    C'est pour cette raison que Mary et moi avons fait le voyage de Winnipeg à Ottawa au nom de notre famille et de toutes les familles ayant un enfant handicapé, afin de vous demander votre appui pour continuer à financer le Programme de contestation judiciaire et à assurer son maintien.
    Quand on a refusé de me verser la plus grande partie de mes prestations de congé parental en 1998, j'ai été contraint de retourner au travail après seulement quatre semaines de prestations. Le Programme de contestation judiciaire a permis à notre famille de recourir aux services d'un avocat pour contester la validité de la loi fédérale en vertu de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés pour des motifs de discrimination fondée sur l'âge, une déficience et la situation de famille. À l'époque, les changements législatifs apportés à la Loi sur l'assurance-chômage ont fait en sorte que je n'ai plus eu droit à la plus grande partie de mon congé parental à un moment où j'en avais le plus besoin, soit quand Mary a quitté l'hôpital pour rentrer à la maison.
    Au lieu de recevoir mes 15 semaines de prestations, alors que mon enfant gravement handicapée recevait son congé de l'hôpital à l'âge de 10 mois et demi, la nouvelle Loi sur l'assurance-emploi exigeait alors que je prenne mon congé dans l'année de sa naissance, ce qui fait que je perdais 11 semaines de prestations. Sur le conseil de professionnels de la santé, j'avais attendu que Mary soit autorisée à quitter l'hôpital pour prendre mon congé, puisque c'est à ce moment-là qu'on a jugé que Mary aurait le plus besoin de moi.
    Notre contestation constitutionnelle contre le programme d'assurance-emploi a été accueillie, mais sans l'aide financière du Programme de contestation judiciaire, notre contestation constitutionnelle de la loi n'aurait sans doute pas été fructueuse. Notre contestation a non seulement été accueillie pour les trois motifs de discrimination mais, tout aussi important, en raison de la présentation de notre contestation, le gouvernement fédéral de l'époque a modifié la loi avant l'audition.
    En septembre dernier, en faisant connaître son plan visant à réduire le budget fédéral d'un milliard de dollars, où la réduction du Programme de contestation judiciaire représentait une économie de 5,6 millions de dollars, le président du Conseil du Trésor John Baird a été cité dans les médias comme ayant affirmé que le programme ne correspondait pas aux priorités des Canadiens et n'optimisait pas les ressources. En outre, en visant expressément le Programme de contestation judiciaire, M. Baird a mentionné que le gouvernement fédéral n'était plus intéressé à financer l'opposition à une loi qu'il estime appropriée.
    Je vous demande tous de regarder Mary et de penser également à toutes les autres personnes handicapées à l'échelle du pays, enfants ou adultes, et je vous demande de vous poser la question quant à savoir si ses droits constitutionnels ne correspondent pas aux priorités des Canadiens, si la lutte contre la discrimination en regard de Mary et des autres personnes handicapées ne permet pas d'optimiser les ressources, et surtout, si l'un de vous croit vraiment qu'aucune loi ne sera jamais adoptée à l'avenir qui ne sera pas discriminatoire envers Mary et d'autres personnes handicapées au Canada.
    Avec la situation de notre famille, cela importait peu que notre situation et nos arguments aient en fait persuadé le gouvernement fédéral de modifier la loi pour tenir compte de gens comme nous avant que nous comparaissions en cour. Même après avoir modifié la loi, comme celle-ci n'était pas rétroactive, le gouvernement a continué à s'opposer jusqu'à la toute fin à notre contestation. Ceci explique pourquoi les Canadiens ont besoin du Programme de contestation judiciaire.
    Est-ce que je crois vraiment que le gouvernement fédéral a sciemment voulu exercer une discrimination contre les nouveau-nés handicapés? Non. Mais est-ce que je pense qu'il est extrêmement difficile, pour les politiciens et les bureaucrates, de connaître toutes les répercussions qui peuvent découler de leurs décisions de modifier ou de créer des lois? Oui. Comme l'a mentionné dans sa décision le juge-arbitre qui a instruit notre affaire, et je cite :
Par négligence ou autre, [la commission] s'est écartée de ses objectifs législatifs. Dans les circonstances, ceci n'est pas surprenant. Légiférer dans le domaine de la législation sociale est à la fois difficile et compliqué Les contestations judiciaires se multiplient; les groupes d'intérêts et les changements sociaux exercent des pressions et des contraintes non seulement sur le gouvernement, mais aussi sur les hauts fonctionnaires qui cherchent à se tenir au fait de tous les changements.
    Il n'est pas mauvais en soi que les politiciens et les bureaucrates admettent leurs erreurs et leurs transgressions en matière de droits constitutionnels. Malheureusement, dans notre cas, le gouvernement n'a jamais avoué que ce qu'il avait fait était mal, nous obligeant à poursuivre la contestation. Mais ce qui est mauvais, c'est de ne pas permettre à chaque Canadien dont les droits ont été transgressés d'être en mesure de faire et de préparer une contestation constitutionnelle raisonnable et valable devant un tribunal. C'est particulièrement vrai lorsque beaucoup d'entre nous sont des personnes qui font encore l'objet de discrimination. Nous essayons de défendre nos droits constitutionnels tout en continuant de vivre notre quotidien.
(1545)
    Les besoins de Mary n'ont pas pris fin le jour où elle a reçu son congé de l'hôpital alors qu'elle n'avait que dix mois et demi. Ils n'ont pas pris fin quand elle a eu deux ans et ils n'ont certainement pas pris fin aujourd'hui.
    Si j'avais eu à poursuivre moi-même la contestation constitutionnelle, sans l'aide de l'avocat auquel j'ai pu recourir grâce à l'aide financière du Programme de contestation judiciaire, chaque minute, chaque journée, chaque semaine après le travail que j'aurais dû consacrer à cet effort auraient été prises au détriment de ma fille et de notre lutte pour la maintenir en vie littéralement. Le Programme de contestation judiciaire m'a mis sur un pied d'égalité avec le gouvernement fédéral. Que je sois accompagné ou non d'un avocat, le gouvernement fédéral avait une équipe d'avocats pour s'opposer à ma cause, y consacrant toutes les ressources de l'État. Quelle personne sans formation juridique pourrait possiblement avoir présenté une défense valable de la question?
    Même avec un avocat, la bataille juridique, comme c'est souvent le cas, a pris beaucoup de temps. Mary était inscrite en première année dans une école primaire lorsque la décision a été rendue, établissant que le programme d'assurance-emploi du gouvernement fédéral avait exercé une discrimination contre ma fille et moi en raison de son incapacité. Mais la durée de la bataille juridique ne nous a pas ennuyés parce que notre seul objectif n'a jamais été de lutter seulement pour les droits de notre famille. Comme nous l'avons découvert lors des neuf années où nous avons été mêlés intimement aux questions touchant les personnes handicapées, lorsqu'une question touche une personne, beaucoup d'autres personnes sont aussi concernées.
    Dans notre famille, Mary et moi n'étions pas les seuls à être touchés par la décision en matière d'assurance-emploi. Puisque je ne pouvais pas rester à la maison et que je devais travailler, cela voulait dire que mon épouse soutenait tout le poids de la décision d'assurance-emploi. À l'époque, Mary était reliée par un tube à un appareil d'alimentation 24 heures par jour, sept jours par semaine. Plusieurs fois par jour, elle risquait d'aspirer le contenu de son estomac dans ses poumons et d'en mourir. Mon épouse et moi avons reçu une formation sur la façon de donner la RCR et on nous a remis un appareil de succion portatif. Mary ne pouvait pas être laissée seule pendant une seule minute du jour ou de la nuit. Quelqu'un devait la surveiller 24 heures par jour. Notre réussite éventuelle, et notre remboursement éventuel visant à me fournir une compensation pour les prestations perdues, a été mise à profit plus tôt cette année quand Mary a dû subir une autre chirurgie à coeur ouvert à Toronto et que mon épouse et moi avons dû cesser de travailler pendant 11 semaines.
    De notre point de vue, nous estimons que le Programme de contestation judiciaire est devenu un ballon politique assujetti aux orientations idéologiques du parti politique au pouvoir. Mais les droits des Canadiens peuvent être violés, peu importe le parti au pouvoir. C'était un gouvernement libéral qui a modifié la Loi sur l'assurance-chômage et qui a fait que ma famille a fait l'objet de discrimination. Il aurait pu tout aussi bien s'agir d'un gouvernement conservateur, d'un gouvernement néo-démocrate, voire d'une motion adoptée par un député du Bloc québécois. À proprement parler, la discrimination peut venir de tout l'éventail politique.
    Dans notre cas, nous revendiquions 11 semaines de congé parental. En termes de prestations, j'ai perdu environ 6 000 $. Sur une base individuelle, il serait insensé de payer plus de 70 000 $ à un avocat pour lutter contre cette discrimination, à moins d'être riche ou cinglé. Je peux vous assurer que nous ne sommes ni l'un ni l'autre. Mais, comme pour de nombreuses questions touchant les personnes handicapées, nous savions qu'il y avait d'autres personnes dans la même situation que Mary, des enfants nés avec des problèmes médicaux potentiellement mortels tellement graves que leurs parents devraient avoir le droit de choisir que leurs prestations leur soient versées pendant que l'enfant est encore à l'hôpital ou à la maison. C'est cela la merveille du Programme de contestation judiciaire : il accepte seulement de donner suite aux contestations constitutionnelles qui peuvent toucher de nombreuses personnes à travers le pays. Comme le juge-arbitre ayant statué sur notre cas, qui ignorait que nous recevions une aide financière du Programme de contestation judiciaire, a mentionné :
[Rollason] a attiré l'attention du Parlement sur une lacune. Bien que celle-ci ait été remédiée depuis, il ne devrait pas avoir à en assumer les coûts pour pouvoir obtenir les prestations auxquelles il avait droit.
    À moins que ce programme soit rétabli et maintenu, les contestations constitutionnelles pourront seulement être présentées par les plus fortunés. Une telle situation est injuste. La discrimination ne fait pas de distinction de classe ni de revenu. Je n'aurais jamais imaginé que mes droits puissent être transgressés un jour. Notre famille a simplement fait l'objet de discrimination parce qu'une enfant est née et qu'elle avait des incapacités. Il est triste de savoir que les futurs parents d'un enfant handicapé ou de toute personne handicapée pourraient ne pas bénéficier du Programme de contestation judiciaire, à moins que vous n'appuyez son rétablissement. Comme moi, d'autres Canadiens pourraient être à la merci d'une loi discriminatoire dès la naissance de leur enfant. Ne mettez pas fin au programme fédéral qui nous a aidés, ainsi que tous les Canadiens qui sont dans notre situation.
    Ma fille Mary, ma famille et moi tenons à vous remercier de votre temps et de votre attention.
    J'imagine que vous avez peut-être des copies de ce texte. Il y a également un mémoire de mon épouse, Gail MacAulay, qui doit faire partie de votre dossier. Je vous exhorte tous et toutes à le lire. C'est le point de vue d'une maman, et elle est très catégorique dans ce qu'elle dit du fardeau qu'elle a dû porter pendant mon absence.
    Je vous remercie.
    Très bien. Je vous remercie beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre Mme Louise Aucoin.
(1550)

[Français]

    Je m'appelle Louise Aucoin et je suis la présidente de la Fédération des associations de juristes d'expression française de common law, ou la FAJEF.
    Merci de m'avoir invitée à témoigner devant votre comité au sujet du Programme de contestation judiciaire du Canada.
    La FAJEF regroupe sept associations de juristes d'expression française représentant près de 1 200 juristes. La FAJEF voit à la promotion et à la défense des droits linguistiques de la minorité francophone dans le secteur de la justice au Canada. La FAJEF est aussi membre de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, la FCFA.
    D'abord, la FAJEF tient à souligner qu'elle souscrit pleinement aux propos contenus dans le mémoire déposé par la FCFA la semaine dernière et, en particulier, à ceux qui traitent du rôle déterminant qu'a pu avoir le Programme de contestation judiciaire pour favoriser l'épanouissement des minorités francophones ainsi que la pleine reconnaissance et la promotion de l'usage du français dans la société canadienne. D'ailleurs, l'accès à la justice en français et le bilinguisme judiciaire ont beaucoup progressé à cause des contestations judiciaires qui ont bénéficié de l'appui du Programme de contestation judiciaire, comme dans les affaires Beaulac et Donnie Doucet. En supprimant le financement du Programme de contestation judiciaire, il risque d'y avoir, au mieux, une stagnation et, au pire, un recul en matière de droits linguistiques, ce qui augure très mal pour le respect de la partie VII de la Loi sur les langues officielles du Canada et, dans notre cas, pour l'amélioration de l'accès à la justice en français à l'extérieur du Québec.
    La FAJEF est très préoccupée de l'impact que la suppression du financement aura sur la capacité des communautés francophones et acadienne à défendre leurs droits constitutionnels. D'ailleurs, nous entendons déjà parler de certains groupes ou particuliers francophones qui n'ont plus les moyens de défendre leurs droits linguistiques devant les tribunaux. Leur situation se résume à ceci: pas de financement, pas d'accès, pas de défense des droits linguistiques et encore moins de progrès dans leurs domaines. D'ailleurs, la FAJEF est déjà victime de cette situation, car nous ne pouvons pas, à cause de raisons financières, même penser à intervenir dans l'affaire Paulin, qui sera entendue par la Cour suprême du Canada probablement en 2007. Cette affaire a trait au rôle que joue la GRC au Nouveau-Brunswick et aboutira probablement à une discussion sur le rôle de la GRC partout au Canada.
    L'abolition du Programme de contestation judiciaire appauvrit aussi le bénéfice de la citoyenneté canadienne, en particulier pour les minorités linguistiques du Canada. Pourquoi? Parce qu'un francophone qui choisit de vivre dans une province où il sera minoritaire pourrait être obligé de payer lui-même pour faire respecter ses droits constitutionnels en matière linguistique. D'ailleurs, cela peut déjà coûter jusqu'à plusieurs centaines de milliers de dollars. Un francophone minoritaire a donc des droits linguistiques, mais à condition qu'il soit prêt à payer pour les faire respecter, ce qui peut représenter des centaines de milliers de dollars, selon jusqu'où il pourra faire entendre sa cause.
    En plus de favoriser le regroupement des francophones au Québec, cela n'encourage en rien l'idée que les droits linguistiques des francophones sont valorisés dans l'ensemble du Canada. Au contraire, en abolissant le financement du PCJ, le message transmis aux minorités francophones est le suivant: c'est votre langue, c'est votre problème, payez vous-mêmes si vous voulez la protection de vos droits linguistiques. Ce n'est pas un intérêt public qui mérite d'être appuyé par le gouvernement fédéral.
(1555)
    Si la suppression du financement du Programme de contestation judiciaire découle du fait que certains groupes ou individus ne reçoivent pas de financement, la FAJEF ne voit aucun problème à ce que le mandat du PCJ soit élargi, en autant que cela ne soit pas fait aux dépens des moins nantis, comme l'a si bien dit M. Rollason. Toutefois, ce n'est pas en supprimant l'accès à la justice aux moins nantis et aux minorités linguistiques qu'un tel débat aura lieu.
    Si la suppression du financement du Programme de contestation judiciaire est fondée sur le principe que le gouvernement fédéral ne devrait pas contribuer à des contestations contre lui-même, il faudrait également réformer, entre autres, le système d'impôt. À titre d'exemple, les médias peuvent présentement réclamer des dépenses d'affaires et réduire ainsi leur impôt, dans le cas d'une contestation constitutionnelle contre le gouvernement fédéral. Or, si Ie gouvernement fédéral subventionne déjà indirectement la protection des droits constitutionnels de certaines entreprises par Ie biais du système d'impôt, pourquoi ne devrait-il pas aussi aider les citoyens canadiens, y compris les francophones minoritaires, à protéger les leurs?
    La FAJEF ne croit pas que les bénéfices de la citoyenneté canadienne devraient être réservés aux biens nantis et aux anglophones et francophones majoritaires.
    Je vous remercie. Il me fera plaisir de répondre à vos questions.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    La parole est maintenant à Mme Tie.
    Je m'appelle Chantal Tie. Je vous remercie de m'avoir invitée aujourd'hui. Je représente le Comité du programme législatif du Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes. Notre mouvement a longtemps bénéficié, de façon importante, des financements offerts par le Programme de contestation judiciaire.
    Pendant sept ans, j'ai siégé au comité national des questions juridiques de notre organisme, celui qui détermine les litiges, demande des financements et arrête la stratégie à adopter. Ensuite, le Fonds a posé ma candidature au conseil d'administration du Programme de contestation judiciaire. J'ai donc pris congé du comité national des questions juridiques et, pendant sept ans, j'ai siégé au conseil d'administration du Programme de contestation judiciaire, dont quatre ans à titre de présidente. Je suis la plus récente présidente sortante du conseil d'administration, et ce n'est que tout récemment que j'ai réintégré mes fonctions au comité national des questions juridiques du Fonds.
    Il y a environ deux semaines, je suis venue témoigner devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, immédiatement après la présentation effectuée par la Fédération canadienne des contribuables au sujet du Programme de contestation judiciaire, et j'ai été abasourdie d'apprendre que, d'après le groupe en question, l'élimination du Programme de contestation judiciaire pourrait avoir pour effet de promouvoir l'égalité en égalisant les règles du jeu. Je voudrais axer mes propos sur ce dernier argument qui, je dois l'avouer, me confond.
    Cet argument me confond pour plusieurs raisons. D'abord, en somme, c'est de l'égalité, mais de l'égalité vindicative comme l'a dit jadis la Cour suprême du Canada. Cet argument part également de l'hypothèse que l'égalité revient à traiter tout le monde de la même façon. Pour être bien franche avec vous, il s'agit-là d'une notion dépassée depuis longtemps, d'une idée reçue des années 60. C'est un raisonnement qui nous ramène 40 ans en arrière, et qui ignore totalement l'évolution des lois sur les droits humains et l'égalité depuis 40 ans. C'est une vision de l'égalité selon laquelle, lorsqu'on traite tout le monde de la même façon, il n'est pas nécessaire d'en faire davantage. Traiter tout le monde de la même façon, cela s'appelle « l'égalité officielle ». Malheureusement, tout le monde n'est pas dans la même situation. Il faut également tenir compte de l'impact des décisions sur les gens concernés.
    Cette affirmation de la Fédération canadienne des contribuables qui semble avoir trouvé la faveur des représentants du gouvernement m'a amené à deux  conclusions possibles. Soit que les députés qui ont appuyé la décision ou cette façon de faire n'ont manifestement aucune idée de ce qu'est l'égalité et ne connaissent rien de l'évolution de la jurisprudence dans ce domaine depuis 40 ans, soit qu'ils comprennent la différence et qu'ils ont délibérément voulu défendre le tout et son contraire afin de brouiller le dossier qui nous interpelle et, en définitive, qu'il s'opposent à cette vision.
    Quelle est cette vision? Ce n'est pas une invention du Fonds ou du Programme de contestation judiciaire, même si nous devons reconnaître que nous avons peut-être été pour quelque chose dans la concrétisation de cette vision. C'est la vision que la Cour suprême du Canada a affirmé être mandatée pour votre Charte, qui est notre loi fondamentale. C'est une égalité de fonds. Si on applique cette vision à l'élimination du programme, Cela ne serait se justifier peu importe la définition que l'on donne à l'égalité
    Que produit ce programme? Je pense que ce que M. Rollason vous a dit était parfaitement exact. Il a jugé qu'il était important de vous montrer le visage de quelqu'un qui a bénéficié du programme. Le Programme de contestation judiciaire vient montrer au tribunal le visage de ceux qu'on a privé de leurs droits, qu'on a marginalisé et qui font l'objet de discrimination, et leur fait entendre leur voix. Malheureusement, les juges font face au même handicap que celui qui risque d'affliger également les parlementaires, en ce sens qu'ils n'ont pas vécus personnellement les inconvénients qui doivent être soumis au tribunaux lorsque ceux-ci sont appelés à se prononcer sur les droits conférés par la Charte.
(1600)
    Il est absolument essentiel que ces voix puissent être entendues, et le Programme de contestation judiciaire offre un financement extrêmement modique aux groupes identifiés comme étant défavorisés par notre Charte, afin précisément que leurs voix puissent être entendues. Sans ces voix, nous auront tous et toutes une vision étriquée et appauvrie de l'égalité. Malheureusement, nous risquons de nous retrouver avec une vision de l'égalité qui remonte aux années 1960, une vision selon laquelle l'égalité consiste à traiter tout le monde de la même façon.
    Il est également extrêmement important que la structure actuelle, ou à tout le moins qu'une structure très semblable à celle du Programme de contestation judiciaire, puisse être maintenue. Cette structure donne aux groupes défavorisés un mot à dire dans les priorités, l'orientation et la distribution des fonds, et cela cause par cause, pour la poursuite de litiges.
    Les gens qui sont défavorisés doivent jouer un rôle important et actif à la fois dans le combat contre leur handicap. Éliminer le financement de ce programme ne fait rien pour cela. En éliminant le programme, on fait taire les voix, on fait en sorte que la Cour suprême soit la forteresse des riches et des privilégiés, et non pas un défenseur des droits des personnes défavorisées.
    Ce n'est pas cela que dit la Charte. La Charte dit que nous devons avoir ces droits. Si nous ne pouvons pas avoir recours aux tribunaux, ces droits nous ne les avons pas.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Bélanger.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup à tous et toutes pour ces exposés. Thank you very much.
    J'aurais une petite question à poser rapidement, une question que j'ai déjà posée à tous les témoins qui avaient bénéficié du Programme de contestation judiciaire. Dès lors que vous bénéficiez d'un financement, et que vous devez choisir un avocat, est-ce que l'affiliation politique des avocats en question entre en compte?
    Je pourrais vous répondre au nom du Fond. Nous ne connaissons même pas la couleur politique de nos avocats. Cela n'a absolument rien à voir.
    La façon dont nous choisissons, la façon dont nous choisissons nos causes, correspond pour l'essentiel à l'entente de contribution pour le programme lui-même, en l'occurrence que la position que nous adoptons doit avoir pour effet de promouvoir l'égalité des femmes. Il ne s'agit pas d'une notion idéologique en ce sens que nous commençons et que tout le processus fait intervenir des consultations avec les groupes affectés — consultations avec les milieux universitaires, sous-comités qui entend des universitaires, des gens qui ont du vécu et ceux également qui sont parties aux litiges.
    C'est à partir de là que nous décidons de ce qui est de l'intérêt économique des femmes, de ce qui va dans le sens de l'intérêt de leur sécurité matérielle. Nous ne partons pas d'une idée préconçue de ce qu'est l'égalité ou de ce que devrait être notre position. Nous regardons les faits et nous nous demandons qu'elle est la meilleure façon d'aider la femme à obtenir cette sécurité économique et matérielle.
    Et lorsque nous choisissons nos avocats, le financement offert par le programme demeure de toute façon modeste.
(1605)
    Je ne dispose que de cinq minutes.
    Oh, excusez-moi.
    Non, c'est moi qui m'excuse. J'ai fait en sorte que ma question soit très courte et je vous demanderais d'y répondre également de façon succincte.
    Madame Aucoin.

[Français]

    Je dois vous dire très honnêtement qu'il n'y a pas beaucoup de praticiens dans le domaine des droits linguistiques. Ce sont des avocats et des avocates qui oeuvrent dans ce domaine parce que c'est une passion pour eux. Donc, je n'ai aucune idée de leur affiliation politique.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Rollason.
    En tant que particulier, comme il s'agissait d'une contestation en vertu de la Charte, on nous a simplement recommandé un spécialiste des contestations en vertu de la Charte. Je n'en ai donc absolument aucune idée.
    Je vous remercie.
    Si j'ai posé la question, c'est que le premier ministre, lorsqu'il essayait de défendre ces compressions, a dit entre autres raisons que le gouvernement ne voulait plus financer des avocats libéraux. Je voulais savoir si c'était ou non un élément qui entrait en ligne de compte pour les gens qui bénéficiaient d'une contribution financière du programme. Je vous remercie donc pour cette réponse.
    Monsieur Rollason, lundi dernier, nous avons quatre témoins qui étaient en faveur de l'élimination du Programme de contestation judiciaire et qui avaient soutenu devant vous que s'il fallait contester quelque chose, c'était à la collectivité ou aux groupes intéressés à financer sa cause. Dans votre cas à vous, monsieur, cela serait-il censé?
    Du point de vue des personnes handicapées, que nous représentons, nous faisons partie de plusieurs organismes de défense des handicapés à Winnipeg et au Manitoba. Aucun de ces groupes dont nous faisons partie n'aurait pu peu ou prou engager un avocat pour nous et prendre en charge une cause comme celle-là. Ces groupes ont à peine suffisamment d'argent pour les programmes qu'ils conduisent. Une contestation judiciaire est beaucoup trop coûteuse pour leurs moyens.
    Il en va de même pour nous, pour notre famille. Il aurait été absolument impossible pour nous de financer une contestation comme celle-là.
    Je vous remercie.
    Allez-y, madame Tie.
    En effet, c'est tout à fait vrai. L'une des caractéristiques intrinsèques et communes de bien des formes de handicap, c'est la pauvreté. C'est ce qui définit cela dans notre société : les gens qui sont marginalisés, qui n'ont pas accès aux ressources, au pouvoir et au pouvoir politique sont définis par la pauvreté. C'est tout à fait vrai de la majorité des groupes défavorisés.
    La plupart des avocats que nous avons travaillent d'ailleurs bénévolement, parce que même avec l'argent du programme de contestation judiciaire, cela ne suffirait pas.
    Je vous remercie.

[Français]

    En règle générale, il serait extrêmement difficile pour les groupes minoritaires ou les francophones en situation minoritaire de subventionner une telle chose.
    Madame Aucoin, vous avez mentionné un aspect intéressant, tout à l'heure. Vous avez dit que si on ne voulait pas de programme, il faudrait réformer le système d'impôt des sociétés qui, elles, peuvent déduire leurs frais juridiques de leurs revenus.
    Les associations à but non lucratif peuvent-elles émettre des reçus pour fins d'impôt afin de payer des frais d'avocats?
    Non, ce n'est pas possible.
    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie.
    Allez-y, monsieur Malo.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'ai trouvé très intéressante la définition de l'égalité que vous nous avez donnée tout à l'heure. En ce sens, j'aimerais pousser un peu plus loin l'échange. Êtes-vous en mesure de définir et de jeter les bases de ce qu'est la justice?

[Traduction]

    C'est quoi, la justice? Je vous dirais personnellement que la justice est une notion très étendue, mais que dans ce cas-ci, c'est l'accès à la justice qui est le plus important; lorsqu'on prive les gens de la possibilité d'avoir recours aux tribunaux, la justice est inaccessible, malgré l'existence d'une Charte des droits et libertés. Au Canada, la justice s'entend également des droits conférés par la Charte : le droit de ne pas faire l'objet de discrimination, les droits à l'égalité et les droits concernant la sécurité de la personne garantis par l'article 7. La justice est un élément extrêmement important de cela, et c'est également le fait de pouvoir à la fois se défendre contre une injustice et d'affirmer des droits positifs.

[Français]

    Madame Aucoin, vous avez dit tout à l'heure que certains groupes faisaient déjà face à de sérieux problèmes pour la défense de leurs droits.
    Pouvez-vous nous dire quelles sont actuellement les causes qui risquent de ne pas être entendues devant les cours de justice et qui pourraient causer de sérieux préjudices aux individus?
(1610)
    J'ai mentionné l'affaire Paulin, une cause qui définira un peu le rôle de la GRC partout au pays. La GRC est le service de police dans toutes les provinces, sauf en Ontario et au Québec.
    L'affaire Paulin a trait à la GRC au Nouveau-Brunswick, mais comme c'est la seule province officiellement bilingue, où les droits linguistiques sont reconnus en vertu de la Constitution, l'histoire est toute autre pour les autres provinces. Il serait donc extrêmement important que les autres provinces soient entendues par la Cour suprême. Il y a probablement plusieurs causes. Il y a aussi l'évolution...
    Quelles seraient les conséquences, si l'affaire Paulin n'arrivait pas à terme?
    Les droits sont différents d'une province à l'autre. Donc, si on pense à un Canada uni, il n'est pas avantageux d'être bien servi dans une province et pas dans une autre, surtout lorsqu'on parle d'un système aussi puissant qu'un service de police.
    Pensez-vous que le Programme de contestation judiciaire affaiblirait les pouvoirs du législateur au profit du juridique?
    Non.

[Traduction]

    Nous avons un gouvernement démocratique. Nous croyons à la démocratie, mais notre démocratie est une démocratie qui est assortie d'un pouvoir accordé à la majorité mais qui assure également la protection des droits des minorités. Les tribunaux sont là pour protéger les droits des minorités dans le cadre de ce pouvoir donné à la majorité. C'est cela, le rôle des tribunaux; c'est cela que dit la Constitution. Ce n'est pas quelque chose qui a été inventé par le Programme de contestation judiciaire. Ce programme offre simplement des moyens qui permettent de protéger les droits des minorités. C'est cela le rôle, et ce n'est pas une invention du Programme de contestation judiciaire.

[Français]

    J'ai une amie qui dit que l'accès aux tribunaux, c'est le nerf de la guerre. Les tribunaux doivent être accessibles lorsque nous voulons faire respecter des droits qui sont importants.
    Si je vous comprends bien, le Programme de contestation judiciaire est foncièrement démocratique.
    Absolument.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, mesdames.

[Traduction]

    Monsieur Julian.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci également à nos témoins d'être venus aujourd'hui.
    Je vais commencer par M. Rollason. Vous avez mentionné dans votre mémoire, monsieur, que le Programme de contestation judiciaire vous avait un peu aidé, mais que le gouvernement fédéral, qui en fait s'opposait à vous pour vous enlever des droits que vous aviez déjà obtenu, pourrait compter sur toute une équipe d'avocats. Pouvez-vous me donner une idée de ce qu'il en a coûté aux contribuables pour financer cette action du gouvernement fédéral à l'encontre des droits qu'étaient les vôtres?
    En tant que père de famille, je ne peux faire que des conjectures. Mais au tribunal, à un moment donné, il y avait deux avocats du gouvernement fédéral. Il y avait également un adjoint. Il y avait en plus quelqu'un qui suivait les procédures dans la salle. Tous ces gens étaient venus par avion d'Ottawa. Il y avait un avocat de Winnipeg. Le tribunal a siégé x nombre de jours. Nous, nous étions là pendant deux jours. Et Dieu sait combien cela avait coûté pour préparer la cause. Bien que cela aurait dû coûter au minimum des dizaines de milliers de dollars.
    Alors, le gouvernement fédéral a payé des dizaines de milliers de dollars pour essayer de vous empêcher, vous et Mary, votre famille de jouir des droits dont vous devriez normalement jouir.
    En réalité, nous ne discutons pas du subventionnement accordé aux individus par le Programme de contestation judiciaire; il s'agit surtout d'égaliser les conditions de sorte que les énormes subventions que le gouvernement fédéral verse déjà — dans notre cas, le gouvernement fédéral est conservateur — pour tenter de supprimer des droits, ont effectivement un contre-poids grâce à quelques individus, des Canadiens, de résister.
    Oui. Comme je l'ai dit, ils avaient les ressources qu'ils avaient gardées. Nous n'étions que des individus, des parents qui cherchaient à obtenir l'égalité.
    Comme je l'ai dit, je l'ai contesté devant la Commission d'examen d'une part, ils n'avaient pas de mandats pour traiter de cas constitutionnels. D'autre part — oui, on m'a écrasé, carrément. La plupart des parents canadiens ne seraient pas capables de lancer une contestation constitutionnelle. Nous croyons en tant que gens de la classe moyenne, qu'il y a beaucoup de gens avec des enfants handicapés et des adultes handicapés qui se trouvent très loin du seuil de la pauvreté. Ils sont plus bas que nous. Pensez à ces gens-là. S'ils devaient s'avancer comme nous pour lancer une contestation, ce serait absolument impossible.
(1615)
    Vous n'auriez pas pu le faire sans le Programme de contestation judiciaire. Quand ce programme sera éliminé dans quelques mois, d'autres parents dans des situations semblables devront tout simplement se plier à la volonté du gouvernement, malgré la mesquinerie et malgré...
    Oui.
    Les parents seront obligés de faire ce que nous avons fait. Au départ, nous avons visité notre député local. Ensuite, nous sommes allés plus loin. Nous avons eu recours aux droits de la personne. On nous a dit qu'en réalité, la nouvelle politique serait bonne, que les choses seraient plus équitables pour nous. Nous n'étions pas d'accord. Enfin, nous avons trouvé un avocat qui voulait bien soumettre une demande de financement au Programme de contestation judiciaire, et nous avons obtenu des résultats. Mais avant de les obtenir, nous avons essuyé des échecs et des refus à chaque étape. Ce n'est qu'à partir du moment où nous avons obtenu le financement du Programme de contestation judiciaire avec un avocat, que nous avons pu suivre cette procédure, et les choses ont enfin débloqué.
    Au cours de notre contestation, lorsque nous avons fait une demande auprès du Bureau d'accès à l'information, le gouvernement fédéral ici à Ottawa nous a renvoyé des documents que nous leur avions soumis auparavant, mais qui ont été oblitérés. Ceci nous a démontré que nous avons pu avancer seulement à partir du moment où nous avions un avocat financé par le Programme de contestation judiciaire; avant cela, il n'y avait pas de progrès.
    Merci de votre témoignage.
    Maintenant en ce qui concerne Mme Tie, nous sommes devant une situation où l'on supprime la capacité de lutter pour l'égalité des droits. Avez-vous l'impression que nous sommes en train de nous orienter vers un système de justice du style américain, ou essentiellement, à moins que les gens n'aient de l'argent et des ressources financières, ils ne pourront pas accéder à cette égalité que nous devrions maintenir et améliorer au Canada?
    Je suis certainement d'accord avec vous que si vous éliminez le programme... Nous avons subi des coupures dévastatrices dans l'aide judiciaire au Canada. On nous a assommés à deux reprises.
    La différence, je crois, entre le Canada et les États-Unis c'est qu'il y a beaucoup de cas qui vont de l'avant aux États-Unis concernant les choses constitutionnelles et les cas pilotes. Mais ils ont des fondations beaucoup plus développées des organismes qui donnent de l'argent aux États-Unis et qui sont capables de combler les lacunes lorsque le gouvernement ne distribue pas l'argent... Au Canada, les fondations sans but lucratif qui donnent de l'argent pour les litiges ne sont pas aussi développées.
    En réalité, puisque le système américain est loin d'être parfait, et effectivement il y a beaucoup de problèmes d'accessibilité au système des tribunaux aux États-Unis, selon vous, la situation sera encore pire chez-nous.
    Oui, la situation sera pire ici parce qu'il n'y a même pas un recours aux fondations donatrices qui pourraient nous donner de l'argent pour ce genre de choses. La tradition au Canada est très différente. Lorsqu'on élimine l'accès à la justice, par le biais des fonds publics au Canada, cela fait un trou beaucoup plus grand qu'aux États-Unis.

[Français]

    Ma dernière question s'adresse à Mme Aucoin.

[Traduction]

    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Fast.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous trois d'être venus d'être venus comparaître devant nous aujourd'hui.
    Tout d'abord, j'ai une question pour Mme Tie. Vous avez dit que vous aviez siégé au sein du conseil d'Imagine Canada pendant sept ans. Est-ce vrai?
    C'est vrai.
    Est-ce que d'autres membres de votre organisation auraient siégé, dans le passé, soit au sein d'un panel ou du conseil ou d'un comité consultatif d'Imagine Canada?
    Imagine Canada est structuré de telle manière que les gens qui ont des positions au sein du conseil sont eux-mêmes des membres. Par exemple, il y a un secteur égalité et un secteur des langues...
    Je comprends.
    Pour votre information, j'ai étudié la structure et je sais qui a le droit de siéger. Je voulais savoir s'il y a d'autres membres de votre organisation qui ont aussi participé à Imagine Canada, soit au sein d'un comité ou d'un panel ou du conseil?
    Oui.
    Voyez-vous, c'est l'un des reproches majeurs que les Canadiens font au programme, c'est presque incestueux, parce que les mêmes gens qui reçoivent le financement sont ceux qui prennent des décisions et gouvernent le Programme de contestation judiciaire.
(1620)
    Non, ce n'est pas le cas.
    Je voulais faire une observation...
    Non, ce n'est pas le cas.
    ...au sujet de vos observations précédentes.
    Vous aviez dit que vous croyiez que la FCC ou la Fédération canadienne des contribuables se trompait énormément, et ensuite vous avez attaqué le gouvernement conservateur actuel. Je crois qu'il est très présomptueux de votre part de suggérer que certains d'entre nous du côté du parti ministériel sont grossièrement ignorants du droit ou qu'en quelque sorte nous sommes en train de pratiquer la langue de bois.
    Je vous dirai que je comprends le droit passablement bien, moi-même j'ai une formation juridique, alors ce n'est pas une question d'ignorance juridique...
    Monsieur Julian.
    Un rappel au Règlement, monsieur le président, M. Fast n'a pas posé une question. Je crois que c'est la raison pour laquelle nous convoquons des témoins. Ce n'est pas pour faire des discours, mais vraiment pour poser des questions. Voudriez-vous s'il vous plaît lui demander de le faire?
    Je suis certain qu'une question s'en vient.
    Oui, une question s'en vient, et je voudrais rappeler le président que M. Julian a souvent fait preuve d'éloquence au cours de ses introductions à des questions et ses préfaces aux questions.
    Je dirai en plus que c'est très inquiétant de vous entendre traiter des motifs sans aucune preuve à une organisation telle que la FCC ou ce gouvernement.
    Je voulais poser une question à M. Rollason.
    Votre question, s'il vous plaît.
    Monsieur Rollason, je tiens à vous assurer que nous, les députés ministériels avons beaucoup de compassion pour vous, et je suis ravi de savoir que vous avez réussi à faire valoir les droits de votre fille à recevoir de l'aide.
    Juste une précision, quand on a porté atteinte aux droits de votre fille, les conservateurs n'étaient pas au pouvoir, comme l'aurait laissé entendre M. Julian. C'était sous l'ancien gouvernement libéral que ça s'est produit. Est-ce exact?
    Oui.
    D'accord. Votre préoccupation c'est que ça se reproduise si ce genre de choses n'est pas contesté.
    Peu importe le gouvernement au pouvoir.
    Tout à fait.
    Qu'il s'agisse de ce comité ou d'autres comités, l'erreur est humaine. On ne peut pas prévoir toutes les incidences possibles des gestes que nous posons.
    J'ai voulu aussi vous demander si vous êtes au courant de l'annonce faite par le ministre des Finances, M. Flaherty cette semaine concernant une étude sur les personnes handicapées.
    Oui.
    Très bien. Il se trouve qu'aujourd'hui il en a parlé lors de la période des questions à la Chambre des communes.
    Oui.
    Dans sa réponse il a déclaré que le gouvernement doit faire davantage pour permettre aux parents de faire des économies pour subvenir aux besoins d'un enfant souffrant d'une invalidité grave lorsqu'ils ne sont plus en mesure de le faire. Il a dit qu'il avait hâte de revoir les conseils du groupe d'experts à ce sujet.
    Avez-vous eu l'occasion de revoir ça vous-même?
    C'est à l'autre...
    J'ai posé la question, merci.
    Oui.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Nous de ce côté avons agi de façon respectueuse lors des séances du comité quand il était temps de poser des questions aux témoins, etc. J'inviterai les députés ministériels à en faire autant.
    Je vous dirai respectueusement, que je me souviens bien que le député d'en face a déjà, par le passé pris certains témoins à parti suite à des déclarations qu'ils auraient faites. Je prends cette occasion d'en faire de même. J'ai posé une question à M. Rollason. J'aimerais que M. Bélanger évite de m'interrompre lorsque je pose des questions au témoin. Je ne l'ai pas interrompu lui.
    Une fois de plus, monsieur Rollason, la question est...
    Rapidement s'il vous plaît.
    ...de savoir si vous estimez que de suivre certaines des recommandations de ce groupe d'experts serait utile étant donné les défis auxquels votre fille fait face.
    Ce serait utile. Peut-être qu'il y a des choses dont je ne suis pas au courant. D'après ce que j'ai compris, c'est comme un programme de REEE, c'est-à-dire que l'argent qui est investi est après impôt. Pour moi, ce serait peut-être mieux si c'était comme un REER. D'un autre côté, nous avons des revenus, donc nous pouvons investir. D'autres personnes qui n'ont pas de revenus risquent de ne pas pouvoir le faire.
    En ce qui nous concerne, je ne peux pas prévoir ce qu'il en serait d'ici deux ou trois ans si cette politique était adoptée, ce que vivrait une autre famille comme la mienne. En passant de l'assurance-chômage à l'assurance-emploi, peut-être que d'autres recommandations risqueraient de ne pas être utiles à certaines familles. Je ne peux pas vous le dire.
    Eh bien, nous espérons certainement que notre gouvernement ne va pas laisser d'autres familles dans cette situation.
    Merci.
    Monsieur Scarpaleggia, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je voulais dire d'emblée que j'appuie ce programme.
    Il me semble que si le programme a été créé en 1983 ou 1982, c'était pour donner aux minorités des langues officielles au Canada le pouvoir de s'assurer du respect de leurs droits, tels qu'énoncés clairement dans la Charte.
    En tant que libéral, je crois... En fait, d'un point de vue idéologique, je dirais qu'aucune institution n'est parfaite. Par définition, je n'accepterai jamais l'idée qu'une institution est parfaite, qu'elle ne peut pas être réformée ni améliorée et s'adapter aux nouvelles réalités, etc.
    Je m'intéresse aux critiques faites de ce programme; certains disent, notamment, que les décisions en sont arbitraires, que les demandes de certaines personnes sont rejetées tandis que d'autres sont accueillies. Je n'ai pas d'opinion arrêtée là-dessus, mais croyez-vous madame Tie qu'il y a des façons d'améliorer le programme? Je n'appuie pas du tout son abolition; en fait, je veux qu'il soit amélioré. Croyez-vous qu'il y a des réformes qui s'imposent?
    Par exemple, et ça déjà été soulevé par le passé, selon certains il s'agit d'une sorte de porte tournante. Je ne sais pas. C'est pour ça que nous avons invité certains responsables du programmes à venir témoigner. Je félicite M. Bélanger d'en avoir fait la demande. Il se peut qu'il y ait une sorte de porte tournante entre le conseil et certains groupes appuyés par le programme. Vous, personnellement, avez vu les deux côtés de la question. Peut-être que nous devrions créer un conseil composé d'anciens juges, comme cela existe dans le domaine de l'immigration, des juges qui sont des membres de l'Ordre du Canada qui apportent une certaine impartialité.
    Reconnaissez-vous certaines des critiques faites à l'endroit de ce programme, que peut-être dans certains cas le programme souffre de parti pris ou que ses diffusions sont arbitraires? En d'autres mots, pouvez-vous voir au-delà de vos intérêts particuliers et envisager certaines réformes?
(1625)
    J'aimerais dire deux choses. Premièrement, le groupe d'experts qui distribue l'argent est nommé. Le conseil n'a absolument pas son mot à dire quant à la répartition de cet argent. Il n'y a pas de chevauchement. Je n'ai jamais eu mon mot à dire, pendant toutes les années auxquelles j'ai participé au programme en ce qui a trait aux causes qui recevraient du financement.
    Deuxièmement, beaucoup de causes sont rejetées. Je crois fondamentalement cependant que les gens dont les intérêts risquent d'être affectés devraient contrôler l'organisation qui décide quels litiges iront de l'avant. Voilà qui est la force du programme et non sa faiblesse.
    Je comprends, d'accord, mais nous vivons dans un monde où il est un peu nébuleux de savoir quels intérêts doivent être défendus, etc. Ce que je veux dire, c'est que le monde est imparfait, il n'y a pas de façon scientifique de savoir si ce sont mes intérêts ou ceux de quelqu'un d'autre qui devraient primer ni s'ils devraient être défendus.
    Je vous remercie d'avoir précisé la question en ce qui a trait au conseil et à la différence entre le conseil et le comité d'experts. C'est essentiellement ce que je voulais faire valoir, et la question que je voulais poser.
    Je trouve votre idée intéressante, mais ce serait tout un défi dans ce pays de trouver un groupe d'anciens juges représentatifs. Il faudrait trouver d'anciens juges autochtones, de couleur, des femmes, des personnes handicapées qui ont les compétences voulues pour statuer. Ça risque d'être tout un défi et c'est malheureux. C'est une idée, en tant qu'organe consultatif, je ne sais pas.
    Pour en revenir à ma question initiale, pensez-vous qu'il faut réformer le programme actuel? Il me semble que vous y avez intérêt, et le pays aurait également intérêt à ce que l'on organise une réforme susceptible de sauver ce programme. Voilà ce que je voulais vous dire.
    Comme je l'ai dit, je ne fais plus partie du conseil d'administration et je ne parle pas au nom du programme, mais il vient de subir, au ministère du Patrimoine, un examen à l'occasion de laquelle on a proposé des améliorations que nous avons mises en oeuvre avec plaisir. Je suis très satisfaite de la façon dont le programme a franchi l'étape de cet examen. Les fonctionnaires de Patrimoine Canada qui s'en sont chargés ont dit que c'était une bonne optimisation des ressources qui servait bien un objectif très important du gouvernement canadien. C'est donc un programme qui fonctionne bien.
(1630)
    Je comprends, et je suis d'accord avec vous, mais est-ce qu'il y a eu des recommandations de réforme?
    Je n'en ai pas reçues.
    À l'issue de l'examen, est-ce qu'il y a eu des recommandations?
    Non.
    De quelles recommandations parlez-vous?
    De celles de Patrimoine Canada.
    Je crois que cela met un terme à cette partie de nos questions.
    Je remercie nos témoins d'être venus nous faire part de leurs points de vue.
    Nous allons suspendre la séance et attendre nos prochains témoins.
    Merci.

(1635)
    Je déclare ouverte cette deuxième partie de la séance, et je souhaite la bienvenue à nos témoins.
    Nous avons deux témoins à titre personnel: Gisèle Lalonde et M. Caza. Nous allons entendre les témoins l'un après l'autre, de façon que chacun puisse donner son point de vue.
    Madame Lalonde.
(1640)

[Français]

    Monsieur le président, aujourd'hui nous comparaissons devant vous pour discuter d'une décision gouvernementale dont les conséquences sont tellement graves que nous ne pouvons imaginer que les décideurs ont réfléchi avant de la prendre.
    La décision du gouvernement Harper d'abolir le Programme de contestation judiciaire a un impact direct sur la dualité linguistique canadienne, sur l'assimilation des francophones minoritaires et, assurément, elle aura un impact à plus ou moins long terme sur l'unité nationale.
    Il serait irresponsable et saugrenu de penser que le gouvernement du Canada peut ainsi s'en prendre aux minorités linguistiques sans qu'il remette aussi en cause le fondement même de ce pays. Les médias nous disent que cette brillante idée provient du chef de Cabinet du premier ministre Harper. Si tel est le cas, nous avons devant nous un gouvernement d'idéologues, pour ne pas dire de démagogues. C'est une situation extrêmement préoccupante pour les Canadiens et les Canadiennes.
    L'idéologie bornée et la démagogie éhontée n'ont jamais contribué à bâtir le Canada d'aujourd'hui, et ce sont des recettes qui garantissent son éventuelle dissolution. On nous dit que cette démagogie provient d'un certain texte qu'aurait publié le distingué chef de Cabinet du premier ministre en question, dans lequel il soutient qu'il est ridicule pour le gouvernement de payer la note des Canadiens qui veulent le poursuivre. Une logique semblable est une telle déformation de la réalité qu'elle en est effarante.
    Premièrement, lorsqu'une minorité poursuit le gouvernement, c'est qu'elle est convaincue que celui-ci a brisé la loi, en règle générale, la Constitution du Canada ou la Charte canadienne des droits et libertés. L'effet direct de ce que fait le gouvernement Harper est de se donner le pouvoir de briser la Constitution sans que personne ne puisse le contester, faute de moyens financiers très exigeants.

[Traduction]

    Deuxièmement, lorsqu'une minorité décide de demander l'aide des tribunaux, c'est toujours une solution de dernier recours, c'est-à-dire qu'elle a essayé de faire comprendre sa cause au gouvernement par tous les autres moyens légitimes.
    Troisièmement, si par hasard une minorité parvient à amasser suffisamment de fonds pour oser demander l'aide de la justice, le gouvernement, lui, se défend avec notre argent. Combien de millions est-ce que la cause de Montfort a coûté aux contribuables ontariens pour payer les frais juridiques du gouvernement Harris? Tout cela pour perdre lamentablement deux fois.
    La communauté franco-ontarienne et l'Hôpital Montfort n'ont pas gaspillé l'argent des contribuables en frais juridiques. Elle a fait valoir la loi la plus fondamentale du pays. Mais le gouvernement Harris a fait précisément cela. Et tout gouvernement fera la même chose demain sans que personne ne puisse l'en empêcher.

[Français]

    Ce que le gouvernement Harper nous demande d'accepter, cependant, dépasse en fourberie ce que tout autre gouvernement a pu faire dans le passé. Ils disent aux Canadiens et aux Canadiennes qu'ils ont le monopole sur tout le pouvoir, sur toute la vérité et sur tous les droits. Que les gens ordinaires se débrouillent.
     Ce n'est pas seulement un budget que l'on coupe. La décision du gouvernement Harper prive les plus vulnérables de notre société de l'accès à la justice. Ceux qui sont déjà laissés pour compte sont rabattus encore plus bas dans l'échelle sociale. Ce n'est tout simplement pas la façon canadienne d'agir. Ce n'est pas une honte, c'est un scandale. C'est contre tout ce que croient les Canadiens et les Canadiennes, à commencer par l'accès à la justice pour tous.
    Je ne peux passer sous silence le rôle du président du Conseil du Trésor, M. John Baird, dans cette affaire. Si quelqu'un devrait savoir l'impact, voire l'inégalité de priver la minorité francophone d'un outil essentiel à la défense de ses droits, c'est bien lui. Il n'était rien de moins que ministre des Affaires francophones dans le gouvernement de Mike Harris, au coeur de la crise de Montfort. Or, ce n'est qu'à la toute fin de cette crise de cinq ans que M. Baird s'est finalement rangé du côté de la minorité franco-ontarienne.
    Permettez-nous de douter maintenant de sa sincérité. D'ailleurs, je vais vous relater un échange qui a eu lieu à l'époque entre M. Baird et moi-même. Je n'en ai jamais parlé publiquement auparavant et je regrette d'avoir à le faire aujourd'hui, mais il ne me laisse pas le choix.
    La journée avant que le gouvernement Harris n'annonce qu'il n'interjetterait pas appel de la cause Montfort devant la Cour suprême du Canada, M. Baird m'a téléphoné à la maison. Lors de cette brève conversation, il m'a demandé de tourner la page. Il l'a répété plusieurs fois : « Gisèle, il faut tourner la page ». Le geste qu'il a posé aujourd'hui, à titre de président du Conseil du Trésor, indique qu'il a tourné la page, mais il n'a certainement plus le même livre que moi. Car la seule conclusion à tirer de son action est que si John Baird ne peut rabattre les francophones minoritaires, il trouvera une autre façon de le faire. Il y a plusieurs façons de tuer un peuple.
    Il serait assez étonnant d'apprendre qu'on ait imposé cette décision à M. Baird, si on en juge par l'acharnement avec lequel il l'a défendue à la Chambre des communes. Le plus déplorable, c'est qu'il fait encore une fois partie d'un gouvernement qui s'en prend aux personnes les plus vulnérables de la société pour marquer des points devant l'électorat.
    J'ose dire que ce gouvernement est très mal vu de l'électorat canadien. C'est particulièrement vrai pour les électeurs du Québec. Nous soupçonnons fortement que le gouvernement Harper a fait un froid calcul politique en prenant sa décision. Il a pensé que les électeurs québécois ne se porteraient pas à la défense d'un programme qui permet à sa minorité anglophone de contester les décisions de leur gouvernement.
    Mais les Québécois ont vu clair. Ils ont compris que la véritable cible du gouvernement Harper était leurs frères et soeurs francophones minoritaires. Comme ils se sont levés massivement pour défendre Mortfort, ils n'oublieront pas cette nouvelle injustice lorsque le temps viendra de régler les comptes.
    Chose certaine, nous, de l'Ontario français, ne les laisserons pas l'oublier. Nous allons travailler sans relâche dans chaque circonscription, y inclus au Québec, où le vote francophone peut faire une différence, pour que les électeurs rejettent un gouvernement dont l'inconscience n'est qu'une intolérance déguisée, une intolérance envers tous ceux et celles qui sont les plus faibles. M. Harper gouverne d'après une seule loi, soit la loi du plus fort, celle qui n'exige aucun courage.
    Monsieur le président, chers membres du comité, nous sommes venus partager avec vous toute l'indignation que ressentent les francophones minoritaires face à cette décision du gouvernement. Nous avons la ferme intention de combattre cette décision par tous les moyens légitimes possibles. Nous vous demandons de continuer de le faire avec nous, comme vous l'avez fait si éloquemment à la Chambre des communes. Nous vous demandons de conscientiser vos électeurs aux véritables conséquences de la décision du gouvernement Harper et de le faire jusqu'au moment du prochain vote.
    J'aimerais adresser quelques mots aux membres du parti au pouvoir. La majorité d'entre vous, sinon tous, n'avez probablement pas été consultés sur cette mesure budgétaire, et nous vous remercions de nous écouter aujourd'hui.
    Nous tenons à vous rappeler que vous n'êtes pas dénués de pouvoir. Vous avez un poids certain au sein de votre caucus, et lorsque votre gouvernement fait fausse route, vous avez le devoir, derrière ces portes closes, de le rappeler à l'ordre et de le ramener sur la bonne voie.
(1645)
    Nous espérons que vous comprendrez l'étendue réelle des torts causés à la minorité francophone et des torts causés à votre propre parti, et que vous agirez dans l'intérêt de la dualité linguistique, dans l'intérêt de tous les Canadiens et Canadiennes et dans le respect de la Constitution du Canada.
    Merci. Thank you, Mr. Chairman.

[Traduction]

    Monsieur Caza.
    Monsieur le président, je vais présenter mon exposé en anglais, car je tiens à ce que tout le monde comprenne directement le message, sans l'aide de l'interprétation.
    La réalité actuelle, c'est que lorsqu'on est membre d'une minorité, il faut recourir aux tribunaux, parce que les protecteurs des minorités ne sont pas la majorité. Ce n'est pas parce que cette majorité est formée de gens de mauvaise foi; c'est parce que ces gens ne comprennent pas les besoins de la minorité. Depuis 200 ans, les minorités ont recours aux tribunaux pour faire protéger leurs intérêts. L'une des premières responsabilités de la justice, c'est de protéger les minorités. Pour accéder aux tribunaux, en particulier en matière de droit constitutionnel, il faut avoir un avocat.
    Ce qui fait la particularité des droits linguistiques, c'est que ceux qui vont devant la justice pour les défendre ont généralement un intérêt personnel très limité dans la cause. Il s'agit d'un droit communautaire. Lorsqu'ils font valoir ce droit, ils n'obtiennent pas d'argent en retour. Tout ce qu'ils obtiennent, c'est le respect d'un droit; c'est pour cela que lorsqu'ils veulent faire valoir leurs droits, la seule façon de procéder est de saisir la justice et pour cela, ils ont besoin d'une aide financière.
    La réalité, c'est qu'en matière de droit linguistique, ceux qui ne prennent pas la peine d'exiger le respect de leurs droits pénalisent tout le monde au Canada. Il est important de bien comprendre ce qu'est une minorité et de voir comment elle se comporte. Les minorités vont devant les tribunaux pour faire protéger leurs droits linguistiques, parce que lorsqu'on est membre d'une minorité linguistique, en particulier de la minorité francophone hors Québec, chaque qu'on se lève le matin, il faut décider de continuer à faire l'effort de vivre en français ce jour-là car lorsqu'on cesse de faire cet effort, on se laisse assimiler. L'assimilation des francophones, c'est le fait de francophones qui cessent de faire les efforts nécessaires pour continuer à vivre en français. L'une des caractéristiques essentielles du Canada, c'est que toutes ses minorités linguistiques peuvent continuer à vivre dans l'une des deux langues officielles.
    Lorsque des membres de la minorité linguistique — qu'ils soient dans l'Île-du-Prince-Édouard, à Vancouver, à Kapuskasing, à Sudbury, à North Bay ou à Windsor — se présentent devant les tribunaux, ils disent qu'il y a une décision gouvernementale ou une loi qui leur demande de ne plus faire l'effort de continuer à vivre en français. C'est pour cela qu'ils se présentent devant un tribunal. Lorsque cette loi ou cette décision est maintenue, des membres de la minorité francophone cessent quotidiennement de vivre en français. Le résultat, c'est que les minorités linguistiques au Canada sont de plus en plus faibles.
    La Cour suprême du Canada a affirmé que les minorités linguistiques sont une caractéristique essentielle du Canada et que leur survie est essentielle à la survie du Canada en tant que pays. En supprimant le Programme de contestation judiciaire, on interdit aux gens très ordinaires d'accéder à la justice pour faire respecter leurs droits. La suppression du Programme de contestation judiciaire va avoir pour conséquence directe de faire augmenter le taux d'assimilation des francophones hors Québec. On cause un tort irréparable à la collectivité. On cause un tort irréparable au pays. C'est pour cela que le Programme de contestation judiciaire est essentiel au Canada, c'est pour cela qu'il faut le rétablir.
    Merci.
(1650)
    Merci.
    Madame St-Amand.

[Français]

    Je m'appelle Gisèle St-Amand et je suis directrice générale à la Commission scolaire de langue française de l'Île-du-Prince-Édouard. J'en suis à ma 43e année en éducation, dont 20 comme directrice générale ou cadre supérieure.
    Je vous informe de mon rôle parce que je tiens à ce que vous sachiez que je ne suis pas ici à titre d'avocate ou de journaliste ni à titre de partisane politique, mais d'abord à titre de francophone qui vit présentement en milieu minoritaire et qui a vécu 20 ans au Québec. Mes deux enfants sont des ayants droit anglophones au Québec et des ayants droit francophones dans le reste du Canada.
     Je suis donc ici pour un plaidoyer en faveur du retour du Programme de contestation judiciaire parce que tout n'est pas fini, tous les fruits de l'article 23 de la Charte n'ont pas été livrés, et je ne suis pas la première à vous le dire.
    Je vous remercie énormément du temps que vous m'accordez. J'ai envoyé au départ un mémoire, que je ne vais certainement pas lire ni dire. J'ai l'impression que vous l'avez reçu, parce qu'on m'avait dit qu'on le traduirait en anglais.
    Je suis ici aujourd'hui parce que, comme éducatrice, j'ai toujours eu la même mission, celle de bâtir un monde meilleur. C'est donc à ce titre que je suis ici aujourd'hui.
    J'ai bénéficié de toutes les luttes épiques qui ont été menées pour pouvoir avoir le droit, le plaisir et la joie de parler en français et de donner le même plaisir, la même joie à mes enfants. Je travaille donc pour que tous les autres enfants des ayants droit francophones aient ce droit.
    Trop d'efforts et trop de travail ont été accomplis pour qu'on se taise aujourd'hui, pour qu'on ne réponde pas par l'affirmative à une invitation qui nous est lancée de venir vous dire à quel point nous déplorons le geste que le gouvernement vient de poser en nous enlevant le moyen de nous présenter devant les tribunaux. Cela n'est pas donné à tout le monde: c'est donné à ceux qui ont des sous. C'est pour cela que le programme de financement permettait à tout le monde d'être traité comme tout le monde.
    Je viens ici pour plaider en mon nom personnel, bien sûr, mais disons-le tout de suite, je viens ici vous parler des enfants de l'Île-du-Prince-Édouard, ceux-là mêmes qui sont aujourd'hui sur les bancs d'école.
    Vous êtes assis sur une chaise très confortable. J'ai des élèves à l'Île-du-Prince-Édouard aujourd'hui qui n'ont pas le confort de la chaise que nous avons, qui ce matin n'avaient pas le confort d'un autobus scolaire et qui aujourd'hui n'ont pas le confort d'une école dans le sens que vous l'entendez.
    Par exemple, j'ai une école — et nous avons déjà une demande en première instance pour que le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard respecte nos droits constitutionnels — qui se trouve dans un édifice que l'on partage avec un bar.
    Vous verrez, dans le mémoire que j'ai écrit, que les jeudis et vendredis soir, ceux qui fréquentent le bar le font à partir de 15 heures. Donc, le lendemain matin, lorsque j'arrive à l'école avec mes enfants, il y a des senteurs dans l'édifice qui n'appartiennent pas à des enfants d'école. Il y a des mégots de cigarette devant l'édifice qui n'appartiennent pas non plus à des enfants d'école.
    Je plaide donc au nom de l'arrêt Arsenault-Cameron, par exemple, qui a décrété que la minorité à l'Île-du-Prince-Édouard devait avoir trois choses incontournables et non négociables : une qualité réelle en éducation, une qualité égale en éducation et une gestion pour et par les francophones.
    Je viens de vous décrire une école où nous n'avons pas le droit d'embaucher un concierge. Je viens de vous décrire une école où nous n'avons pas le droit d'être là le soir sans réserver d'abord, et si personne d'autre ne se sert de l'édifice, alors nous pourrons en tirer parti. Nous n'avons ni droit de parole ni droit de décision, encore moins de veto, dans cette école.
    Nous avions déjà une instance à défendre devant les tribunaux; nous voulions avoir les mêmes droits dans cette école que ceux dont se prévalent les écoles de la majorité à l'Île-du-Prince-Édouard.
    Je prends quelques minutes de plus pour vous parler un brin du financement que nous avons, à l'Île-du-Prince-Édouard. La Commission scolaire de langue française de l'Île-du-Price-Édouard, qui m'emploie actuellement, s'étend de l'est à l'ouest.
(1655)
    Nous nous levons avec le soleil et nous nous couchons avec le même astre, le soir. Par conséquent, à la Commission scolaire de langue française de l'Île-du-Prince-Édouard, toutes les écoles sont éloignées les unes des autres. Je viens vous dire aujourd'hui que le financement que nous avons est un financement qui ne nous permet pas et qui ne nous permettra pas, même avec toute la gymnastique que nous pouvons employer, de donner une haute et grande qualité d'éducation, celle dont parlait l'arrêt Arsenault-Cameron.
    Je voudrais, pour les élèves de l'Île-du-Prince-Édouard — et j'ai l'impression que le gouvernement de mon pays, celui duquel je suis très fière — veut la même chose: une éducation équivalente à celle de la majorité. Or, en éducation, à l'Île-du-Prince-Édouard, je vous informe tout de suite que trois de nos six écoles sont le fruit de luttes que nous avons livrées à l'aide du Programme de contestation judiciaire. Aussi sachez que sans cette aide, je crains que les droits de la Charte demeurent lettre morte pour certaines communautés francophones de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous n'avons pas les moyens de nous présenter devant les tribunaux, parce que le financement que nous recevons est un financement public, c'est-à-dire qu'une commission scolaire est financée grâce à l'argent du gouvernement.
    En terminant, nous avons des parents qui se préparaient à se présenter devant les tribunaux pour faire respecter leurs droits constitutionnels. Ces parents, qui habitent à Rustico, sur la côte nord de l'Île-du-Prince-Édouard, souhaiteraient énormément voir leurs droits constitutionnels respectés, de sorte qu'ils puissent offrir à leurs enfants ce que vous recevez pour les vôtres.
    La Commission scolaire de langue française de l'Île-du-Prince-Édouard, bien qu'elle siège à la même table que les deux commissions scolaires de langue anglaise de l'Île-du-Prince-Édouard, reçoit un financement qui est à la couleur de la majorité, c'est-à-dire qu'aucune — je dis bien aucune — des réalités avec lesquelles nous devons composer à la Commission scolaire de langue française de l'Île-du-Prince-Édouard n'est prise en considération au regard du financement. Il y a donc énormément de services qui sont offerts aux élèves anglophones que nous ne pouvons pas donner aux nôtres. Alors, mettez-vous dans les souliers des parents de ces enfants : si vous avez le choix, à quelle école allez-vous envoyer vos enfants?
    Je crains, comme l'ont dit les collègues qui m'ont précédée, que nous ne puissions assurer la qualité dont parle l'arrêt Arsenault-Cameron, soit l'équivalence dont parlait le juge McQuaid de la Cour suprême de l'Île-du-Prince-Édouard lorsqu'il disait qu'un système d'éducation qui offre une éducation inférieure à la minorité n'est pas à la hauteur de l'article 23. C'est un juge de la Cour suprême de l'Île-du-Prince-Édouard qui l'a dit. Je n'ai aucune idée de sa couleur politique. Je vous prie de croire que je viens ici comme éducatrice, purement et simplement pour défendre l'avenir des enfants francophones de l'Île-du-Prince-Édouard.
    On dit souvent — et cela me fait toujours plaisir de l'entendre — que le Canada est la conscience du monde. Chaque fois que j'entends cela, je suis fière. Tout de suite, je suis portée à dire que nous avons un problème de conscience et que nous devons faire un examen de conscience, au Canada. C'est un plaidoyer devant les députés du gouvernement présent. Qu'on poursuive le programme tel qu'il était, je le veux bien. Qu'on l'instaure sous une autre forme, je le veux bien. Toutefois, je vous en prie au nom des enfants et des francophones de l'Île-du-Prince-Édouard, donnez-nous la chance de nous présenter devant les tribunaux chaque fois — et cela arrive souvent — que nos droits constitutionnels ne sont pas respectés.
    Le pays, le Canada de demain, ressemblera aux enfants qu'on va lui livrer. Livrons-lui les meilleurs enfants. Livrons-lui des enfants qui ont eu droit à un Canada fort, fier et imprégné des valeurs sur la base desquelles j'ai éduqué mes enfants, c'est-à-dire un Canada ouvert et respectueux de tous les groupes, quels qu'ils soient et tels qu'ils sont.
    Je vous remercie, monsieur le président.
(1700)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Tabachnick.
    Je m'appelle Marcus Tabachnick et je suis président de l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec. Je suis en compagnie de notre directeur exécutif, M. David Birnbaum.
    Monsieur le président, membres du Comité permanent du patrimoine canadien, l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec vous remercie de lui avoir donné l'occasion de présenter son point de vue à l'appui du rétablissement du Programme de contestation judiciaire du Canada.
    L'Association des commissions scolaires anglophones du Québec est la voix publique des neuf commissions scolaires anglophones du Québec, desservant quelque 115 000 élèves, à travers la province. Le réseau des écoles publiques anglophones du Québec dépeint un portrait de la communauté minoritaire anglophone dans toute sa diversité. Il y a des écoles à classe unique sur l'Île d'Entrée dans les Îles-de-la-Madeleine et à Vaudreuil, à 45 minutes de Montréal, de grandes écoles secondaires urbaines, des centres régionaux d'éducation des adultes et toute autre variation. À tous les jours, la majorité de nos élèves doivent voyager une heure et demie pour se rendre à l'école. Nous devons faire face à des défis importants mais je crois vous dire que nous faisons preuve de détermination et d'ingéniosité dans la recherche de solutions. Nos écoles ont été les premières à mettre en oeuvre les programmes d'immersion en français et n'arrêtent pas de les peaufiner. Aujourd'hui, nous sommes très fiers d'avoir produit des diplômés qui bâtissent leur avenir dans les deux langues officielles du Canada.

[Français]

    Nos écoles, comme celles des communautés francophones ailleurs au Canada, sont l'élément unificateur de nos communautés linguistiques minoritaires. Parmi les 340 écoles du réseau scolaire anglophone, plus de la moitié desservent 200 élèves et moins. L’avenir de ces écoles et celui des communautés linguistiques minoritaires desservies sont étroitement liés. Par conséquent, le réseau scolaire anglophone et notre association qui le représente sont particulièrement touchés par l'affaire dont le comité est saisi aujourd’hui, et ce, parce qu’il y a aussi un lien qui nous unit à l’avenir du Programme de contestation judiciaire.
(1705)

[Traduction]

    L'ACSAQ représente un palier de gouvernement élu universellement, le seul palier de gouvernement qui répond directement et exclusivement aux membres de la communauté minoritaire anglophone du Canada. Ce palier de gouvernement, les commissions scolaires élues, exerce le droit du contrôle et de la gestion à l'égard des écoles desservant les communautés linguistiques minoritaires du Québec. Les commissions scolaires exercent ce droit en vertu des décisions rendues dans les causes types financées par le Programme de contestation judiciaire du Canada. Le droit des élèves de fréquenter les écoles de la minorité linguistique est aussi une question pour laquelle le programme de contestation judiciaire a été créé pour y trouver une réponse.
    Au Québec, l'accès est limité par la Charte de la langue française mais, néanmoins protégé dans ces limites en vertu de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Si des individus désirent vérifier toute la portée de ces protections constitutionnelles, et ce, face aux très grandes ressources du gouvernement, ils ont le droit de le faire. Le Programme de contestation judiciaire est une façon concrète et raisonnable d'assurer ce droit. L'article 24(1) de la Charte précise :
Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente Charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la répartition que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.
    Pour bon nombre de personnes et de communautés au Canada, ce recours ne peut se concrétiser que si un apport financier est disponible. Pour bon nombre de personnes et de communautés, le recours ne sera disponible que si le programme de contestation judiciaire est rétabli.

[Français]

    Le paragraphe 24(1) de la Charte précise :
    24(1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

[Traduction]

    Les droits évoluent, les circonstances entourant les minorités changent. La Charte canadienne des droits et libertés doit être réévaluée en fonction de ces circonstances afin de valider si la portée complète se veut claire et valable pour toute la population du Canada.
    Dans le jugement Mahe sur le niveau de contrôle et de gestion à l'égard des écoles de communautés linguistiques minoritaires au Canada, la Cour suprême a dit que le recours constant aux tribunaux serait probablement nécessaire si l'application de la Charte devait être pleinement efficace et équitable. Le jugement précise :
... il serait irréaliste et vain d'imposer une forme précise de système d'éducation à une multitude de situations différentes qui existent dans tout le Canada.
    Le même jugement précise aussi que : « L'article 23 est un nouveau genre de garantie juridique au Canada et exige donc de nouvelles réponses de la part des tribunaux. »
    L'avenir du Programme de contestation judiciaire a été présenté faussement dans certains milieux comme s'il s'agissait d'une question d'intérêts spéciaux, comme une atteinte à la suprématie du Parlement, comme une mine d'or pour les avocats des grandes villes. Ces suggestions superficielles et insincères ont été résumées par un haut fonctionnaire du cabinet actuel en justifiant l'abolition du programme, qui aurait déclaré : « Je ne vois pas pourquoi le gouvernement subventionnerait des avocats pour contester les propres lois du gouvernement devant les tribunaux. »
    Il est souvent dit qu'une société démocratique est jugée à juste titre par la façon qu'elle traite les minorités. Ce ne sont pas des questions partisanes visant à mettre en question le gouvernement en place; ce sont des questions qui touchent nos valeurs fondamentales et comment nous définissons les libertés et droits fondamentaux qui nous unissent. Le but du Programme de contestation judiciaire n'est pas de subventionner des avocats mais plutôt d'assurer l'égalité devant la loi et la garantie d'accès à la justice.

[Français]

    Les Québécois, peu importe la langue parlée, sont peut-être particulièrement vulnérables et sensibles aux questions concernant les matières linguistiques minoritaires.

[Traduction]

    Par conséquent, l'abolition du Programme de contestation judiciaire a fait l'objet d'une forte opposition de la part de notre propre province: l'éditorialiste en chef du quotidien La Presse de Montréal, M. André Pratte a dit :

[Français]

    Sans l'aide financière du gouvernement, quelle personne, quel groupe pourra débourser les centaines de milliers de dollars nécessaires à la défense d'une cause jusqu'en Cour suprême. Face aux moyens illimités de l'État, le citoyen qui croit ses droits lésés sera démuni. Or, que vaut une charte des droits si les citoyens n'ont pas les moyens de la faire respecter?
(1710)

[Traduction]

    Existe-t-il des questions relatives au fonctionnement et aux procédures du Programme de contestation judiciaire qui doivent être examinées davantage? Possiblement. Il n'appartient pas à l'ACSAQ de juger, mais comme M. Pratte a conclu : « Ottawa a décidé de soigner une grippe en tuant le patient! »
    Cela est une façon nonchalante de notre gouvernement national de remplir son rôle solennel à titre de gardien de notre Charte canadienne des droits et libertés.
    Pour les parents anglophones à Gaspé, pour les membres anglophones de la commission scolaire au Saguenay, sans oublier un leader de la communauté francophone en Alberta, ce programme est la voie vers la Charte canadienne des droits et libertés. Cette charte est, dans une large mesure, garante de leur avenir.
    L'Association des commissions scolaires anglophones du Québec fait appel au comité et au gouvernement d'agir pour le bien. Nous vous demandons de rétablir le Programme de contestation judiciaire.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Bélanger.
    Merci, monsieur.
    Les gens connaissent maintenant ma première question habituelle.
    Madame Lalonde, madame St-Amand, et monsieur Tabachnick, lorsque vous avez eu le soutien du Programme de contestation judiciaire et que vous pouviez embaucher des représentants juridiques, des avocats, avez-vous tenu compte de l'affiliation politique de ces avocats dans votre choix?
    Voulez-vous dire, à Montfort, si nous avons choisi quelqu'un qui était près du gouvernement ou...

[Français]

    Non. L'affiliation politique des avocats était-elle un facteur dans leur choix?
    Pas du tout.
    Merci.
    Madame St-Amand.
    D'après ce que je sais, pas du tout.
    Monsieur Tabachnick.

[Traduction]

    Non, nous cherchions simplement l'avocat qui pouvait le mieux nous représenter, et c'était notre seul critère de sélection.
    Merci.
    Aussi, pour justifier leur décision d'abolir ce programme,

[Français]

    le gouvernement a dit qu'il avait l'intention de présenter seulement des projets de loi constitutionnels. Telle est toujours l'intention de tout gouvernement, sauf qu'il appartient aux législateurs et aux tribunaux de déterminer si les projets de loi sont constitutionnels ou non.
    Voici où je veux en venir. En ce qui concerne la portée du Programme de contestation judiciaire, je sais que j'ai raison de croire — mais je voudrais que vous me le confirmiez — que cela va bien au-delà des projets de loi présentés au Parlement. En effet, cela va aussi au-delà des lois qui existent déjà et des lois que les gouvernements provinciaux peuvent présenter et entériner. Cela va aussi au-delà des gestes et des « non-gestes » des gouvernements provinciaux comme, à l'Île-du-Prince-Édouard, le refus de construire des écoles. Voilà effectivement une décision de ne pas agir de la part d'un gouvernement.
    Selon vous, la portée du Programme de contestation judiciaire va-t-elle effectivement bien au-delà des projets de lois qu'un gouvernement peut présenter au Parlement canadien?
    Monsieur Bélanger, je crois justement que le gouvernement fédéral n'a pas tous les pouvoirs. Certains pouvoirs viennent du provincial. Les minorités ont surtout besoin de services sociaux, de services en matière d'éducation et de santé.
    Le gouvernement fédéral a beau être le meilleur gouvernement au monde, il se peut qu'un gouvernement provincial ne respecte pas les francophones de sa province, comme c'est arrivé dans notre cas.
    Par conséquent, nous attendons du gouvernement fédéral qu'il nous aide, d'abord parce qu'il est responsable des minorités, en particulier le Sénat, et ce, grâce au Programme de contestation judiciaire. En outre, nous attendons du gouvernement qu'il tente une médiation ou une certaine correspondance, un échange de lettres, avec les gens de la province concernée.
    Je crois que le gouvernement fédéral actuel, M. Harper, tient pour acquis que tout le monde fera comme lui et fera toujours bien attention de ne pas frapper la minorité. Toutefois, c'est le contraire qui se produit. En effet, à l'Île-du-Prince-Édouard et en Alberta, il manque présentement d'écoles françaises. On n'a même pas de bancs, il n'y a rien. L'autre jour, une émission de Radio-Canada en faisait état. Ce qui se passe là-bas n'a pas de bon sens. Le gouvernement de l'Alberta en est justement responsable. Le gouvernement fédéral a la responsabilité de le lui dire et de l'aider. Si le gouvernement provincial ne répond pas, il faut au moins aider ceux qui s'opposeront à ce gouvernement.
    Qu'on ne vienne pas me dire que l'argent qu'on prend, c'est le leur; en réalité, c'est notre argent. Et l'argent qu'on dépense, c'est également notre argent. C'est insensé de dire cela, car lorsqu'on se bat contre le gouvernement central, ses représentants arrivent avec une batterie d'avocats.
(1715)

[Traduction]

    Ils n'ont pas seulement un avocat, ils sont représentés par trois, quatre ou cinq avocats devant les tribunaux, et ils ont beaucoup d'argent. Nous avions 12 avocats qui ont vraiment travaillé ensemble, et nous avons choisi M. Caza, ici présent, pour défendre notre cause. Nous n'avions pas suffisamment d'argent pour le payer, mais ce programme nous a aidés.
    Il n'y a pas d'autre cause qui nous vienne en tête. Nous sommes dans la capitale du Canada. En Ontario, nous avons la plus grande proportion de francophones à l'extérieur du Québec; la moitié de ce groupe se trouve dans la région d'Ottawa, et nous avons eu la chance d'obtenir de l'argent de ces gens — mais ce n'est pas toujours le cas il y a une cause à Penetanguishene en ce moment, et ils n'ont pas d'argent. Ils ont obtenu gain de cause devant les tribunaux, mais le gouvernement — nous parlons ici du gouvernement du Canada, et plus précisément, du ministère de l'Industrie — ne leur donne toujours pas l'argent dont ils ont besoin. Ils n'ont jamais eu un projet pour les francophones là-bas.
    Ces injustices sont parfois créées par le gouvernement fédéral, mais la plupart du temps par les gouvernements provinciaux. Nous avons besoin d'aide. C'est votre responsabilité. C'est votre rôle.
    Si quelqu'un veut réagir, veuillez le faire rapidement, parce qu'il ne nous reste que 15 minutes.
    Monsieur le président, puis-je répondre rapidement?
    Le gouvernement de Mike Harris n'a jamais cru agir illégalement ou inconstitutionnellement. En fait, si vous examinez toute la législation qui a été annulée grâce au Programme de contestation judiciaire, jamais un gouvernement n'a volontairement voulu violer les droits linguistiques. Aucun. Ils croyaient tous qu'ils agissaient légalement — mais ce n'était pas le cas, et il incombait aux tribunaux de prendre cette décision.

[Français]

    J'ajouterais, monsieur le président, que le Programme de contestation judiciaire a un impact actif, celui qui fait qu'on se présente devant les tribunaux. Cependant, il a aussi un impact incitatif, celui qui incite au respect de notre pays, car notre gouvernement a la responsabilité de respecter nos droits constitutionnels, ceux-là mêmes qu'il nous a donnés en instaurant ou en instituant la Charte.

[Traduction]

    D'abord, le simple fait de laisser entendre qu'un gouvernement n'adopte pas de loi inconstitutionnelle est absurde. Est-ce une remise en cause du caractère légitime et essentiel de la magistrature dans une démocratie? Nous sommes plutôt bouche-bée.
    Deuxièmement, si vous examinez l'importance de ce programme et de son importance potentielle pour les minorités anglophones du Canada, nous n'avons pas encore eu l'occasion — et nous espérons que ce ne sera pas le cas — de mettre à l'épreuve l'article 23 dans toute sa portée relativement à l'existence de communautés anglophones et des conseils scolaires qui les représentent. Il y a une multitude d'exemples au Canada qui démontrent que ces collectivités cesseront d'exister si leurs écoles ferment. Ce programme est important pour nous; si nous voulons exercer un recours dans de nombreuses années ou l'année prochaine.
    On ne peut séparer la Charte de ce programme si ce gouvernement estime que la Charte est, évidemment, une partie légitime de notre système juridique et politique. Son rôle est de défendre la Charte. La Charte n'existe que si on peut y recourir; le programme est donc essentiel.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Kotto — et essayez d'être bref, parce qu'il ne nous reste que dix minutes environ.

[Français]

    Mesdames et messieurs, bienvenue.
    Comme nous, vous avez constaté que le gouvernement conservateur a aboli l'Initiative canadienne sur le bénévolat. Il a modifié le Programme de promotion de la femme pour empêcher le financement de groupes de défense des droits et de groupes faisant du lobby. En outre, il a aboli le Programme de contestation judiciaire.
    De notre perspective, nous sommes dans une logique idéologique qui nous conduit dans un monde où dominerait la philosophie darwinienne, et ce, sur les plans social, culturel et économique.
    Cela ne vous inquiète-t-il pas?
    Je pose la question parce que j'ai bien peur que le gouvernement conservateur ne rétablisse pas ce programme, à moins que nous ne soyons contredits, de notre côté, par des gestes qu'il posera à l'avenir.
    Cela dit, qu'entendez-vous faire?
(1720)
    Monsieur, nous nous sommes battus pendant cinq ans dans le but de sauver une institution. De 1912 à 1947, nous avons lutté contre le Règlement 17, avant qu'il ne soit complètement retiré. Nous nous sommes également battus pour des écoles françaises de 1970 à 1979-1980.
    Les gouvernements essaient bien souvent de nous user, comme on dit, et ce, jusqu'à la fin. Je suis certaine que pendant cinq ans, le gouvernement de l'Ontario était bien convaincu que nous lâcherions prise. C'est d'ailleurs très difficile de garder le momentum, lorsque nous participons à de telles luttes. Nous allons continuer et nous prendrons les moyens que nous avons.
     J'espère que le gouvernement réfléchira et repensera à ce qu'il fait, car cela n'a pas de sens. M. Harper parle bien le français. C'est un homme qui est capable, s'il le veut, de bien nous comprendre. Alors, pourquoi aujourd'hui nous abat-il de la sorte: les femmes, les enfants, tous les plus vulnérables? J'ai beaucoup de difficulté à comprendre qu'un gouvernement qui n'est pas de droite puisse faire de telles choses.
    J'aimerais ajouter brièvement que le message envoyé aux minorités linguistiques anglophone et francophone est simple : en annulant le Programme de contestation judiciaire, il ne vaut pas la peine de continuer à faire des efforts pour vivre dans la langue de la minorité. Voilà message qui est envoyé.
    Vous vous questionnez pour savoir quel sera l'impact. Or, ce sera une augmentation de l'assimilation au Canada. C'est un impact direct qui commence dès maintenant. En effet, le gouvernement envoie à toutes les petites communautés où les gens se battent dans le but de préserver leur langue le message qu'il ne vaut plus la peine de continuer.
    Je crois qu'on ne peut pas ajouter quoi que ce soit, sauf que le premier mandat de l'école de langue française, c'est d'être un outil de renouvellement de nos communautés. L'avenir de la francophonie est intimement lié à l'accès et au succès de l'instruction en français.
    Monsieur Kotto, peut-être suis-je une éternelle optimiste, mais je ne peux pas me réconcilier avec l'idée que mon gouvernement fera en sorte que je sois anéantie. En 1755, on nous a frappés fort: on nous a déportés. Aujourd'hui, on nous délaisse. Il faut que ce soit corrigé.

[Traduction]

    Je suis d'accord avec M. Caza. Je crois que ça ne repose pas sur ce que nous allons faire. Nous allons continuer d'aller de l'avant, comme toutes les associations. Toutes les collectivités vont faire ce qu'elles peuvent pour protéger leur avenir. Mais je crois que ce qui importe, c'est le message qui ressort de tout cela, et le message aux minorités, la collectivité anglophone au Québec. Cette mesure remet en question le fondement même de ce pays, soit protéger les gens vulnérables.
    Il s'agit du tribunal de dernier recours. Il ne s'agit pas d'un tribunal auquel n'importe qui peut recourir en première instance. C'est le tribunal de la dernière chance de protéger les droits des minorités de votre collectivité.
    On nous répond simplement, dommage, vous n'aviez pas besoin de cela.
    Merci.
    Très, très brièvement, monsieur Kotto.

[Français]

    Vous avez fait allusion à l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés à bon escient. Certains qui s'opposent au rétablissement du programme font appel à l'article 15, aux droits à l'égalité, justifiant le fait que ce programme contrevient à cet article.
    Avez-vous avez un commentaire à ce sujet?
(1725)
    Pourquoi? Il y a une contradiction entre l'article 15 et l'article 23?
    Non. Enfin, c'est le point de vue de certains. Ils s'appuient sur l'article 15 pour « démoniser » le Programme de contestation judiciaire, parce qu'il n'est pas égalitaire, de leur point de vue. Ce sont des groupes qui contestent la crédibilité du programme sur cette base.
    Je peux ajouter que l'article 15 ne s'applique pas à l'article 23. Cet article vise à protéger la minorité. Il est donc évident qu'on donne des droits à la minorité dont la majorité n'a pas besoin.
    Vous n'avez pas à me convaincre, je me fais l'avocat du diable. Merci.
    La cour a également dit qu'il n'y a rien de plus inégal que de traiter également des gens qui sont différents.
    Voilà la réponse.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Julian.
    Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui. Vous avez été très éloquents. J'aimerais simplement que la moitié des conservateurs de ce comité qui sont absents aujourd'hui soient présents, parce que je suis certain qu'ils auraient appris quelque chose de vos témoignages aujourd'hui.
    Je m'adresse d'abord à M. Tabachnick et à M. Bimbaum, parce que vous parlez réellement du choix qui s'offre aux parents. Je crois que M. Rollason en a parlé plus tôt, des parents qui se retrouvent dans un dilemme, parce que le gouvernement refuse de leur donner le choix et les droits qu'ils doivent avoir pour leurs enfants. Essentiellement, en éliminant ce programme, le gouvernement a enlevé aux parents l'occasion de lutter pour ces choix pour leurs enfants.
    Mon évaluation est-elle valide, que cette mesure enlève aux parents l'occasion de choisir ce qui convient le mieux pour leurs enfants en faisant valoir leurs droits et en renforçant leurs droits?
    Je suis d'accord avec vous.
    Je ne sais pas combien d'entre vous ont déjà essayé de fermer une école dans un quartier. Moi, j'ai une grande expérience de ce genre de situation. Les parents et les collectivités font tout pour essayer de sauver leur école. Ils exercent des recours contre le gouvernement, en l'occurrence contre la commission scolaire, ils vont devant les tribunaux et ils s'en servent — croyez-moi, je peux en témoigner.
    Cependant il faut dire, si l'on prend du recul, que cette possibilité n'est pas disponible à l'ensemble de la collectivité, qui en subit pourtant les conséquences. Il n'est pas acceptable qu'un niveau de gouvernement ne puisse être interrogé sur un programme qu'il a décidé d'imposer dans une loi. Pour que notre action soit la meilleure pour tout le monde, il faut que nous puissions nous contester nous-mêmes.

[Français]

    Merci de ce témoignage.
    J'aimerais maintenant revenir à la question que Mme St-Amand, Mme Lalonde et M. Caza soulèvent au sujet des groupes francophones.
    Les francophones paient des impôts et financent le gouvernement fédéral. Celui-ci peut donc utiliser ces ressources pour écraser ces minorités, s'il le veut bien, et il semble que ce soit la voie qu'il veuille emprunter. Les minorités francophones n'auront pas la chance de contrer cet écrasement de leurs droits, parce qu'ils n'auront pas de ressources pour ce faire.
    Pensez-vous que cette décision du gouvernement conservateur se fait vraiment au détriment des communautés francophones et de l'autre minorité linguistique, la communauté anglophone du Québec?
    Lorsque nous voulons amasser de l'argent pour n'importe quoi — par exemple, je suis actuellement coprésidente de la fondation de l'hôpital —, c'est très difficile pour les francophones parce que nous n'avons pas de grandes corporations en dehors du Québec. Au Québec, on dit toujours qu'il y a l'hôpital Sainte-Justine, d'autres grands hôpitaux et le reste.
    Cependant, nous, ici, au regard des anglophones, faisons face à une farouche opposition. Par exemple, il y a les grands hôpitaux comme le Ottawa Hospital et son Civic Campus, le University of Ottawa Heart Institute et le Children's Hospital of Eastern Ontario. Et l'hôpital Montfort est un petit hôpital francophone qui essaie d'obtenir de l'argent. C'est très difficile.
    N'ayant pas les mêmes sources de financement, ce n'est certes pas facile. Nous sommes même allés partout au Canada pour venir à bout de nous en sortir un peu. Cela n'a pas de sens. Il est impensable qu'un groupe minoritaire puisse venir à bout de lutter contre un gouvernement fort comme le gouvernement de l'Ontario, de l'Alberta ou d'ailleurs.
    J'aimerais qu'on se départisse de cette idée qu'on parle pour défendre un programme qui n'est cher qu'aux minorités. Il y a quelques années, au Québec, un sondage posait cette question: la minorité anglophone linguistique devrait-elle avoir accès aux services essentiels de santé dans sa langue?
    Une vaste majorité de Québécois, peu importe leur langue, ont dit oui. Je trouve très important qu'on souligne le fait qu'on parle d'un programme qui est cher aux Canadiens et Canadiennes, peu importe qu'ils soient ou non membres de la majorité.
(1730)

[Traduction]

    Et deuxièmement, je pense que les groupes ici présents souhaiteront que l'on fasse figurer au compte rendu le manque de participation des députés du parti ministériel aux délibérations d'aujourd'hui, que je signale d'un point de vue non partisan.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Fast.
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, je vous remercie tous de votre présence.
    Je remarque qu'il semble y avoir deux attitudes parmi vous. Vous vous portez tous à la défense des minorités linguistiques au Canada, mais certains d'entre vous adoptent manifestement une attitude partisane; c'est du moins le cas du premier intervenant.
    Je remarque également, madame St-Amand et monsieur Tabachnick, que vous avez fait tous les deux référence au fait qu'il s'agissait d'une question non partisane, comme l'a fait M. Birnbaum. J'apprécie beaucoup cette remarque, car il ne s'agit pas d'une question qui devrait opposer les partis les uns aux autres. Il doit s'agir d'une question de choix politique dont on peut débattre.
    Savez-vous si des minorités linguistiques ont déjà cherché à faire valoir leurs droits devant les tribunaux sans obtenir de financement du Programme de contestation judiciaire? Y a-t-il des organismes de défense des droits de la minorité linguistique qui l'aient fait sans obtenir de fonds publics?
    Nous sommes une association qui défend ce droit, mais nous n'avons pas les moyens de nous présenter devant la plus haute cour du pays, pour obtenir une décision définitive sur l'applicabilité d'une loi.
    Mais j'aimerais savoir si quelqu'un a déjà réussi à saisir la justice en payant de sa poche. Cette question me semble légitime.
    Et cela s'est déjà produit.
    Monsieur Caza.
    Il faut que je vous dise que c'est extrêmement rare. Pour vous donner un exemple possible, mettons qu'un syndicat soit un intervenant dans un dossier, peut-être aura-t-il à ce moment-là les moyens financiers suffisants pour aller devant les tribunaux. Ce n'est qu'un exemple.
    Par contre, si vous regardez toute la jurisprudence — et lorsque nous allons devant les tribunaux, nous consultons toujours cette jurisprudence — on ne peut voir à ma connaissance aucun cas d'intervention de ce genre de la part du Programme de contestation judiciaire. Dans certains cas, il a fallu que les gens aillent plus loin que cela.
    Il faudrait donc que j'y réfléchisse un peu, mais à ma connaissance...
    Et l'affaire Quigley monsieur Caza, dans laquelle vous êtes intervenu je crois? Je pense que M. Bélanger connaît bien cette affaire également. Il s'agissait je crois d'un anglophone qui avait demandé l'aide du Programme de contestation judiciaire mais qui n'avait pas eu gain de cause. Mais même sans l'aide financière du programme, il a néanmoins été devant les tribunaux grâce à l'aide d'autres personnes.
    Est-ce que je me trompe?
    Je peux me tromper — il faudrait que je consulte l'arrêt Quigley — mais je pense que l'avocat qui défendait M. Quigley était le fils de celui-ci. Je peux me tromper, mais je pense que c'est bien lui qui a défendu le dossier.
    Il y avait des questions d'honoraires, mais encore une fois, il faudrait que je vérifie ce qui s'est passé au bout du compte.
    Si je me souviens bien, monsieur Caza, les honoraires d'avocats représentaient plus de 100 000 $, et ils avaient en l'occurrence été payés par plusieurs personnes. Il est donc possible...
    Je dois vous dire que s'il y a quelqu'un qui est prêt à y aller de sa poche lui-même peu importe la raison, et si ce quelqu'un a suffisamment d'argent pour le faire, à ce moment-là il a effectivement la possibilité d'aller devant les tribunaux. C'est précisément cela que nous vous disions.
    Une voix: Non.
    Me Ronald Caza: Mais si.
    Il ne faut pas que seul des gens fortunés puissent aller devant les tribunaux. Pour l'essentiel, les gens qui s'adressaient au Programme de contestation judiciaire étaient soit des représentants d'organismes, soit des particuliers qui n'avaient pas eux-mêmes les moyens financiers nécessaires pour aller devant les tribunaux. C'est pour cela que ces gens sollicitaient le programme. S'ils avaient eu de l'argent — et certaines personnes ont de l'argent, certaines personnes ont les moyens de saisir les tribunaux d'une contestation concernant les droits linguistiques — à ce moment-là, ils ont effectivement accès aux tribunaux mais le fait est que la plupart des gens, et la plupart de ceux qui se sont ainsi adressé aux tribunaux n'ont pas les moyens financiers de le faire et c'est précisément pour cette raison qu'ils se tournent vers le Programme de contestation judiciaire.
    En terminant, une brève question. Ce sera sans doute une question plus encourageante et positive.
    En contrepartie d'un programme général pour la défense des droits linguistiques des minorités et en même temps des droits à l'égalité, ou d'autres droits conférés par la Charte, notre gouvernement pourrait peut-être songer à un plan qui mettrait l'accent sur les droits linguistiques des minorités spécifiquement. Est-ce une mesure qui vous sourirait?
(1735)
    Tout à fait avec la réserve suivante. Comme toute loi adoptée par le gouvernement, il faudrait que les tribunaux puissent intervenir et qu'il y ait accès total à ces tribunaux. Sans cela, il nous serait impossible d'y trouver une pleine valeur, quelle que soit la qualité de sa rédaction.
    J'ai compris. J'ai supposé que ce serait le cas.
    Que votre réponse soit très brève.
    Puis-je répondre?
    Il nous accuse d'être quelque peu partisans. Je vous dirais qu'autrefois j'étais conservatrice et je me suis même présentée pour le Parti conservateur dans la circonscription d'Ottawa-Vanier.
    Nous avons connu de mauvaises expériences: à deux reprises cela a été supprimé au niveau fédéral, et les deux fois par un gouvernement conservateur.
    Monsieur le président, je...
    Excusez-moi mais je tiens à vous répondre. Vous m'avez accusée et je voudrais rétorquer.
    Je souhaiterais que Mme St-Amand réponde à cette question.
    Voici ce que je vous répondrai. Toute loi au programme qui m'aiderait moi et la communauté que je représente à défendre nos droits linguistiques serait accueillie avec enthousiasme. Toutefois, je ne peux pas dire que je ne souhaite pas que les droits des autres groupes soient respectés également. Grâce à ce programme, nous pouvions aider les femmes et d'autres groupes à apprendre l'alphabet, et je souhaiterais que tous ces groupes soient défendus par la disposition de la Charte — vraiment — même si aujourd'hui je suis ici pour défendre les droits linguistiques.
    Nous aurions tous été reconnaissants que ce processus existe depuis le début — qu'on nous est donné l'énoncé du problème et qu'on nous donne l'occasion de réagir — plutôt que de devoir lutter à contre-courant.
    Merci beaucoup à nos témoins.
    Monsieur Bélanger.
    Monsieur le président, je pense que c'est notre dernière séance avant l'ajournement de la saison des fêtes. Au nom de mes collègues, je vous souhaite à vous et à tous nos collègues, à nos témoins, et à tous nos auditeurs,

[Français]

un joyeux Noël et une très bonne année.

[Traduction]

    Je suis impatient de reprendre cette discussion au cours de la nouvelle année.
    Formidable. Merci beaucoup. Vous m'avez enlevé les mots de la bouche. Vous m'avez coupé l'herbe sous les pieds.
    Je m'excuse.
    C'est vous le président, et vous m'avez laissé faire.
    Je suis président et vous êtes vice-président, et le vice-président m'a coupé l'herbe sous les pieds.
    Joyeux Noël à tous.
    Merci.
    La séance est levée.